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L’alternance codique arabe dialectal/français dans des

conversations bilingues de locuteurs algériens


immigrés/non-immigrés
Mohammed Zakaria Ali-Bencherif

To cite this version:


Mohammed Zakaria Ali-Bencherif. L’alternance codique arabe dialectal/français dans des conversa-
tions bilingues de locuteurs algériens immigrés/non-immigrés. Linguistique. Université Abou Bakr
BELKAÏD de Tlemcen (Algérie)., 2009. Français. �NNT : �. �tel-00496990�

HAL Id: tel-00496990


https://theses.hal.science/tel-00496990
Submitted on 2 Jul 2010

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abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
République algérienne démocratique et populaire
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique

UNIVERSITE ABOU-BAKR BELKAÏD - TLEMCEN

Faculté des Lettres des Sciences Humaines et des Sciences Sociales

Ecole doctorale de français


Pôle ouest
Antenne de Tlemcen

Thème

L’alternance codique arabe dialectal/français dans des


conversations bilingues de locuteurs algériens
immigrés/non-immigrés

Thèse de doctorat de sciences du langage


(Option : sociolinguistique)

Présentée par :
Mohammed Zakaria ALI-BENCHERIF

Sous la co-direction de :
M. Boumediène BENMOUSSAT (Professeur Université ABOU-BAKR BELKAÏD - TLEMCEN)
Mme. Jacqueline BILLIEZ (Professeur Université STENDHAL - GRENOBLE 3)

Membres du jury :
M. Hadj MILIANI (Pr. Université ABDEL-HAMID IBN BADIS - MOSTAGANEM)…..…..Président
M. Boumediène BENMOUSSAT (Pr. Université ABOU-BAKR BELKAÏD - TLEMCEN)…Co-rapporteur
Mme. Jacqueline BILLIEZ (Pr. Université STENDHAL - GRENOBLE 3).……………....Co-rapporteur
M. Philippe BLANCHET (Pr. Université de RENNES 2)………..……..……………......Examinateur
Mme. Latifa KADI (MC. Université BADJI MOKHTAR - ANNABA)….………………..Examinatrice
M. Mohammed HADJADJ AOUL (MC. Université ABOU-BAKR BELKAÏD - TLEMCEN).Examinateur

Année universitaire 2008/2009


REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma reconnaissance et ma gratitude à toutes les personnes qui


m’ont apporté une aide pour la réalisation de ce travail de recherche. Principalement :

Mes co-directeurs : Madame Jacqueline Billiez et Monsieur Boumediène


Benmoussat, qui ont guidé et suivi ce travail de près, sans jamais douter de son
aboutissement.

Les membres du jury qui ont accepté de lire et d’évaluer mon travail et de participer
à cette soutenance.

Ma mère, mes frères et mes sœurs qui ont toujours été à mes côtés.

Mes collègues et amis.

Je ne peux conclure sans remercier chaleureusement les participants aux différentes


enquêtes, je remercie plus particulièrement les trois locutrices qui ont accepté de
collaborer, sans qui ce travail n’aurait pas abouti.

Merci à tout le personnel de la bibliothèque de l’UFR des sciences du langage ainsi


qu’à la responsable du Laboratoire LIDILEM de l’Université Stendhal Grenoble 3,
Jacqueline Billiez, qui nous ont toujours réservé un accueil professionnel et chaleureux.
DEDICACES

A la mémoire de mon père.

A ma mère.
Table des matières

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION………..…………………....……………………………………… 8

PREMIERE PARTIE

CADRAGE GENERAL ET ETUDE PRELIMINAIRE DE LA CONSCIENCE


LINGUISTIQUE DES IMMIGRES/NON-IMMIGRES
12

CHAPITRE 1
CADRE GENERAL DE L’ETUDE....................................................................................... 13

1. La problématique..................................................................................................... 13
1 – 1. Genèse du travail………………………………………………………….......... 13
1 – 2. Délimitation de l’objet de la recherche.......……………………………………. 14
1 – 3. Objectifs……………………………………………………………………....... 16
1 – 4. Questions de recherche……………………………………………………….... 17
1 – 5. Hypothèses.......………………………………………………………………… 19
2. Méthodologie.........………………………………………………………………. 21
2 – 1. L’approche ‘‘micro’’ : l’observation d’un corpus d’échanges langagiers entre
trois locutrices.................................................................................................... 21
2 – 1 – 1. Les participantes aux conversations : biographie et profils langagiers......... 23
2 – 1 – 2. Les caractéristiques du corpus..……………………………………………. 26
2 – 1 – 3. La transcription du corpus ...................…………………………………….. 29
2 – 2. Les enquêtés sur les représentations et les attitudes face au parler bilingue, aux
alternances codiques et aux façons de parler des immigrés/non-immigrés....... 32
2 – 2 – 1. Les entretiens semi-directifs...…….……………………………………….. 33
2 – 2 – 2. Le questionnaire : l’enquête ‘‘macro’’.…….………………......................... 35
2 – 2 – 3. Le questionnaire type……...………………..……………………………… 37
2 – 2 – 4. l’échantillon de l’enquête par questionnaire.................................................. 39
3. Cadrages théoriques.......……………………………..………………………….. 41
3 – 1. La sociolinguistique entre la diversité des approches et des situations............... 41
3 – 2. Contact des langues et bilinguisme......………………………........…….…...... 43
3 – 3. Parler bilingue, locuteurs bilingues, plurilinguismes...............………….…….. 44
3 – 4. La notion d’alternance codique…......……………………………….........…... 45
3 – 4 – 1. L’alternance codique : les différentes approches……………………...….. 46
3 – 4 – 2. Les types d’alternances codiques…………………………………….…..... 49
3 – 4 – 3. La typologie de POPLACK............................................................................... 49
3 – 4 – 4. La typologie de GUMPERZ.............................................................................. 50
3 – 4 – 5. La typologie de DABENE & BILLIEZ............................................................... 51
3 – 5. D’autres orientations de recherche....................................................................... 53
3 – 6. Attitudes, représentations et conscience linguistique........................................... 55

1
Table des matières

CHAPITRE 2
ATTITUDES, REPRESENTATIONS ET CONSCIENCE LINGUISTIQUE DES IMMIGRES
NON-IMMIGRES ENVERS L’ARABE DIALECTAL, LE FRANÇAIS ET LES ALTERNANCES
CODIQUES....................................................................................................................... 58

1. Les langues en France et en Algérie…………………….......…………………. 58


1 – 1. Bref aperçu sociohistorique des langues en Algérie……............……………… 59
1 – 2. Des décisions et des politiques : clivages, altérité et concurrence……............. 61
1 – 3. Les immigrés algériens et leur(s) langue(s).............………………………....... 63
1 – 4. Les origines de l’immigration des Algériens en France.............………………. 64
1 – 5. L’intérêt scientifique porté aux langes des immigrés et à la culture
d’origine…………………………………………………………………….. 65
1 – 6. Entre-deux pays et plusieurs langues : biculturalisme, identités et altérité ?...... 68
1 – 7. Le phénomène urbain : des jeunes et des langues……………………............... 71
2. Attitudes et représentations envers les deux langues et l’alternance codique. 72
2 – 1. Biographie langagière des enquêtés et les usages déclarés des langues en
présence et l’alternance codique........................................................................ 73
2 – 1 – 1. Les variables sociologiques................………………………......………… 73
2 – 1 – 2. Usages et maîtrise déclarés de l’arabe dialectal et du français par les
immigrés et les non-immigrés................................................................... 76
2 – 1 – 3. Lieux d’apprentissage (d’acquisition) du français......………………...….... 79
2 – 1 – 4. Fréquence de l’emploi de l’arabe dialectal et du français……………….…. 82
2 – 1 – 5. Usage déclaré du français : une langue du quotidien ?.................................. 85
2 – 1 – 6. Auto-évaluation et évaluation des compétences en français et en arabe
dialectal..................................................................................................... 91
2 – 1 – 7. Le représentations du français : une langue valorisée par les non-immigrés
et les immigrés ; une langue emblématique pour les immigrés...................... 95
2 – 1 – 8. Mélange arabe dialectal/français : une réalité linguistique reconnue
nécessaire............................................................................................... 97
2 – 1 – 9. Choix, mélange et préférence des deux langues………………………...... 98
3. Représentations, attitudes des trois locutrices (les non-immigrées et
l’immigrée) envers le français et l’arabe dialectal : la reconnaissance d’un
bilinguisme de fait......................................................................................... 105

DEUXIEME PARTIE

LE PARLER BILINGUE : CHOIX DE LANGUES ET ALTERNANCES CODIQUES


ARABE DIALECTAL/FRANÇAIS
110

CHAPITRE 1
DEVELOPPEMENT ET APPROPRIATION DU PARLER BILINGUE EN
INTERACTION................................................................................................................. 111

1. Interactions, acquisition et développement des répertoires verbaux...............


111
1 – 1. Interactions et acquisition en milieu naturel : les grands tournants………....... 112

2
Table des matières

1 – 1. L’acquisition d’une langue : du behaviorisme à l’interactionnisme………........ 114


1 – 1 – 2. Interactionnisme et acquisition en milieu naturel………………………… 115
2. La communication exolingue…........……………………………………………. 117
3. Situation exolingue/bilingue et contextes d’acquisition…....…………………. 118
4. Le développement des répertoires verbaux en communication exolingue..… 121
5. Contacts immigrés/non-immigrés : interactions et acquisition…...………….. 123
6. De l’asymétrie à l’intercompréhension…............………………………………….. 127
6 – 1. La catégorisation immigré/non-immigré et la reconnaissance de
l’asymétrie………………………………………...……………................ 130
6 – 2. La catégorisation et la thèmatisation des différences langagières………........... 131
6 – 3. Les marques transcodiques et la construction du sens…..............…………….. 137
6 – 4. Du malentendu à l’achèvement interactif : une construction sociale du sens...... 139
7. Processus du développement du répertoire : de la communication
exolingue vers le parler bilingue ?...................................................................... 140
7 – 1. Reformulations, négociations et complétude interactionnelle…..............……... 144
7 – 2. Le potentiel acquisitionnel dans la conversation exolingue entre l’immigrée et
ses partenaires.................................................................................................... 145
7 – 3. De l’exolingue et/ou de l’interculturel dans les conversations entre la locutrice
immigrée et ses partenaires non-immigrées : thèmatisation et mise en
discours.............................................................................................................. 147
7 – 4. Influences réciproques et mobilisation des répertoires verbaux en
interaction…………………………...............…………………................. 156
7 – 5. Le contrat didactique : une volonté affichée d’apprendre de la part des
interactantes non-immigrées et l’immigrée.................................................... 157
8. La mise en discours des différences et/ou des insuffisances
linguistiques……………………..............................................................…...... 159
8 – 1. Commentaires métalinguistiques et perception des différences linguistiques
chez Amaria et Linda.......…………………………………………………..... 160
8 – 2. La recherche du mot juste en L2 : Amaria sollicite Farida….......…………...... 164
8 – 3. Un procédé de clarification réclamé par Farida.................................................. 165
8 – 4. La structuration des énoncés bilingues................................................................ 166
8 – 5. Chez Linda : un cas d’interférence par analogie................................................ 167

CHAPITRE 2
COMMUNICATION BILINGUE/EXOLINGUE : CHOIX ET ALTERNANCE DES LANGUES 170

1. Les théories du choix des langues…………………………………………......... 171


1 – 1.Les dimensions sociales : FISHMAN, BLOM & GUMPERZ……………........ 171
1 – 2. Les dimensions socio-psychologiques : la théorie de l’accommodation. 172
1 – 3. La théorie de la marque « Markedness theory »…………………...…... 173
2. Choix de langues dans les interactions entre les trois locutrices
immigrée/non-immigrées : approche quantitative…........................................ 174
3. Calcul et analyse de la fréquence des unités (par langue et par locuteur)
pour l’étude du choix et des alternances codiques dans les conversations…. 176
3 – 1. Les normes de comptage des unités pour le français……...………....... 177

3
Table des matières

3 – 2. Les normes de comptage des unités pour l’arabe dialectal……............. 177


4. Le poids des langues dans les échanges entre les trois locutrices..................... 181
4 – 1. Le français prépondérant dans l’ensemble des conversations………………...... 182
4 – 2. La première conversation (C.1) : domination du français et convergences par
les tours de parole mixtes………………………………………….........…….. 183
4 – 3. La deuxième conversation (C.2) : divergence des répertoire et adaptation
mutuelle entre Farida et Amaria…....................................................................... 190
4 – 4. La troisième conversation (C.3) : asymétrie croisée et convergence de la
communication entre les trois locutrices.........…......………………………. 195
4 – 5. La quatrième conversation (C.4) : un degré de bilinguisme proportionnel….... 201
4 – 6. La cinquième conversation (C.5) : vers une compétence bilingue croisée ?...... 207
4 – 7. Remarques synthétiques sur les cinq conversations……………………….…... 213
4 – 8. Les répertoires verbaux des trois locutrices : quelles spécificités ?.................... 219
4 – 8 – 1. Farida : fréquence du français et convergence par des ours de parole
mixtes............................................................................................................................. 220
4 – 8 – 2. Amaria : l’adaptation par le choix de langues et l’alternance codique........ 222
4 – 8 – 3. Linda : la convergence par l’arabe dialectal et par les mixtes...................... 223
5. Caractéristiques linguistiques des cinq conversations…...............……………. 225
6. Choix et alternances de langues marqués/non marqués………………………. 226
7. Le choix de l’arabe dialectal dans les interactions immigrée/non-immigrées 232
8. Le français : langue dominante dans les interactions entre immigrée/non-
immigrées…………………...…………………………………………………..... 235

TROISIEME PARTIE

FONCTIONS ET ROLES DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS LES


CONVERSATIONS ENTRE LES LOCUTRICES IMMIGREE/NON-IMMIGREES 238

CHAPITRE 1
LES MODES DE FONCTIONNEMENT DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS LES
ECHANGES BILINGUES DES LOCUTRICES IMMIGEE/NON-IMMIGREES.......................... 239

1. Inventaire des types d’alternances codiques dans les interactions à partir du


modèle de DABENE et BILLIEZ (1988)…......………………………………….. 240
2. Modes d’insertion des alternances codiques……………………………………...... 241
2 – 1. L’alternance codique inter-intervention : changement de langue et/ou
adaptation du discours……………........…………………………………….. 243
2 – 2. L’alternance codique intra-intervention : une complexité d’agencement des
éléments des deux langues………….………………………………………. 245
2 – 2 – 1. L’alternance inter-acte……………....……………………………... 247
2 – 2 – 2. L’alternance intra-acte…………....……………………………....... 247
a. L’alternance codique segmentale...……………………………………... 248
b. L’alternance codique unitaire…….......…………………………………. 251
(i). Insert :………………………………………………………………….. 251
(ii). Incise :…………………………………………………………………. 254
3. Emprunts et/ou alternances codiques ?................................................................ 262

4
Table des matières

3 – 1. Manifestations de l’emprunt : comment et pourquoi ?........................................ 264


3 – 2. Emprunts au français intégrés à l’arabe dialectal ......………………………….. 268
4 – Les fonctions conversationnelles de l’alternance codique…………............... 279
4 – 1. Fonction identitaire et emblématique : choix et alternances codiques dans les
séquences d’ouverture…......………………………………………………….. 279
4 – 2. Fonction polyphonique : paroles rapportées..............…………………………. 283
4 – 3. La fonction interjective…......………………………………………………….. 291
4 – 4. La réitération…........…………………………………………………………… 291
4 – 5. La modalisation d’un message........……………………………………………. 292
4 – 6. Personnalisation vs objectivation du message.......…………………………….. 293
4 – 7. Le marquage de l’appartenance : discours en ‘‘nous’’, ‘‘on’’ et ‘‘eux’’……..... 294

CHAPITRE 2
LE ROLE DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS L’ORGANISATION DE LA PAROLE EN
INTERACTION................................................................................................................. 303

1. Quelques préalables théoriques…….........…………………………………....... 305


2. La cogestion des choix et des alternances codiques en interaction…........…... 307
3. Asymétrie croisée et co-coordination des activités langagières........................ 308
4. Alternances codiques et alternances des tours de parole : quelle
309
dynamique ?...........................................................................................................
4 – 1. Le degré de participation : monopolisation de la parole par l’immigrée............ 311
4 – 2. L’organisation de la parole dans les séquences d’ouverture…..............….……. 313
4 – 3. Pratiques interactionnelles bilingues et co-construction des topiques : quelle
gestion et quelle caractéristiques ?.................................................................... 319
4 – 4. Le rapport de palaces : ajustement interactionnel et ralliement langagier..….... 325
4 – 5. Marques d’accord et de désaccord : réparations hétéro-initiées et hétéro-
complétées…….……………...................……………………………….......... 326
5. Reprises et complétude interactive : une solution en faveur des non-
immigrées…………………...........................……………………………………. 330
6. Analyse de la répartition codique des tours de parole par dyades................... 335
7. Enfin un zoom sur les pratiques langagières des trois locutrices.................... 341
7 – 1. Amaria et Farida : convergence codique et régulation des échanges.................. 341
7 – 2. Une convergence des mixtes par Farida............................................................... 345

CONCLUSION……………………………………………………………………....... 348
BIBLIOGRAPHIE…................................…………………………………………….. 352
ANNEXES...................................................................................................................... 375
TRANSCRIPTION DES CONVERSATIONS................................................................... 375
EXTRAITS D’ENTRETIENS.......................................................................................... 436
INDEX DES AUTEURS........................................................................................... 448

5
Liste des tableaux
pages
Tableaux : Première partie : chapitre 1
Tableau 1 Tableau récapitulatif de la biographie des locutrices et leur profil langagier... 25
Tableau 2 Tableau récapitulatif des enregistrements : les participantes et les
thèmes abordés........................................................................................ 27
Tableau 3 Les conventions de transcription............................................................. 30/31
Tableau 4 Système de translittération...................................................................... 32
Tableau 5 Biographie langagière des enquêtés par entretiens semi-directifs.......... 35
Tableau 6 Pourcentages des informateurs par catégorie : immigrés/non-immigrés 40
Tableau 7 Répartition des informateurs (non-immigrés/immigrés) par sexe........... 40
Tableau 8 La typologie proposée par Louise DABENE (1994)................................. 52

Tableaux : Première partie : chapitre 2


Tableau 1 Répartition des enquêtés selon leur profession.................................................. 74
Tableau 2 Répartition des non-actifs selon la qualification et la situation........................ 74
Tableau 3 Lieux d’apprentissage du français..................................................................... 79
Tableau 4 La fréquence de l’emploi de l’arabe dialectal et du français............................. 82
Tableau 5 Le français comme langue de communication.................................................. 85
Tableau 6 La présence du français et l’arabe dialectal dans les conversations................. 87
Tableau 7 L’emploi du français et de l’arabe dialectal dans les conversations.................. 88
Tableau 8 L’autoévaluation de la compétence en français (en arabe dialectal pour les
immigrés)........................................................................................................... 91
Tableau 9 L’évaluation de la compétence des interlocuteurs............................................. 93
Tableau 10 Représentations du français (de l’arabe dialectal pour les immigrés) dans
l’entourage des enquêtés.................................................................................... 95
Tableau 11 Le mélange arabe dialectal/français (en Algérie) et (en France pour les
immigrés)........................................................................................................... 97
Tableau 12 Le mélange arabe dialectal/français (fait individuel)........................................ 99
Tableau 13 La catégorisation du mélange............................................................................ 101
Tableau 14 L’appréciation du mélange arabe dialectal/français.......................................... 103

Tableaux : Deuxième partie : chapitre 2


Tableau 1 Nombre des unités produites en arabe dialectal et en français dans les cinq
conversations..................................................................................................... 182
Tableau 2 Pourcentage des unités produites (en arabe dialectal et en français) par
locutrice dans la conversation 1....................................................................... 183
Tableau 3 Pourcentage des unités produites (en arabe dialectal et en français) par
locutrice dans la conversation 1....................................................................... 183
Tableau 4 Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 1........ 185
Tableau 5 Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble
dans la conversation. 1.................................................................................... 187
Tableau 6 Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 2. 190
Tableau 7 Le nombre des unités produites en arabe dialectal et en français par les
locutrices dans la conversation 2..................................................................... 191
Tableau 8 Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 2........ 193
Tableau 9 Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de
la conversation 2.............................................................................................. 194
Tableau 10 Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 3.... 195
Tableau 11 Le nombre des unités par locutrice en arabe dialectal et en français dans la
conversation 3.................................................................................................. 196
Tableau 12 Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 3........ 198

6
Tableau 13 Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de
la conversation 3.............................................................................................. 200
Tableau 14 Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 4.... 201
Tableau 15 Le nombre des unités par locutrice en arabe dialectal et en français dans la
conversation 4.................................................................................................. 202
Tableau 16 Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 4........ 203
Tableau 17 Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de
la conversation 4.............................................................................................. 206
Tableau 18 Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 5.
Tableau 19 Nombre des unités par locutrice en arabe dialectal et en français dans la
conversation 5.................................................................................................. 209
Tableau 20 Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 5........ 211
Tableau 21 Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de
la conversation 5.............................................................................................. 212
Tableau 22 Tableaux synthétiques des résultats correspondant aux trois indices par
langues............................................................................................................... 216
Tableau 23 Tableaux synthétiques des résultats correspondant aux trois indices par
locutrice............................................................................................................. 218

Tableaux : Troisième partie : chapitre 1


Tableau 1 Structure d’une stratégie langagière dans le choix et l’alternance langagière
(ZONGO, 1996)................................................................................................... 280
Tableau 2 Classification des termes servant à marquer l’appartenance identitaire selon
les catégorisations faites par la locutrice immigrée........................................... 299

Tableaux : Troisième partie : chapitre 2


Tableau 1 Répartitions codiques possibles dans les dyades de la conversation bilingue... 336
Tableau 2 Répartitions codiques relatives aux énoncés produits d’une manière
dyadique............................................................................................................ 338

7
______________________________________________________

INTRODUCTION
Introduction

INTRODUCTION

Plusieurs recherches en sociolinguistique ont tenté de décrire et de comprendre les


pratiques langagières des descendants de l’immigration algérienne nés en France ; des
pratiques langagières qui se caractérisent par l’emploi de la (des) langue(s) du pays natal
ou d’accueil et celle(s) du pays d’origine des parents. Ces recherches se sont intéressées,
non seulement aux pratiques des langues, aux questions identitaires, aux représentations
des langues parlées ou en présence mais aussi à l’ensemble des phénomènes qui découlent
des contacts entre ces langues. Il faut d’emblée souligner que la plupart de ces études ont
porté sur la deuxième et la troisième génération des descendants de migrants. Les enquêtes
sociolinguistiques sur cette population se sont déroulées pour la plupart dans le contexte
social du pays d’accueil ou du pays natal pour certaines, mais elles sont beaucoup moins
nombreuses à avoir porté sur les pays d’origine1.

C’est pour cette raison que nous nous sommes intéressé aux pratiques langagières
des locuteurs issus de l’immigration dans le pays d’origine des parents. A notre
connaissance peu d’études ont été consacrées à ces descendants de l’immigration
algérienne lors de leurs échanges langagiers en Algérie. Or, en miroir, il nous a paru
pertinent et original d’appréhender ces échanges avec des sujets algériens qui, bien que
n’ayant que peu ou jamais quitté l’Algérie, présentent aussi un bi-plurilinguisme de même
composition linguistique. La particularité de cette recherche est qu’elle s’intéresse aux
pratiques langagières des non-immigrés par rapport à celles des immigrés dans le pays de
la culture d’origine des parents, afin d’examiner les ressources linguistiques mobilisées par
les uns et les autres, et leurs impacts sur la communication et la dynamique des pratiques
langagières de part et d’autre.

1
Nous pouvons citer les recherches menées par Sakina BENMOUSSA et Zohra REHIOUI (1981) qui se sont
intéréssées aux échanges verbaux de locutrices immigrées en milieu d’origine et Khaoula TALEB-IBRAHIMI
(1985) auprès de jeunes immigrés algériens en milieu d’origine et en milieu d’accueil.

8
Introduction

Face à un tel bi-plurilinguisme qui suppose l’emploi du français et de l’arabe


dialectal et/ou du berbère2, chez les immigrés d’un côté et chez les non-immigrés de
l’autre, s’intensifie la nécessité de l’emploi du procédé de l’alternance codique en tant que
solution voire en tant que ressource supplémentaire qui s’impose d’elle-même dans
différentes situations de communication. En Algérie comme en France, les pratiques
langagières courantes des locuteurs algériens, immigrés ou non-immigrés, sont
caractérisées par l’emploi alternatif de l’arabe dialectal/berbère et du français.

Le travail de recherche que nous présentons ici vise, en premier lieu, à décrire et à
analyser les pratiques langagières de trois locutrices observées en milieu familial à
Tlemcen, une immigrée en France en vacances d’été et deux autres non-immigrées vivant
depuis toujours à Tlemcen.

En deuxième lieu, il se propose de s’interroger sur le rôle des alternances codiques


qui surviennent dans leurs conversations et d’observer si elles fonctionnent comme
ressources dynamisant l’interaction en tant qu’indice d’une compétence bilingue ou
comme relevant d’une communication exolingue.

Nous voulons également examiner ce qui réunit et ce qui différencie les locutrices
immigrée/non immigrées, à partir de leurs pratiques langagières, pour ainsi pouvoir en
mesurer les écarts. Quels sont alors les éléments qui les caractérisent ? Quelle est la langue
dominante dans leurs conversations ? Est-ce que le recours à l’une ou l’autre langue ou à
l’alternance codique est dû à une maîtrise insuffisante dans l’une des langues ? Ce sont là
les questions qui découlent de la question principale qui a motivé notre recherche à savoir :
dans quelle mesure et comment l’arabe dialectal et le français interviennent-ils dans les
échanges verbaux entre la locutrice immigrée et les deux non-immigrées ?

Au-delà de notre étude, restreinte à une observation ponctuelle, les descendants de


l’immigration nous intéressent car en raison de leur importance sociale et numérique, ils
participent activement à la vie quotidienne algérienne donc à la dynamique des pratiques

2
Pour ce qui est du plurilinguisme arabe dialectal, berbère et français nous nous référons aux travaux de
Rabah KAHLOUCHE (1993) quant aux Algériens en Algérie et à Safia ASSELAH RAHAL (2004) quant aux
immigrés algériens en France.

9
Introduction

langagières en Algérie. Ils sont en effet plus de deux millions à nouer des contacts avec le
pays d’origine de leurs parents, ce qui est important par rapport à l’ensemble de la
population qui vit dans les villes du nord du pays. La mobilité des immigrés entre la France
et l’Algérie, à savoir les allers et retours et les va-et-vient jusqu’à trois fois par an pour
certains, n’est pas sans conséquences sur leurs propres pratiques langagières et celles des
Algériens qui vivent en Algérie.

Notre étude s’inscrit donc dans le cadre plus large des dynamiques langagières à
l’œuvre en Algérie et en France, et à leur intervention.
Deux types d’approches ont à l’origine orienté et nourri notre réflexion : les travaux de la
sociolinguistique nord américaine avec William LABOV (1976), John GUMPERZ (1989),
Shana POPLACK (1988, 1990), MEYERS-SCOTTON (1983, 1986, 1993) et les recherches
européennes sur les populations migrantes, notamment les travaux sociolinguistiques et
didactiques des chercheurs français (DABENE & BILLIEZ, 1984, 1988 ; DEPREZ, 1994, 2000
et CAUBET, 2002, 2004) et suisses (LÜDI & PY, 2003, GROSJEAN, 1982, etc.). Enfin, pour
analyser le corpus de conversations, nous nous appuierons non seulement sur des travaux
de sociolinguistes, mais nous nous référerons aussi à des domaines annexes et connexes,
comme l’analyse conversationnelle, le courant acquisitionniste, inscrivant ainsi notre étude
dans une dimension pluridisciplinaire.

Notre travail est divisé en trois parties réparties en chapitres. La première contient
trois chapitres : dans le premier, nous allons présenter la genèse et les motivations de ce
travail, la problématique, les hypothèses ainsi que les questions de recherche. Ensuite, nous
retracerons les étapes de l’enquête de terrain à savoir la pré-enquête, la description des
caractéristiques du site où se sont déroulés l’observation et les enregistrements. De même
que nous mettrons l’accent sur la biographie langagière des participantes/informatrices
pour une meilleure compréhension des locutrices dans leur rapport aux langues qu’elles
parlent. Nous exposerons quelques notions relatives à la sociolinguistique interactionnelle
qui vont constituer l’arrière plan théorique dans notre analyse. Dans le deuxième chapitre,
nous décrirons les paysages linguistiques en France et en Algérie en nous appuyant sur des
recherches qui ont fait état des politiques linguistiques adoptées dans les deux pays et ce,
dans le but de caractériser les réalités linguistiques (contact des langues en présence) des

10
Introduction

immigrés et des non-immigrés. Cette section débouchera naturellement sur l’étude des
attitudes et des représentations envers l’emploi des langues en présence notamment de
l’alternance codique comme façon de parler valorisée ou stigmatisée et cela à partir d’une
enquête réalisée en Algérie auprès de locuteurs algériens immigrés/non-immigrés.

La deuxième partie est consacrée à étudier le parler bilingue en se focalisant sur le


choix de langue et l’alternance codique dans des conversations enregistrées entre la
locutrice immigrée et ses partenaires non-immigrées. Dans le premier chapitre, nous nous
pencherons sur les notions d’acquisition/appropriation, de communication exolingue/
bilingue afin de comprendre les phénomènes qui leur correspondent dans notre corpus.
Ensuite, nous nous intéresserons au rôle des marques transcodiques dans le développement
et l’appropriation du parler bilingue en interaction voire dans la réduction de l’asymétrie
linguistique entre les participantes. Dans le deuxième chapitre, nous procéderons à une
approche quantitative des ressources mobilisées par les trois locutrices pour analyser le
poids des langues dans les cinq conversations et les choix de langues opérés.

La troisième partie sera consacrée aux fonctions et aux rôles de l’alternance


codique dans les conversations entre la locutrice immigrée et ses partenaires non-
immigrées. Dans le premier, nous dégagerons les types d’alternances codiques auxquels
recourent les différentes interactantes en nous appuyant sur la typologie de Louise DABENE
et Jacqueline BILLIEZ (1988) et analyserons leurs modes de fonctionnement dans les
conversations. Nous nous intéresserons également aux facteurs qui permettent de
distinguer l’emprunt de l’alternance codique notamment la contrainte d’équivalence et la
contrainte du morphème libre (POPLACK, 1988). Dans le deuxième et dernier chapitre, il
sera question d’étudier le rôle des alternances codiques comme ressources pour
l’organisation de la parole en interaction et l’atteinte des buts interactionnels communs.

11
PREMIERE PARTIE
______________________________________________________

CADRAGE GENERAL ET ETUDE PRELIMINAIRE DE LA


CONSCIENCE LINGUISTIQUE DES IMMIGRES/NON-IMMIGRES
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

PREMIERE PARTIE

CADRAGE GENERAL ET ETUDE PRELIMINAIRE DE LA CONSCIENCE LINGUISTIQUE


DES IMMIGRES/NON-IMMIGRES

Cette première partie est divisée en deux chapitres. Dans le premier, nous
présenterons le cadre général de l’étude, les motivations, la problématique, les questions de
recherches ainsi que les outils et la démarche méthodologiques. Nous passerons ensuite en
revue le champ conceptuel dans lequel s’inscrit notre étude en mettant l’accent sur
quelques éléments qui s’avèrent essentiels pour nos analyses. Dans le second chapitre,
nous présenterons un bref aperçu sociohistorique des langues en Algérie et en France en
mettant l’accent sur la place de l’arabe dialectal et du français dans les deux pays. Enfin, la
deuxième section de ce chapitre expose les résultats de l’enquête macrosociolinguistique
afin d’avoir plus d’indications sur l’emploi alterné de l’arabe dialectal et du français par les
immigrés/non-immigrés ainsi que sur les attitudes et représentations envers l’emploi des
deux langues et de l’alternance codique.

12
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

CHAPITRE 1
LE CADRE GENERAL DE L’ETUDE

Cette première partie est consacrée à présenter la genèse des questionnements qui
nous ont conduit à élaborer notre problématique, à fixer nos objectifs et à formuler nos
hypothèses. Puis, nous allons présenter les outils méthodologiques ainsi que les
caractéristiques des échantillons soumis à des questionnaires et à des entretiens
exploratoires. Enfin, nous nous centrons sur les pratiques déclarées des langues et des
alternances codiques afin d’étudier les attitudes, les représentations et la conscience
linguistique dominantes chez les deux populations immigrées/non-immigrées face au
phénomène d’alternance codique ou du parler bilingue.

1. La problématique

1 – 1. Genèse du travail

La présente recherche est née d’une interrogation sur les phénomènes d’alternance
et de mélange de langue, sur ce qui permet, dans des situations de contacts de langues, de
les identifier, de les comprendre et de les différencier.
L’alternance et le mélange de l’arabe dialectal et du français ont attiré notre attention dès la
première recherche que nous avons effectuée dans le cadre du magistère et qui a porté sur
les hispanismes, il y a déjà 9 ans. Notre questionnement sur le mélange de ces langues a
pris forme lors de nos enquêtes3 de terrain effectuées dans différentes villes d’Algérie où
nous avions eu l’occasion d’observer des pratiques langagières diverses. A cette époque,
nous nous étions demandé comment les locuteurs, issus de la deuxième ou troisième
génération de l’immigration qui pouvaient maîtriser peu ou prou l’arabe dialectal,

3
Ces enquêtes de terrain étaient liées aussi bien à notre premier sujet de thèse qu’au projet de recherche
CNEPRU n° U/1301/25/2003 en sociolinguistique auquel nous étions associé de 2003 à 2006.

13
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

arrivaient communiquer dans le pays d’origine des parents avec les non-immigrés qui
présentaient ce type de mélange. Nous avions également formulé le même questionnement
sur les façons de parler des non-immigrés face aux immigrés. C’est à partir de là et, dans le
cadre de l’EDAF (Ecole Doctorale Algéro-Française de Français) de notre rencontre avec
Jacqueline BILLIEZ que l’idée de travailler sur les conversations bilingues entre
immigrés/non-immigrés a été entreprise.

Cette question de l’alternance codique a pris également corps lors de nos rencontres
avec des jeunes issus de l’immigration, où nous avions l’occasion d’employer nous-même
l’arabe dialectal et le français simultanément pour communiquer avec eux. Cette
expérience nous a permis, entre autres, de nous interroger sur cette façon de parler et sur la
manière d’employer l’arabe dialectal à côté du français par les immigrés entre eux et avec
les locuteurs non-immigrés.

1 – 2. Délimitation de l’objet de recherche

Lorsque l’on aborde les questions qui se rapportent au phénomène de contact de


langues et les conséquences qui en résultent selon une perspective sociolinguistique, on se
rend compte des faits qui sont à l’origine de la complexité des pratiques langagières et des
forces sociales qui les sous-tendent.

La plupart des travaux des sociolinguistes, qui concernent le plurilinguisme des


immigrés d’origine algérienne et ceux relatifs aux pratiques langagières des non-immigrés,
les décrivent selon des perspectives diverses en s’appuyant sur la question identitaire en
rapport avec leur intégration, leur insertion et sur les modalités de mobilisation des
ressources langagières qui résultent des contacts des différentes langues en présence et des
politiques linguistiques et éducatives. Outre les travaux qui concernent l’alternance
codique comme un phénomène qui résulte de la coexistence entre deux ou plusieurs
langues, les recherches en sociolinguistique et en didactique ont porté également sur les
migrants établis dans les pays industrialisés. Il s’agit, entre autres, des travaux du
laboratoire de Linguistique et de Didactique des Langues Etrangères et Maternelles

14
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

(LIDILEM), Université Stendhal de Grenoble 3, de Louise DABENE (1981, 1998), Louise


DABENE & Jacqueline BILLIEZ (1984, 1987, 1988), Jacqueline BILLIEZ (1989, 2000, 2002,
2005), Nassira MERABTI (1991, 1992) ; les travaux de Fabienne MELLIANI (1999, 1992),
de Dominique CAUBET (1998, 2001, 2004), Dominique CAUBET & Jacqueline BILLIEZ
(2005), Christine DEPREZ (1999, 1994), Safia ASSELAH-RAHAL (2004), Gilbert
GRANDGUILLAUME (19983, 2002), Aziza BOUCHERIT (1987, 2004), Yasmine KARA-
ATTIKA (2004), Tahar ZABOOT (2001, 2002), Amina BENSALAH (1998.a, 1998.b), Khaoula
TALEB-IBRAHIMI (1994, 1998, 2004).

En ce qui concerne notre recherche, nous allons décrire le fonctionnement des


interactions bilingues entre immigrés/non-immigrés et identifier la nature des alternances
codiques. Nous examinerons comment l’hétérogénéité des répertoires verbaux facilite ou
entrave l’interaction, ce qui nous permettra de montrer et de différencier, dans la
communication, ce qui relève du bilinguisme et ce qui relève de l’exolinguisme, notion
définie habituellement comme une situation de déséquilibre langagier entre un locuteur et
un locuteur (compétent et incompétent), mais que nous serons amené à définir
différemment.

Tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui que de très nombreux locuteurs


algériens « switchent » en alternant deux langues ou plus. En effet, si une grande partie de
la population est plurilingue, cela implique à la fois l’usage des langues en présence selon
les situations de communication (circonstances et réseaux) ou selon le contexte. Ainsi, le
choix que font les uns et les autres du vocabulaire ou des structures syntaxiques
appartenant à ces langues les amène souvent à produire des énoncés bi-plurilingues. Il en
est de même pour les locuteurs issus de l’immigration, qu’ils se trouvent ici en Algérie ou
là-bas en France.

