Qu’elle soit entendue comme état de désordre social ou qu’elle soit pensée comme ordre social san... more Qu’elle soit entendue comme état de désordre social ou qu’elle soit pensée comme ordre social sans État, l’anarchie reste difficilement appréhendée par les juristes autrement que par l’exclusion. Droit et anarchie seraient incompatibles, car le droit impliquerait nécessairement l’autorité (dont l’État moderne constitue la forme ultime, par la monopolisation du pouvoir de contrainte) que l’anarchie supprime. Aussi, l’étude de l’anarchie n’aurait plus grand chose à révéler au juriste, et sa marginalisation intellectuelle ne devrait pas surprendre. Pourtant, est-il vraiment satisfaisant de cantonner la question de l’anarchie à l’histoire des idées politiques, alors que l’enjeu du débat touche les fondements mêmes de l’ordre juridique ? C’est cette question complexe des rapports entre le droit et l’anarchie que cet ouvrage – qui regroupe les actes d’une journée d’étude organisée par l’Institut d’études de droit public de la faculté Jean Monnet de l’Université Paris Sud – se propose d’investir à nouveau.
Le droit américain des archives reste assez mal connu des professionnels français, de sorte qu’on... more Le droit américain des archives reste assez mal connu des professionnels français, de sorte qu’on se l’imagine volontiers comme un « autre modèle ». Aussi, après avoir rappelé qu’il ne faut pas surestimer la spécificité de ce droit, le présent article s’attache à montrer l’intérêt que son étude peut avoir pour le lecteur français, en particulier du fait des réflexions qu’il ouvre en matière d’accès aux archives publiques.
La thèse de doctorat que j'ai soutenue le 30 septembre 2014 a pour titre : Les prestations publiq... more La thèse de doctorat que j'ai soutenue le 30 septembre 2014 a pour titre : Les prestations publiques en faveur de la protection du patrimoine culturel.
Dans cette thèse dirigée par Monsieur Jérôme Fromageau, puis par Monsieur le professeur Laurent Fonbaustier, j'ai pris le parti méthodologique de ramener l'action de l'État en faveur de « la protection du patrimoine culturel » à une simple succession de « prestations ». J'entendais me mettre ainsi en capacité d'embrasser d'un seul et même geste l'ensemble des interventions de l'État en ce domaine, indépendamment des formes que celles-ci revêtent (édiction d'une réglementation ou fourniture de services matériels). Ce faisant, l'enjeu de la recherche était alors de parvenir à déterminer « pourquoi » l'État agit en matière de patrimoine culturel, et plus précisément « pourquoi » il agit d'une certaine façon plutôt que d'une autre. Ce type d'interrogation fonctionnelle, auquel les juristes sont généralement peu enclins, présente un avantage : il permet de placer au cœur de l'analyse les manières particulières dont les catégories propres du droit ont pu contribuer à produire – bien plus qu'à décrire – les choix de protection du patrimoine culturel.
L'exercice s'est révélé fructueux : l'observation diachronique, depuis la Révolution, des « prestations publiques » en faveur de la protection du patrimoine culturel a permis de faire apparaître qu'à plusieurs reprises, ces prestations ont pu, le plus sérieusement du monde, trouver leur source à l'extérieur de l'État, précisément dans un droit collectif au sens très général de droit de la collectivité. Je précise que cette expression de « droit de la collectivité » ne désigne pas, dans mon travail, un « type » de droit unique doté d'un sens vrai que je serais parvenu à révéler, mais entend simplement renvoyer à titre général à plusieurs figures développées dans les documents d'archives de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle qui, toutes, ont en commun de concerner une multitude non étatique : « droit de la nation », du « public », de « tous » ou encore de la « société ». Je crois ainsi parvenir à établir qu'en matière patrimoniale, on voit à l’œuvre non pas seulement un processus d'étatisation progressive (qui n'a, en soi, rien de bien original), mais plus fondamentalement un renversement complexe du rapport de l'État à la collectivité, en ce sens qu'au cours des XIXe et XXe siècles celui-ci se libère de celle-là, et ce, à grand renfort de reconceptualisations de la doctrine juridique. Dans ces conditions, il apparaît que ce n'est finalement que très tardivement, quelque part durant l'entre-deux-guerres, après l'échec des théories du droit social, que se structure intellectuellement et pratiquement l'organisation des prestations publiques en faveur de la protection du patrimoine culturel telle qu'on la connaît aujourd'hui : une organisation qui repose, premièrement, sur un régime de police, pensé autour de l'antagonisme entre une puissance qui contraint, au nom de l'intérêt général, et des sujets qui se soumettent, au risque de leurs droits fondamentaux ; deuxièmement et de manière subsidiaire, sur la gestion d'activités de service public destinées à délivrer certaines prestations qui risqueraient ne pas être délivrées par ailleurs. C'est donc bien un équilibre proprement juridique – un équilibre entre la « vie publique » et la « vie privée », pour reprendre une distinction de Hauriou – que l'on voit se constituer et qui perdure encore aujourd'hui.
