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La sculpture byzantine
Claudia Barsanti
U
n siècle s’est écoulé depuis la publication des trois volumes du Catalogue
des sculptures grecques, romaines et byzantines des musées de Constantinople, rédigés par Gustave Mendel. Cette parution nous offre l’occasion
d’une réflexion sur la collection des pièces byzantines, qui demeure, à ce
jour encore, un repère fondamental pour ce qui concerne les études et les
recherches consacrées à la sculpture byzantine, en particulier à la sculpture
constantinopolitaine.
Le recul du temps nous permet d’apprécier à sa juste valeur cet ouvrage
admirable et, il faut le dire, pionnier dans le domaine des antiquités byzantines. Pour la première fois en effet, le catalogue de G. Mendel, qui répertorie un corpus considérable d’objets d’époque byzantine, ouvrait plusieurs
perspectives à la recherche : l’évolution de la production sculptée byzantine,
le rôle tenu dans cette évolution par la capitale et, grâce à la possibilité de
croiser les informations sur les lieux de trouvaille de certaines pièces avec les
données fournies par les sources historiques, une connaissance plus précise
de la topographie de la ville.
Les notices rédigées par G. Mendel sont toujours très détaillées et, même
si certaines ont quelque peu vieilli ou ont pu être modifiées depuis grâce
à de nouvelles trouvailles, elles continuent de nous offrir une documentation incomparable, qui ouvre toujours la voie à des investigations possibles
dans plusieurs directions différentes. Il faut en outre souligner qu’il n’est
encore de meilleure méthode, lorsqu’on veut décrire un objet sculpté, que
de s’inspirer des notices du catalogue qui restera, de l’avis des connaisseurs,
toujours un excellent modèle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le plus
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récent catalogue consacré à la sculpture byzantine figurée du musée archéologique, préparé par Nezih Fıratlı et mis à jour par une équipe parisienne
après sa mort prématurée, s’est conformé à ce modèle : il se présente en effet
comme une refonte des notices jadis consacrées aux sculptures byzantines
par G. Mendel 1 (fig. 73, cat. 48).
Le premier noyau de la collection impériale des antiquités avait été
constitué vers 1846 par Fatih Ahmed Paşa, grand maître de l’artillerie à
l’époque du sultan Abdülmecit (1839-1861). Déposé à Sainte-Irène, alors
aménagée comme musée des armes, il comprenait déjà un certain nombre
d’objets byzantins 2. Les antiquités, dont la visite était le plus souvent réservée
aux visiteurs de marque, étaient exposées dans les salles situées autour de la
cour intérieure, ainsi qu’à l’extérieur de l’édifice, ce que l’on voit clairement
sur quelques photographies anciennes 3.
À partir de 1875, l’ensemble des antiquités fut groupé dans le
Tchinili Kiosk, le pavillon exotique de style persan édifié par Mehmet II
vingt ans après la conquête de la capitale byzantine. Dès lors, la collection
se développa assez rapidement et s’accrut des objets provenant des fouilles
menées à Sidon et ailleurs par Osman Hamdi Bey, directeur des musées
impériaux de 1881 à 1910. Finalement, elle fut transférée dans le nouveau
bâtiment du musée ouvert le 13 juin 1891. Celui-ci, édifié juste en face du
Tchinili Kiosk selon un projet de l’architecte Alexandre Vallaury, fut par la
suite agrandi à plusieurs reprises entre 1902 et 1908 4.
Plus de deux cents sculptures byzantines avaient été sélectionnées pour
l’exposition. Une partie fut disposée dans la salle XXIII, la dernière au rezde-chaussée de la nouvelle aile sud du musée, autour d’une grande mosaïque
de pavement du vie siècle provenant de Jérusalem, qui représente Orphée.
Les autres, en particulier les acquisitions récentes et les marbres les plus
encombrants, furent placées à l’extérieur, dans la cour et dans les jardins
aménagés de part et d’autre du Tchinili Kiosk. La collection comprenait,
1. Nezih Fıratlı, 1990, La Sculpture byzantine figurée au Musée archéologique d’Istanbul, catalogue revu et présenté par Catherine Metzger, Annie Pralong et Jean-Pierre Sodini, coll.
« Institut français d’archéologie d’Istanbul, Bibliothèque archéologique et historique »,
Paris, Maisonneuve et Larose.
