Nothing Special   »   [go: up one dir, main page]

drom3 2

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 135

Droit romain Q1| Suzanne Simal

Droit romain syllabus 1 : le droit et la loi


Titre 1 : L’histoire

Titre I : L’histoire
Chapitre 1 : les périodes du droit romain
Section 1. L’ancien droit
→ Autrement appelé le droit archaïque.
Il débute avec la date de la création de la ville de Rome en 753 ACN.
Elle s’achève à la fin de la première guerre punique en 242 ACN.

→ Époque du droit national (réservé aux citoyens romains) et rural de la Rome latine.
Si les échanges économiques y sont encore peu nombreux, dans le cadre d’une économie
agraire basée sur l’autarcie des familles, il demeure que les fondements du système du droit
positif y furent d’emblée mis en place. On pointera en particulier :

→ Loi des XII Tables


→ Collège des pontifes (prêtre du culte public)
Le régime de procédure est celui des actions de la loi (legis actiones).
Une nouvelle magistrature est créé : le préteur urbain qui est amené à rendre la justice
entre deux citoyens romains.

Section 2. Le droit classique


La période est traditionnellement divisée en deux parties :
- Le droit préclassique pour les deux derniers siècles de la République (IIe et Ier ACN.)
- Le droit classique (le Haut-Empire, ou le Principat, jusqu’à la crise du milieu du IIIe
PCN)
Le droit classique naît avec l’expansion romaine dans le bassin méditerranéen, quand Rome
entre en contact avec les États hellénistiques de l’Orient grec.

→ Rome devient la plaque tournante de l’essor du commerce et des transports,


notamment maritimes et par le développement d’une économie monétaire.
De national qu’il était, le droit romain évolue vers un système juridique à vocation
universelle, le ius gentium. Le ius gentium est le « droit des nations », que Rome s’intègre de
manière très originale pour en faire comme un « droit commun des échanges » parfaitement
ajusté à ce qui apparaît déjà comme une première mondialisation.

1
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Du aux évolutions sociales et économique, une nouvelle magistrature se crée: le préteur


pérégrin. C’est un magistrat qui fait des procès entre non citoyens romains à Rome.

Section 3. Le droit tardif


Le droit tardif ou postclassique est celui de l’Antiquité tardive, ou du Bas-Empire.
Il commence, pour le droit public, avec Dioclétien (empereur de 284 à 305 ap. J.-C.), et, pour
le droit privé, avec Constantin le Grand qui se converti au Christianisme (empereur de 306-
337), et se termine, pour l’Occident, en 476, avec la chute de l’Empire romain d’Occident, et
en Orient, en 565, avec la mort de Justinien. La période est troublée, marquée par de grands
bouleversements :

→ les « invasions barbares » qui amenèrent les peuples germaniques, mus eux-mêmes
sous la poussée des Huns, à faire des incursions répétées dans l’Empire et à en
troubler l’ordonnance et, aux frontières spécialement, la paix.
→ les premières pandémies à l’échelle du bassin méditerranéen
→ et surtout l’anarchie militaire.
Le christianisme va promouvoir une conception totalement nouvelle de la personne.
Du point de vue du droit public et fiscal, le commencement de la période est associé à la
vaste réforme des structures administratives de l’État engagée par Dioclétien dans le but de
reconstituer l’unité et la cohésion de l’Empire menacé d’effondrement : c’est la Tétrarchie,
où gouvernent deux Augustes (Dioclétien et Maximien) et deux Césars (Galère et Constance
Chlore, le père de Constantin).
La tétrarchie sauvera l’Empire de la disparition mais ne le préservera pas de la division en
deux parties, Orient et Occident.
Le destin des deux parties de l’Empire sera dès lors différent, avec la chute de l’Empire
d’Occident en 476, qui marque l’avènement des royaumes barbares et le début du haut
Moyen Âge, et la continuation de l’Empire d’orient, ou Empire byzantin, jusqu’à la prise de
Constantinople par les Ottomans en 1453 ap. J.-C.
Le droit tardif est celui des grandes compilations de livres de droit qui répondent au souci de
rassembler les sources documentaires. Ex : justinien
Au niveau procédurale on se trouve sous la procédure extraordinaire

Section 4. Le règne du Justinien – Le Corpus iuris civilis


Justinien appartient encore au monde romain de l’antiquité, dont il recueille l’héritage
juridique dans sa codification que l’on l’appellera à la Renaissance : le Corpus iuris civilis, « la
collection du droit civil ».
L’œuvre législative de Justinien consiste en une entreprise monumentale de « codification »
des sources du droit romain classique et postclassique.

2
Droit romain Q1| Suzanne Simal

La « Collection du droit civil » comporte trois livres promulgués du vivant de l’empereur


sous forme de loi (constitution impériale) : les Institutes, le Digeste, le Codex, ainsi qu’un
quatrième compilé après sa mort : les Novelles.
A) Les Institutes de Justinien
Ce sont principalement des manuels de droit destiné aux étudiants de première année.
Elles furent rédigées selon le modèle de Gaius.
B) Le digeste
C’est une anthologie qui rassemble des extraits des œuvres des jurisconsultes classiques.

Composé de 50 livres.

C) Le Code (Codex)
Il rassemble les constitutions impériales encore en vigueur depuis l’empereur Hadrien à
l’empereur Justinien.
Composé de 12 livres.
D) Les novelles
Elles réunissent les constitutions impériales au nombre de 168 promulguées après la
publication de Code. Les Novelles sont les constitutions promulguées entre 534 et 565. Au
contraire des trois précédents recueils, qui étaient officiels, les Novelles constituent une
collection purement privée.

Chapitre 2 : La res publica, « la chose du peuple »


L’histoire des sources formelles du droit et l’histoire politique sont en effet par définition
intimement mêlées.
C’est dans le contexte de la cité romaine, la civitas Romana, que le droit a vu le jour comme
une technologie inédite du lien social. Le mot latin civitas signifie du reste proprement une
relation : non tant la « cité », mais la « concitoyenneté ».

3
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Les périodes que l’on a vu dans le chapitre précédent représente le droit privé qui est
articulé autour de l’intérêt des particuliers mais dans ce chapitre ci nous allons détailler les
différentes périodes du droit public qui est articulé autour de l’état.
La cité, entité politique juridiquement organisée, repose sur trois organes : les magistrats,
dont les magistrats supérieurs, titulaires de l’imperium, le peuple, réuni en assemblées
politiques (les comices), et le sénat.
Ensemble, ces organes réalisent la Res publica, à savoir, littéralement, « la chose du
peuple ». L’équilibre entre eux est exprimé par la devise de la Res publica : Senatus
PopulusQue Romanus, « le sénat et le peuple romain », SPQR.

→ La Royauté de 735 à 509 ACN


→ La République de 509 à 27 ACN
→ L’Empire de l’avènement de Auguste en 27 ACN à 476 PCN pour l’Occident à 1453
PCN pour l’Orient

Section 1. L’imperium
Le droit suppose un pouvoir de commandement.
Ce pouvoir de commandement suprême porte en latin le nom d’imperium, notion centrale
de l’institution juridique de la cité romaine, la civitas, sur le plan du droit privé donc.
C’est en vertu de l’imperium que le magistrat suprême peut convoquer l’assemblée du
peuple pour lui faire voter des lois ou administrer la justice. Au nombre de ces lois votées
par le peuple sur proposition du magistrat, la lex curita de imperio, ou loi curiate
d’investiture, retiendra spécialement notre attention, étant la loi par laquelle le peuple
confère l’imperium au magistrat suprême lui-même.
L’imperium est donc un pouvoir de commandement suprême de nature sacrée qui confère
à son titulaire la qualité de prêtre qui devient donc le chef d’une communauté
indivisiblement politique et culturelle.

→ Sous la Royauté, il s’agit du roi, qui était sacré dans sa personne elle-même
→ Sous la République, les titulaires de l’imperium sont les magistrats supérieurs : les
consuls et les préteurs (ainsi que le dictateur, qui est un magistrat extraordinaire,
infra)
→ Sous l’Empire, l’empereur redevient titulaire unique de l’imperium
A) Les trois types de prérogatives que l’imperium confère à son titulaire :

Prérogatives sacerdotales, militaires et civiles.


L’imperium comporte un volet civil et un volet militaire : il trouve en effet à s’appliquer tant
en ville qu’aux armées. Il se décompose en un triple faisceau de prérogatives que l’on va
détailler juste après . Dans tous les cas, s’agissant d’un pouvoir sacralisé, il confère à son
titulaire la qualité de prêtre, et l’investit de prérogatives sacerdotales.
1) Prérogatives sacerdotales

4
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Sous la Royauté, le titulaire de l’imperium, le roi, est un prêtre dont la personne même est
sacrée, prérogative sacrale par laquelle la suprématie qu’il incarne doit se manifester en
toute occasion. La première place, en particulier, doit lui revenir en toute chose. Aussi, au
sein de la hiérarchie sacerdotale, reflet elle-même de la hiérarchie des dieux, il est « le
prêtre le plus grand », ayant la primauté sur tous les autres => c’est le symbole vivant de la
souveraineté.
Comme maître du sacré, le titulaire de l’imperium a des pouvoirs exceptionnels, tant dans la
sphère civile que militaire : le pouvoir d’accomplir les sacrifices publics, réguliers ou
extraordinaires, , en ville comme aux armées, en collaboration avec le collège sacerdotal des
pontifes, gardiens de la conformité des rites sacrés aux coutumes ancestrales.
L’imperium confère fondamentalement à son titulaire la coercitio maior, qui est le pouvoir
de contrainte par des peines corporelles ou d’amende, que nous envisagerons au point
suivant.
2) Prérogatives militaires
Au plan militaire, le titulaire de l’imperium lève les troupes et commande les armées en campagne. Il
accomplit dans ce cadre les prérogatives sacrales qui s’y rapportent.

3) Prérogatives civiles
L’imperium civil est fondamental pour la formation du système du droit positif romain, puisqu’il
comporte le pouvoir de convoquer une assemblée politique délibérante (sénat et comices) et de
rendre la justice en organisant les procès (la juridiction).

La lex curiata de imperio, confère au magistrat suprême l’imperium.

Par la « loi curiate d’investiture », le peuple manifeste son adhésion à la proposition du magistrat.
Sous les rois, le peuple ne votait probablement pas, l’adhésion populaire était peut-être exprimée
par acclamations.

B) Le pouvoir de coercition

Fondamentalement, l’imperium est associé au pouvoir de coercition.

La coercitio major est un pouvoir de nature disciplinaire consistant à infliger aux citoyens des peines
corporelles ou non corporelles.

Le pouvoir de coercitio maior aurait, selon la tradition, été limité par le ius provocationis ou
provocatio ad populum, le droit d’appel au peuple.

Sur appel, l’affaire est déférée devant l’assemblée du peuple (comices centuriates) qui juge en
dernier ressort.

L’évolution sous l’empire :


Sous l’empire l’imperium se recompose pour redevenir un pouvoir indistinctement religieux, civil et
militaire sur la tête d’un unique titulaire, l’empereur.

L’imperium militaire (proconsulaire), imperium militiae, confère en outre à l’empereur le


commandement permanent des armées et le gouvernement des provinces.

Section 2 : Trois organes « constitutionnels » :

5
Droit romain Q1| Suzanne Simal

La cité antique, tant la pólis grecque que la civitas romaine, s’organise de manière originale autour de
trois organes de base : les magistrats, le sénat et le peuple.

Ces organes sont constants quel que soit le régime politique particulier sous lequel ils se réalisent
dans la pratique concrète des institutions publiques.

Ce qui varie d’un régime à l’autre, en revanche, c’est l’équilibre entre ces organes, ainsi que leur
composition et leur rôle politique effectif.

De la res publica comme principe de combinaison et de relations entre trois organes sont
issus historiquement, dans la réalité des institutions publiques et politiques concrètes, trois
régimes politiques, à savoir :
→ La Royauté de 753 à 509 ACN
→ La République de 509 à 27 ACN
→ Et l’Empire, qui commence avec l’avènement de l’empereur Auguste en 27 ACN et
s’achève en Occident en 476 PCN et en Orient en 1453 PCN

A) Les organes sous la Royauté


1) Le magistrat supérieur : le Roi
→ Il est désigné à vie.
→ Il dispose de l’imperium (commandement suprême, militaire, civil et sacerdotal).
2) Le peuple : les Comices
→ Ils acclament par leurs suffrages les lois.
→ Réunion du peuple par groupe, les curies (comices curiates).
→ Ils élisent les magistrats.
→ Ils votent par groupe.
3) Le Sénat
Il est composé des familles romaines influentes, et d’anciens magistrats
Il a un rôle de conseil
B) Les organes sous la République
1) Les magistrats patriciens
Supérieurs : les consuls et les préteurs

• Consuls : au nombre de deux, ils sont élus par le peuple pour une durée d’un an et
disposent de l’imperium.

6
Droit romain Q1| Suzanne Simal

• Préteurs : le préteur urbain (à partir de 367 ACN) préside les procès entre citoyens
romains et le préteur pérégrin (à partir de 242 ACN) règle les litiges entre pérégrins
ou entre un citoyen romain et un pérégrin.
Ordinaires : questeur (administration des finances), censeur (recensement des citoyens),
édile (police de la ville et approvisionnement des marchés)
Extraordinaire : le dictateur exemple Jules César
Les magistratures sous la République sont électives, annuelles et collégiales. Elles ouvrent
aussi l’accès au sénat.
Le cursus honorum = la carrière des magistratures
La censure : deux censeurs élus pour cinq ans et ensuite pour dix-huit mois par les comices
centuriates, ils sont chargés de procéder aux opérations du cens (census), le registre des
citoyens et de leurs biens :
- Dénombrement et classement des citoyens dans cinq classes
- La liste des sénateurs (lectio senatus)
- La note d’infamie (nota censoria) ou infamie censorienne
- Le lustre
2) La magistrature plébéiennes = le peuple
Le peuple exprime sa volonté en votant par groupe
Les comices : l’assemblée du peuple : plèbe et patriciens

→ Les comices curiates : divisé en 30 groupes ( les curies )


• lex curiata de imperio
• adrogatio, l’adoption d’un pater familias par un autre
• testament dit « calate »
→ Les comices centuriates : divisé en 193 groupes ( les centuries )
• déclarations de guerre et les traités de paix
• élection des magistrats supérieurs
• jugement dans les causes capitales sur appel du tribun
→ Les comices tributes : divisé en 35 groupes ( les tribus )
• l’élection des magistrats inférieurs
• justice criminelle
Le concilium plebis : le conseil de la plèbe DONC pas les patriciens
Composé de tribuns et d’édiles représentants de la plèbe.
Les domaines de compétence ratione materiae des différents comices sont variables, mais il
y a fondamentalement trois types de décision :

→ Législative : vote des lois, des plébiscites, des sénatusconsultes

7
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Electorale : élection des magistrats du peuple romain


→ Judiciaire : jugement des causes capitales sur appel au peuple d’une décision d’un
magistrat de tuer ou de flageller un citoyen romain
3) Le Sénat
Il est composé d’anciens magistrats , et a un rôle de conseil
C’est un organe central où se prennent toutes les décisions névralgiques
Ses décisions sont les sénatusconsultes
C) Les organes sous le Haut-Empire
1) Le magistrat supérieur
C’est l’empereur qui dispose de tous les pouvoirs.
Auguste cumule tous les pouvoirs dans sa personne :

→ Il possède les attributs du sacré: il est augustus.


→ Il obtient (comme César) le droit de porter le titre d’imperator à vie (d’où dérive le
mot français empereur).
→ Il est consul.
→ Grand pontife (grand prêtre de l’État).
→ Père de la patrie (pater patriae).
→ Il est investi de la puissance tribunicienne.
→ Il a les pouvoirs censoriaux (cura morum).
Le titre de consul: un titre honorifique
Le préteur urbain s’efface à mesure que se développe la juridiction impériale (= procédure
extraordinaire) et le préteur pérégrin disparaît en 212 ap. J.-C (avec l’Edit de Caracalla)
2) Le peuple
Les Comices cessent peu à peu de se réunir
Le pouvoir législatif se redistribue alors
• Entre le sénat : les sénatusconsultes (devenus oratio Principis)
• Et l’empereur : les constitutions impériales (rôle de la lex curiata de imperio)
3) Le Sénat
Il ne dispose plus que d’un pouvoir symbolique.
Apparence de pouvoir symbolique = le principat
D) Les organes sous le Bas-Empire

1) Le magistrat supérieur

L’empereur dispose de tous les pouvoirs et légifère seul.

8
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Il est « la loi vivante ».

2) Le peuple

Les Comices ne se réunissent plus.

3) Le Sénat

Il ne dispose même plus d’un pouvoir symbolique.

Titre 2 : Les sources formelles du droit romain


Chapitre 1 : les catalogue des sources
Section 1. La notion de sources du droit
La notion de « source du droit » revêt techniquement trois acceptions : on distingue les
sources matérielles (ou sociologiques), les sources historiques (ou documentaires sensu
lato), et les sources formelles du droit.
A) Les trois acceptations :

Il y a trois manières de comprendre le mot « source(s) » en rapport avec un système de droit


positif, selon que la source est qualifiée de « matérielle », d’ « historique », ou de
« documentaire », ou enfin de « formelle ».

1) Les sources matérielles ou sociologiques


Les sources sociologiques (ou matérielles) sont « toutes circonstances qui, au sein de la
société romaine, ont déterminé la naissance, le développement et l’évolution du droit. Par
définition, bien qu’elles en décrivent le cadre historique, elles se situent hors du domaine du
droit ».
2) Les sources historiques et documentaires
C’est l’ensemble des sources qui nous font connaitre le droit romain.
Elles sont toujours écrites et de nature diverse (elles peuvent être juridique, littéraires,
historiques ou documentaires).
Le corpus iuris civilis en fait partie et est composé :

→ Des Institutes : manuel de droit destiné aux étudiants


→ Du Digeste : anthologie qui rassemble des extraits des œuvres des jurisconsultes
classiques
→ Le code : rassemble les constitutions impériales encore en vigueur depuis l’empereur
Hadrien à l’empereur Justinien
→ Les novelles : réunissent les constitutions impériales promulguées après la
publication du Code.

9
Droit romain Q1| Suzanne Simal

3) Les sources formelles


Il y une double conception de ces sources : ou bien des organes de la société qui sont
habilités à énoncer des règles de droit ou bien des produits de l’activité de ces organes eux-
mêmes.

B) Le principe de catalogue
En l’état de nos « sources » documentaires, l’apparition des premiers catalogues des
« sources » formelles du droit date du IIe siècle de l’Empire.
Trois jurisconsultes classiques semblent avoir dressé un inventaire : Gaius, Pomponius et, un
peu plus tard, Papinien.
Gaius a dressé la liste des sources, Pomponius l’histoire des sources et Papinien la distinction
entre le droit civil et prétorien.
L’inventaire de Gaius est le plus classique et consiste en une simple liste de ce qu’il appelle le
iura populi Romani ( les règles de droit du peuple romain ).

Section 2. ius civile, ius gentium et ius naturale


Ius civile:
- droit propre aux citoyens romains
- institutions réservées :
• droit privé : patria potestas
• droit public : droit de se réunir en assemblé politique délibérante
ius gentium :
Gens = le clan, la famille élargie, tous ceux qui descendent d’un ancêtre commun
est d’abord le droit des ordres juridiques des cités autres que Rome, droit reconnu par
Rome et appliqué sur son territoire et en province. Sous l’influence de la philosophie
grecque, il devient un droit commun à tous les hommes car basé sur la ratio naturalis, « la

10
Droit romain Q1| Suzanne Simal

raison naturelle », qui apparaît comme le fondement du ius gentium. C’est le droit des
nations ou le droit des gens (mais ne se traduira jamais).
Ius naturale :
Il a un caractère purement philosophique.
Ulpien y voit un droit propre à tous les êtres vivants, humains ou non humains, comme les
soins que prennent les parents pour leur progéniture.
Ce droit n’est pas propre au genre humain mais il est commun à tous les animaux qui
naissent sur terre, dans la mer, ainsi qu’aux oiseaux. De là vient l’union du mâle et de la
femelle, que nous appelons le mariage (matrimonium), la procréation des enfants ainsi que
leur éducation : car nous observons que tous les autres animaux, même les bêtes sauvages,
font l’expérience de ce droit.
Le ius gentium est ainsi aux hommes ce que le droit naturel est à l’ensemble des êtres
vivants.
Les droits naturels, sous l’influence du christianisme, ils apparaissent en effet comme
l’institution de la providence divine, dont les caractères sont la constance et l’intangibilité.
Evolutions médiévales et modernes :


De Justinien à la seconde Scolastique (XVIe siècle)
- Le droit naturel classique
- Aristote, Cicéron, Saint Thomas d’Aquin (XIIIe s.)
• XVII - XVIIIe s.
- Le jusnaturalisme
- = école du droit de la nature et des gens
- Hugo Grotius et Samuel Pufendorf
• XIXe s.
- Le positivisme juridique
- Hans Kelsen, la théorie pure du droit
- Le droit= un corps hiérarchisé de normes assorties de sanctions
→ Grande importance sur le Code civil.

Section 3. Les lois et les plébiscites


A) Lois et plébiscites
La loi : La loi n’est donc un « ordre du peuple ou de la plèbe » que parce qu’il est émis en
réponse à la « demande », ou rogatio, la motion du magistrat suprême adressé à
l’assemblée convoquée par lui de se prononcer sur la proposition qu’il soumet ainsi à ses
suffrages : rogante magistratu « sur la demande du magistrat ».
Le plébiscites : ce que la plèbe ordonne et établit. Les plébiscites n’avaient à l’origine force
de loi que pour les seuls plébéiens jusqu’à ce que, à la suite d’une sécession de la plèbe.

11
Droit romain Q1| Suzanne Simal

La « rogation » : La « rogation » est le terme sous lequel sont rassemblées toutes les
mesures dont le magistrat soumet la proposition à une assemblée populaire, que ce soit une
loi (lex pubica ou lex rogata), votée par le peuple, un plébiscite (plebiscitum), voté par la
plèbe, voire un privilège (privilegium).
Le concilium plebis/conseil de la plèbe : ayant dès lors perdu sa spécificité, il s’est finalement
fondu dans les comices tributes au cours des derniers siècles de la République
B) Lex publica (rogata) et lex dicta
La lex rogata : était adopté à la faveur d’une procédure dont la rogatio, la motion qui met
proprement en mouvement la volonté populaire est la clé de voûte (caput ipsum), qui
intervient elle-même au sein d’une longue et complexe procédure d’élaboration.
La lex dicta : la « loi » dictée unilatéralement par un magistrat ou un prêtre, voire, par un
particulier, pour l’accomplissement d’un acte juridique.
C) Les lois royales (leges regiae)
Sont une catégorie de lois publiques dont la proposition a été adressée aux comices curiates
sur la base d’une rogatio.
D) La loi votée : texte sanction affichage et archivage
Une fois votée, la proposition de loi est transformée en loi (lex) sous la forme d’un texte
rédigé à l’impératif futur, qui est le style propre aux lois romaines. Le texte de la loi votée est
composé de trois parties, l’une d’entre elles étant la sanction, et est affiché sur le forum.
1) La structure de texte de la loi votée
La loi est identifiée d’après le nom du ou des magistrat(s) qui en ont présenté la proposition
aux comices. Son intitulé comporte un index qui en spécifie l’objet, ainsi, pour choisir deux
exemples de lois en matière de droit privé :

→ La lex Aquilia, qui oblige celui qui, par sa faute, cause un dommage au bien d’autrui à
le réparer par une compensation en argent.
→ La lex Laetoria de minoribus XXV annis, loi qui protège le mineur de (moins de) 25
ans contre les manœuvres frauduleuses des tiers qui concluent avec lui un acte
juridique.
Après le vote, le texte comprend trois parties :
→ Le préambule (praescriptio)
→ Le dispositif (rogatio)
→ La sanction (sanctio)
Le préambule (praescriptio) est le procès-verbal qui acte ou enregistre les circonstances de
l’événement que constitue la rogatio elle-même : temps, lieu, action, ainsi que personnes.
2) Affichage et archivage

12
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Affichage : dans un lieu public (au forum), ou tous peuvent en prendre connaissance.
Archivage : au temple de saturne (aerarium saturni, trésor public).
3) Les lois moins que parfaites

On distinguait en effet les lois parfaites (leges perfectae), les lois moins que parfaites (minus
quam perfectae) et les lois imparfaites (imperfectae). On parle ici de la sanction des lois.

La loi parfaite annule ce qu’elle interdit et la loi imparfaite, sans annuler ce qu’elle interdit,
ne frappe même pas d’une peine celui qui la viole. La loi, en d’autres termes, n’a pas le
pouvoir d’annuler un acte juridique conforme du ius civile, dont les conditions de validité ont
été formellement respectées. Il reviendra au préteur, sous le régime de la procédure
formulaire, de compléter la sanction des lois moins que parfaites sur une base procédurale,
via l’important mécanisme de l’exception. Moins que parfaite est la loi qui interdit de faire
quelque chose et, si on l’a fait, ne l’annule pas, mais frappe d’une peine celui qui a agi contre
la loi.

→ La loi parfaite : nullité


→ La loi moins que parfaite : peine
→ La loi imparfaite : ni nullité, ni peine

E) La loi des XII Tables


Contexte politique : lutte de la plèbe pour la divulgation et la publicité du droit.
→ En 451 av. J.-C., les plébéiens obtinrent la nomination d’une commission de dix
membres « chargés de mettre les lois par écrit » : les Decemviri legibus scribundis. La
commission ayant été reconduite pour un an, dix Tables furent publiées en 451, et
deux autres l’année suivante.
Le premier monument législatif, le premier code des lois du peuple romain. Jamais abrogée,
elle a marqué le point de départ dans l’histoire du droit privé romain

Section 4. Les sénaconsultes


Sous la République, les décisions politiques du sénat, les sénatusconultes, sont de simples
avis donnés en réponse à une motion du magistrat (la relatio).
En pratique, c’est l’auctoritas, « l’autorité », du sénat qui confère un poids juridique sans
égal aux sénatusconsultes.

→ Nous savons que le sénat est alors l’organe institutionnel central de la res publica,
dont les compétences s’exercent principalement dans l’ordre des relations
internationales, des affaires religieuses et financières.
Dans un régime où l’empereur cumule tous les pouvoirs en sa personne, le sénat perd son
rôle politique pour ne garder que le prestige immense.
Section 5. Les constitutions impériales

13
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Les constitutions impériales (constitutio = « décision ») sont une source nouvelle du droit à
partir d’Auguste, le premier empereur: ce sont les décisions de l’empereur ayant valeur de
loi.
Les constitutions impériales regroupent quatre types d’actes normatifs :
• Les rescrits, ou epistulae : une lettre de l’empereur en réponse à une requête , sur
une question de droit notamment, de la part de magistrats et de fonctionnaires pour
un litige qu’ils ont à trancher, ou de la part d’un particulier engagé dans un procès;
• Les décrets (decreta) : les décisions judiciaires de l’empereur assisté des meilleurs
juristes en première instance et surtout en degré d’appel ;
• Les édits (edicta), qualifiés au Bas-Empire de leges generales : comparables aux édits
des magistrats sous la République, ils sont applicables à un territoire déterminé, à
une catégorie d’individus ou à l’ensemble de l’empire
• Les mandats (mandata) : instructions administratives de l’empereur aux
fonctionnaires.

→ Les constitutions impériales prennent véritablement leur essor avec Hadrien.


Section 5. Les constitutions impériales
Constitutio = décision
Les constitutions impériales sont une source nouvelle du droit : ce sont les décisions de
l’empereur ayant valeur de loi.
Les constitutions impériales regroupent quatre types d’actes normatifs :

→ Les rescrits, ou epistulae : une lettre de l’empereur en réponse à une requête (d’où
rescrit), sur une question de droit notamment, de la part de magistrats et de
fonctionnaires pour un litige qu’ils ont à trancher, ou de la part d’un particulier
engagé dans un procès (par souscription au bas de la requête elle-même)
Les décrets (decreta) : les décisions judiciaires de l’empereur assisté des meilleurs juristes en
première instance et surtout en degré d’appel

→ Les édits (edicta), qualifiés au Bas-Empire de leges generales : comparables aux édits
des magistrats sous la République [au sens de proclamations orales], ils sont
applicables à un territoire déterminé, à une catégorie d’individus ou à l’ensemble de
l’empire
→ Les mandats (mandata) : instructions administratives de l’empereur aux
fonctionnaires (instructions à un gouverneur sur le départ pour sa province, ou en
vue de réquisitions militaires ou fiscales)
C’est la source presqu’exclusive du droit sous le Haut-Empire.
Au Bas-Empire, l’empereur légifère seul.

14
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Toutes les constitutions sont appelées leges et l’empereur est la « loi vivante ».
Les Constitutions sont élaborées dans les bureaux par des juristes-fonctionnaires dont la
personnalité reste inconnue. Le texte, rédigé par le questeur du palais, est discuté au
consistoire impérial. La langue reste le latin, même pour les constitutions orientales. La
diffusion du texte opère par envoi aux fonctionnaires impériaux, de sorte que sa publicité
n’est pas assurée et que les justiciables n’ont pas de certitude d’avoir connaissance de la loi.

Section 6. L’Edit des magistrats


Sources fondamentales pour l’avènement du droit privé.
L’édit d’un magistrat est en général une communication orale et publique au peuple dans le
cadre d’une assemblée informelle convoquée par lui sur les Rostres

→ Le nom edictum vient en effet du verbe edicere, de ex et dicere, « faire une


proclamation publique orale ».
→ Tous les magistrats ont droit de prononcer des édits.
→ Sensu lato l’édit de proclamation orale et publique adressée par un magistrat au
peuple réuni dans des assemblées informelles, les contiones

Seul l’édit des magistrats exerçant la juridiction est une source formelle du droit romain

A) Les magistrats en charge de la iurisdictio


Les magistrats compétents pour les procès sont les préteurs urbains et pérégrins, les édiles
curules et le gouverneur de province.

→ Seul un magistrat investi de l’imperium peut rendre la justice.


Exception :
Les édiles curules qui n’ont que la potestas, mais dont la compétence était spécialisée :
chargés de la police de la Ville et des marchés. Ils étaient compétents pour les litiges relatifs
aux ventes d’esclaves et d’animaux conclues sur les marché de Rome.
B) L’édit du préteur
L’édit du préteur urbain étant le seul qui soit suffisamment bien connu, c’est donc à celui-ci
que nous consacrerons notre attention.
Après l’avoir défini et exposé les modalités de sa formation jusqu’à sa codification définitive
à la demande de l’empereur Hadrien sous le nom d’édit perpétuel, nous évoquerons la
grande souplesse de l’édit.
Nouvellement élu pour un, le préteur proclame son édit lors de son discours d’entrée en
charge, le 1er janvier. L’édit n’a en principe de validité que pour l’année d’exercice du
magistrat qui l’a proclamé = un an dite « loi annuelle » = lex annua.

15
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’édit est ensuite affiché au forum, sur l’album écrit en noir sur un panneau de bois blanc
avec les initiales en rouge pour les paragraphes.
La lex annua, « loi annuelle », l’édit n’a de validité que pour un an.
On distingue ainsi, pour l’édit d’une année :
- L’edictum translaticium, « l’édit tralatice », la partie de l’édit que le préteur en exercice
reçoit de son prédécesseur
1) Définition
Sous le régime de la procédure formulaire, l’édit est « le catalogue qui fait connaître toutes
les voies de droit de nature judiciaire ouvertes aux plaideurs, au nombre d’une centaine au
total, accompagné de la collection des formules-modèles prévues pour chacun des recours
possibles ».
Ces actions sont réparties suivant différentes classifications, nous les rencontrerons au fur et
à mesure de l’avancée du cours. Elles sont :
- Civiles ou prétoriennes
- Pénales ou réipersécutoires
- Infamantes ou non
- Directes ou contraires
- Comportent une substitution de nom
La lex cornelia :
Jusqu’à la Lex cornelia de 67 av. J.-C., le préteur n’était pas obligé de s’en tenir aux termes de
son édits (pas de validité juridique de la norme)

→ En vue de limiter l’arbitraire des préteurs, la loi Cornelia tenta d’imposer le contraire.
La Lex annua : « Loi annuelle »

→ Elle n’a de validité que pour 1 an.


→ Chaque préteur nouvellement élu pour un a le pouvoir de modifier l’édit de son
prédécesseur.
→ Le préteur proclame son édit lors de son discours d’entrée en charge, le 1 er janvier.
→ L’édit est ensuite affiché au forum, sur l’album.

On distingue ainsi, pour l’édit d’une année :


- L’edictum translaticium, l’ « édit tralatice », la partie de l’édit que le préteur en
exercice reçoit de son prédécesseur ;
- La pars nova, la « partie nouvelle », les innovations qu’il prononce le cas échéant lors
de son discours inaugural ;
- L’edictum repentinum, l’ « édit soudain » (repente, « tout-à-coup, soudain »), qu’il
prend sur le coup, même sans l’avoir annoncé en début d’année.