Que le droit de la possession se rapporte à celui de la propriété, cela tient en premier lieu au ... more Que le droit de la possession se rapporte à celui de la propriété, cela tient en premier lieu au mécanisme de la prescription acquisitive, ou de l’usucapion, par lequel la possession continue d’une chose corporelle, lorsqu’elle est de bonne foi, emporte l’acquisition d’un droit de propriété sur celle-ci. Pour autant la possession constitue une situation de fait, dont le statut juridique a soulevé jusqu’aujourd’hui de nombreuses controverses doctrinales. En revenant sur l’interprétation que Savigny, fondateur de l’école historique du droit et pionnier de l’enseignement juridique dans l’Allemagne de la première moitié du XIXe siècle, a proposé du droit romain de la possession — c’est-à-dire non seulement de l’usucapio mais des interdits possessoires — je proposerai un exercice de généalogie juridique, qui se donnera trois buts. D’abord, je montrerai la mesure dans laquelle l’interprétation savante de Savigny conduit à refuser d’assimiler la possession à un signe, à une modification, à une expression ou à une division de la propriété, pour la regarder comme un simple fait, dont la protection juridique s'établit exclusivement sur le fondement d'un droit personnel. De là, j’examinerai les enjeux contemporains de cette théorie, tant pour l’actualité juridique — marquée par le projet de supprimer les dispositions du code civil relative aux actions possessoires — que pour les sciences sociales, tentées d’enrôler la possession dans la défense d’un « autre mode de posséder » qui serait propre à l’expérience prémoderne d’un faisceau de dominia, irréductible au modèle de la propriété pleine et absolue portée par le code civil. Je proposerai plutôt d’analyser l’aptitude de la théorie « romaniste » de la possession à rendre compte juridiquement de « l’âge de l’accès » annoncé par certains économistes, prompts à relativiser aujourd'hui l’importance que la propriété peut jouer dans la concentration contemporaine de la valeur.
Qu’elle soit entendue comme état de désordre social ou qu’elle soit pensée comme ordre social san... more Qu’elle soit entendue comme état de désordre social ou qu’elle soit pensée comme ordre social sans État, l’anarchie reste difficilement appréhendée par les juristes autrement que par l’exclusion. Droit et anarchie seraient incompatibles, car le droit impliquerait nécessairement l’autorité (dont l’État moderne constitue la forme ultime, par la monopolisation du pouvoir de contrainte) que l’anarchie supprime. Aussi, l’étude de l’anarchie n’aurait plus grand chose à révéler au juriste, et sa marginalisation intellectuelle ne devrait pas surprendre. Pourtant, est-il vraiment satisfaisant de cantonner la question de l’anarchie à l’histoire des idées politiques, alors que l’enjeu du débat touche les fondements mêmes de l’ordre juridique ? C’est cette question complexe des rapports entre le droit et l’anarchie que cet ouvrage – qui regroupe les actes d’une journée d’étude organisée par l’Institut d’études de droit public de la faculté Jean Monnet de l’Université Paris Sud – se propose d’investir à nouveau.