2. Albert Dumont, « Le Musée Sainte-Irène à Constantinople. Antiquités grecques, grécoromaines et byzantines », Revue archéologique, Paris, 1868, n° 2, p. 237-263, en particulier
p. 255-261.
3. Cf. Erwin A. Grosvenor, 1900, Constantinople, Boston, Little, Brown and Co., p. 474-484,
en particulier fig. a, p. 475.
4. Sur l’histoire du musée, cf. dernièrement Wendy M. K. Shaw, 2003, Possessors and Possessed (Museums, Archaeology, and the Visualization of History in the Late Ottoman Empire),
Berkeley/Los Angeles, University of California Press, p. 44-82 (avec références bibliographiques) ; Nezih Başgelen, 2010, Istanbul Archaeology Museum from Imperial Times to
the Present, Istanbul, Arkeoloji ve Sanat Yayınları.
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comme aujourd’hui, des sculptures appartenant à diverses époques et correspondant à des fonctions distinctes, architecturale, liturgique et funéraire.
On retiendra particulièrement l’ensemble de quatre-vingts chapiteaux qui
constituait, pour la première fois, un excellent échantillonnage des différents
types caractérisant soit la production en série, soit des créations plus originales, désormais au-delà de l’Antiquité, chapiteaux issus des ateliers constantinopolitains depuis la fondation de la ville jusqu’au xive siècle.
Les notices de cette collection hétérogène, rédigées par G. Mendel, auquel
O. Hamdi Bey avait confié la préparation du catalogue, ont par la suite
servi de modèle, selon une démarche suivie par presque toutes les études
dédiées à la sculpture byzantine. Qu’il suffise de rappeler, entre autres, les
volumes d’André Grabar 1, ainsi que toutes les recherches consacrées aux chapiteaux byzantins, de Rudolf Kautzsch 2 à Jean-Pierre Sodini 3, de William
Earl Betsch 4 à Théodore Zollt 5, d’Annie Pralong 6 à Joachim Kramer 7, de
Martin Dennert 8 à moi-même 9, et plusieurs autres encore.
La matière est si abondante qu’il serait évidemment impossible de la traiter
1. André Grabar, 1963, Sculptures byzantines de Constantinople IVe-Xe siècle, coll. « Bibliothèque
d’archéologie d’Istanbul », Paris, Maissonneuve ; id., 1976, Sculptures byzantines du Moyen
Âge II XIIe-XIVe siècle, coll. « Bibliothèque des Cahiers archéologiques », Paris, Picard.
2. Rudolph Kautzsch, 1936, Kapitellstudien. Beiträge zu einer Geschichte des spätantiken Kapitells im Osten vom vierten bis ins siebente Jahrhundert, Berlin/Leipzig, W. De Gruyter.
3. Jean-Pierre Sodini, « La sculpture architecturale à l’époque paléochrétienne en Illyricum »,
in Actes du 10e congrès international d’Archéologie chrétienne I, 28 septembre-4 octobre 1980,
Thessalonique, coll. « Studi di antichità cristiana », Cité du Vatican, Pontificio Istituto di
Archeologia Cristiana, 1984, p. 207-298 ; et la plus récente synthèse id., « Les commerces
des marbres dans la Méditerranée (ive-vie siècle) », in 5 Reunio d’Arqueologia cristiana hispanica, 16-19 avril 1998, Cartagena, Barcelone, Universitat de Barcelona – Institut d’Estudis
Catalans, 2000, p. 430-432.
4. William E. Betsch, 1979, The History, Production and Distribution of the Late Antique
Capital in Constantinople, Ann Arbor, University of Pennsylvania.
5. Theodore Zollt, 1994, Kapitellplastik Konstantinopels vom 4. bis 6. Jahrhundert n. Ch., coll.
« Asia Minor Studien » Bonn, Dr. Rudolph Habelt GmbH.
6. Annie Pralong, « Remarques sur les chapiteaux corinthiens tardifs en marbre Proconnèse »,
in L’Acanthe dans la sculpture monumentale de l’Antiquité à la Renaissance. Actes du colloque
tenu du 1er au 5 octobre 1990 à la Sorbonne, Paris. Paris, Publications de la Sorbonne,
1993, p. 133-146.
7. Joachim Kramer, 1968, Skulpturen mit Adlerfiguren an Bauten des 5. Jahrunderts n. Chr. in
Konstantinopel, Cologne, W. Kleikamp.
