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ASUD Journal Août 2012 N°50 - DROGUES

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ASUD

Journal
ao û t 2 012
n ° 5 0 2 ,5 0 €

on a testé pour vous

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produits
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e

Politique Substitution International


Pour un début de changement Stop ou encore? Jeunes et "rehab"
Le temps de l'armistice Mon traitement, mon choix En finir avec le "just say no"
Auto support et réduction des risques parmi les usagers de drogues
Imprimer et envoyer le formulaire accompagné d'un chèque à l'ordre d'Asud
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Je désire commander :
… exemplaires de « BHD, le pourquoi et le comment » = ……......x 0,30 €
… exemplaires du « Manuel des droits des usagers de TSO » = …x 0,30 €
… exemplaires du « VHC, prises de risque, dépistage, traitement » = …….x 0,30 €
Asud, le journal
… exemplaires du « Manuel du shoot à moindres risques » =….............….x 0,30 €
qui s’amuse à réfléchir 1
C O M M A N D E D E B RO C H U R E S / A B O N N E M E N T

+ Frais de port : 10 € jusqu'à 100 brochures / 20 € jusqu'à 250 brochures /

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30 € jusqu'à 500 brochures mies lectrices, amis lecteurs, Asudiennes, Asu-
diens, ivrognes invétérés, communistes, jet-setteu-
Abonnement (trimestriel : 4 numéros par an) ses, intermittents du spectacle, femmes de mau-
vaise vie, pigistes de Valeurs Actuelles, bref vous
Particulier (1 ex de chaque numéro)...........……12 € qui savez qu’en France, les drogués ont un journal,
Professionnel, association et collectivité locale nous vous saluons. Ceci est notre cinquantième numéro.
1 ex de chaque numéro…................................….. 30 € La petite bande de tox réunie un soir d’hiver 19922 n’était
pas censée durer et encore moins perdurer. Décimés par le
10 ex de chaque numéro……………………… 77 € sida, surveillés par la police, dégagés en touche par les gens sé-
20 ex de chaque numéro……………………… 97 € rieux – « c’est quoi ce Journal des drogués heureux ? » –, notre
survie économique, sociale et politique tient du miracle, une
25 ex de chaque numéro……………………… 106 €
formule magique en trois lettres dont le sens reste obscur au
50 ex de chaque numéro……………....………..152 € plus grand nombre : RdR, la politique de réduction des ris-
100 ex de chaque numéro……………….……...200 € ques liés à l’usage de drogue. Aujourd’hui, tous les acteurs du
soin la revendiquent. Appelée « réduction des dommages »
par certains, camouflée en prévention secondaire par le lexi-
Asud-Journal 32 rue de Vitruve 75020 Paris que médicosocial (voir p.34) cette politique – car il s’agit
Association Loi 1901 d’une politique – n’est plus contestée par personne. Et pour-
Pour tout renseignement : 01 71 93 16 48 tant, la distorsion qui continue d’exister entre son principe
fondamental et la législation pénale constitue probablement
ou contact@asud.org. la meilleure des raisons pour continuer à nous battre.
Prenons un exemple concret : pour ce cinquantième
numéro, nous avons choisi de tester et de vous présenter
cinquante produits licites ou illicites. Ce choix éditorial
pose avec limpidité tous les termes d’un débat qui sépare
notre définition de la réduction des risques de sa déno-
mination officielle, définie par la loi de 2004. Notre ré-
duction des risques flirte dangereusement avec les limites
posées par l’article L 3421-4 du code de la santé publique,
qui punit la provocation à l'usage, et pour cette raison,
nous avons besoin de l’aide de nos plus proches alliés : les
professionnels de l’addictologie.

r m at i o n web Usages, abus et dépendances. Le célèbre triptyque du

info d.org
professeur Parquet, rendu public dans un rapport cosigné

w w w. a s u
par Michel Reynaud3, résume à la fois les enjeux et les li-
mites de ce « pacte addictologique » passé entre l’État et
le système de soin. Cela ne va pas faire plaisir à tout le
Le site d’Asud monde, mais Michel Reynaud n’est pas loin de représenter
Certains d’entre vous ont dû le constater : le site d’Asud l’équivalent contemporain de ce que fut le Dr Olievenstein
est en phase de transformation radicale. Nous travaillons
dans les années 70 (tiens, le temps se gâte du côté de Tou-
sur une nouvelle formule plus en synergie avec le jour-
nal papier. De nouvelles rubriques interactives vous se- louse4). Olive était le pape de la toxicomanie, Michel Rey-
ront progressivement proposées sur des sujets divers : naud est un peu le pape de l’addictologie. Mais à l’heure
• Droits des usagers • Substitution • Psychostimulants... des coupes sombres, il lui faut partager cette papitude avec
une constellation de papounets et d’antipapes qui n’exis-
Le Forum d’Asud taient pas, ou moins, aux temps bénis de l’invention du
Rebaptisé psychoactif.org depuis quelques mois, le Forum toxicomane. À ce détail près : le positionnement des deux
d’Asud a pris son envol en dehors de l’association. Après figures est incroyablement symétrique.
avoir été porté pendant cinq ans dans le giron d’Asud, il est
désormais autonome. Bon vent camarades.
50
journal n°50

So mMa i r e
Politique 4
Pour un début de changement
Le temps de l’armistice
Décroche 8
Traitements de substitution : stop ou encore ?
Substitution 10
Campagne « Mon traitement, mon choix »
Cannabis 12
Circ’Story / épisode 2
Leur doctrine est fondée sur un triptyque simple, intelligent, dont la fonction est
essentiellement diplomatique. Pour Olive, c’était la rencontre « d’un produit, d’un VHC 15
individu, et d’une histoire », pour Michel Reynaud, c’est le déjà cité « usages, abus et Nouvelles thérapies, plus que de l’espoir
dépendances ». Tous deux contournent habilement le cœur du problème posé par « la
drogue », laissant ainsi toute latitude à la police et aux douanes, les vrais spécialistes, de Dossier spécial n°50 17
Asud a testé pour vous 50 produits !
continuer à exercer leur art sans souci éthique superflu. Aujourd’hui comme hier, le pôle
répressif se moque comme d’une guigne des spéculations intellectuelles des mandarins de International 34
l’addictologie. Ils se contentent d’un syllogisme mis en vogue par notre dernier Drug Czar : Jeunes et « Rehab » : les exclus de la RdR
la drogue c’est dangereux, d’ailleurs c’est interdit. Enfin, et ce n’est pas le moindre des pa-
radoxes à quarante années de distance, nos deux figures pontificales finissent par souffler Quoi de neuf doc ? 38
r Chronique des évènements courants
une petite brise discordante vis-à-vis du pouvoir. Rappelons que le D Olievenstien a tenté
tardivement de revenir sur l’interdiction de vente des seringues, sans grand succès il est vrai. A-Kroniks 40
De son côté, le Pr Reynaud prêche de plus en plus ouvertement pour une réforme de cette C’est la jungle là-dehors
bonne vielle loi de 70 mise en musique avec l’aval de son prédécesseur5.
Cette petite brise est-elle destinée à devenir tempête ? Les cinquante produits testés Courrier des lecteurs 42
et présentés par Asud dans ce journal franchissent délibérément les limites instituées Notre culture 44
par le « pacte addictologique ». Comme hier le « soin aux toxicomanes », le pacte Séries, Hallu-ciné
addictologique, c’est un peu la trahison des clercs. Aujourd’hui comme hier, nous autres
consommateurs de drogues avons besoin du soutien de ces personnalités qui nous soi- A dresses 49
gnent, nous accueillent et la plupart du temps, veulent notre bien (coup de tonnerre du
côté de Marseille cette fois6). Directeur de la publication :
Mais à la toute fin, ils nous trahissent. En 1970, le slogan olievensteinien de rencontre Michel Velazquez Gonzalez
entre « un individu, un produit et une histoire » avait subrepticement évacué le produit pour Rédacteur en chef : Fabrice Olivet
ne retenir que l’individu et son histoire (généralement racontés sur un divan), au point de Secrétaire de rédaction : Isabelle Célérier
bannir de la clinique des toxicomanes toute référence aux effets des drogues ou à la question Coordination : Fabienne Lopez
posée par leur interdiction. Aujourd’hui, « usages, abus et dépendances » connaît approxima- Maquette & illustrations : Damien Roudeau
tivement le même travers. Seuls les deux derniers termes sont l’objet d’une véritable clinique. Bloodi : Pierre Ouin
L’usage, notion cruciale partagée par des millions de consommateurs, est laissé au bon soin de la
maréchaussée ou… d’Asud. Merci à ASUD Loiret pour les
La dépendance est en train d’étouffer ce droit à l’usage qui est pourtant implicite dans l’énon- illustrations de couverture extraites de leur
cé du triptyque Parquetto-Reynaldiste. Contrairement à ce que croient les autorités, rassurées brochure Bars et Boites de nuits.
par le caractère scientifique de l’addictologie, c’est l’usage qui est au cœur du « problème de la dro-
gue ». C’est l’usage qui génère les millions d’euros de profit, pas la dépendance, ni même l’abus7. Ont participé à ce numéro : Laurent Appel,
C’est l’usage qui intéresse les jeunes consommateurs et rend le discours classique de prévention Vincent Benso, Michel Bonjour, Anne
totalement inopérant, justement parce qu’il ne parle que de dépendance comme le démontre le Coppel, Marc Dufaud, Eric, Jean-Pierre
mouvement Youth Rise (voir p. 35). Enfin, c’est l’usage qui pose le problème dans sa dimension Galland, Speedy Gonzalez, Pierre
sociologique et sécuritaire, comme le souligne Anne Coppel avec sa sagacité habituelle (voir p. 5). Human, Bertrand Lebeau, Fabrice
Asud est donc condamnée à défendre cet usage, courant, classique, BANALISÉ – le mot inter- Olivet, Fabrice Perez, Emma Richaud,

.
dit qui vous vaut un contrôle urinaire instantané. Avec les amoureux et les poètes, nous savons que Monique Whalen.
l’ivresse est un trésor caché qui mérite d’être défendu, analysé, socialisé. Si la dépendance et l’abus sont
à juste titre dénoncés comme des nuisances, l’équilibre voudrait que l’usage, convivial ou solitaire, soit Asud-Journal est un trimestriel édité
innocenté. Fabrice Olivet par l’association Asud.
Tirage 10 000 exemplaires. ISSN :
1. Hommage à René Goscinny, rédacteur en chef de Pïlote, inventeur de la potion magique. 1257 - 3280
2. Le dépôt de nos statuts en préfecture datant de 1993, pas d’affolement pour la petite fête Impression print[team]
des 20 ans d’Asud : vous serez tous invités l’année prochaine. zac km delta - 30900 Nîmes
3. Chef du département de psychiatrie et addictologie, hôpitaux universitaires de Paris-Sud (APHP) Commission paritaire en cours
4. Message personnel de la rédaction Ce numéro a pu paraître grâce
5. Voir l’emission de Benoit Duquesne sur France 2, « Complément d’enquête : Drogue, l’overdose » du 17 mai 2012 aux soutiens de Sidaction et de
6. Re-message perso de la rédac. la Direction générale de la santé
7. à l’exception notable du tabac qui est encore licite.
(DGS).
politique & citoyenneté
L’intense débat auquel nous avons
activement participé depuis deux
ans débouche sur un résultat
très décevant : le président Hol-
lande, son gouvernement et la
majorité socialiste ne veulent pas
dépénaliser la consommation de
stupéfiants. Pas de changement
pour les usagers, nous restons des
sous-citoyens criminalisés. Pas de
changement de stratégie, la guerre
à la drogue continue ses ravages. La
gauche puritaine succède à la droite
démagogue. Quatre propositions
pour sortir de l’impasse.

ngement
ut de cha
déb
Pour un pourront plus ignorer ces propositions
alternatives, ni l’honorabilité et les com-
de répartir équitablement le fonds de
concours alimenté par les saisies judi-
ciaires (plus de 20 millions d’euros en
pétences des éminentes personnalités in- 2011). Actuellement, la police et la jus-
Deuxième rapport de la ternationales qui les soutiennent. tice s’en partagent 80% et la douane en
Global Commission À l’échelle française, la nécessité reçoit 10%. Soit 90 % au répressif contre
on Drug Policy d’analyse et de réflexion sur notre po- 10% à la prévention, la RdR et le soin,
litique des drogues est évidente. Le der- une répartition qui reflète parfaitement
Les nombreux arguments en faveur de la nier rapport fondé sur des auditions va- l’orientation répressive des dix dernières
décriminalisation énoncés en juin 2011 riées et des évidences scientifiques date années. Un équilibrage serait un sym-
dans le premier rapport de la Global de la commission Henrion en 1994-95. bole politique très fort.
Commission on Drug Policy1 (GCDP) Les travaux plus récents de nos parle-
n’ont pas été entendus par la classe poli- mentaires étaient trop orientés et par- Innover en matière de
tique et l’opinion publique française. Un cellaires pour être crédibles. Le candi- RdR et de prescription
an plus tard (le 25 juin 2012), un second dat François Hollande avait promis un
rapport insiste sur les conséquences dé- débat, Jean-Marc Ayrault avait proposé Les salles de consommation à moindres
sastreuses de la prohibition sur l’épidé- une conférence de consensus lorsqu’il risques, la substitution injectable et la
mie de VIH et la santé des usagers, en était chef des députés PS, c’est le mo- prescription médicale de cannabis sont
rappelant les recommandations généra- ment. La Commission française pour la aussi des dossiers sur lesquels un consen-
les de la GCDP. Ces travaux suscitent un politique des drogues se devra d’être in- sus paraît possible, au moins pour des
vif intérêt international, surtout en Amé- dépendante, représentative et paritaire, expérimentations. Un accès facilité à
rique du Sud. Des présidents en exercice autrement dit comprendre des repré- l’analyse des produits, une RdR mieux
(Colombie ou Uruguay) appellent au sentants d’usagers. adaptée à la polyconsommation et aux
changement, mais la France reste très en plus jeunes, un renforcement de la pré-
retrait de ce mouvement mondial. Les Répartir équitablement vention et du dépistage de l’hépatite C
militants et les associations françaises les fonds de la Mildt sont des sujets qui méritent une concer-
doivent se mobiliser pour mieux diffuser tation et de nouveaux dispositifs.
les propositions réformistes. La ministre des Affaires sociales, Marisol Nous ne renoncerons pas à revendi-
Touraine a récemment déclaré : « Il ne quer la dépénalisation afin de rétablir la
Créer une Commission suffit pas d’avoir la sanction, il faut ac- citoyenneté de l’usager. Pourtant, cette
française sur la compagner, prévenir, expliquer. » Cette position de principe ne doit pas bloquer
politique des drogues stratégie pourrait s’avérer plus efficace à d’autres actions afin d’obtenir ces amé-
condition d’équilibrer les quatre piliers : liorations indispensables. Nous espé-
Nous allons prochainement envoyer un répression, prévention, RdR et soin. rons que la volonté de dialogue, claire-
tirage de ces deux rapports à l’Élysée, Traduire cette volonté politique en une ment affichée par le gouvernement avec

.
Matignon, aux ministères concernés, action concrète est très facile. En accord les partenaires sociaux sur d’autres sujets
à l’Assemblée nationale, au Sénat et au avec les ministres de tutelle, le Premier sensibles, ne s’arrêtera pas aux drogues.
siège des partis politiques. Nos respon- ministre peut donner au(à la) futur(e) Au risque de faire de nous les parias du
sables politiques et leurs conseillers ne président(e) de la Mildt l’instruction changement. Laurent Appel

1. Commission mondiale sur la politique des drogues


4 Asud-Journal 50 juillet 2012
a r m i s t i c e
d e l’
Le temps qui peut ressembler à une simple pétition de principe. La santé
d’une part, la sécurité d’autre part, des objectifs sur lesquels tout

E
nfin, la politique des drogues va marcher sur ses deux le monde peut se mettre d’accord. Mais la prise de conscience de
pieds : réduction des risques liés à l’usage pour ce qui est « l’incarcération de masse » est bien un tournant majeur. C’est
la santé, réduction des dommages causés par le trafic pour le cœur de la discussion puisque dans ce même article, Bernard
ce qui est la sécurité. Il reste encore une longue marche Leroy tient à rappeler qu’il est possible de ne pas incarcérer les
pour construire les régulations de l’avenir mais au moins, usagers drogues sans renoncer à la prohibition. Sans doute. Il
on sait désormais dans quelle direction aller. Le continent n’en reste pas moins que partout dans le monde, usagers de dro-
américain a déjà basculé dans l’ère nouvelle et le grand retour- gues et petits trafiquants remplissent pour moitié les prisons.
nement menace désormais les Nations unies. Les Français ne
l’ont pas compris, parce qu’ils restent enfermés dans l’alterna- L’incarcération de masse
tive « guerre à la drogue ou légalisation ». Comme la légalisa-
tion des drogues n’est pas imaginable, du moins dans un avenir Mais nulle part au monde, l’incarcération n’a été aussi massive
prévisible, la guerre à la drogue poursuit son escalade. Ces der- qu’aux États-Unis. Un livre vient de dénoncer ce scandale : The
nières années pourtant, les nouvelles d’outre-Atlantique n’ont New Jim Crow : Mass Incarceration in the Age of Colorblindess,
cessé de tomber en cascade : « La guerre à la drogue est per- que l’on pourrait traduire par « Les nouvelles lois de ségrégation :
due ! » Qui s’en soucie ? Dans notre belle république, la guerre L’incarcération de masse au temps du déni des discriminations ra-
à la drogue doit se mener coûte que coûte. ciales ». En deux décennies de tolérance zéro, 30 millions de
Blacks et quelques autres minorités ont été incarcérés pour une
Une forme d’armistice infraction liée aux drogues. Ces pratiques discriminatoires ont
longtemps été masquées par l’idéologie « Law and Order » qui
Or justement, ce n’est déjà plus le cas sur le continent américain. sévit depuis les années Reagan, et que les Américains ont réussi
À l’ONU même, où pourtant le langage le plus diplomatique à propager dans le monde entier. Dans les séries TV ou les films,
est de rigueur, il n’est plus possible de masquer les conséquences les trafiquants de drogue sont toujours des Noirs, et c’est effec-
de ce retournement. Dans un article publié dans Le Monde.fr, tivement le cas dans la rue.
Bernard Leroy a d’ailleurs tenté d’alerter les Français : « La Mais comme le montre Michelle Alexander, auteure de ce
légalisation des drogues : une illusion », écrit-il ce 12 avril 2012. best-seller, l’essentiel de ce marché se passe ailleurs. Les Blancs
Que se passe-t-il exactement à l’ONU pour que cet éminent consomment plus de drogues illicites que les minorités et ils
avocat général, qui a longtemps représenté la France au sein de achètent leurs produits en appartement, dans les milieux festifs et
cet organisme, estime nécessaire de discuter cette illusion ? Le plus récemment, sur le Net. Les quelque 2,5 millions d’incarcé-
Guatemala a bien demandé la légalisation des drogues, mais rations par an ont brisé des millions de vies, avec pour principale
en quoi ce petit pays peut-il provoquer un tel émoi ? Un autre conséquence l’exacerbation de la violence et l’enferment dans la
article publié dans Le Monde peu après aurait dû le rassurer : délinquance ou l’exclusion des victimes de la répression. La dé-
Barack Obama était sans équivoque, « Pour les États-Unis, la monstration de Michelle Alexander ne laisse pas de doute : la
légalisation de la drogue n’est pas une option » (Le Monde, 20 lutte contre « la » drogue a pris la relève d’une ségrégation qui,
avril 2012). S’il n’est effectivement pas question de légalisation depuis le mouvement des droits civiques, ne pouvait plus s’affi-
de drogues, ce qui est à l’ordre du jour aujourd’hui, c’est plutôt cher. Le vingtième siècle se termine ainsi par cette dernière grande
une forme d’armistice. tragédie, dont les conséquences sociales et politiques vont peser
C’est précisément ce qu’a proposé la Maison Blanche au longtemps sur les États-Unis. Il ne sera pas facile de sortir de ce
sommet des Amériques en Colombie, ce 20 avril 2012 : « L’in- piège qui exige une profonde réforme des administrations de la
carcération de masse est une politique du passé qui ignorait la né- justice et de la police, non seulement au niveau fédéral, mais dans
cessité d’avoir une approche plus équilibrée face à la drogue, entre chaque État. Impossible sans un vaste mouvement d’opinion pre-
santé et sécurité », a ainsi déclaré Gil Kerlikowske, le responsable nant conscience que la guerre à la drogue a servi de cache-sexe à
de la politique de lutte contre les drogues aux États-Unis. Voilà une ségrégation raciale qui est aussi sociale.

Asud-Journal 50 juillet 2012 5


politique & citoyenneté

Sortir du piège Renoncer à la tolérance zéro


La guerre à la drogue a ravagé le continent américain. Au Nord, C’est ce qui se passe lorsqu’on frappe les petits revendeurs. Les
les incarcérations massives d’usagers de drogues et de trafi- grosses saisies sont plus glorieuses, mais on aimerait bien sa-
quants de rue n’ont limité ni le nombre des consommateurs ni voir quelles en sont les conséquences sur le marché des dro-
le marché des drogues. Au Sud, la guerre aux narcos n’a limité gues : qui profite de l’élimination de tels réseaux ? Les résul-
ni les énormes profits ni l’emprise mafieuse de ces organisations tats doivent être évalués en termes de baisse de la criminalité
criminelles, qui menacent les démocraties par la corruption et et non pas en termes de saisies ou de nombre d’interpella-
la sécurité des citoyens par leur violence. Comment sortir de tions. C’est ce que recommande la Commission mondiale sur
ce piège ? Rompre avec la démagogie et prendre au sérieux la la politique des drogues dans son rapport de juin 2011. Mais
question des drogues est le seul chemin. Bien sûr, le marché c’était déjà l’objectif du Plan drogue 2009-2012 de l’Union
noir est dû à la prohibition, mais le système prohibitionniste européenne, car l’Europe a une certaine expérience en la ma-
est devenu une réalité internationale aussi difficile à réformer tière. À Frankfort comme à Zurich ou Rotterdam, les villes
que les règles du commerce international, la financiarisation européennes ont déjà mis en place des politiques locales pour
de l’économie et les paradis fiscaux. Le débat sur la prohibi- réduire les nuisances liées aux drogues et protéger la santé
tion des drogues est nécessaire – comme d’ailleurs sur toutes des usagers de drogues : moins les usagers de drogues traî-
ces questions de fond – mais au-delà des positions de prin- nent dans les rue, mieux ça va pour tout le monde !
cipe, pour agir avec efficacité, il faut prendre acte des réalités. Le Portugal est donné en exemple parce que sa politique
Que peut-on faire aujourd’hui même dans le système tel qu’il en a tiré les enseignements au niveau national. Les usagers,
est, pour enclencher une logique de changement ? C’est ce qui peuvent détenir jusqu’à dix jours de consommation, ne
tournant qu’a pris la Commission mondiale de la politique sont plus incarcérés, et le petit trafic de rue est toléré, à condi-
des drogues à partir d’un premier constat : y compris dans le tion de ne pas gêner l’environnement. C’est tirer les leçons de
système prohibitionniste, tous les pays n’obtiennent pas les l’expérience qui montre que plus les petits trafiquants de rue
mêmes résultats. sont réprimés, plus le trafic est violent. Aux États-Unis, c’est
Dans la santé, un bon résultat, c’est une politique qui pro- le « miracle de Boston » qui fait figure de modèle1. Alors
tège effectivement la santé, ce qui est d’ailleurs l’objectif ini- que cette ville faisait face à une hausse de la criminalité, as-
tial de la prohibition des drogues. Mais dans la lutte contre sociée au trafic de crack, une association caritative a proposé
le trafic, qu’est-ce qu’un bon résultat ? Le programme de aux autorités de renoncer à la tolérance zéro (qui sanctionne
l’ONU qui s’était engagé à « éradiquer les drogues » en dix systématiquement tout délit) pour se consacrer à la lutte
ans a échoué en 2008, et une nouvelle expertise s’est mobi- contre la criminalité violente. Une démarche négociée avec
lisée. Comme dans la réduction des risques liés à la consom- les gangs, qui ont renoncé à l’utilisation d’armes à feu tandis
mation, il faut commencer par prendre acte des réalités. On que les faits non criminels étaient déjudiciarisés, la justice ne
estime généralement que la répression porte sur 5 à 10% de ce sanctionnant que les actes qui nuisent à autrui. Le commerce
marché qui, comme tous les marchés, dépend de la demande. a été toléré, à la condition qu’il ne provoque pas de trouble ni
Ce qu’il faut éviter, c’est que la lutte contre le trafic renforce dans l’environnement ni même au sein des gangs. Les résul-
l’organisation mafieuse et la violence. tats en termes de baisse de la criminalité ont été probants.

