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LA PROBLEMATIQUE IDENTITAIRE ET LES

TRADITIONS ORALES : VERS LA CULTURE DE


L’IDENTITE ?

SANGARE Ignace
Université Ouaga 1 Professeur Joseph Ki-Zerbo
Laboratoire Discours et Pratiques Artistiques
Sangare20052000@yahoo.fr

RESUME
La question des identités se posent de nos jours en terme de territorialité et de frontières.
Cependant cette préoccupation apparait dans le prisme des traditions orales. Les sociétés
africaines se fondent sur l’oralité ou ont pour repères les traditions orales. En abordant
la question de cette identité, il nous est apparu nécessaire de voir la culture comme une
opportunité. D’où la réflexion sur l’identité des cultures qui repose sur les traditions.
Comment l’identité peut-elle se bâtir autour de l’oralité ? la quête identitaire ne devrait
pas s’orienter vers une culture des identités. Toutes choses qui permettent de situer
l’identité dans un contexte de la culture et de l’oralité.

MOTS-CLÉS
culture, identités, oralité traditions.

ABSTRACT
Nowadays, issue of identities lay down in terme of territoriality and borders. However,
this preocupation appeared in the prism of orals traditions. The african societies smelt
on orality orhave for landmarh the orals traditions. In reaching the identity issue, it
appeared to us necesssary to see the culture as an opportunity. Hence the reflexion on
the identity of the cultures which rely on traditions.
How can the identity be built around the orality? dental search should not be guide
toward aculture of the identities. Everything which allow to locate the identity on the
context of the culture and orality.

KEYS WORD
traditions, identities, orality, culture.

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INTRODUCTION
Chaque peuple dispose de moyens divers pour conserver, vulgariser et transmettre sa
culture qui est l’ensemble de ses manières de penser, de parler et d’agir. En Afrique,
la transmission de la tradition est l’affaire de tout le monde, surtout si elle doit se
répercuter sur l’éducation des enfants. C’est ainsi que la famille proche est impliquée
dans le processus de transfert des connaissances au même titre que les griots, vrais
professionnels de la parole, mais aussi les conteurs, les chanteurs ou encore les écrivains
africains qui, un peu plus tard, se sont efforcés d’intégrer les traditions orales dans leurs
œuvres. Il est admis que la parole joue un rôle dans ce transfert intergénérationnel. Cette
tradition orale est l’ensemble des pratiques culturelles d’une communauté ou société
transmises de génération en génération. Selon Joseph K. ZERBO, (LAYA, 1972 : 100),
la tradition orale est « l’ensemble de tous les styles de témoignages transmis verbalement
par un peuple sur son passé ». Elle désigne l’utilisation habituelle de la parole (l’oralité)
pour transmettre les faits culturels et de civilisation.
De nos jours, nos sociétés, face aux mutations sociales accélérées ont perdu ces valeurs
qui marquent leur fondement au profit de l’urbanisation, et de la mondialisation
subséquente. Les habitudes ont changé, la vie sociale transformée. D’où la quête
incessante de repères. C’est dans ce contexte que le rapport entre la tradition orale et les
identités culturelles devient pertinent. Il convient donc de poser la question suivante :
comment l’identité culturelle peut-elle se construire et se développer autour de l’oralité ?
Nous interrogerons d’abord les configurations de l’identité. Ensuite la présentation de
l’oralité dans son rapport avec l’identité culturelle situera sur les conditions pour la
culture de l’identité.

1. LA PROBLEMATIQUE IDENTITAIRE : DE
L’IDENTITE CULTURELLE AU REGIONALISME
Le concept d’identité culturelle regroupe deux notions qui conduisent à sa définition.
Il s’agit de celle d’identité et de celle de culture. La notion d’identité culturelle est
aujourd’hui tellement répandue – tant dans les médias, les discours politiques que les
études scientifiques – que, lorsqu’on parle d’identité, on ne se donne plus la peine de
préciser qu’il s’agit d’une identité culturelle et non sexuelle, professionnelle ou autre.
Même lorsque cette précision est donnée, le flou subsiste quant au contenu d’une notion
qui semble tellement évidente qu’on n’aurait pas besoin de la définir. C’est pourtant ce
que nous allons tenter de faire suivant les variables de la personne et de la collectivité.
Sous ces rapports, il y a d’abord l’identité personnelle. On peut avoir l’impression
qu’elle est « donnée », qu’on « naît avec ». De fait, l’identité est objectivement encadrée,
essentiellement par le sexe, la généalogie, l’insertion sociale de la famille et même la

