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Walter KASPER, Dogme et évangile, 2è éd., Paris, Cerf, 2010, 150 p.
La présente édition fait suite à une première parue en 1967.
Traduit de l’allemand par Franz van Groenendael et préfacé par René Marlé (p. 7-8), Dogme et Evangile se déploie dans une structure quadripartite harmonieusement articulée. La première partie, intitulée « L’Eglise et la liberté de l’évangile » (p.9- 24) s’évertue à poser le problème. Il présente tour à tour les difficultés actuelles liées à la réalité de dogme, l’origine du problème dans l’histoire de la théologie, la préoccupation de Luther, puis la question telle qu’elle se pose dans la théologie contemporaine. Le dogme est « une pierre d’achoppement » (p. 9) ; cela se remarque notamment dans les rencontres œcuméniques où il rend particulièrement difficile la compréhension entre catholiques et protestants. Il est aussi un obstacle infranchissable entre l’Eglise et le monde (p.9), obstacle renforcé depuis le siècle des « Lumières » où « le mot dogme est de plus en plus tombé en discrédit et s’est vu lié au terme péjoratif de dogmatisme » (p.10), posant par là la question des rapports du dogme et de la liberté. Une troisième difficulté concerne la capacité de l’Eglise à se réformer de l’intérieur tant elle se montre trop attachée à son passé. Pour tout dire, la problématique de l’auteur consiste à savoir « quelle est la fonction et la nature du dogme en général, et ce qu’elles peuvent être d’après l’évangile » (p.13). Cette question s’origine aux débuts des temps modernes (p.13) et elle n’a pas épargné la théologie catholique (p.14), le problème fondamental étant « celui du rapport de l’intériorité humaine (liberté, historicité) et de la révélation historique de Dieu, ainsi que du dogme et de l’histoire » (p.15). Posé avec une profondeur inégalée par la Réforme, ce problème a eu un retentissement particulier chez Luther qui veut que l’Eglise « se comprenne comme créatura verbi, « créature de la parole », et qu’elle ne s’imagine pas être au-dessus de l’évangile, car la parole de Dieu est incomparablement au- dessus d’elle, la suscitant toujours de nouveau » (p.16). Cependant, l’intention de Luther n’est pas d’enseigner un christianisme sans dogme ; son problème est plutôt de savoir si et comment peuvent se concilier l’attachement à des dogmes et la liberté de l’évangile. La théologie contemporaine, plus pointilleuse, elle, cherche à savoir dans l’Ecriture ce qu’est réellement l’évangile (p.20).
Comme l’exprime si bien son titre, la deuxième partie éclaire « Le
concept catholique de dogme » (p.25-54). Concrètement, l’auteur y traite de la légitimité et des limites du concept de dogme, de l’histoire du mot, de l’évolution dans l’intelligence des dogmes et de la discussion récente autour de ce concept. La légitimité et les limites du concept de dogme renvoient à l’historicité des décisions doctrinales en tant qu’elles procèdent toujours d’une situation historique bien déterminée de confession (p.25). Toutes les conséquences liées à l’historicité sont à tirer. Non seulement que dogme et théologie ne sont plus dès lors à identifier simplement et carrément (p.27), mais aussi que le caractère complet et définitif ne peut être le propre du dogme (p.28). Le mot « dogme » est présent à travers toute l’histoire de l’Eglise, mais il n’a jamais eu partout ni en tout moment le même sens. C’est ce qu’illustre le long historique que lui réserve l’auteur (p.28-36). Un fait est pourtant surprenant : ce concept « n’est utilisé au sens aujourd’hui usuel dans la théologie catholique que depuis le XVIII e siècle, et dans la langue officielle de l’Eglise, depuis XIXe. (p.36). Quoiqu’il en soit, cette idée, « telle qu’elle est comprise aujourd’hui, est loin de recueillir tous les éléments qui y sont liés dans la tradition » (p.36). S’agissant de l’évolution dans l’intelligence des dogmes, en effet, plusieurs déplacements importants ont été signalés : passage du concept large au concept étroit (p.36-40), passage d’une conception théologique fondée sur son contenu à une conception juridique et formelle (p.40-42), distinction de l’aspect divin et de l’aspect humain (p.42-44), passage de la confession de foi à la formulation doctrinale (p.44-49). Dans la discussion récente, le débat théologique concerne principalement les problèmes des rapports de l’Ecriture et du dogme (exégèse et dogmatique) et celui du rapport du dogme et de l’histoire. De ce débat il ressort que le dogme est une proposition de foi envisagée à l’intérieur de l’acte de foi vécu (p.52), « qu’il introduit dans le mystère et que celui-ci ne se laisse pas enfermer dans une formule comme le permettrait un objet matériel » (p.53). Pour faire bref, « la formule dogmatique n’est pas identique à la parole originelle de révélation, qui est norme indépassable (norma normans) pour toutes les propositions dogmatiques » (p.53). Ou encore : « Le concept catholique de dogme n’évacue pas la liberté et la transcendance de l’évangile dans et au-dessus de l’Eglise » (p.53) ; il reste ouvert à l’histoire et surtout au mystère plus grand de Dieu.
