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C. Barsanti, La sculpture byzantine,

Eclats d'Antiques. Sculptures et photographies. Gustave Mendel à Constantinople, Paris2013, pp. 81-93

5 La sculpture byzantine Claudia Barsanti U n siècle s’est écoulé depuis la publication des trois volumes du Catalogue des sculptures grecques, romaines et byzantines des musées de Constantinople, rédigés par Gustave Mendel. Cette parution nous offre l’occasion d’une réflexion sur la collection des pièces byzantines, qui demeure, à ce jour encore, un repère fondamental pour ce qui concerne les études et les recherches consacrées à la sculpture byzantine, en particulier à la sculpture constantinopolitaine. Le recul du temps nous permet d’apprécier à sa juste valeur cet ouvrage admirable et, il faut le dire, pionnier dans le domaine des antiquités byzantines. Pour la première fois en effet, le catalogue de G. Mendel, qui répertorie un corpus considérable d’objets d’époque byzantine, ouvrait plusieurs perspectives à la recherche : l’évolution de la production sculptée byzantine, le rôle tenu dans cette évolution par la capitale et, grâce à la possibilité de croiser les informations sur les lieux de trouvaille de certaines pièces avec les données fournies par les sources historiques, une connaissance plus précise de la topographie de la ville. Les notices rédigées par G. Mendel sont toujours très détaillées et, même si certaines ont quelque peu vieilli ou ont pu être modifiées depuis grâce à de nouvelles trouvailles, elles continuent de nous offrir une documentation incomparable, qui ouvre toujours la voie à des investigations possibles dans plusieurs directions différentes. Il faut en outre souligner qu’il n’est encore de meilleure méthode, lorsqu’on veut décrire un objet sculpté, que de s’inspirer des notices du catalogue qui restera, de l’avis des connaisseurs, toujours un excellent modèle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le plus Paquot-043-308.indd 79 25/01/13 12:08 Éclats d'antiques récent catalogue consacré à la sculpture byzantine figurée du musée archéologique, préparé par Nezih Fıratlı et mis à jour par une équipe parisienne après sa mort prématurée, s’est conformé à ce modèle : il se présente en effet comme une refonte des notices jadis consacrées aux sculptures byzantines par G. Mendel 1 (fig. 73, cat. 48). Le premier noyau de la collection impériale des antiquités avait été constitué vers 1846 par Fatih Ahmed Paşa, grand maître de l’artillerie à l’époque du sultan Abdülmecit (1839-1861). Déposé à Sainte-Irène, alors aménagée comme musée des armes, il comprenait déjà un certain nombre d’objets byzantins 2. Les antiquités, dont la visite était le plus souvent réservée aux visiteurs de marque, étaient exposées dans les salles situées autour de la cour intérieure, ainsi qu’à l’extérieur de l’édifice, ce que l’on voit clairement sur quelques photographies anciennes 3. À partir de 1875, l’ensemble des antiquités fut groupé dans le Tchinili Kiosk, le pavillon exotique de style persan édifié par Mehmet II vingt ans après la conquête de la capitale byzantine. Dès lors, la collection se développa assez rapidement et s’accrut des objets provenant des fouilles menées à Sidon et ailleurs par Osman Hamdi Bey, directeur des musées impériaux de 1881 à 1910. Finalement, elle fut transférée dans le nouveau bâtiment du musée ouvert le 13 juin 1891. Celui-ci, édifié juste en face du Tchinili Kiosk selon un projet de l’architecte Alexandre Vallaury, fut par la suite agrandi à plusieurs reprises entre 1902 et 1908 4. Plus de deux cents sculptures byzantines avaient été sélectionnées pour l’exposition. Une partie fut disposée dans la salle XXIII, la dernière au rezde-chaussée de la nouvelle aile sud du musée, autour d’une grande mosaïque de pavement du vie siècle provenant de Jérusalem, qui représente Orphée. Les autres, en particulier les acquisitions récentes et les marbres les plus encombrants, furent placées à l’extérieur, dans la cour et dans les jardins aménagés de part et d’autre du Tchinili Kiosk. La collection comprenait, 1. Nezih Fıratlı, 1990, La Sculpture byzantine figurée au Musée archéologique d’Istanbul, catalogue revu et présenté par Catherine Metzger, Annie Pralong et Jean-Pierre Sodini, coll. « Institut français d’archéologie d’Istanbul, Bibliothèque archéologique et historique », Paris, Maisonneuve et Larose. 