Accidents D - Évolution Des Dents de Sagesse
Accidents D - Évolution Des Dents de Sagesse
Accidents D - Évolution Des Dents de Sagesse
www.elsevier.com/locate/emcden
MOTS CLÉS Résumé Les accidents occasionnés par l’évolution des dents de sagesse (DS) sont fré-
Dent de sagesse ; quents dans la pratique courante et sont dominés par les accidents infectieux. L’évolution
Troisièmes molaires ; des DS peut ne pas aboutir à une mise en place normale sur l’arcade dentaire du fait d’un
Inclusion dentaire ; manque de place, ou du fait d’une anomalie dans son cheminement qui nécessite une
Évolution anormale ; verticalisation du germe en croissance. Ce cheminement peut se trouver notamment
Péricoronarite ;
bloqué par la couronne de la 2e molaire qui lui sert de guide. Le résultat est une dent dont
Cellulites ;
Ostéites ;
une partie de la couronne est visible sur l’arcade et dont le reste est recouvert par un
Kystes péricoronaires capuchon muqueux ; la même situation se rencontre lorsque la DS subit une désinclusion,
c’est-à-dire la mise à nu de sa couronne par récession muqueuse et osseuse. Les
péricoronarites sont les accidents les plus fréquents et s’accompagnent habituellement
d’adénopathies. Ces accidents peuvent se compliquer de cellulites aiguës qui évoluent au
niveau du carrefour oropharyngé et peuvent être une menace grave pour la liberté des
voies aériennes. Les autres accidents aigus, telles les stomatites, sont moins fréquents.
Les accidents subaigus sont rares, comme les sinusites, les ostéites, voire les thrombo-
phlébites. Parfois, c’est en raison d’un accident mécanique, comme la destruction de la
couronne de la 2e molaire, que la DS fait parler d’elle ; il est des cas où la pathologie dont
elle est responsable est une découverte fortuite d’examen radiologique des maxillaires :
les kystes péricoronaires (dentigères) sont les plus fréquents. Le traitement des accidents
infectieux repose sur le traitement de la cellulite ou de tout autre foyer aigu ou subaigu
de façon concomitante avec le traitement du foyer causal. Les accidents pseudotumoraux
requièrent obligatoirement un examen anatomopathologique de toute pièce d’exérèse ;
de même que des prélèvements bactériologiques spécifiques sont indispensables dans
toute évolution traînante malgré un traitement primaire bien conduit.
© 2004 Publié par Elsevier SAS.
KEYWORDS
Abstract Accident occasionned by wisdom teeth are frequent in our practice, and mostly
Pericoronaritis; due to infection. Achievement of third molar growth needs several factors : a normal
Sinusitis; tooth bud which evolution will be tutored by the second molar in order to be situated on
Osteitis; the right place in the posterior aspect of mandibular arch. Lack of growth of the mandible
Third molar in an anteroposterior direction, lack of space in the arch, developmental abnormality in
the positioning of the tooth germ or an aberrant path of eruption, cause an impaction or
a partial eruption. The crown appears to be partially covered by a gum flap, which
inflammation causes the most common complication : an acute péricoronaritis, which
main symptoms are : pain, limitation of jaw movements, and fever. If it is mis-treated, an
abcess can spread in the oropharyngeal area ant threatens the airways. Subacute
complications are sinusitis, osteitis are caused by a long-term evolution and favorised by
a treatment which neglected the cause of infection. Mecanical complications are also
frequent : third molars may be responsible for the destruction of the crown of the second
molar, to create an area of weackness in angular fractures. Multiplication of X rays permit
to discover quiescent impacted teeth wich are surrounded by important dentigerous
cysts, which histologic analysis is mandatory in order to eliminate an ameloblastoma.
Treatment of these complications include the treatment of the acute pathology without
forget the treatment of the responsible tooth.
© 2004 Publié par Elsevier SAS.
Introduction
Figure 5 Panoramique de « débrouillage » montrant : l’intimité des rapports entre le bas-fond sinusien et les DS supérieures ; le kyste
marginal postérieur sur 48 ; la destruction de la couronne de 37 occasionnée par 38.
Accidents d’évolution des dents de sagesse 151
c b
a
g
d
f
Elle se manifeste par une douleur spontanée de
e la région rétromolaire. L’examen retrouve une mu-
queuse rouge, œdématiée, laissant apparaître une
partie de la couronne de la DS. La pression est
Figure 6 Muscle buccinateur et région génienne, d’après Gines-
douloureuse et peut faire sourdre un liquide séro-
tet. a : Base de l’os malaire ; b : fosse ptérygomaxillaire ; c :
fosse canine (muscles zygomatiques) ; d : vestibule buccal ; e : sanglant. Les empreintes des cuspides de la dent
abcès de Chompret et L’Hirondel ; f : fusée vestibulaire du antagoniste peuvent être observées sur ce capu-
précédent ; g : espace interptérygoïdien. chon muqueux (Fig. 7).
