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L’enregistrement vocal, un

outil de médiation pour


l’enseignement de l’oral
monologué en FLSco

Clärli
HONEGGER

Sous la direction de Charlotte DEJEAN

UFR LLASIC
Département Science du Langage et Français Langue Etrangère
Section Didactique du FLE

Mémoire de master 2 mention didactique des langues - 15 crédits


Parcours : Mention Français Langue Etrangère et Seconde à orientation professionnelle

Année universitaire 2020-2021


L’enregistrement vocal, un
outil de médiation pour
l’enseignement de l’oral
monologué en FLSco.

Clärli
HONEGGER

Sous la direction de Charlotte DEJEAN

UFR LLASIC
Département Science du Langage et Français Langue Etrangère
Section Didactique du FLE

Mémoire de master 2 mention didactique des langues - 15 crédits

Parcours : Mention Français Langue Etrangère et Seconde à orientation professionnelle

Année universitaire 2020-2021


Remerciements

Merci aux 2PAR, aux 2MAC et au syndicaliste.

Merci à Mme A. et M. F.

Merci à Charlotte Dejean et au CASNAV.

Merci Isabel.
Déclaration anti-plagiat

DÉCLARATION ANTI-PLAGIAT

1. Ce travail est le fruit d’un travail personnel et constitue un document original.

2. Je sais que prétendre être l’auteur d’un travail écrit par une autre personne est une

pratique sévèrement sanctionnée par la loi.

3. Personne d’autre que moi n’a le droit de faire valoir ce travail, en totalité ou en partie,

comme le sien.

4. Les propos repris mot à mot à d’autres auteurs figurent entre guillemets (citations).

5. Les écrits sur lesquels je m’appuie dans ce mémoire sont systématiquement référencés

selon un système de renvoi bibliographique clair et précis.

PRENOM : Clärli

NOM : HONEGGER

DATE : 23 novembre 2021

3
Sommaire
Remerciements .................................................................................................................................................. 2
Sommaire .......................................................................................................................................................... 4
Introduction ....................................................................................................................................................... 6
Partie 1 - Contexte de la scolarisation en voie professionnelle ordinaire des élèves allophones de plus de 16
ans peu scolarisés antérieurement...................................................................................................................... 9
CHAPITRE 1. ÉTAT DES LIEUX DE LA SCOLARISATION DES ELEVES ALLOPHONES NOUVELLEMENT
ARRIVES DE PLUS DE 16 ANS AUX NIVEAUX NATIONAL ET ACADEMIQUE ................................................. 10
1. LES CASNAV, AU CŒUR DES POLITIQUES DE SCOLARISATION DES EANA .................................. 10
2. LA SCOLARISATION DES EANA DE PLUS DE 16 ANS ...................................................................... 12
CHAPITRE 2. LE CONTEXTE PARTICULIER DU STAGE ............................................................................... 22
1. LA COMMANDE DU CASNAV ....................................................................................................... 22
2. LIEU ET CONTEXTE D’INTERVENTION ............................................................................................ 23
3. LE PROFIL DES ELEVES .................................................................................................................. 24
CHAPITRE 3. FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE DE RECHERCHE .................. 28
1. FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE ET DES HYPOTHESES ........................................................ 28
2. PRINCIPES DE LA RECHERCHE-ACTION ET DEMARCHE ETHNOGRAPHIQUE ..................................... 29
Partie 2 - Cadre théorique ................................................................................................................................ 31
CHAPITRES 4. LE LANGAGE A L’ECOLE .................................................................................................... 32
1. LES EANA, UNE SITUATION DE FRANÇAIS LANGUE SECONDE PARTICULIERE .............................. 32
2. DE LA LANGUE DE SCOLARISATION AUX DISCOURS SCOLAIRES ..................................................... 36
3. PRATIQUES LANGAGIERES ET APPROPRIATION DE CONNAISSANCES SCOLAIRES ............................ 39
CHAPITRE 5. L’ORAL A L’ECOLE............................................................................................................... 46
1. L’ORAL, LE PREMIER DES MOYENS DE TRANSMISSION ET D’APPRENTISSAGE A L’ECOLE ............... 46
2. L’ORAL, UN OBJET D’APPRENTISSAGE-ENSEIGNEMENT MARQUE PAR LES DISSENSIONS
PEDAGOGIQUES ET DIDACTIQUES ............................................................................................................ 50
3. SOUTENIR L’EMERGENCE DU SUJET SCOLAIRE .............................................................................. 58
Partie 3 - Modélisation d’un dispositif d’enseignement de l’oral utilisant l’enregistrement vocal : conception,
mise en œuvre et évaluation ............................................................................................................................ 63
CHAPITRE 7. CONCEPTION D’UN DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DE L’ORAL ........................................... 64
1. ETATS DES LIEUX DES BESOINS ET PRATIQUES .............................................................................. 64
2. CIBLER DES CONNAISSANCES DISCIPLINAIRES ET DES COMPETENCES LANGAGIERES..................... 67
CHAPITRE 8. DESCRIPTION DU DISPOSITIF PEDAGOGIQUE MIS EN OEUVRE ............................................ 71
1. LES ACTIVITES DE CONCEPTION/VERBALISATION .......................................................................... 73
2. LES ACTIVITES DE VERBALISATION-REFORMULATION ................................................................... 76
3. L’ACTIVITE DE REFORMULATION FINALE, UNE SYNTHESE ORALE ENREGISTREE ........................... 79
CHAPITRE 9. ANALYSE REFLEXIVE DU RECOURS A L’ENREGISTREMENT VOCAL DANS L’ENSEIGNEMENT
DE L’ORAL MONOLOGUE EN HISTOIRE-GEO EMC .................................................................................... 80
1. L’APPROPRIATION DE CONNAISSANCES ET DE COMPETENCES ORALES DISCIPLINAIRES ................. 80
2. L’APPROPRIATION DES INSTRUMENTS DE MEDIATISATION ET DE MEDIATION PEDAGOGIQUE ........ 87
3. DIFFICULTES ET LIMITES DU DISPOSITIF ........................................................................................ 92
Conclusion ....................................................................................................................................................... 97
Bibliographie ................................................................................................................................................... 99
Sigles et abréviations utilisés......................................................................................................................... 105
Table des illustrations .................................................................................................................................... 106

4
Table des annexes .......................................................................................................................................... 107
Table des matières ......................................................................................................................................... 164

5
Introduction

Depuis la rentrée 2021-2022, le curriculum du Master en Didactique du Français


Langues Etrangère et Seconde de l’Université Grenoble-Alpes propose un cours de
formation à l’alphabétisation1. Loin d’être récents, ces besoins langagiers particuliers ont
tardé à être reconnus et intégrés à la formation universitaire des futurs enseignants.
Pourtant sur le terrain, on constate depuis quelques années déjà, un renouvellement des
méthodes d’alphabétisation et de post-alphabétisation destinées aux « adultes migrants ».

La nécessité de lier l’enseignement-apprentissage du français à celui du langage


écrit concerne également un public scolaire, enfant et adolescent. Or, pour les élèves les
plus âgés, ce lien didactique va être difficile à mettre en œuvre, entre autres, faute de
ressources et de moyens. Entre des méthodes destinées aux adultes allophones et celles
destinées aux élèves francophones natifs du primaire, aucun support ne semble adapté aux
adolescents voire aux tout jeunes adultes scolarisés. Suite à l’augmentation rapide de ce
public spécifique, les CASNAV2 et les enseignants ont été pris au dépourvu, aussi bien
logistiquement que didactiquement. Les réponses apportées se sont alors façonnées dans
l’expérience, par tâtonnement, melting-pot de méthodologies, bricolage de supports, et
transferts de connaissances et de compétences entre enseignants du premier et enseignants
en Français Langue Seconde (FLS) au second degré. En effet, contrairement aux autres
dispositifs de scolarisation, la réponse institutionnelle concernant la prise en charge des
élèves allophones de plus de 16 ans peu scolarisés antérieurement est peu encadrée au
niveau national et repose essentiellement sur les académies.

Bien que les CASNAV assurent la reconnaissance et la prise en charge des besoins
spécifiques de ces élèves, ils semblent pourtant, au sein de l’institution scolaire, restés en
marge. Les liens entre les enseignements disciplinaires ordinaires, et les enseignements
spécifiques de FLS- alphabétisation ne s’avèrent pas si faciles.

1
https://formations.univ-grenoble-alpes.fr/fr/catalogue-2021/master-XB/master-didactique-des-langues-
IBC8AWN0/parcours-francais-langue-etrangere-et-seconde-presentiel-IBC8D41M/ue-enseignements-de-
specialite-KMM4LHZC/formation-a-l-alphabetisation-KMKPQE6D.html
2
Centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus
de familles itinérantes.

6
D’un côté, les UPE2A-NSA3 paraissent peu ancrées dans l’environnement scolaire
où elles sont implantées, et leurs élèves et enseignants quelque peu isolés. L’absence
d’inclusion, l’instabilité des dispositifs, dont la création et la fermeture varient en fonction
des effectifs, et celle de leurs enseignants en FLS souvent contractuels, ne favorisent sans
doute pas leur ancrage dans les établissements et les échanges didactiques avec les équipes.

De l’autre, en sortie de dispositif, lorsque les élèves intègrent un cursus ordinaire,


les heures spécifiques de FLS ne permettent pas davantage de liens, sauf si elles sont
prévues en co-intervention avec un enseignant disciplinaire. Ce type de co-enseignement
pourrait bien être le lieu de fabrique par excellence d’une didactique du Français Langue
de Scolarisation (FLSco).

En effet, la réponse aux besoins d’apprentissage de ces élèves se situe au carrefour


de plusieurs expertises : les milieux universitaires et professionnels liés d’une part au
Français Langue Etrangère et Seconde et, d’autre part, à l’alphabétisation et à l’illettrisme,
et enfin, le milieu scolaire de l’enseignement professionnel et de ses disciplines. L’accueil
de stagiaires du Master FLES par le CASNAV est sans doute une manière de construire
ces ponts. Dans ce cadre, l’expérience du co-enseignement doit permettre de concevoir des
outils transférables à des enseignants disciplinaires, et pour ma part, en histoire-
géographie-éducation morale et civique (EMC).

Effectuant mon stage auprès d’une enseignante en lettre-histoire, je suis intervenue


dans le cadre de ses cours dans deux classes de CAP4 composées majoritairement d’élèves
allophones peu scolarisés antérieurement. Dans un contexte où les élèves sont éloignés de
l'écrit et de la culture scolaire, et où l’examen du Contrôle en Cours de Formation (CCF)
est une présentation orale, il a été convenu avec le CASNAV de mettre l’oral au cœur de
nos propositions didactiques. Nous avons développé un dispositif d’enseignement de l’oral
monologué au sein d’une séquence d’EMC sur le syndicalisme, au cours de laquelle le
confinement nous a menées à recourir à l’enregistrement vocal.

L’intégration d’approches didactiques issues du FLS-alphabétisation à un domaine


disciplinaire inconnu a été au cœur de mes préoccupations pendant le stage, et a nourri un
certain nombre d’interrogations qui feront, entre autres, l’objet de ce travail de recherche :

3
Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants – Non Scolarisés Antérieurement
4
Certificat d’Aptitudes Professionnelles

7
L’enseignement-apprentissage de compétences langagières propres à l’oral
monologué scolaire favorise-t-il le processus d’appropriation de connaissances
disciplinaires ? Dans quelles mesures, l'enregistrement des productions orales peut-il
faciliter le développement de telles compétences orales ? Joue-t-il également un rôle dans
le processus de construction de connaissances des élèves ?

Dans une première partie nous dresserons un état des lieux de la scolarisation des
élèves allophones de plus de 16 ans, peu lecteurs-scripteurs. Quelques éléments
historiques, nous permettront de mieux saisir le cadre institutionnel qui la définit. La
majorité de ces élèves étant arrivés, mineurs et non accompagnés en France, nous nous
intéresserons aux implications scolaires et sociales de ce parcours migratoire particuliers.
Puis, nous décrirons le contexte précis de notre stage, au Lycée Roger Deschaux à
Sassenage, la commande du CASNAV, et le profil des classes et des élèves à qui se
destinait notre dispositif pédagogique. Nous terminerons cette première partie, en
formulant notre problématique et nos hypothèses de recherche, ainsi qu’en exposant notre
démarche méthodologique.

Notre seconde partie sera consacrée au cadre théorique. Nous tenterons d’abord de
mieux comprendre la place du langage à l’école, les différentes pratiques langagières que
sous-tend la langue de scolarisation, leurs caractéristiques discursives et linguistiques.
Nous nous interrogerons alors sur la dimension langagière du processus de construction de
connaissances par les élèves et les pratiques d’étayage des enseignants surtout en contexte
de FLS. Dans un deuxième temps, nous nous intéressons aux didactiques de l’oral en FLS
et en Français Langue Maternelle (FLM), et notamment leurs liens avec la langue de
scolarisation et les disciplines scolaires. Après avoir présenté quelques modèles
didactiques, nous nous pencherons sur le concept d’instrument de médiation pédagogique
appliqué à l’enregistrement vocal.

Dans une dernière partie, après avoir montré quels étaient les besoins et pratiques
du terrain, ayant orienté nos choix de conception didactique, nous présenterons notre
dispositif et la mise en œuvre de notre séquence. À la lumière de nos lectures théoriques,
nous analyserons des productions d’élèves et des entretiens, afin de déterminer comment
l’enregistrement des productions orales des élèves a pu, au sein du dispositif, favoriser
l’appropriation de connaissances disciplinaires et de compétences orales scolaires par les
élèves. Nous clôturerons ce travail par un retour réflexif sur les difficultés et limites de ce
dispositif didactique et de notre travail de recherche.

8
Partie 1

Contexte de la scolarisation en voie professionnelle

ordinaire des élèves allophones de plus de 16 ans peu

scolarisés antérieurement

9
Avant de plonger dans le contexte particulier du stage effectué dans un lycée
professionnel auprès d’élèves allophones de plus de 16 ans, il importe de préciser les
réalités et les enjeux de scolarisation plus généraux, dans lequel il s’inscrit.

Chapitre 1. État des lieux de la scolarisation des élèves allophones


nouvellement arrivés de plus de 16 ans aux niveaux national et
académique
Afin de mieux comprendre les conditions spécifiques de scolarisation des élèves
allophones de plus de 16 ans, il faut d’abord s’intéresser à son cadre institutionnel, en
retraçant brièvement l’évolution des politiques de scolarisation des élèves allophones et
notamment des structures qui en ont eu la charge en s’intéressant plus spécifiquement aux
élèves allophones de plus de 16 ans et à leurs conditions de scolarisation actuelle.

1. Les CASNAV, au cœur des politiques de scolarisation des EANA5

1.1. Du CESIFEM au CASNAV, une structure qui évolue en fonction de ses publics

Centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement


arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs, les CASNAV
participent, conjointement avec les services rectoraux et départementaux, à l’organisation
de la scolarité des élèves allophones, du primaire au secondaire.

Ces structures sont le résultat d’une politique de scolarisation des élèves allophones
et de son institutionnalisation, qui a émergé au crépuscule des 30 Glorieuses et s’est
progressivement définie dans les années 706, sans cesser d’évoluer au cours des décennies
(Klein & Sallé, 2009). En 1975, la création des centres de formation et d’information sur la
scolarisation des enfants de migrants (CESIFEM) reconnaît durablement l’enjeu de la
scolarisation des élèves allophones.

Au début des années 2000, de nouveaux besoins en termes de scolarisation sont


identifiés. Le nombre d’élèves allophones arrivant de l’étranger augmente, et leurs profils

5
Elèves Allophones Nouvellement Arrivés
6 Différents modèles de classes et de structures s’expérimentent dans les établissements avant d’être
reconnus et formalisés par circulaires : en 1970, les classes d’initiation (CLIN) au primaire et, en 1973, les
classes d’accueil (CLA) au collège, deux dispositifs fermés (sans inclusion) sont créés (Klein & Sallé, 2009).

10
évoluent : plus âgés, ils ont également des parcours scolaires antérieurs complexes, n’ayant
pour certains très peu ou jamais été scolarisés. En parallèle, les nouvelles dispositions
législatives relatives à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage sont présentées par la
circulaire 2002-102 du 25 avril 2002 du Ministère de l’Education Nationale, comme un
contexte favorable au renouvellement des modalités de scolarisation « des enfants
voyageurs ». Les CESIFEM sont alors remplacés par les centres académiques pour la
scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV), marquant ainsi
une rupture avec l’éducation prioritaire à laquelle ils avaient été joints. Suite à la circulaire
2012-143 du 2 octobre 2012, ils deviennent donc les centres académiques pour la
scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles
itinérantes et de voyageurs que l’on connaît aujourd’hui, et font l’objet d’un double
pilotage, assuré essentiellement par le rectorat au niveau académique et par une mise en
réseau au niveau national. Dans le même temps, « la rhétorique d’accessibilité universelle
et de la promotion de la diversité à l’école par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des
droits et des chances » n’est pas sans conséquence sur la scolarisation des élèves
allophones (Armagnague & Tersigni, 2019 : 80). La circulaire 2012-141 du 2 octobre 2012
transforme les classes fermées en UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones
arrivants), des dispositifs ouverts que les élèves, inscrits et rattachés à une classe ordinaire
selon leur classe d’âge, fréquentent selon leurs besoins. En principe, il s’agit de ne plus
prendre en charge la différence en l’externalisant, en créant des régimes scolaires parallèles
et minoritaires, mais d’adapter et d’assouplir les modalités de scolarité majoritaire pour
rendre l’école plus accessible et mixte (ibid).

Si, depuis leur création, le public ciblé par les missions de scolarisation des
CESIFEM puis des CASNAV a évolué, elles s’organisent autour de trois pôles
relativement stables.

1.2. Les missions du CASNAV

La fonction d’expertise du CASNAV auprès de l’académie se traduit par la collecte


et l’analyse de données utiles à documenter la situation académique en matière de
scolarisation des enfants et jeunes allophones nouvellement arrivés en France ou issus de
familles du voyage, et évaluer les actions mises en place.

Les CASNAV doivent être également des centres de ressources et de formation


pour les personnels de l’éducation nationale. Ils accompagnent les établissements dans la

11
mise en place des dispositifs tant au niveau organisationnel qu’au niveau pédagogique, en
dispensant des formations et en diffusant des outils.

Situés au cœur de la politique de scolarisation de ces deux publics spécifiques, les


CASNAV sont les interlocuteurs directs de tous les acteurs qu’elle concerne. Ils ont en
position privilégiée pour faciliter la coopération tant au niveau externe, entre l’éducation
nationale et ses partenaires (centres sociaux, réseau associatif etc.), qu’au niveau interne,
entre les différents services académiques et départementaux. Plus qu’une courroie de
transmission d’informations, ils soutiennent la mise en œuvre d’actions communes.

Depuis les années 70, la politique de scolarisation des élèves allophones a évolué
en fonction du public ciblé par l’action publique. Mais le profil des élèves, tant sur un plan
sociologique (âge, situation sociale) qu’au niveau des besoins linguistiques et scolaires
n’est pas stable, et connaît des évolutions liées aux mouvements migratoires. Le besoin de
scolarisation des jeunes de plus de 16 ans, peu scolarisés antérieurement, tend à augmenter
en se heurtant à des enjeux sociaux et administratifs. La majorité d’entre eux arrivés non-
accompagnés en France ont des situations complexes, qui ne sont pas sans conséquence sur
l’orientation et les conditions d’enseignement-apprentissage. C’est le cas de tous les élèves
allophones rencontrés pendant le stage, à une exception près.

2. La scolarisation des EANA de plus de 16 ans

2.1 L’arrivée importante de mineurs étrangers isolées : évolutions des besoins et


adaptations des dispositifs de scolarisation

Signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant depuis 1989, la


France s’est engagée à assurer à tous les mineurs présents sur son territoire, sans
distinction aucune, un accès égal à l’enseignement primaire, secondaire – général et
professionnel – et supérieur, dans le respect de l’individualité de chacun 8. Bien que non
soumis à l’obligation scolaire, les jeunes de plus de 16 ans de nationalité étrangère
bénéficient des mêmes droits que les élèves français, à savoir, poursuivre leurs études s’ils

8
Ces principes de non-discrimination et de reconnaissance individuelle sont inscrits dans les articles 28 et 29
de la Convention internationale des droits de l’enfant., mais également dans plusieurs textes législatifs et
réglementaires nationaux. D’abord au niveau de l’inscription, étant donné que « tout mineur étranger est
juridiquement en séjour régulier » (Gouyer, 2016 : 4) on ne peut exiger de la part des jeunes étrangers ou de
leurs tuteurs de justificatif de séjour pour accéder à l’éducation (Circulaire 2002-063 du 20 mars 2002).
Concernant les conditions de scolarisation, la circulaire n° 2012-141 prévoient qu’elles doivent être adaptées
aux besoins linguistiques et scolaires individuels des élèves.

12
n’ont pas atteint un niveau de formation reconnu ou fini un cycle de formation (Circulaire
2002-063 du 20 mars 2002). Cependant, dans les faits la réalité est complexe et cette
scolarisation peu évidente.

Si l’évolution du public, plus âgé et moins scolarisé antérieurement, justifie la


création des CASNAV en 2002, cette réalité va devenir de plus en plus prégnante dans les
années qui suivent. En effet, identifiée à la fin des années 90, l’arrivée de mineurs
étrangers non accompagnés va considérablement augmenter dans les années 2010
(Lemaire, 2009). En l’absence de responsable légal, ces jeunes migrants, qualifiés de
mineurs isolés étrangers (MIE), doivent être protégés, sans distinction de nationalité
comme le prévoit la Convention des droits de l’enfant, et relèvent par conséquent d’une
prise en charge socio-éducative par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) (Ibid).

18000
16000
14000
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021

Figure 1 : Évolution du nombre de mineurs isolés confiés à l’ASE sur décision judiciaire9

S’il est impossible de connaître le nombre réel de mineurs isolés présents sur le
territoire, la Mission Mineurs Non Accompagnés (MMNA) liée à la direction de la
protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) recense l’effectif de ceux, reconnus mineurs10,
et confiés à l’aide sociale à l’enfance par une décision de justice. En 2002, on estime leur

9
Statistiques issus des rapports annuels de 2014 à 2019 de la MMNA disponible sur
http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/mineurs-non-accompagnes-12824/rapports-dactivite-
29333.html consulté le 25juillet 2021.
10 Les jeunes doivent faire la preuve de leur minorité et de leur isolement pour pouvoir être mis sous
protection de l’ASE. L’évaluation de la minorité et de l’isolement s’appuie sur « un faisceau d’indices »
composé notamment, d’une évaluation sociale sous la forme d’un entretien et d’examens radiologiques
osseux, à la demande de l’autorité judiciaire (Ministère de la justice et al., 2019 : 5). Le recours à la
biométrie, largement dénoncé par les acteurs associatifs et le défenseur des droits, fait l’objet de recours
(https://www.infomie.net/spip.php?breve6083 consulté le 11 juillet 2021).

13
nombre à 2000. Ce chiffre, stable jusqu’en 2013, est multiplié par plus de 8 en l’espace de
5 ans. Le nombre de mineurs pris en charge par l’ASE chute brutalement en 2020,
probable conséquence de la crise sanitaire.

Figure 2 : Nombre de mineurs non-accompagnés par tranche d’âge, sur l’ensemble du territoire11

Près de la moitié des mineurs isolés ont 16 ans, et vont devoir être scolarisés.
L’évaluation de leur maîtrise du français et de leur niveau scolaire au sein des centres
d’information et d’orientation, révèle qu’une partie non négligeable d’entre eux n’a pu
bénéficier d’une scolarité régulière et de ce fait, doit acquérir des compétences non
seulement linguistiques, mais également écrites, en lecture-écriture, parfois en numératie,
et plus généralement scolaires (Lemaire, 2013). Vu l’écart scolaire avec leur classe d’âge,
on estime qu’il n’est pas pertinent de les intégrer à une UPE2A-lycée comme prévu par la
Circulaire 2012-141 du 2 octobre 2012, mais qu’il faut créer des dispositifs spécifiques,
adaptés à leurs besoins d’apprentissage.

Bien que depuis 200212, l’ouverture, au besoin, d’UPE2A-NSA (destinées aux


élèves non scolarisés antérieurement) est prévue, elle concerne d’abord les élèves sous
obligation scolaire. La prise en charge des élèves de plus de 16 ans, lorsqu’ils ont peu été
scolarisés antérieurement, est plus floue. D’après la circulaire 2012-141 du 2 octobre 2012,
le CASNAV et la Mission générale d’insertion de l’éducation nationale (MGIEN) se
partagent la responsabilité de mettre sur pied des dispositifs « conjoncturels » dont
l’objectif pour les élèves est de développer une maitrise du français, notamment écrit, et de
connaissances du socle commun en vue d’intégrer une formation qualifiante. Ces « classes

11
Rapport d’activité de 2019 de la Mission Mineurs Non Accompagné sur l’ensemble du territoire disponible
sur http://www.justice.gouv.fr/_telechargement/MMNA_RAA2019.pdf consulté le 11 juillet 2021
12
Circulaire n° 2002-100 du 25 avril 2002

14
d’accueil » – jamais explicitement qualifiée d’UPE2A dans la circulaire – semblent faire
l’objet d’un traitement différencié.

Nos entretiens avec des responsables du CASNAV, des enseignants et des élèves
nous ont permis de dresser un bref historique et un portrait de la situation actuelle sur
l’académie de Grenoble.

A partir de 2014, l’arrivée importante d’EANA de plus de 16 ans, peu scolarisés


antérieurement, mineurs isolés pour la plupart, nécessite une profonde adaptation des
services du CASNAV (Maryse Vincent, coordonnatrice du CASNAV, entretien 1, annexe
3). Les UPE2A existantes en lycée général ou professionnel ne semblent pas appropriées
en raison des effectifs et de l’hétérogénéité trop importants, entre la préparation d’un
baccalauréat pour certains et l’entrée dans l’écrit pour d’autres (ibid). L’enjeu de
l’enseignement/apprentissage de l’écrit devient primordial, d’autant plus qu’une partie de
ces élèves originaires d’Afrique de l’Ouest sont francophones. Le CASNAV de Grenoble
va donc créer des UPE2A-NSA soit en adaptant certains dispositifs existants dans les
lycées soit en en ouvrant de nouveaux. Ces dispositifs, qui accueillent les élèves pour un
an, ne prévoient pas d’inclusion en classe ordinaire, et s’organisent autour de plusieurs
disciplines scolaires (mathématiques, histoire-géographie-EMC, français, sport) et un
projet d’orientation (découverte de métiers et de formations professionnelles, période de
stage). Certains élèves ne sont cependant pas affectés au sein des dispositifs du CASNAV,
mais dans ceux de la Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire orienté Français
Langue Etrangère (les MLDS-FLE)13. Cette répartition des élèves, opérée par les DSDEN,
ne correspond pas partout à des critères précis, même pour le CASNAV (Maryse Vincent,
entretien 1, annexe 3 ). De plus, d’après ce que nous avons pu constater au cours du stage,
certains élèves s’inscrivent directement, sans passer par un Centre d’Information et
d’Orientation (CIO), en lycée professionnel ou en Centre de Formation d’Apprentis (CFA),
et ne bénéficient donc d’aucun soutien en Français Langue Seconde (FLS). D’autres, pour
des raisons mal connues, arrivés en cours d’année et dans l’attente d’une affectation,
commencent par suivre des cours de Français Langue Etrangère (FLE) dans des

13
Ces structures bénéficient d’une grande autonomie tant au niveau de l’organisation de la scolarité que du
choix des intervenants.

15
associations14 (M.L. élève, 2MAC, entretien 5, annexe 3), de « préparation au stage » dans
des structures privées, comme les Charmilles (N. élève, 2PAR, entretien 6, annexe 3).

La mise en place d’une scolarisation adaptée aux besoins des EANA de plus de 16
ans et peu scolarisés antérieurement, se révèle fastidieuse dans certaines académies. En
effet, la latence inhérente aux périodes d’adaptation des services et de mise en place de
dispositifs, couplée au caractère précaire des UPE2A-NSA, se traduit souvent par un
manque de places et une attente d’affectation dépassant largement le mois prévu par la
circulaire 2012-141 du 2 octobre 2012 (Lemaire, 2013). Or, ces délais sont
particulièrement préoccupants pour ces élèves dont le parcours scolaire effectué sur le
territoire français, en termes de durée et de réussite, joue un rôle prépondérant dans leur
avenir en France.

2.2 Parcours scolaires et orientation professionnelle sous contrainte administrative

À l’issue de cette première année d’UPE2A-NSA ou de MLDS-FLE, les élèves


sont orientés vers la voie professionnelle d’une part parce qu’elle est considérée comme
moins exigeante en termes de prérequis scolaires et linguistiques (Armagnague et al.,
2019), d’autre part, parce que les contraintes administratives de leur statut migratoire, et la
précarité économique et de ces élèves les incitent à quitter ces dispositifs pour intégrer le
plus rapidement possible une formation qualifiante (et in fine le marché du travail) censée
favoriser leur établissement en France.

Les deux types de formations privilégiées sont les CAP en lycée professionnel ou
en alternance en CFA. Cette dernière est recherchée pour sa sécurité financière (Lemaire,
2013), mais également parce qu’elle favoriserait l’obtention d’un titre de séjour15
(InfoMIE16). Pour autant, il semble y avoir rupture d’égalité concernant l’accès à ce type
de formation (Gouyer, 2016). D’une part, contrairement aux ressortissants français et de
l’Union Européenne, le contrat d’apprentissage étant un contrat de travail, les mineurs de
nationalité étrangère tierce doivent, après avoir trouvé un patron et signé leur contrat,
demander une autorisation provisoire de travail (APT) délivrée par les Directions

14
Notamment l’association 3aMIE
15
Avant le CAP Maçon à Deschaux, I.S a fait un CAP cuisine en alternance sous les conseils de sa référente
sociale (entretien 9, annexe 3)
16
http://www.infomie.net/spip.php?article1643 consulté le 11 juillet 2021

16
régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) 17
. D’autre
part, la circulaire 2016-01 du 29 janvier 2016, instaure un traitement de la demande d’APT
différenciée en fonction de l’âge de prise en charge par l’ASE des mineurs étrangers. Pour
les jeunes pris en charge avant 16 ans, le droit à la formation de tout mineur, sans
discrimination, prime sur la question de l’admissibilité au séjour de ces futurs majeurs18.
Pour ceux pris en charge après 16 ans, la hiérarchie s’inverse : la demande déposée en
préfecture n’est transmise à la DREETS qu’après examen de l’admissibilité au séjour
présumée à la majorité du requérant. Comme le montre Gouyet, et le dénonce le Défenseur
des droits en 2016, ces dispositions sont illégales à plusieurs niveaux, à commencer par la
Convention des Droits de l’Enfant (Défenseur des droits, 2016 in Gouyet, 2016). La
rupture d’égalité s’opère également au niveau du territoire, où les services régionaux et
préfectoraux ne traitent pas tous de la même manière ces demandes (Lemaire, 2013).

A Grenoble, le parcours de quelques élèves en CAP nous laisse penser que


l’autorisation provisoire de travail serait délivrée aux mineurs, indépendamment de l’âge
de prise en charge, mais se complexifierait à la majorité19. En effet, s’ils deviennent
majeurs en cours de formation, les EANA doivent déposer une demande de titre de séjour,
dont dépendra désormais l’octroi d’une ATP. Le récépissé délivré par la Préfecture peut ou
non les autoriser à travailler, et donc à poursuivre leur alternance. Or, il est prévu que le
récépissé comporte une autorisation de travail uniquement pour les jeunes majeurs, ayant
été confiés à l’ASE avant 16 ans (Gouyer, 2016). Il arrive donc que des élèves, pris en
charge par l’ASE après 16 ans, ayant obtenu une autorisation de travail et débuté un
apprentissage, se voient obligés de l’interrompre après leur majorité, faute d’autorisation
de travail sur leur récépissé. Ils s’orientent alors dans une filière professionnelle sous statut
scolaire, où les stages ne sont pas encadrés par un contrat de travail, mais par une simple
convention21.
Si l’accès aux formations qualifiantes du type CAP n’est pas entravé par leur statut
administratif, leurs stages non-rémunérés les maintiennent dans une forte dépendance

17
Anciennement, les Directions Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du
Travail et de l'Emploi (Dirrecte).
18 La demande s’effectue auprès de la DREETS qui en fait « un examen bienveillant ». La préfecture ne
vient qu’en deuxième instance, chargée uniquement de vérifier que « la présence de l’intéressé ne constitue
pas une menace à l’ordre public de nature à faire obstacle à une admission au séjour à sa majorité » (Annexe
8, Circulaire 2016-01 du 29 janvier 2016 : 17).
19
Deux élèves pris en charge à des âges différents ont pu bénéficier d’une autorisation provisoire de travail.
21
Cela a été le cas d’un de nos élèves, arrivé en cours d’année d’un CFA.

17
socio-économique des services sociaux qui se transforme en précarité à leur majorité. En
effet, au-delà de 18 ou 19 ans selon les cas, la prise en charge par l’ASE n’est plus un droit.
Une prolongation de la prise en charge peut être accordée de manière totale ou partielle
(sans hébergement par exemple) jusqu’à 21 ans. Ni systématique, ni pérenne, elle fait
l’objet de réévaluation régulière et peut être interrompue à tout moment (InfoMIE23).
Quel que soit le type de formation suivie – en alternance dans un CFA ou sous
statut scolaire en lycée professionnel – à partir de leur majorité, le statut et les conditions
de séjour de ces jeunes de nationalité étrangère changent. Bien que la poursuite d’études
engagées soit un droit, même au-delà de 18 ans, elle ne suspend pas l’obligation de titre de
séjour, ni ne garantit son obtention, comme le rappelle la circulaire 2002-063 du 20 mars
2002.
Ici encore, les procédures diffèrent selon l’âge de prise en charge par l’ASE. Pour
les mineurs confiés à l’ASE à plus 16 ans, il s’agit d’une démarche d’admission
exceptionnelle au séjour, dont les critères sont plus restrictifs, notamment au niveau du
parcours de formation (Ministère de l’Intérieur, 202124). Ces jeunes doivent justifier d’une
formation professionnelle qualifiante de plus de 6 mois. S’ils sont en alternance, ils
peuvent obtenir un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire », s’ils l’effectuent
sous statut scolaire, ils ne peuvent prétendre qu’à un titre de séjour « étudiant », plus
précaire (InfoMIE25). Dans tous les cas, le dossier scolaire est un élément clé du dossier par
lequel on juge de l’investissement, de la volonté et de la preuve d’intégration sociale,
linguistique et professionnelle des jeunes (Lemaire, 2008). Cela n’est pas sans
conséquence sur les enseignants qui témoignent dans nos entretiens de leur peine à trouver
une juste posture : prendre en compte leur situation sans tomber dans un simulacre de
formation, les considérer avant tout comme des élèves au risque de les stigmatiser comme
« migrant ».
« Effectivement le bulletin scolaire est important dans l’obtention de leurs papiers […] Et puis, il
y a cela aussi, tu vois, eux ils ont cette injonction d’être bon élève, d’avoir des supers
appréciations, même quand ils sont affectés dans des CAP, ils en ont parfois rien à faire, mais ils
n’ont pas le choix d’être là. Et il y a nous, professeurs, adultes, on essaye d’être bienveillant avec
eux, on sait que c’est important, mais parfois les exigences même si on les adapte, elles ne sont
pas là, et le couperet de la note tombe. Et j’essaye d’être juste par rapport à cela. Par exemple, si

23
https://www.infomie.net/spip.php?rubrique300 consulté le 7 juillet 2021
24
https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Immigration/L-immigration-familiale/Le-sejour-des-mineurs-
etrangers/La-delivrance-d-un-titre-de-sejour-aux-jeunes-majeurs-entres-mineurs-en-France consulté le 7
juillet 2021
25
http://www.infomie.net/spip.php?article6174; https://www.infomie.net/spip.php?rubrique206 ;
http://www.infomie.net/spip.php?article1643 consulté le 7 juillet 2021

18
l’élève a 9 ou 10, il ne va pas être content, il faut essayer de se dire, ce n’est pas grave, on va faire
autre chose, des remédiations pour améliorer la note. C’est un peu ambivalent parce qu’on est
professeur, on a toujours ces notes, on passe par cette opération de l’évaluation, mais aussi on est
des êtres humains, on connaît leur situation, c’est pas évident toujours d’avoir la bonne posture
entre le professeur qui va toujours mettre des supers notes, mais ce n’est pas révélateur du niveau
de l’élève et des exigences attendues pour l’examen, et puis à l’extrême le professeur qui ne va pas
du tout adapter et là c’est sûr leur niveau ne peut pas correspondre aux exigences de l’examen. »
(Mme N, Entretien 4, Annexe 5)

Si en théorie, tout mineur devrait effectuer une scolarité hors de toute contrainte liée à sa
nationalité, en pratique, l’horizon de la majorité et de son couperet administratif, prend en
otage le parcours scolaire d’une partie des EANA. Véritable course contre la montre pour
les mineurs confiés à l’ASE après 16 ans, on comprend que les délais d’affectation peuvent
être lourds de conséquences (Lemaire, 2013).

2.3 Des conditions d’enseignement-apprentissage difficiles

2.3.1 La transition vers la classe ordinaire

A la sortie des dispositifs spécifiques, certains élèves se retrouvent en CAP avec


des besoins en alphabétisation ou post-alphabétisation. Dans ce cas, le CASNAV alloue
des heures de FLES/alphabétisation aux établissements. Cependant, il arrive que les
enseignants disciplinaires, notamment en lettres-histoire, prennent en charge une partie de
l’enseignement de la lecture/écriture et cela sans formation préalable comme en témoigne
Mme A., une enseignante en lycée professionnel que nous avons rencontrée26 :

« […] quand je suis arrivée à P. l’année dernière, je me suis retrouvée avec une classe où 70%
étaient allophones, 40% n’avaient jamais tenu un stylo. Très vite j’en m’en suis rendu compte. Le
premier jour quand je leur ai demandé de faire la page de garde avec nom prénom et que je me
suis rendu qu’ils ne savaient pas s’orienter sur une page, qu’ils savaient même pas tenir un stylo,
j’ai fait ouf. Je ne sais pas où je suis tombée, mais ce n’est pas mon métier. […] soi-disant ils
venaient d’UPE2A et soi-disant ils avaient le Delf. Mais ils avaient clairement pas un niveau A1.
J’ai dû leur apprendre à lire et à écrire. Ils savaient les lettres, mais sans une aide ils étaient
incapables de comprendre. » (Mme A., entretien 3, annexe 4)

De plus, au-delà du linguistique et de l’écrit, cette première année de scolarisation


en France, ne permet pas toujours aux élèves d’acquérir pleinement « une compétence de
travail scolaire » (Spaëth, 2008 : 75).

Plus qu’enjeu didactique, le développement de cette compétence correspond à un


processus de socialisation avec les normes scolaires françaises s’effectuant dans la durée.

26
Ces moyens supplémentaires alloués ne sont pas toujours suffisants ou tardent parfois à se mettre en place
comme l’explique Mme A. (entretien 3, annexe 4).

19
Les élèves tâtonnent pour se construire des repères, en allant puiser dans leurs expériences
antérieures, scolaires ou non, pré-migratoires et migratoires (Armagnague, 2021). Or, les
dispositifs destinés aux EANA NSA-PSA, de plus de 16 ans, fonctionnent souvent en vase
clos, à la marge de leur établissement scolaire aussi bien en termes institutionnel,
organisationnel que spatial28. Si, comme tout dispositif spécifique, l’organisation de la
scolarité des UPE2A-NSA lycée et des MLDS-FLE diffère de la norme scolaire dominante
(dynamique de classe, contenus disciplinaires, enseignants différents, vie scolaire)
(Armagnague et al., 2019), contrairement aux UPE2A-NSA collège, ils ne sont pas tenus
d’organiser des temps d’inclusion en classe ordinaire29. Ces élèves, qui sont pourtant les
plus éloignés de l’école, se retrouvent confrontés à ces variations scolaires, sans transition,
lors de leur entrée en classe ordinaire. Or, le mimétisme fait partie du processus de
connaissances et d’appropriation d’un nouvel environnement, et « implique d’avoir des
« modèles » sur lesquels s’appuyer et qui font défaut dans le « cocon » dans l’UPE2A-
NSA » et, nous rajoutons, de la MLDS-FLE (Dias, 2020 : 56).

