La Pratique de L Intelligence Economique Dans Les Grandes Entreprises Voyage Au Coeur D Un Systeme Non Univoque
La Pratique de L Intelligence Economique Dans Les Grandes Entreprises Voyage Au Coeur D Un Systeme Non Univoque
La Pratique de L Intelligence Economique Dans Les Grandes Entreprises Voyage Au Coeur D Un Systeme Non Univoque
Résumé
Cette recherche a pour objectif de comprendre la pratique de l’intelligence économique dans les
grandes entreprises. Un état de l’art permet de définir les différents rôles que joue l’intelligence
économique. Ces rôles sont ensuite mis en perspective avec le modèle des modes d’interprétation
de Daft et Weick (1984). Cette mise en perspective constitue le cadre conceptuel de la recherche.
Ce cadre est complété par les travaux de Weick sur la construction de sens et la cognition
collective. Les résultats d’une étude exploratoire de sept grandes entreprises, montrent que
l’intelligence économique est une activité qui ne peut se réduire à un «simple» service
fonctionnel. Dans la majorité des cas, ce service n’est qu’une fonction de veille personnalisée aux
décideurs. Il se limite à la seule collecte de l’information. L’interprétation quant à elle, se passe
plutôt au niveau d’un système intelligence économique informel transversal. Les résultats
mettent également en évidence les difficultés d’ordre comportemental et social auxquelles se
heurtent les entreprises dans l’institutionnalisation de cette pratique.
INTRODUCTION
Depuis le début des années 90, l’intelligence économique vient s’imposer comme une pratique
légitime de management, comme mode ou norme correspondant à un marché avec des offreurs,
des produits, des contrôleurs, des spécialistes internes et externes aux entreprises. En 2004, le
seul marché français du conseil en intelligence économique a été estimé à plus de 125 millions
d'euros1. Mais d’où vient cette pratique? Qui la définit ? Et qui sont les acteurs ?
C’est dans la surveillance, au sens militaire du terme, que l’intelligence économique trouve ses
origines. La surveillance est définie comme ce qui permet d’éviter la surprise, d’assurer la
défense de l’état, et de neutraliser l’ennemi. Elle est devenue, au fil du temps, une pratique
courante et légitime des états. Pratiquement tous les pays ont mis en place des services de
renseignements, auxquels a été attribuée la mission de « voir sans être vu » (Baumard, 1991).
Avec l’air du Soft Power (Nye, 1992), où innovation et conquête de marchés vont devenir les
maîtres mots d’une nouvelle guerre, celle de la « géoéconomique » (Larot, 1997 ; Luttwak, 1990 ;
Baumard, 1997), la logique d’affrontement est devenue plus économique que militaire. Elle
marque le passage de la surveillance à l’intelligence économique. Dans cette logique, les pays
industrialisés ont commencé à investir leurs capacités de renseignement aux services des firmes
multinationales et des PME-PMI. En parallèle, plusieurs associations de professionnels en
intelligence économique (ex : SCIP : Society of Competitive Intelligence Professionals) et
cabinets de consultants spécialisés ont été créés.
Ces changements d’ordre politique et économique se sont accompagnés d’une révolution
technologique. Basées sur des innovations techniques dont la finalité est la compression du temps
et de l’espace, ces technologies ont constitué un axe de développement de nouvelles activités
génératrices de rentabilité et d’avantages concurrentiels (Venkatraman ; 1989). De là, tous les
ingrédients pour créer un marché de l’intelligence économique se sont réunis, une réglementation
de l’activité, des spécialistes, des technologies performantes et surtout des clients, les entreprises.
Mais qu’en est-il pour les entreprises ? D’après une étude de la littérature et une exploration du
terrain, nous essayons de comprendre comment se pratique concrètement l’intelligence
économique dans l’entreprise. Cette communication est articulée en trois parties. Dans la
première partie nous présentons une synthèse de l’état de l’art sur l’intelligence économique. La
1
Etude de Veille Magazine publiée sur http://management.journaldunet.com/0402/040227_veille.shtml
seconde partie est consacrée à la présentation du cadre théorique. Enfin, dans la troisième partie,
nous présentons la méthodologie de recherche, les cas étudiés et les résultats obtenus.