8. Martin Dennert, 1997, Mittelbyzantinische Kapitelle. Studien zu Typologie und Chronologie,
coll. « Asia Minor Studien », Bonn, Dr. Rudolph Habelt GmbH.
9. Claudia Barsanti, « L’esportazioni di marmi del Proconneso nelle regioni pontiche durante
il iv-vi secolo », Rivista dell’Istituto Nazionale d’Archeologia e Storia dell’Arte, Rome, 1989,
vol. 3, n° 12, p. 90-220 ; Jean-Pierre Sodini, Claudia Barsanti et Alessandra Guiglia Guidobaldi, « La sculpture architecturale en marbre au vie siècle à Constantinople et dans
les régions sous influence constantinopolitaine », in Acta XIII Congressus Internationalis
Archaeologiae Christianae, 25 septembre-1er octobre 1994, Split–Poreć. Cité du Vatican,
Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, 1998, p. 301-376.
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ici dans sa totalité. On a de ce fait choisi les pièces les plus représentatives et
significatives qui pourront, encore une fois, mettre clairement en évidence
les potentialités documentaires, la richesse et la variété de la collection byzantine présentée dans le catalogue de G. Mendel.
À l’exception d’une trentaine de sculptures de diverses origines – Grèce,
Asie Mineure, Moyen Orient –, la provenance constantinopolitaine de la
majorité des autres était bien établie, à défaut supposable, particulièrement
pour une vingtaine des pièces, presque toutes entrées au musée avant 1891,
dont la provenance exacte était inconnue. Les renseignements contenus dans
les archives anciennes ou transmis par les premiers catalogues étaient très
confus et surtout très fragmentaires. En feuilletant les pages du catalogue,
il ressort immédiatement que G. Mendel s’était attaché à définir le mieux
possible la provenance des objets byzantins mis au jour, pour la plupart, lors
des grands travaux de modernisation subis par la ville de Constantinople
pendant le xixe siècle 1, car ils pouvaient constituer les rares survivances documentaires de tel ou tel complexe monumental désormais disparu.
La plus grande partie des antiquités byzantines provenait en effet des
chantiers ouverts dans telle ou telle région urbaine qui, dans le passé, avait
accueilli d’importants monuments byzantins. Par exemple, lors des travaux
pour la construction (1846-1865) du complexe de l’université (Darülfünun),
sur un projet de Gaspare Fossati réalisé près de Sainte-Sophie, à l’emplacement probable de la Magnaure, on avait trouvé le fragment de la mâchoire
en bronze d’un des serpents du trépied de l’Hippodrome et, probablement
aussi, deux fragments de colonne ornés de vigne (nos 658-659). Même si une
note d’archive les disait entrés au musée à l’occasion des travaux de dégagement de Sainte-Sophie, on avait cru pouvoir contester leur provenance
constantinopolitaine. La question fut cependant réglée par G. Mendel, après
qu’il eut reconnu d’autres fragments analogues (fig. 16) parmi les marbres
trouvés pendant les fouilles du chemin de fer à la pointe du Sérail et reproduits dans l’album Broken Bits of Byzantium composé par le révérend Curtis
et sa sœur Mary Walker 2.
G. Mendel a par ailleurs maintes fois utilisé les dessins de cet album,
par exemple pour fixer la provenance du singulier chapiteau à décor mixte
(no 756), caractérisé par une moitié composite avec grandes feuilles (de palmier ?) couplée avec une moitié décorée de cornes d’abondance entrecroisées
qui encadrent un cartouche portant une inscription mentionnant le nom
de l’empereur Héraclius (fig. 17). Grâce à la brève notice qui commente le
1. Cf. Gözde Çelik, « Architectural Reflections of Political Authority During the Tanzimat
Era », Istanbuler Mitteilungen, Tübingen, 2009, n° 59, p. 431-452.
2. Cf. Claudia Barsanti, « Restes de la Reine des villes/Broken Bits of Byzantium ». Introduction à l’édition critique, Première partie, Eurasian Studies, à paraître [2012], n° 9.
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Fig. 16a. Tambour d’une colonne sculptée, Mendel 658/b. Fragments
trouvés à la pointe du Sérail, d’après Broken Bits of Byzantium, I, fig. 15-17
Fig. 17a. Chapiteau au nom de l’empereur Héraclius, Mendel
755/b. Chapiteau trouvé dans l’enceinte du Séraskérat,
d’après Broken Bits of Byzantium, I, fig. 37-38.