2.3.2 Se rendre disponible aux apprentissages dans l’urgence et la précarité

Cette démarche d’appropriation de ce nouvel environnement socio-scolaire peut


se traduire par une « indisponibilité » aux apprentissages disciplinaires et linguistiques,
notamment si « la situation migratoire impose une quotidienneté sociale et administrative
éloignée de la forme scolaire classique » (ibid : 176). Effectivement, la plupart des élèves
rencontrés vivent dans une précarité administrative, économique et sociale, dont la gestion
empiète sur leurs études. Les appels et rendez-vous administratifs, la constitution de
dossiers, la préparation d’entretiens ponctuent le quotidien scolaire, tout comme les
conditions matérielles, l’hébergement parfois très éloignés de l’établissement, et le manque
de ressources modèlent et contraignent leurs expériences scolaires. La charge mentale de
ces problématiques ne s’arrête aux murs des établissements scolaires ni pour les élèves, ni
pour les enseignants, comme l’explique Mme N. :

« Tu es obligé de connaître ses élèves, sans du tout être intrusif avec leur situation perso, mais tu
es obligé de savoir leur situation administrative, l’AJA31, pour les comprendre, pour leur scolarité,

28
A Grenoble, la majorité des UPE2A-NSA se situaient dans une aile isolée de l’établissement Mounier,
alors en rénovation.
29
Les préconisations de la circulaire n° 2012-141 du 2 octobre 2012 sur les pratiques d’inclusion à mettre en
œuvre dans les UPE2A-NSA ne concernent que les élèves sous obligation scolaire.
31
L’Accompagnement Jeunes Adultes est une modalité de prise en charge par l’ASE.

20
tu es obligé. […] On les accueille en individuel au début de l’année, mais ce n’est pas suffisant.
[…] il faut vraiment être carré au niveau de l’évolution parce que pour eux, ça peut changer très
rapidement, cela peut vite basculer. Et puis je pense qu’on ne travaille pas assez en équipe. Il y a
plein d’écueils qu’on pourrait éviter si on travaillait davantage en équipe. […] Plein de choses
pourraient améliorer cette grosse machine dans laquelle ils sont parfois un peu perdus, voire
broyés. » ( Entretien 4, Annexe 5)

Parcours scolaire, parcours migratoire et conditions de vie en France, sont


inextricablement liés pour un certain nombre d’EANA. Le droit à l’éducation dévoyé en
obligation de réussite, devient la preuve incontournable de l’intégration, un critère décisif
tant pour la prolongation de prise en charge par l’ASE (InfoMIE35) que pour l’octroi d’un
titre de séjour. Lemaire (2009 ; 2013) met en lumière cette pression37 pesant sur les élèves :

« Comment, dans ce contexte, les mineurs isolés peuvent-ils apprendre sereinement et parvenir à
relever le défi d’une intégration linguistique et scolaire rapide ? Cette question se pose avec
d’autant plus d’acuité que la situation provoque incompréhension et colère chez des jeunes qui
peinent à comprendre pourquoi il leur est demandé d’une part de faire rapidement la preuve de leur
intégration linguistique et scolaire alors qu’ils tendent par ailleurs à être tenus en marge du
système éducatif français. » (Lemaire, 2013)

35
https://www.infomie.net/spip.php?rubrique300
37
Cette pression s’exprime en termes de temps (marquée par l’échéance de leur majorité), ensuite de volume
d’apprentissage (l’ensemble des connaissances et des compétences à acquérir), en enfin, du fait de ses
conséquences sur leur avenir en France (la place du dossier scolaire dans les démarches de régularisation)

21
Chapitre 2. Le contexte particulier du stage
Mon projet de stage est issu d’une commande du CASNAV liée à des besoins
préalablement identifiés.

1. La commande du CASNAV
Piloté par un inspecteur de l’éducation nationale de l’académie (IEN), l’équipe
académique du CASNAV compte une équipe de coordination pédagogique académique,
des chargés d’inspection auprès des enseignants en Français Langue Seconde (FLS) et
bien-sûr un secrétariat. Il est organisé en cinq pôles départementaux – Ardèche, Drôme,
Isère, Haute-Savoie, Savoie – placés sous la responsabilité de deux inspecteurs des services
départementaux, l’un pour le premier degré, l’autre pour le second, et supplée par un
coordination pédagogique départementale, qui selon les besoins compte deux personnes,
l’une en charge des élèves allophones nouvellement arrivés (EANA), l’autre des enfants de
familles itinérantes ou de voyageurs (EFIV)38. C’est l’équipe de coordination pédagogique
académique qui identifie les besoins et les chantiers pouvant faire l’objet de missions de
stage, formule des commandes, recrute et encadre les stagiaires.
A Grenoble, les enjeux didactiques de la scolarisation des élèves allophones
concernent essentiellement les plus élèves de plus de 16 ans peu lecteurs-scripteurs, en
sortie de dispositifs spécifiques (UPE2A ou MLDS), d’abord au niveau de l’orientation,
puis du passage en contexte de scolarisation ordinaire. Orientés vers des voies
professionnelles (notamment les CAP) considérées comme moins exigeantes en termes de
prérequis scolaires et linguistiques, les élèves comme les enseignants des lycées
professionnels doivent s’adapter. Les premiers, sortis du « cocon », doivent se repérer dans
une nouvelle organisation scolaire et intégrer les attentes disciplinaires. Les autres doivent
prendre en compte les besoins d’un nouveau public devenu majoritaire dans certaines
filières et bien souvent sans formation préalable, mais parfois aidés d’enseignants de FLES
du CASNAV39.
Si, d’importants efforts ont été faits au sein du Casnav de Grenoble pour adapter
des supports aux élèves peu lecteurs-scripteurs des CAP, ils concernent essentiellement les
matières professionnelles. En effet, la réflexion et la production d’outils didactiques dans

38
https://casnav.web.ac-grenoble.fr/
39
Mme A, Entretien 3, Annexe 4

22
les disciplines scolaires générales, à destination des élèves allophones éloignés de l’écrit
reste en friche, notamment l’histoire-géographie-EMC. Les repères temporels et spatiaux
ainsi que la dimension conceptuelle de certaines notions, notamment les valeurs en EMC,
rendrait l’enseignement-apprentissage de cette discipline à des élèves ayant peu été
scolarisés antérieurement particulièrement ardu.
D’où la commande du CASNAV, consistant à créer des outils pédagogiques, à
destination des enseignants d’HG-EMC40 de CAP, qui permettent de rendre leur discipline
plus accessible aux élèves allophones éloignés de l’écrit, mais également de les préparer
aux examens du CCF41. Considérant que les supports pédagogiques écrits peuvent être un
obstacle supplémentaire au contenu disciplinaire, et que le CCF en HG-EMC consiste en
une épreuve orale, j’ai proposé de concevoir des outils favorisant l’oral comme moyen de
transmission des connaissances, mais également comme objet d’apprentissage, à travers un
projet radio.
C’est le lycée polyvalent Roger Deschaux à Sassenage qui acceptera de
m’accueillir en stage, aux côtés d’une enseignante de lettre-histoire et de français langue
étrangère et seconde (FLES) en CAP, auprès d’une seconde Peintre Applicateur de
Revêtement (2PAR) et d’une seconde Maçon (2MAC).

2. Lieu et contexte d’intervention

L’histoire du lycée polyvalent Roger Deschaux est longue, puisqu’il est l’héritier du
centre d’apprentissage en mécanique du bâtiment créé en 1945 à Sassenage, dans le
contexte de reconstruction de la France d’après-guerre (Deschaux, 2021)42.
L’établissement est particulièrement engagé auprès des élèves en situation de
vulnérabilité administrative ou économique. Des collectes de denrées et de vêtement sont
organisées, et le fond d’aide sociale est mobilisé pour payer la cantine ou l’internat au
besoin43.

40
HG-EMC : Histoire-Géographie-Education Morale et Civique
41
CCF : Contrôle en Cours de Formation
42
http://www.deschaux.com/ consulté le 15 juillet 2021
43
Il faut souligner que le fait d’accepter ou non des élèves à l’internat et d'en lever la barrière financière est
interne à chaque établissement. Certains élèves allophones, n’ayant pas eu accès à l’internat de leur lycée,
faute de ressources, ont trouvé refuge à Roger Deschaux bien qu’ils n’y suivent pas leur formation .

23
Mme N. dispense les cours de lettres et d’histoire géographie EMC à raison de deux
heures par semaine44. Ce nombre d’heures, extrêmement restreint, a été une contrainte tout
au long du stage pour la réalisation de notre projet. Également chargée de l’enseignement
du FLES dans l’établissement, le CASNAV lui alloue 6 heures de cours de FLES et 2
heures de co-enseignement en atelier par semaine.

3. Le profil des élèves


Si un portrait de la situation sociale et scolaire des EANA de plus de 16 ans,
évalués comme ayant peu été scolarisés antérieurement, a déjà été dressé, il est important
de préciser les parcours des élèves rencontrés durant notre stage afin de montrer la
complexité et la singularité que la catégorie « PSA-NSA » tend à invisibiliser. Pour cela,
nous nous appuyons sur des entretiens semi-directifs (grille d’entretien, annexe 2 ; listes
d’entretien annexe 3), des conversations informelles et des questionnaires (annexe 6) .
En effet, à l’exception d’un élève ayant immigré en France avec sa famille et l’autre
étant majeur, l’ensemble des élèves allophones des deux classes de CAP sont arrivés en
France étant mineurs et non-accompagnés. La plupart sont pris en charge par l’ASE et
vivent en famille d’accueil. D’autres n’en ont pas bénéficié ou n’en bénéficient plus, et
dépendent souvent des services d’internat et de cantine du lycée, ainsi que d’un soutien
associatif extérieur. Tous, majeurs, mineurs, accompagnés ou non, sont en grande précarité
sociale, économique et administrative.
Les répertoires langagiers des élèves démontrent une très grande diversité de
langues parlées et/ou écrites au sein des classes.

44
En décembre 2018, les grilles horaires du lycée professionnel ont été modifié, les heures de lettres histoire
sont passés de 4h à 2h hebdomadaires (Journal Officiel n°0294 du 20 décembre 2018 texte n° 50).

24
Malinké Soussou Peul Soninké Arabe Italien
Albanais Anglais Bambara Turc Kurde

Figure 3 : Langues parlées et/écrites des élèves dont le français n’est pas langue première

Une partie importante des élèves parlent bambara ou malinké, deux langues
mandingues très présentes en Afrique de l’Ouest, d’où viennent les ¾ des élèves.

Mali Guinée Côte d'Ivoire


Albanie Kosovo Turquie

Figure 4 : Pays d’origine des élèves

Pour ces élèves issus de pays anciennement colonisés par la France, où le français
constitue une langue officielle en usage dans le système scolaire, mais également dans la
vie sociale, les compétences antérieures scolaires et linguistiques (en français) se recoupent
en partie. I, élève en 2PAR, explique : « Si tu n’as pas fait l’école c’est pas possible pour
parler français au Mali. » (entretien 7, annexe 3).
En effet, la place du français dans les échanges quotidiens diffère au sein d’un
même territoire national, selon l’origine géographique (notamment urbaine ou rurale) et
l’environnement social des individus. Lors de nos entretiens, M.O, élève en 2MAC,
explique que l’exposition au français, par les médias notamment, ne permet pas elle seule
de maîtriser la langue (entretien 8, annexe 3) :

25
« C’est la France qui a colonisé le Mali, c’est obligatoire tu vas entendre le français, même dans
la brousse, la campagne, mais la plupart des gens ne comprennent pas le français »

La classe est représentative de ces disparités nationales, puisque sur cinq élèves
Guinéens, trois viennent de zones rurales, sont allophones et ont été peu scolarisés. Les
deux autres sont francophones, viennent de grandes villes et ont suivi une scolarité en
français pendant 10 et 12 ans.

Pour les élèves issus de pays où le français est une langue étrangère (l’Albanie, le
Kosovo et la Turquie), leur connaissance de la langue n’est pas liée à leur scolarisation.
Ceux-ci ont effectué un parcours scolaire régulier dans leur pays d’origine.

10 et plus

25% 5-7 ans


33%

1 an (UPE2A-NSA)
8%
34%

jamais scolarisés /
moins d'un an /
cours du soirs

Figure 5 : Parcours scolaires des élèves allophones avant leur arrivée en CAP

Les parcours scolaires et les rapports au français des élèves allophones issus
d’Afrique de l’Ouest sont plus complexes. D’abord, au niveau des formes de scolarisation,
puisque parmi les élèves ayant été scolarisés, certains l’ont été en français, d’autres ont
fréquenté l’école coranique.
De plus, si plus d’un tiers des élèves allophones n’a jamais fréquenté d’institution
d’enseignement avant d’arriver en France, la majorité d’entre eux a pu développer des
connaissances écrites (en français ou en arabe) par le biais de cours du soir assurés par des
amis ou des membres de la famille eux-mêmes scolarisés.
Par ailleurs, la moitié des élèves ayant intégré une UPE2A-NSA avant leur arrivée
en CAP avaient déjà suivi une scolarité, plus ou moins brève, dans leur pays d’origine,
notamment en arabe, au sein d’une école coranique, pendant environ 6 ans.
Enfin, on peut mentionner le cas de deux élèves ayant rejoint le CAP sans jamais
avoir été scolarisés antérieurement.

26
Si les deux classes sont marquées par une hétérogénéité des parcours scolaires, des
compétences écrites et des connaissances en français, elles correspondent à des profils de
groupe-classe différents.
En 2PAR, 7 élèves sur 11 sont allophones (profils détaillés des élèves, Annexe 7).
Venant de zones rurales du Mali ou de la Guinée, la majorité d’entre eux n’a pas été
scolarisée avant d’arriver en France, et bien qu’ayant côtoyé le français, ce n’est pas une
langue dont ils avaient usage au pays. La découverte du système scolaire, de son
fonctionnement, ses codes et ses langages disciplinaires, se double donc d’un apprentissage
du français. Les 4 élèves francophones ont effectué l’ensemble de leur scolarité en France.
Ils rencontrent des difficultés d’apprentissage, d’orientation ou de décrochage scolaire et
vivent des situations sociales et familiales pas toujours simples.
En CAP maçonnerie, 7 élèves sur 9 sont allophones et bénéficient de cours de FLE
(Profils détaillés des élèves, Annexe 8). Ils ont tous été scolarisés antérieurement, mais de
manière plus ou moins longue. D’origines diverses, le FLS n’est pas une découverte pour
tous, notamment pour les élèves maliens et guinéens scolarisés en français, aux côtés du
bambara, malinké et soninké, utilisés comme langues d’enseignement. A l’image de la
diversité de leurs expériences scolaires et de leur répertoire langagier et discursif, les
ressources sur lesquelles s’appuient les élèves dans leurs apprentissages sont variées. Les
compétences en français favorisent l’entrée dans l’écrit pour certains, tandis que les
connaissances disciplinaires antérieures accélèrent l’apprentissage du français pour
d’autres. Cette classe rassemble donc des élèves allophones scolarisés antérieurement, dont
les besoins sont surtout linguistiques, et des élèves allophones dont le parcours scolaire
quelle qu’en soit la raison (brièveté, contexte d’enseignement-apprentissage, difficultés
d’apprentissage, mauvaise expérience scolaire) ne leur a pas permis d’acquérir le niveau
écrit et scolaire attendu pour leur classe d’âge en France. Les deux élèves francophones ont
effectué une scolarité en français en Guinée et au Mali. Bien qu’ils n’aient pas les mêmes
besoins au niveau scolaires et linguistiques que leurs camarades, ils partagent les mêmes
conditions de vie.

L’hétérogénéité des classes, aux niveaux linguistiques et scolaires, avec la présence


d’élèves allophones et francophones, de parcours scolaires et de répertoire langagier
divers, est une réalité que nous avons dû prendre en compte pour l’élaboration de notre
projet de stage. Le travail de groupe en a été le moyen principal, pas tant en termes de
gestion que de stratégie d’enseignement et d’apprentissage entre pairs.

27
Chapitre 3. Formulation de la problématique et méthodologie de
recherche
Nous sommes arrivées sur notre lieu stage avec un objectif relativement précis, à
savoir, créer des outils pédagogiques, adaptés aux besoins des élèves allophones peu
scolarisés antérieurement, qui favoriseraient l’appropriation des connaissances
disciplinaires et des compétences orales attendues en HG-EMC au CCF. Bien que le projet
de stage discuté avec le CASNAV, évoquait l’utilisation du médium radiophonique, le
comment faire restait en réalité très flou notamment du fait de la nature transdisciplinaire
de ma mission.

1. Formulation de la problématique et des hypothèses


C’est lors de la mise en œuvre de la séquence d’EMC relative au syndicalisme, que
mon objet de recherche a émergé. Celle-ci prévoyait de travailler l’oral, en compréhension
par le biais d’extraits radio, et en production par la réalisation d’une interview ou d’un
reportage. Initialement, l’activité d’ouverture de la séquence consistait en un brainstorming
sur les conditions de travail en classe entière, en s’appuyant entre autres, sur leur
expérience de stage. Cependant, le début du projet coïncidant avec l’annonce du
confinement, il a fallu revoir les modalités de travail in extremis pour l’une de nos classes.
Afin de donner l’opportunité à chacun de s’exprimer sur le sujet, les élèves ont dû
enregistrer un « vocal » WhatsApp à envoyer au groupe de la classe. Cette première
expérience d’enregistrement sonore m’a conduit à l’employer comme un outil didactique
pour l’enseignement de l’oral monologué de type scolaire pour le reste de la séquence.
Nous l’avons alors pleinement intégré au dispositif pédagogique, en dehors de toute
contrainte du distanciel, pour notre seconde classe. C’est pourquoi, dans ce travail, nous
nous interrogeons sur l’intérêt didactique de l’enregistrement vocal, pour l'enseignement de
l'oral en histoire-géographie, en contexte de FLS. Dans quelles mesures l'enregistrement
des productions orales monologuées des élèves, peut-il favoriser le développement de
connaissances et de compétences orales en histoire-géo-EMC des élèves allophones
peu scolarisés antérieurement ?

Notre hypothèse est qu’en médiatisant, par l’enregistrement, les productions orales
en continu des élèves, on favorise le processus d’appropriation d’un discours scolaire, tant
au niveau de la construction de connaissances disciplinaires que des compétences
linguistiques et discursives liées à la planification et la structuration d’un oral monologué.

28
La conception de mon dispositif didactique et l’émergence de mon objet de
recherche provient d’un processus de réflexion ayant débuté dès mon arrivée sur le lieu de
stage. En effet, pour être en mesure d’appréhender correctement les besoins des
enseignants et des élèves, et ainsi de concevoir des outils pertinents et transférables aux
enseignants d’Histoire-Géographie EMC, un temps d’observation et d’enquête a été
nécessaire, me faisant ainsi entrer dans une dynamique de recherche-action.

2. Principes de la recherche-action et démarche ethnographique


Le stage et les exigences du mémoire tendent à mettre les étudiants dans la posture du
praticien-chercheur puisque la démarche de recherche répond à une volonté de changement
explicite (Catroux, 2002). En effet, la commande faisant l’objet du stage formule une
problématique (l’accessibilité du programme d’histoire-géo-EMC de CAP aux élèves
EANA-PSA en lycée professionnel) et un objectif (la création d’outils pédagogiques). Le
projet de stage ne correspond pas à la réalisation de tâches et de missions prescrites, mais
s’inscrit dans un processus de réflexion et d’intervention dynamique et collaboratif, qui
relève de la recherche-action (Macaire, 2011). L’intervention n’est pas un but en soi, mais
devient un outil de la recherche, qui vise la résolution des problèmes identifiés. Cette
démarche particulière repose sur une dialectique cyclique fondée sur la réflexivité de
l’action (Catroux, 2002; Macaire, 2011).

Figure 6 : Schématisation du cycle de la recherche-action d’après Susman (1983, cité par Catroux, 2002)

29
Des phases de recueil et d’analyse de données alternent ainsi avec des phases
d’action qui en résultent dans un premier temps, et les nourrissent dans un second,
puisqu’en reconfigurant la situation, l’intervention produit de nouvelles données pour la
recherche.

Vu l’échelle de notre terrain de stage, un lycée et deux classes, nous avons adopté
une démarche ethnographique privilégiant des données qualitatives :

➢ des notes d’observation

➢ des entretiens informels avec les enseignants et les élèves, de type exploratoire en
amont de la conception du dispositif didactique

➢ des traces orales et écrites de travaux d’élèves

➢ des entretiens formels semi-directifs réalisés auprès de :

- la coordonnatrice du CASNAV, en amont du stage

- 3 enseignants en lettres-histoire dont les classes de CAP sont


majoritairement composées d’EANA peu scolarisés antérieurement. Parmi
eux, seule Mme N. l’enseignante avec qui nous avons collaboré, est
familière de la didactique du FLES (grille d’entretien enseignant, annexe 1).

- 9 entretiens d’élèves dont 5 en 2PAR et 4 en 2MAC (grille d’entretien


élève, annexe 2)

La liste de nos entretiens est disponible en annexe 3. N’ayant pu retranscrire l’ensemble de


nos entretiens, faute de temps, nous avons priorisé ceux des deux enseignantes, Mme A. et
Mme N. En effet, nos renvois à ces entretiens sont nombreux et il nous paraissait important
de pouvoir les remettre dans leur contexte pour en apprécier le déroulement d’idées (Mme
A., entretien 3, annexe 4 ; Mme N. entretien 4, annexe 5)

➢ Enfin, des questionnaires d’évaluation de la séquence par les élèves, de nature


quantitative, viennent compléter notre cueillette de données.

30
Partie 2

Cadre théorique

31
Notre recherche se situant en didactique du FLSco, il nous parait indispensable de
commencer par définir les spécificités du langage en contexte scolaire. Identifier ses
différentes fonctions, pratiques et caractéristiques, nous permettra de mieux comprendre il
s’intègre aux processus d’enseignement-apprentissage des disciplines. Nous nous
intéresserons alors, plus précisément, au processus langagier de la construction de
connaissances des élèves qui tiendrait d’une transformation du discours.

Dans un second temps, nous essayerons de définir la place occupée par l’oral au
sein de la culture écrite qui est celle de l’école, d’abord comme moyen d’accès aux
connaissances, puis comme objet d’enseignement. Après avoir présenté quelques
approches et modèles didactiques de l’oral, nous nous pencherons sur les médiations
technologiques de son enseignement, à savoir l’enregistrement vocal.

Chapitres 4. Le langage à l’école


1. Les EANA, une situation de Français Langue Seconde particulière
1.1 Le continumm FLE, FLS, FLM
Le champ de la didactique du français s’est structuré en différents domaines à
mesure qu’il prenait en compte les différentes situations d’appropriation de la langue du
point de vue sociolinguistique. Il se scinde d’abord en deux, le français langue maternelle
(FLM) et le français langue étrangère (FLE).

Le FLM, discipline scolaire centrale, considère que la langue enseignée est la


langue première des apprenants, faisant de l’oral un prérequis, ce qui n’est pas toujours le
cas étant donné la réalité plurilingue de la France. Ses contenus concernent essentiellement
l’écrit : apprentissage de la lecture/écriture, étude métalinguistique, étude de textes et
genres écrits, études d’œuvre littéraire (Cherqui & Peutot, 2015).

Le FLE s’adresse à des non-natifs, et se concentre sur les besoins communicatifs –


notamment de la vie quotidienne – des apprenants en posant souvent au contraire le
langage écrit comme prérequis (ibid).

Le concept de français langue seconde (FLS), plus tardif, émerge dans les années
80 pour décrire le type d’enseignement/apprentissage du français des pays d’Afrique
francophones (Cuq & Davin-Chnane, 2007). Il qualifie les situations où le français
s’apprend au cours d’une socialisation secondaire, souvent à l’école où il est la langue
d’enseignement, parce qu’il bénéficie d’un statut particulier lié à ses usages sociaux et à

32
son rôle dans le développement des individus (ibid). Loin d’être univoque, le FLS renvoie
à des situations multiples et particulières, souvent issues d’une histoire coloniale
(Verdelhan et al., 1999).

En France, le FLS se rapporte essentiellement aux situations d’immigration, et


notamment à la scolarisation des élèves allophones pour lesquels il est un objectif (Cuq &
Davin-Chnane, 2007). « A son arrivée en France, la langue française est le plus souvent
pour l’élève allophone, une langue étrangère, puis elle va progressivement devenir une
langue seconde » qui lui permettra d’aborder la langue tel qu’enseignée en didactique du
FLM (Cherqui & Peutot, 2015:115). Ce n’est toutefois pas le cas pour tous les élèves
allophones, et notamment pour les plus âgés arrivés comme mineurs isolés, dont une
grande partie vient de pays africains, où le français est langue d’enseignement et fait partie
de l’environnement social. Les situations de FLS à l’échelle nationale de ces pays sont
elles-mêmes très variées, et la fréquentation scolaire a un impact important sur le degré de
familiarité ou d’étrangeté de la langue à leur arrivée en France, comme le montre notre
terrain de stage.

L’ambiguïté du FLS est d’être à la fois une langue de communication enseignée et


la langue d’enseignement d’autres disciplines, le place à mi-chemin entre le FLE et le
FLM, tant d’un point de vue sociolinguiste que didactique. Langue non première, comme
le FLE, mais partageant la fonction sociale de scolarisation avec le FLM, les approches
didactiques du FLS empruntent à ces deux champs constitués (Davin-Chnane, 2008;
Verdelhan-Bourgade, 2002). Si, dans un premier temps, la priorité donnée à l’oral et à la
communication scolaire et extra-scolaire, privilégie une didactique du FLS proche du FLE,
apprendre en français implique également l’acquisition de compétences cognitive-
langagières propres au travail scolaire, qui se rapproche du FLM (Spaëth, 2008).
L’enseignement du FLS en contexte scolaire apparait donc tantôt comme une
discipline avec ses objets d’apprentissage propres, notamment d’ordre communicationnel,
tantôt comme un mode d’accès transitoire au FLM (Cortier, 2003), et nous rajoutons, aux
différentes disciplines. Cela transparait dans l’organisation de certaines UPE2A et UPE2A-
NSA qui s’articulent autour de cours de FLS, de mathématiques, d’histoire-géo et d’EPS.

33
1.2. Le français langue de scolarisation (FLSco)
Ce sont les réflexions portées par la didactique sur les fonctions sociales de la
langue, plutôt que sur ses caractéristiques sociolinguistiques, qui vont définir le français de
scolarisation, dit FLSco, non pas comme une composante du FLS, mais comme une
fonction du langage transversale et commune au FLS et au FLM (Verdelhan-Bourgade,
2002). En croisant les regards de Verdelhan (2002 : 31), Chiss (2006) et Vigner (2009),
nous pouvons décliner la fonction de scolarisation de la langue en trois grands rôles :

➢ l’acquisition de la littéracie, c’est-à-dire un accès à la culture de l’écrit qui ne se


réduit pas à la lecture/écriture, mais aux pratiques sociales liées au langage écrit
(Le Ferrec, 2008)

➢ l’enseignement et l’apprentissage de toutes les disciplines, tant au niveau de la


transmission culturelle de mémoire et de savoirs, qu’à celui de leurs élaborations
méthodologiques (Vigner, 2002)

➢ la langue de communication scolaire dans laquelle s’opèrent l’insertion et la


réussite scolaire, mais également sociale51 (Spaëth, 2008; Verdelhan-Bourgade,
2002)

La fonction de scolarisation de la langue s’incarne dans des pratiques langagières


particulières, aux caractéristiques linguistiques spécifiques, qui diffèrent de ses usages
ordinaires et quotidiens (Vigner, 2009). La notion de pratiques langagières permet de
prendre en compte les différents usages de la langue, correspondant à des situations de
communication propres au contexte scolaire, régies par des normes et des règles d’échange
précises et correspondant à un certain nombre d’actes de langage (Verdelhan-Bourgade,
2002). Ce terme permet également de considérer l’activité verbale à l’école, comme une
pratique sociale à part entière, « constitutive de la construction du sujet dans l’interaction
sociale » (Dabène & Ducancel, 1997 : 3). Apprendre la langue de l’école, pour les élèves
allophones comme francophones, c’est donc s’approprier de nouvelles pratiques
langagières, qui selon leurs répertoires langagiers et discursifs antérieurs peuvent être en
rupture ou en continuité avec leur environnement social et familial (Beacco et al., 2010).

51
Effectivement, la maitrise de la langue attendue par l’école a une fonction de socialisation qui dépasse le
cadre scolaire, puisqu’elle vise à étendre les pratiques socio-langagières des élèves à des usages sociaux de la
langue très divers – notamment écrit – hors de ses murs et de sa temporalité.

34
Il importe ici de mentionner que l’appropriation de la langue de scolarisation n’est
pas un processus équivalent pour tous les élèves, il peut être source de difficultés, sans que
cela ait à voir avec son statut de langue première ou seconde (Lahire, 2000).

Dès les années 60-70 les travaux de Bourdieu et de Passeron, montrent comment
l’origine sociale des individus conditionne de manière importante leur parcours scolaires
(cités par Jourdain & Naulin, 2011). La culture scolaire, dont la dimension langagière,
n’est pas neutre, et avantage ceux dont le capital culturel et l’habitus – ce système de
dispositions, qui est autant un schème de pensée qu’une structure cognitive et où
s’articulent représentations et comportements sociaux, dont le langage – hérités de la
famille, s’en rapprochent (Bourdieu cité par Barré de Miniac, 2015 : 76-77). Autrement dit,
si les usages linguistiques personnels de l’élève recoupent plus ou moins les usages
scolaires (Aase et al., 2009).

Cela étant dit, la situation des EANA qui doivent s’approprier les pratiques
langagières propres aux usages scolaires, dans une langue étrangère ou seconde, comporte
des enjeux spécifiques – mis en avant par le concept de FLSco et situé au cœur de la
didactique du FLS en milieu scolaire (Cortier, 2003). C’est l’objet de « l’enseignement du
FLE/FLS/FLSco » mis en place par le CASNAV pour répondre aux besoins linguistiques
et scolaires des EANA52.

Selon nos observations de terrain, sortis des dispositifs UPE2A-NSA, les heures de
FLE dont bénéficient les élèves en CAP portent surtout sur un traitement linguistique
(grammaire, conjugaison), phonétique et communicatif de la langue, et tiennent parfois de
l’alphabétisation. Les élèves bénéficient d’une heure de co-intervention dans les disciplines
professionnelles, tenant plus du français sur objectifs spécifique (FOS) que du FLSco.
L’enseignement des dimensions langagières des disciplines scolaires (français, histoire,
mathématiques), adapté aux allophones, repose entièrement sur les enseignants. D’après
nos observations, l’absence de formation, le manque d’accompagnement, les exigences du
programme, et les contraintes de temps, ne favorisent pas le développement d’une telle
didactique du FLSco.

52
https://CASNAV.web.ac-grenoble.fr/missions-0

35
2. De la langue de scolarisation aux discours scolaires
2.1 Une grammaire transversale aux discours disciplinaires
Le concept de genre discursif cherche à appréhender les productions langagières à
partir de leur contexte de communication, en identifiant les marques formelles par
lesquelles cet ancrage socioculturel s’exprime (Charaudeau et al., 2002). L’analyse « des
contenus, des structures communicatives et des traits linguistiques » permet ainsi
d’identifier le genre discursif propre à une communauté de communication (Claudel &
Laurens, 2016 : 3).

L’approche par genre de discours est particulièrement intéressante du point de vue


de la didactique des langues puisqu’elle permet de rendre observables les « filtres » par
lesquels se construisent les interactions verbales (ibid : 3).

L’analyse discursive du FLSco permet de rendre compte de la diversité des


pratiques socio-langagières scolaires et d’en faire des objets enseignables, une condition
sine qua none de l’équité scolaire selon le Conseil de l’Europe (Beacco, 2015) :

« Cette relative indéfinition des produits textuels attendus peut opérer comme « curriculum caché
» et s’avérer être contraire à l’équité. Il n’est d’autre solution que de décrire ces genres de discours
aussi finement que possible pour en rendre l’enseignement transparent. » (Beacco et al., 2010 : 26)

Présentée comme une compétence transversale, la tendance dans les textes


encadrant les programmes scolaires et dans la recherche en didactique du FLM, va être de
construire une langue transdisciplinaire dont la responsabilité de l’enseignement est
partagée par toutes les disciplines, en identifiant des genres de texte communs, mais en les
formalisant hors de leur contexte d’utilisation (argumentatif, descriptif etc.) (Jaubert &
Rebière, 2011).

La didactique du FLSco à des élèves allophones va plutôt cibler des genres


discursifs liés aux types d’interactions en classe (cours dialogué, travail de groupe)
(Beacco et al., 2010; Cherqui & Peutot, 2015) et aux énoncés (les consignes, les exercices,
la leçon) (Spaëth, 2008). Elle met en avant les structures grammaticales spécifiques à leur
« densité informative », « leur particularité à éviter la redondance », leur objectivation,
leur « absence d’énonciation » (Spaëth, 2008 : 90).

La transversalité du FLSco s’appréhende également par un ensemble de fonctions


discursives (Beacco et al., 2010; Vigner, 2009) ou d’opérations langagières (Verdelhan-
Bourgade, 2002 : 168) présentes dans toutes les disciplines, par exemple définir, justifier,

36
expliquer. Ces fonctions discursives correspondent à des séquences textuelles (orales ou
écrites), c’est-à-dire qu’elles ont une forme linguistique observable, d’ordre sémantique,
grammatical, syntaxique qui ne tient pas d’un genre discursif, mais en sont des
composantes (Beacco et al., 2010). Induites plus ou moins explicitement par les consignes,
ces fonctions discursives apparaissent comme un point d’ancrage en didactique du FLSco
puisqu’elles concentrent deux enjeux fondamentaux pour la réussite scolaire : la
compréhension des consignes et la résolution des tâches, notamment par la production
(oral ou écrit) d’un texte scolaire.

Cette correspondance entre fonction discursive et formes linguistiques stables fait


penser aux approches communicatives du FLE. Pourtant, contrairement aux actes de
parole, dans le cadre scolaire, ces fonctions discursives ne correspondent donc pas à une
intention communicative du locuteur, mais aux opérations cognitives et langagières
requises par l’activité scolaire en question (Verdelhan-Bourgade, 2002). L’enjeu
didactique du FLSco apparait alors comme un objet d’enseignement protéiforme, à la fois
transversal et spécifique aux disciplines.

2.2 Des opérations langagières et cognitives spécifiques aux disciplines


Chaque discipline ayant développé ses propres modes de connaissances,
d’enseignement et d’apprentissage, les fonctions discursives ne s’actualisent pas toutes de
la même manière dans les textes et genres disciplinaires (Beacco et al., 2010), comme
l’illustre Spaëth (2008 : 92) :

« Une consigne transversale comme celle de décrire un paysage en français, en géographie, en


sciences ou encore en histoire, ne met pas en jeu les mêmes compétences rhétoriques et doit
donner lieu à l’écriture de genres de texte différents »

La compréhension des tâches scolaires ne peut donc pas toujours être résolue par
une analyse syntaxique – la place du verbe – et une explication sémantique – le sens du
verbe : elle sous-tend des opérations cognitives à réaliser dont la dimension langagière est
propre aux disciplines (sous forme de genres de discours) (Verdelhan-Bourgade, 2002).
Par extension, l’exécution d’une tâche scolaire sous la forme d’une production de texte
discursif (oral ou écrit) ne dépend pas seulement de la maitrise des formes linguistiques
correspondant aux fonctions discursives induites par la consigne. Elle requiert pour les
élèves de reconstruire le sens de l’énoncé, de modéliser puis d’effectuer les opérations
cognitives et langagières, pour produire un texte s’inscrivant dans le genre discursif
disciplinaire en question (Spaëth, 2008; Verdelhan-Bourgade, 2002).

37
Si les formes langagières des opérations cognitives sont définies par leur contexte
disciplinaire, dès lors, l’enseignement d’une grammaire transversale aux discours
disciplinaires atteint une limite. Tout en reconnaissant les aspects transversaux de la langue
de scolarisation, tant les orientations nationales en FLM53 que les préconisations
européennes en FLSco54 insistent sur la spécificité langagière de chaque discipline (Aase et
al., 2009; Jaubert & Rebière, 2011; Vigner, 2011) :

« La « question de la langue » dans l’enseignement des matières scolaires n’est pas à considérer,
comme souvent, comme relevant d’une sorte de responsabilité collective de tous les enseignants,
devant veiller ensemble et partout au bon emploi de la langue de scolarisation. Elle est, comme
cela a été montré, au coeur même de la transmission et de l’acquisition des connaissances et, à ce
titre, elle constitue une responsabilité spécifique des enseignants de disciplines et non une annexe
de l’enseignement de la langue comme matière. » (Beacco et al., 2010 : 18-19)

Cependant, plutôt que de morceler l’enseignement du FLSco en le cloisonnant par


discipline, il convient de penser une didactique du FLSco permettant aux élèves d’en
identifier les similitudes et les particularités (Vigner, 2009). Certains imaginent une
didactique du FLM qui intègre dans son enseignement, une approche comparatiste des
positions énonciatives et des caractéristiques discursives des disciplines (Jaubert &
Rebière, 2011)55. D’autres, en FLS, proposent d’associer l’enseignement du FLSco à celui
des compétences linguistiques disciplinaires, en menant des cours en co-intervention
(Avrillier et Cornu, 2015).

2.3 L’approche disciplinaire ou la nécessité de faire sens

Selon Jaubert (2007) et Beacco (2010), il est nécessaire, pour appréhender les
discours disciplinaires, de s’intéresser au rapport qu’elles entretiennent avec les domaines
scientifiques dont elles émanent. Si l’organisation des disciplines scolaires ne correspond
pas à celle des champs scientifiques (Vigner, 2009), à l’exemple de l’histoire-géographie,
l’école a pourtant vocation à transmettre des connaissances élaborées et instituées
culturellement au sein de communautés scientifiques. Pour cela, les savoirs scientifiques
vont être réorganisés et transformés en savoirs scolaires de manière à les rendre
enseignables (Jaubert, 2007). La transposition didactique permet de mettre l’élève en

53
La réforme des programmes scolaires en 2002 fixe des objectifs langagiers propres aux disciplines (Jaubert
& Rebière, 2011; Vigner, 2011).
54
La division linguistique du Conseil de l’Europe.
55
Depuis 2005, la maîtrise de la langue fait partie du socle commun de connaissances et de compétences.
https://www.education.gouv.fr/le-socle-commun-de-connaissances-de-competences-et-de-culture-12512

38
situation de reconstruction des savoirs, passant par une appropriation d’outils techniques,
cognitifs et langagiers. De la même façon que les connaissances scientifiques se
construisent au sein de communautés discursives scientifiques, partageant des pratiques
socio-langagières, la reconstruction de savoirs disciplinaires et l’appropriation d’outils
s’élaborent par le biais d’activités langagières au sein de la classe :

« Cet espace socio-discursif qui transpose, au niveau de l’école, celui des communautés
discursives de référence, nous l’appelons communauté discursive disciplinaire scolaire. » (Jaubert,
2007 : 115).

Si les discours disciplinaires n’imitent pas les discours de référence, il demeure


important d’y confronter les élèves (Beacco et al., 2010). La découverte des discours de
référence et des cultures scientifiques dans lesquelles ils s’inscrivent, permet non
seulement de diversifier les horizons des élèves, mais également de donner du sens aux
apprentissages en ancrant la discipline dans un contexte social plus large que celui scolaire.

« La construction de la signification des savoirs est indissociable de leurs usages dans des
contextes sociaux donnés, c’est-à-dire des pratiques sociales qu’ils instrumentent » (Jaubert, 2007 :
83).

En mettant l’accent sur la signification sociale des discours disciplinaires avant de


s’intéresser à leurs caractéristiques linguistiques, cette approche de la langue de
scolarisation s’avérerait particulièrement pertinente auprès d’élèves éloignés de la culture
scolaire.

3. Pratiques langagières et appropriation de connaissances scolaires


L’appropriation de la langue de scolarisation, dans sa fonction heuristique, ne
relève pas que de compétences linguistiques. En effet, les discours disciplinaires
correspondent à des modes spécifiques d’objectivation du monde auxquels il s’agit
d’introduire les élèves (Vigner, 2009).

3.1 La conceptualisation : une forme d’abstraction marquée par l’écrit


Bien que l’abstraction ne soit pas propre à l’école ou aux cultures de l’écrit, la
conceptualisation apparait en FLSco comme une compétence scolaire, de nature cognitive,
langagière et culturelle (Verdelhan-Bourgade, 2002). En effet, les formes d’abstraction
requises à l’école sont spécifiques à un rapport au monde médié par l’écrit et le
métadiscours (Le Ferrec, 2008; Vigner, 2009). Ses modes d’enseignement/apprentissage
sont une didactisation – plus ou moins proches – des démarches d’élaboration de savoirs
scientifiques (Jaubert, 2007). Or, c’est au moyen de langages et de méthodologies

39
instrumentées par l’écrit que les modes de connaissances scientifiques s’extraient de
l’expérience immédiate et subjective. Il s’agit de représenter le réel en objet de savoir, issu
d’une expérience partagée et validée par une communauté, tout en discutant des modalités
d’élaboration de ce savoir (Vigner, 2009).

Pour les élèves, conceptualiser équivaudrait moins à décontextualiser des savoirs,


qu’à les situer dans un univers de de sens et de référence, organisé en système, notamment
à travers le langage. Cette capacité pourrait renvoyer à l’état de développement du système
de liaisons entre concepts spontanés et concepts scientifiques, par lequel les élèves les
distinguent, les organiser et enfin, les hiérarchiser dans un réseau de connaissances
(Vygotski, cité par Jaubert, 2007 : 81).