La présence en Algérie des locuteurs issus de l’immigration en France offre une


occasion de situations intéressantes de contact de langues. Etant donné leur mobilité (le va-
et-vient entre les deux pays) et leur caractère minoritaire dans le pays d’origine des
parents, les descendants de l’immigration se voient confrontés à des situations de
communication complexes. Soit parce qu’ils ne maîtrisent pas bien la langue arabe

15
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

dialectale, soit parce que les locuteurs algériens maîtrisent mal le français. Cependant,
même ceux qui maîtrisent ou emploient fréquemment les deux langues (qu’ils soient
immigrés ou non), recourent à l’alternance codique comme stratégie discursive ou pour
structurer leurs échanges verbaux à plusieurs plans. Nous supposons que l’alternance
codique présentera également des spécificités et des divergences intéressantes au plan
synchronique selon que les locuteurs pratiquent ou non fréquemment les deux langues.

Le présent travail est donc consacré, comme son titre l’indique, à l’étude de
l’alternance codique dans des conversations bilingues entre locuteurs algériens non-
immigrés en contact avec des immigrés d’origine algérienne venus en Algérie pour passer
les vacances d’été. Ce que nous entendons par conversation bilingue dans cette optique,
c’est le fait de mobiliser des ressources langagières en énoncés alternés appartenant aux
deux langues, l’arabe dialectal et le français. Le fait d’employer deux langues dans une
conversation implique forcément des locuteurs qui manifestent au moins une compétence
bilingue de réception. Il arrive aussi, dans de telles situations, qu’un des locuteurs se
trouve en situation d’exolinguisme.

Nous souhaitons donc par notre étude montrer que, dans leurs interactions, les
locuteurs algériens immigrés/non-immigrés recourent couramment aux alternances
codiques, mettant en jeu les langues présentes au sein de leurs espaces respectifs. Parmi ces
langues nous nous intéresserons à celles qui sont le plus en usage dans la plupart des villes
du nord du pays et dans les banlieues en France : le français et l’arabe dialectal.

1 – 3. Objectifs

L’objectif principal de notre recherche est de décrire et de comprendre les usages


alternatifs de l’arabe dialectal et du français dans les pratiques langagières des locuteurs
immigrés/non-immigrés et leur impact sur la réactivation et la transformation des
répertoires verbaux lors des conversations. Il s’agit, en effet, de décrire les particularités, le
fonctionnement et la dynamique des répertoires verbaux dans un contexte où les locuteurs
ont tendance à alterner fréquemment les langues en question.

16
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Nous allons donc tenter par une analyse d’un corpus de conversations enregistrées
entre trois locutrices (une immigrée et deux non-immigrées) :

- d’identifier le rôle de chacune des deux langues dans les conversations ;


- de quantifier les énoncés de chacune des deux langues et les récurrences des
alternances codiques dans le but de dégager le poids de chaque langue dans les
échanges de chacun des locuteurs ;
- de différencier entre les alternances codiques qui relèvent de la compétence
bilingue et celles relatives aux inégalités de compétences concernant la langue
seconde des locuteurs, et donc de différencier entre ce qui relève du bilinguisme et
ce qui relève de l’exolinguisme ;
- de montrer la régulation des échanges et les éléments qui rendent la communication
possible malgré les inégalités dues à des manques langagiers dans l’une des deux
langues.

1 – 4. Questions de recherche

L’idée de départ est que les asymétries entre locuteurs immigrés/non-immigrés se


manifestent de part et d’autre, selon les interlocuteurs et leurs attitudes, les thèmes évoqués
et la maîtrise voire l’emploi de la langue. A ce propos, les différences dans les répertoires
verbaux font que les façons de parler obéissent à des spécificités qui les rendent
comparables. C’est également dans cette perspective là que nous étudierons les pratiques
déclarées des langues en présence. Les façons dont les sujets parlent d’eux-mêmes et des
autres quant à la maîtrise des deux langues et leur mélange4 pour donner des pistes quant à
l’analyse des conversations et l’interprétation des faits de langue.

Autour de ces idées, plusieurs questions ont été soulevées :


- Quelles représentations les locuteurs immigrés/non-immigrés se font-ils de
l’emploi de l’arabe dialectal et du français dans leurs pratiques langagières ?

4
L’on peut parler de « mélange » lorsque les locuteurs parlent des alternances codiques.

17
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

- Est-ce qu’il y a dans les échanges entre locuteurs immigrés/non-immigrés ce


qui relève du bilinguisme et ce qui relève de l’exolinguisme, et quels sont les
éléments qui le montrent ?
- Dans quelle(s) langue(s) les locuteurs immigrés/non-immigrés sont le plus à
l’aise ?
- L’alternance codique est-elle due à l’incompétence dans une des deux langues
ou est-elle le résultat d’une compétence bilingue ?
- Est-ce que l’alternance codique aide à la réactivation des répertoires verbaux
lorsque l’une des deux langues n’est pas souvent pratiquée (ou désactivée) par
l’un des locuteurs ?
- Dans quelle mesure l’alternance codique peut être un modèle
d’homogénéisation des pratiques langagières entre locuteurs n’ayant pas la
même compétence bilingue ?
- N’y a t – il pas une certaine connivence de la part des locuteurs non-immigrés
quant au choix de (la) langue(s) lors des conversations ?
- Quels types d’alternance codique trouve-t-on chez les uns et les autres ?
- Quelles sont les fonctions des alternances codiques dans les conversations
bilingues entre locuteurs immigrés/non-immigrés ?
- Chez quels locuteurs les alternances codiques sont-elles les plus fréquentes ?
- Quel est le poids de chacune des deux langues dans les conversations des uns et
des autres ?
- Est-ce que l’exploitation et la négociation des ressources disponibles conduisent
à l’organisation de la parole en interaction ?

Afin de répondre à ces questions de recherche, nous avons recueilli un corpus de


cinq conversations familiales entre trois locutrices immigrée/non-immigrées, comme nous
l’avons déjà dit, il s’agit d’une approche microsociolinguistique.

Nous avons également réalisé une enquête sociolinguistique de type ‘‘macro’’ par
questionnaire écrit auprès d’un échantillon (immigrés et non-immigrés) pour tenter
d’étudier les rapports et les différences entre les pratiques langagières et les représentations

18
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

que se font les uns et les autres des langues et des alternances de ces langues et les façons
de parler des immigrés et des non-immigrés.

Ceci sera appuyé par des entretiens semi-directifs qui concernent un groupe de dix
interviewés (descendants de l’immigration, immigrés et non-immigrés) ainsi que les trois
participantes aux conversations soumises à l’analyse pour compléter la démarche
microsociolinguistique. Ainsi, le retour sur les façons de parler par les locuteurs nous
permettra de comprendre certaines caractéristiques du corpus étudié.

1 – 5. Hypothèses de travail

Pour mener à bien notre travail et aboutir à une meilleure compréhension de l’objet
de cette recherche nous avons formulé les hypothèses de travail suivantes :

1. Les locuteurs algériens (qu’ils soient immigrés ou non-immigrés) étant souvent en


situation de bilinguisme et conscients de cet état de fait, valorisent l’alternance
codique et la considèrent comme une pratique courante et nécessaire dans leurs
pratiques langagières. Toutefois il se peut que dans le contexte français, le poids de
l’idéal monolingue imprime une certaine stigmatisation de ces formes
‘‘mélangées’’. Cette hypothèse sera vérifiée à travers l’enquête sociolinguistique de
type ‘‘macro’’.

2. En Algérie, les immigrés et les non-immigrés se voient confrontés à des


comportements langagiers différenciés face à l’alternance codique. Cela nous a
amené à supposer qu’il existe des asymétries de manière croisée entre locuteurs
immigrés/non-immigrés du fait que la première langue des uns est considérée
comme une langue seconde pour les autres et dont la maîtrise dépend de plusieurs
facteurs : les représentation et les attitudes, la fréquence de l’usage de l’arabe
dialectal et du français. Nous pensons donc découvrir des indices langagiers dans
les interactions entre les locutrices non-immigrées et leur partenaire immigrée, qui

19
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

montrent qu’il s’agit d’alternances compensatoires et des alternances codiques de


compétences selon leur degré de bilinguisme.

3. Ce à quoi nous portons un intérêt particulier, c’est en effet la mobilisation des


répertoires verbaux hétérogènes qui renseignent sur la compétence langagière des
locuteurs, notamment les alternances codiques de compétence et les alternances
codiques d’incompétence qui nous permettent de distinguer la communication
bilingue de la communication exolingue. En nous interrogeant sur ces deux cas de
figure, nous supposons qu’il existe des possibilités d’intercompréhension dans
l’échange verbal entre la locutrice immigrée et ses partenaires non-immigrées
même si l’une des deux langues n’est pas bien maîtrisée par une des deux
catégories. Ainsi, les écarts se réduisent par la mobilisation des ressources
langagières qui se complètent et qui rendent les interactions verbales possibles. De
même que cela contribue au développement du processus d’acquisition voire de
construction du répertoire et à l’activation des éléments désactivés.

4. Enfin, nous supposons malgré la prépondérance attendue du français dans la


conversation bilingue entre immigrée/non-immigrées que les choix de langues et
les alternances codiques assurent une adaptation mutuelle et ce, à travers les
différentes fonctions qu’elles remplissent.

20
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2. Méthodologie

La démarche méthodologique qui va être amorcée va permettre de décrire les deux


types d’approches dites ‘‘micro’’ et ‘‘macro’’ et d’inscrire le travail dans une perspective
sociolinguistique exploratoire.

Le moins que l’on attende d’une enquête sociolinguistique est qu’elle conduise à
concrétiser certains faits sous-jacents ayant un rapport avec les pratiques langagières
réelles selon le contexte et la situation. De même que l’enquête de terrain permet de mettre
en évidence les attitudes et les représentations et leur rapport avec l’usage réel de la (les)
langue(s), ce qui est nécessaire pour mesurer la distance entre pratiques langagières et
représentations.

Nous baserons notre recherche sur l’articulation entre les deux approches classiques
dites micro et macro (BLANCHET, 2000) qui représentent une démarche devenue courante
chez les chercheurs « de la deuxième génération » en sociolinguistique, notamment, pour
étudier le bilinguisme en milieu familial, souvent observé de l’extérieur (DEPREZ, 2000 :
60).

2 – 1. L’approche ‘‘ micro’’ : l’observation d’un corpus d’échanges langagiers entre


trois locutrices

Notre étude principale, au cœur de cette thèse, se base, comme nous l’avons déjà
annoncé, sur des conversations enregistrées au sein du milieu familial entre une locutrice
immigrée et ses deux partenaires non-immigrées ; corpus par lequel nous tenterons de
décrire et de comprendre les caractéristiques des échanges verbaux compte tenu de la
situation globale, celle d’une communauté mixte qui se compose de locuteurs
immigrés/non-immigrés.

21
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Contrairement aux études qui ne donnent une importance qu’aux aspects


quantitatifs5, la nôtre est aussi de nature qualitative (MUCCHIELLI, 2004 : 212-214). Elle
s’appuie sur l’analyse des échanges réels entre trois membres d’une famille qui conversent
dans la maison de la belle famille.

Le corpus6 que nous avons finalement retenu pour notre étude est composé de cinq
conversations d’une durée totale de deux heures onze minutes (2h 11’’ 48’’), il s’agit de
conversations entre trois jeunes adultes de sexe féminin, âgées de 28 à 33 ans.

En ce qui concerne le matériel d’enregistrement, nous avons utilisé un


magnétophone ‘‘Sanyo’’ TRC-575M avec système à commande vocale pour
l’enregistrement. Les données recueillies ont été numérisées à l’aide du logiciel
‘‘Audacity’’ et enregistrées sous forme de fichier wav.
Les enregistrements se sont déroulés au sein d’une maison familiale où vit un père de
famille, sa femme et ses quatre enfants (célibataires et mariés) dont deux vivent en France.
Deux garçons sont respectivement mariés à des immigrées issues de la deuxième
génération. Seule une des deux épouses, la plus jeune, est retenue dans le corpus car l’autre
appartient à une autre génération. La présence au sein de la famille de cette jeune femme
issue de l’immigration a constitué pour nous l’occasion de réaliser des enregistrements en
conformité avec nos objectifs.

Le choix de les enregistrer au sein de la maison familiale est motivé par des raisons
pratiques et méthodologiques étant donné que la famille est devenue un terrain
d’investigation privilégié pour étudier les pratiques bilingues (DEPREZ, 1999, 2000).
Le nombre des participantes et le site où se sont déroulées les conversations étaient des
conditions favorables pour disposer d’un enregistrement de qualité.

Malgré quelques difficultés pratiques, posées au départ, nous avons réussi à


enregistrer une conversation à micro caché avec l’aide de notre complice Amaria7 et quatre

5
Cf. Sophie ALAMI et al., (2009) sur le rôle majeur des méthodes qualitatives par rapport à celles uniquement
quantitatives.
6
Nous avons enregistré d’autres conversations auprès de plusieurs groupes de locuteurs mixtes immigrés
non-immigrés hommes et femmes, mais en raison de la mauvaise qualité des enregistrements nous
n’exploiterons que quelques données pour apporter plus d’éclairage aux zones d’ombre.

22
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

autres avec l’accord des participantes8. Au départ notre complice non-immigrée a introduit
le magnétophone dans sa chambre et a appelé ses partenaires sous prétexte de passer un
moment ensemble, après avoir tout préparé. Cette première tentative était réussie malgré
son caractère expérimental. A la suite de cette première expérience nous avons essayé de
convaincre nos locutrices et obtenir leur accord pour les enregistrer en leur expliquant
l’objet et la finalité de notre étude ; il a fallu également trouver le moyen pour éviter de
stopper l’enregistrement et de faire oublier le magnétophone.

Nous avons été tout au long des enregistrements en retrait comme observateur9 ; ce
qui nous a aidé à avoir davantage d’informations sur la procédure de l’enquête et son
déroulement. Les conditions d’enregistrement des différentes rencontres et les thèmes
abordés ont favorisé une certaine spontanéité chez nos enquêtrices. Au début de
l’enregistrement de la deuxième conversation, à un moment donné, la présence du
magnétophone a plus ou moins limité la participation aux échanges. Nous reviendrons en
fin de parcours sur certains faits susceptibles d’avoir infléchi dans un sens ou un autre les
interactions et les choix de langues.

2 – 1 – 1. Les participantes aux conversations : biographie et profils langagiers

Nous avons réalisé auprès des trois enquêtées des entretiens afin de présenter la
biographie de chacune des locutrices et de dégager leur profil langagier compte tenu de

7
Amaria est une personne de notre propre famille qui vit dans la maison de la belle-famille.
8
Nous avons enregistré les quatre conversations suite à un accord avec nos informatrices à qui nous avons
expliqué le principe de l’enregistrement et sa finalité dans notre recherche. Mais il faut dire que nous avons
réellement enregistré ces conversations qu’après plusieurs tentatives, c'est-à-dire après avoir ressenti que les
trois jeunes femmes se sont familiarisées avec le magnétophone.
9
Afin d’éviter ce que William LABOV appelle « le paradoxe de l’observateur », nous n’avons pas participé
directement aux conversations. Mais notre présence parmi les locutrices et la confiance que nous avons pu
installer avant, pendant et après les enregistrements (surtout lors des entretiens) constituent pour nous à la
fois une « observation participante et une participation observante » (LAMBERT, 2005). Par ailleurs, Philippe
BLANCHET (2000 : 90-91) souligne « … la nécessité d’une implication consciente du sujet chercheur » ; à son
tour Monica HELLER (2002 : 10) ajoute que « […] le positionnement du/de la chercheur(e) fasse partie de la
réflexion. La recherche doit donc comprendre sa propre action et son propre positionnement vis-à-vis de la
question posée et des gens concernés, c’est-à-dire qu’elle doit adopter un point de vue critique face à elle-
même. ».

23
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

leurs déclarations10. Ainsi, l’écart entre l’usage et/ou la maîtrise déclarés des langues sera
pris en compte pour mieux saisir le fonctionnement et les caractéristiques de leurs
conversations bilingues. La nécessité de prendre en compte les données « psycho-socio-
biographiques » comme outil offre la possibilité pour approcher la personne dans sa
globalité et lui donner l’occasion, comme le souligne Christine DEPREZ (1996 : 158) :
« … d’articuler sa position par rapport aux autres dans des espaces-temps qu’il va lui-
même définir ». Il s’agit également d’une articulation entre l’individuel et le social sur
lesquelles l’interviewé porte un regard réflexif qui l’amène à une distanciation et une prise
de conscience de la complexité des faits. L’importance de la biographie langagière réside
dans le fait que cette dernière « … repose sur la capacité de l’individu à relater les
éléments constitutifs de son expérience dans les domaines linguistique et culturel » écrit
Muriel MOLINIE (2006 : 6). William LABOV (1978 : 289) lui même souligne au sujet des
situations d’interview que : « ... les plus efficaces sont celles qui produisent des récits
d’expériences personnelles11 où les locuteurs, se consacrent tout entier à construire, voire à
revoir des événements de leur passé ». Nous précisons donc à la suite de William LABOV
(ibid.) que l’enquête sociolinguistique n’échappe pas aux effets de l’interaction avec
l’observateur.

Ainsi, les entretiens autobiographiques ont été réalisés quelques jours après la
période des enregistrements des conversations. Nous avons interviewées les trois locutrices
chacune à part sur leurs contacts sociaux avec le français et l’arabe dialectal, et puis sur le
recours à l’alternance codique. Les entretiens12 ont eu lieu dans le même domicile où se
sont déroulés les enregistrements des conversations. Ces entretiens nous ont permis d’avoir
plus d’informations13 sur leurs profils langagiers et la mise en discours de leurs
expériences particulières concernant la pratique des deux langues et de l’alternance

10
La prise en compte du discours des informateurs dans l’entretien est illustrée par Lorenza MONDADA
(1996 : 220-221) qui précise : « Au lieu de traiter le dire et le faire comme deux dimensions disjointes, de
creuser la dualité entre discours et pratiques sociales – ne serait-ce qu’en utilisant le premier pour décrire les
seconds, quitte à s’étonner de leurs non-correspondances – il s’agit au contraire de reconnaître l’unité
constituée par les activités sociales et les façons d’en rendre compte, en traitant ces deux aspects comme étant
partie intégrante l’un de l’autre ».
11
C’est l’auteur qui souligne.
12
Nous présenterons les transcriptions des entretiens dans les annexes.
13
Il nous a paru indispensable d’appuyer notre analyse par des entretiens semi-directifs comme piste
supplémentaire pour explorer le terrain (cf. BLANCHET, 1996). De même que la diversification des méthodes
et des outils d’investigations aident non seulement à connaître le terrain mais aussi à obtenir des données
fiables.

24
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

codique. En effet, les entretiens autobiographiques permettent d’enrichir la compréhension


des données et elle les complète et contribue à leur interprétation (BLANCHET & GOTMAN,
2007). Les trois entretiens se sont déroulés en français seulement nos trois locutrices
utilisaient de temps en temps des termes et des expressions en arabe dialectal.

Le tableau (1) synthétise quelques données concernant l’identité des trois


participantes aux conversations. Nous avons pris en compte leur âge, le lieu de naissance et
de résidence, la situation familiale, le niveau d’instruction, les contacts sociaux avec les
langues qu’elles parlent et la connaissance de celles-ci.

Prénoms des locutrices14 Amaria (A.ni) Linda (L.ni) Farida (F.ii)


Age 31 ans 32 ans 28 ans
Lieu de naissance TLEMCEN (ALGERIE) TLEMCEN (ALGERIE) LILLE (FRANCE)
Lieu de résidence TLEMCEN (ALGERIE) TLEMCEN (ALGERIE) LILLE (FRANCE)
Situation familiale Mariée Mariée Mariée
ème ème
Niveau d’instruction 9 AF Terminale (3 AS) Baccalauréat +
Contacts sociaux avec l’arabe Usage courant Usage courant Selon les circonstances
Contacts sociaux avec le français Selon les circonstances Selon les circonstances Usage courant

Connaissance de l’arabe Bonne Bonne Moyenne


Connaissance du français Moyenne Moyenne Bonne

Tableau 1. Tableau récapitulatif de la biographie des locutrices et leurs profils langagiers.

* FARIDA (F.ii) : est âgée de 28 ans, elle est née et vit en France (Lille, Nord Pas-de-
Calais), elle est titulaire d’un bac comptabilité, examen au cours duquel elle a d’ailleurs
passé une épreuve d’arabe dialectal algérien à l’oral. Elle est mariée à un Algérien qui a
émigré il y a cinq ans, mère d’une fille d’un an et demi. Elle est conseillère téléphonique
(dans la vente par correspondance) depuis un an.
En ce qui concerne les langues, elle nous a affirmé qu’elle emploie très souvent le français
et l’arabe dialectal que ce soit en Algérie ou en France. Elle vient chaque année en Algérie
depuis son enfance.

14
Nous avons codifié les prénoms selon les catégories immigré et non-immigré : pour la locutrice issue de
l’immigration (F.ii), et les deux autres non-immigrées (A.ni et L.ni).

25
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

* AMARIA (A.ni) : âgée de 33 ans, elle est née et vit en Algérie, elle a quitté l’école à l’âge
de 15 ans, mariée sans enfants, elle est couturière de profession. Le français représente
pour elle une langue de communication qui a toujours eu une place dans son
environnement social à côté de l’arabe dialectal. Elle a affirmé qu’elle les a toujours
utilisées d’une manière alternative selon les circonstances avec les membres de sa famille,
même si parfois l’usage se limite à quelques mots ou expressions. Quant à la présence des
immigrés, ils représentent pour elle non seulement une population établie en France mais
une partie de son vécu. Elle précise que ce sont des membres de la famille qui n’ont jamais
coupé les liens avec le pays. Ils ont une partie de leur vie ici, notamment les proches avec
qui elle passait parfois jusqu’à deux mois. Il s’agit notamment de cousins et cousines nés
ou ayant immigré après leur mariage.

* LINDA (L.ni) : âgée de 32 ans, elle est née et vit en Algérie, de niveau terminale, elle est
mariée et mère de trois filles. Coiffeuse de formation au chômage, elle s’occupe de ses
trois filles. Le français représente pour elle une langue de communication qu’elle utilise
parfois dans son entourage avec son mari et avec ses filles. Elle estime que son niveau en
français est moyen, elle a affirmé également qu’elle emploie surtout des mots et des bouts
de phrases qu’elle mélange avec l’arabe dialectal. Elle a déclaré elle aussi, qu’elle a vécu et
vit dans un milieu plurilingue où le dialectal arabe et le français sont toujours présents. Elle
a un frère qui a émigré il y a quelques années.

Le profil langagier des trois locutrices au cours des conversations et la maîtrise


déclarée des langues montrent bien qu’elles parlent l’arabe dialectal et le français.

2 – 1 – 2. Les caractéristiques du corpus

Notre corpus oral est composé de cinq conversations familières (TRAVERSO, 1996).
Il a pour objectif premier l’analyse du fonctionnement effectif des échanges et de la
dynamique des répertoires verbaux. Les trois participantes en question manifestent tout au
long des conversations des alternances de langues propices pour remplir les objectifs de
notre étude.

26
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Le tableau qui suit présente les cinq conversations avec leurs caractéristiques
propres.

Conversations Présence Lieux Durée Participantes Thèmes


de de et le
l’enquêteur l’enregistrement code utilisé
Conversation 1 Non Maison : 31’ 23’’ AMARIA Ancêtres,
(A.ni) comparaisons entre
(C.1) dans la la vie en France et
FARIDA
chambre de en Algérie, les
(F.ii)
problèmes du pays,
(A.ni). les langues des
immigrés, le
ramadan et les
mariages mixtes.
Conversation 2 Oui Maison : 26’ 05’’ AMARIA Le commerce et
(A.ni) les attitudes des
(C.2) dans le
FARIDA commerçants à
salon. (F.ii) l’égard des
clients. Les
cadeaux, les
vacances au bled,
le transport aérien
et l’éducation des
enfants.
Conversation 3 Oui Maison : 11’ 40’’ AMARIA La guerre
(A.ni) d’Algérie et la
(C.3) dans une des
FARIDA position des
chambres. (F.ii) Français. Le
LINDA terrorisme. Les
(L.ni) pieds-noirs et
l’avenir du pays.
Conversation 4 Oui Maison : 31’ 40’’ AMARIA La vie en France,
(A.ni) le climat. Le
(C.4) dans la
FARIDA retour après les
cuisine. (F.ii) vacances, le
LINDA ramadan et les
(L.ni) questions
identitaires.
Conversation 5 Oui Maison : 31’ 00’’ AMARIA Le ramadan en
(A.ni) France : la
(C.5) dans une des
FARIDA préparation et
chambres. (F.ii) l’organisation
LINDA familiale. La
(L.ni) célébration de
l’aïd et
l’ambiance
familiale.
Tableau 2 : Tableau récapitulatif des enregistrements : les participantes et les thèmes abordés.

27
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

* Pour la première conversation, nous avons donné le magnétophone à Amaria pour


qu’elle enregistre elle-même sa partenaire Farida. Ce premier enregistrement s’est déroulé
dans la chambre d’Amaria qui a réussi à le cacher sous la table.
Plusieurs thèmes ont été abordés soit parce qu’ils intéressaient les locutrices soit parce que
l’une d’entre elles voulait en parler pendant que l’autre parlait d’un autre sujet. Les
changements de thèmes sont marqués par des interruptions et par l’amorçage de nouveaux
thèmes que (A.ni) suggère souvent sous forme de questions. Tout au long de la première
conversation qui a duré 31 minutes, Farida et Amaria ont parlé des ancêtres de Farida, de la
famille, des proches, du ramadan, de la maîtrise des langues et du quotidien des immigrés
en France et en Algérie.

* Le deuxième enregistrement a eu lieu, dans le salon, en présence de Amaria et


Farida. La conversation a duré plus de 35 minutes mais nous n’avons pu obtenir que 26
minutes et 05 secondes audibles. Le thème principal tourne autour des attitudes des
commerçants envers les clients et la qualité des marchandises qui se trouvent sur le
marché. Cette conversation a été enregistrée une heure après le retour d’Amaria et Farida
d’une « après-midi shopping » dans les boutiques de la ville. Elles ont parlé aussi de
l’achat des cadeaux pour les membres de la famille qui sont restés en France, les vacances
au bled, les mariages et la famille. Enfin, elles ont abordé brièvement les retards habituels
des bateaux et l’éducation des enfants.

* La troisième conversation à laquelle ont participé respectivement, Linda, Farida


et Amaria n’a duré que 11 minutes 40 secondes ; elle a été interrompue par la présence
d’une tierce personne. Le thème sollicité par Linda sous forme de questions a poussé
Farida à prendre le plus souvent la parole pour parler de la guerre d’Algérie, sujet qui l’a
certainement motivée vu son taux de participation dans cette conversation qui est elle-
même relativement courte à comparer avec les autres conversations. D’un côté Farida
donne son avis, de l’autre elle rapporte les faits que sa grand-mère lui a racontés. Ensuite,
elles ont parlé des avis des Français sur la guerre d’Algérie avant d’amorcer plusieurs
sujets sur les deux pays (l’Algérie et la France), le tourisme, l’attachement des pieds-noirs
à l’Algérie et l’avenir du pays.

28
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

* La quatrième conversation, d’une durée de 31 minutes 40 secondes, s’est déroulée


dans la cuisine et a été enregistrée après le retour de Farida de la campagne où elle a passé
une journée entière avec des proches. Après la rencontre de Farida, Amaria et Linda l’ont
saluée et lui ont posé des questions sur la vie là-bas en France et le temps qu’il faisait. Puis,
elles ont parlé du retour étant donné que c’était les derniers jours des vacances et le retour
des immigrés. Les moments passés ensemble, les mariages, les traditions, le ramadan et la
situation des immigrés en France, en l’occurrence le travail, les problèmes identitaires
comme la langue, la prière et le carême, ont été les thèmes abordés.

* La dernière conversation est d’une durée de 31 minutes, elle s’est déroulée


l’après-midi dans une des chambres de la maison. Les trois partenaires sont présentes.
Comme le ramadan était proche, elles ont évoqué son déroulement en France et
l’organisation des familles durant cette période. Elles ont également parlé des différents
plats, la préparation des gâteaux et la rencontre des cousins et des voisins pendant l’Aïd.
Par ailleurs, elles ont comparé la célébration des fêtes en France et en Algérie en évoquant
surtout l’ambiance familiale le jour de la fête du mouton.

2 – 1 – 3. La transcription du corpus

Les données réunies ont été transcrites après plusieurs écoutes afin d’éviter des
omissions et des confusions. Nous avons également demandé aux participantes de nous
aider à décrypter certains passages inaudibles. Par conséquent, dans certains énoncés
incompréhensibles, nous avons transcrit seulement les parties compréhensibles. Devant la
complexité de la transcription, nous avons décidé de ne traiter que ce qu’il est possible de
traiter selon notre connaissance du terrain. Notre procédure d’analyse des données s’appuie
sur « le principe de significativité et non du principe de représentativité » comme dirait
Philippe BLANCHET (2007 : 347) qui affirme, par ailleurs, que : « le rôle du corpus est
d’exemplifier un repérage interprétatif des traits saillants proposés comme significatifs
d’une situation sociolinguistique particulière, d’une dynamique en hélice où la
fréquentation du terrain éclaire le « corpus » qui à son tour aide à rendre lisible la
complexité du terrain » (ibid. : 344).

29
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Pour ce qui est des conventions de transcription des conversations, nous nous
sommes basé sur plusieurs modèles : à savoir celui de Robert VION (1992 : 265) et celui du
CLA de Neuchâtel. Nous avons adapté ces conventions à notre corpus car il présente un
certain nombre de faits spécifiques aux conversations au niveau du verbal et du non verbal.
Les alternances codiques sont signalées à travers le genre et la taille de la police. Courier
New (11) italique gras pour l’arabe dialectal et Courier New (11) normal pour le français,
quant aux traductions nous les avons mises entre parenthèses en Times New Roman (11).
Les emprunts aux autres langues sont écrits en Courier New gras. Les énoncés en langue
arabe sont orthographiés15 en graphie latine standard avec certains aménagements compte
tenu de certaines caractéristiques phoniques de l’arabe dialectal.

Malgré certaines difficultés qui sont dues au déroulement et à la qualité des


enregistrements, nous avons réussi à transcrire le corpus en entier. Le fait que nous avons
privilégié des participantes que nous connaissions déjà et que nous avions appris à
connaître avant de les enregistrer (BLANCHE-BENVENISTE & JEANJEAN, 1986 : 96-97) nous
a aidé à éviter les paradoxes de la transcription qui peuvent entraîner des problèmes de
fidélité.

Conventions de transcription
/ rupture de l’énoncé sans qu’il y ait réellement de pause
\ interruption d’un énoncé par l’intervention d’un interlocuteur
+, ++, +++ pause très brève, brève, moyenne
& enchaînement rapide de paroles
 intonation montante après ce signe
 intonation descendante après ce signe
¨OUI, BRAVO accentuation d’un mot, d’une syllabe
oui: bon:: allongement de la syllabe ou du phonème qui précède
N:::on le nombre de : est proportionnel à l’allongement
<alors/allons> hésitation à transcrire l’une ou l’autre forme

15
Nous avons opté pour la translittération que propose Jean CANTINEAU (1960).

30
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

< ----------- ?> séquence inaudible ou incompréhensible


A : bla bla [ bla bla chevauchement de parole
B: [ bla bla
X, xx, xxx, mot inaudible d’une, deux ou trois secondes
(bon)jour ( ) = partie non prononcée. Ici seul ‘’jour’’ est prononcé
‘’chépa’’ représentation phonético-orthographique
/ épa / transcription phonétique
= liaison inhabituelle : un chant agréable (‘’un chan tagréable’’)
≠ absence inhabituelle de liaison : les ≠ (‘’le enfants’’)
A : blabla blabla énoncés simultanés
[
B : bla bla bla
A : bla // interruption
B : bla bla bla
yih (oui) traduction en français des mots de l’arabe dialectal
tabla écriture en italique des emprunts accommodés
ALGER les petites majuscules indiquent les noms propres
F.ii/A.ni hésitation entre deux locuteurs
tu m(e) dis phonème non réalisé
(soupirs) soupirs
(silence) silence
(rires) rires
(bruit) bruits survenus lors des échanges verbaux
« bla bla bla » discours rapporté
!-? points marquant l’exclamation et l’interrogation
// mot coupé en deux syllabes
z=/= liaison inhabituelle
((gestes)) gestes accompagnant la parole
< (elle) > forme habituelle
t’dji ? (tu viens ?) traduction mise entre parenthèses
A. ni. 055 : tour de parole numéroté
Tableau 3 : Les conventions de transcription.

31
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Transcription des phonèmes de l’arabe dialectal


q ‫ق‬ palatale emphatique (coup de glotte)
S ‫ص‬ sifflante emphatique
r ‫ر‬ latérale vibrante sonore
gh ‫غ‬ vélaire sonore
Kh ‫خ‬ vélaire sourde
O ُ◌ ُ◌ voyelle postérieure arrondie

I ◌ِ voyelle antérieure étirée

A ◌َ ◌َ voyelle médiane (coup de glotte)


° ° forme pausale qu’on trouve devant les voyelles o – a – i
H ‫ح‬ pharyngale sourde
h ‫ھ‬ laryngale sourde
ç ‫ع‬ laryngale sourde
‘ ‘ apostrophe
T ‫ط‬ dentale emphatique
t / ts ‫ت‬ dentale sourde / et sifflante (allophone)
Tableau 4 : Système de translittération

2 – 2. Les enquêtes sur les représentations et les attitudes face au parler bilingue, aux
alternances codiques, aux façons de parler des immigrés/non-immigrés

Comme nous l’avons précisé plus haut, les entretiens permettent aussi bien l’étude
des attitudes et des représentations envers les langues, le mélange et les questions
identitaires que le repérage des indices pour une meilleure compréhension des phénomènes
qui apparaissent dans les conversations.

32
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2 – 2 – 1. Les entretiens semi-directifs

Des entretiens semi-directifs à visée exploratoire et compréhensive ont été réalisés


pour des fins interprétatives. Ils ont concerné deux groupes différents, le premier concerne
uniquement les trois locutrices16 auprès desquelles nous avons recueilli le corpus de
référence (les conversations).

Le second s’est intéressé à un groupe de dix (10) enquêtés dont trois issus de
l’immigration, quatre immigrés et trois non-immigrés. L’objectif de ces entretiens est de
recueillir les représentations que chacun se fait des deux langues, les pratiques de ces
langues en France et en Algérie au sein de la famille et en dehors du milieu familial. Ainsi,
les interviewés devaient également donner leurs opinions sur le rôle des deux langues dans
les conversations et de révéler leurs attitudes face aux ‘‘mélanges’’ de langues c'est-à-dire
aux alternances codiques.

Nous nous sommes appuyé sur un guide d’entretien comportant des questions ayant
pour fonction de les amener à répondre avec une certaine précision17.

16
Vu la mauvaise qualité de l’enregistrement de l’entretien qui s’est déroulé en arabe dialectal avec Linda
nous avons retenu seulement quelques données biographiques nécessaires pour notre travail.
17
Nous avons adapté les questions en fonction des enquêtés. Les (re)formulations nous ont été d’une grande
utilité dans la conduite des entretiens dans la mesure où dans certains cas nous avons pu recueillir des
informations complémentaires sur les faits explorés.

33
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

* Pour les immigrés


Est-ce que vous êtes nés en France ou bien alors vous êtes résident ?
Que représente la France pour vous ?
Que représente l’Algérie pour vous ?
Est-ce que vous parlez l’arabe algérien et le français ?
Parlez-vous d’autres langues ?
Est-ce qu’il vous arrive de parler l’arabe algérien en France ?
Avec qui et où ?
Que représentent les immigrés (descendants de l’immigration algérienne 2ème et 3ème
génération) et les non-immigrés pour vous ?
Comment parlent-ils le français et l’arabe algérien ?
Est-ce qu’ils mélangent les deux langues et pourquoi ?
Comment vous trouvez leur façon de parler et le mélange des langues ?
Est-ce qu’il vous arrive vous-même de mélanger les deux langues (ici en Algérie et
là-bas en France) ?
Est-ce que depuis que vous êtes parti en France votre manière de parler le français a
changé (pour les immigrés de la première génération nouvellement installés en
France) ?
Est-ce que vous pensez que votre façon de parler change à chaque fois que vous
passez vos vacances en Algérie (pour les descendants de l’immigration) ?
Pour quoi est-ce que les immigrés (les non-immigrés) mélangent l’arabe algérien et le
français ?

* Pour les non-immigrés


Etes-vous né en Algérie ?
Que représente l’Algérie pour vous ?
Est-ce que vous parlez l’arabe algérien et le français ?
Parlez-vous d’autres langues ?
Est-ce qu’il vous arrive de ne parler qu’en français ?
Avec qui et où ?
Est-ce qu’il vous arrive de mélanger les deux langues où et avec qui ?
Est-ce que les Algériens mélangent les deux langues ?
Comment trouvez-vous le mélange de l’arabe algérien avec le français ?
Que représentent les immigrés (descendants de l’immigration algérienne 2ème et
3ème génération) et les non-immigrés pour vous ?
Comment parlent-ils le français et l’arabe algérien ?
Est-ce qu’ils mélangent les deux langues et pourquoi ?
Comment vous trouvez leur façon de parler et le mélange des langues ?
Est-ce qu’il vous arrive vous-même de mélanger les deux langues (ici en Algérie et
là-bas en France) ?
Est-ce qu’il vous arrive de parler avec des immigrés, si oui quelles langues
utilisez-vous ?
Est-ce que vous pensez que votre façon de parler s’améliore quand vous parlez avec
les immigrés ?

34
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Les questions ont été (re)formulées (en arabe dialectal ou en français) en fonction
des personnes interviewées (leur niveau d’instruction, la compréhension des questions, leur
degré de participation aux activités, de la pertinence des réponses fournies, la maîtrise des
deux langues, etc.).