16
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’édit est donc une œuvre collective qui s’est constituée au fil des siècles.
→ Sa souplesse a permis au droit romain de se renouveler incessamment pendant 500
ans au contact de la modification des usages et des besoins de la pratique au contact.
L’édit perpétuel :
Au IIe siècle, l’empereur Hadrien prit la décision de codifier l’édit, confiant au jurisconsulte
Salvius Julien (vers 130) le soin de lui donner une forme définitive à ce qu’on appellera dans
la suite des temps l’édit perpétuel.

→ Au milieu IIe siècle, toutefois, la procédure formulaire atteint certes son apogée,
mais commence aussi son inexorable déclin, irrésistiblement concurrencé par la
procédure extraordinaire, déclin que précipite paradoxalement l’édit perpétuel.
2) La souplesse de l’édit
La souplesse est la première caractéristique de l’Édit.
Siégeant au forum, le préteur est en contact permanent de l’évolution des usages et des
pratiques, à laquelle il peut s’adapter rapidement et simplement, sans devoir en passer par
une lourde procédure d’élaboration de la loi, mais en annonçant ou même en délivrant
« intempestivement », sur le coup de la décision, une nouvelle voie de droit, qui qualifie un
nouveau rapport juridique et vient ainsi enrichir le droit privé, offrant d’autres facultés d’agir
et donc en puissance d’autres droits aux citoyens.
Grâce à lui le droit romain a pu se renouveler au gré des évolutions générales de la famille,
en matière de filiation et de succession, notamment, s’ajuster à l’explosion du commerce et
des échanges sur fond de la « première mondialisation » qui opère à partir de la fin de la
République et aux deux premiers siècles de l’Empire. Il assura entre autres la reconnaissance
des grands contrats synallagmatiques de bonne foi de la vie des affaires, vente, louage,
mandat, société.

→ La souplesse de l’édit a permis au droit romain de se renouveler incessamment


pendant 500 ans au contact de la modification des usages et des besoins de la
pratique au contact.
C) Le droit prétorien
Dans le catalogue des sources du droit romain qu’il dresse, Papinien instaure une distinction
entre le droit civil et le droit prétorien, également appelé le droit honoraire :
Le droit prétorien est spécifiquement le droit dont la source est l’édit du préteur, urbain ou
pérégrin Le droit civil est ce qui vient des lois, des plébiscites, des sénatusconsultes. Il
désigne donc le droit propre aux citoyens opposé au droit prétorien. La source n’est pas
l’édit du préteur.
Le droit prétorien fut créé, précise le juriste, pour faciliter, suppléer ou corriger le droit civil
en vue de l’utilité publique.
D) Synthèse sur le droit prétorien

17
Droit romain Q1| Suzanne Simal

La procédure formulaire a déterminé pour l’essentiel le développement du droit romain tout


au long de l’époque classique, du milieu du IIIe siècle avant notre ère jusqu’au milieu du IIIe
siècle après J.-C.
Même s’ils sont largement tributaires de l’influence des jurisconsultes, ce sont les deux
préteurs, en effet, urbain et pérégrin, qui, par la voie de leurs édits, vont jouer le rôle décisif
dans l’évolution du droit romain durant les deux derniers siècles de la République, dans la
mesure où, organisant la procédure civile, ils sont constamment au contact de la société et
des affaires, et, par-là, des besoins nouveaux qui s’y font jour.
La procédure formulaire permet de comprendre pourquoi les jurisconsultes romains ont
raisonné en termes d’actions, de voies de recours, de moyens de procédure
→ et non, comme les modernes, sur la base de droits subjectifs dont le procès n’est que
la mise en œuvre.
Section 7. Les responsa
Les responsa = la jurisprudence
La jurisprudence est le produit de l’activité d’un personnage éminemment singulier dans
l’histoire universelle : le jurisconsulte (iurisconsultus), ou le jurisprudent (iurisprudens),
l’expert du droit. Les jurisconsultes ont aussi une mission de consultation auprès de leurs
concitoyens.
Les différentes évolutions :

→ La jurisprudence pontificale: ancien droit


→ La laïcisation de la jurisprudence: droit préclassique
→ La jurisprudence classique: droit classique
→ La jurisprudence en droit tardif: droit tardif
A) La jurisprudence pontificale
Les pionniers du droit civil étaient des prêtres de culte public, les pontifes.
1) Le collège des pontifes
Le collège pontifical = les prêtres du culte public

→ Au nombre de 5, 9, 15 et 16
Ils veillent à la rigoureuse conformité de la vie religieuse à Rome à tous échelons public et
privé du culte public des Romains.
Leur rôle fondamental est d’assurer une expertise pour :

→ Cérémonies du culte des dieux d’en-haut et des dieux d’en-bas


• dont ils avaient une description détaillée : bon déroulement du rite en
termes de calendrier, de lieu, de choix des victimes, de financement, etc.

18
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Ils sont les garants de l’intégrité du culte contre les négligences « par oubli des rites
nationaux et introduction de rites étrangers. Non seulement les cultes publics mais aussi les
cultes privés.
Ils ont aussi la tâche particulière de rédiger les annales et de la fixation des calendriers en
collaboration avec le sénat. Ils sont aussi les gardiens du droit : responsables des formules et
des rites de l’ancien droit (notamment les actions de la loi).
2) Composition
Le collège des pontifes forme l’un des quatre grands collèges sacerdotaux de la religion
romaine à la tête duquel se trouve le grand pontife.
De cinq sans doute à haute époque, le nombre des pontifes fut porté à neuf en 300 av. J.-C.,
puis à quinze par Sylla, à seize enfin par César.
Le collège comprend aussi : le rex sacrorum, 15 Flamines, 6 vierges vestales.
3) Les fonctions
Les pontifes exercent une fonction de conseil quant aux rites et aux coutumes du culte
traditionnel auprès des :

→ Magistrats
→ du sénat
→ des autres collèges sacerdotaux
→ des particuliers.
Ils intervenaient aussi pour l’accomplissement, in concreto, des cérémonies, sur la base du
rite de double énonciation.
Trois tâches particulières leur incombent :

→ la rédaction des Annales


• ce sont des chroniques tenues sur un tableau blanchi à la chaux de tous les
événements dignes de mémoire intervenu au cours de l’année écoulée.
→ l’établissement du calendrier et la rédaction
• en collaboration avec le Sénat et les magistrats, les pontifes exercent
l’important contrôle social du temps : ils fixent le calendrier, en particulier, ils
définissent le début de chaque mois par l’observation de la nouvelle lune,
déterminent la date des fêtes mobiles, et procèdent à l’ajustement du
calendrier lunaire au calendrier solaire par l’insertion d’un mois intercalaire.
→ l’interprétation et l’archivage des règles de droit (iura) et des formules composant les
rites du droit civil (les actiones).
• les pontifes sont les maîtres d’œuvre des formules et des rites de l’ancien
droit romain. Ils les délivrent aux acteurs du droit, en vérifient la conformité,
en assurent l’interprétation, l’adaptation aux situations de la pratique et aux
cas d’espèce, ainsi que l’archivage, la conservation et la transmission au sein
du collège.

19
Droit romain Q1| Suzanne Simal

4) La laïcisation de la jurisprudence
→ Ius Flavianum (304 ACN)
→ Lex Ogulnia (300 ACN)
→ Tiberius Coruncanius (254 ACN)
→ Tripertita (200 ACN)
B) La jurisprudence classique
1) La figure du jurisconsulte
Sa formation :
L’apprenti jurisconsulte la reçoit dans le cadre de la relation aristocratique du maître et du
disciple : il se forme « sur le tas », en suivant son maître dans sa pratique quotidienne, au
forum ou pendant ses consultations, en même temps qu’il s’initie à la vie publique, politique,
à laquelle sa naissance ou son talent le destinent.

→ Cet enseignement privé du droit supposait donc en principe une bonne naissance,
l’appartenance à une grande famille.
Le jurisconsulte classique rempli la double fonction de juriste et de professeur de droit.
On dira du jurisconsulte qu’il n’est :

→ ni un magistrat
→ ni un orateur
→ ni un professionnel
→ ni un fonctionnaire.
Le jurisconsulte est donc un simple particulier, en règle un aristocrate, qui met son savoir et
son talent au service de ses concitoyens :

→ Il n’est même pas un personnage officiel : simplement, son savoir fait l’unanimité et
lui assure prestige et autorité ».
Ce prestige, l’auctoritas, attaché à la jurisprudence et à ses maîtres est une notion centrale
au sein de la société romaine : l’auctoritas est un sceau de suprématie à la fois sociale et
personnelle dont il existait trois sources, selon un ordre décroissant d’importance : l’armée,
l’art oratoire et précisément le droit.
→ Les trois derniers grands jurisconsultes classiques : Papinien, Paul et Ulpien.

L’activité du jurisconsulte comporte un volet théorique et un volet pratique.

Sur le plan théorique :


les juristes rédigent des ouvrages spécialisés, notamment :
- Des traités de droit civil
- Des commentaires à l’édit du préteur
- Des commentaires à la loi des XII Tables

20
Droit romain Q1| Suzanne Simal

- Des livres de définitions


- Des manuels de droit (Institutiones, ou Institutes)

Sur le plan pratique :


L’activité des jurisconsultes peut se résumer en trois verbes
→ Respondere : il donne des responsa, des conseils, des consultations gratuites sur des
points de droit, répondant aux particuliers qui le souhaitent sur toute question,
juridique ou non juridique (sur la façon d’un fonds, le mariage d’une fille, etc.).
→ Cavere : il conseille les magistrats et les particuliers dans la rédaction des actes
juridiques, y compris les formules de la procédure.
→ Agere : « agir », il accompagne les parties dans toutes les étapes d’une procédure.

Trois figures de l’assistance judiciaire :


→ Le juriste, le jurisconsulte le spécialiste du droit
→ L’avocat. Les advocati constituaient un groupe, souvent nombreux, de personnages,
souvent importants, qui assistaient la partie de leurs conseils et témoignaient pour
elle au moins par leur présence, mais qui ne plaidaient pas. Leur présence mettait en
évidence la solidarité du groupe des parents et des amis, le soutien dont la partie
qu’ils entouraient bénéficiait dans la cité.
→ L’orateur (ou patron, patronus) il appartenait de prononcer un discours continu.
Expert dans l’art de prononcer des discours qui rallient le public à son opinion, dans
l’art de convaincre un juge ou un auditoire, d’emporter l’adhésion, et dont les
moyens consistent autant à argumenter qu’à séduire, autant à démontrer
rationnellement qu’à toucher les cœurs et à émouvoir.
• Au Bas-Empire, les figures de l’orateur et de l’avocat fusionnent, mais la
différence entre l’orateur (l’avocat) et le spécialiste du droit qu’est le
iurisconsultus se maintient.

2) La science romaine du droit


Le rôle des jurisconsultes classiques a été décisif dans l’histoire du droit romain et, par là,
dans l’évolution universelle du droit. Ils ont élaboré la science romaine du droit, dont nous
vivons encore.
L’apport des jurisconsultes classiques fut d’avoir dégagé des rites de l’ancien droit, concrets
et pratiques, mais aussi des formules des actions, exceptions, et autres voies de recours de
nature judiciaire dans l’édit des deux préteurs, une science du droit, logique et abstraite,
universalisable.
Les Institutes de Gaius constituent le point d’aboutissement de ces efforts. Gaius développe
en effet son exposé en trois parties et quatre livres :

→ Livre 1er : les personnes


→ Livres 2 et 3 : les res, « les choses »
→ Livre 4, les actions, actiones, les actions, ou voies de procédures, désormais
envisagées séparément des notions et concepts analysés dans les trois premiers
livres.
C) La jurisprudence du droit tardif

21
Droit romain Q1| Suzanne Simal

1) Un déclin ? La loi des citations


La lex citandi = la loi des citations consiste à retenir cinq noms de jurisconsultes classiques
dotés d’une égale auctoritas : Gaius, Ulpien, Paul, Papinien et Modestin.
Déclarant que, si leur opinion est unanime, le juge en fera application. A défaut, il retiendra
l’opinion majoritaire. Et si aucune majorité ne se dessine, il appliquera l’avis de Papinien,
déclaré le premier, princeps, de tous, le prince des jurisconsultes.
La loi des citations autorise les parties à citer d’autres juristes que ceux qu’elle énumère,
mais à la condition de produire le manuscrit où se trouve exprimée cette opinion.
2) L’âge des grandes compilations
L’Antiquité tardive est l’âge des grandes compilations de livres de droit, dont la plus illustre
sera celle de Justinien, le fameux Corpus iuris civilis, au VIe siècle.
L’époque est en effet marquée par l’incertitude du droit, l’éparpillement documentaire des
normes dû lui-même à divers facteurs : la dispersion des manuscrits des jurisconsultes
classiques dans les bibliothèques privées, ainsi que l’accroissement exponentiel de l’activité
législative de l’empereur. L’accès aux documents, aux sources, du droit, constitutions
impériales, ouvrages des jurisconsultes classiques, était devenu des plus problématique.
Les compilations interviennent dans ce contexte, visant à colliger les constitutions
impériales : voici l’apparition des codes = CODEX

→ Ce sont d’abord des recueils privés sous Dioclétien, puis officiels, avec le code
Théodosien, en 438, et le code de Justinien, en 534.
3) Le droit canonique
La naissance du droit canonique médiéval.
Le droit canonique constitue l’une des branches les plus inventives de la pensée et de la
pratique du droit dans l’Antiquité tardive, comme l’atteste,la reconnaissance de l’Audience
épiscopale (Audientia episcopalis) par Constantin, à savoir le tribunal de l’évêque, l’évêque
étant juge (iudex) en matière civile et criminelle, suivant une procédure qui s’établit par
analogie avec le droit romain.
La rencontre de la lex Romana et de la lex Christiana, grâce à laquelle celle-là a pu tirer parti
du sens chrétien de l’équité et de la charité dans la société romaine de l’Antiquité tardive, et,
inversement, celle-ci, de la rigueur et des méthodes du droit romain, est à jour un
événement mémorable de l’histoire universelle du droit.

Section 8. L’absence de coutume


Les critères d’identification :

→ La longue durée (vetustas)


→ Le consentement unanime (voluntas omnium)
→ Le caractère raisonnable

22
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’absence de la coutume dans les catalogues juristes est d’autant plus curieuse qu’elle figure
en bonne place dans les catalogues non techniques dressés par les rhéteurs à la fin de la
République sous l’influence probable de la philosophie grecque.
→ Les rhéteurs = spécialistes de l’éloquence
Il semble préférable d’évoquer la présence innomée de la coutume dans les catalogues des
sources du droit classique, plutôt que son absence, dont la présence apparaît indirectement,
par le biais d’autres sources formelles, spécialement les édits des magistrats et les réponses
des jurisconsultes.

DONC la coutume est absente des catalogues des sources formelles mais est tout de même
une source du droit.

PARTIE SUR LA PROCEDURE FORMULAIRE


La juri-diction : iuris dictio :
→ Le magistrat suprême « dit le droit »
Juri-diction :
Action de rendre la justice, et de la, le pouvoir ou l’autorité de l’administrer.
Les tria certa verba : les trois verbes solennels que le magistrat suprême n’est en droit de
prononcer, sous peine religieuse (piaculum), que les jours fastes de l’année : DO, DICO,
ADDICO
Le procès : est un litige soumis au tribunal
1) Le litige : est une contestation, de nature juridique, entre deux ou plusieurs
personnes et qui doit être tranchée par application du droit positif
2) Procédure : rassemble les règles qui gouvernent l’organisation des tribunaux, leur
compétence, le déroulement des procès et l’exécution des jugements
3) Les procédure figure dans le code judiciaire

Procédure Dates Histoire du droit romain


Legis actiones +/- 150 av J-C – 17 av J-C Droit archaïque
Procédure formulaire +/- 250 av J-C à +/- 250 ap J- Droit classique
C (abrogation en 342 ap J-C)
Procédure formulaire Bas-Empire et justinien Droit tardif

Droit moderne : un droit « sanctionnateur » :


En droit moderne on distingue les droits « déterminateurs », « substantiels » ou encore
« matériels », comme en droit civil ou le droit pénal.
Exemple :

→ Art 5.69 C. civ.

23
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Art 461 C. pénal


Par contraste, la procédure est un droit sanctionnateur = l’auxiliaire des droits matériels
L’action en droit moderne :
L’action est « le droit, à certaines conditions déterminées, à un recours devant un juge
investi du pouvoir de trancher les litiges pour obtenir une décision de justice »

→ L’action est un droit subjectif à part entière


La sanction du non-respect des conditions est l’irrecevabilité de la demande, son rejet, sans
examen au fond, au moyen d’une fin de non-recevoir.

Retour au droit romain :

→ L’action et le droit ne sont pas séparés en droit romain.


→ Mon droit n’a pas d’existence indépendamment de l’action par laquelle je m’en
affirme titulaire face à autrui.
→ L’action paraît ainsi l’archétype procédural du droit subjectif des modernes.
L’action en droit romain :

→ En droit romain, droit, action et intérêt sont une seule et même réalité à la fois
procédurale et substantielle.
→ C’est l’existence d’une action qui détermine les droits dont tout un chacun peut
s’affirmer titulaire, justifiant de son intérêt à l’intenter.
Pour conclure : droit privé ? droit public ?:
Notre droit privé vient de la procédure formulaire mais nos codes viennent de la procédure
extraordinaire.

→ Propre au droit romano-canonique (civil law)


La procédure formulaire :
La procédure formulaire fait son apparition au IIIe s. av. J.-C. Celle-ci est formellement
abrogée en 342 ap. J.-C.

→ Elle est issue historiquement des actions de la loi


Sous les deux régimes, le procès romain se déroule en deux phases:
La phase in iure : devant le préteur
La phase apud iudicem: devant le juge

24
Droit romain Q1| Suzanne Simal

• La phase in iure est bien plus développée dans la procédure formulaire que sous les
actions de la loi
• Le rôle du préteur et son pouvoir d’appréciation sont plus étendus
La procédure formulaire permet de comprendre pourquoi les jurisconsultes romains ont
raisonné en termes d’actions, de voies de recours, de moyens de procédure,
et non, comme les modernes, sur la base de droits subjectifs dont le procès n’est que la mise
en œuvre

Per concepta verba, id est per formulas, litigare


Un procès en deux phases :
1) La phase in iure :
La phase in iure est bien plus développée que dans la procédure formulaire, le rôle du
préteur et son pouvoir d’appréciation étant plus étendus pour concevoir à partir d’un
modèle la formule adaptée à chaque cas d’espèce.
Le préteur examine la question de droit soulevée par le litige et, s’il l’estime digne de donner
lieu à un procès :
- Il fixe dans la formule la règle de droit applicable à l’espèce
- nomme le juge choisi par les parties
- et l’investit du pouvoir de juger cette unique affaire.
→ La phase in iure se déroule « à l’endroit [sacré] où siège le magistrat ».
2) La phase apud iudicem :
La phase apud iudicem se déroule devant le juge, chargé d’examiner les preuves sur la base
du programme de jugement que constitue pour lui la formule (sous la forme d’un syllogisme)
et de condamner ou d’absoudre le défendeur.
Marche général du procès :
1) Le procès commence par la citation en justice
In ius vocatio, ou citation à comparaître.
→ Cod. jud., art. 700
2) Il se déroule en deux phases
À la charnière des deux phases: la litiscontestatio
3) Il débouche sur une décision, la sentence (le « jugement »)
4) Soit une condamnation
5) Soit une absolution

25
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Le cas échéant, il est nécessaire de passer aux voies d’exécution forcée


Sur la personne [= esclavage pour dettes]
Ou sur le patrimoine [= le gage général, C. civ., art. 3.36]

! En cas de condamnation: principe de la condamnation pécuniaire!

La condamnation pécuniaire :
La condamnation du défendeur opère comme une seconde novation : techniquement, elle
se trouve à la base du principe de la condamnation pécuniaire (condemnatio pecuniaria)
dans la procédure formulaire.
Selon ce principe, la condamnation porte nécessairement sur une somme d’argent, fixée soit
dans l’intentio de la formule, soit par l’estimation du juge :
Donc, si le demandeur intente une action contractuelle portant sur un corps certain, comme
un fonds de terre, un esclave, un vêtement, de l’or ou de l’argent, le juge ne condamne pas
le défendeur à la chose elle-même, mais à son estimation pécuniaire.
Il n’en est pas autrement, de manière plus surprenante, dans la revendication, où la chose
litigieuse n’est pas davantage restituée en nature. Aussi, si le défendeur-possesseur à la
revendication paie le montant de la condamnation, il est constitué légitime possesseur de la
chose et pourra en devenir propriétaire par usucapion, après un an pour un meuble, deux
ans pour un immeuble.
En conclusion, la procédure formulaire n’aboutit jamais qu’à la réparation en équivalent
du préjudice subi par le demandeur.
Les parties au procès :
- Le demandeur est « celui qui agit », en latin actor, is qui agit, ou petitor, is qui petit,
« celui qui demande ».
Le demandeur a l’initiative de tous les actes de la procédure.
- Le défendeur est en latin le reus, is cum quo agitur, « celui avec lequel on agit », is qui
convenitur, « celui qui est assigné ».
S’il est passif eu égard à la marche du procès, il devient actif en défense.

→ Importantes conséquences quant à la charge de la preuve !


→ C. jud., art. 870 ; C. civ., art. 8.4, al. 1 et 2
La formule :
Une fois les parties au tribunal, le demandeur commence par montrer du doigt sur l’album
l’action qu’il souhaite intenter

26
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Editio actionis
La phase in iure est consacrée à la rédaction de la formule par le préteur à partir du modèle
figurant dans l’édit

→ Le préteur collabore avec les parties et leurs conseils


La formule qualifie la question de droit soulevée par le litige
- Elle fixe la règle de droit applicable à l’espèce
- Elle nomme le juge choisi par les parties
- Elle l’investit du pouvoir de juger cette unique affaire

Structure unilatérale de la formule:


le juge ne peut que condamner ou acquitter le défendeur

Aussi les parties ne s’expriment-elles plus à la première et à la deuxième personne, mais


sont désignées à la troisième personne, par leur nom propre, dans la formule. Dans les
formules-modèles qui accompagnent chaque recours possible dans l’édit du préteur, elles
apparaissent sous un nom fictif, un nom de code : AULUS AGERIUS, à savoir is qui agit, « celui
qui agit », pour le demandeur, et NUMÉRIUS NEGIDIUS, à savoir is qui negat, « celui qui dit
NON », pour le défendeur. Nous reviendrons sur les conséquences qui en résultent dans
l’ordre de la charge de la preuve.
La revendication :
Que N. soit juge.
S’il appert que cet esclave, en vertu du droit des Quirites, est à Aulus Agerius, à
concurrence de sa valeur (au jugement),
Qu’à ce montant il condamne Ns Ns envers As As
Si cela n’appert pas, qu’il l’acquitte

Et pour une action in personam :

Que N. soit juge.


S’il appert que Numérius Negidius doit donner à Aulus Agerius 10 000 s.
Qu’à ce montant il condamne Ns Ns envers As As
Si cela n’appert pas, qu’il l’acquitte
La formule apparaît ainsi comme un syllogisme, un raisonnement que le juge devra tenir et
duquel il devra déduirela conclusion relative à l’affaire : la condamnation ou l’absolution du
défendeur.

27
Droit romain Q1| Suzanne Simal

La formule est donc ici le document délivré par le préteur par lequel celui-ci définit l’identité
des parties, opère, en collaboration avec les parties et leurs conseils, la qualification
juridique de l’objet du litige, et nomme le juge ainsi chargé de sa mission de trancher le
procès.
Loin d’être identique selon le type de la prétention émise par le demandeur, le préteur
examine désormais au cas par cas la question de droit soulevée par le litige. S’il l’estime
digne de donner lieu à un procès, il fixe dans la formule la règle de droit applicable à
l’espèce, nomme le juge choisi par les parties et l’investit du pouvoir de juger cette unique
affaire.
La phase apud iudicem :

La phase apud iudicem se déroule « devant le juge » qui, examinant l’affaire au fond, quant
aux faits, prend connaissance des moyens de preuve fournis par le demandeur (et le
défendeur, sur exception), et prononce le jugement (sententia).

→ Le juge est un simple citoyen, sénateur ou chevalier, choisi par les deux parties sur
une liste établie pour un an et affichée au forum (album iudicum) ou, à défaut, tiré au
sort par le préteur.

→ Le juge n’est compétent que pour la seule affaire que concerne la formule par
laquelle il est saisi.

→ Si le juge vient à décéder pendant la durée du procès, le préteur doit en nommer un


autre (mutatio iudicis).
a) La charge de la preuve
→ Art 870 C. Jud
→ Art 8.4, al. 1 et 2

Qui doit prouver quoi ?


b) L’administration de la preuve
→ Art 8.15 à 8.39 C. Civ

28
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Jusqu’à la fin de la République, les jurisconsultes ne se soucient guère de la théorie de la


preuve, qu’ils abandonnent aux spécialistes de la rhétorique: principe de la liberté du juge.
Au début de l’Empire, un régime de la preuve commence à s’organiser en matière civile

→ Livre 22 du Digeste, titre 4 : de fide instrumentorum et amissione eorum, « de la foi


due aux écrits et de leur perte »
Comment prouver un acte ou un fait juridique?

→ L’écrit, le témoignage, l’aveu, le serment, les présomptions de fait


Le jugement (sententia) :

→ Art 5 C. Jud
Le juge, à la fin de la phase apud iudicem, doit prononcer son jugement (sententia). En
prenant sa décision il tranche la contestation
Il dispose à cet égard de trois options :
- Il condamne le défendeur ;
- Il absout le défendeur ;
- Il renonce à juger, en prêtant le serment rem sibi non liquere : « l’affaire, pour lui,
n’est pas claire ». Dans ce cas, le préteur désignera un autre juge et la phase apud
iudicem sera recommencée.
Les voies de recours :

→ Art 1042 et sv. C. Jud


Sous la procédure formulaire, le jugement n’est pas susceptible d’appel. L’appel à César
(appellatio ad Caesarem) n’apparaît en effet qu’avec la procédure extraordinaire.
Le juge partial ou négligent « fait le procès sien »

→ Quasi-délit donnant lieu à responsabilité et à réparation du dommage.


→ La sentence du juge n’étant pas remise en question et la partie qui a gagné le procès
restant hors de cause
Ce n’est pas un second degré de juridiction.
En droit moderne, action en responsabilité civile du droit commun (C. civ., art. 1382)

En droit belge, les voies de recours sont : l’opposition, l’appel, le pourvoi en cassation, la
tierce opposition, la requête civile et la prise à partie.
La relativité du jugement :
Le jugement n’a d’effet qu’entre parties
→ Cf. la relativité contrats, C. civ., art. 1165

29
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Exception: les causae liberales, les procès en liberté (en droit moderne, jugements relatifs à
l’état des personnes).
La litiscontestatio :
La litis contestatio est la formalité qui clôture la première phase du procès.
Lis, litis, signifie « l’objet du litige » ou, suivant le principe de la condamnation pécuniaire,
son estimation.
Au moment de la délivrance de la formule, qui fixait les termes et le cadre temporel du
procès, les parties prenaient l’assistance à témoin :

- « ON DIT QUE PRENNENT ENSEMBLE DES TÉMOINS DU LITIGE DEUX OU PLUSIEURS ADVERSAIRES
PARCE QUE, UNE FOIS LA FORMULE ORDONNÉE (IUDICIO ORDINATO),

- « “SOYEZ TEMOINS”. ».
TESTES ESTOTE
Effets novateurs :
L’effet novateur présuppose nécessairement un effet extinctif, les deux n’étant pas
séparables, en bonne technique juridique, puisque la novation à la fois éteint une obligation
et la remplace par une autre.
L’effet novateur signifie que la litis contetatio éteint le droit subjectif du demandeur (par
exemple une créance) et le remplace par un droit nouveau qui consiste dans la possibilité
d’obtenir la condamnation du défendeur au terme de la phase apud iudicem.
L’autorité des choses jugée :
→ Art 23 C. Jud
→ Art 25 C. Jud
La litis contetatio épuise le droit du demandeur. Il ne pourra donc plus, par la suite, sur la
base du même droit et contre le même défendeur, recommencer un second procès, suivant
la maxime :
NE BIS DE EADEM RE SIT ACTIO
→ « Pas de second procès sur une même affaire »
C’est là un principe universel qu’imposent la sécurité juridique et le souci de la paix publique.
Dans notre droit moderne, le même principe est évidemment d’application, mais le
fondement technique en est tout autre : le jugement est censé dire la vérité : c’est l’autorité
de la chose jugée.
L’autorité de la chose jugée est conçue en droit moderne comme une présomption de la loi
et même, une présomption irréfragable, iuris et de iure, c’est-à-dire qui n’admet pas la
preuve contraire.

30
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’idée que le jugement est présumé énoncer la vérité apparaît déjà clairement chez les
jurisconsultes romains, comme chez Ulpien :

« LA CHOSE JUGÉE EST REÇUE POUR VÉRITÉ » (RES IUDICATA PRO VERITATE ACCIPITUR).

Classifications parmi les actions :


Les principales classifications parmi les actions sont les suivantes :
- civiles ou prétoriennes
- pénales ou réipersécutoires
- infamantes ou non
- De droit strict ou de bonne foi
- directes ou contraires
- certaines formules comportent une substitution de nom
- La classification fondamentale, ainsi que le souligne, distingue entre les actions in
rem et in personam
Actions prétoriennes :
Action in factum :
→ Dépôt et commodat
→ La responsabilité des bateliers, aubergistes et loueurs d’écurie
Actions utiles :
→ Ad exemplum legis Aquiliae, « sur le modèle de la lex Aquilia »
→ Extension du champ d’application de la lex Aquilia
Actions avec fiction :
→ Comme s’il était citoyen romain (à propos d’un pérégrin)
Deux actions de droit strict :
1) Action en revendication
→ Action qui sanctionne les droits réels.
Exemple : la propriété (voir exemple en dessous)
2) La condictio
→ La condictio sanctionne certains droits « personnels », droits de créance ou
obligations.

31
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Elle a pour objet la réclamation d’une chose certaine (res certa) ou d’une somme
d’argent certaine (pecunia certa).
→ Action abstraite : la source ou la cause de l’obligation n’est pas précisée.

Revendicatio Parties des formules Condictio

Que N. soit juge Nomination du juge Que N. soit juge


S’il appert que cet esclave, Intentio (pretention) S’il appert que Numérius
en vertu du droit des Negidius doit donner à
Quirites, est à Aulus Agerius, Aulus Agerius 10 000 s.,
à concurrence de sa valeur,
s’il n’y a pas restitution,
qu’à ce montant.
Il condamne Ns Ns envers Condamnation Qu’il condamne Ns Ns (à
As As payer) à As As 10 000 s.
Ou
Si cela n’appert pas, qu’il Absolution Si cela n’appert pas, qu’il
l’acquitte. l’acquitte.

L’intetio hypothétique : si paret


→ L’intentio est « l’affirmation, la thèse du demandeur », l’énoncé de la demande.
→ Dans ces deux formules, elle est composé sous la forme d’une proposition
conditionnelle :
• Un schéma bipartite
• Une supposition pure et simple : si paret…, « s’il appert… »
Un schéma bipartite :
→ La formule hypothétique obéit à un schéma bipartite.
→ L’hypothèse (proposition conditionnelle) est suivie du dispositif, à savoir la
conséquence attachée à l’hypothèse.
Une formulation casuistique :
→ Un cas est présenté sous la forme d’une proposition conditionnelle (protase)
• L’hypothèse :
• L’hypothèse introduite par « si » énonce le champ d’application de la
règle : la situation ou les conditions auxquelles la règle trouve à
s’appliquer

32
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Il est suivi de la conséquence que la règle y attache (apodose)


• Le dispositif
• Le dispositif ou conclusion, énonce la solution : la conséquence
attachée à l’hypothèse (ordre, permission, interdiction).
→ Particularité de la formule du procès: le dispositif est présenté sous la forme d’une
alternative
• Si paret…
• Si non paret…
La souplesse de la formule :
→ Possibilité d’insérer des exceptions
→ « Parade, esquive », l’exceptio (de ex et capere) est un moyen de défense, de nature
juridique, opposé par le défendeur à la prétention du demandeur qui, s’il est admis
par le préteur, est inséré dans la formule immédiatement après l’intentio, ce qui est
logique puisque l’exception vient contredire l’affirmation du demandeur
Au nom de l’équité :
Il arrive souvent que quelqu’un soit tenu selon le droit civil mais qu’il soit injuste de le
condamner par un jugement.
Exemple : Si j’ai stipulé de toi une somme d’argent, décidé à te la verser comme pour un
prêt, et que je ne l’ait pas versée. Je puis te réclamer, c’est certains : tu devrais payer
puisque tu es tenu par la stipulation. Mais parce qu’il est injuste qu’à ce titre tu sois
condamné il convient que tu sois protégé par l’exception de dol malicieux.