Dans le cas des élèves peu scolarisés antérieurement, la difficulté ne se situe donc
pas au niveau de l’abstraction en soi. Elle réside plutôt dans la pratique d’une dialectique
scolaire, qui consiste à passer de pensées concrètes et abstraites à une pensée abstraite
structurée par l’écrit et sur lequel se fondent les pratiques d’enseignement-apprentissage
scolaires (Vygotski cité par Thullier, 2008 : 80).

Si cette capacité de conceptualisation particulière ne semble pas faire l’objet d’un


enseignement explicite, mais s’acquérir en immersion dans la culture scolaire, certaines
pratiques enseignantes pourraient cependant en soutenir le développement.

3.2 L’étayage linguistique et la production de sens, les conditions d’accès au mode


de connaissances scolaires en contexte de FLS
Selon Verdelhan-Bourgade (2002), trois étapes se distinguent dans le processus
d’appropriation des connaissances : la conception, la verbalisation et la reformulation.

A l’étape de conception, l’objet disciplinaire est appréhendé par les élèves à partir
de leurs représentations premières, forgées par leurs expériences et leurs connaissances
antérieures58. Suite à la phase de verbalisation, où les élèves construisent leur
compréhension à partir de répertoires discursifs et langagiers disponibles, vient la phase de

58
En effet, les connaissances ne se transmettent ni ne se développent ex-nihilo. Elles ne sont jamais
absolument « nouvelles » puisqu’elles sont le fruit d’une transformation et d’une complexification d’un
réseau de savoirs préexistant, propre à chaque individu. Ce processus de métamorphose, qu’est
l’apprentissage, s’amorce donc d’abord par la mobilisation des ressources des élèves, leurs « concept
spontanés » issus de l’expérience subjective et dont le mode d’élaboration n’est pas réflexif (Vygotski cité
par Jaubert, 2007 : 81), et leurs connaissances antérieures provenant d’une transmission institutionnalisée ou
non du savoir (dans d’autres systèmes scolaires, à l’école coranique par exemple).

40
reformulation, où émerge de manière plus stable le « concept scientifique » en empruntant
au genre discursif disciplinaire.

Dans un contexte de FLS, il faut être vigilant à donner aux élèves allophones les
« possibilités linguistiques » d’exprimer leurs connaissances antérieures (Verdelhan-
Bourgade, 2002 : 229). La mise en contexte de l’objet de savoir dans des situations de la
vie quotidienne, culturelle ou sociale, pouvant faire l’objet d’une expérience immédiate
s’avère parfois nécessaire pour constituer un répertoire lexical permettant de le nommer,
d’en partager ses représentations initiales, à l’étape de conception, puis d’en formuler de
premières explications à l’étape de verbalisation.

Cette pédagogie du détour peut s’avérer particulièrement intéressante dans un


contexte où les élèves ont peu été scolarisés, de manière à valoriser leurs expériences et
connaissances construites hors du milieu scolaire, et surtout à ancrer les objets
d’apprentissage dans des univers de sens et de références. En effet, pour reconstruire le
sens de l’activité scolaire, les élèves doivent pouvoir s’appuyer sur deux connaissances
pragmatiques: la situation de classe et le domaine disciplinaire dans lequel elle se situe
d’une part ; et leurs représentations, expériences et savoirs antérieurs d’autre part
(Verdelhan-Bourgade, 2002). Cependant, il faut prendre garde à ne perdre de vue les
objectifs scolaires et disciplinaires ou à en baisser drastiquement les exigences (Spaëth,
2008), que ce soit en termes de contenus ou de pratiques langagières, pour ne pas que cette
approche du FLSco se transforme en FLE, produisant ainsi une forme de discrimination à
l’égard de ces élèves dès lors qu’on ne les considère plus que depuis leur allophonie
(Armagnague et al., 2019).

« Certains enseignants peuvent penser que le fait d’employer un langage


informel, familier peut contribuer à diminuer les obstacles à la communication et rendre les contenus
plus faciles à appréhender. Mais si les apprenants vulnérables n’ont aucun modèle chez eux, ils
dépendent de la langue employée par l’enseignant pour acquérir les structures appropriées en classe
– et ceci fait référence à toutes les dimensions de l’utilisation de la langue (diction distincte, bon
choix des mots, discours cohérent et prolongé, rythme contrôlé, etc.). » (Thürmann et al., 2010 : 36)

D’autant plus que certains élèves considérés comme peu scolarisés, ont été
scolarisés et parfois en français, plusieurs années dans leurs pays d’origine. Il ne faudrait
donc pas recourir a priori, du fait de leur allophonie ou de leur fréquentation d’un autre
système scolaire, à des détours pédagogiques en ignorant leur culture scolaire antérieure.

41
3.3 Secondarisation du discours et institution du sujet scolaire

La fonction heuristique de la langue de scolarisation s’incarne dans des pratiques


aussi bien langagières que cognitives. Ainsi, en considérant les productions verbales des
élèves d’un point de vue discursif, il serait possible d’identifier les marques langagières
propres à la construction de savoirs disciplinaires.

3.3.1 La construction de connaissances : un discours en métamorphose

Comme le rappelle le Conseil de l’Europe, le terme générique « langue de


scolarisation » est traversé par la diversité des répertoires langagiers et discursifs
personnels des élèves (Aase et al., 2009). Beacco (2013) propose donc de penser les
pratiques langagières par lesquelles les élèves se représentent le monde dans un continuum,
allant des « concepts spontanés » exprimés dans un discours ordinaire aux « concept
scientifiques » exprimés au moyen d’un discours disciplinaire.

« L’acquisition de compétences et de connaissances scientifiques peut aussi être lue comme le


passage de la maîtrise et de l’utilisation de certaines formes de discours à d’autres : le répertoire de
genres des apprenants se développe par transformation des formes existantes en d’autres formes,
dans un parcours intertextuel, de même (mais il s’agit là que d’une analogie) que l’on passe de
connaissances spontanées, de sens commun, à des connaissances contrôlées et généralisables ».
(Beacco et al., 2010 : 19)

L’appropriation du savoir passe donc par un processus langagier de secondarisation


du discours (concept de Bakhtine utilisé par Jaubert, 2007), et les étapes d’appropriation
singulières des élèves se matérialisent par le langage, dans des formes « d’inter-discours »
(Spaëth, 2008). Pour comprendre la manière dont les élèves construisent de nouveaux
modes de connaissance du monde, il faut donc analyser les caractéristiques langagières de
ces « inter-textes » (Beacco et al., 2010). S’ils ne reflètent pas l’état de connaissances des
élèves (surtout en situation d’allophonie) leurs formes langagières donnent des indices sur
leurs démarches de construction de connaissances.

Avant de se caractériser par l’emploi de séquences textuelles (ex : utilisation de


connecteurs) attendues par les fonctions discursives disciplinaires (ex : argumenter), la
secondarisation du discours est d’abord une question de posture énonciative (Jaubert,
2007). En effet, le sujet scolaire se distingue du sujet personnel lorsque la représentation du
monde exprimée ne se situe plus par rapport à son expérience subjective et immédiate,
mais dans un rapport distancié, réflexif et généralisable à l’objet de connaissances (Beacco
et al., 2010). Cette forme d’énonciation ne porte plus les marques du contexte de

42
production du discours, le « je-ici-maintenant » (Beacco et al., 2010; Jaubert, 2007). Les
points de références énonciatives, situés dans un monde de référence extérieur au sujet
parlant, s’expriment par des marques langagières qui peuvent être de la terminologie
disciplinaire, des pronoms personnels (il), des termes génériques, des formes de
localisations dans le temps et l’espace, des articulateurs logiques, l’expression de la
certitude (les modaux, le présent de vérité générale) (Beacco et al., 2010).

Ce processus d’appropriation du savoir, par la secondarisation du discours, est donc


un processus de tâtonnement énonciatif. Les élèves vont faire dialoguer au sein de leurs
discours, différents points de vue correspondant à différentes « voix » énonciatives : les
leurs, celles de leurs familles, celles de leurs camarades, de l’enseignant, de documents
scolaires etc. Différentes représentations de l’objet de connaissance et les discours
ordinaires ou scientifiques qui les expriment entrent en contact au sein d’un même
discours. Il s’agit de penser le sujet scolaire comme un sujet parlant, qui se constitue dans
une polyphonie énonciative et s’institue par sa gestion. Pour Bakhtine, tout discours est par
essence dialogique, d’une part parce que la subjectivité de nos énoncés n’est pas une
création ex nihilo, mais provient d’une intériorisation singulière de discours antérieurs,
d’autre part parce qu’en situation de communication, l’énonciateur adapte toujours son
discours à un destinataire, réel ou imaginaire (Baktine, cité par Jaubert, 2007 : 99). En
dialogue avec plusieurs voix, la production de discours est donc marquée par
l’hétéroglossie. La forme d’hybridisation du discours qui en résulte, dépend de
l’articulation par le locuteur de la polyphonie énonciative. La construction du savoir par les
élèves relèveraient de la gestion de cette hétéroglossie car elle est le lieu de conflits socio-
cognitifs60, entre représentations initiales et représentations scolaires. Les élèves
verbalisent et reformulent, pour « orchestrer » le dialogue jusqu’à trouver une stabilité
énonciative, qui rende le réel dicible et intelligible.

« L’élève, au fil de l’apprentissage, prend conscience des pratiques légitimes, hiérarchise


progressivement les points de vue, orchestre et harmonise les voix contextuellement différenciées
et simultanément construit le concept et son contexte de pertinence » (Jaubert, 2007 : 98)

60
Concept développé par Moise et Mugny, dans la lignée du socioconstructivisme de Vygotski, un conflit
socio-cognitif correspond à une situation où, confrontés à une autre interprétation du réel, les schèmes de
pensée d’un individu sont mis en contraction interne (Barnier, 2005). Le processus d’apprentissage
correspondrait à un double mouvement de déstructuration et de restructuration des structures cognitives leur
permettant de retrouver de la cohérence et une intelligibilité du réel..

43
Ce processus d’orchestration de l’hétéroglossie par lequel le sujet scolaire
s’institue, se caractérise dans le discours des élèves par certaines formes langagières
(Jaubert, 2007).

L’hétéroglossie est dite « dissonante » lorsque les genres discursifs, les


représentations et les modes de connaissances, se concurrencent et se contredisent de
manière plus ou moins conscientisée.

3.3.2 Les marques langagières de la secondarisation du discours

La mise en cohérence des concepts spontanés et scientifiques et l’articulation des


discours ordinaire et disciplinaire qui l’accompagne, procède par deux formes
d’hybridisation (Bakhtine cité par Jaubert, 2007). Elle peut soit s’opérer sous la forme
d’une double énonciation, où le locuteur identifie les énonciateurs originels et restituent les
énoncés auxquels il donne voix (discours direct ou rapporté). Elle peut également être une
forme d’hybride bivocal où l’énoncé du locuteur est une synthèse articulant les différents
points de vue exprimés de manière globale. C’est par la mise en relation organisée de ces
points de vue, qu’il s’y positionne. Dans le contexte scolaire, l’appropriation des savoirs
passe donc par un processus conscient d’hybridisation (Jaubert, 2007) :

« Dans cette perspective, construire le sens des énoncés, c’est repérer l’ensemble des indications
concernant leur énonciation, c’est-à-dire identifier et prendre en compte la provenance sociale des
différentes voix, les sujets ou les entités sociales qui pourraient en être à l’origine, repérer celles
qui sont clairement assumées et celles qui sont mises à distance, clarifier les responsabilités
énonciatives. » (Jaubert, 2007 : 103)

Ce processus s’incarne dans des formes langagières :

- la posture énonciative se modifie par l’emploi de présentatifs (« c’est..qui » ; « il y a »)

- l’accentuation d’un terme disciplinaire par la reformulation, l’explication par le recours


aux comparaisons, aux analogies dans l’idée de les faire correspondre et d’amenuiser leurs
différences entre discours et représentations du monde

- la hiérarchisation des discours s’effectue par de connecteurs (« mais ») ou des formes de


modalisation pour exprimer les degrés de certitude (bien-sûr, devoir) des énoncés

Plus les élèves s’approprient le savoir, moins les positions énonciatives, leurs
discours, leurs modes de connaissance et leurs représentations du réel, ne rentrent en
concurrence ou se juxtaposent. Les différentes « voix » sont identifiables, mais
hiérarchisées, et incorporées au sein du discours scolaire.

44
« Il met en scène tous les langages de la classe et les points de vue qu’ils expriment en
leur assignant différentes valeurs pour les hiérarchiser et les orienter de manière
convergente, au service du point de vue scientifique » (Jaubert, 2007 : 148)

Les textes sont plus dépersonnalisés, ont recours au métadiscursif

(« on appelle ça ») ont moins recours à la comparaison, la reformulation ou


l’analogie. L’explicitation passe par un enrichissement du groupe nominal (adjectifs) et des
références précises à la place de termes flous (« comme ça », « tout ») (ibid).

Le processus d’appropriation d’un savoir et d’un discours scolaire, passe donc par
un changement de posture énonciative, mais également une évolution du niveau de
formulation (Vigner, 2009). L’inter-discours devient de plus en plus général et précis. Il
s’éloigne du narratif, vers le descriptif et finalement l’explicatif.

Ces notions théoriques qui lient langage et apprentissage, notamment développés


par la recherche en didactique des sciences (Jaubert, 2007), nous semblent extrêmement
intéressantes pour comprendre les besoins particuliers des élèves dont l’accès à une
scolarité ordinaire est parfois moins entravé par la langue que par la situation
d’acculturation dans laquelle ils se trouvent face aux modes de construction de
connaissances scolaires fondés sur l’écrit (Le Ferrec, 2008). Si l’on comprend que l’écrit
soit la priorité des dispositifs de scolarisation dédiés aux EANA PSA-NSA, les spécificités
des compétences orales scolaires nous semblent pourtant avoir un rôle déterminant à jouer
dans la construction du sujet scolaire.

45
Chapitre 5. L’oral à l’école
Au contraire de l’écrit autour duquel se structure les apprentissages scolaires, l’oral
occupe une place plus floue. C’est pourtant l’activité langagière la plus présente dans les
classes : la transmission et la construction de connaissances sont bruyantes. Bien que
l’interaction orale soit au cœur des pratiques scolaires, on peine à envisager la production
orale comme un objet de connaissances et de compétences à enseigner, alors même qu’elle
est l’objet d’évaluation officielle, lors des examens comme le CCF en CAP.
La recherche en didactique du FLM a cherché à définir cet objet scolaire non
identifié, afin de proposer des pistes pour son enseignement qui, comme nous le verrons,
oscille entre autonomie et intégration aux disciplines. Peut-être parce qu’elle peine à
s’institutionnaliser, la didactique de l’oral se révèle être un espace d’expérimentation, qui
mobilise une diversité de médiations pédagogiques, sur lesquelles nous appuyer dans notre
propre démarche de recherche-action.

1. L’oral, le premier des moyens de transmission et d’apprentissage à l’école

1.1 La compréhension orale des discours pédagogiques, une priorité pour les EANA

Du côté de la didactique du FLS, l’oral ne pouvant être considéré comme un acquis


pour les EANA, son enseignement-apprentissage au niveau des activités de réception
comme de production, a été problématisé de manière plus explicite. La question de la
compréhension orale se pose d’emblée pour les élèves allophones puisqu’elle est la
condition d’accès aux contenus référentiels des discours pédagogiques (Vigner, 2009).
Pour Verdelhan-Bourgade (2002), favoriser la scolarisation des EANA passe
nécessairement par une pédagogie de l’oral donnant la priorité à la compréhension des
situations de communication scolaires. C’est pourquoi, l’objectif pédagogique est moins la
compréhension de contenus que l’apprentissage d’une méthodologie et le développement
de stratégies de la part des élèves, par l’identification et la mise en pratique d’actes de
compréhension en situation de communication. Vigner (2009 : 67) suggère d’étayer
l’écoute, par une progression didactique inspirée du FLE : de la compréhension globale, à
la compréhension détaillée puis, fine.
Ce travail de compréhension se justifie par la particularité des discours scolaires qui
comporte des caractéristiques discursives propres au contexte scolaire et à sa finalité, la
transmission et la construction de connaissances. L’oral scolaire, qu’il soit monologué,

46
sous la forme du cours magistral, ou dialogué, est d’abord un « méta-discours » puisqu’il
s’agit essentiellement de commenter un objet, un document, le plus souvent sous forme
écrite (Vigner, 2009). De plus, il est le plus souvent de nature oralographiques, puisque
que les commentaires oraux s’articulent à de l’inscrit (Cherqui & Peutot, 2015).
« Le paradoxe de l’école tient à ce qu’elle ne fonde la transmission des savoirs que sur une scripta,
c’est-à-dire un outil d’inscription des savoirs dans une codification particulière, cette scripta pour
autant n’est accessible que par la médiation de l’oral, par l’activité réflexive qu’elle engendre,
activité qui passe par l’échange entre locuteurs co-présents » (Vigner, 2009 : 52)

En classe, la transmission de connaissances par l’enseignant et sa reconstruction


par les élèves est marquée par une polyphonie énonciative. Elle se régule par des
mouvements de contextualisation/décontextualisation, des digressions, des discours
imbriqués, des destinataires changeants, des séquences latérales pour réguler l’échange
(Cherqui & Peutot, 2015; Vigner, 2009).
Objet d’un enseignement en FLSco, les discours et interactions pédagogiques orales
sont également des moyens d’accès aux connaissances, en réception, souvent plus
accessibles que l’écrit. Pour les EANA, l’oralisation de l’écrit est donc une forme
d’étayage qui fait partie des différenciations pédagogiques mises en place par les
enseignants61.

1.2 La production orale, vecteur de l’appropriation des connaissances

Durant ces dernières décennies, l’intérêt porté à l’oral par la recherche en


didactique du FLM et des pratiques pédagogiques est fluctuant. Il correspond à des
moments de crise de l’institution scolaire, dont les missions démocratisantes, puis
socialisantes sont successivement mises en doute (Nonnon, 2011).
Un certain nombre de travaux mettent en avant le rôle non négligeable du langage,
notamment oral dans le processus d’apprentissage. L’origine sociale des élèves
déterminerait leur maîtrise de certaines formes langagières jugées indispensables au
« développement intellectuel » (ibid : 185). L’approche pédagogique de l’oral vise à
prévenir et remédier aux « lacunes » langagières des élèves, sans nécessairement se poser
la question de la norme et de la variation linguistique, des spécificités liées au langage
parlé. Ces conclusions et ces préconisations didactiques font l’objet de critiques qui

61
Mme N. a recours à l’enregistrement de consignes (Entretien 1, Annexe 1), mais ce n’est pas une pratique
isolée. Le CASNAV de Créteil le recommande : https://CASNAV.ac-
creteil.fr/IMG/pdf/8._conseil_inclusion_mlfl_an.pdf

47
soulignent la surdétermination de la construction de connaissances par des formes
langagières normées et mettent en garde contre la stigmatisation sociale et le renforcement
des rapports de domination culturelle qu’il peut en résulter (ibid). Plutôt que d’évaluer la
conformité normative des discours, les recherches sur les rapports entre « les traces
linguistiques et les opérations psycho-linguistiques » se sont alors complexifiées en
s’intéressant aux actes de verbalisation et d’argumentation présents dans les interactions
orales et leurs rôles dans le processus de construction de connaissance (ibid).
Apprise par la majorité des élèves en dehors de l’école, la maîtrise de la langue de
scolarisation à l’oral est considérée par l’institution comme un acquis sur lequel les
enseignements peuvent s’appuyer, notamment à l’écrit. L’oral apparait comme la forme
langagière privilégiée de l’expression des représentations et des concepts spontanés des
élèves, par laquelle s’amorce le conflit socio-cognitif. Pour les élèves allophones, la
situation est différente, puisqu’ils ne disposent pas nécessairement des outils linguistiques
nécessaires pour s’exprimer.
Si, « enseigner n’est pas transférer des connaissances, mais créer les possibilités
pour sa propre production ou construction » (Freire, 2013 [1996] : 63), alors la langue de
scolarisation remplit une fonction symbolique qui permet aux élèves de devenir les
énonciateurs de leurs propres connaissances.

1.3 L’émergence du sujet scolaire par un acte d’énonciation orale

Liée à des enjeux identitaires d’appartenance, mais également à la construction


d’une subjectivité (Cuq & Gruca, 2011 [2005]), la fonction symbolique de la langue se
réalise par l’acte d’énonciation (Benveniste, 1990 [1976]). Par l’emploi du « je », le
locuteur se situe dans le monde et par rapport aux autres comme « unité psychique qui
transcende la totalité des expériences vécues qu’elle assemble, et qui assure la permanence
de la conscience » (Benveniste, 1990 [1976]: 260).
Or, quand un élève allophone partage ses représentations premières ou ses
concepts spontanés, c’est bien sa subjectivité qui prend consistance dans une autre langue
que celle(s) première(s). Faire exister les expériences et les connaissances antérieures des
élèves en classe, leur permet d’y lier les connaissances scolaires, de se les approprier en les
investissant de sens, ainsi de se dire en tant que sujet scolaire. Car c’est bien un seul et
même sujet qui adopte des postures énonciatives différentes, personnelle ou scolaire, lui

48
permettant ainsi d’exister, d’actualiser ce qu’il est et de se découvrir autre (Anderson,
1999).
La dimension ontologique de la langue qui se réalise dans l’acte d’énonciation,
fait donc partie du processus d’appropriation de connaissance puisqu’il ne peut se passer
de la subjectivité de l’apprenant. La langue de scolarisation ne peut donc se réduire à un
instrument, une technique, une extériorité à maitriser. Pour les EANA, devenir énonciateur
en classe confère du sens aux objets d’apprentissage, mais également aux formes
linguistiques qui en permettent la formulation (Anderson, 1999).
La priorité donnée à l’oral dans la progression didactique (conception,
verbalisation, reformulation) revêt une dimension particulière pour les élèves allophones
en général, et pour ceux peu scolarisés antérieurement en particulier. D’une part, elle
permet aux élèves éloignés de l’écrit de se constituer en sujet scolaire, sans faire de la
forme écrite la seule forme d’énonciation légitime. D’autre part, dans un contexte
d’enseignement où les élèves ont plus de 16 ans, et sont même majeurs pour la plupart,
l’importance donnée à l’étape de conception répond à des problématiques didactiques
issues de l’andragogie : la nécessité non seulement de considérer, mais de mobiliser les
connaissances et les expériences des apprenants dans le processus de formation62. Ainsi,
dans la perspective de Paulo Freire (1976), l’alphabétisation ne devrait pas consister pour
les apprenants à « recevoir passivement une connaissance préfabriquée établie une fois
pour toute », mais plutôt à «s’approprier une connaissance existante [et inachevée] destinée
à être approfondie », et qui ne prend consistance qu’à travers leur subjectivation.
Prioriser l’oral dans un contexte d’enseignement disciplinaire avec des EANA
NSA-PSA revient à prioriser l’émergence du sujet en langue de scolarisation (en étayant
linguistiquement l’acte d’énonciation au besoin) et ainsi la création de sens des
apprentissages, et ainsi la « capacité de conceptualisation scolaire ».
S’il était omniprésent dans le contexte scolaire, l’oral peine à se constituer en
objet d’apprentissage explicite. Bien que la volonté institutionnelle soit là, un certain
nombre de difficultés rendent la didactisation de l’oral délicate. Outre le fait qu’il soit
moins évident de le considérer comme un objet d’enseignement qu’un acquis sur lequel
s’appuyer (surtout en FLM), le langage oral pose des questions didactiques spécifiques.

62
https://lire-et-ecrire.be/Qu-est-ce-que-l-alphabetisation#Notre-vision-de-l-alphabetisation consulté le 20
août 2021

49
« […] il faut peut-être se demander pourquoi elle [la didactique de l’oral] est à la fois si vivace et
si fragile, alors même qu’on ne cesse d’affirmer l’importance des enjeux liés à la parole, et à quels
problèmes elle doit se confronter pour progresser. Je dégagerai deux points : la difficulté de penser
la dimension normative de la didactique, et d’autre part la difficulté de penser la dimension
ergonomique des pratiques enseignantes relatives à l’oral. »(Nonnon, 2011 : 193 )

Les variations de langue et les questions de légitimité sociale qui l’accompagnent, son
immatérialité et sa transversalité rendent l’oral difficile à définir en termes d’objectifs et
expliquent aussi le manque de modèles didactiques et de matériels pédagogiques à
disposition des enseignants (Garcia-Debanc & Delcambre, 2001).

2. L’oral, un objet d’apprentissage-enseignement marqué par les dissensions


pédagogiques et didactiques
Quel oral enseigner ? Comment ? La reconnaissance des variations du langage ne
dispense pas les enseignants de déterminer des objectifs pédagogiques, à partir desquels
concevoir et planifier leur enseignement, mais également évaluer les élèves. Bien qu’elles
s’accordent sur les liens constitutifs que l’oral scolaire entretient avec l’écrit, trois grandes
approches didactiques se distinguent sur le plan théorique et méthodologique.

2.1 L’oral scriptural


Jusqu’au tournant communicatif des années 70, les premiers enseignements
scolaires de l’oral consistaient en l’oralisation de textes écrits, (lecture, récitation)
priorisant ainsi l’élocution plutôt que l’énonciation (Dolz & Schneuwly, 2009). Si les
interventions didactiques évoluent dans les décennies qui suivent, elles restent inféodées à
l’écrit. Passant d’abord par la correction linguistique des énoncés (Lahire, 2000), l’oral
devient quasiment une activité pédagogique de la didactique de l’écrit, une autre manière
de mettre en pratique les types de discours (par exemple, réinvestir les caractéristiques du
discours argumentatif dans un débat) (Garcia-Debanc & Delcambre, 2001). L’exposé,
forme canonique de l’oral scolaire, traverse les courants didactiques qui se succèdent, mais
plutôt en tant que modalité d’évaluation qu’objet d’enseignement explicite.

En effet, pour Lahire (2002), c’est l’ensemble de l’oral scolaire, de l’interaction à


l’exposé, qui est d’ordre scriptural. C’est-à-dire que le langage oral de la culture scolaire
est défini par des normes linguistiques issues de l’écrit. L’oral scolaire, planifié et organisé,
cherche en effet à se démarquer de l’oral dit « spontané », qui serait celui de la
conversation ordinaire (Dolz & Schneuwly, 2009). En effet, les critères d’évaluation
scolaire tendent à reproduire ceux de l’écrit, comme la précision et la richesse du lexique,
la syntaxe, la structure globale, le caractère explicite du discours. Sous la notion d’aisance

50
et de fluidité, se cachent ainsi des attentes inatteignables, celle d’un locuteur-auditeur
idéal. Affranchi « de la nature auditive et linéaire de l’oral », la valeur de sa performance
se mesurerait à l’effacement de toutes traces de la pensée qui s’élabore à mesure qu’elle
s’énonce (hésitations, reprises, répétitions) (Dolz & Schneuwly, 2009 : 55).

« […] l’instituteur privilégie pratiquement la syntaxe et l’explicitation verbale des énoncés


produits par les élèves, les forçant à faire comme s’ils n’étaient pas ancrés dans une situation
particulière de communication, comme s’ils se trouvaient en situation d’écriture d’un texte ».
(Lahire, 2000 : 203)

Cependant, une telle vision repose sur une scission entre oral spontané et écrit
élaboré, qui mérite d’être nuancée (Blanche-Benveniste & Bilger, 1999). Plutôt que de
penser l’oral scriptural à partir d’un rapport de domination de l’oral sur l’écrit, il faudrait
l’imaginer, comme un spectre mouvant, sur ce continuum entre oralité et littéracie, dont la
« pureté » des extrémités sont des fictions théoriques (Laparra & Margolinas, 2012). Les
registres et les genres discursifs oraux sont multiples, ils ne sauraient être réduits aux
interactions de la conversation ordinaire et aux caractères spontanés voir désorganisés
qu’on lui prête (Blanche-Benveniste & Bilger, 1999). Les élèves possèdent un répertoire
discursif oral composite (qui n’est pas nécessairement tributaire de celui écrit) et qu’il
s’agit pour l’institution scolaire de diversifier (Beacco et al., 2010).

Si socialement les deux modes d’organisation du monde par le langage ne se


juxtaposent pas, mais sont poreux l’un à l’autre, ils se construisent également
cognitivement l’un par rapport à l’autre, l’un avec l’autre, en interdépendance. De récentes
recherches en sciences cognitives sur l’apprentissage de la lecture, montrent d’ailleurs que
le traitement du signe graphique rejoint celui du langage oral. Dehaene (2013) résume
qu’« apprendre à lire consiste à accéder par la vision aux aires du langage parlé ».

Dès lors que les langages oral et écrit se développent en relation, dans des formes
d’interaction spécifique à chaque situation de communication, fonction du langage, objectif
communicatif et genre de discours, alors l’idée d’une didactique de l’oral absolument
indépendante de l’écrit semble peu pertinente (Dolz & Schneuwly, 2009). C’est au
contraire à partir « des rapports très variables qu’elles entretiennent avec l’écrit » que les
pratiques langagières orales devraient être abordées en classe (ibid : 62). Lafontaine (2016)
considère l’enseignement de la communication orale formelle comme « le volet oral de la
littéracie ».

51
Ces pratiques langagières orales scripturales, issues d’un certain rapport au monde
médiatisé par le langage écrit, n’existent pas uniquement dans le cadre scolaire, mais sont
socialement situées. Normes langagières et culturelles dominantes, elles apparaissent
comme une ressource favorisant l’intégration et à la mobilité sociales et professionnelles.
Cette qualification de l’oral à enseigner à partir des besoins communicatifs des élèves a
conduit au développement d’une didactique de l’oral basée sur des genres sociaux formels .

2.2 Les compétences orales, des objets d’enseignement autonomes


Pour certains auteurs, les « capacités orales liées à la circulation des savoirs, à la vie
professionnelle et à celle de la cité » doivent faire l’objet d’un enseignement scolaire
explicite et spécifique (Dolz & Schneuwly, 2009 : 67; Lafontaine, 2016).

2.2.1 Une approche par les genres sociaux formels

Pour ce faire, Dolz et Schneuwly développent « une démarche d’enseignement du


texte oral comparable à celle de l’écrit » (2009 : 50) . Après avoir identifié différents
genres discursifs oraux, il en décrivent les caractéristiques socio-langagières et
linguistiques : les contenus, la structure communicative (l’organisation interne du texte),
les formes linguistiques (les marques énonciatives, les séquences textuelles et l’intonation)
(ibid : 65). Il s’agit de faire émerger des genres de textes oraux, les formes stables des
genres de discours, de manière à la rendre enseignable :
« [Les genres de textes] constituent des outils – ou encore des méga-outils dans la mesure où on
peut les considérer comme l’intégration d’un grand ensemble d’outils dans un seul tout – qui
médiatisent l’activité de communication langagière » (Dolz & Schneuwly, 2009 : 67)

Partant du principe, que le rôle de l’école n’est pas d’enseigner les formes
langagières orales situées dans les interactions quotidiennes et privées, mais celles liées à
la vie publique (y compris scolaire), Dolz et Schneuwly (2009) proposent de didactiser les
genres formels publics. Scolaires ou non, ceux-ci sont marqués par de fortes contraintes
extérieures à la situation de production immédiate, ainsi que par la complexité énonciative
de l’hétéroglossie. Ces genres oraux particuliers ne s’improvisent donc pas et nécessitent
un travail d’anticipation et de planification.

Les séquences didactiques consistent donc à enseigner aux élèves un genre oral
formel public particulier (l’exposé, l’interview, le débat…), dans une pédagogie de « la
modélisation » inspirée de la didactique des langues, et notamment du FLE. En effet, les
genres sont enseignés en contexte, à partir de documents authentiques. Dans une démarche

52
inductive, les élèves écoutent des extraits audios à partir desquels observer, déduire et
formaliser le fonctionnement discursif et linguistique du genre. La didactisation du genre
concerne trois domaines : la situation de communication, l’organisation interne du texte
oral et les caractéristiques linguistiques.

Dolz et Schneuwly insistent sur la nature autonome de l’enseignement de l’oral,


qui ne doit pas être un moyen d’accès à d’autres savoirs ou compétences, mais une fin en
soi.

« [les genres oraux] ne constituent pas une passerelle pour l’apprentissage d’autres conduites
langagières (l’écrit ou la production écrite) ou non langagières (en rapport uniquement avec
d’autres savoirs disciplinaires) » (Dolz & Schneuwly, 2009 : 69)

2.2.2 Démarche actionnelle et compétences orales

Lafontaine (2016) propose un modèle didactique qui ancre les activités langagières
ni dans un contexte disciplinaire, ni dans un genre de texte oral, mais dans un projet de
communication orale. Sans s’y référer, son modèle s’inscrit dans une perspective
actionnelle, autour d’une tâche telle que définie par le CECRL (Conseil de l’Europe, 2001:
16 ) :

« Est définie comme tâche toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme devant
parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir,
d’un but qu’on s’est fixé. Il peut s’agir tout aussi bien, suivant cette définition, de déplacer une
armoire, d’écrire un livre, d’emporter la décision dans la négociation d’un contrat, de faire une
partie de cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en langue
étrangère ou de préparer en groupe un journal de classe. »

Les « objets d’oral » qui vont être explicitement enseignés correspondent aux
compétences orales nécessaires à la réalisation de cette tâche. Si le projet peut intégrer
d’autres compétences disciplinaires pour sa réalisation, elles ne sont pas forcément
langagières, et surtout ne fondent pas le sens de l’activité.

Ces approches didactiques de l’oral semblent donc mettre le contexte scolaire à


distance. D’une part, parce que les pratiques orales enseignées ne sont pas forcément
disciplinaires ou scolaires. En effet, bien qu’il ne s’agisse pas de les imiter à l’identique,
mais de les adapter aux objectifs pédagogiques et à la zone proximale de développement 63

63
La zone proximale de développement est un concept développé par Vygotski, qui correspond à cette
situation-problème située à la lisière de l’intelligibilité de l’apprenant et dont l’appropriation nécessite une
médiation, souvent celle de l’enseignant.

53
des élèves, les genres étudiés sont majoritairement issus de contextes non-scolaires.
D’autre part, parce que l’approche par tâches de ces modèles didactiques établit un rapport
utilitaire du langage. Or, l’une des spécificités du FLSco et des discours oraux formels, se
situe justement dans la fonction heuristique du langage.

La transposition didactique que nécessitent ces formes de détours pédagogiques


pose des questions de sens, liées à la recontextualisation scolaire, et de transferts de
compétences.

2.2.3 La fictionnalisation à l’épreuve du détour pédagogique

De prime abord, l’enseignement de l’oral par les genres parait aborder les pratiques
langagières orales en contexte, via l’utilisation de supports authentiques ou la mise en
place de projet de classe concret. Pourtant, ses objets et ses moyens d’enseignement posent
des questions de contextualisation puisqu’il s’agit pour les élèves de reproduire un genre
formel public souvent hors de son contexte d’usage (Dolz-Mestre et al., 1993).

En effet, en changeant de contexte social, c’est la situation de communication qui


se transforme, et in fine les fonctions socio-langagières. Or, pour agir, les élèves doivent
d’abord se représenter la situation de communication, qu’elle fasse sens, afin d’élaborer
une posture énonciative en conséquence. Qu’est-ce qu’une interview radiophonique quand
elle est pratiquée en classe sans diffusion, sans auditeurs ? Pour qui, pour quoi fait-on
cela ? Qui est ce « je » qui prend la parole ? A qui s’adresse-t-il ?

Dans cette situation didactique particulière, ce processus de fictionnalisation doit


permettre aux élèves de resituer cette pratique de référence dans un contexte de
communication scolaire (Dolz & Schneuwly, 2009; Jaubert, 2007). En effet, pour en
reproduire, en tant qu’énonciateurs, les formes discursives et linguistiques modélisées, les
élèves doivent l’appréhender comme une pratique scolaire.

Bien que la situation de communication fasse partie des objets d’enseignement


explicites de leur démarche didactique, elle consiste en une discussion dont l’objectif n’est
pas de produire du sens, mais d’ « expliciter les caractéristiques de l’interaction » (Dolz-
Mestre et al., 1993 : 34). Partant du principe que l’école est « ce lieu où l’on fait comme
si », Dolz et Schneuwly présupposent que les élèves ont tous la même capacité de
fictionnalisation (Dolz & Schneuwly, 2009 : 71). La simple mise en contact des élèves
avec une situation d’interaction leur permettrait de développer la capacité d’action

54
langagière nécessaire à y prendre part, peu importe la décontextualisation initiale (Dolz-
Mestre et al., 1993).

Dans le contexte particulier des élèves allophones peu scolarisés antérieurement, ce


détour pédagogique interpelle. Si la référence aux genres formels publics non scolaires
peut permettre de mobiliser des expériences et connaissances antérieures et de faire du lien
avec les attentes scolaires, reste la question de la signification sociale que prend une telle
pratique « scolarisée ». La métamorphose du genre de référence en genre scolaire
n’entretient-elle pas un flou didactique qui brouille la compréhension de l’univers scolaire
et de ses objectifs d’enseignement-apprentissage ?

2.3 Une approche disciplinaire par les conduites discursives


Au contraire de Dolz et Schneuwly, Jaubert (2007) considère que l’ancrage
disciplinaire des enseignements scolaires relatifs au langage, écrit ou oral, est
indispensable. En effet, à l’école, la langue n’est pas neutre, elle a une fonction de
scolarisation qu’on ne peut ignorer. Elle se traduit par des formes discursives et
linguistiques, mais, avant tout, par des objets de discours qui motivent la prise de parole et
en fondent le sens :

« Notre école dissocie l’apprentissage des pratiques langagières des contenus disciplinaires.
Apprendre à produire une explication scientifique se fait éventuellement en sciences, apprendre à
expliquer se fait en classe de français. Or comment expliquer quand il n’y a rien à expliquer ?
Dans quel interdiscours construire sa parole singulière ? Quelles instances énonciatives, quelles
voix mettre en interaction ? » (Jaubert, 2007: 158)

Pour Jaubert et Rebière (2011), il est indispensable de se situer en tant


qu’énonciateur dans le contexte social d’usage du discours enseigné, pour s’en approprier
les outils langagiers :
« […] les genres discursifs, enseignés en tant que formes (liste des caractéristiques discursives et
linguistiques), hors contexte d’usage, et dont la maîtrise est le but, comme si la maîtrise de la
forme permettait de comprendre l’activité. Or, nous pensons qu’aucun genre, pas plus qu’aucune
notion grammaticale, hors de son contexte d’utilisation, n’est en soi un outil » (Jaubert & Rebière,
2011 : 120)

Par ailleurs, selon Nonnon (2011), l’approche par le genre discursif serait trop
restrictive. En enfermant les pratiques langagières dans des canevas discursifs et
linguistiques, elle ne favorise pas la transférabilité des compétences orales. Plutôt que de
partir de genres, elle propose de partir de situations concrètes d’apprentissage en
s’intéressant aux conduites discursives.

55
Les conduites discursives correspondent aux formes langagières par lesquels le
locuteur construit et transforme l’objet de son discours (Garcia-Debanc & Delcambre,
2001). Ces conduites de narration, d’explication, de définition etc. composent les pratiques
cognitives et langagières disciplinaires.
Pour l’enseignant, il s’agit de mettre en place les conditions dans lesquels les
élèves puissent les mettre en oeuvre. Il s’agit essentiellement de scénarios, c’est-à-dire
d’activité cognitive et langagière disciplinaire ritualisée (Bruner 1983/1987 cité par
Jaubert, 2007 : 254). Le caractère familier de l’activité permet aux élèves de s’approprier le
cadre communicatif, de se représenter la situation de communication et d’en maîtriser les
normes. L’établissement de repères communicatifs stables permet de réduire la charge
cognitive, d’organiser une progression et de sécuriser les élèves dans leurs prises de parole.
« Un oral épisodique ne ferait que confirmer ce que certains savent déjà faire et ce que beaucoup
n’ont pas appris à faire. La répétition, la régularité, même la ritualisation sont indispensables pour
qu’il y ait apprentissage et évaluation d’une progression, sur des objectifs ciblés, d’un compte
rendu à un autre, d’une présentation de livre à une autre... […] » (Nonnon, 2011 : 203)

Les élèves, étayés par l’enseignant, peuvent alors se concentrer sur l’objet de
discours disciplinaire en lui-même, explorer les positionnements énonciatifs et les
conduites discursives disciplinaires qui permettent de le construire (Jaubert, 2007). La
progression passe par la réduction de l’étayage64 de l’enseignant, la prise d’autonomie des
élèves, et la complexification des tâches discursives dont se composent les scénarios
(Garcia-Debanc & Delcambre, 2001).
« Pour que l’oral ne soit pas perçu comme récréatif, conversationnel et s’évaporant dans l’instant,
mais comme travail, il faut rendre perceptible une dimension d’effort, de confrontation à des
contraintes, de seuils franchis, ce qui suppose de réfléchir aux variables des tâches proposées et à
la progression des obstacles qui permettrait de doser leur complexité pour la verbalisation. Mais il
s’agit de curseurs qu’on déplace de proche en proche, plus que de tâches massives et
spectaculaires, non progressives, qui mettent les moins aisés en situation de surcharge et de
discrédit face aux autres. En même temps, ces contraintes et ces seuils, qui supposent une certaine
distance au langage spontané ne peuvent être calqués de façon rigide sur des modèles trop formels
qui seraient définis artificiellement a priori, faute de perdre leur opérationnalité et leur potentialité
de transfert. » (Nonnon, 2011 : 204)

Pour Nonnon et Jaubert, penser un enseignement de l’oral intégré aux activités


disciplinaires ordinaires et régulières, permet d’accompagner les élèves au plus près de leur
progression, et favorisant ainsi l’appropriation de conduites discursives et leurs transferts.

