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Cours - Conscience Et Inconscient

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LA CONSCIENCE ET L'INCONSCIENT

Suis-je ce que j'ai conscience d'être ?

Définitions – problématique
 Perdre conscience => le monde autour de moi, et la représentation que j'ai de moi même
disparaissent. Je n'ai plus rapport ni au monde ni à moi => conscience = double rapport :
1) consc de quelque chose hors de soi, d'un objet visé = intentionnalité (rapport du sujet
conscient à un objet extérieur à lui). Faculté de perception et d'attention à un objet, qui me
permet d'y être mentalement présent, de me le représenter mentalement (faculté cognitive)
Ex : j'ai consc du tableau devant moi, je le considère à titre d'objet extérieur à moi. Cf. manuel
Bordas p. 83, définition de l'intentionnalité de la conscience par Husserl
2) consc de quelque chose en soi, consc de soi = réflexivité (rapport de soi à soi). Faculté
d'attention à ce que je suis en train de penser, de vivre, de ressentir ou de faire
Ex : quand j'ai froid, j'éprouve une sensation physique, dont je peux ne pas avoir conscience
tout de suite. Quand je dis « J'ai froid », c'est que j'ai pris conscience de cette sensation, j'en ai
une représentation mentale, je peux l'analyser, la nommer.
NB : la consc comme faculté cognitive (de représentation) peut être attribuée à l'animal ; mais
la consc réflexive, qui permet de se saisir comme sujet, semble bien être le propre de l'homme

Pbtq : La conscience est une capacité de distance ou de recul (et donc de maîtrise) par rapport à
son objet, ici par rapport à une sensation : c'est une relation médiate ou distanciée à un objet, à la
différence de la sensation ou du sentiment. Cette capacité de recul permettrait de se représenter
les objets de conscience, de les nommer (seul un être conscient peut dire « Je ») et donc de les
connaître : cum-scientia = avec le savoir, la connaissance.
=> d'où vient cette capacité à prendre du recul par rapport à soi et se considérer soi-même comme
un objet d'observation ou d'analyse ? Pourquoi certains ne semblent-ils pas l'avoir (petits enfants,
malades mentaux, personnes alcoolisées ...) ? Cette capacité conscientielle est-elle innée, ou
s'acquiert-elle au fil du temps, de l'éducation, des efforts personnels... ? La conscience appartient-
elle à la nature ou l'essence de l'homme, ou est-elle accessoire, accidentelle ?
=> de quelle nature est cette connaissance ? Réelle, précise, imaginaire, illusoire ? Puis-je
d'ailleurs avoir entièrement conscience de moi-même et du monde (ai-je conscience de tout ce
que je suis) ? Cette connaissance peut-elle être objective dans le cas où je suis à moi-même mon
propre objet d'analyse (conscience réflexive) ? Puis-je avoir confiance en ma conscience ?

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I – JE SUIS CE QUE J'AI CONSCIENCE D'ÊTRE, CAR LA CONSCIENCE DE SOI EST
UNE CONNAISSANCE INDUBITABLE DE SOI
A) La conscience de soi ou Cogito est la seule source de connaissance fiable
Descartes (1596-1650), Discours de la méthode (1637), 4ème partie
§1 – Le domaine des mœurs
Mœurs = coutumes relatives à la morale, à l'agir en société => se fondent sur des habitudes et des
valeurs sociales soit sur ce que la société déclare bon = ce qui est « du goût de tous »,
« commun » => Le critère du bon en société, c'est le poids de la majorité.
Mais pour Descartes, la quantité n'est pas un critère de qualité du jugement : ce n'est pas parce
que tous pensent et font pareil que cela est vrai (cf. la marginalité noble de Socrate).
=> geste philosophique inaugural : rupture avec les fausses évidences du sens commun, prise de
distance et libération par rapport au poids de l'opinion commune
§2 – La méthode du doute pour accéder au fondement de la connaissance vraie
Méthode = chemin ou règle qu'il faut suivre pour accéder à un but
Penser en fonction des autres et des normes sociales, c'est renoncer au sens critique et au libre
exercice de la pensée propre => au lieu de croire sans questionner, il faut douter de tout
Doute méthodique = douter par principe de manière universelle (douter de tout), hyperbolique
(tenir pour faux tout ce qui est seulement douteux) et radicale (douter des principes de la
connaissance). Cf. l'analogie avec la méthode de tri des pommes, manuel Bordas p. 466
Le but du doute méthodique est d'accéder au vrai et non de prétendre que l'homme est incapable
d'accéder au vrai (contrairement au doute sceptique ou pyrrhonien).
Descartes expose 3 arguments qui justifient le doute radical :
1) les erreurs et illusions des sens disqualifient les sens comme source fiable de vérité
2) la raison logique et les évidences math ne sont pas indubitables, car je peux faire
l'hypothèse d'un malin génie qui m'aurait donné un esprit vicié, incapable de logique, et l
arrive à chacun de nous de parfois faire un paralogisme (erreur de logique, de calcul etc)
3) le rêve et la folie prouvent que je peux être endormi ou en pleine folie sans m'en rendre
compte (prendre ses pensées, ses rêves, ses hallucinations pour la réalité et la vérité)
Illusion = fait de tenir pour vraie une idée, même si on sait par ailleurs qu'elle est fausse
ou imaginaire, parce que cela nous est plus agréable (satisfaction d'un désir)
=> méthode cathartique du doute : purifier l'esprit de toute idée douteuse, recherche de radicalité
§3 – Le premier principe de la philosophie : l'évidence du Cogito
Je doute, donc je pense. Or pour penser, il faut être. Donc je suis, j'existe : vérité absolue
=> la conscience de mon existence me fournit un savoir indubitable = une évidence rationnelle

