Le Roman Négro-Africain
Le Roman Négro-Africain
Le Roman Négro-Africain
Senrevision
Prenant le relais de la littérature coloniale (Romans coloniaux ou romans d’escale : La randonnée de Samba
Diouf, J et J THARAUD, 1922 ; Le roman d’un spahi, Pierre LOTI, 1947 ; Maurice GENEVOIX, Fatou CISSE), la
jeune littérature africaine a tenté, à partir de 1920, de substituer à l’exotisme romantique des colonialistes une
vision plus vraie de l’Afrique.
En effet, l’Afrique n’a pas attendu l’accession à l’indépendance de la plupart de ses Etats, pour témoigner de sa
problématique romanesque. Le roman négro africain, malgré son développement tardif s’est révélé au début
du XXe siècle. D’abord, c’est un instituteur Amadou Duguay Clédor Ndiaye, qui produit dès 1912 le premier
texte : La bataille de Guilé. C’est un texte qui traite de la confrontation des armées de Samba Laobé Fall du
Cayor et du Bourba Djoloff Alboury Ndiaye (6 juin 1886). Il publiera aussi un autre texte en 1913, De Faidherbe
à Coppolani. Il relate dans cette œuvre, les efforts renouvelés, persistants et les tentatives de Résistances des
Rois Sénégalais à bouter les français hors de leur pays. Ce sont surtout les figures de Maba Diakhou Ba, de Lat
Dior qui apparaissent dans cette œuvre.
Cependant, dans la même période, plus précisément en 1921, le Guyanais René Maran marquera la naissance
officielle du Roman africain avec son œuvre Batouala. Dans ce roman Maran fustige les comportements des
blancs en Afrique.
En tant que fonctionnaire de l’administration coloniale, il découvre en Afrique une injustice que sa qualité
d’homme de Lettres réprouve. L’opinion publique découvrit le visage odieux de la colonisation. BATOUALA
décrivait les ravages causés par une exploitation mercantile incontrôlée dans plusieurs territoires de
l’OUBANGUI-CHARI. (Esthétique naturaliste, Prix Goncourt). R Maran se place dans la perspective des
romanciers naturalistes français. Batouala ouvre la voie au roman africain, et à Senghor de déclarer : « Tout
procède de René Maran. »
Il confère à son auteur le statut de précurseur et père du roman négro-africain d’expression française.
Cependant, même si René Maran inaugure le genre, ses épigones s’essaient dans plusieurs veines. Nous
tenterons d’examiner l’évolution du roman africaine en procédant par étape.
II-PÉRIODISATION
Le roman négro-africain se caractérise par trois grandes périodes : 1920-1945 ; 1945-1960 et de 1960 à nos
jours
Il faut noter dès maintenant que cette périodisation ne respecte ni reflète ni thèmes abordés dans les œuvres.
Entre 1920 et 1945, il s’est développé ce qu’il convient d’appeler littérature de consentement. Elle comporte
plusieurs veines.
– La veine apologétique
La première veine est constituée de romans d’apologie. Des africains, séduits par la civilisation française,
chantent les bienfaits de la « Douce France ». Il s’agit entre autres d’Amadou Mapathé DIAGNE dans les trois
volontés de Malic en 1920 et de Bacary DIALLO dans Force-Bonté en 1926. Ces écrivains font l’éloge de la
France et salut sans arrière-pensée l’entreprise coloniale.
– La veine consensuelle
Dans un élan moins élogieux, le courant de consentement voit le jour. Les romans parus dans cette période
cherchent à concilier la culture occidentale et la culture africaine. Il se traduit à travers la plume de Socé DIOP
et de Paul Hazoumé.
Dans Karim, 1935, Ousmane Socé développe une idéologie de la rencontre interculturelle qui préfigure les
choix futurs du Président Senghor. Dans ses deux romans (Mirages de Paris, 1937), il peint les conséquences
de la confrontation des cultures dans les deux lieux où elle se produit, l’Afrique et la France. Il appelle ainsi de
tous ses vœux la naissance d’une « civilisation métisse ».
– La veine historique
Sous une autre forme, dans Doguicimi, 1938, Paul Hazoumé se fait le porte-parole des traditions africaines.
Profondément attaché aux coutumes de son pays, le Dahomey (Bénin), Hazoumé fait le tableau des années de
grandeur du Dahomey sous le roi GUEZO (1818-1858). Ce roman-épopée inaugure la veine historique dans la
création romanesque africaine.