1. Fait repris dans une série télé, voir p. 44

6 Asud-Journal 50 juillet 2012


Aux marges de la loi
Le Brésil, l’Argentine, la Colombie, le
Mexique ont commencé à dépénaliser
l’usage. C’est le premier pas pour réorien-
ter l’action des services répressifs. La Fran-
ce, elle, a adopté le modèle de la tolérance
zéro en 2007, un an avant que son échec
ne devienne probant aux États-Unis. Bien
sûr, la France a manqué de places de pri-
son, qu’il aurait fallu multiplier par 6 ou 7
pour atteindre les taux américains… Mais
le nombre de personnes sanctionnées est ponses, qui se bricolent aux marges de la faudra fabriquer nous-mêmes la sortie de
monté en flèche. Or qu’a-t-on constaté ? loi. Préfigurant les régulations de l’ave- ce système prohibitionniste. Ce que nous
Dans les quartiers investis par le tra- nir, ces bricolages seront d’autant plus demandons aujourd’hui aux responsables
fic, les comptes se règlent désormais avec efficaces qu’ils seront intégrés dans des politiques, c’est de prendre leurs décisions
armes à feu, ce qui n’était nullement de politiques locales ou nationales comme en connaissance de cause, en fonction
tradition dans les quartiers populaires au Portugal. L’armistice est la première de ce que l’on sait. Lors de sa campagne
français. En juin 2011, les fusillades et les étape. C’est seulement quand la plupart présidentielle, Hollande s’était engagé à
morts ont fait scandale, et le débat s’est des pays auront pris ce chemin qu’il sera soumettre la question du cannabis à une
enfin ouvert sur la prohibition du canna- possible de renégocier les conventions commission européenne. Les experts de
bis. Si la prohibition est effectivement à internationales. l’Observatoire européen des drogues sont
l’origine du marché noir, l’escalade de la prêts. Il y a des acquis sur lesquels il n’y a
violence est-elle inéluctable ? La réponse L’avenir se fabrique plus de doute possible – c’est le cas de la
est non. Tout dépend des objectifs et des
pratiques des services de police. Quand
au présent dépénalisation de l’usage et de la déten-
tion associée à la consommation. D’autres
un trafiquant a peur d’être balancé, il fait Peut-être la prohibition finira-t-elle un question exigent un développement de
peur à son voisin. Quand un plan tombe, jour par s’écrouler d’elle-même, tel le mur l’expertise : évaluer les conséquences de
les règlements de compte suivent. La de Berlin. Mais plutôt que d’attendre l’application des lois, mieux connaître
mairie de Saint-Ouen en a tiré les leçons. le moment où les États devront recon- l’organisation du trafic de drogues, et
Après l’échec des interventions policières, naître leur impuissance, mieux vaut dès lutter contre l’emprise des mafias – en

.
elle a fait appel à des médiateurs, chargés aujourd’hui expérimenter de nouvelles France en particulier, où cette question a
de négocier entre trafiquants et habi- formes de régulation du marché en éva- été curieusement négligée. Bref, prendre
tants « pour éviter le pire ». Réduire les luant leurs résultats, comme l’ont été ceux la question des drogues au sérieux. Est-ce
dommages causés par le trafic, c’est tout de la réduction des risques liés à l’usage. trop demander ? Anne Coppel
simplement le bon sens. L’autoproduc- L’avenir se fabrique au présent : il nous
tion de cannabis est d’ailleurs une des ré-

Blablablabla Asud-Journal 50 juillet 2012 7


décroches sevrages et abstinence
Les traitements de substitution
ont-ils une fin ? C’est la
question que se posent de plus
en plus d’usagers après trois,
cinq, dix ans de prescription.
Malgré la multiplication des
demandes, ce dossier est
largement ignoré par le
système de soin et ce silence
n’est pas entièrement dû au
hasard. La fin de traitement est
au cœur du paradoxe qui
continue d’embarrasser la
substitution : comment sortir
de la dépendance en
prescrivant des opiacés ?

bstitution
ents de su
Traitem que la prescription médicale d’opiacés
augmente chaque année sans que nous
ayons une vue d’ensemble sur la qualité
La responsabilité de vie des bénéficiaires. Toutes ces rai-
des usagers sons plaident pour une remise à plat des
Stop ou encore ? schémas directeurs qui ont présidé à la

I
La mise en place de la substitution doit mise en place des TSO.
l y a quatre ans, Asud-Journal avait tiré beaucoup à l’activisme des usagers. Pas seu- En 1995-1996, nous ne nous po-
une première fois la sonnette d’alarme lement celui des groupes d’autosupport, sions pas la question de l’arrêt du trai-
dans un silence assourdissant1. Les mais surtout celui des usagers eux-mêmes tement, ni même du sevrage. L’objectif
fins de traitement de substitution engagés dans une démarche volontariste principal était d’obtenir une place sur
étaient alors un non-sujet. de militantisme en faveur des traitements. le vaisseau de la substitution pour quit-
Aujourd’hui, malgré quelques in- Si la substitution fut un tel succès dès le ter la galère de l’héroïne. L’idée même
terventions en colloque (en général milieu des années 1990, c’est qu’elle a ré- de l’arrêt est restée incongrue jusqu’à la
aussi roboratives que dépourvues de pondu massivement à leurs attentes : sortir généralisation des traitements anti-VIH.
statistiques), rien n’a changé. Ni l’im- du cycle de la délinquance, ne plus souffrir Le paradoxe de cette histoire, c’est que
portance consacrée au sujet, ni l’intérêt du manque, rendre possible une réconci- la survie enfin assurée des usagers de
porté aux trajectoires des sevrés de la liation sociale, enfin permise au-delà des drogues touchés par le VIH a coïncidé à
substitution. barrières instaurées par la législation sur quelques années près avec les premières
Rappelons tout d’abord le contexte les stupéfiants. Asud a pleinement parti- théories sur la chronicité de la « maladie
historique de la naissance des traitements cipé à ce mouvement au point de tenir des de la dépendance ». Enfin libérés d’une
de substitution aux opiacés (TSO) : ces positions maximalistes en faveur des TSO. mort programmée à brève échéance, de
traitements sont les enfants illégitimes À l’époque, tout ce qui rimait avec sevrage plus en plus d’usagers se sont vu apposer
du sida. et abstinence était marqué du sceau du un diagnostic de malades à vie.
Illégitimes puisque non explicite- passé, voire de la réaction ou du purita-
ment voués à combattre l’épidémie1, nisme déguisé. Le bien, l’avenir, le sens de
mais enfants tout de même, car le virage l’histoire, c’était la substitution, de préfé- Rouvrir une fenêtre
à 180° pris par le système de soins fran- rence élargie à d’autres molécules comme de liberté
çais en matière de traitement de la toxi- l’héroïne et distribuée selon les modalités
comanie est une conséquence de l’argu- les plus libérales. Les faits sont têtus. Depuis le tournant
mentaire des partisans de la politique de C’est de cette responsabilité dont il des années 2000, la question du sevrage
réduction des risques (RdR) sur l’inef- faut parler aujourd’hui, du fait que nous et de l’abstinence d’opiacés revient hanter
ficacité des sevrages pour combattre la nous soyons massivement engagés sur la le monde de la substitution comme elle
maladie. voie de la substitution dans un contexte a hanté le monde de la toxicomanie dans
Enfin, et c’est le point central : ce quasi militaire de survie. Du fait que les années 1970. C’est d’abord et surtout
dispositif devait tout à l’urgence et pas le nombre d’usagers en traitement une demande qui vient des usagers, c’est
grand-chose au long, ni même au moyen soit passé de 60 000 environ en 1997 à d’ailleurs pour cela qu’il faut la prendre au
terme. 160 000 quinze ans après. Ou de celui sérieux. Rappelons-nous les précédents de

8 Asud-Journal 50 juillet 2012


demandes issues des usagers non prises en compte, voire contrées
par des positionnements institutionnels, parfois pleins de bonnes
intentions : par exemple celle de matériel stérile dans les années
1970-80 contrée par le décret de 1972 sur l’interdiction de vente
des seringues. Conséquences : détournement, partages et… sida.
Certes, le libellé « fin de traitement » peut paraître extrême-
ment dissuasif à bon nombre de soignants. En matière d’addiction,
le traitement représente justement une fin en soi. C’est d’ailleurs
l’un des principaux griefs que nous formulons à l’encontre de la mé-
dicalisation de l’usage des drogues. Comme dans les exemples précé-
dents, un divorce entre soignants et usagers sur cette question risque
d’aboutir à une forme de disqualification de l’ensemble du système. continuent de s’affronter sur tous les sujets se rapportant aux stu-
La prise en compte des fins de traitement doit pouvoir déboucher péfiants : d’un côté, ceux qui fournissent des drogues légales sans
sur une nouvelle révolution conceptuelle en matière de TSO : ré- vouloir le dire, de l’autre, ceux qui prétendent combattre la dé-
concilier maintenance et soin de la dépendance. pendance sans y parvenir. Sancho Panza le pragmatique, et Don
Au-delà des modalités techniques du sevrage de méthadone Quichotte l’idéaliste. Deux héros que l’on pourrait réconcilier
par rapport à celui d’héroïne, les vraies questions sont celles du car, comme dans le roman de Cervantes, ils sont en fait parfai-
retour à une vie sans produits après six mois, un an, cinq ans, dix tement complémentaires du point de vue des consommateurs.
ans de prescription d’un opiacé légal remboursé par la Sécurité so- Comme souvent, leur opposition est un conflit d’intérêts à la fois
ciale. La vraie question est de savoir quelle part de responsabilité institutionnels et industriels, surtout dommageable à la qualité
un système sanitaire – parasité par une loi contraignante – peut de la prise en charge. Conceptualiser une sortie des traitements

.
avoir dans des choix de vie majeurs. Hier comme aujourd’hui, la qui ne soit pas une déclaration de guerre au principe même des
vraie question est de rouvrir une fenêtre de liberté dans le champ TSO suppose d’inventer une nouvelle clinique, utilitariste, au
de la dépendance aux opiacés, comme le fut l’ouverture de Mar- service des usagers, prête à sortir des querelles d’école et surtout,
mottan dans les 70’s ou l’AMM du Subutex® en 1996. Mais com- consciente de ses propres limites. Fabrice Olivet
me souvent, le fléau de la balance bénéfices/contraintes est passé
d’un extrême à l’autre. Hier, il fallait se battre pour instiller un Cet article est inspiré d’une communication faite lors de la
peu de science médicale dans un monde dominé par l’approche journée sur les « fins de traitements » organisée le 10/11/2010
psychanalytique. Aujourd’hui, il s’agit de s’insurger contre une par le groupe de travail sur les Traitements de substitution
fatalité qui voudrait plonger les usagers dans la surdétermination aux opiacés à la Direction générale de la santé.
neurobiologique. 1. « Y-a-t-il une vie après la substitution ? » Asud-Journal n°36
Le dossier « fin de traitement » a le mérite de plonger au 2. L’Autorisation de mise sur le marché (AMM) du Subutex®,
cœur des non-dits de la prise en charge des usagers de drogues c’est-à-dire la buprénorphine haut dosage, de février 1996 ne
telle qu’elle est organisée depuis l’institutionnalisation des TSO. fait aucune référence à l’épidémie de sida. Quant à la métha-
La substitution n’a jamais voulu être soumise au débat citoyen done, son AMM remonte bien avant l’apparition du virus.
qui ne manquerait pas de souligner la contradiction entre pres-
cription d’opiacés et lutte contre la drogue. Deux frères ennemis

Asud-Journal 50 juillet 2012 9


Substitution
Une campagne européenne
en douze langues destinée
aux personnes dépendantes
aux opiacés, et à leur entou-
rage. Objectif : apporter des
informations objectives et de
qualité, et des conseils prati-
ques non moralisateurs sur
tous les aspects relatifs aux
traitements, grâce à la collabo-
ration de plusieurs associations
européennes d’UD, dont Asud.

c h o i x»
a i t eme n t , m on
t r
« Mon « Qu’est-ce que la dépendance ? »

L
a campagne « Mon Traitement, Mon Choix » Les seules difficultés rencontrées ont essentiellement porté sur
(MTMC) est en effet le fruit d’une étroite collabo- des problèmes de traduction et aux exigences d’une campagne
ration entre PCM Scientific, une société d’éducation internationale. Son titre dans chacune des onze autres langues de-
médicale britannique chargée de sa réalisation tech- vait par exemple être la traduction pratiquement littérale de celui
nique, de sa coordination au niveau européen et de la (bien) choisi en anglais, tout en permettant à chaque langue et
rigueur scientifique de son contenu, d’une part et de trois as- culture de mieux se l’approprier…
sociations d’UD (Asud, l’espagnole Apdo et l’allemande Jes) Avant d’en examiner le contenu, soulignons une fois encore
d’autre part. qu’il s’agit d’une campagne destinée aux UD dépendants aux
Le rôle d’Asud n’est donc pas simplement d’assurer la dif- opiacés, qui veulent sortir de cette situation pour différentes rai-
fusion de la campagne en France mais aussi de contribuer à dé- sons. Dès le début vient d’ailleurs l’éternel test pour savoir si
terminer son contenu et son ton pour qu’elle soit réellement l’on est dépendant ou non. Mais le ton est donné dès le troisième
utile aux usagers et réponde à leurs demandes, loin des préjugés des sept grands chapitres qui constituent le site, « Qu’est-ce que
moraux ou idéologiques. la dépendance ? » : « Toutes les personnes ayant consommé des
opiacés ne sont pas dépendantes et la dépendance n’est pas une chose
Déculpabiliser, qui intervient après la première prise d’opiacés. » Évident, mais
dédramatiser, informer bon à rappeler, car bien souvent absent des campagnes alarmistes
sur l’usage des drogues.
Objectifs : DÉCULPABILISER les usagers par rapport à Plusieurs éléments suscitent l’attention de celui qui visite le
leur addiction éventuelle, « une pathologie chronique récidi- site MTMC. Une présentation assez attirante, optimiste, pas du
vante comme le diabète », DÉDRAMATISER le traitement tout noire ou misérabiliste, et une note originale : de belles pho-
s’ils choisissent d’en faire un, « une composante importante tos de parties du corps tatouées avec un slogan, dont certains
de toute pathologie… », et surtout, INFORMER pour aider résument bien l’esprit de MTMC – « Plus vous en savez, plus
à choisir... vous êtes capable de faire valoir votre point de vue ». Comme le
Pour des raisons de cohérence et d’unicité du message, le souligne le titre de l’introduction, « Information = pouvoir »,
travail a d’abord été fait en anglais, puis traduit par PCM dans cette campagne souhaite que les personnes puissent décider par
les onze autres langues. Asud s’est ensuite chargée de la correc- elles-mêmes en connaissance de cause, bien évidemment (et on
tion et des adaptations nécessaires pour la version française qui insiste toujours dessus) avec l’aide d’un médecin.
servira de base aux autres pays francophones. MTMC se décli-
ne sur plusieurs supports : sur Internet, avec un site européen
(www.mytreatmentmychoice.eu) accessible en douze langues et
un site par pays (www.montraitementmonchoix.fr pour la Fran-
ce), sur les réseaux sociaux et enfin, sur papier, avec des posters,
des cartes postales, une brochure résumant l’essentiel…
Cette campagne est née grâce au soutien du laboratoire
Reckitt Benkiser Pharmaceuticals(qui produit notamment
le Suboxone®).

10 Asud-Journal 50 juillet 2012


Et tout un chapitre pour les proches
libération prolongée, en passant part la d’une personne dépendante, qui veulent
levométhadone, etc., avec la même objec- faire quelque chose mais ne savent pas
L’expérience d’usagers tivité que pour les traitements. quoi, auxquels MTMC apporte aussi
ou de professionnels Citons aussi pêle-mêle dans l’intro- une aide précieuse.
Il y a donc des infos sur les principaux duction, la foire aux questions et dans le Si MTMC a déjà reçu le soutient
traitements – médicamenteux et non chapitre final, des témoignages encoura- d’autres associations d’UD comme la
médicamenteux – « sans les hiérarchi- geants d’UD (avec vidéos) ayant réussi à portugaise Caso, la danoise Brugerfore-
ser », dixit Fabrice Olivet, avec le pour sortir de leur dépendance. Une grande fa- ningen ou la norvégienne Prolar, l’ob-
et le contre, les risques, les effets secon- cilité pour accéder aux différentes rubri- jectif est de contacter un large éventail
daires et les idées reçues, pour mieux s’y ques, de nombreux conseils pour mieux de fédérations nationales, associations,
opposer. Pas d’info en revanche sur des tirer parti des traitements, fruit de l’ex- structures RdR, centres de soins, etc.,
médicaments en particulier, la loi fran- périence d’usagers ou de professionnels : dans chaque pays par le biais d’un coor-
çaise interdit qu’un site Internet fran- « Ne soyez pas trop ambitieux », « Soyez dinateur local (Asud en France). Autant
çais financé par un laboratoire (comme réaliste », « Soyez clément avec vous- de relais qui, en diffusant les supports pa-
R.B.Pharmaceuticals) le fasse… Merci même », « Soyez patient »… Où l’on in- piers et/ou en l’accueillant sur leur site,
pour les patients qui n’ont pas le droit siste sur l’importance de faire des petits permettront à la campagne de toucher
à une info plus précise et utile ! Pour en pas, d’intégrer la possibilité de faire des le plus grand nombre possible d’UD et
avoir, je vous conseille donc d’aller sur le rechutes « qui font partie du parcours », de proches. MTMC sera présent sur le
site européen (mytreatmentmychoice.eu) de ne pas vouloir aller trop vite, de ne pas stand d’Asud lors des grands rendez-vous

.
et cliquer sur la langue française pour croire à « la pilule miracle »… Des adres- de l’année 2012. Aidez-nous à l’amélio-
trouver dans l’espace « Médicaments » ses où trouver de l’aide dans tous les pays rer en répondant à un questionnaire que
des infos ciblées sur sept d’entre eux, de listés et les traitements qui y sont dispo- vous trouverez sur la page d’accueil du
la buprénorphine à la morphine orale à nibles (bien pratique !). site ! Speedy Gonzalez

2012. - - .org
ur http://rdr a f r
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25 & 26 octobre
5 rue Curial
75019 Paris
cannabis
Suite de la fabuleuse histoire
du Circ. Ou comment, vingt
ans après sa création
(Asud-Journal n°49),
l’association et son clown
rieur aux cheveux en forme
de feuilles de beuh organise
une Journée internationale
du cannabis à Paris.

Circ’story
épisode 2
Black listé ? nité se présentera, nous avons hâte d’en

E
découdre avec les représentants du pou-
n 1992, on ne rigole pas. Mon Nous installons les bureaux du Circ dans voir. Le 25 janvier 1992, lors d’une mani-
premier s’appelle Robert Brous- mon appartement et adressons aux médias festation contre le racisme et pour l’éga-
sard. Célèbre pour avoir flingué un faire-part annonçant la naissance de lité des droits organisée par SOS Racisme,
Mesrine, il est nommé à la tête l’association. Les journalistes sont scepti- nous distribuons donc des pétards (rien
de la toute nouvelle Mission ques, à l’image de Christophe Bourseiller, que des feuilles en provenance de notre
de lutte antidrogue (Milad). Le second le premier à mentionner notre existence jardin d’intérieur)… Une provocation qui
s’appelle Paul Quiles. Il est ministre de dans le magazine 7 à Paris : « Je ne suis pas n’aura aucune répercussion médiatique,
l’Intérieur et considère « la drogue » sûr que cette nouvelle association reste légale mais nous vaudra une première visite des
comme le mal absolu. Il n’est pas ques- bien longtemps », « le Circ milite à terme gendarmes à notre boîte postale… Ils vou-
tion de distinguer les différents produits pour une légalisation du cannabis. Tout un laient savoir si nous n’avions reçu un colis
et qu’importe le sida galopant, il ne veut programme hautement douteux… ». suspect en provenance des Pays-Bas !
pas entendre parler des programmes de Jean-Luc Bennahmias, qui m’a ouvert Nous écrivons nos premiers tracts et réa-
substitution. Quant à la vente libre des les portes de ses archives, nous accueille gissons lorsque l’actualité l’exige, espérant que
seringues, c’est selon lui inutile car « une dans son bureau car avant d’être conseiller les médias reprendront nos arguments, mais
partie des toxicomanes continue d’échanger général du parti des Verts (et son futur ils nous boudent. Par contre, des fanzines
des seringues usagées pour satisfaire ce qu’il Secrétaire national), Jean-Luc avait relayé tendance punk et libertaire se passionnent
est convenu d’appeler un rituel collectif », « L’Appel du 18 joint » dans le magazine pour Fumée clandestine et je profite d’une
ose-t-il déclarer. Antirouille et milité pour la légalisation tournée promotionnelle dans les Fnac pour
En 1992, le Circ lui décerne le bonnet du cannabis. Il nous assure de son soutien, annoncer aux amateurs de petite fumette
d’âne de l’année pour s’être exclamé lors mais refuse de tirer sur le pétard que Caro- qu’ils disposent désormais d’une association
d’une interview : « Mais quel type de can- lien vient de rouler sur le coin de la table. à leur mesure. Comme nous avons promis
nabis ? Le haschich ou la résine concentrée Alors que les journalistes nous répon- aux cent premiers adhérents une carte origi-
à 40% qui est encore plus toxique que la co- dent généralement qu’ils mentionneront nale, nous passons l’été à colorier des petits
caïne frelatée ? » l’existence du Circ lorsqu’une opportu- dessins en fumant des gros pétards.

12 Asud-Journal 50 juillet 2012


À quelque chose malheur est bon ! risques européennes dont, je ne sais par quel miracle, le Circ fait
Et puis un jour, nous recevons par courrier un cadeau empoisonné partie. C’est ainsi qu’en avril 1993, Sébastien devient l’objecteur
sous forme d’un morceau de Tcherno, le petit nom donné au has- de conscience de l’association. Il tient parole et nous monte en
chich coupé à tout et à n’importe quoi. Et si on le divisait en bar- quelques semaines un 3615 qui nous rapporte bientôt assez d’ar-
rettes ? Si on l’emballait dans du papier d’alu surmonté d’un nœud gent pour louer un petit local sous les toits grâce aux adhésions
rose ? Et si on l’envoyait aux médias ? Aussitôt dit, aussitôt fait, nous qui se multiplient (nous incitions les employés qui le pouvaient à
faisons parvenir à une dizaine de magazines quelques grammes de se brancher directement et discrètement de leurs bureaux).
haschich frelaté accompagné d’une interrogation : « Que dirait Comment s’y prendre pour que le débat tant redouté par
l’amateur de bon vin qui ne trouverait plus sur le marché que de la les politiques se retrouve sur le devant de la scène ? Un jour que
piquette hors de prix ? » Kshoo feuilletait distraitement Fumée clandestine, voilà qu’il
Le seul à réagir, c’est le magazine Actuel qui fait analyser notre tombe sur le texte de « L’Appel du 18 joint ». À sa lecture,
bout de shit par l’Institut néerlandais de l’alcool et des drogues force est de constater que rien n’a changé et que le manifeste
(Niad). Le résultat est édifiant. D’après Mario Lap, le directeur de publié en 1976 par Libération est, à quelques mots près, tou-
l’Institut, « c’est probablement du kif marocain dans ses parties jours d’actualité. Et si on le relançait ? Et si on le faisait signer
viles, branches, tiges, etc., hachées et liées ensemble par de la colle, par des personnalités ?
beaucoup de colle. » Encouragées par le succès de Fumée clandestine, les édi-
En octobre 1992, l’éditeur de Fumée clandestine (Ramsay) fer- tions du Lézard traduisent The Emperor Wears No Clothes, de
me boutique pour mon plus grand désarroi. Le livre étant le fer de Jack Herer. Et si on organisait une petite fête pour présenter la
lance du Circ, il est un temps question de le publier et de le distri- maison d’édition et annoncer la sortie de L’Empereur est nu ?
buer par nos propres moyens… C’était avant qu’on me conseille de Pourquoi ne pas inviter Jack Herer en personne ? Pendant que
rencontrer Michel Sitbon, profession agitateur d’idées. Ayant pour nous y sommes, nous pourrions organiser une journée inter-
vocation de publier des livres consacrés aux drogues, les éditions du nationale d’information sur le cannabis en conviant des asso-
Lézard voient le jour quelques semaines plus tard. La nouvelle ver- ciations européennes d’usagers, des responsables politiques et
sion de Fumée clandestine change de couverture (c’est obligatoire, je des experts bardés de diplômes pour démontrer tous les effets
préférais l’originale) mais nous en profitons surtout pour caser quel- pervers de la prohibition.
ques lignes sur le Circ et son clown dans la préface. Au boulot ! Les éditions du Lézard nous prêtent leurs lo-
L’actualité en 1993, c’était toujours le tandem Broussard/ caux (une maison de trois étages), mettent une attachée de
Quiles et son plan antidrogue, qualifié « d’invraisemblable cacopho- presse à notre disposition, des ordinateurs pour écrire des
nie » par l’Association nationale des intervenants en toxicomanie textes et des communiqués de presse… Et même un expert
(Anit). C’était aussi le temps où les CRS saisissaient et détruisaient en évènements prêt à « se défoncer » pour un tarif militant.
les kits seringues distribués par Médecins du monde. La gauche se L’équipe du Circ s’étoffe, et toutes les bonnes volontés sont
ramasse aux législatives, Édouard Balladur devient Premier ministre mises à contribution. À la tombée de la nuit, quand les secré-
et Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur. Sur le sujet des drogues, taires que la fumée de nos pétards importune sont parties, que
il se heurte à Simone Veil, ministre de la Santé, comme en témoigne le commun des mortels dort sur ses deux oreilles, nous retrou-
France-Soir qui titre au mois de mai : « Simone Veil, le gant de velours vons les bureaux des éditions du Lézard et prenons d’assaut
– Charles Pasqua, la main de fer » Bonjour l’ambiance ! les ordinateurs pour annoncer la « Journée internationale du
cannabis », relancer l’Appel du 18 joint, alimenter le 3615,
De l’audace, encore de l’audace, répondre au courrier, classer les pétitions, rédiger des tracts
toujours de l’audace ou des lettres et rêver du grand jour entre deux pétards… On
se quitte généralement à l’heure du dernier métro, parfois
Sébastien nous propose de créer un 3615 et d’assurer sa gestion celle du premier.
si le Circ réussit à l’employer en tant qu’objecteur de conscience. Le 18 juin approche. Notre spécialiste en événements a
Seulement voilà, pour y parvenir, il nous faut l’aval d’une asso- trouvé une salle, le Trianon. « Témoin de la belle époque »,
ciation d’utilité publique. Sans trop y croire, nous prenons ren- cet ancien cinéma recyclé en salle de spectacle nous convient

.
dez-vous avec la Fédération des œuvres laïques. On les baratine et d’autant mieux qu’il est situé boulevard Rochechouart dans un
on les rassure sur notre mission qui consiste à prévenir les jeunes quartier populaire de Paris. Y aura-t-il un avant et un après18
fumeurs des dangers du cannabis. Notre joker ? Un document du juin 1993 ? Tel sera l’objet du prochain épisode de cette petite
Parlement répertoriant toutes les associations de réduction des histoire du Circ. Jean-Pierre Galland

Asud-Journal 50 juillet 2012 13


cannabis

(marche mondiale) ourd’hui...


our auj
s p
Si ce n’est pa

E n 2011, pour la dixième édi-


tion de la Marche mondiale
du cannabis parisienne, huit
associations et quelques
mouvements politiques déci-
daient (une grande première) de mar-
cher ensemble de Bastille à Stalingrad.
« Dépénalisation, autoproduction,
cannabis thérapeutique » : les propo-
sitions n’ont pas changé d’une année
sur l’autre, seul le slogan est différent.
Si l’année dernière nous avions pour
mot d’ordre « une autre politique des
drogues est possible », en 2012, nous
ne se sont pas mobilisés pour relayer nos
revendications citoyennes et ceux qui
ont daigné se déplacer ont surtout retenu
la jeunesse des participants. Mais jamais
nous n’avons été aussi nombreux (plus
d’un millier) à déambuler en musique de
Bastille à la Bibliothèque François Mit-
En 2012, elles n’étaient pas huit avons naturellement repris le slogan terrand pour que ça change.
mais treize (un chiffre porte-bonheur) de campagne de François Hollande : Notre nouveau président qui veut
organisations à s’engager dans la Marche « Le changement, c’est maintenant ». « faire de la jeunesse une priorité natio-
mondiale et beaucoup plus de villes (de Un changement pour lequel nous nous nale » doit savoir que les jeunes en ont
Marseille à Lille, de Toulouse à Tours, battons depuis trente ans. marre d’être montrés du doigt, marre

.
de Paris à Saint-Denis de la Réunion…) Remercions celles et ceux qui, partout d’être arrêtés à tous les coins de rue, mar-
à sortir dans la rue pour exprimer dans en France, ont travaillé pour que cette re d’une politique d’un autre âge. Si le
la bonne humeur leur ras-le-bol d’une onzième édition de la Marche mondiale changement n’est pas pour aujourd’hui,
politique à ras du bitume. soit un succès. Certes, les grands médias il sera pour demain. J.-P. G.

14 Asud-Journal 49 mars 2012


VHC
Il était une fois, un marchand
de foie… Michel Bonjour, notre
« Monsieur hépatites », nous
propose un tableau complet
des molécules « miracle » ac-
tuellement à l’essai. L’informa-
tion mérite d’être étudiée de
près car les résultats semblent
particulièrement probants
chez tous les recalés système.
Petits veinards abonnés au

s,
mauvais génotype ou aux

hérapie cures à répétition, ce message

Nos que de l’espoir…


st vous concerne.
uvelle
plu Deux cas de figure ont été individua-
kinases, dérivés de l’ergot de seigle (pas de
LSD avec les antiprotéases les mecs !) .