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Conscience = Cogito (je pense) = connaissance évidente que le sujet a de lui-même, en tant qu'il
est une substance ou chose existant indubitablement = la pensée qui se réfléchit elle-même de
manière évidente et immanente

B) La conscience de soi comme connaissance immédiate de notre essence profonde


La question est alors de savoir ce que je suis = quelle est mon essence = ce qui fait qu'un être est
ce qu'il est, sa définition réelle, substantielle
DM, IV : Je suis donc une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui
n'a besoin pour exister d'aucun lieu ni d'aucune chose matérielle.
 Substance matérielle (res extensa) = dont l'essence est l'étendue spatiale => corps
 Substance pensante (res cogitans) = dont l'essence est l'âme ou la conscience => esprits
=> ce qui en moi est indubitable, c'est mon existence en tant que substance spirituelle, et non
comme corps (même si ces 2 substances, du pdv vital ou existentiel, sont unies).
Cf. Méditations II (1641), manuel Bordas p. 86 + ex de Johnny s'en va-t-en guerre (film de 1971)
qui a encore conscience de lui-même et qui pense alors même que son corps est détruit
=> La conscience, l'âme et la pensée sont donc le signe distinctif de l'homme, ce qui le distingue
des animaux et autres corps qui n'ont pas la capacité de se réfléchir eux-mêmes à titre de sujets de
leurs pensées et de leurs actions (raison pour laquelle ils ne disent pas « Je », Kant, manuel p. 84).

Or, puisque seule mon existence en tant que substance pensante est absolument vraie, la
conscience de soi est une connaissance de soi indubitable, et absolue. Je peux connaître
absolument ce que je suis par l'épreuve de la réflexion radicale sur soi qu'est le Cogito.
Réponse aux 6èmes objections, MM : Il n'y aucune pensée de laquelle, dans le même moment
qu'elle est en nous, nous n'ayons une actuelle connaissance. manuel Bordas p. 165 (+ p.99)
Rmq : puisqu'il n'y a pas de pensées inconscientes, et que ma conscience est la voie d'accès royale
à ma personnalité profonde, alors il suffit d'écouter sa conscience pour savoir qui l'on est :
naissance du genre narratif introspectif et multiplication des ouvrages autobiographiques
Ex : les Confessions de Rousseau : Mon cœur, transparent comme du cristal ...

C) Etre conscient de soi, c'est pouvoir se connaître mais aussi se définir librement
- Descartes, Méditations métaphysiques (1641), IV : le fait que je puisse, quand je le veux,
prendre du recul pour m'isoler, douter et réfléchir, prouve l'exercice de ma liberté par rapport à la
situation, et de mon pouvoir de choix en n'importe quelles circonstances (je suis même libre de
refuser la véracité des évidences math, je peux formuler et adhérer à l'hypothèse d'un malin génie,

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tout tenir pour faux …). Être une âme = une conscience => être doué d'un libre-arbitre
Libre arbitre = pouvoir de choix = liberté d'affirmer ou de nier selon sa volonté propre
Liberté d'indifférence = pouvoir de choisir le faux alors qu'on voit le vrai, de choisir le mal alors
qu'on connaît le bien, juste pour (se) prouver qu'on est libre (plus bas degré de la liberté selon
Descartes, qui est une forme 'adolescente' de liberté). Principes de la philosophie, manuel p. 242