Summus ius, summa iniuria

In contrarium concipiuntur :
→ Quant à la forme, l’exception est toujours conçue à l’inverse de ce qu’affirme
le défendeur.
→ En d’autres termes, ce qu’affirme le défendeur apparaît, du point de vue du juge,
comme une deuxième condition négative (et si… ne pas) jointe à la condition positive
exprimée dans l’intention.
→ Ainsi, si le défendeur affirme avoir bénéficié d’un pacte de remise de dette [= une
libération du débiteur sans paiement], l’exception sera conçue au départ de
l’hypothèse contraire formulée dans l’intention :
• S’il appert Numérius Negidius doit donner à Aulus Agerius 10 000 s. [Intentio]

33
Droit romain Q1| Suzanne Simal

• Et si il n’a pas convenu entre AsAs et NsNs que cette somme d’argent ne
serait pas réclamée. [Exception de pacte]
Les exceptions :
Il semble que l’exception ne remonte pas aux actions de la loi. De plus, elle n’a pas survécu
en tant que telle dans la procédure extraordinaire, où elle devient simplement un moyen de
défense soulevé par le défendeur contre le demandeur, comme il en est en droit moderne,
où le défendeur peut opposer toutes fins de non-recevoir, exceptions et défenses au fond.
Quant à la forme, l’exception est toujours conçue à l’inverse de ce qu’affirme le défendeur.
En d’autres termes, ce qu’affirme le défendeur apparaît, du point de vue du juge, comme
une deuxième condition négative (et si… ne pas) jointe à la condition positive exprimée dans
l’intention.
Exception de dol :
Le dol, en latin dolus malus (du grec dolos, « ruse, artifice »), est une ruse malicieuse, une
tromperie, une déloyauté. Dans le cas de l’exception de dol, le dol est concomitant de
l’instance : on parle en doctrine de « dol présent », commis par le demandeur par le fait
même de la procédure.
L’exception de dol é été importante parce qu’elle permis de dégager le vieux droit civil des
demandes abusives dont il en était venu à faire l’objet de la part de plaideurs peu
scrupuleux ; ceux-ci prétendaient en effet à une application rigoureusement conforme du
droit civil qui aboutissait dans le cas d’espèce à une condamnation injuste, illustrant ainsi la
maxime célèbre : summum ius, summa iniuria, « droit suprême [égale] non droit suprême ».
L’exception de dol comporte en effet la double possibilité du dol passé ou présent, ainsi que
l’indique la formule.
Exception de crainte :
« Si, dans cette affaire, rien n’a été fait pour inspirer la crainte [au défendeur] »
Exception de telle loi ou tel sénaconsulte :
« Et si dans cette affaire rien n’a été fait en violation de la lex Laetoria »

Intentio Thèse du demandeur

Si paret Numerium Negidium Aulo Agerio S’il appert que Numérius Negidius doit
sestertium X milia dare oportere donner à Aulus Agerius 10 000 s.
Exception doli Exception de dol
Si in ea re nihil dolo malo Auli Agerii « Et si, dans cette affaire, rien ne s’est fait ni
factum si neque fiat ne se fait par le dol malicieux d’As As »

34
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’exception et les lois moins que parfaites :


Une norme juridique est en principe assortie de sanctions à l’encontre de ceux qui la
transgresseraient ou y contreviendraient.
Exemple : la loi Quinctia sur les aqueducs prévoit une importante amende de 100 000
sesterces contre les fraudeurs qui détournaient l’eau publique à des fins privées.
Il reviendra au préteur, sous le régime de la procédure formulaire, de compléter la sanction
des lois moins que parfaites sur une base procédurale, via l’important mécanisme de
l’exception. On en verra un exemple avec l’exception de la loi Laetoria, exceptio legis
Laetoriae.
L’exception de la lex Laetoria opposée à la condictio certae pecuniae :
Intentio S’il appert que Numérius Negidius doit
donner à Aulus Agerius 10 000 sesterces
Exception de la lex laetoria Et si dans cette affaire
rien n’a été fait en violation
de la lex Laetoria
Condamnation-absolution Juge, condamne Ns Ns
à 10 000 sesterces envers As As;
S’il n’appert pas, acquitte-le

Section 2. La procédure extraoridnaire


La cognito extra ordinem :
La cognitio extra ordinem, ou procédure extraordinaire, apparaît d’abord dans les provinces
et devient la procédure « ordinaire » dans tout l’empire au plus tard à partir du règne de
Dioclétien (284 ap. J.-C.)
→ Cognitio signifie un pouvoir du juge de connaître d’un litige
→ Extra ordinem signifie « en dehors de l’ordre (ordo) » que constitue la procédure
formulaire, l’ordo iudicorum privatorum, l’ordre des procès privés.
Deux grands principes directeurs : procédure accusatoire
La relation se noue entre les parties agissant l’une contre l’autre :
Principe contradictoire, ou égalité des armes :

→ Audi alteram partem « écoute l’autre partie »


→ Audiatur et altera pars, « que l’on écoute aussi l’autre partie »
En présence du magistrat qui surveille le déroulement de l’action entre elles :

→ Principe dispositif

35
Droit romain Q1| Suzanne Simal

La position du magistrat : tiers à l’instance


Il assure la police de l’instance

→ « Le procès est la chose des parties »


Juridiction gracieuse :
La juridiction gracieuse est un complément de la juridiction contentieuse.
En droit romain, la juridiction gracieuse a lieu par le moyen de l’in iure cessio, « la cession
devant le tribunal », qui est une revendication fictive suivant le régime des actions de la loi
et donc accomplie devant le préteur :
- Pour transférer la propriété d’une res mancipi ou nec mancipi.
- Pour affranchir un esclave par la vindicta, au moyen de la vindicatio in libertatem,
avec le maitre pour défendeur.
- Pour adopter un alieni iuris, apres 3 mancipations successives pour un fils, une seule
pour un autre alieni iuris (fille-petits enfants).
- Pour créer le lien d’affranchi à patron entre l’émancipé et son père.
Les parties empruntent le canal du procès pour accomplir un acte juridique privé.
Le magistrat participe à l’accomplissement d’un acte juridique privé.

36
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Droit romain syllabus 2 : Droit des personnes et de la famille

Chapitre 1 : Droit des personnes et de la famille


Section 1. La capitis deminutio
La capitis deminutio désigne toute modification du statut personnel, toute permutation d’un
statut antérieur.

→ Celle-ci emporte d’importantes conséquences patrimoniales.


→ Mais il n’y a pas de statut définitif et permanent.
Signification du mot « caput » :

→ Signifie le statut personnel en droit romain.


Il désigne l’individu du point de vue de la communauté ou de l’ensemble dont il fait partie
ou ne fait plus partie.

→ Significativement, le terme désigne la vie d’un homme sous le coup d’une sanction
pénale, capitale, donc, au point d’être supprimée.
• Capitale = « Relatif à la tête », donc, dans son acception juridique, « qui peut
coûter la tête à quelqu’un »

→ Le terme caput désigne donc l’unité juridiquement disponible d’un ensemble :


• « Disponible » au sens où le statut n’est pas définitif ou permanent, mais où il
existe toujours des possibilités de déplacement d’une catégorie à l’autre.
Les trois statuts :
1) La capitis deminutio maxima
Elle fait perdre, avec la liberté, la cité romaine et ses liens familiaux (l’agnation). L’intéressé
est réduit en esclavage.

→ Elle équivaut à ce qu’on appelait sous l’ancien régime la mort civile


→ Celle-ci fut abolie en Belgique en 1831
→ Art 18 C°
Bien qu’étant toujours vivant physiquement, l’intéressé est mort juridiquement : son
mariage est dissous, sa succession s’ouvre, tous ses droits patrimoniaux et
extrapatrimoniaux s’éteignent.

37
Droit romain Q1| Suzanne Simal

2) La capitis deminutio media


Perte de la cité romaine et des liens d’agnation. Il préserve sa liberté et devient pérégrin :

→ C’est l’exil
→ Peine « capitale » puisque, comme la mort, elle « supprime un individu (caput) du
nombre des citoyens »
3) La capitis deminutio minima
Perte des liens d’agnation. Elle ne relève que du droit privé et opère toujours sur la base
d’un acte de droit privé :

→ Adoption
→ Émancipation
→ Conventio in manum.
On remarquera déjà que, si la capitis deminutio minima emporte la rupture des liens
d’agnation, elle laisse subsister les liens de la cognation.

Section 2. La naissance et la mort


La naissance et la mort sont les frontières traditionnelles de la vie de la personne.

→ Les progrès dans les sciences du vivant en ont estompé la netteté apparente.
→ La bioéthique se rapporte aux débats sur le début et la fin de la vie.
A) La naissance
Par les voies naturelles ou par césarienne, peu importe, pourvu que l’enfant naisse vivant et
viable. Les enfants mort-nés ne sont réputés ni nés ni engendrés : ils ne sont pas au nombre
des liberi que sont les enfants se trouvant en la puissance du père et comme tels en ordre de
succession.
Chez les Sabiniens (ainsi que Justinien) :

→ Un signe de vie quelconque pour attester de la vie suffisait.


Chez les proculiens :

→ Ils exigeaient un cri poussé par l’enfant (emittere vocem).


Le sort de l’enfant à sa naissance :

→ Il dépend du pater familias


La sage-femme dépose l’enfant à peine échappé de la matrice à terre pour procéder à un
premier examen de celui-ci (s’enquérir de son sexe, vérifier sa vigueur et sa conformité
physique).
Vient alors sa deuxième naissance :

38
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Le père le prend et le soulève du sol (tollere liberos) l’assumant sous sa patria


potestas si bien que l’enfant entre dans le lignage et devient un fils ou une fille
légitime, « juste fils » (iustus filius).
→ Sinon, l’enfant est exposé sur la voie publique, où n’importe qui peut le recueillir pour
en faire éventuellement un esclave, ou il est privé d’aliments ou encore étouffé.
Le droit d’exposition (ius exponendi) :
Le droit d’exposition (ius exponendi) était fréquent pour les enfants chétifs ou mal
conformés mais il pouvait aussi relever de considérations démographiques ou patrimoniales

→ L’exposition, ainsi que toute forme d’infanticide, fut abolie par une constitution des
empereurs Valentinien
Le ventre :
En droit romain, l’enfant simplement conçu ou à naître (ou encore l’enfant in utero), il est le
ventre lui-même.

→ C’est une portion de la mère, une portion de ses viscères (organes de l’abdomen).
→ Il n’est donc pas appréhendé distinctement de la mère dont il fait partie sur le plan
sémantique.
→ Dans d’autres textes, l’embryon est aussi désigné par le mot partus (enfantement,
enfant), c’est « ce dont la femme doit accoucher ».
Mais le droit est loin de se désintéresser de l’enfant conçu (in utero) pour autant. Des droits
peuvent lui être reconnus, des droits suspendus à sa naissance future.

→ En cas de capture de la mère enceinte par l’ennemi, l’enfant né en captivité bénéficie


du postliminium. Il suit en conséquence la condition du père (le mari de la mère) ou
(hors mariage) de la mère.
→ Les successions légitimes : il a droit, même non né, à la succession de son père avec
les autres enfants qui se trouvaient en sa puissance au jour du décès, un curateur au
ventre pouvant être désigné par le préteur pour veiller à ses intérêts.
→ Testament : le droit civil impose à peine de nullité que tous les héritiers siens du
testateur soient institués ou exhérédés formellement dans le testament. Le père
dont l’épouse est enceinte doit donc prévoir la naissance et à instituer ou exhéréder
le ventre héritier. Si le ventre est passé sous silence, le testament est nul, les héritiers
testamentaires sont écartés et la succession légitime est établie.
Droit reconnu au fœtus :
« L’enfant simplement conçu est considéré comme déjà né toutes les fois qu’il y va de ses
intérêts »

→ Infans conceptus pro iam nato habetur quotiens de eius commodis agitur.

39
Droit romain Q1| Suzanne Simal

C’est un principe général d’interprétation en faveur de l’enfant qui pose la fiction que
l’enfant in utero doit être protégé « comme s’il était déjà né toutes les fois qu’il y va de son
intérêt »

→ On peut donc faire des naitre un enfant avec des droits mais pas des obligations (des
dettes par exemple).
Utilisé en droit classique comme dans le droit de Justinien, de là dans l’ancien droit français
et jusqu’à nous.
En droit moderne, ce principe est considéré dans les articles 725 et 906 du Code civil.
Le régime juridique du fœtus :
4 éléments déterminent le régime juridique du fœtus :

→ La période légale de conception.


• C. civ. anc., art. 326 & 315
• « L’enfant est présumé, sauf preuve contraire, avoir été conçu dans la période
qui s’étend du 300e au 180e jour avant la naissance et au moment qui lui est le plus
favorable, compte tenu de l’objet de sa demande ou du moyen de défense proposé
par lui ».
→ La fiction : « comme s’il était déjà né ».
→ La condition de la naissance future o L’enfant doit naitre vivant et viable o Si l’enfant
est mort-né, ils sont caducs (n’ont plus cours) : la succession légitime qui fut échue
est restituée à ceux auxquels elle serait revenue s’il n’était pas conçu et le testament
dans lequel l’enfant ne figurait pas est rétabli.
→ Le fœtus a des droits mais pas d’obligations.
En droit moderne :
Le régime juridique de l’embryon en droit moderne est repris techniquement du droit
romain

→ Avec le procédé de la fiction.


→ Il repose sur une extension de la personnalité à l’enfant conçu sous condition de sa
naissance future vivant et viable, afin de ne pas porter préjudice à l’enfant en le
privant de droits (essentiellement successoraux) qui supposent l’existence préalable
du bénéficiaire.
→ Les enfants in utero sont des « êtres fantomatiques, sans visage, non pas sans droits
pourtant » (Carbonnier).
Paradoxalement ce sont les progrès de la biologie (années 1980) qui ont modifié l’opinion
antérieurement admise selon laquelle l’embryon n’était pas un homme, et devait être traité
comme un « produit innommé, non comme une personne » (Carbonnier).

→ La biologie enseigne que, dès la conception, il y a vie, et montre l’homunculus (le


petit d’homme) en devenir.

40
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Mais ce sujet toujours divise toujours, c’est une division « passionnelle » des esprits :

→ Pour les uns c’est pars viscerum matris.


• Une non-personne, faute d’autonomie et de conscience de soi.
→ Pour les autres c’est un sujet de droit déjà constitué, qui réclament de lege ferenda
un statut proclamant la personnalité de l’embryon et garantissant sa protection dès
la conception.
• L’embryon tomberait alors sous l’article 2 de la CEDH (droit à la vie).
• D’où limitations à l’interruption volontaire de grossesse.
Cette division existe à cause des conflits entre les valeurs éthiques basées toutes deux sur
des principes fondateurs des droits de l’homme :

→ La dignité
• Principe objectif et humaniste.
• Inconditionné en ce sens qu’il a pour seule exigence la qualité d’être humain.
→ Et la liberté
• Principe subjectif et individualiste.
• Conditionné par l’aptitude et la conscience du titulaire.
On essaye alors de trouver une position moyenne :

→ Considérer l’embryon comme une personne virtuelle, potentielle.


→ C’est un possible, qui tend à l’existence…
→ D’où l’extension de la personnalité au fœtus sous condition de sa naissance future
grâce au procédé de la fiction.
Le posthume :
Le postumus, c’est-à-dire, « le tout dernier », est l’enfant qui naît après le décès de son père

→ Au plus tard le 300e jour qui suit le décès du père, conformément au calcul de la
période légale de conception.
→ C. civ., art. 315.
Le posthume n’a par définition jamais pu être en la puissance de son père, il ne devrait donc
pas être son agnat, l’agnation étant la parenté civile qui détermine les lois de la dévolution
successorale légitime, supposant la patria potestas.
B) La mort
La mort civile :
Nous savons que, en droit romain, la capitis deminutio maxima est assimilée par la ratio
civilis à la mort.

→ Sous l’ancien régime, la mort civile frappait les condamnés à des peines afflictives et
infamantes.
L’absence :

41
Droit romain Q1| Suzanne Simal

En droit moderne, l’absence fait perdre la personnalité juridique à une personne alors même
qu’elle n’est pas nécessairement morte.
Si une personne est déclarée absente à la suite d’une période de disparition définie par la
loi :

− Cinq ans depuis la décision constatant la présomption d’absence ;


− Ou sept ans depuis les dernières nouvelles reçues de l’absent
→ On la répute morte et elle perd sa personnalité juridique.
En cas de retour, le déclaré absent peut faire tierce opposition au jugement déclaratif
d’absence et procéder ensuite à la rectification de l’acte de décès dans les registres d’état
civil.
C) Les registres d’état civil
A partir d’Auguste, les enfants, légitimes ou non, doivent être inscrits dans des registres
publics (acta publica, instrumenta, tabulae), dans les trente jours de la naissance.

Section 3. Libres et esclaves (libertas)


Dans les institutes, Gaius pose la summa divisio de iure personarum, la division suprême qui
gouverne tout le droit des personnes : « tous les hommes sont ou libres ou esclaves ».
Parmi les hommes libres, certains sont ingénus, certains sont affranchis.

→ Parmi les affranchis, on en distingue 3 genres : ils sont soit citoyens romains ou Latins ou mis
au nombre des (pérégrins) déditices »
A) Les ingénus
Un ingénu est une personne de naissance libre.

→ Selon la règle que Gaius attribue dans le ius gentium : « Naît libre l’enfant dont la
mère est libre au moment de la naissance ».
→ Inversement, l’enfant né d’une esclave et d’un homme libre est esclave selon le ius
gentium.
Par faveur pour l’enfant, il fut admis que celui-ci suivrait le statut de la mère le plus
favorable au cours de la grossesse, le malheur (calamitas) de la mère ne devant pas nuire à
l’enfant dans le ventre.
B) Les affranchis
Au contraire de l’ingénu, l’affranchi est né esclave : sa naissance servile entache d’une
marque indélébile sa liberté nouvellement conquise.

→ MAIS ses propres enfants naîtront ingénus.


1) Le statut de l’affranchi
L’affranchi est susceptible de devenir : un Civis Romanus, citoyen romain ; un citoyen latin ou
un Pérégrin déditice.

42
Droit romain Q1| Suzanne Simal

a) Citoyen romain
À condition que :

− Il avait comme esclave plus de 30 ans.


− Son maître en avant la propriété quiritaire ou propriété civile.
− Il fut libéré par un affranchissement juste et légitime par la vindicte, par le cens ou
par testament.
b) Latin
Si l’une de ces conditions n’est pas respecté d’après la Lex Iunia Norbana sous Tibère :

→ Qui veut régulariser la situation esclaves mal affranchis.


Le latin possède un statut civique sans rattachement a aucune cité :

→ Alors il a le commercium mais pas le conubium.


→ Il est libre mais pas citoyen.
• Possibilité de devenir citoyen par des passerelles assez accessibles.
De plus, il vit libre mais il meurt esclave :

→ Il est frappé d’une incapacité de faire son testament et de recevoir par testament.
c) Le pérégrin déditices
En vertu de la loi Aelia Sentia, les esclaves auxquels leur maître avait infligé une peine
humiliante, afflictive, ou qu’il avait soumis à une activité jugée dégradante était considéré
comme pérégrin déditices.

→ Les pérégrins déditices forment une catégorie défavorisée qui comprend les
descendants des ennemis auxquels Rome a fait la guerre et qui ont capitulé par
deditio.
→ Le pérégrin déditice est interdit de séjour à Rome et dans un rayon de cent milles
alentour. Il ne peut faire son testament ni recueillir en aucune façon par testament.
Aussi, en 212 PCN, l’empereur Carcalla concédera la citoyenneté romaine (civitas) à tous les
habitants libres de l’Empire (Edit de Carcalla).

→ La mesure ne sera pas universelle, les déditices demeurent exclus du champ


d’application de la constitution impériale.
Le statut des pérégrins déditices est officiellement aboli que par Justinien en 530 PCN, MAIS
il était tombé en désuétude bien avant.
C) L’affranchissement
L’affranchissement est l’acte juridique par lequel un maître confère la liberté à son
esclave.
Un affranchissement est juste et légitime (manumissio iusta) s’il opère par :
− La vindicte
43
Droit romain Q1| Suzanne Simal

− Le cens
− Le testament
À côté de ces 3 modes anciens, des affranchissements officieux (de source sérieuse, mais
non officielle) furent bientôt reconnu par le droit.

→ Vis-à-vis de son ancien maître devenu son patron, l’affranchi conserve des liens de
nature personnelle : les devoirs de l’affranchi.
1) Manumissio iusta et maumissio iniusta
Manumissio iusta :
= affranchissement juste et légitime.
a) La vindicta
Par la baguette qui symbolise la propriété quiritaire, on accomplit un acte de juridiction
gracieuse gracieux, l’in iure cessio.

→ C’est une revendication fictive, devant le préteur, avec pour parties : le maître qui
veut affranchir son esclave, et un tiers, un champion, l’adsertor in libertatem, « celui
qui affirme la liberté » (un ami du maître ou un licteur).
→ Suite à l’affirmation de ce dernier, le maître gardant le silence (se trouvant ainsi
indefensus), le préteur déclare aussitôt l’esclave libre.
En droit classique, ce mode d’affranchissement n’exige plus que la présence d’un magistrat
revêtu de l’imperium.

→ L’adsertor libertatis étant remplacé par le licteur.


→ La procédure est devenue tellement simplifiée que le magistrat pouvait y procéder in
transitu, en allant au bain ou au théâtre.
b) Le censu
Se réalise lors des opérations du recensement, qui est le registre des citoyens et de leurs
biens.

→ Le citoyen voulant affranchir un de ses esclaves le déclare simplement comme libre


auprès du censeur qui l’enregistre comme tel sur la liste des citoyens.
→ Le recensement a lieu tous les 5 ans, ce qui limite les affranchissements par ce
procédé et qui mène à sa disparition au milieu du 1er siècle ACN.
c) Le testatmento
Il suffit que le pater familias insère dans son testament une clause par laquelle il déclare sa
volonté de libérer tel esclave.

→ A sa mort, l’esclave sera libre.


→ Existe depuis la loi des 12 Tables.
Manumissio minus (non) iusta :
= affranchissement officieux (dès la fin de la république).

44
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Les affranchissements sont réalisés sans le respect des formes imposées par le droit civil :

− Inter amicos, en présence de ses amis, notamment per mensam, au cours d’un
banquet.
− Per epistulam, par une lettre adressée à l’esclave lui-même.
− In ecclesia, à partir de Constantin [313-337]. Il se passait certainement à l’église,
devant l’évêque et la communauté des fidèles.
2) Les services de l’affranchi
L’affranchi qui devient citoyen porte, comme nom officiel, les tria nomina, le prénom et le
nom gentilice de son maître, devenu son patron, et un surnom qui reste souvent son nom
d’origine.
Mais sa capacité juridique n’est pas pour autant égale à celle des ingénus :
→ Au plan des droits politiques, s’il a le ius suffragii (le droit de voter, mais certains
auteurs le contestent), il n’a en aucun cas le ius honorum (l’éligibilité).
→ Au plan des droits privés, l’affranchi devient le client de son ancien maître devenu
son patron, lien qui se transmet aux héritiers des deux parties.
Considéré encore comme appartenant à la familia de son patron, l’affranchi lui est encore
lié :
a) L’obsequium
= Consiste dans le respect que l’affranchi doit à son patron.
Il pourra le manifester de diverses manières :
Exemple : en lui rendant visite chaque matin.
→ Ce lien impose à l’affranchi de s’abstenir d’intenter contre son patron une action
infamante.
b) Les operae liberti
= les services de l’affranchi
Ce sont des journées de travail, de services en nature.
→ L’affranchi s’y engage par le ius iurandum liberti, le serment de l’affranchi.
→ Le serment est prêté deux fois.
→ Il s’agit ici de la seule fois, selon Gaius, où le serment fait naître une obligation
dans le droit privé romain.
c) La succession
Depuis les XII Tables, le patron a droit à la succession de son affranchi décédé ab intestat
(sans avoir fait son testament, intestatus) sans enfants.

45
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ MAIS l’affranchi pouvait faire son testament, et ainsi priver son patron de toute
participation de toute participation à sa succession
→ Cette situation fut modifiée par la Lex Papia pour les affranchis riches ayant eu
moins de 3 enfants (Une part du patrimoine de l’affranchi reviendra d’office à son
patron).
d) Pas de liberté de divorcer
L’esclave que son patron a affranchie pour l’épouser (avec son consentement) n’a pas la
liberté de divorcer :
→ Seul cas de mariage sans manus où l’épouse ne peut pas divorcer.
e) Tutelle sur les enfants de l’affranchis
Le patron exerce la tutelle sur les garçons impubères et sur les filles issues d’un mariage
contracté par l’affranchi.
→ MAIS ceux-ci demeurent les héritiers de leur père.
Les obligations de l’affranchi s’éteignent passivement mais pas activement :
→ En effet, les prestations resteront dues aux enfants ou petits-enfants du patron.
→ Elles disparaissent à la mort de l’affranchi
D) Les sources de l’esclavage (servitus)
Comment devient-on esclave ?
Justinien y répond dans les institutes :

« On nait esclave ou on le devient »


1) La naissance
L’enfant d’une esclave naît esclave du maître de sa mère, selon une règle que les Romains
rattachent au ius gentium.
2) La captivité pour fait de guerre
Les prisonniers de guerre ramenés à Rome sont vendus à l’encan

→ Sinon, les Romains en font des esclaves publics.


Le Romain capturé par l’ennemi devient esclave, et perd aussitôt, avec la liberté, son
existence civique :

− Sa femme devient veuve


− Ses enfants sont sui iuris
− Son patrimoine passe à ses héritiers
→ Exactement comme s’il était mort.

46
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Si le prisonnier meurt en captivité, son testament est nul. Pour l’éviter, le droit adopte une
fiction selon laquelle il est réputé avoir trouvé la mort pendant la bataille, et non après sa
capture par l’ennemi, de sorte qu’il semble n’avoir jamais quitté la Ville.
Le postliminium :
= le droit de retour (du romain prisonnier)
Celui qui en réchappe et revient à Rome, soit qu’il se soit évadé, soit qu’un traité soit
intervenu, bénéficie du postliminium. Il retrouve rétroactivement l’ensemble de ses droits
tels qu’ils existaient avant sa capture.
MAIS il ne restitue pas tout : mariage et possession, en tant que res facti, disparaissent
définitivement.
3) La capitis deminutio maxima
Elle s’applique selon le ius civile aux cas suivants :

− Contre le citoyen qui s’est soustrait au recensement ou au service militaire.


− Contre le débiteur insolvable, s’il ne paie pas ses dettes.
Sous le Haut-Empire :

− En vertu de l’édit du préteur, contre celui qui s’est vendu pour partager son propre
prix avec l’acheteur.
− La femme qui persiste à vivre avec un esclave après que son maître l’a sommée à
trois reprises de le quitter, devient l’esclave du maître de son amant (selon un
sénatusconsulte de Claude, il sera abrogé plus tard).
La capitis deminutio maxima résulte encore d’une condamnation criminelle atroce (aux
mines ou aux bêtes) qui fait du coupable un servus poenae, littéralement « l’esclave de la
peine ».

Section 4. Citoyens et étrangers (civitas)


A) La cité, une communauté de droit et d’intérêt
La civitas est avant tout une communauté de droit et d’intérêts entre les citoyens. Elle leur
confère une jouissance de droits civils et politiques.
Trois catégories de ressortissants dans l’Empire

→ Les citoyens
→ Les Latins
→ Les pérégrins (étrangers)
1) Les droits civils et politiques
Dans la cité antique, les droits politiques sont un privilège masculin. Les droits politiques
supposent en effet la participation directe à la vie publique :

47
Droit romain Q1| Suzanne Simal

− Armée
− Magistratures
− Comices
− Sénat
− Jugements
→ Vie publique dont les femmes sont exclues.
Pour autant celles-ci sont bien citoyennes MAIS leur exclusion de la vie publique les prive en
conséquence de la jouissance des droits politiques

→ A l’exception du mariage (conubium), qui est plutôt un droit civil mais avec de fortes
implications politiques.
Au plan des droits civils : les femmes ont des facultés équivalentes aux hommes, avec
certaines restrictions toutefois
→ Exclusion de la patria potestas, exclusion de la capacité d’exercice.
a) Les droit politiques
Le nom du citoyen romain lui est propre, il évoque ses origines familiales et sa situation
juridique : ce sont les tria nomina, les « trois noms ».
→ Le nom de l’affranchi, s’il devient citoyen romain, porte-les tria nomina du pater
familia qui l’a affranchi.
A l’âge de 17 ans, le jeune-homme quitte la toge prétexte à bande pourpre pour revêtir la
toge blanche des citoyens mâles adultes. Inscrit dans sa tribu, il entre dans l’armée et, s’il est
issu d’une famille appartenant à l’élite sénatoriale, il commence une carrière politique.
Les droits politiques confèrent des facultés mais ils imposent aussi des charges. La cité
implique une contribution active aux charges de la part des citoyens qui, en retour, jouissent
de prérogatives et de privilèges.
Exemple : le service militaire ou l’impôt
Ius honorum :
L’éligibilité, le droit de se porter candidat pour une magistrature.
Ius suffragii :
Le droit de vote dans les comices centuriates et tributes.
→ La civitas sine suffragio est un droit de cité sans participation politique qui fut
accordé à certaines cités vaincues dans le cadre de l’expansion romaine en Italie.
Ius militiae :
Le droit de faire son service militaire. Dans le monde de la cité-Etat, participation militaire et
participation civique sont indissolublement liées.
→ Le service militaire n’est pas obligatoire (il n’est inscrit dans aucune loi)
→ MAIS elle est considérée comme consubstantielle à la cité elle-même, elle fait partie
intégrante de cette ‘coutume des ancêtres’ antérieure même à toute loi.
48
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Ius tributum :
→ Droit de participer à la vie publique de la cité.
→ C’est une contribution extraordinaire directement imposée aux citoyens par le Sénat
en fonction des besoins d’une campagne militaire. Les citoyens furent libérés de
l’impôt en 167 ACN, sous l’effet de l’afflux de richesses venues des provinces
nouvellement conquises en Orient.
b) Les droits civils
Ius conubii :
Est le droit de contracter un mariage légitime avec une Romaine.

→ Le conubium est « le signe le plus évident de l’égalité des droits », le symbole des
liens qui unissent des individus politiquement égaux.
Ius commercii :
Est la faculté de conclure valablement les actes juridiques du droit romain qui relèvent du ius
civile.
Legis actiones :
Le régime de procédure le plus ancien accessible seulement aux citoyens romains.
c) Le recensement
Il s’agit du dénombrement de tous les citoyens et, à l’intérieur de ce dénombrement général,
de leur classement en un certain nombre de catégories, âge, classes, centuries, tribus, dans
lesquelles chaque citoyen est rangé suivant son patrimoine (les biens dont il est propriétaire,
dont la familia de ses esclaves) et son hérédité, sa position dans un lignage, dans la familia
entendue cette fois comme un groupe d’agnats.
→ Il a lieu tous les cinq ans sous la responsabilité de deux censeurs.
B) La cité latine (nomen Latinum)
Le droit latin revêt à l’origine la signification d’un statut personnel défini sur une base
ethnique et géographique [= Anciens Latins]

→ La ligue latine (493 av. J.-C. – 338 av. J.-C.), instituée par traité.
→ Le ius migrandi (ou isopoliteia), ou droit de devenir citoyen par l’établissement de
son domicile dans la ville [Suppression au cours du IIe s. av. J.-C.]
Puis, il qualifie un statut civique conféré à ceux qui acceptent de faire partie des villes
nouvellement créées par Rome en Italie [= Latins coloniaires]

→ Peuplement exclusivement romain – Ni conubium ni ius migrandi


→ Nomen Latinum, un statut personnel inférieur à la cité romaine, mais dont le titulaire
bénéficie néanmoins de certains avantages en droit romain
Enfin, la locution désigne un statut qui, de colonial, devient municipal [= Latins provinciaux]
1) Les anciens latins (latini prisci)
49
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’histoire du ius Latinum commence avec le foedus Cassianum, « le traité de Cassius », qui,
en 493 av. J.-C., fédère Rome et les cités latines dans une alliance défensive et offensive
assortie d’organes fédéraux : chaque cité conserve sa citoyenneté, ses lois et son propre
droit.
MAIS des liens réciproques sont instaurés entre les citoyens de chacune :

− Le conubium
− Le commercium
− Le ius migrandi (le droit de devenir citoyen par l’établissement de son domicile dans
la ville
− Le ius suffragii
2) Les latins coloniaires et les latins provinciaux
Après la dissolution de la ligue latine, en 338 av. J.-C., le droit latin sera conféré aux cités
créées par Rome en Italie, au peuplement exclusivement romain, formé de cives qui perdent
leur citoyenneté d’origine pour acquérir celle de la cité nouvelle.
Ces cités indépendantes sont semblables à Rome par leur organisation locale (assemblées
populaires, Sénat et magistratures) et leur droit privé. Les privilèges antérieurs sont
maintenus : ils ont le commercium, le ius suffragii, mais pas, sauf concession spéciale, le
conubium, ni le ius migrandi.
3) Les latins juniens
Soucieux de restreindre les affranchissements devenus trop nombreux, abusifs et
inconsidérés, Auguste fit porter une loi destinée à en définir plus strictement les conditions.

→ La lex Aelia Sentia sur les affranchissements.