Code Age Sexe Lieu de Situation Niveau Contacts Contacts Connaissance Connaissance
naissance/ familiale d’instructi sociaux avec sociaux avec de l’arabe du français
de on l’arabe le français
résidence
Kha.F.N-I.2 20 F Algérie Célibataire Bac + 1 Usage Selon les Très bonne Bonne
courant circonstances
Sou.F.N-I.3 19 F Algérie Célibataire Bac + 2 Usage Selon les Très bonne Bonne
courant circonstances
Nass.H.I.4 35 H Algérie/ Marié Bac + 7 Usage Usage Très bonne Très bonne
France courant courant
ème
Moh. H.I.5 34 H Algérie/ Marié 3 AS Usage Usage Très bonne Très bonne
France courant courant
Yas.H.I.6 19 H Algérie/ Célibataire 3ème AS + Selon les Usage Moyenne Très bonne
France (diplômé) circonstances courant
Abdel.H.I.7 36 H Algérie/ Marié Usage Usage Très bonne Très bien
France courant courant
Mir.F.I-I.8 28 F France Célibataire Bac Usage Usage Très bonne Très bonne
courant courant
Lam.F.I-I.9 20 F France Célibat Diplômée Selon les Usage Moyenne Très bonne
circonstances courant
Sam.H.I- 37 H France Marié Diplômé Selon les Usage Bonne Très bonne
I.11 circonstances courant
Nad.H.N- 32 H Algérie Célibataire Diplômé Usage Selon les Très bonne bonne
I.12 courant circonstances
Tableau 5 : Biographie langagière des enquêtés par entretiens semi-directifs.

2 – 2 – 2. Le questionnaire : l’enquête ‘‘macro’’

L’enquête ‘‘macro’’ a porté sur un échantillon de jeunes et de jeunes adultes âgés


de 19 à 36 ans composé de 235 enquêtés. Ainsi, nous avons distribué un questionnaire dans
différentes régions de Tlemcen. Parmi les enquêtés se trouvent deux populations visées :
des individus issus de l’immigration qui étaient en vacances en Algérie durant les périodes
d’hiver et d’été (2006/2007), soit un taux de 35,31 % de l’ensemble des sujets enquêtés.

Nous avons divisé le questionnaire (voir infra) en cinq (05) sections visant à
recueillir des données relatives à l’identité de l’enquêté (l’âge, le sexe, le lieu de résidence,
le niveau d’instruction et la profession), à son profil langagier, aux usages et à la maîtrise
déclarée des langues, aux représentations, aux attitudes envers les langues en question,

35
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

ainsi qu’à la perception de l’alternance codique et de son rôle dans les pratiques
langagières.

Nous nous sommes fixé comme règle, pour mener à bien cette enquête, de présenter
le questionnaire en français et en arabe dialectal à nos enquêtés et de les guider en
simplifiant les questions (questionnaire dirigé et semi-dirigé).

La plupart des enquêtés ont répondu par écrit au questionnaire dont le but était de
cerner et de délimiter quelques-unes des questions qui s’avèrent fondamentales quant à la
question de la conscience linguistique, le choix et le mélange de langues. En ce qui
concerne les sujets qui ne pouvaient pas remplir le questionnaire, nous les avons
questionnés sur place, la durée de passation des questions était de 10 à 15 minutes environ.
Les échanges étaient de type question-réponse, incluant des commentaires de la part des
sujets et c’est nous même qui avons rempli le questionnaire. Nous avons essayé de traduire
en arabe dialectal et de reformuler certaines questions.

36
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2 – 2 – 3. Le questionnaire type

Voici le questionnaire type que nous avons distribué (et rempli pour les enquêtés
qui ne savent ni lire ni écrire le français sur la base des questions en arabe dialectal).

Questionnaire de recherche

Nous vous prions de bien vouloir remplir ce questionnaire de recherche en répondant avec soin
aux questions posées. Nous tenons à vous préciser que le but de notre recherche est d’étudier le
mélange de l’arabe et du français dans des conversations bilingues.
Nous vous remercions d’avance de votre contribution.

A - Age :…………………………………………………….......................
- Sexe :…………………………………………………...........................
- Lieu de résidence (de naissance):…........................................................
- Niveau d’instruction :…………………………………..........................
- Profession :……………………………………………….....................

B- 1.a-Parlez-vous plusieurs langues ?


Oui O Non O
b- Si oui,
lesquelles ………………………………………………….. ………......................................................
…………………………………………………………………………………….....................................
2. Où avez-vous appris ces langues ?
- à l’école O
- à la maison O
- dans la rue O
- à travers les médias O
- Autres :………………….………………………………………………………………………………
.……………………………………………………………………………………………………………
3. a- Parmi les langues que vous parlez, lesquelles sont qualifiées/(qualifiez-vous) de langue(s)
étrangère(s) ?...............................................................................................................................................
………………………………………………………………………….....................................................
- Comment et pourquoi ?.............................................................................................................................

C- 1. Dans quelles langues vous vous exprimez le plus souvent ? Arabe dialectal – français. Dites
pourquoi ?
………………………………………………………………………….....................................................
2. a- En ce qui concerne la langue française : est-elle une langue de communication dans votre
quotidien ?
Oui O Non O
Précisez :
………………………………………………………………………….....................................................
b- Est-elle présente dans vos conversations et celle de vos interlocuteurs ?
Oui O Non O
c- Si c’est oui, l’usage du français concerne-t-il :
- les mots O
- les phrases O
- toute la conversation O
- une partie de la conversation O
3. a- Avec qui préférez-vous utiliser (parler en) le français / arabe dialectal et où ?

37
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

b- Comment parler-vous le français (pour les immigrés) l’arabe dialectal (pour les immigrés) ?
- très bien O
- bien O
- plus ou moins bien O
- moyennement O
- mal O
c- Comment vos interlocuteurs parlent-ils le français (pour les non-immigrés) (pour les immigrés) ?
- très bien O
- bien O
- plus ou moins bien O
- moyennement O
- mal O
4. Que représente le français dans votre entourage (l’arabe dialectal pour les immigrés) ?
- seulement un moyen de communication O
- une langue de prestige O
- une langue privilégiée O
- une langue des usages occasionnels O
- une langue utilisée à égalité avec la première langue O
D-1- a- Les Algériens (immigrés ou non-immigrés) mélangent-ils l’arabe dialectal et le français ?
Oui O Non O
b- Si oui, le mélange relève-t-il d’un choix individuel ou
social ?…………………………………………………...........................................................................
……………………………………………………………………………………………………………
2- Préférez-vous utiliser l’une des deux langues (l’arabe dialectal ou le français) ou les deux à la
fois ?............................................................................................................................................................

3- Avez-vous l’impression que vous-même, vous mélangez les deux langues ?


Si oui, dites pourquoi ? ………………………………………………………………………………….
....................................................................................................................................................................
4-a- Est-ce que vous pensez que le mélange des deux langues :
- est dû à la préférence des deux langues O
- est dû à leur présence côte à côte O
- est dû aux habitudes langagières acquises O
- est une stratégie pour faciliter la compréhension O
- est une façons pour frimer O
- est du à une incompétence langagière O
b- Comment qualifiez-vous les phrases et les mots du français que vous mélangez avec l’arabe
dialectal ?
- corrects O
- incorrects O
- simplifiés O
- particuliers (originaux) O
autres :……………………………………………………………………………..............................
5- Quand vos interlocuteurs utilisent (mélangent) les deux langues dans leurs conversations, trouvez-
vous cela :
- tout à fait normal O
- nécessaire O
- exagéré O
- inadmissible O
autres :……………………………………………………..................................................................

38
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2 – 2 – 4. L’échantillon de l’enquête par questionnaire

Sur les 300 exemplaires du questionnaire que nous avons fait passer nous n’avons
conservé que 241, et après le dépouillement nous en avons jeté 6 à cause de l’âge des
enquêtés qui était de plus de 37 ans. L’échantillon est donc composé de 235 enquêtés dont
38,29 % de sexe masculin soit un total de 90 et 61,71 % de sexe féminin soit un total de
145. Les enquêtés issus de l’immigration ayant répondu au questionnaire représentent
35,31 % soit un total de 83 sujets de l’ensemble de la population enquêtée alors que les
non-immigrés représentent un taux de 64,68 %, soit 152.

Les dix (10) interviewés soumis aux entretiens semi-directifs ne rentrent pas dans le
compte des deux tableaux ci-dessous (1 et 2) relatifs aux réponses du questionnaire écrit.
Nous nous sommes intéressé à leurs discours sur la langue française et son emploi à côté
de l’arabe dialectal et sur le contact entre immigrés/non-immigrés. Contrairement au
caractère sommaire des réponses obtenues par le questionnaire écrit, à travers l’entretien
les enquêtés ont fourni des commentaires18 longs concernant les questions ouvertes, de
même qu’ils ont apporté des précisions quand il s’agissait de réponses affirmatives pour les
questions fermées (par oui - non). Les entretiens ont été réalisés individuellement dans des
lieux variés : maison, café, boutique, etc.

En examinant les quatre tableaux ci-dessous, il ressort que les données


biographiques des enquêtés sont assez proches de l’objectif méthodologique fixé au départ.
En effet, la limitation à une tanche d’âge et à deux générations19 de jeunes et de jeunes
adultes disposant relativement d’une formation scolaire conséquente nous a facilité la tâche

18
Nous n’avons exploité de ces commentaires que ce qui nous a semblé pertinent. Certes, les dires des uns et
des autres diffèrent à bien des égards, mais ils se rejoignent sur certains points. Ces données complémentaires
s’ajoutent à celles obtenues du questionnaire écrit et des entretiens biographiques des trois
locutrices/informatrices (F.ii., A.ni., L.ni.) enregistrées in situ (en milieu familial) comme appui pour
renforcer notre interprétation et nuancer les propos.
19
Nous rappelons que nous n’avons pas suivi la méthode de quotas pour la constitution de l’échantillon. Les
personnes sollicitées ont été rencontrées sur le terrain, elles ont accepté volontiers de remplir le
questionnaire.

39
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

pour obtenir une quantité de données sur un terrain dont les acteurs ne sont pas habitués à
ce type d’examen20.

Non-immigrés 152 / soit 64,68 %


Immigrés 83 / soit 35,31 %
Total 235
Tableau 6 : Pourcentages des informateurs par catégorie : immigrés/non-immigrés.

Immigrés / non-immigrés
Hommes 90 / 38,29 %
Femmes 145 / 61,71 %
Total 235
Tableau 7 : Répartition des informateurs (non-immigrés/immigrés) par sexe.

Ces deux premières sections ont consisté à expliciter la problématique de recherche,


à cerner l’objet d’étude et à présenter les outils méthodologiques ainsi que les échantillons
des deux enquêtes. Nous allons à présent esquisser le cadre théorique en mettent l’accent
sur les paradigmes fondamentaux sur lesquels nous allons nous baser pour appréhender les
données qu’offrent les deux corpus (les usages déclarés des deux langues et des alternances
codiques et les conversations ordinaires).

20
A noter que beaucoup d’enquêtés ont hésité à remplir le questionnaire et cela malgré les explications et les
orientations que nous leur avons données sur la finalité de notre recherche ; il a pu paraître trop compliqué
voire inintéressant.

40
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

3. Cadrages théoriques

Le cadrage théorique permet d’inscrire notre analyse dans la lignée des recherches
de la sociolinguistique de l’immigration et de présenter les notions fondamentales qui vont
favoriser l’appréhension des particularités sociolangagières des cinq conversations qui
constituent notre corpus d’étude, ainsi que le vaste domaine des représentations, attitudes à
l’égard des langues.

Nous entendons en effet présenter ici le cadre théorique dans lequel nous inscrivons
notre recherche en rappelant brièvement les différentes mutations qu’a connues la
sociolinguistique. Nous présenterons ensuite quelques-unes des caractéristiques
définitoires de l’alternance codique afin de mettre en valeur quelques aspects communs à
toutes les définitions, et ce dans le but de rendre compte des critères qui amènent à
caractériser les pratiques langagières « bilingues » entre locuteurs immigrés/non-immigrés.
Certains éléments théoriques seront précisés dans les parties suivantes au gré des
caractéristiques qui ressortent de l’analyse du corpus.

3 – 1. La sociolinguistique entre la diversité des approches et des situations

Le cadre théorique dans lequel nous inscrivons notre étude des conversations
bilingues et des alternances codiques qui en résultent s’articule autour de plusieurs
approches : la sociolinguistique variationniste adoptée par William LABOV (1976, 1978), la
sociolinguistique interactionnelle inspirée de John GUMPERZ (1989) et l’ethnographie de la
communication proposée par Dell HYMES (1984). L’étude de l’alternance codique dans la
conversation bilingue entre locuteurs manifestant des asymétries des répertoires verbaux
nécessite forcément une approche multidimensionnelle qui prenne en considération les
dimensions sociolinguistique, interactionnelle et ethnographique. Nous avons voulu à
l’instar des trois approches citées plus haut, nous inscrire dans une perspective

41
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

évolutionniste nourrie des différents travaux réalisés autour du parler bilingue, notamment
ceux qui se sont intéressés aux pratiques langagières des populations migrantes21.

La diversité des situations bilingues observées et étudiées par les linguistes, les
sociolinguistes, les psycholinguistes et les didacticiens montre bien le renouveau aux plans
théoriques et méthodologiques. En fait, la diversité notable des approches témoigne de la
continuité et de l’évolution de la sociolinguistique sur les plans théorique et
méthodologique qui depuis ne cesse de démultiplier les tentatives pour la réhabilitation des
phénomènes auxquels elle porte un intérêt particulier. Entre la crise de la linguistique et la
crise conjoncturelle qui l’a vue naître, la sociolinguistique22 (MARCELLESI & GARDIN,
1974) s’est intéressée aux phénomènes linguistiques sous plusieurs angles (social, culturel,
économique, etc.) avec la prise en compte des méthodologies des autres disciplines. En
effet, le terme sociolinguistique lui-même renvoie à la construction d’un domaine
interdisciplinaire (BOUTET & HELLER, 2007).

Ainsi, la combinaison des approches a connu un essor important à partir du moment


où les sociolinguistes se sont rendus compte de la diversité des phénomènes
sociolinguistiques et de la complexité de la société et sa dynamique. Dès lors,
l’élargissement des domaines de recherche et le renouveau des méthodologies qui stipule
de travailler sur des données empiriques observées ont aidé les chercheurs à mieux
concevoir les phénomènes langagiers et à délimiter l’appareil conceptuel pour les étudier.
En outre, l’interdisciplinarité et les différentes méthodologies nécessitent une approche qui
puisse mettre en évidence la complémentarité. En ce sens tout un volet de travaux des
sociolinguistes a consisté à étudier les représentations et les attitudes à l’œuvre au sein des
groupes de locuteurs.

21
Nous nous référons au propos de Jaqueline BILLIEZ (1997) selon lequel elle considère la sociolinguistique
qui s’intéresse aux populations migrantes comme une sociolinguistique impliquée.
22
Voir outre William LABOV (1973) pour qui « la sociolinguistique est la linguistique », Pierre ENCREVE
(1977) et Cécile CANUT (2000) sur la genèse de la sociolinguistique et ses rapports avec les autres disciplines
notamment la linguistique, la sociologie du langage et la dialectologie.

42
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

3 – 2. Contact des langues et bilinguisme

Définir le bilinguisme ou les phénomènes qui lui sont associés n’est pas une chose
facile du fait de la variété voire de l’originalité des situations de communication et des
raisons qui amènent un locuteur à employer deux langues ou à passer d’une langue à
l’autre à un moment donné de l’échange verbal.
A travers les recherches empiriques parant sur les différentes situations des contacts des
langues, les chercheurs ont tenté de mettre en lumière les comportements langagiers qui
résultent de l’emploi de deux langues chez un même locuteur ou une communauté. Ainsi,
les nouveaux regards portés par les chercheurs sur le bilinguisme en tant que phénomène
né des mutations historiques et sociales comme les guerres et les flux migratoires ont
contribué à l’élargissement du champ d’investigation et à l’éclaircissement de certaines
zones d’ombre.

Le bilinguisme n’est plus vu comme une exception mais comme une règle
(WEINREICH, 1968), il n’est pas spécifique seulement aux pays bilingues23 mais « il touche
la majorité de la population du globe terrestre » estime William MACKEY (1976 : 13). Par
ailleurs, Georges LÜDI et Bernard PY (2003 : 2-3) montrent fort bien que :

[…] dans le monde aujourd’hui, le plurilinguisme est le plus souvent la règle que
l’exception.
a) D’abord il n’y a guère de pays en Europe ni dans le monde sur le territoire
duquel il ne se parlerait pas plus d’une langue […].
b) En raison des nombreuses migrations, de nouvelles langues ont fait leur
apparition, telles que l’espagnol et l’arabe en France, l’espagnol, le portugais, le
turc, l’albanais et le grec en Suisse et en Allemagne etc.
c) Extrêmement nombreux sont d’autre part les individus capables de
communiquer dans plus d’une langue en famille, à leur lieu de travail, en
vacances etc. […].

Ainsi, le monolinguisme étant plutôt l’exception, il ne concernerait que quelques


minorités vivant dans des groupes isolés et coupés du monde. Cela laisse entendre que là
où il y a contact (coexistence) de deux ou plusieurs langues, il y a des bilingues potentiels.

23
Il s’agit des pays (ou des communautés) historiquement bilingues où le bilinguisme est institutionnalisé
comme par exemple la Belgique le Canada, la Suisse, etc.

43
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Au-delà de la prise en compte des seules exceptions de l’emploi d’une seule langue,
l’attention des chercheurs était centrée sur le monolingue du fait qu’il utilise plusieurs
variétés de langue (registres, styles, lectes) et recourt à travers ses activités langagières à
certaines formes qui se rapportent au bilinguisme tels que les alternances codiques, les
interférences et les emprunts (GROSJEAN, 1984). L’évolution qui s’amorce depuis un peu
plus de trente ans en sociolinguistique est plus féconde et plus profonde. Les phénomènes
jugés jusque-là comme fautifs s’imposent comme objets d’étude en sociolinguistique, en
psycholinguistique et en didactique des langues.

3 – 3. Parler bilingue, locuteurs bilingues, plurilinguisme

L’étude de l’alternance codique (ou « code switching » dans la terminologie anglo-


saxonne) comme phénomène résultant du bilinguisme remonte au début des années
soixante-dix, notamment avec John GUMPERZ, (1972). Cela explique que l’usage alternatif
de deux langues ait été si longtemps sévèrement défini comme une incapacité langagière et
non comme une compétence bilingue. Depuis un certain temps l’étude de l’alternance
codique a connu un nouvel essor notamment avec l’élargissement du champ conceptuel
autour du terme de bilinguisme. La notion de parler bilingue permet de mettre l’accent sur
la compétence bilingue du sujet parlant qui lui permet « de passer d’une langue à l’autre
dans de nombreuses situations si cela est possible ou nécessaire, même avec une
compétence considérablement asymétrique » (LÜDI & PY, 2003 : 131). Etre bilingue, c’est
choisir lors des échanges des formes linguistiques appartenant aux langues que le locuteur
maîtrise peu ou prou.

Ainsi, dans une perspective plus large, on a tendance à parler de plurilinguisme en


s’écartant des points de vue qui mettent l’accent sur l’usage parfait de deux langues comme
le souligne Marinette MATTHEY (2000 : 5) : « mettre l’accent sur le plurilinguisme revient
souvent à valoriser les compétences partielles dans les différentes langues du répertoire,
alors que le terme bilinguisme renvoie le plus souvent à une « maîtrise parfaite » des
deux ».

44
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

3 – 4. La notion d’alternance codique

Il convient de souligner de prime à bord que les recherches portant sur l’alternance
codique ont fourni une terminologie abondante (ZONGO, 2004 : 14) du fait de la complexité
de chaque situation observée et/ou étudiée sous des angles divers. Dans la configuration
des conversations des locuteurs immigrés/non-immigrés, l’examen de l’alternance codique
constitue un observable essentiel pour mettre en évidence les caractéristiques du parler
bilingue comme conséquence du contact des deux langues. La mobilisation stratégique des
ressources langagières bilingues au niveau de la conversation montre en effet la complexité
de la tâche aussi bien au niveau de la connaissance des langues que la capacité de
communiquer en se servant de celles-ci.

Comme tous les phénomènes qui découlent des contacts des langues, l’alternance
codique requiert une attention particulière dans la recherche sociolinguistique du fait des
caractéristiques des pratiques langagières de chaque communauté linguistique et des
langues qu’elle emploie. En effet, l’étude de cas permet d’une manière ou d’une autre de
dégager des types d’alternance codique et par conséquent de proposer d’autres traits
définitoires.

A la différence de l’emprunt lexical, l’alternance codique apparaît comme un


phénomène englobant tous les autres phénomènes qui découlent du plurilinguisme.
L’inscrire dans les sillages de l’étude sociolinguistique conduit, d’une manière ou d’une
autre, à se rendre compte des éléments qu’il faut soumettre à la réflexion et à mettre en
relief par rapport aux autres marques transcodiques. Par marques transcodiques il est
entendu par Georges LÜDI et Bernard PY (2003 : 142) : « tout observable, à la surface d’un
discours en une langue ou une variété donnée, qui représente, pour les interlocuteurs et/ou
le linguiste, la trace de l’influence d’une autre langue ou variété ».

Les marques transcodiques sont difficiles à repérer et à différencier de l’alternance


codique quand c’est le cas d’une communauté linguistique qui a adopté des façons de
parler marquées par la présence de plusieurs codes à la fois.

45
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Notre propos ici est de présenter les principales facettes théoriques qui ont mis
l’accent sur l’alternance codique ceci dans le but de concevoir le phénomène dans la
complexité et la dynamique des travaux qui s’y intéressent. Bernard ZONGO (2004 :
17) précise que : « son réexamen [c'est-à-dire le code switching] permet des réajustements
et des reformulations indispensables au regard des données nouvelles émergentes », cela
conduit évidemment à s’interroger sur d’autres éléments sous-jacents de l’alternance
codique spécifiques à telle ou telle communauté.

3 – 4 – 1. L’alternance codique : les différentes approches

Dans le dictionnaire de sociolinguistique, Ndiassé THIAM (1997) distingue


plusieurs types d’approches en définissant la notion de l’alternance codique. Les cinq
catégories avancées par Ndiassé THIAM (ibid. : 33-35) correspondent à plusieurs approches
de l’alternance codique.

a)- L’approche dite fonctionnelle ou situationnelle relative aux travaux de John GUMPERZ
dont l’objet était « d’analyser les effets de contact de langues et d’étudier les fonctions
conversationnelles et pragmatiques des alternances codiques comme éléments modulateurs
du discours » (THIAM, ibid. : 33-34).

b)- L’approche linguistique (ou structurale) s’inscrit principalement dans la lignée de la


sociolinguistique variationniste de William LABOV, elle privilégie de dégager les règles
formelles régulières dans les segments mixtes et de déceler les contraintes qui régissent
l’alternance codique (POPLACK, SANKOFF, etc.).

c)- Les approches de type psycholinguistique notamment celle de Carolle MEYERS-


SCOTTON développée à partir de la thèse de John GUMPERZ, stipule que les motivations de
l’alternance codique sont occasionnelles, accidentels et idiosyncrasiques dépendantes de
l’activité langagière et du sujet parlant lui-même. Ce type d’alternance codique nécessite
des capacités linguistiques très développées de la part du locuteur.

46
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

d)- L’approche taxinomique cherche essentiellement à lister les fonctions de l’alternance


codique en s’appuyant sur des données observables dans différents corpus. Les listes ne
sont jamais définitives vu la complexité des situations. Les chercheurs de l’école de Bâle-
Neuchâtel (PY, LÜDI et GROSJEAN) se sont penchés aux stratégies de gestion des deux
codes, manifestées par les marques transcodiques. Ndiassé THIAM a souligné également
que les types de classification des motivations sociales de l’alternance codique proposés
par certains auteurs ont rendu ambiguë la distinction entre l’alternance codique et le
mélange de code.

e)- L’approche conceptualiste consiste, souligne Ndiassé THIAM (ibid. : 35), « à construire
un modèle de la façon dont l’alternance codique s’organise » en se basant sur des notions
abstraites et des modèles pré-existants. Ainsi, d’autres modèles ont vu le jour, comme la
théorie de « l’accommodation discursive » de GILES et la théorie du « marquage » de
Carolle MEYERS-SCOTTON.

L’alternance codique, par définition, est l’usage alternatif de deux codes dans une
conversation. Une telle définition peut signifier d’une manière générale et avec beaucoup
de réserves, qu’il s’agit de conversations bilingues. En effet, s’il est nécessaire de remonter
aux travaux des spécialistes, notamment John GUMPERZ (1972, 1982, 1989a), Shana
POPLACK (1988), Carol MEYERS-SCOTTON (1993), qui ont étudié le phénomène, c’est
précisément pour aboutir à une définition englobant un certain nombre de traits et de
critères que l’on doit mettre en exergue avec la réalité de notre population d’enquête.

L’alternance codique dans la conversation peut se définir par John GUMPERZ


(1989a : 57) comme :

la juxtaposition à l’intérieur d’un même échange verbal de passages où le


discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux
différents. Le plus souvent l’alternance prend la forme de deux phrases
qui se suivent. Comme lorsqu’un locuteur utilise une seconde langue soit
pour réitérer son message soit pour répondre à l’affirmation de quelqu’un
d’autre.

47
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Ce qui attire l’attention dans cette définition c’est l’aspect linguistique qui
caractérise l’échange verbal par la présence des énoncés de deux systèmes différents, là où
la juxtaposition et la succession laissent entendre que les locuteurs produisent des énoncés
bilingues structurés grammaticalement sans qu’il y ait une rupture au niveau de la forme.
Dans ce cas là, il s’agit d’habitudes verbales acquises ou apprises spécifiques aux sujets
parlants bilingues, ce qui renseigne aussi sur l’appropriation partielle ou totale de la
grammaire des deux langues ainsi qu’une grammaire commune ayant une fonction
régulatrice des échanges, où la qualité des énoncés alternés est prise en compte comme
fondamentale assurant la communicabilité et l’interaction. A partir de là, l’accent peut être
mis sur le rôle de l’alternance codique dans la régulation du discours du locuteur bilingue
ou supposé bilingue. On peut souligner également, que cette définition s’inscrit dans une
perspective fonctionnelle d’orientation interactionnelle. Elle repose essentiellement sur le
fait conversationnel où les locuteurs sont inconscients car l’objectif principal est
l’intercompréhension, et c’est pourquoi d’ailleurs John GUMPERZ distingue l’alternance
codique conversationnelle et l’alternance codique situationnelle, sur laquelle nous allons
revenir.

A l’instar de John GUMPERZ (1989a), Shana POPLACK (1990 : 37) définit


l’alternance codique comme :

la juxtaposition de phrases ou de fragments de phrases, chacun d'eux est


en accord avec les règles morphologiques et syntaxiques (et
éventuellement phonologiques) de sa langue de provenance. L’alternance
de codes peut se produire à différents niveaux de la structure linguistique
(phrastique, intra-phrastique, interjective).

Dans cette perspective, il est à noter qu’il est beaucoup plus question de respecter
les structures syntaxiques et morphologiques des deux langues. Car comme le fait
remarquer l’auteur cela peut concerner aussi bien une phrase qu’une partie d’une phrase,
pourvu que les énoncés alternés répondent aux normes : syntaxique, morphologique et
phonologique de l’une des deux langues. Désignée du point de vue linguistique,
l’alternance peut toucher aussi bien la structure syntaxique au niveau intraphrastique, que
les niveaux morphologique et phonologique au niveau extraphrastique. Shana POPLACK
(1988 : 23) affirme aussi que : « L’alternance peut se produire librement entre deux

48
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

éléments quelconques d’une phrase, pourvu qu’ils soient ordonnés de la même façon selon
les règles de leurs grammaires respectives ».

3 – 4 – 2. Les types d’alternances codiques

Etant donné le nombre de travaux qui ont porté sur le phénomène d’alternance
codique ainsi que les modèles proposés par les spécialistes, nous présentons trois types
d’alternances codiques qui nous semblent complémentaires et nous permettent de décrire
notre corpus, il s’agit plus précisément des typologies de Shana POPLACK, de John
GUMPERZ et de Louise DABENE et jacqueline BILLIEZ.

3 – 4 – 3. La typologie de POPLACK

Shana POPLACK (ibid. : 23), distingue trois types d’alternance codique en


s’appuyant sur deux contraintes linguistiques : la première concerne la contrainte du
morphème libre où l’alternance peut se produire entre un morphème et un lexème. La
seconde renvoie à la contrainte d’équivalence des éléments juxtaposés où la régularité
syntaxique est fondamentale.

a)- L’alternance codique inter-phrastique (phrastique), renvoie à l’usage alternatif


de segments longs de phrases ou de discours ou les énoncés sont juxtaposés à l’intérieur
d’un tour de parole. Dans ce type d’alternance codique le locuteur cherche une facilité ou
une fluidité dans les échanges.

b)- Dans l’alternance codique intra-phrastique les éléments grammaticaux des deux
langues doivent se plier aux positions qu’ils occupent à l’intérieur des structures
syntaxiques. L’alternance peut affecter également des mots (par exemple un préfixe ou un
suffixe de l’arabe dialectal lié à un lexème du français). La mobilisation des éléments des
deux langues implique une maîtrise bilingue.

49
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

c) L’alternance codique extra-phrastique apparait dans le cas d’une insertion d’un


segment court ou d’une expression figés (stéréotypés) ou des locutions idiomatiques dans
un segment monolingue. Ce type d’alternance codique se réalise en fait sans contraintes
syntaxiques.

La contrainte d’équivalence a été appliquée par Shana POPLACK (1988) aussi aux
langues éloignées tamoul/anglais et finnois/anglais. Cette règle s’est révélée significative et
pertinente. Par ailleurs, il était question de mettre l’accent sur la distinction entre
l’alternance codique et l’emprunt opérée selon des critères liés à aux aspects
grammaticaux spécifiques à chacune des deux langues et à l’insertion sans que certains
éléments des deux langues alternées ne soient croisés ou répétés. En se basant sur
l’alternance codique fluide et l’alternance codique balisée, Shana POPLACK (ibid. : 23) a
soulevé la difficulté de distinguer l’alternance codique de l’emprunt vu la fréquence de ce
dernier qui est souvent inséré comme unité isolée dans des structures syntaxiques de la
langue emprunteuse en obéissant aux règles grammaticales des deux systèmes. Ainsi, pour
identifier l’emprunt par opposition à l’alternance codique, elle a tenté une analyse basée
sur des critères morphologiques et syntaxiques ainsi que des méthodes distributionnelles
quantitatives.

3 – 4 – 4. La typologie de GUMPERZ

John GUMPERZ on distingue l’alternance codique situationnelle et l’alternance


codique conversationnelle ou métaphorique :

a)- L’alternance codique situationnelle est liée aux différentes situations de


communication. Elle dépend des activités et des réseaux distincts mais également de
l’appartenance sociale du locuteur. Les ressources langagières du répertoire sont
mobilisées d’une manière séparée selon le thème abordé et le changement d’interlocuteurs.

b)- L’alternance codique conversationnelle correspond beaucoup plus à l’emploi de


deux langues dans la conversation comme stratégie et ressource communicative.

50
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

L’alternance est moins consciente, automatique et échappe au contrôle du locuteur. Elle


s’opère au niveau syntaxique, phonologique et morphologique. John GUMPERZ (1989a : 73-
83) dégage à ce propos six fonctions conversationnelles de l’alternance codique : la
fonction de citation, la fonction de désignation d’un interlocuteur, la fonction
d’interjection, la fonction de réitération, la fonction de modalisation d’un message et la
fonction de personnalisation versus objectivation.

3 – 4 – 5. La typologie de DABENE & BILLIEZ

La typologie élaborée par Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1988) à partir de


l’analyse des pratiques langagières des jeunes issus de l’immigration s’avère nécessaire
dans notre travail dans la mesure où elle met l’accent sur les insertions des éléments des
langues en présences selon une dimension discursive.

Les études sur le parler bilingue des immigrés24 se sont intéressées aux « différents
modes d’insertion dans le discours » (DABENE 1994 : 94). De leurs recherches ressort une
classification des types d’alternances codiques et des stratégies différentes. On constate à
travers cette typologie un lien entre ces recherches et celles de John GUMPERZ (ibid.) et de
Shana POLACK (1980) voire une complémentarité :

24
Voir entre autres les recherches de Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1988) sur les jeunes issus de
l’immigration algérienne.

51
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Types d’alternances codiques

inter-intervention intra-intervention

inter-acte intra-acte

segmentale unitaire

insert incise

Tableau 8 : Figure représentant la typologie proposée par Louise DABENE (1994 : 95).

- L’alternance codique inter-intervention surgit entre deux tours de parole d’un


même locuteur qui renonce par choix à une langue en recourant à l’autre, ou encore quand
il s’agit de changement de langue d’un locuteur à l’autre entre deux interventions.

- Les alternances intra-intervention comprennent l’alternance inter-acte qui se


produit entre deux actes de parole, et l’alternance intra-acte qui se produit à l’intérieur d’un
même acte de parole. Celle-ci est divisée à son tour en : alternance segmentale et
alternance unitaire. Cette bipartition correspond à la longueur de l’alternance, dans
l’alternance segmentale il s’agit de segments de phrase marquant ainsi un changement de
langue ; dans l’alternance codique unitaire il s’agit de l’alternance d’un seul item où on
distingue entre deux types : l’insert et l’incise. La première (insert) concerne les unités sans
aucune fonction syntaxique comme les tournures exclamatives, les insultes ou les termes
modalisateurs qui ponctuent le discours oral, ce que Shana POPLACK appelle les tags. Le
second (incise) correspond aux unités insérées dans des segments syntaxiquement intégrés
proche de l’emprunt « mais il s’en différencie dans la mesure où il relève généralement de
l’initiative individuelle » (DABENE, ibid. : 95).

Comme nous l’avons signalé plus haut, les enquêtes auprès des populations
migrantes montrent que leur parler bilingue recouvre des stratégies argumentatives

52
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

différentes. Il s’agit d’alternances codiques à fonction convergente (l’adhésion,


l’identification et la connivence), et des alternances codiques à fonction divergente
(discours de commentaire, le discours de citation, la rupture métadiscursive et la rupture du
registre ou du thème) (DABENE & BILLIEZ, 1987).

3 – 5. D’autres orientations de recherche

Il existe en outre d’autres orientations qui reposent sur le choix des codes, en
considérant l’alternance codique entre pairs provoquant une certaine intimité où on
souligne la complicité des participants. D’après Carol MYERS-SCOTTON (1983) il s’agit du
principe de coopération adopté comme stratégie par le locuteur bilingue motivé par
l’accomplissement de la communication. En s’appuyant sur les travaux de John GUMPERZ,
Carol MYERS-SCOTTON (1986, 1993) propose une approche sur les motivations de
l’alternance codique opposée à celle de David SANKOFF et Shana POPLACK (1981), selon
laquelle les motivations de l’alternance codique sont considérées comme accidentelles et
idiosyncrasiques.

En s’inscrivant dans une perspective similaire à celle de Louise DABENE et


Jacqueline BILLIEZ, les travaux des chercheurs suisses préconisent de repérer les
caractéristiques du parler bilingue en s’intéressant à l’étude des marques transcodiques
(LÜDI & PY, 2003, GROSJEAN, 1984). Il s’ensuit que le parler bilingue est une forme de
choix de langue et l’emploi de la deuxième langue du locuteur bilingue ne doit pas être
évaluée comme celle du natif (GROSJEAN, 1987).

Les travaux récents lancés par Bernard ZONGO (2004, pp. 32-42) se réfèrent à une
approche par perspectives, cette dernière se base sur quatre perspectives :

- Primo, l’approche acquisitionniste, elle repose sur les questions d’acquisition et


d’apprentissage des langues, certains considèrent l’alternance codique comme stratégie
d’acquisition d’une deuxième langue, d’autres comme obstacle qui perturbe les processus

53
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

d’apprentissage et d’acquisition et par conséquent pousse l’apprenant à procéder par


simplification et par surgénéralisation en versant dans l’interférence.

- Secundo, la perspective glottopolitique, est basée sur quatre axes, l’axe


diachronique selon lequel l’alternance codique est considérée comme une étape des
mutations linguistiques. On la considère selon cette perspective comme un fait pour
évaluer une étape de transfert des langues spécifique, ou encore pour des situations
d’acculturation ou d’assimilation. Sur le plan synchronique, il s’agit d’examiner
l’alternance codique comme résultant de la coexistence de deux langues dans une sphère
sociale compte tenu des clivages entre la gestion des langues voire des corpus et la
dynamique sociale. Toujours à propos de l’alternance codique, on peut, à travers les
représentations, étudier le métadiscours des locuteurs sur leurs pratiques langagières, et le
degré de conscientisation envers les formes et les normes linguistiques et
sociolinguistiques. Enfin, les interventions politiques in vitro sur la (les) langue(s) et les
corpus, qui consistent à accorder un statut à une langue donnée.

- Tercio, la perspective formaliste s’appuie sur quatre types de problématiques qui


consistent à identifier les aspects structuraux de l’alternance codique pour dégager des
règles grammaticales qui régissent son fonctionnement. L’approche formaliste considère
l’alternance codique comme constituant un système autonome possédant ses propres règles
de fonctionnement, lexicales, syntaxiques et conversationnelles. Elle tente également
d’identifier les typologies de l’alternance codique et évaluer formellement l’évolution des
différentes grammaires et les discours qui les soutiennent au sein d’une communauté
donnée pour ainsi étudier les compétences des sujets parlants. L’autre aspect qui
prédomine dans cette approche est l’établissement d’une grammaire de l’alternance des
langues en contact.

