Mémoire Clärli Honegger Final
Mémoire Clärli Honegger Final
Mémoire Clärli Honegger Final
Clärli
HONEGGER
UFR LLASIC
Département Science du Langage et Français Langue Etrangère
Section Didactique du FLE
Clärli
HONEGGER
UFR LLASIC
Département Science du Langage et Français Langue Etrangère
Section Didactique du FLE
Merci à Mme A. et M. F.
Merci Isabel.
Déclaration anti-plagiat
DÉCLARATION ANTI-PLAGIAT
2. Je sais que prétendre être l’auteur d’un travail écrit par une autre personne est une
3. Personne d’autre que moi n’a le droit de faire valoir ce travail, en totalité ou en partie,
comme le sien.
4. Les propos repris mot à mot à d’autres auteurs figurent entre guillemets (citations).
5. Les écrits sur lesquels je m’appuie dans ce mémoire sont systématiquement référencés
PRENOM : Clärli
NOM : HONEGGER
3
Sommaire
Remerciements .................................................................................................................................................. 2
Sommaire .......................................................................................................................................................... 4
Introduction ....................................................................................................................................................... 6
Partie 1 - Contexte de la scolarisation en voie professionnelle ordinaire des élèves allophones de plus de 16
ans peu scolarisés antérieurement...................................................................................................................... 9
CHAPITRE 1. ÉTAT DES LIEUX DE LA SCOLARISATION DES ELEVES ALLOPHONES NOUVELLEMENT
ARRIVES DE PLUS DE 16 ANS AUX NIVEAUX NATIONAL ET ACADEMIQUE ................................................. 10
1. LES CASNAV, AU CŒUR DES POLITIQUES DE SCOLARISATION DES EANA .................................. 10
2. LA SCOLARISATION DES EANA DE PLUS DE 16 ANS ...................................................................... 12
CHAPITRE 2. LE CONTEXTE PARTICULIER DU STAGE ............................................................................... 22
1. LA COMMANDE DU CASNAV ....................................................................................................... 22
2. LIEU ET CONTEXTE D’INTERVENTION ............................................................................................ 23
3. LE PROFIL DES ELEVES .................................................................................................................. 24
CHAPITRE 3. FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE DE RECHERCHE .................. 28
1. FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE ET DES HYPOTHESES ........................................................ 28
2. PRINCIPES DE LA RECHERCHE-ACTION ET DEMARCHE ETHNOGRAPHIQUE ..................................... 29
Partie 2 - Cadre théorique ................................................................................................................................ 31
CHAPITRES 4. LE LANGAGE A L’ECOLE .................................................................................................... 32
1. LES EANA, UNE SITUATION DE FRANÇAIS LANGUE SECONDE PARTICULIERE .............................. 32
2. DE LA LANGUE DE SCOLARISATION AUX DISCOURS SCOLAIRES ..................................................... 36
3. PRATIQUES LANGAGIERES ET APPROPRIATION DE CONNAISSANCES SCOLAIRES ............................ 39
CHAPITRE 5. L’ORAL A L’ECOLE............................................................................................................... 46
1. L’ORAL, LE PREMIER DES MOYENS DE TRANSMISSION ET D’APPRENTISSAGE A L’ECOLE ............... 46
2. L’ORAL, UN OBJET D’APPRENTISSAGE-ENSEIGNEMENT MARQUE PAR LES DISSENSIONS
PEDAGOGIQUES ET DIDACTIQUES ............................................................................................................ 50
3. SOUTENIR L’EMERGENCE DU SUJET SCOLAIRE .............................................................................. 58
Partie 3 - Modélisation d’un dispositif d’enseignement de l’oral utilisant l’enregistrement vocal : conception,
mise en œuvre et évaluation ............................................................................................................................ 63
CHAPITRE 7. CONCEPTION D’UN DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DE L’ORAL ........................................... 64
1. ETATS DES LIEUX DES BESOINS ET PRATIQUES .............................................................................. 64
2. CIBLER DES CONNAISSANCES DISCIPLINAIRES ET DES COMPETENCES LANGAGIERES..................... 67
CHAPITRE 8. DESCRIPTION DU DISPOSITIF PEDAGOGIQUE MIS EN OEUVRE ............................................ 71
1. LES ACTIVITES DE CONCEPTION/VERBALISATION .......................................................................... 73
2. LES ACTIVITES DE VERBALISATION-REFORMULATION ................................................................... 76
3. L’ACTIVITE DE REFORMULATION FINALE, UNE SYNTHESE ORALE ENREGISTREE ........................... 79
CHAPITRE 9. ANALYSE REFLEXIVE DU RECOURS A L’ENREGISTREMENT VOCAL DANS L’ENSEIGNEMENT
DE L’ORAL MONOLOGUE EN HISTOIRE-GEO EMC .................................................................................... 80
1. L’APPROPRIATION DE CONNAISSANCES ET DE COMPETENCES ORALES DISCIPLINAIRES ................. 80
2. L’APPROPRIATION DES INSTRUMENTS DE MEDIATISATION ET DE MEDIATION PEDAGOGIQUE ........ 87
3. DIFFICULTES ET LIMITES DU DISPOSITIF ........................................................................................ 92
Conclusion ....................................................................................................................................................... 97
Bibliographie ................................................................................................................................................... 99
Sigles et abréviations utilisés......................................................................................................................... 105
Table des illustrations .................................................................................................................................... 106
4
Table des annexes .......................................................................................................................................... 107
Table des matières ......................................................................................................................................... 164
5
Introduction
Bien que les CASNAV assurent la reconnaissance et la prise en charge des besoins
spécifiques de ces élèves, ils semblent pourtant, au sein de l’institution scolaire, restés en
marge. Les liens entre les enseignements disciplinaires ordinaires, et les enseignements
spécifiques de FLS- alphabétisation ne s’avèrent pas si faciles.
1
https://formations.univ-grenoble-alpes.fr/fr/catalogue-2021/master-XB/master-didactique-des-langues-
IBC8AWN0/parcours-francais-langue-etrangere-et-seconde-presentiel-IBC8D41M/ue-enseignements-de-
specialite-KMM4LHZC/formation-a-l-alphabetisation-KMKPQE6D.html
2
Centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus
de familles itinérantes.
6
D’un côté, les UPE2A-NSA3 paraissent peu ancrées dans l’environnement scolaire
où elles sont implantées, et leurs élèves et enseignants quelque peu isolés. L’absence
d’inclusion, l’instabilité des dispositifs, dont la création et la fermeture varient en fonction
des effectifs, et celle de leurs enseignants en FLS souvent contractuels, ne favorisent sans
doute pas leur ancrage dans les établissements et les échanges didactiques avec les équipes.
3
Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants – Non Scolarisés Antérieurement
4
Certificat d’Aptitudes Professionnelles
7
L’enseignement-apprentissage de compétences langagières propres à l’oral
monologué scolaire favorise-t-il le processus d’appropriation de connaissances
disciplinaires ? Dans quelles mesures, l'enregistrement des productions orales peut-il
faciliter le développement de telles compétences orales ? Joue-t-il également un rôle dans
le processus de construction de connaissances des élèves ?
Dans une première partie nous dresserons un état des lieux de la scolarisation des
élèves allophones de plus de 16 ans, peu lecteurs-scripteurs. Quelques éléments
historiques, nous permettront de mieux saisir le cadre institutionnel qui la définit. La
majorité de ces élèves étant arrivés, mineurs et non accompagnés en France, nous nous
intéresserons aux implications scolaires et sociales de ce parcours migratoire particuliers.
Puis, nous décrirons le contexte précis de notre stage, au Lycée Roger Deschaux à
Sassenage, la commande du CASNAV, et le profil des classes et des élèves à qui se
destinait notre dispositif pédagogique. Nous terminerons cette première partie, en
formulant notre problématique et nos hypothèses de recherche, ainsi qu’en exposant notre
démarche méthodologique.
Notre seconde partie sera consacrée au cadre théorique. Nous tenterons d’abord de
mieux comprendre la place du langage à l’école, les différentes pratiques langagières que
sous-tend la langue de scolarisation, leurs caractéristiques discursives et linguistiques.
Nous nous interrogerons alors sur la dimension langagière du processus de construction de
connaissances par les élèves et les pratiques d’étayage des enseignants surtout en contexte
de FLS. Dans un deuxième temps, nous nous intéressons aux didactiques de l’oral en FLS
et en Français Langue Maternelle (FLM), et notamment leurs liens avec la langue de
scolarisation et les disciplines scolaires. Après avoir présenté quelques modèles
didactiques, nous nous pencherons sur le concept d’instrument de médiation pédagogique
appliqué à l’enregistrement vocal.
Dans une dernière partie, après avoir montré quels étaient les besoins et pratiques
du terrain, ayant orienté nos choix de conception didactique, nous présenterons notre
dispositif et la mise en œuvre de notre séquence. À la lumière de nos lectures théoriques,
nous analyserons des productions d’élèves et des entretiens, afin de déterminer comment
l’enregistrement des productions orales des élèves a pu, au sein du dispositif, favoriser
l’appropriation de connaissances disciplinaires et de compétences orales scolaires par les
élèves. Nous clôturerons ce travail par un retour réflexif sur les difficultés et limites de ce
dispositif didactique et de notre travail de recherche.
8
Partie 1
scolarisés antérieurement
9
Avant de plonger dans le contexte particulier du stage effectué dans un lycée
professionnel auprès d’élèves allophones de plus de 16 ans, il importe de préciser les
réalités et les enjeux de scolarisation plus généraux, dans lequel il s’inscrit.
1.1. Du CESIFEM au CASNAV, une structure qui évolue en fonction de ses publics
Ces structures sont le résultat d’une politique de scolarisation des élèves allophones
et de son institutionnalisation, qui a émergé au crépuscule des 30 Glorieuses et s’est
progressivement définie dans les années 706, sans cesser d’évoluer au cours des décennies
(Klein & Sallé, 2009). En 1975, la création des centres de formation et d’information sur la
scolarisation des enfants de migrants (CESIFEM) reconnaît durablement l’enjeu de la
scolarisation des élèves allophones.
5
Elèves Allophones Nouvellement Arrivés
6 Différents modèles de classes et de structures s’expérimentent dans les établissements avant d’être
reconnus et formalisés par circulaires : en 1970, les classes d’initiation (CLIN) au primaire et, en 1973, les
classes d’accueil (CLA) au collège, deux dispositifs fermés (sans inclusion) sont créés (Klein & Sallé, 2009).
10
évoluent : plus âgés, ils ont également des parcours scolaires antérieurs complexes, n’ayant
pour certains très peu ou jamais été scolarisés. En parallèle, les nouvelles dispositions
législatives relatives à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage sont présentées par la
circulaire 2002-102 du 25 avril 2002 du Ministère de l’Education Nationale, comme un
contexte favorable au renouvellement des modalités de scolarisation « des enfants
voyageurs ». Les CESIFEM sont alors remplacés par les centres académiques pour la
scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV), marquant ainsi
une rupture avec l’éducation prioritaire à laquelle ils avaient été joints. Suite à la circulaire
2012-143 du 2 octobre 2012, ils deviennent donc les centres académiques pour la
scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles
itinérantes et de voyageurs que l’on connaît aujourd’hui, et font l’objet d’un double
pilotage, assuré essentiellement par le rectorat au niveau académique et par une mise en
réseau au niveau national. Dans le même temps, « la rhétorique d’accessibilité universelle
et de la promotion de la diversité à l’école par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des
droits et des chances » n’est pas sans conséquence sur la scolarisation des élèves
allophones (Armagnague & Tersigni, 2019 : 80). La circulaire 2012-141 du 2 octobre 2012
transforme les classes fermées en UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones
arrivants), des dispositifs ouverts que les élèves, inscrits et rattachés à une classe ordinaire
selon leur classe d’âge, fréquentent selon leurs besoins. En principe, il s’agit de ne plus
prendre en charge la différence en l’externalisant, en créant des régimes scolaires parallèles
et minoritaires, mais d’adapter et d’assouplir les modalités de scolarité majoritaire pour
rendre l’école plus accessible et mixte (ibid).
Si, depuis leur création, le public ciblé par les missions de scolarisation des
CESIFEM puis des CASNAV a évolué, elles s’organisent autour de trois pôles
relativement stables.
11
mise en place des dispositifs tant au niveau organisationnel qu’au niveau pédagogique, en
dispensant des formations et en diffusant des outils.
Depuis les années 70, la politique de scolarisation des élèves allophones a évolué
en fonction du public ciblé par l’action publique. Mais le profil des élèves, tant sur un plan
sociologique (âge, situation sociale) qu’au niveau des besoins linguistiques et scolaires
n’est pas stable, et connaît des évolutions liées aux mouvements migratoires. Le besoin de
scolarisation des jeunes de plus de 16 ans, peu scolarisés antérieurement, tend à augmenter
en se heurtant à des enjeux sociaux et administratifs. La majorité d’entre eux arrivés non-
accompagnés en France ont des situations complexes, qui ne sont pas sans conséquence sur
l’orientation et les conditions d’enseignement-apprentissage. C’est le cas de tous les élèves
allophones rencontrés pendant le stage, à une exception près.
8
Ces principes de non-discrimination et de reconnaissance individuelle sont inscrits dans les articles 28 et 29
de la Convention internationale des droits de l’enfant., mais également dans plusieurs textes législatifs et
réglementaires nationaux. D’abord au niveau de l’inscription, étant donné que « tout mineur étranger est
juridiquement en séjour régulier » (Gouyer, 2016 : 4) on ne peut exiger de la part des jeunes étrangers ou de
leurs tuteurs de justificatif de séjour pour accéder à l’éducation (Circulaire 2002-063 du 20 mars 2002).
Concernant les conditions de scolarisation, la circulaire n° 2012-141 prévoient qu’elles doivent être adaptées
aux besoins linguistiques et scolaires individuels des élèves.
12
n’ont pas atteint un niveau de formation reconnu ou fini un cycle de formation (Circulaire
2002-063 du 20 mars 2002). Cependant, dans les faits la réalité est complexe et cette
scolarisation peu évidente.
18000
16000
14000
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Figure 1 : Évolution du nombre de mineurs isolés confiés à l’ASE sur décision judiciaire9
S’il est impossible de connaître le nombre réel de mineurs isolés présents sur le
territoire, la Mission Mineurs Non Accompagnés (MMNA) liée à la direction de la
protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) recense l’effectif de ceux, reconnus mineurs10,
et confiés à l’aide sociale à l’enfance par une décision de justice. En 2002, on estime leur
9
Statistiques issus des rapports annuels de 2014 à 2019 de la MMNA disponible sur
http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/mineurs-non-accompagnes-12824/rapports-dactivite-
29333.html consulté le 25juillet 2021.
10 Les jeunes doivent faire la preuve de leur minorité et de leur isolement pour pouvoir être mis sous
protection de l’ASE. L’évaluation de la minorité et de l’isolement s’appuie sur « un faisceau d’indices »
composé notamment, d’une évaluation sociale sous la forme d’un entretien et d’examens radiologiques
osseux, à la demande de l’autorité judiciaire (Ministère de la justice et al., 2019 : 5). Le recours à la
biométrie, largement dénoncé par les acteurs associatifs et le défenseur des droits, fait l’objet de recours
(https://www.infomie.net/spip.php?breve6083 consulté le 11 juillet 2021).
13
nombre à 2000. Ce chiffre, stable jusqu’en 2013, est multiplié par plus de 8 en l’espace de
5 ans. Le nombre de mineurs pris en charge par l’ASE chute brutalement en 2020,
probable conséquence de la crise sanitaire.
Figure 2 : Nombre de mineurs non-accompagnés par tranche d’âge, sur l’ensemble du territoire11
Près de la moitié des mineurs isolés ont 16 ans, et vont devoir être scolarisés.
L’évaluation de leur maîtrise du français et de leur niveau scolaire au sein des centres
d’information et d’orientation, révèle qu’une partie non négligeable d’entre eux n’a pu
bénéficier d’une scolarité régulière et de ce fait, doit acquérir des compétences non
seulement linguistiques, mais également écrites, en lecture-écriture, parfois en numératie,
et plus généralement scolaires (Lemaire, 2013). Vu l’écart scolaire avec leur classe d’âge,
on estime qu’il n’est pas pertinent de les intégrer à une UPE2A-lycée comme prévu par la
Circulaire 2012-141 du 2 octobre 2012, mais qu’il faut créer des dispositifs spécifiques,
adaptés à leurs besoins d’apprentissage.
11
Rapport d’activité de 2019 de la Mission Mineurs Non Accompagné sur l’ensemble du territoire disponible
sur http://www.justice.gouv.fr/_telechargement/MMNA_RAA2019.pdf consulté le 11 juillet 2021
12
Circulaire n° 2002-100 du 25 avril 2002
14
d’accueil » – jamais explicitement qualifiée d’UPE2A dans la circulaire – semblent faire
l’objet d’un traitement différencié.
Nos entretiens avec des responsables du CASNAV, des enseignants et des élèves
nous ont permis de dresser un bref historique et un portrait de la situation actuelle sur
l’académie de Grenoble.
13
Ces structures bénéficient d’une grande autonomie tant au niveau de l’organisation de la scolarité que du
choix des intervenants.
15
associations14 (M.L. élève, 2MAC, entretien 5, annexe 3), de « préparation au stage » dans
des structures privées, comme les Charmilles (N. élève, 2PAR, entretien 6, annexe 3).
La mise en place d’une scolarisation adaptée aux besoins des EANA de plus de 16
ans et peu scolarisés antérieurement, se révèle fastidieuse dans certaines académies. En
effet, la latence inhérente aux périodes d’adaptation des services et de mise en place de
dispositifs, couplée au caractère précaire des UPE2A-NSA, se traduit souvent par un
manque de places et une attente d’affectation dépassant largement le mois prévu par la
circulaire 2012-141 du 2 octobre 2012 (Lemaire, 2013). Or, ces délais sont
particulièrement préoccupants pour ces élèves dont le parcours scolaire effectué sur le
territoire français, en termes de durée et de réussite, joue un rôle prépondérant dans leur
avenir en France.
Les deux types de formations privilégiées sont les CAP en lycée professionnel ou
en alternance en CFA. Cette dernière est recherchée pour sa sécurité financière (Lemaire,
2013), mais également parce qu’elle favoriserait l’obtention d’un titre de séjour15
(InfoMIE16). Pour autant, il semble y avoir rupture d’égalité concernant l’accès à ce type
de formation (Gouyer, 2016). D’une part, contrairement aux ressortissants français et de
l’Union Européenne, le contrat d’apprentissage étant un contrat de travail, les mineurs de
nationalité étrangère tierce doivent, après avoir trouvé un patron et signé leur contrat,
demander une autorisation provisoire de travail (APT) délivrée par les Directions
14
Notamment l’association 3aMIE
15
Avant le CAP Maçon à Deschaux, I.S a fait un CAP cuisine en alternance sous les conseils de sa référente
sociale (entretien 9, annexe 3)
16
http://www.infomie.net/spip.php?article1643 consulté le 11 juillet 2021
16
régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) 17
. D’autre
part, la circulaire 2016-01 du 29 janvier 2016, instaure un traitement de la demande d’APT
différenciée en fonction de l’âge de prise en charge par l’ASE des mineurs étrangers. Pour
les jeunes pris en charge avant 16 ans, le droit à la formation de tout mineur, sans
discrimination, prime sur la question de l’admissibilité au séjour de ces futurs majeurs18.
Pour ceux pris en charge après 16 ans, la hiérarchie s’inverse : la demande déposée en
préfecture n’est transmise à la DREETS qu’après examen de l’admissibilité au séjour
présumée à la majorité du requérant. Comme le montre Gouyet, et le dénonce le Défenseur
des droits en 2016, ces dispositions sont illégales à plusieurs niveaux, à commencer par la
Convention des Droits de l’Enfant (Défenseur des droits, 2016 in Gouyet, 2016). La
rupture d’égalité s’opère également au niveau du territoire, où les services régionaux et
préfectoraux ne traitent pas tous de la même manière ces demandes (Lemaire, 2013).
17
Anciennement, les Directions Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du
Travail et de l'Emploi (Dirrecte).
18 La demande s’effectue auprès de la DREETS qui en fait « un examen bienveillant ». La préfecture ne
vient qu’en deuxième instance, chargée uniquement de vérifier que « la présence de l’intéressé ne constitue
pas une menace à l’ordre public de nature à faire obstacle à une admission au séjour à sa majorité » (Annexe
8, Circulaire 2016-01 du 29 janvier 2016 : 17).
19
Deux élèves pris en charge à des âges différents ont pu bénéficier d’une autorisation provisoire de travail.
21
Cela a été le cas d’un de nos élèves, arrivé en cours d’année d’un CFA.
17
socio-économique des services sociaux qui se transforme en précarité à leur majorité. En
effet, au-delà de 18 ou 19 ans selon les cas, la prise en charge par l’ASE n’est plus un droit.
Une prolongation de la prise en charge peut être accordée de manière totale ou partielle
(sans hébergement par exemple) jusqu’à 21 ans. Ni systématique, ni pérenne, elle fait
l’objet de réévaluation régulière et peut être interrompue à tout moment (InfoMIE23).
Quel que soit le type de formation suivie – en alternance dans un CFA ou sous
statut scolaire en lycée professionnel – à partir de leur majorité, le statut et les conditions
de séjour de ces jeunes de nationalité étrangère changent. Bien que la poursuite d’études
engagées soit un droit, même au-delà de 18 ans, elle ne suspend pas l’obligation de titre de
séjour, ni ne garantit son obtention, comme le rappelle la circulaire 2002-063 du 20 mars
2002.
Ici encore, les procédures diffèrent selon l’âge de prise en charge par l’ASE. Pour
les mineurs confiés à l’ASE à plus 16 ans, il s’agit d’une démarche d’admission
exceptionnelle au séjour, dont les critères sont plus restrictifs, notamment au niveau du
parcours de formation (Ministère de l’Intérieur, 202124). Ces jeunes doivent justifier d’une
formation professionnelle qualifiante de plus de 6 mois. S’ils sont en alternance, ils
peuvent obtenir un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire », s’ils l’effectuent
sous statut scolaire, ils ne peuvent prétendre qu’à un titre de séjour « étudiant », plus
précaire (InfoMIE25). Dans tous les cas, le dossier scolaire est un élément clé du dossier par
lequel on juge de l’investissement, de la volonté et de la preuve d’intégration sociale,
linguistique et professionnelle des jeunes (Lemaire, 2008). Cela n’est pas sans
conséquence sur les enseignants qui témoignent dans nos entretiens de leur peine à trouver
une juste posture : prendre en compte leur situation sans tomber dans un simulacre de
formation, les considérer avant tout comme des élèves au risque de les stigmatiser comme
« migrant ».
« Effectivement le bulletin scolaire est important dans l’obtention de leurs papiers […] Et puis, il
y a cela aussi, tu vois, eux ils ont cette injonction d’être bon élève, d’avoir des supers
appréciations, même quand ils sont affectés dans des CAP, ils en ont parfois rien à faire, mais ils
n’ont pas le choix d’être là. Et il y a nous, professeurs, adultes, on essaye d’être bienveillant avec
eux, on sait que c’est important, mais parfois les exigences même si on les adapte, elles ne sont
pas là, et le couperet de la note tombe. Et j’essaye d’être juste par rapport à cela. Par exemple, si
23
https://www.infomie.net/spip.php?rubrique300 consulté le 7 juillet 2021
24
https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Immigration/L-immigration-familiale/Le-sejour-des-mineurs-
etrangers/La-delivrance-d-un-titre-de-sejour-aux-jeunes-majeurs-entres-mineurs-en-France consulté le 7
juillet 2021
25
http://www.infomie.net/spip.php?article6174; https://www.infomie.net/spip.php?rubrique206 ;
http://www.infomie.net/spip.php?article1643 consulté le 7 juillet 2021
18
l’élève a 9 ou 10, il ne va pas être content, il faut essayer de se dire, ce n’est pas grave, on va faire
autre chose, des remédiations pour améliorer la note. C’est un peu ambivalent parce qu’on est
professeur, on a toujours ces notes, on passe par cette opération de l’évaluation, mais aussi on est
des êtres humains, on connaît leur situation, c’est pas évident toujours d’avoir la bonne posture
entre le professeur qui va toujours mettre des supers notes, mais ce n’est pas révélateur du niveau
de l’élève et des exigences attendues pour l’examen, et puis à l’extrême le professeur qui ne va pas
du tout adapter et là c’est sûr leur niveau ne peut pas correspondre aux exigences de l’examen. »
(Mme N, Entretien 4, Annexe 5)
Si en théorie, tout mineur devrait effectuer une scolarité hors de toute contrainte liée à sa
nationalité, en pratique, l’horizon de la majorité et de son couperet administratif, prend en
otage le parcours scolaire d’une partie des EANA. Véritable course contre la montre pour
les mineurs confiés à l’ASE après 16 ans, on comprend que les délais d’affectation peuvent
être lourds de conséquences (Lemaire, 2013).
« […] quand je suis arrivée à P. l’année dernière, je me suis retrouvée avec une classe où 70%
étaient allophones, 40% n’avaient jamais tenu un stylo. Très vite j’en m’en suis rendu compte. Le
premier jour quand je leur ai demandé de faire la page de garde avec nom prénom et que je me
suis rendu qu’ils ne savaient pas s’orienter sur une page, qu’ils savaient même pas tenir un stylo,
j’ai fait ouf. Je ne sais pas où je suis tombée, mais ce n’est pas mon métier. […] soi-disant ils
venaient d’UPE2A et soi-disant ils avaient le Delf. Mais ils avaient clairement pas un niveau A1.
J’ai dû leur apprendre à lire et à écrire. Ils savaient les lettres, mais sans une aide ils étaient
incapables de comprendre. » (Mme A., entretien 3, annexe 4)
26
Ces moyens supplémentaires alloués ne sont pas toujours suffisants ou tardent parfois à se mettre en place
comme l’explique Mme A. (entretien 3, annexe 4).