D’INTERPRETATION
2.1. L’INTERET DU MODELE DE DAFT & WEICK (1984) POUR LE CADRE THEORIQUE DE LA
RECHERCHE
Daft & Weick définissent l’interprétation comme un processus de traduction des évènements et
d’attribution de sens qui permet d’assembler les schémas conceptuels de managers (Daft et
Weick, 1984). Selon ces auteurs, ce processus d'interprétation est présenté dans la littérature
comme un processus complexe et global qui dépasse la seule activité d’interprétation. Il englobe
à la fois plusieurs activités, scanning, monitoring, création de sens, compréhension et
apprentissage (Ducan & Weiss, 1979 ; Hedberg, 1981 ; Weick, 1979 ; Pfeffer & Slancik, 1978).
De là, ils proposent d’organiser le processus d’interprétation en trois principales étapes, la veille,
l’interprétation et l’action. Nous retrouvons dans ce processus les mêmes boites sur lesquelles
intervient l’intelligence économique. Il devient donc pertinent de mobiliser le modèle de Daft
&Weick comme un cadre conceptuel pour notre recherche (figure1).
Figure 1 : Les relations entre intelligence économique, veille, interprétation et Action
Intelligence économique
Le modèle de Daft & Weick s’inscrit dans une approche constructiviste et subjective (Laroche,
1997). Il montre comment différentes postures peuvent se développer par les entreprises dans leur
lien problématique avec l’environnement.
Les auteurs proposent une typologie des organisations à partir de quatre modes d’interprétation.
Ces modes sont définis selon deux variables. D’un coté, la perception des dirigeants quant au
caractère analysable ou non de l’environnement et d’un autre coté la nature de la relation, passive
ou active, de l’organisation avec son environnement. Cette typologie est basée sur les travaux
fondateurs d’Aguilar (1967). Il s’agit d’une matrice à quatre quadrants (vision non dirigée, vision
conditionnée, énaction et découverte), dont à chacun, les auteurs associent des caractéristiques
spécifiques de veille, d’interprétation et de comportement stratégique (réacteur, défenseurs,
prospecteur et analyste). Cette typologie est fondée en partie sur le modèle de Miles & Snow
(1978).
Figure 2 : Les relations entre les modes d’interprétation et les processus organisationnels
Vision non dirigée Enaction
Cette typologie offre un cadre conceptuel pour comprendre le rôle de la pratique de l’IE dans les
systèmes de veille, d’interprétation et de décision stratégique. Elle permet par conséquent de
comprendre la logique même d’interprétation des organisations. Elle reste cependant insuffisante
D’INTELLIGENCE ECONOMIQUE
Les cadres théoriques du « sense-making » (Weick 1995, 2001) et d’« enactment » (Weick, 1969)
s’inscrivent dans le courant d’interactionnisme symbolique. Ce courant réunit les différents
travaux sur l’action, l’interaction, l’interprétation et la construction collective de sens. D’emblé, il
est important de souligner la distinction entre l’interprétation et la construction de sens « sense-
making ». Selon Weick (1995) la construction de sens est une activité ou un processus
d’« enactment », d’invention et de création, qui englobe l’interprétation. A ses yeux,
l’interprétation serait la découverte de cet « enactment ». Dans le cadre de notre analyse, la
construction de sens englobe l’ensemble du processus d’IE. Ce processus devient à son tour une
manière de découvrir cet « enactment ». En d’autres termes, en jouant un rôle dans la collecte et
le traitement des informations, l’IE structure, en tant que système, la formation de représentations
communes dans l’organisation.
La construction de sens s’appuie sur l’activité collective et individuelle. Les individus essaient
simultanément de façonner et de réagir aux environnements auxquels ils sont confrontés. Ils
alignent leur propre identité sur la conduite des autres, mais ils s’efforcent activement
d’influencer cette conduite (Weick, 1995). Cette idée nous ramène à celle de l’existence de
plusieurs donneurs de sens qui cherchent à se concerter autour d’un but commun (Marmuse,
1999). Dans ce sens, l'intelligence ne serait plus définie comme la faculté de résoudre un
problème mais comme celle de pénétrer un monde partagé. « L'intelligence stratégique peut se
définir de façon analogue : il s'agit en effet de proposer des représentations compatibles avec les
projets des membres de l'organisation, susceptibles d'être acceptées et prises en charge par ceux-
ci. » (De La Ville et Mounoud, 2004 : 4). La compréhension de l’IE comme une pratique doit
donc prendre en considération la dimension sociale et culturelle du transfert de l’information et
de la connaissance (Brown & Duguid, 1991 ; Lave & Wenger, 1991, Gherardi, 1995). Selon
Brown & Duguid (1991), la prise en considération de la vie sociale de l’information suscite une
réorganisation des structures de communication. Quid, l’IE serait-elle une réorganisation des
3.1. METHODOLOGIE
Notre positionnement épistémologique s’inscrit dans une logique interprétativiste et le design de
la recherche est qualitatif. Cette démarche méthodologique repose sur une analyse fine de la
littérature et sur une exploration de sept cas de grandes entreprises (Yin, 2003).