- Quarto, la perspective interactionniste s’articule autour de deux problématiques,


les motivations du choix des codes et leur alternance et ce à quoi aspire le sujet parlant lors
de la communication. Elle se base essentiellement sur l’interprétation du phénomène
comme stratégie de communication ; elle vise à décrire les facteurs
microsociolinguistiques et macrosociolinguistiques ainsi que les fonctions discursives et

54
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

conversationnelles ayant un rapport avec les normes sociales, les relations


interpersonnelles el l’alternance codique.

Il reste entendu que ces approches sont admises pour la simple raison qu’elles
concernent des cas de figures qui présentent des différences selon la parenté et
l’éloignement entre les langues, leur statut et leur fréquence dans l’usage.

Il a été question dans ces quelques pages de présenter certains éclairages théoriques
concernant la notion d’alternance codique dans le champ de la recherche sociolinguistique
afin de mettre l’accent sur quelques caractéristiques fondamentales qui le sous-tendent.
Nous reviendrons plus loin sur d’autres aspects théoriques pour préciser certains faits
relatifs à l’alternance codique.

Il ressort des abondantes études qu’il s’agit d’un phénomène complexe vu la


complexité des pratiques langagières bilingues qui diffèrent selon les locuteurs et les
situations. A la lumière de ces quelques paradigmes nous tenterons d’analyser, dans les
conversations bilingues des locuteurs immigrés/non-immigrés, les alternances codiques et
leur rôle dans l’organisation des interactions.

3 – 6. Attitudes, représentations et conscience linguistique

En nous appuyant sur les résultats tirés de l’analyse quantitative des questionnaires,
nous allons aborder la question de la conscience linguistique que nous essaierons de
soumettre plus précisément aux données d’ensemble relatives aux attitudes et aux
représentations. Mais avant de passer à l’analyse, nous donnons d’abord quelques
définitions sur les notions d’attitudes et de représentations. Ensuite, nous tentons de définir
ce que signifie la conscience linguistique dans la littérature des linguistes pour ainsi la
traiter par rapport aux situations observées et aux données recueillies. Seront exploités ici
les données obtenues suites aux différents entretiens réalisés avec les informateurs.

55
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Selon la théorie de la psychologie sociale développée par Serge MOSCOVICI (1976)


comme des éléments de la conscience sociale imposés aux individus, les représentations
sont considérées comme un ensemble de références et de normes dont l’individu a besoin
dans les relations interpersonnelles lui permettant de saisir son environnement,
d’interpréter les événements, de classer voire de catégoriser et transformer les faits. Ceci se
fait par l’articulation de deux processus, l’objectivation et l’ancrage. Les représentations
sont au cœur de l’interaction sociale elle l’organisent et la régulent (MOLINER, 1996). Par
ailleurs, Denise JODELET (1984 : 361) affirme que :

Le concept de représentations sociales désigne une forme de connaissance


spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l’opération
de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il
désigne une forme de pensée sociale.
Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers
la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social,
matériel et idéel.

Outre ces propos, Denise JODELET (1989 : 53) précise que les représentations sont : « …
une forme de connaissance, socialement élaborées et partagées, ayant une visée pratique et
concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social.».

Il est à noter que la psychologie sociale et la sociolinguistique ne distinguent pas


entre représentations et attitudes. Nous en trouvons quelques précisions apportées par
Jacqueline BILLIEZ et Agnès MILLET (2001 : 36) que nous reprenons ici, l’attitude est
définie :

… comme une sorte d’instance anticipatrice des comportements, une


disposition à répondre de manière consistante à l’égard d’un objet donné ; ce qui
n’exclut pas, d’ailleurs, que l’on puisse considérer aussi l’attitude comme
conséquence du comportement. L’attitude pourrait donc représenter un élément
charnière et dynamique entre les représentations sociales et le comportement,
régulant en quelque sorte leur rapport. Si les chercheurs en psychologie sociale
ont pendant un certain temps considéré leurs relations sous le mode de
l’interaction, d’autres ont proposé, plus récemment, un modèle où les attitudes
constituent la dimension évaluative des représentations sociales.

Depuis William LABOV la recherche sur les attitudes et les représentations sociales
tend à apporter de nouveaux regards sur le rapport entre ce que les gens disent faire et ce

56
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

qu’ils font réellement, plus précisément sur les écarts entre les déclarations voire les
représentations et les pratiques langagières réelles. C’est pourquoi les chercheurs se
mettent à étudier les indicateurs dans et travers les pratiques réelles des langues (cf.
DABENE, 1987 et DABENE & BILLIEZ, 1988). La pertinence de certains critères
méthodologiques pour analyser les représentations, comme la prise en compte du
quantitatif et du qualitatif selon un modèle « mutifocal » (BILLIEZ & MILLET, 2001 : 44) et
les conditions de la collecte des données qui aident à réduire les incidences et le flou sur le
bon déroulement des l’enquête et les résultats qui en découlent (cf. BLANCHET, 1996 et
MONDADA, 1996). Ainsi une bonne conduite de l’enquête où le chercheur est impliqué
pour observer de près le comportement et la réaction des locuteurs/informateurs25 au
moment des interactions amène à des résultats plus fiables. A noter aussi que le discours
sur la langue peut être aussi repérable au niveau des conversations ordinaires (BILLIEZ,
2004).

25
Observer les sujets sous cette double casquette, celle du participant en tant que locuteur/informateur donne
une vue contrastée pour mettre en perspective ce qui relève des écarts qui ressortent du dire et du faire.

57
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

CHAPITRE 2
ATTITUDES, REPRESENTATIONS ET CONSCIENCE LINGUISTIQUE DES
IMMIGRES/NON-IMMIGRES ENVERS L’ARABE DIALECTAL, LE FRANÇAIS ET LES
ALTERNANCES CODIQUES

Dans le but de montrer les caractéristiques du bilinguisme arabe dialectal/français


dans la réalité des locuteurs algériens immigrés non-immigrés et les attitudes qui en
résultent, nous présenterons, avant de passer à l’analyse des données de l’enquête
macrosociolinguistique, un bref aperçu des situations linguistiques en Algérie et en France.
Nous passerons en revue quelques recherches qui ont fait état des questions du bilinguisme
français/arabe dialectal en Algérie et en France, tout en mettant, au fur et mesure, les
caractéristiques des politiques linguistiques adoptées dans les deux pays à l’égard des deux
langues en question. Ensuite, nous tenterons d’analyser les données de l’enquête menée
auprès des immigrés et des non-immigrés afin d’appréhender leurs attitudes, leurs
représentations et leur conscience linguistique quant à l’emploi de l’arabe dialectal et le
français ainsi que l’emploi alterné des deux langues.

1. Les langues en France et en Algérie

Cette section sera consacrée à présenter d’une part un bref aperçu sociohistorique
des langues en Algérie dans le but d’en dégager quelques caractéristiques du bilinguisme
voire du plurilinguisme. Afin de mieux situer le phénomène d’alternance codique dans le
contexte sociolinguistique algérien, nous allons nous pencher ici sur les mutations, les
statuts et les usages des langues en question. D’autre part, nous nous intéresserons à la
réalité linguistique des immigrés en France (leur parler bilingue voire plurilingue) en
mettant en évidence tout à la fois certains des aspects sociaux (économiques,
professionnels, culturels et éducatifs) qui la dynamisent et les démarches scientifiques
permettant d’en rendre compte.

58
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

1 – 1. Bref aperçu sociohistorique des langues en Algérie

Les mouvements des populations, les invasions, les colonisations et les infiltrations
ont introduit en Algérie des populations de langues diverses. Le contact des langues et des
cultures orientales et occidentales a contribué à l’émergence du bilinguisme et du
plurilinguisme.

En Algérie aujourd’hui la confrontation collective à une situation plurilingue,


constamment marquée par la présence de l’arabe dialectal et du berbère26 comme langues
vernaculaires, exclusivement orales, l’arabe classique comme langue officielle et nationale
ainsi que le français comme langue dite étrangère27, suscite un examen particulier quant
aux questions des contacts des langues et les conséquences qui en découlent.

Le fait le plus saillant pour toute personne qui se trouve en situation de


communication est qu’il sera confronté à un usage langagier particulier, qualifié le plus
souvent de complexe et de mixte. Tel serait le contexte où il faut situer les pratiques
langagières des locuteurs algériens compte tenu de la pluralité des langues et des variétés
linguistiques.

De tous les peuples établis en Algérie, les Arabo-Musulmans ont joué un rôle très
important dans l’histoire du pays. Unis sous le nom de l’Islam et du Coran les autochtones
et les Arabo-Musulmans propagèrent l’Islam sur le territoire et sur l’autre rive de la
Méditerranée. Le métissage des Berbères et des Arabes a conduit à l’apparition d’une
langue mixte et d’une variété de dialectes maghrébins. Il faut souligner que l’arabisation du
territoire s’est faite en même temps que son islamisation. L’hégémonie de la culture et la
civilisation arabes a joué un rôle majeur dans l’unification du peuple selon Jean DESPOIS

26
En ce qui concerne le berbère, on peut dire qu’il est (re)fonctionnalisé par les autorités politiques qui lui
ont accordé le statut de langue nationale. Le berbère est enseigné à l’école depuis plus de dix ans, mais la
réalité des deux dialectes parlés en Algérie demeure sans statuts officiels. Même si la langue berbère est
reconnue comme langue nationale, elle reste cantonnée dans les régions où elle est considérée comme langue
maternelle. Les deux dialectes « ne doivent leur statut qu’à l’oralité dont la société est culturellement
imprégnée, tradition qu’ils contribuent puissamment par ailleurs à perpétuer » écrit Tahar KHALFOUNE,
(2002 : 117).
27
Dire que le français est une langue étrangère sans se référer au contexte social, ceci peut laisser entendre
que le français est réservé aux pratiques scolaires, alors qu’en Algérie le français est également pratiqué
comme langue seconde. Voir Jean-Pierre CUQ (2000) pour la question de langue étrangère et langue seconde.

59
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

(1949 : 149) : « Parmi les influences étrangères qui se sont succédées dans l’Afrique du
Nord jusqu’à l’arrivée des Français au X1Xe siècle, ce sont incontestablement l’Islam et la
civilisation musulmane qui ont le plus profondément imprégné la société »28.

A partir de 1830, l’Algérie devient une colonie française. Ainsi, la langue française
s’impose et se propage partout en Algérie au détriment des langues indigènes : l’arabe
dialectal, le berbère et l’arabe classique. L’administration coloniale avait envisagé une
politique d’acculturation basée sur l’institutionnalisation de l’obscurantisme et de
l’ignorance qui visait surtout l’oblitération de l’identité et de la culture arabo-musulmane et
berbère (TALEB-IBRAHIMI, 1994), même si le gouvernement français sous la troisième
république envisagea une nouvelle politique permettant aux Algériens de s’instruire
(AGERON, 1968 : 319). Quoi qu’il en soit la domination de la langue française persiste
durant toute la période coloniale comme langue officielle.

A l’indépendance en 1962, les autorités algériennes voulurent tout algérianiser.


L’adoption, après 1962, de la politique linguistique de l’arabisation est un des processus
qui a vu l’arabe classique devenir une langue nationale et officielle (GRANDGUILLAUME,
1983 : 12). Ce processus visait à donner à la langue arabe un statut hégémonique au sein de
la société algérienne tout en essayant de conserver quelques héritages de la colonisation en
accordant le statut de langue ‘‘étrangère privilégiée’’ au français. Malgré la politique
engagée, il fût impossible de dénier au français son rôle dans la vie socio-économique
comme langue de promotion pour beaucoup d’Algériens (GRANDGUILLAUME, 2002 : 147).
En effet, le débat sur la politique de l’arabisation a toujours occupé le devant de la scène
étant donné le malaise et le traumatisme (BENRABAH, 1999) provoqués par les décisions
qui voulaient que la langue arabe soit le symbole de la souveraineté nationale29.

28
Quant à la présence des Espagnols on peut parler de deux périodes, la première remonte à 1509 avec le
débarquement de la flotte gouvernée par Don Diego Fernandez de Cordoba, une occupation qui se maintient
jusqu’en 1792. La seconde correspond aux vagues migratoires des années trente, il s’agit de réfugiés
politiques, républicains pour la plupart. Parmi les populations européennes établies dans certaines villes de
l’ouest les deux tiers (2/3) étaient de souche espagnole. La présence des Espagnols a laissé beaucoup de
traces linguistiques dans les parlers en Algérie. Après avoir chassé les Espagnols, les Turcs occupent
l’Algérie de 1516 jusqu’à 1830. Pendant toute cette période, la langue turque était la langue officielle de
l’administration ottomane, mais son usage était restreint par rapport à la langue arabe, il faut dire que « la
domination turque fût à peu près exclusivement militaire et fiscale » (DESPOIS, 1949 : 130).
29
A ce sujet Aziza BOUCHERIT (2004 : 65) a écrit : « de l’indépendance de l’Algérie à nos jours, la langue
arabe a été considérée comme l’expression de la souveraineté, de l’identité et de l’unité de la Nation.
Quarante ans après l’indépendance, les différences linguistiques et culturelles devraient pouvoir être

60
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Cependant, la réalité des langues demeure tout autre, dans l’immense majorité des cas,
l’essentiel de la vie quotidienne se passe en arabe dialectal, en berbère et en français.
Toutefois les problèmes linguistiques sont dus au désaccord entre les tenants et les
adversaires de la politique linguistique adoptée par les institutions, la politique scolaire et
l’idéologie dominante. Il faut bien admettre qu’il n’y a pas eu une véritable planification
linguistique fondée sur des études crédibles et approfondies ; il ne s’agit en fait que de
décisions prises pour parachever le processus d’arabisation qui n’est rien d’autre qu’une
attitude liée au conformisme préconisé par les adeptes de l’arabité (MILLIANI, 2003 et
2004).
Les décisions politiques n’avaient rien de commun avec ce qui était attendu de la
part du peuple. En effet, ces décisions in vitro se sont annexées aux décisions politiques de
la fin des années soixante dont le but était de tout nationaliser. Toutefois, l’unique objectif
auquel s’attendait la population fût le désir de se débarrasser de la pauvreté et de s’en sortir
socialement. Ainsi le français continue d’être enseigné et employé dans le quotidien des
Algériens. Même considérée comme étrangère, la langue française s’affirme comme
langue de la science et de la technologie au sein des institutions scolaires et universitaires.
Outre les profondes modifications qu’a connues le système scolaire depuis les années
soixante dix, le français ne cesse d’être la langue privilégiée et préférée d’une grande partie
de la population, ainsi le français « a été au fur et à mesure admis comme instrument
utilitaire d’ascension sociale » (MOATASSIME, 1986 : 68) dans l’esprit de ceux qui le
pratiquent réellement dans des situations socioprofessionnelles et familiales.

1 – 2. Des décisions et des politiques linguistiques : clivages, altérité et concurrence

Dans l’expérience commune des Algériens, le français est sans doute une langue
qui possède sa place au sein de la société au même tire que l’arabe classique et les autres
langues. Cependant, l’arabe classique comme le français visent un bilinguisme éducatif30 et

considérées non comme des facteurs de désunion mais de rassemblement dans le cadre d’un Etat où
coexisteraient les composantes arabes et berbères de la Nation et où se verrait assumer le passé colonial sous
tous ses aspects, négatif et douloureux, mais aussi positif et, en ce sens, la langue pourrait être vue comme un
moyen d’ouverture au monde ».
30
En s’intéressant à l’appropriation du français dans le système éducatif algérien Latifa KADI (1997 : 347) a
conclu que le français : « … est bien une composante de la réalité linguistique et éducative algérienne. La

61
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

administratif qui est loin de faire l’unanimité (ibid. : 79). L’arabe classique persiste comme
langue de l’identité commune dans la vie profonde des Algériens. Néanmoins, et malgré
les circonstances et les événements historiques qui ont jalonné la période coloniale, le
français est resté en contact permanent avec toutes les langues existantes en Algérie31. On
peut parler de fonction véhiculaire du moment que le français tout comme l’arabe dialectal
assurent la communication et l’intercompréhension de beaucoup d’Algériens. La langue
française participe comme dirait Rabah SEBAA (2002 : 57-58) : « […] d’un imaginaire
linguistique social en acte, qui mêle invariablement usages et systèmes linguistiques dans
un foisonnement créatif qui ignore les frontières et les rigidités idiomatiques
conventionnelles ». Il va sans dire, dans le contexte actuel, que ‘‘les langues maternelles’’
représentent une composante essentielle. Les reconnaître officiellement comme langues
nationales et symboles de la citoyenneté peut conduire à une sorte de paix assurée par le
pluralisme linguistique et culturel ne serait-ce que pour mettre fin au malaise provoqué par
les discours officiels versant le plus souvent dans le linguistiquement correct. En fait, tous
les problèmes linguistiques qu’a connus l’Algérie sont dus au « refus de reconnaissance
officielle des langues endogènes » comme dirait Abdou ELIMAM (2004 : 69). Ainsi, le
processus d’arabisation à conduit à la fois à la minoration des langues ‘‘maternelles’’ et au
recul de la langue française (BILLIEZ et KADI : 2000). En ce qui concerne la langue arabe
dialectale, les promoteurs de la politique linguistique la considèrent comme impure et
composite sous prétexte qu’elle recèle des mots du français refusant ainsi son
enseignement à l’école (cf. BENRABAH, 1993). Au-delà du débat « passionnel » dont les
promoteurs veulent incarner un idéal nationaliste, il faudrait envisager le rôle des langues
‘‘maternelles’’ dans la vie quotidienne de la quasi-totalité des citoyens et puis regarder la
place qu’occupe le français par rapport à ces langues et donc s’inscrire dans un processus
de planification fondé sur de véritables questions identitaires et des décisions qui évitent
les conflits linguistiques (voire identitaires). Il faut dire qu’en Algérie, il y a bien eu, des
politiques linguistiques qui ont amené à une situation linguistique complexe ayant favorisé
le débat idéologique au détriment du débat rationnel voire réaliste. Les décisions prises
pour accorder les statuts aux langues n’étaient pas le fruit d’une politique linguistique,

langue française n’en est jamais totalement absente. Certes, les progrès de l’arabisation ont conduit à sa
réduction, mais non à sa disparition.
31
Le processus d’arabisation n’avait pas d’autres ambitions que de contrer le français loin d’une planification
linguistique pour donner à l’arabe classique la place qu’il mérite. Par cette tentative de récupération les
politiques voulaient que la place du français soit diminuée et rabotée (MANZANO, 2003).

62
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

c'est-à-dire que les interventions n’avaient pas été menées sur la base d’une réflexion
profonde en amont32 (MORSLY, 2000). Au sujet des variétés du berbère, Abderrezak
DOURARI (1997) soulève les problèmes qui résultent de la mauvaise gestion du pluralisme
linguistique, qui ne tient pas compte de l’identité et de l’unité nationales surtout quand il
s’agit d’une variété de dialectes. Le politique et le linguistique n’ont jamais fait l’objet
d’un débat rigoureux pour aboutir à une convergence linguistique où le statut et la fonction
de chaque langue seraient précisés. S’agissant du dialecte arabe parlé dans pratiquement
toutes les villes, les choses ne sont ni clairement posées, ni totalement assumées surtout si
l’on tient compte de l’envergure des travaux des chercheurs algériens qui se sont intéressés
à toutes les variétés dialectales et au français parlé en Algérie. Il n’y a plus lieu aujourd’hui
de parler de monolinguisme ou de s’attacher uniquement aux langues locales, il n’y a pas
lieu non plus de rester indifférent face au plurilinguisme qu’impose la mondialisation. En
outre, si, dans le cadre d’une politique sensée, on ne posait pas les questions en termes de
mondialisation, de plurilinguisme et de gestion raisonnable et raisonnée des langues
locales, écrites ou orales, officielles ou non, il serait très difficile de parler du devenir
linguistique du pays. Le modèle gravitationnel33 ou la tripartition fonctionnelle – qui
concerne ‘‘ l’utilisation d’une langue grégaire en famille, une langue d’état dans la vie
publique et une troisième langue dans la communication internationale’’ (CALVET, 2002 :
39-42) – nous amène, dans le cas de l’Algérie, à envisager presque la même hiérarchisation
des langues. Ainsi, ce modèle n’est pas sans conséquences sur la situation des langues
parlées ou les langues qui représentent uniquement l’officialité.

1 – 3. Les immigrés algériens et leur(s) langue(s)

Cette situation linguistique explique en partie celle des immigrés algériens en


France à laquelle il convient de consacrer quelques lignes afin d’inscrire leurs pratiques
32
Il ne s’agit en aucun cas de recherches basées sur des données réelles, mais il était question à chaque fois
des réactions paradoxales contre la volonté du peuple.
33
Louis-Jean CALVET (2002 : 189) affirme à ce sujet : «Le modèle gravitationnel nous a en quelques sorte
donné à voir la traduction linguistique de la mondialisation : un marché (au sens boursier du terme) sur lequel
les langues sont hiérarchisées, certaines, au centre du système, étant les plus demandées, d’autres à sa
périphérie, lentement abandonnées. Ce processus de promotion et de régression des langues a, nous l’avons
dit, toujours existé, mais la mondialisation transforme un phénomène conjoncturel en phénomène structurel.
Elle tend à faire le vide entre le centre et la périphérie, suscitant l’émergence des réflexes communautaires,
renforçant les micronationalismes, favorisant l’expression d’identités exacerbées ».

63
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

langagières dans leur contexte sociolinguistique. Dans la mesure où, au plan


sociolinguistique et culturel, la diversité linguistique relève de l’hétérogénéité de la
communauté, il nous paraît justifié de rendre compte de la complexité de la situation des
immigrés envisagée ici sous l’angle des pratiques langagières. De ce point de vue, il ressort
que l’expérience de communiquer en se servant de deux langues (celle du pays natal/ou
d’accueil et celles de la culture d’origine) amène les locuteurs issus de l’immigration à
développer des façons de parler mixtes selon les compétences des locuteurs et le contact
qu’ils entretiennent avec les deux langues.

1 – 4. Les origines de l’immigration des Algériens en France

Les Algériens sont les premiers (parmi les maghrébins) à avoir immigré en France,
et ce depuis les premières années de la colonisation (ASSELAH-RAHAL, 2004 : 60-61). Mais
l’immigration la plus importante est celle du début des années soixante, définie comme une
immigration de colonisés (SAYAD, 1985 : 19). On l’a également définie comme une
immigration de travail et un réservoir de main d’œuvre compte tenu de l’importance
économique qu’on lui a accordée.
Considérés comme immigrés temporaires, les Algériens sont allés en France pour des
raisons économiques (GRANOTIER, 1976). Originaires de la campagne pour la plupart, les
individus de la première génération34 de l’immigration algérienne, ne possédaient aucune
qualification professionnelle et aucune instruction, émigrés essentiellement pour travailler
et assurer une vie meilleure pour leur famille restée en Algérie. Les principales professions
qu’ils occupaient se limitaient au domaine du bâtiment ou de l’industrie. Cette situation
socioprofessionnelle et économique n’était pas sans conséquences (linguistiques entre
autres) sur les membres des familles. Les immigrés algériens représentaient une main-
d’œuvre souhaitée idéale35, mais qui n’a pas bénéficié de conditions socioéconomiques
décentes.

34
Par immigrés de la première génération il faut entendre des individus ayant émigré vers la fin des années
cinquante pour des raisons économiques. C’est pour cela qu’on l’a qualifiée d’immigration de travail.
35
Abdelmalek SAYAD (1985 : 36), écrit au sujet des immigrés algériens qu’il qualifie d’exemplaires : « A
considérer l’immigré algérien et, surtout, à considérer sa contribution sous le seul rapport économique (et
étroitement économique) c'est-à-dire abstraction faite de toutes les autres significations qui s’attachent à sa
présence (présence dédaignée, méprisée, de peu d’égards, présence dominée) ainsi que de toutes les

64
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Les strates et les réseaux nés de ce contexte social sont à l’origine de la


stratification des langues pratiquées par les individus issus de l’immigration36. Il s’agit en
l’occurrence de l’arabe classique, de l’arabe dialectal et du berbère à côté de la langue du
pays d’accueil37 à savoir le français. Pour les parents comme pour les enfants, des
changements radicaux dans leur vie les ont amenés à se mettre à l’écart de la réalité du
pays d’accueil à plusieurs niveaux : linguistiques, socioculturels, socioéconomiques et
professionnels.

Vers le milieu des années soixante dix la situation a connu des changements
profonds : les immigrés temporaires venus pour travailler ont décidé de rester en France et
d’y vivre en famille. Ainsi, les autorités se sont rendues compte de la situation sociale des
travailleurs migrants qui avaient ramené leur famille en France pour le regroupement
familial. Ces familles n’avaient pas en effet bénéficié des mêmes chances sociales que les
autres populations migrantes, en l’occurrence les Européens (Espagnols, Portugais et
Italiens). Il faut rappeler que la plupart des immigrés (Maghrébins et Européens) ne
parlaient pas la langue française à leur arrivée. De multiples problèmes ont été soulevés à
ce sujet aussi bien au niveau familial (familles très mal imprégnées du français)
qu’institutionnel38 (l’intégration scolaire des enfants).

1 – 5. L’intérêt scientifique porté aux langues des immigrés et à la culture d’origine

Il est à constater qu’au départ certains chercheurs se sont intéressés uniquement à la


situation socioéconomique et culturelle des migrants. Ensuite, la réflexion s’est amorcée en
didactique des langues et en sociolinguistique39 par les chercheurs dont les travaux étaient

incidences (sociales, culturelles politiques, etc.) que comporte cette présence, on peut dire qu’il a longtemps
été, d’une certaine manière, l’immigré que la France peut tenir, à juste tire, comme l’immigré « idéal » , celui
qui lui « coûte » le moins et même ne lui « coûte » rien (dans la mesure où il n’est pas, pour elle, totalement
et ordinairement étranger) et celui qui lui « apporte » le plus ; bref, celui, qui , pour elle, présente la marge la
plus étendue de « bénéfices ».
36
Par « issus de l’immigration » on entend les individus nés en France de parents ayant immigré en France,
ce qui leur donne le droit du sol et donc à la nationalité française.
37
De naissance ou de résidence selon les cas.
38
Voir la recherche de Jacqueline BILLIEZ (1989) concernant les difficultés rencontrées par les enseignants
ainsi que les attitudes des parents envers l’apprentissage du français et de l’arabe.
39
Sur la question de l’enseignement des langues et des cultures d’origine, voir les travaux réunis dans la
revue LIDIL, n° 2, coordonné par Louise DABENE, décembre 1989.

65
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

orientés vers des questions relatives à l’enseignement/apprentissage de la langue française


comme élément d’intégration au sein de la société française. L’enseignement de la langue
française et des « langues et cultures d’origine »40 (LCO) constituait au départ une
initiative des associations qui avaient mis en place des dispositifs pédagogiques pour
l’alphabétisation des travailleurs et l’apprentissage des LCO pour les enfants nés en
France.

Les chercheurs en sociolinguistique ont vu dans la situation migratoire un sujet


d’étude. Ils ont ainsi montré l’importance de la question linguistique dans la vie des
individus immigrés en s’intéressant dans un premier temps plus particulièrement aux
travailleurs célibataires (GARDIN, 1976). Si les traits culturels du groupe d’appartenance
sont véhiculés par la langue, leurs conséquences peuvent être néfastes compte tenu de la
question identitaire41. L’acquisition de la langue du pays d’accueil/de naissance représente
pour l’immigré une priorité pour s’intégrer et établir des liens sociaux avec l’autre. Donc,
la présence voire la persistance de la langue et la culture d’origine face à d’autres langues,
celles de la vie quotidienne voire de la ville pour les jeunes, et celles de l’école ont
démultiplié la variation42 pour les descendants de l’immigration.

Les pratiques langagières sont en partie déterminées par les différentes mutations
qu’à connu (ou que connaît) l’individu immigré ou issu de l’immigration au sein de la
société ou du groupe auquel il appartient. Les recherches en sociolinguistique ont porté un
intérêt particulier au bilinguisme lié au phénomène migratoire (DE HERREDIA-
DEPREZ, 1976). Cette orientation vers cet objet d’étude, animée le plus souvent par un
intérêt pour les langues minorées (BILLIEZ, 1997), amène à s’interroger sur d’autres
phénomènes. Au-delà de l’action militante initiée dans le cadre associatif, la réflexion a
amené à une légitimité scientifique et à « la création par le CNRS du réseau de chercheurs
40
Il est mentionné dans la circulaire du 9 avril 1975 que : « le maintien des enfants étrangers dans la
connaissance de leur langue et de leur culture d’origine peut constituer un élément positif de l’adaptation des
enfants dans les établissements français », BO n° 15 du 17/4/1975 intitulé : L’enseignement des langues
nationales à l’intention d’élèves immigrés dans le cadre du tiers-temps des écoles élémentaires (cité par
Christine HELOT, 2007 :115).
41
Face à la multiplicité des références socioculturelles, la compétence interculturelle se révèle importante
dans la mesure où l’individu issu de l’immigration se positionne par rapport à la culture d’origine et celle du
pays de naissance, d’accueil ou de résidence (MANÇO, 2003).
42
A ce sujet Louise DABENE & Jacqueline BILLIEZ (1984) parlent de parler vernaculaire intra-familial
lorsque les deux langues sont mélangées par les membres de la famille et de parler véhiculaire interethnique
employé par les différentes communautés qui emploient le français avec des incrustations de leurs langues.

66
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

appelé ‘‘GRECO 13 Migrations Internationales’’ » (BILLIEZ & TRIMAILLE, 2001 : 107).


C’est ainsi qu’un champ de recherche s’est constitué autour de l’enseignement des langues
de culture d’origine.

Les premiers travaux de recherche se sont intéressés d’abord à la formation du


personnel dans différents secteurs où il y a une présence récurrente de migrants. Nous
pouvons citer la recherche pionnière menée par Jacqueline BILLIEZ (1979) dans la région
grenobloise dans le secteur hospitalier où elle s’interroge sur les pratiques langagières des
migrants de la première génération et sur l’apprentissage de la langue arabe par le
personnel médico-hospitalier pour des besoins communicatifs professionnels.
L’intérêt scientifique43 porté aux langues des communautés exogènes minoritaires venus de
différents horizons avait inscrit ipso facto l’étude des pratiques langagières dans une
perspective sociolinguistique qui cherche à renouveler le domaine de l’enseignement des
langues et les caractéristiques langagières et culturelles des populations migrantes.

Par ailleurs, la scolarisation des enfants d’immigrés a connu d’autres problèmes que
posent les langues enseignées, en l’occurrence la langue officielle du pays d’origine que ce
soit pour ceux qui sont nés en France ou ceux qui s’y sont nouvellement installés dans le
cadre d’un regroupement familial.

Parmi les questions soulevées par les chercheurs à propos de l’enseignement de la


langue du pays d’accueil et des LCO44, celle des langues à enseigner était d’une
importance cruciale du fait des clivages qui existent entre les langues du quotidien relatives
au milieu familial et la langue officielle du pays d’origine (DABENE, 1989 : 10-11). Sans
oublier, à ce propos, l’échec scolaire et les difficultés rencontrées aux plans pédagogique et
didactique par les enseignants (DABENE & BILLIEZ, 1987). De même que la réticence à
l’idée d’envisager les pratiques langagières des enfants issus de l’immigration comme
celles de sujets bilingues (HELOT, 2007 : 111-112) et la prise en compte du développement

43
Il s’agit de l’intérêt scientifique porté à l’enseignement des langues et à l’étude de la diversité linguistique
des populations migrantes. (cf. NOYAU, 1976 et DABENE, 1989).
44
Des accords bilatéraux ont été signés entre la France et l’Algérie concernant les programmes ELCO en
1982. Du fait de la non-reconnaissance des langues vernaculaires (l’arabe dialectal et le berbère) les accords
visaient uniquement l’enseignement de l’arabe classique, langue officielle du pays, et pas les autre les autres
langues.

67
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

du bilinguisme avec les langues de l’immigration ont amené à réfléchir sur d’autres
problèmes relatifs aux conditions sociales et scolaires.

Le terrain socio-éducatif a permis aux chercheurs en sociolinguistique et didactique


de décrire les répertoires verbaux et de s’interroger sur les politiques et les planifications
linguistiques et éducatives (cf. LAMBERT, 2005). La plupart des études ont montré « … que
ce sont les enfants d’âge scolaire qui introduisent l’usage du français dans la famille, et que
ce sont les parents qui tiennent à l’usage de leur langue maternelle.» (DEPREZ, 1996.b : 36).
Ainsi, Christine DEPREZ (ibid.) parle de politique linguistique familiale en ce qui concerne
la gestion et le choix de langues.

D’une population maghrébine à l’autre, la question linguistique était différemment


posée au sein de la cellule familiale selon qu’il s’agisse d’arabophones ou de
berbérophones, d’Algériens, de Marocains ou de Tunisiens. En fait, la population
maghrébine représente une configuration complexe du fait de la coexistence des variétés
des parlers arabes et berbères éloignées de l’arabe littéral. Cet état de fait a amplifié le
débat sur le choix des langues à enseigner et a amené les chercheurs à expérimenter les
activités de type « éveil aux langues » (BILLIEZ, 1989) visant l’intégration des LCO au sein
des écoles45. Outre cela, l’importance sociodidactique de ce projet visait la consolidation
et le développement du bilinguisme acquis par les enfants dans l’environnement familial
(BILLIEZ, 2000) voire scolaire où les contacts sont multiples (BILLIEZ et al., 2003.c).

1 – 6. Entre-deux pays et plusieurs langues : biculturalisme, identités et altérité ?

Nés au contact de deux langues, l’une se rapportant à la culture d’origine des


parents et l’autre liée à leur vie quotidienne dans le pays natal, les jeunes issus de
l’immigration développent un bi-plurilinguisme spécifique à travers lequel ils revendiquent
une identité le plus souvent assujettie à une double appartenance. Beaucoup de travaux
(DABENE & BILLIEZ, 1888 ; BILLIEZ, 1990 ; DEPREZ, 1994 ; CAUBET, 2000) ont montré que
le contact avec la langue d’origine des parents est lié aux conversations familiales, aux

45
Voir également d’autres contributions dans le numéro 2 de LIDIL « Les langues et les cultures des
populations migrantes : un défi à l’école française ».

68
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

cours de « langues de la culture d’origine » et aux séjours passés dans le pays des parents
et « aux mariages mixtes entre locuteurs d’ici et de là-bas » comme le souligne Christine
DEPREZ (2006 : 123). En effet, leur rapport avec la cellule familiale, les groupes de pairs,
l’école et le pays d’origine des parents leur ont donné cette caractéristique d’être
plurilingues (ou manifestant au moins une compétence plurilingue) et de posséder des
répertoires verbaux mixtes, hétérogènes voire plurilectaux. La langue d’origine jouit d’une
valeur symbolique comme marqueur d’identité (BILLIEZ, 1985.a), pour certains elle sert
aussi dans la communication interpersonnelle et sociale. La langue que parlent les jeunes
descendants de l’immigration dite langue métissée (MELLIANI, 1999.a, 1999.b) est née du
bi-plurilinguisme urbain et des réseaux personnels de communication dans différents
groupes de pairs (MERABTI, 1991). De ce métissage langagier résultent : « un parler
vernaculaire intra-familial » et « un parler véhiculaire interethnique » comme deux codes
reflétant les caractéristiques identitaires et générationnelles46 (DABENE & BILLIEZ, 1984). Il
s’agit d’un système de communication en évolution à travers lequel les structures
langagières d’une ou plusieurs langue(s) sont mêlées. Les transformations rapides que
connaît ce système témoignent d’un changement linguistique qui transgresse les frontières
existantes entre les groupes et leurs langues. A de rares exceptions près de monolinguisme
en français, les jeunes issus de l’immigration sont bi-plurilingues. En particulier presque
tous les jeunes emploient l’arabe dialectal à côté du français en entraînant des alternances
codiques. L’emploi des langues d’origine est, en effet, lié à des situations de
communication intragroupe en remplissant différentes fonctions (cryptique, ludique, etc.).
Par conséquent le français est la langue véhiculaire pour les différents groupes d’origines
différentes. S’ajoute à cela le verlan comme langage crypté employé pour des fins
communicatives bien précises (MELA, 1997).

En s’interrogeant sur la dynamique des répertoires verbaux chez les migrants


portugais en situation de contact de langues, Josiane BOUTET et Christine DEPREZ (2002)
mettent l’accent sur la catégorisation géographique « langue d’ici – langue de là-bas » et
les catégories sociales « espace privé – espace public » et l’emploi des variétés hautes et
basses qui correspondent à chacune des catégories. En effet, les pratiques langagières des

46
Henri BOYER (1997) plus tard emploiera pour désigner ce parler « sociolecte générationnel ».

69
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

jeunes issus de l’immigration observées sont tributaires de ces catégories et servent


d’attributs aux catégorisations identitaires.

La plupart des familles issues de l’immigration conservent plus ou moins la/les


langue(s) du pays d’origine. Chez les familles d’origine algérienne, le maintien de la
langue arabe dialectal47 au sein de la sphère familiale est apparent48 et ce malgré les
différenciations générationnelles et le contact intensif avec le français. Outre les
considérations soulignées, la langue d’origine assume plusieurs fonctions à côté du
français, en fonction des réseaux de relations dans différents groupes et grappes (MERABTI,
1992). Christine DEPREZ (1990 ; 2002) montre ainsi que le développement du répertoire
verbal est sous la dépendance des facteurs espace-temps et événements en évoquant le
nombre des solutions adoptées et adaptées au sein de la cellule familiale : le maintien ou
l’abandon de la langue maternelle (la langue de la culture d’origine) au détriment de la
langue du pays d’accueil, l’emploi des deux langues de façon alternée ou mélangée au gré
des circonstances. Outre les considérations sociolinguistiques soulignées, l’arabe dialectal
« la darja » est reconnu comme une langue de France mais également comme une langue
ressource et pour se ressourcer (CAUBET, 2007).