19
Les élèves tâtonnent pour se construire des repères, en allant puiser dans leurs expériences
antérieures, scolaires ou non, pré-migratoires et migratoires (Armagnague, 2021). Or, les
dispositifs destinés aux EANA NSA-PSA, de plus de 16 ans, fonctionnent souvent en vase
clos, à la marge de leur établissement scolaire aussi bien en termes institutionnel,
organisationnel que spatial28. Si, comme tout dispositif spécifique, l’organisation de la
scolarité des UPE2A-NSA lycée et des MLDS-FLE diffère de la norme scolaire dominante
(dynamique de classe, contenus disciplinaires, enseignants différents, vie scolaire)
(Armagnague et al., 2019), contrairement aux UPE2A-NSA collège, ils ne sont pas tenus
d’organiser des temps d’inclusion en classe ordinaire29. Ces élèves, qui sont pourtant les
plus éloignés de l’école, se retrouvent confrontés à ces variations scolaires, sans transition,
lors de leur entrée en classe ordinaire. Or, le mimétisme fait partie du processus de
connaissances et d’appropriation d’un nouvel environnement, et « implique d’avoir des
« modèles » sur lesquels s’appuyer et qui font défaut dans le « cocon » dans l’UPE2A-
NSA » et, nous rajoutons, de la MLDS-FLE (Dias, 2020 : 56).
« Tu es obligé de connaître ses élèves, sans du tout être intrusif avec leur situation perso, mais tu
es obligé de savoir leur situation administrative, l’AJA31, pour les comprendre, pour leur scolarité,
28
A Grenoble, la majorité des UPE2A-NSA se situaient dans une aile isolée de l’établissement Mounier,
alors en rénovation.
29
Les préconisations de la circulaire n° 2012-141 du 2 octobre 2012 sur les pratiques d’inclusion à mettre en
œuvre dans les UPE2A-NSA ne concernent que les élèves sous obligation scolaire.
31
L’Accompagnement Jeunes Adultes est une modalité de prise en charge par l’ASE.
20
tu es obligé. […] On les accueille en individuel au début de l’année, mais ce n’est pas suffisant.
[…] il faut vraiment être carré au niveau de l’évolution parce que pour eux, ça peut changer très
rapidement, cela peut vite basculer. Et puis je pense qu’on ne travaille pas assez en équipe. Il y a
plein d’écueils qu’on pourrait éviter si on travaillait davantage en équipe. […] Plein de choses
pourraient améliorer cette grosse machine dans laquelle ils sont parfois un peu perdus, voire
broyés. » ( Entretien 4, Annexe 5)
« Comment, dans ce contexte, les mineurs isolés peuvent-ils apprendre sereinement et parvenir à
relever le défi d’une intégration linguistique et scolaire rapide ? Cette question se pose avec
d’autant plus d’acuité que la situation provoque incompréhension et colère chez des jeunes qui
peinent à comprendre pourquoi il leur est demandé d’une part de faire rapidement la preuve de leur
intégration linguistique et scolaire alors qu’ils tendent par ailleurs à être tenus en marge du
système éducatif français. » (Lemaire, 2013)
35
https://www.infomie.net/spip.php?rubrique300
37
Cette pression s’exprime en termes de temps (marquée par l’échéance de leur majorité), ensuite de volume
d’apprentissage (l’ensemble des connaissances et des compétences à acquérir), en enfin, du fait de ses
conséquences sur leur avenir en France (la place du dossier scolaire dans les démarches de régularisation)
21
Chapitre 2. Le contexte particulier du stage
Mon projet de stage est issu d’une commande du CASNAV liée à des besoins
préalablement identifiés.
1. La commande du CASNAV
Piloté par un inspecteur de l’éducation nationale de l’académie (IEN), l’équipe
académique du CASNAV compte une équipe de coordination pédagogique académique,
des chargés d’inspection auprès des enseignants en Français Langue Seconde (FLS) et
bien-sûr un secrétariat. Il est organisé en cinq pôles départementaux – Ardèche, Drôme,
Isère, Haute-Savoie, Savoie – placés sous la responsabilité de deux inspecteurs des services
départementaux, l’un pour le premier degré, l’autre pour le second, et supplée par un
coordination pédagogique départementale, qui selon les besoins compte deux personnes,
l’une en charge des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA), l’autre des enfants de
familles itinérantes ou de voyageurs (EFIV)38. C’est l’équipe de coordination pédagogique
académique qui identifie les besoins et les chantiers pouvant faire l’objet de missions de
stage, formule des commandes, recrute et encadre les stagiaires.
A Grenoble, les enjeux didactiques de la scolarisation des élèves allophones
concernent essentiellement les plus élèves de plus de 16 ans peu lecteurs-scripteurs, en
sortie de dispositifs spécifiques (UPE2A ou MLDS), d’abord au niveau de l’orientation,
puis du passage en contexte de scolarisation ordinaire. Orientés vers des voies
professionnelles (notamment les CAP) considérées comme moins exigeantes en termes de
prérequis scolaires et linguistiques, les élèves comme les enseignants des lycées
professionnels doivent s’adapter. Les premiers, sortis du « cocon », doivent se repérer dans
une nouvelle organisation scolaire et intégrer les attentes disciplinaires. Les autres doivent
prendre en compte les besoins d’un nouveau public devenu majoritaire dans certaines
filières et bien souvent sans formation préalable, mais parfois aidés d’enseignants de FLES
du CASNAV39.
Si, d’importants efforts ont été faits au sein du Casnav de Grenoble pour adapter
des supports aux élèves peu lecteurs-scripteurs des CAP, ils concernent essentiellement les
matières professionnelles. En effet, la réflexion et la production d’outils didactiques dans
38
https://casnav.web.ac-grenoble.fr/
39
Mme A, Entretien 3, Annexe 4
22
les disciplines scolaires générales, à destination des élèves allophones éloignés de l’écrit
reste en friche, notamment l’histoire-géographie-EMC. Les repères temporels et spatiaux
ainsi que la dimension conceptuelle de certaines notions, notamment les valeurs en EMC,
rendrait l’enseignement-apprentissage de cette discipline à des élèves ayant peu été
scolarisés antérieurement particulièrement ardu.
D’où la commande du CASNAV, consistant à créer des outils pédagogiques, à
destination des enseignants d’HG-EMC40 de CAP, qui permettent de rendre leur discipline
plus accessible aux élèves allophones éloignés de l’écrit, mais également de les préparer
aux examens du CCF41. Considérant que les supports pédagogiques écrits peuvent être un
obstacle supplémentaire au contenu disciplinaire, et que le CCF en HG-EMC consiste en
une épreuve orale, j’ai proposé de concevoir des outils favorisant l’oral comme moyen de
transmission des connaissances, mais également comme objet d’apprentissage, à travers un
projet radio.
C’est le lycée polyvalent Roger Deschaux à Sassenage qui acceptera de
m’accueillir en stage, aux côtés d’une enseignante de lettre-histoire et de français langue
étrangère et seconde (FLES) en CAP, auprès d’une seconde Peintre Applicateur de
Revêtement (2PAR) et d’une seconde Maçon (2MAC).
L’histoire du lycée polyvalent Roger Deschaux est longue, puisqu’il est l’héritier du
centre d’apprentissage en mécanique du bâtiment créé en 1945 à Sassenage, dans le
contexte de reconstruction de la France d’après-guerre (Deschaux, 2021)42.
L’établissement est particulièrement engagé auprès des élèves en situation de
vulnérabilité administrative ou économique. Des collectes de denrées et de vêtement sont
organisées, et le fond d’aide sociale est mobilisé pour payer la cantine ou l’internat au
besoin43.
40
HG-EMC : Histoire-Géographie-Education Morale et Civique
41
CCF : Contrôle en Cours de Formation
42
http://www.deschaux.com/ consulté le 15 juillet 2021
43
Il faut souligner que le fait d’accepter ou non des élèves à l’internat et d'en lever la barrière financière est
interne à chaque établissement. Certains élèves allophones, n’ayant pas eu accès à l’internat de leur lycée,
faute de ressources, ont trouvé refuge à Roger Deschaux bien qu’ils n’y suivent pas leur formation .
23
Mme N. dispense les cours de lettres et d’histoire géographie EMC à raison de deux
heures par semaine44. Ce nombre d’heures, extrêmement restreint, a été une contrainte tout
au long du stage pour la réalisation de notre projet. Également chargée de l’enseignement
du FLES dans l’établissement, le CASNAV lui alloue 6 heures de cours de FLES et 2
heures de co-enseignement en atelier par semaine.
44
En décembre 2018, les grilles horaires du lycée professionnel ont été modifié, les heures de lettres histoire
sont passés de 4h à 2h hebdomadaires (Journal Officiel n°0294 du 20 décembre 2018 texte n° 50).
24
Malinké Soussou Peul Soninké Arabe Italien
Albanais Anglais Bambara Turc Kurde
Figure 3 : Langues parlées et/écrites des élèves dont le français n’est pas langue première
Une partie importante des élèves parlent bambara ou malinké, deux langues
mandingues très présentes en Afrique de l’Ouest, d’où viennent les ¾ des élèves.
Pour ces élèves issus de pays anciennement colonisés par la France, où le français
constitue une langue officielle en usage dans le système scolaire, mais également dans la
vie sociale, les compétences antérieures scolaires et linguistiques (en français) se recoupent
en partie. I, élève en 2PAR, explique : « Si tu n’as pas fait l’école c’est pas possible pour
parler français au Mali. » (entretien 7, annexe 3).
En effet, la place du français dans les échanges quotidiens diffère au sein d’un
même territoire national, selon l’origine géographique (notamment urbaine ou rurale) et
l’environnement social des individus. Lors de nos entretiens, M.O, élève en 2MAC,
explique que l’exposition au français, par les médias notamment, ne permet pas elle seule
de maîtriser la langue (entretien 8, annexe 3) :
25
« C’est la France qui a colonisé le Mali, c’est obligatoire tu vas entendre le français, même dans
la brousse, la campagne, mais la plupart des gens ne comprennent pas le français »
La classe est représentative de ces disparités nationales, puisque sur cinq élèves
Guinéens, trois viennent de zones rurales, sont allophones et ont été peu scolarisés. Les
deux autres sont francophones, viennent de grandes villes et ont suivi une scolarité en
français pendant 10 et 12 ans.
Pour les élèves issus de pays où le français est une langue étrangère (l’Albanie, le
Kosovo et la Turquie), leur connaissance de la langue n’est pas liée à leur scolarisation.
Ceux-ci ont effectué un parcours scolaire régulier dans leur pays d’origine.
10 et plus
1 an (UPE2A-NSA)
8%
34%
jamais scolarisés /
moins d'un an /
cours du soirs
Figure 5 : Parcours scolaires des élèves allophones avant leur arrivée en CAP
Les parcours scolaires et les rapports au français des élèves allophones issus
d’Afrique de l’Ouest sont plus complexes. D’abord, au niveau des formes de scolarisation,
puisque parmi les élèves ayant été scolarisés, certains l’ont été en français, d’autres ont
fréquenté l’école coranique.
De plus, si plus d’un tiers des élèves allophones n’a jamais fréquenté d’institution
d’enseignement avant d’arriver en France, la majorité d’entre eux a pu développer des
connaissances écrites (en français ou en arabe) par le biais de cours du soir assurés par des
amis ou des membres de la famille eux-mêmes scolarisés.
Par ailleurs, la moitié des élèves ayant intégré une UPE2A-NSA avant leur arrivée
en CAP avaient déjà suivi une scolarité, plus ou moins brève, dans leur pays d’origine,
notamment en arabe, au sein d’une école coranique, pendant environ 6 ans.
Enfin, on peut mentionner le cas de deux élèves ayant rejoint le CAP sans jamais
avoir été scolarisés antérieurement.
26
Si les deux classes sont marquées par une hétérogénéité des parcours scolaires, des
compétences écrites et des connaissances en français, elles correspondent à des profils de
groupe-classe différents.
En 2PAR, 7 élèves sur 11 sont allophones (profils détaillés des élèves, Annexe 7).
Venant de zones rurales du Mali ou de la Guinée, la majorité d’entre eux n’a pas été
scolarisée avant d’arriver en France, et bien qu’ayant côtoyé le français, ce n’est pas une
langue dont ils avaient usage au pays. La découverte du système scolaire, de son
fonctionnement, ses codes et ses langages disciplinaires, se double donc d’un apprentissage
du français. Les 4 élèves francophones ont effectué l’ensemble de leur scolarité en France.
Ils rencontrent des difficultés d’apprentissage, d’orientation ou de décrochage scolaire et
vivent des situations sociales et familiales pas toujours simples.
En CAP maçonnerie, 7 élèves sur 9 sont allophones et bénéficient de cours de FLE
(Profils détaillés des élèves, Annexe 8). Ils ont tous été scolarisés antérieurement, mais de
manière plus ou moins longue. D’origines diverses, le FLS n’est pas une découverte pour
tous, notamment pour les élèves maliens et guinéens scolarisés en français, aux côtés du
bambara, malinké et soninké, utilisés comme langues d’enseignement. A l’image de la
diversité de leurs expériences scolaires et de leur répertoire langagier et discursif, les
ressources sur lesquelles s’appuient les élèves dans leurs apprentissages sont variées. Les
compétences en français favorisent l’entrée dans l’écrit pour certains, tandis que les
connaissances disciplinaires antérieures accélèrent l’apprentissage du français pour
d’autres. Cette classe rassemble donc des élèves allophones scolarisés antérieurement, dont
les besoins sont surtout linguistiques, et des élèves allophones dont le parcours scolaire
quelle qu’en soit la raison (brièveté, contexte d’enseignement-apprentissage, difficultés
d’apprentissage, mauvaise expérience scolaire) ne leur a pas permis d’acquérir le niveau
écrit et scolaire attendu pour leur classe d’âge en France. Les deux élèves francophones ont
effectué une scolarité en français en Guinée et au Mali. Bien qu’ils n’aient pas les mêmes
besoins au niveau scolaires et linguistiques que leurs camarades, ils partagent les mêmes
conditions de vie.
27
Chapitre 3. Formulation de la problématique et méthodologie de
recherche
Nous sommes arrivées sur notre lieu stage avec un objectif relativement précis, à
savoir, créer des outils pédagogiques, adaptés aux besoins des élèves allophones peu
scolarisés antérieurement, qui favoriseraient l’appropriation des connaissances
disciplinaires et des compétences orales attendues en HG-EMC au CCF. Bien que le projet
de stage discuté avec le CASNAV, évoquait l’utilisation du médium radiophonique, le
comment faire restait en réalité très flou notamment du fait de la nature transdisciplinaire
de ma mission.
Notre hypothèse est qu’en médiatisant, par l’enregistrement, les productions orales
en continu des élèves, on favorise le processus d’appropriation d’un discours scolaire, tant
au niveau de la construction de connaissances disciplinaires que des compétences
linguistiques et discursives liées à la planification et la structuration d’un oral monologué.
28
La conception de mon dispositif didactique et l’émergence de mon objet de
recherche provient d’un processus de réflexion ayant débuté dès mon arrivée sur le lieu de
stage. En effet, pour être en mesure d’appréhender correctement les besoins des
enseignants et des élèves, et ainsi de concevoir des outils pertinents et transférables aux
enseignants d’Histoire-Géographie EMC, un temps d’observation et d’enquête a été
nécessaire, me faisant ainsi entrer dans une dynamique de recherche-action.
Figure 6 : Schématisation du cycle de la recherche-action d’après Susman (1983, cité par Catroux, 2002)
29
Des phases de recueil et d’analyse de données alternent ainsi avec des phases
d’action qui en résultent dans un premier temps, et les nourrissent dans un second,
puisqu’en reconfigurant la situation, l’intervention produit de nouvelles données pour la
recherche.
Vu l’échelle de notre terrain de stage, un lycée et deux classes, nous avons adopté
une démarche ethnographique privilégiant des données qualitatives :
➢ des entretiens informels avec les enseignants et les élèves, de type exploratoire en
amont de la conception du dispositif didactique
30
Partie 2
Cadre théorique
31
Notre recherche se situant en didactique du FLSco, il nous parait indispensable de
commencer par définir les spécificités du langage en contexte scolaire. Identifier ses
différentes fonctions, pratiques et caractéristiques, nous permettra de mieux comprendre il
s’intègre aux processus d’enseignement-apprentissage des disciplines. Nous nous
intéresserons alors, plus précisément, au processus langagier de la construction de
connaissances des élèves qui tiendrait d’une transformation du discours.
Dans un second temps, nous essayerons de définir la place occupée par l’oral au
sein de la culture écrite qui est celle de l’école, d’abord comme moyen d’accès aux
connaissances, puis comme objet d’enseignement. Après avoir présenté quelques
approches et modèles didactiques de l’oral, nous nous pencherons sur les médiations
technologiques de son enseignement, à savoir l’enregistrement vocal.
Le concept de français langue seconde (FLS), plus tardif, émerge dans les années
80 pour décrire le type d’enseignement/apprentissage du français des pays d’Afrique
francophones (Cuq & Davin-Chnane, 2007). Il qualifie les situations où le français
s’apprend au cours d’une socialisation secondaire, souvent à l’école où il est la langue
d’enseignement, parce qu’il bénéficie d’un statut particulier lié à ses usages sociaux et à
32
son rôle dans le développement des individus (ibid). Loin d’être univoque, le FLS renvoie
à des situations multiples et particulières, souvent issues d’une histoire coloniale
(Verdelhan et al., 1999).
33
1.2. Le français langue de scolarisation (FLSco)
Ce sont les réflexions portées par la didactique sur les fonctions sociales de la
langue, plutôt que sur ses caractéristiques sociolinguistiques, qui vont définir le français de
scolarisation, dit FLSco, non pas comme une composante du FLS, mais comme une
fonction du langage transversale et commune au FLS et au FLM (Verdelhan-Bourgade,
2002). En croisant les regards de Verdelhan (2002 : 31), Chiss (2006) et Vigner (2009),
nous pouvons décliner la fonction de scolarisation de la langue en trois grands rôles :
51
Effectivement, la maitrise de la langue attendue par l’école a une fonction de socialisation qui dépasse le
cadre scolaire, puisqu’elle vise à étendre les pratiques socio-langagières des élèves à des usages sociaux de la
langue très divers – notamment écrit – hors de ses murs et de sa temporalité.
34
Il importe ici de mentionner que l’appropriation de la langue de scolarisation n’est
pas un processus équivalent pour tous les élèves, il peut être source de difficultés, sans que
cela ait à voir avec son statut de langue première ou seconde (Lahire, 2000).
Dès les années 60-70 les travaux de Bourdieu et de Passeron, montrent comment
l’origine sociale des individus conditionne de manière importante leur parcours scolaires
(cités par Jourdain & Naulin, 2011). La culture scolaire, dont la dimension langagière,
n’est pas neutre, et avantage ceux dont le capital culturel et l’habitus – ce système de
dispositions, qui est autant un schème de pensée qu’une structure cognitive et où
s’articulent représentations et comportements sociaux, dont le langage – hérités de la
famille, s’en rapprochent (Bourdieu cité par Barré de Miniac, 2015 : 76-77). Autrement dit,
si les usages linguistiques personnels de l’élève recoupent plus ou moins les usages
scolaires (Aase et al., 2009).
Cela étant dit, la situation des EANA qui doivent s’approprier les pratiques
langagières propres aux usages scolaires, dans une langue étrangère ou seconde, comporte
des enjeux spécifiques – mis en avant par le concept de FLSco et situé au cœur de la
didactique du FLS en milieu scolaire (Cortier, 2003). C’est l’objet de « l’enseignement du
FLE/FLS/FLSco » mis en place par le CASNAV pour répondre aux besoins linguistiques
et scolaires des EANA52.
Selon nos observations de terrain, sortis des dispositifs UPE2A-NSA, les heures de
FLE dont bénéficient les élèves en CAP portent surtout sur un traitement linguistique
(grammaire, conjugaison), phonétique et communicatif de la langue, et tiennent parfois de
l’alphabétisation. Les élèves bénéficient d’une heure de co-intervention dans les disciplines
professionnelles, tenant plus du français sur objectifs spécifique (FOS) que du FLSco.
L’enseignement des dimensions langagières des disciplines scolaires (français, histoire,
mathématiques), adapté aux allophones, repose entièrement sur les enseignants. D’après
nos observations, l’absence de formation, le manque d’accompagnement, les exigences du
programme, et les contraintes de temps, ne favorisent pas le développement d’une telle
didactique du FLSco.
52
https://CASNAV.web.ac-grenoble.fr/missions-0
35
2. De la langue de scolarisation aux discours scolaires
2.1 Une grammaire transversale aux discours disciplinaires
Le concept de genre discursif cherche à appréhender les productions langagières à
partir de leur contexte de communication, en identifiant les marques formelles par
lesquelles cet ancrage socioculturel s’exprime (Charaudeau et al., 2002). L’analyse « des
contenus, des structures communicatives et des traits linguistiques » permet ainsi
d’identifier le genre discursif propre à une communauté de communication (Claudel &
Laurens, 2016 : 3).
« Cette relative indéfinition des produits textuels attendus peut opérer comme « curriculum caché
» et s’avérer être contraire à l’équité. Il n’est d’autre solution que de décrire ces genres de discours
aussi finement que possible pour en rendre l’enseignement transparent. » (Beacco et al., 2010 : 26)
36
expliquer. Ces fonctions discursives correspondent à des séquences textuelles (orales ou
écrites), c’est-à-dire qu’elles ont une forme linguistique observable, d’ordre sémantique,
grammatical, syntaxique qui ne tient pas d’un genre discursif, mais en sont des
composantes (Beacco et al., 2010). Induites plus ou moins explicitement par les consignes,
ces fonctions discursives apparaissent comme un point d’ancrage en didactique du FLSco
puisqu’elles concentrent deux enjeux fondamentaux pour la réussite scolaire : la
compréhension des consignes et la résolution des tâches, notamment par la production
(oral ou écrit) d’un texte scolaire.
La compréhension des tâches scolaires ne peut donc pas toujours être résolue par
une analyse syntaxique – la place du verbe – et une explication sémantique – le sens du
verbe : elle sous-tend des opérations cognitives à réaliser dont la dimension langagière est
propre aux disciplines (sous forme de genres de discours) (Verdelhan-Bourgade, 2002).
Par extension, l’exécution d’une tâche scolaire sous la forme d’une production de texte
discursif (oral ou écrit) ne dépend pas seulement de la maitrise des formes linguistiques
correspondant aux fonctions discursives induites par la consigne. Elle requiert pour les
élèves de reconstruire le sens de l’énoncé, de modéliser puis d’effectuer les opérations
cognitives et langagières, pour produire un texte s’inscrivant dans le genre discursif
disciplinaire en question (Spaëth, 2008; Verdelhan-Bourgade, 2002).
37
Si les formes langagières des opérations cognitives sont définies par leur contexte
disciplinaire, dès lors, l’enseignement d’une grammaire transversale aux discours
disciplinaires atteint une limite. Tout en reconnaissant les aspects transversaux de la langue
de scolarisation, tant les orientations nationales en FLM53 que les préconisations
européennes en FLSco54 insistent sur la spécificité langagière de chaque discipline (Aase et
al., 2009; Jaubert & Rebière, 2011; Vigner, 2011) :
« La « question de la langue » dans l’enseignement des matières scolaires n’est pas à considérer,
comme souvent, comme relevant d’une sorte de responsabilité collective de tous les enseignants,
devant veiller ensemble et partout au bon emploi de la langue de scolarisation. Elle est, comme
cela a été montré, au coeur même de la transmission et de l’acquisition des connaissances et, à ce
titre, elle constitue une responsabilité spécifique des enseignants de disciplines et non une annexe
de l’enseignement de la langue comme matière. » (Beacco et al., 2010 : 18-19)
Selon Jaubert (2007) et Beacco (2010), il est nécessaire, pour appréhender les
discours disciplinaires, de s’intéresser au rapport qu’elles entretiennent avec les domaines
scientifiques dont elles émanent. Si l’organisation des disciplines scolaires ne correspond
pas à celle des champs scientifiques (Vigner, 2009), à l’exemple de l’histoire-géographie,
l’école a pourtant vocation à transmettre des connaissances élaborées et instituées
culturellement au sein de communautés scientifiques. Pour cela, les savoirs scientifiques
vont être réorganisés et transformés en savoirs scolaires de manière à les rendre
enseignables (Jaubert, 2007). La transposition didactique permet de mettre l’élève en
53
La réforme des programmes scolaires en 2002 fixe des objectifs langagiers propres aux disciplines (Jaubert
& Rebière, 2011; Vigner, 2011).
54
La division linguistique du Conseil de l’Europe.
55
Depuis 2005, la maîtrise de la langue fait partie du socle commun de connaissances et de compétences.
https://www.education.gouv.fr/le-socle-commun-de-connaissances-de-competences-et-de-culture-12512
38
situation de reconstruction des savoirs, passant par une appropriation d’outils techniques,
cognitifs et langagiers. De la même façon que les connaissances scientifiques se
construisent au sein de communautés discursives scientifiques, partageant des pratiques
socio-langagières, la reconstruction de savoirs disciplinaires et l’appropriation d’outils
s’élaborent par le biais d’activités langagières au sein de la classe :
« Cet espace socio-discursif qui transpose, au niveau de l’école, celui des communautés
discursives de référence, nous l’appelons communauté discursive disciplinaire scolaire. » (Jaubert,
2007 : 115).
« La construction de la signification des savoirs est indissociable de leurs usages dans des
contextes sociaux donnés, c’est-à-dire des pratiques sociales qu’ils instrumentent » (Jaubert, 2007 :
83).
39
instrumentées par l’écrit que les modes de connaissances scientifiques s’extraient de
l’expérience immédiate et subjective. Il s’agit de représenter le réel en objet de savoir, issu
d’une expérience partagée et validée par une communauté, tout en discutant des modalités
d’élaboration de ce savoir (Vigner, 2009).
