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LA CONSCIENCE

La conscience vient du latin conscientia, formé à partir du préfixe


cum signifiant « avec » et du verbe scire qui signifie « savoir,
connaître ».
Définition

La conscience est essentielle à l’homme. À la différence de l’animal,


seul l’homme a conscience d’être mortel. La conscience est plus
qu’un simple attribut de la personne humaine. Elle n’est pas seule-
ment la condition nécessaire à la conscience intuitive de ma subjec-
tivité ; elle est aussi ce par quoi je peux me saisir comme objet.
L’idée de conscience enveloppe aussi celle de connaissance. Il faut
donc distinguer la conscience de soi de la connaissance de soi.
Grâce à la conscience, je peux effectivement accéder à la connais-
sance de moi. C’est pourquoi l’injonction de Socrate « Connais-toi
toi-même » conserve encore toute sa valeur. Chaque sujet peut ainsi
se « dédoubler » afin de substituer à une conscience comme source
d’illusions sur soi, une conscience qui par réflexion, tente de s’en
libérer.

̂ Travail de conceptualisation
Conscience, autrui, devoir
La conscience est liée non seulement aux notions de personne et de juge-
ment, mais aussi à celle d’autrui. En effet, autrui se différencie en tant
que personne des objets formant le monde par rapport à moi. C’est parce
qu’il est aussi, tout comme moi, une conscience, laquelle renvoie alors au
problème de la communication des consciences, et par suite à celui du
langage, qu’autrui existe pour moi.
8 LE SUJET

Or, nous vivons dans un monde d’objet ; ce qui fera dire à Husserl que
« toute conscience est conscience de quelque chose ». De plus, nous
savons que la connaissance sensible et empirique peut être aussi bien
caractérisée par la sensation que la perception.
La conscience s’oppose à l’inconscient, c’est-à-dire à ce qui n’est pas elle
(cf. l’inconscient).
La notion de conscience implique d’établir une distinction majeure
entre deux types de conscience.
1. La conscience psychologique, en tant que connaissance plus ou
moins claire qu’un sujet possède de lui-même, ainsi que du monde
qui l’entoure, quel qu’il soit.
2. La conscience morale, en tant que capacité à porter des jugements
d’ordre éthique sur nos actes et ceux des autres. Il s’agit du pouvoir
de distinguer le bien du mal.

ȍ Extraits
« Je pense donc je suis »
■ R. DESCARTES (1596-1650)
« Mais qu’est-ce que donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu’est-ce
qu’une chose qui pense ? C’est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui
affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent. »
(Méditations métaphysiques, 2)
Le point de départ de la métaphysique cartésienne serait que tout ce
qui pense existe, d’où Descartes déduirait : or « Je pense, donc je suis »
(Cogito, ergo sum). Ainsi, je m’aperçois en analysant le fait de ma
pensée actuelle que la pensée enveloppe l’existence, et même que c’est
une liaison nécessaire qui m’apparaît entre ces deux idées, de telle sorte
que je suis bien.
J’existe donc, telle est la première vérité dont je peux être certain. C’est
celle qui servira de fondement à toutes les autres, même aux principes
qui la justifieraient dans une déduction synthétique, puisque sans elle
ces principes deviendraient de pures abstractions s’appliquant à un
monde possible, et non pas à un monde réel. Mais que suis-je, moi qui
pense ? Je suis justement une pensée. Je suis cet acte qui se produit en ce
moment ; je suis le fait que je constate. Mais ne suis-je que cela ?
La conscience 9

Descartes approfondit cette première vérité. Après avoir établi qu’il


est, Descartes se demande ce qu’il est ; il identifie moi et âme ; âme et
pensée. C’est la thèse dualiste : l’âme est une substance entièrement
distincte du corps.

« Je » est une illusion grammaticale


■ F. NIETZSCHE (1844-1900)
« Derrière tes pensées et tes sentiments, mon frère, se tient un maître plus
puissant, un sage inconnu – qui a pour nom “soi”. Il habite ton corps. Il est
ton corps. Il a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse
[…] Ton soi rit de ton moi et de ses bonds prétentieux. » (Ainsi parlait
Zarathoustra)
Remettant radicalement en question la théorie cartésienne de la
conscience psychologique telle que l’a présentée Descartes, Nietzsche
nous invite à nous « méfier de l’observation de soi », laquelle ne pour-
rait que nous conduire selon lui à une « folle surestimation du conscient ».
Croire que parce que je dis « je pense », « je » est le sujet conditionnant le
verbe « pense » est une erreur.
Certes l’individu a conscience d’être un « je », c’est-à-dire un être
pensant, mais cette évidence ne doit pas nous conduire à affirmer pour
autant que nous sommes maîtres de nos pensées. Il apparaît alors que
je ne suis pas cette âme, dont Descartes affirmait l’existence, c’est-à-dire
une pure pensée capable de diriger mon corps.
Si, comme l’affirme Nietzsche, la pensée consciente est le jouet d’une
sorte de pensée organique dont je n’ai pas conscience immédiatement,
il faudrait alors en déduire que le corps est une grande raison.