A chaque moment de la vie quotidienne correspondent des situations et des


contextes qui mettent en contact la/les langue(e) parlées. En fait, le contact entre les
langues des migrations et le français comme langue véhiculaire met en jeu des plurilingues
en devenir.
Pour des raisons sans doute sociales et identitaires les langues et cultures d’origine se
maintiennent aussi bien au sein de la cellule familiale (en tant que parler vernaculaire intra-
familial) que dans d’autres réseaux de communication (BILLIEZ, 1998).

47
Il en est de même pour la langue berbère chez les familles algériennes berbérophones.
48
Hormis les données que fournissent les recherches sur l’usage de la langue arabe dialectal en France par les
immigrés, nous avons nous-même constaté lors de nos voyages en France ces cinq dernières années (surtout
depuis que nous nous traitons ce sujet), l’omniprésence de l’arabe chez les individus d’origine algérienne, ils
l’emploient aussi bien dans la rue qu’à l’intérieur des foyers familiaux.

70
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

1 – 7. Le phénomène urbain : des jeunes et des langues

Au-delà de la cellule familiale et de l’école, les jeunes issus de l’immigration ont


tendance à s’inscrire dans une dynamique de faits qui les distingue de leurs ascendants
(surtout par rapport aux immigrés de la première génération) en choisissant plusieurs
modes d’expression (musicaux, graphiques et corporels) comme stratégies langagières et
identitaires. Ces modes de construction identitaire se situent à l’intersection de la double
appartenance socioculturelle et des difficultés sociales rencontrées. Ainsi, les jeunes
descendant de l’immigration ont choisi le quartier et la ville comme « petite patrie » où ils
avaient vécu et grandi (BILLIEZ, 1996) pour exprimer leurs souffrances voire leurs errances
et pour revendiquer leur droit et leur appartenance au groupe49. Ce qui caractérise ces
formes d’expression urbaine c’est le foisonnement et la diversité des langues et des
cultures. En effet, le pluralisme linguistique urbain en France se caractérise par une grande
diversité de langues et de situations dont la conséquence est le métissage langagier50. Une
des caractéristiques des façons de parler de ces jeunes est ce que GUMPERZ (1989) appelle
‘‘we code’’ ; ce dernier est le symbole d’adhésion, d’intégration communautaire,
d’identification au groupe de pairs et de solidarité51. Le langage du ‘‘nous’’ (BILLIEZ,
1990), qui correspond au « parler véhiculaire interethnique » opposé à la fois au français
scolaire ou véhiculaire et au « vernaculaire intra-familial », constitue un moyen de
communication spécifique à différents réseaux de relations, moyen défini par différentes
fonctions. Ces situations de communication qui mettent en jeu les langues en présence dans
la cellule familiale, dans l’école et dans la ville, voire dans le quartier, sont caractérisées
par l’asymétrie des compétences entre parents et enfants (DEPREZ, 1990) et par la
mobilisation des répertoires verbaux bi-plurilingues. En effet, les répertoires verbaux des
ces jeunes de la première puis troisième génération comportent : des éléments empruntés
aux langues en présence, des alternances codiques, des inventions lexicales et des formes
(re)verlanisées.

49
Nous entendons par groupe aussi bien la famille, le groupe de pairs que l’appartenance à la communauté.
50
Ce métissage constitue une des caractéristiques de la variété dite « parler jeune » caractérisé par la
créativité comme diraient Cyril TRIMAILLE et Jacqueline BILLIEZ (2008 : 96) « [...] tant sur le plan des
procédés de création qu’au niveau de leur fonction et du contexte sociologique dans lequel elles sont
utilisées ... ».
51
Il est d’autres facteurs qui conduisent à la prédominance du néocodage ou à la transgression langagière et
sociale chez les jeunes issus de l’immigration (TRIMAILLE, 1993).

71
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Au terme de la présentation succincte de ces données d’ordre


sociohistoricolinguistiques, il convient de dire qu’il s’agit de deux situations
sociolinguistiques plurilingues. Un plurilinguisme qui favorise l’emploi du français et de
l’arabe dialectal et l’alternance.

La rencontre immigrés/non-immigrés implique donc que le répertoire des usagers


sera vraisemblablement partagé entre l’arabe et le français (DEPREZ, 2006).

En Algérie comme en France, la question linguistique reste liée aux conjonctures et


à la dynamique de la société et aux décisions politiques. La présence du français en Algérie
et celle de l’arabe dialectal en France ont fait que de nombreux locuteurs algériens
immigrés/non-immigrés restent ou deviennent, outre les considérations politiques et
socioculturelles, bi-plurilingues.

2. Attitudes et représentations envers les deux langues et l’alternance codique

Il en résulte de la situation sociolinguistique que les locuteurs dans les deux pays
ont développé des attitudes et des représentations envers l’emploi de l’arabe dialectal, du
français, et des ‘‘mélanges’’. Notre but ici est donc de présenter les données recueillies
auprès de 24752 enquêtés immigrés/non-immigrés, hommes et femmes interrogés en
Algérie par questionnaire écrit et par des entretiens semi-directifs.

Etant donné l’objectif de notre recherche visant l’étude de l’alternance codique et


les aspects qui président à la régulation des conversations bilingues et/ou exolingues, il
nous intéresse d’analyser dans cette section la façon dont les locuteurs parlent d’eux-
mêmes (représentations subjectives) et de la société. Nous avons basé notre analyse, dans
un premier temps, sur les données sociologiques (extralinguistiques) pour entamer ensuite
l’étude des attitudes, des représentations et de la conscience linguistique des
locuteurs/enquêtés (immigrés et non-immigrés) quant à l’usage alternatif de l’arabe

52
Il s’agit de la somme des deux échantillons relatifs à l’enquête par questionnaire écrit et l’enquête par
entretiens semi-directifs.

72
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

dialectal et du français. Une attention particulière sera portée ensuite aux déclarations53 des
enquêtés interrogés afin d’éviter les discours pré-construits et pour ne pas perdre de vue les
implications méthodologiques et théoriques liées à la finalité de notre recherche.

Les analyses qui vont suivre seront avant tout quantitatives mais étayés par des
extraits d’entretiens conduits auprès de dix sujets immigrés/non-immigrés et des trois
participantes aux conversations.

2 – 1. Biographie langagière des enquêtés et les usages déclarés des langues en


présence et de l’alternance codique

2 – 1 – 1. Les variables sociologiques

Afin d’étudier le rapport entre les caractéristiques principales des enquêtés, leurs
profils langagiers54 et leurs déclarations sur l’usage des langues nous présenterons d’autres
éléments susceptibles de fournir des pistes sur la maîtrise déclarée des deux langues et
l’alternance codique. Ensuite, nous nous intéresserons à tout ce qui a trait au choix, à
l’alternance codique et l’(auto)-évaluation des usages langagiers.

53
Comme nous l’avons souligné dans la méthodologie, les commentaires des enquêtés qui ne savent pas
écrire ont été pris tels quels sans interprétation aucune. Il en est de même pour le reste des informateurs.
Nous avons été pratiquement tout le temps présent au moment où les enquêtés remplissaient le questionnaire,
et nous avons dû intervenir à maintes reprises pour les aider à remplir et pour leur fournir des explications.
Nous avons également pris beaucoup de notes sur les représentations que se font les enquêtés de leurs
pratiques langagières.
54
Il s’agit plus précisément de la maîtrise déclarée des langues ; les données chiffrées nous permettent en
effet de mesurer la distance entre les déclarations, l’auto-évaluation et l’évaluation des compétences des
autres.

73
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Non-immigrés/immigrés
Situations Non-immigrés Immigrés Total

Encore scolarisés 58,46 % 41,54 %


38 27 65
25,00 % 32,53 % 27,66 %
Ayant une profession 52 % 48 %
52 48 100
34,21 % 57,83 % 42,56 %
Non-actifs 88,57 % 11,43 %
62 8 70
40,79 % 9,64 % 29,78 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 1 : Répartition des enquêtés selon leur profession.

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Situations
Diplômés 68,61 % 31,39 %
59 27 86
38,81 % 32,54 % 36,59 %
Non diplômés (21-37ans) 54,44 % 47,56 %
43 39 82
28,29 % 46,98 % 34,89 %
Femmes au foyer 74,62 % 25,38 %
50 17 67
32,89 % 20,48 % 28,52 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 2 : Répartition des non-actifs selon la qualification et la situation.

La moyenne d’âge de l’échantillon de l’enquête par questionnaire est de 27 ans


(voir supra : l’échantillon de l’enquête par questionnaire), la plupart ayant été scolarisé au
moins jusqu’à la 9ème année fondamentale, d’autres sont des universitaires (bac + 4 et
plus). Parmi les non-immigrés 40,79 % sont non-actifs, dont 32,89 % de femmes au foyer,
38,81 % sont diplômés (diplômes d’aptitude professionnel, techniciens et techniciens
supérieurs, licenciés, ingénieurs, magistère, etc.). 28,29 % sont des jeunes chômeurs non
diplômés, âgés de 21 à 36 ans ayant quitté l’école, soit à l’âge de 16 ans, soit à l’âge de 20
ans. 25 % sont encore scolarisés soit au secondaire soit à l’université. 34,21 % seulement

74
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

occupent un emploi (enseignants, banquiers, agents de sécurité, receveurs de bus,


commerçants, etc.).

Chez les immigrés nous constatons que seulement 9,64 % sont de non-actifs ; la
plupart ont reçu une instruction à l’école et ont bénéficié également d’une formation
professionnelle dont 32,54 % de diplômés contre 46,98 % non diplômés et 20,48 % sont
des femmes au foyer qui s’occupent de leur maison. 32,53 % des enquêtés sont encore
scolarisés et 57,83 % occupent un emploi (ouvriers, enseignants, cadre dans des
entreprises, etc.).

Pour les deux catégories réunies ensemble (non-immigrés et immigrés) 27,66 %


sont encore scolarisés soit 58,46 % pour les premiers et 41,54 % pour les seconds ; 42,56
% occupent un emploi soit 52 % des non-immigrés et 48 % des immigrés ; enfin, 29,78 %
sont au chômage à savoir 88,57 % pour les non-immigrés et 11,43 % des immigrés. Pour
ce qui est de la répartition des enquêtés chômeurs parmi les non-immigrés et les immigrés
36,59 % sont diplômés soit 86,61 % des non-immigrés et 31,9 % des immigrés, 34,89 %
non diplômés dont 54,44 % des non-immigrés et 47,56 % des immigrés et enfin 28,52 %
sont des femmes au foyer soit 74,62 % des non-immigrées et 25,38 % des immigrées.

Les jeunes et jeunes adultes forment une classe importante55 par rapport à
l’ensemble de la population. Ils ont tous ou presque un niveau d’instruction qui nous
permet de conclure qu’ils ont été confrontés aux principales langues d’enseignement à
savoir l’arabe classique et le français pour les non-immigrés. Il n’en va pas de même pour
les immigrés, qui n’ont pas forcément suivi des cours d’arabe classique56. Il faut également
souligner que l’écart entre le taux des non-actifs immigrés et non-immigrés permet de dire,
notamment à partir des jeunes ayant récemment émigré, qu’il s’agit d’une émigration de
travail.

55
Concernant les immigrés et les descendants de l’immigration cette classe possède des qualifications sur le
plan professionnel contrairement à leur aînés qui ont émigré à l’époque coloniale ou après l’indépendance.
56
Beaucoup d’enquêtés notamment les descendants de l’immigration (deuxième et troisième génération) ont
affirmé qu’ils n’ont pas une grande maîtrise de l’arabe classique, une langue qu’ils utilisent très rarement.
Les travaux menés par Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1984) ont montré que l’influence des cours
d’arabe classique n’était pas conséquente. Cependant, les jeunes immigrés, ayant été scolarisés en Algérie,
ont un degré de maîtrise de cette langue qui reste relatif à leur niveau d’instruction.

75
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Le croisement des données de cette série de questions avec celle qui concerne la
connaissance déclarée de l’arabe dialectal et du français ainsi que les circonstances qui ont
fait que l’une ou l’autre langue est utilisée et/ou maîtrisée, conduit à parler d’un parler
bilingue résultant de la coexistence des deux langues, comme non allons le découvrir.

2 – 1 – 2. Usages et maîtrise déclarés de l’arabe dialectal et du français par les


immigrés et les non-immigrés

Les enquêtés issus de l’immigration nous ont précisé qu’ils ont appris l’arabe
dialectal, selon les cas, au sein du réseau familial, dans la rue (groupe de pairs) et à travers
leurs séjours passés dans le pays d’origine des parents (ou de naissance pour ceux qui ont
émigré avec leurs familles). Entre les déclarations des sujets enquêtés qui sont nés en
France et ceux qui sont partis à l’âge de six (06) ou dix ans (10), se dessinent des
divergences concernant la maîtrise et l’usage de l’arabe dialectal. Par contre pour les
jeunes qui sont partis à l’âge de vingt (20) ou trente ans (30), les choses sont différentes.
Les divergences sont encore plus significatives entre les garçons et les filles. Certains
recherches ont montré que les filles57 issues de l’immigration sont les gardiennes de la
langue (DABENE & BILLIEZ, 1984, 1988 ; BILLIEZ, 1985 ; BILLIEZ et al., 2003.a).

En effet, nous avons remarqué que la majorité des filles révèle une nette tendance à
valoriser le bilinguisme tant au niveau individuel que social, cela varie selon l’âge et le
niveau d’instruction ou le niveau socioculturel de la famille. Parmi les déclarations des
enquêtées immigrées/non-immigrées nous avons retenu les propos suivants :

On peut dire qu’on parle plusieurs langues nous les jeunes / on a eu la chance d’être à l’école / il y
a la télé / la situation s’est améliorée on a tout / ce n’est pas comme nous parents / le français les
filles l’utilisent beaucoup même celles qui ne vont plus à l’école elles continuent à le parler
(Sou.F.N-I. 2).

Par rapport à mes frères j’utilise beaucoup la langue du pays / je la parle pas couramment mais
j’emploie des petites phrases / je réponds à mes parents / ici au bled j’essaye de parler en arabe /

57
Cela renvoie également à un type de représentation nommé « proclamation volontariste » (BILLIEZ et al.,
2002). Il faut signaler à ce propos l’importance accordée à cette catégorie – c'est-à-dire les filles – dans de
nombreuses recherches portant sur les représentations et les pratiques langagières des descendants de
l’immigration, voir entre autres, l’article de Jacqueline BILLIEZ & Patricia LAMBERT (2008.a) qui passent en
revu sur les attraits de ce sujet en sociolinguistique.

76
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

enfin j’utilise les deux / en France les jeunes parlent les deux / on a pas appris l’arabe à l’école /
c’est la famille et les vacances ici (Mir.F.I-I. 8).

Les enquêtés issus de l’immigration ont déclaré qu’ils parlent plusieurs langues et
estiment parler une seule langue selon les circonstances. Même si l’arabe dialectal coexiste
avec le français dans le quotidien des immigrés, son usage reste lié aux réseaux sociaux
comme la famille et les amis pratiquant cette langue. Ceci a été signalé par la plupart des
enquêtés qui étaient soumis aux entretiens. Par exemple, dans l’extrait ci-dessous tiré d’un
entretien avec une enquêtrice immigrée (Far.F.I-I. 1) nous constatons que l’emploi et
l’apprentissage de l’arabe dialectal est lié à la mobilité spatiale (cf. BILLIEZ & LAMBERT,
2005). Il en est de même pour (Mir.F.I-I. 9) qui a passé quelques années dans le pays
d’origine des parents et, qui depuis un certains temps fait beaucoup de va-et-vient entre les
deux pays.

Je parle deux langues couramment / ça dépend le français et l’arabe maghrébin / ben je parle le
français quand je suis avec les Français / ah oui avec les Français je ne parle que le français mais
quand je suis avec les Maghrébins c’est vrai je mélange les deux / ah je trouve très bien / parce que
j’avais deux langues à la naissance l’arabe et le français étant donné que ma mère est une immigrée
/ j’ai pas eu des problèmes / je parlais déjà les deux langues quand j’étais en Algérie / j’ai deux
langues maternelles en fait (Mir.F.I-I. 8).

Les sœurs un peu de tout / nahadrou chouwiyya (on parle un peu) arabe chouwiyya (un peu)
français / mais netfahmou (on se comprend) mais beaucoup plus en arabe mais pas l’arabe
littéraire / l’arabe algérien maghrébin (…) le fait de venir chaque année au pays d’origine avec les
parents ça nous a permis d’apprendre beaucoup plus facilement l’arabe ça c’est sûr parce que
comme je disais si on ne venait pas chaque année en Algérie jamais je ne saurais parler comme je le
fais aujourd’hui (…) là on trouve l’occasion c’est de parler en français et en arabe / ben on l’a fait
et ça marche super bien // on parle en verlan c’est des codes / on placera des mots en arabe et ça
marche super bien /// ouais on va dire / mais avant l’Algérie c’était la France // mais je me retrouve
bien parce que je vis en France et je sais parler l’arabe quand même je me sens bilingue (Far.F.I-I.
1).

Ces résultats peuvent donc être pondérés selon le contexte et la situation, de même
que cela peut nous indiquer que la corrélation âge / connaissance des langues est essentielle
pour parler de l’acquisition des formes linguistiques de l’arabe dialectal et du français ainsi
que l’existence d’un français parlé. Notons que la majorité estime connaître en plus de

77
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

l’arabe classique et le français, l’anglais, l’espagnol et l’allemand58. Certains précisent


qu’il s’agit d’une connaissance qui dépend des besoins et que l’usage de ces langues reste
lié aux circonstances et aux réseaux (école, travail, groupe de pairs, etc.).
En voici quelques propos :

Les langues que j’ai apprise à l’école / beaucoup d’anglais / six ans d’anglais // niveau scolaire / la
base / c’est vraiment la base scolaire // j’avais également le choix avec l’espagnol que je n’avais
pas pu apprendre car j’ai arrêté l’école au bac // par contre j’ai passé mon bac avec la mention de
choix / l’algérien maghrébin (Far.F.I-I. 1).

Oui je parle plusieurs langues / je parle le français / un peu l’anglais / et l’espagnol // à l’école oui /
oui // et l’arabe c’est notre langue //l’arabe classique pas tellement // à l’école // pour lire un livre /
voilà // l’anglais est une langue internationale pour moi / on l’utilise et on l’apprend avec les gens
qui parlent cette langue // oui on parle un peu le français à la maison surtout avec ma sœur
(Sou.F.N-I. 2).

On peut donc parler de compétence réceptrice59. Dans les déclarations de jeunes


immigrés installés60 au pays de leur culture d’origine montrent que la différence entre
langue maternelle/langue du pays natal (ou d’accueil pour certains) et langue de la culture
d’origine ne se pose pas de la même façon dans les deux pays. La conviction affichée de
posséder deux langues voire deux cultures est soulignée aussi dans le discours de certains
descendants de l’immigration (Far.F.I-I. 1) et (Sam.H.I-I. 11) ou les immigrés
(Nas.H.I.4) :

Je viens en Algérie moi personnellement depuis que j’avais huit ans / chaque année je viens avec
mes parents / sachant que même après huit ans je ne comprenais pas du tout l’arabe / donc
j’écoutais mais pour répondre je ne savais pas répondre / j’observais mes parents / mes tantes / mes
oncles // c’était au fur et à mesure que mes parents me ramenaient en Algérie que j’ai appris
l’algérien / sinon franchement sinon jamais je l’aurais appris / même avec ma mère on parlait en

58
Il s’agit d’un apprentissage scolaire qui concerne les deux catégories confondues (non-
immigrés/immigrés). C’est la raison pour laquelle nous avons écarté certaines questions qui n’étaient pas très
pertinentes ou parce qu’elles étaient trop dirigées.
59
Il s’agit de locuteurs qui comprennent mais qui ne s’expriment pas en anglais ou en espagnol. Même quand
ils tentent d’employer des phrases ou des mots on sent chez eux une attitude d’insécurité linguistique. Lors
des entretiens certains nous ont donné l’exemple des médias (radio et télévision).
60
Pour cette catégorie d’enquêtés nous les avons inscrits parmi les non-immigrés étant donné qu’ils sont
rentrés définitivement avec leurs parents il y a plus de vingt ans alors qu’ils étaient encore enfants pour la
plupart. Même s’ils ne gardent pas beaucoup de souvenirs du pays natal et des expériences individuelles là-
bas, nous soulignons à travers leurs déclarations le sentiment des bilingues ayant acquis les deux langues
naturellement au sein de la société.

78
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

français /elle ne nous comprenait pas / par contre avec mon père on parlait beaucoup le français en
France /mais on parle pas l’arabe tous les jours en tous les cas (Far.F.I-I. 1).
Le français c’est leur langue maternelle // l’arabe c’est leur langue d’origine on va dire / d’origine
de leur parents / c’est pour ça qu’ils restent attachés à cette langue mais il n’y a pas de règles par
ce que nous-mêmes /// voilà c’est une langue familiale // c’est exactement ça (…) ils ont besoin
d’une double culture // c’est un équilibre (Nas.H.I. 4).

J’ai appris à parler les deux langues mais c’était d’abord la langue arabe du fait que mes parents
parlaient l’arabe dans le foyer et partout et surtout lors de mes vacances en Algérie / puis on parlait
un peu de français / mais c’est surtout à l’école que j’ai appris à bien parler cette langue / ce qui
m’a permis d’être bilingue (Sam.H.I-I. 11).

2 – 1 – 3. Lieux d’apprentissage (d’acquisition) du français

Q. B. 3- : « Où avez-vous appris le français ? : à l’école, l’école et la maison, l’école et la


rue, l’école et les médias, autres. ».

Catégories
Lieux d’apprentissage Non-immigrés Immigrés Total
82,95 % 17,04 %
A l’école 185 38 223
58,82 % 14,61 % 44,24 %
13,79 % 86,21 %
L’école et la maison 28 175 203
11,48 % 67,31 % 40,28 %
38 % 62 %
L’école et la rue 19 31 50
7,78 % 11,93 % 9,93 %
42,85 % 57,15 %
Ecole et les médias 12 16 28
4,92 % 6,15 % 5,55 %
Total 244 260 504
48,42 % 51,58 % 100 %
Tableau 3 : Lieux d’apprentissage du français.

Parmi ceux qui ont déclaré comme lieu unique d’apprentissage du français l’école
on trouve 82,95 % de non-immigrés et 17,04 % d’immigrés. 58,82 % des non-immigrés
ont déclaré qu’ils l’ont appris à l’école contre seulement 14,61 % des immigrés. Il n’est pas
étonnant si 67,31 % des immigrés déclarent qu’ils ont appris le français à l’école et au sein
de la famille contre 11,48 % des non-immigrés. Ceci nous amène à conclure qu’il s’agit
d’un bilinguisme scolaire pour les non-immigrés qui se développe lors des différents

79
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

contacts au sein de la société. Chez les immigrés le français est une langue apprise en
milieu familial au même titre que la langue de la culture d’origine.

Il se trouve que l’apprentissage du français à l’école est bien représenté sur le plan
quantitatif compte tenu des autres possibilités. La majorité des non-immigrés a opté pour
ce choix soit un pourcentage de 58,82 % contre 14,61 % pour les immigrés. Il faut préciser
que parmi les enquêtes (immigrés/non-immigrés) il y a ceux qui ont déclaré aussi l’école et
la maison, l’école et la rue comme lieux d’apprentissage. Parmi les non-immigrés, 11,48 %
ont déclaré qu’ils ont appris le français à l’école et à la maison61 contre 67,31 % des
immigrés. En effet, 11,48 % des réponses des non-immigrés concernent le choix de la
deuxième proposition c'est-à-dire le français appris à l’école et à la maison. Comme nous
l’avons déjà signalé il ne s’agit en aucun cas ici de bilinguisme familial ou du français
langue maternelle62 mais d’un usage qui reste lié au niveau socio-économique et
socioculturel des membres de la famille. Cependant, le taux de 67,31 % correspond aux
réponses des immigrés pour ce choix. L’écart entre les réponses des immigrés et des non-
immigrés sont significatifs et renseignent sur la position des deux langues : langue apprise
à l’école et/ou au sein de la famille. Les représentations en ce qui concerne le lieu
d’apprentissage de ces langues sont en corrélation avec l’aptitude des locuteurs à manier
telle ou telle langue et l’environnement langagier. Si le français est enseigné et appris à
l’école comme langue étrangère (par la quasi-totalité des non-immigrés) pour des fins
scolaires (intellectuelles), pour les immigrés, le français est une deuxième langue apprise
au sein de la famille et développée à l’école. 38 % des enquêtés ont déclaré qu’ils ont
appris le français à l’école et dans la rue chez les non-immigrés contre 62 % des immigrés.
Ce troisième choix est représenté globalement par 7,78 % des non-immigrés contre 11,93
% des immigrés. Parmi les non-immigrés 42,85 % ont déclarés qu’ils ont appris le français
à travers l’école et les médias contre 57,15 % des immigrés. Pour ce qui est du quatrième

61
Nous avons associé l’école aux quatre propositions pour montrer la complémentarité en ce qui concerne
l’apprentissage du français. Que ce soit pour les non-immigrés ou pour les immigrés l’apprentissage scolaire
semble essentiel et renseigne sur les composantes du répertoire verbal.
62
Il n’est pas question de mariages mixtes où l’individu acquiert les deux langues en même temps, il est
plutôt question de l’emploi de deux langues (arabe dialectal/français) qui ont leur place au sein de la société.
Même dans le cas d’un bilinguisme précoce, l’arabe dialectal reste la langue de la première socialisation.
Outre ces considérations, certaines formes bilingues sont acquises à travers l’emploi de l’arabe dialectal qui
compte un nombre important de mots et d’expressions empruntés à la langue française. N’entre pas ici en
ligne de compte la proportion de 03,29 % des sujets qui déclarent avoir appris le français à la maison comme
langue maternelle.

80
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

choix nous constatons que les taux sont relativement bas à comparer avec ceux des trois
premières propositions soit 4,92 % de choix faits par les non-immigrés et 6,15 % par les
immigrés. Ainsi, la rue, les médias et la maison sont des catalyseurs qui amènent les
individus à acquérir d’autres formes pour la communication au sein de la société.
Concernant le français, on peut dire que la coexistence de la langue maternelle (ou de la
culture d’origine pour les immigrés) avec le français privilégie l’acquisition des formes de
communication bilingues. Ces données se combinent de façons différentes selon les
individus, leurs attitudes envers les deux langues et leurs aptitudes à les parler. Outre les
quatre propositions, certains interviewés ont ajouté qu’ils ont appris le français à travers les
voyages et au travail, d’autres ont souligné également l’importance d’Internet dans
l’appropriation de certaines formes du français.

Parmi les descendants de l’immigration certains considèrent le français comme


langue maternelle et l’arabe dialectal comme deuxième langue. On peut donc faire
l’hypothèse que cette représentation est en partie liée à la place qu’occupe le français au
sein de certaines familles et à la transmission partielle de l’arabe dialectal63.

Les jeunes immigrés, installés depuis quelques années en France, pour la plupart,
évoquent le rôle de l’arabe dialectal et du français dans leur vie quotidienne en soulignant
leur aspect utilitaire. Ils considèrent le français avant tout comme langue de
communication nécessaire aussi bien dans le travail que dans les échanges quotidiens tout
en considérant la nécessité de l’emploi de l’arabe dialectal en famille et avec les
Maghrébins. Voici les propos de trois immigrés illustrant le rôle que jouent les deux
langues dans le quotidien des immigrés, il s’agit en l’occurrence de la descendante de
l’immigration ayant participé aux enregistrement des conversations (Far.F.I. 1) et deux
autres immigrés (Nas.H.I. 4) ayant émigré il y a quinze ans et (Moh.H.I. 5) immigré
depuis dix ans :

Au sein de la famille je parle l’argot et le verlan avec l’algérien maghrébin chouiyya menna
chouiyya men (un peu de tout) // je parle avec mes frères l’algérien maghrébin // ben en admettant
je leur demande du café je leur dis du choika / je parle avec ma sœur beaucoup de verlan / par

63
Beaucoup de recherches de terrain de nature qualitative et/ou quantitative ont déjà fait état de l’usage et de
la transmission des langues d’origine par les parents (mères et pères) dans la communication intra-familiale
(DEPREZ, 1994 ; BILLIEZ & DABENE 1984 ; BILLIEZ, 1985, BILLIEZ, et al., 2003.c).

81
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

contre quand je viens ici en Algérie ben je parle un peu de tout français / arabe / mais pas
forcément l’arabe directement ou le français directement / avec les parents / avec ma mère
directement laçreb (les Arabes pour désigner l’arabe) /la langue arabe impossible bach tefhem
(impossible de comprendre) le français donc ça c’est sûr et certain / d’ailleurs quand je suis avec
elle / il faut que je lui fasse comprendre tout / quand elle veut acheter quelque chose ben il faut que
je sois là // par contre ce qu’elle sait faire c’est compter l’argent / elle connaît très bien / d’ailleurs
toutes les mères maghrébines en France elles connaissent super bien l’Euro // elles savent super
bien compter /// Mon père en fait il parle très bien l’arabe / très bien le français / d’ailleurs il est né
ici / par contre il parle aussi patois / ben c’est la langue du Nord-Pas-de-Calais / il parle chtimi //
ensuite les frères ben c’est français / c’est l’argot / le verlan / énormément verlan / c’est des rebeus
/ donc sachant qu’ils sont jeunes / qu’ils sont en France / immigrés / ils parlent énormément l’argot
/// les sœurs un peu de tout / nahadrou chouwiyya (on parle un peu) arabe chouwiyya (un peu)
français / mais netfahmou (on se comprend) mais beaucoup plus en arabe mais pas l’arabe
littéraire / l’arabe algérien maghrébin // avec les voisins maghrébins on parle en français avec eux /
mais avec les Français on parle français mais un français littéraire / il n’y a pas de mots
maghrébins à part de temps en temps ki (quand) on leur dit kif kif yefehmou (ils comprennent) tout
de suite (Far.F.I-I. 1).

Pour la deuxième génération de France // le français c’est leur langue maternelle / le français c’est
leur langue maternelle // l’arabe c’est leur langue d’origine on va dire / d’origine de leur parents /
c’est pour ça qu’ils restent attachés à cette langue mais il n’y a pas de règles par ce que nous-
mêmes /// voilà c’est une langue familiale // c’est exactement ça (Nas.H.I. 4).

Je parle les deux / les deux / avec les Français je parle le français / tu veux dire en France ou en
Algérie / en France je parle le français avec les Français / avec les arabes comme moi / les
musulmans / je parle en arabe / mais en Algérie je parle en arabe / ce n’est pas nécessaire de parler
en français même si beaucoup l’utilisent (Moh.H.I. 5).

2 – 1 – 4. Fréquence de l’emploi de l’arabe dialectal et du français

Q.C.1- : «Dans quelle(s) langue(s) vous vous exprimez le plus souvent ? – Arabe dialectal
– français. Dites pourquoi ? ».

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total

90,04 % 9,06 %
Arabe dialectal 113 12 125
74,34 % 14,46 % 53,19 %
35,45 % 64,56 %
Français 39 71 110
25,66 % 85,54 % 68,81 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 4 : La fréquence de l’emploi de l’arabe dialectal et du français.

82
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Pour cette question 53,19 % des enquêtés (non-immigrés et immigrés) ont affirmé
qu’ils s’expriment le plus souvent en arabe dialectal, soit 74,34 des non-immigrés et 14,46
% des immigrés. 68, 81 % ont déclaré qu’ils s’expriment le plus souvent en français soit
35,45 % des non-immigrés et 64,56 % des immigrés. Ces pourcentages sont relatifs aux
réseaux dans lesquels les locuteurs sont inscrits et les faisceaux des situations de
communication.

Parmi l’ensemble des enquêtés non-immigrés, 74,34 % estiment s’exprimer en


arabe dialectal contre 25,66 % pour le français. En ce qui concerne les enquêtés immigrés
14,46 % ont choisi l’arabe dialectal contre 85,54 % qui déclarent employer le plus souvent
le français.

Si l’on compare les résultats obtenus pour les réponses des non-immigrés et des
immigrés, on peut noter des écarts significatifs concernant les deux langues que ce soit
chez les deux populations réunies ensemble ou séparées ou encore pour les taux obtenus
pour chaque langue.

Il en résulte que les enquêtés éprouvent le besoin d’utiliser les deux langues, pour
des fins communicatives et d’intercompréhension comme le montrent ces quatre
propos d’immigrés et de non-immigrés :

Quand j’utilise l’arabe c’est surtout des petites phrases et des mots / des fois je parle l’arabe pour
expliquer / souvent pour expliquer / il y en a beaucoup qui sortent des mots arabes / je pense que ça
c’est normal (Yas.H.I. 6).

On mélange c’est parti tout seul / c’est les jeunes / au fur et à mesure / on parle c’est pour se faire
comprendre / çla khater (parce que) il y a beaucoup d’immigrés qui ne savent pas parler l’arabe //
donc euh yahadrou bel français (ils parlent en français) (Far.F.I-I. 1).

On utilise trop de mots en arabe quand on parle en français // pour que les gens nous comprennent /
on est libre de parler l’arabe à côté du français / on utilise souvent le français et l’arabe / les
commerçants / les jeunes etcetera / les mots français sont très utilisés / on utilise l’arabe et le
français pour que les gens nous comprennent (Sou.F.N-I. 3).

(...) automatiquement pour se faire comprendre on utilise le français // mais généralement nous les
Algériens on utilise beaucoup le dialecte et le français / des fois on commence une phrase en
français et on la termine en arabe ou le contraire / mais parfois on trouve plus de français que de
l’arabe / moi aussi je parle les deux langues en même temps // d’ailleurs c’est le cas de beaucoup

83
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

d’Algériens / c’est naturel / parce que les Algérien maîtrisent les deux langues on est bilingues
(Nad.H.N-I. 12).

De même que le choix d’une des deux langues est nécessaire sur les plans
socioprofessionnel et intellectuel comme diraient certains immigrés, (Nas.H.I.4) par
exemple, à propos de l’évitement de l’arabe dialectal et la nécessité de l’emploi du français
avec ses collègues français :

En présence d’un Français je parle rarement en arabe / rarement / ça m’arrive pour des termes /
qu’on ne peut pas faire passer en français // oui mais après en essayant de leur faire comprendre
des termes / parce qu’il y a des termes qu’on ne peut pas traduire / ça m’arrive souvent oui !
(Nas.H.I. 4).

Il est inéluctable de souligner au niveau du discours des enquêtés le poids des


stéréotypes, des forces sociales et des habitudes langagières acquises. Les traits
fondamentaux soulignés concernant la fréquence de l’emploi de l’arabe dialectal et du
français ont la caractéristique d’être fortement liés aux profils langagiers des enquêtés et de
leurs préférences. Ce qui montre aussi que le français n’est pas en Algérie une langue
minorée comme l’est l’arabe dialectal en France64 pour les immigrés.

64
Plusieurs recherches ont montrées la place qu’occupe l’arabe maghrébin (l’algérien, le tunisien et le
marocain) au sein du paysage linguistique en France (CAUBET, 2004, 2007 ; BARONTINI, 2007).

84
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2 – 1 – 5. Usage déclaré du français : une langue du quotidien ?

Q.C- 2. a- : « En ce qui concerne la langue française : est-elle une langue de


communication dans votre quotidien ? Oui / Non. Précisez ».

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total

57,99 % 42,01 %
Oui 98 71 169
64,47 % 85,54 % 71,91 %
83,33 % 16,67 %
Non 10 2 12
6,58 % 2,41 % 5,11 %
81,48 % 18,52 %
Avec des restrictions 44 10 54
28,95 % 12,05 % 22,98 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 5 : Le français comme langue de communication.

Conjointement aux réponses à la question précédente (Q.C-1), on peut souligner la


complémentarité des résultas obtenus pour cette question. En effet, les enquêtés étaient
d’avis différents, 64,47 % ont déclaré que le français est une langue de communication
quotidienne alors que 28,95 % ont opté pour des restrictions comme ceci :

* ni : « pas tout à fait ».


* ni : « pas tellement » « oui / mais ce n’es pas le cas de tout le monde ».
* ni : « on l’utilise selon les circonstances ».
* ni : « c’est une langue de communication à l’université et au sein de certaines administrations ».
* ii : « l’arabe dialectal est une langue de communication au sein de la famille et entre immigrés ».
* ii : « ça dépend des individus que ce soit en Algérie ou en France avec les immigrés ».

Par ailleurs, 6,58 % des non-immigrés ne considèrent pas le français comme langue
de communication, il s’agit de différentes catégories de jeunes, ceux qui ont quitté l’école
très tôt, ceux qui considèrent l’usage du français comme facultatif et ceux qui manifestent
une attitude négative par rapport à la langue française tant au niveau social qu’au niveau
individuel. La cause du rejet chez certains est liée à leur compétence jugée inadéquate.

85
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

La quasi-totalité des enquêtés non-immigrés/immigrés considère le français comme


une langue prépondérante dans leur communication quotidienne soit 71,91 % (57,99 % des
non-immigrés et 42,01 % des immigrés) contre 5,11 % qui ont répondu négativement soit
83,33 % des non-immigrés et 16,67 % des immigrés, 22,98 % (soit 81,48 % des non-
immigrés et 18,52 % des immigrés) ont précisé à travers leurs commentaires qu’ils
emploient les deux langues pour communiquer selon les circonstances et les besoins.

Sur cette question les enquêtés (immigrés/non-immigrés) sont d’avis différents


étant donné la complexité des situations de communication, et l’idée de la quotidienneté
qui dans les deux pays se déroulent dans des langues proprement différentes.
Voici quelques commentaires illustrant cette attitude chez les immigrés (Abdel.H.I. 7) et
chez les non-immigrés (Ama.F.N-I. 10) et (Kha.F.N-I. 2) :

C’est la langue du Coran et de tous les musulmans on l’entend surtout à la radio et à la télé (…) le
français je le parle pas toujours / il est toujours présent / j’hésite beaucoup / j’ai peur parfois / et je
suis / nKhaf naghlet (j’ai peur de me tromper) (…) ça dépend avec qui on emploie les deux langues
/ les gens ne font pas la différence entre l’arabe de l’école et l’arabe dialectal / quand on sait pas
parler une langue / on choisi la plus facile / la plus utilisée et on abandonne l’autre moi j’aimerais
bien parler en français mais puisque je ne sais pas le faire / je préfère l’arabe dialectal / même
l’arabe de l’école je ne le maîtrise pas bien et je ne l’emploie pas toujours (Ama.F.N-I. 101).