Dès ce stade, la radiographie panoramique per-
laire qui vient s’ouvrir en avant dans la région
met de se rendre compte des possibilités d’évolu-
génienne au niveau du quadrilatère de moindre
tion de la dent incriminée, ainsi que de la situation
résistance de Chompret (Fig. 6).
des autres DS.
En dedans, la DS est en relation plus ou moins
L’évolution est variable : soit l’accident guérit
intime avec la corticale interne sur laquelle est
avec la mise en place de la dent sur l’arcade ; soit
plaqué le nerf lingual ; ses apex se situent sous la
se constitue un des tableaux suivants.
ligne d’insertion du muscle mylohyoïdien ; elle est
toute proche de l’espace para-amygdalien qui est
Péricoronarite aiguë suppurée
le carrefour stratégique des régions celluleuses cer-
C’est le classique « accident de la DS », qui succède
vicofaciales en continuité avec les espaces média-
à la péricoronarite congestive ou en constitue l’épi-
stinaux.
sode inaugural. Le sac péricoronaire est le siège
Cette situation au sein d’un carrefour de régions
d’une infection (Fig. 8).
anatomiques profondes est importante à retenir.
Pour ce qui est de la diffusion d’une infection, la Le patient se plaint de douleurs plus intenses,
position anatomique de la DS (incluse et plus ou qui deviennent insomniantes, avec otalgies violen-
moins inclinée suivant différents plans de l’espace, tes. La péricoronarite s’accompagne d’un trismus,
ou ectopique) peut influer dans une certaine me- d’une dysphagie, d’une gêne à la mastication et
sure sur la localisation initiale ; en fait, tous les parfois d’une fébricule. Malgré le trismus, on peut
espaces communiquent, ce qui rend potentielle-
ment dangereux tout accident infectieux de cette
région.
Accidents infectieux
Péricoronarites
d’abcès est la constriction permanente due à l’in- table blindage sur la face externe de la mandibule ;
volution fibreuse des masses musculaires régiona- bien entendu, l’ouverture buccale se limite au
les. cours de cet épisode. Une fistule cutanée ou mu-
queuse peut être observée avec écoulements puru-
Cellulites à évolution interne lents itératifs, pérennisant cette évolution chroni-
Elles sont graves de par leur retentissement pré- que. La dent en cause est désignée par la
coce et rapidement évolutif sur la filière respira- constatation d’une masse corticale externe au
toire. contact d’un foyer de péricoronarite.
L’abcès sous-mylohyoïdien est responsable d’une Ce tableau peut être dû à un traitement incom-
collection qui fait corps avec le bord basilaire de la plet ; mais bien plus, sa persistance, voire son
branche horizontale mandibulaire, puis s’étend passage à la chronicité doit faire évoquer un ta-
vers l’espace sus-hyoïdien latéral pour évoluer vers bleau d’infection spécifique, ou tumoral, et faire
les téguments cervicaux. pratiquer les prélèvements indispensables.
L’abcès sus-mylohyoïdien donne une tuméfac-
tion collée à la table interne de la branche horizon- Accidents ganglionnaires
tale. Les signes fonctionnels sont importants : dou-
leur, trismus, dysphagie ; leur exacerbation rend Ils accompagnent une inflammation ou une infec-
compte de la diffusion de la collection vers le tion muqueuse ou cutanée. Les premiers relais gan-
plancher buccal et l’oropharynx : c’est l’urgence en glionnaires des régions molaires et rétromolaires
matière de pathologie due aux DS. sont les ganglions sous-angulomandibulaires et
sous-maxillaires.
Cellulites postérieures
Inaugurales, ou plus souvent extension de la cellu- Adénite congestive
lite sus-mylohyoïdienne, elles en partagent le Elle est banale : cette petite tuméfaction sensible
même pronostic évolutif. Elles se collectent au de la région sous-maxillaire attire l’attention du
niveau de la face interne de la mandibule, soule- patient chez qui s’installe une péricoronarite
vant le pilier antérieur et le voile et sont à distin- aiguë. Les ganglions sont augmentés de volume,
guer du phlegmon périamygdalien. sensibles à la palpation, souples. Cette adénite
Le danger est la possible diffusion du processus peut parfois évoluer vers la suppuration.