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condition humaine dans son universalité. Toutefois, même si cette identité « objective
» est largement assignée au sujet, déterminée biologiquement et socialement dans ses
traits essentiels, elle doit faire l’objet d’une appropriation subjective, longue et aléatoire.
Même les composantes objectives de l’identité ne sont pas automatiquement intégrées
par le sujet (un exemple extrême étant celui de la transsexualité). Ainsi, à l’âge adulte,
le sentiment d’identité reste susceptible d’évoluer, même chez les personnes les plus
construites, les plus assurées. Devenir parent ou grand-parent, changer de profession ou
de conjoint, partir en retraite, émigrer, tous ces changements de statut personnel ou de
statut social appellent des réaménagements identitaires.
Traditionnellement, la dimension sociale de notre identité est assurée par un sentiment
d’appartenance à des groupes sociaux plus ou moins larges, d’abord ceux dans lesquels
notre généalogie nous a objectivement inscrits. En fait, les groupes d’appartenance sont
variables : clans, castes, classes sociales, nations, régions, villes, quartiers, villages,
communautés religieuses, communautés ethniques… Généralement, le sentiment
d’appartenance est pluridimensionnel: groupe social, groupe religieux, groupe sexué,
groupe ethnique, groupe professionnel…
Ensuite nous avons l’identité collective. Tout groupe humain est, a été ou sera une
communauté humaine. Chaque communauté humaine désignée a une identité, dès
que l’on peut s’en faire une représentation caractéristique qui semble pouvoir rester «
identique à elle-même ». Cependant, différents points de vue aboutissent généralement à
différentes identifications de la même communauté. L’identité de la communauté, c’est
aussi ce qui permet aux personnes de « s’y reconnaître », chacune à sa manière, mais
aussi avec un sentiment collectif. La référence pouvant être très variable, on aura une
infinité de jeux d’identité. Cela se complexifie évidemment par le jeu des participations
à plusieurs communautés et à des communautés de communautés. L’identité intervient
encore dans les relations avec d’autres communautés ou leurs représentants. L’idée que
l’on se fait de son propre groupe détermine pour beaucoup la nature de ces relations.
Dans la notion de culture qui intervient quand on évoque l’identité culturelle, on peut
voir trois sens : le plus large, provenant du sens anglais du terme, intègre les œuvres
et les manières de vivre, les styles, les savoir-faire. Un autre sens, plutôt allemand,
est proche de l’idée de civilisation. Le sens français, plus limité, renvoie à l’idée de
création, d’œuvres, de patrimoine, et à l’existence de critères capables de distinguer,
dans ce qui se produit et s’échange, ce qui relève de la culture.
Il faut reconnaître que, finalement, l’utilisation du terme prête à beaucoup d’équivoques.
On dit, par exemple, que la France est un pays de culture (conçue comme création de
l’esprit et progrès des savoirs), tout en admettant qu’elle est composée de différentes
cultures régionales (au sens d’identités collectives). Mais on peut ajouter que c’est dans
le dépassement de la particularité des cultures (au sens précédent) et de leurs variations