64
Concept développé par Bruner (1983), il correspond à la médiation langagière d’un tuteur (l’enseignant)
qui permet à l’enfant (l’élève) de réaliser des tâches langagières qu’il ne pourrait réaliser seul, situé dans sa
zone de développement proximal. Cette médiation langagière prend la forme d’une interaction.

56
En situation de FLS, où les élèves ont peu été scolarisés antérieurement, la
question du sens est primordiale. L’ancrage disciplinaire de l’enseignement de l’oral
semble particulièrement pertinent. Cependant, dans un contexte où les références
culturelles et intellectuelles des élèves NSA-PSA ne se sont pas ou peu construites au sein
d’un système scolaire, il semble intéressant d’inscrire les disciplines, leurs objets et les
discours qui les construisent, dans un monde social plus vaste que celui scolaire. Cette
mise en relief éclaire les élèves sur leur signification sociale, leur permet de faire sens avec
le travail scolaire, étayant ainsi le processus de fictionnalisation des pratiques langagières
scolaires.

2.4 L’itinéraire intertextuel


Dans le cadre des recommandations du Conseil de l’Europe relatives à
l’enseignement de la langue de scolarisation, sa division linguistique a mis au point des
référentiels qui, à la manière du CECR65, recensent les genres de discours et décrivent les
compétences linguistiques dans quatre disciplines (Beacco et al., 2010). Il s’agit d’une
entrée dans la culture disciplinaire par la découverte de la diversité des discours scolaires et
non-scolaires, « spontanés » ou « formels », par lesquels se construisent les objets de
connaissance.
Les élèves sont mis au contact de plusieurs genres de textes liées à la discipline,
qui peuvent être travaillés en réception ou en production. La modélisation de genre de
textes au moyen de projets de classe, comme le développement de conduites discursives au
moyen de scénarios et de tâches discursives trouvent leur place dans cette approche dont le
fil conducteur est la discipline. A travers la conscientisation de ces différents discours et
leurs mises en lien et en contradiction, les élèves sont amenés à nouer un autre rapport au
langage, celui d’un processus de construction de connaissances66.

65
Cadre Européen Commune de Référence pour les Langues
66
Concernant l’histoire, par exemple, à partir des situations de communication sociales (ex : un reportage
historique) et scolaires (ex : présentation d’un document) qui s’y rapportent, un certain nombre de genres
discursifs historiques jugés faire partie de son enseignement sont identifiés. L’analyse des textes oraux ou
écrits (la forme stabilisée et objectivable du discours) permet de repérer des régularités à partir desquelles
définir des caractéristiques structurelles, lexicales, discursives qui feront l’objet d’un enseignement explicite.
Il s’agit alors de décrire les compétences rhétoriques et linguistiques qu’impliquent leur réception et/ou leur
production (Beacco, 2010 : 22 ).

57
En milieu scolaire, l’oral oscille entre objet d’enseignement et moyen de
transmission, et ses modèles didactiques entre l’autonomie d’une approche par genre et
l’ancrage disciplinaire des conduites discursives. Afin de s’affranchir des lignes de
fractures qui opposent, nous souhaitons extraire de ces pratiques d’enseignement les
différentes formes d’étayage qui accompagnent l’émergence d’une parole scolaire et le
processus de construction de connaissances qui y est lié.

3. Soutenir l’émergence du sujet scolaire


3.1 L’approche par genre : un étayage dans les pratiques langagières cognitives
disciplinaires
Thürmann, Vollmer et Pieper (2010) identifient plusieurs pistes d’interventions
didactiques pour soutenir l’appropriation de la langue de scolarisation par les élèves
allophones. L’approche par genres textuels serait une forme d’étayage dans le cadre
disciplinaire (ibid). Par la communication et l’interaction avec les élèves, l’enseignant
soutient l’accès aux connaissances, aux méthodes par lesquelles elles se construisent.

Figure 7 : Approche de l’acquisition de la maîtrise d’un genre dans le cadre du curriculum


(Hammond, 2001)67

67
Hammond (2001) cité par Thürmann et al. (2010 : 39)

58
Si les genres de références ciblés par Hammond (2001) sont écrits, le modèle
didactique de Dolz et Schneuwly montre que l’approche par genre est tout aussi valable
pour les textes oraux, notamment les genres formels publics qui peuvent être considérés
comme des oraux scripturaux selon la définition de Lahire.

3.2 L’approche par genre de texte oral : une médiation vers l’écrit
Partageant un cadre communicatif proche, distancié des interactions, les
monologues écrits ou oraux requièrent des exigences similaires en termes d’énonciation et
de structuration (Dolz-Mestre et al., 1993). Ils ont donc des processus d’élaboration
proches, comprenant, entre autres, une étape de planification. L’approche par genre de
texte oral pourrait donc avoir une double fonction pour les élèves allophones peu scolarisés
antérieurement : soutenir l’accès aux contenus et aux méthodes disciplinaires, mais
également l’entrée dans l’écrit. Si, dans le milieu scolaire et scientifique, les fonctions
heuristiques de la langue sont liées à la culture écrite, elles ne passent pas uniquement par
des pratiques langagières de forme écrite. Par conséquent, le développement d’un rapport
méta- au langage, nécessaire à l’appropriation d’une langue de scolarisation, pourrait être
abordé par l’oralité. La médiation en pédagogie étant « l’ensemble des aides ou des
supports qu’une personne peut offrir à une autre personne en vue de lui rendre plus
accessible un savoir quelconque. [...] » (Raynal et al., 2014 : 220), la modélisation d’un
texte monologué oral, type exposé, pourrait agir comme un dispositif didactique de
médiation vers l’écrit.

L’oral monologué scriptural apparait d’autant plus comme une pratique de


littéracie, que l’approche par genre ne repose pas uniquement sur une interaction orale. Les
énoncés étayants ne sont pas le seul moyen par lequel l’enseignant rend le fonctionnement
discursif et les caractéristiques linguistiques des pratiques cognitives et langagières
disciplinaires accessibles aux élèves. La modélisation des genres textuels passe également
par l’écrit. Ce peut être des fiches d’activités qui guident la compréhension de documents
authentiques, leurs analyses discursives et linguistiques et la production des élèves, mais
également des outils manipulables et réemployables sous forme de grilles d’analyse, de
canevas de production, de grilles d’évaluation (Dolz & Schneuwly, 2009).

Si l’approche par genre de l’oral monologué scolaire expositif peut être


considérée dans sa globalité comme un dispositif favorisant l’accès aux connaissances
disciplinaires et aux écrits scolaires, d’autres moyens de la didactique de l’oral sont à
analyser du point de vue de la médiation pédagogique.

59
3.3 Les médiations pédagogiques instrumentées de la didactique de l’oral

3.3.1 Médiatisation et médiation

Le concept de médiation pédagogique est issu des travaux de Vygotsky portant


sur le socioconstructivisme. S’ajoute à la notion d’accessibilité qui la fonde, c’est-à-dire de
correspondance entre la tâche à réaliser et la zone proximale de développement des élèves,
celle d’autonomie.

« [la] médiation désigne à la fois ce qui, dans le rapport pédagogique, relie le sujet au savoir et
sépare le sujet de la situation d’acquisition. Elle assure ainsi, contradictoirement, mais
indissolublement, la transmission du savoir et l’émancipation du sujet. » (Meirieu,1987 : 187 cité
par Rézeau, 2002 : 7)

La médiation pédagogique ne relève pas que de l’étayage, c’est-à-dire


d’interactions entre enseignant et élève. Toutes interventions didactiques, quels qu’en soit
les moyens humains (les interactions), matériels (les supports) ou symbolique (le langage)
peut jouer un rôle de médiation entre l’objet de savoir et l’élève à partir du moment où elle
favorise le processus d’objectivation du réel qui relève, lui, d’une médiation cognitive
propre au sujet apprenant (Lenoir, 2009 cité Larose & Grenon, 2014).

Le processus de didactisation par lequel des artefacts extérieurs sont transformés en


outils cognitifs tient selon Rézeau (2002) et Peraya (2010) de « l’instrumentalisation » ou
de « la médiatisation ». En effet, il s’agit d’élaborer, dans une visée d’enseignement, des
dispositifs techniques par lesquels objectiver le savoir (Papi, 2018). Ce sont les interactions
de l’apprenant avec l’objet du savoir médiatisé, donc « l’instrumentation » du dispositif par
l’apprenant, qui ont des effets de médiation pédagogique (Rézeau, 2002).

Or, les médiations qu’elles soient directes (dans l’interaction sociale avec les
enseignants ou les pairs) ou instrumentées ne sont ni neutres, ni transparentes. Elles
prennent de la distance et donnent de la consistance à certaines dimensions de l’objet de
savoir que l’expérience immédiate ne permet pas toujours. Plus qu’un outil d’usage,
l’instrument est « un outil de perception » (Rézeau, 2002).

3.3.2 Les dispositifs techniques de l’oral

Plusieurs modèles didactiques de l’oral préconisent le recours à des formes


enregistrées de l’oral. Basée sur une pédagogie du modèle, l’approche par genres utilise
des extraits audios comme support d’analyse des caractéristiques du discours étudié (Dolz

60
& Schneuwly, 2009). Pour les tenants d’un enseignement de l’oral autonome,
l’enregistrement des productions orales comme outil et support de travail est indispensable
car il permet aux élèves de « s’écouter et de se rendre compte de leurs progressions »
(Lafontaine, 2016: 42). Cela n’est pas sans rappeler l’importance pour Jaubert (2007) de
travailler sur les inter-discours et les brouillons car ils sont le lieu de construction de
connaissances.

La mise en média de l’oral par l’enregistrement, que ce soit en réception ou en


production, transforme la perception du langage oral marqué par l’immédiateté. Médiatisé,
l’oral devient un objet que l’on peut manipuler en dehors de son contexte de production.

« [les exercices pratiques] s’accompagnent nécessairement de l’enregistrement, de l’écoute et de


l’analyse de productions propres ou de celles des autres élèves qui constituent un moyen efficace
pour développer un contrôle conscient de son propre comportement. La production devient un
élément extérieur, que l’on peut réécouter, elle devient analysable, y compris par le producteur lui-
même » (Dolz & Schneuwly, 2009 : 107)

Cependant, si l’enregistrement audio devient un instrument de la didactique de


l’oral, c’est parce qu’il est articulé à d’autres outils pédagogiques, au sein d’un même
dispositif. En effet, l’oral enregistré devient un objet de connaissance (identifier les
caractéristiques d’un genre) et de régulation lorsqu’il est accompagné d’outils d’analyse ou
d’évaluation (sous-formes de grilles ou de fiches) (Lafontaine, 2016).

Les modalités d’évaluation occupent une part importante des réflexions sur la
didactique de l’oral, notamment du fait de sa difficulté normative. Plutôt que d’appliquer
aux productions orales des normes d’usage ou d’excellence, Nonnon (2011) suggère
d’identifier avec les élèves ce qui dans le discours facilite ou fait obstacle à la
compréhension. A partir de l’expérience partagée de la réception d’un discours oral, en
partant du sens, on discute des éléments de contenu et de forme, qui dans ce contexte
permettent de le comprendre :

« Le travail d’élucidation est sans doute à faire, moins par déduction des normes génériques à
partir d’un modèle des conduites de référence qui serait objectivé par la didactique, que par
élucidation et affinement des jugements évaluatifs en situation, puisque les pratiques orales sont
des pratiques partagées dans des contextes qui en déterminent les enjeux pour les interlocuteurs.
La qualité d’une production discursive particulière n’est pas alors pensée d’abord comme
adéquation à des normes externes, comme respect de critères préétablis, mais comme rapport
instable entre différents niveaux du discours, qui suscite à l’écoute un équilibre spécifique entre
tension et concordance, et repose sur l’interaction de nombreux critères hétérogènes. On ne
comprend pas, en tant que destinataire, ce qui est dit d’une situation, d’un événement ou d’une
histoire, qu’est-ce qui fait qu’on comprend mal (ce peuvent être des éléments d’ordre très
différent), comment faire pour qu’on comprenne ? » (Nonnon, 2011 : 146).

61
Ces dispositifs techniques ont une fonction de médiation épistémique au sens où il
donne à percevoir et donc à construire un rapport à l’oral, impliquant, d’une part, une
conscience langagière relative à son fonctionnement métalinguistique et discursif, et
d’autre part « une logique de connaissance » (Cherqui & Peutot, 2015 : 135). Or, en FLS,
dans un contexte où les élèves sont éloignés de la culture scolaire et écrite, notre hypothèse
est que l’enregistrement vocal pourrait être une médiation appropriée à l’enseignement-
apprentissage des compétences scolaires liées à l’oral monologué.

62
Partie 3

Modélisation d’un dispositif d’enseignement de l’oral

utilisant l’enregistrement vocal : conception, mise en

œuvre et évaluation

63
Chapitre 7. Conception d’un dispositif d’enseignement de l’oral
1. Etats des lieux des besoins et pratiques
Suivant une démarche de recherche-action, la première étape de conception de
notre intervention didactique a consisté à établir, au moyen d’observation et d’entretiens
informels et semi-directifs (grille entretien enseignant, annexe 1), un état des lieux des
besoins spécifiques aux élèves allophones peu scolarisés antérieurement, et les pratiques
enseignantes qui y répondent, avec une attention particulière à l’enseignement-
apprentissage de l’oral en histoire-géo, EMC.

1.1 Adapter les programmes disciplinaires


Les adaptations pédagogiques touchent aux thèmes, aux méthodes et aux
objectifs. Il s’agit de conjuguer les attentes du programme aux besoins d’apprentissage des
élèves, d’abord par rapport à leur niveau linguistique et scolaire. En effet, comme
l’explique Mme A. le parcours scolaire d’une partie des élèves, ne leur a pas permis
d’acquérir certaines connaissances ou compétences disciplinaires, considérées acquises à
l’entrée en CAP :
« Par contre, pour l’histoire géo c’était plus compliqué, parce que là, ils avaient aucune base.
Quand tu arrives après le brevet, normalement tu es censé avoir un minimum requis et là il a fallu
moi-même que je reprenne le minimum requis, parce que là R68. ne pouvait pas m’aider pour ce
qui est connaissance d’histoire-géographie. On a appris les siècles, les années, lire une carte, les
continents, les océans, le nord le sud l’est l’ouest, lire une frise chronologique. Et résultat j’ai dû
faire des choses très concises, et beaucoup d’oral plutôt que des textes. » (Entretien 3, Annexe 4)

A raison d’une heure hebdomadaire, la contrainte de temps exacerbe la nécessité


de sélectionner des éléments du programme69. Les enseignants priorisent alors les contenus
d’après la représentation qu’ils ont de ce qui sera le plus utile dans l’immédiat et pour la
suite, pour les élèves comme en témoigne M. F. :
« D’un côté, je vais avoir les programmes que je suis censé appliquer, de l’autre, j’ai en face des
élèves qui ont peut-être d’autres priorités, d’autres urgences, j’essaye déjà de jongler entre les
deux, de rester raccord avec les programmes, parce que je suis un bon petit soldat, et en même
temps d’adapter évidemment à l’élève et à son intérêt immédiat […] d’orienter cela vers quelque
chose qui va leur servir dans la vie de tous les jours. » (Entretien 2, Annexe 3)

Pour autant, les enseignants mettent en garde contre une adaptation fonctionnelle,
qui en répondant qu’à des besoins concrets appauvrirait le contenu de la formation. C’est

68
L’enseignante de FLES envoyée par le CASNAV pour soutenir les enseignants disciplinaires.
69
Mme N, Entretien 4, Annexe 5

64
une certaine idée de l’école et de sa vocation, qu’ils défendent, à savoir ouvrir les élèves à
d’autres perspectives que le connu ou la gestion du quotidien :
« Et en même temps ce qui me parait indispensable, essentiel, moi je suis prof quand même de
français histoire géo, il faut les faire rêver, faut sortir du… faut inventer un possible, faut penser à
d’autres horizons. C’est cela qui est un peu délicat, faut pas tomber non plus dans le… je vais
t’apprendre à rédiger une lettre pour aller à la préfecture. » (M.F, Entretien 2, Annexe 3)

1.2 Transmettre autrement qu’à l’écrit


Le profil « petit lecteur-scripteur » des élèves chamboule les pratiques enseignantes
reposant beaucoup sur l’écrit. C’est probablement l’aspect qui fait l’objet de la plupart des
adaptations pédagogiques. Il s’agit souvent de diversifier la nature des supports, (image,
vidéo) et de préférer des documents authentiques (musique, extrait d’émissions télévisées
ou radiophoniques). Les enseignants privilégient les interactions orales et limitent la
rédaction en proposant des activités de manipulation de l’écrit comme des textes lacunaires
ou des exercices d’appariement :
« Et en histoire c’étaient plus des textes à trous, beaucoup d’oral mais il fallait quand même qu’ils
aient une trace écrite, donc des textes à trous, très courts, toujours écrire au tableau pour qu’ils
puissent écrire correctement derrière. Et comme en plus de cela en CCF l’histoire géo ils l’ont à
l’oral et pas à l’écrit. Je me suis concentrée sur de l’oral. » (Mme A, Entretien 3, Annexe 4)

1.3 S’adosser à des références non-scolaires pour favoriser la conceptualisation


disciplinaire
Outre l’expression écrite, la difficulté principale des élèves, toutes disciplines
confondues, semble être celle de « la conceptualisation », tant au niveau de la
compréhension des consignes et des activités pédagogiques, qu’à celui des contenus.
« La majorité des élèves allophones que je retrouve dans ma classe ne comprennent pas nos
attentes, les exigences de l’institution. Pour moi, c’est la principale difficulté. Donc j’essaye
toujours de partir de leurs vécus pour ce que cela fasse sens ce que je vais leur demander.
Toujours faire sens. » (Mme N, Entretien 4, Annexe 5)

Pour favoriser l’accès à la discipline, les enseignants mettent donc en avant la


dimension sociale des objets d’apprentissage. En s’appuyant sur des situations concrètes
qu’ils soient en mesure de se représenter ou en les interpellant sur leurs expériences et
leurs savoirs constitués hors du champ scolaire, notamment relatifs à leurs pays d’origine
pour favoriser la comparaison, les enseignants favorisent la création de liens de
signification sociale avec l’objet disciplinaire, qui pourra alors être investi d’un sens par les
élèves (Vygotsky, cité par Thullier, 2008; Verdelhan-Bourgade, 2002).
« Partir de leur vécu. En histoire géo on était sur les transports, donc on va aller se promener en
ville, je vais les interroger sur leur itinéraire pour venir à l’école … Et puis après, lorsqu’ils vont
partir en stage on met en application ce qu’ils ont appris, et par rapport à cela je vais rajouter du
vocabulaire, certaines notions géographiques. » (Mme N, Entretien 4, Annexe 5)

« Je l’ai utilisé en EMC quand on a travaillé les symboles de la République, les symboles de la
république c’est quoi, l’hymne, la fête nationale et alors dans ton pays est-ce qu’il y a un hymne,

65
et on va les chercher. Cela leur permet de se rendre compte qu’il y a aussi une structure sociale
dans leur pays, les différences, de comprendre et d’intégrer un peu mieux l’EMC. Ils ont été
capables de m’expliquer lors des oraux du CCF que le 14 juillet, c’était la fête nationale que ça
avait rapport avec la prise de la Bastille. Grâce au pays, alors la fête nationale de ton pays c’est
quoi, c’est un évènement particulier, l’indépendance. On fait des liens, et on reconstruit les choses
d’une autre manière. C’est partir de leurs savoirs […] travailler sur leurs expériences et sur leurs
connaissances pour pouvoir associer mes savoirs. » (Mme A. Entretien 3, Annexe 4)

Il faut noter qu’en histoire-géo-EMC, les repères spatio-temporels et les références


culturelles qu’ils sous-tendent sont également une source de difficulté importante (Mme A,
Entretien 3, Annexe 4).

1.4 Accompagner les élèves dans l’appropriation des démarches scolaires


Du fait des difficultés à l’écrit et des fréquentes incompréhensions vis-à-vis des
attentes scolaires, les enseignants ont tendance à beaucoup accompagner les élèves. Ils
privilégient le cours dialogué, basé sur les interactions orales, au travail en autonomie,
qu’il soit individuel ou collectif. D’après nos observations et entretiens, généralement, un
document écrit est projeté au tableau, et l’enseignant le remplit avec les élèves, après un
temps d’échange à l’oral.
« Rien que quand je donne un exercice, il faut lire avec eux la consigne, comprendre la consigne,
réexpliquer la consigne avec eux, je connais pas ce mot là qu’est ce que ça veut dire, et après il
faut revenir, essayer de les faire réfléchir donc les faire parler, puis revenir pour faire une
correction, donc comment on va faire notre phrase, écrire au tableau. Donc tout se fait en classe
entière… il y a pas de possibilité d’autonomie pour ces élèves-là. Il y a peut-être des façons de
faire, mais moi en tout cas je la connais pas. Pour moi, c’était la façon la plus simple, épuisante
clairement, mais la plus simple. » (Mme A, Entretien 3, Annexe 4)

Pour les évaluations, Mme N. enregistre si besoin le texte support, pour permettre
aux élèves de travailler seuls.

1.5 Enseigner l’oral, le parent pauvre de l’enseignement disciplinaire


Les élèves maitrisant mieux l’oral que l’écrit, pour les enseignants comme pour les
élèves, l’oral n’est souvent considéré que dans sa fonction de communication. Il serait le
moyen d’enseignement-apprentissage, en contraste avec l’écrit considéré comme le
véritable objet d’apprentissage70.
Pour autant, les enseignants identifient les difficultés de leurs élèves, notamment
linguistiques, au niveau de la prononciation, et discursives. En effet, delon N. « leur prise de
parole, elle part dans tous les sens, donc il faut absolument travailler sur cette organisation » (Entretien 4,
Annexe 5).

70
Mme A, entretien 3, annexe 4 et M.F, entretien 2, annexe 3

66
Avant la réforme, le travail de l’oral s’inscrivait dans la préparation aux oraux du CCF
d’histoire-géo. Basé sur un dossier écrit, les présentations orales consistaient
essentiellement en une oralisation d’un texte rédigé suivi d’un court échange71.
Non formés en didactique du FLES, certains enseignants doutent de leur capacité à
enseigner l’oral à un public allophone. Pas bien sûr de comprendre la source de leurs
difficultés (linguistique, culturelle, disciplinaire), M. F met en question la pertinence de ses
réponses pédagogiques :
« Ce n’est pas qu’une histoire de mots que tu colles c’est vraiment des fois tout une façon de
penser qui est radicalement différente, j’ai l’impression. J’impose un esprit logique et cartésien
[un plan], mais j’imagine que ça reste un peu artificiel. » (entretien 2, annexe 3)

Par ailleurs, certains exercices oraux qui nécessitent une prise de parole en public, sont
selon Mme A., particulièrement difficiles à proposer en classe, pour des questions de
« face » (Goffman, 1974) 72 liée à l’insécurité linguistique des élèves allophones :
« Très peu de passages au tableau, où tu fais un exposé, où tu parles de quelque chose, j’ai
complètement abandonné. Ça marche pas du tout. Je me suis très vite rendu compte que même de
leur place ils refusent, quand tu leur poses la question directement, tu en as beaucoup qui refusent
la parole, ils vont dire je sais pas, alors qu’ils savent, ou rester muet à te regarder, en baissant la
tête. » (Mme A, entretien 3, Annexe 4)

2. Cibler des connaissances disciplinaires et des compétences langagières


Ces premiers éléments d’information m’ont permis d’orienter mon champ
d’intervention en matière de conception didactique, mais également l’objet de ma
recherche. Il importe de dire que la conception et la mise en oeuvre de la séquence
pédagogique s’est faite en étroite collaboration avec l’enseignante, puisqu’elle devait, non
seulement, respecter les programmes officiels fixant les thématiques à aborder et les
compétences à acquérir, mais également s’inscrire dans une démarche disciplinaire, qui
n’est pas mon domaine de compétences. La dialectique réflexive ne réside pas uniquement
dans la temporalité du cycle de la recherche-action (Catroux, 2002; Macaire, 2011). La
pratique d’enseignement elle-même exige une adaptation permanente basée sur l’analyse
réflexive de ses séances.

71
Mme N, entretien 4, annexe 5
72
Goffman considère la « face » comme une représentation de soi à valeur sociale, qui serait mise en jeu
dans la relation à autrui. Les interactions sociales se rapprocheraient d’une confrontation pour la
reconnaissance des « faces ».

67
2.1 La thématique et les contenus disciplinaires

Le choix du thème et de son traitement a été complexe car ceux-ci devaient


répondre à plusieurs critères :

➢ correspondre aux exigences du programme

➢ pouvoir être introduit de manière suffisamment concrète, sans pour autant se


réduire à l’expérience familière des élèves ni à des fins fonctionnelles

➢ permettre de travailler les capacités d’abstraction et de repérages temporels


signalés comme sources de difficultés par les enseignants

Entre les trois disciplines – histoire, géographie et EMC – le CASNAV m’avait


mise sur la voie de l’Education Morale et Civique, et ce pour plusieurs raisons, à
commencer par le contexte de la période, marqué par le meurtre de Samuel Patty. Suite au
drame, le rôle de l’école dans la transmission « des valeurs républicaines », notamment la
laïcité et la liberté d’expression, a été réaffirmé. Concernant plus spécifiquement le public
des EANA-PSA, l’aspect conceptuel et la charge culturelle des contenus d’EMC en fait,
selon le CASNAV, une discipline importante à investir en FLSco.

Pour certains professeurs, malgré sa dimension conceptuelle, l’EMC a un double


avantage. D’une part, son enseignement privilégie l’interaction orale, la forme de
communication la mieux maîtrisée par les élèves (M.F, entretien 2, annexe 3), et d’autre
part ses contenus sont un apport concret aux élèves allophones et étrangers :

« L’EMC c’est très conceptuel […] Par contre, ils intègrent très facilement le fait que comprendre
le système français c’est important pour eux pour rester en France, résultat ils essayent, ils sont
intéressés, mais c’est extrêmement conceptuel. » (Mme A. Entretien 3, Annexe 4)

« Typiquement l’EMC ça va leur servir parce que je pense que dans les rendez-vous à la
préfecture etc, de toute façon tu vas avoir besoin, c’est important de savoir la devise de la
République française, ce genre de choses. » (M.F, Entretien 2, Annexe 3)

Si, on peut effectivement y voir une utilité immédiate pour les élèves en démarche
de régularisation, le risque est de transformer le laboratoire d’échanges qu’est l’EMC en
une préparation aux exigences administratives concernant la connaissance des institutions
françaises et de leurs valeurs. En effet, pour d’autres enseignants, c’est précisément la
situation administrative des élèves qui les interroge sur certains éléments du programme.
En effet, dans un contexte où la majorité des élèves sont en précarité administrative,
aborder la citoyenneté uniquement du point de vue politique, c’est-à-dire de la nationalité
française, est problématique pour Mme N.

68
La représentation des EANA et de leurs besoins par les enseignants n’est donc pas
univoque. Souvent déterminée par leur origine, elle évolue dans un spectre allant du
linguistique au culturel. S’agissant de l’EMC, par exemple, le marqueur de distinction
significatif qui fonde leurs besoins spécifiques semble moins reposer sur l’allophonie que
l’origine étrangère et les écarts culturels qu’elle présume. Cela alerte sur les possibles
dérives de stigmatisation et de discrimination des élèves allophones qui, du fait de leur
origine étrangère, ont tendance à être assignés à des identités culturelles jugées éloignées
« des valeurs républicaines ».
Plus que des difficultés didactiques d’ordre conceptuel, il semblerait que
l’enseignement de l’EMC pose des questions de postures professionnelles liées aux
représentations. L’enjeu était donc de trouver une approche thématique qui puisse inclure
tous les élèves, français comme étrangers, dans un travail portant sur la vie de la cité, sur
des droits et des devoirs partagés. Il fallait penser à une manière de traiter de concepts ou
de fonctionnements sociétaux complexes, en empruntant aux expériences et aux
connaissances de tous les élèves, afin de ne pas faire reposer la construction de savoirs sur
des prérequis scolaires ou des références culturelles implicites (Verdelhan-Bourgade,
2002). De plus, afin de prendre en compte les difficultés en termes de repères temporels
soulevés par les enseignants, et suivre les prérogatives d’interdisciplinarité du programme,
nous avons suggéré une thématique transversale, apparaissant en filigrane dans les
programmes d’EMC et d’histoire : le syndicalisme et la citoyenneté sociale. Les objectifs
généraux de la séquence, extraits de la fiche pédagogique (annexe 11), visent à :
➢ Comprendre ce qu’est un syndicat :
o son organisation et les élections professionnelles
o son rôle de défense des salariés
o ses moyens d’action (actions collectives, grève et manifestation, action
individuelle au Prud’hommes
➢ Connaître ses droits (code du travail, conventions collectives)

2.2 L’oral monologué


Lors des observations et entretiens, nous avons constaté que l’enseignement de
l’oral en histoire-géo-EMC n’était pas courant. Si les enseignants identifient des difficultés
d’ordre linguistique et discursif, les présentations orales, telles qu’attendues aux examens
du CCF, ne semblent pas faire l’objet d’un enseignement explicite et d’une pratique
fréquente. C’est pourquoi, nous avons choisi de travailler la thématique du syndicalisme et
de la citoyenneté sociale, à travers le développement de compétences orales en situation de
monologue.

69
2.3 L’articulation de capacités disciplinaires et des compétences langagières
Le tableau des contenus de notre séquence pédagogique articule des capacités
disciplinaires du programme et des compétences langagières formulées à l’aide du CECRL
(Annexe 11). Dans le contexte d’EMC, la production orale monologuée est une pratique
cognitive et langagière disciplinaire, qui implique des compétences orales spécifiques,
extraites de notre séquence pédagogique (Annexe 11):

« raconter une expérience, exprimer et expliquer son opinion, s’enregistrer pour un auditoire ou
parler devant un auditoire, mettre en voix un texte, restituer une information avec ses propres mots à
l’aide de ses notes, parler avec spontanéité sur un thème connu (conditions de travail,
syndicalisme) »

Pour autant, on ne peut isoler leur enseignement-apprentissage des autres activités


langagières de la séquence (les interactions orales, la compréhension orale et écrite, la
production écrite). En effet, celles-ci font partie du dispositif didactique qui accompagne le
développement des connaissances et des compétences disciplinaires et langagières
impliquées dans la production orale monologué.

70
Chapitre 8. Description du dispositif pédagogique mis en oeuvre
La séquence pédagogique s’étend sur 10 heures. Elle se décline en plusieurs étapes, se
composant elles-mêmes de plusieurs activités (Annexe 11). Nous pouvons regrouper les
activités pédagogiques selon trois fonctions didactiques, recoupant en partie les phases
d’appropriation de connaissances identifiées par Verdelhan-Bourgade (2002 : 229) – la
conception, la verbalisation et la reformulation :

➢ Les activités qui visent à mobiliser et à exprimer ses représentations initiales et


ses concepts spontanés, situées entre la conception et la verbalisation

➢ Les activités de manipulation qui se situent entre la verbalisation et la


reformulation, où il s’agit de formuler les nouvelles représentations qui
émergent de la confrontation entre représentations initiales et nouvelles
connaissances en tâtonnant avec le langage (en termes énonciatifs, discursifs et
linguistiques)

➢ Les activités de bilan où les processus de réflexion et de reformulation se


stabilisent (ponctuellement) en une production qui peut faire l’objet d’une
évaluation finale.

Notre dispositif d’enseignement de l’oral a recours à l’enregistrement vocal au sein


de chacune de ces phases. Les activités pédagogiques usant de la médiatisation de la
production orale sont signalées par un encadré pointillé dans le schéma ci-dessous.

71
Figure 8 : L’enregistrement vocal au sein d’un dispositif d’enseignement de l’oral en EMC, en contexte de FLS.

72
1. Les activités de conception/verbalisation
En FLM comme en FLS, ces activités cherchent à faire émerger les concepts
spontanés des élèves (Vygotski, cité par Jaubert 2007 : 87) relativement aux contenus
disciplinaires abordés, par le biais d’un document déclencheur73. Afin d’éviter des
implicites culturels ou scolaires, nous avons choisi une photographie ancrée dans
l’actualité locale, ayant une portée internationale : le cortège du premier mai à Grenoble.

Figure 9 : Photographie du cortège du 1er mai 2021 à Grenoble utilisée comme document déclencheur74

Les élèves se sont immédiatement emparés des indices géographiques (la Bastille)
et spatiaux (le tram, les bâtiments) pour situer l’évènement à Grenoble. La fête du Travail
et des Travailleurs ayant une portée internationale, les élèves avaient pour la plupart une
idée de cet évènement bien que certains issus de milieux très ruraux, n’aient jamais assisté
à de tels défilés et plus généralement à des manifestations. Nous rappelons ici que tous les
documents supports sont appréhendés du point de vue de l’enseignement disciplinaire et de
sa méthode. Avant d’entrer dans le contenu, ils sont systématiquement catégorisés selon
leur nature et leur source.

Si l’étayage par les pairs ou l’enseignant lors de l’interaction orale peut permettre
de faire émerger du lexique et soutenir l’expression des élèves allophones, il est nécessaire

73
Ce document doit donc être suffisamment familier pour que les élèves puissent y extraire des références et
projeter un horizon d’attente quant à la suite de la séance (ici, une compréhension orale).
74
Photographie de Vincent Paulus, Le Dauphiné Libéré en ligne,
https://www.ledauphine.com/social/2021/05/01/grenoble-faible-affluence-pour-la-manifestation-du-1er-mai

73
de concevoir des activités de verbalisation spécifique, donnant aux élèves les outils
linguistiques (notamment lexicaux) pour s’exprimer sur cette thématique comme le
souligne Verdelhan-Bourgade (2002).

Pour cela, l’approche de la dimension langagière des disciplines par la découverte


et la familiarisation des élèves avec les genres discursifs (ordinaires et scientifiques) s’y
rapportant, nous parait particulièrement pertinente (Beacco, 2010, 2013). Dans un contexte
de FLS où les élèves ont peu été scolarisés, la signification sociale des disciplines devrait
en effet faciliter leur entrée dans la culture scolaire (Verdelhan-Bourgade, 2002). Inspirées
par l’idée d’itinéraire intertextuel développé par le Conseil de l’Europe (Beacco et al.,
2010) nous avons choisi d’exposer les élèves à des discours authentiques relatifs à notre
thématique, à savoir les conditions de travail et la mobilisation sociale et syndicale.

Nous avons privilégié un support de nature audio, un extrait radiophonique, pour


plusieurs raisons. D’une part, il semblait plus pertinent de travailler la compréhension orale
dans le cadre d’une séquence didactique visant le développement de compétences en
production orale des élèves. D’autre part, dans un contexte où les élèves sont éloignés de
l’écrit, la découverte d’un nouveau lexique et/ou d’objets du monde par le langage oral
allégerait la charge cognitive.

Quant au genre radiophonique, nous avons opté pour un reportage extrait du


bulletin d’information d’une radio locale, entre autres, parce que nous faisions l’hypothèse
que l’écoute de la radio et notamment du journal radiophonique était une pratique à
laquelle les élèves auraient été exposés quelque soient leurs parcours scolaires et
répertoires langagiers. D’après notre enquête quantitative (annexe 6) et nos entretiens
individuels (annexe 2, annexe 3), le média radiophonique est omniprésent dans
l’environnement familial et culturel de tous élèves bien qu’ils n’en aient pas toujours eux-
mêmes une pratique individuelle. Dans les pays d’Afrique de l’Ouest d’où sont issus la
majorité de nos élèves, les médias sont souvent bilingues ou plurilingues. Il est intéressant
de mentionner que les élèves scolarisés antérieurement au sein d’une UPE2A-NSA se
déclarent familiers de ce genre de supports. Les extraits radiophoniques peuvent donc
constituer des documents supports de transition entre le dispositif adapté et la classe
ordinaire.

Les variations de modalités de travail (individuel, sous-groupe, classe entière)


permettent d’amener de la progressivité dans la transmission des outils linguistiques

74
nécessaires à la verbalisation des représentations initiales des élèves. Après un temps de
découverte individuelle du lexique introduit par le document audio (fiche1, annexe 12), le
travail de groupe les pousse à manipuler une première fois à l’oral, en s’entraidant, ces
outils linguistiques thématiques et disciplinaires.

À l’issue de cette activité de compréhension, le retour en classe permet d’opérer un


lien entre le document audio et les expériences des élèves, de stabiliser la compréhension
de la thématique et ses formes linguistiques. Il s’agit de réfléchir à des situations de
mauvaises conditions de travail, et de stage.

Figure 10 : Les exemples de mauvaises conditions de travail de la classe de 2PAR

Cette activité permet d’introduire la première production orale monologuée. La


consigne donnée aux élèves était de décrire une situation de mauvaises conditions de
travail, réelle ou imaginaire, liée ou non à leur stage obligatoire, sous la forme d’un
enregistrement vocal envoyé sur le groupe Whatsapp de la classe75.

Cette production initiale est capitale pour Lafontaine (2016), elle permet de partir
des connaissances et des compétences des élèves du genre oral, ici l’oral monologué
scolaire. Elle fait l’objet d’une évaluation, d’abord, diagnostique par l’enseignant, puis
formative pour les élèves76. En effet, après avoir fait émerger en classe entière, en partant

75
Il faut rappeler que nous étions en période de confinement et que le téléphone portable est le seul moyen de
communication à distance pour bon nombre d’élèves. Leurs pratiques de l’application en font un dispositif de
formation à distance particulièrement efficace du point de vue de son appropriation par les élèves.
76
Ces productions initiales nous ont permis de mettre en exergue les compétences orales des élèves et leurs
besoins. L’analyse linguistique de ces vocaux ont révélé la connaissance et l’emploi d’un certain nombre
d’articulateurs chronologiques (après, quand) et logiques (en plus, aussi, par exemple, parce que, à cause de,
comme, mais, voilà, donc). L’emploi des connecteurs était pertinent du point de vue du sens au niveau

75
du point de vue des élèves, les éléments permettant de rendre une production orale
compréhensible (Nonnon, 2011), une grille d’évaluation a été projetée au tableau et
explicitée avec les élèves (Annexe 12).

Les élèves se sont alors réécoutés de manière sélective : guidés par la grille, ils
devaient identifier la présence ou l’absence de ses critères dans leur production. Dans un
deuxième temps, les élèves ont procédé à l’évaluation de leur binôme. La juxtaposition
visuelle des deux évaluations successives permettait de mettre en évidence les différences
d’appréciation entre évaluateurs, et de les conduire à s’en expliquer.

2. Les activités de verbalisation-reformulation


Nous ne développerons ni le contenu, ni le déroulement des activités de construction de
connaissances disciplinaires en histoire et en EMC. La fiche pédagogique (annexe 11) et
les fiches élèves 4, 5, 6 et 8 (annexe 12) permettent d’en avoir un aperçu. Ces activités de
verbalisation-reformulation font cependant partie intégrante du dispositif étant donné
qu’elles ont permis aux élèves de développer des connaissances scolaires et d’appréhender,
dans une démarche intertextuelle et de développement des compétences en littéracie, les
différents discours dans lesquels elles s’incarnent : archives historiques de presse écrite,
témoignage historique, campagne officielle pour les élections professionnelles d’un site
web.

Le projet d’interview d’un délégué syndical a constitué une étape importante du


processus d’appropriation. Toutes ses activités ont été réalisées en sous-groupes
hétérogènes, composés d’élèves francophones et allophones, scripteurs et peu scripteurs,
pour toute la durée du projet.

Chaque groupe a d’abord dû se mettre d’accord sur son objet d’interview (parmi les
domaines de conditions de travail cités en classe), définir ce qu’il recoupait, imaginer des
situation-problème et formuler des questions permettant de les résoudre. Au cours de cette
première activité, les élèves ont été conduits à mobiliser et partager leurs expériences et
connaissances antérieures, et à manipuler les savoirs scolaires et langagiers vus depuis le
début de la séquence.

phrastique et permettait, parfois, d’esquisser une structure des productions (introduction, développement,
conclusion).