- Sartre (1905-1980) reprend la question issue de Descartes : quelle différence y a-t-il entre un
être doué de conscience, et un être qui ne la possède pas ?
L'être et le néant, L'existentialisme est un humanisme
- Le coupe-papier dépend, dans son existence, sa fonction et son idée, d'un projet et d'une
définition préalables qui auront été posés par l'artisan => son essence précède son existence, ce
qui a pour conséquence que le coupe-papier, une fois existant, ne peut décider de son existence ni
la modifier selon sa volonté.
Chose = être identique à lui-même, dont l'essence précède l'existence, et dont l'absence de
conscience implique une absence de liberté et de devenir = Être en soi
- Même s'il a des géniteurs, l'existence de l'homme ne dépend pas vraiment de l'idée que ces
derniers pouvaient s'en faire. L'homme choisit sans cesse son existence, car rien ne la détermine à
l'avance, il est libre de devenir ce qu'il choisit d'être et de faire, il est pur projet.
Être de conscience = être dont l'essence ne précède pas l'existence, et qui choisit à chaque instant
ce qu'il devient parce qu'il est libre absolument = Être pour soi
L'homme est condamné à être libre => même l'abstention du choix est un choix, et chacun de mes
choix engage ma liberté entière et, partant, celle de tous les autres êtres de conscience.
Conséquence : il n'existe donc pas de « nature humaine », qui déterminerait a priori et de manière
universelle ce que doit être un homme pour être vraiment un homme.

Objection : nous ne décidons pas de tout dans notre vie, comme par ex être né cul-de-jatte ou
dans une famille d'ouvriers, tuberculeux ... Texte contre le déterminisme, manuel Bordas, p. 245
Réponse : il y a effectivement des choses qui m'échappent, ce que je suis sans l'avoir choisi = ma
situation. Mais ma situation ne définit pas mon être, car c'est moi qui donne sens à ma situation,
qui n'a aucune valeur en soi : je peux être unijambiste et dépressif, ou sportif handicapé ... Les
hommes ont toujours le choix de se soumettre ou pas à leur situation, ou de la transformer (être
soumis, collabo ou résistant pendant l'occupation allemande de la France). Sartre constate
d'ailleurs que plus la situation est aliénante ou difficile, plus mon sentiment de liberté est fort,
parce que je suis alors obligé à faire des choix.

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La république du silence (1944) : Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation.
=> ceux qui prétendent ne pas pouvoir choisir parce qu'ils seraient déterminés par la situation
sont des « salauds, des hommes de mauvaise foi, qui refusent leur responsabilité
Responsabilité = fait pour l'homme d'être la seule origine de ses choix et de son action, et
d'assumer pleinement ce fait
Mauvaise foi = possibilité qu'a la conscience de se mentir à elle-même en prétendant qu'elle n'est
pas absolument libre, pour fuir sa responsabilité (L'Etre et le néant, 1943, manuel Bordas p. 169)
=> la conscience, c'est la liberté absolue
=> la conscience de soi et la responsabilité ne s'éprouvent pas seulement dans l'épreuve du cogito
et de la réflexion : elles se manifestent pleinement dans l'engagement concret dans le monde, dans
l'action engagée, dans l'adéquation entre mes pensées et mes actes réels.

Transition
- Pour Descartes et Sartre, être conscient de soi implique deux choses : 1) une totale connaissance
de soi, de sa nature propre, et 2) la reconnaissance de sa liberté, qui prend la figure concrète de
l'autonomie = capacité à se déterminer à agir et penser par soi-même, selon sa volonté propre
- N'existe-t-il pas malgré tout des déterminations qui pèsent sur nous et dont nous ne pouvons pas
faire abstraction ? Notre corps, notre désir, notre rapport à autrui et à la société ... (ma liberté
s'arrête là où commence celle d'autrui ; Sartre reconnaissait d'ailleurs que « L'enfer, c'est les
autres » ...) ? Suis-je vraiment et seulement ce que j'ai conscience d'être ? L'existence de lapsus,
de rêves … ne prouve-t-elle pas que « Je est un autre » (Rimbaud) ?

II – LA CONSCIENCE COMME ILLUSION ET ALIÉNATION


A) La conscience de soi est une connaissance de soi partielle
Spinoza (1632-1677), Ethique III, Préface : L'homme n'est pas un empire dans un empire.
=> il est déterminé à agir et se mouvoir selon les lois de la Nature, au même titre que n'importe
quel élément de la Nature (une pierre, un nuage). Spinoza prône ainsi la théorie du déterminisme
universel = tout phénomène est déterminé à se produire selon des causes nécessaires (ces causes
étant compréhensibles par l'analyse rationnelle de la nature des choses).
- Mais alors, pourquoi l'homme pense-t-il qu'il est libre ? Spinoza explique en quoi la conscience
de soi fournit à l'homme une preuve illusoire de son soi-disant libre-arbitre. La conscience de soi
permet à l'homme de connaître ce qu'il veut, ses désirs, mais ne lui offre pas la connaissance de ce
qui cause sa volonté et ses désirs : Lettre à Schüller, 1674, manuel Bordas p. 243