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qu’on peut trouver les invariants de la culture (universelle de l’humanité). Jean-Loup
AMSELLE, (1990 :147) considère la culture comme un phénomène en constant
développement, pris dans un réseau très interactif d’influences et de rejets avec un
besoin constant de positionnement de l’une par rapport à l’autre. Il ne cesse de rappeler
que la culture n’a jamais constitué un socle inaltérable, que c’est au contraire une réalité
essentiellement fluide et adaptative. Il n’existe pas de cultures pures, autant que de races
pures, comme on le pensait auparavant. Toute culture est métissée. Affirmer le contraire
conduit à toutes les formules de racisme et de purification ethnique. On vit tous avec des
fragments de la culture de l’« autre », c’est ce que montre Serge Gruzinski dans son livre
« La pensée métisse » (Fayard, 1999) en décrivant comment se sont mêlés l’Ancien
Monde et Nouveau Monde, dans le Mexique conquis par les Espagnols.
Enfin la notion d’identité culturelle apparaît dans les années soixante, dans le contexte
de la décolonisation. Ce terme est né dans le tiers monde, où des peuples de civilisation
ancienne revendiquent leur autonomie, face à l’hémisphère Nord qui impose son
universalisme. La décolonisation suppose l’indépendance culturelle, qui passe par la
prise de conscience d’une identité culturelle. Cette idée de contestation se retrouve dans
la déclaration d’une conférence mondiale sur les politiques culturelles, sous la direction
de l’Unesco, à Mexico, en 1982 : « L’identité culturelle contribue à la libération des
peuples (…) toute forme de domination nie ou compromet cette identité ». Puisque
l’identité distingue, elle est aussi prise de conscience de la différence d’un peuple par
rapport à un autre. C’est une notion qui reste source de conflits et d’illusions.
C’est dans les années 60, et notamment après la fin de la guerre d’Algérie qu’apparaît,
dans les mouvements régionaux, une comparaison entre la situation des peuples
colonisés et celle des peuples minoritaires de France métropolitaine. C’est le thème
du « colonialisme intérieur ». Des mouvements militent pour la reconnaissance des «
nations » ou « ethnies » minoritaires dont les cultures et en particulier les langues sont
considérées comme ayant été, jusque-là, opprimées par la culture dominante de l’État
français.
Dans les années 70, une partie de la classe politique nationale intègre cette problématique
régionale et notamment la dimension culturelle du fait régional, avec une forme de
reconnaissance du « droit à la différence » (discours de F. Mitterrand à Lorient le
14 mars 1981). Mais, pour tenter d’éviter la radicalisation nationaliste qui a affecté
certaines parties des mouvements régionaux dans la décennie 1970, les politiques vont
tenter de disjoindre la culture du territoire, lequel n’est abordé que comme relevant des
domaines économiques et politique. Dans le même esprit, ils chercheront à fusionner
les cultures minoritaires territoriales et non-territoriales dans la même problématique du
« droit à la différence ». C’est ainsi que la notion d’identité culturelle, déjà largement
utilisée à propos des minorités allogènes va être étendue aux « minorités régionales ».
Cette conception déterritorialisée de la culture aurait le mérite de ne pas contrevenir aux

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principes de la République en évitant le traitement différentiel de régions françaises.
Par la notion d’identité culturelle, qui peut s’appliquer à la fois aux groupes et aux
individus, on a tenté de ramener le fait culturel à sa dimension individuelle : les membres
d’un groupe sont porteurs d’une même identité et c’est cette identité des membres entre
eux qui fonde l’unité du groupe. En mettant en avant la notion d’identité culturelle comme
aspect de la personnalité de tout individu, les revendications culturelles prennent une
forme recevable face aux pouvoirs publics français. Si la culture est présentée comme
une composante de la personnalité d’un individu, il devient difficile de contester le droit
au maintien de la culture, qui relèverait ainsi des « droits de l’homme ». La recevabilité
de la notion d’identité culturelle permet donc d’expliquer pourquoi elle est devenue, en
France, une notion clef des revendications régionales.
Bien que son apparition dans les discours régionalistes ait d’abord été le fait des
mouvements culturels régionaux, elle s’est progressivement vue réappropriée par les
courants autonomistes et indépendantistes. On constate ainsi un glissement progressif
du droit des peuples (à disposer d’eux-mêmes) au droit des minorités (applicable
également aux minorités non-autochtones) puis, avec les mouvements culturels, au droit
à la différence ou plutôt au droit à l’identité (culturelle). Les mouvements nationalistes
reprenant dans tout cela ce qui leur convient au moment où ils le jugent opportun.
La citoyenneté est bien la manifestation d’une identité commune. Il y a d’abord cette
identité commune à tous les citoyens qu’est la nationalité, lien juridique commun à
l’ensemble des citoyens, quelle que soit la façon dont ils l’ont acquise. La citoyenneté
manifeste aussi l’appartenance à une même communauté politique, la nation.