L
es choses vont vite, mon télé- lisés : les patients naïfs (ce ne sont pas des • Recherche d’interactions médicamen-
phone portable d’il y a deux ans malades qui croient au père Noël, mais teuses associées à des précautions d’em-
est dépassé depuis longtemps, ceux qui n’ont jamais eu de traitement) et ploi : cordarone, flécaïne, quinidine, dros-
que dire de mon ordinateur et les patients en échec de traitement. pirénone, statines, ritonavir, raltegravir,
je ne vous parle pas du dernier groupe de ténofovir, méthadone, sildénafil, etc.
zik qu’il faut avoir écouté. Mais qu’en Bilan préthérapeutique
est-il dans le traitement de l’hépatite Avant tout traitement, un bilan préthé- Patients naïfs
C ? Contrairement au téléphone, en ma- rapeutique doit être réalisé par un spécia- Pour les patients naïfs de génotype 2 à 6,
tière d’hépatites virales, on observe que liste, il est identique à celui prescrit en cas la bithérapie classique permet la guéri-
chaque nouveauté est un progrès vers la de bithérapie : son dans plus de 80% des cas et ces nou-
guérison et le traitement de cette putain • Virologie : recherche de coïnfection velles molécules ne les concernent pas.
de maladie. VIH, VHB, charge virale, génotype viral. Les facteurs prédictifs de réponse à ce
En janvier 2011, nous avons connu • Bilan hépatique : TP, albumine, bilirubi- traitement sont bien identifiés. Chez les
un véritable progrès dans le traitement ne, échographie éventuellement associée à malades infectés par des génotypes 2 à 6,
de l’hépatite C de génotype 1 : deux une gastroscopie à la recherche de varices il s’agit essentiellement de l’âge (moins
nouvelles antiprotéases – le télaprévir et œsophagiennes. de 40 ans), du niveau de la charge virale
le bocéprévir – ont été mises sur le mar- • Biologie : NFS, plaquettes, créatinine, (en dessous de 600 000 UI/ml), de l’ab-
ché pour un traitement combiné avec la ALAT, ASAT, anticorps anti-tissus, TSH . sence de fibrose sévère et de l’absence
bithérapie classique (interféron pégylé • Évaluation des comorbidités : hépatite d’insulino-résistance (l’insulino-résis-
et ribavirine). Il est désolant que ça ne auto-immune (contre-indication), coro- tance s’observe souvent chez des person-
marche que pour les génotypes 1 mais naropathie, insuffisance rénale. nes en surcharge pondérale présentant
d’autres médicaments arrivent à toute • Évaluation de la contraception qui doit un trouble du métabolisme du sucre
allure. Ces molécules on été prescrites être double pendant tout le traitement. (glucides) et des graisses (lipides) ainsi
dans un premier temps dans le cadre • Recherche d’interactions médicamen- qu’un risque cardiovasculaire élevé).
d’une ATU (Autorisation temporaire teuses contre-indiquant le traitement : anti- Si une réponse virologique rapide
d’utilisation) et réservées à 1 000 ma- arythmiques, midazolam et triazolam (par (RVR) est obtenue (ARN VHC indé-
lades environ, qui risquaient d’aggraver voie orale), bépridil, pimozidine, luméfan- tectable après 4 semaines de traitement),
leur maladie rapidement. trine, halofantrine, inhibiteurs de tyrosines la bithérapie peut être poursuivie. En
En attendant l’autorisation de mise clair, vous avez des chances de guérir
sur le marché pour tous les malades, et ça on peut le voir à un mois de trai-
ce qui est le cas aujourd’hui, l’AFEF tement avec la disparition de la charge
(Association française pour l’étude du virale (l’essayer c’est parfois l’adopter !).
foie) a émis des recommandations en En l’absence de réponse virale, chez les
novembre 2011 afin d’aider les méde- malades naïfs de génotype 1 ou en cas de
cins à la délicate gestion de ces nouvel- facteurs prédictifs de mauvaise réponse
les approches. Je recommande forte- (génotype non CC de l’IL28B ou fibro-
ment de s’y référer car contrairement à se F3-F4), une trithérapie peut être pro-
certains labos (voir le Mediator®), nos posée. Elle permet un gain d’efficacité de
experts sont très prudents et nous pou- 30% par rapport à la bithérapie et laisse
vons leur faire confiance. Que recom- la possibilité d’un traitement court sur
mande l’AFEF1 ? 24 semaines.

Asud-Journal 49 mars 2012 15


VHC
Un facteur
prédictif l’IL28B
On a découvert un gène utile dans la pré-
diction de la réussite au traitement par in-
terféron : le gène IL28B. Les interférons
sont produits par le système immunitaire
humain en réponse à l’hépatite C. Le
gène IL28B (aussi appelé interleukine 28)
est porteur d’instructions pour produire
de l’interféron lambda dans l’organisme.
L’interféron lambda est un composé
chimique naturel semblable à un autre
composé chimique appelé l’interféron
alpha (utilisé pour traiter l’hépatite C).
Il n’existe aucune série fixe d’instructions partiels et chez les répondeurs nuls. Elle
pour produire de l’interféron lambda, ce peut être envisagée ou discutée dans les Des schémas
qui signifie que deux personnes peuvent autres cas. Mais la fibrose n’est pas le seul thérapeutiques
avoir différents types (variations) du critère à prendre en compte. Certaines ca- compliqués
composé chimique dans leur organisme. ractéristiques du malade et de la maladie Les nouveaux schémas de traitement (du-
Certaines variations du gène IL28B sont importantes : âge, sexe, comorbidités, rée, règles d’arrêt, posologie) sont adap-
produisent une réaction immunitaire compliance, statut psychosocial, sévérité de tés régulièrement en se fondant sur les
plus forte que d’autres, aidant ainsi les la maladie (fibrose et facteurs de progres- résultats de charge virale effectuée à diffé-
personnes à éliminer par elles-mêmes le sion) et particularités virales (génotype, rentes semaines (4, 8, 12) selon les recom-
virus lors de la phase aiguë et aussi lors charge virale, IL28B, profil de réponse). mandations de l’AFEF. Si la charge virale
de la phase chronique en traitement. En Les études montrent que le taux de ré- disparaît rapidement, on peut raccourcir
d’autres termes, les décisions concernant ponse virologique soutenue (RVS) passe le traitement, et on s’aperçoit qu’un pa-
le début d’un traitement contre l’hépatite respectivement de 25% sous bithérapie tient sur deux pourra n’être traité que 24
C seront influencées par le type de gène à 70, voire 90 %, sous trithérapie pour semaines au lieu des 48 habituelles avec
IL28B dont une personne est porteuse. les patients rechuteurs, de 10 à 40, voire la bithérapie.
Par exemple, selon le type de gène IL28B, 60%, pour les répondeurs partiels, et de Ce sont tout de même des traitements
le traitement est-il plus susceptible de 5% en cas de nouvelle bithérapie à 30 à 40 compliqués et contraignants (de 2 à 4
connaître du succès ou non ? C’est une % pour les répondeurs nuls. comprimés ou gélules en plus toutes les 8
putain de loterie qui explique que parfois Les effets indésirables doivent être pris heures) et il va falloir être très compliant
20% des gens éliminent le virus sans trai- en compte d’autant plus que de nouvelles pour réussir. Il devient plus que néces-
tement et que d’autres vont aussi guérir molécules sont actuellement à l’étude saire de bénéficier de séances d’éducation
plus facilement. Ce gène a une tendance (inhibiteurs de protéase, inhibiteurs de thérapeutique. En outre, la surveillance
lepéniste, il est moins fréquent chez les polymérase, inhibiteurs du NS5A)3. On biologique doit être régulière (toutes les
Hispaniques et les Blacks. voit arriver en ce moment une molécule semaines à tous les 15 jours en début de
qui permettra sans doute de guérir d’ici traitement) et les effets indésirables, que
Patients en échec trois à cinq ans sans interféron et sans ef- l’on connaissait déjà avec la bithérapie,
En cas d’échec de traitement antérieur, fets secondaires importants. sont les mêmes mais plus fréquents :
chez les malades de génotype 1 en échec Une nouvelle molécule, le nucléoside anémie, problèmes dermatologiques,
thérapeutique après bithérapie, un retrai- PSI 7977 (rentrant dans la composition du dysgueusie et, ce qui est nouveau, interac-
tement par bithérapie Peg-IFN associé à patrimoine génétique ARN du virus) testée tions avec d’autres médicaments.
de la ribavirine entraîne un taux de RVS en association avec la ribavirine et/ou l’in- Bref, plein de choses nouvelles et fu-
de 23% chez les rechuteurs et de 6% chez terféron, en essai clinique de phase 3, s’est tures qu’Asud surveille par sa présence au
les non répondeurs. Des alternatives thé- avérée concluante. Cette innovation théra- sein du Comité de suivi du plan national

.
rapeutiques sont donc indispensables peutique ramène le virus à un taux indétec- hépatites et dans d’autres instances.
chez ces malades2. table après deux semaines de traitement. Pour en savoir plus, écrivez à Asud qui
Pour les malades de génotype 1, les Toutefois, les chercheurs ne négligent pas vous donnera mon mail et mon télépho-
nouvelles molécules sont un vrai espoir. la possibilité d’éviter l’utilisation de riba- ne, et on en discutera. Michel Bonjour
Essayez le traitement, on peut toujours virine et d’interféron, donc de déclencher
l’arrêter si c’est dur mais si on découvre au des effets secondaires majeurs, en associant 1. Prise de position de l’Association fran-
bout de 4 semaines que l’on peut en finir ce nucléoside à des inhibiteurs de protéase. çaise pour l’étude du foie (AFEF) sur les
avec ce connard de virus avec une certitude Le PSI 7977 est donc une véritable révolu- trithérapies (Peg-IFN + ribavirine + in-
de 90% en 16 semaines (donc plus que 12 à tion pour les patients touchés par le VHC, hibiteur de protéase) dans la prise en
serrer les dents), ça vaut le déplacement. le nouveau traitement sera disponible sur charge des malades atteints d’hépatite
La trithérapie est devenue le traite- le marché dans peu de temps, des essais de chronique C (8 et 9 avril 2011).
ment de référence en cas de fibrose F3-F4 phase 3 pour des naïfs vont commencer en 2. ibid
chez les rechuteurs, chez les répondeurs France d’ici deux mois. 3. ibid

16 Asud-Journal 50 juillet 2012


dossier n°50

50
Pour son numéro

Asud-Journal
a testé pour vous
PRODUITS

L
50
’idée a germé lors d’un comité de rédaction particuliè-
rement psychoactif. L’angoisse était palpable du fait de
la dimension métaphysique de l’enjeu : Asud-Journal
sort sa cinquantième édition et pas question de laisser Abstinence, usage, abus et dépendance sont les quatre
passer l’événement dans l’indifférence générale. piliers de la consommation. La loi impose l’abstinence, mais
la réalité est constituée de millions d’usagers de drogues à
La loi Evin ayant été enfermée aux toilettes, l’atmosphère l’image des lecteurs de ce journal. Pour ne pas devenir abu-
s’alourdit, jusqu’à ce qu’une lumière étrange illumine le sifs ou dépendants, ces consommateurs devraient bénéficier
plus chéper d’entre nous. « Alléluia, mes frères, dit-il entre d’une culture de l’usage raisonnable, de la fameuse modéra-
deux transes mêlées d’hallucinations, et pourquoi pas un n°50 tion qui pour certains doit aller jusqu’à l’abstinence. Hélas,
: Asud a testé pour vous 50 produits ? » Un retour aux fon- nous ne sommes pas égaux devant les substances.
damentaux en somme. Le challenge était double : réussir à Concrètement, notre fibre d’usagers militants s’est re-
décrire une substance en quelques lignes sans enfreindre le trouvée prise en otage par la double injonction contradic-
fameux article L. 3421-4 du code de la santé publique qui toire qui est au cœur de ce journal : ne pas cacher le plaisir
punit toute incitation à l’usage d’un produit stupéfiant. Le que chacun retire d’une prise de drogues, tout en dénon-
tout en un paragraphe. Un vrai casse-tête, même pour notre çant les ravages de la culture « trash ». Le ban et l’arrière-

.
équipe de journalistes gonzos archi-capés en drogues diver- ban de la milice Asudienne s’est pliée à l’exercice. Merci
ses. Outre qu’il a fallu puiser dans nos archives très privées, pour ce grand élan de solidarité psychotrope.
revisiter nos jardins secrets, se remémorer des « premières À vous de juger si le grand écart est réussi ou si nous man-
fois » pas toujours flatteuses pour l’ego, le flirt avec la présen- quons de souplesse. F.O. et L.A.
tation sous un jour favorable a rendu l’exercice périlleux.

Asud-Journal 50 juillet 2012 17


Asud 50 produits
2C-I 01 chacun veut avoir raison, l’effet excitant de Amphétamines 04
l’alcool est très renforcé. Les tournées s’en-
chaînent, c’est le bordel total dans la pièce,
la musique est à bloc, du métal genre Minis-
try, certains braillent les paroles l’air péné-
Souvent présenté comme une « amphé- tré, d’autres dansent. Au quatrième verre, les
tamine hallucinogène », le 2C-I est un couleurs saturent puis se décomposent en
dérivé synthétique de la mescaline. Les laissant des traces autour des gens et des ob-
effets hallucinogènes sont donc moins jets. C’est moins puissant qu’avec de la mes-
intenses que ceux du LSD, ce sont plutôt caline ou des champis mais on comprend
d’amusantes distorsions visuelles. Je garde mieux la peinture de Van Gogh. Si on sait
par exemple le souvenir d’avoir scotché s’arrêter avant l’excès d’alcool, le speed et les
une petite heure sur les quais de Seine à hallus légères durent longtemps.
contempler les reflets du soleil sur l’eau. Pour augmenter les effets, il faut aug-
Attention toutefois, les effets augmentent menter la dose d’alcool, les 65° (et plus)
avec la quantité donc, comme avec tout tapent fort. Il est très délicat de pousser la
produit hallucinogène, il y a un risque de limite sans finir raide bourré, malade ou Les amphet, le « speed », voilà une vraie
bad trip cauchemardesque ! agressif, vautré comme une merde à la fin. drogue, qui sait traverser les modes et sé-
Faites très attention à la dose, notam- On peut limiter les risques en alternant un duire le teen-ager. Le speed fut successi-
ment avec les poudres (qui peuvent être très verre de bleue et un verre d’eau et surtout, vement la drogue favorite des mods, des
pures) car le 2C-I est un produit extrême- en n’entreprenant aucun comportement Hells Angels, des punks, des hardeux, des
ment actif (dose normale : 15 à 25 mg). dangereux. Évitez les mélanges, ne jamais ravers, et aujourd’hui encore, des ama-
Autant dire que vous avez intérêt à disposer consommer avec un excitant ou des opiacés. teurs de dance floor. La raison en est as-
d’une balance de précision ou à dissoudre sez simple. Le speed est une bonne grosse
la poudre dans un liquide pour pouvoir la
doser. Autre cause de bad trip : lorsqu’il est Alcool 03 drogue franche et massive dans ses effets
positifs comme dans ses itinéraires plus
en comprimé, le 2C-I est parfois vendu pour contestables. Gobé ou sniffé, il provoque
de l’ecstasy. Les consommateurs sont alors Les effets ? Vous n’allez pas me dire que une puissante montée, variable en intensi-
surpris par les effets du produit et peuvent vous ne connaissez pas les effets de l’al- té selon la qualité du produit, suivie d’une
avoir l’impression de sombrer dans la folie. cool, rappelez-vous votre dernière cuite... descente qui inverse le curseur pour trans-
Comme tout produit hallucinogène, n’en Vous ne vous souvenez plus de rien ? Voilà, former votre petite maison dans la prairie
prenez que dans un contexte rassurant, avec c’est justement ça les effets ! Allez, on n’a en un thriller pathétique. Ça commence
des personnes de confiance. Plus d’info sur pas grand-chose à vous apprendre que avec un sérieux coup d’optimisme : vous
les conseils de RdR liés à ce produit sur le site vous ne sachiez déjà sur ce produit, l’un êtes beau, intelligent et vous avez le sens
http://www.knowdrugs.ch/ des plus dangereux (dépendance, toxi- de l’humour, un sentiment de surpuis-
cité...) et pourtant le plus consommé dans sance remarquablement mis en musique
Absinthe 02 notre jolie France ! par Deep Purple dans l’indémodable In
Rock. Pile le moment où tout bascule. De
la neurasthénie au véritable cauchemar, la
dépression qui suit est d’intensité varia-
ble. Cette régularité de métronome en-
tre la baffe en montée et les grincements
de dents en descente finit par lasser les
adultes. Le speed, c’est comme le vélo, ça
s’oublie pas mais en grandissant on voit
plus trop l’intérêt.
Un conseil : gobez plutôt que sniffez
(même la poudre peut être empaquetée
Les effets mythiques de la fée verte sont dans une feuille à rouler). Outre vous
très difficiles à ressentir avec les produits taper grave sur les neurones (le speed est
légaux en provenance de Tchéquie, d’Espa- une drogue neurotoxique), l’abus d’am-
gne, de Suisse et maintenant de France. Le phétamines va rapidement faire tomber
taux de thuyone toléré oblige à s’enfiler bien vos dents et vous transformer en squelette
trop d’alcool avant de les voir poindre. On vivant. Sachez user sans abuser. Certaines
est bourré avant de triper. Je sais où trouver variétés de speed procurent de Kolossales
de la bleue clandestine du Jura suisse dont la sensations en injection. Mais la plupart
recette n’a pas changé depuis l’origine. Avec de ces molécules ont été retirées du marché
une joyeuse bande locale, nous la buvons après avoir embouteillé la psychiatrie de
comme de l’anisette, diluée de trois volu- secteur. Deux raisons suffisantes de s’abs-
mes d’eau fraîche. La conversation s’anime, tenir de tenter le remake.

18 Asud-Journal 50 juillet 2012


Angry birds 05 recette. Des entreprises ont commencé à tants effets secondaires. Voilà pourquoi
commercialiser de la poudre ou de l’huile j’ai entamé une descente à la chinoise, très
J’ai testé Angry Birds pour voir, pour faire de banane prêtes à être fumée, le « Mellow progressive, pour revenir à un simple coup
comme tout le monde. Mais aujourd’hui, Yellow ». Mais cet engouement a été bruta- de pied au cul au réveil et après les repas.
je jette des oiseaux virtuels environ deux lement stoppé en à peine quelques années. Le sevrage du Coca est difficile, assez pro-
à trois heures par jour pour obtenir les Des consommateurs avaient découvert che de celui de la coke. Il doit y avoir un
meilleurs scores. Si la dépendance est très qu’en mélangeant des peaux de cacahuètes lien…
rapide, aucune frustration à l’horizon grillées avec les fils de bananes, on obtenait Il existe un phénomène de dépendance
car on peut recommencer à l’infini. La des effets bien plus puissants, proches de la et d’accoutumance à la caféine vraiment
vraie satisfaction s’obtient en décrochant DMT, un hallucinogène extrêmement dan- problématique à partir de 400 mg par jour,
3 étoiles à un niveau et hop rebelote, au gereux (voir plus bas). Après la publication soit 13 cannettes de Coca ou 6 express ou 5
suivant, sachant qu’il existe 4 jeux diffé- de la recette dans The Anarchist Cookbook, canettes de Red Bull. L’abus est aussi respon-
rents comprenant en tout plus de mille le congrès américain réagit en urgence avec sable d’hypertension, de crampes d’estomac,
niveaux. Toute une vie à jouer. Je cherche le « Banana Labeling Act ». Le prix du kilo de troubles de l’humeur et du sommeil.
encore un moyen de réduire les risques de bananes devint trop élevé par rapport à
liés à ma consommation d’Angry Birds. Si la quantité de peau nécessaire à l’obtention
quelqu’un a une idée pour m’aider, qu’il des effets psychoactifs et comparativement,
écrive à Asud. l’herbe et le LSD étaient bien moins chers.
En 1989, Kristian Wilson de Nintendo Les consommateurs s’en détournèrent alors
déclarait que « les jeux vidéos n’affectent pas aussi vite qu’ils l’avaient adopté.
les enfants : si Pacman nous avait influencé Ainsi se fabriquent les légendes... et les
étant enfant, nous devrions tous courir en rumeurs.
rond dans des pièces sombres, en gobant des
pilules magiques tout en écoutant de la mu-
sique répétitive ». Visiblement, cet homme
ne connaissait pas les rave parties. Et si
l’essor de cette culture est due au succès de
Pacman, inquiétons-nous des conséquen- Cannabis 08
ces qu’aura bientôt Angry Birds, ce petit
jeu sur téléphone qui consiste à jeter des
oiseaux à l’aide d’un lance-pierre en vue de D’après mes calculs, je viens d’allumer, à
faire s’écrouler des édifices et d’en tuer les quelques centaines près, le cinquante et
occupants. On me souffle dans l’oreillette un millième joint de ma vie. Je n’en suis
que c’est trop tard, le 11 septembre 2001 a pas fier pour autant, mais toujours vivant.
déjà eu lieu. Oups. Nombre de gens vous diront que ça ne fait

Caféine 07 rien la première fois. Je suis l’exception qui


confirme la règle. Je me souviens encore des
Banane séchée 06
Ouvrez une banane, mangez-la, puis pre- Je commence par trois doubles dont deux
nez la peau et grattez l’intérieur (pas uni- macchiato, puis j’enchaîne avec un litre de
quement les fils, contrairement à une idée Coca zéro dans la matinée, un café après le
répandue) jusqu’à ce que vous ayez un tas déjeuner, un autre litre de Coca zéro dans
de « moelle » de banane. Faites sécher au l’aprem, un expresso ou deux de plus si je
four, comme pour la beuh, de façon à pou- dîne au resto ou avec des amis, enfin un
voir l’émietter facilement. Roulez le tout demi-litre de Coke pour rincer la soirée.
dans un joint et fumez. Les effets sont assez Voilà pour une journée normale. Si j’ai
proches de ceux de l’opium mais durent très du sommeil en retard ou du cannabis très
peu de temps. Le principal risque de cette fort et beaucoup de taf, c’est l’overdrive, je
consommation est le tabac utilisé conjoin- rajoute deux Red Bull et un demi-litre de
tement. Nommé « banadine » ou « ba- Coca. Si je rencontre de la cocaïne de base,
nanadine », le principe actif de la banane c’est encore 50% de caféine en plus. Et le
est un dérivé de la sérotonine, une molécule Coca des Cuba Libre si la coke m’incite à
présente dans le cerveau qui régule l’hu- boire. En gros, je suis complètement accro
meur. La défonce à la banane a connu son à la caféine. Je suis migraineux et dépressif
heure de gloire à la fin des années 60 aux en cas de sevrage brutal. Super angoissé,
États-Unis. Des joints de banane étaient transpirant, tendu, limite agressif, si je dé-
distribués dans les concerts, tandis que passe ma limite. J’ai souvent des troubles
les journaux underground de la commu- gastriques et un sommeil pourri. La ca-
nauté hippie diffusaient assez largement la féine est une drogue légale avec d’impor-

Asud-Journal 50
49 juillet
mars 2012 19
Asud 50 produits
derrière mes yeux clos. Je venais de trouver
ma drogue de prédilection, celle qui me
Cannabis
(CBD)
thérapeutique 09 Champignons
hallucinogènes 10
dégoûta de l’alcool. Compagne fidèle, elle
me booste le matin et me calme le soir, elle Pourquoi le cannabis peut parfois m’être
m’aide à créer et met une certaine distance très utile pour calmer certaines douleurs
entre la société du spectacle et moi. et parfois accentuer les mêmes douleurs ?
Le cannabis n’est pas une drogue in- Pourquoi certaines variétés d’herbes trou-
nocente et ne convient pas à tout le monde, blent considérablement mon sommeil et
déclenchant chez certains des paranos ga- pas d’autres ? Pourquoi certaines beuzes
lopantes et des angoisses. N’insistez pas, le me filent du stress et d’autres m’euphori-
cannabis n’est pas fait pour vous… Même sent en douceur ? Voilà des questions qui
les petits malins qui fument de gros joints ont longtemps tourné dans mon cerveau.
dès le matin ne sont pas à l’abri d’un acci- Jusqu’à ce que je découvre le rôle du CBD J’ai testé les champis qui contiennent de
dent de parcours, le cannabis peut profiter dans les effets du cannabis. Il équilibre les la psilocine et de la psilocybine. Pour la
d’une faiblesse physique ou psychique pour effets des autres cannabinoïdes et renforce cueillette ou la culture, mieux vaut être ini-
vous secouer comme un cocotier… Gare aux l’action antalgique du cannabis, son effet tié par un habitué face à toutes les espèces
gâteaux de l’espace ! Le grand danger du stoned aussi. Voilà pourquoi le shit maro- vénéneuses. Les proportions des principes
cannabis, c’est le goudron qu’il dégage lors cain décontracte bien plus mes crampes actifs pouvant aussi différer d’une variété
de sa combustion et le tabac avec lequel on que de nombreux hybrides américano- à l’autre (psylo, mexicain, hawaïen...), les
le mélange. Pour pallier à ces deux incon- hollandais. Il existe plein de variétés Indica dosages ne sont donc pas les mêmes. La
vénients et protéger votre santé, adoptez le riches en CBD comme la Black Widow, montée (20 à 60 min) des champis n’est
« vaporisateur » qui libère sous forme de Indu Kush, Mr Nice G13, Purpurea Tici- pas très agréable. C’est ni plus ni moins
vapeur le THC de vos trois brins de beuh, nencis. Par contre, si j’ai besoin d’un effet une intoxication. Puis cette horrible sen-
juste avant sa combustion. speedant, de trouver l’appétit, de supporter sation laisse la place à son exact opposé.
toute la souffrance du monde, j’ai surtout Ce bien-être à la fois tonique et re-
Le meilleur et le pire se cô- besoin d’une grosse dose de THC. laxant est un prélude indispensable à la
ingéré

toient dans mes expériences venue des véritables effets hallucinogènes


d’ingestion de cannabis. Il des champignons. Ce n’est que physi-
faut bien connaître la force quement en harmonie que l’esprit peut
de sa préparation et choisir le enfin s’ouvrir sur une sorte de réalité al-
moment adéquat car l’effet peut durer long- ternative dans laquelle nous sommes dé-
temps, plus de six heures. Une trop faible sormais capables de voir la face cachée de
dose est frustrante, on a l’impression d’avoir chaque élément visuel. Un classique est
gâché son matos. Mais une trop forte plonge de voir des caractéristiques animales chez
dans un trip flippant : au mieux un malaise les humains. Tiens mon pote a une tête
de quatre heures suivi d’une énorme mol- de gnou ! Ou au contraire, de déceler des
lesse, au pire un bad trip d’une nuit/jour êtres vivants parmi les matières inertes.
comme un acide qui passe mal. La bonne Ce super pouvoir peut tout aussi
dose offre sans doute la meilleure expérien- Les usagers thérapeutiques utilisant le bien vous rendre imbattable au jeu
ce avec le cannabis. De quoi comprendre la cannabis pour les spasmes, les neuropa- des formes dans les nuages que
fascination de Théophile Gauthier ou Théo thies, les tremblements et les douleurs vous faire entamer une conver-
Varlet et la répulsion de Baudelaire. osseuses doivent se méfier des variétés sation télépathique avec le
Lorsque la préparation est bien calibrée, Sativa. Il est toujours préférable micro-ondes. Sous champis,
le space cake ou autre préparation cannabi- d’ingérer ou de vaporiser du can- il est aussi fréquent de voir
que comestible est certainement le meilleur nabis plutôt que de le fumer. ou d’entendre, furtive-
moyen de réduire les risques liés à l’usage du C’est encore plus indispensable ment, des choses ou des
cannabis, à l’exception des risques psychiques pour des malades. On obtient personnes qui n’existent
aigus et chroniques (rares) qui sont plus im- plus de CBD en laissant la pas. C’est certes amusant,
portants en cas de surdose. À recommander plante mûrir deux semai- mais cette tendance qu’ont
pour un usage thérapeutique ou pour arrêter nes de plus, votre résine les ombres à s’enfuir et les
de fumer sans cesser le cannabis. doit être bien ambrée bruits à parler de vous peut
et non pas laiteuse rendre parano. C’est que l’effet
(effet high). Cette dure souvent plusieurs heures,
technique n’est pas et un détail peut parfois suf-
recommandée en fire à transformer l’expérience
cas de troubles hé- en bad trip. Mieux vaut donc
patiques, le CBD prévoir un long moment sans
serait responsable responsabilités avec des gens
de l’effet fibrosant de confiance et éviter les es-
du cannabis. paces confinés.