2. Albert Dumont, « Le Musée Sainte-Irène à Constantinople. Antiquités grecques, grécoromaines et byzantines », Revue archéologique, Paris, 1868, n° 2, p. 237-263, en particulier p. 255-261. 3. Cf. Erwin A. Grosvenor, 1900, Constantinople, Boston, Little, Brown and Co., p. 474-484, en particulier fig. a, p. 475. 4. Sur l’histoire du musée, cf. dernièrement Wendy M. K. Shaw, 2003, Possessors and Possessed (Museums, Archaeology, and the Visualization of History in the Late Ottoman Empire), Berkeley/Los Angeles, University of California Press, p. 44-82 (avec références bibliographiques) ; Nezih Başgelen, 2010, Istanbul Archaeology Museum from Imperial Times to the Present, Istanbul, Arkeoloji ve Sanat Yayınları. 80 Paquot-043-308.indd 80 25/01/13 12:08 La sculpture byzantine comme aujourd’hui, des sculptures appartenant à diverses époques et correspondant à des fonctions distinctes, architecturale, liturgique et funéraire. On retiendra particulièrement l’ensemble de quatre-vingts chapiteaux qui constituait, pour la première fois, un excellent échantillonnage des différents types caractérisant soit la production en série, soit des créations plus originales, désormais au-delà de l’Antiquité, chapiteaux issus des ateliers constantinopolitains depuis la fondation de la ville jusqu’au xive siècle. Les notices de cette collection hétérogène, rédigées par G. Mendel, auquel O. Hamdi Bey avait confié la préparation du catalogue, ont par la suite servi de modèle, selon une démarche suivie par presque toutes les études dédiées à la sculpture byzantine. Qu’il suffise de rappeler, entre autres, les volumes d’André Grabar 1, ainsi que toutes les recherches consacrées aux chapiteaux byzantins, de Rudolf Kautzsch 2 à Jean-Pierre Sodini 3, de William Earl Betsch 4 à Théodore Zollt 5, d’Annie Pralong 6 à Joachim Kramer 7, de Martin Dennert 8 à moi-même 9, et plusieurs autres encore. La matière est si abondante qu’il serait évidemment impossible de la traiter 1. André Grabar, 1963, Sculptures byzantines de Constantinople IVe-Xe siècle, coll. « Bibliothèque d’archéologie d’Istanbul », Paris, Maissonneuve ; id., 1976, Sculptures byzantines du Moyen Âge II XIIe-XIVe siècle, coll. « Bibliothèque des Cahiers archéologiques », Paris, Picard. 2. Rudolph Kautzsch, 1936, Kapitellstudien. Beiträge zu einer Geschichte des spätantiken Kapitells im Osten vom vierten bis ins siebente Jahrhundert, Berlin/Leipzig, W. De Gruyter. 3. Jean-Pierre Sodini, « La sculpture architecturale à l’époque paléochrétienne en Illyricum », in Actes du 10e congrès international d’Archéologie chrétienne I, 28 septembre-4 octobre 1980, Thessalonique, coll. « Studi di antichità cristiana », Cité du Vatican, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, 1984, p. 207-298 ; et la plus récente synthèse id., « Les commerces des marbres dans la Méditerranée (ive-vie siècle) », in 5 Reunio d’Arqueologia cristiana hispanica, 16-19 avril 1998, Cartagena, Barcelone, Universitat de Barcelona – Institut d’Estudis Catalans, 2000, p. 430-432. 4. William E. Betsch, 1979, The History, Production and Distribution of the Late Antique Capital in Constantinople, Ann Arbor, University of Pennsylvania. 5. Theodore Zollt, 1994, Kapitellplastik Konstantinopels vom 4. bis 6. Jahrhundert n. Ch., coll. « Asia Minor Studien » Bonn, Dr. Rudolph Habelt GmbH. 6. Annie Pralong, « Remarques sur les chapiteaux corinthiens tardifs en marbre Proconnèse », in L’Acanthe dans la sculpture monumentale de l’Antiquité à la Renaissance. Actes du colloque tenu du 1er au 5 octobre 1990 à la Sorbonne, Paris. Paris, Publications de la Sorbonne, 1993, p. 133-146. 7. Joachim Kramer, 1968, Skulpturen mit Adlerfiguren an Bauten des 5. Jahrunderts n. Chr. in Konstantinopel, Cologne, W. Kleikamp. 