Ce qui est une condition nécessaire à l’existence d’une nation, c’est que les citoyens par-
tagent l’idée qu’il existe un domaine politique indépendant des intérêts particuliers et qu’ils
doivent respecter les règles de son fonctionnement. » (SCHNAPPER, 1994 :44). La
tradition orale a contribué en Afrique à façonner une identité de l’oralité

2. L’ORALITE ET L’IDENTITE : LA TRADITION


ORALE ET LA STRUCTURATION SOCIALE
La tradition orale est capitale pour les sociétés dites de l’oralité. D’année en année,
la tradition a véhiculé un ensemble de savoirs, de valeurs sociales et éducatives aux
populations par le biais de l’oralité. Dans un monde en évolution, elle doit s’imposer
comme un vecteur de transmission de savoirs, de connaissances pour faire face à ce
contexte d’ouverture et de brasage dénommé « mondialisation », où toutes les valeurs
se brassent, s’ouvrent l’une à l’autre et se côtoient.
Ces traditions orales sont encrées au passé des communautés et sont ainsi des moyens

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d’identité et d’intégration sociale. Les traditions africaines demeurent influentes dans
la société. Elles caractérisent les sociétés africaines d’où le caractère communautaire.
Chaque unité sociale forme un tout au sein duquel l’homme se sent pleinement intégré.
L’Afrique des anciens, caractérisée par les traditions et attachée aux hiérarchies
coutumières, côtoie ou cohabite avec l’Afrique des jeunes sensibles aux influences
extérieures notamment grâce aux nouvelles technologies de la communauté
De la vision des penseurs, elles constituent la transmission orale et la conservation de
certaines valeurs léguées par les anciens.
Ces assertions comportent des connaissances, des us et coutumes dans des domaines
aussi divers que l’histoire (généalogie des familles, alliances…), les mythes et les textes
sacrés (rites, prières, formules expiatoires et incantatoires), les techniques (arts du cuir,
du tissu, de la poterie, de la vannerie, des bijoux), les institutions politiques (règles
de succession, alliances matrimoniales, appropriation des sols et règles de gestion
foncière, échange de biens et de services), les initiations diverses dans le cadre des rites
de passage (circoncisions, excisions, tatouages), les harmonies musicales, les exercices
linguistiques, les langues codées (verlan, tambours parleurs…)
La tradition orale relate, rapporte, transmet et diffuse un ensemble de valeurs par la voie
de l’oralité. Selon KAM (2000 : 25) « la tradition orale, c’est une perpétuation par
transmission, de génération en génération, de l’ensemble des valeurs, des conceptions
sociales et du mode de vie propres à la civilisation d’un peuple ».
Elle apparait ainsi comme un héritage qui manifeste de nombreuses dimensions de
l’homme, dont la raison, l’intelligence, la spiritualité, la sensibilité et la volonté de
demeurer dans la durée. Ce qui permet donc à Lilian KESTELOOT (1952 :9), pour sa
part, de noter également « qu’il n’est une branche de l’activité humaine qui ne possède
un corpus de traditions orales rassemblant des formules, recettes et expériences du
passé ».
Cette tradition orale s’épanouit dans les sociétés orales. Parler de sociétés orales ne
signifie pas que la vie quotidienne de celles-ci soit marquée par l’échange grâce au
recours à la parole. En l’occurrence, toutes les sociétés fonctionnent de la même sorte ;
même celles dites de tradition écrite. Elles le sont du fait de la communication orale.
En témoigne la spécificité de ces traditions inscrites dans leurs êtres profonds, leurs
mémoires, leurs savoirs, leurs conduites, leurs histoires… Au sein de ces sociétés, la
tradition orale assure sa propre reproduction en s’étendant dans une double direction :
verticale et horizontale. Verticale c’est-à-dire du passé vers le présent et horizontale c’est
à dire entre les membres de la société contemporaine dans une démarche synchronique.
La tradition orale est prise en charge grâce à la structuration que la société se donne,
notamment dans sa dimension politique et à travers la distribution des espaces du cadre