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Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul
que les hommes sont conscients de leurs désirs, et ignorants des causes qui les déterminent.
=> la conscience de soi n'est qu'une connaissance partielle de soi (ignorance des causes). Qui plus
est, elle engendre des illusions, notamment l'illusion de la liberté, qui est à l'origine de toutes les
illusions humaines.
Pour se libérer de ces illusions, il faut selon Spinoza chercher à connaître les déterminismes qui
pèsent sur nous (connaissance scientifique des lois de la Nature, approfondissement des lois de la
psychologie, de la société ....), puis les accepter comme nécessité.
=> être libre, c'est reconnaître et accepter qu'on est soumis à la Nécessité naturelle.
=> la « liberté » consiste donc dans la conscience du déterminisme universel.
Cf. Descartes et la prise de conscience du mécanisme inconscient qui a pendant longtemps
déterminé ses « choix » amoureux : Lettre à Chanut du 6 juin 1647, manuel Bordas .165
Ainsi, lorsque nous sommes portés à aimer quelqu’un, sans que nous en sachions la cause, nous
pouvons croire que cela vient de ce qu’il y a quelque chose en lui de semblable à ce qui a été
dans un autre objet que nous avons aimé avant, encore que nous ne sachions pas ce que c’est.

B) La conscience de soi comme effet mystificateur de l'aliénation socio-économique


Marx (1818-1883), Manuscrits de 1844, L'idéologie allemande (1845-1846)
- Comme Spinoza, Marx pense que l'homme n'est pas un empire dans un empire, ne serait-ce que
parce qu'il est un être matériel, soumis aux nécessités physiques (contre l'idéalisme cartésien) =>
vivre, c'est d'abord satisfaire ses besoins vitaux et pas penser ou méditer.
Marx-Engels : Le premier acte historique des individus humains, par lequel ils se distinguent des
animaux, n'est pas qu'ils pensent, mais qu'ils se mettent à produire leurs moyens d'existence.
Travail = essence de la vie humaine, qui consiste à transformer les forces naturelles en ressources
humaines. Marx, Le capital, 1867, manuel Bordas p. 422
La vie humaine est donc déterminée par ce qui détermine matériellement la qualité du travail que
les hommes accomplissent en société = les infrastructures, qui sont de 2 sortes :
1) le niveau technique de production (niveau de développement technique)
2) le niveau d'organisation des ressources humaines (niveau de développement social)
Or, le point commun à chaque type d'organisation du travail est la division, c'est-à-dire un rapport
de force entre les dominants (propriétaires terriens, des machines, du capital) et les dominés, les
exploités (artisans, paysans, ouvriers, employés, salariés). Les classes dominantes ont ainsi
toujours tenu des discours idéologiques qui produisent chez les dominés la conscience de leur
faiblesse, et l'illusion que cette faiblesse sera atténuée s'ils se soumettent au patron.

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Idéologie = formes diverses du discours des classes dominantes, qui façonnent l'esprit des ind de
la société pour que se maintiennent les structures et les rapports de force socio-éco en place
= superstructure (ce qui détermine les hommes de manière imaginaire)
Les superstructures idéologiques (religion, morale, art, philo ...) sont le reflet dans le monde de
l'esprit des infrastructures, par lesquelles elles sont déterminées. Manuel Bordas p. 244
Conscience = représentation idéologique que l'homme a du monde, de la société et de lui-même,
qui est déterminé par l'idéologie dominante et les conditions socio-éco
=> c'est donc une construction idéologique, une illusion qui vise à masquer et faire accepter le
rapport de force socio-économiques. L'idéologie allemande, 1846 : Ce n'est pas la conscience qui
détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience, manuel Bordas p. 91
=> la conscience de soi est donc l'effet mystificateur et aliénant de la structure socio-économique
sur la personnalité de l'individu. Cf. Bourdieu, La distinction, Les héritiers

C) L'hypothèse freudienne de l'inconscient : la conscience de soi n'est que très partielle