Dans le cas des élèves peu scolarisés antérieurement, la difficulté ne se situe donc
pas au niveau de l’abstraction en soi. Elle réside plutôt dans la pratique d’une dialectique
scolaire, qui consiste à passer de pensées concrètes et abstraites à une pensée abstraite
structurée par l’écrit et sur lequel se fondent les pratiques d’enseignement-apprentissage
scolaires (Vygotski cité par Thullier, 2008 : 80).
A l’étape de conception, l’objet disciplinaire est appréhendé par les élèves à partir
de leurs représentations premières, forgées par leurs expériences et leurs connaissances
antérieures58. Suite à la phase de verbalisation, où les élèves construisent leur
compréhension à partir de répertoires discursifs et langagiers disponibles, vient la phase de
58
En effet, les connaissances ne se transmettent ni ne se développent ex-nihilo. Elles ne sont jamais
absolument « nouvelles » puisqu’elles sont le fruit d’une transformation et d’une complexification d’un
réseau de savoirs préexistant, propre à chaque individu. Ce processus de métamorphose, qu’est
l’apprentissage, s’amorce donc d’abord par la mobilisation des ressources des élèves, leurs « concept
spontanés » issus de l’expérience subjective et dont le mode d’élaboration n’est pas réflexif (Vygotski cité
par Jaubert, 2007 : 81), et leurs connaissances antérieures provenant d’une transmission institutionnalisée ou
non du savoir (dans d’autres systèmes scolaires, à l’école coranique par exemple).
40
reformulation, où émerge de manière plus stable le « concept scientifique » en empruntant
au genre discursif disciplinaire.
Dans un contexte de FLS, il faut être vigilant à donner aux élèves allophones les
« possibilités linguistiques » d’exprimer leurs connaissances antérieures (Verdelhan-
Bourgade, 2002 : 229). La mise en contexte de l’objet de savoir dans des situations de la
vie quotidienne, culturelle ou sociale, pouvant faire l’objet d’une expérience immédiate
s’avère parfois nécessaire pour constituer un répertoire lexical permettant de le nommer,
d’en partager ses représentations initiales, à l’étape de conception, puis d’en formuler de
premières explications à l’étape de verbalisation.
D’autant plus que certains élèves considérés comme peu scolarisés, ont été
scolarisés et parfois en français, plusieurs années dans leurs pays d’origine. Il ne faudrait
donc pas recourir a priori, du fait de leur allophonie ou de leur fréquentation d’un autre
système scolaire, à des détours pédagogiques en ignorant leur culture scolaire antérieure.
41
3.3 Secondarisation du discours et institution du sujet scolaire
42
production du discours, le « je-ici-maintenant » (Beacco et al., 2010; Jaubert, 2007). Les
points de références énonciatives, situés dans un monde de référence extérieur au sujet
parlant, s’expriment par des marques langagières qui peuvent être de la terminologie
disciplinaire, des pronoms personnels (il), des termes génériques, des formes de
localisations dans le temps et l’espace, des articulateurs logiques, l’expression de la
certitude (les modaux, le présent de vérité générale) (Beacco et al., 2010).
60
Concept développé par Moise et Mugny, dans la lignée du socioconstructivisme de Vygotski, un conflit
socio-cognitif correspond à une situation où, confrontés à une autre interprétation du réel, les schèmes de
pensée d’un individu sont mis en contraction interne (Barnier, 2005). Le processus d’apprentissage
correspondrait à un double mouvement de déstructuration et de restructuration des structures cognitives leur
permettant de retrouver de la cohérence et une intelligibilité du réel..
43
Ce processus d’orchestration de l’hétéroglossie par lequel le sujet scolaire
s’institue, se caractérise dans le discours des élèves par certaines formes langagières
(Jaubert, 2007).
« Dans cette perspective, construire le sens des énoncés, c’est repérer l’ensemble des indications
concernant leur énonciation, c’est-à-dire identifier et prendre en compte la provenance sociale des
différentes voix, les sujets ou les entités sociales qui pourraient en être à l’origine, repérer celles
qui sont clairement assumées et celles qui sont mises à distance, clarifier les responsabilités
énonciatives. » (Jaubert, 2007 : 103)
Plus les élèves s’approprient le savoir, moins les positions énonciatives, leurs
discours, leurs modes de connaissance et leurs représentations du réel, ne rentrent en
concurrence ou se juxtaposent. Les différentes « voix » sont identifiables, mais
hiérarchisées, et incorporées au sein du discours scolaire.
44
« Il met en scène tous les langages de la classe et les points de vue qu’ils expriment en
leur assignant différentes valeurs pour les hiérarchiser et les orienter de manière
convergente, au service du point de vue scientifique » (Jaubert, 2007 : 148)
Le processus d’appropriation d’un savoir et d’un discours scolaire, passe donc par
un changement de posture énonciative, mais également une évolution du niveau de
formulation (Vigner, 2009). L’inter-discours devient de plus en plus général et précis. Il
s’éloigne du narratif, vers le descriptif et finalement l’explicatif.
45
Chapitre 5. L’oral à l’école
Au contraire de l’écrit autour duquel se structure les apprentissages scolaires, l’oral
occupe une place plus floue. C’est pourtant l’activité langagière la plus présente dans les
classes : la transmission et la construction de connaissances sont bruyantes. Bien que
l’interaction orale soit au cœur des pratiques scolaires, on peine à envisager la production
orale comme un objet de connaissances et de compétences à enseigner, alors même qu’elle
est l’objet d’évaluation officielle, lors des examens comme le CCF en CAP.
La recherche en didactique du FLM a cherché à définir cet objet scolaire non
identifié, afin de proposer des pistes pour son enseignement qui, comme nous le verrons,
oscille entre autonomie et intégration aux disciplines. Peut-être parce qu’elle peine à
s’institutionnaliser, la didactique de l’oral se révèle être un espace d’expérimentation, qui
mobilise une diversité de médiations pédagogiques, sur lesquelles nous appuyer dans notre
propre démarche de recherche-action.
1.1 La compréhension orale des discours pédagogiques, une priorité pour les EANA
46
sous la forme du cours magistral, ou dialogué, est d’abord un « méta-discours » puisqu’il
s’agit essentiellement de commenter un objet, un document, le plus souvent sous forme
écrite (Vigner, 2009). De plus, il est le plus souvent de nature oralographiques, puisque
que les commentaires oraux s’articulent à de l’inscrit (Cherqui & Peutot, 2015).
« Le paradoxe de l’école tient à ce qu’elle ne fonde la transmission des savoirs que sur une scripta,
c’est-à-dire un outil d’inscription des savoirs dans une codification particulière, cette scripta pour
autant n’est accessible que par la médiation de l’oral, par l’activité réflexive qu’elle engendre,
activité qui passe par l’échange entre locuteurs co-présents » (Vigner, 2009 : 52)
61
Mme N. a recours à l’enregistrement de consignes (Entretien 1, Annexe 1), mais ce n’est pas une pratique
isolée. Le CASNAV de Créteil le recommande : https://CASNAV.ac-
creteil.fr/IMG/pdf/8._conseil_inclusion_mlfl_an.pdf
47
soulignent la surdétermination de la construction de connaissances par des formes
langagières normées et mettent en garde contre la stigmatisation sociale et le renforcement
des rapports de domination culturelle qu’il peut en résulter (ibid). Plutôt que d’évaluer la
conformité normative des discours, les recherches sur les rapports entre « les traces
linguistiques et les opérations psycho-linguistiques » se sont alors complexifiées en
s’intéressant aux actes de verbalisation et d’argumentation présents dans les interactions
orales et leurs rôles dans le processus de construction de connaissance (ibid).
Apprise par la majorité des élèves en dehors de l’école, la maîtrise de la langue de
scolarisation à l’oral est considérée par l’institution comme un acquis sur lequel les
enseignements peuvent s’appuyer, notamment à l’écrit. L’oral apparait comme la forme
langagière privilégiée de l’expression des représentations et des concepts spontanés des
élèves, par laquelle s’amorce le conflit socio-cognitif. Pour les élèves allophones, la
situation est différente, puisqu’ils ne disposent pas nécessairement des outils linguistiques
nécessaires pour s’exprimer.
Si, « enseigner n’est pas transférer des connaissances, mais créer les possibilités
pour sa propre production ou construction » (Freire, 2013 [1996] : 63), alors la langue de
scolarisation remplit une fonction symbolique qui permet aux élèves de devenir les
énonciateurs de leurs propres connaissances.
48
permettant ainsi d’exister, d’actualiser ce qu’il est et de se découvrir autre (Anderson,
1999).
La dimension ontologique de la langue qui se réalise dans l’acte d’énonciation,
fait donc partie du processus d’appropriation de connaissance puisqu’il ne peut se passer
de la subjectivité de l’apprenant. La langue de scolarisation ne peut donc se réduire à un
instrument, une technique, une extériorité à maitriser. Pour les EANA, devenir énonciateur
en classe confère du sens aux objets d’apprentissage, mais également aux formes
linguistiques qui en permettent la formulation (Anderson, 1999).
La priorité donnée à l’oral dans la progression didactique (conception,
verbalisation, reformulation) revêt une dimension particulière pour les élèves allophones
en général, et pour ceux peu scolarisés antérieurement en particulier. D’une part, elle
permet aux élèves éloignés de l’écrit de se constituer en sujet scolaire, sans faire de la
forme écrite la seule forme d’énonciation légitime. D’autre part, dans un contexte
d’enseignement où les élèves ont plus de 16 ans, et sont même majeurs pour la plupart,
l’importance donnée à l’étape de conception répond à des problématiques didactiques
issues de l’andragogie : la nécessité non seulement de considérer, mais de mobiliser les
connaissances et les expériences des apprenants dans le processus de formation62. Ainsi,
dans la perspective de Paulo Freire (1976), l’alphabétisation ne devrait pas consister pour
les apprenants à « recevoir passivement une connaissance préfabriquée établie une fois
pour toute », mais plutôt à «s’approprier une connaissance existante [et inachevée] destinée
à être approfondie », et qui ne prend consistance qu’à travers leur subjectivation.
Prioriser l’oral dans un contexte d’enseignement disciplinaire avec des EANA
NSA-PSA revient à prioriser l’émergence du sujet en langue de scolarisation (en étayant
linguistiquement l’acte d’énonciation au besoin) et ainsi la création de sens des
apprentissages, et ainsi la « capacité de conceptualisation scolaire ».
S’il était omniprésent dans le contexte scolaire, l’oral peine à se constituer en
objet d’apprentissage explicite. Bien que la volonté institutionnelle soit là, un certain
nombre de difficultés rendent la didactisation de l’oral délicate. Outre le fait qu’il soit
moins évident de le considérer comme un objet d’enseignement qu’un acquis sur lequel
s’appuyer (surtout en FLM), le langage oral pose des questions didactiques spécifiques.
62
https://lire-et-ecrire.be/Qu-est-ce-que-l-alphabetisation#Notre-vision-de-l-alphabetisation consulté le 20
août 2021
49
« […] il faut peut-être se demander pourquoi elle [la didactique de l’oral] est à la fois si vivace et
si fragile, alors même qu’on ne cesse d’affirmer l’importance des enjeux liés à la parole, et à quels
problèmes elle doit se confronter pour progresser. Je dégagerai deux points : la difficulté de penser
la dimension normative de la didactique, et d’autre part la difficulté de penser la dimension
ergonomique des pratiques enseignantes relatives à l’oral. »(Nonnon, 2011 : 193 )
Les variations de langue et les questions de légitimité sociale qui l’accompagnent, son
immatérialité et sa transversalité rendent l’oral difficile à définir en termes d’objectifs et
expliquent aussi le manque de modèles didactiques et de matériels pédagogiques à
disposition des enseignants (Garcia-Debanc & Delcambre, 2001).
50
et de fluidité, se cachent ainsi des attentes inatteignables, celle d’un locuteur-auditeur
idéal. Affranchi « de la nature auditive et linéaire de l’oral », la valeur de sa performance
se mesurerait à l’effacement de toutes traces de la pensée qui s’élabore à mesure qu’elle
s’énonce (hésitations, reprises, répétitions) (Dolz & Schneuwly, 2009 : 55).
Cependant, une telle vision repose sur une scission entre oral spontané et écrit
élaboré, qui mérite d’être nuancée (Blanche-Benveniste & Bilger, 1999). Plutôt que de
penser l’oral scriptural à partir d’un rapport de domination de l’oral sur l’écrit, il faudrait
l’imaginer, comme un spectre mouvant, sur ce continuum entre oralité et littéracie, dont la
« pureté » des extrémités sont des fictions théoriques (Laparra & Margolinas, 2012). Les
registres et les genres discursifs oraux sont multiples, ils ne sauraient être réduits aux
interactions de la conversation ordinaire et aux caractères spontanés voir désorganisés
qu’on lui prête (Blanche-Benveniste & Bilger, 1999). Les élèves possèdent un répertoire
discursif oral composite (qui n’est pas nécessairement tributaire de celui écrit) et qu’il
s’agit pour l’institution scolaire de diversifier (Beacco et al., 2010).
Dès lors que les langages oral et écrit se développent en relation, dans des formes
d’interaction spécifique à chaque situation de communication, fonction du langage, objectif
communicatif et genre de discours, alors l’idée d’une didactique de l’oral absolument
indépendante de l’écrit semble peu pertinente (Dolz & Schneuwly, 2009). C’est au
contraire à partir « des rapports très variables qu’elles entretiennent avec l’écrit » que les
pratiques langagières orales devraient être abordées en classe (ibid : 62). Lafontaine (2016)
considère l’enseignement de la communication orale formelle comme « le volet oral de la
littéracie ».
51
Ces pratiques langagières orales scripturales, issues d’un certain rapport au monde
médiatisé par le langage écrit, n’existent pas uniquement dans le cadre scolaire, mais sont
socialement situées. Normes langagières et culturelles dominantes, elles apparaissent
comme une ressource favorisant l’intégration et à la mobilité sociales et professionnelles.
Cette qualification de l’oral à enseigner à partir des besoins communicatifs des élèves a
conduit au développement d’une didactique de l’oral basée sur des genres sociaux formels .
Partant du principe, que le rôle de l’école n’est pas d’enseigner les formes
langagières orales situées dans les interactions quotidiennes et privées, mais celles liées à
la vie publique (y compris scolaire), Dolz et Schneuwly (2009) proposent de didactiser les
genres formels publics. Scolaires ou non, ceux-ci sont marqués par de fortes contraintes
extérieures à la situation de production immédiate, ainsi que par la complexité énonciative
de l’hétéroglossie. Ces genres oraux particuliers ne s’improvisent donc pas et nécessitent
un travail d’anticipation et de planification.
Les séquences didactiques consistent donc à enseigner aux élèves un genre oral
formel public particulier (l’exposé, l’interview, le débat…), dans une pédagogie de « la
modélisation » inspirée de la didactique des langues, et notamment du FLE. En effet, les
genres sont enseignés en contexte, à partir de documents authentiques. Dans une démarche
52
inductive, les élèves écoutent des extraits audios à partir desquels observer, déduire et
formaliser le fonctionnement discursif et linguistique du genre. La didactisation du genre
concerne trois domaines : la situation de communication, l’organisation interne du texte
oral et les caractéristiques linguistiques.
« [les genres oraux] ne constituent pas une passerelle pour l’apprentissage d’autres conduites
langagières (l’écrit ou la production écrite) ou non langagières (en rapport uniquement avec
d’autres savoirs disciplinaires) » (Dolz & Schneuwly, 2009 : 69)
Lafontaine (2016) propose un modèle didactique qui ancre les activités langagières
ni dans un contexte disciplinaire, ni dans un genre de texte oral, mais dans un projet de
communication orale. Sans s’y référer, son modèle s’inscrit dans une perspective
actionnelle, autour d’une tâche telle que définie par le CECRL (Conseil de l’Europe, 2001:
16 ) :
« Est définie comme tâche toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme devant
parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir,
d’un but qu’on s’est fixé. Il peut s’agir tout aussi bien, suivant cette définition, de déplacer une
armoire, d’écrire un livre, d’emporter la décision dans la négociation d’un contrat, de faire une
partie de cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en langue
étrangère ou de préparer en groupe un journal de classe. »
Les « objets d’oral » qui vont être explicitement enseignés correspondent aux
compétences orales nécessaires à la réalisation de cette tâche. Si le projet peut intégrer
d’autres compétences disciplinaires pour sa réalisation, elles ne sont pas forcément
langagières, et surtout ne fondent pas le sens de l’activité.
63
La zone proximale de développement est un concept développé par Vygotski, qui correspond à cette
situation-problème située à la lisière de l’intelligibilité de l’apprenant et dont l’appropriation nécessite une
médiation, souvent celle de l’enseignant.
53
des élèves, les genres étudiés sont majoritairement issus de contextes non-scolaires.
D’autre part, parce que l’approche par tâches de ces modèles didactiques établit un rapport
utilitaire du langage. Or, l’une des spécificités du FLSco et des discours oraux formels, se
situe justement dans la fonction heuristique du langage.
De prime abord, l’enseignement de l’oral par les genres parait aborder les pratiques
langagières orales en contexte, via l’utilisation de supports authentiques ou la mise en
place de projet de classe concret. Pourtant, ses objets et ses moyens d’enseignement posent
des questions de contextualisation puisqu’il s’agit pour les élèves de reproduire un genre
formel public souvent hors de son contexte d’usage (Dolz-Mestre et al., 1993).
54
langagière nécessaire à y prendre part, peu importe la décontextualisation initiale (Dolz-
Mestre et al., 1993).
« Notre école dissocie l’apprentissage des pratiques langagières des contenus disciplinaires.
Apprendre à produire une explication scientifique se fait éventuellement en sciences, apprendre à
expliquer se fait en classe de français. Or comment expliquer quand il n’y a rien à expliquer ?
Dans quel interdiscours construire sa parole singulière ? Quelles instances énonciatives, quelles
voix mettre en interaction ? » (Jaubert, 2007: 158)
Par ailleurs, selon Nonnon (2011), l’approche par le genre discursif serait trop
restrictive. En enfermant les pratiques langagières dans des canevas discursifs et
linguistiques, elle ne favorise pas la transférabilité des compétences orales. Plutôt que de
partir de genres, elle propose de partir de situations concrètes d’apprentissage en
s’intéressant aux conduites discursives.
55
Les conduites discursives correspondent aux formes langagières par lesquels le
locuteur construit et transforme l’objet de son discours (Garcia-Debanc & Delcambre,
2001). Ces conduites de narration, d’explication, de définition etc. composent les pratiques
cognitives et langagières disciplinaires.
Pour l’enseignant, il s’agit de mettre en place les conditions dans lesquels les
élèves puissent les mettre en oeuvre. Il s’agit essentiellement de scénarios, c’est-à-dire
d’activité cognitive et langagière disciplinaire ritualisée (Bruner 1983/1987 cité par
Jaubert, 2007 : 254). Le caractère familier de l’activité permet aux élèves de s’approprier le
cadre communicatif, de se représenter la situation de communication et d’en maîtriser les
normes. L’établissement de repères communicatifs stables permet de réduire la charge
cognitive, d’organiser une progression et de sécuriser les élèves dans leurs prises de parole.
« Un oral épisodique ne ferait que confirmer ce que certains savent déjà faire et ce que beaucoup
n’ont pas appris à faire. La répétition, la régularité, même la ritualisation sont indispensables pour
qu’il y ait apprentissage et évaluation d’une progression, sur des objectifs ciblés, d’un compte
rendu à un autre, d’une présentation de livre à une autre... […] » (Nonnon, 2011 : 203)
Les élèves, étayés par l’enseignant, peuvent alors se concentrer sur l’objet de
discours disciplinaire en lui-même, explorer les positionnements énonciatifs et les
conduites discursives disciplinaires qui permettent de le construire (Jaubert, 2007). La
progression passe par la réduction de l’étayage64 de l’enseignant, la prise d’autonomie des
élèves, et la complexification des tâches discursives dont se composent les scénarios
(Garcia-Debanc & Delcambre, 2001).
« Pour que l’oral ne soit pas perçu comme récréatif, conversationnel et s’évaporant dans l’instant,
mais comme travail, il faut rendre perceptible une dimension d’effort, de confrontation à des
contraintes, de seuils franchis, ce qui suppose de réfléchir aux variables des tâches proposées et à
la progression des obstacles qui permettrait de doser leur complexité pour la verbalisation. Mais il
s’agit de curseurs qu’on déplace de proche en proche, plus que de tâches massives et
spectaculaires, non progressives, qui mettent les moins aisés en situation de surcharge et de
discrédit face aux autres. En même temps, ces contraintes et ces seuils, qui supposent une certaine
distance au langage spontané ne peuvent être calqués de façon rigide sur des modèles trop formels
qui seraient définis artificiellement a priori, faute de perdre leur opérationnalité et leur potentialité
de transfert. » (Nonnon, 2011 : 204)
64
Concept développé par Bruner (1983), il correspond à la médiation langagière d’un tuteur (l’enseignant)
qui permet à l’enfant (l’élève) de réaliser des tâches langagières qu’il ne pourrait réaliser seul, situé dans sa
zone de développement proximal. Cette médiation langagière prend la forme d’une interaction.
56
En situation de FLS, où les élèves ont peu été scolarisés antérieurement, la
question du sens est primordiale. L’ancrage disciplinaire de l’enseignement de l’oral
semble particulièrement pertinent. Cependant, dans un contexte où les références
culturelles et intellectuelles des élèves NSA-PSA ne se sont pas ou peu construites au sein
d’un système scolaire, il semble intéressant d’inscrire les disciplines, leurs objets et les
discours qui les construisent, dans un monde social plus vaste que celui scolaire. Cette
mise en relief éclaire les élèves sur leur signification sociale, leur permet de faire sens avec
le travail scolaire, étayant ainsi le processus de fictionnalisation des pratiques langagières
scolaires.
65
Cadre Européen Commune de Référence pour les Langues
66
Concernant l’histoire, par exemple, à partir des situations de communication sociales (ex : un reportage
historique) et scolaires (ex : présentation d’un document) qui s’y rapportent, un certain nombre de genres
discursifs historiques jugés faire partie de son enseignement sont identifiés. L’analyse des textes oraux ou
écrits (la forme stabilisée et objectivable du discours) permet de repérer des régularités à partir desquelles
définir des caractéristiques structurelles, lexicales, discursives qui feront l’objet d’un enseignement explicite.
Il s’agit alors de décrire les compétences rhétoriques et linguistiques qu’impliquent leur réception et/ou leur
production (Beacco, 2010 : 22 ).
57
En milieu scolaire, l’oral oscille entre objet d’enseignement et moyen de
transmission, et ses modèles didactiques entre l’autonomie d’une approche par genre et
l’ancrage disciplinaire des conduites discursives. Afin de s’affranchir des lignes de
fractures qui opposent, nous souhaitons extraire de ces pratiques d’enseignement les
différentes formes d’étayage qui accompagnent l’émergence d’une parole scolaire et le
processus de construction de connaissances qui y est lié.
67
Hammond (2001) cité par Thürmann et al. (2010 : 39)
58
Si les genres de références ciblés par Hammond (2001) sont écrits, le modèle
didactique de Dolz et Schneuwly montre que l’approche par genre est tout aussi valable
pour les textes oraux, notamment les genres formels publics qui peuvent être considérés
comme des oraux scripturaux selon la définition de Lahire.
3.2 L’approche par genre de texte oral : une médiation vers l’écrit
Partageant un cadre communicatif proche, distancié des interactions, les
monologues écrits ou oraux requièrent des exigences similaires en termes d’énonciation et
de structuration (Dolz-Mestre et al., 1993). Ils ont donc des processus d’élaboration
proches, comprenant, entre autres, une étape de planification. L’approche par genre de
texte oral pourrait donc avoir une double fonction pour les élèves allophones peu scolarisés
antérieurement : soutenir l’accès aux contenus et aux méthodes disciplinaires, mais
également l’entrée dans l’écrit. Si, dans le milieu scolaire et scientifique, les fonctions
heuristiques de la langue sont liées à la culture écrite, elles ne passent pas uniquement par
des pratiques langagières de forme écrite. Par conséquent, le développement d’un rapport
méta- au langage, nécessaire à l’appropriation d’une langue de scolarisation, pourrait être
abordé par l’oralité. La médiation en pédagogie étant « l’ensemble des aides ou des
supports qu’une personne peut offrir à une autre personne en vue de lui rendre plus
accessible un savoir quelconque. [...] » (Raynal et al., 2014 : 220), la modélisation d’un
texte monologué oral, type exposé, pourrait agir comme un dispositif didactique de
médiation vers l’écrit.
59
3.3 Les médiations pédagogiques instrumentées de la didactique de l’oral
« [la] médiation désigne à la fois ce qui, dans le rapport pédagogique, relie le sujet au savoir et
sépare le sujet de la situation d’acquisition. Elle assure ainsi, contradictoirement, mais
indissolublement, la transmission du savoir et l’émancipation du sujet. » (Meirieu,1987 : 187 cité
par Rézeau, 2002 : 7)
Or, les médiations qu’elles soient directes (dans l’interaction sociale avec les
enseignants ou les pairs) ou instrumentées ne sont ni neutres, ni transparentes. Elles
prennent de la distance et donnent de la consistance à certaines dimensions de l’objet de
savoir que l’expérience immédiate ne permet pas toujours. Plus qu’un outil d’usage,
l’instrument est « un outil de perception » (Rézeau, 2002).
60
& Schneuwly, 2009). Pour les tenants d’un enseignement de l’oral autonome,
l’enregistrement des productions orales comme outil et support de travail est indispensable
car il permet aux élèves de « s’écouter et de se rendre compte de leurs progressions »
(Lafontaine, 2016: 42). Cela n’est pas sans rappeler l’importance pour Jaubert (2007) de
travailler sur les inter-discours et les brouillons car ils sont le lieu de construction de
connaissances.