8. Martin Dennert, 1997, Mittelbyzantinische Kapitelle. Studien zu Typologie und Chronologie, coll. « Asia Minor Studien », Bonn, Dr. Rudolph Habelt GmbH. 9. Claudia Barsanti, « L’esportazioni di marmi del Proconneso nelle regioni pontiche durante il iv-vi secolo », Rivista dell’Istituto Nazionale d’Archeologia e Storia dell’Arte, Rome, 1989, vol. 3, n° 12, p. 90-220 ; Jean-Pierre Sodini, Claudia Barsanti et Alessandra Guiglia Guidobaldi, « La sculpture architecturale en marbre au vie siècle à Constantinople et dans les régions sous influence constantinopolitaine », in Acta XIII Congressus Internationalis Archaeologiae Christianae, 25 septembre-1er octobre 1994, Split–Poreć. Cité du Vatican, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, 1998, p. 301-376. 81 Paquot-043-308.indd 81 25/01/13 12:08 Éclats d'antiques ici dans sa totalité. On a de ce fait choisi les pièces les plus représentatives et significatives qui pourront, encore une fois, mettre clairement en évidence les potentialités documentaires, la richesse et la variété de la collection byzantine présentée dans le catalogue de G. Mendel. À l’exception d’une trentaine de sculptures de diverses origines – Grèce, Asie Mineure, Moyen Orient –, la provenance constantinopolitaine de la majorité des autres était bien établie, à défaut supposable, particulièrement pour une vingtaine des pièces, presque toutes entrées au musée avant 1891, dont la provenance exacte était inconnue. Les renseignements contenus dans les archives anciennes ou transmis par les premiers catalogues étaient très confus et surtout très fragmentaires. En feuilletant les pages du catalogue, il ressort immédiatement que G. Mendel s’était attaché à définir le mieux possible la provenance des objets byzantins mis au jour, pour la plupart, lors des grands travaux de modernisation subis par la ville de Constantinople pendant le xixe siècle 1, car ils pouvaient constituer les rares survivances documentaires de tel ou tel complexe monumental désormais disparu. La plus grande partie des antiquités byzantines provenait en effet des chantiers ouverts dans telle ou telle région urbaine qui, dans le passé, avait accueilli d’importants monuments byzantins. Par exemple, lors des travaux pour la construction (1846-1865) du complexe de l’université (Darülfünun), sur un projet de Gaspare Fossati réalisé près de Sainte-Sophie, à l’emplacement probable de la Magnaure, on avait trouvé le fragment de la mâchoire en bronze d’un des serpents du trépied de l’Hippodrome et, probablement aussi, deux fragments de colonne ornés de vigne (nos 658-659). Même si une note d’archive les disait entrés au musée à l’occasion des travaux de dégagement de Sainte-Sophie, on avait cru pouvoir contester leur provenance constantinopolitaine. La question fut cependant réglée par G. Mendel, après qu’il eut reconnu d’autres fragments analogues (fig. 16) parmi les marbres trouvés pendant les fouilles du chemin de fer à la pointe du Sérail et reproduits dans l’album Broken Bits of Byzantium composé par le révérend Curtis et sa sœur Mary Walker 2. G. Mendel a par ailleurs maintes fois utilisé les dessins de cet album, par exemple pour fixer la provenance du singulier chapiteau à décor mixte (no 756), caractérisé par une moitié composite avec grandes feuilles (de palmier ?) couplée avec une moitié décorée de cornes d’abondance entrecroisées qui encadrent un cartouche portant une inscription mentionnant le nom de l’empereur Héraclius (fig. 17). Grâce à la brève notice qui commente le 1. Cf. Gözde Çelik, « Architectural Reflections of Political Authority During the Tanzimat Era », Istanbuler Mitteilungen, Tübingen, 2009, n° 59, p. 431-452. 2. Cf. Claudia Barsanti, « Restes de la Reine des villes/Broken Bits of Byzantium ». Introduction à l’édition critique, Première partie, Eurasian Studies, à paraître [2012], n° 9. 82 Paquot-043-308.indd 82 25/01/13 12:08 La sculpture byzantine Fig. 16a. Tambour d’une colonne sculptée, Mendel 658/b. Fragments trouvés à la pointe du Sérail, d’après Broken Bits of Byzantium, I, fig. 15-17 Fig. 17a. Chapiteau au nom de l’empereur Héraclius, Mendel 755/b. Chapiteau trouvé dans l’enceinte du Séraskérat, d’après Broken Bits of Byzantium, I, fig. 37-38. 