C’est la deuxième pour moi après l’arabe // l’arabe parlé / le dialectal // par contre on ne parle
jamais l’arabe classique à la maison / c’est toujours à l’école // c’est la langue des pratiques
religieuses / on est musulmans ça reste notre langue même si on la pratique pas couramment (Kha.
F.N-I. 2).

La France nous a pas aidés pour rester Arabes pendant la colonisation / en parlant la langue arabe
avec les immigrés de la deuxième de la deuxième ou la troisième génération / ils se sentent mieux /
ils ressentent qu’ils appartiennent à cette culture arabo-musulmane ou arabe / donc le fait qu’ils
comprennent l’arabe / la culture pour eux elle est un petit peu étrangère (Abdel.H.I. 7).

Nous pouvons souligner une position idéologique orientée vers l’arabité qui
implique une vision monolithique stéréotypée, et une attitude d’insécurité linguistique qui
se rapporte à l’auto-évaluation de la compétence langagière. Cependant, des attitudes
paradoxales du rejet du français ne concernent pas seulement l’insécurité due à
l’incompétence, il est d’autres faits liées aux représentations des francisants et l’absence du
français dans l’environnement social des sujets. Les immigrés quant à eux considèrent le
français comme la langue de leur quotidien et de leur pays natal ou de résidence.

86
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Les valeurs assignées au français et à l’arabe dialectal comme langues composant le


répertoire verbal des non-immigrés et des immigrés, se révèlent donc à travers des attitudes
positives liées au rôle fondamental que jouent les deux langues.

Q.C-2. b- : « Est-elle présente dans vos conversations et celles de vos interlocuteurs ?


Oui / Non ».
Q.C-2 c- : « Si oui, l’usage du français concerne-t-il : -les mots/-les phrases/-toute la
conversation/ - une partie de la conversation ? ».

Non-immigrés/Immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Réponses

Oui 64,57 % 34,43 %


113 62 175
74,34 % 74,69 % 74,47 %
Non 65 % 35 %
39 21 60
25,66 % 25,31 % 25,53 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 6 : La présence du français et de l’arabe dialectal dans les conversations.

Sur l’ensemble des enquêtés non-immigrés 74,34 % estiment que le français est
présent dans les conversations quotidiennes contre 25,66 % qui ont déclaré le contraire.
Ces proportions correspondent au résultat négatif obtenu dans la question (Q.C-2.a) qui est
de 5,58 %. Quant aux enquêtés immigrés 74,69 % déclarent que l’arabe dialectal est
présent dans leurs conversations contre 25,31 % qui ont répondu par non. A première vue
ces résultats confirment l’hypothèse du mélange de l’arabe dialectal et du français chez les
immigrés et les non-immigrés.

Pour les deux catégories réunies ensemble 74,47 % ont répondu par oui soit 67,57
% des non-immigrés et 34,43 % des immigrés contre seulement 25,53 % ayant répondu par
non soit 65 % des non-immigrés et 35 % des immigrés.

87
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Non-immigrés/Immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Réponses

Les mots, les phrases et une 67,05 % 32,95 %


partie de la conversation 116 57 173
76,31 % 86,68 % 73,61 %
Toute la conversation 58,06 % 41,94 %
36 26 62
23,69 % 31,32 % 26,39 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 7 : L’emploi du français et de l’arabe dialectal dans les conversations.

Parmi les enquêtés non-immigrés 76,31 % ont affirmé que l’usage du français
concerne les mots, les phrases et une partie de la conversation. 23,69 % ont opté pour les
deux dernières propositions (c'est-à-dire toute la conversation). Ces chiffres parlent d’eux-
mêmes et montrent à quel point les enquêtés sont conscients de la fréquence de l’emploi
des mots et des phrases (énoncés) du français ou de l’arabe dialectal dans les
conversations. Nous pouvons conclure à travers les attitudes des sujets interviewés que
cette omniprésence du français est inhérente pour le bon déroulement des conversations.
(Voir infra les propos de certains enquêtés).

L’arabe dialectal est, selon les déclarations de certains enquêtés immigrés, présent
dans leurs conversations quotidiennes. Les chiffres obtenus jusque-là montrent la valeur
utilitaire de l’arabe dialectal dans le quotidien des immigrés du moins dans un cadre
familial65. Notons que 86,68 % estiment que la présence de l’arabe dialectal concerne les
mots, les phrases et une partie de la conversation contre 31,32 % pour toute la
conversation. Effectivement, les chiffres reflètent assez bien l’importance de l’insertion des
éléments d’une langue dans l’autre et permettent d’envisager le poids de l’emploi alterné
des deux langues. 73,61 % des enquêtés immigrés/non-immigrés estiment que la présence
de l’arabe dialectal ou du français concerne (selon la première langue des enquêtés) les
mots, les phrases et une partie de la conversation, contre seulement 26,39 % pour toute la
conversation.

65
Plusieurs études ont déjà montré le rôle que joue l’arabe dialectal au sein des familles algériennes en
France et ce, malgré la prépondérance du français dans les conversations quotidiennes (BILLIEZ & MERABTI,
1990 ; DEPREZ, 1999, 2000).

88
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Les résultats obtenus concernant cette troisième série de questions permettent de


mesurer les façons d’envisager le français (pour les non-immigrés) et l’arabe dialectal
(pour les immigrés) au sein de la communauté linguistique surtout par une génération qui a
connu le français par le biais de l’école (ou à travers le milieu social pour les immigrés).
Les données obtenues nous conduisent à dégager des catégories d’individus selon qu’ils
appartiennent à un milieu rural ou urbain immigrés/non-immigrés, car en Algérie l’origine
géographique joue un rôle déterminant par rapport aux attitudes envers le français et envers
les variétés géographiques elles-mêmes. S’ajoutent à cela le niveau d’instruction et la
profession qui constituent selon nous deux variables autour desquelles se concrétise
l’usage du français (pour les immigrés et les non-immigrés).

Q. C-3. a- : « Avec qui préférez-vous utiliser (parler en) le français / l’arabe dialectal et
où ? ».

Avant de passer à l’analyse des résultats de cette question, il faut préciser que,
parmi les enquêtés non-immigrés/immigrés, beaucoup se sont demandés s’il y a une
différence entre parler et utiliser une langue. Posée de cette façon, la question prend une
dimension profonde qui conduit à mesurer le degré de conscience des enquêtés et la
pertinence du questionnement, surtout que certains ont précisé qu’ils parlent le français
mais qu’ils ne le pratiquent que dans des situations et des contextes spécifiques. Ainsi, la
différence entre les sujets qui savent parler en français sans le pratiquer ou l’utiliser
fréquemment et ceux qui parlent en français et le pratiquent couramment, se dessine une
différence de compétence, ce qui permet de distinguer des sujets bilingues qui emploient
les deux langues différemment dans des situations de communications différentes. Dans les
deux cas l’alternance codique prend la forme d’un parler bilingue parce que parler, utiliser,
connaître et comprendre une langue sont des faits qui font que le sujet parlant est en
mesure de recourir à telle ou telle langue et/ou la mélanger. C’est pourquoi le recours à
l’analyse des répertoires verbaux est nécessaire pour mesurer les clivages entre les
déclarations et l’usage réel de la/les langue(s).

89
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

A travers ces affirmations, nous pouvons dire que l’idée de préférence et celle de
l’emploi du français est révélatrice surtout si l’on sait que les autres questions ont donné
des résultats par lesquels on peut expliquer la place qu’occupent le français et l’arabe
dialectal dans le quotidien des locuteurs et les représentations qu’ils se font. Le français est
donc présent partout en Algérie dans le quotidien, comme nous l’avons souligné plus haut,
de façon plus ou moins spécifique, aux côtés des autres langues. L’emploi généralisé de
ces langues n’est pas sans conséquences sur les pratiques langagières et les attitudes des
locuteurs. En effet, la concurrence et le sentiment d’insécurité linguistique sont deux faits
tangibles qui résultent de cette situation que l’on peut qualifier d’asymétrique. Il est
essentiel de lever toute ambiguïté concernant l’idée d’insécurité linguistique ; il faut
l’examiner sous l’angle de la diversité pour se rendre compte de l’ampleur de la complexité
de ce fait. Beaucoup de locuteurs se sentent gênés quand ils ne savent pas répondre en
français, d’autres trouvent le français parlé par leurs interlocuteurs comme fautif et
inadéquat. Quant aux recours fréquents au français, certains le considèrent comme moyen
pour s’en sortir et afficher une compétence langagière bilingue lors des conversations et
sauver la face surtout avec les filles, comme l’a affirmé un jeune enquêté qui travaille dans
une banque :

Le français est une langue qui a une valeur importante pour travailler si tu maîtrises le français tu
es bien vu / on te considère bien compétent // avec les gens aussi / si tu parles français tu es bien vu
/ avec les fille le français c’est quelque chose bien / avec une fille si tu parles mal le français c’est
dévalorisant et c’est vexant (Nour.H.N-I. 12).

Au-delà de toutes les considérations évoquées on peut dire que l’évaluation des
façons de parler, le choix et la préférence d’une langue plutôt que d’une autre relèvent de
la conscience linguistique des locuteurs qui évoluent dans les espaces bi-plurilingues, tel
est le cas de nos enquêtés non-immigrés/immigrés. Malgré les écarts existants entre les
déclarations des non-immigrés et des immigrés, il existe une grande ressemblance qui nous
amène à les considérer bilingues ou du moins disposant d’une compétence bilingue en
construction.

90
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2 – 1 – 6. Auto-évaluation et évaluation des compétences en français et en arabe


dialectal

Q.C-3.a- : « Comment parlez-vous le français (pour les non-immigrés) ou l’arabe dialectal


(pour les immigrés)?
Très bien- bien- plus ou moins bien- moyennement bien- mal ».

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Mentions
Très bien 51,35 % 48,65 %
19 18 37
12,50 % 21,68 % 15,74 %
Bien 43,55 % 56,45 %
27 35 62
17,76 % 42,17 % 26,38 %
Plus ou moins bien 71,70 % 28,30 %
38 15 53
25 % 18,07 % 22,56 %
Moyennement bien 82,26 % 11,74 %
51 11 62
33,56 % 13,26 % 26,38 %
Mal 80,95 % 19,05 %
17 4 21
11,18 % 4,82 % 8,94 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 8 : L’auto-évaluation de la compétence en français (en arabe dialectal pour les immigrés).

Les résultats obtenus à propos de l’auto-évalution de la compétence révèlent que


12,50 % des sujets enquêtés non-immigrés estiment parler « très bien » le français, 17,76
% estiment qu’ils parlent « bien », 25 % « plus ou moins bien », 33,56 % « moyennement
bien » et 11,18 % déclarent qu’ils le parlent « mal ». Les avis réunis de ceux qui ont
déclarés qu’ils s’expriment « plus ou moins bien » et ceux ayant déclaré qu’ils s’expriment
« moyennement bien » est de 58,56 % contre 30,26 % pour les deux autres mentions c'est-
à-dire « très bien » et « bien ». Ces chiffres reflètent, outre l’aspect déclaratif, en partie la
réalité des pratiques langagières qualifiées de bilingues étant donné que la majorité des
enquêtés a subi une instruction en arabe classique et en français comme deuxièmes langues
d’enseignement.

91
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Pour ce qui est de l’auto-évaluation des compétences de la part des immigrés 21,68
% des enquêtés déclarent qu’ils parlent « très bien » l’arabe dialectal, 42,17 % « bien »,
18,07 % « plus ou moins bien », 13,26 % « moyennement bien ». La combinaison des deux
mentions « très bien » et « bien » permet d’obtenir un taux de 63,85 %. La somme des
deux autres à savoir « très bien » et « moyennement bien » est de 31,33 %. En outre, des
écarts soulignés entre le taux obtenu à travers la mention « bien » qui est 42,17 % et le
dernier pour la mention « mal » qui est de 4,82 %, ressort que les immigrés se considèrent
comme bilingues.

Il est intéressant de constater sur l’ensemble des données relatives aux deux
catégories (immigrés et non-immigrés), que les deux mentions « bien » et « moyennement
bien » représentent 52,76 %. La comparaison des chiffres en ligne horizontale
correspondant au total des réponses par mention nous permet également de rendre compte
du degré de compétence bilingue selon l’auto-évaluation que les enquêtés font de leur
deuxième langue (l’arabe dialectal pour les immigrés et le français pour les non-immigrés).
Cela relativise un peu l’insécurité linguistique mentionnée plus haut.

92
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Q.C-3.b- : « Comment vos interlocuteurs parlent-ils le français (l’arabe dialectal pour les
immigrés) ? Très bien- bien- plus ou moins bien- moyennement bien- mal ».

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Mentions
Très bien 65,71 % 34,29 %
23 12 35
15,14 % 14,46 % 14,89 %
Bien 37,21 % 62,79 %
16 27 43
10,52 % 25,54 % 18,31 %
Plus ou moins bien 47,45 % 52,55 %
28 31 59
18,43 % 37,35 % 25,11 %
Moyennement bien 70,97 % 29,03 %
22 9 31
14,47 % 10,84 % 30,58 %
Mal 94,03 % 5,97 %
63 4 67
41,45 % 4,81 % 28,51 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 9 : L’évaluation de la compétence des interlocuteurs.

L’évaluation de la compétence des interlocuteurs66 (ou de l’autre) montre que la


maîtrise du français est plus ou moins stigmatisée par beaucoup d’enquêtés, ceci explique
une sensible baisse du pourcentage chez les non-immigrés par rapport aux mentions ‘‘plus
ou moins bien’’ et ‘‘moyennement bien’’ réunies qui est de 32,90 %, soit 18,43 % pour la
première et 14,47 % pour la seconde, à comparer avec celle obtenue en (Q.C.3.a)
concernant l’auto-évaluation en français qui est d’un taux de 58,56 % relatif à ‘‘plus ou
moins bien’’ et ‘‘moyennement bien’’. Par contre, on remarque pour la mention ‘‘mal’’ un
taux qui est de 41,45 %, les mentions ‘‘très bien’’ et ‘’bien’’ nous avons 15,14 % pour la
première et 10,52 % pour la seconde. Dans la mesure où l’évaluation de la compétence de
l’autre est remise en question, elle représente pour nous une possibilité de mesurer, sur les
plans qualitatif et quantitatif, ce qui rend opérant l’emploi stigmatisé et jugé fautif de
certaines formes et l’emploi d’autres formes qui ne sont pas tout à fait justes. Surtout si on
66
Il est question d’évaluation concernant les interlocuteurs relatifs à chacune des deux catégories des
enquêtés : interlocuteurs immigrés pour les enquêtés immigrés et interlocuteurs non-immigrés pour les
enquêtés non-immigrés.

93
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

la croise avec l’auto-évaluation de la compétence en français et le niveau d’instruction de


notre population d’enquête. Donc, les normes locales, celles d’un français parlé en Algérie
par une majorité, sont acceptées pour la simple raison qu’elles sont mélangées avec celles
de l’arabe dialectal. Toutefois, quand c’est le cas d’un français correct qui correspond à des
sujets parlants ayant une connaissance plus ou moins conséquente des normes, ceux qui ne
les maîtrisent pas manifestent une attitude contestataire envers leurs interlocuteurs.

L’évaluation des compétences des autres quant à l’emploi de l’arabe dialectal chez
les immigrés montre que 37,35 % estiment que leurs interlocuteurs immigrés parlent « plus
ou moins bien » l’arabe dialectal, 25,54 % pensent qu’ils le « parlent bien », 14,46 % « très
bien », 10,84 % « moyennement bien » et 4,81 % « mal ». La combinaison de ces
tendances, notamment celles relatives à « moyennement bien », « très bien », « bien », et
« plus ou moins bien », nous amènent à postuler l’existence d’un bilinguisme arabe
dialectal/français ou du moins un degré de bilinguisme qui peut se concrétiser par
l’alternance codique.

Nous constatons chez les immigrés et chez les non-immigrés que l’évaluation de la
compétence des interlocuteurs en langue 2 (le français pour les non-immigrés et l’arabe
dialectal pour les immigrés) reflète tout de même l’existence d’une compétence bilingue de
part et d’autre. Les chiffres obtenus pour les deux catégories réunies ensemble le
confirment : 14,89 % des enquêtés estiment que leurs interlocuteurs parlent « très bien » la
deuxième langue (soit 65,71 % concernant le français pour les non-immigrés et 39,29 %
concernant l’arabe dialectal pour les immigrés), 18,31 % estiment que leurs interlocuteurs
parlent « bien » (soit 37,21 % concernant le français pour les non-immigrés et 26,75 %
concernant l’arabe dialectal pour les immigrés), 25,11 % estiment que leurs interlocuteurs
parlent « plus ou moins bien » (soit 47,45 % concernant le français pour les non-immigrés
et 52,55 % concernant l’arabe dialectal pour les immigrés), 30,58 % estiment que leurs
interlocuteurs parlent « moyennement bien » (soit 70,97 % concernant le français pour les
non-immigrés et 29,03 % concernant l’arabe dialectal pour les immigrés) et enfin, 28,51 %
des enquêtés estiment que leurs interlocuteurs parlent « mal » (soit 94,03 % concernant le
français pour les non-immigrés et 5,97 % concernant l’arabe dialectal pour les immigrés).

94
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2 – 1 – 7. Les représentations du français : une langue valorisée par les non-immigrés


et les immigrés ; l’arabe dialectal langue emblématique pour les immigrés

Q.C-4- : « Que représente le français (l’arabe dialectal pour les immigrés) dans votre
entourage ? Seulement un moyen de communication, une langue de prestige, une langue
privilégiée, une langue des usages occasionnels, une langue utilisée à égalité avec la
première langue ».

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Représentations
Seulement un moyen de 78,57 % 21,43 %
communication 44 12 56
28,94 % 14,46 % 23,83 %
Langue de prestige 61,90 % 38,10 %
52 32 84
34,21 % 38,56 % 35,74 %
Langue privilégiée 59,09 % 40,91 %
26 18 44
17,12 % 21,68 % 18,72 %
Langue des usages 62,07 % 37,93 %
occasionnels 18 11 29
11,84 % 13,25 % 12,34 %
Utilisée à égalité avec la 54,54 % 45,56 %
première langue 12 10 22
7,89 % 29,05 % 9,37 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 10 : Représentations du français (de l’arabe dialectal pour les immigrés) dans l’entourage des
enquêtés.

La plupart des enquêtés ont coché au moins deux propositions : 28,94 % des non-
immigrés considèrent le français comme « un moyen de communication », 34,21 % comme
« langue de prestige », 17,12 % comme « langue privilégiée » ; ces proportions
correspondent grossièrement aux résultats obtenus relatifs aux questions de choix, de
préférence et de compétence. Ainsi pour les deux autres propositions, on a 11,84 % pour
« langue des usages occasionnels » et 7,89 % pour « langue utilisée à égalité avec la
première langue », une fois de plus, ces proportions sont à retenir pour la mise en évidence
de la présence de l’arabe dialectal à côté du français et de l’emploi différentiel de ce

95
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

dernier. Cependant, ces proportions ne font que renvoyer aux diverses situations et aux
pratiques possibles de(s) la langue(s) en question déterminées par les fonctions et les
attributs auxquels elle(s) est (sont) assujettie(s).

Il en est de même pour l’arabe dialectal qui est considéré pour la plupart des
immigrés soit comme langue maternelle (langue de première socialisation) soit comme
langue des origines. Si l’on admet, à l’instar des déclarations, la langue comme indice
d’appartenance identitaire, la combinaison entre les taux suivants : 38,56 % pour « langue
de prestige », 21,68 % pour « langue privilégiée » et 29,05 % pour « utilisée à égalité avec
la première langue » semble être significative.

Pour les deux catégories réunies ensemble 23,43 % considèrent que le français
(pour les non-immigrés) et l’arabe dialectal (pour les immigrés) « seulement moyen de
communication » (soit 78,57 % des non-immigrés et 21,43 % des immigrés), ceci nous
permet de considérer le français comme une deuxième langue à côté de l’arabe dialectal ;
alors que chez les immigrés d’autres considérations rentrent en jeu à savoir le prestige
accordée à l’arabe dialectal en tant que langue privilégiée dans la sphère familiale et en
tant que composante culturelle et symbolique importante. Ainsi, 35,74 % considèrent les
deux langues comme langues de prestige (soit 34,21 % pour le français chez les non-
immigrés et 38,56 % pour l’arabe dialectal pour les immigrés). Parmi ceux qui considèrent
le français et l’arabe dialectal comme « langue de privilégiée » on trouve 59,09 % des non-
immigrés (pour le français) et 40,91 %des immigrés (pour l’arabe dialectal) ce qui explique
la place privilégiée qu’occupe chacune des deux langues à côté de la première langue
(courante) des enquêtés. Dans notre échantillon, la deuxième langue est l’objet de
représentations valorisantes et symboliques, elle est présentée comme nécessaire pour la
communication même si 12,34 % des enquêtés la considèrent comme langues « des usages
occasionnels » (soit 62,07 % concernant le français pour les non-immigrés et 37,93 %
concernant l’arabe dialectal pour les immigrés et enfin 9,37 % estiment que la deuxième
langue est « utilisée à égalité avec la première langue ».

96
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

2 – 1 – 8. Mélange arabe dialectal/français : une réalité linguistique reconnue


nécessaire

Q.D-1.a- : « Les Algériens (immigrés/non-immigrés) mélangent-ils l’arabe dialectal et le


français ? Oui / Non. ».

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Réponses
60,61 % 39,39 %
Oui 120 78 198
78,94 % 93,97 % 84,26 %
86,48 % 13,52 %
Non 32 5 37
21,06 % 6,03 % 15,74 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 11 : Le mélange arabe dialectal/ français (en Algérie) et (en France pour les immigrés).

Il est important de garder à l’esprit l’ensemble des données chiffrées pour


déterminer les caractéristiques extralinguistiques et leur correspondance avec les données
linguistiques à analyser compte tenu des déclarations et des pratiques langagières réelles. Il
est peut être trop tôt de tirer des conclusions concernant la fréquence de l’alternance
codique, mais les chiffres montrent que le mélange de l’arabe dialectal et du français est
déclaré important. Sur l’ensemble de l’échantillon (enquêtés non-immigrés/immigrés)
84,26 % ont répondu par oui (soit 60,61 % des non-immigrés et 33,39 % des immigrés). Il
apparaît donc que le mélange est plus reconnu chez les immigrés que chez les non-
immigrés, tout en étant considéré comme étant la règle.

Même ceux qui n’ont pas répondu affirmativement aux autres questions relatives à
l’emploi, au statut et au choix du français, ont répondu par oui à cette question. Le mélange
est entendu comme un phénomène à part, qui n’a aucun lien avec l’emploi du français,
certains de nos enquêtés diront :

J’ai appris cette langue à l’école tout le monde l’utilise / mes frères et ma sœur parlent aussi le
français / il faut dire que j’utilise beaucoup de mots en français / kamel ennas yahadrou hakda

97
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

(tout le monde parle comme ça) / oui c’est le mélange des deux / kayen (il y a) des mots
naharouhoum ghil belfrançais (qu’on utilise qu’en français) toualefna hakda (on s’est habitué)
(Ama.F.N-I. 10).

Avant j’employais des mots // on utilise trop de mots en arabe quand on parle en français (…) oui
on utilise beaucoup de mots français / avec les commerçants etcetera / j’estime que je suis bilingue /
même quand on parle l’arabe et on ajoute des mots français (Sou.F.N-I. 3).

2 – 1 – 9. Choix, mélange et préférence des deux langues

Q.D-2. : « Préférez-vous utiliser l’une des deux langues (l’arabe dialectal et le français)
ou les deux à la fois ? Dites pourquoi ? ».

Unie à la précédente et aux autres questions, cette question relative à la préférence


montre l’emploi assumé d’une des deux langues ou les deux en même temps ; là encore il
semble que les enquêtés manifestent le désir de s’inscrire dans une dimension sociale ou du
groupe (grégaire). Le ‘’on’’ chez les uns et les autres le montre clairement chez la majorité
des participants immigrés ou non-immigrés :

C’est spontané / on ne peut pas ne pas mélanger / on utilise souvent les deux langues (Sou.F.N-I. 3).

On mélange c’est parti tout seul / c’est les jeunes / au fur et à mesure / on parle c’est pour se faire
comprendre / çla khater (parce que) il y a beaucoup d’immigrés qui ne savent pas parler l’arabe //
donc euh yahadrou bel français (ils parlent en français) // wkayen (et il y a) des mots très simples //
très faciles arwaH koul (viens manger) // kif kif // chkoun (qui) / tdjihoum sahla (c’est plus facile
pour eux) donc ils font rentrer dans leurs phrases / avec les immigrés c’est pour faciliter la
communication / malgré s’il savent parler l’arabe ils préfèrent mélanger parce que c’est devenu
naturel maintenant et ça deviendra naturel / dans quelques années de parler français arabe
(Far.F.I-I. 1).

Autant de propos qui montrent les implications sociales du fait qui sont davantage
liés à la conscience collective et aux habitudes verbales, ce qui explique le choix délibéré
et la spontanéité dans bien de cas. En revanche, certains traits soulignés dans le
métadiscours des enquêtés sont moins significatifs par rapport à leur compétence dans telle
ou telle langue, il s’agit d’un idéal souhaité dû à la préférence de la langue qui a du
prestige selon eux, et qui donne lieu à la stigmatisation d’une des deux langues. Voici un

98
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

propos différent d’un enquêté qui montre sa préférence en définissant les deux langues non
pas par rapport à l’usage qu’il en fait mais par rapport à un choix délibéré nourri d’attitudes
et de représentations valorisantes :

Je souhaite que tout le monde emploie le français // le français c’est bien / on trouve du français
dans l’arabe / je parle l’arabe dialectal couramment mais je préfère le français l’arabe classique je
le comprends mais je ne le parle pas bien / j’ai du mal / je l’ai mal appris (Kha.F.N-I. 2).

Ainsi, les représentations stéréotypées sont à combiner avec l’emploi réel selon les
situations dans lesquelles l’individu agit. D’autant plus que beaucoup d’enquêtés en parlant
de l’arabe confondent l’arabe classique et l’arabe dialectal.

Q.D.3- : « Avez-vous l’impression que vous-même, vous mélangez les deux langues ? Si
oui, dites pourquoi ? ».

Non-immigrés/Immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Réponses
Oui 63,51 % 36,49 %
134 77 211
88,15 % 92,77 % 89,78 %
Non 75 % 25 %
18 6 24
11,85 % 7,23 % 19,22 %
Total 152 83 235
64,68 % 35,32 % 100 %
Tableau 12 : Le mélange arabe dialectal / français (fait individuel).

Les réponses dégagées ont la caractéristique de fournir des explications sur l’aspect
grégaire souligné plus haut, car même quand il s’agit d’une question destinée à donner une
opinion sur soi, les enquêtés évoquent le groupe sans donner des raisons personnelles
concernant le mélange. Parmi ceux qui ont répondu par « oui » on trouve 63,51 % des non-
immigrés 36,49 % ayant des immigrés. Parmi les 19,22 % qui ont répondu par « non » on
trouve 75 % des non-immigrés et 25 des immigrés. Ainsi, le mélange est considéré pour la
plus part comme étant une pratique prédominante. Par conséquent, malgré les remarques

99
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

faites au sujet des choix et des préférences, les discours des enquêtés restent significatifs
pour parler de la conscience linguistique tant sur le plan individuel que collectif. Il en
résulte que les enquêtés montrent des attitudes positives, beaucoup se réfèrent à ce qu’ils
appellent mots français ou étrangers (les emprunts) en évoquant les habitudes acquises. A
ce sujet, nous pouvons parler de deux types d’attitudes, une attitude de compromis entre les
membres de la communauté qui considèrent certaines formes comme purement françaises
et d’autres, parce que très peu connues (parce que intégrées et accommodées) comme
formes appartenant à l’arabe dialectal. En outre, une attitude contestatrice, qui concerne
surtout l’emploi des mots et des phrases considérés comme formes françaises. D’où les
expressions qui reviennent dans le discours de la plupart des sujets enquêtés non-immigrés
dès qu’il est question de l’arabe algérien (français cassé, mélange, arabe francisé, français
arabisé, etc.).

Pour ce qui est du mélange des langues par les enquêtés immigrés, les tendances
restent plus proches de celle obtenues chez les non-immigrés et celles obtenues dans la
question (Q.D-1.a). Les taux de 92,77 % pour « oui » et 7,23 % pour « non » chez les
enquêtés immigrés révèlent que le mélange est une pratique courante aussi bien chez les
immigrés que les non-immigrés.

Lors des entretiens, toutes les questions liées à l’emploi, les préférences, le choix et
la fréquence de telle ou telle langue, ont entraîné des commentaires lourds de sens, sans
doute, à cause de l’importance de la question du pluralisme linguistique qui est liée à
l’identité et aux exigences socioéconomiques, ce qui montre qu’il y a une prise de
conscience de la part des enquêtés. A cet égard, les points de vue convergent, la plupart des
réponses se rapportent à l’emploi courant d’une langue parlée qui favorise le mélange dû
selon eux aux habitudes et à l’omniprésence du français en Algérie ou encore de l’arabe
dialectal dans l’environnement des immigrés en France :

Ils préfèrent mélanger parce que c’est devenu naturel maintenant et ça deviendra naturel / dans
quelques années de parler français arabe / même de parler l’argot // ça deviendra naturel ça j’en
suis sûre / avec les immigrés bien sûr / par contre avec les Algériens en Algérie / je parle arabe en
tout cas j’essaye de parler arabe // je fais des efforts // dans les commerces je parle les deux
(Far.F.I-I. 1).
Je mélange aussi les deux selon les circonstances / voilà / j’ai eu le privilège de cette double culture
/ lorsque je suis venu au monde j’ai appris à parler les deux langues mais c’était d’abord la langue

100
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

arabe du fait que mes parents parlaient l’arabe dans le foyer et partout et puis on parlait un peu de
français (...) oui ici en Algérie il y a plein de gens qui parlent bien le français c’est la deuxième
langue / même ceux qui la parlent pas couramment ils la comprennent / c’est vrai beaucoup
d’Algériens mélangent les deux et je trouve ça bien parce que ça facilite la communication / les
immigrés eux aussi les deux mais c’est pas comme les gens d’ici / moi aussi je mélange (Sam. H.I-I.
11).

Qu’il s’agisse d’une valorisation, ou d’une dévalorisation, les réponses montrent


que les sujets enquêtés manifestent des attitudes reconnaissant l’existence des façons de
parler mixtes.

Q.D-4.b- : « Comment qualifiez-vous les phrases ou les mots du français que vous
mélangez avec l’arabe dialectal et vice versa ? – corrects – incorrects – simplifiés –
particuliers (originaux) – autres. »

Non-immigrés/immigrés Non-immigrés Immigrés Total


Jugements
Corrects 54,43 % 45,57 % 33,61 %
43 36 79
28,29 % 43,37 %
Incorrects 64,71 % 35,29 % 14,47 %
22 12 34
14,47 % 14,45 %
Simplifiés 75,36 % 24,64 % 29,37 %
52 17 69
34,22 % 20,48 %
Particuliers (originaux) 66,04 % 33,96 % 22,55 %
35 18 53
23,02 % 21,68 %
Total 152 83 235
100 %
Tableau 13 : La catégorisation du mélange.

Les données recensées sur l’auto-évaluation et l’évaluation de la compétence et les


façons de parler en langue française font ressortir des catégories déterminantes des
différentes situations et des contextes examinés sur le terrain. Pour la plupart des enquêtés
(immigrés/non-immigrés) nous avons dégagé des propos que l’on résume aux formulations
suivantes : parler le français seul, parler le français mélangé avec l’arabe dialectal, parler

101
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

un certain français mélangé avec l’arabe dialectal, parler un français arabisé, parler le
français à l’algérienne.

Près de 33,61 % des enquêtés (immigrés/non-immigrés) qualifient que le français


mélangé avec l’arabe dialectal comme « correct » (soit 54,43 % des non-immigrés et 45,57
% des immigrés) contre 14,47 % qui considère le mélange « incorrect » (soit 64,71 % des
non-immigrés et 39,25 % des immigrés). 27,37 % considèrent le mélange comme
« simplifié » (soit 75,36 % pour les non-immigrés et 24,64 % pour les immigrés), 22,55 %
estiment que le mélange est « particulier » voire original (soit 66,04 % pour les non-
immigrés et 33,96 % pour les immigrés). Nous avons également repéré des propositions
sous forme de couple, pour les enquêtés ayant choisi de cocher seulement devant quelques
propositions, nous avons : « correct et simplifié », « simplifié et particulier », « incorrect et
particulier ». Pour ce qui est des réponses obtenus pour la même question lors des
entretiens les réponses varient selon que le sujet emploie le français seul ou mélangé avec
l’arabe dialectal ou encore selon la façon dont le sujet appréhende le (son) français. Pour ce
qui est du français mélangé avec l’arabe dialectal, il n’y a pas le sentiment d’insécurité
linguistique puisque la majorité parle de stratégies de communication où se dissimule une
attitude de compromis sous l’appellation de « langue française algérianisée et arabisée »67.

Parmi les enquêtés non-immigrés 28,29 % considèrent les mélanges des deux
langue comme « correct », 14,47 % « incorrect », 34,22 % « simplifié » et 23,02 %
« particulier et original ». Il est intéressant de souligner chez les enquêtés immigrés que
43,37 % estiment que leur emploi des deux langues côte à côte comme « correct » contre
14,45 % qui pensent le contraire c'est-à-dire « incorrect ». Par ailleurs, 20,48 % estiment
que leur pratique du mélange est « simplifiée » contre 21,68 % qui les trouvent
« particulière et originale ».

67
Le FPA ou le français parlé en Algérie (CHERRAD-BENCHEFRA, 1995 ; DERRADJI, 1995, 1996) représente
un état de fait spécifique à partir duquel on désigne la situation des locuteurs qui parlent en français en
utilisant des formes purement françaises et des formes abrégées ou hybridées, par ailleurs Ambroise
QUEFFELEC (2008) parle de francarabe pour désigner en fait les parlers mixtes résultant de la diglossie
postcoloniale.

102
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Q.D-5. : « Quand vos interlocuteurs utilisent (mélangent) les deux langues dans leurs
conversations, trouvez-vous cela : - tout à fait normal - nécessaire - exagéré - inadmissible
- autres. »

Non-immigrés Immigrés Total


Tout à fait normal 62,39 % 37,61 %
73 44 117
48,02 % 53,01 % 49,78 %
Nécessaire 67,67 % 32,33 %
67 32 99
44,08 % 38,55 % 42,12 %
Exagéré 62,50 % 37,50 %
5 3 8
3,29 % 3,61 % 3,41 %
Inadmissible 63,64 % 36,36 %
7 4 11
4,61 % 4,82 % 4,69 %
Total 152 83 235
64,68 % 53,32 % 100 %
Tableau 14 : L’appréciation du mélange arabe dialectal/français.

Parallèlement aux deux questions précédentes, nous constatons que les tendances
confirment l’existence et la nécessité de l’emploi alternatif des deux langues.

Nous constatons que les chiffres obtenus à travers les réponses des immigrés sont
assez proches que ceux obtenues avec les non-immigrés. Cette tendance permet encore une
fois de confirmer que l’alternance codique est une pratique courante chez les immigrés et
non-immigrés.

En dépit des données chiffrées et les commentaires sur le degré de compétence qui
concernent le français parlé seul, les sujets parlants (immigrés/non-immigrés) semblent se
plier aux exigences du marché linguistique et ce qu’il offre comme possibilités pour que
l’interaction soit assurée. Chacun apprécie l’expression des autres en donnant un avis, soit
directement, soit indirectement. D’après certains, parler uniquement en français peut être
ressenti comme fait exagéré, il ne l’est pas en revanche pour d’autres car ils perçoivent la
langue française seulement comme un moyen de communication ancré dans les pratiques

103
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

langagières. Qu’elles soient mélangées ou non quand la communication est assurée, on est
satisfait diront certains. Le nombre d’enquêtés immigrés/non-immigrés qui considèrent le
mélange des deux langues de la part de leurs interlocuteurs comme tout à fait normal et
nécessaire, indique que le français associé à l’arabe dialectal est représenté dans la
conscience des enquêtés avant tout comme moyen de communication.

A ce stade de notre travail, l’attention est prioritairement accordée aux résultats


quantitatifs et ce à partir des écarts soulignés entre les réponses (les déclarations) des uns et
des autres sur les pratiques de l’arabe dialectal et du français voire de l’alternance codique
et ce qui les favorise. Ainsi, les tendances soulevées nous amènent à conclure que les
immigrés et les non-immigrés pratiquent l’alternance codique et que l’emploi des deux
langues peut se révéler fondamental quant à son émergence comme phénomène nécessaire
dans les conversations.

Sur l’origine sociale68 des enquêtés il y a lieu de se demander s’il s’agit d’un fait
qui révèle ou pas des indices pour la mise en relief des caractéristiques linguistiques des
locuteurs et de leurs attitudes envers la norme. Si on part du principe qu’il existe toujours
une origine endogène et une origine exogène déterminées par le contexte géographique et
les réseaux à l’intérieur desquels l’individu évolue, on aura à dire dans le cas des locuteurs
algériens que c’est un paramètre déterminant des représentations des uns et des autres
selon qu’ils habitent un espace urbain ou un espace rural ou qu’ils soient immigrés ou non.
Dans les grandes villes, la fréquence de l’emploi du français seul ou mélangé avec l’arabe
dialectal par les locuteurs diffère de celle obtenue chez ceux qui habitent les petits villages
où le français est ressenti comme une langue étrangère, le discours des sujets interviewés le
montre clairement. A la différence des sujets qui fréquentent souvent la ville, pour des
raisons multiples : professionnelle, scolaire et personnelle, ceux qui se déplacent très
rarement ont des représentations stéréotypées du parler des jeunes habitant la ville. Ils
qualifient le langage de la ville de « langage des civilisés, langage de bourgeois, langage
qui manque de virilité » de par ces clichés liés à la variation, il y a aussi le fait que le
français est d’un usage que certains rejettent sans raisons valables. De même, les autres

68
Nous entendons par là l’appartenance à des milieux socio-économiques et professionnels différents
favorisés et défavorisés.