76
Figure 11 : Questions du groupe chargé de la durée du travail (2PAR)

L’horizon de la rencontre et de l’enregistrement de l’interview a amené les élèves à


développer des compétences en termes de structure du discours. Dans la production
d’élèves (figure 11), on peut voir les annotations qui ont permis d’organiser la prise de
parole : les numéros qui ordonnent les sous-thématiques et les questions, et les initiales
« I » et « N » qui répartissent la parole au sein du groupe.

La pratique de l’oral a été constante, tout au long de la préparation de l’interview. En


effet, les interrogations des élèves ont d’abord été énoncées oralement, lors des échanges
au sein des groupes, puis transposées à l’écrit, avant d’être à nouveau oralisées. Les élèves
ont pratiqué cette mise en voix, en lisant ou en mémorisant leurs questions selon leur
familiarité avec l’écrit, avec une attention particulière à la phonétique et la prosodie.

Lors de la sortie à la Bourse du Travail, deux élèves ont eu la charge de


l’enregistrement de l’interview et d’ambiances sonores. La conception du reportage, après
l’interview, s’est effectuée en deux étapes.

77
D’abord, la structure globale du reportage a été introduite à partir d’une transcription
adaptée de l’extrait radiophonique écouté en début de séquence, dans une approche de
l’oral par le genre discursif proche du modèle développé par Dolz et Schneuwly (2009).
Les élèves ont été amenés à manipuler le découpage du discours en différentes parties par
un exercice sur les titres (l’introduction, le développement de différents sous-thèmes, la
conclusion) (fiche 8, annexe 12).

Répartis en sous-groupe les élèves ont alors travaillé sur la réalisation d’une
introduction, d’une conclusion et d’un jingle. Les éléments de contextualisation attendus
dans l’introduction sont ceux de la première grille de production orale (qui, quoi, quand,
où) auxquels s’ajoutent les thématiques abordées lors de l’interview. En guise de
conclusion, il a été demandé aux élèves d’expliquer ce qu’ils avaient appris et de donner
leur opinion sur le syndicalisme en tant que futur salarié.

Figure 12 : Rédaction de l’introduction du reportage par un sous-groupe (2PAR)

La plupart des groupes ont réalisé des brouillons écrits, à l’exemple de l’introduction
ci-dessus, qu’ils ont ensuite oralisés et enregistrés. En 2PAR comme en 2MAC, si le
passage à l’écrit était souvent assuré par les élèves francophones scripteurs, les idées, la
formulation, mais également l’oralisation et l’enregistrement ont été largement partagés.
D’autres élèves, moins à l’aise à l’écrit, ont préféré faire des brouillons sonores. Dans tous

78
les cas, les groupes se sont enregistrés plusieurs fois, se commentant les uns les autres,
pour établir la meilleure version.

3. L’activité de reformulation finale, une synthèse orale enregistrée


À l’issue des séances, de la rencontre-interview avec un délégué syndical et de la
réalisation du court reportage, l’objectif final pour les élèves était de réaliser une synthèse
orale enregistrée autour du syndicalisme. La rencontre avec le syndicaliste faisait office de
point d’ancrage à partir duquel les élèves étaient amenés, d’une part, à mobiliser les
contenus travaillés durant toute la séquence et les outils langagiers pour les exprimer,
d’autre part à se positionner individuellement sur le sujet. Partant, dans la première
production orale monologuée de la narration d’une expérience subjective thématique, il
s’agissait d’aboutir, pour la dernière production, à un oral scolaire où les élèves se
positionnent en tant que sujet producteur de connaissances disciplinaires, au niveau du
contenu et de ses formes langagières. C’est bien la prise de parole des élèves en tant que
« sujet scolaire » qui était visée (Jaubert, 2007).

Une seconde grille d’évaluation leur a été distribuée reprenant des critères connus
au niveau du contenu – l’introduction et les éléments de contextualisation – et de la forme
– articulation, volume etc (annexe 12). Au-delà de sa fonction évaluatrice, cette grille était
un guide pour la réalisation de la tâche, les aidant à structurer leurs discours. La
préparation (le rassemblement et la planification des idées parfois sous forme de notes), la
production orale enregistrée et son auto-évaluation s’est faite en classe.

79
Chapitre 9. Analyse réflexive du recours à l’enregistrement vocal
dans l’enseignement de l’oral monologué en histoire-géo EMC
Le distanciel imposé par le confinement nous a contraints à investir didactiquement des
dispositifs de communication médiatisés, notamment l’enregistrement de vocaux sur
Whatsapp. Dans ce travail nous cherchons à savoir dans quelles mesures l'enregistrement
des productions orales monologuées des élèves favorise le développement de
connaissances et de compétences orales en histoire-géo-EMC des élèves allophones
peu scolarisés antérieurement ? Notre hypothèse est qu’en médiatisant, par
l’enregistrement, les productions orales en continu des élèves, on favorise le processus
d’appropriation d’un discours scolaire, tant au niveau de la construction de connaissances
disciplinaires que des compétences linguistiques et discursives liées à la planification et la
structuration d’un oral monologué. L’analyse de productions orales enregistrées, doublée
des entretiens individuels réalisés auprès des élèves et des enseignants, nous a permis
d’identifier le potentiel didactique de ce dispositif de médiatisation.

1. L’appropriation de connaissances et de compétences orales disciplinaires

1.1. L’émergence du sujet scolaire


Dans le cas spécifique des élèves peu scolarisés antérieurement, la principale difficulté
réside pour les enseignants dans l’abstraction ou la conceptualisation propres aux méthodes
et aux discours scolaires, largement influencées par l’écrit (Le Ferrec, 2008; Vigner, 2009).
L’appropriation de connaissances et de compétences scolaires, dont l’institution valide
l’expression, serait intrinsèquement liée à des pratiques socio-langagières spécifiques selon
Jaubert (2007). Au moyen de verbalisations et de reformulations successives, le sujet
scolaire émerge d’une secondarisation du discours, caractérisée au niveau de
l’énonciation, de la structure globale et du lexique (Jaubert, 2007). Ces différents éléments
linguistiques permettent en effet de faire converser et d’orchestrer, selon leur degré de
subjectivité et d’objectivité, les différentes sources et formes de savoirs autour du
syndicalisme, par lesquelles les élèves reconstruisent leurs propres connaissances. On
compte parmi ces différentes « voix », celle singulière de chaque élève, celles de leurs
pairs, des enseignants, du délégué syndical, mais également celles des discours
médiatiques et historiques vus en classe et entendus à l’extérieur (ibid).

80
Nous nous proposons d’analyser deux productions orales initiales et finales, afin
d’observer le processus de secondarisation du discours par lequel les élèves construisent
leurs connaissances (Jaubert, 2007).

Nous avons sélectionné les productions d’élèves d’un niveau de français oral et
écrit proche, afin de ne pas fausser notre analyse par un biais linguistique. L. et A n’ont
jamais été scolarisés avant leur arrivée en France. Venant de la Guinée et du Mali, le
français a fait partie de leur environnement socioculturel sans pour autant qu’ils ne le
comprennent ou ne le parlent. Après un an en UPE2A NSA, ils ont intégré une seconde
CAP Peinture, Application et Revêtement. Notons que nous ne cherchons pas à évaluer la
performance des élèves. Dans la démarche de recherche qui est à la nôtre, comparer les
deux productions nous permet de mieux comprendre comment ces marques langagières
sont significatives d’une appropriation de connaissances et de compétences scolaires, au-
delà des difficultés d’ordre linguistique.

2.2 La prise de parole monologué dans le contexte scolaire


Entre les productions initiales (annexe 9) 77 et les productions finales (annexe 10)78
les élèves semblent être plus en maîtrise des codes attendus lors d’un oral scolaire en
continu. Au-delà du niveau de langue et de la dimension plus informelle, leurs premières
productions contiennent des marques du destinataire tout au long de l’énoncé, ce qui
l’ancre dans une situation de communication quasiment interactive.

« Bonjour, j’espère que tout le monde il va bien » (L.)

Au cours de son récit sur ses mauvaises conditions de stage, A. interpelle l’auditeur par
l’emploi d’un « tu » informel, mais impersonnel :

« il te parle mal, il te parle comme il veut, il te parle n’importe comment, même tu peux parler à tes
enfants, comme ça à la maison. » (A.)

Ou tout à fait directement et personnellement :

« Bon c’est ça qui m’a choqué beaucoup à l’entreprise, tu vois pour moi ce que j’ai vécu comme
mauvaises conditions à l’entreprise, c’était ça. » (A.)

Dans les productions finales, les marques du destinataire sont réservées aux
formules de présentations et de prise de congés présentes en introduction et en conclusion.

77
Les transcriptions et analyses complètes des productions initiales de A. et L. sont à retrouver annexe 10.
78
Les transcriptions et analyses complètes des productions finales de A. et L. sont à retrouver annexe 11.

81
Celles-ci sont également plus formelles (« Bonjour, je m’appelle L.S, je vais vous
raconter »).

2.2.1 Une mise en récit des connaissances au moyen de la double énonciation,


l’exemple d’A.

Introduction Bonjour, bonjour à tous je m’appelle A. La semaine dernière jeudi, on a fait sortie
1)Présenter le avec ma classe pour aller rencontrer le délégué des syndicats Monsieur S.G pour
contexte aller poser notre question de manque de sécurité au travail.
2) Présenter le
thème de votre
interview
Développement Il a répondu toutes nos questions, si on a des problèmes, qui a on va nous adresser
pour expliquer notre problème. On a fait beaucoup d’interview. Il a tout dit, si on a
3)Expliquer ce que des problèmes ou des conflits avec le patron, à qui on va m’adresser pour dire notre
vous avez appris problème, qui il va nous aider beaucoup. On a dit tout. Monsieur G. nous a expliqué
beaucoup de choses, pour les conditions de travail par exemple, si on a des
problèmes à quelqu’un à la santé ou de manque de respect à qui on va m’adresser,
on va faire comment.
Donc les syndicalistes, pour moi, ils sont très bien, parce que si on a des problèmes,
Conclusion il va nous aider. Soit il va nous dire où on va dire notre cas pour expliquer notre
problème, ce sera très bien pour nous. Moi, ce je pense à syndicats, ils sont très bien,
4) Donner votre il nous a expliqué beaucoup de choses. Il a dit comment travailler, donc si on a des
opinion sur les problèmes on va aller les Prud’hommes. Il nous a tout expliqué avant de quitter
syndicats l’interview, à la Bourse du travail. Donc c’était le jeudi dernier avec ma classe, il a
tout expliqué, il a répondu à toutes nos questions, Monsieur G. Merci de votre
compréhension.

Figure 13 : Transcription de la production finale d’A. formalisée dans la grille d’évaluation

Dans sa production finale (annexe 10), A. emploie un lexique spécifique au thème


des conditions de travail et du syndicalisme introduits tout au long de la séquence.
Différents domaines dans lesquelles les droits des salariés ne sont pas respectés (santé,
sécurité, respect) et différents acteurs (délégué syndical, syndicalistes, syndicats,
Prud’hommes) sont cités. Bien qu’il les nomme, il n’explique jamais vraiment leurs liens.

En effet, l’explication du rôle et du fonctionnement des syndicats pour les salariés


apparait en filigrane d’un récit d’une expérience collective : la rencontre avec le délégué
syndical. L’énonciateur est ainsi très présent tout au long du discours. Le « je » est
employé au début pour se présenter, puis immédiatement remplacé par le « on » qui lui
permet d’intégrer les autres élèves, et ainsi reconstruire la scène d’interaction avec le
délégué syndical introduit dans l’énoncé par « il » ou « monsieur G. ».

Il a répondu toutes nos questions, si on a des problèmes, qui a on va nous adresser pour expliquer notre
problème. On a fait beaucoup d’interview. Il a tout dit, si on a des problèmes ou des conflits avec le patron,
à qui on va m’adresser pour dire notre problème, qui il va nous aider beaucoup. On a dit tout. Monsieur G.

82
nous a expliqué beaucoup de choses, pour les conditions de travail par exemple, si on a des problèmes à
quelqu’un à la santé et au manque de respect à qui on va m’adresser, on va faire comment.

Le discours rapporté est la marque d’une double énonciation (Jaubert, 2007). Ce


type de secondarisation du discours révèle que A. ne s’est pas encore approprié les
connaissances transmises par le délégué syndical. Cependant, d’autres « voix » semblent
davantage intégrées au sein de son schème de connaissances. Par exemple, en évoquant des
éléments issus d’autres séances ou travaillés par d’autres sous-groupes (la santé, le
respect), ce « on » lui permet de mettre en lien les informations données par le syndicaliste
avec les multiples « voix » à l’origine de sa compréhension des enjeux, provenant des
activités et les échanges en classe, sans pour autant développer ou expliquer :

« Monsieur G. nous a expliqué beaucoup de choses, pour les conditions de travail par exemple, si
on a des problèmes à quelqu’un, à la santé ou demande de respect, à qui on va m’adresser, on va
faire comment ».
Si l’hétéroglossie, rendue explicite, est conscientisée, elle n’est pas vraiment
intégrée au sein d’une unité d’énonciation. Les différentes « « voix » sont juxtaposées.

Par ailleurs, la production de A. est marquée par des répétitions d’idées et


d’expressions, qui peut être le fait de l’expression en langue étrangère, mais également
provenir d’un tâtonnement énonciatif entre l’explication décontextualisé et la narration
contextualisée. « On a fait beaucoup d’interview » vient ainsi réancrer le discours dans la
narration et couper court à l’explication, reprise juste après. A. semble à la recherche d’une
cohérence narrative sur laquelle ancrer ses connaissances en construction. Si l’emploi du
« on » plutôt que du « je » révèle une prise de distance avec son vécu singulier, celle-ci est
instable. Le « on » se rapproche tantôt du nous personnel, tantôt du « on » plus
impersonnel :

« si on a des problèmes ou des conflits avec le patron à qui on va m’adresser pour dire notre
problème ».
De même, si la structure globale se distingue par des changements
énonciatifs précis (l’introduction avec une présentation personnelle au « je », le passage au
développement avec le « on » pour mener un récit objectivé, et la conclusion, annoncée par
l’expression « pour moi » et le retour du « je » pour énoncer son point de vue), elle reste
instable. Des éléments de narration sont réintroduits en conclusion, avec la réapparition du
« il » :

« « Donc, les syndicalistes, pour moi, ils sont très bien, parce que si on a des problèmes, il va nous
aider […] Il a dit comment travailler, donc si on a des problèmes on va aller aux Prud’hommes ».

83
La mise en récit des connaissances apparait comme une première étape dans le
processus langagier d’appropriation de savoirs, propre au milieu scolaire, en
décontextualisation et d’objectivation du discours.

2.2.2 Une synthèse explicative au moyen de l’hybride vocal, l’exemple de L.

Introduction Bonjour, je m’appelle L.S, je vais vous raconter des sorties des semaines dernières.
1)Présenter le Les élèves du lycée pro Roger Deschaux, première année CAP Peinture, on a sortir
contexte le 27 mai pour aller Bourse du Travail pour rencontrer délégué syndical, s’appelle,
2) Présenter le il s’appelle S. G. Il va travailler dans le bâtiment, société s’appelle CGT. On a posé
thème de votre beaucoup de questions.
interview
Développement Bon, j’ai appris, ce que j’ai appris, je savais pas que illégalité, quand il arrive entre
3)Expliquer ce que employés et employeurs on peut aller tribunal des Prud’hommes, mais maintenant
vous avez appris j’ai appris ça. Je… je … je sais que si il y a quelque chose qui arrive, y’a la justice,
par, dans les lois, on peut aller au Prud’hommes, par exemple si le patron qui parle
mal, si y a mon collègue qui est à côté qui a écrit ça, on peut aller Prud’hommes,
mais j’ai pas le droit pour enregistrer son voix.
Conclusion Syndicat c’est intéressant pour moi parce qu’il va défendre les employés. Voilà, si
4) Donner votre l’employeur parle mal … je pense que c’est intéressant. Les syndicats, je pense que
opinion sur les c’est intéressant. Merci de votre compréhension.
syndicats

Figure 14 : Transcription de la production finale de L formalisée dans la grille d’évaluation

Comme A., L. emploie un lexique spécifique, introduit et développé tout au long de


la séquence (annexe 10).

Il est intéressant de noter la manière dont la structure globale de son travail


n’emploie pas les mêmes procédés énonciatifs que A. En effet, les marques de
l’énonciateur « je » ne sont pas réservées à la présentation personnelle en introduction et à
l’expression de son opinion en conclusion. Il est employé tout au long du développement :
Bon, j’ai appris, ce que j’ai appris, je savais pas que illégalité, quand il arrive entre employés et employeurs
on peut aller tribunal des Prud’hommes, mais maintenant j’ai appris cela. Je… je … je sais que si il y a
quelque chose qui arrive, y’a la justice, par, les lois, on peut aller au Prud’hommes, par exemple si le patron
qui parle mal, si y a mon collègue qui est à côté qui a écrit ça, on peut aller Prud’hommes, mais j’ai pas le
droit pour enregistrer son voix.

L’emploi du « je » permet de se situer en tant que sujet apprenant et sujet de


savoir. Il traduit d’une part une réflexivité par rapport au processus d’apprentissage lui-
même (« je ne savais pas »), et d’autre part une appropriation des connaissances « par
exemple […] je n’ai pas le droit »). En effet, l’hétéroglossie est intégrée au sein d’une
unité d’énonciation. L. n’emprunte ni le discours rapporté, ni le « on » pour évoquer les
différentes « voix ». Il les hiérarchise par des formulations impersonnelles qui marquent de
l’objectivité : « je savais pas que illégalité, quand il arrive entre employés et employeurs »,

84
« il y a la justice, par les lois, on peut aller aux Prud’hommes ». Mais également par les
articulateurs logiques qui assure la cohésion de son explication et permettent de mesurer
les degrés d’objectivité et de subjectivité des éléments apportés : par exemple, mais.

Ainsi, la cohérence de cette synthèse de connaissances n’est pas d’ordre narratif,


mais explicatif. La narration est réservée à l’introduction, à la description des éléments de
contexte. C’est le seul moment où le « on » employé n’a pas de valeur général mais
renvoie à la classe, face au « il », le délégué syndical.
« Les élèves du lycée pro Roger Deschaux, première année CAP Peinture, on a sortir le 27 mai pour aller
Bourse du Travail pour rencontrer délégué syndical, s’appelle, il s’appelle S.G. Il va travailler dans le
bâtiment, société s’appelle CGT. »

La conclusion assume une opinion subjective (« pour moi ») qui n’est pas un retour
à soi. L’expression « il va défendre les employés » indique une forme de problématisation
de l’enjeu dans sa portée sociale. C’est un positionnement subjectif qui résulte d’un
processus de construction de connaissances.

« Syndicat c’est intéressant pour moi parce qu’il va défendre les employés. »

Les marques langagières d’objectivation et de réflexivité semblent révélatrices du


processus par lequel le sujet narrateur de connaissances devient un sujet scolaire
producteur de connaissances.

2.3 Des interactions de groupe à la production orale individuelle

2.3.1 Un processus de constructions de connaissances

Par ailleurs, ce travail de synthèse de connaissances réalisé sous forme d’oral réflexif a
permis aux élèves peu lecteurs-scripteurs de se constituer en sujet scolaire,
indépendamment de leur « maîtrise » de l’écrit.
« Mais surtout ce côté, nous notre discipline, ce n’est pas que les disciplines, c’est les exigences
scolaires, on est quand même très focalisé sur l’écrit. Et là, à ton contact je me suis aperçue que les
restitutions orales c’était aussi important que l’écrit, et que pour moi ils prennent confiance et ils
apprennent davantage » (Mme N., entretien 4, annexe 5)

Le processus de construction de connaissances se produit dans l’interaction orale


avec les pairs, le délégué syndical, des objets de cultures et de savoirs, mais également
dans une réflexivité propre à l’élaboration d’une synthèse individuelle de ses
connaissances. Le développement de connaissances et de compétences orales pour les
exprimer, fonctionne en interdépendance, comme le révèle A. : « le deuxième [vocal] j’ai

85
trouvé plus facile que le premier. Parce que le premier j’ai réfléchir beaucoup, je savais
pas quoi dire » (entretien 10, annexe 3).

Il nous parait donc indispensable de faire précéder les productions orales


individuelles, de travaux collectifs, et plus spécifiquement, de productions orales préparées
et enregistrées en sous-groupe sur la même thématique. D’une part, parce que les travaux
de groupe sont l’occasion pour les élèves de manipuler leurs connaissances par le langage
oral, de les verbaliser et de les reformuler, étayés par autrui. D’autre part, parce que les
élèves sont amenés à discuter de la validité de leur discours scolaire, à partir des critères
introduits par la grille d’auto-évaluation. C’est donc peut-être d’abord par le groupe, en
appartenant et en participant à « une communauté discursive disciplinaire scolaire », que
les élèves deviennent des sujets énonciateurs scolaires (Jaubert, 2007).

Selon leurs évaluations anonymes de la séquence (questionnaires, annexe 6), les élèves
estiment avoir beaucoup appris sur les syndicats et le droit des salariés, notamment à
travers le projet de rencontre-interview avec le délégué syndical.

2.3.2 Le développement de compétences orales scolaires

D’après les entretiens individuels que nous avons réalisés avec les élèves, au-delà des
difficultés liées à la syntaxe et à la prononciation liées à toute prise de parole, la production
d’une synthèse orale leur a posé des difficultés particulières du fait de sa nature
monologuée et de sa visée explicative. C’est en effet une situation de communication et
une posture énonciative auxquelles ils sont peu confrontés.

« Bon, si je suis seul, en train de parler, on me dit tu vas expliquer tout ce que tu as fait, par
exemple pendant le stage, on devait expliquer les mauvaises conditions ou les bonnes
conditions…Bon si je suis seul, je peux pas parler trop longtemps comme ça. Mais si je suis avec
quelqu’un qui me demande ce que tu as vécu quoi dans le stage, est-ce que tu as trouvé que c’était
intéressant, là je peux parler plus longtemps. Si je suis seul, je ne sais pas quoi dire, je ne peux pas
m’exprimer beaucoup. [..] Parce que souvent je vais oublier … je vais oublier le mot ou le truc
que je dois faire. Je peux pas tout expliquer parce que souvent je suis perdu si je suis seul … mais
si je suis avec quelqu’un qui me pose la question. » (A élève, 2PAR, entretien 10, annexe 3)

Plus que la longueur, il semblerait que ce soit l’absence d’interaction et donc


d’étayage qui rende l’exercice du monologue complexe, les élèves devant mobiliser leurs
propres ressources linguistiques (lexique, syntaxe) et discursives (organisation). Cela
implique une phrase de préparation de l’oral, en termes de recherche d’idées et
d’organisation avant le passage à l’expression.

« Donner ses idées, il faut prendre le temps de bien organiser. Dans ma tête il y a plein d’éléments qui
arrivent et il faut que je prenne le temps de penser. » (S. élève, 2 MAC, entretien 11, annexe 3)

86
En rupture avec l’interaction, le monologue a permis de mettre en évidence la fonction
heuristique de la langue de scolarisation, en s’éloignant de sa dimension interactionniste. Si
ce changement d’usage et donc de pratique de la langue a été source de difficultés, les
élèves expriment un sentiment général de progrès à l’oral au cours de la séquence.
« Je parle mieux qu’avant […] maintenant je peux faire des petits discours » (M.O élève 2MAC,
entretien 8, annexe 3)

Travailler sur les caractéristiques langagières à partir des contenus, grâce à


l’enregistrement vocal et aux grilles d’évaluation, a permis de ne pas réduire
l’apprentissage de la langue de scolarisation et des genres disciplinaires, à une dimension
linguistique, mais de considérer les élèves à partir de ce qu’ils ont à dire, comme des sujets
énonciateurs, narrateurs et producteurs de savoirs (Anderson, 1999). La correction
linguistique des productions a été externalisée en cours de FLE.

2. L’appropriation des instruments de médiatisation et de médiation


pédagogique
Si l’ensemble des activités de la séquence ont permis aux élèves de manipuler par
le langage de nouvelles connaissances, et ainsi participé au processus d’appropriation des
pratiques langagières et cognitives scolaires, l’enregistrement vocal et les grilles
d’évaluation ont eu une place spécifique au sein de notre dispositif d’enseignement de
l’oral en histoire-géo-EMC.

2.1 L’instrumentation de l’enregistrement vocal et des grilles d’évaluation

L’objectif premier de l’enregistrement des productions vocales était d’en faire un


instrument de médiation de l’oral, c’est-à-dire d’en faire une matière langagière matérielle,
observable, analysable et malléable (Rézeau, 2002).

La prise en main de l’outil technologique enregistreur n’a posé aucune difficulté,


puisque nous avons utilisé les smartphones, Whatsapp et sa fonction d’enregistrement
vocal dont les élèves sont des utilisateurs aguerris. Cependant cette familiarité avec l’outil
a peut-être été à double tranchant. Le détournement d’un artefact par lequel il perd sa
fonction première d’usage pour devenir « outil de perception », peut apporter de la
confusion pour les élèves (Rézeau, 2002). Dans le contexte scolaire, les « vocaux » ne
remplacent plus les sms dans le cadre d’une conversation à distance, qui se veut interactive
et instantanée. Comme l’explique Rézeau, ils ne sont plus un outil d’usage, mais de

87
perception. Ils sont plus un moyen de communication qu’un instrument d’apprentissage
d’un genre de discours scolaire, monologué et préparé en amont.

Si les premiers vocaux, réalisés sans consigne de forme, comportaient


effectivement des marques du destinataire (« tu ») et de certaines formulations informelles,
caractéristiques d’un discours interactif à distance, les productions finales en sont
exemptes. Cela laisse penser que les élèves ont bien identifié « la médiatisation » de
l’enregistrement vocal, c’est-à-dire le changement de fonction opérée par la situation de
communication scolaire dans lequel il est utilisé (Peraya, 2010; Rézeau, 2002).

Les élèves ont utilisé les deux potentialités didactiques de l’enregistrement vocal
pour réaliser leurs productions orales finales à savoir, l’écoute et le réeenregistrement.

La possibilité de s’écouter a favorisé une conscience langagière chez les élèves :

« Le fait de m’enregistrer, ça m’a aidé. Je réécoute. Je vois quel mot est bizarre je réfléchis pour
parler mieux. » (A. 2PAR, entretien 10, annexe 3)

Cette conscience langagière semble aussi s’être développée à l’écoute des


productions orales des pairs. En effet, les vocaux étant adressés à l’ensemble du groupe, les
élèves ont mis en dialogue leur production avec celles des autres, que ce soit au point de
vue du contenu et ou de la forme.

« Je me suis réécouté, j’ai écouté tous les vocaux du groupe. C’est très intéressant, écouter les
idées des autres, j’ai vu mon défaut, les défauts des gens. Chacun a compris à sa manière, j’ai pu
analyser. » (S. 2MAC, entretien 11, annexe3)

Le fait de pouvoir se réenregistrer après s’être écouté permet de produire un


discours avec une attention particulière portée sur les éléments à améliorer. Ces brouillons
sonores sont des traces du processus de verbalisation-reformulation caractéristique de la
pratique langagière et cognitive de l’appropriation de connaissances (Jaubert, 2007;
Verdelhan-Bourgade, 2002).

« L’enregistrement ça m’ai aidé beaucoup. J’ai écouté. Et je répète. J’ai écouté mon premier
audio, je répète, je refais encore. Je doute que vous compreniez. Est-ce que j’ai mis les mots au
bon endroit ? » (MO. 2MAC, entretien 8, annexe 3)

« L’instrumentation » de l’enregistrement a été croissante entre la production


initiale et finale. Si pour la première production, les élèves se sont souvent enregistrés
qu’une fois, la production finale a fait l’objet de brouillons sonores pour la majorité (
Rézeau, 2002) .

88
6
5
4
3
2
1
0

1ère production 2ème production

Figure 15 : Nombre d’enregistrements effectués par élèves pour chacune de leurs productions

Pour autant, si l’écoute n’est pas accompagnée, elle ne permet pas nécessairement
d’entrer dans une pratique de construction de connaissances. L’attention des élèves ne se
portera que sur les éléments linguistiques qu’ils sont capables d’identifier, et qui d’après
nos entretiens, concernent la syntaxe et la prononciation. Or, du fait de ses caractéristiques
scolaires spécifiques, la dimension discursive risque d’être absente de cette analyse. C’est
pourquoi, la grille d’évaluation nous parait indispensable pour assurer une médiation
pédagogique. Elle permet d’orienter pédagogiquement « l’instrumentation » de
l’enregistrement vocal, en développant une écoute sélective, et ainsi de soutenir tous les
élèves, quelque soient leurs acquis antérieurs, dans leurs apprentissages (Rézeau, 2002).

Figure 16 : Grille d’évaluation de MO. (2MAC)

89
Comme le montrent les différentes annotations sur cette grille, à chaque étape du
processus de réalisation de la production finale, elle joue un rôle différent :

➢ à l’étape de préparation, elle est un support qui fait office de canevas, comme en
témoignent les notes prises par M.O dans la marge. Comme l’explique I., élève de
2PAR : « Pour parler en audio, on doit expliquer, avec la grille pour organiser les
idées » (entretien 7, annexe 3)

➢ à l’étape des brouillons sonores et de l’enregistrement final, elle accompagne les


réécoutes réflexives, et fait office d’évaluation formative. M.O a passé en revu et
coché les critères remplis.

➢ à l’étape du rendu final, elle a une fonction d’évaluation sommative réalisée par
l’enseignant.

C’est bien la grille de préparation, d’écoute et d’évaluation, qui fait de la médiatisation


de la voix, un instrument de médiation pédagogique.

2.2 Autonomie et émancipation des sujets apprenants

2.2.1 Produire des connaissances en autonomie

Dans un contexte d’enseignement-apprentissage dominé par l’écrit, nous avons


constaté que le travail en autonomie des élèves peu lecteurs-scripteurs, qui plus est, en
découverte de la culture scolaire et de ses implicites (la compréhension des attentes
formulées dans les consignes), est difficile à mettre en place. Les travaux de productions de
connaissances étant le plus souvent écrits, les enseignants échangent d’abord avec les
élèves pour faire émerger et exprimer à l’oral les idées avant le passage à l’écrit. Pour les
peu lecteurs-scripteurs, les enseignants ont recours, dans la limite du temps disponible, à la
dictée à l’adulte. Selon, Mme A. elle permet « de leur montrer qu’ils ont des idées, [qu’]
après c’est juste une question d’écriture » (entretien 3, annexe 4). Bien qu’elle valorise les
connaissances des élèves en levant l’obstacle du code écrit, cette démarche, extrêmement
chronophage, rend les élèves dépendants de l’assistance d’un tiers.

Or, pour Mme N. avec qui nous avons expérimenté ce dispositif, le recours à
l’enregistrement vocal a justement permis de rendre les élèves autonomes dans le mode de
matérialisation de leurs connaissances, et in fine dans le processus de production de savoir,
puisqu’ils en ont la maîtrise :

90
« […] cette fameuse dictée à l’adulte demande un besoin humain. Là à la limite, il le fait seul et
après tu reprends avec lui, moi ça me permet d’aller voir quelqu’un d’autre. […] C’est un support
donc je vais davantage me servir, parce que ça libère du temps pour le professeur, et je trouve
vraiment que ça les stimule, ça libère la parole, et ça leur donne confiance, par ce que comme tu
dis « j’ai des choses à dire » et ça va faciliter à mon avis l’apprentissage, la production écrite. »
(entretien 4, annexe 5)

Si l’enregistrement vocal est une modalité de mise en autonomie des élèves peu
lecteurs scripteurs par l’enseignant, il est également un levier de prise d’autonomie par les
élèves eux-mêmes. En effet, le fait de pouvoir se ré-enregistrer permet aux élèves de
maîtriser la manière dont ils se construisent par le langage aux yeux des autres. En
sélectionnant parmi leurs brouillons sonores, la production qu’ils estiment la plus aboutie,
ils choisissent l’énoncé, dans cette langue étrangère et ce discours scolaire, dans lequel ils
se reconnaissent le plus et qui se rapproche le mieux de la représentation d’énonciateur
qu’ils ont d’eux-mêmes. Au-delà des « fautes », cet écart entre ce qu’il veut dire et la
manière dont les autres le comprennent est cœur de l’insécurité linguistique de M.O élève
de 2MAC :

« Je voudrais parler correctement en français. Même y a des fautes, je m’en fiche, mais si tu es
dans un pays, il faut que tu parles bien, que les gens t’entendent bien […] Je connais quelque
chose dans ma tête, si je veux le dire en français, je me bloque, pour expliquer, pour que les gens
puissent comprendre facilement. » (entretien 8, annexe 3)

2.2.2 Un mode d’expression moins confrontant

Si la possibilité de réenregistrer a dédramatisé la prise de parole, sa dimension


individuelle a favorisé l’expression orale de certains élèves qui, comme I., craignent de
parler devant le groupe : « Souvent moi je ne te parle pas beaucoup quand on est
nombreux. J’ai peur. Mais quand on était à la radio et là-bas. Je m’exprime. J’ai bien
progressé » (I., 2PAR, Entretien 7, annexe 3) .

N. explique que ses camarades ont été étonnés en écoutant son vocal « B. il m’a dit
que je parle mieux au téléphone » (N.2PAR, entretien 6, annexe3). Les interactions courtes
étant la norme dans les cours dialogués, nous avons découvert les capacités discursives de
certains élèves particulièrement réservés. Aborder l’oral continu par le biais de
l’enregistrement pourrait ainsi être une étape transitoire vers la pratique de présentations
orales devant la classe.

91
2.2.3 Inspirer de nouvelles stratégies d’apprentissage chez les élèves

Si, lors de la première production, certains élèves avaient du mal à trouver leurs
idées, faute d’interaction, ils se sont révélés beaucoup plus autonomes dans la réalisation
de la production finale. On peut penser que cela résulte de la conjonction de plusieurs
facteurs : des attentes scolaires mieux comprises, une connaissance de la thématique plus
approfondie, des compétences orales liées aux activités de verbalisation-reformulation en
sous-groupe S’ajoute à cela une meilleure maîtrise des instruments, non pas en termes
techniques, mais méthodologiques. La mise à distance de leur production orale par
l’enregistrement et la grille critériée ont favorisé la réflexivité des élèves. En effet, les
brouillons sonores révèlent une production de connaissances qui s’effectuent grâce à la
mise en dialogue de leurs enregistrements successifs par le biais de la grille critériée.

Enfin, certains élèves ont durablement intégré l’enregistrement sonore dans leurs
stratégies d’apprentissage. M.O élève de 2MAC explique avoir téléchargé une application
d’enregistrement vocal, non liée à Whatsapp, sans fonction de communication, à des fins
purement d’apprentissage.

« J’ai téléchargé un enregistrement sur mon téléphone. Je fais tout seul. Si je veux dire quelque
chose, je dis tout seul, j’enregistre et après je réécoute. […] ça me permet de progresser à mon
niveau de français. » (entretien 8, annexe 3)

Jugeant l’expression orale en continu et à fonction explicative, utile dans d’autres


contextes, il se met en situation de communication, s’enregistre, se réécoute, se
réenregistre…

« Par exemple […] si il y a une autre demande qui est venue, alors que tu peux pas parler même
une minute, c’est difficile. Alors je m’entraine tout seul. Si je veux dire quelque chose, par exemple
si je veux sortir, aller dans le train, les gens que je connais pas, il faut que je parle. » (entretien 8,
annexe 3)

Ces différents résultats nous laissent penser qu’en développant la confiance des élèves
en leurs propres capacités orales et scolaires, ce dispositif a favorisé leur apprentissage et
leur prise d’autonomie.

3. Difficultés et limites du dispositif

Lors de la mise en œuvre de notre dispositif, nous avons rencontré certaines difficultés
et identifié plusieurs limites.

92
3.1 Contexte d’enseignement, situation de communication scolaire et médiatisation
didactique
L’appropriation de la situation de communication par les élèves est indispensable à
la réalisation d’une tâche scolaire de production orale (Dolz & Schneuwly, 2009;
Lafontaine, 2016). Pour certains didacticiens de l’oral, elle nécessite d’inscrire la
production orale dans « un projet de communication » (Dolz & Schneuwly, 2009). En
effet, pour ces chercheurs, c’est en donnant un objectif fonctionnel, hors du cadre scolaire,
à la production orale, qu’elle prendrait sens. Dans ces modèles didactiques de reproduction
d’un genre discursif, définir l’intention de communication revient à présenter « le produit
attendu » (Lafontaine, 2016). Bien que nous n’ayons pas choisi de suivre une telle
démarche, nous nous sommes heurtés à ces deux composantes de la représentation des
élèves de la situation de communication et, in fine, de la tâche à accomplir : l’intention de
communication et le genre discursif.

La compréhension des attendus de la production initiale a posé moins de difficultés


à la classe de 2MAC que de 2PAR. En effet, aucun élève ne se jetaient à l’eau. Ayant
appris par l’intermédiaire d’une autre enseignante d’anglais qu’ils étaient perdus sur « ce
qu’il fallait faire », nous avons décidé d’envoyer un « modèle » c’est-à-dire une production
d’un élève de 2MAC. Cela a tout de suite débloqué la situation.

Bien qu’une différence de niveau existe entre les deux classes, elle ne suffit pas à
expliquer cet écart, d’autant plus que la thématique avait été mieux posée avec les élèves
en 2PAR qui, contrairement aux 2MAC, ont réalisé les activités de conception–
verbalisation avant leur prise de parole. D’après nous, c’est le contexte de confinement qui
aurait influencé la lisibilité de cette situation de communication scolaire médiatisée par les
élèves. Pour les 2MAC, nous avions présenté le recours à Whatsapp et à l’enregistrement
vocal comme un moyen de communication de l’enseignement à distance, remplaçant
l’interaction en classe. Il n’a été institué en instrument didactique qu’au moment de
l’introduction de la grille critériée et de l’auto-évaluation, au retour en classe. Pour les
2PAR, la production initiale a été donnée en devoir maison, en dehors du confinement. Les
cours ayant repris en présentiel, Whatsapp et ses vocaux passaient d’une situation de
communication médiatisée, par nécessité, à une situation didactique instrumentée, inédite.
N’ayant pas anticipé l’influence du contexte d’enseignement (distanciel ou présentiel) sur
la représentation que les élèves se feraient de la situation de communication scolaire, et in
fine, de la tâche à accomplir, nous n’avons pas adapté nos explications de la tâche. Ce qui
leur été demandé implicitement était de transformer ce mode de communication familier,

93
en un instrument didactique sans en connaître les objectifs. En effet, expliciter le rôle
didactique de l’enregistrement vocal dans ce nouveau contexte aurait été nécessaire et nous
aurez probablement menés à aborder les compétences orales attendues en histoire-géo.

3.2 Une intention de communication conditionnée par les attentes scolaires


Malgré l’absence de projet de communication, les productions orales révèlent une
adéquation entre l’intention de communication des élèves et les attendus scolaires. La
plupart ont trouvé du sens dans cette situation de communication scolaire n’ayant d’autres
fins que la production langagière de connaissances disciplinaires. Pour autant, le besoin de
d’exemples, exprimés précédemment, révèle l’incertitude des élèves quant aux attentes
scolaires. Pour S. élève en 2MAC, elle est sa principale difficulté scolaire :

« Pour chercher des idées, mais… ça c’est un peu difficile parce que ce qu’on pense, alors que…
ce que vous voulez qu’on dise, c’est pas cela qu’on pense. Des fois j’ai pensé quelque chose alors
que vous avez même pas voulu qu’on parle de ça. » (entretien 11, annexe 3)

Cela nous interpelle donc sur les moyens didactiques à mettre en œuvre pour
soutenir spécifiquement les élèves peu scolarisés antérieurement dans la construction de
sens des activités scolaires. Si, l’objet du FLSco est de permettre aux élèves de maîtriser,
pour ne plus les subir, les codes scolaires, il parait peu pertinent de les y soustraire en
allant puiser du sens dans des usages fonctionnels extérieurs, non-liés à la production de
connaissances. Toutefois, si le projet de communication est envisagé comme la diffusion
des connaissances des élèves, il pourrait peut-être permettre d’intégrer les productions
enregistrées comme des exercices intermédiaires, tout en leur conférant un objectif et un
enjeu plus concrets.

3.3 Le projet d’interview-reportage, un fil rouge mal intégré au dispositif


Initialement, notre projet radiophonique devait être le fil rouge de notre séquence
permettant d’articuler les différentes composantes des compétences orales ciblées et la
thématique disciplinaire L’interview devait aboutir à une forme de diffusion, celle du
reportage ou de l’émission. Or, le confinement, les adaptations successives du projet nous
ont amenées à revoir la place de ce projet au sein de la séquence, en fonction des objectifs
pédagogiques, des besoins des élèves et du temps imparti.

Bien que nous ayons sauvegardé la partie interview de la rencontre avec le


syndicaliste, son exploitation pédagogique a été très succincte faute de temps.