83 Paquot-043-308.indd 83 25/01/13 12:08 Éclats d'antiques dessin du chapiteau exécuté en 1869 par le révérend Curtis, on apprend qu’il se trouvait à l’époque parmi les restes de sépultures « in the area now known as the ground of the Seraskierat ». Il est donc clair que le chapiteau avait été trouvé lors des travaux pour la construction du ministère de la Guerre (Seraskierat), aujourd’hui université d’Istanbul, édifié entre 1866 et 1869 à proximité de l’emplacement du forum Tauri, le forum de Théodose. Plusieurs dessins de l’album Broken Bits reproduisent aussi des antiquités mises au jour lors du creusement de la vaste tranchée pour la ligne des chemins de fer orientaux le long du rivage de la Marmara, travaux commencés en 1871. Parmi les victimes les plus illustres de ces travaux qui provoquèrent un véritable massacre archéologique se trouvaient des vestiges du complexe palatial du Boukoléon, rasés en 1871, d’où provient la paire bien connue de lions assis (nos 142-143). Ces lions, qui avaient jusqu’alors attiré la curiosité de plus d’un visiteur, avaient été d’abord déposés à l’extérieur de SainteIrène, puis avaient orné le grand escalier d’accès à l’École des beaux-arts (l’actuel musée de l’Orient ancien), avant d’être exposés là où ils se trouvent encore aujourd’hui, au pied de l’escalier allant à l’étage de l’aile nord du musée 1 (fig. 18). Fig. 17b. Les lions du Boukoléon, Mendel 142-143 1. Cf. Claudia Barsanti, « Un inedito disegno delle rovine del complesso costantinopolitano del Boukoléon », in Forme e storia. Scritti di arte medievale e moderna per Francesco Gandolfo, Rome, Artemide, 2011, p. 45-58. 84 Paquot-043-308.indd 84 25/01/13 12:08 La sculpture byzantine Toujours le long de la muraille maritime, mais des alentours du Yali Kiosk, proviennent en revanche plusieurs chapiteaux, la plupart corinthiens et composites avec acanthe finement dentelée, qui appartiennent à différents types des plus répandus produits à Constantinople pendant les ve et vie siècles. Avec plusieurs autres exemplaires entrés au musée, ils ont été répertoriés dans la première classification des chapiteaux corinthiens constantinopolitains établie par Rudolph Kautsch, qui hiérarchise en huit catégories les critères de mutation caractérisant leur évolution structurale pendant les ive-vie siècles. Sur quelques-uns de ces chapiteaux, comme d’ailleurs sur telle ou telle autre sculpture du musée, sont gravées des lettres identifiables comme des marques de tâcheron, que G. Mendel a reproduites en fac-similé dans les notices de son catalogue. Il s’agit là d’un détail dont G. Mendel avait bien entrevu et compris la valeur documentaire, stimulé qu’il était par les recherches de Josef Strzygowski et Karl Wulzinger à Constantinople. Ces derniers avaient en effet répertorié de nombreuses marques de ce genre, un détail qui, dès lors, s’est révélé de plus en plus important pour les recherches centrées sur l’organisation du travail dans les ateliers de Proconnèse et autres carrières actives pendant les ive-vie siècles 1. Il suffira de citer un exemple : le chapiteau corinthien (no 1214 ; fig. 19) sur lequel sont gravées par deux fois les mêmes lettres en ligature que G. Mendel a retrouvées sur un chapiteau de la citerne 12, et aussi sur l’une des bases de colonne remployée dans la façade de Kilise Camii. Des marques furent aussi relevées sur le bandeau inférieur du fût de la singulière colonne en marbre de Karystos sculptée en forme de tronc de palmier (no 1247 ; fig. 20a-c), probablement trouvée lors des grands travaux de réorganisation urbaine dans la région d’Aksaray dévastée par les incendies de 1856 et 1865. Depuis son entrée au musée en 1888, la colonne, haute de plus de 5 m, a été dressée dans la cour, là où elle se trouve encore aujourd’hui. 1. Cf. Jean-Pierre Sodini, « Marques de tâcherons inédites à Istanbul et en Grèce », in Xavier Barral y Altet (dir.), Artistes, artisans et production artistique au Moyen Âge, II, Commande et travail. Colloque international, 2-6 mai 1983, Rennes. Paris, Picard, 1987, p. 503-518 ; Andrea Paribeni, « Le sigle dei marmorari e l’organizzazione del cantiere » in Alessandra Guiglia Guidobaldi et Claudia Barsanti (dir.), 2004, Santa Sofia di Costantinopoli. L’arredo marmoreo della Grande Chiesa giustinianea, coll. « Studi di Antichità Cristiana », Cité du Vatican, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana, p. 653734. 