Les modalités d’évaluation occupent une part importante des réflexions sur la
didactique de l’oral, notamment du fait de sa difficulté normative. Plutôt que d’appliquer
aux productions orales des normes d’usage ou d’excellence, Nonnon (2011) suggère
d’identifier avec les élèves ce qui dans le discours facilite ou fait obstacle à la
compréhension. A partir de l’expérience partagée de la réception d’un discours oral, en
partant du sens, on discute des éléments de contenu et de forme, qui dans ce contexte
permettent de le comprendre :
« Le travail d’élucidation est sans doute à faire, moins par déduction des normes génériques à
partir d’un modèle des conduites de référence qui serait objectivé par la didactique, que par
élucidation et affinement des jugements évaluatifs en situation, puisque les pratiques orales sont
des pratiques partagées dans des contextes qui en déterminent les enjeux pour les interlocuteurs.
La qualité d’une production discursive particulière n’est pas alors pensée d’abord comme
adéquation à des normes externes, comme respect de critères préétablis, mais comme rapport
instable entre différents niveaux du discours, qui suscite à l’écoute un équilibre spécifique entre
tension et concordance, et repose sur l’interaction de nombreux critères hétérogènes. On ne
comprend pas, en tant que destinataire, ce qui est dit d’une situation, d’un événement ou d’une
histoire, qu’est-ce qui fait qu’on comprend mal (ce peuvent être des éléments d’ordre très
différent), comment faire pour qu’on comprenne ? » (Nonnon, 2011 : 146).
61
Ces dispositifs techniques ont une fonction de médiation épistémique au sens où il
donne à percevoir et donc à construire un rapport à l’oral, impliquant, d’une part, une
conscience langagière relative à son fonctionnement métalinguistique et discursif, et
d’autre part « une logique de connaissance » (Cherqui & Peutot, 2015 : 135). Or, en FLS,
dans un contexte où les élèves sont éloignés de la culture scolaire et écrite, notre hypothèse
est que l’enregistrement vocal pourrait être une médiation appropriée à l’enseignement-
apprentissage des compétences scolaires liées à l’oral monologué.
62
Partie 3
œuvre et évaluation
63
Chapitre 7. Conception d’un dispositif d’enseignement de l’oral
1. Etats des lieux des besoins et pratiques
Suivant une démarche de recherche-action, la première étape de conception de
notre intervention didactique a consisté à établir, au moyen d’observation et d’entretiens
informels et semi-directifs (grille entretien enseignant, annexe 1), un état des lieux des
besoins spécifiques aux élèves allophones peu scolarisés antérieurement, et les pratiques
enseignantes qui y répondent, avec une attention particulière à l’enseignement-
apprentissage de l’oral en histoire-géo, EMC.
Pour autant, les enseignants mettent en garde contre une adaptation fonctionnelle,
qui en répondant qu’à des besoins concrets appauvrirait le contenu de la formation. C’est
68
L’enseignante de FLES envoyée par le CASNAV pour soutenir les enseignants disciplinaires.
69
Mme N, Entretien 4, Annexe 5
64
une certaine idée de l’école et de sa vocation, qu’ils défendent, à savoir ouvrir les élèves à
d’autres perspectives que le connu ou la gestion du quotidien :
« Et en même temps ce qui me parait indispensable, essentiel, moi je suis prof quand même de
français histoire géo, il faut les faire rêver, faut sortir du… faut inventer un possible, faut penser à
d’autres horizons. C’est cela qui est un peu délicat, faut pas tomber non plus dans le… je vais
t’apprendre à rédiger une lettre pour aller à la préfecture. » (M.F, Entretien 2, Annexe 3)
« Je l’ai utilisé en EMC quand on a travaillé les symboles de la République, les symboles de la
république c’est quoi, l’hymne, la fête nationale et alors dans ton pays est-ce qu’il y a un hymne,
65
et on va les chercher. Cela leur permet de se rendre compte qu’il y a aussi une structure sociale
dans leur pays, les différences, de comprendre et d’intégrer un peu mieux l’EMC. Ils ont été
capables de m’expliquer lors des oraux du CCF que le 14 juillet, c’était la fête nationale que ça
avait rapport avec la prise de la Bastille. Grâce au pays, alors la fête nationale de ton pays c’est
quoi, c’est un évènement particulier, l’indépendance. On fait des liens, et on reconstruit les choses
d’une autre manière. C’est partir de leurs savoirs […] travailler sur leurs expériences et sur leurs
connaissances pour pouvoir associer mes savoirs. » (Mme A. Entretien 3, Annexe 4)
Pour les évaluations, Mme N. enregistre si besoin le texte support, pour permettre
aux élèves de travailler seuls.
70
Mme A, entretien 3, annexe 4 et M.F, entretien 2, annexe 3
66
Avant la réforme, le travail de l’oral s’inscrivait dans la préparation aux oraux du CCF
d’histoire-géo. Basé sur un dossier écrit, les présentations orales consistaient
essentiellement en une oralisation d’un texte rédigé suivi d’un court échange71.
Non formés en didactique du FLES, certains enseignants doutent de leur capacité à
enseigner l’oral à un public allophone. Pas bien sûr de comprendre la source de leurs
difficultés (linguistique, culturelle, disciplinaire), M. F met en question la pertinence de ses
réponses pédagogiques :
« Ce n’est pas qu’une histoire de mots que tu colles c’est vraiment des fois tout une façon de
penser qui est radicalement différente, j’ai l’impression. J’impose un esprit logique et cartésien
[un plan], mais j’imagine que ça reste un peu artificiel. » (entretien 2, annexe 3)
Par ailleurs, certains exercices oraux qui nécessitent une prise de parole en public, sont
selon Mme A., particulièrement difficiles à proposer en classe, pour des questions de
« face » (Goffman, 1974) 72 liée à l’insécurité linguistique des élèves allophones :
« Très peu de passages au tableau, où tu fais un exposé, où tu parles de quelque chose, j’ai
complètement abandonné. Ça marche pas du tout. Je me suis très vite rendu compte que même de
leur place ils refusent, quand tu leur poses la question directement, tu en as beaucoup qui refusent
la parole, ils vont dire je sais pas, alors qu’ils savent, ou rester muet à te regarder, en baissant la
tête. » (Mme A, entretien 3, Annexe 4)
71
Mme N, entretien 4, annexe 5
72
Goffman considère la « face » comme une représentation de soi à valeur sociale, qui serait mise en jeu
dans la relation à autrui. Les interactions sociales se rapprocheraient d’une confrontation pour la
reconnaissance des « faces ».
67
2.1 La thématique et les contenus disciplinaires
« L’EMC c’est très conceptuel […] Par contre, ils intègrent très facilement le fait que comprendre
le système français c’est important pour eux pour rester en France, résultat ils essayent, ils sont
intéressés, mais c’est extrêmement conceptuel. » (Mme A. Entretien 3, Annexe 4)
« Typiquement l’EMC ça va leur servir parce que je pense que dans les rendez-vous à la
préfecture etc, de toute façon tu vas avoir besoin, c’est important de savoir la devise de la
République française, ce genre de choses. » (M.F, Entretien 2, Annexe 3)
Si, on peut effectivement y voir une utilité immédiate pour les élèves en démarche
de régularisation, le risque est de transformer le laboratoire d’échanges qu’est l’EMC en
une préparation aux exigences administratives concernant la connaissance des institutions
françaises et de leurs valeurs. En effet, pour d’autres enseignants, c’est précisément la
situation administrative des élèves qui les interroge sur certains éléments du programme.
En effet, dans un contexte où la majorité des élèves sont en précarité administrative,
aborder la citoyenneté uniquement du point de vue politique, c’est-à-dire de la nationalité
française, est problématique pour Mme N.
68
La représentation des EANA et de leurs besoins par les enseignants n’est donc pas
univoque. Souvent déterminée par leur origine, elle évolue dans un spectre allant du
linguistique au culturel. S’agissant de l’EMC, par exemple, le marqueur de distinction
significatif qui fonde leurs besoins spécifiques semble moins reposer sur l’allophonie que
l’origine étrangère et les écarts culturels qu’elle présume. Cela alerte sur les possibles
dérives de stigmatisation et de discrimination des élèves allophones qui, du fait de leur
origine étrangère, ont tendance à être assignés à des identités culturelles jugées éloignées
« des valeurs républicaines ».
Plus que des difficultés didactiques d’ordre conceptuel, il semblerait que
l’enseignement de l’EMC pose des questions de postures professionnelles liées aux
représentations. L’enjeu était donc de trouver une approche thématique qui puisse inclure
tous les élèves, français comme étrangers, dans un travail portant sur la vie de la cité, sur
des droits et des devoirs partagés. Il fallait penser à une manière de traiter de concepts ou
de fonctionnements sociétaux complexes, en empruntant aux expériences et aux
connaissances de tous les élèves, afin de ne pas faire reposer la construction de savoirs sur
des prérequis scolaires ou des références culturelles implicites (Verdelhan-Bourgade,
2002). De plus, afin de prendre en compte les difficultés en termes de repères temporels
soulevés par les enseignants, et suivre les prérogatives d’interdisciplinarité du programme,
nous avons suggéré une thématique transversale, apparaissant en filigrane dans les
programmes d’EMC et d’histoire : le syndicalisme et la citoyenneté sociale. Les objectifs
généraux de la séquence, extraits de la fiche pédagogique (annexe 11), visent à :
➢ Comprendre ce qu’est un syndicat :
o son organisation et les élections professionnelles
o son rôle de défense des salariés
o ses moyens d’action (actions collectives, grève et manifestation, action
individuelle au Prud’hommes
➢ Connaître ses droits (code du travail, conventions collectives)
69
2.3 L’articulation de capacités disciplinaires et des compétences langagières
Le tableau des contenus de notre séquence pédagogique articule des capacités
disciplinaires du programme et des compétences langagières formulées à l’aide du CECRL
(Annexe 11). Dans le contexte d’EMC, la production orale monologuée est une pratique
cognitive et langagière disciplinaire, qui implique des compétences orales spécifiques,
extraites de notre séquence pédagogique (Annexe 11):
« raconter une expérience, exprimer et expliquer son opinion, s’enregistrer pour un auditoire ou
parler devant un auditoire, mettre en voix un texte, restituer une information avec ses propres mots à
l’aide de ses notes, parler avec spontanéité sur un thème connu (conditions de travail,
syndicalisme) »
70
Chapitre 8. Description du dispositif pédagogique mis en oeuvre
La séquence pédagogique s’étend sur 10 heures. Elle se décline en plusieurs étapes, se
composant elles-mêmes de plusieurs activités (Annexe 11). Nous pouvons regrouper les
activités pédagogiques selon trois fonctions didactiques, recoupant en partie les phases
d’appropriation de connaissances identifiées par Verdelhan-Bourgade (2002 : 229) – la
conception, la verbalisation et la reformulation :
71
Figure 8 : L’enregistrement vocal au sein d’un dispositif d’enseignement de l’oral en EMC, en contexte de FLS.
72
1. Les activités de conception/verbalisation
En FLM comme en FLS, ces activités cherchent à faire émerger les concepts
spontanés des élèves (Vygotski, cité par Jaubert 2007 : 87) relativement aux contenus
disciplinaires abordés, par le biais d’un document déclencheur73. Afin d’éviter des
implicites culturels ou scolaires, nous avons choisi une photographie ancrée dans
l’actualité locale, ayant une portée internationale : le cortège du premier mai à Grenoble.
Figure 9 : Photographie du cortège du 1er mai 2021 à Grenoble utilisée comme document déclencheur74
Les élèves se sont immédiatement emparés des indices géographiques (la Bastille)
et spatiaux (le tram, les bâtiments) pour situer l’évènement à Grenoble. La fête du Travail
et des Travailleurs ayant une portée internationale, les élèves avaient pour la plupart une
idée de cet évènement bien que certains issus de milieux très ruraux, n’aient jamais assisté
à de tels défilés et plus généralement à des manifestations. Nous rappelons ici que tous les
documents supports sont appréhendés du point de vue de l’enseignement disciplinaire et de
sa méthode. Avant d’entrer dans le contenu, ils sont systématiquement catégorisés selon
leur nature et leur source.
Si l’étayage par les pairs ou l’enseignant lors de l’interaction orale peut permettre
de faire émerger du lexique et soutenir l’expression des élèves allophones, il est nécessaire
73
Ce document doit donc être suffisamment familier pour que les élèves puissent y extraire des références et
projeter un horizon d’attente quant à la suite de la séance (ici, une compréhension orale).
74
Photographie de Vincent Paulus, Le Dauphiné Libéré en ligne,
https://www.ledauphine.com/social/2021/05/01/grenoble-faible-affluence-pour-la-manifestation-du-1er-mai
73
de concevoir des activités de verbalisation spécifique, donnant aux élèves les outils
linguistiques (notamment lexicaux) pour s’exprimer sur cette thématique comme le
souligne Verdelhan-Bourgade (2002).
74
nécessaires à la verbalisation des représentations initiales des élèves. Après un temps de
découverte individuelle du lexique introduit par le document audio (fiche1, annexe 12), le
travail de groupe les pousse à manipuler une première fois à l’oral, en s’entraidant, ces
outils linguistiques thématiques et disciplinaires.
Cette production initiale est capitale pour Lafontaine (2016), elle permet de partir
des connaissances et des compétences des élèves du genre oral, ici l’oral monologué
scolaire. Elle fait l’objet d’une évaluation, d’abord, diagnostique par l’enseignant, puis
formative pour les élèves76. En effet, après avoir fait émerger en classe entière, en partant
75
Il faut rappeler que nous étions en période de confinement et que le téléphone portable est le seul moyen de
communication à distance pour bon nombre d’élèves. Leurs pratiques de l’application en font un dispositif de
formation à distance particulièrement efficace du point de vue de son appropriation par les élèves.
76
Ces productions initiales nous ont permis de mettre en exergue les compétences orales des élèves et leurs
besoins. L’analyse linguistique de ces vocaux ont révélé la connaissance et l’emploi d’un certain nombre
d’articulateurs chronologiques (après, quand) et logiques (en plus, aussi, par exemple, parce que, à cause de,
comme, mais, voilà, donc). L’emploi des connecteurs était pertinent du point de vue du sens au niveau
75
du point de vue des élèves, les éléments permettant de rendre une production orale
compréhensible (Nonnon, 2011), une grille d’évaluation a été projetée au tableau et
explicitée avec les élèves (Annexe 12).
Les élèves se sont alors réécoutés de manière sélective : guidés par la grille, ils
devaient identifier la présence ou l’absence de ses critères dans leur production. Dans un
deuxième temps, les élèves ont procédé à l’évaluation de leur binôme. La juxtaposition
visuelle des deux évaluations successives permettait de mettre en évidence les différences
d’appréciation entre évaluateurs, et de les conduire à s’en expliquer.
Chaque groupe a d’abord dû se mettre d’accord sur son objet d’interview (parmi les
domaines de conditions de travail cités en classe), définir ce qu’il recoupait, imaginer des
situation-problème et formuler des questions permettant de les résoudre. Au cours de cette
première activité, les élèves ont été conduits à mobiliser et partager leurs expériences et
connaissances antérieures, et à manipuler les savoirs scolaires et langagiers vus depuis le
début de la séquence.
phrastique et permettait, parfois, d’esquisser une structure des productions (introduction, développement,
conclusion).
76
Figure 11 : Questions du groupe chargé de la durée du travail (2PAR)
77
D’abord, la structure globale du reportage a été introduite à partir d’une transcription
adaptée de l’extrait radiophonique écouté en début de séquence, dans une approche de
l’oral par le genre discursif proche du modèle développé par Dolz et Schneuwly (2009).
Les élèves ont été amenés à manipuler le découpage du discours en différentes parties par
un exercice sur les titres (l’introduction, le développement de différents sous-thèmes, la
conclusion) (fiche 8, annexe 12).
Répartis en sous-groupe les élèves ont alors travaillé sur la réalisation d’une
introduction, d’une conclusion et d’un jingle. Les éléments de contextualisation attendus
dans l’introduction sont ceux de la première grille de production orale (qui, quoi, quand,
où) auxquels s’ajoutent les thématiques abordées lors de l’interview. En guise de
conclusion, il a été demandé aux élèves d’expliquer ce qu’ils avaient appris et de donner
leur opinion sur le syndicalisme en tant que futur salarié.
La plupart des groupes ont réalisé des brouillons écrits, à l’exemple de l’introduction
ci-dessus, qu’ils ont ensuite oralisés et enregistrés. En 2PAR comme en 2MAC, si le
passage à l’écrit était souvent assuré par les élèves francophones scripteurs, les idées, la
formulation, mais également l’oralisation et l’enregistrement ont été largement partagés.
D’autres élèves, moins à l’aise à l’écrit, ont préféré faire des brouillons sonores. Dans tous
78
les cas, les groupes se sont enregistrés plusieurs fois, se commentant les uns les autres,
pour établir la meilleure version.
Une seconde grille d’évaluation leur a été distribuée reprenant des critères connus
au niveau du contenu – l’introduction et les éléments de contextualisation – et de la forme
– articulation, volume etc (annexe 12). Au-delà de sa fonction évaluatrice, cette grille était
un guide pour la réalisation de la tâche, les aidant à structurer leurs discours. La
préparation (le rassemblement et la planification des idées parfois sous forme de notes), la
production orale enregistrée et son auto-évaluation s’est faite en classe.
79
Chapitre 9. Analyse réflexive du recours à l’enregistrement vocal
dans l’enseignement de l’oral monologué en histoire-géo EMC
Le distanciel imposé par le confinement nous a contraints à investir didactiquement des
dispositifs de communication médiatisés, notamment l’enregistrement de vocaux sur
Whatsapp. Dans ce travail nous cherchons à savoir dans quelles mesures l'enregistrement
des productions orales monologuées des élèves favorise le développement de
connaissances et de compétences orales en histoire-géo-EMC des élèves allophones
peu scolarisés antérieurement ? Notre hypothèse est qu’en médiatisant, par
l’enregistrement, les productions orales en continu des élèves, on favorise le processus
d’appropriation d’un discours scolaire, tant au niveau de la construction de connaissances
disciplinaires que des compétences linguistiques et discursives liées à la planification et la
structuration d’un oral monologué. L’analyse de productions orales enregistrées, doublée
des entretiens individuels réalisés auprès des élèves et des enseignants, nous a permis
d’identifier le potentiel didactique de ce dispositif de médiatisation.
80
Nous nous proposons d’analyser deux productions orales initiales et finales, afin
d’observer le processus de secondarisation du discours par lequel les élèves construisent
leurs connaissances (Jaubert, 2007).
Nous avons sélectionné les productions d’élèves d’un niveau de français oral et
écrit proche, afin de ne pas fausser notre analyse par un biais linguistique. L. et A n’ont
jamais été scolarisés avant leur arrivée en France. Venant de la Guinée et du Mali, le
français a fait partie de leur environnement socioculturel sans pour autant qu’ils ne le
comprennent ou ne le parlent. Après un an en UPE2A NSA, ils ont intégré une seconde
CAP Peinture, Application et Revêtement. Notons que nous ne cherchons pas à évaluer la
performance des élèves. Dans la démarche de recherche qui est à la nôtre, comparer les
deux productions nous permet de mieux comprendre comment ces marques langagières
sont significatives d’une appropriation de connaissances et de compétences scolaires, au-
delà des difficultés d’ordre linguistique.
Au cours de son récit sur ses mauvaises conditions de stage, A. interpelle l’auditeur par
l’emploi d’un « tu » informel, mais impersonnel :
« il te parle mal, il te parle comme il veut, il te parle n’importe comment, même tu peux parler à tes
enfants, comme ça à la maison. » (A.)
« Bon c’est ça qui m’a choqué beaucoup à l’entreprise, tu vois pour moi ce que j’ai vécu comme
mauvaises conditions à l’entreprise, c’était ça. » (A.)
Dans les productions finales, les marques du destinataire sont réservées aux
formules de présentations et de prise de congés présentes en introduction et en conclusion.
77
Les transcriptions et analyses complètes des productions initiales de A. et L. sont à retrouver annexe 10.
78
Les transcriptions et analyses complètes des productions finales de A. et L. sont à retrouver annexe 11.
81
Celles-ci sont également plus formelles (« Bonjour, je m’appelle L.S, je vais vous
raconter »).
Introduction Bonjour, bonjour à tous je m’appelle A. La semaine dernière jeudi, on a fait sortie
1)Présenter le avec ma classe pour aller rencontrer le délégué des syndicats Monsieur S.G pour
contexte aller poser notre question de manque de sécurité au travail.
2) Présenter le
thème de votre
interview
Développement Il a répondu toutes nos questions, si on a des problèmes, qui a on va nous adresser
pour expliquer notre problème. On a fait beaucoup d’interview. Il a tout dit, si on a
3)Expliquer ce que des problèmes ou des conflits avec le patron, à qui on va m’adresser pour dire notre
vous avez appris problème, qui il va nous aider beaucoup. On a dit tout. Monsieur G. nous a expliqué
beaucoup de choses, pour les conditions de travail par exemple, si on a des
problèmes à quelqu’un à la santé ou de manque de respect à qui on va m’adresser,
on va faire comment.
Donc les syndicalistes, pour moi, ils sont très bien, parce que si on a des problèmes,
Conclusion il va nous aider. Soit il va nous dire où on va dire notre cas pour expliquer notre
problème, ce sera très bien pour nous. Moi, ce je pense à syndicats, ils sont très bien,
4) Donner votre il nous a expliqué beaucoup de choses. Il a dit comment travailler, donc si on a des
opinion sur les problèmes on va aller les Prud’hommes. Il nous a tout expliqué avant de quitter
syndicats l’interview, à la Bourse du travail. Donc c’était le jeudi dernier avec ma classe, il a
tout expliqué, il a répondu à toutes nos questions, Monsieur G. Merci de votre
compréhension.
Il a répondu toutes nos questions, si on a des problèmes, qui a on va nous adresser pour expliquer notre
problème. On a fait beaucoup d’interview. Il a tout dit, si on a des problèmes ou des conflits avec le patron,
à qui on va m’adresser pour dire notre problème, qui il va nous aider beaucoup. On a dit tout. Monsieur G.
82
nous a expliqué beaucoup de choses, pour les conditions de travail par exemple, si on a des problèmes à
quelqu’un à la santé et au manque de respect à qui on va m’adresser, on va faire comment.
« Monsieur G. nous a expliqué beaucoup de choses, pour les conditions de travail par exemple, si
on a des problèmes à quelqu’un, à la santé ou demande de respect, à qui on va m’adresser, on va
faire comment ».
Si l’hétéroglossie, rendue explicite, est conscientisée, elle n’est pas vraiment
intégrée au sein d’une unité d’énonciation. Les différentes « « voix » sont juxtaposées.
« si on a des problèmes ou des conflits avec le patron à qui on va m’adresser pour dire notre
problème ».
De même, si la structure globale se distingue par des changements
énonciatifs précis (l’introduction avec une présentation personnelle au « je », le passage au
développement avec le « on » pour mener un récit objectivé, et la conclusion, annoncée par
l’expression « pour moi » et le retour du « je » pour énoncer son point de vue), elle reste
instable. Des éléments de narration sont réintroduits en conclusion, avec la réapparition du
« il » :
« « Donc, les syndicalistes, pour moi, ils sont très bien, parce que si on a des problèmes, il va nous
aider […] Il a dit comment travailler, donc si on a des problèmes on va aller aux Prud’hommes ».
83
La mise en récit des connaissances apparait comme une première étape dans le
processus langagier d’appropriation de savoirs, propre au milieu scolaire, en
décontextualisation et d’objectivation du discours.
Introduction Bonjour, je m’appelle L.S, je vais vous raconter des sorties des semaines dernières.
1)Présenter le Les élèves du lycée pro Roger Deschaux, première année CAP Peinture, on a sortir
contexte le 27 mai pour aller Bourse du Travail pour rencontrer délégué syndical, s’appelle,
2) Présenter le il s’appelle S. G. Il va travailler dans le bâtiment, société s’appelle CGT. On a posé
thème de votre beaucoup de questions.
interview
Développement Bon, j’ai appris, ce que j’ai appris, je savais pas que illégalité, quand il arrive entre
3)Expliquer ce que employés et employeurs on peut aller tribunal des Prud’hommes, mais maintenant
vous avez appris j’ai appris ça. Je… je … je sais que si il y a quelque chose qui arrive, y’a la justice,
par, dans les lois, on peut aller au Prud’hommes, par exemple si le patron qui parle
mal, si y a mon collègue qui est à côté qui a écrit ça, on peut aller Prud’hommes,
mais j’ai pas le droit pour enregistrer son voix.
Conclusion Syndicat c’est intéressant pour moi parce qu’il va défendre les employés. Voilà, si
4) Donner votre l’employeur parle mal … je pense que c’est intéressant. Les syndicats, je pense que
opinion sur les c’est intéressant. Merci de votre compréhension.
syndicats
84
« il y a la justice, par les lois, on peut aller aux Prud’hommes ». Mais également par les
articulateurs logiques qui assure la cohésion de son explication et permettent de mesurer
les degrés d’objectivité et de subjectivité des éléments apportés : par exemple, mais.
La conclusion assume une opinion subjective (« pour moi ») qui n’est pas un retour
à soi. L’expression « il va défendre les employés » indique une forme de problématisation
de l’enjeu dans sa portée sociale. C’est un positionnement subjectif qui résulte d’un
processus de construction de connaissances.
« Syndicat c’est intéressant pour moi parce qu’il va défendre les employés. »
Par ailleurs, ce travail de synthèse de connaissances réalisé sous forme d’oral réflexif a
permis aux élèves peu lecteurs-scripteurs de se constituer en sujet scolaire,
indépendamment de leur « maîtrise » de l’écrit.