D’où la question du statut des esclaves mal affranchis, soit en violation de la lex Aelia Sentia,
soit de manière officieuse, qui ne bénéficiaient que d’une liberté de fait.

→ Une nouvelle loi fut portée à cet effet, la lex Iunia Norbana par laquelle fut créée une
nouvelle catégorie de Latins, les Latins Juniens.
Ces esclaves ne deviennent toutefois pas citoyens romains :

→ Ils sont pérégrins.


→ Donc ils ne sont rattachés à aucune cité et ne jouissent donc pas des prérogatives
qu’implique l’appartenance à un corps politique organisé.
→ Le Latin Junien a le commercium, mais pas le conubium.
→ Il est frappé d’une incapacité de faire son testament et de recevoir par testament.
Il est assez facile pour les latins juniens de posséder le droit de cité, ils peuvent l’acquérir
par :

→ Un mariage avec un ou une Romain(e) prouvé par sept témoins (causae probatio)
dont est né un enfant qui a atteint l’âge d’un an (filius anniculus).

50
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Pour services rendus à la collectivité : six années, trois par la suite, dans le corps des
vigiles ; six années pendant lesquelles un Latin a assuré le ravitaillement en blé de
Rome avec sa flotte marchande.
La liberté latine s’est maintenue au-delà de l’édit de Caracalla. Elle sera abolie par Justinien.
C) Les pérégrins
Le pérégrin est l’étranger qui n’est ni Romain ni Latin, que ce soit à l’intérieur de l’Empire ou
au-delà de ses frontières.
Comment l’étranger est-il reconnu en droit romain ?

→ Par la capacité de conclure les actes juridiques non formalistes extérieurs au ius civile
et rattachés par la suite au ius gentium.
• La tradition, la stipulation du ius gentium, les contrats réels et consensuels
→ Par l’accès à la juridiction du préteur pérégrin
→ En obtenant, à titre individuel, le ius conubii et le ius commercii
→ Grâce à la fiction « comme s’il était citoyen romain » insérée par le préteur dans la
formule qui introduit le procès (quasi civis Romanus esset)
→ En prenant un patron, à l’égal du client.
D) Sources de la citoyenneté
Comment devient-on citoyen romain ? 3 moyens :
1) La naissance
Dépend du mariage de ses parents :
Parents mariés en justes noces = ayant le conubium :

→ L’enfant suit le statut du père.


→ Statut du père au moment de la conception.
• Cette période est instituée entre le 300ème et le 180ème jour qui précède sa
naissance, en droit moderne, c’est la période légale de conception (Code civil,
art. 326).
• Il s’agit d’une présomption iuris tantum, non irréfragable, susceptible d’être
renversée par la preuve contraire.
[Mariage avec conubium entre un citoyen et une pérégrine]

→ L’enfant est citoyen, puisqu’il suit le statut de son père.


→ Le mariage ne confère donc pas le droit de cité à la femme pérégrine, mais, si elle a le
conubium qui légitime son mariage avec un citoyen, ses enfants naissent citoyens
romains.
[Mariage avec conubium entre une citoyenne et un pérégrin]

→ L’enfant est pérégrin, puisqu’il suit le statut de son père.

51
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Parents non mariés :

→ L’enfant suit le statut de sa mère


→ Statut de la mère au moment de la naissance (règle que Gaius rattache au ius
gentium)
• Par faveur pour l’enfant, il fut admis à la fin du droit classique que celui-ci
suivrait le statut de la mère le plus favorable au cours de la grossesse (voir
Marcien (supra) qui dit que le malheur de la mère ne doit pas nuire à l’enfant)
• Si l’enfant nait d’une esclave et d’un homme libre, il nait esclave ; s’il nait
d’une femme libre et d’un esclave, il nait libre.
La lex minicia :
Seulement applicable en l’absence de conubium!
Elle vient poser une restriction à la règle du ius gentium lorsque la mère est romaine et le
père pérégrin.

→ L’enfant suivra alors la condition la plus défavorable, c’est-à-dire celle du père.


→ Donc il sera pérégrin (alors que selon le ius gentium, il aurait dû naitre citoyen mais
les romains n’aimaient pas ça).
→ Il s’agit du seul cas où l’enfant né hors conubium ne suit pas la condition de sa mère
MAIS dans l’hypothèse inverse : mère pérégrine et père romain.
→ Si ce n’est pas un mariage en justes noces alors l’enfant suit d’office le statut de sa
mère donc il sera pérégrin.
→ Cette loi est donc inutile dans ce cas-là.
Cette loi est antérieure à la guerre sociale, après laquelle tous les italiens ont eu la
citoyenneté romaine.
La naturalisation :
La naturalisation fait acquérir le droit de cité à un Latin ou à un pérégrin.
→ Peut être accordée par le magistrat cum imperio ou par la loi
→ A titre individuel ou collectivement.
Deux grandes naturalisations collectives ont marqué l’histoire de Rome et de son empire :
l’entrée des Italiens dans la Res publica au lendemain des guerres sociales, d’une part, et
celle de tous les pérégrins, avec l’Edit de Caracalla, d’autre part :
1) La naturalisation de tous les italiens :
Deux lois accordent la citoyenneté aux alliés italiens à l’issue des guerres sociales :
− La lex Iulia, en 90 av. J.-C., qui confère d’abord le droit de cité aux habitants du
Latium, les Latins anciens.
− La lex Plautia Papiria, en 89, l’attribue ensuite à tous les alliés dont le domicile est
établi en Italie au jour de la rogatio et qui en adresseront la demande au préteur
urbain dans un délai de 60 jours.

52
Droit romain Q1| Suzanne Simal

2) La naturalisation de tous les pérégrins


L’édit de Caracalla, accorde la civitas à tous les habitants libres de l’Empire, les pérégrins
déditices exceptés.
➢ Par l’affranchissement, un esclave peut devenir citoyen romain.
E) Les privilèges des citoyens
Jusqu’à l’édit de Caracalla, sur les trois catégories de ressortissants existant dans l’Empire
romain :

→ les citoyens
→ les Latins
→ les étrangers
Les citoyens romains ne constituent qu’une petite minorité.
Leurs privilèges du citoyen sont nombreux :

− Le port de la toge.
− Jouissance des droits civils et politiques.
− L’appartenance au monde romain et à ses réseaux de relations personnelles et
d’affaires, qui procurent une ascension politique et sociale et d’enrichissement
économique.
− Exemption d’impôt et le tributum à partir de 167 ACN.
− Garantie judiciaire : droit d’appel au peuple puis à César :
• Pour toute sentence de mort prononcée à un citoyen, comme une sorte
d’habeas corpus (liberté fondamentale, celle de ne pas être emprisonné sans
jugement).
• Le citoyen romain ne peut être poursuivi que devant un tribunal romain
• Il bénéficie, en cas de condamnation à mort, de la provocatio ad populum, le
recours devant l’assemblée du peuple, sous la République et devant l’empereur, en
dernière instance, sous l’Empire.
F) L’Edit de Caracalla
En 212 ap. J.-C., l’empereur Caracalla adopte une constitution impériale, l’Edit de Caracalla,
ou Constitution antonine, par laquelle il octroie la citoyenneté romaine (civitas) à tous les
habitants libres de l’Empire, à l’exception des pérégrins déditices.
Les motivations de l’empereur :
− L’intérêt fiscal de la chancellerie impériale, tous les habitants de l’Empire se voyant
appliquer l’impôt du vingtième (élevé au dixième par Caracalla) sur les successions
auquel Auguste avait soumis les citoyens.
− Les raisons religieuses, en vue d’augmenter le nombre des fidèles du culte des dieux
romains et recevoir d’eux en échange victoire et prospérité pour l’Empire.
− Les raisons administrative sont plausibles aussi, l’uniformisation des statuts ayant
facilité la charge des bureaux et des tribunaux de l’administration en mettant fin aux

53
Droit romain Q1| Suzanne Simal

libelles et aux plaintes sans fin qu’entraînaient les questions de statut, évoquées par
l’empereur dans sa constitution.
En revanche, la généralisation du droit d’appel à César, ainsi que les préférences des
nouveaux citoyens d’être jugés devant les tribunaux romains et selon la loi romaine, et non
plus selon les coutumes locales conservées par les magistrats des cités, ont créé de sérieux
problèmes de fonctionnement à l’administration judiciaire romaine.
Les coutume locales :
Malgré la substitution d’un principe de territorialité du droit fait par l’Edit de Carcalla, où la
loi s’applique à tous les habitants d’un territoire, les progrès de la papyrologie indiquent, au
contraire, que les coutumes locales ont gardé la même place qu’elles avaient avant l’Edit
dans le cadre de la loi provinciale.
→ Deux principes justifient la valeur juridique des coutumes locales:
• La longa consuetudo (légitimation d’un usage par son ancienneté).
• consentement tacite des citoyens (tacita civium conventio).
Les usages locaux ont donc persisté, particulièrement dans les domaines les plus
traditionnels de la famille et du mariage (tant qu’ils n’entraient pas en conflit avec la loi et le
droit romain).
→ L’empereur ne fut en effet amené à intervenir qu’en cas de contrariété de l’une de
ces coutumes avec ce que l’on pourrait appeler « l’ordre international public romain
».
Exemple : La polygamie
L’Edit n’a pas eu les mêmes conséquences sur les hommes que sur les femmes :
→ Les hommes devenus citoyens dont le père ou le grand-père était encore vivant
furent soumis à la patria potestas de ce dernier, perdant donc l’autonomie dont ils
jouissaient avant.
→ En revanche, les femmes ont bénéficié du ius trium liberorum, «le droit des 3
enfants» :
• Institué par une loi d’Auguste : la lex Uila de maritandis oridnibus (18 ACN).
• Permet d’exempter de la tutelle de leurs agnats les mères de 3 enfants (4
pour les affranchies).
• Devenues citoyennes, les mères à travers l’Empire ne manquèrent pas d’en
appeler à ce « droit des enfants » pour bénéficier, contre le père, mari, oncle
ou frère, de l’autonomie juridique que leur reconnaissait la loi romaine et
pour ainsi échapper à leur domination.
L’Edit de Carcalla a également diffusé le latin en tant que langue officielle du droit et de
l’administration dans la partie orientale de l’Empire.
Section 5. Sui iuris et alieni iuris (familia)

54
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Gaius : « Du droit des personnes il découle une autre division : certaines personnes sont de
leur propre droit (sui iuris), d’autres sont soumises au droit d’autrui (alieni iuris) »
A) Le pater familias
La figure du pater familias domine toute la matière des personnes.
→ Il est sui iuris càd qu’il dépend de son propre droit.
Il est celui qui in domo dominium habet, le maître en son domaine, le seigneur et maître,
titulaire exclusif de toute espèce d’autorité et de pouvoir à l’intérieur de la maison que ce
soit :

− La patria potestas : puissance paternelle sur ses descendants en ligne directe, nés
d’un mariage légitime ou adoptés.
− La manus : littéralement, « la main », qu’il a sur son épouse si elle est mariée avec
manus.
− Le mancipium : qui est un pouvoir sur un fils ou une fille de famille conféré
provisoirement à autrui par le pater familias (définitivement pour un esclave).
− Eventuellement la tutelle : sur un pupille ou la curatelle sur un mineur de moins de
25 ans), un aliéné ou un prodigue.
− Le patronatus : soit la qualité de patron sur un client, ou sur un affranchi.
− La dominica potestas : qu’il a sur les esclaves.
− Le dominum : la propriété sur les biens qui constituent son patrimoine (notamment
les esclaves).
L’identification du pater familias ne peut que se faire par une définition négative : l’homme
libre, citoyen romain, dont n’est plus en vie aucun ascendant mâle en ligne masculine directe
(que ce soit son père, son grand-père, ou le père de ce dernier).
Juridiquement, le titre de pater familias ne qualifie pas le père en tant que géniteur :
→ Il se peut qu’il n’ait pas d’enfants et même qu’il ne soit pas marié.
→ De plus, le pater familias peut être le grand-père paternel de l’enfant, et ainsi de
suite en ligne ascendante masculine, et non nécessairement son père.
→ L’événement juridique qui fait d’un homme romain un pater n’est donc pas la
naissance d’un fils, mais la mort de son propre pater.
Sur le plan du patrimoine :
→ le pater familias en est le seul titulaire.
→ Les alieni iuris, qu’ils soient libres ou non libres, ne sont pas sujets mais objets du
patrimoine du pater familias,
→ voire, dans le meilleur des cas, les agents du patrimoine familial.
B) La conception romaine de la familia
« Famille est un terme qui revêt plusieurs acceptions différentes, car il varie selon qu’on le
rapporte aux choses (in res) ou aux personnes (in personas) ».
La familia désigne ainsi tour à tour, par ordre d’extension décroissante :
55
Droit romain Q1| Suzanne Simal

− Soit l’ensemble des êtres et des biens à l’intérieur de la maison (la famille au sens le
plus large, conçue comme une entreprise économique).
− Soit seulement les personnes libres apparentées au pater familias qui y vivent.

− Soit encore les biens qui s’y trouvent (le patrimoine sensu stricto).
1) Gens, lignage, lignée
Ici, nous envisageons la familia comme un groupe d’agnats, de parents, qui comporte 4
ordre de grandeurs :

− La gens : forme un groupe plus large que le lignage.


− La familia communi iure = le lignage : la famille de droit commun.
− La familia stricto iure = la lignée : la famille de droit strict.
− La domus = la « maisonnée » : entité sociologique qui n’a pas d’effet juridique, c’est
la famille nucléaire (papa-maman-enfants).
La gens :
Terme dérivé de la racine *gen-, « engendrer, naissance », gens signifie la famille large, mais
aussi la nation.
A l’époque historique, la gens n’a plus d’existence comme groupe social.

→ Mais dans la période antérieure aux XII Tables, voire avant même la fondation de la
cité, la société romaine se composait d’un certain nombre de gentes qui, en
l’absence d’Etat, constituaient l’unité de la base de la société.
Quelques vestiges attestent de la conscience que certains ont pu garder de leur
appartenance à une gens sous la République romaine :

− le nom gentilice (nomen gentilicium)


− le culte gentilice, ou sacra gentilicia, rendu aux ancêtres de la gens ou parfois à un
dieu particulier
− deux dispositions de la loi des XII Tables, enfin, qui mentionnent les gentils (gentiles)
et se rapportent
• l’une, aux successions
• l’autre, à la curatelle de l’aliéné mental, le furiosus : « S’il y a un fou furieux,
qu’aux agnats et aux membres de la gens appartienne le pouvoir sur lui et sur ses
biens »
La lignée :
La lignée, ou familia stricto iure, est un segment du lignage, qui forme une entité plus
maniable dans la vie quotidienne.
Elle comporte, à sa tête, un chef unique, le pater familias, et l’ensemble de ceux soumis à sa
puissance, à savoir :

56
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ La mater familias : en cas de mariage cum manu, qui place l’épouse en la puissance
(manus) du pater familias (ou du père de celui-ci, s’il est alieni iuris).
→ Les descendants légitimes, nés en justes noces ou adoptés, fils (avec leurs épouses
sous manus) et filles (célibataires ou mariées sans manus).
→ Les descendants des fils, petits-enfants nés de fils, et leurs épouses sous manus, pour
autant que le lien de puissance n’ait pas été interrompu par une capitis deminutio
(comme une émancipation).
Nouvelles lignées :

− Lorsque le pater familias décède : tous ceux qui se trouvaient sous sa puissance au
premier degré forment eux-mêmes une nouvelle famille iure proprio en devenant sui
iuris, les garçons recevant le nom de patres familiarum.
− Du vivant du père, à la suite d’une émancipation : le pater familias libère un fils, une
fille ou un petit-fils et en fait un sui iuris.
− La naissance d’un enfant illégitime (« bâtard ») dont la mère est romaine, n’étant en
puissance de personne à la naissance, naît sui iuris.
2) L’ordre des successions légitimes
Le droit des successions traite des modalités de la transmission à cause de mort d’un
ensemble de biens à titre universel, par opposition aux transferts de propriété à titre
particulier, que ce soit entre-vifs ou à cause de mort.
Il existe 2 types de successions :

− La succession testamentaire, qui est réglée par le testament du défunt


− La succession ab intestat ou succession légitime, dont la dévolution est organisée, en
l’absence de testament, par la loi.
• Les XII Tables attribuent la succession ab intestat selon l’ordre suivant :
• Les héritiers siens toux ceux qui se trouvent en la puissance paternelle au
premier degré au moment du décès, comme ses fils et ses filles.
• L’agnat le plus proche, le frère ou la sœur (2e degré), l’oncle paternel ou le
neveu, fils du frère (3e degré), le cousin germain (4e degré)
• Les membres de la gens.
Les sui heredes « héritiers siens » :
Ce sont les enfants en la puissance du pater familias au jour du décès.

→ Aucune différence ne se fait entre les libres (liberi, enfants) nés en justes noces ou
adoptifs.
→ Aucune ne différence ne se fait entre les ainés et les cadets non plus, ni entre les fils
et les filles.
→ Il n’y a pas de droit de primogéniture ni de privilège de masculinité à Rome.
Donc parmi tous les sui heredes, seuls les enfants au premier degré héritent, s’ils sont encore
sous la puissance de leur ascendant à son décès :

57
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Les petits enfants ou les arrières petits-enfants n’héritent du pater familias que si
l’ascendant au rang antérieur, leur père ou leur grand-père, était mort ou avait cessé
d’être en la puissance du pater familias.
Au décès du grand-père paternel, ses petits-fils et ses petites filles (nés de fils) ne deviennent
pas sui iuris mais sont en puissance de leur père, devenu lui-même le titulaire de la
puissance.

→ De la puissance de leur grand-père, ils passent à celle de leur père, se rapprochant


d’un degré du dernier ascendant vivant dans la ligne masculine.
MAIS si, à la mort du grand-père, le fils est décédé, ou s’il est sorti de la puissance (capitis
deminutio), les petits-enfants ne peuvent être in potestate et deviennent sui iuris.
L’épouse est sui heres de son époux en cas de mariage cum manu.
Il en est de même pour la bru, l’épouse du fils, mariée cum manu, qui occupe le rang d’une
petite-fille du pater familias.

→ MAIS elle n’héritera de celui-ci que si, au moment du décès, son époux n’était plus en
la puissance de son père.
→ La femme du petit-fils, tient le rang d’une arrière-petite-fille.
Quant à l’enfant posthume, étant par fiction tenu pour déjà né, pro iam natus, il est sui heres
du défunt.
→ Mais la fiction suppose que l’enfant a été conçu dans le mariage : il doit naître dans le
délai de 300 jours à partir de la mort du père et de la dissolution du mariage qu’elle a
entraîné.
3) La division des sexes en droit romain
L’ordre des transmissions successorales est réglé sur la base de la notion de puissance, les
héritiers légitimes étant ceux qui se trouvent en puissance au jour du décès, et que, le
régime de la division des sexes s’organisant sur l’exclusion des femmes de la puissance, par
définition paternelle, elles n’ont pas d’héritiers siens.
A la mort d’une femme, sauf si elle a fait son testament, sa succession est dévolue à l’agnat
le plus proche.

→ En principe c’est son frère.


→ de sorte que sa famille s’arrête à elle-même : elle est, comme le dit Ulpien, « le début
et la fin de sa famille » .
La femme met donc des enfants au monde mais, n’ayant pas la puissance sur eux, ceux-ci ne
sont ni ses agnats, ni ses héritiers ab intestat.
Quant aux enfants de la femme, ils sont les agnats de leur père, si du moins le père est le
mari de la mère (justes noces ou conubium) ; sinon, s’ils ont été conçus prosaïquement,
indistinctement, disent les juristes, ils naissent sui iuris.
La femme étant elle-même sui heres, elle devient sui iuris dans les mêmes conditions que ses
frères, à la mort du pater familias (ou si elle est émancipée).
58
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Elle a donc des biens, une fortune, un patrimoine, elle est aussi patronne de ses
affranchis.

→ Par ailleurs, si ses enfants ne sont pas ses héritiers légitimes, la femme peut bien sûr
les instituer héritiers par un acte de volonté, en faisant son testament.
4) L’agnation
La coexistence de deux systèmes de parenté, l’agnation et la cognation, est une originalité
du droit romain.
La cognatio est la parenté par le sang, fondée sur la naissance

→ Elle est transmise par le père et par la mère.


L’agnatio est la parenté juridique par les hommes, qui unit toutes les personnes qui, à un
moment de leur vie, se sont trouvées sous la puissance du même pater familias.

→ Définit une filiation unilinéaire, patrilinéaire


→ En d’autres termes, l’agnation naît de la patria potestas.

D’où l’équation : adgnatio = cognatio + lien de puissance

Toute personne appartient à deux familles cognatiques, celle de son père et celle de sa
mère, mais à une seule famille agnatique, celle du père.
En cas d’adoption ou de conventio in manum, l’adopté ou la femme change de famille
agnatique :
→ on ne peut appartenir qu’à une seule famille agnatique à la fois.
→ Le fils émancipé est donc sans agnats, jusqu’au jour où il aura des enfants nés d’un
iustum matrimonium.
Toutefois, la parenté naturelle (même si c’est un fait de nature) n’est pas moins susceptible
d’opérations de droit, notamment de la fiction, en cas de capitis deminutio minima par
adoption

→ Les liens de cognation sont non seulement maintenus à l’égard de la famille dont
l’adopté a cessé être l’agnat.
→ une cognation fictive se crée dans la famille dans laquelle il le devient.
• « comme s’il était né de l’adoptant ».
a) Sources de l’agnation
Parce qu’elle naît de la patria potestas, l’agnation suppose le mariage légitime des parents et
se transmet par les hommes.

→ Elle est agnate de son père, de ses frères et de ses sœurs, et aussi de ses parents plus
éloignés par ses ascendants mâles qui sont également ses agnats.
→ Mais ses enfants ne seront jamais les agnats de son propre père.

59
Droit romain Q1| Suzanne Simal

MAIS à la différence de la patria potestas, qui prend fin au décès du pater familias,
l’agnation subsiste entre les parents agnatiques : les fils et les filles du pater familias décédé
deviennent sui iuris, mais restent agnats entre eux.
b) Fin de l’agnation
L’agnation se perd :

− Par la capitis deminutio du pater familias ou de l’alieni iuris ;


− Par l’adrogatio du pater familias ou par l’adoption de l’alieni iuris, qui deviennent
agnats de l’adrogeant ou de l’adoptant ;
− Par la conventio in manum de l’épouse, qui devient l’agnate de son mari et, plus
tard, de ses propres enfants ;
− Par l’émancipation, l’émancipé perdant ses parents agnatiques.
c) Effets de l’agnation
L’agnation préside en particulier à toutes les transmissions : transmission du nom, des sacra
et du patrimoine.
Elle est le fondement du droit successoral, de la tutelle et de la curatelle.
Elle donne le droit d’être inhumé dans le tombeau familial, et le devoir, pour les héritiers,
d’accomplir les rites prescrits par la tradition sur les tombeaux.

→ Notamment lors de la fête des Parentalia.


d) Evolution de l’agnation
L’agnation recule devant la cognation à partir du IIe siècle de notre ère. Elle est finalement
abrogée par Justinien en 543 ap. J.-C., qui introduit un nouveau régime successoral fondé
uniquement sur la cognation qui, pour une large part, est resté inchangé dans le Code civil.
5) La cognation
a) Les empêchements au mariage
Le mariage est proscrit : entre parents en ligne directe, à l’infini ; entre parents en ligne
collatérale, jusqu’au 6e degré initialement, et, à la fin de la République, jusqu’au 3e degré,
par agnation, par cognation, et par adoption.
→ L’empêchement au mariage demeure après l’émancipation, qui reste sans effet sur
les liens de cognation.
→ L’interdiction vaut entre frères et sœurs qu’ils soient ou non du même père et de la
même mère.
Si ces personnes se sont unies, on dit qu’elles ont contractés des noces criminelles et
incestueuses.
b) La succession de la mère
Dès le début du Haut-Empire, seul subsiste le mariage sans manus, où la mère n’est jamais
l’agnate de ses propres enfants.

60
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Cette situation amène le sénat à instituer entre une mère et ses enfants un droit de
succession.
Sous Hadrien, le sénatusconsulte Tertullien reconnaît à la mère un droit de succession ab
intestat à l’égard d’un de ses enfants prédécédés à condition d’avoir eu trois enfants (quatre
pour une affranchie).
→ C’est le ius trium liberorum, « le droit des enfants », instauré à l’origine par Auguste
dans le cadre d’une politique nataliste, mais qui, par la suite, est devenu un privilège
accordé par faveur impériale.
→ Mais la mère n’est appelée à la succession de son enfant
• qu’après les descendants et le frère du défunt
• à part égale avec la sœur consanguine du défunt
En 178, le sénatusconsulte Orfitien, sous Marc-Aurèle, attribue la succession de la mère à ses
enfants avant tout agnat sans aucune restriction. Ce sénatusconsulte représente une étape
décisive, car pour la première fois dans l’histoire du droit romain, les cognats l’emportent
sur les agnats.
Les « biens maternels »(bona materna)
Les bona materna tombent alors dans l’escarcelle du pater familias, selon un principe
constant du droit romain qui veut que tout ce qui est acquis par un alieni iuris soit acquis au
pater familia.
Au Bas-Empire, il fut décidé que le père n’aurait sur ces biens qu’une sorte d’usufruit (voir
ddb).

→ Dès lors, le père, comme un usufruitier, ne pourra pas les aliéner.


→ Les enfants, pour leur part, bien que nu-propriétaire, ne peuvent pas en disposer
sans le consentement du père.
Puisque des droits patrimoniaux sont reconnus en propre à un alieni iuris, l’ordonnance de la
familia basée sur le principe de l’opposition entre sui iuris, investis seuls de tous les
puissances domestiques et du patrimoine, et alieni iuris, en puissance et incapables de droits
patrimoniaux, est ébranlée : voici des alieni iuris reconnus titulaires de droits propres et
donc, dans cette mesure, capables de jouissance, alors même qu’ils sont en puissance.
Le principe de l’unité du patrimoine exclusivement détenu par le pater familias et dont les
alieni iuris libres sont l’objet au même titre que les esclaves et les choses, et susceptibles
juridiquement des mêmes opérations, est battu en brèche.
Les premiers assauts à ce principe remontent à César, avec le peculium castrense, et se
poursuit au Bas-Empire, avec le peculium quasi-castrense.
Le peculium castrense (« pécule des camps ») :
est constitué de tout ce que le soldat gagne à l’armée (permanente à partir de César), le
solde, les libéralités impériales, la part du butin, les legs de compagnons, etc.

61
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Dans le contexte de l’armée de métier qu’était devenue l’armée romaine, afin


d’encourager les vocations, Jules César décida de reconnaître au soldat la pleine
propriété du pécule des camps, fût-il un fils de famille.
→ Remarque. A ne pas confondre avec le pécule remis par le père à l’alieni iuris, dit
pécule profectice, « émanant du père », qui appartient au père et dont l’alieni iuris
n’a que la gestion provisoire.
→ Le fils soldat est donc propriétaire des biens de son pécule et il en dispose librement,
entre-vifs ou à cause de mort (par testament).
→ A sa mort, si le fils n’a pas fait de testament, le pécule revient au père selon le droit
du pécule, iure peculii, celui-ci n’étant tenu aux dettes qu’à concurrence de l’actif
disponible, et non iure hereditario (ultra vires).
Le peculium quasi-castrense, le « pécule analogue à celui du soldat » :
est constitué au Bas-Empire, au profit des fonctionnaires impériaux (à partir de Constantin).
→ Justinien, finalement, élargit la catégorie des biens maternels, parmi lesquels il
compte tout ce que le fils de famille acquiert (salaire, donation, legs) et qui ne tombe
pas dans la catégorie du peculium castrense ou quasi castrense, de sorte que, dans le
droit de Justinien, la règle du droit classique relative à l’unité du patrimoine s’est tout
simplement inversée.
→ Le fils n’est en effet plus supposé acquérir d’office pour le pater familias, sauf dans
les situations où un patrimoine lui est reconnu en propre, mais bien acquérir pour lui-
même, sauf dans les cas où il agit dans la mouvance du père, que ce soit sur base du
patrimoine paternel, ex re patris, ou sur l’ordre exprès du père (ex iussu patris).
C) La patria potestas
C'est la puissance paternelle qui appartient exclusivement, au sein de la famille légitime, au
plus âgé des ascendants en ligne masculine encore en vie.
Sources de la patria potestas :

→ Naissance en justes noces d'un enfant légitime (plus exactement la reconnaissance


du père de l’enfant).
→ L’adoption (sens littéral du terme ou adrogatio).
→ La conventio in manum de l’épouse (sui iuris ou non) qui la place sous :
• la patria potestas de son mari (s’il est sui iuris)
• ou du pater familias de son mari (si il est alieni iuris)
→ Au bas-Empire, la légitimation par mariage subséquent ou par oblation à la curie.
Fin de la patria potestas :

→ Le décès ou la capitis deminutio du pater familias ou de l’alieni iuris.


•Si le pater familias a des enfants ou petits-enfants, ils deviennent sui iuris, les
enfants du fils se trouveront sous la patria potestas de celui-ci
→ L’adoption ou adrogatio.

62
Droit romain Q1| Suzanne Simal

• Les enfants de l’adrogé sont désormais soumis à la patria potestas de


l’adrogeant, de même que ses biens.
• C’est un changement de patria potestas.
→ La conventio in manum de la femme alieni iuris qui
• La soustrait à l’autorité de son pater familias pour la placer sous celle de son
mari ou du pater familias de celui-ci.
→ Par l’émancipation qui libère l’alieni iuris de l’autorité de son pater familias et fait de
lui sui iuris, et donc, un pater familias.
1) Une opposition fondamentale depuis les XII Tables
Gaius précise que pour ceux qui se trouvent en puissance il existe deux catégories de
personnes distinctes mais tous deux soumis à la même patria postestas.

→ Les esclaves du maitre


→ Les enfants né en justes noces ou adoptés
2) Une puissance absolue
La patria postestas est en principe absolue, illimitée, indéfinie comme l’imperium en droit
public.
Mais il est tout de même soumis à un contrôle social

→ Pour les libres : la coutume


• Conseil de famille pour prendre en considération la nature des sanctions, …
•Note d’infamie en cas d’abus
→ Pour les non libres : les constitutions impériales
• Limitations à la propriété du maitre au motif de l’abus du droit.
Le pater familias a le droit de vie et de mort sur ses alieni iuris, y compris son épouse si elle
est mariée avec manus.

→ Mais ce droit se voit restreint, dans une certaine mesure, par des constitutions
impériales d’Antonin le Pieux que Gaius approuve au motif de l’abus de droit.
→ « Nous ne devons pas faire mauvais usage de notre droit » (Gaius).
→ Comparable aux mesure de protections que nous avons aujourd’hui instauré pour les
animaux, grâce à l’évolution des mentalités.
L’abus de droit :
Protection des esclaves face à des mauvais traitements.

→ Interdit d’exercer une violence excessive et injustifiée, il ne faut pas mal utiliser son
droit.
→ Si le maitre tue son esclave sans raison, ce sera comme s’il avait tué l’esclave de
quelqu’un d’autre et il sera donc exposé à des poursuites.

63
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Si un esclave fuit une cruauté insupportable de son maitre et qu’il se réfugie dans un
temple d’un dieu ou au pied des statues des empereurs, alors il sera revendu (le
maitre peut toutefois choisir le prix).
3) Une puissance viagère
La patria potestas est une puissance viagère. Elle dure aussi longtemps que le pater familias
reste en vie.
4) L’adoption et l’emancipation
Le pater familias peut par des actes de sa volonté accomplir diverses opérations qui
modifient la condition juridique d’un alieni iuris.
Il peut :

→ Donner ou recevoir un alieni iuris in mancipio.


→ Acquérir la manus sur une femme dans le cadre du mariage, matrimonii causa (ou à
titre fiduciaire sans mariage).
→ Réaliser une adoption.
→ Réaliser une émancipation.
→ Affranchir un esclave.
a) L’adoption
1. L’adoption devant le peuple (adrogatio)
L’adrogatio réalise une capitis deminutio minima, la rupture des liens d’agnation dans la
famille d’origine alors que se créent de nouveaux liens dans la famille d’adoption.
Non seulement l’adrogé (qui devient donc alieni iuris), mais toute sa familia passe en la puissance de
l’adrogeant :

→ Ses fils et ses filles prennent le rang de petits-fils de l’adrogeant,


→ Ses petits-enfants par les mâles, le rang d’arrière-petits-fils,
→ Son épouse avec manus, le rang d’une petite-fille de l’adrogeant
→ Et encore l’ensemble de ses biens, son patrimoine.
L’arrogé qui était prêtre du culte familial, devait par ailleurs renoncer solennellement à celui-
ci.
→ Par la detestatio sacrorum.
Les sacra gentilicia faisant partie de la religion publique romaine, en effet, les pontifes
devaient vérifier par une enquête que l’adrogation d’une lignée n’entrainerait pas
l’extinction d’un culte, dès lors que nul collatéral paternel n’était plus en mesure d’en
assumer la charge.
Pourquoi faire une adrogatio? :
L’opération est destinée à procurer à un pater familias sans enfants ou petits-enfants en
puissance, sans héritiers siens, une descendance après sa mort qui puisse hériter de ses
biens et continuer sa mémoire, en lui rendant un culte, à lui et à ses ancêtres, notamment.