94
Par ailleurs, l’expérience d’enregistrement et de manipulation des outils techniques
est l'aspect du dispositif à propos duquel les élèves ont été les plus critiques. Plus qu’un
manque d’intérêt79, c’est sans doute l’accès inégal à l’expérience de technique radio qui
explique ce retour. Si le nombre d’élèves responsables de la prise de son lors de l’interview
était limité, il aurait sans doute fallu intégrer davantage de manipulation en amont et en
aval de l’interview, au cours de la séquence.

Eregistrer une interview Apprendre à manipuler le matériel radio

N'a pas aimé Bof A beaucoup aimé N'a pas aimé Bof A beaucoup aimé

Figure 17 Evaluation de la séquence sur le syndicalisme par les élèves 80

Ainsi bien que le projet d’interview et de reportage ait joué un rôle dans le
déroulement de notre séquence, notamment au niveau de l’entrée thématique par la
compréhension orale, et de l’analyse discursive de l’organisation d’un discours oral
journalistique, son intégration au sein du dispositif didactique n’était pas aboutie. Il est
difficile de savoir si ce détour par un genre oral formel non scolaire a eu des effets de
transfert sur l’appréhension de l’organisation de leur oral monologué.

3.4 La production orale des connaissances : un contournement ou un détour pour


aller vers l’écrit ?
Travailler la production de connaissances à travers l’oral visait d’une part, à
préparer les élèves aux exigences de l’examen oral du CCF d’histoire-géographie-EMC, et
d’autre part à permettre aux élèves peu lecteurs-scripteurs de s’instituer en sujet scolaire,
sans que l’écrit soit une entrave. L’évaluation des productions finales des élèves laisse
penser que l’écrit n’est effectivement pas la seule porte d’entrée par laquelle enseigner et
apprendre les ressorts de l’oral scriptural.

79
Au cours d’autres projets radio effectués pendant le stage, les élèves se sont montrés très volontaires, allant
même jusqu’à participer pendant leur temps de pause, le midi. I. en 2PAR aimerait faire d’autres rencontres-
interviews, avec des patrons d’entreprises par exemple (entretien 7, annexe 3)
80
Issu du questionnaire (annexe 6)

95
En en restant là, on peut y voir une stratégie d’évitement qui s’appuie sur les forces
des élèves à l’oral, en perdant de vue leurs besoins spécifiques à l’écrit. Pourtant les
compétences scripturales développées à l’oral par les élèves en termes de structure
discursive, de positionnement énonciatif et d’objectivation du discours pourraient faire
l’objet d’un transfert à l’écrit, comme le suggère Nonnon (2011, 188) :

« Comme objet d’apprentissage, l’oral apparaît comme une condition d’accès à la lecture et
l’écriture (qui supposent la pratique d’un langage explicite et décontextualisé, dont les
significations échappent au contexte immédiat partagé), mais aussi d’accès à une pensée structurée
et consciente d’elle-même ; son importance est aussi affirmée comme outil pour tous les
apprentissages disciplinaires, pour lesquels les débats (scientifique, littéraire...) et la confrontation
des points de vue sont valorisés, ainsi que les processus de représentation et de verbalisation. »

Selon Mme N. la qualité des productions écrites des élèves au Delf blanc n’est pas
sans lien avec l’ensemble du travail effectué lors de la séquence :

« [le passage par l’enregistrement] j’ai l’impression que c’est plus productif pour eux, je trouve
qu’ils arrivent davantage après à écrire et à structurer ce qu’ils écrivent. » (entretien 4, annexe 5)
Cependant, en l’absence d’activité de production écrite spécifique, il nous est
impossible d’évaluer le potentiel médiateur de notre dispositif.

96
Conclusion

Mon ambition initiale pour le stage, était d’élaborer des outils de FLSco
transférables aux enseignants en lettres-histoire, faisant face à un public d’élèves
allophones et éloignés de l’écrit et de la culture scolaire. Le résultat est une séquence
pédagogique de 10h, bien trop touffue pour être clé en main.

Néanmoins, en se focalisant sur le recours à l’enregistrement vocal dans une


didactique de l’oral, intégrée à l’enseignement en histoire-géographie, ce travail m’a
permis d’ouvrir quelques champs de réflexions qui, j’espère, inspireront d’autres
enseignants.

Notre recherche tient de l’exploration plutôt que de la démonstration. Nos données


terrain, notamment les productions orales des élèves, sont trop limitées pour conclure au
fonctionnement de la dimension langagière du processus de constructions de
connaissances. En revanche, elle permet de montrer que les difficultés d’accès à la
production de connaissances, d’ordre linguistique ou scriptural, des les élèves peu lecteurs-
scripteurs, peuvent être contournées en abordant le discours scolaire sous sa forme orale.

Tout laisse penser, d’ailleurs, que les compétences scripturales orales développées
par les élèves pourraient faire l’objet d’un transfert à l’écrit. En effet, la méthodologie de
production d’un oral continu, ses étapes de préparation et de brouillons, ainsi que ses
caractéristiques discursives liées à l’énonciation et à l’organisation des idées sont valables
pour la production d’un écrit réflexif. Néanmoins, cet aspect n’a pu être vérifié et pourrait
faire l’objet d’une recherche approfondie.

L’observation du déroulement des séances, l’analyse des productions des élèves, et


les entretiens semblent vérifier l’hypothèse selon laquelle l’enregistrement des productions
orales a participé, conjointement avec l’ensemble des activités de la séquence à
l’appropriation de connaissances et de compétences des élèves. L’enregistrement vocal
accompagné de la grille critériée a favorisé la prise de conscience langagière des élèves, et
in fine l’émergence d’une posture de réflexivité par rapport à leurs connaissances et à leurs
compétences langagières.

Enfin, ce travail de recherche-action a souligné le lien fondamental qui lie un sujet


énonciateur à son objet d’énonciation. Ces élèves, quasiment tous adultes, doivent être

97
considérés à la hauteur de leurs expériences, connaissances et réflexions. Soutenir le
processus d’énonciation par lequel les élèves s’instituent en sujet scolaire, ne passe pas
uniquement par des instruments didactiques. Le choix des thématiques disciplinaires
abordées, la place consacrée aux interactions entre pairs, et la légitimation de l’oral comme
moyen de production de connaissances sont primordiaux. Relativement à notre thème, le
syndicalisme, les enseignants ont appris des élèves, concernant leurs conditions de stage.

Au terme de ce mémoire, il me semble être passée par les mêmes processus


langagiers de construction de connaissances que les élèves. La collaboration avec les
enseignants, le partage d’objectifs communs, l’échange de pratiques pédagogiques et
d’approches didactiques, les lectures théoriques, m’ont initiée à cette communauté
discursive en didactique du FLSco.

Plutôt qu’une boîte à outils, le FLSco me semble être une pratique didactique de
l’interdisciplinarité, qui ne peut se passer de collaborations humaines. Aussi, les liens
entre enseignements en FLES-alphabétisation et enseignements ordinaires disciplinaires
gagneraient sans doute à s’envisager de manière plus structurelle. Sur le terrain, face aux
enjeux d’enseignement et d’apprentissage posés par la scolarisation de ces élèves, de
nouvelles formes d’accompagnement et de dispositifs s’imaginent déjà.

« Un CAP en 3 ans ce serait vraiment l’idéal. On voit bien la MLDS ou l’UPE2A, les élèves en ont
besoin, mais ce n’est pas suffisant pour suivre un cursus classique, surtout pour des NSA.
Quelques heures de FLE. Tu vois bien c’est disséminé, après ça manque de cohérence, de lien.
[…] Je pense que ce serait vraiment un super projet pédagogique de créer cette année où il y
aurait des profs de FLE et des profs de discipline. Vraiment, ce serait autre chose. » (Mme N.,
Entretien 4, Annexe 5)

98
Bibliographie
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104
Sigles et abréviations utilisés

2PAR : Seconde Peintre, Applicateur et Revêtement (la première année du CAP)


2MAC : Seconde Maçon (la première année du CAP)
APT : Autorisation provisoire de travail
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
DREETS : Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités
DPJJ : Direction de la protection judiciaire de la jeunesse
DSDEN : Direction des services départementaux de l’Education Nationale
CAP : Certificat d’aptitudes professionnel
CASNAV : Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement
arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs
CECRL : Cadre européen de CESIFEM : Centres de formation et d’information sur la
scolarisation des enfants de migrants
CFA : Centre de formation d’apprentis
CCF : Contrôle en Cours de Formation
CIO : Centre d’information et d’orientation
CLA : Classe d’accueil
CLIN : Classe d’initiation
EANA : Elèves allophones nouvellement arrivés
EMC : Education morale et civique
FLE : Français langue étrangère
FLES : Français langue étrangère et seconde
FLS : Français langue seconde
FLSco : Français langue de scolarisation
HG : Histoire-géographie
Histoire-géo : Histoire-géographie
MGIEN : Mission générale d’insertion de l’éducation nationale
MIE : Mineur(s) isolé(s) étranger(s)
MLDS : Mission de lutte contre le décrochage scolaire
MMNA : Mission mineurs non-accompagnés
MNA : Mineur(s) non-accompagné(s)
PSA : Peu scolarisés antérieurement
NSA : Non-scolarisés antérieurement
UPE2A : Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants

105
Table des illustrations
Figure 1 : Évolution du nombre de mineurs isolés confiés à l’ASE sur décision judiciaire ............ 13
Figure 2 : Nombre de mineurs non-accompagnés par tranche d’âge, sur l’ensemble du territoire .. 14
Figure 3 : Langues parlées et/écrites des élèves dont le français n’est pas langue première ........... 25
Figure 4 : Pays d’origine des élèves ................................................................................................. 25
Figure 5 : Parcours scolaires des élèves allophones avant leur arrivée en CAP .............................. 26
Figure 6 Schématisation du cycle de la recherche-action d’après Susman (1983) .......................... 29
Figure 7 : Approche de l’acquisition de la maîtrise d’un genre dans le cadre du curriculum
(Hammond, 2001).................................................................................................................... 58
Figure 8 : L’enregistrement vocal au sein d’un dispositif d’enseignement de l’oral en EMC, en
contexte de FLS. ...................................................................................................................... 72
Figure 9 : Photographie du cortège du 1er mai 2021 à Grenoble utilisée comme document
déclencheur .............................................................................................................................. 73
Figure 10 : Les exemples de mauvaises conditions de travail de la classe de 2PAR ....................... 75
Figure 11 : Questions du groupe chargé de la durée du travail (2PAR)........................................... 77
Figure 12 : Rédaction de l’introduction du reportage par un sous-groupe (2PAR) ......................... 78
Figure 13 : Transcription de la production finale d’A. formalisée dans la grille d’évaluation ........ 82
Figure 14 : Transcription de la production finale de L formalisée dans la grille d’évaluation ........ 84
Figure 15 : Nombre d’enregistrements effectués par élèves pour chacune de leurs productions .... 89
Figure 16 : Grille d’évaluation de MO. (2MAC) ............................................................................. 89
Figure 17 Evaluation de la séquence sur le syndicalisme par les élèves .......................................... 95

106
Table des annexes

Annexe 1 : Grille d’entretien des enseignants ................................................................................ 108


Annexe 2 : Grille d’entretien des élèves ........................................................................................ 109
Annexe 3 : Listes des entretiens ..................................................................................................... 110
Annexe 4 : Transcription l’entretien 3 (extraits) ............................................................................ 111
Annexe 5 : Transcription l’entretien 4 (extraits) ............................................................................ 118
Annexe 6 : Questionnaire d’évaluation de la séquence par les élèves ........................................... 124
Annexe 7 : Profils des élèves en seconde CAP Peinture, Application et Revêtement ................... 125
Annexe 8 : Profils des élèves en seconde CAP Maçonnerie .......................................................... 127
Annexe 9 : Transcriptions et analyses des productions initiales de A. et L. .................................. 129
Annexe 10 : Transcriptions et analyses des productions orales finales d’A. et L. ........................ 131
Annexe 11 : Fiche pédagogique de la séquence ............................................................................. 133
Annexe 12 : Fiches élèves .............................................................................................................. 143

107
Annexe 1 : Grille d’entretien des enseignants

108
Annexe 2 : Grille d’entretien des élèves

109
Annexe 3 : Listes des entretiens

Entretien Personne Fonction / Statut Date Durée


1 Maryse Coordonnatrice du CASNAV 17 novembre 45 min
Vincent de Grenoble 2020
2 M. F Enseignant en lettres-histoire 24 mai 2021 40 min
3 Mme A. Enseignante en lettres-histoire 15 juin 2021 1h45
4 Mme N. Enseignante en lettres-histoire 30 juin 2021 1h15
et en FLES
5 M.L. Elève 2nd CAP Maçon (2MAC) 2 juin 2021 19 min
6 N. Elève 2nd CAP Peintre (2PAR) 4 juin 2021 24 min
7 I. Elève 2nd CAP Peintre (2PAR) 4 juin 2021 17 min
8 M.O Elève2nd CAP Maçon (2MAC) 2 juin 2021 25 min
9 I.S Elève 2nd CAP Maçon (2MAC) 12 juillet 2021 20 min
10 A. Elève 2nd CAP Peintre (2PAR) 3 juin 2021 16 min
11 S. Elève 2nd CAP Maçon (2MAC) 2 juin 2021 13 min
12* L. Elève 2nd CAP Peintre (2PAR) 4 juin 2020 23 min
13* S.E Elève 2nd CAP Maçon (2MAC) 2 juin 2020 37 min

*Les entretiens de L. et de S.E n’ont pas été cités, mais font partie des analyses globales.

110
Annexe 4 : Transcription l’entretien 3 (extraits)

Mme A., 42 ans, enseignante en lettres-histoire depuis 4 ans, depuis 2 ans en CAP

Grenoble, le 15 juin 2021 – 1h45

[…] Depuis combien de temps tu travailles avec des élèves allophones ?

Alors, j’en ai eu 2, 3 qui venaient de l’ENA, je sais si ça s’appelle comme cela, c’est un
peu comme les UPE2A, mais c’est la version au-dessus. A Argouges, donc, mais eux, ils
savaient très bien lire et écrire. Mais par contre quand je suis arrivée à P. l’année dernière,
je me suis retrouvée avec une classe où 70% était allophones, 40% n’avaient jamais tenu
un stylo. Très vite je m’en suis rendu compte. Le premier jour quand je leur ai demandé de
faire la page de garde avec nom prénom et que je me suis rendu compte qu’ils ne savaient
pas s’orienter sur une page, qu’ils savaient même pas tenir un stylo, j’ai fait ouf. Je ne sais
pas où je suis tombée, mais ce n’est pas mon métier.

C’est une classe de quoi ?

C’est des CAP agents de propreté et d’hygiène. Je les ai amenés jusqu’en CAP.

Et tu n’avais pas du tout été informée ?

Non, je te dis, je ne savais même pas que c’était possible. J’avais eu des ENA, ils étaient
rentrés en seconde bac pro, donc c’est des élèves qui avaient un niveau scolaire important.
Là, je me suis retrouvée avec des élèves qui parlaient à peine français. […] Et puis des
Africains qui avaient leur culture, qui avaient vraiment du mal avec le fait qu’une femme
leur donne des ordres. Au départ ! C’est plus le cas.

Ils étaient de quelle origine ?

Beaucoup de Guinéens, Maliens, Côte d’Ivoire, pour la plupart. Après j’ai une petite
Syrienne, mais ce n’est pas pareil elle est arrivée avec ses parents, elle avait été à l’école
coranique, donc elle savait apprendre, elle connaissait son statut d’élève. Alors que mes
petits Africains, par contre, ils ne savaient même pas se comporter en classe.

Ils venaient de MLDS, tu sais ?

Alors soi-disant ils venaient d’UPE2A et soi-disant ils avaient le Delf. Mais ils avaient
clairement pas un niveau A1. J’ai dû leur apprendre à lire et à écrire. Ils savaient les lettres,
mais sans une aide ils étaient incapables de comprendre.

Et toi, tu es prof de lettre/historienne…

Et j’ai un parcours d’historienne !

Alors comment tu t’y es pris pour cette enseignement de lecture/écriture ?

111
Alors j’ai eu la chance d’avoir maman R., une collègue de FLE envoyée par le CASNAV,
avec qui j’ai énormément travaillé, en fait on faisait les cours à deux, donc on montait les
cours à deux.

Elle ne les prenait jamais seule?

Très peu, finalement. Au départ on s’était dit qu’on allait faire moitié-moitié, mais quand
on s’est rendu compte que moi il me restait trois élèves, on s’est dit que ça n’allait pas
marcher comme ça, donc qu’on allait faire d’une autre manière. Donc on a travaillé
ensemble les cours. Au départ, elle m’a expliqué pour les allophones, il vaut mieux faire
des lettres d’imprimerie pour qu’ils arrivent mieux à me lire. On a beaucoup travaillé
ensemble pour réduire tout ce que je voulais faire, pour l’adapter aux allophones.
Finalement cette année R. n’étant plus là, elle n’a plus l’UPE2A, j’ai dû me débrouiller
toute seule, avec les bases qu’elle m’avait données.

Parce qu’elle, elle avait une UPE2A au lycée P. ?

En fait, elle n’avait pas l’UPE2A, on avait une professeure déléguée par le Casnav pour
venir nous aider en plus, mais qui était censée prendre un élève comme cela à la place du
français, je le mets en FLE.

Mais ils n’avaient pas de cours en plus de FLE en plus ?

Si, ils ont deux heures de cours de FLE en plus, mais ça c’est assuré par d’autres collègues
qui ont la certification.

Donc il y a et les collègues qui ont la certification qui font des cours de FLE, et de la co-
intervention avec le CASNAV sur des heures spécifiques, c’est ça ?

Oui et l’UPE2A et la MLDS ! Mais, on a beaucoup d’élèves, alors moins cette année parce
que je pense que c’est à cause de la crise sanitaire, mais effectivement, on est
l’établissement de Grenoble qui draine le plus d’élèves allophones à cause de nos sections.
Parce qu’on a la section APH, agent de propreté, PCR c’est personnel de restauration.
Donc c’est des sections qui attirent énormément les élèves allophones, et les métiers du
pressing aussi qui ont pas mal d’allophones.

C’étaient quels genres d’adaptation que vous faisiez ?

Pour travailler les textes, en lettres. Pour l’EMC, on a adapté la charte de la laïcité, pour
qu’ils comprennent un peu l’EMC comment ça marchait, parce que c’est important pour
eux surtout s’ils veulent demander après les papiers.

C’est-à-dire adapter les textes ?

Simplifier le texte, utiliser des images, changer le vocabulaire pour qu’il soit plus simple et
puis revoir les choses d’une autre manière. C’est surtout cela. Autant le français il fallait
leur apprendre à lire et à écrire, donc je me suis beaucoup inspirée des professeurs des
écoles pour faire mes cours. Par contre, pour l’histoire géo c’était plus compliqué, parce
que là, ils avaient aucune base. Quand tu arrives après le brevet, normalement tu es censé

112
avoir un minimum requis et là il a fallu moi-même que je reprenne le minimum requis,
parce que là R. ne pouvait pas m’aider pour ce qui est connaissance d’histoire-géographie.
On a appris les siècles, les années, lire une carte, les continents, les océans, le nord le sud
l’est l’ouest, lire une frise chronologique. Et résultat j’ai dû faire des choses très concises,
et beaucoup d’oral plutôt que des textes.

Qu’est ce que tu as utilisé pour remplacer le texte par l’oral ?

Des émissions de radio, de la vulgarisation pour les jeunes, style c’est pas sorcier où il y a
un vocabulaire... En français j’ai beaucoup utilisé la musique, parce que ça marchait bien et
ça leur parlait beaucoup. Partir de la musique pour ensuite travailler l’EMC ou la
géographie pour travailler sur les migrations. J’ai utilisé une chanson de Big Flo et Oli
pour travailler sur les migrations. Pourquoi on migre, pourquoi, comment. […] cela nous a
permis de bien travailler là-dessus et en plus d’évoquer leur parcours sans les brusquer,
parce qu’ils sont extrêmement secrets par rapport à cela. C’est difficile de s’ouvrir. On a
aussi beaucoup travaillé sur mon pays / la France, cela nous a permis de travailler la
géographie.

C’est-à-dire ?

Par exemple, quels sont les climats. Alors on va voir quels sont les climats en France, et
dans ton pays quels sont les climats, la végétation. Et puis je me suis beaucoup inspirée de
ce qu’on fait en primaire. A Noël on a travaillé sur les fêtes religieuses, et est-ce qu’il y en
dans ton pays a, est-ce qu’elles sont importantes, ce genre de choses. On est parti de la
temporalité.

Aller chercher comme cela comparaison, tu penses que ça permet quoi ?

Ça leur permet de comprendre la notion de culture. Parce que j’ai quand même l’année
dernière un élève qui m’a dit, mais madame en France, il n’y a pas de culture. Donc qu’est-
ce que c’est le culturel, ce genre de choses. Donc on est parti de là. Donc c’est pour cela
qu’on a commencé à comparer. Je l’ai aussi utilisé en EMC quand on travaillé les
symboles de la République, les symboles de la république c’est quoi, l’hymne, la fête
nationale et alors dans ton pays est-ce qu’il y a un hymne, et on va les chercher. Cela leur
permet de se rendre compte qu’il y a aussi une structure sociale dans leur pays, leurs
différences, de comprendre et d’intégrer un peu mieux l’EMC. Je sais que les symboles de
la république, grâce à cela ils les connaissaient. Ils ont été capables de m’expliquer lors de
l’oraux du CCF que le 14 juillet, c’était la fête nationale que ça avait rapport avec la prise
de la Bastille. Grâce au pays, alors la fête nationale de ton pays c’est quoi, c’est un
évènement particulier, l’indépendance… On fait des liens, et on reconstruit les choses
d’une autre manière.

A partir de quelque chose qu’ils connaissent …

Ouais, c’est partir de leurs savoirs pour pouvoir remonter les choses.

Donc ça, ça a été une forme d’adaptation ?

Oui de travailler sur leurs expériences et sur leurs connaissances pour pouvoir associer mes
savoirs. Par contre pour la méthode, clairement ce n’était pas…

113
En en radio, du coup, parce que c’est pas sorcier c’est de la vidéo. Tu travaillais avec
quoi ?

Et en radio, des trucs que l’on trouve sur France Culture… j’ai aussi beaucoup pioché dans
les sites de FLE de Guyane, le Rectorat de Guyane. J’ai travaillé sur le travail des enfants
par exemple avec une séquence de là-bas. Et sur TV5 Monde, il y a un truc enseigner le
français un truc comme cela. La radio ça marchait bien cette année. L’année dernière
c’était trop rapide pour eux, ce n’est pas pour des alphas purs. La radio c’est pas facile.
Après ça permet l’écoute. Je me suis aussi beaucoup inspirée de mes cours de langue en
fait, avec plus d’oral et d’écoute que d’écrit et de lecture.

Et du coup l’écrit, tu le travaillais en français ?

Oui, et l’écrit c’était toujours très dirigé. Certains étaient incapables de faire des phrases
simples, et encore maintenant il y en certains qui ont du mal à faire des phrases simples. Ils
parlent bien le français, ils comprennent, c’est déjà pas mal ! Ils savent écrire.

Du coup l’apprentissage de l’écrit c’est plus en français, et en histoire ?

Et en histoire c’étaient plus des textes à trous, beaucoup d’oral mais il fallait quand même
qu’ils aient une trace écrite, donc des textes à trous, très courts .. toujours écrire au tableau
pour qu’ils puissent écrire correctement derrière. Et comme en plus de cela l’histoire géo
au CCF, ils l’ont à l’oral et pas à l’écrit, je me suis concentrée sur de l’oral.

Et du coup pour travailler sur l’oral ? Est-ce que tu travailles l’oral spécifiquement ?

Cette année un peu, on a fait l’entretien d’embauche, tu as le patron, qu’est ce que je dis,
comment je me présente. Mais ça, ça ne marche pas bien parce qu’il y a le regard des
autres, c’est difficile pour eux. Ça, ça a marché cette année, l’année dernière je me serai
jamais lancée là-dedans, Clairement le regard des autres, parler devant l’autre c’est déjà
compliqué. Là c’est vraiment parce qu’on avait installé un climat de confiance, de
bienveillance que je l’ai fait. Très peu de passages au tableau, où tu fais un exposé, où tu
parles de quelque chose, ça j’ai complètement abandonné. Ça marche pas du tout. Je me
suis très vite rendu compte que même de leur place ils refusent, quand tu leur poses la
question directement, tu en as beaucoup qui refusent la parole, ils vont dire je sais pas,
alors qu’ils savent, ou rester muet à te regarder, en baissant la tête.

Et comment tu as fait alors ?

Je sais pas, je pense que c’est au fil du temps, cela s’est fait naturellement, l’espace de
confiance s’est créé peut-être parce que dès qu’il y avait quelqu’un qui se moquait, il se
faisait reprendre. Dès qu’il y en avait un qui rigolait, de l’accent, de machin ou de trucs,
tout de suite je le mettais à l’amende devant tout le monde : non cela n’est pas acceptable.
Mais il y en a quand même qui sont restés sur la réserve très longtemps, qui ont toujours eu
du mal, à ce moment-là il fallait les gronder un petit peu « non c’est toi que je veux
interroger et tu sais, alors essaye, réfléchis ». Je pense qu’il y a pas de méthode miracle, il
faut être patient et se dire qu’il ne faut pas trop forcer, faut forcer les choses quand même
un petit peu sinon il ne parlera jamais, mais il faut savoir doser la limite, entre le refus je ne
veux pas et le refus je ne sais pas…

114
Comment tu t’organisais pour les faire travailler sur les supports écrits, en classe, en
groupe ?

J’étais toujours en classe entière, il y avait énormément d’entraide. Mais ça c’est la classe,
je ne pense pas que j’ai fait quelque chose de particulier. C’est vraiment une classe qui
était très soudée dès le départ, très vite les meilleurs ont expliqué aux plus faibles et ils ont
la patience… j’ai fait très peu fait de travail en groupe, parce que c’était très compliqué.
Soit mettre tous les alphas ensemble et rester avec eux, soit un alpha et un ; un peu plus
FLE ensemble, mais là il y en un travaillait et l’autre qui ne faisait rien. Donc c’était
beaucoup de classe entière et on travaille les uns avec les autres.

Donc tu oralises beaucoup ?

Oui, il faut tout oraliser. C’est vraiment fatiguant […] Rien que quand je donne un
exercice, il faut lire avec eux la consigne, comprendre la consigne, réexpliquer la consigne
avec eux, je connais pas ce mot là qu’est ce que ça veut dire, et après il faut revenir,
essayer de les faire réfléchir donc les faire parler, puis revenir pour faire une correction,
donc comment on va faire notre phrase, écrire au tableau. Donc tout se fait en classe
entière… il y a pas de possibilité d’autonomie pour ces élèves-là. Il y a peut-être des
façons de faire, mais moi en tout cas je la connais pas. Pour moi, c’était la façon la plus
simple, épuisante, clairement, mais la plus simple.

Tu travailles donc tout le temps en classe entière …

Comme j’avais une élève ULIS, j’avais une AVS qui ne s’occupait pas tout le temps de
l’ULIS parce qu’elle en avait pas besoin donc qui aidait les élèves allophones. Et l’année
dernière j’avais R. donc on était quand même trois adultes dans la classe, donc pendant le
temps où on réfléchit où on essaye de comprendre, là on essayait d’aller les uns avec les
autres. J’ai fait très peu de différenciation finalement.

Tu le faisais pas dans le support, mais d’une manière ou d’une autre …

Alors très peu dans le support après clairement j’allais aider les élèves les plus en
difficultés, les autres je les laissais se débrouiller tout seul, et puis après on faisait une
correction ensemble donc ils ne se sentaient pas exclus. Bon après, ils me réclamaient tous,
donc je courrais dans tous les sens dans la classe, surtout cette année où je n’avais plus R.
et ils ont énormément tardé à envoyer quelqu’un du Casnav.

Tu as fini par avoir une aide ?

Oui, mais en fin d’année et j’ai pas réussi à travailler avec elle correctement. J’avais pris
mes marques et résultat, j’avais plus besoin. C’était plus la peine en fait, j’avais trouvé
mon rythme de croisière.

Quand en français tu faisais de l’alpha, là tu différenciais ?

Oui, je différencie. Je différencie aussi sur les attentes. Je pouvais poser les mêmes
questions, mais je n’avais pas les mêmes attentes.

115
Et pour la préparation du CCF ?

[…] je sais pas si t’as vu comment se déroule le CCF ? Déjà c’étaient les plâtres parce que
c’est la première année. Donc ils ont un texte, qu’ils doivent lire. C’était un texte de
théâtre, on l’a lu à deux en essayant de jouer la chose pour qu’ils comprennent bien ce qu’il
se passe. Et ils doivent continuer le texte avec des contraintes d’écriture. Alors là, j’avais
trouvé un texte qui s’appelle « la vocation », une collègue qui disait justement qu’avec ses
alphas ça marchait bien effectivement. Ils devaient continuer le dialogue entre le père et le
fils, le père demandait à son fils ce qu’il voulait faire plus tard et son fils n’osait pas lui
dire. Donc continuer cette discussion. On l’a travaillé avant le texte, normalement on est
pas censé. Mais là on avait travaillé « je suis fier de toi ».. on avait déjà fait le travail à
l’oral avant, et ils avaient réécrit les phrases sur leur cahier, et pour les alphas je leur avais
fait faire les phrases plusieurs fois, recopier la phrase plusieurs fois. Et avec des choses
simples, je suis fier de toi, tu n’as pas à t’inquiéter. Et après ils devaient continuer le
dialogue et inventer la vocation du fils, et expliquer pourquoi ils voulaient faire ça. Ça
aussi on l’avait travaillé avant parce qu’on avait travaillé sur un texte de Fermine,
« Neige ». C’est un jeune japonais qui veut devenir poète. Donc on avait travaillé sur le
haïku, la poésie et le fait d’être poète… […] avec les FLE j’ai pas osé aller jusqu’aux
haikus parce que c’est quand même compliqué pour eux, j’ai pas osé […] Mais on a
travaillé sur la vocation, alors artiste est-ce que c’est métier ? Parce que le père dit que
c’est pas un métier "artiste", que c’est un loisir. Alors qu’est-ce que c’est qu’un métier
qu’est-ce que qu’un loisir. Donc avec ça plus « la vocation », on avait réussi à faire un
texte. Et eux ils devaient continuer le dialogue et ils se sont plutôt bien débrouillés. Pour
les moins scripteurs, ce que j’avais fait c’est que comme ça se faisait en trois temps. Le
premier temps, on a expliqué le texte ensemble. Le deuxième temps, on s’est partagé la
classe avec M. et T. l’AVS, je leur avais donné à chacun un élève et moi j’en avais deux, et
en fait ils me dictaient et j’écrivais. Et pour le troisième temps, le texte qui avait été écrit
par les scripteurs je les retapais et je leur ai demandé de recopier ce qu’ils pouvaient.
La première partie ça m’a permis d’évaluer leur compréhension du texte et leurs idées. Et
la deuxième de voir leur façon d’écrire. Parce qu’il y en a qui m’ont fait deux, trois pages
en dictée, mais ils n’ont pas réussi à réécrire les deux trois pages derrière, mais bon c’était
histoire de leur montrer qu’ils ont des idées, après c’est juste une question d’écriture. Que
le texte, c’est eux qui l’ont produit.

Quand tu utilises la radio, la musique, comme document déclencheur, est-ce que tu


l’utilises comme uniquement pour introduire la thématique et après tu amènes d’autres
documents plus disciplinaires? En histoire par exemple ?

Très peu. En histoire-géo, l’émission de radio, j’ai introduit ma carte sur le travail des
enfants grâce à cela. Bien sûr que j’apporte autre chose derrière, mais peu parce qu’ils ont
du mal avec des documents classiques. Une carte, avant de pouvoir travailler sur la carte, il
a fallu que je leur explique que la terre était ronde, qu’il a un hémisphère nord et un
hémisphère sud, l’équateur, j’ai utilisé la mappemonde … c’est complexe. J’ai dû partir de
la base.
Avoir travaillé au collège, je savais qu’il y avait des élèves qui étaient incapables de
conceptualiser. Au collègue ils ont du mal à conceptualiser, donc ça m’a beaucoup aidé,
j’ai repris beaucoup de trucs de 6ème pour pouvoir les aider à conceptualiser un peu plus.
Mais clairement je pensais pas aller jusqu’à faire le soleil, avec ma mappemonde. C’est des
choses qui nous paraissent tellement évidentes et qui ne le sont tellement pas pour eux. La
terre ronde, ils me regardaient comme si je leur parlais chinois. […]

116
Monter un truc avec eux m’angoissait, parce que j’avais l’impression de ne pas être
légitime. Moi, je suis professeur de lettres déjà, pas de français, on ne fait pas de
grammaire, on fait de l’analyse littéraire, de la sensibilité ce genre de choses. On est pas
censé faire de la grammaire pure, j’apprends la conjugaison ou la phrase simple. Et encore
on la travaille la phrase, mais jamais dans la une posture de prof de français. Mais dans une
posture où je vais analyser un texte et j’ai besoin de la grammaire pour cela. En plus de
cela, je n’ai aucune formation là-dedans, donc me dire que j’ai appris à lire et à écrire aux
élèves comme ça, je ne me sentais pas du tout légitime, c’est pas mon travail, je l’ai fait.
[…]

Par rapport à l’histoire et la géo, est-ce que c’est plus ou moins difficile d’aborder
l’EMC ?

L’EMC c’est très conceptuel. Déjà en lycée pro ce qui est conceptuel, quand ce n’est pas
concret, ils ont du mal, mais alors eux encore plus. Il faut vraiment essayer de trouver les
savoirs qu’ils ont déjà pour pouvoir s’appuyer là-dessus pour travailler. Mais c’est des
concepts qui sont complexes, surtout que la république en France et la République en
Afrique, ce n’est pas la même manière… c’est pas la même définition en fait. Ce que eux
appellent République c’est une dictature. Va leur faire comprendre que le mot c’est le
même, mais il ne veut pas dire la même chose, il y a pas les mêmes choses derrière.
Expliquer la laïcité c’est complexe, parce que la religion, ils ne la vivent pas de la même
manière. Par contre, ils intègrent très facilement le fait que comprendre le système français
c’est important pour eux pour rester en France, résultat ils essayent, ils sont intéressés,
mais c’est extrêmement conceptuel. Autant l’histoire géo et l’EMC, c’est un problème de
vocabulaire et de niveau de langage. Il y a du vocabulaire précis, t’es obligé de les utiliser
pour pouvoir faire de l’histoire géographie. Et ils ne les ont pas ces mots de vocabulaire et
ils sont complexes. Donc ils sont en apprentissage de la langue, et en fait on leur apprend
une autre façon de parler. La principale difficulté elle est là, dans le vocabulaire et dans le
fait qu’ils n’ont pas les bases d’un élève lambda. Pour les élèves alpha, ceux qui n’ont pas
eu de scolarité, c’est complexe, ils ont aucune culture derrière. Nous, notre histoire, on ne
l’apprend pas que dans les cours, avec ces élèves là on ne peut pas s’appuyer sur cet
acquis-là. Une monarchie, un roi, ils ne savent pas ce que c’est. Une république, les droits
de l’homme… c’est beaucoup de vocabulaire à assimiler qu’ils n’ont pas. Rien que tout
simplement tu as la carte, il y a une légende. La légende ils ne savent pas ce que sait. Et
après la légende elle permet de lire la carte, donc il va falloir que tu apprennes un autre
type de codes. Le fait de savoir que la couleur foncée, elle correspond à la couleur foncée
qui est sur la carte. C’est déjà un concept qu’ils ont pas. C’est des codes qui s’apprennent,
mais qui s’apprennent depuis qu’on est tout petit.
[…] Se mêle à ça leur religion. Ils ont aucune idée, pour eux l’histoire et la religion c’est la
même chose. Quand tu leur dis que c’est pas la même chose, « non là tu essayes de
m’embrouiller ». Faire la distinction entre la science et la croyance, c’est pas facile. […]

117
Annexe 5 : Transcription l’entretien 4 (extraits)

Mme N. enseignante en lettres-histoire en CAP et en FLES en lycée professionnel


Sassenage, le 30 juin 2021 – 1h15

[…] Un CAP en 3 ans ce serait vraiment l’idéal. On voit bien la MLDS ou l’UPE2A, les
élèves en ont besoin, mais ce n’est pas suffisant pour suivre un cursus classique, surtout
pour des NSA. Quelques heures de FLE. Tu vois bien c’est disséminé, après ça manque de
cohérence, de lien. Moi j’aimerais bien monter un truc comme cela. Pour des personnes
comme toi qui sont formées en FLE, qui rencontrent des professeurs comme moi, où moi
j’ai mes acquis liés à ma discipline, c’est là où l’échange il et fructueux et c’est surtout
pour les élèves. Moi je vois bien, le lien qu’on a eu, toi tes acquis et moi les miens, liés
chacun à nos disciplines respectives, c’est autre chose. Moi j’ai énormément appris même
si ça devrait être le contraire. J’essaye d’adapter les documents que je propose en histoire
géo ou en français, souvent ils sont enregistrés sur Audacity, mais j’ai pas ce savoir
universitaire lié au FLE, même si j’apprends, je trouve que j’ai quand même beaucoup
progressé par rapport à y’a 5-6 ans quand j’ai commencé. Mais surtout ce côté, nous notre
discipline, ce n’est pas que les disciplines, c’est les exigences scolaires, on est quand même
très focalisés sur l’écrit. Et là, à ton contact je me suis aperçue que les restitutions orales
c’était aussi important que l’écrit, et que pour moi ils prennent confiance et ils apprennent
davantage, et je pense qu’à partir de ce moment-là après tu peux les faire écrire aussi, tu
vois c’est lié.

Toi, tu as vu qu’il y avait eu un « déclic » ?

Ah oui et une autre progression. Tu vois bien A. et M. Tu a vu simplement le résultat au


Delf. Le fait de lier comme cela l’oral et d’enchainer sur le travail écrit. Je pense que ça
leur apporte énormément.

On a pas pu terminer, on a pas pu complètement lier…

Oui, quand même. On était pris par le temps. Tu vois bien qu’il y a une énorme différence
entre ce que tu prépares et la réalité du terrain, il faut toujours prendre une marge de 2-3
heures. Moi je pense que ce serait vraiment un super projet pédagogique de créer cette
année où il y aurait des pros du FLE et des profs de discipline. Vraiment ce serait autre
chose. Les élèves doivent passer par là [l’UPE2A et la MLDS], mais il manque cette
passerelle. Les gamins quand tu les récupères en première année de CAP, ils savent ce
qu’on attend d’eux. Avec la réforme c’est possible, mais en même temps c’est des coûts
humains, financiers.

De partir de la compréhension orale, la radio, est-ce que ça a un impact ?

C’est un outil, moi j’aime bien quand je prépare une séquence, choisir ça peut être la radio,
une sortie, j’aime bien choisir un petit déclencheur qui soit extérieur à une préparation de
cours. Mais pour moi cela peut être un autre document, une autre forme de lancement.

118
Et à travailler comme support pas seulement comme document déclencheur, est-ce que tu
trouves cela intéressant ?

Je pense que c’est intéressant pour ces élèves.

Et le fait d’avoir eu l’ambition d’extraire l’organisation du reportage, tu trouves que c’est


un détour pertinent ?

Oui je pense que c’est intéressant, en français pour chaque document, on va essayer de
construire nos activités pour que les élèves comprennent l’organisation, la cohérence, là
c’est intéressant pour ce profil d’élèves car ce que je remarque c’est que leur début, leur
prise de parole, elle part dans tous les sens. Donc il faut absolument travailler sur cette
organisation. Donc, ce n’était pas tirer par les cheveux. Là, on a choisi l’interview, mais de
toute façon sur un autre document, Clärli, on aurait essayé de faire cela, on travaille
beaucoup sur la cohérence, l’organisation du texte. Mais là c’était quand même bien, parce
que comme c’est un document authentique, on était obligé de contextualiser, peut-être que
c’était plus facile pour eux, il y avait une meilleure compréhension de cette organisation.
Comme le tuto. Partir de documents authentiques ou de situation ne qu’ils vont rencontrer,
peut-être que cela facilite la compréhension de nos consignes. Peut-être qu’un document
histoire, un texte littéraire, au départ, cela va avoir moins de sens pour eux.

Quelles sont les forces des élèves, sur lesquelles tu peux t’appuyer et leurs difficultés ?

J’essaye toujours de partir de leurs vécus, parce que la difficulté principale c’est qu’il
n’arrive pas toujours à conceptualiser ce que j’attends d’eux. Pour moi c’est la principale
difficulté, en plus du lexique et de l’apprentissage de la langue. La majorité des élèves
allophones que je retrouve dans ma classe ne comprennent pas nos attentes, les exigences
de l’institution. Pour moi, c’est la principale difficulté. Donc j’essaye toujours de partir de
leurs vécus pour ce que cela fasse sens ce que je vais leur demander. Toujours faire sens.
Cela passe avant que les difficultés liées à la langue, on peut travailler sur le vocabulaire,
ça peut être une dictée à l’adulte, on arrive à dépasser les difficultés liées à la langue. C’est
vraiment le manque de conceptualisation, on en a parlé plein de fois. Par rapport aux
exigences, à ce qui nous est demandé, c’est la difficulté majeure.