Consacrée à « La vérité de l’évangile », la troisième partie (p.55-101)
sollicite plus d’attention. Prenant souvent appui sur des considérations philosophiques, l’auteur s’efforce d’élucider le rapport du dogme et de l’évangile à partir de la notion de la vérité théologique. Aussi se donne-t-il comme première tache de définir la vérité (p.55-58) ; mais la première réponse n’est pas satisfaisante : «Ni le concept grec originel ni l’exactitude positiviste ne peuvent servir de norme à ce que le théologien doit exprimer comme étant la vérité de l’évangile » (p.57). Ce n’est qu’au terme d’un minutieux inventaire des acquis philosophiques (p.58) qu’il s’arrêtera sur l’idée de « souvenir » développée par M. Heidegger pour trouver le chemin de l’herméneutique du langage : « Le langage dont le théologien doit faire « mémoire » est celui des prophètes et de l’évangile. Il doit veiller à la « manifestation de la vérité » qui s’accomplit quand retentit l’évangile » (p.59). Dans ce sens, martèle l’auteur, « la théologie ne peut être qu’une herméneutique de la parole de l’évangile » (p.59). Et comme l’analyse de l’Ancien Testament (p.62-66) lui a révélé la conception de la vérité comme confirmation, Il peut enfin affirmer que la vérité s’accomplit toujours dans le temps (p.63). Cette découverte établie, il trouve la voie pour dégager le rapport entre vérité de l’évangile et doctrine (p.67-72), pour cerner la vérité comme promesse (72-75), la vérité comme témoignage de l’Esprit (75-78) , l’évangile comme message et comme document (p.79-80). La théologie de l’évangile (p.80-85) est aussi exposée, tout comme le durcissement institutionnel (p.85-88) et la puissance prophétique du saint Esprit (p.88-91). Il réussit également à éviter les fausses antithèses concernant la vérité théologique (92-94), à clarifier la différence théologique entre la pensée occidentale et la vision chrétienne (p.94-99) et à souligner la dimension historique de la vérité théologique : « La vérité théologique est historique, non seulement par son objet, l’intervention salvatrice de Dieu dans l’histoire, mais aussi par la façon dont elle s’accomplit » (p.101). La quatrième et dernière partie aborde deux « Questions concrètes » (p.102-129). Choisies pour leur pertinence, ces questions révèlent au mieux la signification des dogmes en même temps qu’elles facilitent la meilleure saisie des rapports entre dogme et évangile. La première question, dogme et Ecriture sainte, montre que « l’Ecriture n’est pas l’évangile mais qu’elle en est plutôt un témoin qualifié » (p.103), le témoin fondamental. Le deuxième aspect que dévoile cette question est le double rapport réciproque sur le plan herméneutique entre le dogme et l’Ecriture dans ce sens que le dogme est au service de l’interprétation de l’Ecriture et, inversement, l’Ecriture au service de l’interprétation du dogme. C’est vrai que « le dogme est l’horizon historiquement donné, à l’intérieur duquel nous lisons l’Ecriture » (p.108), mais il y a plus : en vertu du principe de l’analogie de la foi, « non seulement l’Ecriture doit être interprétée à la lumière du dogme, mais aussi que le dogme doit être compris à la lumière du témoignage scripturaire » (p.109-110). Enfin, en troisième lieu, cette même question fait-elle apparaître le problème dogmatique du sens littéral soulevé par l’exégèse historico-critique. En vertu de l’ « analogie de l’Ecriture », « l’unité de l’Ecriture n’est pas, du moins dans la situation actuelle de la recherche, unité du sens littéral établi par la science historico-critique, mais unité du sens littéral théologique d’une Ecriture lue selon l’analogie de la foi » (p.115). Quant à la seconde question, nature et fonction du dogme, Walter Kasper souligne la présence, comme constitutif du dogme, de « quelque chose de définitif et de provisoire » (p.119) à envisager « à l’intérieur de la différence théologique, non objectivable, du Déjà et du Pas- encore » (p.119). Sa fonction dépend de son origine, catholique ou protestante (p.125) et peut être diverse : être témoignage et profession de foi, avoir aussi bien une fonction kérygmatique et missionnaire que liturgique et doxologique, être tourné vers l’extérieur ou s’appliquer à l’intérieur de l’Eglise comme instruments de l’enseignement chrétien élémentaire et de la catéchèse du baptême ou bases précieuses à l’enseignement théologique et à la prédication (p.125-126). Mais, « leur rôle principal est de permettre l’ « homologia », la profession de foi commune dans l’Eglise, et de servir ainsi à l’amour ecclésial » (p.126). Ici sont nécessaires au bon fonctionnement du dogme plusieurs autres précisions et précautions (p.126-129).
Le livre se termine par une conclusion (p.130-133) qui ramasse
l’essentiel, d’une part, de la réalité de dogme et, d’autre part, des rapports entre dogme et évangile: le concept catholique de dogme peut bien être ouvert s’il est libéré de la mentalité défensive qui s’est emparée d’elle dans les temps modernes (p130) ; le dogme est actualisation de la vérité du Christ et anticipation de sa manifestation définitive (p.130); le dogme est témoin de l’évangile mais les deux ne sont pas dogmatiquement identiques (p.131) ; la relation entre l’évangile et le dogme ne peut se définir qu’historiquement (p.131). La fin de la conclusion signale un problème et une attente de l’auteur concernant une « herméneutique de la mission chrétienne » (p.132) en vue d‘un meilleur établissement des rapports entre, d’un côté, l’évangile, de l’autre, l’Ecriture et le dogme. Les pages 133-150 mentionnent les notes, la table des sigles et la table des matières. Par NSASI NKUANGA Armand DEA 1 / UCC