20 Asud-Journal 50 juillet 2012


Cocaïne 11 de trip. Le jour suivant sera horrible entre
le down de la coke, les poumons brûlants
et la gueule de bois. Sans parler du fric
et du produit évaporé : c’est le classique
plan naze. Dans une atmosphère zen et
avec un hasch capable de surpasser la C
comme l’iceolator (voir plus bas), je vais
l’associer à une grosse ligne et kiffer dans
mon coin ou en petit comité jusqu’à la
De l’art de jouer… avec les lignes. Com- descente totale.
ment faire passer l’idée forcément inci- Le premier rush ne revient jamais,
tative qui consiste à expliquer que pour passé un demi-gramme de vrai matos,
la coke, shoot et sniff ne boxent pas dans
la même catégorie. Contrairement à la
c’est du gaspillage. Une pause de plu-
sieurs jours est nécessaire pour retrouver
Crystal meth 12
plupart des autres drogues (héroïne com- cette sensation. Je sais, c’est dur d’être J’aime pas trop les amphet’. Ça me speede
prise), la coke shootée se caractérise par raisonnable avec la coke. Il faut penser à trop alors j’évite, et puis je gère mal les
un « flash » surpuissant, le « graal » du se rincer les narines régulièrement pour pro- descentes. Mais j’aime les expériences.
toxicomane. Une fois cette provocation téger ses muqueuses et ses cloisons nasales. Un ami consomme de temps en temps du
couchée sur le papier, on peut se lâcher. L’« alcocanicotine » est très cancérigène : Crystal. Beaucoup de prod circulent sous
Shooter la coke vous garantit une course évitez de fumer 3 paquets de clopes et de boi- ce nom sans que ça en soit vraiment. Là,
perdue d’avance contre la descente : l’enfer re 2 bouteilles de vodka par session de coke. d’après ses descriptions, le prix et les effets
du cocaïnomane. La rançon du « flash », (¼ de g, 50 balles et 4 jours sans dormir),
c’est l’obligation d’augmenter les doses à En Espagne, on fait la base j’ai plutôt confiance. À l’occase, j’essayerais
chasse

chaque injection, jusqu’à ne plus sentir de CC avec de l’ammonia- bien. Soirée dans un squat en proche ban-
que le pire de la gamme des sensation of- que (facile, rapide mais assez lieue. Fin d’automne tranquille. Déten-
fertes par les psychostimulants : crises de toxique), en France on préfè- due, j’avais fumé un peu d’opium. « Ça te
panique, dépression, envie suicidaire, bref, re la « cuisiner » avec du bi- dit, j’ai du Crystal ? » Une pipe en verre
que du « down ». carbonate (plus délicat et lent, mais moins au foyer quasi clos. Quelques paillettes
N’oubliez pas d’enterrer votre car- toxique). Je place mon caillou sur l’alu translucides. Quelques secondes sous la
te bleue, loin, très loin de votre spot de mais contrairement à l’héro (voir p.24), je flamme et les cristaux fondent. Une fumée
consommation. Après, tout ce qui touche le fais fondre pour obtenir ma goutte en le blanche et dense. Il suffit d’aspirer. Une
aux risques liés à l’injection est à multi- chauffant directement par-dessus. J’évite sorte de non goût, une amertume douce.
plier par 100 quand vous shootez la coke. ainsi d’éventuelles projections sur les yeux Et un effet supérieur à de l’excellente coke.
Rapidement, votre soif libidineuse de sen- et de voir mon alu constellé de petites ta- Quelques inspirations plus tard, c’est re-
sation forte va vous conduire à multiplier ches de base sur lesquelles il faudra repasser parti dans la fête. Et envie d’y retourner.
les trous, sortir de la veine, chiper la pompe pour ne pas les perdre. La goutte se forme Assez souvent. Assez vite. Ça fait rien et ça
des invités en étant persuadé d’être un as vite, elle doit être collante, la plus transpa- fait tout. Esprit clair, tout est bien, tout est
de la réduction des risques. Un conseil : rente et la moins jaune possible et le rester possible. Et besoin d’eau, de soft. Douleur
après le deuxième fix, un Valium® et dodo. une fois refroidie. Si elle devient comme de désagréable dans les reins. Descente dou-
la craie, c’est mauvais signe ! Pour inhaler, ce, en chassant tranquillement le dragon.
À l’aide du bouchon d’une je replace ma flamme sous l’alu. Comme sa
sniff

bouteille de limonade à l’an- vitesse de descente est bien plus rapide que
cienne, j’écrase bien la coke celle de l’héro, je dois juste m’arrêter de
sur une coupelle en porcelaine. chauffer un peu avant la fin pour qu’elle ne
La poudre ne doit plus crisser sorte pas de l’alu. L’effet est immédiat, une
pour ne pas couper le nez. Je m’enfile une montée super rapide mais un peu moins
paire de lignes en dix minutes. Ma pensée violente qu’avec un doseur. On ressent
s’éclaircit, j’accède bien plus vite à mon l’envie irrésistible de parler, on a la pêche,
cerveau, comme après une défragmenta- on est apparemment si lucide, mais cela
tion de disque dur. Une autre ligne m’en- ne dure que quelques minutes…
voie dans un état d’euphorie supérieur à Lavez la pâte de base obtenue avec
l’alcool mais sans perte de contrôle. J’ai de l’eau puis séchez-la avec un kleenex.
envie de discuter, d’écrire ou de faire Même conseils pour l’alu et le matos que
quelque chose de créatif comme la cuisine pour l’héro (p.24). Malgré l’envie de re-
ou voir un spectacle. Là, l’expérience peut prendre tout de suite, il faut marquer des
déraper. Si je bois de l’alcool, en mode pauses les plus longues possibles sous peine
soirée festive, je vais enchaîner les clopes, de dérapage. La base de CC est terrible-
les verres et les traces jusqu’à finir cada- ment accrocheuse et bien des UD chevron-
véré à l’aube, avec les risques de ce genre nés sont partis en live avec…

Asud-Journal 50 juillet 2012 21


Asud 50 produits
Codéine 13 Datura 14 DMT organique 15
La codéine (ou méthylmorphine) est l’un C’est lors d’une virée en Ardèche que
des alcaloïdes contenus dans le pavot som- j’eus ma première expérience de DMT.
nifère (Papaver somniferum), est-il écrit Des amis de retour d’Amsterdam en
dans Wikipédia. On n’y trouve pas la avaient rapporté une certaine quantité ac-
liste des médicaments en vente libre, une quise chez un collègue batave récemment
exception française, héritée du temps où revenu d’Australie où il se l’était procurée.
la substitution médicale était interdite. Je Le long d’une paisible rivière, petite pipe
me souviens du Netux®, du Codoliprane®, à eau et résine sombre très parfumée...
du Dinacode® codéine, mais à vrai dire, Fumée épaisse et assez dure à inhaler... La
je ne connais bien que le Néo-Codion®. montée est douce et puissante à la fois, ex-
Un hymne à la codé, c’est nécessairement périence d’une dizaine de minutes riche
un hymne en mineur, normal pour un en visions et motifs colorés qui laissent
morphinique mineur. Il n’empêche : le entrevoir pourquoi les peintures d’Amé-
Néo-Codion® a joué un rôle historique. rique centrale et du Sud sont si riches et
Pendant près d’une dizaine d’années, ça En infusion de cigarettes Legras ou en grai- complexes.
été mon passeport, une sorte d’assurance nes macérées dans la grappa, le problème Lorsque les effets commencent à se
tous risques – un tube dans mon sac, et je commun à mes expériences de datura, c’est dissiper, les visions deviennent mono-
ne dépendais de personne… Pas besoin de le dosage à l’arrache et les mélanges qui chromes, puis sensation de paix et de
médecin, l’histoire ne regardait que moi. transforment un trip très visuel en grand sérénité, un peu comme après un bon
Bien sûr, le Néo-Codion®, c’est nettement « portnawak », bien au-delà des limites de trip aux champignons. Expérience inou-
plus adapté pour les junkies du week-end la RdR. J’ai discuté une plombe avec des bliable, loin de celles que l’on peut avoir
parce que ceux qui devaient en avaler qua- lampadaires que je prenais pour des sou- lorsque l’on consomme la DMT dans
rante d’un coup n’appréciaient pas trop, coupes volantes avec martiens, genre Fran- un cadre festif. Substance coûteuse mais
sans compter que l’enrobage tape sur le çois Truffaut dans Rencontre du troisième unique, ingrédient de base du yopo et de
foie. C’est devenu particulièrement dur type. Je croyais être sorti dans un jardin de l’ayahuasca, proche de la sérotonine et de
quand le dosage a été rationné, avec le maison pour pisser dans un ruisseau alors la même catégorie que le LSD et la psi-
conditionnement en plaquette et après un que j’arrosais les passants d’une rue depuis locybine. On peut également en trouver
débat houleux où il avait été question d’in- le balcon d’un appart. Blackout total pen- une variante synthétisée sous forme de
terdire la vente libre de codéine. Heureu- dant des heures et réveil à des kilomètres du poudre blanche fumable ou injectable.
sement, les spécialistes de l’époque avaient point de départ, loin de tout mais sans voi-
parfaitement conscience que la codé était
une porte de sortie. Ils se sont contentés
ture, écorché de partout et épuisé. Même
après une dose infime pas désagréable, j’ai
DOB 16
de baisser les doses. Après, il a fallu faire la décidé de me limiter à trois expériences. La
tournée des pharmaciens, censés n’en ven- scopolamine est une substance très diffi-
dre que deux boîtes à la fois. C’était l’épo- cile à doser, les risques de panique, de de-
que où il ne fallait surtout rien faire pour lirium, de mises en danger involontaire et
faciliter la vie des drogués. Le Néo-Co- aussi d’empoisonnement potentiellement
dion® a donné un petit coup de main, sans mortel sont bien supérieurs à la qualité
réclame, sans frais. D’où cet hommage des effets psychédéliques. À ne surtout pas
d’une usagère reconnaissante. prendre à la légère.
La sensibilité est très variable selon les
individus, le potentiel des plantes varie aus-
si beaucoup, les graines sont en général plus
concentrées, seul un dosage très progressif
peut limiter les risques d’effets indésira-
bles. Et encore. Il faut vraiment se méfier
de la potentialisation de l’effet de l’alcool Lors d’une goa perchée sur une montagne
(perte de contrôle) et des opiacés (risque de suisse, j’ai croisé un copain de confiance
dépression respiratoire), ainsi que du mé- épuisé mais content après 36 heures d’un
lange avec d’autres psychédéliques, pétage trip à 3 mg de DOB. Une goutte d’1 mg
de plombs garanti ! devait durer douze heures, bien assez pour
ma forme et mon envie. Le goût était
très amer et chimique. La montée a pris
une heure et demie, proche du MDMA
pour le reflux stomacal (sans douleur ni
vomis) et le rush d’énergie mais aussi sé-
datif, comme le MDEA. Plongé dans les
coussins de notre chill-out, j’encaissais la

22 Asud-Journal 50 juillet 2012


montée les yeux fermés quand les kaléi- sexuelle, la première fois, pas fais trop at-
doscopes merveilleux se sont déclenchés. tention, mais avec mon pote, on couche
Il y eu un bref voyage tel l’aigle planant pas ensemble, alors peut-être manque de
sur le canyon dans le Blueberry de Jan stimulation… J’essaye avec mon mec, je
Kounen. Les distorsions de la musique se tripe, c’est agréable, effectivement, ça dé-
synchronisaient avec des fractales flam- cuple les sensations. Lui ne tripe pas trop
boyantes. Après un très long moment de et surtout, j’ai vite du mal à gérer les doses.
contemplation, j’ai repris contact avec Ça monte vite et rapidement, envie d’une
une réalité visuelle fortement modifiée nouvelle dose.
par la saturation des couleurs. Les êtres
et les choses avaient des auras mouvantes
et des contours flous. C’était proche du
visuel des champis ou de la mescaline. Je
n’étais plus écroulé, je cherchais de nou-
veaux supports à mes délires, j’ai erré trois L’éther est difficile à trouver en France,
heures. Puis il m’est monté une grosse tant mieux. Il accélère considérablement la
envie de danser et de communiquer qui a cirrhose et autres maladies hépatiques. Il est
duré au moins cinq heures, un trip proche neurotoxique. Il défonce les connexions neu-
de la méthamphétamine avec de faibles ronales et fait ainsi baisser le QI des usagers
hallus. Encore douze heures sans dormir, réguliers. De plus, il est très inflammable et
mais sans trop de parano ou de stress. peu donc provoquer des incendies et des ex-

© Erowid
J’ai pris un coup de bambou à la plosions. Il est parfois utilisé pour transfor-
dixième heure, trop d’énergie brûlée sans mer de la coke en crack : attention au feu et
refaire le plein. Pas faim, ni soif. Il est laissez évaporer au moins 24 heures avant
préférable d’avoir un ange gardien pour de consommer. D’un coup c’est trop, et voilà le G-Hole,
veiller à l’intendance. Le produit est vrai- qui se manifeste de diverses façons. Le plus

GHB/GBL 18
ment puissant, à doser avec précaution connu, le « coma », n’est pas le plus désa-
sous peine de distorsion grave de la per- gréable. Tu t’endors tranquille et te réveille
sonnalité et de panique. Cette expérience deux heures plus tard, mais sommeil souvent
intense nécessite de bonnes dispositions Gi, glouglou, Dame Jouvence : autant de habité de cauchemars. Attention à ne pas
physiques et mentales, et de bien préparer petits noms pour cette substance abusive- dormir sur le dos, le Gi fait souvent vomir.
les conditions d’usage : environnement ment appelée « drogue du viol » en po- Ou alors grosse crise d’angoisse et autres ef-
safe, bonne ambiance musicale et visuelle, pulation générale. Mais de quoi s’agit-il ? fets paradoxaux décrits par beaucoup d’usa-
chill-out de luxe. D’un « nouveau » produit incroyable gers réguliers. Là sérieux, c’est pas cool et ça
qui aurait pour effet de nous désinhiber peut être violent, surtout en prenant beau-
sexuellement en augmentant de surcroît coup de coke en même temps. J’ai eu envie
Éther 17 notre dose de plaisir, mais avec une bonne d’arrêter. L’air de rien, c’est difficile à gérer
amnésie par dessus, quel dommage ! comme prod, et puis j’avais mal au bide à
Ma grand-mère aimait bien se péter la ru- Revenons cinq ans en arrière. Je sors beau- force de boire du décapant, même au ml,
che à l’éther de temps à autres. Elle finis- coup, tape beaucoup de coke, fréquente ça attaque l’estomac.
sait fin ronde, incohérente et trébuchante essentiellement la scène free et la scène gay. Avec le « vrai »
avant de sombrer dans un profond som- Un jour, tranquillement posée chez un ami GHB, plus difficile à
meil et de se réveiller avec une grosse mi- proche, il me propose un nouveau bap- trouver, pas perçu de
graine et des nausées. Moi aussi, malgré tême : le Gi. Ok, je dis, toujours avide de différence niveau
ce spectacle peu ragoûtant, j’ai fini par nouvelles expériences. Il m’en explique les effets, différem-
sniffer mon mouchoir comme les autres. effets, la condition préalable primordiale ment mauvais
L’éther était toujours très populaire chez étant la non consommation d’alcool. Les au goût, un peu
les ados niveau 5e/4e dans les années effets des deux prod se potentialisent. moins corrosif
70. C’était facilement disponible, bien Une grosse seringue doseuse, et voilà 2 ml pour les
plus rapide et moins cher qu’une cuite de Glouglou dans mon verre de grenadine. muqueuses
à l’alcool. Avec en plus ce doux cocon L’odeur et le goût sont infects, et le mieux digestives.
après l’euphorie qui est plus proche des pour les dissimuler reste les sirops bien su-
opiacés que de la bière. Mais aussi une crés. Je sais que je vais boire du décapant
accoutumance digne de l’héro et de pour graffitis mais je me dis qu’après tout,
gros dégâts sur la concentration, une im- 2 ml dans 250 c’est bien dilué.
mense irritabilité et le besoin compulsif Après quelques gorgées et une petite di-
de sniffer. J’ai rapidement préféré fumer zaine de minutes, grande détente, ça va
des joints. Et je n’ai plus jamais sniffé de trop bien avec la coke, ça temporise son
sac ou de mouchoir. Il faut savoir dire non côté un peu speed. Et ça fait parler grave,
aux drogues de merde. totalement logorrhéique. Côté excitation

Asud-Journal 50
49 juillet
mars 2012 23
Asud 50 produits
Héroïne 19 Huile de cannabis 20
Bon d’accord de nos jours, on J’ai placé sur le côté mat

chasse
sniff

s’en vante pas. Le sida a défi- d’une feuille de papier


nitivement rangé l’héro au d’aluminium (20 cm sur 10
rayon des drogues maudites environ) 1/10 de gramme
pour l’éternité ! N’empêche d’héroïne, brune, car la
que les amateurs du piquage de zen sont blanche brûlant tout de suite, le plaisir
toujours légion dans la galaxie psychonau- est bref. L’alu doit être bien lisse pour
te. L’héroïne n’est pas franche du collier. que la goutte d’héro puisse glisser facile-
Vu sa réputation, on s’attend à une claque ment. J’incline légèrement ma feuille et
métaphysique, un truc qui vous arrache la chauffe doucement l’alu par en dessous
tête au premier sniff. Que nenni ! C’est à l’aide d’un briquet, mais en plaçant la
pas désagréable, mis à part un arrière- flamme quelque cm avant l’héro, sans
goût affreusement amer et puis après, on coller la flamme au papier, pour éviter de
commence à gerber. Pas méchamment, la brûler. Une goutte presque noire aux
une gerbe cool, l’air de pas y toucher. En contours légèrement orangés se forme L’huile ne doit pas sentir l’alcool, l’éther
général, c’est après que ça se gâte. Avec la doucement sans brûler en glissant sur ou le solvant. Elle ne doit pas faire de bul-
montée, vos yeux se ferment, une douce l’alu. J’attends 10 secondes qu’elle re- les lorsqu’on approche une flamme. Elle ne
chaleur vous envahit, la réalité s’évapore… froidisse pour voir si elle se décolle faci- doit pas dégager de fumée noire et laisser
On appelle ça piquer du zen. C’est pile le lement. C’est le cas, la dope est donc de des déchets carbonisés après combustion.
moment ou il faut éviter les prestations bonne qualité (très orangée et collante, C’est un concentré de résine de canna-
publiques. Quoique vous fassiez pour c’est pas top !). J’incline à nouveau la bis qui peut être purifié jusqu’à 92% de
avoir l’air clean, oubliez : ça se voit. feuille légèrement et je fais descendre THC. L’intérêt est surtout thérapeutique
Après des préliminaires plutôt sensuels, la goutte en chauffant par en dessous, pour lutter contre les douleurs osseuses,
voire affectueux, l’héroïne se planque dans toujours de la même manière. J’aspire la les neuropathies, les effets secondaires de
un coin de votre mémoire, dans la case fumée avec un tube d’alu de 10 cm mais chimio ou encore le craving de l’alcool ou
« pourquoi pas ». Ça fait du bien et c’est sans trop le coller à la goutte pour ne du crack. On peut en faire un usage récréa-
apparemment sans danger. Les ennuis com- pas risquer de l’aspirer ! L’effet est très tif en prenant vraiment garde au dosage.
mencent avec le coup classique du : jamais rapide, agréable, graduel selon la répéti- Beaucoup d’amateurs d’huile ont expéri-
plus d’une fois par mois, heu par semaine, tion des prises. La goutte d’héro, dense, menté l’effet « soirée terminée avec tout le
heu tous les deux jours… Heu t’en as ? descend lentement. Pour accélérer sa monde écroulé » d’un pétard trop chargé.
descente et éviter qu’elle ne brûle, je dois D’autres connaissent trop bien les heures
Si vous shootez, respectez les parfois incliner l’alu davantage ou rap- passées à rassurer un camarade de joint
shoot

prescriptions habituelles de procher un peu plus la flamme de celui- trop flippé. Un usage prolongé accentue
l’injection à moindres risques. ci. On prend vite le coup mais les débuts les risques liés au cannabis dont le manque
L’idéal est de rester « récréa- sont parfois difficiles… d’attention, l’asocialité et la démotivation.
tif » car vous serez le dernier C’est un procédé convivial et économi- Le sevrage peut provoquer un manque
informé de votre potentiel de résistance à que car on peut fumer une petite quantité psychologique et même physique plus im-
l’addiction aux opiacés. De nombreux expé- à plusieurs. Assez safe si on ne partage pas portant qu’avec le hasch ou l’herbe.
rimentateurs restent des amateurs éclairés, son tube et si l’on marque des pauses entre Même règle que pour l’alcool : on ne
d’autres en prennent pour vingt ans ou per- chaque prise. Mais attention, c’est aussi consomme pas la même dose de bière que de
pète. Pas de méthode, pas de manuel, alors très accrocheur et pas du tout bon pour les gnôle maison, ni la même dose de marocain
adoptez une méfiance de Sioux. Autre piège : poumons ! Les débutants peuvent tracer sur de cité que l’huile de cannabis. Bien préve-
sous ses dehors cajoleurs la belle Hélène est l’alu un chemin avec le doigt afin de mieux nir du potentiel avant de faire tourner un
mortelle. Pas à tous les coups, mais mortelle diriger la goutte. Ne pas repasser là où la joint, ne pas consommer avec des néophytes
quand même. La première consommation, dope a pu brûler et prendre un alu le plus ou des personnes présentant une fragilité
la sortie de prison ou le retour de cure, sont épais possible. Certains centres de RdR en psychologique.
les moments de vulnérabilité maximum. donnent même du non traité...
Iceolator hasch 21
Mila a puisé dans son sachet l’équivalent
d’une ligne de poudre cristalline couleur
sable. Elle l’a saupoudrée sur le tabac déjà
dans la feuille, l’a fait pénétrer dans les fibres
puis a roulé le spliff. Elle a tiré trois lattes et
me l’a passé. Malgré le peu de substance
utilisée, le goût de résine était très puis-
sant, acide, prenant. Après une quinte de
toux sans fin, j’étais rouge et tout essoufflé.
J’y suis retourné prudemment et j’ai passé

24 Asud-Journal 50 juillet 2012


le oinj en suffoquant encore. Au bout de
dix minutes, j’avais le THC qui sortait par Kétamine 24
mes yeux larmoyants, les tempes bouillon-
nantes, un grand sourire figé sur ma figure. J’ai testé la kétamine malgré toutes les
Nous avons eu une conversation très ani- mises en garde : ça rend con, tu vas te
mée, Éric a passé notre commande en bon- blesser grave et même si t’échappes à ça,
dissant dans le magasin. Deux heures après, ce sera le gros bad trip à vie quand tu ver-
nous étions avachis sur un canapé, les yeux ras la lumière au bout du tunnel ! Effecti-
très rouges et l’air hagard, très stoned, les vement, il y a du vrai dans ce discours de
jambes coupées. Nous avons dépouillé la non consommateur (la kéta est multiple !),
maison du pancake pour retrouver un peu qui occulte cependant complètement le
d’énergie et bien longtemps après, l’envie côté ludique de cette drogue finalement
d’en fumer un autre. Cette résine de can- bien plus maîtrisable qu’il n’y paraît.
nabis extraite par l’eau glacée allait gagner La kéta, c’est comme la plongée, y’a des
la Highlife Cup. j’ai dû me moucher. J’ai repris une ligne, paliers. À petite dose (fine trace de 5 cm
rebelote mouchage. J’ai ressenti un apaise- maxi), c’est l’euphorie assurée associée
ment du stress et une légère euphorie, l’en- à une étrange perception distordue des
vie de sortir voir du monde. L’effet a décliné lois fondamentales de la nature que sont
sur une heure. Ce n’est pas la puissance de la distance, la gravité et le temps. Vu de
la coke ou du speed, c’est dégueu à sniffer, l’extérieur on n’a pas l’air malin à perdre
cela colle un peu la gerbe et des palpitations l’équilibre mais à plusieurs dans le même
à haute dose. Les amateurs de sensations état, quelle convivialité pendant presque
fortes seront déçus. Pas ceux qui aiment les une heure. À dose légèrement plus grosse,
effets subtils assez faciles à gérer. le voyage devient plus personnel et prend
Bien se rincer les narines entre les prises. une dimension surnaturelle avec l’effet de
Attention à l’appétence pour l’alcool. Ne pas « décorporation » qui consiste à devenir
prendre en combinaison avec des inhibi- spectateur et commentateur de son corps
teurs MAO. Ne pas utiliser si vous avez trop et de ses actions.
de tension ou en cas de maladie cardiaque. Au-delà de 0,2 g, la kétamine est ex-
Il convient de doser l’Iceolator avec Fumer du kanna expose aux mêmes risques clusivement mentale tandis que l’enveloppe
de beaucoup précaution, le record se situe qu’avec du tabac (la dépendance à la nico- charnelle est anesthésiée. C’est probable-
autour de 82% de THC. On peut atteindre tine en moins). ment l’état le plus éprouvant psychologique-
l’effet escompté en fumant très peu de subs- ment car incapable de communiquer et de
tance, c’est une bonne manière de réduire
les risques liés à l’inhalation. À condition
Kava Kava 23 bouger, on reste seul avec les effets du pro-
duit pendant environ une heure, voire plus.
de rester modéré, sinon le bad trip survient L’effet du kava mélangé à un peu de bière mai- Cet état a ses amateurs et pour en profiter,
vite. L’Iceo est déconseillé aux personnes son est assez proche d’un tiers d’ecstasy : prévenez vos potes qui sinon ne manqueront
présentant des troubles psys et aux usagers bonnes vibes, empathie avec l’environ- pas de s’inquiéter. Dernière chose : la tolé-
facilement paniqués en cas de surdose. nement, décontraction et même mol- rance au produit est forte et rapide. Mais si
lesse à forte dose. J’ai parfois acheté des on ne consomme rien d’autre en parallèle,
extraits de basse qualité dont les effets peu de risque d’overdose mortelle.
Kanna 22 étaient bien moindres. Récemment, un
mélange de kava et de kratom aux do-
Cette herbe d’Afrique du Sud est vendue ses indiquées (voir kratom) nous a fait
dans les smartshops. J’ai d’abord testé en l’effet d’une boisson à la caféine avec un
joint le mélange traditionnel des Hotten- soupçon d’opium dedans. C’est tout le
tos – Kanna+Dagga (cannabis sud-africain, problème de l’ethnobotanique dans les
ici de la Durban Poison) – qui se masti- smartshops : des produits légaux mais
que aussi, mais je n’étais pas motivé par la de qualité très variable. Il faut donc en
chique. Le kanna pourrit un peu le goût de disposer d’assez pour trouver progressi-
la ganja mais l’effet high est renforcé et un vement le bon dosage.
peu plus long, cela donne davantage envie En cas de surdose, l’effet myorelaxant
de danser que de s’avachir, de raconter des et hypnotique conduit d’abord à l’anxiété,
conneries, de boire de la bière bien fraîche. la désynchronisation corporelle, parfois
J’ai essayé de le fumer seul, l’effet est bien des spasmes puis un sommeil profond avec
moindre. J’ai aussi prisé la poudre fine, en- un réveil pâteux. Il n’y a pas de cas d’over-
viron 50 mg, en mode Ancien Régime avec dose et la toxicité pour le foie à haute dose,
prise de tabac, ou anthropologie avec sniff longtemps avancée, n’a pas été démontrée
de yopo. Cela chatouille les narines mais ne par les études récentes.
brûle pas trop. J’ai éternué rapidement puis

Asud-Journal 50
49 juillet
mars 2012 25
Asud 50 produits
Khat 25 LSD 25 28
C’est au Yémen que j’ai testé la mastication De mon premier trip, je me souviens
du khat alors que je faisais un mémoire uni- comme si c’était hier, une expérience qui
versitaire sur cet arbuste. Je venais à peine m’a marqué, que j’ai renouvelée maintes
d’atterrir à Sanaa avec deux amis, que nous fois et qui m’a rarement déçu. « Un sen-
sautions déjà dans un taxi pour lui demander timent de bien-être m’enveloppait, comme
où trouver du khat. Heureux que des étran- si une vie nouvelle s’ouvrait », écrit Albert
gers s’intéressent à cette pratique typique de Hoffmann de sa première (et involontaire)
cet endroit du monde, il nous conduisit dans expérience de l’acide D-lysergique
un mafraj, sorte de bistrot dédié au khat. La L’acide a changé subtilement ma vie. Ce
première fois, je n’ai pas vraiment ressenti n’est pas la « bombe psychique » décrite
les effets. La mastication du khat n’est pas par certains mais avec le LSD 25, vous
si simple, ni très agréable pour un novice. Il retrouvez l’innocence et l’insouciance de
faut bien mâcher les feuilles, mais sans trop votre enfance. Faire l’amour sous acide,
les émietter, tout en buvant du thé afin d’ob- LSA (Hawaiian 27 c’est comme voyager dans l’univers, un
tenir en bouche une pâte. Avec la langue et Baby Woodrose) feu d’artifice. Si j’osais, je conseillerais à
les dents, on en fait une boule que l’on main- toute personne normalement constituée
tient entre la joue et la gencive. Chaque nou- Douze graines lavées puis pilées au mor- d’expérimenter cette drogue psychédéli-
velle feuille mâchée alimente la boule pâteuse tier avaient infusé dans 10 cl de rhum que. Avec le LSD, vous prenez conscience
qui, en baignant dans la salive et grâce à l’ac- brun pendant 3 jours. Nous avons par- du mot harmonie, vous êtes tout amour
tion mécanique de la mâchoire, libère enfin tagé ce breuvage au goût végétal en trois, pour la vie, vous parlez avec les arbres et les
son principe actif, la cathinone. Une amphé- le temps était idéal pour une promenade aliments ont des saveurs que jamais vous
tamine naturelle qui produit d’abord une vi- dans les collines alentours. Les crampes n’auriez soupçonnées…
vacité tranquille et empathique propice aux d’estomac de la montée furent supporta- Après être monté jusqu’à toucher le ciel,
grandes discussions pour refaire le monde bles, une légère nausée pour mon amie. de la musique douce, des joints et un lit
avec conviction jusqu’à pas d’heure. Cette J’ai soudain ressenti des frissons élec- douillet atténueront la descente.
phase de désinhibition est suivie quelques triques le long de la moelle épinière, les Le diéthylamide de l’acide lysergi-
heures après de ce qu’il est difficile d’appeler sons devenaient très intenses avec un lé- que n’est sans doute pas à mettre dans
une descente : les effets s’estompent dans une ger écho, les nuances de couleurs étaient toutes les mains. Si aucun mort n’est
rêvasserie plutôt agréable. remplacées par des taches vives. La forêt directement imputable au LSD, certai-
La consommation quotidienne est toutefois baignait dans une lumière irréelle, elle nes personnes perdent les pédales sous
déconseillée sous peine de sérieux problèmes attirait vraiment. Nous avons marché l’effet de cette drogue dont la puissance
d’hygiène buccale (liés aux pesticides) et de deux heures, le temps semblait suspendu se mesure en microgrammes. Présenté
fortes baisses de régime les lendemains (ce puis accéléré. Nous avons squatté un pré sous forme liquide ou de gouttes posées
qui incite à reconsommer). L’humeur est fleuri pour déguster notre gourde de thé sur un buvard, mieux vaut connaître le
alors changeante, on devient facilement ir- froid, grave délire sur les fleurs et les in- dosage avant de se lancer dans l’aven-
ritable, voire agressif. sectes. Nous avons décidé d’acheter du ture car plus le LSD sera dosé, plus vous
lait à une ferme voisine. Nos pupilles multiplierez le risque de partir en su-
Kratom 26 très dilatées ont rendu le paysan agressif.
Le stress s’était installé et la descente fut
cette. Les buvards en vente dans les offi-
cines sérieuses sont généralement dosés
Il y a plus de vingt ans, j’avais vraiment ap- pénible. Mes amis avaient froid, peur de à 240 microgrammes et je ne saurais
précié l’effet narcotique du thé de kratom se perdre, ils entendaient des bruits in- trop vous conseiller d’en prendre seule-
dans le cadre d’un sevrage à l’opium (et un quiétants et s’effrayaient de l’ombre des ment une moitié.
peu de brune). Je ne connaissais pas la dose arbres. Ils restèrent très tendus toute la
utilisée ni la provenance de l’herbe, mais soirée, à la fois crevés et agités. Cela m’a
cela calmait un peu mes douleurs et me gâché la fin du trip. Sous LSA, il faut se
tranquillisait beaucoup durant le manque. préserver des mauvaises vibes.
J’ai depuis essayé plusieurs présentations Être à jeun depuis au moins cinq heu-
dans les smartshops et je n’ai plus jamais res avant de consommer du LSA. Selon la
retrouvé cette intensité. En infusant 6-7 g, sensibilité des usagers, les crampes d’estomac
j’ai un petit coup de speed et une eupho- et les nausées peuvent être sévères. Il est pré-
rie légère, avec 10-12 g, un effet sédatif férable de tester une quantité minime (une
et vaguement planant. Ce dosage devrait à deux graines d’HBW) pour connaître sa
pourtant suffire avec un kratom de bonne réaction. Bad trip en cas de surdose.
qualité. Pas de chance sur ces coups-là.
En cas de surdose, le kratom provoque
des nausées violentes, vertige et anxiété.
Adapter la dose graduellement pour tester
la qualité du produit et votre sensibilité.