« Mais surtout ce côté, nous notre discipline, ce n’est pas que les disciplines, c’est les exigences
scolaires, on est quand même très focalisé sur l’écrit. Et là, à ton contact je me suis aperçue que les
restitutions orales c’était aussi important que l’écrit, et que pour moi ils prennent confiance et ils
apprennent davantage » (Mme N., entretien 4, annexe 5)
85
trouvé plus facile que le premier. Parce que le premier j’ai réfléchir beaucoup, je savais
pas quoi dire » (entretien 10, annexe 3).
Selon leurs évaluations anonymes de la séquence (questionnaires, annexe 6), les élèves
estiment avoir beaucoup appris sur les syndicats et le droit des salariés, notamment à
travers le projet de rencontre-interview avec le délégué syndical.
D’après les entretiens individuels que nous avons réalisés avec les élèves, au-delà des
difficultés liées à la syntaxe et à la prononciation liées à toute prise de parole, la production
d’une synthèse orale leur a posé des difficultés particulières du fait de sa nature
monologuée et de sa visée explicative. C’est en effet une situation de communication et
une posture énonciative auxquelles ils sont peu confrontés.
« Bon, si je suis seul, en train de parler, on me dit tu vas expliquer tout ce que tu as fait, par
exemple pendant le stage, on devait expliquer les mauvaises conditions ou les bonnes
conditions…Bon si je suis seul, je peux pas parler trop longtemps comme ça. Mais si je suis avec
quelqu’un qui me demande ce que tu as vécu quoi dans le stage, est-ce que tu as trouvé que c’était
intéressant, là je peux parler plus longtemps. Si je suis seul, je ne sais pas quoi dire, je ne peux pas
m’exprimer beaucoup. [..] Parce que souvent je vais oublier … je vais oublier le mot ou le truc
que je dois faire. Je peux pas tout expliquer parce que souvent je suis perdu si je suis seul … mais
si je suis avec quelqu’un qui me pose la question. » (A élève, 2PAR, entretien 10, annexe 3)
« Donner ses idées, il faut prendre le temps de bien organiser. Dans ma tête il y a plein d’éléments qui
arrivent et il faut que je prenne le temps de penser. » (S. élève, 2 MAC, entretien 11, annexe 3)
86
En rupture avec l’interaction, le monologue a permis de mettre en évidence la fonction
heuristique de la langue de scolarisation, en s’éloignant de sa dimension interactionniste. Si
ce changement d’usage et donc de pratique de la langue a été source de difficultés, les
élèves expriment un sentiment général de progrès à l’oral au cours de la séquence.
« Je parle mieux qu’avant […] maintenant je peux faire des petits discours » (M.O élève 2MAC,
entretien 8, annexe 3)
87
perception. Ils sont plus un moyen de communication qu’un instrument d’apprentissage
d’un genre de discours scolaire, monologué et préparé en amont.
Les élèves ont utilisé les deux potentialités didactiques de l’enregistrement vocal
pour réaliser leurs productions orales finales à savoir, l’écoute et le réeenregistrement.
« Le fait de m’enregistrer, ça m’a aidé. Je réécoute. Je vois quel mot est bizarre je réfléchis pour
parler mieux. » (A. 2PAR, entretien 10, annexe 3)
« Je me suis réécouté, j’ai écouté tous les vocaux du groupe. C’est très intéressant, écouter les
idées des autres, j’ai vu mon défaut, les défauts des gens. Chacun a compris à sa manière, j’ai pu
analyser. » (S. 2MAC, entretien 11, annexe3)
« L’enregistrement ça m’ai aidé beaucoup. J’ai écouté. Et je répète. J’ai écouté mon premier
audio, je répète, je refais encore. Je doute que vous compreniez. Est-ce que j’ai mis les mots au
bon endroit ? » (MO. 2MAC, entretien 8, annexe 3)
88
6
5
4
3
2
1
0
Figure 15 : Nombre d’enregistrements effectués par élèves pour chacune de leurs productions
Pour autant, si l’écoute n’est pas accompagnée, elle ne permet pas nécessairement
d’entrer dans une pratique de construction de connaissances. L’attention des élèves ne se
portera que sur les éléments linguistiques qu’ils sont capables d’identifier, et qui d’après
nos entretiens, concernent la syntaxe et la prononciation. Or, du fait de ses caractéristiques
scolaires spécifiques, la dimension discursive risque d’être absente de cette analyse. C’est
pourquoi, la grille d’évaluation nous parait indispensable pour assurer une médiation
pédagogique. Elle permet d’orienter pédagogiquement « l’instrumentation » de
l’enregistrement vocal, en développant une écoute sélective, et ainsi de soutenir tous les
élèves, quelque soient leurs acquis antérieurs, dans leurs apprentissages (Rézeau, 2002).
89
Comme le montrent les différentes annotations sur cette grille, à chaque étape du
processus de réalisation de la production finale, elle joue un rôle différent :
➢ à l’étape de préparation, elle est un support qui fait office de canevas, comme en
témoignent les notes prises par M.O dans la marge. Comme l’explique I., élève de
2PAR : « Pour parler en audio, on doit expliquer, avec la grille pour organiser les
idées » (entretien 7, annexe 3)
➢ à l’étape du rendu final, elle a une fonction d’évaluation sommative réalisée par
l’enseignant.
Or, pour Mme N. avec qui nous avons expérimenté ce dispositif, le recours à
l’enregistrement vocal a justement permis de rendre les élèves autonomes dans le mode de
matérialisation de leurs connaissances, et in fine dans le processus de production de savoir,
puisqu’ils en ont la maîtrise :
90
« […] cette fameuse dictée à l’adulte demande un besoin humain. Là à la limite, il le fait seul et
après tu reprends avec lui, moi ça me permet d’aller voir quelqu’un d’autre. […] C’est un support
donc je vais davantage me servir, parce que ça libère du temps pour le professeur, et je trouve
vraiment que ça les stimule, ça libère la parole, et ça leur donne confiance, par ce que comme tu
dis « j’ai des choses à dire » et ça va faciliter à mon avis l’apprentissage, la production écrite. »
(entretien 4, annexe 5)
Si l’enregistrement vocal est une modalité de mise en autonomie des élèves peu
lecteurs scripteurs par l’enseignant, il est également un levier de prise d’autonomie par les
élèves eux-mêmes. En effet, le fait de pouvoir se ré-enregistrer permet aux élèves de
maîtriser la manière dont ils se construisent par le langage aux yeux des autres. En
sélectionnant parmi leurs brouillons sonores, la production qu’ils estiment la plus aboutie,
ils choisissent l’énoncé, dans cette langue étrangère et ce discours scolaire, dans lequel ils
se reconnaissent le plus et qui se rapproche le mieux de la représentation d’énonciateur
qu’ils ont d’eux-mêmes. Au-delà des « fautes », cet écart entre ce qu’il veut dire et la
manière dont les autres le comprennent est cœur de l’insécurité linguistique de M.O élève
de 2MAC :
« Je voudrais parler correctement en français. Même y a des fautes, je m’en fiche, mais si tu es
dans un pays, il faut que tu parles bien, que les gens t’entendent bien […] Je connais quelque
chose dans ma tête, si je veux le dire en français, je me bloque, pour expliquer, pour que les gens
puissent comprendre facilement. » (entretien 8, annexe 3)
N. explique que ses camarades ont été étonnés en écoutant son vocal « B. il m’a dit
que je parle mieux au téléphone » (N.2PAR, entretien 6, annexe3). Les interactions courtes
étant la norme dans les cours dialogués, nous avons découvert les capacités discursives de
certains élèves particulièrement réservés. Aborder l’oral continu par le biais de
l’enregistrement pourrait ainsi être une étape transitoire vers la pratique de présentations
orales devant la classe.
91
2.2.3 Inspirer de nouvelles stratégies d’apprentissage chez les élèves
Si, lors de la première production, certains élèves avaient du mal à trouver leurs
idées, faute d’interaction, ils se sont révélés beaucoup plus autonomes dans la réalisation
de la production finale. On peut penser que cela résulte de la conjonction de plusieurs
facteurs : des attentes scolaires mieux comprises, une connaissance de la thématique plus
approfondie, des compétences orales liées aux activités de verbalisation-reformulation en
sous-groupe S’ajoute à cela une meilleure maîtrise des instruments, non pas en termes
techniques, mais méthodologiques. La mise à distance de leur production orale par
l’enregistrement et la grille critériée ont favorisé la réflexivité des élèves. En effet, les
brouillons sonores révèlent une production de connaissances qui s’effectuent grâce à la
mise en dialogue de leurs enregistrements successifs par le biais de la grille critériée.
Enfin, certains élèves ont durablement intégré l’enregistrement sonore dans leurs
stratégies d’apprentissage. M.O élève de 2MAC explique avoir téléchargé une application
d’enregistrement vocal, non liée à Whatsapp, sans fonction de communication, à des fins
purement d’apprentissage.
« J’ai téléchargé un enregistrement sur mon téléphone. Je fais tout seul. Si je veux dire quelque
chose, je dis tout seul, j’enregistre et après je réécoute. […] ça me permet de progresser à mon
niveau de français. » (entretien 8, annexe 3)
« Par exemple […] si il y a une autre demande qui est venue, alors que tu peux pas parler même
une minute, c’est difficile. Alors je m’entraine tout seul. Si je veux dire quelque chose, par exemple
si je veux sortir, aller dans le train, les gens que je connais pas, il faut que je parle. » (entretien 8,
annexe 3)
Ces différents résultats nous laissent penser qu’en développant la confiance des élèves
en leurs propres capacités orales et scolaires, ce dispositif a favorisé leur apprentissage et
leur prise d’autonomie.
Lors de la mise en œuvre de notre dispositif, nous avons rencontré certaines difficultés
et identifié plusieurs limites.
92
3.1 Contexte d’enseignement, situation de communication scolaire et médiatisation
didactique
L’appropriation de la situation de communication par les élèves est indispensable à
la réalisation d’une tâche scolaire de production orale (Dolz & Schneuwly, 2009;
Lafontaine, 2016). Pour certains didacticiens de l’oral, elle nécessite d’inscrire la
production orale dans « un projet de communication » (Dolz & Schneuwly, 2009). En
effet, pour ces chercheurs, c’est en donnant un objectif fonctionnel, hors du cadre scolaire,
à la production orale, qu’elle prendrait sens. Dans ces modèles didactiques de reproduction
d’un genre discursif, définir l’intention de communication revient à présenter « le produit
attendu » (Lafontaine, 2016). Bien que nous n’ayons pas choisi de suivre une telle
démarche, nous nous sommes heurtés à ces deux composantes de la représentation des
élèves de la situation de communication et, in fine, de la tâche à accomplir : l’intention de
communication et le genre discursif.
Bien qu’une différence de niveau existe entre les deux classes, elle ne suffit pas à
expliquer cet écart, d’autant plus que la thématique avait été mieux posée avec les élèves
en 2PAR qui, contrairement aux 2MAC, ont réalisé les activités de conception–
verbalisation avant leur prise de parole. D’après nous, c’est le contexte de confinement qui
aurait influencé la lisibilité de cette situation de communication scolaire médiatisée par les
élèves. Pour les 2MAC, nous avions présenté le recours à Whatsapp et à l’enregistrement
vocal comme un moyen de communication de l’enseignement à distance, remplaçant
l’interaction en classe. Il n’a été institué en instrument didactique qu’au moment de
l’introduction de la grille critériée et de l’auto-évaluation, au retour en classe. Pour les
2PAR, la production initiale a été donnée en devoir maison, en dehors du confinement. Les
cours ayant repris en présentiel, Whatsapp et ses vocaux passaient d’une situation de
communication médiatisée, par nécessité, à une situation didactique instrumentée, inédite.
N’ayant pas anticipé l’influence du contexte d’enseignement (distanciel ou présentiel) sur
la représentation que les élèves se feraient de la situation de communication scolaire, et in
fine, de la tâche à accomplir, nous n’avons pas adapté nos explications de la tâche. Ce qui
leur été demandé implicitement était de transformer ce mode de communication familier,
93
en un instrument didactique sans en connaître les objectifs. En effet, expliciter le rôle
didactique de l’enregistrement vocal dans ce nouveau contexte aurait été nécessaire et nous
aurez probablement menés à aborder les compétences orales attendues en histoire-géo.
« Pour chercher des idées, mais… ça c’est un peu difficile parce que ce qu’on pense, alors que…
ce que vous voulez qu’on dise, c’est pas cela qu’on pense. Des fois j’ai pensé quelque chose alors
que vous avez même pas voulu qu’on parle de ça. » (entretien 11, annexe 3)
Cela nous interpelle donc sur les moyens didactiques à mettre en œuvre pour
soutenir spécifiquement les élèves peu scolarisés antérieurement dans la construction de
sens des activités scolaires. Si, l’objet du FLSco est de permettre aux élèves de maîtriser,
pour ne plus les subir, les codes scolaires, il parait peu pertinent de les y soustraire en
allant puiser du sens dans des usages fonctionnels extérieurs, non-liés à la production de
connaissances. Toutefois, si le projet de communication est envisagé comme la diffusion
des connaissances des élèves, il pourrait peut-être permettre d’intégrer les productions
enregistrées comme des exercices intermédiaires, tout en leur conférant un objectif et un
enjeu plus concrets.
94
Par ailleurs, l’expérience d’enregistrement et de manipulation des outils techniques
est l'aspect du dispositif à propos duquel les élèves ont été les plus critiques. Plus qu’un
manque d’intérêt79, c’est sans doute l’accès inégal à l’expérience de technique radio qui
explique ce retour. Si le nombre d’élèves responsables de la prise de son lors de l’interview
était limité, il aurait sans doute fallu intégrer davantage de manipulation en amont et en
aval de l’interview, au cours de la séquence.
N'a pas aimé Bof A beaucoup aimé N'a pas aimé Bof A beaucoup aimé
Ainsi bien que le projet d’interview et de reportage ait joué un rôle dans le
déroulement de notre séquence, notamment au niveau de l’entrée thématique par la
compréhension orale, et de l’analyse discursive de l’organisation d’un discours oral
journalistique, son intégration au sein du dispositif didactique n’était pas aboutie. Il est
difficile de savoir si ce détour par un genre oral formel non scolaire a eu des effets de
transfert sur l’appréhension de l’organisation de leur oral monologué.
79
Au cours d’autres projets radio effectués pendant le stage, les élèves se sont montrés très volontaires, allant
même jusqu’à participer pendant leur temps de pause, le midi. I. en 2PAR aimerait faire d’autres rencontres-
interviews, avec des patrons d’entreprises par exemple (entretien 7, annexe 3)
80
Issu du questionnaire (annexe 6)
95
En en restant là, on peut y voir une stratégie d’évitement qui s’appuie sur les forces
des élèves à l’oral, en perdant de vue leurs besoins spécifiques à l’écrit. Pourtant les
compétences scripturales développées à l’oral par les élèves en termes de structure
discursive, de positionnement énonciatif et d’objectivation du discours pourraient faire
l’objet d’un transfert à l’écrit, comme le suggère Nonnon (2011, 188) :
« Comme objet d’apprentissage, l’oral apparaît comme une condition d’accès à la lecture et
l’écriture (qui supposent la pratique d’un langage explicite et décontextualisé, dont les
significations échappent au contexte immédiat partagé), mais aussi d’accès à une pensée structurée
et consciente d’elle-même ; son importance est aussi affirmée comme outil pour tous les
apprentissages disciplinaires, pour lesquels les débats (scientifique, littéraire...) et la confrontation
des points de vue sont valorisés, ainsi que les processus de représentation et de verbalisation. »
Selon Mme N. la qualité des productions écrites des élèves au Delf blanc n’est pas
sans lien avec l’ensemble du travail effectué lors de la séquence :
« [le passage par l’enregistrement] j’ai l’impression que c’est plus productif pour eux, je trouve
qu’ils arrivent davantage après à écrire et à structurer ce qu’ils écrivent. » (entretien 4, annexe 5)
Cependant, en l’absence d’activité de production écrite spécifique, il nous est
impossible d’évaluer le potentiel médiateur de notre dispositif.
96
Conclusion
Mon ambition initiale pour le stage, était d’élaborer des outils de FLSco
transférables aux enseignants en lettres-histoire, faisant face à un public d’élèves
allophones et éloignés de l’écrit et de la culture scolaire. Le résultat est une séquence
pédagogique de 10h, bien trop touffue pour être clé en main.
Tout laisse penser, d’ailleurs, que les compétences scripturales orales développées
par les élèves pourraient faire l’objet d’un transfert à l’écrit. En effet, la méthodologie de
production d’un oral continu, ses étapes de préparation et de brouillons, ainsi que ses
caractéristiques discursives liées à l’énonciation et à l’organisation des idées sont valables
pour la production d’un écrit réflexif. Néanmoins, cet aspect n’a pu être vérifié et pourrait
faire l’objet d’une recherche approfondie.
97
considérés à la hauteur de leurs expériences, connaissances et réflexions. Soutenir le
processus d’énonciation par lequel les élèves s’instituent en sujet scolaire, ne passe pas
uniquement par des instruments didactiques. Le choix des thématiques disciplinaires
abordées, la place consacrée aux interactions entre pairs, et la légitimation de l’oral comme
moyen de production de connaissances sont primordiaux. Relativement à notre thème, le
syndicalisme, les enseignants ont appris des élèves, concernant leurs conditions de stage.
Plutôt qu’une boîte à outils, le FLSco me semble être une pratique didactique de
l’interdisciplinarité, qui ne peut se passer de collaborations humaines. Aussi, les liens
entre enseignements en FLES-alphabétisation et enseignements ordinaires disciplinaires
gagneraient sans doute à s’envisager de manière plus structurelle. Sur le terrain, face aux
enjeux d’enseignement et d’apprentissage posés par la scolarisation de ces élèves, de
nouvelles formes d’accompagnement et de dispositifs s’imaginent déjà.
« Un CAP en 3 ans ce serait vraiment l’idéal. On voit bien la MLDS ou l’UPE2A, les élèves en ont
besoin, mais ce n’est pas suffisant pour suivre un cursus classique, surtout pour des NSA.
Quelques heures de FLE. Tu vois bien c’est disséminé, après ça manque de cohérence, de lien.
[…] Je pense que ce serait vraiment un super projet pédagogique de créer cette année où il y
aurait des profs de FLE et des profs de discipline. Vraiment, ce serait autre chose. » (Mme N.,
Entretien 4, Annexe 5)
98
Bibliographie
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2021
Sitographie
104
Sigles et abréviations utilisés
105
Table des illustrations
Figure 1 : Évolution du nombre de mineurs isolés confiés à l’ASE sur décision judiciaire ............ 13
Figure 2 : Nombre de mineurs non-accompagnés par tranche d’âge, sur l’ensemble du territoire .. 14
Figure 3 : Langues parlées et/écrites des élèves dont le français n’est pas langue première ........... 25
Figure 4 : Pays d’origine des élèves ................................................................................................. 25
Figure 5 : Parcours scolaires des élèves allophones avant leur arrivée en CAP .............................. 26
Figure 6 Schématisation du cycle de la recherche-action d’après Susman (1983) .......................... 29
Figure 7 : Approche de l’acquisition de la maîtrise d’un genre dans le cadre du curriculum
(Hammond, 2001).................................................................................................................... 58
Figure 8 : L’enregistrement vocal au sein d’un dispositif d’enseignement de l’oral en EMC, en
contexte de FLS. ...................................................................................................................... 72
Figure 9 : Photographie du cortège du 1er mai 2021 à Grenoble utilisée comme document
déclencheur .............................................................................................................................. 73
Figure 10 : Les exemples de mauvaises conditions de travail de la classe de 2PAR ....................... 75
Figure 11 : Questions du groupe chargé de la durée du travail (2PAR)........................................... 77
Figure 12 : Rédaction de l’introduction du reportage par un sous-groupe (2PAR) ......................... 78
Figure 13 : Transcription de la production finale d’A. formalisée dans la grille d’évaluation ........ 82
Figure 14 : Transcription de la production finale de L formalisée dans la grille d’évaluation ........ 84
Figure 15 : Nombre d’enregistrements effectués par élèves pour chacune de leurs productions .... 89
Figure 16 : Grille d’évaluation de MO. (2MAC) ............................................................................. 89
Figure 17 Evaluation de la séquence sur le syndicalisme par les élèves .......................................... 95
106
Table des annexes
107
Annexe 1 : Grille d’entretien des enseignants
108
Annexe 2 : Grille d’entretien des élèves
109
Annexe 3 : Listes des entretiens
*Les entretiens de L. et de S.E n’ont pas été cités, mais font partie des analyses globales.
110
Annexe 4 : Transcription l’entretien 3 (extraits)
Mme A., 42 ans, enseignante en lettres-histoire depuis 4 ans, depuis 2 ans en CAP
Alors, j’en ai eu 2, 3 qui venaient de l’ENA, je sais si ça s’appelle comme cela, c’est un
peu comme les UPE2A, mais c’est la version au-dessus. A Argouges, donc, mais eux, ils
savaient très bien lire et écrire. Mais par contre quand je suis arrivée à P. l’année dernière,
je me suis retrouvée avec une classe où 70% était allophones, 40% n’avaient jamais tenu
un stylo. Très vite je m’en suis rendu compte. Le premier jour quand je leur ai demandé de
faire la page de garde avec nom prénom et que je me suis rendu compte qu’ils ne savaient
pas s’orienter sur une page, qu’ils savaient même pas tenir un stylo, j’ai fait ouf. Je ne sais
pas où je suis tombée, mais ce n’est pas mon métier.
C’est des CAP agents de propreté et d’hygiène. Je les ai amenés jusqu’en CAP.
Non, je te dis, je ne savais même pas que c’était possible. J’avais eu des ENA, ils étaient
rentrés en seconde bac pro, donc c’est des élèves qui avaient un niveau scolaire important.
Là, je me suis retrouvée avec des élèves qui parlaient à peine français. […] Et puis des
Africains qui avaient leur culture, qui avaient vraiment du mal avec le fait qu’une femme
leur donne des ordres. Au départ ! C’est plus le cas.
Beaucoup de Guinéens, Maliens, Côte d’Ivoire, pour la plupart. Après j’ai une petite
Syrienne, mais ce n’est pas pareil elle est arrivée avec ses parents, elle avait été à l’école
coranique, donc elle savait apprendre, elle connaissait son statut d’élève. Alors que mes
petits Africains, par contre, ils ne savaient même pas se comporter en classe.
Alors soi-disant ils venaient d’UPE2A et soi-disant ils avaient le Delf. Mais ils avaient
clairement pas un niveau A1. J’ai dû leur apprendre à lire et à écrire. Ils savaient les lettres,
mais sans une aide ils étaient incapables de comprendre.
111
Alors j’ai eu la chance d’avoir maman R., une collègue de FLE envoyée par le CASNAV,
avec qui j’ai énormément travaillé, en fait on faisait les cours à deux, donc on montait les
cours à deux.
Très peu, finalement. Au départ on s’était dit qu’on allait faire moitié-moitié, mais quand
on s’est rendu compte que moi il me restait trois élèves, on s’est dit que ça n’allait pas
marcher comme ça, donc qu’on allait faire d’une autre manière. Donc on a travaillé
ensemble les cours. Au départ, elle m’a expliqué pour les allophones, il vaut mieux faire
des lettres d’imprimerie pour qu’ils arrivent mieux à me lire. On a beaucoup travaillé
ensemble pour réduire tout ce que je voulais faire, pour l’adapter aux allophones.
Finalement cette année R. n’étant plus là, elle n’a plus l’UPE2A, j’ai dû me débrouiller
toute seule, avec les bases qu’elle m’avait données.
En fait, elle n’avait pas l’UPE2A, on avait une professeure déléguée par le Casnav pour
venir nous aider en plus, mais qui était censée prendre un élève comme cela à la place du
français, je le mets en FLE.
Si, ils ont deux heures de cours de FLE en plus, mais ça c’est assuré par d’autres collègues
qui ont la certification.
Donc il y a et les collègues qui ont la certification qui font des cours de FLE, et de la co-
intervention avec le CASNAV sur des heures spécifiques, c’est ça ?
Oui et l’UPE2A et la MLDS ! Mais, on a beaucoup d’élèves, alors moins cette année parce
que je pense que c’est à cause de la crise sanitaire, mais effectivement, on est
l’établissement de Grenoble qui draine le plus d’élèves allophones à cause de nos sections.
Parce qu’on a la section APH, agent de propreté, PCR c’est personnel de restauration.
Donc c’est des sections qui attirent énormément les élèves allophones, et les métiers du
pressing aussi qui ont pas mal d’allophones.
Pour travailler les textes, en lettres. Pour l’EMC, on a adapté la charte de la laïcité, pour
qu’ils comprennent un peu l’EMC comment ça marchait, parce que c’est important pour
eux surtout s’ils veulent demander après les papiers.
Simplifier le texte, utiliser des images, changer le vocabulaire pour qu’il soit plus simple et
puis revoir les choses d’une autre manière. C’est surtout cela. Autant le français il fallait
leur apprendre à lire et à écrire, donc je me suis beaucoup inspirée des professeurs des
écoles pour faire mes cours. Par contre, pour l’histoire géo c’était plus compliqué, parce
que là, ils avaient aucune base. Quand tu arrives après le brevet, normalement tu es censé
112
avoir un minimum requis et là il a fallu moi-même que je reprenne le minimum requis,
parce que là R. ne pouvait pas m’aider pour ce qui est connaissance d’histoire-géographie.
On a appris les siècles, les années, lire une carte, les continents, les océans, le nord le sud
l’est l’ouest, lire une frise chronologique. Et résultat j’ai dû faire des choses très concises,
et beaucoup d’oral plutôt que des textes.
Des émissions de radio, de la vulgarisation pour les jeunes, style c’est pas sorcier où il y a
un vocabulaire... En français j’ai beaucoup utilisé la musique, parce que ça marchait bien et
ça leur parlait beaucoup. Partir de la musique pour ensuite travailler l’EMC ou la
géographie pour travailler sur les migrations. J’ai utilisé une chanson de Big Flo et Oli
pour travailler sur les migrations. Pourquoi on migre, pourquoi, comment. […] cela nous a
permis de bien travailler là-dessus et en plus d’évoquer leur parcours sans les brusquer,
parce qu’ils sont extrêmement secrets par rapport à cela. C’est difficile de s’ouvrir. On a
aussi beaucoup travaillé sur mon pays / la France, cela nous a permis de travailler la
géographie.