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dessin du chapiteau exécuté en 1869 par le révérend Curtis, on apprend qu’il
se trouvait à l’époque parmi les restes de sépultures « in the area now known
as the ground of the Seraskierat ». Il est donc clair que le chapiteau avait
été trouvé lors des travaux pour la construction du ministère de la Guerre
(Seraskierat), aujourd’hui université d’Istanbul, édifié entre 1866 et 1869 à
proximité de l’emplacement du forum Tauri, le forum de Théodose.
Plusieurs dessins de l’album Broken Bits reproduisent aussi des antiquités
mises au jour lors du creusement de la vaste tranchée pour la ligne des chemins de fer orientaux le long du rivage de la Marmara, travaux commencés
en 1871. Parmi les victimes les plus illustres de ces travaux qui provoquèrent
un véritable massacre archéologique se trouvaient des vestiges du complexe
palatial du Boukoléon, rasés en 1871, d’où provient la paire bien connue de
lions assis (nos 142-143). Ces lions, qui avaient jusqu’alors attiré la curiosité
de plus d’un visiteur, avaient été d’abord déposés à l’extérieur de SainteIrène, puis avaient orné le grand escalier d’accès à l’École des beaux-arts
(l’actuel musée de l’Orient ancien), avant d’être exposés là où ils se trouvent
encore aujourd’hui, au pied de l’escalier allant à l’étage de l’aile nord du
musée 1 (fig. 18).
Fig. 17b. Les lions du Boukoléon, Mendel 142-143
1. Cf. Claudia Barsanti, « Un inedito disegno delle rovine del complesso costantinopolitano
del Boukoléon », in Forme e storia. Scritti di arte medievale e moderna per Francesco Gandolfo, Rome, Artemide, 2011, p. 45-58.
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Toujours le long de la muraille maritime, mais des alentours du Yali
Kiosk, proviennent en revanche plusieurs chapiteaux, la plupart corinthiens et composites avec acanthe finement dentelée, qui appartiennent à
différents types des plus répandus produits à Constantinople pendant les
ve et vie siècles. Avec plusieurs autres exemplaires entrés au musée, ils ont
été répertoriés dans la première classification des chapiteaux corinthiens
constantinopolitains établie par Rudolph Kautsch, qui hiérarchise en huit
catégories les critères de mutation caractérisant leur évolution structurale
pendant les ive-vie siècles.
Sur quelques-uns de ces chapiteaux, comme d’ailleurs sur telle ou telle
autre sculpture du musée, sont gravées des lettres identifiables comme
des marques de tâcheron, que G. Mendel a reproduites en fac-similé dans
les notices de son catalogue. Il s’agit là d’un détail dont G. Mendel avait
bien entrevu et compris la valeur documentaire, stimulé qu’il était par les
recherches de Josef Strzygowski et Karl Wulzinger à Constantinople. Ces
derniers avaient en effet répertorié de nombreuses marques de ce genre, un
détail qui, dès lors, s’est révélé de plus en plus important pour les recherches
centrées sur l’organisation du travail dans les ateliers de Proconnèse et autres
carrières actives pendant les ive-vie siècles 1. Il suffira de citer un exemple : le
chapiteau corinthien (no 1214 ; fig. 19) sur lequel sont gravées par deux fois
les mêmes lettres en ligature que G. Mendel a retrouvées sur un chapiteau de
la citerne 12, et aussi sur l’une des bases de colonne remployée dans la façade
de Kilise Camii. Des marques furent aussi relevées sur le bandeau inférieur
du fût de la singulière colonne en marbre de Karystos sculptée en forme de
tronc de palmier (no 1247 ; fig. 20a-c), probablement trouvée lors des grands
travaux de réorganisation urbaine dans la région d’Aksaray dévastée par les
incendies de 1856 et 1865. Depuis son entrée au musée en 1888, la colonne,
haute de plus de 5 m, a été dressée dans la cour, là où elle se trouve encore
aujourd’hui.
1. Cf. Jean-Pierre Sodini, « Marques de tâcherons inédites à Istanbul et en Grèce », in
Xavier Barral y Altet (dir.), Artistes, artisans et production artistique au Moyen Âge, II,
Commande et travail. Colloque international, 2-6 mai 1983, Rennes. Paris, Picard,
1987, p. 503-518 ; Andrea Paribeni, « Le sigle dei marmorari e l’organizzazione del cantiere » in Alessandra Guiglia Guidobaldi et Claudia Barsanti (dir.), 2004, Santa Sofia di
Costantinopoli. L’arredo marmoreo della Grande Chiesa giustinianea, coll. « Studi di Antichità Cristiana », Cité du Vatican, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, p. 653734.