26 Asud-Journal 50 juillet 2012


MCPP 29 de l’effet nécessite un espace plus confiné
et la compagnie de gens proches. J’ai aussi
Alors là, pas de subjectivité etc., qu’on se testé ce mélange additionné de MDMA,
le dise : le MCPP c’est de la merde et y a j’ai apprécié l’équilibre entre les effets,
vraiment que des transeux ultra chépers mais le crash à la descente est encore plus
pour en prendre en connaissance de cause... violent. La récupération est très longue, le
Pour le commun des mortels, le MCPP est lendemain est flingué, low battery, les nerfs
un sale produit de coupe de l’ecstasy. Vous en quenouilles.
vous rappelez les fois où le bonbon magi- Bien préparer le set and settings. Le do-
que n’a pas marché ? Celles où au lieu de sage d’expérimentation se situe à 1 mg par
jumper comme un dingue dans le monde kilo (soit 70 mg pour 70 kilos) et l’effet de-
merveilleux des bisounours, vous vous êtes vient difficile à maîtriser au-dessus d’1,5 mg
retrouvé collé au fond d’un siège de voiture par kilo (soit 100 mg pour 70 kg). Atten-
avec une méchante nausée et des difficultés tion à l’hydratation, à la mâchoire crispée,
à parler ? MCPP ! Cette saloperie devrait au blues du lendemain, au mélange dépri-
être interdite... Ah, elle l’est déjà ? À croire mant avec l’alcool. Effets moins prononcés MDMA et ecstasy 32
que la seule solution pour éviter de trouver en cas de prise régulière.
tout et n’importe quoi dans les cachetons Ah, le MDMA... Plus facile d’en gober
serait de légaliser le MDMA.
Bref, un seul conseil de RdR pour le
MDEA 31 que d’en parler ! La preuve : pour décrire
ses effets, les scientifiques en sont carrément
MCPP : balancer toute personne suspectée « T’inquiètes, c’est comme de la MD », arrivés à inventer des mots. Empathogène ?
d’en vendre à la Brigade de répression de la c’est un vieux pote expert en prod bizarres Entactogène ? Oubliez ce baratin, Asud a
carotte (brc@légalisation.gouv.fr). qui me propose ça. Poussé par la curiosité, testé pour vous ! Bon, la première chose à
je décide donc de tenter l’expérience. Un dire c’est qu’on est bien dans la famille des
quart de gramme dilué dans une bouteille, amphétamines avec des effets stimulants
la juste dose pour nous deux selon lui. Ha- classiques : la faim et la fatigue s’envolent,
bitué au MDMA, ça me semble peu, alors les idées et le débit de paroles s’accélèrent
je bois ma part direct, en une fois. Au bout pendant que les mâchoires se contractent.
d’une petite heure, je commence à sentir le Mais avec des effets psychotropes plus
début d’une bonne montée style MDMA marqués : une certaine euphorie, de la
mais avec un truc en moins. Comment désinhibition, de l’enthousiasme... Et sur-
dire, la perche classique mais sans cette en- tout, la petite touche étonnante qui a don-
vie d’aller vers les autres, un truc plus inté- né son nom à la love pilule. Sous MDMA,
rieur quoi... Quand mes potes décident de des ennemis se réconcilient, de parfaits
bouger vers le son, je leur explique donc inconnus deviennent amis, des amis se
que je préfère rester là, à rêvasser dans tombent dans les bras. Si ces déborde-
l’herbe mouillée. Après leur départ, c’est ments affectifs sont souvent un peu ridi-
MDA 30 le flou total. Je tombe dans une espèce de
trou sans fond. Rien de désagréable mais
cules à voir, à vivre, ce sont des expériences
extraordinaires. L’illusion est parfaite, le
J’ai rarement trouvé du MDA pur, mes un trip un peu confus... Jusqu’au petit ma- consommateur n’a pas l’impression d’être
seules expériences étaient sous-dosées. J’ai tin où je me réveille derrière le stand d’une poussé vers les autres par un élément exté-
souvent pris un mélange de MDA et de asso de RdR (merci !), sans aucun souvenir rieur. Au contraire, il se sent plus fidèle à
MDEA, vendu en gros comprimé beige de la façon dont j’ai pu atterrir là. À côté lui-même
marqué EVA. La montée était très MDA : de moi, allongé sur le sol, un type ronfle :
euphorisante avec des effets visuels légers mon pote évidemment ! Je le réveille et on
proches de la psilocybine, de l’empathie se barre en se promettant de ne plus jamais
dans la conversation mais sans excès, un prendre cette merde !
bon feeling pour la danse et le contact phy- C’est bien sûr un avis subjectif, donc
sique, parfois des crampes et crispations. faites en ce que vous voulez. Mais mon
Puis cela évolue vers le MDEA : vautré en conseil de RdR, c’est de ne jamais prendre
extase sur la moquette, effet narcotique de MDEA et puis c’est tout ! Si vous le fai-
très planant, musique en boucle dans la tes quand même, vous pouvez trouver plus
tête, conversation passionnée et incohé- d’infos sur www.knowdrugs.ch.
rente entrecoupée de longues léthargies,
grosse sensibilité tactile. Une phase de dé-
prime survient souvent en cas de dosage
massif, un accompagnement très positif
est bien utile. Les premières heures sont
adaptées à une ambiance festive mais la fin

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49 juillet
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Asud 50 produits
que jamais. Comme si le MDMA révélait
une facette de sa personnalité enfouie sous
Attention quand même, son ancien sta-
tut légal et sa faible puissance en termes de
Méthoxétamine 35
de trop lourdes normes sociales. Rien ne rapport quantité/défonce ne doivent pas fai- J’ai testé à deux reprises la méthoxétamine
l’empêche plus de parler aux inconnus, de re oublier que la méphédrone entraîne sou- à l’insu de mon plein gré. La première fois,
se mettre à nu et surtout, de voir la beauté vent des comportements compulsifs, qu’elle a c’était il y a deux ans en teknival et j’étais à sec
cachée en chacun de nous. un certain potentiel addictif et que certaines de kétamine. Vers un dancefloor anglais, je
Combien de fois ai-je essayé de fixer cet personnes supportent très mal sa descente. rencontre un gars qui m’en propose au prix im-
état d’esprit, me disant qu’il ne tenait qu’à battable de 20 € le gramme finalement obtenu
moi le lendemain de continuer à fonc- à 10 € ! J’aurais dû me méfier mais l’envie était
tionner ainsi ? Peine perdue : environ six plus forte. Avec mon pote, on tape sans hésiter
heures après la prise, l’effet du produit dis- chacun une poutre de 0,2 g. D’habitude, la
paraît progressivement pour laisser place à montée de kétamine est assez rapide mais là,
une descente beaucoup moins funky (fris- rien : juste une grosse patate, envie de parler et
sons, fatigue, apathie...). de bouger comme le speed et des picotements.
Le MDMA est un produit fort et Pas très agréable. Peu à peu, je commence à
particulièrement toxique ( foie, système avoir des sensations proches de la kéta mais
cérébral...) qui déséquilibre le cerveau. avec des hallus façon LSD. Cinq heures plus
D’après la légende, Shulgin conseillait tard, une fois le trip terminé, j’apprends par
d’espacer les prises d’au moins qua- des amis que de la méthoxétamine tournait
rante jours. Pour les conseils « classi- vers les camions des anglais. De la métho...
ques » de RdR, je vous renvoie au site quoi ? Kézako ? Rares sont les produits
de Technoplus (www.technoplus.org) vendus en teuf qui peuvent se targuer d’être
où tout est détaillé. Ah, un petit truc
perso pour éviter de se fissurer les dents
Méthadone 34 des nouvelles drogues. La plupart ont tou-
tes déjà été synthétisées du temps de mon
en dormant sans se ruiner dans l’achat « Ces petits manques que la métha… donne », arrière-grand-papi. La méthoxétamine est
d’une gouttière : les magasins de sport disait l’autre. En sirop ou en gélule, la mé- tellement nouvelle qu’elle n’a aucun statut
vendent des protège-dents de boxe à en- thadone est un médicament, c’est marqué. juridique, ni médoc ni stupéfiant. Plusieurs
viron 5 euros. Pas question de se défoncer avec… Enfin, mois plus tard, à jeun de tout autre produit,
tout dépend de ce que l’on entend par dé- moi et un ami tapons une grosse trace de ce
fonce. Si vous êtes amateur d’héroïne, y’a qui m’avait été vendu pour de la kétamine.
quand même un fort cousinage. En fait, Eh bien non, me voilà à nouveau avec la pâ-
vous pouvez reprendre à peu près intégrale- teuse et la parlotte (pensez à boire de l’eau)
ment les symptômes décrits précédemment et des picotements partout dans le corps. Les
avec un petit quelque chose de synthétique hallus s’installent, le spectacle commence et
qui rebute parfois les puristes. Mais soyons là surprise, plus possible de parler, je plonge
juste : en matière de prescription, le flacon hors de mon corps dans un K-hole ou plutôt
tue l’ivresse. Le cadre médicalisé de votre M-hole psychédélique et éprouvant. Après
consommation vous place rapidement sur coup, le vendeur me confirme qu’il s’agissait
une orbite moyenne où les effets de high de méthoxétamine mais comme personne
sortent essorés par la mécanique neurobio- ne connaît ce produit, il préfère parler de
logique de la tolérance. C’est du reste ce kéta, le bouffon. Dans ces deux expériences,
qui fait le principal intérêt de ce stupé- ce qui m’a rassuré est qu’à chaque fois la per-
fiant majeur pour de nombreux exilés de sonne avec qui je consommais était dans le
Méphédrone 33 l’héro, sauvés de l’enfer de la prohibition
par la fée méthadone.
même état. Ça aide à surmonter l’angoisse
des effets inattendus.
Produit classé dans les « MDMA like », Deux règles majeures : no shoot, la mé-
c’est-à-dire les produits aux effets assez thadone vous flinguera les veines plus vite
proches du MDMA. On en a beaucoup que n’importe quel autre opiacé, et inter-
entendu parler en 2009 (lorsqu’une pé- dit de décrocher brutalement sous peine de
nurie généralisée de MDMA a poussé les voyage au pays du cauchemar, avec pétage
consommateurs à rechercher des alterna- de plombs en HP à la clé. Décrocher de la
tives sur les sites de vente de produits en méthadone reste un souci sans être absolu-
ligne) mais la méphédrone tend depuis à ment impossible mais surtout, piano piano.
se raréfier. Les prohibitionnistes y voient Dernière chose, on a dit stupéfiant majeur :
une preuve de l’efficacité de son inter- la dose létale est de moins d’un demi mg par
diction en 2010, nous y voyons plutôt kilo pour les néophytes et de toute façon, cette
une conséquence du retour en force du règle ne s’applique plus au-dessus de 40 mg.
MDMA. En effet, les effets ont beau être Bref, si vous testez hors cadre médical (a
assez proches, la plupart des consomma- fortiori si vous n’êtes pas accro), vous êtes en
teurs préfèrent le MDMA. danger… de mort.

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Morphine 36 Noix de muscade 37 Opium 38
Je me souviens avoir passé des heures à râ- De de Quincey à Nick Tosches, des déca-
per les noix avant d’en dénicher en poudre dards 1890 aux fumeries clandé des tours
à l’épicerie du coin. Je me souviens avoir du XIIIe arrondissement, l’opium a des allu-
absorbé une douzaine de grammes de cette res de Graal qui excite l’imaginaire. Sa quête
mixture touillée dans un thé… Aujourd’hui a engendré toutes sortes de légendes.
encore, rien que l’odeur de la noix de mus- Katmandou, Népal, c’est là que j’y ai
cade me provoque un haut-le-cœur. goûté. Cliché à mort mais ne vous mépre-
Trente minutes plus tard, vous avez la nez pas ! C’était au milieu des années 90
parole facile, mais les mots perdent de leur avant les révolutions maoïstes sanglan-
consistance dès qu’ils s’échappent de votre tes de palais mais bien après la grande
La morph possède la particularité d’être à la bouche, les mots des autres aussi, les gestes transhumance hippie des seventies. Une
fois un antalgique certifié, une drogue clas- indispensables deviennent dérisoires. Ne pancarte ministérielle dans les offices du
sique et occasionnellement, un produit de répondez pas au téléphone : alors que vous tourisme suppliait les visiteurs : « No
substitution. Asud a testé les trois !!! vous trouvez très spirituel, votre interlocu- drugs. Ne corrompez pas notre jeunesse. »
En mode antalgique, pas grand- teur, lui, a toutes les chances de vous trou- Vœu pieu : la jeunesse népalaise se char-
chose à dire : avant, ça fait mal, après, ver totalement incohérent. geait de subvertir la chose. Et puis, les
c’est mieux…et ça fait plus d’un siècle quelques babos quadra loqueteux aux al-
que c’est comme ça. N’en déplaise aux lures de zombies accrochés depuis vingt
Diafoirius qui tentent régulièrement de ans à Katmandou comme des tiques au
bouter la morphine de sa place de n°1. pelage d’un animal, étaient parfaitement
Sans aucun succès. dissuasifs.
En mode « stoned again » (mais oui, Des dealers, il y en avait par grappe
Sister Morphine), c’est tout l’un ou tout là-bas, mais c’est mon loueur de bécane
l’autre : on aime ou on déteste. Traditio- qui m’a trouvé de l’opium. Une grosse
nalistes, les morphinomanes ont l’habitu- boulette dissoute dans du thé parfumé.
de d’injecter leur dose. L’explication, c’est Chaleur douce, sensation évanescente,
le flash. La morphine partage avec la coke nuages cotonneux sur lesquels flottait
et quelques amphétamines diaboliques le une harde... d’éléphants roses. Cliché,
redoutable privilège d’être une drogue à je vous dis, et du genre in-con-gru ! Voir
flash. Mais attention, le flash de morph des éléphants roses ! C’est vous dire le
n’est pas toujours une expérience agréa- Au bout de quelques heures, il vous niveau d’élévation spirituelle auquel
ble. Perso, je déteste. Un milliard de peti- faut boire. Si vous vous affalez sur un ca- j’étais parvenu et comme j’enfonçais les
tes aiguilles qui vous percent le corps et la napé et que vos yeux se ferment tout seuls, portes de la perception, les gonds et le
bizarre sensation d’avoir fait une connerie vous flotterez bientôt sur un petit nuage chambranle, les verrous qui sautent, avec
(c’est quoi cette merde) conduisent aux et serez envahi de visions extravagantes et un Babar en tutu rose comme bélier.
portes de la panique. Enfin, ça passe au très colorées comme lors d’un voyage sous Ceci expliquant peut-être cela, j’avais
bout de 3 à 4 minutes : le flash mute en LSD. C’était il y a quarante ans et, même passé la la veille à dos d’éléphant dans la
défonce opiacée pépère, on revient en ter- si les lendemains étaient douloureux, j’en région de Taru. Mais quand même !
rain connu. garde un souvenir agréable. Appréciée
En mode substitution, la morphine pour ses effets psychédéliques, la noix de
(Skenan®, Moscontin®) a fait ses preuves. muscade l’est plus encore pour ses effets
Plus subtile que la méthadone, plus eupho- aphrodisiaques, mais je ne me souviens pas
risante que la buprénorphine (Subutex®), avoir éprouvé un irrésistible désir de faire
elle mérite le brevet de médicament de l’amour.
substitution aux opiacés (MSO) que les Mentionnée par Malcolm X dans son
acteurs de la réduction des risques lui ré- autobiographie comme étant une drogue de
clament depuis vingt ans. La morphine pauvre en vogue dans les prisons américai-
est maintenue dans un non man’s land nes, la noix de muscade a très mauvaise ré-
juridique qui lui interdit l’indication de putation. Citons entre autres effets secondai-
soin de la dépendance, tout en tolérant les res désagréables des nausées et des angoisses,
prescription exceptionnelles. des vertiges et de la tachycardie… Et au-delà
Évidemment, revoir à fond le Manuel d’une certaine dose (plus de 20 grammes se-
du shoot à moindres risques édité par lon les experts), vous risquez carrément d’y
Asud et privilégier la voie orale si l’on veut laisser votre peau. Autant éviter, le jeu n’en
expérimenter le mode substitution sur le vaut pas la chandelle.
long terme. Comme traitement de la dépen-
dance, la morphine garde toutes ses chances
avec les sniffeurs et les chasseurs de dragon.

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PCP 39 Philosopher’s Stones40 Poppers 41
J’ai goûté l’Angel Dust sans le savoir. Les truffes magiques ! Ces petits champi-
C’était avec des Américains, l’été à Val- gnons informes, visqueux et encore plus
Thorens. Nous étions attablés à la ter- dégueulasses que les autres sont pourtant
rasse d’un chalet, deux joints au goût très recherchés. Il en existe plusieurs varié-
métallique ont tourné, l’herbe ne sem- tés, toutes rattachées à l’immense groupe
blait pas terrible jusqu’à un rush violent des psilos dont elles partagent les prin-
au bout de trois minutes. Toute la tablée cipes actifs (psilocine et psilocybine). À
était explosée de rire, j’avais mal aux mâ- dose égale, les effets psychoactifs des truf-
choires. Les Américains ont expliqué le fes sont toutefois moins forts que ceux des
joint pur farci au PCP. Nous en avons autres psilos, ce qui fait qu’on les conseille
discuté vivement. J’ai voulu me lever et souvent aux débutants. Certains connais-
j’ai failli me viander, je titubais comme seurs plus expérimentés apprécient aussi le
un poivrot à deux grammes. Toutes les côté soft de ces champignons, notamment
distances me semblaient gigantesques, je pour revenir aux hallucinogènes après un Fallait bien que quelqu’un se dévoue.
voulais absolument me trouver un coin bad trip, mais la plupart des habitués des Vous savez le poppers, c’est la drogue des…
pénard pour kiffer en paix. Un transat enfin ça sert à… Bref, y paraît que c’est la
n’attendait que moi à trente mètres, un drogue des messieurs qui aiment les mes-
chemin de croix et enfin la béatitude, sieurs. Même qu’il faut en prendre pendant.
mais le cœur à cent vingt pulsations, un Et bien non, même pas vrai : on peut aussi
chaud-froid permanent, des sueurs et en prendre avant, après, en dehors, le nitrite
un stress qui s’apaisait difficilement. Je d’amyle – c’est son nom scientifique – est
suis rentré dans un long rêve éveillé où aussi une drogue de psychonaute qui cher-
se mélangeaient à toute allure des sou- che l’aventure au galop. Bon pour être hon-
venirs personnels, le décor et les person- nête, c’est pas vraiment l’extase : une tachy-
nages présents autour de moi. Je passais cardie carabinée, suivie d’un mini collapsus.
sans cesse du calme à l’agitation. Puis je Et puis alors cette odeur… c’est vrai que ça
me suis endormi vraiment pendant une rappelle un peu les senteurs musquées d’un
heure à peine. Le réveil fut pâteux, j’ai coït vespasien. Oups, grillé !! Non sérieux :
peiné pour retourner à mon studio et essayez plutôt la colle.
j’étais bien naze le lendemain. Un sou- RdR ? Je sais pas trop, peut-être éviter
venir mitigé. psychédéliques qui en commandent sur le de s’envoyer trois tubes cul sec… Qu’est-ce
L’usage du PCP n’a jamais été très po- Net s’avèrent déçus après consommation. qu’on se marre…
pulaire en France. L’agitation et la panique La faute à la faible puissance du produit
de l’usager en surdose peuvent créer des si- mais aussi et surtout, au marketing des
tuations très critiques, des convulsions et la smartshops en ligne... J’attends toujours
mort. Il faut vraiment éviter les joints sur- mon « trip philosophique », cet « état rê-
prise dosés à l’arrache et ne pas dépasser les veur » et ces « pensées profondes » que
10 mg, surtout en sniff ou en shoot. l’on m’avait promis car moi tout ce que
j’ai eu, c’est une légère nausée et un début
de trip d’ampleur comparable à quelques
lattes sur un bon pétard !
Si vous décidez de tenter l’expérience,
faites tout de même attention au surdo-
sage. Rien n’incite plus à ingurgiter des
quantités démesurées qu’un produit soft à
montée lente mais gare à la triple montée :
truffes ou pas, le duo psilocine/psilocybine
demeure l’un des plus gros hallucinogène
connus avec les risques de bad trips ha-
bituels. Renseignez-vous sur la RdR liés
aux champignons sur le site de Technoplus
(www.technoplus.org) et si vous vous posez
des questions sur les différentes variétés de
champis, le forum www.psychonaut.com
ou le site www.erowid.org devraient vous
éclairer.

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Ritaline 42 Rohypnol® 43 San Pedro44
Ah cette mauvaise réputation !!... Le Dose : 25 gr de cactus séché. Direct après
« Rup », ça a longtemps été un truc de l’ingestion, de petites nausées puis un peu
tox, confidentiel même. Et puis soudain, après, un sentiment de bien-être s’instal-
on a commencé à en entendre parler dans lait ! J’étais super heureux d’être là ! Je n’ai
des séries télé criminelles, à le voir cité pas eu d’hallucination colorée, mais mes
dans des articles à la rubrique faits divers. sens étaient super aiguisés, j’étais « aler-
Une benzodiazépine de la famille des hyp- te ». Au bord de l’eau, un rassemblement
notiques. Je serais bien incapable de dire de quelques amis, des instruments… Je ne
maintenant ce qui me branchait là-dedans. suis pas percussionniste mais je me rap-
Peut-être le nom : hypnotique. Il n’est pas pelle avoir joué du djembé comme si j’étais
usurpé. Parce qu’en tant que consomma- un pro et à la guitare, j’avais l’impression
teur, on en sait finalement moins long sur d’être Carlos Santana ou Frank Zappa…
ce qu’on fait que les gens autour de nous. Ce soir-là, j’ai fait de la musique comme
À faible dose, c’est un psychostimulant On m’a raconté... Pas de quoi être fier ! Il jamais je n’en avais fait. J’avais une inspi-
léger qui déclenche moins de stress et me reste des flashes presque abstraits : une ration du tonnerre, un feeling dingue !
de complications que la caféine à haute volubilité en expansion, comme le reste, J’étais aux anges. L’effet est proche de la
dose pour un effet comparable. Mais en je déborde de moi-même, désinhibé, je psilocybine mais c’est plus « constant »
grosses poutres, cela donne un peu l’en- n’y suis plus ou plus exactement, je suis avec moins de « Up and Down ». Je n’ai
vie d’envahir la Pologne. Ce n’est pas une tellement en prise avec l’instant présent, ressenti aucun « mal-être », je n’ai pas eu
baby coke mais plutôt de la baby pervi- dans la seconde vivante, qu’il ne m’en d’idées noires alors que j’étais en pleine
tine. Un ersatz de méthamphétamine qui reste rien ensuite. Évaporé. Le Rup agit rupture sentimentale et dans un état psy-
en a les effets négatifs sans vraiment don- chologique plutôt « précaire ». La pro-
ner le rush pur de l’original, frustrant. Le chaine fois, j’essayerai 40 grammes pour
buzz autour de ce médoc vient surtout de espérer avoir des visions colorées.
la difficulté à trouver de la benzédrine ou Le Trichocereus Pachanoï ou San
de la méthédrine, surtout en dehors du Pedro est une plante magique hallucino-
milieu teufeur (ou biker). La Ritaline® gène. Comme pour tout enthéogène, il faut
est le dernier speed disponible en phar- se documenter sur le sujet avant de s’ini-
macie mais très contrôlé. Du coup, il me tier. Faites-vous accompagner d’un vrai
semble plus raisonnable de laisser la baby chaman péruvien si possible, sinon faites-
pervitine aux teenagers hyperactifs et aux vous accompagner par quelqu’un de sobre.
patients souffrant de narcolepsies plutôt Dites-vous bien que le trip peut être une
que d’aggraver encore le trafic de médocs réelle épreuve. Et ne sous-estimez jamais la
qui menace les succès de la RdR. puissance ou le pouvoir de la mescaline. Ne
Le comprimé de Ritaline® contient du mélangez jamais avec d’autres produits.
talc qui peut provoquer une silicose des comme un dissolvant puissant, effaçant
poumons. On peut réduire un peu le ris- tout souvenir et toute réelle aptitude à se
que en diluant les comprimés dans une remémorer. Et je l’avoue, il y a eu quelques
solution d’eau et quelques gouttes d’alcool réveils brumeux auprès de corps étrangers.
blanc et en utilisant un spray nasal. Ce talc Et même cette ville de lointaine banlieue
doit être filtré au filtre toupie ou au Stéri- où mon frère a dû venir me chercher sans
filt® pour limiter les risques d’abcès en cas que je sache comment ni pourquoi j’avais
d’injection. Bien surveiller son hydrata- atterri là.
tion et ne pas trop tourner en surrégime. Finalement, avant même de décrocher
Attention : Speed kills ! On peut faire une de la dope, j’ai cessé de prendre du Rohyp-
overdose mais surtout bien se cramer phy- nol®. Trop peur de me faire violer et de me
siquement et psychiquement en cas d’usage retrouver dans les colonnes faits divers des
intensif ou prolongé. journaux !