Le droit américain des archives reste assez mal connu des professionnels français, de sorte qu’on... more Le droit américain des archives reste assez mal connu des professionnels français, de sorte qu’on se l’imagine volontiers comme un « autre modèle ». Aussi, après avoir rappelé qu’il ne faut pas surestimer la spécificité de ce droit, le présent article s’attache à montrer l’intérêt que son étude peut avoir pour le lecteur français, en particulier du fait des réflexions qu’il ouvre en matière d’accès aux archives publiques.
La thèse de doctorat que j'ai soutenue le 30 septembre 2014 a pour titre : Les prestations publiq... more La thèse de doctorat que j'ai soutenue le 30 septembre 2014 a pour titre : Les prestations publiques en faveur de la protection du patrimoine culturel.
Dans cette thèse dirigée par Monsieur Jérôme Fromageau, puis par Monsieur le professeur Laurent Fonbaustier, j'ai pris le parti méthodologique de ramener l'action de l'État en faveur de « la protection du patrimoine culturel » à une simple succession de « prestations ». J'entendais me mettre ainsi en capacité d'embrasser d'un seul et même geste l'ensemble des interventions de l'État en ce domaine, indépendamment des formes que celles-ci revêtent (édiction d'une réglementation ou fourniture de services matériels). Ce faisant, l'enjeu de la recherche était alors de parvenir à déterminer « pourquoi » l'État agit en matière de patrimoine culturel, et plus précisément « pourquoi » il agit d'une certaine façon plutôt que d'une autre. Ce type d'interrogation fonctionnelle, auquel les juristes sont généralement peu enclins, présente un avantage : il permet de placer au cœur de l'analyse les manières particulières dont les catégories propres du droit ont pu contribuer à produire – bien plus qu'à décrire – les choix de protection du patrimoine culturel.
L'exercice s'est révélé fructueux : l'observation diachronique, depuis la Révolution, des « prestations publiques » en faveur de la protection du patrimoine culturel a permis de faire apparaître qu'à plusieurs reprises, ces prestations ont pu, le plus sérieusement du monde, trouver leur source à l'extérieur de l'État, précisément dans un droit collectif au sens très général de droit de la collectivité. Je précise que cette expression de « droit de la collectivité » ne désigne pas, dans mon travail, un « type » de droit unique doté d'un sens vrai que je serais parvenu à révéler, mais entend simplement renvoyer à titre général à plusieurs figures développées dans les documents d'archives de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle qui, toutes, ont en commun de concerner une multitude non étatique : « droit de la nation », du « public », de « tous » ou encore de la « société ». Je crois ainsi parvenir à établir qu'en matière patrimoniale, on voit à l’œuvre non pas seulement un processus d'étatisation progressive (qui n'a, en soi, rien de bien original), mais plus fondamentalement un renversement complexe du rapport de l'État à la collectivité, en ce sens qu'au cours des XIXe et XXe siècles celui-ci se libère de celle-là, et ce, à grand renfort de reconceptualisations de la doctrine juridique. Dans ces conditions, il apparaît que ce n'est finalement que très tardivement, quelque part durant l'entre-deux-guerres, après l'échec des théories du droit social, que se structure intellectuellement et pratiquement l'organisation des prestations publiques en faveur de la protection du patrimoine culturel telle qu'on la connaît aujourd'hui : une organisation qui repose, premièrement, sur un régime de police, pensé autour de l'antagonisme entre une puissance qui contraint, au nom de l'intérêt général, et des sujets qui se soumettent, au risque de leurs droits fondamentaux ; deuxièmement et de manière subsidiaire, sur la gestion d'activités de service public destinées à délivrer certaines prestations qui risqueraient ne pas être délivrées par ailleurs. C'est donc bien un équilibre proprement juridique – un équilibre entre la « vie publique » et la « vie privée », pour reprendre une distinction de Hauriou – que l'on voit se constituer et qui perdure encore aujourd'hui.