Observation des faits : il existe des phénomènes psychiques non explicables par la conscience, et
qui se déroulent sans elle : rêves, actes manqués, lapsus, crises hystériques …contexte
d'apparition de la psychanalyse : manuel Bordas p. 160
Ex : l'hystérie de Elisabeth dans Etudes sur l'hystérie, le film de Anna Winocour Augustine ...
Les hypothèses classiques (depuis Descartes, qui refuse l'idée d'inconscient psychique) sont : ces
actes non conscients 1) ne seraient pas des actes psychiques, mais l’effet du corps (le rêve comme
effet des mouvements du corps pendant le sommeil) e/out 2) il existerait des actes psychiques
absurdes, dénués de sens (les lapsus …)
Conséquence de ces hypothèses selon Freud : la théorie selon laquelle psychisme = conscience, et
conscience = source de tous les actes psychiques, laisse des phénomènes inexpliqués => cette
théorie est donc lacunaire et partielle. Or en science, on considère une théorie valable quand elle
est capable de rendre compte d’un maximum de phénomènes observables => y a-t-il une théorie
plus cohérente ?
Freud propose alors l’hypothèse suivante : ce qui ne relève pas de la conscience dans la vie
psychique n’est ni l’effet du corps ou de la matière, ni l’effet du pur hasard, c’est l’effet d’un ics
psychique = d’un facteur psychique qui échappe à la conscience, et qui détermine tous les
phénomènes psychiques. Il y aurait donc un facteur de détermination des faits psychiques en deçà
de la conscience, et à l’origine de celle-ci. Proximité avec Spinoza, opposition à Descartes et
Sartre => caractère scientifique de l'hypothèse de l'ics. L'inconscient, 1915, manuel Bordas p. 166
=> l'activité consciente de l'homme n'est donc qu'une petite partie de son activité psychique, qui

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est globalement déterminée par des facteurs ics.
Une difficulté de la psychanalyse, 1929, manuel p. 246 : Le Moi n'est pas maître chez lui => la
découverte de l'ics est un démenti infligé à la toute-puissance de la conscience et à la soi-disant
liberté infinie de la volonté humaine ; d'où une résistance massive contre la psychanalyse...
Rmq : l'inconscient selon Freud ne se réduit pas au non-actuellement conscient (mais qui peut le
devenir si on se concentre) = ce qui est latent (sens précédent de l'ics, cf. manuel Bordas p. 161)
Cette résistance à l'hypothèse de l'ics psychique a généré une objection classique : l’existence de
phénomènes ics = la réduction du pouvoir de la conscience témoignerait seulement d’une
pathologie de la conscience, et ne vaudrait donc que pour les gens malades ou de mauvaise foi
(cf. la critique sartrienne de la psychanalyse, manuel Bordas p. 169). Or si l’on veut que
l’hypothèse de l’ics ait un réel pouvoir explicatif, il faut supposer qu’elle vaut pour tout
fonctionnement psychique et donc aussi chez les personnes ‘saines’ => valeur universelle de
l’hypothèse, puisque même chez les sujets « normaux » se produisent des rêves, lapsus, actes
manqués … ex de manifestations de l'ics psychique chez des gens « normaux » : manuel p. 163 +
p. 172-175 : extraits de Cinq leçons sur la psychanalyse, 1909

De quoi est constitué l’ics, et quels sont ses rapports à la conscience ? 1ère topique (1915)
Une topique est une représentation graphique ou imagée d'un concept, d'une idée abstraite.
Inconscient = partie du système psychique la plus ancienne et la plus déterminante, constituée par les
pulsions (= poussées d’origine corporelle qui visent à supprimer des états désagréables de tension) et les
désirs qu’elles provoquent. L’ics obéit au principe de plaisir (rechercher une satisfaction de notre désir
totale et sans délai). Il est par définition inaccessible à la conscience.
Préconscient = ensemble des éléments psychiques dont je n’ai pas actuellement conscience, mais qui
peuvent à tout moment le devenir. C’est ce qu’on appelait l’in-conscient avant Freud.
Conscience = partie du système psychique en rapport avec le monde extérieur : activité de perception et
de relations sociales et morales. La conscience obéit au principe de réalité, qui vise à adapter les désirs à
l’ordre du monde, aux autres et aux normes socio-morales.
Refoulement = mécanisme de défense par lequel un désir agressif ou « immoral » est maintenu ou rejeté
dans l’ics grâce à la censure. Le but du refoulement est que, en rendant ics un désir « gênant », la
conscience ne s’en soucie plus et n’est plus face à un conflit immédiat (ou bien satisfaire ses pulsions
quitte à passer pour immoral , ou bien être « correct » mais frustré)
Parfois la censure n’est pas assez puissante : à ce moment des éléments ics font retour sur la scène
consciente sous la forme du retour du refoulé :
 lapsus : interférence d'un désir inconscient dans un discours conscient
 acte manqué : interférence d'un désir inconscient dans un comportement quotidien. L'acte manqué
est un « acte réussi » du point de vue de l'inconscient
 rêves : ce ne sont pas des productions dénuées de sens, mais la satisfaction psychique de désirs
inconscients. C'est pourquoi Freud cherche à interpréter les rêves, « voie royale » vers l'ics
Le retour du refoulé peut également prendre des formes pathologiques plus ou moins sévères :
 névrose = ensemble de symptômes psychiques voire physiques qui expriment ce conflit
psychique, et qui échappe à la volonté consciente du sujet (« c'est plus fort que moi »).
 psychose : lorsque la conscience du sujet est totalement débordée et envahie par l'ics