Asud-Journal 50 juillet 2012 31


Asud 50 produits
Salvia Divinorum 45 Solvants / Proto 46 Speedball 47
Un gramme d’extrait X5 de Salvia Di- Ado, j’ai testé avec des amis toutes les dro-
vinorum commandé sur Internet vient gues de supermarché. Et même avant ça,
d’arriver par la poste. Je bourre la pipe à au primaire, qui n’a pas essayé de sniffer sa
tige courte (il faut aspirer la fumée très colle d’écolier ? Et les recharges des vieux
chaude) et tire une bonne bouffée en ap- photocopieurs ? Ah souvenirs ! Les points
née. Une deuxième… et là… des flots de communs de ces inhalations : une ivresse
couleurs multicolores tourbillonnants ar- immédiate et brève, la tête qui tourne,
rivent du couloir, accompagnant les notes la vision qui se trouble et les tempes qui
de musique qui viennent du pc se trouvant battent. Un sommet pour un drogué dé- J’étais à Dam, j’avais du

sniff
au fond de l’appartement. Un truc din- butant. On les consomme à petites doses brun et du blanc en même
gue. Une sensation « mystique » intense, comme un joint, une bouffée puis on fait temps. Le mélange à deux
comme si on avait la visite d’un « ange ». tourner au voisin. À ce rythme, une fois temps qui te booste ta
Très vite, cette sensation s’amenuise et de temps en temps, il y a peu de risques. journée à courir la ville
j’aperçois mon amie qui tire sur la pipe. Je Mais à forte dose et/ou très fréquemment, sans fatigue ni douleur, et qui t’aplatit ta
la vois exploser de rire. Moi, je m’accroche ces produits sont probablement parmi les soirée dans un doux cocon. Ou l’inverse
aux accoudoirs de mon fauteuil car j’ai plus toxiques, notamment pour l’appareil en version teufeur. Le dosage permet de
l’impression très réaliste de m’enfoncer respiratoire, les yeux et le cerveau. De plus, moduler les effets, on peut limiter l’an-
et de tomber dans un trou béant. Puis une leurs effets à ce niveau de consommation xiété de la coke ou la mollesse de l’héro.
crise de fou rire qui n’en finit plus nous ne sont pas très intéressants. Au mieux un J’avais de quoi carburer trois jours, j’ai
gagne et une demi-heure après, nous som- endormissement vertigineux, au pire une géré sur quatre et demi. Je pensais que
mes revenus à la normale. Une première perte de conscience. J’en connais certains c’était la limite pour atterrir sans trop de
expérience plutôt éprouvante, on ne re- qui ont essayé de boire des solvants, pour dégâts. Grave erreur : il m’a fallu combat-
commencera pas demain, ça c’est sûr. voir les effets. Ils ont tous fini au centre an- tre une grosse envie de retourner chez le
Il est impératif de bien lire le Guide tipoison avec un lavage gastrique. dealer. Je l’ai enterrée sous beaucoup de
d’utilisation de la Salvia Divinorum vin rouge et de Haze. Semi-coma, réveil
de Daniel Siebert. La Salvia est un en- horrible, fièvre, migraine, douleurs aux
théogène, un trip peut vite se transfor- jambes et aux reins, nausée, j’étais très fai-
mer en un véritable cauchemar. Ne pas ble. Je cumulais un crash post-coke et un
fumer de la Salvia au bord d’un préci- léger syndrome de manque. Additionnés
pice ou à côté du vase de Chine de papa. aux vieilles douleurs réveillées par les heu-
Rangez bien tout ce qui pourrait être res en surrégime, j’étais cramé pour la se-
une source de danger (ciseaux, bougies maine. J’avais violé la règle d’or de l’usa-
allumées, etc.) et préférez un jour où ger récréatif de speedball : jamais plus de
vous êtes en forme. Évitez de consom- 48 heures, sinon la récréation se paye trop
mer si vous avez des gros soucis. cher. Plus on a été accro au bourrin et/ou
à la C, plus l’addition est salée.
Les produits sous forme de gaz (proto, Attention à l’OD, toujours tester sépa-
air sec...) contenus dans des récipients sous rément les deux substances en quantité mi-
pression ne doivent pas être mis directe- nime pour bien évaluer la dose selon sa sen-
ment à la bouche sous peine de se geler sibilité du moment. Se méfier de l’euphorie
les cordes vocales et les poumons. Il faut provoquée par la coke qui pousse à rajouter
d’abord transférer le gaz dans un ballon trop d’héro, surtout avec de l’alcool (mélan-
de baudruche, puis respirer dans celui-ci. ge dangereux). Ne pas sniffer d’autoroute
Avis aux amateurs d’états de conscience (une ligne = danger ; deux lignes = sécu-
modifiée : il existe des produits moins dan- rité), attendre la fin de la montée de héro
gereux et plus plaisants. Ceux-ci sont donc avant de prendre la seconde.
à ranger aux rayons « erreurs de jeunes-
se » ou « très occasionnellement ».
Mention spéciale quand même au
proto, le fameux gaz hilarant, encore
très présent dans les soirées techno et ser-
vant principalement à faire (re)monter
ou pimenter ponctuellement un autre
produit consommée. Si vous croisez
quelqu’un avec une machine à chan-
tilly, ce n’est peut être pas pour faire de
la pâtisserie.

32 Asud-Journal 50 juillet 2012


Fallait que ça tombe sur moi,
Subutex® 48 Autant vous prévenir, suis remonté
shoot

le piège parfait tendu par la comme une vielle montre sur le sujet, un
censure. En guise d’appât, vrai croisé... Parce que quelle arnaKKKe...
cette chose, ce truc : le spee- d’État, soutenue par moult groupes de pres-
dball en shoot, la meilleure sion, lobbies puissants et associations foutra-
drogue du monde. Ça y est, c’est dit. Après ques (bien nocives). Qui dit prohibition dit
tout, c’est pas bien de mentir. 2/3 coke, trafic dit gangstérisme organisé (merci bien)
1/3 héro (de la thaï n°4 s’il vous plait), 5 et répression. On ne compte plus les morts
cc d’eau froide, et paf : l’équilibre parfait, des deux côtés ! Stupéfiant, non ?
le nirvana, la fraîcheur cristalline d’un Bien sûr, ça m’étonnerait que le tabac ar-
lac de montagne sur canapé de moiteur range l’état de nos poumons. Mais la bouffe
sensuelle. On tutoie les sommets parmi J’ai fait partie des premiers ex-tox à décro- indus, les pesticides, l’air vicié, ça n’attaque
les edelweiss avant de se laisser douillette- cher au Subutex®. Vers 1997. Le produit ve- pas l’organisme, non ? Troublant qu’on ait
ment envelopper par les bras d’Aphrodite, nait d’être introduit en France. Pas de flash fait de cette lutte-ci un enjeu de santé publi-
on… Heu… pour la suite adressez-vous au ni de doux flottement, mais principalement que primordial, loin devant tout le reste. Le
directeur de publication. l’abolition des douleurs physiques liées au marché est juteux, en particulier pour les labos
Comme précisé ci-dessus, attention : manque. Dès l’instant où tu décroches, c’est pharmaceutiques qui engrangent des profits
dans le speedball, un stupéfiant en cache quand même ça qui te crucifie. Conservateur vertigineux et n’ont rien à envier aux lobbies
toujours un autre, c’est le principe. Dans le comme je suis, j’étais pas très chaud à l’idée du tabac. Et puis, le paquet de clopes à 10, 20,
cas présent, c’est de l’héroïne dont il faut se de lâcher le Temgésic®. Mais je me suis laissé 50 €, ça change rien pour les plus fortunés. Par
méfier. La cocaïne peut momentanément en convaincre, principalement parce qu’avec le contre, le laborieux, le smicard, lui, il est fra-
masquer les effets et vous piéger à la sortie Sub, j’étais en charge de ma propre désintox. cassé au porte-monnaie d’abord, au cœur et au
avec une surdose. Si vous piquez trop fort Le maître de ma douleur, comme disait Ar- poumon ensuite. À chaque volute, culpabilité
du zen, un petit fix de coke… Quoi ? C’est taud. Et de ma « guérison » ! Je n’en deman- maximale d’engloutir un quart de sa paye dans
pas ça qu’il faut écrire ? dais pas plus. Quoi qu’on en dise, le Subutex® l’achat de son « poison » alors qu’il faut de
aura été une bénédiction pour une tripotée nouvelles pompes aux enfants. Le tabac fina-
On ne peut faire un speed- d’anciens héroïnomanes. Certains fonda- lement est un révélateur criant de la perversion
chasse

ball en chassant le dragon mentalistes restent sceptiques, évoquent la hygiéniste de ce temps. Ah merde, mon pa-
qu’avec de la base de CC. perdurance d’un comportement addictif. quet de Lucky est vide... Je vous laisse. Faut que
Je place d’abord ma base sur Mais à l’heure où un fort pourcentage de la je trouve un bar tabac ouvert !
un bout de la feuille d’alu population dite normale se gave de somnifè-
en procédant comme on l’a vu pour for- res et d’antidépresseurs, c’est assez cocasse...
mer la goutte (cf cocaïne). Je mets l’héro
à l’autre bout de la feuille, en suivant la
Le sujet n’a d’ailleurs rien de tabou chez ces
gens-là. J’ai adopté une attitude similaire en-
TMA-2 50
manière décrite plus haut (cf héroïne). vers le Sub. Question de principe ! Les réac- « TMA2, c’est un hybride MD et mescaline,
Puis j’amène la goutte de base (plus facile tions sont curieuses. Défiance incrédule, en dosé gentil », nous dit-il en faisant tourner sa
à manier) rejoindre celle d’héro. La gout- particulier quand on comprend qu’il s’agit bière. Quarante minutes après, montée d’une
te qui se forme alors est collante, moins de ce produit sulfureux pointé du doigt par suée dégoulinante, température élevée mais
brune, assez facile à manier. D’abord, les les journaux. Parce que pour eux, les antidé- mains gelées et renvois d’air, j’étais scotché.
bons mais courts effets de la base et avant presseurs, euphorisants, somnifères, ça n’a « C’est bon mais c’est fort, dosé gentil mon
d’en ressentir les plus négatifs, l’héro ren- vraiment rien à voir avec ça ! L’ignorance, cul ! » Visions intérieures très changean-
tre en action et calme le jeu ! Pas éton- une fois encore, mère de tous les vices, de tes, géométriques avec des couleurs étran-
nant que les amateurs de dragon aiment toutes les coercitions aussi. Il serait temps que ges, comme dans un dessin de Moebius ou
le speedball ! tous ces bien-pensants songent à s’informer Druillet. Le rush s’est calmé, j’étais plus se-
En effectuant les deux opérations sépa- plutôt que de se contenter d’approximations rein, je faisais corps avec la foule passant d’un
rément, on évite de gâcher un des produits finalement très confortables. Subuesque ! groupe à l’autre avec empathie. Je voyais les
si l’autre ne passe pas le contrôle de qualité. contours très mouvants, les lumières chan-
Attention : le speedball étant un mélange
agréable, on a vite tendance à y revenir Tabac 49 geantes ou décomposées, des traînées de cou-
leurs pales derrière les mouvements de per-
avec le risque de conjuguer l’accroche de sonnes ou d’objets. Après trois heures, je suis
l’héro à celle de la coke ! Bonjour les dégâts ! Ça ferait une jolie petite comptine pour devenu mou, j’ai été m’écrouler backstage où
Mêmes conseils que pour l’héro et la CC les gosses, mnémotechnique et tout, au ser- j’ai un peu tchatché et beaucoup rêvassé. La
pour inhaler et pour le matos. vice de la bonne cause : « Le tabac c’est de descente fut longue et physiquement cris-
la drogue et la drogue, c’est de la merde » ! pante, un Myolastan® m’a bien aidé.
Notre génération, c’est trop tard, plus qu’à La montée peut déclencher un malaise
attendre qu’elle crève, un bon crabe... par voire une panique. Ne pas consommer seul et
où elle a péché, bien fait ! Mais pour les pro- sans expérience, ne dépassez pas 25 mg. Il faut
chaines, tous les espoirs sont permis. Dans un endroit frais et ventilé pour le gérer, boire
quinze ans n’en doutez pas, le tabac figurera lentement assez d’eau. Prévoir le coup de mou
au Tableau B toxique. et une petite dose de benzo pour la descente.

Asud-Journal 50 juillet 2012 33


international
Prévention primaire, prévention
secondaire, réduction des
risques : les usagers et les
personnes qui rêvent de
réformer nos politiques de
drogues devraient s’intéresser
à ce vocabulaire psycho-techno-
social. En langage cru, il signifie
que, comme les jeunes qui
doivent être protégés du
fléau de la drogue par tous les
moyens, les « Rehab » (ex-
drogués traités par une cure de
désintoxication) sont relégués

«  R e h a b » : loin du champ de la réduction


des risques. Conçue pour servir
e t la soupe aux croisés de la guerre
Jeu xclus de l a
n es à la drogue, cette classification

les e s r i s q u es n’est pas innocente.

u c t i o n de
réd

D
eux interventions faites en dehors de nos frontières « clean », vous êtes enrôlé d’office dans les bataillons de la guerre à
par Matthew Southwell et Anita Krug proposent, à la drogue sous prétexte de vous soustraire à la contagion.
l’inverse, de ne plus exclure jeunes et désintoxiqués Cette manière de cliver le champ de la prévention des
des programmes de réduction des risques car ils sont dépendances n’est pas neutre. Elle cantonne effectivement
souvent le plus en danger. la réduction des risques à la prévention « secondaire », qui
La politique de réduction concerne les personnes en si-
des risques est une peau de tuation de dépendance. Une
chagrin. Un très gros chagrin classification binaire qui ba-
mais un chagrin quand même. laye le fameux arc de progres-
De paradigme dominant il y sion, usage, abus, dépendance.
a vingt ans, nous sommes de- À l’exemple de l’éducation
venus les braves petits soldats sexuelle, la réduction des ris-
de la lutte contre les risques ques devrait pouvoir diffuser
infectieux avant d’être défini- une information globale sur
tivement classés spécialistes en les drogues qui n’inclut pas
galères toutes catégories, cham- uniquement des critères de
pions de la prise en charge de dangerosité, mais aussi l’usage
ceux que l’on ne doit pas voir raisonné, voire raisonnable. Il
traîner dans les rues. Dans une est même paradoxal de consta-
compréhension classique de ter que les jeunes – par défini-
« la drogue », les non-con- tion potentiels consommateurs
sommateurs, et tout particuliè- inexpérimentés – sont, comme
rement les « jeunes », ne sont le précise Anita Krug, structu-
théoriquement pas concernés rellement exclus de tout mes-
par ce champ de compétence. sage de réduction des risques.
Sur le papier, les actions de pré- Quant aux « Rehab » sortis de
vention en direction des « jeu- cure ou de prison, c’est presque
nes » appartiennent au domaine la prévention « primaire » qui plus tragique : ils sont les principales victimes des overdoses
consiste à éloigner les consommateurs potentiels de tout passage et leur environnement idéologique interdit toute action de
à l’acte. D’où la floraison de messages alarmistes sur les dangers sensibilisation sortant du sacro-saint « Just Say No ».
du cannabis et cent autres pièges tendus par le démon de la dé- Confrontés à ces impasses, Matt Southwell et Anita Krug
pendance. proposent chacun dans leur genre de nouveaux horizons à la

.
À l’autre bout du spectre, les « Rehab », candidats à la désin- réduction des risques. Deux interventions qui tentent de ral-
toxication sous diverses modalités, sont également tenus à l’écart du lier à nos objectifs de lutte contre la stigmatisation les deux
monde de la réduction des risques, toujours à cause du mode suppo- populations habituellement instrumentalisées au profit de la
sé épidémique de la consommation de drogues. En clair, si vous êtes guerre à la drogue : les jeunes et les ex. Fabrice Olivet

34 Asud-Journal 50 juillet 2012


e n f i nir
: pou r

Y o u tlhe R i s e N
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 J u s t S a y ssent ) co nt re le s préjugés e
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Youth Rise e muns véhiculés par la adultes sont systémat transmission des savo
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les lieux co s mineurs et les jeune par les « pairs » dans la noré par les
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jeunesse », s ». Le rôle crucial joué tion est étrangement s plus
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« antidrog s modes de consomm paradoxale, ce sont le litique
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produits et prévention. De maniè ivement exclus de la p Krug,
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vulnérables de risques. Petit tour d ment iconoclaste.
n v e
de réductio onnalités de ce mou
rs
l’une des pe

«
L
e seul message adressé aux jeunes qui consomment des dro- Asud Pourquoi établir une différence basée sur l’âge en ma-
gues est le « Just Say No », articulé avec un discours de tière de discrimination ? Tous les usagers ne sont-ils pas victi-
prévention inopérant au regard des millions de jeunes dans mes de la guerre à la drogue ?
le monde qui consomment des drogues. » : Anita pose crû- A K Les jeunes usagers sont exclus des programmes de réduc-
ment les termes du sujet. Partout, la question des « jeu- tion des risques pour de multiples raisons. Pour prendre un
nes » et celle de « la drogue » relèvent du registre émotionnel exemple tragique, 45% des nouvelles infections VIH parmi
et moralisateur, une barrière psychologique qui place les adoles- les 15-24 ans sont dues au partage de seringues. Entre 72 et
cents et les jeunes adultes en dehors de l’approche pragmatique 96% des injecteurs de drogues déclarent avoir commencé
défendue par la réduction des risques. Sur le terrain sensible des avant l’âge de 25 ans. Or dans la plupart des pays (et notam-
addictions, certains mots déclenchent un réflexe conditionné : ment en France), il existe des normes légales qui interdisent
les jeunes doivent être protégés par tous les moyens, y compris de fournir du matériel stérile aux plus jeunes. Tout cela est
la désinformation et les postures ridicules, autant de pierres je- sous-tendu par l’idée qu’il faut protéger « l’innocence » d’une
tées dans le jardin des « jeunes » qui dénient toute crédibilité jeunesse prétendument menacée par les actions de réduction
aux adultes. C’est sur ce constat qu’a été fondée Youth Rise, en des risques. Il est donc déplorable que ces programmes soient
2006 à Vancouver, lors de la 17e Conférence internationale de exclusivement destinés aux adultes et pas aux usagers poten-
réduction des risques. « L’absence de voix jeunes chez les acteurs tiellement les plus en danger
des politiques de drogues » est le leitmotiv de cette organisation
aujourd’hui devenue incontournable sur la scène internationale Asud YR se définit-elle comme un groupe d’autosupport
de la réduction des risques. d’usagers de drogues ?
A K Nous ne posons pas le problème en ces termes. Nous nous
Asud Anita, pourquoi et comment as-tu intégré Youth Rise ? définissons comme acteurs de la RdR (Harm Reductionist) tout
A K Mon implication dans le projet est liée à mon histoire per- en encourageant les jeunes consommateurs à rejoindre notre com-
sonnelle. J’ai consommé des drogues dures dès l’adolescence en munauté. Notre but est de permettre aux jeunes consommateurs
Australie, ensuite j’ai voyagé et constaté que les jeunes usagers de s’exprimer en tant que personnes concernées, tout en nous re-
étaient plus fréquemment confrontés à de graves dénis de jus- fusant à les enfermer dans une identité d’« usagers de drogues »

.
tice, et cela partout dans le monde. Je suis fermement convain- qui convient généralement à une population plus âgée. L’usage
cue que YR peut être l’outil qui permettra un jour aux jeunes des drogues à l’adolescence est souvent plus expérimental, récréa-
consommateurs d’être enfin reconnus comme des acteurs légiti- tif, fluide, il est important que nous reconnaissions cette pluralité
mes de la politique de drogues. d’approches chez nos adhérents. Recueilli par Fabrice Olivet

Asud-Journal 50 juillet 2012 35


international
Invité à s’exprimer lors
du congrès annuel des
personnes en « Recovery
Treatment »1, Matt Southwell,
vieille connaissance d’Asud,
expose les enjeux d’un
rapprochement entre les
groupes d’autosupport
d’usagers de drogues et les
associations prônant
l’abstinence : si vous dites
non à la drogue, dites aussi
non à la guerre à la drogue.

u nis
- Ma n c h e : t o u s
a d r o gue
Outrre l a guerre à
e l l’abstinence ou de façon moins condes-

cont cendante, des assistants à l’abstinence.

L
cative des personnes consommatrices de Le travail de rue consiste désormais à
es groupes d’autosupport da- drogues s’est aussi affaibli. En Écosse, convaincre ceux qui sont encore dans le
tent de la fin des années 70, foyer de l’école de pensée puritaine, les déni, et les services de soins pour toxi-
avec la création du réseau de choses sont encore pires sous l’influence comanes semblent rejouer une version
traitement de substitution mé- du gouvernement écossais. Après avoir de la réhabilitation tout droit venue de
thadone (NAMA) aux États- été un modèle de participation colla- la révolution culturelle chinoise. Mem-
Unis et celle du Junkie Bund à Rotter- borative, l’engagement de ces patients bres d’Inpud2, nous voyons les terribles
dam et Amsterdam. Le mouvement dans les services de soins est au plus bas, abus commis contre les usagers de dro-
d’origine en Angleterre, représenté par sauf à vouloir jouer le rôle du drogué re- gues au nom du traitement de la toxi-
des groupes comme Respect et Chemi- connaissant. Conséquences : une réelle comanie, ce qui nous fait apprécier le
cal Reaction (CR), retrace son histoire méfiance et dans de nombreux cas, un fameux système anglais malgré toutes
jusqu’aux racines hollandaises (…). désengagement vis-à-vis du système de ses limites. Nous avons le devoir de dé-
Pour comprendre les préoccupa- soins. fendre ce modèle pour nos pairs britan-
tions des usagers de drogues, il est im- niques et pour les activistes usagers de
portant de les placer dans le contexte Un rapprochement drogues du monde entier, qui le voient
de notre histoire. Dans les années 90, stratégique comme porteur d’espoir et de pratiques
lorsque Respect et CR ont été créés, Respect et CR voient maintenant le basées sur des preuves empiriques.
les usagers militants étaient déjà par- système de soins comme un environne- Au Royaume-Uni, les usagers de
tie prenante des actions contre le ment largement hostile, qui nous fait drogues militants de la réduction des
sida dans nos communautés. Les usa- perdre notre temps dans des réunions risques et le mouvement « Rehab » ont
gers activistes étaient impliqués dans politiques prêtant peu attention à la entamé un rapprochement stratégique
l’éducation des pairs, le travail de rue science, et qui résiste activement à notre autour de quelques valeurs communes.
et la mise en place de programmes engagement. Plusieurs de nos activistes La guerre livrée aux drogués est un fléau
d’échange de seringues, même si ceux- choisissent ainsi de s’éloigner des ser- qui pèse sur tous les individus ayant fait
ci ont dû commencer dans l’illégalité, vices spécialisés et de s’investir dans le l’expérience de l’usage. Quel que soit le
comme à Édimbourg. Ces groupes de soutien des pairs, dans leurs problèmes niveau de leur consommation, tous les
terrain avaient noué un dialogue avec juridiques, leur besoin de conseils de ré- drogués du monde connaissent le poids
le secteur thérapeutique spécialisé et duction de risques ou de coaching pour de la stigmatisation et de l’exclusion.
occasionnellement, certains usagers contrôler leur consommation, ou face Que les choses soient claires, nous ne
ont même obtenu des emplois au sein aux pressions du gouvernement(…). tenons pas le mouvement de « l’absti-
des ces services, en dépit des deux an- Les usagers de drogues militants qui nence » pour responsable du contexte
nées d’abstinence requises. sont restés représentants actifs dans le actuel.
Des services efficaces ont vu le jour système de soins doivent cacher leur
grâce aux financements pour le VIH et consommation et laisser les gens croire Nous mobiliser
contre l’abus de drogues. Cependant, qu’eux aussi sont, comme les autres, « en pour résister
lorsque la crise s’est résorbée, l’intérêt rémission ». Les pairs qui y travaillent Le nouvel agenda puritain instauré par
pour une implication active et signifi- sont devenus des « champions » de le New Labour a été un cauchemar pour

36 Asud-Journal 50 juillet 2012


le mouvement des usagers en Angleterre, un modèle qui ne
respecte même pas les normes de participation des patients du
ministère de la Santé.
Lorsque nous nous rencontrons, n’oubliez donc pas que
telles sont nos expériences et notre histoire. Nous venons
avec la volonté constructive de créer des partenariats, mais
pas au détriment de notre réalité. Nous sommes à l’un des
points les plus bas de l’histoire du traitement de la toxico-
manie en Angleterre, mais nous devons nous mobiliser pour
résister, le défi étant de gérer le débat sur les traitements sans
cautionner l’oppression des usagers de drogues.
Ne parlez pas en notre nom si vous n’êtes pas un usager
de drogues actif. Même si nous avons des expériences com-
munes et parfois des intérêts communs, notre perception du
monde est différente de la vôtre. Si vous vous trouvez dans
un forum où la voix des usagers est réprimée, réagissez pour
demander que notre droit d’être entendus soit respecté,
même si vous n’êtes pas de notre avis.
Ne nous enfermez pas dans le rôle de « patients ». Le
modèle qui présente l’addiction comme une maladie est très
problématique. La propagation de cette idéologie améri-
caine n’est pas basée sur la science et suggère que ce serait
mieux si les consommateurs de drogues n’existaient pas…
Évoquez la sobriété comme une des approches possibles,
mais pas comme un modèle universel pour tous (…). Nous
apprécions les opportunités de débattre et de dialoguer.
Même si la science est tout à fait claire sur la valeur de la
réduction de risques, la consommation de drogues est com-
plexe et nécessite des réponses multiples.
Nous souhaitons mieux comprendre les réseaux de trai-
tement de la dépendance et les nuances entre les différentes
composantes de ce « mouvement ». Nous sommes heureux
de soutenir nos pairs dans les changements positifs survenus dans

.
leurs vies et de les aider par quelque moyen que ce soit à réussir
dans ce qu’ils souhaitent changer, dans la mesure où les options
sont validées par la science et qu’elles respectent les droits de
l’homme… Matt Southwell, traduit par Monique Whalen

1. 5e rencontre du DDN Alliance National service user invol-


vment ( 16 février 2012) http://www.concateno.com/media-
and-events/conferences-and-seminars/16422/
2. International Network of People who Use Drugs

Asud-Journal 50 juillet 2012 37


quoi de neuf doc ?

o u r a n t s
n e m e n t s c
ue des évèsa fierté tout de même ! Mais nous ne sommes que seconds en
Chroniq

L
matière de tabac et d’alcool (Le Monde du 01/06/12). On peut
pas être premier partout.
’Afssaps est morte, vive l’Ansm (Agence nationale de sé- En attendant, l’OFDT continue, avec courage, à travailler et
curité du médicament ! L’Agence française de sécurité vient de sortir dans sa collection « Données essentielles », un
sanitaire des produits de santé avait beaucoup perdu de gros ouvrage sur la cocaïne. Qu’on se le dise ! Et qu’on le lise !
sa crédibilité après la très lourde affaire du Mediator®
et la révélation de quelques conflits d’intérêts assez Ben Laden, Internet...
moches. Était-ce encore l’Afssaps ou déjà l’Ansm ? En tout cas, Après Whitney Houston, voilà que disparaît à son tour Donna
elle a radicalement changé de position sur le baclofène et c’est Summer (Love to Love You Baby). Mais ma parole, c’est un com-
une bonne chose. Elle dissuadait les médecins de prescrire, elle plot ! Concernant Whitney, j’ai appris avec un certain trouble
reconnaît aujourd’hui que le baclofène est une avancée majeure que j’avais un point commun avec Oussama Ben Laden : il en
en alcoologie. était raide dingue, lui aussi, au point d’avoir voulu l’enlever des
En « cannabinologie », les progrès sont, hélas, nettement griffes de son « bad boy ». Certains ne me croiront pas, tant pis
plus lents. J’en profite donc pour lancer un appel à la toute nou- pour eux ! J’ai moi aussi eu un peu de mal à imaginer Ben Laden
velle Ansm : qu’elle organise une réunion pour tirer un bilan de en train de regarder Bodyguard pour la énième fois en se pâmant,
la navrante ATU (Autorisation temporaire d’utilisation) nomi- mais c’est ainsi.
native permettant à quelques dizaines de personnes seulement Trêve de badineries, je dois évoquer quelques problèmes de
d’avoir accès au seul Marinol® (THC). Une ATU de cohorte et mon dur métier de docteur. J’ai vu récemment en consultation
l’accès au Sativex® (un spray contenant du THC et du CBD) une jeune femme assez fragile que je connais depuis longtemps.
seraient un premier pas. Une fois entrée dans mon box, elle a fondu en larmes. Toujours
fin psychologue, j’ai voulu savoir pourquoi. Elle m’a raconté com-
L’actu hexagonale ment un ami lui avait donné l’adresse d’un site de vente en ligne
On notera que le cannabis a fait sa première victime politique : sur lequel elle a acheté très probablement une cathinone (chef de
le maire de Dijon et éléphant du PS, François Rebsamen. Alors file : méphédrone). Elle était en descente de ce stimulant dont elle
qu’il se tirait la bourre avec Manuel Valls pour la place Beauvau, il avait usé et abusé depuis quelques mois mais dont elle me parlait
a indiqué, entre les deux tours, que l’on devrait cesser de pénaliser pour la première fois. Acheter des drogues sur Internet est une sor-
l’usage du cannabis pour le « contraventionnaliser ». Sèchement te d’enfer car une fois qu’on sait comment se procurer le produit,
recadré par le patron, qui rappela la nécessité de l’interdit, le beau comment l’oublier, comment résister à la tentation ?
François a ainsi perdu toute chance d’accéder à l’Intérieur. À quoi Disponibles à la vente sur Internet, les « designer drugs »,
tient un maroquin ! « research chemicals » ou « legal highs » possèdent des structures
Ne quittons pas tout à fait la politique. Un bruit a couru selon moléculaires proches des substances interdites dont elles imitent
lequel Frédéric Péchenard, directeur de la Police nationale et ami les effets (ecstasy, amphétamine, cocaïne ou cannabis). Elles sont
d’enfance de Nicolas Sarkozy serait muté à la… Mildt ! Dommage, pour la plupart non inscrites sur la liste des substances stupéfiantes.
ça aurait eu beaucoup de gueule ! Mais ce ne sera pas ce coup-là. Une étude sur l’offre de drogues de synthèse sur Internet réalisée
Il a été nommé à la Délégation interministérielle … à la sécurité en novembre 2011 recensait 63 nouvelles substances disponibles,
routière. Il y a du contrôle anticannabis dans l’air… sur environ 32 sites francophones de vente en ligne. À cette même
D’autant que la dernière enquête Espad remet la France lar- date, 43 nouvelles substances étaient identifiées comme ayant ef-
gement en tête pour la conso de cannabis chez les jeunes. On a fectivement circulé au moins une fois sur le territoire français 1.