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de vie.
La tradition orale prend en compte la structuration sociale. Au plan de la structuration
sociale, il y a des sociétés inégalitaires et pyramidales et les sociétés égalitaires à
structuration horizontale. En général, les premières s’érigent en Etat avec la présence
d’un pouvoir central et d’une administration faisant apparaitre l’existence de catégories
sociales ou socio-professionnelles différenciées et hiérarchisées. Ces dernières assurent
la gestion des fonctions de la parole et de la mémorisation de l’histoire collective
envisagée du point de vue de ce pouvoir.
Quant aux sociétés égalitaires, les traditions orales populaires sont prépondérantes alors
qu’au niveau des sociétés de structurations pyramidales, nous notons des traditions
spécialisées, gérées par des corps sociaux particuliers.
Toutefois, dans les deux cas, nous pouvons être en présence de sociétés confrériques
comme celle des chasseurs et initiatiques tel que cela s’illustre chez les Bambara en
Afrique de l’Ouest avec six sociétés d’initialisation. Ces six sociétés sont respectivement :
le Ndomo, le Komo, le Nama, le Kono, le Tyiwara et le Koré. Selon la tradition, l’enfant
entre dans la première société à l’âge de sept ans environ et doit passer autant d’années
dans chacune d’elles pour y poursuivre activement sa formation. Alors seulement, il
peut donc prétendre au titre de sage.
Voici comment Dominique ZAHAN (1963 :32) présente cette architectonie de la
connaissance :
la connaissance de soi(Ndomo) engendre l’investigation au sujet de la connaissance
d’elle-même(Komo) et amène l’homme en face du social(Nama). De là naissent le
jugement et la conscience morale(Kono). Elargissant son champ visuel, la connaissance
aborde le cosmos(Tyiwara) pour aboutir à la divinité(Koré).
Il existe, en outre, des sociétés sans pouvoir central s’organisant autour de classes d’âge
et d’autres en présence de -villages-Etats- relativement autochtones les uns vis-à-vis
des autres. Par ailleurs, d’autres comportent un pouvoir central-royauté ou chefferie- de
type religieux et sacerdotal.
Parlant de la spatialisation, elle se définit comme un lieu d’échange verbal aménagé à
cet effet, notamment les arbres à palabre, les concessions et divers abris de la parole.
Pour mieux apprécier la catégorisation des traditions orales, il est nécessaire que nous
ayons une vue synoptique de la structuration des sociétés africaines qui produisent ces
valeurs orales en nous référant au facteur politique comme élément déterminant dans la
perspective de Jan VANSINA (1961 :121).
Les mutations sociales entrainent la quête identitaire de nos jours. La construction
identitaire demeure une préoccupation pour les sociétés africaines et s’articule autour
de la création culturelle. La culture étant considérée comme un processus dynamique,

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mobilise à la fois le patrimoine ancien et les éléments extérieurs indispensables à un
individu, à un groupe, à une société toute entière pour qu’ils puissent créer quelque
chose de nouveau.

3. LES CONDITIONS POUR LA CULTURE DE


L’IDENTITE
L’identité culturelle est un concept anthropologique qui désigne une période historique
pendant laquelle une communauté, un peuple se reconnaît par des valeurs précises dans
ses pratiques, ses concepts, ses pensées, ses croyances, son art etc.
Ainsi l’identité culturelle se définit dans le temps et dans l’espace car les valeurs qui la
déterminent ont un caractère dynamique, évolutif dans le temps.
On ne saurait citer avec précision et de façon exhaustive les valeurs qui permettent
d’identifier un peuple en un moment de son histoire.
Pour l’Afrique, une mosaïque de peuples et de communautés qui se partagent un passé
récent marqué par l’esclavage et la colonisation ne saurait se vanter aujourd’hui d’une
culture authentiquement africaine exprimant encore son identité. Cependant, l’espoir est
permis. Les possibilités d’une reconquête de son identité existent à travers les langues
africaines.

3.1. LES LANGUES


La langue est l’ensemble des unités du langage parlé ou écrit propre à une communauté
; le langage étant cette faculté que nous avons de communiquer entre nous et d’exprimer
nos pensées. Définie de cette façon, l’Afrique compte plus de 1000 langues. Ainsi
l’Afrique serait le continent qui compte plus de langues avec une forte densité en Afrique
subsaharienne. Dans nombre de cas les langues sont pratiquées par quelques villages
seulement. C’est le cas de la langue…au Burkina Faso dont les locuteurs n’excèdent
plus une cinquantaine d’individus.
Malgré cette diversité apparente, il existe des affinités réelles entre la plupart de ces
langues. Toutes ces langues dériveraient d’un petit nombre d’entre elles. Il est du domaine
des sciences humaines de consolider les ressemblances linguistiques pour couper court
à une exploitation des différences observées. La reconquête de notre identité culturelle
passe donc par une étude épistémologique et historique de nos langues. Toutes nos
langues font référence à des formes littéraires, des symbolismes et des techniques de
production de biens et services.
La langue devient donc une construction qui participe de la création et de la transmission
de savoirs. Et comme le dit Lise Gauvin (2004 :10) en évoquant le rôle de l’écrivain en