Que le droit de la possession se rapporte à celui de la propriété, cela tient en premier lieu au ... more Que le droit de la possession se rapporte à celui de la propriété, cela tient en premier lieu au mécanisme de la prescription acquisitive, ou de l’usucapion, par lequel la possession continue d’une chose corporelle, lorsqu’elle est de bonne foi, emporte l’acquisition d’un droit de propriété sur celle-ci. Pour autant la possession constitue une situation de fait, dont le statut juridique a soulevé jusqu’aujourd’hui de nombreuses controverses doctrinales. En revenant sur l’interprétation que Savigny, fondateur de l’école historique du droit et pionnier de l’enseignement juridique dans l’Allemagne de la première moitié du XIXe siècle, a proposé du droit romain de la possession — c’est-à-dire non seulement de l’usucapio mais des interdits possessoires — je proposerai un exercice de généalogie juridique, qui se donnera trois buts. D’abord, je montrerai la mesure dans laquelle l’interprétation savante de Savigny conduit à refuser d’assimiler la possession à un signe, à une modification, à une expression ou à une division de la propriété, pour la regarder comme un simple fait, dont la protection juridique s'établit exclusivement sur le fondement d'un droit personnel. De là, j’examinerai les enjeux contemporains de cette théorie, tant pour l’actualité juridique — marquée par le projet de supprimer les dispositions du code civil relative aux actions possessoires — que pour les sciences sociales, tentées d’enrôler la possession dans la défense d’un « autre mode de posséder » qui serait propre à l’expérience prémoderne d’un faisceau de dominia, irréductible au modèle de la propriété pleine et absolue portée par le code civil. Je proposerai plutôt d’analyser l’aptitude de la théorie « romaniste » de la possession à rendre compte juridiquement de « l’âge de l’accès » annoncé par certains économistes, prompts à relativiser aujourd'hui l’importance que la propriété peut jouer dans la concentration contemporaine de la valeur.
Uploads
Books by Noé Wagener
Papers by Noé Wagener
PHD by Noé Wagener
Dans cette thèse dirigée par Monsieur Jérôme Fromageau, puis par Monsieur le professeur Laurent Fonbaustier, j'ai pris le parti méthodologique de ramener l'action de l'État en faveur de « la protection du patrimoine culturel » à une simple succession de « prestations ». J'entendais me mettre ainsi en capacité d'embrasser d'un seul et même geste l'ensemble des interventions de l'État en ce domaine, indépendamment des formes que celles-ci revêtent (édiction d'une réglementation ou fourniture de services matériels). Ce faisant, l'enjeu de la recherche était alors de parvenir à déterminer « pourquoi » l'État agit en matière de patrimoine culturel, et plus précisément « pourquoi » il agit d'une certaine façon plutôt que d'une autre. Ce type d'interrogation fonctionnelle, auquel les juristes sont généralement peu enclins, présente un avantage : il permet de placer au cœur de l'analyse les manières particulières dont les catégories propres du droit ont pu contribuer à produire – bien plus qu'à décrire – les choix de protection du patrimoine culturel.
L'exercice s'est révélé fructueux : l'observation diachronique, depuis la Révolution, des « prestations publiques » en faveur de la protection du patrimoine culturel a permis de faire apparaître qu'à plusieurs reprises, ces prestations ont pu, le plus sérieusement du monde, trouver leur source à l'extérieur de l'État, précisément dans un droit collectif au sens très général de droit de la collectivité. Je précise que cette expression de « droit de la collectivité » ne désigne pas, dans mon travail, un « type » de droit unique doté d'un sens vrai que je serais parvenu à révéler, mais entend simplement renvoyer à titre général à plusieurs figures développées dans les documents d'archives de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle qui, toutes, ont en commun de concerner une multitude non étatique : « droit de la nation », du « public », de « tous » ou encore de la « société ». Je crois ainsi parvenir à établir qu'en matière patrimoniale, on voit à l’œuvre non pas seulement un processus d'étatisation progressive (qui n'a, en soi, rien de bien original), mais plus fondamentalement un renversement complexe du rapport de l'État à la collectivité, en ce sens qu'au cours des XIXe et XXe siècles celui-ci se libère de celle-là, et ce, à grand renfort de reconceptualisations de la doctrine juridique. Dans ces conditions, il apparaît que ce n'est finalement que très tardivement, quelque part durant l'entre-deux-guerres, après l'échec des théories du droit social, que se structure intellectuellement et pratiquement l'organisation des prestations publiques en faveur de la protection du patrimoine culturel telle qu'on la connaît aujourd'hui : une organisation qui repose, premièrement, sur un régime de police, pensé autour de l'antagonisme entre une puissance qui contraint, au nom de l'intérêt général, et des sujets qui se soumettent, au risque de leurs droits fondamentaux ; deuxièmement et de manière subsidiaire, sur la gestion d'activités de service public destinées à délivrer certaines prestations qui risqueraient ne pas être délivrées par ailleurs. C'est donc bien un équilibre proprement juridique – un équilibre entre la « vie publique » et la « vie privée », pour reprendre une distinction de Hauriou – que l'on voit se constituer et qui perdure encore aujourd'hui.