En l’espace de 25 ans, on n’aura recensé que trois parutions dans le genre romanesque. A cet effacement
momentané du roman, il eut bien des raisons. D’une part cette époque coïncide avec la grande flambée lyrique
de la Négritude et de l’autre c’est parce que la poésie était plus apte à rendre compte du sentiment de révolté.
Pendant cette période, les romanciers africains, revendiquent l’authenticité du noir et la liberté de l’Afrique. Le
mythe du colon est détruit et on montre du doigt les changements négatifs intervenus en Afrique depuis la
colonisation. Dans cette veine presque tous les romans dénoncent un système colonial répressif ou le noir
occupe une place pas du tout enviable.
Les principaux romans publiés pendant cette période sont : Ousmane Sembène, O pays mon beau peuple
(1957), Abdoulaye Sadji, Nini, la mulâtresse du Sénégal (1947) et Maïmouna (1952), Ferdinand Oyono, Une vie
de Boy (1956) et Le vieux nègre et la médaille (1956), Eza Boto, Ville cruelle (1954), Mongo Béti, Le pauvre
christ de Bamba (1956), Ousmane Sembene, Les bouts de bois de Dieu (1960), Chinua Achebe, Le monde
s’effondre, (1958)
Au-delà de la thématique de dénonciation, ces romans épousent la structure du roman français du XIX :
chronologie – personnages – découpage etc. C’est aussi des romans qui se veulent réalistes c’est-à-dire
prenant appui sur la société coloniale de l’époque.
Dans ce courant de contestation, Laye Camara est venu apporter un bémol. Sans arrière-pensée polémique,
Laye Camara dans l’Enfant Noir, 1953, excelle à suggérer l’âme africaine dans ce qu’elle a de plus spontané et
de plus joyeux : enfance paisible en famille, les croyances d’un peuple, les phénomènes mystérieux du passé.
L’euphorie des indépendances sera de très courtes durées. Les présidents qui ont remplacé les français sont
devenus plus malhonnête, plus mesquin pires que les colons. On commence alors à regretter la période
coloniale et à critiquer les nouveaux régimes. Ainsi beaucoup de romanciers vont fustiger sans ambages ces
comportements. C’est le cas de Ahmadou Kourouma dans Soleil des Indépendances, Ousmane Sembene dans
Le Dernier de l’empire, Alioum Fantouré dans Le cercle des tropiques, Yambo Ouologuem dans Le devoir de
violence, Thierno Monenembo dans Les crapauds brousses, Henri Lopes, Le pleurer – Rire, Vumbi Yoka
Mudimbe, Entre les Eaux, Boubacar Boris Diop, Le Temps de Tamango…
On note aussi, à côté de ces romans de mœurs politiques, des romans de formation comme L’aventure
ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, La plaie de Malick Fall, Sous l’orage de Seydou Badian, Le Baobab Fou de
Ken Bougoul.
Cette troisième période, a vu aussi la naissance de la littérature féminine avec : Thérèse Moukoury :
Rencontres essentielles (1969), Aoua Keita : Femme d’Afrique (1975), Aminata S. Fall : Le revenant (1976),
Nafissatou Diallo : De Tilène à Plateau, Mariama Bâ : Une si longue lettre
On notera enfin dans cette période la naissance d’une autre manière d’écrire un roman, donc d’un nouveau
roman africain. Cette veine est inauguré en 1979 par le Congolais Soni Labou Tansi avec La vie et demie,
Boubacar Boris Diop, Les Tambours de la mémoire, Le Temps de Tamango, La vie en spirale d’Abasse Dione,
Les Routiers de Chimères d’Ibrahima Sall.
Ces romans en général ne sont pas engagés politiquement mais font beaucoup de liberté dans la fiction et la
création romanesque.
CONCLUSION
Après analyse, on peut retenir que cette diversité reflète la différence d’époque et de sensibilité des écrivains.
On ne peut donc qu’être d’accord avec R. Barthes pour qui tout texte, et en particulier tout texte littéraire se
situe au carrefour de plusieurs discours.
L’irruption du roman dans l’horizon africain s’explique sans doute parce que toute pose est fonctionnelle. Il
fallait des romanciers pour rendre compte et analyser la nouvelle société en train de s’édifier. C’est également
parce que le roman est peut-être de tous les arts celui qui participe le plus étroitement des phénomènes
sociaux. Stendhal estime déjà qu’un « roman est un miroir que l’on promène le long de la route ». A cette
fonction de témoin du paysage social s’ajoute une autre, celle du désir des hommes de se situer dans une
continuité historique.
La profusion qui caractérise la production romanesque africaine n’est nullement le signe d’un dépérissement.
Elle reflète un intense bouillonnement d’idées et de projets qui permet d’augurer un avenir radieux.