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Fig. 19. Chapiteau corinthien, Mendel 1214
Fig. 20a-c. Colonne en tronc de palmier, Mendel 1247
La datation attribuée par G. Mendel aux objets byzantins se fonde la
plupart du temps sur le style, avec une argumentation toujours bien documentée. Elle prend en compte, d’une façon très pertinente, l’aspect d’une
sculpture, se basant soit sur le modelé, comme dans le cas du buste d’évangéliste (no 661 ; fig. 21) daté du ve siècle, qui était à son avis déjà « teinté de
byzantinisme », soit selon un point de vue plutôt esthétique, comme dans le
cas du remarquable chapiteau à décor mixte de Mudanya (no 748 ; fig. 22),
qui pourrait bien « passer pour l’un des chefs-d’œuvre de la sculpture décorative » du vie siècle.
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Fig. 21. Médaillon décoré d’un buste
d’évangéliste, Mendel 661
Fig. 22. Chapiteau à décoration figurée, Mendel 748
Parmi les objets répertoriés par G. Mendel, il en est qui pourraient,
comme on a dit, mériter un approfondissement. C’est ainsi, crois-je, qu’il
vaudrait la peine de vérifier si les reliefs figurés extraits des murailles, soit
terrestres, soit maritimes, dans lesquelles ils avaient été remployés au voisinage immédiat d’une porte ou d’un passage, pourraient avoir eu quelque
valeur prophylactique, au-delà d’un caractère uniquement décoratif. C’est ce
qu’avait supposé G. Mendel pour le grand relief de la Niké (no 667 ; fig. 23)
provenant du quartier d’Ayvan Saray Kapısı, où il se trouvait encastré dans la
partie latérale d’une porte désormais murée.
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Fig. 23. Relief colossal de Niké, Mendel 667
(PAAGR II [94], pl. 38)
À côté de pièces provenant des découvertes accidentelles, la collection
byzantine pouvait aussi s’enorgueillir d’un certain nombre de sculptures
découvertes lors de recherches archéologiques, comme les fouilles conduites
en 1908 par l’institut archéologique russe à Constantinople à Imrahor
Camii, l’ancienne basilique Saint-Jean de Stoudios. Ces sculptures constituent un très important témoignage pour l’histoire pluriséculaire du monastère de Stoudios.
D’autres objets provenaient en revanche de recherches menées en Asie
Mineure, en particulier de la fouille des thermes romains d’Aphrodisias exécutée en 1904 et 1905 par Paul Gaudin. En cette occasion furent découvertes différentes statues, celle du jeune empereur Valentinien II et celles de
deux personnages en chlamyde (nos 506-507-508 ; cat. 72). G. Mendel les
considérait comme de précieux témoignages « parce qu’ils permettent pour
la première fois de nous représenter d’une manière exacte ce qu’était devenue
la sculpture de ronde bosse au ive siècle apr. J.-C. dans les ateliers d’Asie
Mineure », laissant quand même entrevoir la surprenante vitalité de l’école
d’Aphrodisias, alors encore en mesure d’interpréter, et donc de donner
forme, aux nouvelles tendances du goût.
L’exposition de la salle XXIII comprenait aussi un certain nombre de sculptures médiévales qui n’ont jamais reçu toute l’attention qu’elles mériteraient
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dans le cadre par ailleurs resserré et parfois fragmentaire de la sculpture du
Moyen Âge constantinopolitain, sauf les fragments d’arc d’arcosolium, soit
figuré, soit à décor végétal et monogrammes, la plupart d’époque paléologue 1.
Il y avait aussi des plaques et des chapiteaux, comme celui décoré de bustes de
saints militaires (no 757 ; fig. 24) qui avait été trouvé dans la terrasse du musée,
lors de l’extraction de pierres pour la construction de l’aile sud en juin 1905.
G. Mendel avait fait un rapprochement judicieux avec un exemplaire tout à
fait analogue du Musée de Cluny et avec les sculptures de Kariye Camii, en
proposant cependant, avec quelque doute, une datation au xiie siècle.