Conditions :

64
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Les conditions de l’adrogation ont évolué au fil des périodes de l’histoire du droit romain.
→ Condition de lieu. Jusqu’à la fin du droit classique, adoption devant le peuple, ne peut
se faire qu’à Rome.
→ Dans le chef de l’adrogeant. Le principe est que l’adrogeant soit sans descendance et
ne soit plus en âge de s’en procurer par lui-même. Sous l’Empire, il doit avoir plus de
60 ans.
Les femmes ne peuvent pas adopter devant le peuple, selon l’opinion qui a finalement
prévalu. L’adrogation fut ouverte aux femmes sous Justinien.
→ Dans le chef de l’adrogé. L’adrogé doit consentir à l’acte et anciennement il doit être
pubère.
Et si l’adrogé meurt avant d’atteindre l’âge de la puberté et qu’alors n’opération n’a pas pu
se faire ?

→ Il fut décidé au Bas-Empire que l’adrogeant donnerait caution que, si le pupille meurt
avant la puberté, il restituera aux agnats les biens dont ils auraient hérité si
l’adrogation n’avait pas eu lieu
L’adrogeant ne peut émanciper l’adrogé sans justification, et sans en toute hypothèse lui
rendre ses biens.

→ Des mesures furent prises contre l’adrogeant qui exhérède [= déshérite] l’adrogé par
testament ou qui de son vivant l’émancipe sans justification.
Justinien autorise l’adrogation d’une femme sui iuris.
Effets :
L’adrogatio produit des effets personnels et patrimoniaux.
Sur le plan personnel :
Il y a une rupture des liens d’agnation dans la famille d’origine et une création de nouveaux
liens dans la famille d’adoption

→ L’adrogé devient alieni iuris et sa propre famille passe sous la puissance de


l’adrogeant, ainsi que l’ensemble de ses biens, son patrimoine
→ Tout sa familia recule d’un rang
• Fils = petit-fils
• Petits-fils = arrière-petit-fils
• Epouse avec manus = petite-fille
Sur le plan patrimonial :
L’adrogation réalise une succession universelle entre-vifs.

→ L’ensemble des biens et autres droits transmissibles de l’adrogé passent à


l’adrogeant à titre universel.
Dans l’ancien droit civil :

65
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Les dettes étaient intransmissibles : elles s’éteignaient à la mort ou en cas de capitis


deminutio du débiteur.
Le préteur est donc intervenu à la demande des créanciers pour leur conférer les moyens
d’agir juridiquement contre l’adrogeant, successeur universel du patrimoine du débiteur.

→ Il introduisit ainsi dans l’édit une actio utilis rescisa capitis deminutione, action
prétorienne
• avec fiction : « comme si la capitis deminutio avait été rescindée ».
2. L’adoption devant le préteur
L’adoption par l’imperium du préteur se rapporte à un alieni iuris.

→ Le pater familias libère un de ses alieni iuris de la patria potestas et le donne en


adoption à un autre pater familias.
• En la puissance duquel il passe au premier rang des liberi (comme fils ou fille)
• ou à un rang inférieur (comme petit-fils ou petite-fille, arrière-petit-fils ou
arrière-petite-fille), selon les dispositions de l’adoptant.
Procédure :
[1. Il faut d’abord éteindre la patria potestas :
Il convient pour cela de procéder à une triple mancipation, suivant un verset des XII Tables
qui déclare que le fils que son père a mancipé 3 fois est libéré de la patria potestas

→ Les pontifes ont utilisé ce verset pour élaborer un acte juridique privé d’extinction de
la patria potestas
→ Les trois mancipations se faisaient successivement et simultanément : ce n’était
qu’une formalité dont le but était de libéré le fils de la patria potestas
→ Après la 3ème mancipation, le fils devient sui iuris
• Une seule mancipation suffit pour les filles et pour les petits-enfants.
L’usage était alors de le réémanciper à son père, de sorte que l’adoptant puisse faire la
revendication du fils avec lui devant le préteur.

→ MAIS celle-ci pouvait également avoir lieu valablement avec celui qui l’avait reçu en
troisième mancipation.
[2. L’acte de juridiction gracieuse pour créer la patria potestas dans le chef de l’adoptant :
L’acte de juridiction gracieuse consiste en une in iure cessio

→ L’adoptant qui revendique l’adopté en tant que son propre fils (vindicatio filii)
→ et le pater familias de celui-ci qui ne dit rien.
Donc le préteur adjuge (ADDICO) en conséquence l’alieni iuris à celui qui fait la
revendication.
Sous Justinien, il suffit pour adopter d’une simple déclaration des deux patres familiarum
devant un magistrat ou un notaire.

66
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Condition :
Contrairement à l’adrogatio :

→ L’adoption peut se faire en province, devant le gouverneur


→ L’adopté ne doit pas nécessairement être pubère
• A l’époque impériale, l’adopté impubère peut, une fois devenu pubère,
demander à être émancipé par la voie de la procédure extraordinaire
→ Le consentement tacite (implicite) de l’adopté suffit
→ L’adoptant peut donner l’alieni iuris en adoption à nouveau ou l’émanciper
Le rapport entre les générations doit-il être respecté?

→ En gros l’adoptant peut-il être le cadet de l’adopté?


→ La question semble avoir fait l’objet de discussions :
• Cicéron considère une telle pratique contraire au fas et au ius (pontificum ius)
• Justinien l’exclut au motif que « l’adoption imite la nature (naturam imitatur)
» et impose que l’adoptant ait 18 ans de plus que l’adopté
Effets :
[1. Capitis deminutio minima de l’adopté :

→ Rupture des liens d’agnation avec le père naturel (la famille d’origine)
→ Création de nouveaux liens d’agnation dans la famille de l’adoptant (la famille
d’accueil)
L’adopté prend le nom gentilice de son père adoptif, auquel il joint son ancien nom gentilice
suffixé en -anus, qui devient son surnom.
Exemple : Octave, après son adoption par César (Gaius Iulius Caesar), porte le nom de Gaius
Iulius Caesar Octavianus
[2. Les liens de cognation sont maintenus :
Les liens de cognation sont maintenus dans la famille de naissance et une cognation fictive
se crée dans la famille d’adoption.

→ L’adoption d’un esclave lui confère la liberté en tant que fils.


3. La légitimation par mariage subséquent (Bas-Empire)
La légitimation par mariage subséquent (per sequentem matrimonium) soumet les enfants à
la patria potestas de leur père pour donner suite au mariage de ses parents.
Elle apparaît avec l’empereur Constantin, sous l’influence de l’Eglise qui veut combattre le
concubinat, assurant la régularisation des enfants nés pendant le concubinat de ses parents.
Deux autres formes de légitimation furent instituées au Bas-Empire :

→ L’oblation à la curie
→ La légitimation par rescrit du Prince.
b) L’emancipation
67
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’adoption par l’imperium du préteur requiert que le fils adopté soit au préalable libéré de la
patria potestas de son père naturel.
Pour éteindre la patria potestas dans le chef de son titulaire il faut passé par l’adrogatio.
→ En émancipant un ou plusieurs fils, le père évitait le morcellement de son patrimoine.
Quant au fils, de nouvelles opportunités s’offraient à lui. Souvent, le père laissait au fils le
pécule qu’il lui avait confié avant l’émancipation.
Procédure :
Les pontifes ont construit une procédure complexe à partir d’une interprétation d’un verset
de la loi des XII Tables.

« Si le père, à trois reprises, a vendu son fils ,


que le fils soit libéré de son père. »
L’émancipation se fait donc sur la base de trois mancipations successives accomplies entre le
pater familias, et un tiers acquéreur qui, après chacune des deux premières, libère le fils en
l’affranchissant par la vindicte.
→ Le fils retourne chaque fois sous la puissance de son père. Après la troisième
mancipation, il est définitivement émancipé.
→ Celui-ci réémancipe le fils à son père de manière que, en l’affranchissant lui-même,
celui-ci bénéficie, comme patron, des services de l’affranchi et du droit de succession
ab intestat qui en résulte en cas de décès sans enfants de l’affranchi.
→ Pour une fille de famille ou un petit-enfant, une seule mancipation suffit

→ Sous Justinien, une déclaration du père devant le magistrat judiciaire suffit pour
réaliser une émancipation.
Conditions :
Le pater familias agit seul.
→ Le consentement de l’alieni iuris n’est pas requis.
→ Il n’en est plus ainsi dans le droit de Justinien, où l’enfant doit consentir à l’acte.
Effets :
L’émancipation provoque la capitis deminutio minima et la rupture des liens d’agnation à
l’égard du père et des parents du père.
→ Avec perte de toute vocation successorale.
Le fils émancipé est sans agnats.
→ Une fois marié en justes noces, il s’en créera de nouveaux en ayant des enfants.
→ Le fils émancipé est bien sûr sui iuris : il est capable d’être titulaire de droits et
d’obligations de nature patrimoniale.
5) Sources de la patria potestas
La patria potestas résulte :

68
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ De la naissance en justes noces d’un enfant légitime


→ De l’adoption, soit par l’adrogation d’un pater familias par un autre, soit par adoption
d’un alieni iuris par un autre pater familias ;
→ De la conventio in manum de l’épouse (sui iuris ou non) qui la place sous la patria
potestas de son mari, s’il est sui iuris, ou du pater familias de son mari, s’il est alieni
iuris ;
→ Au Bas-Empire, légitimation par mariage subséquent, soumet les enfants naturels à la
patria potestas de leur père.
6) Fin de la patria potestas
La patria potestas prend fin :
→ Par le décès ou la capitis deminutio du pater familias ou de l’alieni iuris. Si le pater
familias a des enfants ou des petits-enfants, ses fils et ses filles deviennent sui iuris.
Les petits-enfants issus des fils se trouvent désormais sous la patria potestas de leur
père.
→ Par adoption ou adrogation. Les enfants de l’adrogé sont désormais soumis à la
patria potestas de l’adrogeant, de même que ses biens.
→ Par la conventio in manum de la femme alieni iuris qui la soustrait à l’autorité de son
pater familias pour la placer sous celle de son mari ou du pater familias de celui-ci.
→ Par l’émancipation qui libère l’alieni iuris de l’autorité de son pater familias et fait de
lui un sui iuris.
→ Par le fait d’être inauguré Flamine de Jupiter pour un fils ou d’être prise comme
Vestale pour une fille de famille.
D) La manus
La « main », manus (symbole universel d’autorité et de protection) est la puissance
particulière que le mari exerce sur son épouse.

→ C’est une institution du ius civile, un droit propre aux citoyens romains destiné à
s'exercer que sur des femmes.
1) La convention in manum
La convention in manum a lieu de trois manières :
Usu : « par l’usage »
→ Après un an de vie commune, l’époux acquerrait automatiquement la manus sur son
épouse.
→ Pour se soustraire aux effets de l’usus, la femme peut, avant la fin de l’année,
retourner chez son père pendant trois jours et trois nuits de manière à interrompre
l’usus.
• Il faut la renouveler chaque année.
Farreo : « au moyen d’un gâteau de blé »

69
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Par la cérémonie religieuse de la confarreatio, qui demeure obligatoire au milieu du


IIe siècle de notre ère pour certains prêtres majeurs du culte public à Rome, dont le
Flamine et la Flaminica de Jupiter ou le Rex et la Regina sacrorum
Coemptione : « par la coemptio »

→ Qui est une mancipation à laquelle la femme, si elle est sui iuris, participe à la fois
comme objet et comme aliénatrice, et le mari en qualité d’acquéreur.
→ La femme peur recourir à la coemptio in manum avec une personne extérieure, un
tiers.

→ La femme qui fait la coemptio en vue du mariage, subit une capitis deminutio
minima : elle passe en la puissance de son époux dont elle devient l’agnate.
→ Mais celle qui fait la coemptio à titre fiduciaire, ne passe pas en la puissance de
l’acquéreur de la manus et ne devient pas son agnate.
• L’opération est destinée à procurer à la femme sui iuris assistance et
protection dans le cas où elle n’aurait plus d’agnats, ou à lui conférer
davantage d’autonomie en lui permettant de déposer son tuteur et de s’en
choisir un autre ou de faire son testament.
Effets :
Convention in manum matrimonii causa :
La conventio in manum matrimonii causa provoque une capitis deminutio minima :
→ rupture des liens d’agnation dans la famille paternelle (maintien de la cognation).
→ création de nouveaux liens dans la famille de l’époux.
→ sous la patria potestas duquel l’épouse passe au rang d’une fille s’il est sui iuris.
→ ou du pater familias de celui-ci, au rang d’une petite-fille, s’il est alieni iuris
Si la femme est sui iuris, la conventio in manum produit des effets patrimoniaux similaires à
l’adrogatio :
→ successio inter vivos selon le droit civil
→ organisation par le droit prétorien de la question des dettes de la femme et de leur
transmission à l’époux (ou à son pater familias) par le droit du pécule.
→ Cet apport intervient au titre de la dot.
Anciennement, le mariage avec manus conférait à l’épouse le titre de mater familias.
Coemptio fiduciae causa :
En cas de coemptio fiduciae causa, la femme ne prend pas rang de fille de son époux,

→ Si elle rompt ses liens d’agnation dans sa famille d’origine, elle n’en crée pas de
nouveaux dans la famille d’accueil.
→ Elle entre dans celle-ci d’un point de vue économique, familia qu’elle enrichit de ses
propres apports si elle est sui iuris, en échange d’une protection sociale.
2) Mariage et manus

70
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Dès la loi des XII Tables coexistent deux types d’union : le mariage avec manus et le mariage
sans manus.
Les conséquences d’un mariage avec manus au plan des rapports personnels entre époux :
Droit de répudiation du mari :
→ Dans le mariage cum manu, le divorce à proprement parler n’existe pas mais bien le
droit de répudiation unilatérale de l’épouse par le mari.
→ Etant en puissance, l’épouse ne saurait en effet prendre l’initiative de divorcer.
Pour faire cesser la manus, l’épouse est retransférée à son père :
→ au moyen de la diffareatio, si la manus a été acquise par confarreatio ;
→ par remancipatio, si elle a été acquise par mancipation ou par usus.
Droit de vie et de mort du mari sur la femme :
→ Comme sur l’ensemble de ses alieni iuris (même si aucun texte n’en atteste)
→ Exception du cas particulier de l’adultère :
→ « Si tu surprenais ta femme en adultère, tu la tuerais sans jugement impunément ».
Pouvoir du mari d’aliéner sa femme par mancipation :
→ Ce pouvoir existe sur la femme.
→ Au même titre que sur tous les alieni iuris.
Dans le mariage sine manu, le statut de l’épouse ne subit aucune modification. Elle ne rompt
pas ses liens d’agnation avec son père et la famille de son père et n’en crée donc pas de
nouveaux dans celle de son époux.
Les droits de la femme marier sine manu:
→ Si elle est sui iuris, elle le reste et conserve la propriété et la jouissance de ses biens.
→ Elle a le droit de divorcer (à la seule réserve de l’esclave que son maître a affranchie
pour l’épouser).
Le domicile conjugal est à Rome celui du mari, si bien que l’épouse vit chez son époux, où se
crée la communauté de vie et de culte propre au mariage, mais celui-ci n’exerce sur elle
aucune espèce de contrôle.
Le mari n’étant pas tenu à l’entretien de sa femme, ce sont les revenus de la dot qui doivent
y suffire.

3) Évolution
Les deux formes du mariage subsistent jusqu’au début de l’Empire, où, sauf pour certaines
familles patriciennes, le mariage avec manus tombe en complète désuétude.
E) Le mancipium

71
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Le pater familias peut, par mancipation toujours, et pour un temps limité, transférer à un
autre pater familias un de ses alieni iuris libres, où il se trouve in mancipio et loco servi,
« comme s’il était esclave ».
→ Quant à ses esclaves, qui sont des res mancipi, leur transfert par mancipation
intervient à titre définitif.
Dans le domaine de la famille, mancipium désigne :

→ La puissance sur un alieni iuris libre in mancipio.


→ L’acte juridique pers aes et libram par lequel cette puissance est constituée dans le
chef du pater familias qui l’accomplit.
Le mancipium est soumis à des conditions de forme substantielle :

→ Usage d’un lingot de bronze


→ et d’une balance de bronze,
→ Présence de cinq témoins et d’un porteur de balance, le libripens, tous citoyens
romains et pubères, emploi de formules accompagnées de gestes appropriés.
Sur un libre, la mise in mancipio rompt les liens d’agnation avec le père naturel de l’alieni
iuris (capitis deminutio minima) sans en créer de nouveaux dans la famille de celui en le
mancipium duquel il passe, dont il intègre la famille comme agent économique.
→ L’alieni iuris libre in mancipio fournit au pater familias sa force de travail pour une
durée déterminée à l’issue de laquelle celui-ci doit le remanciper au père naturel.
L’abandon noxal :
En cas de délit commis par un alieni iuris aux dépens d’un tiers, le pater familias a la faculté
d’abandonner le fautif en le transférant in mancipio à la victime, auprès de laquelle il
travaillera en paiement du dommage qu’il lui a causé injustement : son travail tient lieu
d’indemnité de réparation.
C’est l’abandon noxal, qui n’est toutefois qu’une faculté pour le pater familias, lequel peut
aussi préférer soutenir le procès au risque de la condamnation.
L’enfant concu par le père in mancipio :
Gaius envisage le cas suivant : le fils marié conçoit un enfant après la première ou la
deuxième mancipation. Même s’il naît après la troisième mancipation de son père, l’enfant
passe en la puissance de son grand-père, qui peut le donner à son tour en mancipation ou en
adoption.
MAIS si l’enfant est conçu après la troisième mancipation, il ne naît pas en la puissance de
son grand-père.

→ Selon l’avis de Labéon, il est placé sous le même mancipium que son père.
→ Selon les Sabiniens, son statut est en suspens aussi longtemps que son père demeure
in mancipio : si le père est affranchi, il passe en sa patria potestas ; si le père meurt in
mancipio, il devient sui iuri.

72
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Loco servi, comme si on était esclave :


Sauf pour la durée, la position des alieni iuris in mancipio ressemble à celle de l’esclave. Ils
ne peuvent recevoir une succession ou un legs qu’à condition d’être simultanément
affranchis par le testament.

→ Comme les esclaves encore, ils peuvent être affranchis vindicta, censu ou
testamento.
Un affranchissement censu, peut même être réalisé contre la volonté du maître, à
l’exception où l’alieni iuris lui a été transféré sous la condition d’être remancipé à son père
ultérieurement.
Le maître a l’obligation de se comporter correctement :

→ Il ne peut leur faire outrage ou les traiter injurieusement.


→ Sous peine d’être exposé à l’action pénale d’injures.
Autres formes de dépendance :
Les nexi, les addicti, les iudicati sont des citoyens ayant été soumis à l’exécution forcée sur la
personne suite à une condamnation judiciaire ou pour non-paiement d’une obligation née
par le nexum, et qui ont en conséquence fait l’objet de l’addictio du préteur.

Section 6. L’incapacité d’exercice


La capacité d’exercice est la faculté de faire usage des droits subjectifs liés à la capacité de
jouissance pour accomplir toute espèce d’acte juridique possible dans le cadre du droit
positif.
Exemple : faire un contrat, son testament, etc
La capacité d’exercice est aussi délictuelle (responsabilité en cas de dommage)
Seule une personne sui iuris peut avoir la capacité d’exercice, mais toutes les personnes sui
iuris n’en disposent pas nécessairement.
Il existe quatre critères de l’incapacité d’exercice en droit romain :
− L’âge
− Le sexe
− La santé mentale
− La façon pécuniaire de vivre
Puisqu’ils sont incapables de produire les effets juridiques relatifs aux droits dont ils sont
titulaires, les incapables sui iuris se voient désigner un administrateur par testament ou par
la loi, ainsi, dans la loi des XII Tables : l’agnat le plus proche.
→ Le tuteur, pour les femmes et les impubères
→ Le curateur, pour les fous et les prodigues (plus tard, pour les mineurs de 25 ans).

73
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ La tutelle et la curatelle ne peuvent par définition s’appliquer qu’à des personnes sui
iuris définitivement libérées de la patria potestas.
A) Le critère de l’âge
1) L’impubère
Sont privés de la capacité d’exercice, les jeunes gens sui iuris encore impubères, c’est-à-dire
inaptes au mariage :

→ En droit classique, le garçon ou la fille non encore nubile.


→ Sous Justinien, le garçon au-dessous de 14 ans et la fille au-dessous de 12 ans.
• Par souci de pudeur on se base sur l’âge universel proposé par les Proculiens,
par opposition aux Sabiniens qui établissaient la puberté au cas par cas.
L’infans : 0-7 ans :
L’enfant qui ne peut pas encore parler.

→ Son incapacité est totale.


Infantiae proximus : 7-10 ans :

→ Incapacité partielle : l’impubère de plus de 7 ans peut valablement, seul, accomplir


tous les actes juridiques qui rendent sa condition meilleure en accroissant son
patrimoine.
Exemple : Acquérir un bien, devenir créancier.

→ MAIS l'intervention d'un tuteur sera requise pour accomplir les actes qui rendront sa
condition pire.
Exemple : Aliéner un bien, grever un de ses biens d’un droit réel au profit d’un tiers, devenir
un débiteur.
Puberti proximus : 10-14 ans :
L’enfant est plus proche de la puberté, il a dépassé l’enfance et est apte à comprendre ce
qu’il fait.

→ Capacité délictuelle : il est tenu responsable du dommage qu’il cause par sa faute à
autrui.
Problème de ce critère :
La différence entre les actes qui rendent la condition meilleure ou pire repose sur un critère
strictement juridique, formaliste, qui ne tient pas en compte les retombées économiques de
l’opération

→ Vendre un bien pourrait être économiquement bénéfique au final.


→ Recevoir un prêt est négatif au final, car il faut rembourser
De plus, la plupart de ces actes juridiques sont complexes :

74
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Exemple : Contrats synallagmatique, le mutuum (prêt d’argent) ou prêt de consommation.

→ Ce sont tous des actes qui rendent la condition à la fois meilleure et pire.
Selon le ius civile, l’acte complexe n’est valable que d’un seul côté, ex uno latere.
Aussi le paiement effectué entre les mains d’un incapable non assisté de son tuteur est-il
nul, selon la règle :
« Qui paye mal, paye deux fois »
A partir d’Antonin le Pieux, le préteur délivre l’exception de dol au débiteur qui a mal payé.
Celui-ci échappera à la condamnation en prouvant devant le juge que le premier paiement a
tourné au profit de l’incapable.

D’où l’article 1241 du Code civil : « Le payement fait au créancier n’est point valable s’il était
incapable de le recevoir, à moins que le débiteur ne prouve que la chose payée a tourné au
profit du créancier ».

2) Le mineur de (moins de) 25 ans


Est également frappé d’une incapacité d’exercice le mineur de moins de 25 ans, c’est-à-dire
entre 14 et 25 ans.
Le mineur est le jeune homme de moins de 25 ans ayant la pleine capacité d’exercice depuis
la puberté mais qui mérite la protection :

→ Contre les dangers que constitue sa capacité dans le contexte de bouleversements


économiques et sociaux que connaît Rome au lendemain des guerres puniques
(décomposition de la famille agnatique, développement d’une économie ouverte,
apparition des contrats consensuels, explosion des échanges et du commerce, …)
La femme sui iuris étant frappée d’incapacité d’exercice sa vie durant, elle conserve son
tuteur au-delà de l’âge de 12 ans.
→ C’est la tutelle perpétuelle des femmes.
La tutelle des femmes tombe en désuétude au cours du IIIe siècle, voire dès l’époque
d’Auguste, pour les mères de trois enfants (quatre pour une affranchie), qui sont
exemptées par la loi de la tutelle de leurs agnats.
→ La jeune femme de moins de 25 ans sera dès lors soumise au même régime de
protection des mineurs que les garçons.
La protection du mineur se met en place en deux étapes au cours des deux derniers siècles
de la République :
1) La lex Laetoria
La lex Laetoria introduit une action populaire pénale et infamante contre l’adulte qui, par un
acte juridique, abuse de son influence sur un jeune sui iuris âgé de moins de 25 ans.

75
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ C’est la circumscriptio adulescentium ( l’abus de l’ignorance, de l’inexpérience d’un


jeune-homme).
→ Celle-ci n’implique pas à proprement parler une tromperie, un dol, mais consiste à
faire pression sur l’adolescent pour lui extorquer un accord très désavantageux pour
lui.
L’exceptio legis Laetoriae :

→ C’est une lex minus quam perfecta.


→ Donc l’acte conclu en violation de la lex Laetoria n’est pas susceptible d’annulation.
→ Le préteur accorde alors l’exceptio legis Laetoria au jeune-homme poursuivi par
l’adulte par l’action du contrat, qui lui permet d’échapper à l’exécution de celui-ci.
→ Le mineur peut ainsi l’opposer à l’action du contrat intenté par l’adulte Mais c’est à
lui de prouver le délit.
2) La rescision pour lésion : à l’initiative du préteur = protection du mineur contre lui-
même
Rescision = annulation d'un acte pour cause de lésion.
En cas de lésion de mineur, le préteur intervient, pour assurer la protection du mineur
contre lui-même, sur la base du procédé de la restitution in integrum.

→ C’est l’une des procédures organisées par le préteurs sur la base de son imperium.
La lésion est une disproportion économique entre les prestations réciproques des parties et
elle peut prendre 2 formes:

→ La lésion interne : lorsque la disproportion est objective o Vendre un immeuble pour


une bouchée de pain.
→ La lésion externe : lorsque le mineur a mal évalué ses ressources patrimoniale
• Il fait une acquisition à juste prix mais dont il n’a absolument pas besoin ou
pas les moyens de payer.
La restitution in integrum suppose que 3 de ces conditions soient réunies :

→ Une demande introduite à bref délai


→ Que le demandeur soit mineur
→ Qu'il ait subi une lésion, « le mineur est restitué non en tant que mineur, mais en tant
que victime d'une lésion » (minor restituitur non tanquam minor sed tanquam laesus)
Le préteur n’accorde pas la restitution in integrum pour lésion que cognita causa (en
connaissance de cause), après instruction de l’affaire et il est possible qu’il la refuse :

→ En cas d’accident ou d’évènement casuel ou imprévu


• C. civ art 1306
• Tous les faits naturels, guerres, …
→ Si le mineur s’est fait frauduleusement passer pour majeur
• C. civ art 1307
→ Si le mineur a commis un délit ou un quasi-délit
76
Droit romain Q1| Suzanne Simal

• C. civ art 1310


• Il doit en assumer les conséquences
→ Si l’acte dont le mineur demande l’annulation est un affranchissement
• En raison du principe de faveur pour la liberté, favor libertatis
La restitution a donc des effets ex tunc, c’est une annulation rétroactive :

→ Le mineur ne doit restituer que dans la mesure de ce qui a tourné à son profit
• (art. 1312 Code civil).
Exemple : Le mineur achète un chat, qu'il paye puis il demande la restitution. Si le mineur
détruit le chat, il ne doit pas le rendre au vendeur mais peut être remboursé. S'il reste des
morceaux, il doit rendre ce qu'il reste.
La venia aetatis (« grâce de l’âge ») est une forme d’émancipation accordée par l’empereur
au mineur ayant prouvé son aptitude à gérer seul ses biens :

→ A partir de 20 ans pour les garçons et 18 ans pour les filles.


→ La capacité du mineur émancipé est totale.
• Sauf quelques restrictions comme valablement aliéner ses immeubles et ses
biens précieux ou faire des donation.
B) Le critère du sexe
Pour la femme sui iuris, l’incapacité d’exercice est liée à son sexe.
Avant 12 ans :
→ Elle est incapable en raison de son âge, tout comme le pupillus.
Au-dessus de 12 ans :
→ Elle est frappée de l’incapacité d’exercice en raison de son sexe et reste soumise à
l’autorité (auctoritas) de son tuteur.
Le principe est l’incapacité partielle, elle peut valablement accomplir seule tous actes qui
rendent sa condition meilleure
→ La femme peut également aliéner ses res nec mancipi
→ Transférer une possession
→ Accepter un paiement,
→ Faire un prêt de consommation (un mutuum).
Au Bas-Empire et sous Justinien, la tutelle ne subsiste sur la pupille jusqu’à 12 ans, après
quoi, la femme sui iuris mineure de 25 ans reçoit elle aussi un curateur. Au-dessus de 25 ans,
elle est désormais pleinement capable.
Section 7. La capacité d’exercice de fait des aliani iuris
La capacité d’exercice des alieni iuris (libres et non libres) est une capacité de fait. En effet,
bien qu’ils n’aient pas de patrimoine propre, les alieni iuris sont les agents du patrimoine du
pater familias. A ce titre, ils peuvent agir au nom et pour le compte de ce dernier, selon le
principe de l’unité du patrimoine, dans une mesure limitée par le droit civil, mais qui fut

77
Droit romain Q1| Suzanne Simal

élargie, notamment lorsqu’ils disposent d’un pécule, par le préteur dans certaines situations
déterminées.
→ Le préteur a ainsi permis de faire jouer la familia comme un groupe économique, une
entreprise commerciale, dans l’intérêt bien compris du pater familias.
→ Du point de vue des délits, on applique aux alieni iuris le système de l’abandon noxal.
A) La capacité de fait des alieni iuris selon le ius civile
Dans l’ancien droit civil, la mesure de la capacité d’exercice des alieni iuris était définie par
analogie avec le régime appliqué au pupille, au mineur de 25 ans, et à la femme sui iuris.

→ Ils peuvent accomplir seuls les actes juridiques qui accroissent leur patrimoine.
→ Ainsi, le fils ou la fille de famille en puissance et l’esclave, qui pouvaient comprendre
ce qu’ils faisaient grâce à leur âge, sont capables d’accomplir tout acte de nature à
accroître le patrimoine du pater familias.
Exemples de 2 textes qui montrent que le fils de famille ou l’esclave peut conclure une
stipulation en qualité de créancier au profit du pater familias :

→ Gaius: « Tout ce qui est acquis par l’esclave est acquis au maître. »
→ Justinien: « L’esclave tient, de la personne de son maître, le droit de stipuler (comme
créancier) »
B) Le pécule
= Est un ensemble de biens, initialement un troupeau, puis une petite ferme, un commerce,
voire un capital, que l’alieni iuris peut administrer librement pour en tirer sa subsistance.
Le pécule appartient au pater familias et non à l’alieni iuris. On l’appelle le pécule profectice
« émanant du père ».
→ En principe, le pater familias peut à tout moment révoquer le pécule, même si une
telle hypothèse reste exceptionnelle en pratique.
→ En cas de décès de l’alieni iuris, le pécule revient au pater familias par le droit du
pécule celui-ci n’étant tenu du passif éventuel du pécule que dans la limite de l’actif
disponible.
C) Le pécule à l’égard des tiers
Le préteur concède aux tiers qui ont conclu des actes juridiques avec un alieni iuris diverses
actions directes contre le pater familias.
Il s’agit ici de l’intérêt bien compris du pater familias, afin de lui permettre de faire du
commerce par l’intermédiaire de ses alieni iuris en assurant les tiers d’un recours (alors que,
selon le ius civile, le pater familias ne pouvait se trouver obligé en raison des actes conclus
par ses alieni iuris, ce qui détournait évidemment les tiers de faire des affaires avec eux).
Le préteur a délivré au tiers des actions contre le pater familias dans certaines situations
déterminées.

78
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Techniquement, dans leur partie initiale (demonstratio et intentio), les formules de ces
actions mentionnent le nom de l’esclave ou du fils de famille à côté de celui du pater
familias, en qualité de défendeur.
1) Les actions pro parte, jusqu’à un certain seuil
L’actio de peculio : Donnée en sanction des actes juridiques conclus entre l’alieni iuris et un
tiers dans le cadre de la gestion du pécule.

→ Le pater familias n’est pas obligé au-delà de la valeur de l’actif du pécule.


L’actio de in rem verso : Si l’alieni iuris conclut un acte juridique en dehors du pécule et à
l’insu du père ou du maître, le tiers obtient un recours contre ce dernier au moyen de
l’action de in rem verso, qui ne l’oblige qu’à concurrence de son enrichissement.
L’actio tributoria : Est donnée aux tiers contre le pater familias pour partager avec lui le gain
réalisé par l’alieni iuris qui, ayant fait commerce avec son pécule, a fait faillite.
→ L’actif du pécule sera réparti au pro rata entre le pater familias, s’il lui est dû quelque
chose, et les autres créanciers.
2) Les actions in solidium, pour tout
Action quod iussu : Gaius dit « Si c’est l’ordre du père ou du maître que l’acte a été conclu, le
préteur a introduit pour le tout l’action contre le père ou le maître, et à juste titre, parce que
celui qui conclut l’acte fait confiance au père ou au maître plus qu’au fils ou à l’esclave.