Autre que l’observation et l’étude des documents, nous avons opté pour des entretiens semi
directifs qui ont duré en moyenne deux heures. Douze entretiens au total ont été réalisés. Nous
avons interrogé, dans chaque entreprise, les directeurs et responsables intelligence économique.
Un guide d’entretien a été élaboré au préalable. Les principaux thèmes abordés sont les
caractéristiques du répondant, la perception de l'environnement, la relation à l'environnement, les
Le traitement des données s’est effectué avec l’aide du logiciel Nvivo. La méthode choisie pour
l’analyse des données est la méthode de l’analyse du contenu. Nous avons procédé dans un
premier temps par une analyse verticale de chaque entretien à l’aide d’un dictionnaire
thématique. Ce dictionnaire allie à la fois les thèmes et sous thèmes initiaux et ceux émergents au
cours de l’analyse. Nous avons ensuite effectué une analyse horizontale de l’ensemble des
entretiens.
ne représentent par conséquent que la partie formelle du système. Néanmoins, ces services
constituent le point d’entrée pour étudier le système global auquel ils appartiennent.
EC 1 EC1 est une entreprise du secteur des Gaz industriels et médicaux. Elle est présente
dans plus de 70 pays et compte prés de 36 000 collaborateurs.
Le service IE a été crée en 2005 à l’initiative de la direction générale dans le but
d’améliorer la réflexion stratégique. L’institutionnalisation de l’IE vient dans le
cadre d’une stratégie de croissance interne qui s’est traduite par plusieurs
acquisitions importantes. Ce service se rattache à la direction contrôle stratégique, il
compte 3 personnes et a pour mission de :
- Animer un réseau d’acteurs clés en interne (plus de 60 correspondants)
- Surveiller les changements des comportements des concurrents
- Etablir des dossiers de synthèses pour la direction générale et les différents top-
managers.
EC 2 EC2 est une entreprise du secteur d’Electricité – Electronique. Elle est présente dans
130 pays et compte prés de 92 000 collaborateurs.
Le service IE a été crée en 2005 à l’initiative de la direction générale. Cette
institutionnalisation vient dans le cadre d’une stratégie d’innovation. Le but est de
prendre une longueur d’avance sur la compétition. Ce service compte une dizaine de
personnes et se rattache à la direction de la stratégie et des services. Sa mission
consiste à :
- Mettre en place un réseau d’experts et de correspondants pour remonter et
interpréter l’information
- Détecter, référencer et analyser les informations qui portent sur l'environnement
concurrentiel du groupe.
EC 3 EC3 est une entreprise du secteur de l’Industrie pharmaceutique. Elle est présente
dans 100 pays et compte près de 100 000 collaborateurs.
Le service IE a été créé en 2005 à l’initiative de la direction générale suite à une
fusion avec un autre groupe. Ce service dépend de l’unité Business développement.
Il compte cinq personnes est a pour mission de :
- Observer, collecter, analyser et valider les informations
- Animer un réseau interne qui compte plus de 50 correspondants
- Anticiper la stratégie des concurrents, et donc l’avenir de leurs produits
- Développer le portefeuille des produits de l’entreprise.
EC 4 EC4 est une entreprise du secteur Agroalimentaire. Elle a une présence mondiale et
compte prés de 100 000 collaborateurs.
Le service IE a été créé en 2002 par le Secrétaire Général du groupe. Se service se
rattache à la direction des relations extérieures. Ce service n’est autre qu’une
réorganisation d’un ancien service de veille. Sa mission est de
- Publier des newsletters sur les principaux événements qui se produisent dans
l’environnement de l’entreprise en général.