38 Asud-Journal 50 juillet 2012


« initiateur potentiel de tendances ». Prescripteur de mode, il
donne le la. Un seul exemple : l’arrivée tant redoutée de l’Ice
ou Crystal devrait passer par le milieu gay tant y est puissante
l’idée selon laquelle l’activité sexuelle sous méthamphétamine
Il est probable que ce type de situation va se développer dans les est le « Gold Standard » en matière d’intensité de la jouissance.
années qui viennent, ce qui veut aussi dire que la commission des J’ai d’ailleurs eu comme patient un homme qui va à Londres
stupéfiants de l’ONU va cesser d’interdire substance par subs- lorsqu’il veut consommer de l’Ice. Il est venu me voir parce
tance mais va probablement se donner les moyens légaux d’in- que, depuis quelques mois, il s’était mis à slamer de la coke et
terdire des groupes de substances. Pour reprendre l’exemple cité qu’il sentait qu’il perdait le contrôle de la situation. Comme
plus haut, on n’interdirait pas seulement la méphédrone (c’est il arrive fréquemment chez les gays, sa consommation de dro-
fait) mais toutes les cathinones. Bref, une course poursuite est en- gues et son activité sexuelle se superposent parfaitement : pas

.
gagée. Je connais mal la question des drogues sur Internet mais je de drogues sans activité sexuelle, pas d’activité sexuelle sans
pense qu’Asud-Journal devrait y consacrer un dossier (toutes mes drogues. Il s’agit souvent d’une sexualité de groupe. Et puis,
excuses si ça a déjà été fait…). ce patient, je ne l’ai plus vu. J’espère que cela veut dire qu’il va
bien, sans en être vraiment convaincu. Bertrand Lebeau
La menace slam
Le 31 mars dernier, Didier Lestrade, co-fondateur d’Act Up, 1. Drogues, chiffres clés, 4e édition, OFDT, 2012. C’est la première fois
publiait dans la revue Minorités une interview de Philippe que Drogues, chiffres clés consacre un paragraphe à cette question.
Batel, alcoologue et addictologue bien connu, sur la pratique 2. « Alerte sur la pratique du slam chez les gays », Minorités, 31/03/12.
du « slam » chez les gays2. Ce faisant, ils ont brisé un tabou. 3. Préface à Homosexualité masculine et usage de substances psy-
D’une manière générale, il existe très peu d’études sur les choactives en contextes festifs gais, enquête ethnographique à Paris
consommations de drogues chez les gays. La raison en est et Toulouse en 2007-2008, Sandrine Fournier et Serge Escots, OFDT,
simple : « pédé » et « drogué », ça fait beaucoup. Et l’in- septembre 2010.
quiétude concernant cette double stigmatisation explique
largement pourquoi cette question est restée si longtemps
discrète sinon secrète. D’autant que certaines pratiques hard
ou SM se terminent parfois très mal et ne peuvent d’ailleurs
s’expliquer que si l’on est sous l’influence de stimulants et
d’anesthésiants puissants.
Mais il arrive un moment où il faut tirer la sonnette
d’alarme. On connaissait les risques sexuels pris par des
consommateurs recherchant, je cite Serge Hefez, « perfor-
mance avec la cocaïne, désinhibition avec l’alcool, sensualité
avec l’ecstasy, orgasme avec les poppers ou le GHB, érection,
dilatation anale… »3. L’apparition du slam, c’est-à-dire de
l’injection, dans ce milieu accentue les inquiétudes en ter-
mes de santé publique.
On notera que, tout comme le crack devenu « base » ou
« free base » dans le milieu des teufeurs, le fix, shoot, teushoo,
taquet, trou, etc. est devenu « slam ». Mais il s’agit bien de la
bonne vieille injection avec les risques connus de transmission
du VIH, du VHC, du VHB et de complications infectieuses :
abcès, endocardite, septicémie…
Mais si l’on s’intéresse désormais à l’usage de drogues chez
les gays, c’est aussi parce que le milieu festif homosexuel est

Asud-Journal 50 juillet 2012 39


A-Kroniks
Marc Dufaud vous propose
désormais ses A-kroniks
dans Asud-Journal.

- d e h o rs
n g l à
eL’autrel faraud, un maghrébin rendent
ju
’ a
mon passeport. Juste avant de

C s t l

L
e les croise.
court sur pattes, la trentaine bombant le
me foutre la paix, son gardien, rouleur de
mécaniques, ne manque pas de me van-
e Marais en fête, un dimanche de mai torse me fait de suite l’effet du coq cher- ter les vertus du sport, sa silhouette étant
ensoleillé. Ça flanelle, se gondole, mais chant à impressionner sa basse-cour. Faut censée en attester. Et puis, histoire d’avoir
rien n’assèche la fange. On s’enfonce dire que les escort girls ne sont pas en res- le dernier mot, il me souhaite, goguenard
dans ce quartier comme dans un ma- te côté vacheries. Odieuses ! Bon, je pas- et avec un soupçon de mépris, « Bonne
récage. Sables peu émouvants. J’en ai se, j’abrège les vexations ordinaires, sues journée et bon Subutex® ! » Aussi risible et
jusqu’aux genoux, paludier absurde paumé et connues, le ton qui monte, la fouille au puéril qu’haïssable, selon l’humeur.
dans la mangrove parigote. Je me demande corps... Et puis, bingo ! Dans mon sac, la Une interpellation en appelant une
ce que je fous là, au milieu des bobos frin- pièce à conviction, une tablette de Subu- autre, une plus ancienne me revient à
gants, couples pacsés, homos branchés, peti- tex®. Il pavoise, le blaireau : « J’espère que l’esprit – j’en ai pléthore. Il me souvient,
tes friquées qui s’allèchent vitrines et autres tu as une ordonnance ! » (ah le soudain il me rappelle, il y a un an et demi, avec un
vélibérés accros au klaxon juchés comme de tutoiement) ! Abracadabra, Houdini ami, sur le faubourg Saint-Antoine... À
petits empereurs verts sur leurs deux roues. c’est moi, je la fais apparaître (en vérité, l’époque, la chasse aux bobos toxicos était
Tout ce petit monde patauge ici avec bon- j’avais vu mon toubib la veille). ouverte du côté de Bastoche (la consigne
heur. à 16 heures tapantes, les adeptes du « Ça doit pas être facile la vie pour venait dit-on d’en haut, trop de complai-
roller convergent jusqu’à la rue du Renard. les gens comme vous », me fait le coque- sance). Deux condés en civils nous alpa-
Ils viennent gentiment se placer sous l’égide let feignant d’examiner mon ordo. Et guent et droit au but cherchent la came.
de la police pour prendre le départ de leur de m’expliquer qu’il a grandi dans une Le premier, raide dans ses pompes, me la
balade dominicale. Ça me viendrait pas à cité, histoire de me prouver comme il est joue à l’ancienne. J’aime autant, chacun
l’idée, comme disait Johnny... J’aurais trop crédible sur le sujet. Les dealers et tout à sa place. Son collègue en revanche pro-
peur que les flics me tombent dessus. J’exa- le toutim, ça l’connaît à l’entendre. Au cède à la palpation en discutant le coup
gère ? Parano mythomaniaque sur les bords ? point d’avoir opté pour la garantie de avec mon pote : « Alors, t’as décroché ?
Que nenni ! Je veux bien admettre une ins- l’emploi et la retraite anticipée !? Tu prends plus de dope ? » Évidemment
tinctive réticence. Je peux même concéder « Et alors, je demande, ce contrôle c’est non, super clean et même parfait rédimé.
avoir conservé à leur endroit une certaine quoi, un délit de faciès, visage pâle ? » Li- Bref, un junky comme il faut : marrant au
déméfiance, pas absolument injustifiée. mite, mais c’était le but. Ils me fatiguent passage de constater l’espèce de vénéra-
Y a pas deux mois, avenue d’Italie, un peu ces nouveaux keufs recrutés en tion, notamment des médias, à l’endroit
métro Tolbiac, en milieu d’après-midi, banlieue jouant les affranchis au prétexte des EX, ex-camés, ex-alcoolos... Une
25°C, le pas léger, cœur svelte, humeur qu’ils viennent des cités, qu’ils ont frayé bonne confession et c’est l’absolution
primesautière m’en allant récupérer mon avec la racaille, convaincus qu’ils savent cathodique. Mais gare à la rechute parce
fils à l’école primaire – je vous situe du tout de la marge, des interzones. Et j’en que là, c’est sans pitié, black listé à mort !
mieux possible. À peine si je remarque, ai autant au service de leurs collègues Fin de parenthèse...
remontant le trottoir, les deux fliquettes blancs-becs courageux comme pas cinq Mon pote, du coup, lui retourne la
et leur collègue mâle en chemisette, se qui se mettent à autant sur la peau (!) question au poulet et sa réponse me si-
pavanant au centre. Qu’a-t-il bien pu leur d’un jeune Black en vélo et le font chier dère : « Oh ! Un peu de coke de temps en
passer par l’esprit, j’en sais foutre rien, avec leur contrôle pendant trois quarts temps mais mon kif c’est plutôt le chichon,
mais ils m’interpellent au moment où je d’heure ! Finalement, les poulettes me ça me détend ! » Tout est dit ! La fouille

40 Asud-Journal 50 juillet 2012


s’achève. Le plus beau à venir – à croire que la police aime avoir pour un peu on évacuait... Au feu les pompiers, la maison qui
le dernier mot à défaut du bon : l’amateur de chichon, représen- brûle ! Mauvais présage ? Pas de fumée sans feu ?
tant de l’ordre de force (à moins que ça ne soit le contraire) nous … Retour au salon du livre, c’est quand même là où je vou-
gratifie d’un « Bon ça va les mecs, de toutes façons les gens comme lais en venir. Plus exactement aux Chroniques carcérales de Jean-
vous (décidément c’est une manie !) si c’est pas aujourd’hui, ce sera Marc Rouillan. Je découvre l’opuscule sur le stand d’Agone son
la prochaine fois. Vous vous ferez choper et là, c’est six mois de trou (très bon) éditeur marseillais. Je prends en pleine poire ce que je
minimum ! » Tout à trac, comme je vous l’écris, vrai de vrai et sans lis. Un uppercut aux tripes... Une telle colère, froide, bouillante,
filtre, je fais pas du roman là, je retranscris, mot pour mot, quasi ! folle... Du mal à la contenir, ça partirait dans tous les sens... J’ai
… Retour au dimanche de mai, je perds pas le fil : je vous ai pas la place ici, lisez le livre, c’est encore ce qu’il y a de mieux !
laissés en plan, pataugeant en plein Marais. C’était pour vous Parce qu’on a beau être informé, s’imaginer savoir, c’est bien
emmener rue des Blancs-Manteaux. Il s’y tenait le salon du livre pire qu’on le pense !
libertaire et anarchiste, un fourre-tout d’éditeurs contestataires, Ce n’est un mystère pour personne, avec ceux qui osent le
engagés, souvent confidentiels, où se glissent entre autres les contester et le défier, l’État ne fait pas d’autres quartiers que ceux
éditeurs d’ouvrages avec drogue, trouble-fêtes et compagnie à de haute sécurité, mais au-delà de la condition même de Jean-Marc
l’endurance éprouvée. Rouillan, l’univers carcéral qu’il décrit fait froid dans le dos ! Bien
Le samedi, en marge du salon, le grand rassemblement pour sûr, le système est largement en cause, mais le comportement des
la légalisation du cannabis à Bastille a réuni pas mal de monde. hommes qui le servent, ces matons encagoulés ou non, les exac-
Et tout ça, une semaine après la grand messe du 6 mai ! Il y a tions et abus auxquels ils se livrent, glacent le sang. Et on voudrait
dans cet enchaînement une certaine cohérence. Ah, le 6 mai que ce soit Rouillan qui fasse acte de contrition ? Qu’il vienne dire
2012 à la Bastille ! Ça fleurait bon les grands rassemblements comme il regrette... Ah cette manie ! Contrairement pourtant à ce
années 80. Comme tout le monde (?), j’en avais une indigestion qu’il écrit, cette religion du remords/regret me semble sur le fond
des sarcophiles – littéralement les « amateurs de chair » – pas bien moins un héritage de notre socle judéo-chrétien (ou alors dans
trop fraîche, mais bien vache, et bien maigre. On en a bouffé un sa version absolument bigote) qu’un principe et même un fonde-
lustre, ras la gueule ! ment de nos démocraties républicaines et laïques. Exactement
Le 6 mai, ce fut donc le grand soir. Mazette quelle fête ! comme pour les ex-toxicos. Nos sociétés raffolent de ce genre de
J’ai suivi un peu à la télé, le concert et la pavoise du peuple de confessions publiques en forme de réconciliation. Il faut exhiber le
gauche : un défilé de politiciens venant se faire reluire entre les repentant en place publique, l’inviter à quémander un pardon que
sets des Noah, Bénabar, Cali... Tous engagés, sympas, et lisses. ce bon peuple, plus passionné de démocratie qu’épris de liberté,
Fédérateurs, quoi ! Mais très honnêtement, ça avait à peine plus lui accorde, tout ému... À la condition qu’il soit convaincant. Bien

.
de gueule que les Faudel, Mireille Mathieu, Enrico Macias d’il y sûr ! C’est ça La Société du spectacle !
a cinq ans. Procrastinateur forcené, j’y étais pas. Pour tout vous Ma seule – maigre – consolante, parfaitement fortuite : la
dire, deux heures après l’annonce du résultat des élections, un remise en liberté conditionnelle de Rouillan. Pas de fumée sans
incendie ravageait la pizzeria en bas de chez moi. Pas moins de 7 feu, la maison qui brûle... Marc Dufaud
camions de pompiers, des fumées toxiques dans l’appartement,

Asud-Journal 50 juillet 2012 41


courrier des lecteurs

e t d é s i nto
o nges
D o g u e s, me n s avait encore chacun notre appart et on

M
r plus ravivée,
partais
à peine
direction
sortie de
Rotterdam...
l’hosto,
Bref
je
depuis
décrochait chacun de notre côté. Sauf
que lui a eu plus de mal que moi : quand
erde, j’étais pas préparée à ça ! Enfin, ça, je n’avais plus jamais essayé de tout ar- j’étais à 0, lui était encore à 10 mg de mé-
heureusement qu’un vieux tox endurci rêter. Quinze ans plus tard... me revoilà à tha + 100 à 150 mg de Skénan® en rail
par une centaine de sevrages m’avait retenter une décroche... (ahem...).
prévenu qu’avec la métha, ça pouvait Pour avoir droit au traitement in- Un jour, alors que j’étais particulière-
durer longtemps, sinon ça aurait été terféron/ribavirine, quatre ans après ma ment mal au bout de ces trois semaines
encore pire à vivre. malheureuse première expérience, j’avais sans rien, il débarque chez moi en me di-
Lors de ma dernière décroche (il y a été obligée de commencer la méthadone : sant : « Si je te proposais une boulette, tu
heu... une quinzaine d’années), le côté échec. Pourtant, j’ai vraiment essayé, dirais oui ?
physique avait duré genre dix jours maxi ! j’ai vraiment joué le jeu... (je précise, vu – !!! (genre... je vais dire « NON ») .J’ai
Et après, le plus dur avait été le côté qu’avec les toubibs, j’ai toujours cette évidemment dis « OUI... je dirais oui. »
« psy »… À l’époque, j’avais tenu deux impression que si les traitements ne mar- « Ben en fait, j’ai retrouvé une bou-
mois. J’avais replongé après avoir appris chent pas, c’est parce que j’y mets de la lette au fond d’un tiroir »...
que j’avais une hépatite C. D’autant que mauvaise volonté). Il y a eu une période où j’ai essayé de
l’enfoiré d’hépato qui m’avait annoncé la Y’a des tox qui tentent une décroche limiter les dégâts, où j’ai repris du tra-
nouvelle m’avait en gros laissé entendre très régulièrement, moi non. Pendant des madol, re-décroché presque totalement.
que je n’avais qu’à attendre gentiment la années, ma dépendance était un fait ac- Mais à chaque fois, y’a eu le retour de la
cirrhose, que j’avais le mauvais génotype quis, sans aucune velléité d’arrêt. Le fait de boulette maudite... J’avais mis 3 000 € de
(Eh oui, c’est con hein, malgré le fait que vouloir arrêter était donc en lui-même un côté pour refaire la SdB de ma nouvelle
je sois une tox, j’ai le génotype 1, habituel- « évènement », ce n’était pas une décision maison. Grillés, partis en fumée...
lement celui des transfusés, qui réagit le prise à la légère. En gros, dans ma tête, si Donc voilà, on est six mois plus tard,
moins bien à l’interféron, y’avait pas en- j’arrêtais, ce n’était pas pour retomber. Si je viens de prendre un arrêt de cinq se-
core la ribavirine à l’époque). je réussissais à arrêter, c’était sûr, je n’allais maines pour re-décrocher. Pour que dal-
Il (le Dr Foutrac, j’oublierai jamais pas retomber, sinon ce n’était même pas la le, j’y arrive plus, je sais ce qui m’attend
son nom, moyen mnémotechnique : peine d’essayer. Pauvre naïveté... ce coup-ci en plus.
« FoutrAC » comme « j’en ai rien à J’arrivais à résister aux tentations en Je vais reprendre le taf, va falloir « te-
foutre des tox ») m’avait fait faire une bas de chez moi... Ça dealait en bas de nir » tant bien que mal jusqu‘à mes trois
ponction du foie sous anesthésie locale : mon immeuble et même sur mon palier, semaines de congés où je vais retenter,
« Heu docteur, je crois pas que la piqûre y’a eu des nuits en manque super diffici- mais en ayant envoyé mon haltère-égo-
anesthésiante aie fait effet, je sens encore les, à penser aux boulettes de came qui se ïste loin très loin.
l’aiguille contre ma peau, c’est normal ? trouvaient peut-être à trois mètres de moi, Seule, j’aurai bien plus de chances
Non, tirez pas, attend... » SCHPEUH, à vol de tox... d’y arriver… Je n’ai pas su me « proté-
gros coup de pistolet injecteur, genre Je ne pensais pas que le danger vien- ger », j’ai failli décider de rompre mais…

.
pistolet à bestiau, ARGH, douleur fulgu- drait de celui qui, justement, aurait dû être Maintenant, je n’ai plus qu’à assumer...
rante et persistante, du coup... bah on m’a le premier à me soutenir : X, mon boy- Lendemains qui déchantent… Soupir...
donné du Temgésic® injectable. « Miam, friend (mais si, dans le merveilleux monde Décrocher en couple ? Y’a de quoi écrire
je peux en ravoir ? » Appétence encore de Candy, ça se passe comme ça...). On un article, c’est sûr. Sélène

42 Asud-Journal 50 juillet 2012


L ésions dangereuses

J
e suis vénère. J’étais dans un centre Csst (maintenant C’est le sport, ma passion pour l’escalade, qui m’a décidé à
Csapa) et la psychiatre qui me suivait ne voulait pas que vouloir arrêter les opiacés et j’y suis arrivé. Je vais de mieux en
j’arrête la méthadone. J’étais a 120 mg, elle m’a dit : mieux chaque jour, je fais des progrès en escalade et j’ai totale-
« Vous prendrez votre traitement à vie ! » J’étais hors ment arrêté de boire, de fumer (cannabis et cigarettes), je m’en
de moi qu’elle ne veuille pas m’aider et qu’elle me dise : rends compte surtout en montagne. Les émotions reviennent
« Vos endorphines naturelles ne reviendront jamais » !!! doucement à la « normale », j’avais une insensibilité à la douleur
J’ai donc été voir un médecin qui ne savait pas qu’il n’avait et maintenant, je ressens à nouveau les douleurs physiques. La joie
pas le droit de me prescrire la métha et qui m’a baissé de 5 en 5 mg revient également doucement, il m’arrive d’avoir des fous rires, ce
à ma demande. Mais il ne m’a rien prescrit pour m’aider, pas même qui ne m’arrivait plus. Même si la sensation est longue à revenir,
des benzos, donc la seule solution que j’ai trouvée, c’est de picoler c’est à nouveau présent.
pour atténuer la douleur. J’ai arrêté en huit mois mais c’était très Trente ans d’opiacés et toujours vivant. J’ai pas le VIH mais
dur ! La métha est une vraie saloperie, surtout la fin. Par deux fois, j’ai une hépatite C que j’ai soignée à l’interféron pendant un an
j’ai été si mal que j’en ai repris (5 mg), ce qui m’a rendu malade. et demi, je ne bois plus, ne fume plus et ne prends pas d’autres
J’avais un stock de 500 mg dont je me suis débarrassé avec diffi- produits à part deux benzos que je n’ai pas l’intention d’arrêter.
culté. Je voulais en garder pour me suicider, au cas où... La psychia- Maintenant, je suis avec une femme qui ne prend rien mais qui
tre qui m’a dit que jamais je n’arrêterais la métha m’a également comprend par où je suis passé. (…)
diagnostiqué bipolaire. Je ne comprends pas ces médecins qui vous Je souhaite bon courage à tous ceux qui veulent arrêter et en-
prescrivent des médicaments en vous trouvant une maladie et fina- courage même les autres à stopper tout ça. Mais il faut savoir à
lement, qui n’y comprennent rien. Je suis quelqu’un de mélanco- quoi vous allez être confronté, l’incompréhension, le rejet, sans
lique c’est vrai, de par ma vie, mes antécédents familiaux, mais je parler de la douleur. Mais c’est possible, plus ou moins longue-
n’ai pas de phase maniaque, c’est héréditaire et je fais avec (...). ment, mais c’est possible. Le positif aujourd’hui, c’est : plus be-
J’ai beaucoup souffert et je souffre encore, pourtant, ça fait soin d’aller toutes les deux semaines prendre ma métha, je me

.
huit mois que j’ai complètement arrêté (…). Je fais de l’escalade sens bien, même mieux, libre de toute contrainte, je peux aller où
et de l’alpinisme, plus de la batterie depuis l’âge de 12 ans et j’en je veux quand je le veux sans être malade, ma libido est revenue.
ai 46 aujourd’hui. Les endorphines naturelles finalement, elles re- N’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions ou
viennent. C’est pour ça que je parle d’escalade, le sport et le sexe tout simplement envie de partager ce que vous vivez. Gilles
sont les meilleurs médicaments et je vous les conseille vivement. Choderlos de Laclos (gchoderlos_de_laclos@bbox.fr)

Merci pour votre soutien

S
alut à toute la rédaction d’Asud, j’hésite à faire un sevrage de Skénan®. J’espère un jour me dé-
Merci pour votre journal qui paraît régulièrement. barrasser du geste de l’injection, juste m’entretenir à la métha
J’aime bien vos articles de fond et vos illustrations sont et un peu de fumette.
sympas avec Bloodi et les dessins de Pierre Ouin. Continuez à promouvoir la RdR, l’accès aux soins et le

.
J’ai 38 ans et baigne dans différentes drogues de- dialogue entre usagers et professionnels, et la légalisation du
puis plus de vingt ans. Actuellement, j’ai réussi à me stabiliser cannabis. J’attends votre prochain numéro avec impatience
avec de la méthadone, enfin à peu près car je shoote du Skénan® et encore merci pour le soutien que vous apportez aux usagers
suite à une hernie discale qui s’est terminée en sciatique. Alors (injecteurs surtout). Luigi

®:
ués au Su bo xo ne
Patie ts substit
t r e a vis
donnez-no
n s v o
u
rs,
Amis lecteu , le S ub o x one®, un no
uveau
janvier 2012 x opiacés es
t mis
Depuis le 17 titu tio n a u médecin
t de subs ité, si votre
médicamen s d éjà tra si
m arc h é. Si vous ête tex ® a u Su boxone®, ou
sur le du Subu on,
s a sug gé ré de passer ue stion s sur son indicati
vo u nt des q
ou s avez to ut simpleme
v
ous.
contactez-n

ar tél. : 0 1 7 1 93 16 48
P .org
a r m a il : co ntact@asud
P
Asud-Journal 50 juillet 2012 43
notre culture (séries)
Encore qualifiée aujourd’hui
de meilleure série au monde
par un buzz qui n’en finit
plus,The Wire autopsie la
ville américaine de Baltimore
pour dépeindre la réalité
de la « guerre à la drogue »,
autrement dit, son échec.
Rayonnant bien au-delà des
écrans, chercheurs et élus
s’en emparent pour repenser,
voire bousculer, la politique
des drogues.

c o u t e «- Les clients se plaignent de la )


( S u é
rcollectifs, des réformateurs qualité de la came. Quand est-ce que
The W i r e idéaux