→ Le pater familias avertit de manière informelle le tiers qu’il reconnaîtra la validité de


l’acte contre lui.
Actio exercitoria : Intentée contre le pater familias, propriétaire d’un navire pour les actes
juridiques accomplis par son alieni iuris désigné comme magister navis (exploitant ou
capitaine du navire).
Actio institoria : Contre le pater familias, propriétaire d’un commerce ou d’une auberge pour
les actes de son exploitant alieni iuris.
D) L’abandon noxal
Il s’agit de la responsabilité qu’encourt le pater familias en raison d’un fait illicite, un délit ou
un quasi-délit de son alieni iuris.
Si, en dehors de tout acte juridique, l’alieni iuris cause par sa faute un dommage à un tiers, le
pater familias est passible, du fait de sa responsabilité, de l’action noxale, qui lui offre le
choix entre deux possibilités :
→ Soit il accepte l’entière responsabilité du dommage et assume le procès qui en
résulte, quel que soit le montant de la condamnation.
→ Soit, pour échapper à sa responsabilité, il livre le coupable à la victime (par
mancipation), de manière définitive pour l’esclave, à titre provisoire pour le fils ou la
fille, placé dans la position de la personne libre in mancipio sous la puissance de sa
victime ou de son pater familias

79
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Droit romain syllabus 3 : Droit des biens

Introduction. Le nouveau livre 3 « les biens » du code civil


LA REFORME DU CODE CIVIL

Loi du 4 février 2020 portant sur le livre 3 « Les biens » du Code civil

→ Entrée en vigueur le 1er septembre 2021

PLAN DU CODE CIVIL DE 1804 / CODE NAPOLEON

− Livre I. DES PERSONNES


→ art. 1 – 515

− Livre II. DES BIENS ET DES DIFFERENTES MODIFICATIONS DE LA PROPRIETE


→ art. 516 -710

• Titre I. DE LA DISTINCTION DES BIENS (art. 516 – 543)


• Titre II. DE LA PROPRIETE (art. 544 - 577)
• Titre III. DE L'USUFRUIT, DE L'USAGE ET DE L'HABITATION (art. 578 – 636)
• Titre IV. DES SERVITUDES OU SERVICES FONCIERS (art. 637 – 710)

− Livre III. DES DIFFERENTES MANIERES DONT ON ACQUIERT LA PROPRIETE


→ Art. 711 – 2281

• Titre XVII. DES SURETES REELLES MOBILIERES (art. 2071 – 2091 ; loi 11/07/2013)
• Titre XVIII. DES PRIVILEGES ET HYPOTHEQUES (art. 2092 à 2203 du Code Napoléon
remplacés par la loi du 16 décembre 1851)

− Loi hollandaise du 10 janvier 1824 sur le droit d’emphytéose et le droit de superficie

PLAN DU NOUVEAU CODE CIVIL

Il est créé un Code civil, composé des livres suivants :

− Livre 1er. Dispositions générales ;


− Livre 2. Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples ;
− Livre 3. Les biens ;
− Livre 4. Les successions, donations et testaments ;

80
Droit romain Q1| Suzanne Simal

− Livre 5. Les obligations ;


− Livre 6. Les contrats spéciaux ;
− Livre 7. Les sûretés ;
− Livre 8. La preuve ;
− Livre 9. La prescription.

LA RÉFORME DES DROITS DES BIENS : UNE EVOLUTION SANS RÉVOLUTION

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Le code civil « ancien » n’est pas périmé du jour au lendemain :

− Non seulement compte tenu de la période transitoire, qui, en matière de biens, pourra dans
certaines situations être très longue.
− Mais aussi parce que le nouveau droit des biens ne fait pas tabula rasa de l’ancien : une
évolution sans révolution.
− L’économie de l’ancien est respectée, les changements opèrent dans la continuité, même si les
innovations sont significatives.

Droit transitoire : régit le passage du droit ancien au droit nouveau, destiné à faciliter le passage
d’une législation à une autre.

→ Principe de la non-rétroactivité des lois : la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet
rétroactif (Art. 37 Code civil ancien).

LE PLAN DU LIVRE 3 « LES BIENS »

TITRE 1er. - Dispositions générales

TITRE 2. Classification des biens

TITRE 3. - Droit de propriété : pièce maitresse du droit des biens.

TITRE 4. - Copropriété

TITRE 5. - Relations de voisinage

TITRE 6. - Droit d'usufruit

TITRE 7. - Droit d'emphytéose

TITRE 8. - Droit de superficie

LES 4 GRANDS AXES DE LA REFORME

81
Droit romain Q1| Suzanne Simal

MODERNISATION DU DROIT DES BIENS

− La lettre du Code de 1804 est désuète


− Le droit avait évolué, sa lettre, pas : peu de modifications légales étaient intervenues (sauf pour
la copropriété)
− Le droit des biens quitte la sphère agricole.
− Focus élargi par rapport à la propriété immobilière
− Insistance sur l’intérêt général, les générations futures.
− Le statut des animaux

INTÉGRATION

− Rassemblement de dispositions éparses

→ Actions possessoires (C. jud., art. 1370-1371).


→ L’emphytéose et la superficie (loi hollandaise 10 janvier 1824).

− Réorganisation

→ Publicité foncière
→ Patrimoine
→ Modes originaires
→ La prescription (prescriptions acquisitive et extinctive réunies autrefois sous le même titre
XX)

− Subsidiarité : le Code civil s’efface devant les lois particulières (art. 3.2)

INSTRUMENTALISATION

Approche fonctionnelle : il s’agit de répondre à des besoins.

→ Le pragmatisme des jurisconsultes romains, qui décident au nom de l’équité et de l’utilité


(utilitatis causa)
→ Papinien, D. 1.1.7.1 : « Le droit prétorien a été introduit pour appliquer, compléter ou corriger le
droit civil en raison de l’utilité générale (propter utilitatem publicam).

FLEXIBILITÉ

− Le droit des biens est supplétif par principe.

82
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Art. 3.1: « Les parties peuvent déroger aux dispositions du présent Livre, sauf s'il s'agit de
définitions ou si la loi en dispose autrement. »

Exemple où « la loi en dispose autrement » : le système fermé des droits réels (art. 3.3)

− Allongement des « droits réels d’usage », parfois perpétuels.

− Textes concis pour permettre à la jurisprudence de faire son œuvre.

titre 1. Le système des choses

CHAPITRE 1. LES DROITS PATRIMONIAUX

LES CLASSIFICATIONS MODERNES DES DROITS SUBJECTIFS

Classifications des droits subjectifs en droit moderne

− Patrimoniaux >< extrapatrimoniaux (critère du patrimoine)


− Absolus >< relatifs (critère de l’opposabilité)

LE CRITÈRE DU PATRIMOINE

• Droits patrimoniaux

Droits appréciables en argent et cessibles.

→ La patrimonialité est liée à l’estimation en argent du bien autant qu’à son aptitude à être
cédé à autrui.
→ Ce sont les biens (choses ≠ biens)

Ils sont :

− Absolus : ce sont les droits réels, opposables à tous (erga omnes).


− Ou relatifs : ce sont les droits de créance.

• Droits extrapatrimoniaux

− Les droits extrapatrimoniaux sont étroitement attachés à la personne.


− Ils ont une dimension « morale ».
− Ils sont dépourvus de caractère pécuniaire et ne sont pas des biens.
− Ils sont indisponibles (hors commerce).

83
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Exemples : Etat et capacité des personnes, filiation, droits humains, libertés fondamentales

NUANCES

• La violation d’un droit extrapatrimonial, si elle est l’occasion d’un dommage pour autrui,
suscitera l’obligation (patrimoniale) de le réparer.

→ Source de responsabilité civile sur le fondement de l’article 1382 du Code civil de 1804.

• A l’établissement d’une filiation (elle-même extrapatrimoniale) sont rattachés des effets


patrimoniaux (successions, tutelles et curatelles)

Exemple : L’agnation, d’où l’expression de « droit patrimonial de la famille ».

• En droit moderne, la fluidité de la frontière est + marquée.

→ Certains droits extrapatrimoniaux ayant une dimension patrimoniale.


Exemple : droit à l’image.

→ Tels droits patrimoniaux ont un « coefficient d’extra-patrimonialité » (Sériaux).


Exemple : une œuvre littéraire ou artistique

LE PATRIMOINE

Un des atouts de la réforme fut l’insertion d’une définition du patrimoine dans la loi (art. 3.35 Code
civil).

= Universalité de droit comprenant l’ensemble des biens et des obligations présents et à venir d’une
personne.

→ « Toute personne physique ou morale a un et, sauf si la loi en dispose autrement, un seul
patrimoine. »

PATRIMONIUM ET MATRIMONIUM

Si patrimonium a donné en français le patrimoine du pater familias, matrimonium a donné le


mariage (esp. et ital. matrimonio).

Patrimonium :

84
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Le mot latin désigne « la position, le statut du pater familias », et de là, les biens de famille qui
viennent du père et sont destinés à être transmis à ses descendants.

→ Il est en ce sens synonyme d’héritage (hereditas).


→ Un terme ancien pour désigner l’avoir du pater familias est précisément familia.

UNE UNIVERSALITÉ JURIDIQUE

= Ensemble des droits et des obligations, biens :

− Corporels et incorporels
− Actifs (propriété, droits réels autres que la propriété, droits de créance) et passifs (dettes)
− Présents et à venir, dont une personne est titulaire.

• C’est « l’ensemble des biens et des obligations d’une personne, envisagé comme formant une
universalité de droit, c’est-à-dire un tout, une unité juridique » (Carbonnier)

• Le patrimoine engage une solidarité entre l’actif et le passif, à savoir que l’actif garantit le passif
(le droit de gage général).

CONCEPTION CONCRÈTE OU ABSTRAITE

• La notion du patrimoine était dégagée en droit romain classique.

→ Conception concrète du patrimoine (l’actif net)

= L’actif qui compose l’avoir du pater familias après paiement ou, du moins, déduction des
dettes.

→ Paul, Dig. 50, 16, 39 : « On entend par biens (bona) de chacun ce qui dépasse les dettes »

• La conception moderne est abstraite.


= Une universalité juridique et un attribut de la puissance juridique du sujet, une émanation de la
personnalité.

− Toute personne (physique ou morale) a un patrimoine et chacune n’en a qu’un seul.

→ Le patrimoine est indivisible


→ Contra : la conception objective du patrimoine d’affection

− Le patrimoine est attaché à la personne dès la naissance. Il dure aussi longtemps que la
personne elle-même.

→ Il varie en plus et en moins.

85
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Il peut être vide, voire négatif, si les dettes l’emportent [= insolvabilité]

− Le patrimoine est inaliénable entre-vifs.

→ La personne ne peut se dessaisir de sa composante même, sa capacité de jouissance.

− La personnalité juridique implique l’existence d’un patrimoine distinct (et inversement.

LE CRITÈRE DE L’OPPOSABILITÉ

La distinction entre les droits absolus et les droits relatifs repose sur le critère de l’opposabilité.

− Les droits absolus sont opposables à tous, et sont tantôt patrimoniaux (la propriété et les
droits réels), tantôt extrapatrimoniaux : ce sont les droits réels.

− Les droits relatifs sont nécessairement patrimoniaux : ce sont les droits de créance.

UN DROIT « ABSOLU » ?

3 significations :

− Un droit « opposable à tous ».


>< « relatif », opposable à une ou plusieurs personne(s) déterminée(s).

− La propriété est évoquée comme « le droit le + absolu », au sens où elle permet de tout faire sur
une chose, SAUF ce qui est interdit par la loi.

→ A la différence des droits réels autres que la propriété.


→ Cf. C. civ. anc., art. 544

− Un droit qui serait au-dessus des lois, non susceptible d’abus.

→ En ce sens, aucun droit n’est « absolu »

ACTIONS RÉELLES ET PERSONNELLES

La distinction romaine entre les actions réelles et les actions personnelles :

86
Droit romain Q1| Suzanne Simal

− Est fondamentale puisqu’elle anticipe les instruments sur la base desquelles s’élève l’ensemble
de la matière du droit patrimonial privé, précisément les droits réels et les droits de créance, ou
encore droits personnels.

− Remonte à la loi des XII Tables.

→ L’action générale par le pari du sacramentum pouvait être délivrée aux parties in rem
(sanction de la propriété ou d’un autre droit réel que la propriété) ou in personam (sanction
d’un droit de créance)

4, 1 :
« Il reste à traiter des actions.
Si nous nous demandions combien il y a de genres d’actions,
il semblerait préférable de dire qu’il y en a deux, in rem et in personam »

Les 2 grandes classes d’actions sont donc :

• Les actions in rem (quant à la chose) :


La propriété et les droits sur les choses (servitudes, usufruit, superficie, gage, etc.)
= Droits « réels ».

→ Prétendons qu’une chose corporelle est à nous ou qu’un certain droit nous appartient.
→ Aussi les droits extrapatrimoniaux (les questions de statut personnel)

• Les actions in personam (quant à la personne) :


Obligations = Droits « personnels ».

→ Qqn qui est obligé envers nous.

DROIT DE SUITE

Le droit est doté d’un droit de suite, un des 2 attributs fondamentaux des droits réels.

Droit réel = absolu donc opposable à tous, c’est-à-dire que son titulaire peut le faire valoir en justice
à l’égard de n’importe quel membre de la collectivité.

→ Plan dynamique de l’action in rem : action qui suit en effet la chose dont le demandeur s’affirme
propriétaire, ou sur laquelle il affirme avoir le droit d’y exercer une prérogative déterminée
(l’usage ou la jouissance par exemple).

→ Et ce quelle que soit l’identité de celui entre les mains de qui cette chose se trouve au moment
du procès.

87
Droit romain Q1| Suzanne Simal

o Dans le champ extrapatrimonial, le demandeur agit in rem dans la mesure où sa prétention,


touchant, par exemple, à une question de statut personnel, peut s’énoncer à l’encontre de
n’importe quel citoyen

>< droit de créance qui est relatif : le titulaire du droit ne peut exiger la prestation qui en constitue
l’objet que contre la personne de son débiteur.

OPPOSABILITE ET PUBLICITE

Opposer un droit à un tiers suppose que celui-ci ait pu en avoir connaissance.

→ Le transfert ou la constitution des droits réels nécessite donc d’être entourée d’une publicité.

− Cette publicité s’accomplit en droit moderne par la mise en possession [= la tradition] pour
les meubles, et par la transcription dans les registres publics pour les immeubles

→ C. civ., art. 3.28 et 3.30 [= L. hyp., art. 1 ancien]

− Si ces mesures ne sont pas prises, ces droits et les opérations qui en modifient la consistance
ne sont opposables aux tiers de bonne foi.

→ C. civ., art. 3.30 §2

− MAIS un droit de créance peut lui aussi faire l’objet d’une publicité par enregistrement, et
se trouver en conséquence revêtu d’une opposabilité absolue.

Exemple : le bail dûment enregistré est opposable aux tiers, spécialement à l’acquéreur du
bien loué.

→ C. civ., art. 8.22 ≈ C. civ. ancien, art. 1328.

DROITS RÉELS ET DROITS DE CREANCE

• Droit de créance :
Lien de droit entre 2 personnes, tel que l’une, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur,
qu’elle exécute une prestation au moyen, le cas échéant, de la contrainte.

→ Le droit de créance, figure de la contrainte.

• Droit réel :
Droit sur une chose, la sienne propre ou celle d’autrui, qui s’exerce sur la chose directement, sans
l’intermédiaire de personne.

− Confère tout ou partie de l’utilité que celle-ci comporte.


− Est doté de 2 attributs, le droit de suite et le droit de préférence, qui en assurent
l’opposabilité erga omnes.

88
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Le droit réel, figure de l’appartenance.

TABLEAU COMPARATIF

Procédure Opposabilité Nombre Rôle de la Durée Sûretés Legs


loi
Action « in Absolue Limité Supplétif Perpétuel Réelles Per
rem » SAUF (servitudes) vindicationem
conditions ou viager
Actio « in Relative Illimité Supplétif Provisoire Personnelles Per
personam » damnationem

Droits
subjectifs
privés

Droits
Droits
extrapatrimoni
patrimoniaux
aux

Droits de
Droits réels
créance
(biens)
(obligations)

CHAPITRE 2. LES DROITS REELS

DÉFINITION

Le droit réel :

• Un droit sur une chose :


La sienne propre (propriété) ou celle d’autrui (droits réels autres que la propriété).

• Qui s’exerce sur la chose directement :


Sans l’intermédiaire de personne.

• Confère tout ou partie de l’utilité que celle-ci comporte :


Usage ou garantie.

• Et est doté de 2 attributs qui en assurent l’opposabilité erga omnes


Le droit de suite et le droit de préférence.

LE SYSTÈME FERMÉ DES DROITS RÉELS

89
Droit romain Q1| Suzanne Simal

UNE LISTE EXHAUSTIVE

Art. 3.3 C. civ.:

→ Seul le législateur peut créer des droits réels.


→ Les droits réels sont le droit de propriété, la copropriété, les droits réels d’usage et les suretés
réelles.

>< Droits de créance qui sont potentiellement illimités.

DES DIFINITIONS IMPERATIVES

Non seulement la règle imposant le système fermé des droits réels est impérative, mais l’essence de
chacun d’eux elle-même est saisie dans une définition à laquelle les parties ne peuvent pas déroger.

Les définitions des différents droits réels « s’insèrent donc au sein de la règle contraignante, énoncée
à l’article 3.3, d’un système fermé »

UN DROIT SUPPLÉTIF

• OR le Code civil proclame simultanément à l’ouverture du livre 3 le caractère supplétif des


dispositions de ce dernier, sous 2 importantes réserves.

Art. 3.1. « Droit supplétif » :

Les parties peuvent déroger aux dispositions du présent Livre, SAUF :

− S’il s’agit de définitions


− Ou si la loi en dispose autrement.

➢ Les « zones de contrainte » propres à chaque droit réel ont pour objectif de distinguer
l’essence de chacun d’eux.

• MAIS place est laissée à l’autonomie de la volonté dans la modulation de chaque droit réel.

→ Les limites du socle impératif défini à l’article 3.3, la loi se reconnaît donc à elle-même un
caractère supplétif de la volonté des parties.

→ Souci de rencontrer la flexibilité d’un droit des biens évolutif et adapté aux besoins de la
pratique.

90
Droit romain Q1| Suzanne Simal

« Une offre, fixe, sauf initiative du législateur,


des différentes possibilités de se réserver des prérogatives réelles sur une chose, mais une modélisation souple
des clauses et conditions de l’acte juridique selon les souhaits des parties. »
(Lecocq et Sagaert)

UNE TENSION CONSTITUTIVE

Si les articles 3.3 et 3.1 peuvent paraître contradictoire, il y va pourtant d’une articulation de base de
la réforme, d’une tension constitutive, les deux textes étant le pendant l’un de l’autre.

Le système fermé des droits réels est donc combiné avec une interprétation flexible de leur contenu,
d’une manière qui découle du caractère fondamentalement supplétif des dispositions du livre 3.

LE SPECTRE DE LA FEODALITE

L’abolition de la féodalité (=pouvoir central affaibli et distribué dans une série de principautés) la nuit
du 4 août 1789 explique le spectre que l’article 543 ancien, qui liste les droits dont un bien est
susceptible de faire l’objet, continue de faire peser sur la question.

Art. 543 Code civil ancien :

On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement
des services fonciers.

➢ Un numerus clausus ?

Dès le XIXe siècle, question - irritante en droit belge qu’en droit français.

→ Il avait déjà en 1830 la panoplie complète des droits réels tels qu’ils se sont configurés au
cours de l’histoire du droit romain, en ce compris l’emphytéose et la superficie, régies par
deux lois hollandaises du 10 janvier 1824, que l’article 543 n’avait pas reprises au motif que
leur nature était controversée.

→ Le législateur de 2020 s’est en tout cas clairement déterminé pour le maintien d’un noyau
non négociable de droits réels centrés sur la propriété, d’une manière qui laisse cependant à
l’autonomie de la volonté suffisamment d’espace pour assurer au droit des biens une
nécessaire flexibilité.

PROPRIETE, DROITS REELS D’USAGE, SURETES REELLES

91
Droit romain Q1| Suzanne Simal

C. civ., art. 3.3. « Système fermé des droits réels »

→ [2] « Les droits réels sont le droit de propriété, la copropriété, les droits réels d’usage et les
suretés réelles. »

• La propriété : tenue à part des autres droits réels, au cœur du système du droit des biens.

• Les droits réels d’usage : servitudes, le droit d’usufruit (usage et jouissance de la chose,
comprenant le droit d’habitation), le droit d’emphytéose et le droit de superficie.

→ Disparait à cause de la confusion terminologique et reconfigure le droit d’habitation comme


une variété d’usufruit.

• Les sûretés réelles : privilèges spéciaux, le gage, l’hypothèque et le droit de rétention.

→ Gage et hypothèque = droits réels de garantie : ils grèvent un élément du patrimoine du


débiteur sur le prix de réalisation duquel le créancier a le droit d’être payé par priorité.

LA DUREE DES DROITS REELS

− L’usufruit, l’usage et l’habitation, séparés de la nue-propriété, sont viagers, puisque limités à la


vie du bénéficiaire.
C. civ. anc., art. 617, 1° et 625 ; cf. pour l’usufruit : C. civ., art. 3.141, 2°

− La superficie et l’emphytéose < 99 ans

C. civ., art. 3.180 ; 50 ans dans le régime ancien, art. 4 de la loi du 10 janvier 1824.
C. civ., art. 3.169, al. 1 = art. 2 de la loi du 10 janvier 1824), qui doit aussi être de minimum 15 ans
(contre 27 dans la loi de 1824).

− Quant aux servitudes prédiales, droits perpétuels, elles sont strictement définies par la nature
des lieux et attachées au fonds dominant, jamais à une personne.

LE NON-USAGE

Enfin, attendu le même impératif de conserver à la propriété « sa vocation à se reconstituer


pleinement », les droits réels d’usage sont susceptibles de s’éteindre par l’effet d’un non-usage
trentenaire (C. civ., art. 3.16).

>< La propriété, pas + que les actions qui la sanctionnent, ne s’éteignent pas par ce mode.

C. civ., art. 3.51 : [2] « Le droit de propriété et les actions qui sanctionnent ce droit
ne s’éteignent pas par non-usage »

92
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’OBJET DES DROITS RÉELS

L'objet d’un droit réel est un bien (toute chose appropriable corporelle ou incorporelle). La matière
est gouvernée par 2 grands principes.

TOUTE CHOSE SUSCEPTIBLE D’APPROPRIATION

→ C. civ., art. 3.41. « Biens » :

Les biens, au sens le + large, sont toutes les choses susceptibles d’appropriation, y compris les droits
patrimoniaux.

→ C. civ., art. 3.7. « Objet des droits réels » :

Les droits réels peuvent porter sur tous les biens visés à l’article 3.41, sauf les restrictions qui
découlent de la nature du droit concerné.

2 GRANDS PRINCIPES : LA SPÉCIALITÉ ET L’UNITÉ DES DROITS RÉELS

LA SPÉCIALITÉ

C. civ., art. 3.8. « Spécialité et unité des droits réels »

Nonobstant toute clause contraire et sauf si la loi en dispose autrement, un droit réel a pour objet un
bien déterminé ou un ensemble déterminé de biens.

L’UNITÉ

L’unité entre le bien et toutes ses composantes inhérentes est indissoluble.

Exception : droit de superficie (droit réel sur les volumes composant un fonds indépendamment du
fonds lui-même).

>< L’ACCESSOIRE

Peut être détaché du bien principal sans porter atteinte à la substance physique ou fonctionnelle de
celui-ci et ainsi constituer un bien indépendant.

93
Droit romain Q1| Suzanne Simal

er
Art. 3.9, al.1 :

Dans la mesure où ils appartiennent à la même personne, un bien est l’accessoire d’un autre bien,
soit s’il lui est attaché ou placé à demeure, soit s’il est mis au service de l’exploitation ou de la
sauvegarde de ce bien principal »

Selon la règle constante accessorium sequitur principale, la loi rappelle que :

Art. 3.9, al. 2 et 3 :

− Un droit réel sur un bien vise aussi, de plein droit, les accessoires de ce bien.
− Sauf clause contraire, tout acte de disposition relatif à un bien concerne de plein droit les
accessoires de celui-ci.

LES FONDAMENTAUX DES DROITS RÉELS

LES DROITS DE SUITE

Conflits entre droits réels.

Le droit de suite est la faculté, pour le titulaire d’un droit réel, de le faire valoir, par la revendication,
contre toute personne quelconque qui a entre ses mains le bien sur lequel il prétend exercer ce droit
réel, c’est-à-dire :

− Le possesseur, s’il s’agit du droit de propriété.


− Le propriétaire ou le possesseur, pour une servitude (foncière ou personnelle), ainsi que pour
le titulaire de l’emphytéose ou de la superficie.

« LE PREMIER DANS LE TEMPS, LE + PUISSANT SELON LE DROIT »

Un droit réel antérieur prévaut sur un droit réel postérieur (art. 3.4 et 3.5 C. civ.).

→ Par conséquent, le droit réel est muni d'un droit de suite, en vertu duquel son titulaire peut
l'opposer à chaque acquéreur successif d'un droit sur le bien.

LE DROIT DE PREFERENCE

Droit de suite applicable dans le cas de l’insolvabilité d’un débiteur qui place tous ses créanciers
(celui auxquels il doit de l’argent) en situation de concours.

94
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Il confère, par rapport au droit de suite, le supplément de permettre au demandeur


d’échapper à la concurrence que suscite l’insolvabilité entre les créanciers :

o La propriété, la copropriété et les droits réels d'usage échappent au concours qui naît
de l'insolvabilité de tiers.
o Les suretés réelles donnent un droit de préférence sur le prix de réalisation de leur
assiette.

Il donne le droit d’être préféré à d’autres créanciers du même débiteur.

− Soit en reprenant la chose elle-même (dont on est propriétaire) et en la soustrayant ainsi au


concours (art. 3.5 §1).

− Soit en étant payé sur le prix de la chose affectée à la garantie de l’exécution d’une obligation,
par préférence aux autres créanciers, sur base d’un droit de gage ou d’hypothèque ou d’un
privilège (art. 3.5 §2)

→ D’où la règle prior tempore potior iure (art. 3.4, al. 1er)

LES PRIVILÈGES

Droits de préférence sans droit de suite (même si certains privilèges confèrent aussi un droit de
suite).

Certains créanciers bénéficient d’un privilège, qui est une cause de préférence reconnue par la loi.

→ A certains créanciers (comme l’épouse pour la dot, le pupille à l’égard du tuteur, ou le fisc
impérial envers les contribuables)
→ Ou en raison de la qualité de la créance (frais de justice, frais funéraires, emprunt pour
construire un immeuble ou un navire, loyer garanti sur les meubles meublants).

LE DROIT DE RÉTENTION

Un moyen de pression utilisé par le créancier impayé.

→ Le débiteur ne récupèrera son bien que s’il honore la dette.


→ Confère au créancier le droit de suspendre la restitution d’un bien qui lui a été remis par son
débiteur ou qui est destiné à son débiteur tant que sa créance relative à ce bien n’est pas
axécutée.

LE POUVOIR DE DISPOSITION

95
Droit romain Q1| Suzanne Simal

C. civ., art. 3.6:

Le titulaire d'un droit réel peut disposer de son droit. Si la nature du droit l'impose, il ne peut en
disposer qu'avec le bien principal auquel il est attaché.

Droits réels

Droits réels Droits réels


principaux de garantie

Ius in re
Ius in re sua Gage
aliena

Propriété Usufruit Hypothèque

Usage

Habitation

Servitude
prédiale

Emphythéos
e

Superficie

CHAPITRE 3. LES BIENS : NOTION ET CLASSIFICATIONS

DES CHOSES ET DES BIENS. LA PLACE DES ANIMAUX

« CHOSE » ET « BIEN »

96
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Bien : chose appropriable et saisissable (en vertu du droit de gage général).

LES ANIMAUX

Grande innovation : entrée nouvelle des animaux dans le Nouveau code civil entre personnes et
choses.

APPROCHE TRADITIONNELLE

• Un meuble (C. civ. ancien, art. 528)

→ Res se moventes : choses animées.

→ Res nullius : Animaux sauvages (ni apprivoisés, ni captifs, vivant à l’état naturel). Le
premier qui s’en empare en acquiert la propriété.

• Un immeuble par destination (C. civ. ancien, art. 524) :


Meubles posés par le propriétaire sur un fond aménagé en vue d’une exploitation.
Exemples : animaux attachés à la culture, pigeons des colombiers, lapins de garennes, ruches à
miel, …

• La responsabilité du fait des choses (C. civ. ancien, art. 1385)

→ Responsabilité du propriétaire ou du gardien d’un animal lorsque celui-ci cause un dommage


à autrui.

DROIT CIVIL : LA SENSIBILITÉ DE L’ANIMAL

La sensibilité de l’animal signifie qu’il est un être capable de ressentir de la souffrance et du plaisir,
capable aussi de les communiquer.

→ L’animal, un sujet (mais un sujet non philosophique, non contractant)


→ Un soi vulnérable

La reconnaissance en droit civil de la qualité de l’animal comme être sensible fait naître des devoirs à
charge de son propriétaire et va au-delà de la répression ou de l’interdiction des actes de cruauté
envers lui (réprimés par le Code pénal).

→ Protection du bien-être de l’animal.


→ Nécessité de respecter ses normes éthologiques.

97
Droit romain Q1| Suzanne Simal

LA RÉFORME DES DROITS DES BIENS :

Art. 3.38. – Choses

Les choses, naturelles ou artificielles, corporelles ou incorporelles, se distinguent des animaux. Les
choses et les animaux se distinguent des personnes .

Art. 3.39.

− Les animaux sont doués de sensibilité et ont des besoins biologiques.


− Les dispositions relatives aux choses corporelles s’appliquent aux animaux, dans le respect des
dispositions légales et réglementaires qui les protègent, et de l’ordre public et des bonnes
mœurs.

UN DROIT ANIMALIER ?
Rassembler toutes ces dispositions pour créer un nouveau droit ?

− Le droit civil : propriété et responsabilité.

− Le droit pénal : infractions commises envers les animaux.


Exemples : abandon, maltraitance, zoophilie, etc.

− Le droit de l’environnement : animaux sauvages .


Listes d’espèces protégées (dont, en Europe, le renard polaire)

− Le droit rural
Exemples : agriculture, élevage, chasse, transport et détention d’animaux vivants.

− Le droit vétérinaire
Utilisation de l’animal dans l’alimentation (commerces de boucherie) et l’expérimentation.

− Le droit international
Not. Convention de Washington du 3 mars 1973 sur le commerce international de faune et de
flore sauvage menacée d’extinction (ratification Belgique, loi 28 juillet 1981).

− Allemagne, Suisse, Luxembourg [en Europe] : le droit constitutionnel.

UN PAS SYMBOLIQUE

Art. 3.42 :

Le croit des animaux et leur production sont considérés comme des fruits.

98
Droit romain Q1| Suzanne Simal

NI PERSONNES NI CHOSES

S’ils ne sont plus des choses, ils demeurent des biens, soumis comme tels au régime de la propriété
et aux opérations du patrimoine.

Personnes Choses

Modernes Humains Non humains


= Personnes
= Sujets de droit
= objets de propriété
Rappel. Les personnes morales

Anciens Humains Humains et non humains


= Personnes (personae) = objet de propriété – ou pas
≠ Sujets de droit
Cf. Les res nullius in bonis

3 CLASSIFICATIONS FONDAMENTALES

3 critères fixant les contours du système de la propriété :

• Le statut d’appartenance ou de non appartenance des choses


in patrimonio et extra patrimonium (2, 1)

• La nature des choses : matérielle ou idéelle


corporales et incorporales (2, 12-14)

• Le critère du mode de transfert de la propriété


Mancipi et nec mancipi (2, 14a – 18)

LE COMMERCIUM : LE CIRCUIT JURIDIQUE DES CHOSES.

Commerce : opérations du patrimoine, circulation juridique des biens.

Exemples : propriété, possession, servitudes, gages, …

Distinction entre les choses qui sont dans le commerce et celles dont il n’y a pas de commerce :

LES CHOSES IN COMMERCIO


99
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Les biens inaliénables :

Parmi les choses qui sont in commercio :

→ Certaines choses appropriées sont frappées d’inaliénabilité par la loi.


→ Un tel bien est dans le commerce tout en étant inaliénable.

LES CHOSES EXTRA COMMERCIUM

Sont soumises à un régime juridique qui les exclut des opérations du patrimoine.

Interdites de vente, de gage, de promesse, de legs, d’action en revendication (Thomas), elles ne sont
susceptibles :

→ Ni d’appropriation exclusive.
→ Ni de possession.
→ Ni d’acte juridique : contrat ou testament.
→ Ni d’estimation pécuniaire, étant proprement sans prix.

DANS LE CODE NAPOLÉON :

C. civ. anc. art. 1598

Tout ce qui est dans le commerce peut être vendu, lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé
l’aliénation.

C. civ. anc. art.2

On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les
bonnes mœurs.