104
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

variables (âge, sexe, profession) jouent un rôle capital en ce qui concerne les attitudes et
les représentations chez les locuteurs algériens.

Nous avons constaté chez certains interviewés que les représentations sont liées à
leur formation scolaire et/ou universitaire.

3. Représentations et attitudes des trois locutrices (les non-immigrées et


l’immigrée) envers le français et l’arabe dialectal : la reconnaissance d’un
bilinguisme de fait

Par rapport aux données relevées des enquêtes par questionnaire, il nous est apparu
opportun d’introduire, une analyse des attitudes et des représentations à partir des
conversations ordinaires qui constituent notre corpus d’étude et concernent les trois
locutrices l’immigrée et la non-immigrés. Nous avons en effet relevé dans certaines de
leurs conversations des éléments intéressants sur le bilinguisme et sur l’alternance codique
arabe dialectal/français. Il s’agit de moments sensibles, où les questions linguistiques sont
évoquées lors des interactions, comme le montre l’extrait 1 (C.4) où Farida la locutrice
issue de l’immigration (F.ii.) parle avec ses partenaires non-immigrées Amaria (A.ni.) et
Linda (L.ni.) de ses capacités bilingues et celle de sa famille acquises dans son entourage
qu’elle qualifie de bilingue correspondant à un bilinguisme familial.

Extrait 1, (C.4)
F.ii. 299 : kayen elli (il y en a qui) il vit comme + à la française + nous on
dit ils vivent à la française + moi ça va lHamdoullah ! (Dieu
soit loué) + j’ai grandit dans une famille + très + très
musulmane ++ franchement nous ça va on a grandit autour des
nous +++ avec mes frères et sœurs on parlait tous arabe et
français les deux en fait maman et mon père et on parlait en
français
A.ni. 300 : même ton frère le p’(e)tit
F.ii. 301 : oui même le pEtit en fait ma mère Tahdar mçana::  (elle nous
parle) en arabe beSSaH (mais) mon père yhdar mçana (il nous parle) en
français ++ parce que c’est nous on a pris l’habitude de
parler avec mon père en français beSSaH houma weld el bled
chettou (mais eux les enfants du pays vous avez vu)
A.ni. 302 : < ------- ?> pris [les deux
F.ii. 303 : [on a pris les deux langues
A.ni. 304 : [l’arabe et le français ?
F.ii. 305 : ouais franchement les deux + on est bilingue + même parfois/
L.ni. 306 : ghaya hakda (c’est bien comme ça)
F.ii. 307 : parfois on est trilingue

105
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Cet extrait tiré de la conversation (C.4), illustre une autre dimension liée aussi bien
aux représentations qu’à la conscience linguistique. Celle-ci est tributaire dans le cas des
locuteurs issus de l’immigration, de la valorisation du plurilinguisme par la construction de
représentations positives sur les langues et sur l’identité bilingue dans le cadre du système
éducatif (BILLIEZ, 2002 ; BILLIEZ & LAMBERT, 2008.b). Dans de telles situations le
sentiment d’avoir une compétence bilingue permet de valoriser l’asymétrie des répertoires
verbaux en situation de contact de langue en essayant de la compenser par l’alternance
codique (DABENE, 1994 : 95).

Ainsi, le choix et le changement de langue dans la conversation sont négociés au


préalable consciemment pour résoudre des difficultés et des lacunes, comme le montre
l’extrait suivant :

Extrait 2, (C.1)
A.ni. 541 : élla çla khaTer ki (non parce que quand) [comme on dit
F.ii. 542 : [hadri bel çarbiyya (parle en
arabe)
A.ni. 543 : zeçmak ++ ki ntina tkoun tekhdem ++ bentek kifach ? < --- ---
?> (soi-disant ++ quand tu es au travail + ta fille comment ?)

Nous constatons à travers cet exemple (extrait d’une conversation ordinaire) que le
contrôle interactionnel de la part de Farida l’a amenée à proposer à sa partenaire de parler
en arabe tout en formulant son énoncé en arabe dialectal « hadri bel çarbiyya » (parle en
arabe). Cette requête montre non seulement la prise en compte des pannes linguistiques ou
interactionnelles de sa partenaire mais aussi de la possibilité de recourir à une des deux
langues chaque fois qu’il est nécessaire de le faire. Lors des entretiens avec les deux
locutrices (Far.F.I-I.1 : issue de l’immigration et Ama.F.N-I.11 : non-immigrée), nous
avons souligné à travers leurs déclarations ci-dessous sur les usages des deux langues,
qu’elles sont bilingues et qu’elles alternent les deux langues. Ce qui est fondamental dans
les déclarations de Farida et d’Amaria c’est la valorisation de l’alternance codique comme
résultat de la connaissance des deux langues et de leur existence côte à côte.

106
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Je parle et je comprends les deux langues / il m’arrive d’employer les deux ici en Algérie et en France, je les
mélange quand je ne trouve pas les mots pour dire quelque chose / pour expliquer / c’est ça en fait einh
(Far.F.I-I. 1).

Depuis mon jeune âge je parle l’arabe et le français / parfois je n’ai pas le choix / même quand je parle en
arabe dialectal j’emploie des expressions et des mots du français c’est une habitude / ce n’est pas grave /
l’essentiel je comprends et ils me comprennent (Ama.F.N-I. 10).

A travers l’extrait 3 de la conversation (C.1) entre Amaria et Farida, cette dernière


indique qu’elle ne comprend pas l’arabe classique (du Coran) que son interlocutrice
nomme la « fosha » 69 la langue pure. Amaria estime que sa partenaire parle bien l’arabe
sans préciser s’il s’agit du dialecte ou l’arabe classique. Farida apporte d’autres précisions
en faisant référence à l’arabe dialectal ou familial qu’elle estime bien parler en le
comparant à l’argot. En toute état de cause Farida (issue de l’immigration) est consciente
du fait qu’il s’agit pour elle d’un mélange puisqu’elle avoue que l’usage de l’arabe se
réduit à des mots.

Extrait 3, (C.1)
F.ii. 398 : parce qu’il nous met des cassettes du coran mais on ne
comprend pas +++ rien de A à Z walou :: (rien)
A.ni. 399 : walou (rien) < ----- ?> tu parles bien l’arabe !
F.ii. 400 : je parle bien l’arabe parce que c’est des mots entre
guillemets + c’est l’argot + c’est l’argot c’est [l’arabe
familial (elle veut dire par là familier)
A.ni. 401 : [et lçarbiyya el foSHa tina matefhemhach ? (l’arabe classique tu ne le
comprends pas ?)
F.ii. 402 : [ellougha él çarabiyya ? (la langue arabe classique?)
A.ni. 403 : ellougha él çarabiyya ! (la langue arabe classique!)
F.ii. 404 : non::! rien + rien ++ rien
A.ni. 405 : tu l’as appris à l’école ?
F.ii. 406 : < ----- ?> oui quand j’étais toute petite mais on a pas hadik
(cette) la langue Hna (nous) + la deuxième langue [c’est
l’anglais
A.ni. 407 : [l’anglais !
F.ii. 408 : [franco ++ euh franco-anglais + mais vraiment +
vraiment quand je met hakka (comme ça) le Coran à la maison ++
j’ai vraiment < ----- ?> + je comprends j’aimerais apprendre
[le Coran

69
Voir à ce sujet Dominique CAUBET (2004, 2007).

107
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

A l’issue des considérations soulignées qui concernent la stigmatisation et la


valorisation de l’alternance codique, nous soulignons que cette dernière est perçue comme
une réalité assumée par la majorité des locuteurs. Tout le monde fait usage d’alternances
codiques comme habitude langagière caractérisée par la juxtaposition (métissage) de
l’arabe dialectal et du français. D’une part, les uns reconnaissent et acceptent cet état de
fait qui les réunit sous une seule identité algérienne, d’autre part d’autres pensent que la
langue qu’ils parlent même quand elle est mélangée avec le français, demeure arabe et
représente l’arabité. Le moins qu’on puisse dire à propos de l’alternance codique est
qu’elle est reconnue et les représentations à son égard sont consciemment ou
inconsciemment partagées.

Bien que ces données ne disent rien sur la conversation bilingue et/ou exolingue
entre immigrés non-immigrés et sa régulation en termes qualitatifs, leurs significations
orientent le point de vue vers une perspective qui met l’accent sur le rapport entre les
usages et les représentations sociales envers l’emploi différentiel des langues en situation
plurilingue.

Les immigrés et les non-immigrés se rejoignent dans plusieurs réponses,


notamment en ce qui concerne la nécessité d’employer les deux langues dans leur vie
quotidienne, seulement chez les immigrés se pose la question identitaire liée à une double
appartenance souvent clivée et complexe. Il semble, en effet, que les différences
langagières sont prises en compte comme facteur de complémentarité et de divergence qui
pourrait assurer l’intercompréhension.

Dans l’exploitation de ces données qui sont de nature déclarative, la prise en


compte de quelques caractéristiques du discours sur l’alternance codique et sur l’emploi et
le choix des langues a gouverné l’analyse et le repérage de quelques indices dans les dires
des enquêtés. L’analyse du discours des enquêtés est une opération fondamentale et
déterminante. En effet, les résultats retenus nous amènent à situer les pratiques langagières
par rapport à la situation sociolinguistique d’un côté et à dégager les normes sociales et
linguistiques qui président à l’alternance codique de l’autre.

108
Première partie Cadrage général et étude préliminaire de la conscience linguistique…

Nous dirons enfin qu’il y a une part de conscience linguistique affichée dans les
dires des enquêtés impliquant une sensibilité linguistique liée à la place de chacune des
deux langues et à un bilinguisme jugé nécessaire voire légitime. Par ailleurs, l’alternance
codique semble être valorisée par la quasi majorité des enquêtés, immigrés comme non-
immigrés comme un moyen nécessaire dans la communication.

109
DEUXIEME PARTIE
______________________________________________________

LE PARLER BILINGUE : CHOIX DE LANGUES ET ALTERNANCES


CODIQUES ARABE DIALECTAL/FRANÇAIS

______________________________________________________
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

DEUXIEME PARTIE

LE PARLER BILINGUE : CHOIX DE LANGUES ET ALTERNANCES CODIQUES ARABE


DIALECTAL/FRANÇAIS

Cette partie est composée de deux chapitres. Le premier est centré sur l’analyse de
quelques caractéristiques des pratiques langagières des trois locutrices en relation avec
l’appropriation de nouveaux éléments des deux langues, compte tenu des asymétries des
répertoires et l’impact que peuvent jouer les interactions dans le développement d’un parler
bilingue. Nous mettrons ainsi l’accent sur l’ensemble des phénomènes qui servent
d’indices pour caractériser les conversations entre l’immigrée et ses partenaires non-
immigrées ainsi que les éléments qui interviennent dans le développement d’un répertoire
bilingue voire dans le parler bilingue. Le second chapitre sera consacré à une analyse
quantitative portant sur les énoncés produits et reçus par les trois locutrices. L’objectif de
la quantification des unités de la conversation est de caractériser les choix de langues
opérés par les locutrices ainsi que le poids de l’alternance codique dans leurs échanges
langagiers. Par ailleurs, la fréquence de l’emploi de l’une ou l’autre langue ou des deux à la
fois nous amène, eu égard à l’asymétrie des répertoires, à rendre compte de l’adaptation de
chacune des trois locutrices à ses partenaires.

110
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

CHAPITRE 1

DEVELOPPEMENT ET APPROPRIATION DU PARLER BILINGUE EN INTERACTION

Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux pratiques langagières des trois
locutrices : d’une part, pour étudier ce qui favorise l’acquisition des éléments de L2 en
interaction, d’autre part, pour décrire les comportements linguistiques et le développement
du répertoire au sein du groupe où les deux langues sont utilisées différemment (de la part
de l’immigrée et de ses deux partenaires non-immigrées). Les travaux qui portent sur le
rôle des interactions dans l’appropriation d’une deuxième langue et l’influence des
interlocuteurs sur le processus dynamique du développement langagier en situation
bilingue sont nombreux. Nous allons les aborder pour analyser nos corpus.

L’objectif est de déterminer dans quelle mesure l’asymétrie des répertoires amène à
des ajustements et au développement d’une compétence bilingue qui se manifeste par des
marques transcodiques notamment l’alternance de langues. Nous procèderons par une
analyse du corpus qui tient compte à la fois des divergences des répertoires et des
convergences résultant de la mobilisation des ressources par les trois locutrices.

1. Interactions, acquisition et développement des répertoires verbaux

Ce chapitre est consacré à décrire le développement70 du répertoire verbal des


locutrices immigrée/non-immigrées en situation bilingue et/ou exolingue et l’accès à la
deuxième langue selon la langue de chacune de même que les cas de figure où les
interactantes emploient l’arabe dialectal et le français comme langues de communication

70
Par développement nous entendons une manière de faire qui consiste à construire un système de
communication à partir des ressources langagières mobilisées de part et d’autre lors des interactions. Par
l’assemblage de ces éléments qui sont mixtes et porteurs de sens les interlocuteurs parviennent à se
comprendre et développer leur interlangue (cf. Jérémi SAUVAGE (2003) qui relate les différentes recherches
sur le développement langagier).

111
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

imposées par le contexte71 et la situation. La communication y fonctionne presque toujours


dans et par la divergence voire la convergence des deux codes ainsi que les formes mixtes
qui en résultent. Si l’on part donc du principe de l’approche communicative qui stipule que
la langue s’acquiert à travers les échanges, on peut considérer que l’emploi différentiel
(asymétrique) des deux langues ou les deux à la fois aboutit nécessairement à des
compétences communicatives bilingues. Le locuteur en situation de contact avec une
deuxième langue est un bilingue en devenir quels que soient le degré de compétence et la
nature du répertoire qu’il possède.

1 – 1. Interactions et acquisition en milieu naturel : les grands tournants

Poser la question de l’appropriation en milieu naturel à travers l’interaction


implique que l’on s’inscrive dans la lignée des travaux qui préconisent les paradigmes liés
aux questions du bilinguisme, de l’apprentissage et de l’acquisition d’une langue étrangère
proposés par Jean-Luc ALBER & Bernard PY (1984, 1985, 1986, 1994), Anne TREVISE &
Rémy PORQUIER, (1985), Marinette MATTHEY (1992, 1995), Colette NOYAU & Rémy
PORQUIER (1984), Georges LÜDI (1987) et Pierre BANGE (1996). C’est pour tenter
d’apporter quelques éclairages sur l’alternance codique, résultant de la coexistence de
l’arabe dialectal et du français, que nous voulons étudier l’usage et le développement des
formes bilingues entre immigrés/non-immigrés en interaction.

La possibilité même d’étudier l’appropriation du parler bilingue en milieu naturel


engage un certain nombre de présuppositions qu’il importe d’élucider dès le départ. Cela
dit, il est primordial de constater qu’il est question à la fois de situations bilingues et de
situations exolingues où la communication exige la mobilisation de deux codes. Ainsi, la

71
Rémy PORQUIER & Bernard PY (2004 : 53) soulignent que le processus d’appropriation met en relation un
locuteur, une langue et un contexte. Ils affirment que : « dans le cas d’acquisition en milieu social, on a
affaire à une extrême diversité de configurations, parmi lesquelles les dimensions socioculturelles
(communautés ethniques et culturelles d’origine et d’insertion, pratiques culturelles et religieuses, activité et
statut professionnels, etc.) et psycho-sociales (attitudes, motivations, représentations), ainsi que l’âge et les
situations personnelles et familiales, ne sont pas a priori préétablies ni cernées ou regroupées par quelque
cadre institutionnel ».

112
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

coexistence et l’emploi intensif de l’arabe dialectal et du français72, comme notre enquête


l’a montré, présupposent d’un côté une acquisition massive des deux langues, de l’autre
l’émergence des formes mixtes dues au degré de compétence voire de bilinguisme des
locuteurs. Il semble nécessaire pour nous de nous intéresser aux influences, subies et
exercées, générées par le contact avec les deux langues. Les locuteurs issus de
l’immigration quant à eux ont un contact différent avec l’arabe dialectal voire avec les non-
immigrés73.

Nous utiliserons respectivement langue 1 et langue 2 selon la première langue des


locuteurs, celle qu’ils utilisent le plus fréquemment et qu’ils maîtrisent le plus et par là
nous distinguerons locuteurs forts (expert) et locuteurs faibles (non-expert). De même que
nous désignerons le locuteur faible en L 2 par la catégorie ‘‘apprenant’’74.

Les caractéristiques assignables – par l’analyse et par la description – au parler


bilingue (GROSJEAN, 1982, 1984) ou encore à la communication exolingue (PORQUIER,
1979, 1984) nous amènent à cerner les énoncés qui jouent un rôle dans le développement
du répertoire verbal. Les énoncés en question requièrent des fonctions particulières voire
différentes comme résultant de l’emploi de deux langues. Ces énoncés mettent en évidence
le potentiel acquisitionnel et le développement du parler bilingue. En s’intéressant aux
inégalités des interactants nous distinguons entre l’exolingue communicatif et l’exolingue
didactique (cf. DE PIETRO, 1988) qui sont la source de l’amélioration de la compétence du
locuteur faible. Etant donné le contact permanent des deux langues en Algérie, nous
pouvons présumer que le paysage linguistique inclut de façon sommaire une acquisition
possible des formes mixtes ou bilingues.

72
L’on peut s’en tenir aux constats sur l’enseignement du français en Algérie qui continue d’aiguiser la
curiosité des spécialistes de la didactique, surtout sur la présence et le rôle de la langue maternelle en classe
de FLE. Cet aspect symbiotique fait que la prégnance des modèles langagiers comme la « norme scolaire »
n’est plus ressentie comme la seule norme à suivre. Donc l’acquisition du FLE en milieu guidé trouve son
prolongement en dehors de l’école. D’emblée, la question de l’acquisition du français en milieu naturel
apparaît comme un fait établi et on se demande si l’on est pas astreint à faire le rapprochement entre ce qui se
passe en classe et ce qui se passe en dehors de la classe (concernant l’usage et l’apprentissage du français).
73
Ici nous faisons référence aux rapports qu’ils ont avec l’arabe dialectal : la fréquence de l’emploi, le degré
de maîtrise, les représentations, les statuts, les rôles et les faces.
74
On peut parler d’apprenant même quand il s’agit d’acquisition en milieu non-guidé ou naturel.

113
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Par l’étude du développement du parler bilingue en interaction, nous voulons nous


interroger sur la question du contact de langues voire le contact qu’ont les individus avec la
(les) langue(s) et les circonstances qui les amènent à s’approprier « une nouvelle langue »
ou de nouvelles formes résultant de la coexistence des deux langues75. C’est pourquoi nous
voulons identifier, à partir de l’analyse de notre corpus, les données (les indices) qui
renseignent sur le processus du développement du parler bilingue en milieu naturel
bilingue. Ainsi, la question de l’alternance codique sera examinée sous deux angles :
comme stratégie pour assurer l’interaction et comme potentiel acquisitionnel.

1 – 2. L’acquisition d’une langue : du behaviorisme à l’interactionnisme

Pendant longtemps les travaux sur l’acquisition préconisaient les préalables


behavioristes basés sur le stimulus-réponse. Il est admis que l’acquisition du langage
repose sur des facteurs externes qui président au renforcement des comportements
attendus. La visée constructiviste PIAGET (1946) était basée sur l’étude du caractère
endogène de l’acquisition, ceci s’explique par l’intérêt qu’il porte au développement
cognitif. Cette approche met l’accent sur les préalables cognitifs et montre par là que
l’acquisition passe par des systèmes provisoires relativement stables. Selon Jean PIAGET
(ibid.) ce n’est pas le langage qui structure la pensée, mais c’est la pensée qui sous-tend le
langage par l’existence d’un substrat biologique inné (fonctionnel et cognitif). Se
démarquant du constructivisme piagétien, la grammaire générative de Noam CHOMSKY
(1971) met l’accent sur les dispositions innées (capacités programmées qui permettent
l’apprentissage d’une langue). En se référant à ce que Noam CHOMSKY (ibid.) appelle
Language Acquisition Device [« Dispositif d’Acquisition Linguistique »] correspondant
aux traits généraux de la grammaire « universelle » conduit à admettre l’existence d’un
dispositif générateur d’un fond commun. Chez Lev VYGOTSKI (1997) et Jérome BRUNER
(1983), on souligne l’ambition de donner une importance à une perspective
socioconstructiviste qui met en avant l’interaction. Telle qu’elle est développée par Lev
VYGOTSKI (ibid.), cette perspective considère le contact avec le milieu favorable au

75
Nous nous rattachons aux propos avancés par Marie-Thérèse VASSEUR (2005 : 51) concerant la centration-
décentration du locuteur alloglotte par rapport au « montage progressif d’une compétence bilingue » qui est
au cœur de la dimension de l’interaction-acquisition comme dynamique (au moins) bilingue.

114
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

développement linguistique. Pour Jérome BRUNER (ibid.), l’acquisition n’est possible que
par l’association du LASS (language acquisition support sytem) [« le système
interactionnel qui assure l’étayage » selon la traduction de Pierre BANGE (1996)] et le LAD
(Language Acquisition Device), selon lui c’est à travers l’interaction que l’apprentissage
est assuré, Jérome BRUNER (1991 : 83) a affirmé également à ce sujet qu’on « acquiert pas
le langage en se contentant d’être un spectateur, mais en l’utilisant », cela dit que son
appréhension de l’acquisition n’exclut pas l’usage et le contexte76.

1 – 3. Interactionnisme et acquisition en milieu naturel

Ce tournant interactionniste a donné lieu à de nouveaux paradigmes concernant


l’acquisition que ce soit en milieu naturel ou guidé. Les travaux de Wolfgang KLEIN (1989)
montrent que l’acquisition non guidée (celle qui nous intéresse le plus dans notre travail) se
développe naturellement à travers la communication quotidienne. En l’absence d’un
guidage systématique, l’apprenant peut réussir la communication ; et donc l’apprentissage
est dynamisé par la réorganisation, la reformulation et l’amélioration des acquis. Dans
l’acquisition en milieu naturel le sujet parlant cherche à comprendre et à se faire
comprendre car ce qui l’intéresse le plus c’est le succès de la communication (KLEIN,
1989 : 31). Sans entrer ici dans les détails de la théorie du contrôle « monitor theory »,
(KRASHEN, 1981) nous noterons l’aspect attentif et conscient de l’acquisition.

On constate, depuis plus de deux décennies, une orientation des recherches sur
l’acquisition vers le milieu naturel (VERONIQUE, 1992) en portant un intérêt particulier aux
adultes migrants établis dans des pays industrialisés. L’apprentissage de la langue du pays
d’accueil était la condition sine qua non pour s’intégrer socialement, ce besoin social a
orienté le regard vers la mise en place des méthodes pédagogiques susceptibles d’apporter

76
Jérôme BRUNER (1991 : 83) écrit : « L’acquisition d’une première langue est très sensible au contexte, cela
signifie qu’elle évolue beaucoup mieux lorsque l’enfant saisit déjà une manière prélinguistique quelconque la
signification de ce dont parle, ou de la situation dans laquelle la parole survient. Selon le contexte, l’enfant
semble d’avantage capable de saisir non seulement le lexique, mais aussi les aspects corrects de la grammaire
d’une langue », c’est dans cette optique que l’apprenant ou le locuteur faible acquiert la deuxième langue. Il
serait ainsi intéressant d’expliciter les repères et l’environnement sociolinguistiques qui permettent aux
locuteurs d’apprendre une deuxième langue.

115
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

des solutions aux problèmes rencontrés et d’autres contributions théoriques à ceux qui
s’intéressent à cette question.

Depuis les années 70, une partie des travaux sur l’enseignement et l’acquisition a
tendance à s’intéresser aux pratiques langagières observées en milieu naturel. Cet intérêt se
justifie par des motivations théoriques d’orientation didactique et sociolinguistique.
L’engouement pour la recherche sur l’acquisition en milieu non guidé ou dit naturel était
notamment basé sur l’étude des pratiques langagières des travailleurs migrants. En effet, le
bien fondé de ces recherches a débouché sur des conceptualisations diverses en rapport
avec le couple acquisition/apprentissage et bien d’autres phénomènes liés à la didactique
des langues et à la sociolinguistique. Ainsi, le milieu naturel est privilégié comme terrain
de recherche pour étudier les questions liées à l’acquisition et l’appropriation77 d’une
deuxième langue par les apprenants ou les migrants dans le pays d’accueil. Un tel intérêt
est légitimé du fait que la recherche est orientée vers l’observation des stratégies de
communication authentiques qui diffèrent des stratégies scolaires à caractère factice78.

La constitution d’un champ de recherche dont l’objet est l’acquisition d’une langue
étrangère que ce soit en milieu naturel ou guidé, s’inscrit à l’intersection de plusieurs
disciplines annexes et connexes comme la didactique des langues, la psycholinguistique,
l’ethnographie de la communication, la sociolinguistique interactionniste, etc.

Malgré la diversité des approches et des théories dans le domaine de l’acquisition


d’une langue étrangère, tout semble indiquer que les différentes ruptures épistémologiques
ont amené à de nouvelles perspectives79 et qu’il reste encore beaucoup de zones d’ombre à
éclairer.

77
Concernant les deux termes acquisition/apprentissage, Colette NOYAU (1980) utilise acquisition comme
terme générique en distinguant acquisition guidée - non guidée, Danièle VERONIQUE (1985) quant à lui utilise
apprentissage comme générique pour parler d’apprentissage en milieu naturel et apprentissage guidé. Dans
notre travail on parlera aussi bien d’apprentissage (comme processus en cours) que d’acquisition (comme
résultat du processus d’apprentissage).
78
Rémy PORQUIER (1979 : 49) écrit à ce sujet : « La diversité des stratégies envisagées, ainsi que la
prégnance des situations de communication, exigent que la recherche en ce domaine s’oriente vers
l’observation de situations authentiques et non seulement de situations expérimentales ou institutionnelles
dont le caractère factice exclut le plus souvent d’authentiques stratégies de communication, au profit de
stratégies scolaires ».
79
Voir Daniel VERONIQUE (1992) et Jo ARDITTY & Marie-Thérèse VASSEUR (1999) sur le développement
des travaux sur l’apprentissage et l’acquisition des langues.

116
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Enfin, ce panorama de théories de l’acquisition nous amène à parler du tournant de


la fin des années 70, notamment les recherches sur la communication entre natifs et non-
natifs en milieu naturel, communication dite exolingue (PORQUIER, 1984).

2. La communication exolingue

Des travaux en didactique des langues étrangères ont montré les caractéristiques de
la conversation exolingue pour observer comment fonctionne la conversation entre
locuteurs bilingues n’ayant pas la même première langue. Il s’agira de la mettre en exergue
avec les divergences sociales pour évoquer la compétence de communication (HYMES,
1984 : 120-130) et la signification des inégalités linguistiques quant aux choix et à la
mobilisation des répertoires verbaux. D’autant plus que nous essaierons de voir d’autres
résultats de recherche concernant la communication exolingue (chez PORQUIER, 1993) afin
de déterminer ce qui relève du bilinguisme et ce qui relève de l’exolinguisme chez
l’immigrée et ses partenaires non-immigrées.

La conversation entre locuteurs ne disposant pas d’une L1 commune (ou la langue


de la première socialisation) se construit sur la base d’une adaptation mutuelle pour
atteindre l’intercompréhension. Face à un problème linguistique quelconque le locuteur
fort (ou expert) est supposé aider le locuteur faible (non-expert). Tel est le cas des
locuteurs immigrés/non-immigrés, ces derniers présentent des divergences significatives en
ce qui concerne l’emploi de l’arabe dialectal et du français. La prise en compte de ces
divergences par chacun des locuteurs amène à des stratégies de facilitation80 pour réussir
les interactions. De par le succès des interactions, les stratégies contribuent aussi à
développer un répertoire verbal bilingue.

Rémy PORQUIER (1979 : 50) définit la communication exolingue comme « celle qui
s’établit entre individus ne disposant pas d’une L1 commune », quelques années plus tard
(PORQUIER, 1984 : 18-19) il propose une autre définition plus élargie :

80
Les stratégies de facilitation nous amènent à mettre le doigt sur ce qui relève du bilinguisme et ce qui
relève de l’exolinguisme ; situations face auxquelles les locuteurs sont parfois conscients donc d’accord pour
s’entraider.

117
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

la communication exolingue est celle qui s’établit par le langage par des moyens
autres qu’une langue maternelle éventuellement commune aux participants.
Comme toute communication langagière, elle est déterminée et construite par
des paramètres situationnels, parmi lesquels en premier lieu la situation
exolingue (ou la dimension exolingue de la situation) dans laquelle :
- les participants ne peuvent ou ne veulent communiquer dans une langue
maternelle commune (soit qu’ils n’aient pas de L1 commune, soit qu’ils
choisissent de communiquer autrement) ;
- les participants sont conscients de cet état de chose ;
- la communication exolingue est structurée pragmatiquement et
formellement par cet état de choses et donc par la conscience et les
représentations qu’en ont les participants ;
- les participants sont, à divers degrés, conscients de cette spécificité de la
situation et y adaptent leur comportement et leurs conduites langagières.

Au-delà de l’asymétrie des répertoires verbaux, les trois locutrices (immigrées/non-


immigrées) manifestent des compétences bilingues, elles utilisent respectivement L1 et L2.
Même si cette dernière n’est pas bien maîtrisée, elle conduit à l’intercompréhension, les
résultats de l’enquête montrent déjà que la plupart des enquêtés (immigrés/non-immigrés)
comprennent même quand ils ne maîtrisent pas bien la deuxième langue. Ce type de
compétence bilingue se manifeste dans la plupart des cas par l’alternance codique. Cette
dernière aide le locuteur faible non seulement à réussir la communication par une sorte de
complémentarité mais aussi à développer son répertoire verbal.

En réponse à Rémy PORQUIER, François GROSJEAN (1984 : 50) considère d’ailleurs


« la communication exolingue comme un cas particulier de bilinguisme ». Le choix de
langue (les variables qui le sous-tendent) est, en effet, l’un des paramètres qui rapproche la
communication bilingue de la communication exolingue. Dans les deux cas le choix d’une
langue de base fait intervenir l’autre langue sous forme d’alternance codique ou
d’emprunts (GROSJEAN, ibid.).

3. Situation exolingue/bilingue et contextes d’appropriation

Le contexte d’acquisition est tributaire de l’espace où se déroulent les interactions


et les conjonctures qui les sous-tendent.

118
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Nous verrons un peu plus loin à travers l’analyse de quelques extraits de conversations
entre immigrée/non-immigrées, comment le contexte et la situation fournissent, par
l’interaction, des conditions d’ajustement voire d’acquisition. Ainsi, Rémy PORQUIER et
Bernard PY (2004 : 55) mettent l’accent sur la dimension temporelle de la notion de
contexte d’appropriation en précisant que :

[…] les termes même d’appropriation, d’acquisition et d’apprentissage


renvoient à un processus dynamique, déroulé dans le temps : ce processus,
évolutif et développemental, est lui-même constitutif du contexte, mais aussi
constructif du contexte, modelé par la dynamique acquisitionnelle.

Ceci nous amène à considérer que les locuteurs algériens immigrés/non-immigrés


sont confrontés à des circonstances variées ‘‘micro’’ et ‘‘macro’’81 à partir desquelles ils
mettent en contact les deux langues82. La construction du savoir linguistique en interaction
leur permet d’optimiser la communication, et la communication les conduit à optimiser
l’appropriation des éléments linguistiques dont ils ont besoin. Qu’il s’agisse de
communication bilingue ou exolingue, les locuteurs immigrés/non-immigrés sont, a
fortiori dans de nombreuses situations de communication, forcés à mobiliser les ressources
de leurs répertoires respectifs.

Jean-François DE PIETRO (1988) a proposé dans ce sens une typologie des


situations de communication à partir de deux axes qui mettent en lumière la présence d’une
ou plusieurs langues et le degré de partage de celles-ci par les interlocuteurs. L’exploitation
de cette représentation des situations de contact de langues dans notre recherche nous
permet de définir la nature des rencontres entre les locuteurs immigrés/non-immigrés et les
caractéristiques de leurs conversations.

81
Notons que le milieu social et le milieu familial (les parents, fratrie) ou encore les rencontres entre les
groupes de pairs présentent pour les locuteurs immigrés et non-immigrés des occasions de contact, d’usage et
d’apprentissage voire de développer d’une communication bilingue. Rémy PORQUIER et Bernard PY
distinguent entre deux niveaux d’interaction dans l’appropriation d’une langue : contexte micro et contexte
macro. Ainsi, ils précisent que « le niveau macro comporte les déterminations sociales au sens le plus large :
telles que : les politiques éducatives, les politiques linguistiques des pays concernés … le niveau micro
correspond à des moments ou à des séquences de dimensions variables mais comportant une unité de temps,
de lieu et d’interaction. » (2004 : 59).
82
Dans les situations de communication bilingues les locuteurs acquièrent et développent deux systèmes
linguistiques différents qu’ils utilisent forcément en présence d’interlocuteurs bilingues (cf. Mercè PUJOL-
BERCHE, 1993).

119
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

exolingue (2) (3)

endolingue (1) (4)

unilingue bilingue
(DE PIETRO, 1988 : 72)

a)- L’axe unilingue/bilingue : la distinction unilingue/bilingue indique si la


communication se déroule dans une langue ou non. S’il s’agit de locuteurs monolingues la
communication sera forcément unilingue. Et même quand un natif d’une langue emploie la
langue de son interlocuteur (alloglotte) la communication sera unilingue et la
communication tendra vers le bilinguisme dès que le natif recourt occasionnellement vers
sa première langue. Quand il est question de locuteurs bilingues on peut avoir deux cas de
figure : des échanges unilingues quand les locuteurs n’utilisent qu’une seule des langues et
des échanges bilingues quand les interlocuteurs actualisent la totalité de leur répertoire.
Jean-François DE PIETRO (ibid. : 70) précise que : « le discours est idéalement unilingue
s’il ne comporte aucun élément qui appartienne explicitement à une autre langue ; il tend
vers le pôle bilingue dès lors qu’apparaissent des changements de langues et des marques
transcodiques ».

b)- L’axe endolingue/exolingue : la communication exolingue est définie par


l’asymétrie des répertoires constitué par la différence de compétence linguistique, mais
aussi la communication bilingue elle-même est (ou peut être) très souvent asymétrique. On
voit qu’il n’y a pas de frontières entre endolinguisme et bilinguisme. L’axe qui relie le pôle
endolingue au pôle bilingue croise l’axe unilingue/bilingue, compte tenu de l’asymétrie
variable : cette schématisation permet de déterminer la nature des échanges auxquels
participe le locuteur non-natif (bilingue ou exolingue). Cependant, « la communication
devient endolingue, au contraire, lorsque les divergences codiques ne représentent plus une
donnée pertinente dans la gestion du discours, autrement dit lorsqu’elles ne sont plus

120
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

perçues comme significatives par les participants à l’événement langagier » (DE PIETRO,
ibid. : 71).

Les locuteurs bilingues immigrés/non-immigrés présentent des asymétries des


répertoires en L1 et L2, et donc il peuvent avoir des échanges de type exolingue/bilingue
selon que leurs compétences sont proches ou différentes dans les deux langues. Dans notre
corpus, nous observerons que les interactions reposent essentiellement sur la mobilisation
des énoncés bilingues/exolingues. Chacune des trois locutrices est tour à tour forte et faible
(apprenante) dans une des langues étant donné l’existence des éléments qui relèvent de
l’exolinguisme et du bilinguisme. Dans les deux cas la collaboration et l’engagement
amènent à des ajustements mutuels voire à la réactivation des éléments désactivés qui sont
rarement utilisés dans les pratiques langagières courantes et/ou ordinaires en dehors de ces
rencontres.

4. Le développement des répertoires verbaux en communication exolingue

Dans notre travail il s’agit de conversations entre locutrices n’ayant pas la même
compétence en langue française ou en langue arabe dialectal ou encore la même première
langue. Elle ne parlent pas le français de la même façon faisant partie d’un milieu social
favorisant ou non l’emploi du français. D’autant plus qu’il s’agit d’examiner la
mobilisation de l’arabe dialectal et du français et son impact sur le mode d’usage de
l’alternance codique. S’agissant des interactions entre immigrés/non immigrés, l’asymétrie
est de taille et l’émergence de l’alternance codique ou de l’emploi et le choix des deux
langues sont significatifs pour mettre en lumière le potentiel acquisitionnel.

Nous allons donc partir du fait que l’asymétrie des répertoires verbaux et la
divergence dans les interactions dites « exolingues » sont relatives à l’emploi des deux
langues et sont aussi à l’origine des ajustements des segments bilingues et le recours à des

121
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

alternances codiques. Ceci contribue à notre avis au développement d’un parler bilingue
caractérisé par l’emploi intensif des marques transcodiques83.
Nous pouvons également ajouter que l’arabe dialectal en lui-même représente un cas de
métissage selon lequel les interlocuteurs mettent en place un système de référence pour
parvenir à coder la communication et atteindre l’intercompréhension.