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tant qu’inventeur et créateur de langues dans la littérature :

Ces langues sont des systèmes indépendants et logique qui n’ont que peu à voir avec l’éta-
blissement des langues vernaculaires. Mais le système sur lequel s’appuie la langue d’une
communauté correspond lui aussi a une forme d’imaginaire, variable selon les contextes, et
c’est cet imaginaire de la langue que la littérature donne à voir dans les œuvres qui en sont
l’expression implicite ou manifeste

Ainsi, la langue est le pilier de la culture. A ce sujet, un éminent spécialiste de la culture


africaine, le Malien Seydou Badian KOUYATE qui disait :

… Par la langue, nous avons ce que le passé nous a laissé comme message et ce que le pré-
sent compose pour nous. C’est la langue qui nous lie, et c’est elle qui fonde notre identité.
Elle est un élément essentiel et sans la langue il n’y a pas de culture. La langue nous aide
à tout interpréter.

Et il continue « …. Nous étions des dominés, des colonisés et la langue a été pour nous
un facteur de libération ». C’était lors du colloque international d’Alger en mi-avril 1974
Langues, culture et tradition organisé par la Faculté des Lettres et des Langues. Il serait
donc important de veiller à la survie de nos langues en tant qu’élément culturel même si
leur survie dépend de l’intérêt que les peuples qui les pratiquent ont pour elles.

Il est important de signaler la mobilité et la flexibilité constantes d’une langue. C’est


la raison pour laquelle nous proposons une étude historique de nos langues pour en
extraire la substance utile à un appel pur et simple à elles pour exprimer notre identité.
L’Afrique ne saurait se dispenser d’échanger avec les autres continents. Notre identité
s’exprimerait mieux à travers une réelle ouverture sur les autres continents aujourd’hui
car leur influence sur nos langues est irréversible ; esclavage et colonisation obligent.
En effet, nos dirigeants et intellectuels actuels sont les fruits de cette école coloniale. Ils
constituent ainsi les épigones et les détracteurs d’une identité africaine.
Au cours de la période de colonisation (même après) l’école était la seule référence dans
l’éducation et la formation des enfants. L’éducation familiale était reléguée au dernier
plan, nos parents étant considérés comme des sauvages. Tous les enfants qui avaient la
chance d’aller à l’école ne réfléchissaient plus que par l’école. Ils étaient séparés ainsi
et progressivement de leur racine culturelle.
Pour Patrick CHARAUDEAU, (2002 :6) cet imaginaire parler de la langue repose sur
les aspects linguistiques. Et pour lui,

L’imaginaire de l’identité linguistique est entretenu par deux discours : la langue d’un
peuple, c’est son génie ; ce génie perdure à travers l’histoire. La langue serait un don
de dame nature qui nous serait offert dès la naissance et constituerait notre être de façon
propre. C’est ainsi que s’est construite la symbolique du «génie» d’un peuple. De ce dont,

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dont nous serions tous comptables : on le recevrait par héritage et il devrait être transmis de
la même façon. Et c’est pourquoi l’on continue à dire que l’on parle ici la langue de Mo-
lière, là la langue de Shakespeare, là encore la langue de Goethe, Dante, ou de Cervantès,
alors qu’à l’évidence ce sont d’autres langues que nous parlons. Il est clair que la langue est
nécessaire à la constitution d’une identité collective. Il est clair qu’elle garantit la cohésion
sociale d’une communauté et qu’elle en constitue d’autant plus le ciment qu’elle s’affiche.
C’est par elle que se fait l’intégration sociale et c’est par elle que se forge la symbolique
identitaire. Il est également clair que la langue nous rend comptables du passé, crée une
solidarité avec celui-ci, fait que notre identité est pétrie d’histoire et que, de ce fait, nous
avons toujours quelque chose à voir avec notre propre filiation aussi lointaine fût-elle.