infectieux vers le médiastin via l’espace sous-
parotidien antérieur. Adénite suppurée
Il a été décrit une forme de cellulite plus spéci- La péricoronarite causale ne cède pas et se surin-
fique à la DS supérieure,6 le phlegmon sus- fecte. Le ganglion satellite devient franchement
amygdalien de Terracol : la tuméfaction siège au- douloureux, augmente rapidement de volume et
dessus de l’amygdale, sous forme oblongue, devient rénitent. Une réaction inflammatoire loca-
soulevant une muqueuse lisse et rouge ; le trismus lisée masque ses contours. Des signes généraux
est beaucoup plus modéré. Le danger reste la dif- (fièvre, asthénie) s’installent. Non traitée, ou chez
fusion aux espaces parapharyngés. un malade aux défenses immunitaires altérées, elle
peut évoluer vers un adénophlegmon.
Cellulites diffuses
Elles peuvent constituer l’évolution d’une cellulite Adénophlegmon
circonscrite et sont alors qualifiées de « diffu- C’est la diffusion de l’infection aux espaces cellu-
sées » ; elles s’opposent aux cellulites d’emblée leux adjacents de l’adénite. Il se manifeste par une
diffuses, qui sont des fasciites nécrosantes au pro- tuméfaction très douloureuse, insomniante, sous-
nostic très défavorable du fait de leur toxicité et du mandibulaire mal limitée dissimulant les reliefs de
fait de leur extension rapide aux tissus cervicaux et la mandibule. Le patient est gêné par un trismus
médiastinaux. serré par atteinte du masséter, voire par un torti-
colis par contracture du muscle sterno-cléido-
Cellulites subaiguës mastoïdien. Les signes généraux sont marqués avec
Le patient se plaint d’une tuméfaction persistante fièvre, frissons et asthénie. Localement, la peau
ou en augmentation de volume, évoluant depuis est inflammatoire. La zone ganglionnaire, centrale,
plusieurs semaines ; l’épisode infectieux initial n’a est dure et extrêmement sensible, la zone périphé-
pas conduit à un traitement étiologique. rique est œdémateuse et garde le godet. Le dia-
La tuméfaction sous-cutanée angulaire est sensi- gnostic différentiel est celui d’une cellulite sous-
ble, mais devient inflammatoire, douloureuse au mylohyoïdienne en début d’évolution, qui reste à
moment des poussées, avec constitution d’un véri- vrai dire le diagnostic le plus évoqué de nos jours.
154 J.-M. Peron
Accidents osseux
Ostéite subaiguë
Elle se constitue rarement d’emblée ; elle s’installe
dans les suites d’un accident infectieux d’évolution
lente (Fig. 11) et doit faire rechercher un facteur
favorisant local (irradiation cervicale) ou général
(immunodépression, diabète).
Ostéite chronique
Elle est rare ; elle provoque une tuméfaction de
l’angle mandibulaire sensible, recouverte par des
téguments érythémateux, peu inflammatoires, où
peut parfois être observée une fistule cutanée. Il
Figure 13 Refoulement de la cavité sinusienne (muqueuse sinu-
peut exister une anomalie de la sensibilité dans le sienne saine).
territoire du nerf alvéolaire inférieur. La radiogra-
phie montre des corticales épaissies entourant un La survenue d’une ostéite reste enfin une com-
foyer de densification osseuse ; au maximum se plication classique de l’avulsion d’une DS, après
trouve ainsi réalisée une forme hyperostosante alvéolite, fracture, etc.
(Fig. 12).
Accidents sinusiens
Ces accidents sont d’autant plus probables que la Fragilisation de l’angle mandibulaire
DS est en situation mésioversée et bloquée par la 2e
molaire. La présence d’une DS inférieure incluse au niveau
L’appui continu de la couronne de la 3e molaire de l’angle mandibulaire rompt les lignes de résis-
sur la face distale de la 2e peut provoquer des tance de cette région et constituerait logiquement
lésions carieuses du collet ou de la couronne (Fig. 5, une zone de fragilité par laquelle passe le trait de
14). fracture. L’étude de Lee confirme le fait que la
Lorsque l’appui et les phénomènes de pression présence d’une DS double le risque de fracture
s’effectuent plus bas au niveau de la racine de la angulaire ; elle montre, en revanche, qu’il n’y a pas
dent, ils peuvent provoquer une rhizalyse et de corrélation significative entre la position de la
conduire à la mortification ; bien souvent se cons- dent incluse et le pourcentage de risque.4
titue également une alvéolyse localisée aboutissant Bien sûr, la DS incluse dans le foyer reste une
à la création d’un foyer parodontal difficile d’accès menace d’infection à prendre en compte dans le
pour les soins d’hygiène et dont les conséquences traitement d’une fracture angulaire.
ont été précédemment évoquées.