- Répondre aux demandes d’information ponctuelles du comité de direction
- Anticiper les différentes évolutions du marché
- Participer à la gestion de crises
EC 5 EC5 est une entreprise du secteur de l’Electricité. Elle est présente dans 22 pays et
compte Prés de 161.310 de collaborateurs.
Le service IE a été mise en place en 2000 à l’initiative de la direction générale. Cette
mise en place vient juste après les directives européennes ouvrant la concurrence. Ce
service se rattache à la direction du contrôle du risque qui est elle-même rattachée à
la direction de la stratégie et de la coordination. Les missions principales sont,
- Animer un réseau d’expert métiers en interne
- Publication d’alertes et des bulletins de veille sur les principaux événements
réalisés.
- Répondre aux besoins d’information du Top management
- Assurer la protection des installations classées sensibles au titre de la défense.
EC 6 EC6 est une entreprise du secteur de la Chimie - Pharmacie – Cosmétiques. Elle est
présente dans 130 pays et compte prés de 52.080 collaborateurs
Le service de l’IE date des années 90. Il a été créé à l’initiative du président du
groupe auquel il a été directement rattaché. Sa création entre dans une stratégie
offensive de conquête de parts de marché et de croissance. Ce service compte plus
d’une vingtaine de personnes et a pour principale missions :
- Recueillir les informations utiles sur la concurrence et sur les pays où EC6
prévoyait étendre son activité
- Développer une réflexion stratégique collective à long terme.
- Créer et animer un système de veille à plusieurs dimensions.
EC 7 EC7 est une entreprise d’Energie et Produits de base. Elle est présente dans plus de
130 pays, et compte prés de 111.000 collaborateurs
L’intelligence économique chez EC7 a été créée en 2004. Il s’agit d’une
restructuration des différentes veilles qui existaient déjà chez le groupe. Cette
restructuration vient à la suite d’une fusion avec deux autres groupes. Ce service de
taille très réduite dépend du département stratégie et évaluation du risque. La
mission de ce service est de :
- Mobiliser un réseau d’acteurs clés principalement en interne dans la collecte et
l’interprétation de l’information.
- Mettre en place, utiliser et maintenir une démarche de collecte, de traitement et de
diffusion de l’information et de la connaissance dans l’entreprise.
L’institutionnalisation de l’IE est très récente. Il s’agit de services de tailles très réduites, qui se
rattachent assez souvent à la direction générale et qui ont pour principale mission d’animer le
système IE. Ce positionnement montre que la fonction IE est hautement stratégique (Drucker,
1954). On remarque dans ce sens qu’il y a plus d’appropriation de la démarche par les top-
managers (Aguilar, 1967). Le passage vers cette formalisation s’inscrit assez souvent dans des
stratégies de croissance et d’innovation. L’organisation de la fonction IE est très différente d’une
entreprise à une autre. Il existe en effet, autant d’organisation que d’entreprises étudiées. Les
missions quant à elles, sont en générale très proches :
d’intrusion active de l’environnement. Elles essayent de modifier prudemment les règles de leurs
marchés et d’adapter ce dernier à leurs besoins.
La perception de l’environnement par les décideurs « analysable » et la relation de l’entreprise
avec ce dernier « active », montrent que les entreprises étudiées, ont toutes un mode
d’interprétation de découverte. Ce mode est très caractéristique des multinationales en général.
Ce résultat ne constitue donc pas une réelle surprise, notre échantillon étant composé uniquement
de grandes entreprises avec des structures formelles de veille. Cependant, nous aurions pu nous
attendre à constater que les entreprises étudiées correspondent précisément et uniquement aux
caractéristiques du mode « découverte ». Or, il n’en est rien. En effet, certaines caractéristiques
sont apparues du faite de la pratique de l’IE, ce qui laisse supposer que ces transformations sont
issues de cette pratique.
Par ailleurs, dans l’entreprise EC5, nous avons pu observer qu’il y a eu une évolution d’un mode
de type « vision conditionnée » à un mode de type « découverte ». Depuis quelques temps, la
commercialisation de l’électricité et du gaz a été ouverte à la concurrence. La disparition du
monopôle dont disposait cette entreprise sur le marché national, l’a contraint à adopter de
nouvelles stratégies concurrentielles. Cette situation a poussé l’entreprise à réorganiser ses
systèmes de veille autour de l’intelligence économique. Les anciens systèmes de veille ont été
mis en place dans le cadre de conquête de nouveaux marchés déjà ouverts à la concurrence.