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Quelques années plus tard, Freud approfondit sa conception de l'appareil psychique et en propose
une seconde topique (1920), manuel Bordas p. 162 :
ça = réservoir originaire des pulsions inconscientes primitives
Freud distingue alors deux types de pulsions primitives :
Pulsion de vie = Eros = pulsions qui visent l'union avec les autres, avec soi-même : mouvements vitaux
(pulsions sexuelles, désir amoureux, élan d'amitié, pulsion sociabilisante, force mise à travailler ...)
Pulsion de mort = Thanatos = pulsions qui visent à la désunion, la déliaison, la destruction, la mort
(pulsions de destruction tournées vers autrui = agressivité ou sadisme, et tournées vers soi =
masochisme). Ces pulsions rendent raison de phénomènes tels que le sado-masochisme, les cauchemars,
les tendances anti-sociales et mortifères du sujet ...
Moi = partie consciente du psychisme qui travaille à l'adaptation de nos désirs au principe de réalité
Surmoi = instance répressive, principalement ics, qui provient de l'intériorisation des interdits familiaux,
sociaux et moraux (la morale n'est donc pas innée pour Kant, elle découle de l'éducation).

=> conclusion de Freud : « Une difficulté de la psychanalyse », manuel p. 246 : l'homme est en
grande partie déterminé par des processus psychiques ics, mais il devrait pouvoir être capable de
devenir conscient (en partie) de ces processus : une forme d'émancipation est possible.

III – LA PRISE DE CONSCIENCE DE SOI COMME PROCESSUS DE CONNAISSANCE


ET DE LIBÉRATION DE SOI
A) L'intérêt pratique du travail psychanalytique
Pb : s’il existe une causalité psychique inconsciente, si les hommes sont déterminés à agir et à
penser par des facteurs qui échappent à leur compréhension consciente, alors ils ne sont pas libres
et de plus ignorants des causes qui les déterminent (cf. Spinoza, Marx). Or affirmer que les
hommes ne sont finalement pas libres est un point de vue qui ruine la moralité, car si les hommes
ne sont pas libres ils ne sont pas plus responsables de leurs vies et de leurs actions que le sont les
pierres. Cf. Sartre et la critique de la censure freudienne : la psychanalyse serait une théorie et une
pratique de mauvaise foi. Freud répond : effectivement les hommes sont déterminés par des
facteurs ics, et donc leur liberté est réduite. Cf. la valeur centrale du mythe d'Oedipe en
psychanalyse et sa critique par Sartre, pour qui les déterminismes psychiques n'existent pas.
Mais ignorer ces facteurs ics ne fait que renforcer notre ignorance et notre aliénation. Ce qui est
moralement utile, c’est 1) d’étudier scientifiquement ces facteurs ics et 2) d’essayer, à partir de
ces connaissances théoriques, de fonder une pratique permettant d’agir en retour, par la
conscience, sur ces facteurs. C’est ce que se propose de faire la pratique psychanalytique : si je
rends conscient certains des facteurs ics, alors je peux les maîtriser, du moins les influencer
=> l'ics n'est donc pas un destin = un ensemble de forces extérieures à nous qui nous
déterminerait inexorablement. Même si l'ics est insupprimable en totalité, la connaissance par un
travail d'analyse de la conscience des mécanisme ics peut permettre de reconnaître ces

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mécanismes pour mieux comprendre comment on fonctionne, et de les modifier tant que faire se
peut lorsqu'ils produisent des symptômes gênants.
=> la liberté ne réside donc pas dans l'absence de déterminations, encore moins dans l'ignorance
de celles-ci, mais dans leur connaissance et appropriation subjective (parallèle entre Freud et
Spinoza). Je suis donc, en tant qu'être conscient, responsable des effets de mon ics sur ma vie,
puisque c'est moi qui décide d'être le jouet de mon ics, ou à l'inverse de me familiariser avec lui.
La conscience, grâce à la psychanalyse, devient donc un outil de libération (relative) des conflits
pulsionnels qui nous animent sans cesse. Freud : « Là ou le ça était, le Je doit advenir ».
Ex : le cas Elisabeth, Études sur l'hystérie (1895), Augustine
Ex : l'intérêt psychanalytique de l'analyse des rêves. Cf. L'interprétation des rêves, 1900
Ex : Paul Ricoeur, Le conflit des interprétations :« Le facteur décisif de la cure, c’est la
réintégration du souvenir traumatique dans le champ de la conscience. Là est le cœur de la
psychanalyse. Loin donc que la psychanalyse soit la négation de la conscience, elle est au
contraire un moyen d’étendre le champ de conscience d’une volonté possible par dissolution des
contractures affectives. Elle guérit par une victoire sur l’inconscient ».