De ce fait donc, les langues constituent des symboles d’identité ; elles sont utilisées
par leurs locuteurs pour marquer leurs identités. Les individus s’en servent aussi pour
catégoriser leurs pairs en fonction de la langue qu’ils parlent.
Chaque être humain appartient à plusieurs groupes sociaux et possède de nombreuses
identités sociales. Ainsi, une personne peut être à la fois « enseignante », « supporter
d’une équipe de football », « burkinabè », « bobolais », etc.
Chaque groupe possède sa propre langue ou variété de langue. Ainsi, un groupe régional
utilise un dialecte régional (qui constitue une variété de langue) ; de même, un club de
supporters de football a son propre jargon. Le fait de parler cette langue / variété de
langue / ce jargon donne le sentiment d’appartenir à ce groupe. Souvent, il existe un lien
particulièrement fort entre la langue et le sentiment d’appartenance à un groupe – ou
une identité nationale. Dans les situations les plus « simples », il n’existe qu’une seule «
langue nationale », parlée par tous les individus partageant la même identité nationale.
Cependant, la plupart du temps, nous avons affaire à des situations complexes, qui
impliquent plusieurs langues (au Burkina Faso, en Côte d’ivoire par exemple) ou dans
lesquelles les langues concernées sont liées à plusieurs identités nationales.

3.2. LES REPERES


L’identité culturelle n’est pas inscrite dans le sang elle n’est pas innée non plus, manipulée
et maquillée au même titre que l’histoire et la mémoire. Elle n’est pas éternelle, ni
immuable. Au plan théorique, l’identité culturelle n’obéit pas à des impératifs d’ordre
juridique ou administratif. Dans l’absolu, chaque individu est libre de choisir la
sienne, de même qu’il est libre de l’abandonner ou de l’échanger, de la sauvegarder
ou de l’anéantir. Aucun individu n’est obligé de par ses dispositions émotionnelles
et intellectuelles de jurer une fidélité exclusive à une seule culture ou à des pratiques
culturelles identifiables uniquement dans sa propre culture.
Toute l’histoire de l’humanité est marquée par des mouvances de déplacement, des
déchirements, des confrontations et de génocide identitaires. De ce fait, les identités
culturelles émergent, disparaissent et renaissent sous des formes multiples pour

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accompagner les idéologies, les violences, les guerres et les intolérances.
Toutes les identités culturelles sont soumises à des pressions dues à des situations
particulières(conflits frontaliers, racisme, défiguration du patrimoine, exaltation
ethnique et religieuse, …) et subissent des sur activations parfois spectaculaires, sur
activer les identités culturelles ou les doper est un phénomène récurrent dans toutes les
sociétés, c’est une entreprise qui est le plus souvent engagée à travers une interprétation
ontologique de certaines composantes de l’identité tels le nativisme, l’ethnicité, la
religion, la langue.
A côté de ce dopage identitaire, il y a également des identités culturelles qui gisent en
silence dans les ghettos, il y a celles qui s’essoufflent et qui cherchent refuge dans le
passé, celles qui ne résistent pas face à la raison d’Etat, mais il y a celles qui, envers
et contre toute autre identité s’autoproclament supérieures, puis il y a celles qui se
camouflent derrière une certaine fidélité aux racines et enfin il y a celles qui naissent
et grandissent sans tapage ni romantisme telle que l’identité culturelle européenne ou
l’idéal européen.

3.3. LE PARADOXE
A quoi sert l’identité culturelle ? Est-ce uniquement une obsession d’appartenir à
une identité reconnue, à une mémoire collective spécifique ou à un territoire culturel
identifiable ? Est-ce une revendication permanente ou un fait inéluctable ? S’agit-il
d’une idéologie de combat ou d’une stratégie d’autodéfense, d’une expression de la
société ? Est-ce que chaque communauté contrôle et administre toutes les composantes
de l’identité culturelle à laquelle elle s’identifie ? L’identité culturelle ne prolonge-t-
elle pas l’appartenance d’une société ou d’un individu à d’autres territoires culturels
beaucoup plus larges qui appartiennent aux domaines de la civilisation et de la politique.
Qui détient la légitimité et les moyens de sauvegarder, de protéger et de valoriser
l’identité culturelle. Est – il vrai que l’identité culturelle d’une communauté assure et
garantit sa cohésion ? Comment expliquer les confrontations violentes et guerres civiles
au sein d’une société qui revendique les mêmes valeurs identiques et communes à toutes
classes sociales ?
Est-il clairement établi qu’une communauté culturelle se définit par des caractéristiques
à la fois subjectives, matérielles et spirituelles (patrimoine, tradition et le sacré).
Ces questions trouvent leur réponse dans ce point de vue de Patrick CHARADEAU
(2002 : 4) quand il affirme que :