C
sociaux impuissants. Bref, une civilisation la fraîche va arriver ?
’est l’histoire d’une grande ville perdue si elle ne change pas son logiciel – Y’a pas de fraîche, mec. Ce sera la
ordinaire insidieusement façon- en profondeur. CQFD. Et rien de mieux même qu’on vendra dans des capsules
née par le trafic de drogues. Les pour l’illustrer que l’aberration que repré- différentes. C’est tout. On la coupera
auteurs sont un ancien journaliste sentent nos choix de société en matière de avec un anesthésiant et de la caféine.
et un ancien policier, ayant tous politique de drogues.
Et tu sais pourquoi ? Avec les junkies,
deux fait leur carrière à Baltimore. Cha-
si t’as de la pure, t’en vends. Si tu la
que saison agit comme un microscope Un usager
détaillant certains aspects : l’organisa- coupes, t’en vends deux fois plus. »
nommé victime (les dealers)
tion du deal de rue et l’investigation poli-
cière (saison 1), les filières d’importation Pour Asud, dont le rôle est de porter et
et la classe ouvrière en crise (saison 2), défendre la parole des usagers de dro- côté de l’élément essentiel qui explique
la guerre des gangs et l’innovation sociale gues, ce qui est frappant dans The Wire, l’ampleur prise par ce business : la nature
(saison 3), le système scolaire et la politi- c’est que la critique de la prohibition de la drogue elle-même, le plaisir qu’elle
que locale (saison 4), le rôle des médias des drogues ne se fait à aucun moment procure, les dangers auxquels elle expose,
et la bureaucratie policière (saison 5). à travers le regard des usagers. Les grands les moments qu’elle permet de vivre, la
Attention, il faut toutefois être honnête : absents de la série. Pire, Bubbles, le per- place qu’elle occupe chez les consomma-
The Wire, c’est plutôt un bon buvard qui sonnage censé les représenter, corres- teurs, leurs rituels et leurs motivations,
mettrait longtemps à monter qu’un flash pond aux pires clichés du toxicomane : l’intarissable appétit humain pour ce
de coke rapide à obtenir. Nombreux sont héroïnomane injecteur, SDF pouilleux, genre de substances... Comme si, noyée
ceux – et on les comprend – qui ont dé- menteur et voleur, toujours prêt à jouer dans la lutte des classes, la Drug Culture
croché à la saison 2, pensant s’être fait les balances pour un billet de 10 $. Victi- n’existait pas.
carotter. En réunissant avec cohérence me permanente des dealers qui le mépri-
et virtuosité les précédentes, la dernière sent, des flics qui l’utilisent et des non-
saison donne pourtant une vision d’en- usagers qui le fuient, ses compagnons Hamsterdam
semble réaliste. On croirait les 60 épiso- de galère finissent tous par mourir (OD,
des écrits d’une traite (ce qui n’est pas le balles perdues, sida...). Son seul salut est Le père de la série, David Simon, dit
cas !). La série fonctionne au final comme d’arriver à décrocher, peut-être l’unique écrire des fictions à défaut de pouvoir
une démonstration : l’ascenseur social en reproche qu’il convient de faire à la série. changer le monde. Pragmatique, il met en
panne, une économie illégale à l’influen- Les auteurs ont excellé à monter la com- scène deux tentatives de transformation
ce grandissante, des services publics lais- plexité de la nature humaine des person- sociale se heurtant au mur de l’idéologie
sés à l’abandon, un establishment nom- nages, tiraillés entre ambition, honneur, réactionnaire. Un chercheur expérimente
briliste et avide, une population clivée cupidité et intégrité. Ils ont dressé avec dans un collège un programme éducatif
retranchée dans brio une ethnographie du trafic et du cir- consistant à extraire les élèves perturba-
« Ce n’est pas une ses valeurs mora- cuit de l’argent. Mais l’usage de drogues teurs pour les regrouper dans une classe
guerre ! Une guerre, ça les communautai- n’est vu que comme un vice ou une ma- réduite avec programme scolaire adapté.
a une fin. » (les flics) res sans vision ni ladie subie par l’individu. Ils sont passés à Les résultats sont là : le niveau scolaire

44 Asud-Journal 50 juillet 2012


Reality Show
« C’est un vé
ritable in st ru m en t d’explicatio
r des questi
n du réel, q
ons tab o u es
ui
en

p is te s d e réflexion su Gat ig non, le mai


re
offre des it à l’A FP Stéphane féra n t à Th e
lara se ré
général augmente tandis que les cancres se font intelligemment France », déc (Seine-Saint-Denis), en cann ab is
écolo de Se
vran épénaliser le
civiliser. Pourtant, l’expérience est arrêtée brutalement au nom de éf en d re so n projet de d p re st ig ieuse uni-
Wire pour d an ie l V ai llant. La grâce
l’égalité de traitement, du collège unique et de son coût. cialiste D ar t, illu ré
st
au côté du so e H ar va rd a, pour sa p et u rb aines
Dans un autre registre, le point d’orgue de la série pour tout icain sociales
versité amér le s in ég al it és
2010. Débu
t
fidèle lecteur d’Asud-Journal se déroule à la troisième saison. Pour n cours sur semestre en
à la série so t to u t u n
Reco n stitu -
nis pendan s, The Wire,
aux États-U
un colonel proche de la retraite, la mort d’un policier est l’étron
u n liv re éc rit à 14 main é et se s maux en
qui fait déborder la cuvette. Cette guerre à la drogue n’a pas de 2012, c’est so n d e n o tre sociét me peut
sens. Il décide, sans l’accord du préfet, d’autoriser le deal dans tion collect
ive, qu i
tu d e fascinant com
série. Objet
d ’é Nanterre-
quatre zones désaffectées de la ville, baptisées Hamsterdam1. Pour analysant la d e l’université de i-
, le sémin ai re juin a mob
cela, une seule règle : pas de violence ni d’arme à feu dans ces zo- l’être le réel Th e W ire de janvier à ia n ts et
nsacré à étud
Paris-Est co chercheurs,
nes. Les résultats escomptés sont au rendez-vous sur la délinquan-
iz ai n e d ’in tervenants,
lisé une d trafic.
cien caïd du
ce : plus de guerre de gangs mais d’autres problèmes apparaissent.
Essentiels au trafic comme guetteurs, rabatteurs ou coursiers, les même un an
mineurs déscolarisés se retrouvent au chômage technique et com-
mencent à faire des conneries.
Les flics jouent aux assistantes sociales et rackettent les dealers
pour installer des terrains de sport
et instaurer un revenu universel
« Tu suis la filière de la pour les désœuvrés du trafic. Et si
drogue : tu trouves forcément la violence a dégringolé ailleurs,
des toxicos et des dealers. elle explose dans la zone de non
droit. Les dealers se volent entre
Tu suis la filière du fric : tu
eux et certains en viennent à de-
ne sais jamais sur quoi tu mander une protection policière
vas tomber.» de droit commun. Les consom-
(un enquêteur) mateurs junkies s’installent dans
les maisons abandonnées et in-
salubres de la zone. Associée aux
risques de contamination liés à certaines pratiques de conso
(injection, pipe à crack), cette vie sans eau courante ni électri-
cité augmente les risques sanitaires. Les flics doivent alors faire
appel aux associations de RdR pour fournir du matériel stérile
et organiser la récupération des seringues, favoriser le dépistage
et l’accès au soin. Cette saison montre bien que la logique de la

.
tolérance ne peut, de fix en aiguille, que mener à une forme de
légalisation contrôlée.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire pour savoir comment
tout ça se termine... Fabrice Perez
Série de David Simon et Ed Burns, 5 saisons (60 épisodes), 2002-2008.
Disponible en DVD.
1. Basé sur un fait réel , voir p.6

Asud-Journal 50 juillet 2012 45


notre culture
Aux origines de The Wire,
on trouve David Simon et
Ed Burns, un flic et un jour-
naliste unis par un projet
qui remonte à 1993 : l’étude
ethnographique d’un haut
lieu de drogue à Baltimore.
D’abord rédigée sous la forme
d’un livre (The Corner : A Year
in the Life of an Inner-City
Neighbourhood), cette étude
a ensuite été adaptée pour le
petit écran sous forme d’une
minisérie : The Corner.

The Corner surtout grâce à une mise en scène d’une

B
sobriété rare. Ici, pas de musique triste
altimore, à l’angle de la rue La lorsqu’un personnage décède, pas de su-
Fayette et de la rue Monroe. Un renchère dans la violence ni d’emphase
coin de rue où le trafic se fait à sur la misère dans laquelle évoluent les
ciel ouvert, 24/24. Un Corner personnages. Tout est fait pour que le
comme il en existe des milliers spectateur se rende compte de la norma-
e of
aux USA : l’endroit où l’on retrouve ses lité de ce qu’il découvre. Cette violence,
rn e r : A Y e ar in the Lif d
compagnons de galère et où l’on discute cette misère, cette malchance, tout cela The Co y
hoo
Neighbour livre ori-
ne r-C it
du dernier arrivage d’héroïne. L’endroit est ordinaire, banal, semblent nous crier
an In duit en fra
nçais, le
yle
où l’on vient demander qui a été tué la les auteurs. Banal mais réel : C. Dutton nt tra oscille entr son
e st
Récemme et Simon
veille, par qui et pourquoi. Un lieu de vie, fait mine de sillonner le quartier, caméra à d e B u rn s C o m m e
ginel ancé.
un lieu de mort. l’épaule, interrogeant travailleurs sociaux, alist iq u e et rom te d ’u n e étude
journ il re n d comp imo -
iq u e , B a lt
« Cette série raconte l’histoire vraie de dealers et consommateurs. L’idée n’est nom l’ind ier de
p h iq u e d’un quart ir privilégié
ceux qui vivent à ce coin de rue, pris dans pas de faire vraiment croire à un docu- ethnogra blent avo
teurs sem tale, mais
le tourbillon des drogues. » Voilà com- mentaire, mais plutôt de rappeler à cha- re. Les au ’i m m ersion to e
une méth
od e d leur étud
ment C. Dutton, le réalisateur, introduit que instant que cette série n’est pas une
é th o d o lo gique de d a n s un
cette minisérie qui propose de suivre en fiction mais une reconstitution. l’aspec t m sement développé
st m a lh e ureu m n e ) apparem-
six épisodes le quotidien d’une famille Le résultat est décapant, beaucoup e -auto
lume (été livre est a
gréable
désunie, avec en toile de fond la vie d’un plus secouant que n’importe quelle autre second vo . S i le
ou v a b le re se ras-
« ghetto » noir américain rongé par la série. Les mécanismes de reproduction ment intr ll e rg iq u es à la lec tu ment
les a x trême
misère et les drogues. Fran, la mère tente sociale sont flagrants et le déterminisme à lire, que ta tio n télé est e
d a p
surent : l’a
de se désintoxiquer, de retrouver un em- qui pèse sur les habitants de ce quartier x te.
ploi et de reprendre en mains l’éducation est évident. Malgré un certain humour, fidèle au te
de ses enfants. Gary, le père qui gagnait le ton est pessimiste. Comme La Haine,
si bien sa vie quelques années auparavant, The Corner est l’histoire d’une chute et
va de plans foireux en procès absurdes l’on redoute l’atterrissage. Pourtant l’es-
et n’essaye même plus d’arrêter la came. poir perce sans cesse, jaillissant des per-
Pendant ce temps, leur fils aîné, De-An- sonnages qui se démènent pour essayer de
dré, dérive entre sa volonté de mener une braver leur destin et qui rayonnent d’hu-
vie normale et son système de valeurs qui manité. Car dans The Corner comme dans
le pousse vers le deal au coin de la rue. la vraie vie il n’y a pas de « méchants ».
Drogue, grossesses précoces, overdo- Les junkies escrocs, les flics violents, les

.
ses et guerre des gangs : le sujet est difficile dealers méprisants, les copines arnaqueu-
mais la série arrive à aborder toutes ces ses, tous sont au fond de braves gens qui
questions sans tomber dans les clichés. jouent malgré eux le rôle que la vie leur a
Grâce au jeu des acteurs, excellents, mais assigné. Vincent Benso

46 Asud-Journal 50 juillet 2012


L’ hallu - ciné
Une revue de contenus multimédias
que l’amateur de substances
psychotropes regarde forcément
al +
d’un autre œil. Remise des César
s 2012, Can

S ur le service public, Plus belle la vie nous donne une


nouvelle fois notre dose. Mi-février une histoire de
nouvelle drogue en vogue dans les quartiers riches
de Marseille est le prétexte d’un prime time de la sé-
rie ayant pour cadre une banlieue pauvre de Paris où se passe
le trafic. Comme dans les buddy movies américains, un duo im-
probable mène l’enquête : un procureur requin et une caillera
On pouvait aussi aller s’encanailler dans les salles obscures.
Le thriller belge et hormonal Bullhead nous offre de belles scènes
d’injections intramusculaires dans les différentes parties (fesses,
torse, épaules) du corps bodybuildé du héros. Ce dernier prend
en outre réellement « une dose de cheval » dans la scène finale.
Nos lecteurs qui pensent que nos amis les bêtes ont elles aussi
droit aux piqûres apprécieront la scène d’injection bovine. Tou-
au cœur tendre. jours plus au Nord, Oslo, 31 août relate brillamment les 24 heures
Lors d’une infiltration, le premier se retrouve à devoir de permission d’un pensionnaire d’une communauté thérapeu-
fumer son premier joint sous l’œil amusé du second. L’expé- tique abstinent depuis un an. Après une cuite de retrouvailles, il
rience ne sera pas pour lui déplaire. Quelques semaines plus retourne vers la pilule de l’amour lors d’une rave underground
tard, une autre intrigue met en scène un jeune couple dégus- avant de marquer à jamais ce bel instant d’extase par une injection
tant pour le fun des champignons hallucinogènes mexicains. suicidaire de rabla. Émouvant.
Ils avoueront peu après cette consommation à la police. Le Terminons par une anecdote télévisuelle. Le drolatique et
père de la fille craint une inculpation pour usage de stup, mais bien nommé Antoine de Caunes était une fois de plus le maître
le commandant de police le rassure car cette consommation de cérémonie de la remise des Césars. Après le résultat du César
n’est pas grave ! de la meilleure actrice, il interpelle amicalement la malheureuse
Bon nombre de séries américaines ont terminé leur saison. nominée Karine Viard. En sortant un gros joint de sa poche, il
Parmi elles, The Mentalist et Dr House ont un point commun. lui lance d’un air complice tout en agitant le cône : « Ne t’en fais
Leur héros respectif sombre dans la déchéance et donc dans la pas Karine, c’est vendredi ! » Éclat de rire général. Quand on fait
Drogue. Si la référence à ce vice est discrète dans The Mentalist, partie du show business les jokes sur les drogues n’ont plus besoin
elle est bien plus développée dans l’épisode d’House qui marque d’être private. Que fallait-il comprendre ? Que tous les vendredis

.
la fin définitive de la série. Ayant accès à toute une intéressante Karine invite ses potes fumeurs de chichon à la maison ? Que le
pharmacopée industrielle dans son hôpital, notre bon docteur livreur de beuh des stars fait sa tournée juste avant le week-end ? Le
accro à la Vicodin décide de se suicider d’un bon gros shoot fameux « esprit Canal » serait-il un esprit frappeur ? Voilà, c’est
d’héroïne de rue... tout pour cette fois. Mais d’ici là, ouvrez l’œil. Kritik

Oslo, 31 août
Coup de piston

I
ntervenant remarqué des
derniers évènements asu-
diens, le spécialiste du
crime organisé Fabrice
Rizzoli vient de publier
aux éditions de l’Opportun le
Petit dictionnaire énervé de la
mafia. : Un exemple d’entrée,
« Prohibitionnisme : La mafia
te remercie. Autorisés pendant
des siècles, la consommation et
le commerce des drogues, sous la
pression des États-Unis, sont in-
terdits depuis la conférence de Shanghai en 1912, ce qui génère
une accumulation de capitaux gigantesque pour les mafias. À
l’échelle des États-Unis, la prohibition de l’alcool a créé une mafia :
La Cosa Nostra. »

.
« Fabrice Rizzoli a puissamment contribué à retirer à la ma-
fia ses masques exotiques ; derrière les rituels qui fascinent, il fait
apparaître le cours de l’argent mafieux jusqu’à son recyclage dans
l’économie mondiale et les connivences d’une partie du monde po-
litique. » (Mario Vaudano, magistrat italien) Laurent Appel

Asud-Journal 50 juillet 2012 47


notre culture

Jim Morrison : Chaman ? Grand


sorcier ? Poète ? Ou rocker... ?
Chaman, c’est risible. Grand
sorcier, consternant. Poète, si
on veut... Alors quoi ?... Rocker ?
Peut-être bien, après tout !

Rock Hero de cuir, à mesure que sa silhouette s’épaissit.


ses prétentions mégalo symphoniques,
l’album annonçait finalement tout ce qui

C
Chaman Jim entre en transe, élève sa allait suivre, la direction progressiste que
‘est sur le campus de l’UCLA où il suit conscience afin de transmettre son Éner- prenait le rock et ses tentations virtuoses à
des études de cinéma que Jim rencontre gie à ses adeptes ! « Nous sommes des po- venir (les Who de Tommy, Deep Purple et
Ray Manzarek, Robby Krieger et John liticiens érotiques », beugle-t-il, jamais en son philharmonique orchestra...)
Desmore, tous trois issus comme lui de retard d’une sentence définitive bien sen-
la middle class. Ils fondent les Doors, pas tie. Car les Doors théâtralisent de plus en « Rock is Dead »
vraiment A Feast of Friends, mais l’alchimie plus leurs prestations scéniques, cherchent Ayant rompu avec les Doors, seul en stu-
musicale entre eux fonctionnent parfaite- à les transformer en cérémonies mystiques. dio le soir de son anniversaire, Jim Morri-
ment : au jeune héros la lumière, tandis que Hélas, c’est bien cette imagerie empesée, ce son enregistre ses poésies et hurle « Rock
dans l’ombre, les trois autres s’activent à éla- fourre-tout Chaman-loo qu’a retenu Oli- is Dead ». Peut-être pressent-il justement
borer une musique hypnotique propre à ac- ver Stone dans le biopic roboratif qui exalta l’impasse qui se profile en ce début seven-
croître le rayonnement de l’éphèbe solaire. le mythe et relança les ventes d’albums. ties pour une musique sur le point d’en-
En 1967, l’année du Love Summer, la Heureusement, il y a le concert du 1er fler jusqu’à ce qu’une nouvelle génération,
jeunesse se découvre un nouvel amant : Jim mars 1969 à Miami : sur scène, Morrison, punk, ne fasse exploser la bulle dorée.
Morrison. Il a 23 ans, une allure folle de poè- ivre, se met à insulter les flics, les provo- En mars 1971, le roi Lézard fatigué jette
te sexy rock qu’il cultive à souhait, et un ego que avec un sourire sardonique et brandit l’éponge, décrète qu’il en a fini avec le rock.
à faire pâlir Jagger. Bref, tout pour devenir (ou ne brandit pas, telle est la question) sa Il veut écrire. Méconnaissable, il s’exile à Pa-
rock star. Incontrôlable sur scène comme à la queue. Jeté en taule, il en sort rapidement ris, rejoint par sa compagne Pamela Cour-
ville, il multiplie les frasques et les expérien- mais reste interdit de concert dans l’atten- son, junky notoire. La mort déjà ricane. Elle
ces extrêmes sur fond de quête mystique Lu- te du procès... Bref, il redevient un rocker. l’attend tapie au fond d’une boîte de Saint-
ciférico-chamaniKKK. Obsédé par William Au moment même où son image de rock Michel, et lui tombe dessus sans coup férir.
Blake et Huxley, Jim veut « ouvrir les portes star l’encombre, il semble s’affranchir du Heavy Drinker, Morrison n’a pas l’appéten-
de la perception », chimère qui deviendra un carcan spiritualo-mystique balourd, mal ce de sa compagne pour la dope mais ce soir-
véritable serpent de mer s’enroulant autour assimilé et bourré de trous qu’il a entre- là, il déroge et accepte l’héroïne trop pure
de cet arbre un peu creux d’élévation du ni- tenu. En juillet de la même année, il assiste d’un Frenchy des beaux quartiers, l’un de ces
veau de conscience et de perception. L’épo- subjugué au retour sur scène d’un Elvis fils de bonne famille jouant au dealer. Fou-
que s’y prête ! S’il expérimente les drogues Presley sauvage : vêtu d’une combinaison droyé par une surdose, son cœur lâche. On
hallucinogènes, acides et psychotropes en kimono noir, son magnétisme animal irra- le ramène (mort ou encore vivant, le mystère
tous genres, l’héroïne ne le branche pas plus die et le replace sur le trône. C’est cette pu- demeure) dans l’appartement qu’il occupe
que ça. L’alcool est sa drogue dure. reté originelle, l’Énergie rock’n’roll infes- dans le Marais. La mort le fige dans son bain
tée de Rythm and Blues, que Jim Morrison rue Beautreillis, dans une posture de rupture
Le roi Lézard traque sur l’album Morrison Hotel (Peace irréversible avec le rock. C’est bien le propre
Se laissant surnommer le roi Lézard, il en- Frog) ou sur LA Woman. Aux antipodes d’une mort prématurée que de fixer les êtres

.
tretient des rapports ambivalents avec son du piètre Soft Parade, dont il avait laissé dans l’instant où elle les a surpris, ouvrant sur
statut de rock star. Statut qui le gêne aux en- les commandes à Manzarek, lequel s’était toutes les conjectures possibles.
tournures, panoplie étriquée craquant peu à englué dans une préciosité éprouvante. Un Personne ne sortira d’ici vivant, comme le
peu aux coutures comme craquent ses futes naufrage artistique et public cuisant ! Avec chantait… Hank Williams ! Marc Dufaud

48 Asud-Journal 50 juillet 2012


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Route Royale Bât. A, Résidence CAARUD ESPACE 3 rue de la Bannière 69000 Lyon
A Tramuntana 20600 Bastia 40 rue Perrier 06 67 43 01 08
04 95 31 61 38 45200 Montargis 02 38 28 77 80
espace.asso@wanadoo.fr
SUD OUEST ÎLE-DE-FRANCE
CSAPA LE RELAIS AIDES Charente AIDES (Sud-Ouest Ile de France) CAARUD
25 avenue Léon Jouhaux 12 rue des Boissières 195 bis rue raymond Losserand
70400 Héricourt 16000 ANGOULÊME 75014 Paris 01 40 52 53 10
03 84 36 67 67 05 45 92 86 77 charente@aides.org lundi, mercredi, vendredi de 14h à 17h30
caarud16@aides.org En face du 3 rue de Turbigo (Les Halles)
CAARUD 16 KAY
CAARUD KIT’KAP AIDES Yvelines
16 Kay des Messageries 12 rue des Boissières
71100 Chalon sur Saône 26, rue Gassicourt 78200
16000 Angoulême MANTES-LA-JOLIE
09 54 65 46 65 06 19 78 21 13 / 05 45 92 86 77 01 34 97 97 70 aides78@aidesidf.com
caarud16kay@sauvegarde71.fr caarud16@aides.org
AIDES Seine-Saint-Denis
La Boutik CAARUD CAARUD 17 14, passage de l’Aqueduc
20 rue Georges D'Amboise 19 rue Buffèterie17000 La Rochelle 93200 Saint Denis
76000 ROUEN 05 46 31 55 36 / 06 35 21 45 99 01 41 83 81 60 aides93@aidesidf.com
02 35 70 41 20 caarud17@aides.org
AIDES Val d’Oise
La Boussole CSAPA AIDES Béarn LE SCUD 23, boulevard du Général Leclerc
30 rue de la Tour de Beurre 4, rue Serviez 64000 PAU 95100 ARGENTEUIL 01 39 80 34 34
76000 Rouen 06 29 12 42 56 lescud@aides.org aides95@aidesidf.com
02 35 89 91 84
AIDES Pays basque LE SCUD Nord Ouest
CAARUD TARN ESPOIR 3, avenue Duvergier de Hauranne
179 avenue Albert 1er 81100 Castres 64100 BAYONNE 05 59 55 41 10 AIDES Nord-Pas-de-Calais
05 63 71 24 24 / 06 30 56 02 55 ppbernard@aides.org 5, rue Court Debout 59000 LILLE
tarn.espoir@wanadoo.fr 03 28 52 05 10 rdrcpp.aidesnpdc@orange.fr
caarudtarn@orange.fr AIDES Deux-Sèvres
Castres : lundi 13h30-17h30 16, rue Nambot 79000 NIORT AIDES Haute-Normandie
Albi (17 rue Athon) : jeudi 12h-17h30 05 49 17 03 53 caarud79@orange.fr 32, rue aux Ours 76000 ROUEN
Lavaur (1 rue safran) : mardi 14h-17h 02 35 07 56 56 aides.rouen@wanadoo.fr
AIDES Vienne
ANPAA 83 - CSST 129, bd Pont Achard 86000 POITIERS
GRAND EST
8, rue Pressencé 83000 Toulon 05 49 42 45 45 caarud86@aides.org
04 94 92 53 50
csstoulon@anpa.asso.fr Aides Limousin AIDES Doubs
Caarud L'Etape 3 rue Ronchaux 25000 BESANçON
AVASTOFA 55 rue Bobillot 87000 Limoges 03 81 81 80 00 delegation25@aides.org
73, bd de Stalingrad 05 55 06 18 19 / 06 18 24 08 17
etape@aides.org AIDES Meurthe-et-Moselle
83500 La-Seyne-sur-Mer
15, rue saint Nicolas 54000 NANCY
04 98 00 25 05 avastofa@wanadoo.fr 03 83 35 32 32 delegation54@aides.org
AUVERGNE / LANGUEDOC
CSAPA AIDES Moselle
AIDES Gard
7 bis, rue Gambetta 90000 Belfort 24, rue Porte de France BP 183 45, rue Sente à My 57000 METZ Cedex 1
03 84 21 76 02 30012 NÎMES Cedex 4 03 87 75 10 42 delegation57@aides.org
04 66 76 26 07 rdrcpp@aides30.org
CAARUD ENTR’ACTES AIDES Nièvre
4 rue Koechlin 90000 Belfort AIDES Haute-Garonne 9, rue Gambetta 58000 NEVERS
03 84 26 12 20 avastofa@wanadoo.fr 16, rue Etienne Billières 31300 TOULOUSE 03 86 59 09 48 caarud58@aides.org
05 34 31 36 60 aidesmp@aol.com
AIDES Bas-Rhin
Caarud AIDES Béziers 21, rue de la Première Armée

s u d d é m é n age 2 bis av. Saint Saëns 34500 Béziers 67000 STRASBOURG


Caarud gérés par AIDES
A ve 75020 Paris
04 67 28 54 82 rdrcpp.aides34@orange.fr 03 88 75 73 63 delegation67@aides.org

32 rue de Vitru AIDES Puy-de-Dôme


9, rue de la boucherie
Caarud Aides 68
19A, rue Engel Dolfus 68100 MULHOUSE
Chers amis, 63000 CLERMONT-FERRAND 03 89 45 54 46 aidestu@yahoo.fr
delegation68@aides.org
Après treize heureuses années passées 04 73 99 01 01 aides63@aides63.org
rue de Belleville, Asud fait ses paquets GRAND OUEST AIDES 88
et prend la poudre… d’escampette pour 3 rue du Chapitre 88000 épinal
de nouveaux locaux. AIDES Caarud Lover pause 03 29 35 68 73 mderouault@aides.org
16, rue Alexandre Ribot 29200 BREST
À partir du 31 juillet 2012, vos courriers 02 98 80 41 27 lover.pause@wanadoo.fr RHÔNE-ALPES /MÉDITERRANÉE
devront être adressés à cette nouvelle
adresse : AIDES Ille-et-Vilaine Interm’aides AIDES Isère
43, rue St Hélier 35000 RENNES 8, rue du sergent Bobillot 38000 GRENOBLE
02 23 40 17 42 intermaides@wanadoo.fr 04 76 47 20 37 rdr.aides38@gmail.com
32 rue de Vitruve 75020 Paris
AIDES Indre-et-Loire AIDES Var
Notre nouvelle adresse mail : 6, avenue de la Tranchée 37100 TOURS 2, rue Baudin 83000 TOULON
contact@asud.org 02 47 38 43 18 ch.caarud.37@gmail.com 04 94 62 96 23 aides.var@orange.fr

Le téléphone reste identique : AIDES Vendée AIDES Vaucluse La boutik


21, rue des primevères 41, rue du portail Magnanen
Secrétariat 01 71 93 16 48 85000 LA-ROCHE-SUR-YON 84000 AVIGNON
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Etre informé c’est être capable
de choisir!
Mon Traitement Mon Choix est une campagne d’aide et de
sensibilisation visant à fournir des informations de haute qualité
concernant la dépendance aux opiacés et sa prise en charge.
Mon Traitement Mon Choix propose des supports gratuits qui visent à motiver et
à aider les consommateurs de drogue et leurs familles dans leur combat pour
surmonter la dépendance aux opiacés.

Financé par l’intermédiaire d’une subvention pour l’éducation de www.montraitementmonchoix.fr


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