85 Paquot-043-308.indd 85 25/01/13 12:08 Éclats d'antiques Fig. 19. Chapiteau corinthien, Mendel 1214 Fig. 20a-c. Colonne en tronc de palmier, Mendel 1247 La datation attribuée par G. Mendel aux objets byzantins se fonde la plupart du temps sur le style, avec une argumentation toujours bien documentée. Elle prend en compte, d’une façon très pertinente, l’aspect d’une sculpture, se basant soit sur le modelé, comme dans le cas du buste d’évangéliste (no 661 ; fig. 21) daté du ve siècle, qui était à son avis déjà « teinté de byzantinisme », soit selon un point de vue plutôt esthétique, comme dans le cas du remarquable chapiteau à décor mixte de Mudanya (no 748 ; fig. 22), qui pourrait bien « passer pour l’un des chefs-d’œuvre de la sculpture décorative » du vie siècle. 86 Paquot-043-308.indd 86 25/01/13 12:08 La sculpture byzantine Fig. 21. Médaillon décoré d’un buste d’évangéliste, Mendel 661 Fig. 22. Chapiteau à décoration figurée, Mendel 748 Parmi les objets répertoriés par G. Mendel, il en est qui pourraient, comme on a dit, mériter un approfondissement. C’est ainsi, crois-je, qu’il vaudrait la peine de vérifier si les reliefs figurés extraits des murailles, soit terrestres, soit maritimes, dans lesquelles ils avaient été remployés au voisinage immédiat d’une porte ou d’un passage, pourraient avoir eu quelque valeur prophylactique, au-delà d’un caractère uniquement décoratif. C’est ce qu’avait supposé G. Mendel pour le grand relief de la Niké (no 667 ; fig. 23) provenant du quartier d’Ayvan Saray Kapısı, où il se trouvait encastré dans la partie latérale d’une porte désormais murée. 87 Paquot-043-308.indd 87 25/01/13 12:08 Éclats d'antiques Fig. 23. Relief colossal de Niké, Mendel 667 (PAAGR II [94], pl. 38) À côté de pièces provenant des découvertes accidentelles, la collection byzantine pouvait aussi s’enorgueillir d’un certain nombre de sculptures découvertes lors de recherches archéologiques, comme les fouilles conduites en 1908 par l’institut archéologique russe à Constantinople à Imrahor Camii, l’ancienne basilique Saint-Jean de Stoudios. Ces sculptures constituent un très important témoignage pour l’histoire pluriséculaire du monastère de Stoudios. D’autres objets provenaient en revanche de recherches menées en Asie Mineure, en particulier de la fouille des thermes romains d’Aphrodisias exécutée en 1904 et 1905 par Paul Gaudin. En cette occasion furent découvertes différentes statues, celle du jeune empereur Valentinien II et celles de deux personnages en chlamyde (nos 506-507-508 ; cat. 72). G. Mendel les considérait comme de précieux témoignages « parce qu’ils permettent pour la première fois de nous représenter d’une manière exacte ce qu’était devenue la sculpture de ronde bosse au ive siècle apr. J.-C. dans les ateliers d’Asie Mineure », laissant quand même entrevoir la surprenante vitalité de l’école d’Aphrodisias, alors encore en mesure d’interpréter, et donc de donner forme, aux nouvelles tendances du goût. L’exposition de la salle XXIII comprenait aussi un certain nombre de sculptures médiévales qui n’ont jamais reçu toute l’attention qu’elles mériteraient 88 Paquot-043-308.indd 88 25/01/13 12:08 La sculpture byzantine dans le cadre par ailleurs resserré et parfois fragmentaire de la sculpture du Moyen Âge constantinopolitain, sauf les fragments d’arc d’arcosolium, soit figuré, soit à décor végétal et monogrammes, la plupart d’époque paléologue 1. Il y avait aussi des plaques et des chapiteaux, comme celui décoré de bustes de saints militaires (no 757 ; fig. 24) qui avait été trouvé dans la terrasse du musée, lors de l’extraction de pierres pour la construction de l’aile sud en juin 1905. G. Mendel avait fait un rapprochement judicieux avec un exemplaire tout à fait analogue du Musée de Cluny et avec les