B) La prise de conscience de soi comme processus dialectique


Hegel (1770-1831), Phénoménologie de l'esprit (1806)
Tout ce qui est réel (Wirklichkeit), tout ce qui existe n'est jamais donné tel quel, mais obéit à un
devenir dialectique = processus par lequel un être s'accomplit réellement (logique du devenir)
Gland Enfant Origine Réalité abstraite
Arbrisseau Adolescent Médiation Développement
Chêne adulte Homme Résultat Réalité concrète
Le devenir dialectique commence par un stade originel où des virtualités sont en germe, se
prolonge par un développement de celles-ci qui conduisent nécessairement à un état de
contradiction par rapport au stade originel, contradiction dont le dépassement par seconde
négation produira le résultat final.
Devenir dialectique = suppression de la contradiction par un mouvement de négation de la
négation ( - - = +), qui accomplit la positivité d'un être
=> pour comprendre la nature d'un être, il faut s'intéresser à son devenir dialectique.

Hegel applique cette conception dialectique à la conscience et à la liberté, Esthétique, 1830


- Au début, l'existence humaine est immédiate, quasi-naturelle => vie irréfléchie (Âme)
- La conscience apparaît lorsque le sujet commence à se distinguer des objets naturels qui

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l'entourent (Conscience – stade de l'opposition à la Nature)
 Puis se construit la conscience de soi en deux étapes (cf. texte de l'Esthétique de Hegel)
1) relation théorique aux objets, rapport de contemplation au monde et à soi-même : mise en
place de l'activité de re-présentation
2) relation pratique aux objets et à soi-même : activité de transformation de l'extérieur et de
soi-même de telle sorte que la conscience puisse s'y refléter et devenir conscience de soi
=> la conscience de soi n'est donc pas une donnée immédiate, ni le seul effet de l'introspection =
du rapport purement théorique (rapport contemplatif) de soi à soi : elle nécessite aussi l'action
pratique par lequel l'homme transforme la nature à son image
=> il faut sortir de soi, s'extérioriser, pour se réfléchir soi-même et s'identifier en tant que sujet
- Au terme de cette dialectique, la conscience s'est transformée en Esprit ou raison : elle se
reconnaît dans la Nature, qui ne lui est plus étrangère. L'Esprit se reconnaît partout chez lui, il n'a
plus d'obstacles ou de limites réelles => liberté concrète
Liberté abstraite de la conscience = conscience qui ne se réfléchit que théoriquement, qui ne se
confronte à aucun obstacle réel (libre-arbitre cartésien)
Liberté concrète de la conscience = conscience qui se confronte à ce qui s'oppose à elle (la
matière non transformée par l'homme) et qui dépasse par l'action cette contradiction
=> la liberté nécessite la transformation concrète de la réalité (thèse que Marx a reprise).
D'où le rôle primordial dans la prise de conscience de soi que Hegel attribue à l'art.
Ex : l'écriture automatique comme moyen d'extérioriser son inconscient
Ex : chez Rimbaud, il y a cette idée que, si « Je est un Autre », je peux tout de même apprendre à
le découvrir par la création poétique : « Je veux être poète et je travaille à me rendre voyant »
(Lettre du voyant, 1871). Même idée chez Bergson du caractère dévoilant de l'art, qui serait un
moyen unique pour découvrir cette partie intime de soi qui échappe à l'introspection consciente.
- Cette dialectique de la conscience se retrouve au niveau de la conscience de l'humanité en
général, que Hegel qualifie de processus dialectique de réalisation de l'Esprit : Nature –
Conscience – Esprit
=> l'homme ne sera donc effectivement libre qu'à la fin de l'Histoire, quand la conscience de
l'humanité aura entièrement humanisée la Nature, ce qui permettra à chacun de se réfléchir
partout comme en soi-même.

=> Je ne suis pas seulement ce que j'ai conscience d'être, parce que je suis sans cesse en train de
devenir (existence humaine) ; mais ma conscience elle aussi se développe au fur et à mesure de
mon devenir, permettant ainsi, au fil du temps, une plus grande liberté et compréhension de soi.

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LA CONSCIENCE ET L'INCONSCIENT – TEXTES

René Descartes, Discours de la méthode, 4ème partie, 1637


Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j'y ai faites; car elles sont si
métaphysiques et si peu communes, qu'elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde: et
toutefois, afin qu'on puisse juger si les fondements que j'ai pris sont assez fermes, je me trouve en
quelque façon contraint d'en parler. J'avais dès long-temps remarqué que pour les moeurs il est
besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait être fort incertaines, tout de même que si
elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus: mais pour ce qu'alors je désirais vaquer
seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je
rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de
voir s'il ne resterait point après cela quelque chose en ma créance qui fût entièrement indubitable.
Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune
chose qui fût telle qu'ils nous la font imaginer; et parce qu'il y a des hommes qui se méprennent
en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes,
jugeant que j'étais sujet à faillir autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons
que j'avais prises auparavant pour démonstrations; et enfin, considérant que toutes les mêmes
pensées que nous avons étant éveillés nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu'il y
en ait aucune pour lors qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient
jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais aussitôt
après je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait
nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose; et remarquant que cette vérité, je
pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des
sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule
pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