Cette évolution temporelle d’un mode d’interprétation à une autre n’apparaît pas explicitement
dans le modèle de Daft & Weick. Il devient donc intéressant de souligner cette dynamique des
firmes dans leurs relations avec l’environnement et donc de leurs modes d’interprétation.
« Notre veille se fait sur des bases Internet, les sites des concurrents, les publications, il y a
aussi toutes les analyses financières, là on peut retrouver des signaux forts par rapports à des
événements déjà réalisés, mais les signaux faible et les informations de qualité, ce n’est pas à
travers le web qu’on les obtient, c’est plus à travers nos réseaux, les gens sur le marché…etc.»
« Quand j’ai besoin d’une information particulière, je me retourne d’abord vers des collègues en
interne. Je croise avec des informations sur Internet, qu’on cherche sur Internet et puis après ça,
si je vois des contradictions, on retourne vers eux. On fait un travail d’aller-retour »
Ces résultats affirment que l’IE utilise des sources variées (Auster et Choo, 1993), que les sources
internes seraient plus importantes que les sources externes, et les sources personnelles seraient
plus importantes que les sources impersonnelles. Ce résultat est contradictoire avec les
caractéristiques de veille du mode « découverte » de Daft & Weick. La pratique de l’IE serait
plus à l’origine d’une hybridation à la fois des caractéristiques des systèmes de veille du mode
« découverte » et ceux du mode « énaction ».
Dans la majorité des cas étudiés (EC1, EC4, EC5, EC7), il existait, avant la mise en place d’un
service IE, des veilles différentes et très fragmentées. L'introduction d'une démarche IE a fait en
sorte que les veilles soient plus systématisées et formalisées. Dans d’autres cas (EC6) c’est le
service IE qui est à l’origine de la création des différentes veilles. Dans l’ensemble des cas, ce
service ne centralise pas les veilles spécifiques au niveau corporate, il joue simplement un rôle
d’animation et de coordination. Ce résultat remet en cause la littérature qui traite la relation entre
l’IE et les autres services de veille, où la fonction IE est présentée comme une unité qui centralise
les différents systèmes (McGonagle et Vella, 2003).
« Notre but est de développer une vision d’ensemble, il y a plusieurs groupes de veille qui ont
leur propre logique d’intelligence, je crois que ce n’est pas mauvais d’avoir différents groupes,
toute la difficulté c’est de les convaincre d’intégrer notre logique d’intelligence »
Dans l’ensemble des cas étudiés, la majeure partie du travail des responsables IE est de répondre
aux besoins des dirigeants en information. Ces demandes ont un caractère d’urgence, elles
réduisent le rôle de l’IE à un service traditionnel, certes personnalisé, de veille et donc de la seule
collecte et diffusion de l’information.
« L’IE est un groupe qui répond aux besoins d’informations de trois personnes dans la boite au
grand maximum »
« Le groupe IE ou la business intelligence, c’est une intelligence pour le board »
Le comportement stratégique analyste serait donc à l’origine même de la mise en place d’une
démarche IE, perçue par les décideurs comme un outil stratégique qui aide à améliorer la veille et
l’interprétation. Par conséquent, ce n’est pas l’IE qui permet d’avoir un comportement d’analyste
mais l’inverse.
« L’action stratégique ce n’est pas l’intelligence économique qui la fait, d’accord ! C’est bien les
personnes en charge du management qui prennent les éléments, les intègrent, et en sortent une
stratégie nouvelle, modifiée ...euh.... C'est-à-dire que l’intelligence économique, c’est un des
éléments qui vient pour alimenter la réflexion stratégique. Mais, ce n’est pas elle qui va modifier
...euh... enfin ce n’est pas elle qui va faire la stratégie»
Une autre difficulté est due à l’incohérence des différentes fonctions. En fait, le modèle idéaliste
de la gestion des connaissances, dans lequel s'inscrit la pratique de l'intelligence économique,
suppose une complémentarité forte entre les différents systèmes : le knowledge management,
l'intelligence économique, etc. Or, on constate que ces différents sous-systèmes s'imbriquent mal
et travaillent séparément alors que leur complémentarité est au cœur du système "intelligent" de
gestion de la connaissance au sein des entreprises.
« Aujourd’hui le KM chez nous, c’est essentiellement des gens qui vont fournir des outils »
« Non, il n’y a absolument aucun lien avec le service KM »
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