La conscience et la mémoire
■ H. BERGSON (1859-1941)
« Toute conscience est mémoire, – conservation et accumulation du passé
dans le présent. » (L’Énergie spirituelle)
Cette survivance du passé a une conséquence importante : il est impos-
sible à une conscience de traverser deux fois de suite le même état.
Seule une conscience sans mémoire pourrait passer par deux moments
exactement identiques. Tout moment contient, en plus du précédent, le
souvenir que celui-ci a laissé. Revivre un état, ce serait pouvoir effacer le
souvenir des états qui l’ont suivi. Les circonstances extérieures peuvent
paraître les mêmes : la personnalité a changé. C’est un autre instant de
son histoire.
10 LE SUJET

La conscience nous apparaît ainsi comme « un trait d’union entre


ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir ».
Le présent n’est pas un instant indivisible, limite idéale semblable à un
point mathématique : un tel état pourrait être conçu ; il n’est pas perçu.
Le présent que nous percevons réellement a toujours « une certaine
épaisseur de durée » : il est fait de passé immédiat et d’avenir immédiat ;
du passé sur lequel nous sommes appuyés, de l’avenir sur lequel nous
sommes penchés.
Chacun des moments qui s’ajoute ainsi à notre vie est nouveau, et, par là
même, imprévisible. Une intelligence même surhumaine ne pourrait pas
le prévoir : car prévoir consiste à projeter dans l’avenir ce qu’on a perçu
dans le passé.

« Avoir conscience de… », c’est percevoir


■ G. W. LEIBNIZ (1646-1716)
« C’est une grande source d’erreurs de croire qu’il n’y a aucune perception
dans l’âme que celles dont on s’aperçoit. » (Nouveaux Essais sur l’entende-
ment humain)

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De même qu’on ne s’éveille pas instantanément, mais, qu’avant d’être
pleinement éveillé, on l’était un peu. De même, avant que nous prêtions
attention à une perception, elle nous sollicitait déjà, mais très faible-
ment. Des impressions sont souvent à la fois trop petites et en trop grand
nombre pour retenir l’attention : le bruit de la mer est composé du bruit
de toutes les vagues, mais on ne perçoit que l’ensemble ; des impressions.
Chaque acte d’attention nous distrait d’une quantité d’impressions qui
n’en continuent pas moins d’exister et d’agir, si bien que les actes d’at-
tention qui suivront trouvent déjà en elles leur raison d’être et leur objet.
Le champ des petites perceptions est encore plus étendu qu’il ne semble.
Notre pensée présente n’est pas seulement composée des pensées qui
vont venir : toutes les pensées et toutes les impressions passées laissent
en nous leur trace, sous forme de souvenirs conscients ou de réminis-
cences indistinctes.
Ces petites perceptions, lorsqu’on y fait attention de nouveau, rede-
viennent claires, et alors nous nous souvenons  ; elles obéissent à des
« retours périodiques », diminuant par degrés insensibles pour croître
de même.
La conscience 11

Autrui comme médiateur entre moi et moi-même


■ J.-P. SARTRE (1905-1980)
« La honte est par nature reconnaissance. Je reconnais que je suis comme
autrui me voit. » (L’Être et le Néant)
Sartre met en évidence dans l’exemple de la honte le fait que la présence
d’autrui n’entraîne pas une simple révélation de ce que je suis ; mais est
constitutive de mon être. Autrui fait de moi un être nouveau, un être
« vulgaire » par exemple, que je n’étais pas et dont je ne pouvais pas avoir
conscience avant la révélation d’autrui. C’est par la présence d’autrui, et
surtout par l’intermédiaire du regard qu’autrui porte sur mon action que
le moi se dédouble en un moi qui est observé et un moi qui observe. C’est
par le jugement qu’autrui porte sur moi que je me découvre honteux. Je
suis tel qu’autrui me voit ; il me fait être tel qu’il me juge.
C’est sur le fond de relation d’intersubjectivité que je me découvre tel
que je suis. Autrui menace donc ma qualité de sujet libre, c’est-à-dire ce
que je suis réellement et essentiellement, en tant que médiateur entre
moi et moi-même. Toute rencontre avec autrui peut ainsi être comprise
en termes de heurt, voire d’affrontement de libertés, du moins si l’on
soutient que mon immanence est une création de la transcendance
d’autrui.
Autrui est bien un alter ego ; mais il est aussi en tant que sujet percevant
celui fait de moi un objet jugé plus que jugeant. Je suis objectivé par le
regard d’autrui.