LES CHOSES DONT IL N’Y A PAS DE COMMERCE (EXTRA COMMERCIUM)

Sous les 5 espèces du sacré, du religieux, du saint, du public et du privé, telles qu’elle se dégagent de
la summa divisio rerum de Gaius :

− Les 3 premières relevant du droit divin (res divini iuris).


− Les 2 dernières du droit humain (res humani iuris).

→ Seule cette dernière est patrimoniale.


→ Les quatre autres sont extrapatrimoniales en raison de leur affectation au service des dieux
ou de la cité.

100
Droit romain Q1| Suzanne Simal

LA DESTINATION DES CHOSES AUX DIEUX (CHOSES DE DROIT DIVIN)

Inappropriables : les choses sacrées, religieuses et saintes n’appartiennent à personne : ce qui est de
droit divin n’est dans le patrimoine de personne (nullius in bonis est).

CHOSES SACRÉES

Choses consacrées aux dieux d’en-haut par décision du peuple romain ou d’une collectivité publique
en dehors de Rome, sur la base d’un rituel de consécration qui suppose la participation des pontifes.

Exemples : temples, autels, objets cultuels.

• La consécration n’est possible que sur le territoire romain.

Seul le sol de l’Italie est susceptible d’une consécration officielle comme la propriété quiritaire.

Aussi, dans les provinces, les biens consacrés ou laissés aux dieux sont assimilés aux res sacrae ou
aux res religiosae (pro religioso), exactement comme la possession y tient lieu de la propriété.
→ On fait « comme si ».

• La répression des atteintes aux res sacrae :

− Le régime pénal du sacrilège comme atteinte à la propriété divine, le vol de choses sacrées
qu’est proprement le sacrilegium, est tardif en droit romain. Il ne fut qualifié comme tel qu’à
partir des empereurs Sévères et puni après enquête extraordinaire d’une mort atroce.

− Une chose simplement déposée dans un temple par un citoyen est une res privata
➝ action de vol.

CHOSES RELIGIEUSES

Choses laissées aux dieux d’en-bas par la décision du propriétaire du terrain auquel incombe la
charge des funérailles.

Exemples : tous les lieux marqués par la mort (tombeaux et lieux foudroyés).

→ C’est la présence d’une dépouille humaine qui est décisive.

→ Répression des atteintes au tombeau :

101
Droit romain Q1| Suzanne Simal

− Actio spulcri violati (action prétorienne pénale, infamante et populaire).


− L’atteinte au tombeau ne peut donner lieu aux voies de droit du droit commun :
ni action de vol ni action en responsabilité civile (lex Aquilia)

CHOSES SAINTES

« Saint » est ce dont la violation emporte une peine.

Sont ainsi qualifiées les choses qui marquent une limite inviolable, dont la transgression est
sanctionnée par la mort : remparts des villes et des camps, et bornes des champs, toutes choses dont
la délimitation est cruciale pour la survie de la communauté entière.

• La légende de la fondation de Rome par Romulus :

Transgression par Remus, son frère, de l’interdit de franchir le tracé de la future enceinte inscrit
dans le sol avec la charrue par le premier, le pomerium, qui fut immédiatement suivie de mort,
légende évoquée précisément par Pomponius au principe de cette classification juridique.

LA DESTINATION DES CHOSES A LA CITE (CHOSES DE DROIT HUMAIN)

• Res usibus publicis relictae


Choses affectées par l’autorité compétente à l’usage de tous les citoyens.

• Res universitatum (universitas « collectivité »)


Choses publiques des villes autres que Rome (colonies ou municipes).

LA SANCTION

− Empêcher à quelqu’un le libre accès aux choses dont l’usage est public est constitutif d’un
outrage à sa personne.
− La sanction relève donc de l’initiative privée sur base de l’action pénale d’injures (actio
iniurarium).
− Il en sera ainsi que si une personne est empêchée de se trouver habituellement dans un lieu
public, Ulpien faisant le parallèle avec les res communes omnium que sont la mer et son rivage.

LES RES COMMUNES OMNIUM

102
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Choses de droit naturel communes à tous.

Exemples : l’air, l’eau, la mer et ses rivages.

• Sanction : action d’injures.

• Conception naturaliste ou descriptive chez les anciens.

Choses dont la fécondité paraît inépuisable.

• Conception normative chez les modernes.

Choses vitales pour l’homme.

• Une communauté négative.

→ Usage ouvert, libre, gratuit et partagé.


→ Fonctionne mieux pour les ressources immatérielles : internet, logiciels libres, etc.

Statut
d'appartenance

Choses in Choses extra


patrimonio patrimonio

Choses
Choses privées Choses de Choses de
communes à
appropriables droit divin droit humain
tous
par les
hommes
Choses Choses
sacrées publiques

Choses Choses
religieuses universelles

Choses saintes

L’INAPPROPRIABLE : QUEL FONDEMENT JURIDIQUE ?

LE PRINCIPE ROMAIN DE L’ENCLAVE : LES RES NULLIUS IN BONIS


C. civ. ancien, art. 714 :

103
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous. Des lois de
police règlent la manière d'en jouir.

Cf. C civ. anc., art. 713 :

Les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à l’Etat.

➢ Les res nullius sont des choses actuellement sans maître, mais appropriables par la seule prise
de possession, à savoir par occupation.

− Soit qu’elles n’aient jamais eu de maître.


Choses qui se prennent « sur terre, sur mer et dans le ciel »
L’île née en mer (insula in mari nata)

− Soit qu’elles en aient eu un mais celui-ci s’en soit débarrassé sans esprit de retour.
Choses abandonnées (res derelictae)

C. civ. art. 3.43

Les choses communes ne peuvent être appropriées dans leur globalité. Elles n'appartiennent à
personne et sont utilisées dans l'intérêt général, y compris celui des générations futures. Leur usage
est commun à tous et est réglé par des lois particulières.

Les choses, mobilières et immobilières, sans maître, soit qu'elles n'en aient jamais eu, soit que leur
maître ait renoncé à la propriété, peuvent être appropriées conformément à l'article 3.59, § 2, pour
les meubles et à l'article 3.66 pour les immeubles.

LE DOMAINE PUBLIC

Les choses énumérées en droit romain comme res sacrae, religiosae, sanctae et publicae sont
aujourd’hui « considérées comme des dépendances du domaine public » (art. 538 anc.), ce qui
signifie qu’elles ont un propriétaire : l’État, ou d’autres personnes morales de droit public
(collectivités locales, établissements publics), qui prend la décision de les affecter à l’usage de tous
ou à une destination publique spécifique.

− Sous l’Ancien Régime : le domaine de la Couronne.

− Ce sont des biens spécialement affectés à l’usage du public ou aménagés en vue d’assurer la
réalisation d’un but de service public.

Biens appartenant à une personne publique.


→ Etats, collectivités locales, établissements publics.

104
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Affectés par la loi (C. civ. ancien, art. 538-541 ≈ 3.45) ou par une décision de l’autorité
compétente à l’usage tous.

Leur régime d’exception est un régime d’indisponiblité :

→ Biens non susceptibles d’appropriation individuelle et exclusive.


→ Inaliénables.
→ Imprescriptibles.
→ Insaisissables (privilège d’immunité d’exécution).

LE DOMAINE PRIVÉ DES PERSONNES MORALES EN DROIT PUBLIC

• Concept défini par défaut : tous les biens qui appartiennent aux personnes publiques et ne
sont pas affectés au domaine public.

Cf. Pecunia populi Romani (not. ager publicus, esclaves publics, mines, forêts, etc.)

• Bien non affectés, gérés suivant des règles proches du droit privé.

Biens dans le commerce, pouvant être vendus, loués, grevés de droits réels, ils sont
prescriptibles.

Malgré un régime largement dérogatoire au droit commun de la propriété privée (vocation


de l’administration à la réalisation de l’intérêt général)

C. civ. ancien, art. 537, al.2 :

Les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être
aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières.

→ Biens insaisissables (en principe)

C. civ., art. 3.45

− Les biens publics appartiennent au domaine privé, sauf s'ils sont affectés au domaine public.
− Il peut exister un droit personnel ou réel d'usage sur un bien du domaine public dans la
mesure où la destination publique de ce bien n'y fait pas obstacle.

➢ Une communauté positive (Biens affectés à l’usage de tous).

L’INSURMONTABLE PROPRIETE MODERNE

105
Droit romain Q1| Suzanne Simal

• La propriété apparaît contradictoirement comme « l’antidote de la propriété ».


→ Cf. la notion de patrimoine commun née en droit international public pour les ressources
naturelles de l’environnement, étendue par la suite aux biens culturels.

• Les outils juridiques pour fonder l’inappropriable en droit moderne :

− Les choses hors commerce : C. civ. anc., art. 1128 et 2226


− Les res communes omnium : C. civ. anc., art. 714 ≈ C. civ., art. 3.43, al. 1er
− L’ordre public : C. civ. anc., art. 2
− Le domaine public des personnes morales de droit public : C. civ. anc., art. 538-541 ≈ C. civ.,
art. 3.45
− Le patrimoine commun de l’humanité (droit international public, par exemple la Convention
sur le droit de la mer du 10 décembre 1982).

LES CHOSES CORPORELLES ET LES CHOSES INCORPORELLES

Différence d’origine philosophique (stoïcisme hellénistique) et rhétorique.

• Les choses corporelles sont les choses tangibles, celles qui se


touchent.

Exemples : fonds, un esclave, un vêtement, de l’or, de l’argent et


enfin tant d’autres choses innombrables.

• Les choses incorporelles ne se touchent pas car elles sont des notions juridiques.
→ Une succession (hereditas)
→ Un usufruit
→ Les obligations quelle qu’en soit la source

Ne pas confondre le droit (chose incorporelle) et les choses (corporelles) qui en font partie ou en
constituent l’objet.

− Une succession (universalité) est une chose incorporelle, peu importe qu’il y ait dans le
patrimoine des biens corporels.
− L’usufruit est un droit (chose incorporelle), même s’il a pour objet une chose corporelle (une
maison ou un esclave)
− Les obligations sont incorporelles (un lien de droit) alors même que l’objet de l’obligation (= la
prestation) se rapporte à une chose matérielle (livrer un esclave, par exemple)

OÙ RANGER LA PROPRIÉTÉ ?
Dans une terminologie moderne, les choses incorporelles sont les droits subjectifs de nature
patrimoniale (biens, obligations, successions)

106
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Selon certains auteurs, la propriété est confondue avec son objet : elle est donc une chose
corporelle, un droit tangible.

→ La propriété romaine (corpus) n’est pas identifiée à la chose à raison de sa nature matérielle mais
à la chose en tant qu’elle est appropriée
Res, lis, causa

INTÉRÊT PRATIQUE DE LA DISTINCTION

− La possession tient lieu de propriété là où il n’y a pas ou ne peut y avoir de propriété (D.
50.16.115)
La possession est alors le substitut technique de la propriété.

− Donc, puisque la propriété est confondue avec la chose en tant qu’elle est appropriée, il n’y a de
possession que de chose corporelle.

→ La possession elle-même n’est pas une chose qui se touche (elle est une chose incorporelle).

− Partant, seuls les biens corporels sont aussi susceptibles de tradition, de gage, et d’usucapion.

LA QUASI POSSESSION

La quasi possession est la possession appliquée aux biens incorporels (possessio iuris opposée à la
possessio rei)

→ Apparaissant en droit classique, elle rend possible la tradition, le gage et l’usucapion de


choses incorporelles (ex. usucapion d’un usufruit).

C. civ., art. 3.18 :

La possession est l’exercice de fait d’un droit, comme si l’on en était titulaire.

Cf. C. civ. anc., art. 1128:

La possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit.

LES RES MANCIPI ET LES RES NEC MANCIPI

La + ancienne classification des biens en droit romain.

RES MANCIPI

107
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Choses « qui relèvent du mancipium », dont la propriété ne se transmet valablement que par
mancipation :

→ Les esclaves
→ Les grands quadrupèdes domestiques qui se domptent par le col et le cou.
→ Le sol (donc, les immeubles).
→ Les servitudes rurales (seul bien incorporel de la liste).

➢ Mancipium : terme du latin archaïque, il désigne à la fois :


− La mancipation dans la loi des XII Tables.
− L’esclave, dont la propriété se transfère par la mancipation parce qu’il compte au
nombre des res mancipi.
− Et la puissance familiale susceptible d’être acquise sur les alieni iuris comme sur les
choses.

RES NEC MANCIPI

Rassemble tous les biens meubles autres que les esclaves et les grands quadrupèdes domestiques.

La propriété d’une res nec mancipi se transmet par simple tradition.

INTÉRÊT PRATIQUE DE LA DISTINCTION

Cette classification est fondamentale pour l’organisation du système de la propriété dans la mesure
où elle envisage celle-ci sous l’ange de l’aliénabilité :

− L’aliénabilité est un caractère essentiel de la propriété.


− Il n’y a de propriété que cessible entre-vifs et transmissible à cause de mort.

➢ On voit aussitôt que la mancipation, l’in iure cessio et le testament sont directement liés à
l’apparition et au développement de la propriété romaine.

PRINCIPE DE LA CLASSIFICATION

• Raison économique ?

Les « res pretiosiores » : biens les + précieux pour une civilisation fondée sur l’agriculture et,
peut-être + encore, sur l’élevage.

• Raison de prestige (« agonistique ») ?

108
Droit romain Q1| Suzanne Simal

A bien y regarder, les res mancipi sont des choses dont la propriété (mancipium) est acquise suite
à une victoire dans un combat : l’être soumis, animal dompté ou homme défait militairement,
devient chose appropriée pour avoir été vaincu.

➢ Le prestige physique et social qui résulte, pour l’homme, de la maîtrise exercée sur l’esclave
et sur les grands quadrupèdes domestiques, « domptés par le col ou par le dos ».

AUTRES CLASSIFICATIONS

LES FRUITS ET LES PRODUITS

LES FRUITS
Les fruits d'un bien sont ce que ce bien génère, périodiquement, sans altération de sa substance, que
ce soit spontanément ou à la suite de sa valorisation.

→ Sans préjudice de l'article 3.39, le croît des animaux et leur production sont considérés comme
fruits.

LES PRODUITS
Le produit est ce que rapporte le bien, mais qui en diminue la substance, immédiatement ou
progressivement.

109
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Titre II : les droits réels autres que la propriété


Chapitre 5 : les servitudes prédiales
Section 1. notion, classifications, raison d’être
A. Notion et classifications
Le terme de servitude indique clairement qu’à l’instar de l’esclavage (servitus) le service
foncier constitue :

→ Un service dû par le fonds servant au fonds dominant


• Art 3.114 C.Civ
→ À perpétuité, indépendamment de la personnalité des propriétaires de l’un et
l’autre fonds.
Le nouveau Code civil ne retient plus que la notion d’apparence et abandonne ainsi toute
référence au caractère continu ou discontinu.
→ Art 3.115 C.Civ

Une classification didactique consiste à classer les servitudes en fonction, d’une part, du
comportement qu’elles impliquent dans le chef du propriétaire de la chose grevée, et,
d’autre part, du comportement qu’elles autorisent dans le chef du titulaire du droit réel.

Elle permet de se représenter l’essence des servitudes, à savoir qu’elles constituent autant
de limitations caractéristiques de la propriété, le propriétaire de la chose grevée d’une
servitude voyant en effet sa souveraineté sur celle-ci limitée, et ce, de deux manières
différentes :
→ Soit, il est tenu à la patience
→ Il doit laisser faire, tolérer que le titulaire du droit réel exerce sur sa chose une
prérogative déterminée
Exemple : une servitude de passage oblige le propriétaire du fonds servant à subir le passage
d’autrui sur ses terres.
→ Soit, il est tenu à l’abstention
→ Il doit ne pas faire, étant alors privé de certaines facultés déterminées sur sa
propre chose.
→ une servitude non altius tollendi l’empêchera d’exhausser ses constructions.
→ une servitude de jour ou de vue lui interdira de rien faire qui diminue la lumière
ou la vue dont bénéficie le fonds voisin.

110
Droit romain Q1| Suzanne Simal

VOIR Art 3.114 C.Civ


Le propriétaire du fonds servant ne se verra jamais contraint à une obligation de faire, une
obligation positive : c’est la chose qui rend le service et non la personne.
Du point de vue de la latitude de prérogatives dont dispose le titulaire sur la chose d’autrui,
les servitudes sont dites « positives » ou « négatives » :

→ Les servitudes positives permettent à leur titulaire de poser des actes positifs sur la
chose d’autrui
Exemple : servitude de passage : le titulaire peut passer sur le fonds voisin.
servitude d’aqueduc : il a le droit de faire passer des canalisations sur le fonds servant.

→ Les servitudes négatives n’offrent à leur titulaire que le pouvoir d’interdire au


propriétaire d’user de sa chose d’une façon déterminée.
Exemple : Ne pas surélever ses constructions

Comportement attendu dans Comportement autorisé dans


le chef du propriétaire de la le chef du titulaire du droit
chose grevée → réel autre que la propriété →

Patience (patiendi) Servitude positive

Abstention Servitude négative


(non faciendi)

B. Origine et raison d’être


Les servitudes trouvent leur origine dans les entraves que la division du sol en propriétés
distinctes apporte à la commodité de l’exploitation et de la jouissance des héritages ainsi
créés.

→ L’instauration de rapports de dépendance entre les fonds corrige le morcellement des


parcelles.
On comprend ainsi tout l’intérêt de concevoir ces droits sous la forme de droits réels, qui en
font l’accessoire des fonds et les rendent perpétuels, comme le sont les fonds eux-mêmes :
le service que le droit garantit aux parcelles moins favorisées est durable, au contraire de ce
que serait une obligation personnelle intransmissible aux propriétaires subséquents des
fonds.

→ Seul un droit strictement attaché aux fonds eux-mêmes garantit la stabilité suffisante
à la mise en valeur des terres.

111
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Section 2. Les servitutes prédiales rustiques et urbaines


La classification romaine des servitudes selon qu’elles sont rustiques ou urbaines dépend du
caractère bâti ou non des fonds :
→ les servitudes urbaines s’appliquant en réalité à tous les immeubles bâtis, qu’ils
soient situés en ville ou à la campagne.
→ les servitudes rurales s’appliquent, à la campagne, aux immeubles non bâtis.
A. Les servitudes prédiales rustiques
→ On peut préférer ici le terme de servitudes rurales
Les servitudes rurales (iura praediorum rusticorum) sont :
→ Iter ou ius eundi : le droit de passage pour un piéton ou pour un cavalier ;
→ Actus ou ius agendi : le droit de passage pour un troupeau
→ Via ou ius vehendi : le droit de circuler avec un véhicule
→ Haustus ou ius aquae hauriendae : qui garantit l’accès des hommes et des bêtes à un
point d’eau
→ Aquaeductus ou ius aquae ducendae : qui permet l’installation et la jouissance d’une
canalisation d’eau ou d’un aqueduc.
B. Les servitudes prédiales urbaines
Les servitudes urbaines sont plus nombreuses et plus variées que les rurales.
→ La servitude d’égout (cloaca) et de gouttière (stillicidium)
→ La servitude de jour, servitus prospiciendi, la garantie de voir le paysage, ou non altius
tollendi, la garantie que le voisin ne bâtira pas au-dessus d’une certaine hauteur
→ La servitude d’appui, servitus oneris ferendi, le droit de faire reposer une construction
sur le mur du voisin
→ La servitus tigni immittendi, le droit d’appuyer une poutre sur le mur mitoyen ou sur
celui du voisin, etc.
C. Intérêt pratique de la distinction
Du point de vue des modes de constitution :
Les servitudes prédiales rustiques, qui sont des res mancipi, exigent le recours à la
mancipation.

Du point de vue des modes d’extinction :


Les servitudes prédiales rustiques s’éteignent par le non-usage, alors que les servitudes
urbaines ne s’éteignent que par l’usucapio libertatis consécutive à un usage contraire.

112
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Le non usage prolongé du droit emporte l’extinction de la servitude dans le chef de


son titulaire.
• Le délai commence à courir à dater du dernier acte d’usage.
→ L’usus contrarius (ou usage contraire) est un acte qui s’oppose à l’exercice de la
servitude. L’initiative est prise par le propriétaire du fonds servant. Si le nouvel état
se prolonge, il y a usucapio libertatis, « usucapion de la liberté [du fonds] ».
• Le délai commence à courir du jour où l’acte contraire à la servitude a été
posé.
La distinction entre non usage et usage contraire en droit romain se répercutait, dans
l’ancien Code civil, sur fond de la distinction entre les servitudes continues et les servitudes
discontinues, eu égard au point de départ du délai de prescription extinctive par le non
usage trentenaire.
La distinction entre servitudes continues et discontinues ayant été abandonnée par le
législateur de 2020 dans le nouveau Code civil, le délai trentenaire est désormais calculé,
pour toutes les servitudes à compter du dernier acte d’usage
→ Art 3.126 C.Civ
Section 3. Caractéristiques essentielles des servitudes prédiales
A. Une charge imposée a un fonds
→ Art 3.114 C.Civ
→ « Une servitude est une charge grevant un immeuble, dit fonds servant, pour l’usage
et l’utilité d’un immeuble appartenant à autrui, dit fonds dominant. […]
La charge est donc imposée à un immeuble :
→ Elle est établie directement sur le fonds servant au profit du fonds dominant.
→ En l’établissant, les propriétaires ne créent pas entre eux d’obligations
personnelles, mais bien un droit réel.
Le propriétaire du fonds servant conserve tous les attributs de la propriété. Il peut user de
l’objet de la servitude, pour autant qu’il ne nuise pas à l’exercice de celle-ci.
Exemple : il peut puiser de l’eau au puits soumis à la servitude de puisage ou user du passage
consenti au voisin à titre de servitude.

MAIS il a un devoir d’abstention : il ne doit rien faire qui empêche ou diminue l’usage de la
servitude.
→ Art 3.124 C.Civ

113
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Le propriétaire du fonds dominant a l’action confessoire de servitude contre le propriétaire


(ou le possesseur) du fonds sur lequel il prétend exercer ses prérogatives.
→ La servitude foncière ne peut jamais imposer à charge du propriétaire du fonds
servant à la différence de l’obligation le devoir faire quelque chose ou de fournir une
prestation quelconque.
→ C’est la chose qui rend service, et non la personne de son propriétaire (ou du
possesseur).
Il résulte de ce principe fondamental que les frais et les charges qui résultent de l’exercice de
la servitude incombent exclusivement au propriétaire du fonds dominant
→ Art 3.121 C.Civ
Exception :
La servitude d’appui, où le propriétaire du mur d’appui est tenu de plein droit,
indépendamment de toute convention, de l’entretenir (mais pas de l’améliorer), et ce, à
l’égard de tout propriétaire du fonds dominant (qui aura contre lui l’action confessoire).
→ Si la charge est trop onéreuse, le propriétaire du fonds servant peut s’en libérer en
déguerpissant du bien, par abandon de la propriété du mur au voisin.
La convention contraire est licite :
→ Art 3.122 C.Civ
Une telle convention est toutefois largement dérogatoire au droit commun des servitudes,
des obligations et des contrats, puisqu’elle engendre une contribution active à charge du
propriétaire du fonds servant, en principe transmissible à tous ses ayants cause (sous
réserve des formalités de publicité) : une obligation propter rem, à laquelle il est tenu à sa
raison de propriété ou de sa jouissance d’une chose, soit… un droit réel in faciendo !
→ Il s’agit donc d’une « obligation réelle » de sorte que, étant transmissible aux ayants
cause successifs du fonds servant, l’engagement apparait comme l’accessoire de la
servitude.
B. Au profit d’un autre fonds
Les servitudes prédiales sont strictement définies par la nature des lieux et attachées au
fonds dominant, jamais à une personne.
Le but, la mise en valeur des fonds, est mieux assuré par un droit réel qui, attaché aux fonds
eux-mêmes, est une garantie de stabilité.
Le service doit conférer une plus-value objective au fonds, en ceci que tous ceux qui
posséderont ce fonds doivent pouvoir :
→ En profiter

114
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Ne pas représenter un avantage ponctuel en fonction de la personne, de la


profession, de la famille, ou du violon d’Ingres du propriétaire ou du possesseur
actuel.
→ La plus-value peut être économique ou de pur agrément
Mais elle est indépendante de la qualité du possesseur actuel, ou de sa profession. Il n’y a
donc pas de servitude prédiale si :
→ Aucun intérêt : s’engager à ne pas apparaître sur son propre fonds.
→ L’intérêt existe seulement pour le propriétaire en tant qu’individu.
→ Stipuler le droit de prendre de l’argile, du sable, du calcaire, des pierres ou du bois
sur le fonds voisin pour les besoins d’une industrie exercée sur son propre fonds.
Eu égard à l’activité économique exercée sur le fonds dominant, la vigne constituait une
exception paradigmatique, dans la mesure où le prestige de la culture de la vigne dans
l’Antiquité était tel qu’on n’imaginait tout simplement pas qu’il y fût un jour mis un terme.
C. Les fonds appartiennent à des propriétaires différents
Il en résulte que la réunion de deux fonds entre lesquels existe un état de servitude sur la
tête de la même personne emporte l’extinction de la servitude elle-même : c’est la
confusion.
Art 3.127 C.Civ
L’extinction par confusion peut n’être que temporaire : si les fonds sont à nouveau divisés, la
servitude peut être rétablie
→ par destination du père de famille (ancien Code)
→ Art 3.119 C.Civ : maintenant propriétaire
D. Le service est perpétuel
La servitude étant une qualité du fonds, elle est, comme eux, perpétuelle. Elle dure aussi
longtemps que les fonds entre lesquels elle est établie
→ Elle n’en est pas moins susceptible d’extinction, entre autres par le non usage
→ Art 3.15, 3.16, 3.126 C.Civ
Elle dure aussi longtemps que les fonds entre lesquels elle est établie.
Elle est l’accessoire du fonds, donc transmissible avec lui, activement et passivement

Il en résulte que :
→ « Les servitudes sont comprises parmi les accessoires de la chose vendue »

115
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ La servitude n’est pas susceptible de droits réels ou d’hypothèque indépendamment


du fonds dominant lui-même :
• SERVITUS SERVITUTIS NON POTEST

→ Elle fait partie du droit de jouissance que le propriétaire accorderait à un tiers, par
exemple à un usufruitier ou un locataire.
Les jurisconsultes considéraient que la cause de la servitude devait être perpétuelle, causa
perpetua.
La causa perpetua :
La causa perpetua signifie que le service doit pouvoir être rendu en permanence, même s’il
n’est sollicité que par intermittence. Il ne suffit pas que le service puisse être fourni de façon
accidentelle ou passagère, faute de quoi il n’y aurait pas amélioration de l’immeuble, une
qualité nouvelle procurée à celui-ci.
Exemple : la servitude de gouttière a une cause naturelle donc perpétuelle car, même s’il ne
pleut pas tout le temps, la pluie tombe du ciel et non au gré des hommes.
E. Le service est indivisible
Le service foncier consistant en un fait, il est par nature indivisible
→ Art 3.123 C.Civ
→ On ne peut en conséquence ni acquérir ni perdre une servitude pour partie.
La création d’indivision ou la réalisation d’un partage n’a pas d’influence sur la servitude. Le
partage du fonds (servant ou dominant) n’entraîne évidemment pas le partage de la
servitude indivisible. Celle-ci continue d’appartenir pour le tout à chaque portion du fonds
dominant et de grever pour le tout chaque portion du fonds servant.
Si un fonds (servant ou dominant) est en indivision, le consentement de tous les indivisaires
est requis pour créer une servitude ; de même pour l’éteindre.
→ Art 3.123, 2° C.Civ
F. Les fonds sont en principe contingus
La position topographique des fonds doit permettre l’exercice de la servitude, mais il n’est
pas rigoureusement nécessaire que les fonds se touchent
Un peu de casuistique :
→ Droit de passage entre deux fonds séparés par une via publica ;
→ … par une res sacra ou une res religiosa ;
→ … par une rivière guéable (ou non) ;
→ Servitude d’aqueduc entre deux fonds séparés par une via publica ;

116
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Servitude de vue ;
→ Servitude tigni immitendi ou oneris ferendi.
Section 4. Caractères du droit réel de servitude en droit moderne
Il en résulte en droit moderne, que la servitude est un droit :
→ Réel : sanctionné par la revendication, opposable à tous, attaché aux fonds servant et
dominant en quelques mains qu’ils passent.
→ Immobilier : Art 3.49 C.Civ
Conséquences :
− Pour disposer d’une servitude il faut la capacité d’exercice, soit la capacité d’aliéner
un immeuble. S’il s’agit d’un fonds en indivision, tous les indivisaires doivent donner
leur consentement.
− Art 3.30 C.Civ
→ Accessoire : elle n’a pas d’existence propre, ne se conçoit pas indépendamment du
fonds auquel elle s’attache. Constituant une qualité du fonds, elle ne saurait être
cédée, ni saisie, ni donnée en hypothèque, indépendamment du fonds lui-même.
→ Indivisible : la création d’une indivision ou la réalisation d’un partage sont sans effets
sur la servitude.
→ Perpétuel : la servitude demeure encore aujourd’hui perpétuelle comme les fonds
dont elle est la qualité. En principe, elle dure aussi longtemps que les fonds entre
lesquels elle est établie. Mais cela n’empêche pas que les servitudes sont
susceptibles d’extinction.
Section 5. Les modes de constitution et d’extinction des servitudes
A. Constitution des servitudes prédiales ( Art 3.14/117/118/119 C.Civ)
Les servitudes prédiales se constituent :
→ Par acte entre-vifs : mancipation (pour les servitudes prédiales rustiques), in iure
cessio, ou, dans les provinces, pactes et stipulations ;
→ À cause de mort (testament)
→ Par usucapion (pour les servitudes prédiales en droit classique)
→ Par longa temporis praescriptio (10 ou 20 ans) dans le droit de Justinien
B. Extinction des servitudes prédiales ( Art 3.15/16/126/127/128 C.Civ)
Les servitudes prédiales s’éteignent :
→ Par perte de la chose grevée (disparition du fonds dominant ou du fonds servant,
notamment à la suite d’un tremblement de terre ou d’une inondation)

117
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Par confusion (dans le cas où le propriétaire du fonds dominant devient également le


propriétaire du fonds servant, ou inversément)
→ Par renonciation
→ Par la praescriptio longissimi temporis (30 ans) pour non-usage ou usage contraire

Chapitre 6 : L’usufruit (Art 3.138-3.166 C.Civ)


Section 1. Les servitudes personnelles
Les servitudes personnelles sont :
→ L’usage, usus, le droit d’user soi-même de la chose d’autrui
→ L’habitation, habitatio, qui est l’usage d’une maison ou d’un logement
→ Les services d’un esclave ou d’un animal, operae
→ L’usufruit, ususfructus, le droit d’user de la chose d’autrui et d’en percevoir les fruits
naturels (récoltes, production) ou civils (loyers, revenus, intérêts).
À la différence des servitudes foncières, les servitudes personnelles sont en droit romain :
→ Limitées dans le temps et, au plus, viagères
→ Applicables aux meubles comme aux immeubles
→ Au surplus, étant attachées à la personne du bénéficiaire, elles sont incessibles entre-
vifs et intransmissibles à cause de mort.

Section 2. Usufruit : notion, origine, caractère


A. Définition
L’usufruit est un droit réel, incessible, limité dans le temps (au maximum viager), d’user et
de jouir d’une chose non consomptible appartenant à autrui et d’en percevoir les fruits à
charge de ne pas altérer la substance de la chose et d’en conserver la destination
économique et sociale.
→ Art 3.138 C.Civ
Il désigne une double prérogatives conférée à son bénéficiaire :
→ L’usus : le droit d’utiliser la chose
→ Le fructus : le droit de percevoir les fruits
L’usus et le fructus doivent s’exercer sans que soit atteinte la chose dans sa substance (sa
consistance matérielle ou sa destination). Il s’ensuit que l’usufruitier a droit aux fruits mais
pas aux produits de la chose. De plus, l’objet d’un tel droit est nécessairement une chose
non consomptible.
B. Origine : une mesure de secours

118
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’usufruit fut une mesure de secours au profit de la veuve en cas de mariage sine manu.
Ce caractère essentiellement temporaire et personnel de l’usufruit demeurera à travers les
âges, dès lors même que l’institution sera utilisée en dehors de son contexte d’origine,
jusqu’à nos jours.
C. Caractère du droit d’usufruit
L’usufruit est :
→ Un droit réel, doté du droit de suite, que sanctionne l’action confessoire d’usufruit
→ Temporaire, au maximum viager, le droit s’éteignant au plus tard au jour de la mort,
physique ou civile de l’usufruitier
• Art 3.141 al 2, 2° C.Civ
→ Incessible entre-vifs et à cause de mort. Intransmissible à cause de mort, l’usufruit
est également incessible entre-vifs, à titre onéreux ou gratuit
• Art 3.142 al 1er C.Civ
→ Divisible >< servitudes prédiales.
D. Comparaison avec le louage
Du point de vue de l’étendue : les droits d’usufruit et du locataire paraissent en effet
semblables : ils procurent l’un et l’autre l’usage et la jouissance de la chose d’autrui.
→ Ils n’en diffèrent pas moins essentiellement par la nature du droit, l’usufruit étant un
droit réel qui, comme tel, grève la chose directement et s’exerce sur celle-ci sans
l’intermédiaire du propriétaire, qui n’est pas le débiteur de l’usufruitier.
→ Au contraire, le droit du locataire est un droit de créance : il « passe » par celui qui le
lui a concédé par contrat, le bailleur, auquel il revient, comme débiteur, d’en fournir
la prestation. Le droit du locataire s’exerce donc par l’intermédiaire de la personne
du cocontractant, le bailleur, débiteur à son endroit de prestations positives.
Faire jouir et laisser jouir :
Ceci détermine le profil différent du droit de l’usufruitier et de celui du locataire. Si le nu-
propriétaire n’est tenu qu’à laisser jouir l’usufruitier, le bailleur, au contraire, doit lui fournir
la jouissance du bien loué.
→ Le bailleur est soumis à des obligations positives
→ Le nu-propriétaire n’est en principe astreint à aucune obligation positive
• Art 3.160/150/153/154 C.Civ
Un droit absolu et un droit relatif :
le droit d’usufruit est un droit absolu, opposable erga omnes à tous par l’action in rem
confessoire de servitude.