C’est-à-dire ?
Par exemple, quels sont les climats. Alors on va voir quels sont les climats en France, et
dans ton pays quels sont les climats, la végétation. Et puis je me suis beaucoup inspirée de
ce qu’on fait en primaire. A Noël on a travaillé sur les fêtes religieuses, et est-ce qu’il y en
dans ton pays a, est-ce qu’elles sont importantes, ce genre de choses. On est parti de la
temporalité.
Ça leur permet de comprendre la notion de culture. Parce que j’ai quand même l’année
dernière un élève qui m’a dit, mais madame en France, il n’y a pas de culture. Donc qu’est-
ce que c’est le culturel, ce genre de choses. Donc on est parti de là. Donc c’est pour cela
qu’on a commencé à comparer. Je l’ai aussi utilisé en EMC quand on travaillé les
symboles de la République, les symboles de la république c’est quoi, l’hymne, la fête
nationale et alors dans ton pays est-ce qu’il y a un hymne, et on va les chercher. Cela leur
permet de se rendre compte qu’il y a aussi une structure sociale dans leur pays, leurs
différences, de comprendre et d’intégrer un peu mieux l’EMC. Je sais que les symboles de
la république, grâce à cela ils les connaissaient. Ils ont été capables de m’expliquer lors de
l’oraux du CCF que le 14 juillet, c’était la fête nationale que ça avait rapport avec la prise
de la Bastille. Grâce au pays, alors la fête nationale de ton pays c’est quoi, c’est un
évènement particulier, l’indépendance… On fait des liens, et on reconstruit les choses
d’une autre manière.
Ouais, c’est partir de leurs savoirs pour pouvoir remonter les choses.
Oui de travailler sur leurs expériences et sur leurs connaissances pour pouvoir associer mes
savoirs. Par contre pour la méthode, clairement ce n’était pas…
113
En en radio, du coup, parce que c’est pas sorcier c’est de la vidéo. Tu travaillais avec
quoi ?
Et en radio, des trucs que l’on trouve sur France Culture… j’ai aussi beaucoup pioché dans
les sites de FLE de Guyane, le Rectorat de Guyane. J’ai travaillé sur le travail des enfants
par exemple avec une séquence de là-bas. Et sur TV5 Monde, il y a un truc enseigner le
français un truc comme cela. La radio ça marchait bien cette année. L’année dernière
c’était trop rapide pour eux, ce n’est pas pour des alphas purs. La radio c’est pas facile.
Après ça permet l’écoute. Je me suis aussi beaucoup inspirée de mes cours de langue en
fait, avec plus d’oral et d’écoute que d’écrit et de lecture.
Oui, et l’écrit c’était toujours très dirigé. Certains étaient incapables de faire des phrases
simples, et encore maintenant il y en certains qui ont du mal à faire des phrases simples. Ils
parlent bien le français, ils comprennent, c’est déjà pas mal ! Ils savent écrire.
Et en histoire c’étaient plus des textes à trous, beaucoup d’oral mais il fallait quand même
qu’ils aient une trace écrite, donc des textes à trous, très courts .. toujours écrire au tableau
pour qu’ils puissent écrire correctement derrière. Et comme en plus de cela l’histoire géo
au CCF, ils l’ont à l’oral et pas à l’écrit, je me suis concentrée sur de l’oral.
Et du coup pour travailler sur l’oral ? Est-ce que tu travailles l’oral spécifiquement ?
Cette année un peu, on a fait l’entretien d’embauche, tu as le patron, qu’est ce que je dis,
comment je me présente. Mais ça, ça ne marche pas bien parce qu’il y a le regard des
autres, c’est difficile pour eux. Ça, ça a marché cette année, l’année dernière je me serai
jamais lancée là-dedans, Clairement le regard des autres, parler devant l’autre c’est déjà
compliqué. Là c’est vraiment parce qu’on avait installé un climat de confiance, de
bienveillance que je l’ai fait. Très peu de passages au tableau, où tu fais un exposé, où tu
parles de quelque chose, ça j’ai complètement abandonné. Ça marche pas du tout. Je me
suis très vite rendu compte que même de leur place ils refusent, quand tu leur poses la
question directement, tu en as beaucoup qui refusent la parole, ils vont dire je sais pas,
alors qu’ils savent, ou rester muet à te regarder, en baissant la tête.
Je sais pas, je pense que c’est au fil du temps, cela s’est fait naturellement, l’espace de
confiance s’est créé peut-être parce que dès qu’il y avait quelqu’un qui se moquait, il se
faisait reprendre. Dès qu’il y en avait un qui rigolait, de l’accent, de machin ou de trucs,
tout de suite je le mettais à l’amende devant tout le monde : non cela n’est pas acceptable.
Mais il y en a quand même qui sont restés sur la réserve très longtemps, qui ont toujours eu
du mal, à ce moment-là il fallait les gronder un petit peu « non c’est toi que je veux
interroger et tu sais, alors essaye, réfléchis ». Je pense qu’il y a pas de méthode miracle, il
faut être patient et se dire qu’il ne faut pas trop forcer, faut forcer les choses quand même
un petit peu sinon il ne parlera jamais, mais il faut savoir doser la limite, entre le refus je ne
veux pas et le refus je ne sais pas…
114
Comment tu t’organisais pour les faire travailler sur les supports écrits, en classe, en
groupe ?
J’étais toujours en classe entière, il y avait énormément d’entraide. Mais ça c’est la classe,
je ne pense pas que j’ai fait quelque chose de particulier. C’est vraiment une classe qui
était très soudée dès le départ, très vite les meilleurs ont expliqué aux plus faibles et ils ont
la patience… j’ai fait très peu fait de travail en groupe, parce que c’était très compliqué.
Soit mettre tous les alphas ensemble et rester avec eux, soit un alpha et un ; un peu plus
FLE ensemble, mais là il y en un travaillait et l’autre qui ne faisait rien. Donc c’était
beaucoup de classe entière et on travaille les uns avec les autres.
Oui, il faut tout oraliser. C’est vraiment fatiguant […] Rien que quand je donne un
exercice, il faut lire avec eux la consigne, comprendre la consigne, réexpliquer la consigne
avec eux, je connais pas ce mot là qu’est ce que ça veut dire, et après il faut revenir,
essayer de les faire réfléchir donc les faire parler, puis revenir pour faire une correction,
donc comment on va faire notre phrase, écrire au tableau. Donc tout se fait en classe
entière… il y a pas de possibilité d’autonomie pour ces élèves-là. Il y a peut-être des
façons de faire, mais moi en tout cas je la connais pas. Pour moi, c’était la façon la plus
simple, épuisante, clairement, mais la plus simple.
Comme j’avais une élève ULIS, j’avais une AVS qui ne s’occupait pas tout le temps de
l’ULIS parce qu’elle en avait pas besoin donc qui aidait les élèves allophones. Et l’année
dernière j’avais R. donc on était quand même trois adultes dans la classe, donc pendant le
temps où on réfléchit où on essaye de comprendre, là on essayait d’aller les uns avec les
autres. J’ai fait très peu de différenciation finalement.
Alors très peu dans le support après clairement j’allais aider les élèves les plus en
difficultés, les autres je les laissais se débrouiller tout seul, et puis après on faisait une
correction ensemble donc ils ne se sentaient pas exclus. Bon après, ils me réclamaient tous,
donc je courrais dans tous les sens dans la classe, surtout cette année où je n’avais plus R.
et ils ont énormément tardé à envoyer quelqu’un du Casnav.
Oui, mais en fin d’année et j’ai pas réussi à travailler avec elle correctement. J’avais pris
mes marques et résultat, j’avais plus besoin. C’était plus la peine en fait, j’avais trouvé
mon rythme de croisière.
Oui, je différencie. Je différencie aussi sur les attentes. Je pouvais poser les mêmes
questions, mais je n’avais pas les mêmes attentes.
115
Et pour la préparation du CCF ?
[…] je sais pas si t’as vu comment se déroule le CCF ? Déjà c’étaient les plâtres parce que
c’est la première année. Donc ils ont un texte, qu’ils doivent lire. C’était un texte de
théâtre, on l’a lu à deux en essayant de jouer la chose pour qu’ils comprennent bien ce qu’il
se passe. Et ils doivent continuer le texte avec des contraintes d’écriture. Alors là, j’avais
trouvé un texte qui s’appelle « la vocation », une collègue qui disait justement qu’avec ses
alphas ça marchait bien effectivement. Ils devaient continuer le dialogue entre le père et le
fils, le père demandait à son fils ce qu’il voulait faire plus tard et son fils n’osait pas lui
dire. Donc continuer cette discussion. On l’a travaillé avant le texte, normalement on est
pas censé. Mais là on avait travaillé « je suis fier de toi ».. on avait déjà fait le travail à
l’oral avant, et ils avaient réécrit les phrases sur leur cahier, et pour les alphas je leur avais
fait faire les phrases plusieurs fois, recopier la phrase plusieurs fois. Et avec des choses
simples, je suis fier de toi, tu n’as pas à t’inquiéter. Et après ils devaient continuer le
dialogue et inventer la vocation du fils, et expliquer pourquoi ils voulaient faire ça. Ça
aussi on l’avait travaillé avant parce qu’on avait travaillé sur un texte de Fermine,
« Neige ». C’est un jeune japonais qui veut devenir poète. Donc on avait travaillé sur le
haïku, la poésie et le fait d’être poète… […] avec les FLE j’ai pas osé aller jusqu’aux
haikus parce que c’est quand même compliqué pour eux, j’ai pas osé […] Mais on a
travaillé sur la vocation, alors artiste est-ce que c’est métier ? Parce que le père dit que
c’est pas un métier "artiste", que c’est un loisir. Alors qu’est-ce que c’est qu’un métier
qu’est-ce que qu’un loisir. Donc avec ça plus « la vocation », on avait réussi à faire un
texte. Et eux ils devaient continuer le dialogue et ils se sont plutôt bien débrouillés. Pour
les moins scripteurs, ce que j’avais fait c’est que comme ça se faisait en trois temps. Le
premier temps, on a expliqué le texte ensemble. Le deuxième temps, on s’est partagé la
classe avec M. et T. l’AVS, je leur avais donné à chacun un élève et moi j’en avais deux, et
en fait ils me dictaient et j’écrivais. Et pour le troisième temps, le texte qui avait été écrit
par les scripteurs je les retapais et je leur ai demandé de recopier ce qu’ils pouvaient.
La première partie ça m’a permis d’évaluer leur compréhension du texte et leurs idées. Et
la deuxième de voir leur façon d’écrire. Parce qu’il y en a qui m’ont fait deux, trois pages
en dictée, mais ils n’ont pas réussi à réécrire les deux trois pages derrière, mais bon c’était
histoire de leur montrer qu’ils ont des idées, après c’est juste une question d’écriture. Que
le texte, c’est eux qui l’ont produit.
Très peu. En histoire-géo, l’émission de radio, j’ai introduit ma carte sur le travail des
enfants grâce à cela. Bien sûr que j’apporte autre chose derrière, mais peu parce qu’ils ont
du mal avec des documents classiques. Une carte, avant de pouvoir travailler sur la carte, il
a fallu que je leur explique que la terre était ronde, qu’il a un hémisphère nord et un
hémisphère sud, l’équateur, j’ai utilisé la mappemonde … c’est complexe. J’ai dû partir de
la base.
Avoir travaillé au collège, je savais qu’il y avait des élèves qui étaient incapables de
conceptualiser. Au collègue ils ont du mal à conceptualiser, donc ça m’a beaucoup aidé,
j’ai repris beaucoup de trucs de 6ème pour pouvoir les aider à conceptualiser un peu plus.
Mais clairement je pensais pas aller jusqu’à faire le soleil, avec ma mappemonde. C’est des
choses qui nous paraissent tellement évidentes et qui ne le sont tellement pas pour eux. La
terre ronde, ils me regardaient comme si je leur parlais chinois. […]
116
Monter un truc avec eux m’angoissait, parce que j’avais l’impression de ne pas être
légitime. Moi, je suis professeur de lettres déjà, pas de français, on ne fait pas de
grammaire, on fait de l’analyse littéraire, de la sensibilité ce genre de choses. On est pas
censé faire de la grammaire pure, j’apprends la conjugaison ou la phrase simple. Et encore
on la travaille la phrase, mais jamais dans la une posture de prof de français. Mais dans une
posture où je vais analyser un texte et j’ai besoin de la grammaire pour cela. En plus de
cela, je n’ai aucune formation là-dedans, donc me dire que j’ai appris à lire et à écrire aux
élèves comme ça, je ne me sentais pas du tout légitime, c’est pas mon travail, je l’ai fait.
[…]
Par rapport à l’histoire et la géo, est-ce que c’est plus ou moins difficile d’aborder
l’EMC ?
L’EMC c’est très conceptuel. Déjà en lycée pro ce qui est conceptuel, quand ce n’est pas
concret, ils ont du mal, mais alors eux encore plus. Il faut vraiment essayer de trouver les
savoirs qu’ils ont déjà pour pouvoir s’appuyer là-dessus pour travailler. Mais c’est des
concepts qui sont complexes, surtout que la république en France et la République en
Afrique, ce n’est pas la même manière… c’est pas la même définition en fait. Ce que eux
appellent République c’est une dictature. Va leur faire comprendre que le mot c’est le
même, mais il ne veut pas dire la même chose, il y a pas les mêmes choses derrière.
Expliquer la laïcité c’est complexe, parce que la religion, ils ne la vivent pas de la même
manière. Par contre, ils intègrent très facilement le fait que comprendre le système français
c’est important pour eux pour rester en France, résultat ils essayent, ils sont intéressés,
mais c’est extrêmement conceptuel. Autant l’histoire géo et l’EMC, c’est un problème de
vocabulaire et de niveau de langage. Il y a du vocabulaire précis, t’es obligé de les utiliser
pour pouvoir faire de l’histoire géographie. Et ils ne les ont pas ces mots de vocabulaire et
ils sont complexes. Donc ils sont en apprentissage de la langue, et en fait on leur apprend
une autre façon de parler. La principale difficulté elle est là, dans le vocabulaire et dans le
fait qu’ils n’ont pas les bases d’un élève lambda. Pour les élèves alpha, ceux qui n’ont pas
eu de scolarité, c’est complexe, ils ont aucune culture derrière. Nous, notre histoire, on ne
l’apprend pas que dans les cours, avec ces élèves là on ne peut pas s’appuyer sur cet
acquis-là. Une monarchie, un roi, ils ne savent pas ce que c’est. Une république, les droits
de l’homme… c’est beaucoup de vocabulaire à assimiler qu’ils n’ont pas. Rien que tout
simplement tu as la carte, il y a une légende. La légende ils ne savent pas ce que sait. Et
après la légende elle permet de lire la carte, donc il va falloir que tu apprennes un autre
type de codes. Le fait de savoir que la couleur foncée, elle correspond à la couleur foncée
qui est sur la carte. C’est déjà un concept qu’ils ont pas. C’est des codes qui s’apprennent,
mais qui s’apprennent depuis qu’on est tout petit.
[…] Se mêle à ça leur religion. Ils ont aucune idée, pour eux l’histoire et la religion c’est la
même chose. Quand tu leur dis que c’est pas la même chose, « non là tu essayes de
m’embrouiller ». Faire la distinction entre la science et la croyance, c’est pas facile. […]
117
Annexe 5 : Transcription l’entretien 4 (extraits)
[…] Un CAP en 3 ans ce serait vraiment l’idéal. On voit bien la MLDS ou l’UPE2A, les
élèves en ont besoin, mais ce n’est pas suffisant pour suivre un cursus classique, surtout
pour des NSA. Quelques heures de FLE. Tu vois bien c’est disséminé, après ça manque de
cohérence, de lien. Moi j’aimerais bien monter un truc comme cela. Pour des personnes
comme toi qui sont formées en FLE, qui rencontrent des professeurs comme moi, où moi
j’ai mes acquis liés à ma discipline, c’est là où l’échange il et fructueux et c’est surtout
pour les élèves. Moi je vois bien, le lien qu’on a eu, toi tes acquis et moi les miens, liés
chacun à nos disciplines respectives, c’est autre chose. Moi j’ai énormément appris même
si ça devrait être le contraire. J’essaye d’adapter les documents que je propose en histoire
géo ou en français, souvent ils sont enregistrés sur Audacity, mais j’ai pas ce savoir
universitaire lié au FLE, même si j’apprends, je trouve que j’ai quand même beaucoup
progressé par rapport à y’a 5-6 ans quand j’ai commencé. Mais surtout ce côté, nous notre
discipline, ce n’est pas que les disciplines, c’est les exigences scolaires, on est quand même
très focalisés sur l’écrit. Et là, à ton contact je me suis aperçue que les restitutions orales
c’était aussi important que l’écrit, et que pour moi ils prennent confiance et ils apprennent
davantage, et je pense qu’à partir de ce moment-là après tu peux les faire écrire aussi, tu
vois c’est lié.
Oui, quand même. On était pris par le temps. Tu vois bien qu’il y a une énorme différence
entre ce que tu prépares et la réalité du terrain, il faut toujours prendre une marge de 2-3
heures. Moi je pense que ce serait vraiment un super projet pédagogique de créer cette
année où il y aurait des pros du FLE et des profs de discipline. Vraiment ce serait autre
chose. Les élèves doivent passer par là [l’UPE2A et la MLDS], mais il manque cette
passerelle. Les gamins quand tu les récupères en première année de CAP, ils savent ce
qu’on attend d’eux. Avec la réforme c’est possible, mais en même temps c’est des coûts
humains, financiers.
C’est un outil, moi j’aime bien quand je prépare une séquence, choisir ça peut être la radio,
une sortie, j’aime bien choisir un petit déclencheur qui soit extérieur à une préparation de
cours. Mais pour moi cela peut être un autre document, une autre forme de lancement.
118
Et à travailler comme support pas seulement comme document déclencheur, est-ce que tu
trouves cela intéressant ?
Oui je pense que c’est intéressant, en français pour chaque document, on va essayer de
construire nos activités pour que les élèves comprennent l’organisation, la cohérence, là
c’est intéressant pour ce profil d’élèves car ce que je remarque c’est que leur début, leur
prise de parole, elle part dans tous les sens. Donc il faut absolument travailler sur cette
organisation. Donc, ce n’était pas tirer par les cheveux. Là, on a choisi l’interview, mais de
toute façon sur un autre document, Clärli, on aurait essayé de faire cela, on travaille
beaucoup sur la cohérence, l’organisation du texte. Mais là c’était quand même bien, parce
que comme c’est un document authentique, on était obligé de contextualiser, peut-être que
c’était plus facile pour eux, il y avait une meilleure compréhension de cette organisation.
Comme le tuto. Partir de documents authentiques ou de situation ne qu’ils vont rencontrer,
peut-être que cela facilite la compréhension de nos consignes. Peut-être qu’un document
histoire, un texte littéraire, au départ, cela va avoir moins de sens pour eux.
Quelles sont les forces des élèves, sur lesquelles tu peux t’appuyer et leurs difficultés ?
J’essaye toujours de partir de leurs vécus, parce que la difficulté principale c’est qu’il
n’arrive pas toujours à conceptualiser ce que j’attends d’eux. Pour moi c’est la principale
difficulté, en plus du lexique et de l’apprentissage de la langue. La majorité des élèves
allophones que je retrouve dans ma classe ne comprennent pas nos attentes, les exigences
de l’institution. Pour moi, c’est la principale difficulté. Donc j’essaye toujours de partir de
leurs vécus pour ce que cela fasse sens ce que je vais leur demander. Toujours faire sens.
Cela passe avant que les difficultés liées à la langue, on peut travailler sur le vocabulaire,
ça peut être une dictée à l’adulte, on arrive à dépasser les difficultés liées à la langue. C’est
vraiment le manque de conceptualisation, on en a parlé plein de fois. Par rapport aux
exigences, à ce qui nous est demandé, c’est la difficulté majeure.
Oui, tu vois N. C’est l’exemple typique, à partir du moment où il comprend ce que tu lui
demandes, bien sûr qu’il va y avoir des difficultés récurrentes liées au vocabulaire, à la
conjugaison, mais une fois qu’il a compris, il assimile, c’est impressionnant les progrès
qu’il a faits. C’est vraiment cela, le décalage, ils ne se rendent pas compte de ce qu’on
attend d’eux, de ce qu’on leur demande.
Partir de leur vécu. En histoire géo on était sur les transports, donc on va aller se promener
en ville, je vais les interroger sur leur itinéraire pour venir à l’école … Et puis après,
lorsqu’ils vont partir en stage on met en application ce qu’ils ont appris, et par rapport à
cela je vais rajouter du vocabulaire, certaines notions géographiques.
119
Partir de leur vécu en histoire c’est vraiment difficile, pour moi c’est l’histoire le plus
difficile. D’ailleurs, j’ai tendance à travailler davantage travailler la géographie ou l’EMC
avec les classes d’allophones en première année. L’histoire, on va beaucoup travailler avec
M.P83sur des documents iconographiques. Mais l’histoire c’est une discipline qui est
compliquée à aborder avec les élèves allophones. J’essaye de vulgariser, mais parfois cela
perd un peu…
Si on reste sur de l’histoire contemporaine, ça peut être des discours. Mais lorsqu’on étudie
Christophe Colomb, cela demande beaucoup de travail de recherches, et là c’est bien
d’avoir la documentaliste avec qi tu peux travailler parce qu’il va falloir fouiller. Sur
Christophe Colomb, avec M.P, tout ce qui est journal de bord, ça peut être accessible, ou
des mémoires on peut les mettre en voix. Mais l’histoire c’est beaucoup d’investissement,
tu n’as pas toujours le temps. C’est en deuxième année, que je vais compenser, je vais
choisir les thématiques. Mais le premier thème d’histoire sur les continuités et la rupture
entre démocratie et république, c’est quand même des concepts difficiles pour des élèves
francophones, je n’ai pas travaillé sur cette thématique, mais je préférerais partir sur la
construction européenne qui leur parle plus. Tu vois bien c’est difficile pour eux d’avoir
des repères chronologiques.
Tout ce qui est lié à l’oral, par exemple Audacity, mettre en voix, les faire écouter. Même
si sur Whatsapp c’est pas mal, ça simplifie la vie. L’informatique aussi. Au niveau des
moyens et des outils je pourrais améliorer. Il y a des moments j’ai des périodes de
découragement. L’alphabétisation, ça m’arrive d’être démunie. Je pense que je suis
capable, mais je n’ai pas toujours le temps de préparer une activité pour les A1, les A2, j’ai
aussi mes élèves francophones. Quand je prépare une séquence et même ma séance, il faut
que j’arrive à trouver une activité que je puisse modulée par rapport au niveau des élèves.
Et il faut aussi avoir une classe bienveillante, parce que mes francophones, les élèves les
plus autonomes soit ils sont prêts à travailler en autonomie, soit certains, ils préfèrent
avancer avec le reste de la classe. Donc pour l’instant, le fait que j’ai des classes très
hétérogènes, ça ne m’a jamais trop posé problème, l’alchimie se crée.
83
M.P est la documentaliste du lycée.
120
préoccupés par leurs situations personnelles, parfois ce que tu vas mettre en place ils
n’impriment pas. Et il faut le prendre en considération. C’est avant tout des êtres humains
que tu as en face de toi avant d’être des élèves. Ce ne sont pas que des oies que tu gaves.
Donc ça aussi il faut le prendre en considération. Effectivement je préfère trouver une
activité que je vais essayer de moduler. Sur les itinéraires, il y a des élèves qui savaient à
peine ce que c’était que l’ordinateur donc on a plutôt travaillé là-dessus et d’autres élèves
qui étaient déjà en train de travailler sur d’autres itinéraires. Mais après c’est chaud quand
tu es toute seule en classe, c’est pas toujours évident.
Et toi, tu ressens la pression scolaire liée à leurs parcours administratifs, cette injonction
à la réussite ?