sculptures de Kariye Camii, en proposant cependant, avec quelque doute, une datation au xiie siècle. Fig. 24. Chapiteau décoré de bustes de saints, Mendel 757 Un dernier mot pour la catégorie du mobilier liturgique, splendidement représentée par les deux ambons de Thessalonique, auxquels G. Mendel a dédié de très riches notices : celui de la rotonde Saint-Georges (no 643), daté entre la fin du ve et le premier quart du vie siècle, qui fait partie de la catégorie plus rare des ambons dits « en éventail », et l’autre, de SainteSophie (no 644 ; fig. 25), assigné au vie siècle, exceptionnellement sculpté dans un seul bloc de brèche verte de Thessalie, avec un seul escalier. On peut enfin rappeler les sarcophages de la collection byzantine, dont le catalogue de G. Mendel présente un remarquable échantillon produit entre les ive et vie siècles, à savoir le fragment en porphyre, décoré d’un rinceau d’acanthe 1. Cf. Hans Belting, « Zur Skulptur aus der Zeit 1300 in Konstantinopel », Münchner Jahrbuch der bildenden Kunst, Munich, 1972, n° 23, p. 63-100. 89 Paquot-043-308.indd 89 25/01/13 12:08 Éclats d'antiques et de pampres (no 806), rapproché à juste titre du sarcophage romain de Constance, l’élégante cuve en brèche verte de Thessalie (no 1174) avec son décor symbolique très simple centré sur la croix monogrammatique, et la cuve, d’un type plus rare, sculptée dans un marbre noir (no 1320) avec divers motifs symboliques, végétaux et animaux. Fig. 25. L’ambon de Sainte-Sophie de Thessalonique, Mendel 644, dans la salle byzantine en 1982 En 1991, un siècle exactement après l’ouverture du premier Musée impérial consacré aux sarcophages, fut inaugurée la nouvelle annexe du musée archéologique, ce qui entraîna de considérables changements dans l’exposition des objets byzantins, qui n’avait jusqu’alors subi que peu de changements, bien qu’elle ait été considérablement accrue, au point de déborder dans la salle contiguë 1. Au rez-de-chaussée du nouvel édifice, on a aménagé une salle consacrée aux Neighbouring Culture of Istanbul (Thrace-Bithynia-Byzantium), tandis qu’au premier étage était installée une exposition dédiée à la ville d’Istanbul through the Ages, illustrée par une sélection d’objets provenant des monuments les plus représentatifs. À côté des pièces entrées plus récemment dans le musée, on retrouve quand même quelques sculptures de l’ancienne exposition, alors qu’il en est de beaucoup plus nombreuses dans la salle du rez-de-chaussée 2. 1. Cf. Nezih Fıratlı, 1955, A short guide to the Byzantine works of art : in the Archaeological museum of Istanbul, Istanbul, Matbaasi, p. 11-36 ; Necati Dolunay, 1968, An illustrated guide to the Greek, Roman and Byzantine Architectural and Sculptural Collections in the archaeological museum of Istanbul, Istanbul, Milli Eğitim Basımevi, p. 87-115. 2. Cf. Yıldız Akyay Meriçboyu, « Çaglarboyu Istanbul » [Istanbul Arkeoloji Müzelerindeki Belgerle. Istanbul’un Tarihsel Gelişiminden Kesitler (The Collection of the Archaeological Museum. A Cross Section of the Historical Development of Istanbul)], Arkeoloji ve Sanat, 1996, n° 70, p. 11-32 ; Istanbul çevre Kültürleri (Trakys-Bitinya ve Bizans) Istanbul Arkeoloji Müzeleri/Neighbouring Cultures of Istanbul (Thrakia–Bithynia and Byzantium) Istanbul Archaeological Museum, Ankara, Müdürlük, 1999. 90 Paquot-043-308.indd 90 25/01/13 12:08 La sculpture byzantine En sortant du musée on retrouve, soit dans la cour, soit dans les jardins disposés encore comme ils l’étaient à l’époque de G. Mendel, la collection presque entière des sculptures et des chapiteaux 1. Et, à l’occasion d’une brève halte dans le jardin aménagé sur la terrasse à gauche du Tchinili Kiosk, là où les visiteurs sont encore aujourd’hui accueillis par les marbres de G. Mendel éparpillés d’une façon pittoresque parmi les feuilles luxuriantes des plantes d’acanthe (fig. 26), on aura la chance d’emporter un souvenir ineffaçable. Fig. 26. Le jardin de la terrasse du musée 1. Cf. N. Firatlı, op. cit., p. 37-44 ; N. Dolunay, op. cit., p. 116-126. Paquot-043-308.indd 91 25/01/13 12:08 Paquot-043-308.indd 92 25/01/13 12:08