119
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Art 3.4 C.Civ


Le droit du locataire, inversement, est un droit de créance, relatif, opposable à la seule
personne déterminée par l’acte juridique qui lui a donné naissance, via l’action dudit
contrat.
→ Art 3.4 al 2C.Civ
→ Art 1743 C.Civ
Un bail qui n’a pas la forme authentique ou dont la date n’est pas certaine n’est donc pas
opposable à l’ayant cause du bien loué. Celui-ci pourra considérer que le locataire est sans
titre envers lui et l’expulser en rigueur de principe
→ Depuis le 1er janvier 2007, tout bail écrit doit être enregistré à l’initiative du bailleur.
→ La date d’un bail est certaine lorsqu’il est enregistré ou s’il en est fait mention dans
un acte authentique
• Art 8.22 C.Civ
Section 3. La cautio usufructuaria et l’organisation juridique de l’usufruit en
droit romain
A. Évolutions
À l’origine, les obligations de l’usufruitier envers le propriétaire n’étaient pas organisées par
le droit civil.
→ Usufruitier et nu-propriétaire avaient alors simplement un droit réel
indépendamment l’un de l’autre sur une même chose, aucun lien personnel,
reconnu par contrat ou par la loi, n’obligeant le premier envers le second.
Voies de droit du droit commun :
Pendant la durée de l’usufruit, il y avait :
→ L’actio furti (action de vol). L’usufruitier commet, à l’instar d’un étranger, un vol en
s’emparant de choses qui appartiennent au nu-propriétaire et sur lesquelles son droit
ne porte pas : ainsi, les produits, qui n’ont pas le caractère de fruits.
→ L’actio legis Aquiliae. L’usufruitier était certes passible de poursuites du chef de
dégradations à la chose sur base de la lex Aquilia
• Celle-ci était inadaptée à l’usufruit, ne sanctionnant que les atteintes
volontaires à la chose d’autrui, lesquelles étaient limitativement
énumérées par la loi.

À l’extinction du droit, il y avait :

120
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ L’action en revendication. La restitution ne pouvait être réclamée que par l’action en


revendication, laquelle obligeait le nu-propriétaire à produire la preuve de son droit
de propriété
B. La cautio usufructuria
Le préteur institua une stipulation prétorienne, la cautio usufructuaria. Le nu-propriétaire
eut ainsi la faculté, avant l’entrée de l’usufruitier en jouissance, de faire promettre
solennellement à celui-ci de s’engager à jouir de la chose en bon père de famille et de la
restituer à la fin de l’usufruit.

→ L’initiative de la naissance de cette obligation appartient au nu-propriétaire (sa


source étant le contrat de stipulation conclu devant le préteur).

L’usufruitier s’engage ainsi à :


→ Jouir de la chose en bon père de famille.
→ Il sera désormais tenu non seulement de ses faits positifs mais encore de sa
négligence
→ Culpa (faute involontaire) >< dol (faute volontaire)
• Aujourd’hui : Art 1382 C.Civ
Exemple : s’il a laissé usucaper la chose par un tiers, n’a pas cultivé convenablement le
champ, n’a pas soigné un troupeau.
→ Restituer la chose à la fin de l’usufruit.
C. Cautio usufructuaria et obligation de l’usufruitier de fournir « caution »
L’ancien Code civil prévoyait, aux termes des articles, l’obligation de dresser un inventaire
des meubles et un état des immeubles ainsi que l’obligation, pour l’usufruitier, de fournir
une caution répondant des sommes dont il pourrait être redevable envers le nu-propriétaire.
→ Art 3.150 C.Civ
Le terme « caution » prend dans ce contexte le sens moderne d’une sûreté personnelle
légale.
→ Art 2040 C.Civ
Un second débiteur qui s’engage à répondre pour lui des obligations dont il se trouverait
débiteur à l’expiration de son droit (indemnités dues pour pertes de meubles, pour
dégradations aux immeubles, restitution en équivalent de choses consomptibles).
Section 4. Les droits de l’usufruitier et du nu-propriétaire
A. Les droits de l’usufruitier
1. L’usus (art 3.138 C.Civ)

121
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’usufruit confère à son titulaire l’usus. L’usufruitier a ainsi le droit d’user de la chose
conformément à la destination que le propriétaire lui a donnée.
→ Il ne peut donc réaliser des transformations qui en modifient la destination.
2. Le fructus (art 3.146/3.42 C.Civ)
L’usufruitier peut percevoir tous les fruits générés par le bien, à savoir « ce que ce bien
génère, périodiquement, sans aliénation de sa substance, que ce soit spontanément ou à la
suite de sa valorisation ». Le croît des animaux et leur production sont considérés comme
des fruits.
Le nouveau Code civil :
→ prévoit que l’usufruitier a droit à tous les fruits séparés du bien pendant l’usufruit ou
devenus exigibles pendant l’usufruit. Partant, les fruits séparés ou devenus exigibles
après la fin de l’usufruit reviennent au nu-propriétaire.
→ prévoit dorénavant que la partie qui n’a pas droit aux fruits mais qui a accompli des
prestations relatives à ceux-ci pourra exiger de l’autre partie une indemnisation sur la
base de la théorie de l’enrichissement injustifié
En droit romain, l’usufruit d’un esclave donne droit à tout ce qui provient des travaux de
l’esclave ou de tout ce que l’usufruitier lui a confié.
MAIS l’enfant né d’une esclave n’est pas compté parmi les fruits, comme on l’a déjà vu. Il
appartient donc au nu-propriétaire.
→ Les enfants de l’homme ne sont donc considérés à l’égal de la portée des animaux.
→ La portée des animaux, dite également le croît, est chose appropriable au titre des
fruits (droit romain et droit moderne).
3. Pas de droit aux produits (art 3.147 C.Civ)
N’ayant pas l’abusus, l’usufruitier n’a pas droit aux produits, car leur exploitation épuise la
substance de la chose.
le législateur à consacrer dans le nouveau livre 3 du Code civil le principe suivant lequel
l’usufruitier a droit aux produits si ceux-ci « résultent d’une exploitation que l’usufruitier
continue de la même manière et dans la même mesure que celle entamée par le
propriétaire avant l’ouverture de l’usufruit. »
Ce principe est accompagné des deux illustrations relatives aux arbres (C. civ., art. 3.147, al.
2) ainsi qu’aux mines et carrières (C. civ., art. 3.147, al. 3)
4. Un droit incessible entre-vifs (art 3.142 C.Civ)
→ Incessible pour les raisons évoquées plus haut.
L’usager est celui qui bénéficie d’un droit d’usage portant sur un meuble ou un immeuble.

122
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ On dira de l’usage qu’il est comme un « diminutif de l’usufruit » : le droit réel,


temporaire, de se servir personnellement de la chose et d’en percevoir les fruits pour
ses besoins ou ceux de sa famille.
→ Lorsque le droit d’usage porte sur une maison ou un logement, l’on parle de droit
d’habitation.
Droit d’usage a disparu du texte légal, il ne reste que l’usufruit et le droit d’habitation
→ Art 3.138 C.Civ
Juridiquement, l’usage et le droit d’habitation ne se distinguent de l’usufruit que sur un
point précis : l’usager doit user lui-même de la chose, tandis que l’usufruitier peut la louer ou
en concéder la jouissance, en tout ou en partie.
Attaché exclusivement à la personne du bénéficiaire, le droit d’usage est ainsi
rigoureusement incessible.
→ Art 3.138 al 2 C.Civ
L’usufruitier, peut quant à lui céder à un tiers les avantages que le bien lui procure, à titre
onéreux ou gratuit.
→ Art 3.142 C.Civ
La cession de l’usufruit apparait ainsi un contrat aléatoire : il comporte une chance de gain
ou de perte pour chacune des parties.
→ Art 1104 C.Civ
L’usufruit peut aussi faire l’objet d’un droit d’hypothèque. L’hypothèque s’éteindrafaute
d’objet, au moment où l’usufruit prendra fin.
→ Art 45 2° Loi Hyp
5. Pas de remboursement des impenses (art 3.160 C.Civ)
Le législateur a en effet prévu la possibilité, pour l’usufruitier, de percevoir une
indemnisation à charge du nu-propriétaire pour autant que trois conditions soient remplies :
→ les ouvrages et plantations réalisés par l’usufruitier
→ l’ont été dans la limite de son droit,
→ sans y être obligé et avec le consentement du nu-propriétaire.
La réforme permet ainsi d’éviter un enrichissement injustifié du nu-propriétaire tout en
empêchant l’appauvrissement de ce dernier pour des travaux non désirés.
B. Les droits du nu-propriétaire (art 3.149 C.Civ)
Le nu-propriétaire d’un bien immeuble dispose à présent du droit de visiter son bien une fois
par an.

123
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Section 5. Les obligations de l’usufruitier et du nu-propriétaire


A. Jouissance en bon père de famille (art 3.138 C.Civ)
L’usufruitier doit user de la chose en bonus vir :
→ il doit en respecter la destination
→ veiller à sa conservation.
→ Il est comme tel responsable des pertes et dégradations qui surviennent par sa faute
Il ne peut pas :
→ abandonner toute une terre à la jachère
→ laisser usucaper le bien par un tiers
→ épuiser le capital en augmentant momentanément les revenus
→ laisser s’éteindre des servitudes utiles au fonds
→ ne pas réagir à un trouble possessoire
B. Les charges de la choses
1. Les charges périodiques (art 3.156 C.Civ)
Les fruits d’un bien grevé d’usufruit ne constituent donc pas un revenu net pour
l’usufruitier :
→ C’est lui qui bénéficie seul des revenus, c’est donc à lui qu’incombent toutes les
dettes que l’usage commande de prélever sur ces derniers.
Il est tenu de supporter les charges périodiques de la propriété qu’il est d’usage de
considérer comme charges des fruits.
Le nu-propriétaire sera quant à lui tenu des charges extraordinaires du bien.
2. Entretien et réparations (art 3.153/154 C.Civ)
Il est naturel que l’usufruitier doive l’entretenir. À défaut, il engagerait sa responsabilité pour
n’avoir pas exercé son droit de manière prudente et raisonnable.
Il existe 2 types de réparation :

→ Les réparations d’entretien


→ Les grosses réparation
• Impliquent des dépenses exceptionnelles que l’on impute sur le capital et qui
ont pour objet la structure du bien ou de ses composantes inhérentes.
• Art 3.154 §1er C.Civ
L’usufruitier ne devra procéder à l’entretien du bien que dans le cas où l’absence d’entretien
aurait pour conséquence la diminution de la valeur du bien et il n’y sera pas tenu dans le cas

124
Droit romain Q1| Suzanne Simal

où cette diminution résulterait de l’usure normale, de la vétusté ou d’un cas de force


majeure.
Les grosses réparations n’incombent pas à l’usufruitier, celui-ci n’étant tenu que dans la
mesure de sa jouissance, en proportion des revenus qu’il retire de la chose.

→ Ne commet donc pas de faute en ne les assumant pas.


Les grosses réparations demeurent une charge de la propriété :

→ Art 3.154 §2 C.Civ


Le nu-propriétaire pourra échapper à cette obligation dans deux situations :

→ Lorsque les réparations portent sur des ouvrages et plantations réalisés par
l’usufruitier.
→ Lorsque les grosses réparations sont rendues nécessaires en raison d’un défaut
d’entretien incombant à l’usufruitier ou d’une faute commise par ce dernier.
→ Art 3.154 §2 al 2 C.Civ
La réforme prévoit la possibilité pour le nu-propriétaire d’exiger de l’usufruitier un partage
des frais relatifs aux grosses réparations, calculé suivant la valeur de l’usufruit par rapport à
la valeur de la pleine propriété.

→ Art 3.154 §3 C.Civ


Si l’usufruitier ou le nu-propriétaire n’exécute pas son obligation de procéder aux
réparations, l’autre pourra demander au juge de l’y contraindre.
3. Responsabilité envers les tiers
En ce qui concerne les bâtiments, c’est le propriétaire qui répond du dommage causé aux
tiers par la ruine lorsqu’elle est arrivée par suite d’un défaut d’entretien ou d’un vice de
construction.
C. Restituer en fin d’usufruit ( art 3.158 C.Civ)
A la fin de l’usufruit, l’usufruitier ou ses héritiers (si l’usufruit est viager) doivent restituer la
chose.
Ils sont tenus par l’action de la stipulation prétorienne (la cautio usufructuaria), donc par une
cause personnelle en restitution qui les dispense de devoir intenter l’action en
revendication.
→ L’usufruitier est tenu de restituer les biens grevés dans le même état, à l’exception
des dégradations dues à l’usure normale, à la vétusté ou à un cas de force majeure.
Section 6. Le quasi usufruit ( art 3.148/159 C.Civ)
L’ancien code civil prévoyait la possibilité du quasi usufruit, soit un susfruit portant sur des
choses consomptibles.
→ Le même mécanisme figure dans le Code civil, aux articles 3.148, al. 1, 3° et 3.159
125
Droit romain Q1| Suzanne Simal

D’une façon générale, les droits du quasi-usufruitier sont semblables à ceux d’un
propriétaire, car, ayant le ius abutendi, il peut détruire la chose (en en usant), ne pas donc
en conserver la substance et ne pas en jouir en bon père de famille.
Déplacement de la charge des risques :
Le quasi-usufruitier supporte les cas fortuits ou de force majeure, puisqu’il y a transfert, avec
le ius abutendi, du droit de propriété, et que les choses consomptibles sont en général
fongibles
→ genera non pereunt.
Section 7. Les modes de constitution et d’extinction des servitudes personnelles
A. Constitution des servitudes personnelles (art 3.14/117/118/119)
Les servitudes personnelles se constituent :
→ Par acte entre-vifs : mancipation, in iure cessio, ou, dans les provinces, pactes et
stipulations
→ Ou à cause de mort (testament)
→ Par usucapion
→ Par longa temporis praescriptio (10 ou 20 ans) dans le droit de Justinien (quasi
possessio).
B. Extinction de l’usufruit ( art 3.15/16/141 C.Civ)
L’usufruit s’éteint:
→ A la mort de l’usufruitier
→ Par la perte totale de la chose grevée
→ Par la consolidation
→ Par la renonciation
→ Par la praescriptio longissimi temporis (non usage trentenaire)
Droit au maximum viager : art 3.141 C.Civ

Chapitre 7 : L’emphythéose ( art 3.167-3.176 C.Civ)


Section 1. Origine et raison d’être
L’emphytéose est un droit réel, aliénable et transmissible, qui confère l’usage plein et
exclusif d’un fonds appartenant à autrui, à charge de ne pas le détériorer et de payer une
redevance périodique recognitive de la propriété d’autrui, le canon.
A. Origine
En Italie et dans les cités provinciales de droit latin : le ius in agro vectigalis

126
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Le titulaire dispose de l’interdit de loco publico fruendo et d’une action in rem contre le
possesseur sans titre.
Dans les provinces hellénistiques :
L’emphytéose naît de concessions de terres incultes par l’Empereur, les cités, plus tard,
l’Église et certains riches propriétaires fonciers, à des cultivateurs qui s’engageaient à les
mettre en valeur en vue de l’agriculture.
B. Raison d’être
Le but de l’emphytéose est la mise en valeur des terres dans une perspective agricole.
Elle permet de rencontrer l’intérêt tant du propriétaire, nonobstant une très longue
dépossession.
Un véritable renouveau en droit moderne :
Aménagement des terres
→ Dans une perspective industrielle ou commerciale
→ Politiques publiques d’aménagement du territoire
→ Domanialité publique
Montages immobiliers
→ Raisons fiscales
→ Financement bancaire
Section 2. Définition
A. Définition (art 3.167 C.Civ)
Le plein usage s’ajoute naturellement à la pleine jouissance pour qualifier la plénitude des
prérogatives sur la chose que confère l’emphytéose à son titulaire. En termes traditionnels,
ce dernier a l’abusus, avec toutefois la limite, qui le distingue d’un propriétaire, qu’il ne peut
rien faire qui diminue la valeur du fonds.
>< usufruit, il peut modifier la destination socio-économique.
→ Le constituant du droit d’emphytéose s’appelle le bailleur emphytéotique et le
titulaire du droit d’emphytéose s’appelle l’emphytéote.
1. Durée ( art 3.169 C.Civ)
En droit romain, sauf convention contraire des parties, l’emphytéose est perpétuelle.
En droit moderne, la durée maximale est de 99 ans.
→ Art 3.169 al 1er C.Civ
MAIS une durée minimale est également imposée (l’emphytéose étant le seul droit réel à se
voir fixer une durée minimale) :

127
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ de 27 ans sous le régime de la loi hollandaise


→ celle-ci a été réduite à 15 ans dans le nouveau Code civil
La réduction à quinze ans dans le nouveau livre 3 s’explique par le souci de rendre
l’institution compatible avec certains montages immobiliers, dont le leasing immobilier, ou
location-financement d’immeubles.
La délimitation de ces termes extrêmes est impérative : elle vaut nonobstant toute clause
contraire.
→ Art 3.169 al 1er C.Civ
Notons encore que la prorogation est admise à condition que les durées additionnées
n’excèdent pas 99 ans.
→ Art 3.169 al 1er 2eme phrase C.Civ
Le renouvellement est autorisé également mais suppose l’accord expres des parties à défaut
duquel il s’agit d’une simple tolérance révocable ad nutum.
→ Art 3.169 al 1er 3eme phrase C.Civ
Emphythéose perpétuelle:
L’emphytéose est perpétuelle lorsque le droit est constitué à des fins de domanialité
publique, soit lorsque le droit est octroyé en vue d’ériger des ouvrages relevant du domaine
public :
→ Art 3.169 al 2 C.Civ
Il est à noter que, dans ce cas, il existe un mode d’extinction spécifique au droit
d’emphytéose : la perte d’utilité
→ Art 3.175 C.Civ
2. Le canon
Le canon était en droit romain et sous le régime de la loi hollandaise un élément essentiel de
la convention emphytéotique.
La fonction de cette rente nécessairement périodique était symbolique, recognitive de la
propriété d’autrui, de sorte que le montant en était modique, à la différence d’un loyer.
→ Le canon a disparu de la définition de l’institution sous le régime du nouveau Code
civil.
3. Objet du droit doit être un « immeuble par nature ou par incorporation »
L’emphytéose est soumis à transcription dans les registres fonciers.
→ Art 3.30 §1, 1° C.Civ

128
Droit romain Q1| Suzanne Simal

L’emphytéose peut porter sur le sol, le sous-sol et le sur-sol, à savoir les volumes composant
un immeuble par nature « en trois dimensions »
→ Les immeubles par destination, en revanche, sont écartés.
B. Caractéristiques du droit d’emphytéose
L’emphytéose est un droit :
→ réel sur la chose d’autrui
→ immobilier
→ cessible entre-vifs et transmissible à cause de mort
→ dont la durée est limitée dans le temps
→ dont le titulaire a vocation à faire des améliorations sur le fonds.
Le canon n’est plus une caractéristique essentielle de cette institution. En droit romain, il
était illimité dans sa durée aussi longtemps que le canon était acquitté et que n’intervenait
pas une autre cause d’extinction du droit.
C. La qualité de constituant (art 3.168 C.Civ)
Outre le propriétaire de l’immeuble, qui doit bien entendu avoir la capacité d’exercice, le
titulaire d’un droit réel d’usage peut également constituer une emphytéose « dans les
limites de son droit » : le bénéficiaire d’une servitude, un usufruitier, un superficiaire ou
l’emphytéote lui-même.
→ La loi porte la même disposition à propos de la superficie
Dans le cas du superficiaire, qui est propriétaire des biens constituant l’objet de son droit,
mais aussi de l’emphytéote et de l’usufruitier.
La loi admet dans ce cas limite une entorse à la logique élémentaire du droit des biens
→ Puisque le constituant peut ne pas être le verus dominus des biens grevés par lui
d’emphytéose.
Pour pouvoir bénéficier de la perpétuité, l’emphytéose constituée à des fins de domanialité
publique doit l’avoir été par le propriétaire. Les titulaires de droit réels d’usage n’ont pas
cette faculté.

129
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Section 3. Comparaison avec l’usufruit


USUFRUIT EMPHYTEOSE EMPHYTEOSE
[droit romain + loi de 1824] [nouveau Code civil]

Viager Perpétuel Durée minimale (15 ans)


et durée maximale (99 ans)
C. civ., art. 3.141, al. 2, 2° Cf. art. 2 de l’ancienne loi sur C. civ., art. 3.169, al. 1er
l’emphytéose Rem. Le droit constitué, par le
propriétaire, à des fins de
domanialité publique
est perpétuel : art. 3.169, al. 2

Gratuit Canon Gratuit ou onéreux


Cf. art. 1 et 10, al. 1er de l’ancienne loi
sur l’emphytéose
Pas d’abusus Abusus – sauf ne pas diminuer Idem
la valeur du fonds
Cf. C. civ., art. 3.148 Cf. art. 3 de l’ancienne loi sur C. civ., art. 3.167, al. 2
l’emphytéose
Fruits par perception Fruits par séparation Idem
Détenteur Possesseur ad interdicta Idem
Cf. C. civ., art. 3.25
Droit incessible entre-vifs [droit Droit cessible et transmissible Idem
romain ; Cf. civ., art. 3.142] et
intransmissible à cause de Cf. art. 6 de l’ancienne loi sur C. civ., art. 3.171
mort l’emphytéose

Section 4. Droits de l’emphytéote (art 3.171/172 C.Civ)


A. Droits de l’emphytéote sur le fonds
1. Actes matériels
→ Il a la pleine jouissance du fonds (art. 3.172), à charge de rien faire qui en diminue
la valeur (art. 3.167 et 3.172). L’emphytéote jouit du fonds comme le propriétaire
et peut y faire tous les changements qu’il juge utiles, pourvu qu’il ne le détériore
point.
→ En droit romain, il a droit aux produits (art. 3.172 (produits aménagés en fruit)).
Par opposition à l’usufruit, qui n’est que la continuation de la gestion établie, il a
la libre jouissance du fonds
→ Il a le droit d’apporter des améliorations au bien (art. 3.172)
→ Il a, sur les ouvrages qu’il a acquis ou réalisés, une superficie-conséquence (art.
3.172 juncto 3.182)

130
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Le sort des ouvrages et plantations réalisés en vertu de l’article 3.172 est


désormais réglé par l’article 3.176 (indemnisation sur base de l’enrichissement
injustifié).
2. Actes juridiques
→ Il peut donner le bien en location pour la durée de son droit (art. 3.172).
→ Il peut grever le fonds de servitudes pour la durée de son droit (art. 3.114).
B. Droits de l’emphytéose sur son droit lui-même
→ Le droit d’emphytéose est aliénable entre-vifs et transmissible à cause de mort
• Art 3.171/14 C.Civ
→ L’emphytéote peut grever son droit d’emphytéose, d’usufruit ou d’hypothèque, mais
pour sa durée seulement.
• Art 3.140/171 C.Civ
→ L’hypothèque s’éteint à l’expiration du droit d’emphytéose.
• Art 45 al 2 Loi Hyp
Section 5. Obligations de l’emphytéose (art 3.173 C.Civ)
→ Il ne doit rien faire qui diminue la valeur du fonds (3.167, 3.172 et 3.173)
→ Il doit jouir en bon père de famille des immeubles existant à l’ouverture de son droit
→ La question des réparations exceptionnelles
→ Il doit payer tous les impôts qui frappent le fonds
En droit romain :
En cas d’aliénation du droit, l’emphytéote devait aviser le propriétaire de son projet de
cession, car celui-ci avait un droit de préemption : il pouvait racheter le droit par préférence
à l’acquéreur au prix offert par lui (ou à l’estimation du droit en cas de cession à titre gratuit)
dans un délai de deux ans.
Si le propriétaire n’exerçait pas ce droit, l’acquéreur devait lui payer 1/50e du prix ou de
l’estimation en reconnaissance de la propriété d’autrui, comme une condition pour être
investi dans le droit d’emphytéose.
→ C’est le laudemium
La ratio legis du laudemium : a été généralisée par le législateur de 2020 pour toute cession
d’un droit réel d’usage
→ Art 3.6 al 2 C.Civ
Avant la réforme : il devait payer le canon périodique L’obligation de payer le canon était
indivisible L’emphytéote pouvait être contraint au payement par exécution parée.

131
Droit romain Q1| Suzanne Simal

Section 6. Protection judiciaire de l’emphytéose en droit romain (art 3.173 C.Civ)


L’emphytéote a les interdits possessoires : il est donc au nombre des « possesseurs
anomaux ».
Il dispose d’une action pétitoire :
→ in rem : calquée sur la revendication pour faire valoir son droit erga omnes.
→ action négatoire : pour faire nier l’existence d’une servitude à charge du fonds par
celui qui y prétend.
Il dispose également des moyens de défense des rapports de voisinage : cautio damni
infecti ; actio finium regundorum.
Section 7. Constitution du droit d’emphytéose (art 3.14/170 C.Civ)
Droit romain et avant la réforme :
→ Par un acte de dernière volonté.
→ Par convention
→ Par prescription acquisitive
!!Ne pas confondre la prescription acquisitive du droit d’emphytéose et la prescription
acquisitive de la propriété du fonds !!
Nouveau code civil :
L’emphytéose s’acquiert de la même manière que les autres droits réels (art. 3.14). Elle peut
également s’acquérir par un mode d’acquisition spécifique : la prescription acquisitive (art.
3.170).

Section 8. Extinction du droit d’emphytéose (art 3.174/175 C.Civ)


A. En droit romain et avant la réforme
1. De plein droit
→ A l’expiration du terme convenu ou par l’accomplissement d’une condition
résolutoire (du terme légal de 99 ans en droit moderne).
→ Par la perte totale du fonds emphytéotique.
→ Par la confusion, ou réunion des qualités de propriétaire et d’emphytéote dans la
même personne.
→ Par le consentement mutuel des parties (art. 1134, al. 2), suivi de la remise de la
chose au propriétaire.
2. A la demande du propriétaire et en vertu d’un jugement
→ En cas de dégradations notables et d’abus graves de jouissance.

132
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ En cas de non-paiement du canon pendant deux ans : c’était la commise


emphytéotique.
→ Si le propriétaire n’est pas averti de la cession du droit.
→ Par la prescription extinctive trentenaire
B. Dans le livre 3 du Code civil
Le modes généraux d’extinction des droits réels (art. 3.15) ainsi que les modes spécifiques
d’extinction des droits réels d’usage (art. 3.16) s’appliquent sans surprise au droit
d’emphytéose (art. 3.174).
Comme évoqué plus haut, le droit d’emphytéose connaît également un mode d’extinction
qui lui est particulier :
→ la perte d’utilité (art. 3.175). Ce mode d’extinction peut trouver à s’appliquer en cas
de droit d’emphytéose perpétuelle qui existe depuis au moins 99 ans.

Chapitre 8 : La superficie
Section 1. Définition (art 3.177 C.Civ)
Le constituant du droit de superficie s’appelle le tréfoncier et le titulaire du droit de
superficie s’appelle le superficiaire.
A. Une propriété de volumes
la superficie constitue une dérogation au principe de l’accession. A l’inverse de
l’emphytéose, l’objet du droit de superficie n’est pas le fonds d’autrui mais un volume « sur,
au-dessus ou en dessous du fonds d’autrui ».
Le droit réel de superficie, aussi longtemps qu’il dure, fait obstacle au mécanisme de
l’accession.
La superficie est comme un droit de propriété limité dans le temps (cet aspect est à nuancer
depuis la réforme) et dans l’espace.
→ Le superficiaire n’a aucun droit sur fonds ni sur ce qu’il contient.
B. La durée (art 3.180 C.Civ)
→ Perpétuelle en droit romain.
→ La superficie était limitée à 50 ans sous l’empire de l’ancienne loi sur la superficie.
Pour éviter cet impératif de durée et éviter un choix entre le droit d’emphytéose et de
superficie par le fait de leur durée maximale et non de leur essence, le législateur a fixé la
durée de la superficie à 99 ans (renouvelable) également.
Trois hypothèses de superficie perpétuelles sont prévues sous le nouveau régime :
1) En cas de superficie constituée par le propriétaire du fonds à des fins de domanialité
publique.

133
Droit romain Q1| Suzanne Simal

2) Voir Art 3.180 al 2, 2°


3) Voir Art 3.180 al 3 : Ici, la superficie pourrait potentiellement être perpétuelle si elle
est la conséquence d’une servitude de surplomb, par exemple.
C. La superficie-conséquence
→ Art 3.182 C.Civ
D. La qualité du constituant
Le nouveau livre 3 a opté pour une identification du constituant dans la même veine que
l’emphytéose.
→ Art 3.178 C.Civ
Section 2. Origine
En droit romain, l’État, les municipes et même certains grands propriétaires fonciers
donnent en location, pour des termes de longue durée, des terrains à bâtir en garantissant
au locataire, pourvu qu’il paye régulièrement le loyer, la jouissance des bâtiments construits
par lui.
Le preneur pouvait construire. Ces constructions appartenaient au propriétaire par
accession, mais le superficiaire était protégé contre le propriétaire et contre les tiers :
→ Par l’action du contrat ;
→ Par l’interdit de superficie en droit classique ;
→ Par une action in rem au Bas-Empire.
Section 3. Droit du superficiaire
A. Sur le droit de superficie (art 3.183 C.Civ)
Il peut en disposer, le céder à titre onéreux ou à titre gratuit, il peut l’hypothéquer ou le
grever d’usufruit.
→ Art 3.183 C.Civ
Bien sûr, ne pouvant survivre à leur objet, les charges constituées sur le droit disparaissent
avec lui.
B. Sur le bien objet de son droit (art 3.184 C.Civ)
Il a tous les attributs de la propriété foncière sur les volumes qui constituent l’objet de son
droit.
→ 3.184 C.Civ
Depuis la réforme, l’indemnisation du « superficiaire pour les ouvrages et plantations
réalisés ou acquis dans les limites de son droit » se fait, tout comme pour l’emphytéote, sur
la base de l’enrichissement injustifié.

134
Droit romain Q1| Suzanne Simal

→ Du point de vue des actes juridiques, le superficiaire peut donner le bien à bail, le
grever de servitudes, d’usufruit, d’emphytéose, d’hypothèque.
Section 4. Obligations du superficiaire (art 3.185 C.Civ)
Avant la réforme, le superficiaire n’avait que des obligations occasionnelles:
→ Paiement de la redevance
→ Obligation de conservation et d’entretien des ouvrages existant à l’ouverture de son
droit dont il n’avait pas payé la valeur
Depuis la réforme, le superficiaire a des obligations plus conséquentes. Son régime se
rapproche de celui de l’emphytéote, mutatis mutandis.
Section 5. Contributions du droit de superficie (art 3.81 C.Civ)
En droit romain et avant la réforme, le droit de superficie se constituait :
→ par acte entre-vifs ou à cause de mort ; et
→ par prescription acquisitive
Dans le nouveau code civil, la superficie s’acquiert de la même manière que les autres droits
réels (art. 3.14).
Elle peut également s’acquérir par un mode d’acquisition spécifique, formulé dans les
mêmes termes que pour l’emphytéose : la prescription acquisitive (art. 3.181).
→ La superficie-conséquence est également un mode spécifique d’acquisition de la
superficie (art. 3.182).
Section 6. Extinction du droit de superficie (art 3.186 et 3.187 C.Civ)
En droit romain et avant la réforme, les modes d’extinction du droit d’emphytéose
pouvaient se résumer comme suit :

→ par échéance du terme ou expiration du délai légal (en droit moderne: 50 ans)
→ par la destruction du fonds
→ par la renonciation (ou rachat)
→ par la prescription extinctive trentenaire (non usage)
→ par la confusion
Le modes généraux d’extinction des droits réels (art. 3.15) ainsi que les modes spécifiques
d’extinction des droits réels d’usage (art. 3.16) s’appliquent au droit de superficie
Le droit de superficie connaît le mode d’extinction par la perte d’utilité qui peut trouver à
s’appliquer en cas de droit de superficie perpétuel qui existe depuis au moins 99 ans.
→ Art 3.187 C.Civ

135

Vous aimerez peut-être aussi