Puis, examinant avec attention ce que j'étais, et voyant que je pouvais feindre que je n'avais aucun
corps, et qu'il n'y avait aucun monde ni aucun lieu où je fusse; mais que je ne pouvais pas feindre
pour cela que je n'étais point; et qu'au contraire de cela même que je pensais à douter de la vérité
des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j'étais; au lieu que si j'eusse
seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j'avais jamais imaginé eût été vrai, je
n'avais aucune raison de croire que j'eusse été; je connus de là que j'étais une substance dont toute
l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui pour être n'a besoin d'aucun lieu ni ne dépend
d'aucune chose matérielle; en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme, par laquelle je suis ce que je
suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui, et
qu'encore qu'il ne fût point, elle ne l'aurait pus d'être tout ce qu'elle est.

Après cela je considérai en général ce qui est requis à une proposition pour être vraie et certaine;
car puisque je venais d'en trouver une que je savais être telle, je pensai que je devais aussi savoir
en quoi consiste cette certitude. Et ayant remarqué qu'il n'y a rien du tout en ceci, je pense, donc
je suis, qui m'assure que je dis la vérité, sinon que je vois très clairement que pour penser il faut
être, je jugeai que je pouvais prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort
clairement et fort distinctement sont toutes vraies, mais qu'il y a seulement quelque difficulté à
bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement.

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Sartre, L'être et le néant, livre I, chp. 2, 1943
Si en effet nous repoussons le langage et la mythologie de la psychanalyse nous nous apercevons
que la censure, pour appliquer son activité avec discernement, doit connaître ce qu’elle refoule. Si
nous renonçons en effet à toutes les métaphores représentant le refoulement comme un choc de
forces aveugles, force est bien d’admettre que la censure doit choisir et, pour choisir, se
représenter.
D’où viendrait, autrement, qu’elle laisse passer les impulsions sexuelles licites, qu’elle tolère que
les besoins (faim, soif, sommeil) s’expriment dans la claire conscience? Et comment expliquer
qu’elle peut relâcher sa surveillance, qu’elle peut même être trompée par les déguisements de
l’instinct ? [...]
En un mot, comment la censure discernerait-elle les impulsions refoulables sans avoir conscience
de les discerner ? Peut-on concevoir un savoir qui serait ignorance de soi ? Savoir, c’est savoir
qu’on sait, disait Descartes. Disons plutôt : tout savoir est conscience de savoir [...]
Mais de quel type peut être la conscience de soi de la censure? Il faut qu’elle soit conscience
d’être conscience de la tendance à refouler, mais précisément pour n’en être pas conscience.
Qu’est-ce à dire sinon que la censure doit être de mauvaise foi ? La psychanalyse ne nous a rien
fait gagner puisque, pour supprimer la mauvaise foi, elle a établi entre l’inconscient et la
conscience une conscience autonome et de mauvaise foi.

Friedrich Hegel, Esthétique, livre I, 1830


Les choses de la nature n'existent qu'immédiatement et d'une seule façon, tandis que l'homme,
parce qu'il est esprit, a une double existence ; il existe d'une part au même titre que les choses de
la nature, mais d'autre part il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui-même, se
pense et n'est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi.
Cette conscience de soi, l'homme l'acquiert de deux manières. Primo, théoriquement, parce qu'il
doit se pencher sur lui-même pour prendre conscience de tous les mouvements, replis et
penchants du coeur humain et d'une façon générale se contempler, se représenter ce que la pensée
peut lui assigner comme essence, enfin se reconnaître exclusivement aussi bien dans ce qu'il tire
de son propre fond que dans les données qu'il reçoit de l'extérieur.
Deuxièmement, l'homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu'il est poussé à se
trouver lui-même, à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce
qui s'offre à lui extérieurement. Il y parvient en changeant les choses extérieures, qu'il marque du
sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne retrouve que ses propres caractéristiques. L'homme
agit ainsi, de par sa liberté de sujet, pour ôter au monde extérieur son caractère farouchement
étranger et pour ne jouir des choses que parce qu'il y retrouve une forme extérieure de sa propre
réalité. Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans les premiers penchants
de l'enfant : le petit garçon qui jette des pierres dans le torrent et admire les ronds qui se forment
dans l'eau, admire en fait une oeuvre où il bénéficie du spectacle de sa propre activité.

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