Même plus que les difficultés à l’écrit ?

Oui, tu vois N. C’est l’exemple typique, à partir du moment où il comprend ce que tu lui
demandes, bien sûr qu’il va y avoir des difficultés récurrentes liées au vocabulaire, à la
conjugaison, mais une fois qu’il a compris, il assimile, c’est impressionnant les progrès
qu’il a faits. C’est vraiment cela, le décalage, ils ne se rendent pas compte de ce qu’on
attend d’eux, de ce qu’on leur demande.

La manière de pallier cela ?

Partir de leur vécu. En histoire géo on était sur les transports, donc on va aller se promener
en ville, je vais les interroger sur leur itinéraire pour venir à l’école … Et puis après,
lorsqu’ils vont partir en stage on met en application ce qu’ils ont appris, et par rapport à
cela je vais rajouter du vocabulaire, certaines notions géographiques.

119
Partir de leur vécu en histoire c’est vraiment difficile, pour moi c’est l’histoire le plus
difficile. D’ailleurs, j’ai tendance à travailler davantage travailler la géographie ou l’EMC
avec les classes d’allophones en première année. L’histoire, on va beaucoup travailler avec
M.P83sur des documents iconographiques. Mais l’histoire c’est une discipline qui est
compliquée à aborder avec les élèves allophones. J’essaye de vulgariser, mais parfois cela
perd un peu…

Et les documents audios ?

Si on reste sur de l’histoire contemporaine, ça peut être des discours. Mais lorsqu’on étudie
Christophe Colomb, cela demande beaucoup de travail de recherches, et là c’est bien
d’avoir la documentaliste avec qi tu peux travailler parce qu’il va falloir fouiller. Sur
Christophe Colomb, avec M.P, tout ce qui est journal de bord, ça peut être accessible, ou
des mémoires on peut les mettre en voix. Mais l’histoire c’est beaucoup d’investissement,
tu n’as pas toujours le temps. C’est en deuxième année, que je vais compenser, je vais
choisir les thématiques. Mais le premier thème d’histoire sur les continuités et la rupture
entre démocratie et république, c’est quand même des concepts difficiles pour des élèves
francophones, je n’ai pas travaillé sur cette thématique, mais je préférerais partir sur la
construction européenne qui leur parle plus. Tu vois bien c’est difficile pour eux d’avoir
des repères chronologiques.

De quels outils penses-tu manquer dans ta pratique enseignante ?

Tout ce qui est lié à l’oral, par exemple Audacity, mettre en voix, les faire écouter. Même
si sur Whatsapp c’est pas mal, ça simplifie la vie. L’informatique aussi. Au niveau des
moyens et des outils je pourrais améliorer. Il y a des moments j’ai des périodes de
découragement. L’alphabétisation, ça m’arrive d’être démunie. Je pense que je suis
capable, mais je n’ai pas toujours le temps de préparer une activité pour les A1, les A2, j’ai
aussi mes élèves francophones. Quand je prépare une séquence et même ma séance, il faut
que j’arrive à trouver une activité que je puisse modulée par rapport au niveau des élèves.
Et il faut aussi avoir une classe bienveillante, parce que mes francophones, les élèves les
plus autonomes soit ils sont prêts à travailler en autonomie, soit certains, ils préfèrent
avancer avec le reste de la classe. Donc pour l’instant, le fait que j’ai des classes très
hétérogènes, ça ne m’a jamais trop posé problème, l’alchimie se crée.

Est-ce que tu t’appuies sur l’hétérogénéité ?

Ça dépend vraiment des classes. L’individualisation c’est bien, mais ça a tendance à


exclure les élèves, ce sont peut-être plus des élèves qui avancent bien, plus que les élèves
en difficulté. Mais c’est bien qu’on ait la même activité et qu’on avance, mais ce n’est pas
toujours possible. Mais pour moi cela vient d’abord de cela, c’est les relations avec l’élève
qui va me permettre d’avancer. Il y a plusieurs écoles, les inspecteurs vont dirent qu’il faut
individualiser ou moduler. Et puis parfois tu te plantes, tu as bien vu, ça marche pas ! C’est
comme ça, il y a des séances tu as léché ton truc. Et puis ces élèves, ils sont extrêmement
fragiles, on avait quand même des bâtons de maréchal, M., I. ML... Quand ces élèves ne
sont pas là il faut que tu fasses avec, que tu improvises, et puis ces élèves sont très

83
M.P est la documentaliste du lycée.

120
préoccupés par leurs situations personnelles, parfois ce que tu vas mettre en place ils
n’impriment pas. Et il faut le prendre en considération. C’est avant tout des êtres humains
que tu as en face de toi avant d’être des élèves. Ce ne sont pas que des oies que tu gaves.
Donc ça aussi il faut le prendre en considération. Effectivement je préfère trouver une
activité que je vais essayer de moduler. Sur les itinéraires, il y a des élèves qui savaient à
peine ce que c’était que l’ordinateur donc on a plutôt travaillé là-dessus et d’autres élèves
qui étaient déjà en train de travailler sur d’autres itinéraires. Mais après c’est chaud quand
tu es toute seule en classe, c’est pas toujours évident.

Et toi, tu ressens la pression scolaire liée à leurs parcours administratifs, cette injonction
à la réussite ?

Oui c’est vraiment très compliqué. Eux, ils sont angoissés, oui effectivement le bulletin
scolaire est important dans l’obtention de leurs papiers, et puis ce qui m’énerve aussi, c’est
qu’ils n’ont pas le droit de mettre le bazar, ouais c’est un peu cette injonction du bon élève
pénible pour eux. Mais j’essaye quand même d’être juste. Je ne veux pas comme certains
professeurs qui vont un peu trop tomber dans « tant pis je vais mettre deux points de plus
selon la situation ». J’essaye d’être juste. Par exemple, si l’élève a 10, il ne va pas être
content, il faut essayer de se dire, ce n’est pas grave, on va faire autre chose, des
remédiations pour améliorer la note. Il y a cela aussi, tu vois, eux ils ont cette injonction
d’être bon élève, d’avoir des supers appréciations, même quand ils sont affectés dans des
CAP, ils en ont parfois rien à faire, mais ils n’ont pas le choix d’être là. Et il y a nous,
professeurs, adultes, on essaye d’être bienveillant avec eux, on sait que c’est important,
mais parfois les exigences même si on les adapte, elles ne sont pas là, et le couperet de la
note tombe, ils ont peut-être que 9 ou 10. Et j’essaye d’être juste par rapport à cela. C’est
un peu ambivalent parce qu’on est professeur, on a toujours ces notes, on passe par cette
opération de l’évaluation, mais aussi on est des êtres humains, on connaît leur situation,
c’est pas évident toujours d’avoir la bonne posture entre le professeur qui va toujours
mettre des supers notes, mais ce n’est pas révélateur du niveau de l’élève et des exigences
attendues pour l’examen, et puis à l’extrême le professeur qui ne va pas du tout adapter et
là c’est sûr leur niveau ne peut pas correspondre aux exigences de l’examen. C’est comme
leur absence, savoir ce que tu notes ou pas. Un élève qui s’absente tous les mercredis pour
les mêmes raisons, tu décroches ton téléphone pour demander à l’éducateur ce qu’il se
passe. Les absences faut les prendre en compte, jusqu’où s’arrête la limite. Il y a beaucoup
de profs qui se disent que c’est cool ces classes, il n’y a pas de discipline, mais tu as tout
un accompagnement énorme à faire. Tu sais que sur le plan des émotions, ça va être
difficile, que le suivi va être compliqué parce que les éducateurs de l’ADATE 84 sont au
taquet, c’est pas évident de les avoir au téléphone ou d’obtenir un rendez-vous. Tu es
obligé de connaître ses élèves, sans du tout être intrusif avec leur situation perso, mais tu es
obligé de savoir leur situation administrative, l’AJA, pour les comprendre, pour leur
scolarité tu es obligé. Donc c’est quand même beaucoup d’investissement. Même par
rapport aux appréciations. Moi ça m’énerve je trouve qu’elles sont bâclées. C’est pas
évident entre la complaisance, la bienveillance. On les accueille en individuel au début de
l’année, mais ce n’est pas suffisant. Quasiment tous les mois, il faut de nouveau, sans
parler de prendre tout le monde, mais il faut vraiment être carré au niveau de l’évolution
parce que pour eux, ça peut changer très rapidement, cela peut vite basculer. Et puis je

84
L’ADATE est une association, de mission de service public, chargée notamment de l’accompapagnement
des jeunes mineurs isolés. http://www.adate.org

121
pense qu’on ne travaille pas assez en équipe. Il y à plein d’écueils qu’on pourrait éviter si
on travaillait davantage en équipe, donc ça demande peut-être des réunions entre midi et
deux. Donc c’est encore vraiment perfectible. Plein de choses pourraient améliorer cette
grosse machine dans laquelle ils sont parfois un peu perdus voire broyés.
Ces histoires d’enregistreurs c’est sympa, de s’entendre, maintenant ils peuvent avec leur
téléphone. Mais l’oral, l’écoute c’est quand même bien et il faudrait peut-être que je me
renseigne davantage pour savoir ce quoi fait par rapport à cela.

Comment tu travaillais la structure pour les oraux du CCF ?

C’était un travail individuel. L’oral s’appuyait sur un dossier écrit. Chaque élève
choisissait des documents. C’était vraiment un boulot d’instit, après chaque séance, je
ramassais, je corrigeais et il fallait qu’ils améliorent. Avec un élève comme M., qui avait
des difficultés, les documents qu’il avait choisis je les enregistrais. » Et après, avec M.P,
on banalisait des demi-journées et on les interrogeait pour faire des oraux blancs. Souvent
je reprenais la grille du Delf. Il y avait bien sûr les évènement historiques ou
géographiques, mais tout ce qui est lié à l’élocution, au début, à la prononciation.

Et comment vous travailliez la structure de l’oral ?

Pour certains, la structure était présente parce qu’il y avait le travail en amont. Pour
d’autres c’était plus compliqué.

Donc c’est en structurant à l’écrit pour le dossier, qu’ils structuraient à l’oral ? C’est
intéressant parce qu’on a fait le contraire …

Mais je pense que c’est mieux. C’était peut-être trop cloisonné aussi, alors qu’il faut
vraiment relier les deux, l’écrit, l’oral. Mais c’est vrai qu’à ce moment-là on partait
d’abord des documents, des questions sur le document. J’essayais de faire un petit texte,
certains arrivaient tout seuls, quand je dis un petit texte, les questions des documents on les
mettait en forme. C’est un article, c’est article parle de etc. c’était un peu surfait.

Je me demande le fait de s’enregistrer avant le passage à l’écrit c’est une trace orale, pas
simplement une verbalisation dans l’interaction. Quand on est avec eux pour les aider à
rédiger il y a quand même une formulation orale qui aide au passage à l’écrit.

J’ai l’impression que c’est plus productif pour eux, je trouve qu’ils arrivent davantage
après à écrire et à structurer ce qu’ils écrivent.

On ne l’a pas vérifié…

Oui, mais tu peux le voir, tu n’as pas toujours besoin d’évaluer. J’ai vraiment l’impression,
cela les aide.

Souvent ils ont un sujet d’expression écrite, ils ne savent pas quoi dire, on en parle, mais
dès que tu les laisses, ils ne savent plus. S’il y a la trace, cela montre bien : tu as des
choses à dire.

Cela libère. Et puis même, je ne sais pas comment je peux l’appliquer, mais cette fameuse
dictée à l’adulte demande un besoin humain. Là à la limite, il le fait seul et après tu

122
reprends avec lui, moi ça me permet d’aller voir quelqu’un d’autre. C’est un outil matériel
intéressant.
C’est un support donc je vais davantage me servir, parce que ça libère du temps pour le
professeur, et je trouve vraiment que ça les stimule, ça libère la parole, et ça leur donne
confiance, par ce que comme tu dis « j’ai des choses à dire » et ça va faciliter à moins avis
l’apprentissage, la production écrite ». Mais il y a quelques années en arrière, je n’aurai
sûrement pas pu, ils n’avaient pas tous un portable. La maintenant ça y est, ils ont tous un
portable, ça leur plaît même. Mais là ce que tu as fait c’est vraiment une très belle
transition pour terminer l’année et on les a bien préparés pour F., vraiment, pour aborder le
document, de contextualiser, comme on les a fait parler à l’oral, c’est ce que l’on va leur
demander en français et en histoire géo. Mais là je trouve qu’on les a bien préparés pour la
deuxième année où ils vont peut-être plus aborder le fond. Mais là ce qu’on a fait
justement, ce serait peut-être plus un modèle de cours intégré de première année de CAP
transitoire.

Et l’enseignement de l’EMC ? Est-ce qu’il pose des difficultés particulières ?

Là aussi il faut partir du vécu des élèves, de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils ressentent. Leur
parler de la nationalité française, faut arrêter. Ce n’est pas du tout adapté. Au contraire.
Après, très bien, les symboles de la République c’est un cours qui est vraiment rébarbatif.
Mais je les avais fait travailler sur l’ordinateur, pourquoi on avait choisi ces symboles, il y
a avait un peu de lecture. […]
Certaines activités proposées par les CASNAV ne sont pas adaptées, trop infantilisantes.
C’est ça qui était intéressant dans la séquence que tu as préparée, ce n’est pas infantilisant.
On a des jeunes adultes. Pour la laïcité, tu les fais parler, c’est tous les jours. Ce n’est tout
d’un coup. Eux ils se sentent stigmatisés, ils sont musulmans, ils font pas mal d’efforts, ils
vont à la piscine. Il y a aussi un problème culturel, c’est du jour au lendemain, d’avoir une
autre culture. […]
En histoire, la difficulté c’est de ne pas faire de l’évènementiel mais de lier à ce qu’on
connaît. C’est plus intéressant et plus parlant. Mais cela demande beaucoup
d’investissement pour adapter les thématiques. […]

123
Annexe 6 : Questionnaire d’évaluation de la séquence par les élèves

124
Annexe 7 : Profils des élèves en seconde CAP Peinture, Application et Revêtement

Elève Âge Pays Répertoire langagier Parcours scolaire et/ou apprentissages littéraciés dans Usage du français avant l’arrivée
d’origine des contextes non-scolaires en France et niveau actuel

B. 18 Mali Bambara, français Mali : cours du soir de français dispensé par un de ses Langue véhiculaire comprise et
frères (7 mois) parlée au pays.

France : 1ère année CAP Oral : A2


Ecrit : A1.1
A. 18 Guinée Malinké, bambara, France Langue officielle, entendue dans la
français 1 an UPE2A-NSA (Mounier) rue, les médias, mais non comprise
1ère année CAP ni parlée au pays.

Oral : A2
Ecrit : A1.1
L. 18 Mali Soninké (langue du Mali : cours du soir en arabe (écrit un peu), un tout petit Langue officielle entendue dans les
village), bambara peu en français médias, mais non comprise ni parlée
(langue véhiculaire), au pays.
français (langue France Oral : A2
officielle) 1 an UPE2A-NSA (Mounier) Ecrit : A1.1
1ère année CAP

I. 18 Mali Soninké (langue du Mali Langue officielle, très peu


village), bambara Ecole coranique pendant 6 ans comprise/parlée. Quelques bases
(langue véhiculaire), Dans le cercle familial, a appris l’alphabet latin pour écrire d’écrit.
français son nom en français.
Oral : A2
Arabe à l’écrit France Ecrit : A1.1
1 an UPE2A-NSA (Mounier)
1ère année CAP
N. 18 Mali Peul France Langue un peu utilisée pour
Français (langue -10 semaines de « préparation au stage » aux Charmilles, un échanger avec des locuteurs non
établissement privé, à Saint Martin d’Hères : rédaction de CV,
125
véhiculaire) accompagnement dans la recherche de formation ou stage, peuls.
rédaction CV, quelques cours de mathématiques.
-Arrivée en CAP peinture à Deschaux en décembre. Oral : A1
Ecrit : alpha
M. Guinée Oral : A2
Ecrit : A1/A2
E. 16 France Français A effectué toute sa scolarité en France
E. 17 France Français A effectué toute sa scolarité en France
I. 17 Roumanie Français A effectué toute sa scolarité en France

126
Annexe 8 : Profils des élèves en seconde CAP Maçonnerie

Elève Âge Pays Répertoire Parcours scolaire et/ou apprentissages littéraciés dans des Usage du français avant
d’origine langagier contextes non-scolaires l’arrivée en France et niveau
actuel
A. 19 Kosovo Albanais, français Kosovo (en albanais) Pas de connaissances antérieures du
11 ans français.
Difficultés à l’écrit : « Je ne sais pas écrire »
A commencé une formation en apprentissage, interrompue à 19 ans Oral : B1
faute d’autorisation de travail. Arrivé en cours d’année à Roger Ecrit : A1
Deschaux.
M.U 18 Turquie Kurde (parlée Turquie (en turc) : 11 ans Pas de connaissances antérieures du
uniquement), français.
turc, français
Oral : A2
Ecrit : A2
S.E 18 Guinée Malinké, soussou, Guinée Apprentissage du français à l’oral
arabe, italien, - 4 ans de scolarité dans une école coranique (arabe langue sur la route de l’exil. Très peu de
français d’enseignement et d’apprentissage, langue de l’écrit, explication contact en Guinée avec le français.
orale en malinké et soussou si besoin)
Ecrit : Arabe, - 1,5 ans de cours à domicile en arabe – enseignement coranique Oral : B1/B2
français, italien, Ecrit : A2
malinké France : cours du soir pour apprendre la langue

France :
- 2019-2020 : cours dans une association (3AMIS)
- 2019-2020 : UPE2A au Lycée professionnel Jacques Prévert
- 2020- 2021 : 1ère année CAP maçonnerie
M.L 19 Côte Bambara, Côte d’Ivoire Usage du français à l’oral dans le
d’Ivoire malinké, français - cours du soir en français (quelques années), par des amis scolarisés cadre familial et social.
Ecrit : français, - 1 an à l’école coranique
un peu arabe France Oral : B1/B2
1 an UPE2A-NSA (Mounier) Ecrit : A2

127
1ère année CAP
M.O 18 Mali Malinké, Mali Usage du français à l’oral dans le
bambara, Scolarisé pendant 7 ans. Français : langue d’enseignement et cadre familial, social et scolaire au
français, italien. d’apprentissage (écrit). Mali.
Malinké, bambara : langues d’enseignement (oral)
Oral : A2/B1
Ecrit : français et France Ecrit : A2
un peu l’italien Classe d’accueil (2 mois)

France
1ère année CAP

S. 18 Mali Soninké, Mali Usage du français uniquement dans


bambara, Scolarisé pendant 4 ans. Français : langue d’enseignement et le milieu scolaire.
malinké, français d’apprentissage (écrit).
Soninké, bambara : langue d’enseignement (oral) Oral : A2
Ecrit : A1.2
France
1 an UPE2A-NSA (Mounier)
1ère année CAP
A.O 17 Albanie Albanais, français Albanie : 11 ans en albanais Pas de connaissances antérieures du
français.

Oral : A2
Ecrit : A2
M.A 23 Guinée Malinké, français, Guinée : 10 ans en français
italien France, France
I.S 19 Guinée Soussou (parlée Guinée : 12 ans (en français)
uniquement)
français, anglais France : Alternance – CAP cuisine 2 ans

128
Annexe 9 : Transcriptions et analyses des productions initiales de A. et L.

A. (1’43) L. (1’20)
Introduire Bonjour, bonjour à tous, je m’appelle A. Je vais Bonsoir tout le monde, j’espère que tout le
vous raconter les mauvaises conditions que j’ai monde il va bien. Je vais vous raconter
vécu en entreprise, là où j’ai travaillé, là où j’ai conditions de mauvais travail, ce que j’ai
fait mon stage. Je vais prendre l’exemple de imaginé. Par exemple échafaudage.
moi-même.
Développer Moi, mon patron il me montre pas beaucoup de Quand on va faire l’échafaudage on doit
choses, il me demande que de faire le ménage, faire les barrières avant de commencer à
le balai ici, nettoyer ici. S’il a besoin de quelque faire l’échafaudage. Si on a dit que non, on
chose, il me donne les clés, il va le chercher tel n’a besoin pas des barrières etc. Bon ça,
matériel, tu viens, je vais aller chercher ça, je c’est les mauvaises conditions de travail,
viens. Après, s’il a besoin de quelque chose parce que les gens qui doivent passer
aussi il me demandait d’aller chercher et je vais dessus, si on met pas les barrières, ça fait
aller chercher après pour revenir aussi. Donc, je … ça c’est les conditions de mauvais
vais passer toute la journée comme ça, sans rien, travail. A chaque matin aussi, avant qu’on
faire sauf du ménage. Et aussi à la fin de commence le travail on doit vérifier
journée, il me demande de nettoyer le couteau, l’échafaudage. Si on a dit non on vérifie
les brosses, le rouleau, le matériel de travail, il pas, parce que y a quelqu’un qui peut
me demande de nettoyer tout et quand je vais passer devant et enlever quelque chose.
nettoyer il va m’indiquer non, range ça, je vais Avant qu’on commence le travail on doit
ranger, il dit OK, tu prends tu vas le déposer à la vérifier. Bon si on vérifie pas, bon ça aussi
voiture, je prends pour aller le déposer à la c’est la condition de mauvais travail.
voiture, il me dit, donc on s’en va. En plus aussi
il te parle mal, il te parle comme il veut, il te
parle n’i
mporte comment, même tu peux parler à tes
enfants, comme ça à la maison.
Conclure Bon c’est ça qui m’a choqué beaucoup à C’est ça que je vous raconterais, bonne
l’entreprise, tu vois pour moi ce que j’ai vécu soirée, aurevoir
comme mauvais conditions à l’entreprise, c’était
ça.

129
➢ Lexique spécifique (vu dans la séance) : les mauvaises conditions de travail

➢ Connecteurs logiques et chronologiques, formules d’introduction/conclusion (voir


transcription)

➢ Positionnement énonciatif :

Marques du sujet énonciateur :


Emploi du « je » :
- Pour introduire :
o A : « je vais vous raconter »
o L : « ce que j’ai imaginé »
- Pour raconter une expérience personnelle :
o A : « Moi, mon patron il me montre pas beaucoup de choses »

Marques de contextualisation du récit :


- Emploi du « il » (personnel) ou du « on » (impersonnel) pour raconter la situation et
rapporter du discours indirect ou insérer du discours direct :
o A : « il me demandait d’aller chercher », « il dit OK, tu prends tu vas le déposer à
la voiture »
o L : « Si on a dit que non, on n’a besoin pas des barrières »
- Emploi du « tu » et « on » dans le discours direct :
o A : « il me dit, donc on s’en va »
o L : « si on dit, non on vérifie pas »
- Déictique :
o A : « le balai ici, nettoyer ici »

Marque du destinataire :
- Emploi d’un « tu » impersonnel :
o A : « il te parle mal, il te parle comme il veut, il te parle n’importe comment, même
tu peux parler à tes enfants, comme ça à la maison. »
- Emploi d’un « tu » personnel :
o A : « Bon c’est ça qui m’a choqué beaucoup à l’entreprise, tu vois pour moi ce que
j’ai vécu comme mauvais conditions à l’entreprise, c’était ça. »

Marques de l’objectivation :
- Emploi du « on » impersonnel et général :
o L : « Quand on va faire l’échafaudage on doit faire les barrières »

130
Annexe 10 : Transcriptions et analyses des productions orales finales d’A. et L.

A. (2’22) L (1’43)
Introduction Bonjour, bonjour à tous je m’appelle A. La semaine dernière jeudi, on Bonjour, je m’appelle L.S, je vais vous raconter des sorties des semaines dernières.
a fait sortie avec ma classe pour aller rencontrer le délégué des Les élèves du lycée pro Roger Deschaux, première année CAP Peinture, on a sortir
syndicats Monsieur S.G pour aller poser notre question de manque de le 27 mai pour aller Bourse du Travail pour rencontrer délégué syndical, s’appelle, il
sécurité au travail. s’appelle S. G. Il va travailler dans le bâtiment, société s’appelle CGT. On a posé
beaucoup de questions.

Développement Il a répondu toutes nos questions, si on a des problèmes, qui a on va Bon, j’ai appris, ce que j’ai appris, je savais pas que illégalité, quand il arrive entre
nous adresser pour expliquer notre problème. On a fait beaucoup employés et employeurs on peut aller tribunal des Prud’hommes, mais maintenant
d’interview. Il a tout dit, si on a des problèmes ou des conflits avec le j’ai appris ça. Je… je … je sais que si il y a quelque chose qui arrive, y’a la justice,
patron, à qui on va m’adresser pour dire notre problème, qui il va nous par, dans les lois, on peut aller au Prud’hommes, par exemple si le patron qui parle
aider beaucoup. On a dit tout. Monsieur G. nous a expliqué beaucoup mal, si y a mon collègue qui est à côté qui a écrit ça, on peut aller Prud’hommes,
de choses, pour les conditions de travail par exemple, si on a des mais j’ai pas le droit pour enregistrer son voix.
problèmes à quelqu’un à la santé ou de manque de respect à qui on va
m’adresser, on va faire comment.

Conclusion Donc les syndicalistes, pour moi, ils sont très bien, parce que si on a Syndicat c’est intéressant pour moi parce qu’il va défendre les employés. Voilà, si
des problèmes, il va nous aider. Soit il va nous dire où on va dire notre l’employeur parle mal … je pense que c’est intéressant. Les syndicats, je pense que
cas pour expliquer notre problème, ce sera très bien pour nous. Moi, c’est intéressant. Merci de votre compréhension.
ce je pense à syndicats, ils sont très bien, il nous a expliqué beaucoup
de choses. Il a dit comment travailler, donc si on a des problèmes on
va aller les Prud’hommes. Il nous a tout expliqué avant de quitter
l’interview, à la Bourse du travail. Donc c’était le jeudi dernier avec
ma classe, il a tout expliqué, il a répondu à toutes nos questions,
Monsieur G. Merci de votre compréhension.

131
➢ Lexique spécifique :
o L : délégué syndical, Bourse du travail, syndicat, illégalité, employés/employeurs,
tribunal des Prud’hommes, justice, lois, défendre les employés
o A : délégué syndical, manque de sécurité au travail, conditions de travail, conflits
avec le patron, santé, manque de respect, syndicalistes, syndicats, Prud’hommes,
Bourse du travail

➢ Connecteurs logiques et chronologiques, formules d’introduction/conclusion (voir


transcription)

➢ Positionnement énonciatif

Marques de l’énonciateur :
Emploi du « je », « on » / « nous » : :
- Pour se présenter / introduire :
o A : « je m’appelle »
o L : « je vais vous raconter »
- Pour raconter le processus d’apprentissage :
o L : « je savais pas », « maintenant je sais » : induit un objectivation, un rapport
distancié à la connaissance
o A : « nous a expliqué »
- Pour expliquer en donnant un exemple
o L : « par exemple, si le patron qui parle mal, si y a mon collègue »
- Exprimer une opinion « je »
o L : « je pense que »
o A : « pour moi »
- Pour raconter une expérience collective :
o A : « on a sortir »
o L : « on a posé beaucoup de questions », « si on a des problèmes, il va nous
aider »

Marque de contextualisation du récit :


Emploi du « il » ou « monsieur » pour contextualiser, décrire, raconter :
o L : « il va travailler »
o A : « il a dit », « il nous a tout expliqué »

Marques de l’objectivation du discours :


- Emploi du « on » à valeur impersonnelle :
o L : « on peut aller aux Prud’hommes »
- Tournure de phrase impersonnelle :
o L : « illégalité, quand il arrive », « il y a la justice », « on peut aller au
Prud’homme »

132
Annexe 11 : Fiche pédagogique de la séquence

Séquence d’EMC en CAP : le syndicalisme, un engagement citoyen

Aborder la citoyenneté par une entrée sociale plutôt que politique, permet d’inclure les élèves n’ayant
pas la nationalité française ou européenne. En effet, l’engagement syndical (et associatif) est un espace
politique qui contrairement aux élections, n’est pas réservé aux ressortissants français et européens. De plus,
elle permet d’aborder des notions complexes liées au fonctionnement démocratique (les élections et la
représentation, la négociation et la prise de décision collective, le conflit et la justice) à partir d’une réalité
connue des élèves via leurs stages, celle du monde du travail. Le projet radio et les outils d’enregistrements
audio permettent de travailler l’expression orale des élèves en vue de l’examen du CCF. Attention, le projet
radio nécessite de la part de l’enseignant des compétences en montage son (Audacity par exemple).

Objectifs généraux :
● Comprendre ce qu’est un syndicat :
◦ son organisation et les élections professionnelles
◦ son rôle de défense des salariés
◦ ses moyens d’action (actions collectives, grève et manifestation, action individuelle au Prud’hommes
● Connaître ses droits (code du travail, conventions collectives)

Thèmes, mots-clés : citoyenneté sociale, engagement, syndicat, conditions de travail, acquis sociaux, code du
travail, Prud’hommes, élections professionnelles, démocratie, justice, loi, discriminations

Repères : Grève de Carmaux 1892, Jean Jaurès, grèves de 1936, grèves de mai 1968
Public : classe de CAP
Niveau linguistique : A2 à l’oral, adaptée à une hétérogénéité de niveaux y compris aux élèves allophones peu
lecteurs-scripteurs – à prévoir plutôt au second semestre en 1ère année.
Durée : 10h environ – séquence à adapter suivant le rythme et le niveau de la classe en privilégiant certaines
activités

Prérequis :
Histoire
Comprendre les notions de passé, présent et futur et FLE/FLS (prérequis et/ou principales notions à
y situer des évènements. travailler en parallèle)*
Savoir distinguer plusieurs types de documents Formes interrogatives
(photographie, texte, graphique) et en identifier la Temps du passé (passé composé)
source. Articulateurs chronologiques (d’abord, ensuite,
pour finir) et logiques du discours (donc, parce que,
EMC mais)
Comprendre les notions de droits, de devoirs et de Phonétique (selon les difficultés des élèves)
règles.

*Les notions travaillées parallèlement à la séquence en cours de FLE/FLS peuvent être rajoutées sur la grille
d’évaluation (ex : emploi des articulateurs). Les productions orales enregistrées effectuées dans le cadre sont
un outil pédagogique extrêmement intéressant en FLE/FLS pour identifier les difficultés linguistiques en général
et phonétique en particulier1. Les différents travaux oraux de cette séquence peuvent devenir des opportunités
de réemploi des notions travaillées en FLE/FLS.

1
Les difficultés phonétiques varient notamment selon les langues premières des élèves. Les fiches conçues par Langues&Grammaire
en Île-de-France recensent les caractéristiques phonologiques des langues premières et les difficultés d’ordre articulatoires que
peuvent rencontrer en français leurs locuteurs. https://lgidf.cnrs.fr/node/1570

133
Compétences développées et activités langagières

Capacités disciplinaires développées Compétences langagières développées


Situer dans le temps des événements de l’histoire sociale Linguistiques :
française ; développer une vision compréhensive et
évolutive des droits sociaux en France ● Lexicale : le monde du travail et de l’action
syndicale, manipuler la nominalisation (lexique)
Mener, construire et partager une réflexion ● Grammaticale : formuler des questions, raconter au
personnelle : raconter une expérience personnelle, passé (passé composé, imparfait)
développer un questionnement, exprimer et justifier son ● Orthographiques : rédiger ; les marques de l’oral à
opinion, développer un esprit critique, exercer une l’écrit (la ponctuation)
réflexivité sur ses opinions et son travail (autoévaluation). ● Orthoépiques : mettre en voix des questions ou des
textes écrits
Collaborer et s’organiser en groupe, favoriser la ● Phonologique : s’exprimer avec clarté (articulation,
participation de tous, s’impliquer dans des échanges, prononciation, prosodie)
respecter la pluralité des points de vue, construire une
réflexion collective. Pragmatiques :

Manipuler des supports numériques et médiatiques ● Discursive : organiser ses idées, introduire,
(site web, enregistreur et micros) développer un thème, conclure, utiliser des
articulateurs logiques simples (donc, parce que,
mais)
● Fonctionnelle : préciser sa pensée, être à l’aise à
l’oral, restituer une information avec ses propres
mots en s’aidant de notes, se repérer sur un site web
et trouver une information
Sociolinguistiques : adapter son discours en fonction du
contexte plus ou moins formel (au sein de la classe, en
rencontre avec un délégué syndical)

Socio-culturelles : connaitre le fonctionnement du


monde syndical français, connaître quelques évènements
marquants de l’histoire sociale française

Activités langagières

● Interaction orale : coopération à visée fonctionnelle lors des travaux de groupe (exprimer son opinion et son
expérience, écouter celles des autres, argumenter de manière spontanée), mener une interview préparée dans
un contexte formel et réagir aux propos de son interlocuteur

● Oral monologué : raconter une expérience, exprimer et expliquer son opinion, s’enregistrer pour un auditoire
ou parler devant un auditoire, mettre en voix un texte, restituer une information avec ses propres mots à l’aide
de ses notes, parler avec spontanéité sur un thème connu (conditions de travail, syndicalisme)

● Compréhension orale : écouter le reportage d’un journal d’information radio, comprendre les points principaux
d’une intervention sur un thème connu (conditions de travail, syndicalisme)

● Compréhension écrite /littéracie numérique : naviguer sur un site officiel, identifier et comprendre des
informations

● Production écrite : rédiger des questions, une introduction, une conclusion

134
Etape 1 : Découverte et familiarisation avec la thématique et le genre du
reportage radio - 1h30 environ
Objectifs Activités Modalité Matériel et support

Objectifs d’enseignement Activité 1 : Découverte de la thématique (20 Classe - photographie du 1er mai (ou
- ancrer le thème dans une actualité min) autre mobilisation d’actualité)
sociale -tableau, projecteur
- impliquer les élèves à partir de leurs
Discussion collective autour d’une photographie
connaissances/expériences
Activité langagière : interaction orale
- réactiver et introduire des éléments de
lexique pour préparer l’écoute

Objectifs apprentissage
- se familiariser avec le thème et son
lexique

Individuel - document audio « Les ouvriers


-comprendre les éléments de contexte Activité 2 : Comprendre une situation de de l’entreprise SMRC à
d’un reportage radio (qui, quoi, où, conflit social (30 min) Rougegoutte en grève »
quand) - Fiche 1 – Conflit social à
- comprendre la situation générale d’un Compréhension globale d’un reportage. Rougegoutte
conflit social : identifier ses acteurs - tableau, projecteur, enceinte
(salariés, syndicats, direction) et le Activité langagière : compréhension orale
problème.
Individuel -document audio « Les ouvriers
Identifier comprendre le rôle des Activité 3 : Découverte du genre radiophonique ou binôme de l’entreprise SMRC à
différents locuteurs de la situation de (15 min) Rougegoutte en grève »
communication spécifique du reportage - Fiche 2 – Le reportage
Compréhension globale du genre du reportage. -tableau, projecteur, enceinte
- fiche lexique, exercice 1
Lexique – devoir à la maison

Activité langagière : compréhension orale

*attention, tout document support écrit est en lui-même une activité de compréhension voire de production écrite pour certains élèves éloignés de
l’écrit

⮚ Activité 1 : Découverte de la thématique (20 min)

Par l’animation d’une discussion en classe entière, faire émerger des hypothèses sur la situation en posant des questions : Qu’est ce que
vous voyez ? Qu’est-ce qui se passe ? A votre avis, pourquoi sont-ils dans la rue ? On peut évoquer l’origine du 1er mai, son caractère
international, demander aux élèves comment cela se passe dans les pays où ils ont vécu.
Lors de la discussion, recenser et noter le vocabulaire thématique au tableau. Les élèves pourront le prendre en note pour se constituer
un répertoire utile pour toute la séquence.
Pour les élèves peu lecteur-scripteurs, sélectionner un nombre limité de mots, pour leur donner le temps d’en noter quelques-uns. Si
l’écrit est un support d’apprentissage pour certains, il est un objet d’apprentissage pour d’autres.

⮚ Activité 2 : Comprendre une situation de conflit social (30 min)

Lire les questions 1 et 2 avant la première écoute. Première écoute. Avant de corriger les questions, on peut ouvrir par une question
globale Qu’est ce que vous avez compris ?. Pour la question 1 et 2, demander les indices sonores (jingle), s’aider de la capture d’écran
du lecteur. Ne pas hésiter à demander aux élèves d’expliquer ce qu’est un reportage, de comparer avec les différentes émissions radio
qu’ils connaissent. Savoir s’ils écoutent ou écoutaient la radio.
La question 3 peut être faite ensemble, on peut rappeler les définitions source et nature, donner différents exemples (photographie, texte
etc.).
Lire les questions 4, 5, 6 avant la seconde écoute. Lire tous les mots de la question 4.
Pour les élèves peu lecteurs scripteurs, on peut relire les mots après l’écoute et les aider à identifier les mots entendus. Pour cette partie,
on peut les renvoyer à l’image comme aide à la compréhension.

⮚ Activité 3 : Découverte du genre radiophonique (15 min)

Selon le niveau des élèves, on peut choisir de procéder par étapes (lecture de la question 1, écoute, correction, lecture de la question 2 et
éventuelle réécoute) ou au contraire de lire l’ensemble des consignes. Dans ce cas, il peut être intéressant de faire travailler les élèves en
binôme. Des mots de lexique – le délégué syndical, la direction – seront probablement à repréciser. Ne pas hésiter à faire appel à la
morphologie des mots diriger/direction et à des exemples familiers (délégué syndical/délégué de la classe).

135
Etape 2 : Approfondissement et réflexion autour des conditions de travail
(EMC/Histoire) – 3h00
Objectifs Activités Modalité Matériel/ support

-document audio « Les


Objectifs apprentissage Activité 4 : Les conditions de travail – cas Binôme ouvriers de l’entreprise
- se familiariser avec des enjeux liés au de Rougegoutte (45 min) Groupe SMRC à Rougegoutte en
monde du travail grève »
- identifier, repérer et classer des -Compréhension détaillée d’un reportage -fiche lexique, exercice 1
informations - Discussion collective : partage - Fiche 3 – les conditions
- s’exprimer à l’oral, écouter les autres d’expériences de travail
-tableau, projecteur,
Activités langagières : interaction orale, enceinte
compréhension orale, production orale Classe

Objectifs d’enseignement : Activité 5 : S’exprimer pour se situer dans


- faire le lien entre les apprentissages une réalité sociale Enregistreur / téléphone
scolaires et les expériences/représentations portable
des élèves du monde du travail Devoir individuel: Raconter une situation de Individuel
mauvaises conditions de travail sous la forme
Objectifs apprentissage d’un enregistrement vocal à envoyer à
- s’exprimer en continu et de manière l’enseignant pour la prochaine séance. (2-3
spontanée sur un sujet familier (le travail, min)
le stage)
-raconter une expérience personnelle Activité langagière : production orale
- s’exprimer clairement

Individuel,
Activité 6 : Travailler l’expression en binôme, -enregistrements vocaux
continu (45 min) classe - Grille d’évaluation 1
-repérer dans un discours des éléments - Fiche 3 – les conditions
constitutifs de sa cohérence (la - Autoévaluation et évaluation par un pair des de travail
contextualisation) et de la forme (clarté et productions orales enregistrées. Manipulation
fluidité de l’expression) d’une grille critériée.
-téléphones portables
- dégager d’autres exemples de manque -Mise en commun et réinvestissement
(individuels), écouteurs,
respect des droits des salariés thématique du contenu.
tableau, projecteur
Activités langagières : compréhension orale,
interaction orale

Mise en lien avec l’enseignant de FLE/FLES


pour la correction linguistique des
productions orales.

3 documents
-Présenter un document (nature, source, Activité 7 : L’évolution historique des historiographiques +
thème) conditions de travail (Histoire) (1h30) Groupe Fiches 4
-Relever des éléments explicatifs du Classe
contexte historique -Observation, analyse des documents relatifs Individuel Frise chronologique à
-Présenter à l’oral un document à trois événements clés de l’histoire sociale projetée (voir annexe 1)
- Lire une frise chronologique -Présentation et repérage sur une frise
- Situer des évènements historiques sur une chronologique. Frise chronologique à
frise chronologique compléter
Activités langagières : interaction orale, Fiche 5
production orale, compréhension écrite,
production écrite Tableau, projecteur

136
➢ Activité 4 : Les conditions de travail – cas de Rougegoutte (50 min)

Exercice 1 fiche lexique : L’exercice peut être donné en devoir ou réalisé en classe. Il permet de remobiliser du lexique introduits
lors de séances précédentes, en vue de la compréhension détaillée de l’interview des ouvrières.

Compréhension orale
Lire les consignes de la fiche 3. Réécouter les interviews des deux ouvrières seulement. (00:26 –1:17)
On répartit les informations à trouver entre différents groupes.
Différenciation : attribuer plus ou moins de catégories selon le niveau des groupes constitués (« L’égalité entre les salariés »
étant le plus complexe à traiter).