La conscience morale
■ E. KANT (1724-1804)
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que
dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin
et jamais simplement comme un moyen. » (Fondements de la métaphysique
des mœurs)
La conscience est aussi liée aux concepts de devoir, volonté et liberté,
dans la mesure où c’est le savoir qui m’impose des obligations morales.
Il est exact qu’une loi morale est indispensable pour ce groupe naturel
immense que constitue aujourd’hui l’humanité entière ; mais la plupart
des hommes libres au XXe siècle refusent « d’obéir absolument », parce
qu’ils ont constaté que cela revient beaucoup trop souvent en fait à obéir
« parce que ce sont les ordres », ou parce que cela se fait, c’est-à-dire par
12 LE SUJET

habitude sociale, par imprégnation idéologique, ou même par instinct.


L’impératif catégorique est sans condition, par opposition à l’impé-
ratif hypothétique lequel suppose toujours une condition ; par exemple
« ne vole pas si tu ne veux pas aller en prison ».
La morale kantienne s’énonce sous la forme : « Tu dois donc tu peux. »
Il s’agit bien d’un impératif catégorique, c’est-à-dire qui s’impose abso-
lument, a priori, d’après les seuls concepts de « la loi pure pratique ».
La source du devoir, c’est la loi morale elle-même ; et il ne peut pas y
en avoir d’autre. Or, E. Kant le répète constamment ; il s’ensuit que la
règle morale absolue, qui contient en elle-même la nécessité exprimée
par « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en
même temps qu’elle devienne une loi universelle » est l’impératif caté-
gorique.

ղ Les repères
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Objectif : désigne ce qui est admis par tous, à l’exclusion de tout juge-
ment de valeur et de toute déformation dus à des sympathies ou anti-
pathies personnelles.
Subjectif : désigne ce qui est propre au sujet. Par opposition à objectif, se
dit de ce qui se passe dans l’intérieur de l’esprit.
ä Exemple de sujet : la connaissance de soi peut-elle être objective ?

Ͱ ZOOM SUR UN AUTEUR


RENÉ DESCARTES Né en 1596 en Touraine et mort en 1650. Ses prin-
cipaux ouvrages sont Le Discours de la méthode et Les Méditations méta-
QIZTJRVFT. Il est à l’origine du « Je pense donc je suis » [cogito, ergo sum].
La conscience 13

ղ Un peu de méthode
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Il n’existe pas de problème en soi, il n’y a de problème qu’à partir du
moment où une formulation explicite des difficultés a été donnée.
Problématiser, c’est repérer les configurations conceptuelles diverses,
voire opposées, qui sous-tendent la question posée par le sujet.
Le problème, pas plus que la question ou, plutôt, le questionnement,
n’est donné dans l’énoncé.
Le problème que la dissertation aborde correspond à une difficulté
de nature théorique pour laquelle est recherchée une résolution.
ä Penser, c’est penser les différences.

Problématiques et sujets liés à la conscience


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savoir

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Qu’y a-t-il à reprocher à la bonne conscience ?
La conscience de soi doit-elle quelque chose à la présence d’autrui ?
Peut-on être conscient de soi sans la présence d’autrui ?
Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?
Est-ce dans la solitude que l’on prend conscience de soi ?
Être conscient de soi, est-ce être maître de soi ?
Pourquoi chercher à se connaître soi-même ?

Citation à retenir
« Conscience signifie d’abord mémoire. »
H. Bergson, L’Énergie spirituelle
ä Réponse : Il faut distinguer la connaissance de soi de la conscience de soi. L’opinion
commune, d’un point de vue subjectif, a tendance à penser que je suis le mieux placé pour
savoir ce que je suis. Mais cette opinion commune confond sans doute conscience de soi
et connaissance de soi. Il faut distinguer la conscience philosophique de soi, c’est-à-dire la
conscience que je suis ce que j’ai conscience d’être de la conscience spontané de soi, selon
laquelle je ne suis pas ce que j’ai conscience d’être.
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ä Réponse : Puis-je me prendre pour objet de connaissance, et parvenir à me connaître
comme je connaîtrai la composition de l’eau sous la forme de la molécule H2O ? Si je peux
m’illusionner sincèrement sur ce que je suis, et si aussi bien mon meilleur ami que mon
pis ennemi sont dans l’impossibilité de me définir objectivement en tant qu’être, c’est
peut-être parce que le moi est indéfinissable, comme le faisait remarquer Pascal. On peut
se poser la question de la connaissance de soi en posant le problème de l’introspection,
et en se demandant si autrui n’est pas mieux placé que moi pour me connaître, dans la
mesure où ma subjectivité nuirait à l’objectivité de ma propre connaissance de moi-même.
Mais inversement, autrui dans son objectivité peut-il réellement me connaître en tant que
conscience, c’est-à-dire en tant que subjectivité ?
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Exercices Ѣ
LE SUJET 14
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