La construction identitaire passe nécessairement par le regard de l’autre, car nous avons du
mal à nous voir nous-même et avons besoin d’un regard extérieur. Dès lors, cette construc-
tion est la résultante de son propre regard et du regard de l’autre, mus que nous sommes
par le désir d’“être ce que n’est pas l’autre”. Ce qui conduit à dire que “l’identité est une

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somme de différences”, et la quête d’identité une quête de différenciation, une quête du
non-autre. C’est à l’épreuve de la différence que l’on découvre son “quoi être”. Mais ce
quoi être, loin d’être une essence, se résume à un ensemble de traits identitaires stables et
mouvants.

L’identité culturelle est donc un processus en mutation permanente et non un résultat.

3.4. LES SOURCES ET L’HISTOIRE


Pour mieux comprendre les enjeux qui entourent la notion d’identité culturelle, il est utile
de jeter un regard rapide sur la dimension historique d’une telle notion. D’une manière
empirique, l’apparition de la notion d’identité culturelle coïncide avec l’émergence
progressive sur la scène internationale des Etats-Nations.
D’abord c’est à partir de 1648 lors du Traité de Westphalie puis au 18è siècle que cette
nouvelle forme d’organisation politico-territoriale s’est répandue en Europe. Puis suite
au démantèlement des grands empires qu’une seconde vague d’Etat-Nations a vu le jour
sur d’autres continents.
C’est avec l’avènement des indépendances, essentiellement au XXème siècle, surtout
après la seconde guerre mondiale, que le modèle s’est propagé partout dans le monde.
Cette nouvelle forme d’intervention politique implique à la fois l’appropriation d’un
territoire le plus souvent par la force au nom de la souveraineté et la revendication d’une
identité culturelle qui corresponde à un héritage idéologique et patrimonial au nom de la
spécificité. On assiste alors à la naissance d’une triade omniprésente dans les relations
internationales (Etats-Nation, territoire, identité culturelle) et il en résulte qu’il existe
aujourd’hui autant d’identités culturelles officielles que d’Etats-Nations siégeant aux
nations unies.

CONCLUSION
Nous constatons que la tradition orale est une marque des sociétés africaines et l’identité
est une forme de construction. La rencontre de ces deux contribue à la reconstruction de la
culture et de l’identité des peuples. La problématique identitaire repose sur des principes
de l’identité et de la culture, ce qui crée des glissements et favorise la citoyenneté, mais
aussi des équivoques qui favorisent le régionalisme Et pour Lise GAUVIN (2004 : 327),
c’est une forme de « reterritorialisation culturelle » des identités.
L’identité va avec l’oralité dans la perspective définitive d’une culture de l’identité. La
langue fonde l’oralité et elle est l’élément majeur dans l’identité culturelle. Elle-même
étant un facteur de culture. Il est donc important d’inscrire la langue au cœur de la
problématique des identités culturelles pour aller vers la culture des identités. Pour y

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parvenir en plus des langues, les repères jouent un rôle essentiel aux côtés des paradoxes
qu’on peut trouver et les sources et histoires. Tout compte fait la question des identités
se pose de nos jours face à la mondialisation et aux conflits latents qu’elle crée. Face à
la problématique des frontières et aux migrations, que faire ?

BIBLIOGRAPHIE
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Afrique et ailleurs, Paris, Payot.
BA, Amadou Hampâté (2004), La parole vivante in Ki-Zerbo Joseph (éd.), Histoire
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GAUVIN, Lise, (2004) La fabrique de la langue. De François Rabelais à Rejean
Ducharme, Seuil, coll., points/Essais.
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