Fig. 24. Chapiteau décoré de bustes de saints, Mendel 757
Un dernier mot pour la catégorie du mobilier liturgique, splendidement
représentée par les deux ambons de Thessalonique, auxquels G. Mendel
a dédié de très riches notices : celui de la rotonde Saint-Georges (no 643),
daté entre la fin du ve et le premier quart du vie siècle, qui fait partie de
la catégorie plus rare des ambons dits « en éventail », et l’autre, de SainteSophie (no 644 ; fig. 25), assigné au vie siècle, exceptionnellement sculpté
dans un seul bloc de brèche verte de Thessalie, avec un seul escalier. On peut
enfin rappeler les sarcophages de la collection byzantine, dont le catalogue
de G. Mendel présente un remarquable échantillon produit entre les ive et
vie siècles, à savoir le fragment en porphyre, décoré d’un rinceau d’acanthe
1. Cf. Hans Belting, « Zur Skulptur aus der Zeit 1300 in Konstantinopel », Münchner Jahrbuch der bildenden Kunst, Munich, 1972, n° 23, p. 63-100.
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et de pampres (no 806), rapproché à juste titre du sarcophage romain de
Constance, l’élégante cuve en brèche verte de Thessalie (no 1174) avec son
décor symbolique très simple centré sur la croix monogrammatique, et la
cuve, d’un type plus rare, sculptée dans un marbre noir (no 1320) avec divers
motifs symboliques, végétaux et animaux.
Fig. 25. L’ambon de Sainte-Sophie de Thessalonique, Mendel 644,
dans la salle byzantine en 1982
En 1991, un siècle exactement après l’ouverture du premier Musée impérial consacré aux sarcophages, fut inaugurée la nouvelle annexe du musée
archéologique, ce qui entraîna de considérables changements dans l’exposition des objets byzantins, qui n’avait jusqu’alors subi que peu de changements, bien qu’elle ait été considérablement accrue, au point de déborder
dans la salle contiguë 1.
Au rez-de-chaussée du nouvel édifice, on a aménagé une salle consacrée aux
Neighbouring Culture of Istanbul (Thrace-Bithynia-Byzantium), tandis qu’au
premier étage était installée une exposition dédiée à la ville d’Istanbul through
the Ages, illustrée par une sélection d’objets provenant des monuments les plus
représentatifs. À côté des pièces entrées plus récemment dans le musée, on
retrouve quand même quelques sculptures de l’ancienne exposition, alors qu’il
en est de beaucoup plus nombreuses dans la salle du rez-de-chaussée 2.
1. Cf. Nezih Fıratlı, 1955, A short guide to the Byzantine works of art : in the Archaeological
museum of Istanbul, Istanbul, Matbaasi, p. 11-36 ; Necati Dolunay, 1968, An illustrated
guide to the Greek, Roman and Byzantine Architectural and Sculptural Collections in the
archaeological museum of Istanbul, Istanbul, Milli Eğitim Basımevi, p. 87-115.
2. Cf. Yıldız Akyay Meriçboyu, « Çaglarboyu Istanbul » [Istanbul Arkeoloji Müzelerindeki
Belgerle. Istanbul’un Tarihsel Gelişiminden Kesitler (The Collection of the Archaeological
Museum. A Cross Section of the Historical Development of Istanbul)], Arkeoloji ve Sanat,
1996, n° 70, p. 11-32 ; Istanbul çevre Kültürleri (Trakys-Bitinya ve Bizans) Istanbul Arkeoloji Müzeleri/Neighbouring Cultures of Istanbul (Thrakia–Bithynia and Byzantium) Istanbul
Archaeological Museum, Ankara, Müdürlük, 1999.
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En sortant du musée on retrouve, soit dans la cour, soit dans les jardins
disposés encore comme ils l’étaient à l’époque de G. Mendel, la collection
presque entière des sculptures et des chapiteaux 1. Et, à l’occasion d’une brève
halte dans le jardin aménagé sur la terrasse à gauche du Tchinili Kiosk, là où
les visiteurs sont encore aujourd’hui accueillis par les marbres de G. Mendel
éparpillés d’une façon pittoresque parmi les feuilles luxuriantes des plantes
d’acanthe (fig. 26), on aura la chance d’emporter un souvenir ineffaçable.
Fig. 26. Le jardin de la terrasse du musée
1. Cf. N. Firatlı, op. cit., p. 37-44 ; N. Dolunay, op. cit., p. 116-126.
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