Discussion collective
Ouvrir la discussion sur l’expérience des élèves en stage. Quelles ont été vos conditions de travail en stage ? Avez-vous vécu
ou entendu de la part d’un de vos camarades de mauvaises conditions de travail en stage ?

⮚ Activité 5 : S’exprimer pour se situer dans une réalité sociale (20 min)

Devoir individuel: Raconter une situation de mauvaises conditions de travail sous la forme d’un enregistrement vocal à
envoyer à l’enseignant pour la prochaine séance. (2-3 min)

Pour éviter les blocages, préciser que ce peut être une situation vécue par soi, un camarade ou inventée.
Faire émerger avec les élèves quelques critères d’une présentation orale claire (ex : articuler) et quelques conseils (réfléchir à
ses idées avant d’enregistrer…)

⮚ Activité 6 : Travailler l’expression en continu (50 min)

L’évaluation des productions orales


On demande aux élèves de rappeler ce qui, selon eux, est important lorsque l’on s’exprime à l’oral pour être bien compris.
Projeter la grille pour la lire ensemble et expliquer son fonctionnement (on peut faire un exemple pour expliciter les éléments).
Dans un premier temps, chaque élève réécoute son oral et s’auto-évalue. Dans un second temps, les élèves, en binôme, évaluent
leur camarade. Puis le binôme compare les deux évaluations et discute des différences.

Lien avec l’enseignant de FLE/FLS :


La correction linguistique des productions orales peut se faire en classe de FLE/FLS à partir d’une sélection d’erreurs
pertinentes à traiter selon le niveau des élèves, la progression pédagogique et leur récurrence au sein du groupe. Si les élèves
sont d’accord et à l’aise, la correction peut être collective : réécoute du passage, recherche de l’erreur et de la forme correcte
(démarche inductive) à l’oral avant de passer à l’écrit. Cela permet d’objectiver et de valoriser les compétences linguistiques
des élèves afin d’en favoriser la transmission entre pairs. Les enregistrements sont également un bon outil pour identifier les
difficultés de prononciation des élèves et travailler la phonétique ainsi que la phonie-graphie.

Le réinvestissement des idées


Mise en commun des différentes situations de mauvaises conditions de travail rapportées par les élèves à noter la suite des
exemples du reportage (fiche élève activité 3). Il peut être opportun de faire la distinction entre des conditions de travail qui
bien qu’elles soient mauvaises sont légales (ex : cadence et pénibilité du travail, mauvaise rémunération) de celles illégales, ne
respectant pas le code du travail (ex : non-paiement des heures supplémentaires).

⮚ Activité 7 : L’évolution historique des conditions de travail (Histoire) (2h00)

1) Observation, analyse des documents


Chaque groupe travaille sur un des trois événements clés de l’histoire sociale : 1892, 1936, 1968.
Hétérogénéité : constituer des groupes de niveaux de français écrit et oral hétérogène favorise la coopération et la
complémentarité des compétences écrites et orales et donc l’autonomie, avec le soutien de l’enseignant. Cela implique de veiller
à une bonne répartition du travail de groupe (prise de notes, restitution orale, participation etc.).

2) Restitution orale en classe entière


Un élève restitue pour son groupe, l’étude de document (présentation, thématique, les conditions de travail concernées etc.).
L’idée principale à faire émerger est que les conditions de travail actuelles découlent d’une histoire de luttes ouvrières et
d’engagement politique d’individu comme Jean Jaurès.

3) Découverte de la frise chronologique


Présentation de la frise projetée au tableau et pratique de sa lecture. On repère les 3 évènements et quelques grandes avancées.

4) Repérage sur la frise


Individuellement, les élèves positionnent quelques évènements pré-sélectionnés par l’enseignant (à adapter selon le cours).

137
Etape 3 : Approfondissement et réflexion autour du monde syndical français
(EMC) – 2h
Objectifs Activités Modalité Matériel et support

Activité 8 (1h30) Individuel Ordinateurs individuels


- comprendre les rôles d’un (connexion internet) :
syndicat S’informer sur un site officiel dédié aux Classe https://election-
- connaitre ses droits en tant que élections professionnelles des TPE 2021. tpe.travail.gouv.fr/
salarié
- naviguer sur un site internet, Lexique – devoir à la maison
rechercher et relever des Fiche 6 : Rôles et
informations Activité langagières : compréhension fonctionnement des syndicats
orale, compréhension écrite, production
-lexique, nominalisation écrite Fiche lexique exercice 2 – en
devoir

Tableau, projecteurs, enceintes


- lire un graphique Activité 9 (30 min)
- connaitre les principaux Fiche 7 : Représentation
syndicats français Les résultats des élections 2021. Individuel, syndicale dans les TPE
Lexique - réemploi groupe, classe
-lexique : emploi du lexique
Activités langagières : compréhension Fiche lexique, exercice 2
écrite, production écrite

⮚ Activité 8 : s’informer sur un site officiel dédié aux élections professionnelles des TPE 2021 (1h30)

Questions 1, 2, 3 : Avant de regarder la vidéo, lecture des questions. On laisse les élèves regarder la vidéo et essayer de
répondre aux questions en autonomie (l’enseignant reste en support des élèves peu lecteurs-scripteurs). On regarde une fois la
vidéo en classe entière pour corriger. Pour identifier la source, il est intéressant de leur faire observer le site et relever les indices
qui permettent de savoir que l’on est sur un site gouvernemental, (le drapeau, la devise, Marianne etc.). Cela permet de rappeler
les symboles de la République française.

Questions 4, 5 : Selon le niveau des élèves, il sera préférable de projeter le site et de faire les questions 4 et 5 en classe entière.
En effet, les textes sont courts mais difficiles, la sélection d’information est donc complexe. Lecture à voix haute des élèves les
plus à l’aise. Expliquer les termes, en s’appuyant sur des exemples concrets (la branche professionnelle des élèves) ou sur la
morphologie (interprofessionnel à rapprocher d’international).

Question 6 : on lit la question, on peut faire le premier cas ensemble avant de laisser les élèves travailler individuellement. Il
est intéressant de rappeler la distinction entre conditions de travail légales/illégales qui entraînent des modes d’action syndicale
différents (mobilisation collective vs les Prud’hommes).

Fiche lexique, exercice 2 : en devoir à la maison.

⮚ Activité 9 : comprendre les résultats des élections professionnelles TPE 2021 (30min)

Résultats des élections : Selon le degré d’autonomie des élèves, notamment par rapport à la lecture du graphique, le travail
sera individuel ou non. Si c’est une nature de document connue, on peut penser cette activité comme une évaluation
formative.

Lexique, correction exercice 2 : après avoir corriger la nominalisation, en groupe ou en classe entière, les élèves proposent
des phrases employant les verbes.

138
Etape 4 : Projet d’interview avec un délégué syndical – 3h30
Les différentes phases du projet peuvent être insérées progressivement dans la séquence (après l’activité 6, les
élèves ont assez de matière pour commencer le travail de réflexion). Par soucis de lisibilité nous le présentons de
manière suivie et linéaire.

Objectifs Activités Modalité Matériel et


support
Projet # 1 (15 min)
-Exprimer ses idées, ses envies et écouter celles des autres Groupe
Présentation du projet
Répartition des groupes et des thématiques

Activités langagières : interaction orale

- Collaborer et s’impliquer dans le travail de groupe Projet # 2 (45min) Groupe


- S’exprimer, expliquer ses idées, écouter et développer
celles des autres Rédaction des questions Classe
- Formuler des questions à l’oral
- Rédiger des questions à l’écrit Activités langagières : interaction orale,
- Réinvestir du lexique et des notions compréhension orale, production écrite

Projet # 3 (30 min)


-comprendre la structure thématique d’un reportage Groupe Fiche 8
-synthétiser par un titre Structurer l’interview
-organiser l’interview : présentation du thème général,
regroupement des questions par sous-thèmes, et mise en ordre
logique
-répartir la parole dans le groupe

Projet#4 (30 min) Groupe Micro,


-mettre en voix un texte enregistreurs,
- reformuler avec ses propres mots sans lire ses notes Mise en voix des questions questions
-s’exprimer clairement et distinctement Manipulation des outils d’enregistrement rédigées et
-savoir utiliser l’enregistreur et les micros pour enregistrer corrigées
une interview et des ambiances sonores Activité langagière : production orale

Projet # 5
- prendre part à une discussion dans un contexte formel
-mener une interview : oraliser des questions préparées, La rencontre avec le délégué syndical
formuler des questions spontanées, réagir aux propos de son
interlocuteurs, demander des précisions
-s’exprimer clairement et distinctement Activité langagière : interaction orale,
-être à l’écoute des interventions des autres production orale, compréhension orale
- utiliser le matériel d’enregistrement (enregistrer
l’interview, enregistrer des bruits d’ambiances)

Projet # 6 (45h00) Fiche 8


-Comprendre la structure logique du reportage (introduction,
développement, conclusion) Création et enregistrement du des
-contextualiser, raconter une expérience au passé commentaires d’introduction et de
-restituer des informations avec ses mots conclusion du reportage Annexe :
-exprimer son opinion activité de
-rédiger, mettre en voix, enregistrer les parties (en bonus : création d’un jingle) création de
d’introduction et de conclusion du reportage jingle

- S’exprimer en continu, avec clarté et aisance EVALUATION FINALE (45 min) Individuel Grille
- Structurer son discours d’évaluation
- Contextualiser finale
- Raconter une expérience au passé Enregistrement d’une production orale
- Exprimer et justifier son opinion
- Restituer des informations avec ses mots
- Réemployer du lexique et des notions autour du
syndicalisme et des conditions de travail

Projet# 7
-Valoriser le travail des élèves auprès de la communauté
éducative et des autres élèves. Diffusion
-Transmettre des connaissances aux autres élèves stagiaires
(selon les modalités de la restitution)

⮚ Projet # 1 (20 min)

139
L’enseignant présente le projet de rencontre et de reportage-interview avec un délégué syndical, qui nécessite une préparation.
Quelles questions va-t-on lui poser ? Sur quels thèmes ?
On répartit la classe en groupe de travail de niveaux de français écrit et oral hétérogènes afin d’en favoriser l’autonomie. Chaque
groupe se met d’accord sur le thème qu’il souhaite traiter parmi les grandes catégories précédemment identifiées (ex : durée du
travail, sécurité, respect au travail).

⮚ Projet #2 ( 1h30)
Les élèves échangent dans le but de formuler une série de questions thématiques à poser au délégué syndical. L’enseignant
passe dans les groupes, pour favoriser la participation de tous. Les élèves doivent s’organiser en groupe (rôle de scripteur,
répartition de la parole pour la restitution à la classe).
Lors de la mise en commun des questions, les autres groupes sont invités à enrichir le travail de leurs camarades de leurs propres
idées/questionnements.
Lien avec l’enseignant de FLE/FLS :
Dans l’idéal la forme interrogative a été travaillée en cours de FLE/FLS en amont. Si cette séance fait l’objet d’une co-
intervention avec l’enseignant de FLES, on peut rappeler certaines règles syntaxiques au début (les mots interrogatifs,
l’inversion du sujet). La correction linguistique pourrait être effectuée en classe de FLE/FLES, éventuellement sous la forme
d’une correction collective à partir d’une sélection de questions.

⮚ Projet # 3 (30 min)


Répartition en groupe de travail. On présente l’objectif aux élèves : voir comment le reportage est structuré, afin de pouvoir
organiser notre interview.
Elèves peu lecteurs-scripteurs : lecture à voix haute des élèves les plus à l’aise dans les groupes. Ils peuvent numéroter les titres
plutôt que de les écrire selon le temps imparti.
Lors de la correction, on insiste sur le titre qui synthétise le thème de la partie. C’est le travail que doivent réaliser le s élèves
pour leurs propres interviews : identifier différents sous-thèmes parmi toutes leurs questions et mettre dans ordre logique leurs
questions. Enfin répartir la parole en vue de l’interview (chaque élève est responsable d’au moins une question à poser). Il est
important de rappeler que la première personne qui prend la parole devra commencer l’interview en présentant le groupe et le
thème général (ex : la sécurité au travail).

⮚ Projet#4 (30 min)


Afin de permettre à tous les élèves de manipuler le matériel d’enregistrement, il faut démarrer les deux activités (mise en voix,
enregistrement) en même temps.
On répartit les rôles : qui enregistre des bruits d’ambiance pour le reportage, qui enregistre l’interview, qui interview ?
Lien avec l’enseignant de FLE/FLS :
Cette séance se prête particulièrement à la co-intervention pour accompagner la mise en voix, au niveau de la prosodie
notamment. Les difficultés articulatoires plus spécifiques peuvent faire l’objet d’un cours de phonétique en classe de FLES.

⮚ Projet # 6 (1h00)
En classe entière, on projette la fiche 8. On s’intéresse à l’organisation logique (et non thématique ) du reportage :
1) Présentation du contexte
2) Développement du thème (explication 1 avec Laure sur la durée du travail et les inégalités, explication 2 avec Agnès sur la santé)
3) Conclusion
On peut inscrire ces éléments au tableau et demander aux élèves de trouver les parties auxquelles ils correspondent, on les note
dans la marge. On fait alors le parallèle avec le reportage de la classe. Quels éléments avons-nous ? Qu’est ce qui nous manque ?
1) Présentation du contexte
2) Développement du sujet : l’interview
3) Conclusion
Selon le nombre d’élèves et le temps imparti, chaque groupe rédige et enregistre sa propre présentation du contexte et sa
conclusion ou on divise la classe en deux (ou en trois si on veut travailler sur un jingle). Montage par l’enseignant.

Bonus : Création d’un jingle


Après avoir analyser deux jingles, identifier sa fonction et ses caractéristiques, on détermine avec les élèves les informati ons
qui doivent figurer dans l’introduction mais également les éléments sonores participant à l’identité de l’émission (musique,
bruitages) On passe ensuite à la rédaction, mise en voix et enregistrements des commentaires et des ambiances sonores (ex :
prises de son d’ateliers pour des élèves en CAP maçonnerie).

⮚ Evaluation finale
Consigne : Faire le compte rendu oral de la rencontre avec le délégué syndical.
On projette la grille pour expliciter les exigences en termes de contenu et de structure. Les élèves s’auto-évaluent avant de
remettre leur enregistrement.

⮚ Projet#7
La diffusion est une étape importante, surtout en EMC, car elle permet à la fois de valoriser le travail des élèves et de lui do nner
un sens et une intention qui ne soient pas seulement scolaires, en l’inscrivant dans un environnement social plus large. Les modalités
de cette diffusion sont multiples (web-radio, écoute collective avec des élèves et enseignants), temps d’échange etc.

140
Annexe

141
Sources des supports

Extraits audios :
● Journal du 10 décembre 2020 (00 :00-01:36) / France Bleu Belford Montbéliard
https://www.francebleu.fr/archives/emissions/le-journal-de-7-heures/belfort-montbeliard/2020?p=2
● Jingle Claquettes chaussettes, épisode 10 (00 :30)
http://www.radiogrenouille.com/actions/ateliers/claquettes-chaussettes/
● Jingle Microcité (00 :00 – 00 :17) https://campusgrenoble.org/series/microcite-lundi-7h30-8h00-vendredi-
13h30-14h00/

Fiche 1
● Photo Hugo Couillard / L’Est Républicain : https://www.estrepublicain.fr/social/2020/12/09/photos-
rougegoutte-des-employes-de-l-entreprise-smrc-en-greve-pour-denoncer-la-baisse-annoncee-de-leur-
temps-de-pause

Fiche 2
● Les journalistes en studio : Photo Sarah Alcalay / Le Parisien : https://www.leparisien.fr/culture-
loisirs/tv/matinale-france-bleu-france-3-comment-les-presentateurs-s-adaptent-a-la-radio-filmee-03-03-
2020-8271180.php
● Les salariées de l’entreprise : Photo Hugo Couillard / L’Est Républicain :
● Le délégué syndical : Photo Anthony Picoré / Républicain Lorrain : https://www.republicain-
lorrain.fr/edition-de-metz-ville/2019/02/06/metz-mouvement-de-grogne-chez-est-accompagnement
● La journaliste en reportage : Photo Paul Ridderhof / Opening Papageno Huis :
https://ingeloustol.nl/reportages/
● La direction de l’entreprise : https://www.agence-evenementielle-innovevents.fr/wp-
content/uploads/2019/05/animations-conventions-codirs-reunion-professionnelle-entreprises.jpg
● Durée du travail / Monster : https://www.latribune.fr/economie/france/la-duree-hebdomadaire-habituelle-
du-travail-atteint-39-3-heures-626473.html
● Salaire : https://pxhere.com/fr/photo/498759 https://www.conseil-national.medecin.fr/patient/cherche-
medecin/trouver-medecin
● Egalité entre les salariés : https://www.cadreo.com/actualites/dt-pour-reussir-dans-la-vie-mieux-vaut-etre-
fils-de-cadre-que-fils-douvrier

Fiche 4
• Grève de Carmaux 1892 : document 1 et 2 issus de FOUCHER Histoire Géographie EMC CAP (2015)
• Les grèves 1936 : document 1 et 3 : FOUCHER éditions. Histoire Géographie EMC CAP (2015)
• Les grèves 1936 : document 3 : HACHETTE TECHNIQUE éditions. Histoire Géographie EMC CAP
(2014)
• Les grèves 1936 : document 2 / Les grèves 1968 : document 2 : BELIN éditions. Histoire Géographie
Éducation civique CAP (2016)
• Les grèves 1968 : document 1 :
Photographie https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwic
8IGhpc7xAhXsBGMBHSM5Ci4QFnoECAIQAw&url=http%3A%2F%2Fekladata.com%2FXQEpdoApA
RV1TdLQQUnLJBirN8k%2FSituation-1.-Etre-ouvrier-chez-
Renault.pdf&usg=AOvVaw3uZpadwpJR3Uxoy8yGmSxK

Fiche 5
• Frise chronologique : https://www.fichier-pdf.fr/2017/01/19/chrono-droit-travail/

Fiche 6
● La manifestation : Photo Maxppp - Olivier CORSAN / France Bleu :
https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/reforme-des-retraites-l-intersyndicale-appelle-a-une-
nouvelle-manifestation-le-samedi-11-janvier-1578067166
● Me conseiller: https://www.cgt.fr/actualites/ile-de-france/transport/temps-de-travail/embaucher-oui-cest-
possible
● Négocier :http://gfi.fieci-cfecgc.org/category/table-des-negociations/negociations-annuelles-obligatoires/
● Me défendre : https://www.gerantdesarl.com/actualite/de-nouvelles-sanctions-penales-pour-les-gerants-de-
sarl

142
Annexe 12 : Fiches élèves

Fiche 1 : L’actualité sociale de Rougegoutte (EMC)

1. Ce document est extrait :

□ d’un journal télévisé


□ d’une émission politique à la radio
□ d’un journal d’information à la radio

2. On entend :

□ un reportage sur le terrain


□ un débat entre plusieurs invités
□ un discours politique

3. Quelle est la nature et la source du document ?

___________________________________________________________________________
4. Entoure les mots que tu entends :

le salaire la grève la manifestation

les conditions de travail le patron les syndicats

la direction les R.T.T

5. Que se passe-t-il ?

□ Les syndicats appellent à la manifestation


□ Les ouvriers de l’entreprise SMRC sont en grève
□ Les machines de l’usine sont en panne

6. Pourquoi ?

□ Pour défendre leurs conditions de travail


□ Pour demander une augmentation de salaire
□ Pour garder leur pause quotidienne

143
Fiche 2 : Le reportage (EMC)

◼ Les personnes qui parlent.

1. Qui sont les personnes qui parlent ? Coche les voix que tu entends.

Qui parle ? Que dit-il ?

Les journalistes en studio


Les salariées de l’entreprise

Le délégué syndical

La journaliste en reportage


La direction de l’entreprise

2. Que disent-elles ? Associe une phrase à chaque personne.

• Elles parlent de leurs mauvaises conditions de travail.


• Ils expliquent qu’il y a une grève.
• Elle présente les personnes interviewées.
• Il a peur pour les droits des salariés.
• Elle a refusé de répondre aux questions.

144
Fiche 3 : Les conditions de travail (EMC)

◼ Les interviews des ouvrières

3. Pour quelles raisons Laura et Agnès font grève ?

Le temps de travail

Le salaire

L’égalité entre les salariés

La santé

Nos exemples de mauvaises conditions de travail :

145
Grille d’évaluation 1 Grille d’évaluation 1

Nom : ____________________________________________________ Nom : ____________________________________________________

Critères d’évaluation Auto-évaluation Evaluation collective Critères d’évaluation Auto-évaluation Evaluation collective

L’ORGANISATION L’ORGANISATION
1. Présenter le contexte 1. Présenter le contexte
- qui ? - qui ?
- quoi ? - quoi ?
- où ? - où ?
-quand ? -quand ?

2. Décrire la situation 2. Décrire la situation


Qu’est ce qu’il s’est passé ? Qu’est ce qu’il s’est passé ?

3. Expliquer le problème 3. Expliquer le problème


Pourquoi c’est un problème ? Pourquoi c’est un problème ?
LA FORME LA FORME
Volume Volume
Parler assez fort Parler assez fort
Articuler Articuler
Prononcer clairement Prononcer clairement
Vitesse Vitesse
Ne pas parler trop vite Ne pas parler trop vite

146
Fiche : Lexique

◼ Exercice 1 : Relie les mots et expressions qui ont la même signification.

Les RTT ● ● La direction

Le salaire ● ● La rémunération

Les vacances ● ● Les jours de repos pour rattraper les heures


supplémentaires (Réduction du Temps de Travail)
Les patrons ●
● Les congés payés

◼ Exercice 2 : Transforme les verbes en nom comme dans l’exemple

Revendiquer - une revendication


Les ouvriers revendiquent un meilleur salaire.

Manifester > _____________________________


Les salariés du BTP manifestent. > ____________________________________________

Négocier > _____________________________Les


syndicats et la direction négocient. >__________________________________________

Augmenter > _____________________________Les sa


laires des cadres augmentent.>_____________________________________________

Représenter > _____________________________


Les syndicats représentent les salariés. > La _________________________ syndicale des salariés.

Dénoncer > _____________________________L


es ouvriers dénoncent leurs conditions de travail. > ______________________________

Diminuer > _____________________________


La direction diminue la pause quotidienne.>____________________________________________

147
Fiche 4 : Grèves et évolution des conditions de travail (Histoire)

◼ La grève de Carmaux - 1892

Document 1

En mai 1892, Jean Baptiste Calvignac, ouvrier dans la mine de Carmaux


(un village du sud ouest de la France) est élu maire de Carmaux.

Après les élections municipales (élection du maire), le directeur de la mine me mit en


demeure (me donna l’ordre) de choisir entre mes fonctions de maire et d’ouvrier dans la mine. Il en
coûtait à la mine qu’un ouvrier sous ses ordres fût maire (le directeur n’était pas d’accord qu’un
ouvrier soit maire). Je n’acceptai ni l’un, ni l’autre et je répondis au directeur que lorsque j’aurais
besoin de prendre des journées pour remplir mes fonctions de maire, je m’absenterais (je
partirais) du travail qu’après avoir régulièrement demandé la permission.

Mémoire de J.B Calvignac, Le mouvement social, cité par la Documentation photographique


N°6005, 1973.

1.Quelle est la nature du document ?

_______________________________________________________________________________

2.Quand les évènements sont racontés ?

________________________________________________________________________________

3.Quel est le métier de Calvignac ?

________________________________________________________________________________

4.Quelle est sa fonction dans la ville ?

________________________________________________________________________________

5.Quelle est la réaction de la direction de la mine ?

________________________________________________________________________________

148
Document 2

La grève de Carmaux (les ouvriers se mettent en grève car Calvignac est renvoyé de la mine)
est terminée.[…].Il est certain qu’aucune mine, ni société industrielle (une entreprise) n’osera créer
de difficultés aux ouvriers investis d’un mandat électif (élu) : le suffrage universel s’est défendu
trop énergiquement pour que l’on puisse l’inquiéter de nouveau ( les ouvriers en grève ont défendu
leur droit de vote et ont gagné).
Jean Jaurès, La Dépêche, 8 novembre 1892.

Le nom du journal.

Journaliste et Homme politique français (1859-1914)

1.Pourquoi les mineurs se mettent en grève ?

______________________________________________________________________________________

2.Quel personnage les défend ?

_______________________________________________________________________________________

3. Quelles sont les résultats de cette grève pour les ouvriers mineurs ?

_______________________________________________________________________________

149
◼ Les grèves de 1936

Document 1

1.Quelle est la nature du document ?

__________________________________________________________________________

2.Quel est le contexte ? (Quand ? Qui ? Quoi ?)

___________________________________________________________________________

150
Document 2

1.Quelle est la nature du document ?

_____________________________________________________________________________

Je dis ce que je vois J’interprète

Où sont les ouvriers ? Pourquoi ?

Qui les aide ?

Comment sont-ils aidés ?

Document 3

1.Quelle est la nature du document ?

__________________________________________________________________________
2.Quels sont les droits acquis par les ouvriers ?

__________________________________________________________________________

151
◼ Les grèves de 1968
Document 1

Usine Renault de Boulogne-Billancourt en grève, juin 1968

1.Quelle est la nature du document ?

__________________________________________________________________________

2.Quel est le contexte ? (Quand ? Qui ? Quoi ?)

__________________________________________________________________________

3.Nommez les syndicats

__________________________________________________________________________

__________________________________________________________________________

4.Quelles sont leurs revendications (pourquoi ont –ils arrêté le travail ?)

__________________________________________________________________________

__________________________________________________________________________

152
Document 2

1.Quelle est la nature du document ?

__________________________________________________________________________

2.

Je dis ce que je vois J’interprète


Qui est représenté ? Pourquoi ?

Combien de bras sont dessinés ? Pourquoi ?

Recopie le slogan (les mots) Pourquoi ce slogan ?

153
Fiche 5 : Evolution des conditions de travail en France

154
Découpe et place les évènements sur la fris chronologique.

155
Fiche 6 : Rôles et fonctionnement des syndicats (EMC)

Ouvrir Firefox.

Aller sur le site : https://election-tpe.travail.gouv.fr/

Regarder la vidéo.

1. Quelle est la nature et la source du document ?

___________________________________________

___________________________________________

2.Lors de cette élection, pour qui vote-on ?

___________________________________________

3. Qui peut voter ?

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

4. Descendre sur la page web, en-dessous de la vidéo.

Quels sont les trois rôles des syndicats ?

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

156
3. Pour revendiquer de meilleures conditions, les syndicats peuvent négocier avec le patron.
Mais ils peuvent aussi faire d’autres actions. Lesquelles ?

_______________________________________________________________________________

4. Pour chaque situation, quel rôle va jouer le syndicat ?

Situations Rôle du syndicat

Mon contrat est terminé. Mon patron ●


refuse de me payer mes heures
supplémentaires. ●
● Me conseiller
L’échafaudage n’est pas en bon état. Je me
sens en danger. Est-ce que je peux refuser ●
de travailler dans ces conditions ?

On nous demande de travailler plus vite,


sans augmenter nos salaires. ●

Un employeur licencie sans raison mon ●


collègue. Que peut-il faire ? Négocier mes
conditions de travail

A Rougegoutte, la direction de l’entreprise


SMRC veut réduire la pause. ●

Mon employeur me demande de payer ●


mes EPI. Est-ce que c’est normal ?

Mon employeur décide de mes dates de ●


congés. Est-ce que c’est normal ? ●
Me défendre face à
mon employeur

157
Fiche 7 : La représentation syndicale dans les TPE (EMC)

1. Quel le titre du document ?


_______________________________________________________________________________
2. Quelle est la nature du document ?

_______________________________________________________________________________
3. Quelle est la source du document ?
_______________________________________________________________________________

4. Entoure les 4 syndicats majoritaires à l’élection :

5. Qui est le syndicat majoritaire ? Avec combien de voix ?

________________________________________________________________________________

158
Fiche 8 : l’organisation d’un reportage (projet radio)

1.Lis la transcription du reportage.

2. Surligne les passages des trois interviews.

3. Retrouve le titre de chaque partie : - Après la grève, la négociation des syndicats et la direction
- La grève pour dénoncer les risques sur la santé
- La grève des ouvriers à Rougegoutte
- La grève pour dénoncer les inégalités entre salariés

________________________________________________________________

Les ouvriers de l’entreprise SMRC à Rougegoutte sont en grève depuis lundi.


Ils défendent leurs conditions de travail, leur pause quotidienne réduite à 27 minutes
et leurs RTT.

__________________________________________________________ _____

Sur le parking de l’usine, Laura, embauchée depuis 4 ans après 2 ans d’intérim, est
présente. Elle n’avait pourtant pas prévu de faire grève.

« Là, ils touchent à tout : les RTT on n'a plus, le pouvoir d'achat, on le perd. J’aurai
voulu juste l’égalité, que ce soit pour tout le monde pareil. C’est juste les ouvriers.
Tout ce qui est cadres, on touche pas aux RTT, ce sera pas les samedis obligatoires. »

________________________________________________________________

Parmi les plus anciens il y a Agnès qui passe d’un groupe d’ouvrier à un autre. Elle a
quinze de SMRC derrière elle. Elle est là car elle craint pour sa santé physique.

« Vu les rythmes qu’on a où on fait tout le temps les mêmes mouvements, on est
cassé de partout, on nous prend pour des robots. Faut bosser, ça fait mal c’est pas
grave, faut bosser. »

________________________________________________________________

Les syndicats ont maintenant plusieurs mois pour tenter de trouver un accord avec la
direction, essayer de limiter la casse. David Buchwalter, délégué CFE-CGC, a du mal à
garder espoir.
« On profite du Covid pour mettre en cause tous les acquis et ça c'est dangereux. On
va pas vers les beaux jours. »

159
Evaluation finale Evaluation finale

Nom : ____________________________________________________ Nom : ____________________________________________________

Critères d’évaluation Auto-évaluation Evaluation Critères d’évaluation Auto-évaluation Evaluation

L’ORGANISATION L’ORGANISATION
1. Présenter le contexte 1. Présenter le contexte
- qui ? - qui ?
- quoi ? - quoi ?
- où ? - où ?
-quand ? -quand ?

2. Présenter le thème de votre interview 2. Présenter le thème de votre interview

3. Expliquer ce que vous avez appris 3. Expliquer ce que vous avez appris
4. Donner votre opinion sur les syndicats 4. Donner votre opinion sur les syndicats
LA FORME LA FORME
Volume Volume
Parler assez fort Parler assez fort
Articuler Articuler
Prononcer clairement Prononcer clairement
Vitesse Vitesse
Ne pas parler trop vite Ne pas parler trop vite

160
Créer un jingle
1. Qu’est ce que j’entends ? _________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

https:// Nom de l’émission


campus
grenobl
e.org/se
ries/mic Qui parle ?
rocite-
lundi-
7h30-
8h00-
Thème de l’émission
vendred
i-
13h30- Sur quelle radio ?
14h00/

2. Qu’est ce que j’entends ? _________________________________________________________

_________________________________________________________________________________

http://w Nom de l’émission


ww.radio
grenouille
.com/acti
ons/atelie
Thème de l’émission
rs/claquet
tes-
chaussett Qui parle ?
es/

Sur quelle radio ?

Un jingle c’est _________________________________________________________

NOTRE JINGLE

Nom de l’émission

Thème de l’émission

Qui parle

Sur quelle radio Radio Campus Grenoble 90.8

161
Table des matières
Remerciements .................................................................................................................................................. 2
Sommaire .......................................................................................................................................................... 4
Introduction ....................................................................................................................................................... 6
PARTIE 1 - CONTEXTE DE LA SCOLARISATION EN VOIE PROFESSIONNELLE ORDINAIRE DES ELEVES
ALLOPHONES DE PLUS DE 16 ANS PEU SCOLARISES ANTERIEUREMENT ..................................................... 9
CHAPITRE 1. ÉTAT DES LIEUX DE LA SCOLARISATION DES ELEVES ALLOPHONES NOUVELLEMENT ARRIVES
DE PLUS DE 16 ANS AUX NIVEAUX NATIONAL ET ACADEMIQUE ............................................................... 10
1. Les CASNAV, au cœur des politiques de scolarisation des EANA ......................................................... 10
1.1. Du CESIFEM au CASNAV, une structure qui évolue en fonction de ses publics ................................. 10
1.2. Les missions du CASNAV..................................................................................................................... 11
2. La scolarisation des EANA de plus de 16 ans ......................................................................................... 12
2.1 L’arrivée importante de mineurs étrangers isolées : évolutions des besoins et adaptations des dispositifs
de scolarisation ............................................................................................................................................. 12
2.2 Parcours scolaires et orientation professionnelle sous contrainte administrative ................................ 16
2.3 Des conditions d’enseignement-apprentissage difficiles .................................................................... 19
2.3.1 La transition vers la classe ordinaire ........................................................................................ 19
2.3.2 Se rendre disponible aux apprentissages dans l’urgence et la précarité ................................... 20
CHAPITRE 2. LE CONTEXTE PARTICULIER DU STAGE ............................................................................... 22
1. La commande du CASNAV .................................................................................................................... 22
2. Lieu et contexte d’intervention ................................................................................................................ 23
3. Le profil des élèves .................................................................................................................................. 24
CHAPITRE 3. FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE DE RECHERCHE ...................... 28
1. Formulation de la problématique et des hypothèses ................................................................................ 28
2. Principes de la recherche-action et démarche ethnographique ................................................................. 29
PARTIE 2 - CADRE THEORIQUE .................................................................................................................. 31
CHAPITRES 4. LE LANGAGE A L’ECOLE ................................................................................................... 32
1. Les EANA, une situation de Français Langue Seconde particulière ........................................................ 32
1.1 Le continumm FLE, FLS, FLM .............................................................................................................. 32
1.2. Le français langue de scolarisation (FLSco) .......................................................................................... 34
2. De la langue de scolarisation aux discours scolaires ................................................................................ 36
2.1 Une grammaire transversale aux discours disciplinaires .................................................................... 36
2.2 Des opérations langagières et cognitives spécifiques aux disciplines ................................................. 37
2.3 L’approche disciplinaire ou la nécessité de faire sens ........................................................................ 38
3. Pratiques langagières et appropriation de connaissances scolaires .......................................................... 39
3.1 La conceptualisation : une forme d’abstraction marquée par l’écrit ................................................... 39
3.2 L’étayage linguistique et la production de sens, les conditions d’accès au mode de connaissances
scolaires en contexte de FLS ......................................................................................................................... 40
3.3 Secondarisation du discours et institution du sujet scolaire .................................................................... 42
3.3.1 La construction de connaissances : un discours en métamorphose ................................................. 42
3.3.2 Les marques langagières de la secondarisation du discours ............................................................ 44
CHAPITRE 5. L’ORAL A L’ECOLE ............................................................................................................. 46
1. L’oral, le premier des moyens de transmission et d’apprentissage à l’école ............................................ 46
1.1 La compréhension orale des discours pédagogiques, une priorité pour les EANA............................. 46
1.2 La production orale, vecteur de l’appropriation des connaissances .................................................... 47
1.3 L’émergence du sujet scolaire par un acte d’énonciation orale .......................................................... 48
2. L’oral, un objet d’apprentissage-enseignement marqué par les dissensions pédagogiques et didactiques 50
2.1 L’oral scriptural .................................................................................................................................. 50
2.2 Les compétences orales, des objets d’enseignement autonomes ........................................................ 52
2.2.1 Une approche par les genres sociaux formels ................................................................................. 52
2.2.2 Démarche actionnelle et compétences orales .................................................................................. 53
2.2.3 La fictionnalisation à l’épreuve du détour pédagogique ................................................................. 54
164
2.3 Une approche disciplinaire par les conduites discursives ................................................................... 55
2.4 L’itinéraire intertextuel ....................................................................................................................... 57
3. Soutenir l’émergence du sujet scolaire .................................................................................................... 58
3.1 L’approche par genre : un étayage dans les pratiques langagières cognitives disciplinaires ............. 58
3.2 L’approche par genre de texte oral : une médiation vers l’écrit .......................................................... 59
3.3 Les médiations pédagogiques instrumentées de la didactique de l’oral .............................................. 60
3.3.1 Médiatisation et médiation ....................................................................................................... 60
3.3.2 Les dispositifs techniques de l’oral .......................................................................................... 60
PARTIE 3 - MODELISATION D’UN DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DE L’ORAL UTILISANT
L’ENREGISTREMENT VOCAL : CONCEPTION, MISE EN ŒUVRE ET EVALUATION ...................................... 63
CHAPITRE 7. CONCEPTION D’UN DISPOSITIF D’ENSEIGNEMENT DE L’ORAL ............................................. 64
1. Etats des lieux des besoins et pratiques.................................................................................................... 64
1.1 Adapter les programmes disciplinaires ............................................................................................... 64
1.2 Transmettre autrement qu’à l’écrit ..................................................................................................... 65
1.3 S’adosser à des références non-scolaires pour favoriser la conceptualisation disciplinaire ................ 65
1.4 Accompagner les élèves dans l’appropriation des démarches scolaires.............................................. 66
1.5 Enseigner l’oral, le parent pauvre de l’enseignement disciplinaire ..................................................... 66
2. Cibler des connaissances disciplinaires et des compétences langagières ................................................. 67
2.1 La thématique et les contenus disciplinaires ....................................................................................... 68
2.2 L’oral monologué ............................................................................................................................... 69
2.3 L’articulation de capacités disciplinaires et des compétences langagières ......................................... 70
CHAPITRE 8. DESCRIPTION DU DISPOSITIF PEDAGOGIQUE MIS EN OEUVRE .............................................. 71
1. Les activités de conception/verbalisation................................................................................................. 73
2. Les activités de verbalisation-reformulation ............................................................................................ 76
3. L’activité de reformulation finale, une synthèse orale enregistrée ........................................................... 79
CHAPITRE 9. ANALYSE REFLEXIVE DU RECOURS A L’ENREGISTREMENT VOCAL DANS L’ENSEIGNEMENT
DE L’ORAL MONOLOGUE EN HISTOIRE-GEO EMC.................................................................................... 80
1. L’appropriation de connaissances et de compétences orales disciplinaires ............................................. 80
1.1. L’émergence du sujet scolaire ................................................................................................................ 80
2.2 La prise de parole monologué dans le contexte scolaire ..................................................................... 81
2.2.1 Une mise en récit des connaissances au moyen de la double énonciation, l’exemple d’A. ....... 82
2.2.2 Une synthèse explicative au moyen de l’hybride vocal, l’exemple de L. ................................. 84
2.3 Des interactions de groupe à la production orale individuelle ............................................................ 85
2.3.1 Un processus de constructions de connaissances ..................................................................... 85
2.3.2 Le développement de compétences orales scolaires................................................................. 86
2. L’appropriation des instruments de médiatisation et de médiation pédagogique ..................................... 87
2.1 L’instrumentation de l’enregistrement vocal et des grilles d’évaluation ............................................ 87
2.2 Autonomie et émancipation des sujets apprenants ............................................................................. 90
2.2.1 Produire des connaissances en autonomie................................................................................ 90
2.2.2 Un mode d’expression moins confrontant................................................................................ 91
2.2.3 Inspirer de nouvelles stratégies d’apprentissage chez les élèves .............................................. 92
3. Difficultés et limites du dispositif ............................................................................................................ 92
3.1 Contexte d’enseignement, situation de communication scolaire et médiatisation didactique ............. 93
3.2 Une intention de communication conditionnée par les attentes scolaires ........................................... 94
3.3 Le projet d’interview-reportage, un fil rouge mal intégré au dispositif .............................................. 94
3.4 La production orale des connaissances : un contournement ou un détour pour aller vers l’écrit ? ..... 95
Conclusion ....................................................................................................................................................... 97
Bibliographie ................................................................................................................................................... 99
Sigles et abréviations utilisés ......................................................................................................................... 105
Table des illustrations .................................................................................................................................... 106
Table des annexes .......................................................................................................................................... 107
Table des matières ......................................................................................................................................... 164

165
MOTS-CLÉS : Français Langue de Scolarisation, didactique de l’oral, élèves allophones
peu scolarisés antérieurement, discours scolaires, instrument de médiation pédagogique,
enregistrement vocal, processus d’appropriation de connaissances, sujet énonciateur,

RÉSUMÉ

Situé en didactique du FLSco, ce mémoire présente un dispositif d'enseignement de l'oral


en Histoire-Géo-EMC conçu pour des élèves allophones de CAP, ayant peu été scolarisés
antérieurement. A l'école, les pratiques d'enseignement et les démarches d'apprentissage
sont marquées par l'écrit, y compris les oraux scolaires. Face à des élèves éloignés de l'écrit
et de la culture scolaire, ce mémoire suggère d'aborder les pratiques langagières et
cognitives propres à l'appropriation des connaissances disciplinaires, par l'oral. Nous
chercherons à déterminer dans quelles mesures, l'enregistrement des productions orales en
continu est un instrument de médiation pédagogique, favorisant la conscience langagière,
la reconstruction de savoirs hétérogènes et ainsi, la prise de parole en tant que sujet scolaire
des élèves.

166
167

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