Oui c’est vraiment très compliqué. Eux, ils sont angoissés, oui effectivement le bulletin
scolaire est important dans l’obtention de leurs papiers, et puis ce qui m’énerve aussi, c’est
qu’ils n’ont pas le droit de mettre le bazar, ouais c’est un peu cette injonction du bon élève
pénible pour eux. Mais j’essaye quand même d’être juste. Je ne veux pas comme certains
professeurs qui vont un peu trop tomber dans « tant pis je vais mettre deux points de plus
selon la situation ». J’essaye d’être juste. Par exemple, si l’élève a 10, il ne va pas être
content, il faut essayer de se dire, ce n’est pas grave, on va faire autre chose, des
remédiations pour améliorer la note. Il y a cela aussi, tu vois, eux ils ont cette injonction
d’être bon élève, d’avoir des supers appréciations, même quand ils sont affectés dans des
CAP, ils en ont parfois rien à faire, mais ils n’ont pas le choix d’être là. Et il y a nous,
professeurs, adultes, on essaye d’être bienveillant avec eux, on sait que c’est important,
mais parfois les exigences même si on les adapte, elles ne sont pas là, et le couperet de la
note tombe, ils ont peut-être que 9 ou 10. Et j’essaye d’être juste par rapport à cela. C’est
un peu ambivalent parce qu’on est professeur, on a toujours ces notes, on passe par cette
opération de l’évaluation, mais aussi on est des êtres humains, on connaît leur situation,
c’est pas évident toujours d’avoir la bonne posture entre le professeur qui va toujours
mettre des supers notes, mais ce n’est pas révélateur du niveau de l’élève et des exigences
attendues pour l’examen, et puis à l’extrême le professeur qui ne va pas du tout adapter et
là c’est sûr leur niveau ne peut pas correspondre aux exigences de l’examen. C’est comme
leur absence, savoir ce que tu notes ou pas. Un élève qui s’absente tous les mercredis pour
les mêmes raisons, tu décroches ton téléphone pour demander à l’éducateur ce qu’il se
passe. Les absences faut les prendre en compte, jusqu’où s’arrête la limite. Il y a beaucoup
de profs qui se disent que c’est cool ces classes, il n’y a pas de discipline, mais tu as tout
un accompagnement énorme à faire. Tu sais que sur le plan des émotions, ça va être
difficile, que le suivi va être compliqué parce que les éducateurs de l’ADATE 84 sont au
taquet, c’est pas évident de les avoir au téléphone ou d’obtenir un rendez-vous. Tu es
obligé de connaître ses élèves, sans du tout être intrusif avec leur situation perso, mais tu es
obligé de savoir leur situation administrative, l’AJA, pour les comprendre, pour leur
scolarité tu es obligé. Donc c’est quand même beaucoup d’investissement. Même par
rapport aux appréciations. Moi ça m’énerve je trouve qu’elles sont bâclées. C’est pas
évident entre la complaisance, la bienveillance. On les accueille en individuel au début de
l’année, mais ce n’est pas suffisant. Quasiment tous les mois, il faut de nouveau, sans
parler de prendre tout le monde, mais il faut vraiment être carré au niveau de l’évolution
parce que pour eux, ça peut changer très rapidement, cela peut vite basculer. Et puis je
84
L’ADATE est une association, de mission de service public, chargée notamment de l’accompapagnement
des jeunes mineurs isolés. http://www.adate.org
121
pense qu’on ne travaille pas assez en équipe. Il y à plein d’écueils qu’on pourrait éviter si
on travaillait davantage en équipe, donc ça demande peut-être des réunions entre midi et
deux. Donc c’est encore vraiment perfectible. Plein de choses pourraient améliorer cette
grosse machine dans laquelle ils sont parfois un peu perdus voire broyés.
Ces histoires d’enregistreurs c’est sympa, de s’entendre, maintenant ils peuvent avec leur
téléphone. Mais l’oral, l’écoute c’est quand même bien et il faudrait peut-être que je me
renseigne davantage pour savoir ce quoi fait par rapport à cela.
C’était un travail individuel. L’oral s’appuyait sur un dossier écrit. Chaque élève
choisissait des documents. C’était vraiment un boulot d’instit, après chaque séance, je
ramassais, je corrigeais et il fallait qu’ils améliorent. Avec un élève comme M., qui avait
des difficultés, les documents qu’il avait choisis je les enregistrais. » Et après, avec M.P,
on banalisait des demi-journées et on les interrogeait pour faire des oraux blancs. Souvent
je reprenais la grille du Delf. Il y avait bien sûr les évènement historiques ou
géographiques, mais tout ce qui est lié à l’élocution, au début, à la prononciation.
Pour certains, la structure était présente parce qu’il y avait le travail en amont. Pour
d’autres c’était plus compliqué.
Donc c’est en structurant à l’écrit pour le dossier, qu’ils structuraient à l’oral ? C’est
intéressant parce qu’on a fait le contraire …
Mais je pense que c’est mieux. C’était peut-être trop cloisonné aussi, alors qu’il faut
vraiment relier les deux, l’écrit, l’oral. Mais c’est vrai qu’à ce moment-là on partait
d’abord des documents, des questions sur le document. J’essayais de faire un petit texte,
certains arrivaient tout seuls, quand je dis un petit texte, les questions des documents on les
mettait en forme. C’est un article, c’est article parle de etc. c’était un peu surfait.
Je me demande le fait de s’enregistrer avant le passage à l’écrit c’est une trace orale, pas
simplement une verbalisation dans l’interaction. Quand on est avec eux pour les aider à
rédiger il y a quand même une formulation orale qui aide au passage à l’écrit.
J’ai l’impression que c’est plus productif pour eux, je trouve qu’ils arrivent davantage
après à écrire et à structurer ce qu’ils écrivent.
Oui, mais tu peux le voir, tu n’as pas toujours besoin d’évaluer. J’ai vraiment l’impression,
cela les aide.
Souvent ils ont un sujet d’expression écrite, ils ne savent pas quoi dire, on en parle, mais
dès que tu les laisses, ils ne savent plus. S’il y a la trace, cela montre bien : tu as des
choses à dire.
Cela libère. Et puis même, je ne sais pas comment je peux l’appliquer, mais cette fameuse
dictée à l’adulte demande un besoin humain. Là à la limite, il le fait seul et après tu
122
reprends avec lui, moi ça me permet d’aller voir quelqu’un d’autre. C’est un outil matériel
intéressant.
C’est un support donc je vais davantage me servir, parce que ça libère du temps pour le
professeur, et je trouve vraiment que ça les stimule, ça libère la parole, et ça leur donne
confiance, par ce que comme tu dis « j’ai des choses à dire » et ça va faciliter à moins avis
l’apprentissage, la production écrite ». Mais il y a quelques années en arrière, je n’aurai
sûrement pas pu, ils n’avaient pas tous un portable. La maintenant ça y est, ils ont tous un
portable, ça leur plaît même. Mais là ce que tu as fait c’est vraiment une très belle
transition pour terminer l’année et on les a bien préparés pour F., vraiment, pour aborder le
document, de contextualiser, comme on les a fait parler à l’oral, c’est ce que l’on va leur
demander en français et en histoire géo. Mais là je trouve qu’on les a bien préparés pour la
deuxième année où ils vont peut-être plus aborder le fond. Mais là ce qu’on a fait
justement, ce serait peut-être plus un modèle de cours intégré de première année de CAP
transitoire.
Là aussi il faut partir du vécu des élèves, de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils ressentent. Leur
parler de la nationalité française, faut arrêter. Ce n’est pas du tout adapté. Au contraire.
Après, très bien, les symboles de la République c’est un cours qui est vraiment rébarbatif.
Mais je les avais fait travailler sur l’ordinateur, pourquoi on avait choisi ces symboles, il y
a avait un peu de lecture. […]
Certaines activités proposées par les CASNAV ne sont pas adaptées, trop infantilisantes.
C’est ça qui était intéressant dans la séquence que tu as préparée, ce n’est pas infantilisant.
On a des jeunes adultes. Pour la laïcité, tu les fais parler, c’est tous les jours. Ce n’est tout
d’un coup. Eux ils se sentent stigmatisés, ils sont musulmans, ils font pas mal d’efforts, ils
vont à la piscine. Il y a aussi un problème culturel, c’est du jour au lendemain, d’avoir une
autre culture. […]
En histoire, la difficulté c’est de ne pas faire de l’évènementiel mais de lier à ce qu’on
connaît. C’est plus intéressant et plus parlant. Mais cela demande beaucoup
d’investissement pour adapter les thématiques. […]
123
Annexe 6 : Questionnaire d’évaluation de la séquence par les élèves
124
Annexe 7 : Profils des élèves en seconde CAP Peinture, Application et Revêtement
Elève Âge Pays Répertoire langagier Parcours scolaire et/ou apprentissages littéraciés dans Usage du français avant l’arrivée
d’origine des contextes non-scolaires en France et niveau actuel
B. 18 Mali Bambara, français Mali : cours du soir de français dispensé par un de ses Langue véhiculaire comprise et
frères (7 mois) parlée au pays.
Oral : A2
Ecrit : A1.1
L. 18 Mali Soninké (langue du Mali : cours du soir en arabe (écrit un peu), un tout petit Langue officielle entendue dans les
village), bambara peu en français médias, mais non comprise ni parlée
(langue véhiculaire), au pays.
français (langue France Oral : A2
officielle) 1 an UPE2A-NSA (Mounier) Ecrit : A1.1
1ère année CAP
126
Annexe 8 : Profils des élèves en seconde CAP Maçonnerie
Elève Âge Pays Répertoire Parcours scolaire et/ou apprentissages littéraciés dans des Usage du français avant
d’origine langagier contextes non-scolaires l’arrivée en France et niveau
actuel
A. 19 Kosovo Albanais, français Kosovo (en albanais) Pas de connaissances antérieures du
11 ans français.
Difficultés à l’écrit : « Je ne sais pas écrire »
A commencé une formation en apprentissage, interrompue à 19 ans Oral : B1
faute d’autorisation de travail. Arrivé en cours d’année à Roger Ecrit : A1
Deschaux.
M.U 18 Turquie Kurde (parlée Turquie (en turc) : 11 ans Pas de connaissances antérieures du
uniquement), français.
turc, français
Oral : A2
Ecrit : A2
S.E 18 Guinée Malinké, soussou, Guinée Apprentissage du français à l’oral
arabe, italien, - 4 ans de scolarité dans une école coranique (arabe langue sur la route de l’exil. Très peu de
français d’enseignement et d’apprentissage, langue de l’écrit, explication contact en Guinée avec le français.
orale en malinké et soussou si besoin)
Ecrit : Arabe, - 1,5 ans de cours à domicile en arabe – enseignement coranique Oral : B1/B2
français, italien, Ecrit : A2
malinké France : cours du soir pour apprendre la langue
France :
- 2019-2020 : cours dans une association (3AMIS)
- 2019-2020 : UPE2A au Lycée professionnel Jacques Prévert
- 2020- 2021 : 1ère année CAP maçonnerie
M.L 19 Côte Bambara, Côte d’Ivoire Usage du français à l’oral dans le
d’Ivoire malinké, français - cours du soir en français (quelques années), par des amis scolarisés cadre familial et social.
Ecrit : français, - 1 an à l’école coranique
un peu arabe France Oral : B1/B2
1 an UPE2A-NSA (Mounier) Ecrit : A2
127
1ère année CAP
M.O 18 Mali Malinké, Mali Usage du français à l’oral dans le
bambara, Scolarisé pendant 7 ans. Français : langue d’enseignement et cadre familial, social et scolaire au
français, italien. d’apprentissage (écrit). Mali.
Malinké, bambara : langues d’enseignement (oral)
Oral : A2/B1
Ecrit : français et France Ecrit : A2
un peu l’italien Classe d’accueil (2 mois)
France
1ère année CAP
Oral : A2
Ecrit : A2
M.A 23 Guinée Malinké, français, Guinée : 10 ans en français
italien France, France
I.S 19 Guinée Soussou (parlée Guinée : 12 ans (en français)
uniquement)
français, anglais France : Alternance – CAP cuisine 2 ans
128
Annexe 9 : Transcriptions et analyses des productions initiales de A. et L.
A. (1’43) L. (1’20)
Introduire Bonjour, bonjour à tous, je m’appelle A. Je vais Bonsoir tout le monde, j’espère que tout le
vous raconter les mauvaises conditions que j’ai monde il va bien. Je vais vous raconter
vécu en entreprise, là où j’ai travaillé, là où j’ai conditions de mauvais travail, ce que j’ai
fait mon stage. Je vais prendre l’exemple de imaginé. Par exemple échafaudage.
moi-même.
Développer Moi, mon patron il me montre pas beaucoup de Quand on va faire l’échafaudage on doit
choses, il me demande que de faire le ménage, faire les barrières avant de commencer à
le balai ici, nettoyer ici. S’il a besoin de quelque faire l’échafaudage. Si on a dit que non, on
chose, il me donne les clés, il va le chercher tel n’a besoin pas des barrières etc. Bon ça,
matériel, tu viens, je vais aller chercher ça, je c’est les mauvaises conditions de travail,
viens. Après, s’il a besoin de quelque chose parce que les gens qui doivent passer
aussi il me demandait d’aller chercher et je vais dessus, si on met pas les barrières, ça fait
aller chercher après pour revenir aussi. Donc, je … ça c’est les conditions de mauvais
vais passer toute la journée comme ça, sans rien, travail. A chaque matin aussi, avant qu’on
faire sauf du ménage. Et aussi à la fin de commence le travail on doit vérifier
journée, il me demande de nettoyer le couteau, l’échafaudage. Si on a dit non on vérifie
les brosses, le rouleau, le matériel de travail, il pas, parce que y a quelqu’un qui peut
me demande de nettoyer tout et quand je vais passer devant et enlever quelque chose.
nettoyer il va m’indiquer non, range ça, je vais Avant qu’on commence le travail on doit
ranger, il dit OK, tu prends tu vas le déposer à la vérifier. Bon si on vérifie pas, bon ça aussi
voiture, je prends pour aller le déposer à la c’est la condition de mauvais travail.
voiture, il me dit, donc on s’en va. En plus aussi
il te parle mal, il te parle comme il veut, il te
parle n’i
mporte comment, même tu peux parler à tes
enfants, comme ça à la maison.
Conclure Bon c’est ça qui m’a choqué beaucoup à C’est ça que je vous raconterais, bonne
l’entreprise, tu vois pour moi ce que j’ai vécu soirée, aurevoir
comme mauvais conditions à l’entreprise, c’était
ça.
129
➢ Lexique spécifique (vu dans la séance) : les mauvaises conditions de travail
➢ Positionnement énonciatif :
Marque du destinataire :
- Emploi d’un « tu » impersonnel :
o A : « il te parle mal, il te parle comme il veut, il te parle n’importe comment, même
tu peux parler à tes enfants, comme ça à la maison. »
- Emploi d’un « tu » personnel :
o A : « Bon c’est ça qui m’a choqué beaucoup à l’entreprise, tu vois pour moi ce que
j’ai vécu comme mauvais conditions à l’entreprise, c’était ça. »
Marques de l’objectivation :
- Emploi du « on » impersonnel et général :
o L : « Quand on va faire l’échafaudage on doit faire les barrières »
130
Annexe 10 : Transcriptions et analyses des productions orales finales d’A. et L.
A. (2’22) L (1’43)
Introduction Bonjour, bonjour à tous je m’appelle A. La semaine dernière jeudi, on Bonjour, je m’appelle L.S, je vais vous raconter des sorties des semaines dernières.
a fait sortie avec ma classe pour aller rencontrer le délégué des Les élèves du lycée pro Roger Deschaux, première année CAP Peinture, on a sortir
syndicats Monsieur S.G pour aller poser notre question de manque de le 27 mai pour aller Bourse du Travail pour rencontrer délégué syndical, s’appelle, il
sécurité au travail. s’appelle S. G. Il va travailler dans le bâtiment, société s’appelle CGT. On a posé
beaucoup de questions.
Développement Il a répondu toutes nos questions, si on a des problèmes, qui a on va Bon, j’ai appris, ce que j’ai appris, je savais pas que illégalité, quand il arrive entre
nous adresser pour expliquer notre problème. On a fait beaucoup employés et employeurs on peut aller tribunal des Prud’hommes, mais maintenant
d’interview. Il a tout dit, si on a des problèmes ou des conflits avec le j’ai appris ça. Je… je … je sais que si il y a quelque chose qui arrive, y’a la justice,
patron, à qui on va m’adresser pour dire notre problème, qui il va nous par, dans les lois, on peut aller au Prud’hommes, par exemple si le patron qui parle
aider beaucoup. On a dit tout. Monsieur G. nous a expliqué beaucoup mal, si y a mon collègue qui est à côté qui a écrit ça, on peut aller Prud’hommes,
de choses, pour les conditions de travail par exemple, si on a des mais j’ai pas le droit pour enregistrer son voix.
problèmes à quelqu’un à la santé ou de manque de respect à qui on va
m’adresser, on va faire comment.
Conclusion Donc les syndicalistes, pour moi, ils sont très bien, parce que si on a Syndicat c’est intéressant pour moi parce qu’il va défendre les employés. Voilà, si
des problèmes, il va nous aider. Soit il va nous dire où on va dire notre l’employeur parle mal … je pense que c’est intéressant. Les syndicats, je pense que
cas pour expliquer notre problème, ce sera très bien pour nous. Moi, c’est intéressant. Merci de votre compréhension.
ce je pense à syndicats, ils sont très bien, il nous a expliqué beaucoup
de choses. Il a dit comment travailler, donc si on a des problèmes on
va aller les Prud’hommes. Il nous a tout expliqué avant de quitter
l’interview, à la Bourse du travail. Donc c’était le jeudi dernier avec
ma classe, il a tout expliqué, il a répondu à toutes nos questions,
Monsieur G. Merci de votre compréhension.
131
➢ Lexique spécifique :
o L : délégué syndical, Bourse du travail, syndicat, illégalité, employés/employeurs,
tribunal des Prud’hommes, justice, lois, défendre les employés
o A : délégué syndical, manque de sécurité au travail, conditions de travail, conflits
avec le patron, santé, manque de respect, syndicalistes, syndicats, Prud’hommes,
Bourse du travail
➢ Positionnement énonciatif
Marques de l’énonciateur :
Emploi du « je », « on » / « nous » : :
- Pour se présenter / introduire :
o A : « je m’appelle »
o L : « je vais vous raconter »
- Pour raconter le processus d’apprentissage :
o L : « je savais pas », « maintenant je sais » : induit un objectivation, un rapport
distancié à la connaissance
o A : « nous a expliqué »
- Pour expliquer en donnant un exemple
o L : « par exemple, si le patron qui parle mal, si y a mon collègue »
- Exprimer une opinion « je »
o L : « je pense que »
o A : « pour moi »
- Pour raconter une expérience collective :
o A : « on a sortir »
o L : « on a posé beaucoup de questions », « si on a des problèmes, il va nous
aider »
132
Annexe 11 : Fiche pédagogique de la séquence
Aborder la citoyenneté par une entrée sociale plutôt que politique, permet d’inclure les élèves n’ayant
pas la nationalité française ou européenne. En effet, l’engagement syndical (et associatif) est un espace
politique qui contrairement aux élections, n’est pas réservé aux ressortissants français et européens. De plus,
elle permet d’aborder des notions complexes liées au fonctionnement démocratique (les élections et la
représentation, la négociation et la prise de décision collective, le conflit et la justice) à partir d’une réalité
connue des élèves via leurs stages, celle du monde du travail. Le projet radio et les outils d’enregistrements
audio permettent de travailler l’expression orale des élèves en vue de l’examen du CCF. Attention, le projet
radio nécessite de la part de l’enseignant des compétences en montage son (Audacity par exemple).
Objectifs généraux :
● Comprendre ce qu’est un syndicat :
◦ son organisation et les élections professionnelles
◦ son rôle de défense des salariés
◦ ses moyens d’action (actions collectives, grève et manifestation, action individuelle au Prud’hommes
● Connaître ses droits (code du travail, conventions collectives)
Thèmes, mots-clés : citoyenneté sociale, engagement, syndicat, conditions de travail, acquis sociaux, code du
travail, Prud’hommes, élections professionnelles, démocratie, justice, loi, discriminations
Repères : Grève de Carmaux 1892, Jean Jaurès, grèves de 1936, grèves de mai 1968
Public : classe de CAP
Niveau linguistique : A2 à l’oral, adaptée à une hétérogénéité de niveaux y compris aux élèves allophones peu
lecteurs-scripteurs – à prévoir plutôt au second semestre en 1ère année.
Durée : 10h environ – séquence à adapter suivant le rythme et le niveau de la classe en privilégiant certaines
activités
Prérequis :
Histoire
Comprendre les notions de passé, présent et futur et FLE/FLS (prérequis et/ou principales notions à
y situer des évènements. travailler en parallèle)*
Savoir distinguer plusieurs types de documents Formes interrogatives
(photographie, texte, graphique) et en identifier la Temps du passé (passé composé)
source. Articulateurs chronologiques (d’abord, ensuite,
pour finir) et logiques du discours (donc, parce que,
EMC mais)
Comprendre les notions de droits, de devoirs et de Phonétique (selon les difficultés des élèves)
règles.
*Les notions travaillées parallèlement à la séquence en cours de FLE/FLS peuvent être rajoutées sur la grille
d’évaluation (ex : emploi des articulateurs). Les productions orales enregistrées effectuées dans le cadre sont
un outil pédagogique extrêmement intéressant en FLE/FLS pour identifier les difficultés linguistiques en général
et phonétique en particulier1. Les différents travaux oraux de cette séquence peuvent devenir des opportunités
de réemploi des notions travaillées en FLE/FLS.
1
Les difficultés phonétiques varient notamment selon les langues premières des élèves. Les fiches conçues par Langues&Grammaire
en Île-de-France recensent les caractéristiques phonologiques des langues premières et les difficultés d’ordre articulatoires que
peuvent rencontrer en français leurs locuteurs. https://lgidf.cnrs.fr/node/1570
133
Compétences développées et activités langagières
Manipuler des supports numériques et médiatiques ● Discursive : organiser ses idées, introduire,
(site web, enregistreur et micros) développer un thème, conclure, utiliser des
articulateurs logiques simples (donc, parce que,
mais)
● Fonctionnelle : préciser sa pensée, être à l’aise à
l’oral, restituer une information avec ses propres
mots en s’aidant de notes, se repérer sur un site web
et trouver une information
Sociolinguistiques : adapter son discours en fonction du
contexte plus ou moins formel (au sein de la classe, en
rencontre avec un délégué syndical)
Activités langagières
● Interaction orale : coopération à visée fonctionnelle lors des travaux de groupe (exprimer son opinion et son
expérience, écouter celles des autres, argumenter de manière spontanée), mener une interview préparée dans
un contexte formel et réagir aux propos de son interlocuteur
● Oral monologué : raconter une expérience, exprimer et expliquer son opinion, s’enregistrer pour un auditoire
ou parler devant un auditoire, mettre en voix un texte, restituer une information avec ses propres mots à l’aide
de ses notes, parler avec spontanéité sur un thème connu (conditions de travail, syndicalisme)
● Compréhension orale : écouter le reportage d’un journal d’information radio, comprendre les points principaux
d’une intervention sur un thème connu (conditions de travail, syndicalisme)
● Compréhension écrite /littéracie numérique : naviguer sur un site officiel, identifier et comprendre des
informations
134
Etape 1 : Découverte et familiarisation avec la thématique et le genre du
reportage radio - 1h30 environ
Objectifs Activités Modalité Matériel et support
Objectifs d’enseignement Activité 1 : Découverte de la thématique (20 Classe - photographie du 1er mai (ou
- ancrer le thème dans une actualité min) autre mobilisation d’actualité)
sociale -tableau, projecteur
- impliquer les élèves à partir de leurs
Discussion collective autour d’une photographie
connaissances/expériences
Activité langagière : interaction orale
- réactiver et introduire des éléments de
lexique pour préparer l’écoute
Objectifs apprentissage
- se familiariser avec le thème et son
lexique
*attention, tout document support écrit est en lui-même une activité de compréhension voire de production écrite pour certains élèves éloignés de
l’écrit
Par l’animation d’une discussion en classe entière, faire émerger des hypothèses sur la situation en posant des questions : Qu’est ce que
vous voyez ? Qu’est-ce qui se passe ? A votre avis, pourquoi sont-ils dans la rue ? On peut évoquer l’origine du 1er mai, son caractère
international, demander aux élèves comment cela se passe dans les pays où ils ont vécu.
Lors de la discussion, recenser et noter le vocabulaire thématique au tableau. Les élèves pourront le prendre en note pour se constituer
un répertoire utile pour toute la séquence.
Pour les élèves peu lecteur-scripteurs, sélectionner un nombre limité de mots, pour leur donner le temps d’en noter quelques-uns. Si
l’écrit est un support d’apprentissage pour certains, il est un objet d’apprentissage pour d’autres.
Lire les questions 1 et 2 avant la première écoute. Première écoute. Avant de corriger les questions, on peut ouvrir par une question
globale Qu’est ce que vous avez compris ?. Pour la question 1 et 2, demander les indices sonores (jingle), s’aider de la capture d’écran
du lecteur. Ne pas hésiter à demander aux élèves d’expliquer ce qu’est un reportage, de comparer avec les différentes émissions radio
qu’ils connaissent. Savoir s’ils écoutent ou écoutaient la radio.
La question 3 peut être faite ensemble, on peut rappeler les définitions source et nature, donner différents exemples (photographie, texte
etc.).
Lire les questions 4, 5, 6 avant la seconde écoute. Lire tous les mots de la question 4.
Pour les élèves peu lecteurs scripteurs, on peut relire les mots après l’écoute et les aider à identifier les mots entendus. Pour cette partie,
on peut les renvoyer à l’image comme aide à la compréhension.
Selon le niveau des élèves, on peut choisir de procéder par étapes (lecture de la question 1, écoute, correction, lecture de la question 2 et
éventuelle réécoute) ou au contraire de lire l’ensemble des consignes. Dans ce cas, il peut être intéressant de faire travailler les élèves en
binôme. Des mots de lexique – le délégué syndical, la direction – seront probablement à repréciser. Ne pas hésiter à faire appel à la
morphologie des mots diriger/direction et à des exemples familiers (délégué syndical/délégué de la classe).
135
Etape 2 : Approfondissement et réflexion autour des conditions de travail
(EMC/Histoire) – 3h00
Objectifs Activités Modalité Matériel/ support
Individuel,
Activité 6 : Travailler l’expression en binôme, -enregistrements vocaux
continu (45 min) classe - Grille d’évaluation 1
-repérer dans un discours des éléments - Fiche 3 – les conditions
constitutifs de sa cohérence (la - Autoévaluation et évaluation par un pair des de travail
contextualisation) et de la forme (clarté et productions orales enregistrées. Manipulation
fluidité de l’expression) d’une grille critériée.
-téléphones portables
- dégager d’autres exemples de manque -Mise en commun et réinvestissement
(individuels), écouteurs,
respect des droits des salariés thématique du contenu.
tableau, projecteur
Activités langagières : compréhension orale,
interaction orale
3 documents
-Présenter un document (nature, source, Activité 7 : L’évolution historique des historiographiques +
thème) conditions de travail (Histoire) (1h30) Groupe Fiches 4
-Relever des éléments explicatifs du Classe
contexte historique -Observation, analyse des documents relatifs Individuel Frise chronologique à
-Présenter à l’oral un document à trois événements clés de l’histoire sociale projetée (voir annexe 1)
- Lire une frise chronologique -Présentation et repérage sur une frise
- Situer des évènements historiques sur une chronologique. Frise chronologique à
frise chronologique compléter
Activités langagières : interaction orale, Fiche 5
production orale, compréhension écrite,
production écrite Tableau, projecteur
136
➢ Activité 4 : Les conditions de travail – cas de Rougegoutte (50 min)
Exercice 1 fiche lexique : L’exercice peut être donné en devoir ou réalisé en classe. Il permet de remobiliser du lexique introduits
lors de séances précédentes, en vue de la compréhension détaillée de l’interview des ouvrières.