Talks by Noé Wagener
Dans cette thèse dirigée par Monsieur Jérôme Fromageau, puis par Monsieur le professeur Laurent Fonbaustier, j'ai pris le parti méthodologique de ramener l'action de l'État en faveur de « la protection du patrimoine culturel » à une simple succession de « prestations ». J'entendais me mettre ainsi en capacité d'embrasser d'un seul et même geste l'ensemble des interventions de l'État en ce domaine, indépendamment des formes que celles-ci revêtent (édiction d'une réglementation ou fourniture de services matériels). Ce faisant, l'enjeu de la recherche était alors de parvenir à déterminer « pourquoi » l'État agit en matière de patrimoine culturel, et plus précisément « pourquoi » il agit d'une certaine façon plutôt que d'une autre. Ce type d'interrogation fonctionnelle, auquel les juristes sont généralement peu enclins, présente un avantage : il permet de placer au cœur de l'analyse les manières particulières dont les catégories propres du droit ont pu contribuer à produire – bien plus qu'à décrire – les choix de protection du patrimoine culturel.
L'exercice s'est révélé fructueux : l'observation diachronique, depuis la Révolution, des « prestations publiques » en faveur de la protection du patrimoine culturel a permis de faire apparaître qu'à plusieurs reprises, ces prestations ont pu, le plus sérieusement du monde, trouver leur source à l'extérieur de l'État, précisément dans un droit collectif au sens très général de droit de la collectivité. Je précise que cette expression de « droit de la collectivité » ne désigne pas, dans mon travail, un « type » de droit unique doté d'un sens vrai que je serais parvenu à révéler, mais entend simplement renvoyer à titre général à plusieurs figures développées dans les documents d'archives de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle qui, toutes, ont en commun de concerner une multitude non étatique : « droit de la nation », du « public », de « tous » ou encore de la « société ». Je crois ainsi parvenir à établir qu'en matière patrimoniale, on voit à l’œuvre non pas seulement un processus d'étatisation progressive (qui n'a, en soi, rien de bien original), mais plus fondamentalement un renversement complexe du rapport de l'État à la collectivité, en ce sens qu'au cours des XIXe et XXe siècles celui-ci se libère de celle-là, et ce, à grand renfort de reconceptualisations de la doctrine juridique. Dans ces conditions, il apparaît que ce n'est finalement que très tardivement, quelque part durant l'entre-deux-guerres, après l'échec des théories du droit social, que se structure intellectuellement et pratiquement l'organisation des prestations publiques en faveur de la protection du patrimoine culturel telle qu'on la connaît aujourd'hui : une organisation qui repose, premièrement, sur un régime de police, pensé autour de l'antagonisme entre une puissance qui contraint, au nom de l'intérêt général, et des sujets qui se soumettent, au risque de leurs droits fondamentaux ; deuxièmement et de manière subsidiaire, sur la gestion d'activités de service public destinées à délivrer certaines prestations qui risqueraient ne pas être délivrées par ailleurs. C'est donc bien un équilibre proprement juridique – un équilibre entre la « vie publique » et la « vie privée », pour reprendre une distinction de Hauriou – que l'on voit se constituer et qui perdure encore aujourd'hui.