Compréhension orale
Lire les consignes de la fiche 3. Réécouter les interviews des deux ouvrières seulement. (00:26 –1:17)
On répartit les informations à trouver entre différents groupes.
Différenciation : attribuer plus ou moins de catégories selon le niveau des groupes constitués (« L’égalité entre les salariés »
étant le plus complexe à traiter).
Discussion collective
Ouvrir la discussion sur l’expérience des élèves en stage. Quelles ont été vos conditions de travail en stage ? Avez-vous vécu
ou entendu de la part d’un de vos camarades de mauvaises conditions de travail en stage ?
⮚ Activité 5 : S’exprimer pour se situer dans une réalité sociale (20 min)
Devoir individuel: Raconter une situation de mauvaises conditions de travail sous la forme d’un enregistrement vocal à
envoyer à l’enseignant pour la prochaine séance. (2-3 min)
Pour éviter les blocages, préciser que ce peut être une situation vécue par soi, un camarade ou inventée.
Faire émerger avec les élèves quelques critères d’une présentation orale claire (ex : articuler) et quelques conseils (réfléchir à
ses idées avant d’enregistrer…)
137
Etape 3 : Approfondissement et réflexion autour du monde syndical français
(EMC) – 2h
Objectifs Activités Modalité Matériel et support
⮚ Activité 8 : s’informer sur un site officiel dédié aux élections professionnelles des TPE 2021 (1h30)
Questions 1, 2, 3 : Avant de regarder la vidéo, lecture des questions. On laisse les élèves regarder la vidéo et essayer de
répondre aux questions en autonomie (l’enseignant reste en support des élèves peu lecteurs-scripteurs). On regarde une fois la
vidéo en classe entière pour corriger. Pour identifier la source, il est intéressant de leur faire observer le site et relever les indices
qui permettent de savoir que l’on est sur un site gouvernemental, (le drapeau, la devise, Marianne etc.). Cela permet de rappeler
les symboles de la République française.
Questions 4, 5 : Selon le niveau des élèves, il sera préférable de projeter le site et de faire les questions 4 et 5 en classe entière.
En effet, les textes sont courts mais difficiles, la sélection d’information est donc complexe. Lecture à voix haute des élèves les
plus à l’aise. Expliquer les termes, en s’appuyant sur des exemples concrets (la branche professionnelle des élèves) ou sur la
morphologie (interprofessionnel à rapprocher d’international).
Question 6 : on lit la question, on peut faire le premier cas ensemble avant de laisser les élèves travailler individuellement. Il
est intéressant de rappeler la distinction entre conditions de travail légales/illégales qui entraînent des modes d’action syndicale
différents (mobilisation collective vs les Prud’hommes).
⮚ Activité 9 : comprendre les résultats des élections professionnelles TPE 2021 (30min)
Résultats des élections : Selon le degré d’autonomie des élèves, notamment par rapport à la lecture du graphique, le travail
sera individuel ou non. Si c’est une nature de document connue, on peut penser cette activité comme une évaluation
formative.
Lexique, correction exercice 2 : après avoir corriger la nominalisation, en groupe ou en classe entière, les élèves proposent
des phrases employant les verbes.
138
Etape 4 : Projet d’interview avec un délégué syndical – 3h30
Les différentes phases du projet peuvent être insérées progressivement dans la séquence (après l’activité 6, les
élèves ont assez de matière pour commencer le travail de réflexion). Par soucis de lisibilité nous le présentons de
manière suivie et linéaire.
Projet # 5
- prendre part à une discussion dans un contexte formel
-mener une interview : oraliser des questions préparées, La rencontre avec le délégué syndical
formuler des questions spontanées, réagir aux propos de son
interlocuteurs, demander des précisions
-s’exprimer clairement et distinctement Activité langagière : interaction orale,
-être à l’écoute des interventions des autres production orale, compréhension orale
- utiliser le matériel d’enregistrement (enregistrer
l’interview, enregistrer des bruits d’ambiances)
- S’exprimer en continu, avec clarté et aisance EVALUATION FINALE (45 min) Individuel Grille
- Structurer son discours d’évaluation
- Contextualiser finale
- Raconter une expérience au passé Enregistrement d’une production orale
- Exprimer et justifier son opinion
- Restituer des informations avec ses mots
- Réemployer du lexique et des notions autour du
syndicalisme et des conditions de travail
Projet# 7
-Valoriser le travail des élèves auprès de la communauté
éducative et des autres élèves. Diffusion
-Transmettre des connaissances aux autres élèves stagiaires
(selon les modalités de la restitution)
139
L’enseignant présente le projet de rencontre et de reportage-interview avec un délégué syndical, qui nécessite une préparation.
Quelles questions va-t-on lui poser ? Sur quels thèmes ?
On répartit la classe en groupe de travail de niveaux de français écrit et oral hétérogènes afin d’en favoriser l’autonomie. Chaque
groupe se met d’accord sur le thème qu’il souhaite traiter parmi les grandes catégories précédemment identifiées (ex : durée du
travail, sécurité, respect au travail).
⮚ Projet #2 ( 1h30)
Les élèves échangent dans le but de formuler une série de questions thématiques à poser au délégué syndical. L’enseignant
passe dans les groupes, pour favoriser la participation de tous. Les élèves doivent s’organiser en groupe (rôle de scripteur,
répartition de la parole pour la restitution à la classe).
Lors de la mise en commun des questions, les autres groupes sont invités à enrichir le travail de leurs camarades de leurs propres
idées/questionnements.
Lien avec l’enseignant de FLE/FLS :
Dans l’idéal la forme interrogative a été travaillée en cours de FLE/FLS en amont. Si cette séance fait l’objet d’une co-
intervention avec l’enseignant de FLES, on peut rappeler certaines règles syntaxiques au début (les mots interrogatifs,
l’inversion du sujet). La correction linguistique pourrait être effectuée en classe de FLE/FLES, éventuellement sous la forme
d’une correction collective à partir d’une sélection de questions.
⮚ Projet # 6 (1h00)
En classe entière, on projette la fiche 8. On s’intéresse à l’organisation logique (et non thématique ) du reportage :
1) Présentation du contexte
2) Développement du thème (explication 1 avec Laure sur la durée du travail et les inégalités, explication 2 avec Agnès sur la santé)
3) Conclusion
On peut inscrire ces éléments au tableau et demander aux élèves de trouver les parties auxquelles ils correspondent, on les note
dans la marge. On fait alors le parallèle avec le reportage de la classe. Quels éléments avons-nous ? Qu’est ce qui nous manque ?
1) Présentation du contexte
2) Développement du sujet : l’interview
3) Conclusion
Selon le nombre d’élèves et le temps imparti, chaque groupe rédige et enregistre sa propre présentation du contexte et sa
conclusion ou on divise la classe en deux (ou en trois si on veut travailler sur un jingle). Montage par l’enseignant.
⮚ Evaluation finale
Consigne : Faire le compte rendu oral de la rencontre avec le délégué syndical.
On projette la grille pour expliciter les exigences en termes de contenu et de structure. Les élèves s’auto-évaluent avant de
remettre leur enregistrement.
⮚ Projet#7
La diffusion est une étape importante, surtout en EMC, car elle permet à la fois de valoriser le travail des élèves et de lui do nner
un sens et une intention qui ne soient pas seulement scolaires, en l’inscrivant dans un environnement social plus large. Les modalités
de cette diffusion sont multiples (web-radio, écoute collective avec des élèves et enseignants), temps d’échange etc.
140
Annexe
141
Sources des supports
Extraits audios :
● Journal du 10 décembre 2020 (00 :00-01:36) / France Bleu Belford Montbéliard
https://www.francebleu.fr/archives/emissions/le-journal-de-7-heures/belfort-montbeliard/2020?p=2
● Jingle Claquettes chaussettes, épisode 10 (00 :30)
http://www.radiogrenouille.com/actions/ateliers/claquettes-chaussettes/
● Jingle Microcité (00 :00 – 00 :17) https://campusgrenoble.org/series/microcite-lundi-7h30-8h00-vendredi-
13h30-14h00/
Fiche 1
● Photo Hugo Couillard / L’Est Républicain : https://www.estrepublicain.fr/social/2020/12/09/photos-
rougegoutte-des-employes-de-l-entreprise-smrc-en-greve-pour-denoncer-la-baisse-annoncee-de-leur-
temps-de-pause
Fiche 2
● Les journalistes en studio : Photo Sarah Alcalay / Le Parisien : https://www.leparisien.fr/culture-
loisirs/tv/matinale-france-bleu-france-3-comment-les-presentateurs-s-adaptent-a-la-radio-filmee-03-03-
2020-8271180.php
● Les salariées de l’entreprise : Photo Hugo Couillard / L’Est Républicain :
● Le délégué syndical : Photo Anthony Picoré / Républicain Lorrain : https://www.republicain-
lorrain.fr/edition-de-metz-ville/2019/02/06/metz-mouvement-de-grogne-chez-est-accompagnement
● La journaliste en reportage : Photo Paul Ridderhof / Opening Papageno Huis :
https://ingeloustol.nl/reportages/
● La direction de l’entreprise : https://www.agence-evenementielle-innovevents.fr/wp-
content/uploads/2019/05/animations-conventions-codirs-reunion-professionnelle-entreprises.jpg
● Durée du travail / Monster : https://www.latribune.fr/economie/france/la-duree-hebdomadaire-habituelle-
du-travail-atteint-39-3-heures-626473.html
● Salaire : https://pxhere.com/fr/photo/498759 https://www.conseil-national.medecin.fr/patient/cherche-
medecin/trouver-medecin
● Egalité entre les salariés : https://www.cadreo.com/actualites/dt-pour-reussir-dans-la-vie-mieux-vaut-etre-
fils-de-cadre-que-fils-douvrier
Fiche 4
• Grève de Carmaux 1892 : document 1 et 2 issus de FOUCHER Histoire Géographie EMC CAP (2015)
• Les grèves 1936 : document 1 et 3 : FOUCHER éditions. Histoire Géographie EMC CAP (2015)
• Les grèves 1936 : document 3 : HACHETTE TECHNIQUE éditions. Histoire Géographie EMC CAP
(2014)
• Les grèves 1936 : document 2 / Les grèves 1968 : document 2 : BELIN éditions. Histoire Géographie
Éducation civique CAP (2016)
• Les grèves 1968 : document 1 :
Photographie https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwic
8IGhpc7xAhXsBGMBHSM5Ci4QFnoECAIQAw&url=http%3A%2F%2Fekladata.com%2FXQEpdoApA
RV1TdLQQUnLJBirN8k%2FSituation-1.-Etre-ouvrier-chez-
Renault.pdf&usg=AOvVaw3uZpadwpJR3Uxoy8yGmSxK
Fiche 5
• Frise chronologique : https://www.fichier-pdf.fr/2017/01/19/chrono-droit-travail/
Fiche 6
● La manifestation : Photo Maxppp - Olivier CORSAN / France Bleu :
https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/reforme-des-retraites-l-intersyndicale-appelle-a-une-
nouvelle-manifestation-le-samedi-11-janvier-1578067166
● Me conseiller: https://www.cgt.fr/actualites/ile-de-france/transport/temps-de-travail/embaucher-oui-cest-
possible
● Négocier :http://gfi.fieci-cfecgc.org/category/table-des-negociations/negociations-annuelles-obligatoires/
● Me défendre : https://www.gerantdesarl.com/actualite/de-nouvelles-sanctions-penales-pour-les-gerants-de-
sarl
142
Annexe 12 : Fiches élèves
2. On entend :
___________________________________________________________________________
4. Entoure les mots que tu entends :
5. Que se passe-t-il ?
6. Pourquoi ?
143
Fiche 2 : Le reportage (EMC)
1. Qui sont les personnes qui parlent ? Coche les voix que tu entends.
□
Les salariées de l’entreprise
Le délégué syndical
La journaliste en reportage
□
La direction de l’entreprise
144
Fiche 3 : Les conditions de travail (EMC)
Le temps de travail
Le salaire
La santé
145
Grille d’évaluation 1 Grille d’évaluation 1
Critères d’évaluation Auto-évaluation Evaluation collective Critères d’évaluation Auto-évaluation Evaluation collective
L’ORGANISATION L’ORGANISATION
1. Présenter le contexte 1. Présenter le contexte
- qui ? - qui ?
- quoi ? - quoi ?
- où ? - où ?
-quand ? -quand ?
146
Fiche : Lexique
Le salaire ● ● La rémunération
147
Fiche 4 : Grèves et évolution des conditions de travail (Histoire)
Document 1
_______________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
148
Document 2
La grève de Carmaux (les ouvriers se mettent en grève car Calvignac est renvoyé de la mine)
est terminée.[…].Il est certain qu’aucune mine, ni société industrielle (une entreprise) n’osera créer
de difficultés aux ouvriers investis d’un mandat électif (élu) : le suffrage universel s’est défendu
trop énergiquement pour que l’on puisse l’inquiéter de nouveau ( les ouvriers en grève ont défendu
leur droit de vote et ont gagné).
Jean Jaurès, La Dépêche, 8 novembre 1892.
Le nom du journal.
______________________________________________________________________________________
_______________________________________________________________________________________
3. Quelles sont les résultats de cette grève pour les ouvriers mineurs ?
_______________________________________________________________________________
149
◼ Les grèves de 1936
Document 1
__________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
150
Document 2
_____________________________________________________________________________
Document 3
__________________________________________________________________________
2.Quels sont les droits acquis par les ouvriers ?
__________________________________________________________________________
151
◼ Les grèves de 1968
Document 1
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
152
Document 2
__________________________________________________________________________
2.
153
Fiche 5 : Evolution des conditions de travail en France
154
Découpe et place les évènements sur la fris chronologique.
155
Fiche 6 : Rôles et fonctionnement des syndicats (EMC)
Ouvrir Firefox.
Regarder la vidéo.
___________________________________________
___________________________________________
___________________________________________
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
156
3. Pour revendiquer de meilleures conditions, les syndicats peuvent négocier avec le patron.
Mais ils peuvent aussi faire d’autres actions. Lesquelles ?
_______________________________________________________________________________
157
Fiche 7 : La représentation syndicale dans les TPE (EMC)
_______________________________________________________________________________
3. Quelle est la source du document ?
_______________________________________________________________________________
________________________________________________________________________________
158
Fiche 8 : l’organisation d’un reportage (projet radio)
3. Retrouve le titre de chaque partie : - Après la grève, la négociation des syndicats et la direction
- La grève pour dénoncer les risques sur la santé
- La grève des ouvriers à Rougegoutte
- La grève pour dénoncer les inégalités entre salariés
________________________________________________________________
__________________________________________________________ _____
Sur le parking de l’usine, Laura, embauchée depuis 4 ans après 2 ans d’intérim, est
présente. Elle n’avait pourtant pas prévu de faire grève.
« Là, ils touchent à tout : les RTT on n'a plus, le pouvoir d'achat, on le perd. J’aurai
voulu juste l’égalité, que ce soit pour tout le monde pareil. C’est juste les ouvriers.
Tout ce qui est cadres, on touche pas aux RTT, ce sera pas les samedis obligatoires. »
________________________________________________________________
Parmi les plus anciens il y a Agnès qui passe d’un groupe d’ouvrier à un autre. Elle a
quinze de SMRC derrière elle. Elle est là car elle craint pour sa santé physique.
« Vu les rythmes qu’on a où on fait tout le temps les mêmes mouvements, on est
cassé de partout, on nous prend pour des robots. Faut bosser, ça fait mal c’est pas
grave, faut bosser. »
________________________________________________________________
Les syndicats ont maintenant plusieurs mois pour tenter de trouver un accord avec la
direction, essayer de limiter la casse. David Buchwalter, délégué CFE-CGC, a du mal à
garder espoir.
« On profite du Covid pour mettre en cause tous les acquis et ça c'est dangereux. On
va pas vers les beaux jours. »
159
Evaluation finale Evaluation finale
L’ORGANISATION L’ORGANISATION
1. Présenter le contexte 1. Présenter le contexte
- qui ? - qui ?
- quoi ? - quoi ?
- où ? - où ?
-quand ? -quand ?
3. Expliquer ce que vous avez appris 3. Expliquer ce que vous avez appris
4. Donner votre opinion sur les syndicats 4. Donner votre opinion sur les syndicats
LA FORME LA FORME
Volume Volume
Parler assez fort Parler assez fort
Articuler Articuler
Prononcer clairement Prononcer clairement
Vitesse Vitesse
Ne pas parler trop vite Ne pas parler trop vite
160
Créer un jingle
1. Qu’est ce que j’entends ? _________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________________
NOTRE JINGLE
Nom de l’émission
Thème de l’émission
Qui parle
161
Table des matières
Remerciements .................................................................................................................................................. 2
Sommaire .......................................................................................................................................................... 4
Introduction ....................................................................................................................................................... 6
PARTIE 1 - CONTEXTE DE LA SCOLARISATION EN VOIE PROFESSIONNELLE ORDINAIRE DES ELEVES
ALLOPHONES DE PLUS DE 16 ANS PEU SCOLARISES ANTERIEUREMENT ..................................................... 9
CHAPITRE 1. ÉTAT DES LIEUX DE LA SCOLARISATION DES ELEVES ALLOPHONES NOUVELLEMENT ARRIVES
DE PLUS DE 16 ANS AUX NIVEAUX NATIONAL ET ACADEMIQUE ............................................................... 10
1. Les CASNAV, au cœur des politiques de scolarisation des EANA ......................................................... 10
1.1. Du CESIFEM au CASNAV, une structure qui évolue en fonction de ses publics ................................. 10
1.2. Les missions du CASNAV..................................................................................................................... 11
2. La scolarisation des EANA de plus de 16 ans ......................................................................................... 12
2.1 L’arrivée importante de mineurs étrangers isolées : évolutions des besoins et adaptations des dispositifs
de scolarisation ............................................................................................................................................. 12
2.2 Parcours scolaires et orientation professionnelle sous contrainte administrative ................................ 16
2.3 Des conditions d’enseignement-apprentissage difficiles .................................................................... 19
2.3.1 La transition vers la classe ordinaire ........................................................................................ 19
2.3.2 Se rendre disponible aux apprentissages dans l’urgence et la précarité ................................... 20
CHAPITRE 2. LE CONTEXTE PARTICULIER DU STAGE ............................................................................... 22
1. La commande du CASNAV .................................................................................................................... 22
2. Lieu et contexte d’intervention ................................................................................................................ 23
3. Le profil des élèves .................................................................................................................................. 24
CHAPITRE 3. FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE DE RECHERCHE ...................... 28
1. Formulation de la problématique et des hypothèses ................................................................................ 28
2. Principes de la recherche-action et démarche ethnographique ................................................................. 29
PARTIE 2 - CADRE THEORIQUE .................................................................................................................. 31
CHAPITRES 4. LE LANGAGE A L’ECOLE ................................................................................................... 32
1. Les EANA, une situation de Français Langue Seconde particulière ........................................................ 32
1.1 Le continumm FLE, FLS, FLM .............................................................................................................. 32
1.2. Le français langue de scolarisation (FLSco) .......................................................................................... 34
2. De la langue de scolarisation aux discours scolaires ................................................................................ 36
2.1 Une grammaire transversale aux discours disciplinaires .................................................................... 36
2.2 Des opérations langagières et cognitives spécifiques aux disciplines ................................................. 37
2.3 L’approche disciplinaire ou la nécessité de faire sens ........................................................................ 38
3. Pratiques langagières et appropriation de connaissances scolaires .......................................................... 39
3.1 La conceptualisation : une forme d’abstraction marquée par l’écrit ................................................... 39
3.2 L’étayage linguistique et la production de sens, les conditions d’accès au mode de connaissances
scolaires en contexte de FLS ......................................................................................................................... 40
3.3 Secondarisation du discours et institution du sujet scolaire .................................................................... 42
3.3.1 La construction de connaissances : un discours en métamorphose ................................................. 42
3.3.2 Les marques langagières de la secondarisation du discours ............................................................ 44
CHAPITRE 5. L’ORAL A L’ECOLE ............................................................................................................. 46
1. L’oral, le premier des moyens de transmission et d’apprentissage à l’école ............................................ 46
1.1 La compréhension orale des discours pédagogiques, une priorité pour les EANA............................. 46
1.2 La production orale, vecteur de l’appropriation des connaissances .................................................... 47
1.3 L’émergence du sujet scolaire par un acte d’énonciation orale .......................................................... 48
2. L’oral, un objet d’apprentissage-enseignement marqué par les dissensions pédagogiques et didactiques 50
2.1 L’oral scriptural .................................................................................................................................. 50
2.2 Les compétences orales, des objets d’enseignement autonomes ........................................................ 52
2.2.1 Une approche par les genres sociaux formels ................................................................................. 52
2.2.2 Démarche actionnelle et compétences orales .................................................................................. 53
2.2.3 La fictionnalisation à l’épreuve du détour pédagogique ................................................................. 54
164
2.3 Une approche disciplinaire par les conduites discursives ................................................................... 55
2.4 L’itinéraire intertextuel ....................................................................................................................... 57
3. Soutenir l’émergence du sujet scolaire .................................................................................................... 58
3.1 L’approche par genre : un étayage dans les pratiques langagières cognitives disciplinaires ............. 58
3.2 L’approche par genre de texte oral : une médiation vers l’écrit .......................................................... 59
3.3 Les médiations pédagogiques instrumentées de la didactique de l’oral .............................................. 60
3.3.1 Médiatisation et médiation ....................................................................................................... 60
3.3.2 Les dispositifs techniques de l’oral .......................................................................................... 60
PARTIE 3 - MODELISATION D’UN DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DE L’ORAL UTILISANT
L’ENREGISTREMENT VOCAL : CONCEPTION, MISE EN ŒUVRE ET EVALUATION ...................................... 63
CHAPITRE 7. CONCEPTION D’UN DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DE L’ORAL ............................................. 64
1. Etats des lieux des besoins et pratiques.................................................................................................... 64
1.1 Adapter les programmes disciplinaires ............................................................................................... 64
1.2 Transmettre autrement qu’à l’écrit ..................................................................................................... 65
1.3 S’adosser à des références non-scolaires pour favoriser la conceptualisation disciplinaire ................ 65
1.4 Accompagner les élèves dans l’appropriation des démarches scolaires.............................................. 66
1.5 Enseigner l’oral, le parent pauvre de l’enseignement disciplinaire ..................................................... 66
2. Cibler des connaissances disciplinaires et des compétences langagières ................................................. 67
2.1 La thématique et les contenus disciplinaires ....................................................................................... 68
2.2 L’oral monologué ............................................................................................................................... 69
2.3 L’articulation de capacités disciplinaires et des compétences langagières ......................................... 70
CHAPITRE 8. DESCRIPTION DU DISPOSITIF PEDAGOGIQUE MIS EN OEUVRE .............................................. 71
1. Les activités de conception/verbalisation................................................................................................. 73
2. Les activités de verbalisation-reformulation ............................................................................................ 76
3. L’activité de reformulation finale, une synthèse orale enregistrée ........................................................... 79
CHAPITRE 9. ANALYSE REFLEXIVE DU RECOURS A L’ENREGISTREMENT VOCAL DANS L’ENSEIGNEMENT
DE L’ORAL MONOLOGUE EN HISTOIRE-GEO EMC.................................................................................... 80
1. L’appropriation de connaissances et de compétences orales disciplinaires ............................................. 80
1.1. L’émergence du sujet scolaire ................................................................................................................ 80
2.2 La prise de parole monologué dans le contexte scolaire ..................................................................... 81
2.2.1 Une mise en récit des connaissances au moyen de la double énonciation, l’exemple d’A. ....... 82
2.2.2 Une synthèse explicative au moyen de l’hybride vocal, l’exemple de L. ................................. 84
2.3 Des interactions de groupe à la production orale individuelle ............................................................ 85
2.3.1 Un processus de constructions de connaissances ..................................................................... 85
2.3.2 Le développement de compétences orales scolaires................................................................. 86
2. L’appropriation des instruments de médiatisation et de médiation pédagogique ..................................... 87
2.1 L’instrumentation de l’enregistrement vocal et des grilles d’évaluation ............................................ 87
2.2 Autonomie et émancipation des sujets apprenants ............................................................................. 90
2.2.1 Produire des connaissances en autonomie................................................................................ 90
2.2.2 Un mode d’expression moins confrontant................................................................................ 91
2.2.3 Inspirer de nouvelles stratégies d’apprentissage chez les élèves .............................................. 92
3. Difficultés et limites du dispositif ............................................................................................................ 92
3.1 Contexte d’enseignement, situation de communication scolaire et médiatisation didactique ............. 93
3.2 Une intention de communication conditionnée par les attentes scolaires ........................................... 94
3.3 Le projet d’interview-reportage, un fil rouge mal intégré au dispositif .............................................. 94
3.4 La production orale des connaissances : un contournement ou un détour pour aller vers l’écrit ? ..... 95
Conclusion ....................................................................................................................................................... 97
Bibliographie ................................................................................................................................................... 99
Sigles et abréviations utilisés ......................................................................................................................... 105
Table des illustrations .................................................................................................................................... 106
Table des annexes .......................................................................................................................................... 107
Table des matières ......................................................................................................................................... 164
165
MOTS-CLÉS : Français Langue de Scolarisation, didactique de l’oral, élèves allophones
peu scolarisés antérieurement, discours scolaires, instrument de médiation pédagogique,
enregistrement vocal, processus d’appropriation de connaissances, sujet énonciateur,
RÉSUMÉ
166
167