Nous nous intéresserons notamment aux aspects sociolinguistiques à travers


lesquels le contact de l’arabe dialectal avec le français conduit à une interaction bilingue et
permet l’appropriation du français et/ou de l’arabe dialectal voire de l’alternance codique.
En d’autres termes nous essaierons de comprendre comment se construit et évolue le
répertoire verbal bilingue ou encore le « parler bilingue » des locuteurs immigrés/non-
immigrés et les faits sociolinguistiques qui le motivent malgré les asymétries des
répertoires verbaux.

Il est d’usage de considérer que la langue s’acquiert dans et à travers la société par
le biais de l’interaction ; William LABOV (1976 : 33) montre que « l’enfant n’acquiert pas
la langue indépendamment des rapports sociaux qu’elle exprime, des fonctions qu’elle
assume ».

Il est donc primordial de s’intéresser au quotidien des jeunes et à leurs relations


sociales selon les différents réseaux pour comprendre certaines modalités de l’émergence
des éléments du français intériorisés lors des interactions et réemployés par les sujets
parlants. En effet, ce contact des deux langues conduit forcément à l’alternance codique
qui est loin d’être considérée comme un mélange banal de segments préconstruits surtout si
l’on tient compte des stratégies conversationnelles des uns et des autres. Les formes
alternées sont donc intériorisées par les locuteurs au sein de la société à travers des
interactions sociales en dyades ou en groupes. Les locuteurs découvrent les différentes
fonctions que remplissent les éléments d’une langue à travers l’interaction, il en est de
même pour les éléments des autres langues. L’intériorisation des règles grammaticales et
des usages langagiers se concrétise dans des contextes sociaux appropriés (selon les règles
sociales et linguistiques en usage au sein des réseaux sociaux). Et c’est surtout pour des
83
Notons que ce fait concerne aussi bien les immigrés entre eux en France ou en Algérie que les locuteurs
algériens en contact avec les immigrés voire avec le français parlé tel qu’on le parle en Algérie.

122
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

fins communicatives que le locuteur immigré s’engage dans la conversation avec le non-
immigré (et vice versa) en passant par plusieurs stratégies d’appropriation. Donc, le
mélange et l’alternance codique sont considérés comme l’aboutissement d’un processus
d’imitation par le locuteur faible des usages du locuteur fort ou bilingue.

5. Contacts immigrés/non-immigrés : interactions et acquisition

Beaucoup de locuteurs algériens (non-immigrés) acquièrent le français ou encore


« l’essentiel de la langue française »84 dans le cadre de communication exolingue et/ou
bilingue, « sur le tas » lors des interactions verbales, quant aux jeunes issus de
l’immigration les choses sont plus complexes encore, (cf. DABENE, 1987 ; BILLIEZ, 1998 et
MERABTI, 1992). Cette complexité est relative aux divers réseaux de communication qui
naissent des rencontres et qui amènent les groupes à employer simultanément les langues
qu’ils parlent selon les contextes interactionnels immédiats.

Il est cependant important de signaler que la réalité des pratiques langagières est
formée de tout le réseau des relations sociales et individuelles que les locuteurs mettent en
œuvre lors des interactions. Contrairement à certains modèles de bi-plurilinguisme85 au
monde, en Algérie la situation est loin d’être pour tous « conflictuelle », tout semble
indiquer que les deux langues sont employées de différentes manières86 comme langues de
communication dans le quotidien, même si les attitudes et les représentations de beaucoup
de locuteurs montrent parfois une stigmatisation de l’emploi du français87.

Le contact entre locuteurs immigrés/non-immigrés nous permet au moins de voir


comment des locuteurs à répertoires verbaux hétérogènes alternent les deux langues et

84
Nous entendons par là une compétence de base en langue française à travers laquelle le sujet parlant peut
comprendre et éventuellement s’exprimer avec des locuteurs qui parlent couramment le français.
85
Nous nous référons au bilinguisme de migration ou encore le bilinguisme d’état où la concurrence
linguistique est apparente.
86
En effet, les pratiques langagières et les représentations du bilinguisme en Algérie montrent que l’attribut
« langue étrangère » n’est qu’une désignation officielle (glottopolitique) pour préciser les fonctions de l’arabe
classique par rapport aux langues existantes. Le bilinguisme se matérialise donc autour de l’émergence d’un
système mixte qui montre cet équilibre.
87
Voir supra les données de l’enquête de terrain, première partie, chapitre 2 ; et voir le corpus dans le
volume des annexes.

123
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

arrivent à se comprendre. De même que la mobilisation des deux langues dans les
conversations nous permet non seulement de repérer les asymétries des répertoires des
interlocuteurs, mais aussi les possibilités et les stratégies d’appropriation de nouveaux
énoncés en langue ‘‘forte’’ et en langue ‘‘faible’’.

C’est d’ailleurs pour cette raison que nous distinguons des asymétries fortes et des
asymétries faibles. Celles-ci sont évaluées à travers le repérage et l’interprétation des
indices qui montrent le degré de bilinguisme ou d’exolinguisme des locuteurs à différents
niveaux (linguistique et pragmatique). Il faut envisager le fait que la fréquence et le poids
des énoncés de L1 et de L2 dans les échanges comme un des indices pour montrer la
distance entre l’exolinguisme et le bilinguisme.

Considérée comme la principale langue étrangère enseignée en Algérie, le français


demeure un moyen de communication privilégié non seulement au sein de l’école mais
aussi dans la vie quotidienne de beaucoup d’Algériens. Il faut dire que l’école est l’endroit
où la majorité des enfants sont mis en contact avec le français. Ce dernier ne s’acquiert pas
seulement en milieu institutionnel comme langue étrangère. Il est maintenant admis que le
français est la deuxième langue après l’arabe dialectal dans l’esprit de la plupart des
citoyens aussi bien en milieu scolaire que social. Cela revient à dire qu’il s’agit d’un
bilinguisme de fait qui favorise l’emploi mixte de l’arabe dialectal et du français. Il faudrait
entendre par là une situation sociolinguistique bilingue ou encore plurilingue88 caractérisée
par des pratiques communicatives spontanées et divergentes, où l’appropriation des deux
langues est dynamisée par les interactions.

Nous avons constaté à travers les résultats de notre enquête que les locuteurs
algériens (immigrés/non-immigrés) sont en contact permanent avec le français ce qui les
conduit à développer une compétence communicative bilingue voire un parler bilingue ;
on peut dire à la suite Bernard PY (1992 : 13) que :

88
Quelle que soit la langue parlée dans telle ou telle région (variétés dialectales) les locuteurs l’emploient à
côté du français. La situation est d’ores et déjà définie comme plurilectale vu l’existence de ces variétés. On
peut parler entre autres de « parler plurilingue » à la suite de Jacqueline BILLIEZ, 2005) ; (cf. Lori SECOND,
2005).

124
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Le parler bilingue se caractérise par ce que nous avons appelé jusqu’ici des
interférences, c'est-à-dire des formes qui ont sauté d’un système linguistique à
l’autre, parfois sans subir d’altération marquée (on parlera alors d’alternance de
code, éventuellement d’emprunts), parfois modifiée d’une manière plus ou
moins profonde (on parle alors de calque, d’interférences ou de variantes de
contact).

Le parler bilingue reste lié aux situations de communication et aux stratégies


linguistiques diversifiées des locuteurs en présence. Bien que l’emploi de deux langues soit
la cause et la conséquence de ce parler bilingue, ses caractéristiques apparaissent
simultanément comme indices d’une compétence et/ou d’une insuffisance. En effet,
l’appropriation du parler bilingue passe forcément par ces deux moments de ‘‘fortes’’ et de
‘‘faibles’’ asymétries des répertoires, ou quand les locuteurs manifestent des insuffisances
ou encore quand ils cherchent de l’aide pour élaborer leurs énoncés.

L’acquisition des deux langues ou les formes bilingues représentent une


construction sociale qui se réalise entre locuteurs ‘‘forts’’ et locuteurs ‘‘faibles’’ selon
des motivations89 et des stratégies communicatives bien définies (stratégies d’évitement et
de réussite). L’acquisition d’une langue « a lieu à travers des processus de production
participative d’objets de savoirs, flexibles, contingents, nouveaux parce que liées au
contexte singulier de pratiques » soulignent Laurent GAJO & Lorenza MONDADA (1988 :
93). Il est entendu par là que l’expérience individuelle favorise l’apprentissage de L2 en
interaction. En effet, l’expérience individuelle et les relations interpersonnelles amènent
chaque locuteur à se rapprocher de son interlocuteur par la mobilisation des ressources qui
assurent la communication et l’intercompréhension. Le développement des compétences
communicatives bilingues repose en partie sur les locuteurs qui emploient fréquemment la
L2 au même titre que L2.

En ce qui concerne le français, il s’impose au quotidien des Algériens à la fois


comme langue de prestige et comme une nécessité pour la communication. La société est

89
Il y a des motivations instrumentales et des motivations intégratives, les premières sont liées à l’usage
immédiat pour des fins communicatives, par contre les secondes (motivations intégratives) conduisent à
l’assimilation du locuteur ‘‘faible’’ au locuteur ‘‘fort’’. En termes de représentations ou d’attitudes, les
motivations intégratives conduisent à long terme à une appropriation de la langue du natif, tel est le cas des
enfants d’immigrés nouvellement installés dans le pays d’accueil.

125
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

le lieu qui voit naître, à travers l’usage individuel, le besoin d’employer et donc
d’apprendre la langue. En Algérie, l’usage du français ne s’est pas réduit malgré les
positions idéologiques qui voulaient réduire son extension face à l’hégémonie de l’arabe
classique. Aziza BOUCHERIT (2004 : 59) montre fort bien que :

[…] l’usage de l’arabe standard s’est développé mais, paradoxalement, cela


ne s’est pas fait au détriment du français comme le souhaitaient,
initialement, les promoteurs de l’arabisation. Non seulement le français est
présent en Algérie mais son emploi reste indispensable dans bien des
situations et cette contradiction entre désir et réalité, sur fonds d’identité
nationale, entretient la querelle entre les tenants et les adversaires de
l’arabisation.

Comme on le sait l’arabe standard (ou classique) est rarement employé comme
langue de communication quotidienne au sein de la société90. Le français et l’arabe
dialectal assument cette fonction, ceci se justifie par les taux obtenus dans l’enquête par
questionnaire en ce qui concerne la fréquence de l’emploi des deux langues (soit 53,19 %
qui ont affirmé employer l’arabe dialectal contre 68,81 % le français pour l’ensemble des
enquêtés immigrés/non-immigrés). Du point de vue sociolinguistique, le bilinguisme en
Algérie se présente d’abord comme une manifestation d’un parler métissé91 comparable à
celui des immigrés maghrébins en France (MELLIANI, 1999) dont les configurations
diffèrent d’un locuteur à l’autre. Nous pouvons parler aussi de bilinguisme scolaire qui
dépasse les frontières de l’école et qui trouve son véritable prolongement au sein de la
société. Quant à la dimension conversationnelle, les faits peuvent être observés sous
plusieurs angles : l’habitude, le niveau de langue, le choix délibéré de l’emploi de telle ou
telle langue, la situation de communication, les rôles et les faces (GOFFMAN, 1974). Ainsi,
les conversations des locuteurs algériens apparaissent bien comme un véritable exemple de
métissage de l’arabe dialectal et du français92. Il en est de même pour les conversations
entre immigrés/non immigrés. La récurrence des énoncés bilingues oblige par conséquent à

90
L’arabe classique ou littéral est réservé à l’école ou à des usages officiels.
91
Nous empruntons ce terme à Fabienne MELLIANI (1999.b) pour désigner des façons de parler naturelles
dynamisées par l’usage et la rencontre de deux langues dans un contexte sociolinguistique plurilingue. Faut-il
entendre par ce métissage des formes alternées, un mélange ou une entre deux langues ? C’est la question à
laquelle on va tenter de répondre dans les chapitres qui suivent compte tenu des fonctions que ces formes
remplissent dans le discours.
92
Voir à ce propos l’article de Khaoula TALEB-IBRAHIMI (2004) sur le métissage linguistique dans les
pratiques langagières des jeunes algériens.

126
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

s’interroger sur l’appropriation des formes qui régulent ce métissage au niveau


conversationnel93.
L’examen de la situation sociale et langagière des locuteurs montre que l’émergence, et le
développement des deux langues et du parler bilingue sont dus à l’usage alternatif de
l’arabe dialectal et du français et au contact des deux langues au quotidien (cf. résultats des
enquêtes).

Ce qui nous intéresse, ici, c’est de circonscrire les aspects sociolinguistiques des
échanges bi-plurilingues – qui naissent des contacts des langues entre alloglottes et natifs
(immigrés/non-immigrés dans notre étude) et qui conduisent à l’appropriation des façons
de parler mixtes94 – dans une dimension d’analyse qui tient compte du développement des
répertoires. Ce type de situation implique forcément des individus qui mobilisent des
répertoires verbaux hétérogènes pour atteindre l’intercompréhension. On sait que chez les
immigrés/non-immigrés et chez les non-immigrés entre eux, les différences sont de taille et
renseignent d’un côté sur l’appartenance sociale, de l’autre sur les conditions qui favorisent
l’appropriation des formes de l’une et de l’autre langue.

6. De l’asymétrie à l’intercompréhension

S’intéresser à la manière dont le non-natif s’approprie la langue du natif ou du


locuteur ‘‘fort’’ en interaction n’est pas une chose facile. Cela est dû, en effet, aux zones
d’ombre que couvre ce processus à différents niveaux95 ; et surtout à la complexité au plan
méthodologique concernant l’exploitation des corpus longitudinaux (PORQUIER, 1992). Par
ailleurs, Anne TREVISE et Rémy PORQUIER (1985) ont soulevé quelques questions
méthodologiques liées à l’acquisition d’une langue seconde en milieu naturel et proposent
quelques outils qui aident à décrire le processus. Il faut dire que Rémy PORQUIER (1994) a

93
Les locuteurs qui emploient couramment le français (notamment les non immigrés), présentent des
conversations qui sont souvent caractérisées par la récurrences des énoncés bilingues. Il est aussi primordial
de rappeler qu’il est parfois question de segments figés ayant les caractéristiques de l’interlangue. Sans
oublier la manifestation des emprunts qui ornent les pratiques langagières.
94
L’aisance et le succès de la communication sont assurés par la mobilisation d’un répertoire verbal mixte
qui se manifeste par l’alternance codique.
95
Les modalités et les stratégies d’acquisition ne sont pas toujours repérables et les procédés opératoires en
vigueur ne rendent pas compte de la complexité que recouvre le processus d’acquisition.

127
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

apporté d’autres éclairages sur la notion de « communication exolingue » comme


paradigme fondamental susceptible d’apporter des explications et des précisions
complémentaires sur le contexte d’appropriation. De même que la formalisation96 qu’il a
proposée à propos des pôles bilingue, exolingue et endolingue permet de rendre compte de
la régularité et de l’irrégularité voire la faiblesse de l’utilisation de L 2.

Dans notre recherche nous sommes obligé de prendre en compte les aspects
sociolinguistiques favorables à l’emploi de l’arabe dialectal à côté du français et
l’émergence de l’interlangue97 ainsi que le parler bilingue qui en résulte. Aussi devons-
nous tenir compte, à cet égard, de toutes les situations possibles dans lesquelles sont
employées les deux langues ou une des langues par laquelle un des interlocuteurs éprouve
une difficulté quelconque lors des interactions. Ainsi, Marinette MATTHEY et Jean-François
DE PIETRO (1997 : 134) affirment que le contact des langues est d’abord un contact de
l’individu avec la/les langues en évoquant ainsi la mise en œuvre des procédés de
facilitation qui conduisent à une communication plus ou moins symétrique :

C’est d’abord chez l’individu que le contact des langues a lieu, lorsque deux
(ou plusieurs) personnes interagissent en utilisant plusieurs langues et en
mettant en œuvre des procédés communicatifs qui contribuent en quelques
sorte un rapprochement des idiomes en présence (parler bilingue, alternance
codique, collaboration).

Dans le processus d’appropriation de L1 et de L2 intervient de facto comme un


moyen par lequel le locuteur développe sa compétence en langue 2. Mais il arrive que le
processus d’appropriation soit stoppé par une sorte d’auto-suffisance98 (fossilisation).
D’une part, lorsque certains éléments de la deuxième langue assurent la compréhension et

96
Voir plus loin le schéma de Jean-François DE PIETRO (1988).
97
Nous entendons par interlangue dans le cas de l’apprentissage en milieu naturel un moment provisoire mais
propice pour atteindre une langue (compétence) qui assure l’intercompréhension. Donc, à la suite de Bernard
PY (1982 : 76) : « […] la notion d’interlangue est étroitement associée à celle d’acquisition. Elle permet de
rendre compte de la structure progressive des connaissances d’apprenants en langue seconde, ou d’enfants en
langue maternelle. Quelles que soient les divergences qui opposent les diverses conceptions de l’interlangue,
on retrouve partout l’idée d’un développement progressif, d’une complexification par laquelle la compétence
intermédiaire se rapproche de l’objectif fixé au départ ». Pour ce qui est des notions de communication
exolingue et d’interlangue d’autres précisions ont été apportées par Ulrich DAUSENDSCHÖN-GAY (2003).
98
C’est le cas de beaucoup de locuteurs ‘‘faibles’’ en L2 qui ressentent que les ressources langagières (même
rudimentaires) qu’ils emploient leur permettent de communiquer d’une manière ou d’une autre avec leurs
interlocuteurs ‘‘forts’’.

128
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

la sécurité linguistique ; d’autre part quand les éléments de L2 acquise (ou au cours
d’acquisition) s’imbriquent dans L1, comme marques transcodiques. Ces dernières nous
intéressent dans la mesure où les locuteurs algériens immigrés/non-immigrés produisent
deux types d’énoncés bilingues : des énoncés préconstruits qui évoluent à travers l’usage et
des énoncés définitifs sédimentés par l’usage. Toutefois, il est difficile dans le cas des
locuteurs algériens immigrés/non-immigrés, de dire s’il s’agit de bilinguisme ou
d’exolinguisme (VASSEUR, 1992). Il est en effet incontournable de partir de situations
concrètes pour dégager ce qui relève du bilinguisme et de l’exolinguisme.

Pour ce qui nous concerne, nous centrerons notre intention sur la nature des
ressources langagières mobilisées par les locuteurs lors des échanges afin de mieux
caractériser les alternances codiques.

Les modèles d’acquisition sont généralement élaborés à partir de l’interaction, où


l’interlangue s’organise en système plus complexe. Le passage d’une situation provisoire à
une situation stable plus ou moins achevée montre que l’interlangue devient un système de
référence pour le locuteur faible en L2. Cela dit, la régulation des conversations et
l’accomplissement des actes de parole amènent forcément au métissage et à l’usage
alternatif des deux langues. De ce fait, le métissage devient la langue commune (un parler
bilingue) de la communauté composée de locuteurs qui emploient différemment les deux
langues.

La description des marques linguistiques mixtes qui évoluent à travers la pratique


intensive de la (les) langue(s) montre clairement la constitution de ce système de référence
par l’apprenant ou le non-natif. Donc, l’interlangue comme résultante de la rencontre de
deux ou plusieurs langues aboutit à un système stable99 où l’on peut trouver des traces
linguistiques mixtes restreintes, élaborées, ou incorrectes au niveau conversationnel. Dans
un article intitulé « L’alternance codique et l’acquisition d’une langue seconde », Georges
LÜDI (1999) considère l’alternance codique comme potentiel acquisitionnel en affirmant
que chaque locuteur construit son interlangue selon son expérience individuelle. Cette

99
Par système stable nous entendons des façons de parler modulées maintenue en tant que telle ayant évolué
selon les besoins langagiers du groupe ou de la communauté linguistique, mais cela n’empêche pas
l’existence des variations dans l’emploi de la langue.

129
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

construction est basée sur des stratégies de facilitation, de compensation et de gestion de


l’intercompréhension entre le locuteur ‘‘fort’’ et le locuteur ‘’faible’’. Il s’agit d’un savoir
provisoire qui n’est pas entièrement stable, dont l’évolution et la récurrence conduisent à la
constitution d’un parler bilingue et à un usage alternatif des deux langues et des formes
altérées de la langue empruntée.

6 – 1. La catégorisation immigré/non-immigré et la reconnaissance de l’asymétrie

D’une façon plus générale, nous pouvons dire que la catégorisation non-natif ou
« étranger »100 voire immigré – non-immigré dans les conversations ou dans le discours des
interlocuteurs renvoie au stéréotypage101 de l’inégalité (ou de l’insuffisance) en ce qui
concerne l’usage de l’une des deux langues. La thématisation de cette catégorie peut rendre
pertinente la description de l’asymétrie entre les interlocuteurs (MONDADA, 1997, 2000).
La catégorisation des interlocuteurs dans la conversation bilingue/exolingue détermine les
rôles et les places conversationnelles. C’est par inférence que les interlocuteurs se
définissent comme forts ou faibles ce qui les amène à adapter leurs comportements
communicatifs. D’autant plus que l’autoévaluation et l’auto-reformulation sont autant
d’éléments à prendre en compte pour étudier le métalangage ou le métadiscours des
locuteurs lors des interactions. La catégorisation est un élément que l’on peut saisir comme
un état de conscience par lequel le locuteur identifie son interlocuteur en s’identifiant à lui.
La conscience linguistique dans l’acquisition est un des points à mettre en avant pour
mieux concevoir les réajustements au niveau conversationnel et leur rôle dans le processus
d’appropriation. Ainsi, le sujet parlant qui réussit des fragments mixtes qu’il juge

100
Les termes immigré et étranger sont pris comme stéréotypes avec toutes les connotations qu’ils peuvent
avoir dans la société algérienne et dans l’esprit des individus issus de l’immigration eux-mêmes. Nous
pouvons parler également d’étranger à la langue.
101
Lors de nos enquêtes de terrain nos avons noté beaucoup de propos relatifs à la catégorisation immigré
non immigré comme rudiments de différenciation linguistique. Ainsi, le profil linguistique des locuteurs se
définit selon qu’ils soient natifs ou non d’une des deux langues ou par rapport à l’inégalité linguistique
repérée par un des locuteurs. En voici quelques propos : « je suis immigré je parle très mal l’arabe dialectal,
je me débrouille comme je peux », « vous les immigrés vous avez l’habitude de parler en français, nous nous
le comprenons bien mais on le parle mal », « c’est normal vous êtes Français, c’est votre langue vous la
parlez bien ». Précisons à la de suite de Bernard PY (1996 : 14) que la distance qu’a le locuteur non natif ou
étranger vis-à-vis de son interlocuteur ou la norme est « [...] l’expression d’une altérité non seulement
linguistique mais aussi culturelle et sociale ». Nous reviendrons plus loin sur certains aspects identitaires
concernant les catégorisations : immigrés, Français, Algériens, etc.

130
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

conformes aux règles renonce à l’apprentissage en considérant comme acquise102 telle ou


telle forme de L2. Si bien que l’élaboration de ce que nous avons appelé un système de
référence est le résultat de la variation et des représentations des façons de parler.
L’émergence de ce système est due aux changements successifs qui s’achèvent ou se
poursuivent selon les besoins des locuteurs et leurs appréciations des formes qu’ils
emploient ou celles qu’ils veulent atteindre.

6 – 2. La catégorisation et la thèmatisation des différences langagières par les trois


locutrices

Par ailleurs, la catégorisation même quand elle n’est pas liée à l’appartenance
sociale, se traduit par sa thèmatisation dans les conversations d’une part en insécurité103
linguistique chez le locuteur faible, de l’autre en une stratégie conversationnelle chez le
locuteur fort qui cristallise sa langue ou celle qu’il préfère (dans laquelle il se sent le plus à
l’aise). Dans le cas des locuteurs immigrés et non-immigrés cette catégorisation est
significative dans la mesure où la rencontre devient un moment d’apprentissage mutuel et
une source d’influences considérables. De là se définissent les statuts et les rôles
(GOFFMAN, 1974) donc, la relation qui s’y installe favorise l’usage d’une langue plutôt
qu’une autre et exige des formes plutôt que d’autres. Les interlocuteurs sont appelés
d’emblée à participer à la construction interactive de la conversation bilingue et par là à
élaborer les règles des tâches conversationnelles, c'est-à-dire par la répartition des activités
selon les besoins de l’intercompréhension et par la mobilisation des moyens langagiers
nécessaires qui facilitent l’intercompréhension. La divergence des compétences laisse des
traces dans la répartition des activités conversationnelles et renseigne sur les spécificités de
la communication exolingue (DAUSENDSCHÖN-GAY & KRAFT, 1991).

Dans l’extrait 1 ci-après la question identitaire est posée par la locutrice immigrée
(Farida) en termes de la double appartenance, à deux pays voire à deux espaces (DEPREZ,

102
La compréhension (ou la saisie) et l’emploi éventuel des formes en L2 sont des indices d’appropriation.
103
N’empêche que le locuteur faible a des stratégies d’apprentissage (préventives et compensatoires) qu’il
affiche dans le processus d’interaction avec le locuteur fort.

131
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

2007) ‘‘l’Algérie et la France’’ et ‘‘la France par rapport à l’Algérie’’104. Ce faisant, elle
met en jeu dans son discours des strates : « vivre en France, vivre à la française et comme
les Français, weld el bled (enfant du pays), j’ai grandi dans une famille…très musulmane,
il y a des immigrés, l’ensemble des immigrés, etc. ». Ces propos laissent entendre que
Farida est consciente du fait qu’elle appartient à deux cultures et ayant appris les deux
langues au sein de la cellule familiale et à travers les séjours qu’elle passe chaque année en
Algérie (F.ii. 329). Devant cette attitude par laquelle Farida catégorise l’espace, Amaria et
Linda (non-immigrées) posent des questions à Farida sur l’usage de l’arabe dialectal en
France. Ces questions constituent un moment de réflexion sur les langues parlées voire
privilégiées ici en Algérie et là-bas en France pour les immigrés. Ainsi, dans cet extrait la
discussion tourne autour du choix et les raisons du choix des langues et les conditions de
leur apprentissage. Dans cette optique la catégorisation instaure deux statuts et deux places
interactionnelles, hautes et basses.

En (F.ii. 325) la locutrice issue de l’immigration évoque l’attitude de frime


(affichée) des immigrés quant à l’emploi du français face aux non-immigrés. L’importance
qualitative et la récurrence des énoncés sur la thématisation de l’appartenance à un espace
socio-linguistique révèlent que l’asymétrie est cogérée et contrôlée sur la base de ‘‘locuteur
faible’’ et ‘‘locuteur fort’’ puisqu’il s’agit d’un emploi alternatif de deux codes comme
solution aux difficultés. Dans l’extrait (1) : (C.4) ci-dessous, Farida parle non seulement de
l’emploi de l’arabe et du français par les immigrés ici en Algérie et là-bas en France mais
aussi de l’insertion fréquente des éléments de l’arabe dialectal dans des segments en
français. Et sur le bilinguisme des locuteurs immigrés et des locuteurs non-immigrés, les
trois partenaires de la conversation s’acharnent sur cette question en rappelant ce qui
caractérise leur univers sociolinguistique. Nous constatons clairement que la question
linguistique et identitaire est thématisée explicitement ; permettant ainsi de rendre compte
d’un état de bilinguisme.
Parler en termes de catégorisation et d’appartenance sociale et linguistique implique
l’existence d’une altérité qui n’est rien d’autre que l’attitude née des différences manifestes

104
Les comparaisons que font les immigrés entre les deux pays vont toujours dans ce sens là : le pays de
naissance par rapport au pays d’origine des ascendants. D’ailleurs dans notre corpus chaque fois que la
locutrice immigrée parle de l’Algérie elle en parle en se référant à la France soit en comparant entre les deux
pays soit en s’identifiant à l’un ou l’autre.

132
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

au niveau langagier voire sociolinguistique. Dans l’extrait 1 (C.4) les traces de la


divergence langagière apparaissent tant en production qu’en réception entre Farida la
locutrice immigrée et ses partenaires non-immigrées. Concernant la répartition des rôles,
Farida prend l’initiative d’expliquer et de répliquer en formulant ses énoncés en arabe
dialectal et en français étant donné qu’elle répond à la requête de ses partenaires en (A.ni.
310) et en (L.ni. 312) à propos d’un sujet qu’elle connaît bien. Cependant, les difficultés
de Linda et Amaria les placent dans une position d’apprenantes, elles affichent la volonté
d’apprendre plus au sujet des immigrés en France.

Par le jeu de figuration Amaria et Linda se montrent prudentes, elles produisent des
énoncés courts souvent formulés en arabe dialectal en conservant leurs faces
conversationnelles positives (A.ni. 294 : euh, A.ni. 298 : mmh, L.ni. 306 : ghaya hakda,
etc.). Amaria est plus impliquée que Linda qui affiche une incompétence en français : ses
énoncés sont courts et formulés uniquement en arabe dialectal et le degré de participation à
la conversation est minime. Chez Amaria il y a une récurrence des formulations
tâtonnantes, des reprises voire des répétitions du même terme, des marques prosodiques
d’hésitation (euh, mmh, oui, etc.) ainsi qu’une survenance des énoncés inachevés.

Extrait 1, conversation (C.4)


F.ii. 295 : [ouais kayen elli (il y en a qui) sont vraiment à la française
A.ni. 296 : euh !
F.ii. 297 : kayen (il y en a qui sont) vraiment + vraiment ils font:: tout pour
être euh + les mêmes euh comme les Français en fait
A.ni. 298 : hmm !
F.ii. 299 : kayen elli (il y en a qui) il vit comme + à la française + nous on
dit ils vivent à la française + moi ça va lHamdoullah ! (Dieu
soit loué) + j’ai grandit dans une famille + très + très
musulmane ++ franchement nous ça va on a grandit autour des
nous +++ avec mes frères et sœurs on parlait tous arabe et
français les deux en fait maman et mon père et on parlait en
français
A.ni. 300 : même ton frère le p’(e)tit
F.ii. 301 : oui même le pEtit en fait ma mère Tahdar mçana::  (elle nous
parle) en arabe beSSaH (mais) mon père yhdar mçana (il nous parle) en
français ++ parce que c’est nous on a pris l’habitude de
parler avec mon père en français beSSaH houma weld el bled
chettou (mais eux les enfants du pays vous avez vu)
A.ni. 302 : < ------- ?> pris [les deux
F.ii. 303 : [on a pris les deux langues
A.ni. 304 : [l’arabe et le français ?
F.ii. 305 : ouais franchement les deux + on est bilingue + même parfois/
L.ni. 306 : ghaya hakda (c’est bien comme ça)
F.ii. 307 : parfois on est trilingue

133
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

A.ni. 308 : oui !


F.ii. 309 : on parle même l’anglais ++ mais ça va Hamdoullah ! (Dieu soit
loué)
A.ni. 310 : et en FRANCE vous parlez en arabe toujours ?
F.ii. 311 : en FRANCE ?
L.ni. 312 : mça SHabatek w’koulchi ++ tahdar (avec tes amies et tout ++ tu parles ?) en
français wella ? (ou bien ?)
F.ii. 313 : non on parle + on parle:: en fait + on parle:: le verlan +
enfin le verlan  je suis pas quand même men hadouk (de ces) les
jeunes qui parlent euh:: dans les cités beSSaH (mais) la
plupart d(e) + l’ensemble des=immigrés ki yahadrou (quand ils) en
français obligé obligatoire yeTHou (d’insérer) un mot en arabe
L.ni. 314 : yahadrou (ils parlent) en arabe ?
F.ii. 315 : un mot wella (ou) deux dans=une phrase + c’est pas possible +
surtout les Maghrébins taç derwek (d’aujourd’hui) vraiment
yahadrou (ils parlent) euh quand=ils veulent yejebdou + (ils choisissent)
ils veulent yçayTou (appeler) quelqu’un + je ne sais pas
ils=appellent euh:: leurs cousins leur < ----- ?> bessif
yahadrou (ils sont obligé de parler) [en arabe
A.ni. 316 : [en arabe
F.ii. 317 : quelques mots ça c’est sûr ++ mais bon c’est + c’est
différent euh ! firaq (c’est diffèrent)
A.ni. 318 : il y a des=immigrés qui sont ++ [en bled (au pays)
F.ii. 319 : [oui en bled ? (c’est au pays ?)
A.ni. 320 : [ils ne veulent pas parler en
arabe
F.ii. 321 : pourquoi ?
A.ni. 322 : mais je ne sais pas pourquoi
F.ii. 323 : non yebghou yehedrou ghi (il ne veulent parler qu’) en français ++ bach
yHoubbou ghi riSanhoum (ils sont égoïstes)
A.ni. 324 : pour montrer belli (que) nous sommes immigrés est-ce que ?
F.ii. 325 : ouais mais non pour faire + euh + chic
A.ni. 326 : oui ! echiki (la frime) + oui
F.ii. 327 : non pas du tout franchement non moi je (ne) suis pas de ce
genre
A.ni. 328 : tu es simple
F.ii. 329 : j’(e) suis très + très simple vraiment einh ! vraiment je
parle en arabe enfin + en fait de plus + plus j’apprends ++
encore je trouve que j’ai appris beaucoup de choses +
chaque=année ki nji hna (quand je viens ici) j’apprends plus de mots

La capacité de transmettre des informations, de comprendre et de (re)formuler est une


tâche complexe pour les locuteurs qui manifestent des inégalités de répertoires. Toutefois,
les différentes activités de rectification, de reformulation et d’étayage ne sont en aucun cas
menaçantes ou perturbantes du fait que la catégorisation des locuteurs (fort vs faible) et la
prise de conscience des asymétries des répertoires mettent les interlocuteurs sur le même
pied d’égalité dans l’accomplissement de l’intercompréhension. Chacun à son tour est
faible en L2 et fort en L1 puisqu’il s’agit d’asymétries croisées où chacun reconnaît ses
insuffisances et tente des ajustements. Le « savoir ne pas savoir » (BEHRENT, 2007) par

134
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

lequel les locuteurs s’autocatégorisnt comme faible dans une des deux langues, provoque
un travail collaboratif105 lorsqu’une imperfection quelconque survient lors des interactions.
Dans les deux exemples ci-dessous (1 et 2 tirés de l’extrait 2, C.1) nous constatons que les
attitudes de Farida à propos du savoir langagier en langue arabe dialectal sont liées à son
degré de bilinguisme106. Il faut remarquer dans (F.ii. 380 et F.ii. 382) des attitudes qui
montrent que Farida prend du recul par rapport à son savoir langagier en arabe dialectal en
s’estimant faible dans celui-ci encore plus en arabe classique. Ces attitudes sont une source
de motivation pour un éventuel apprentissage même si des inhibitions ou des initiatives de
prise de parole en langue arabe dialectal/français sont mutuellement assujetties aux
conditions du bon déroulement de l’interaction.

La reconnaissance des différences et des difficultés langagières est une donnée


significative par rapport à la catégorisation et à l’appartenance sociale. Les particularités
sociolinguistiques évoquées par Farida (dans l’extrait 1) nous amènent non seulement à
parler de la conscience linguistique mais aussi de la reconnaissance des différences
langagières. Ceci montre en effet que la relation entre les interlocuteurs n’est pas
conflictuelle107 mais basée sur la coopération malgré les divergences linguistiques. Les
trois locutrices cherchent toujours à ajuster réciproquement leurs propos de façon à
parvenir à s’entendre et accomplir les différentes tâches conversationnelles. La
collaboration interactionnelle, dans l’exemple 2, est mise en œuvre par l’intervention de
Farida (F.ii. 542) qui s’est rendue compte de la difficulté de sa partenaire Amaria et elle lui
propose de parler en arabe.

L’intention de contrôle de la part des deux locutrices apparaît dans beaucoup de


séquences où chaque locutrice tente de fournir les éléments qui manquent. Ainsi, les
formes d’appel sont multiples et leur appréhension lors des interactions permet de réguler
le discours. La vigilance de la part de Amaria (A.ni. 541) pour fournir l’énoncé adéquat à
la situation d’énonciation se traduit par la pause qu’elle a marquée. Elle débute son énoncé

105
Voire un contrat de coopération qui est synonyme du contrat didactique dont parlent François DE PIETRO,
Marinette MATTHEY et Bernard PY (1989).
106
La connaissance de l’arabe dialectal chez Farida reste liée aux différents usages qui sont différents d’une
région à l’autre. En évoquant la chanson raï qui représente un cas de métissage et de variation linguistique
(MILIANI, 2004).
107
Par conflit nous entendons une situation où les statuts et les rôles sont disputés lors des interactions pour
la prise de parole ou l’initiation d’un sujet de discussion.

135
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

en arabe dialectal aussitôt elle alterne en français par une forme d’appel (A.ni. 541 :
…comme on dit) en cherchant l’appui et l’étaie pour parvenir à son but communicatif,
suite à la proposition de son interlocutrice qui la soutient et lui propose de parler en arabe
dialectal. Amaria est allée au bout de son intervention et elle a continué en arabe dialectal.
Cette attitude n’a cependant pas directement trait à la connaissance de l’arabe dialectal de
la part de Farida mais c’est surtout pour maintenir l’interaction et son déroulement sans
aucun problème d’incompréhension.

Extraits 2, conversation (C.1)


Exemple 1
F.ii. 380 : franchement je ne sais pas vraiment ++ je connais pas + il
faut pas croire ++ il y a beaucoup de musique raï qu’on
comprend pas [Hna (nous) les=immigrés
A.ni. 381 : [mais:: le rythme
F.ii. 382 : [on aime écouter voilà le rythme wella nebghou
nechetHou fihoum (ou on veut danser sur ça) parce que c’est du bruit
++ we:: (et) le chant hakka wella (comme ça ou) + mais pour que
+++ vraiment + comprendre ++ non on comprend ++ quelques
mots ou alors à moins que vraiment les personnes yaçarfou
(ils savent) vraiment l’arabe parfait + ils chantent tout ils
comprennent + mais la plupart

Exemple 2
A.ni. 541 : élla çla khaTer ki (non parce que quand) [comme on dit
F.ii. 542 : [hadri bel çarbiyya (parle en
arabe)
A.ni. 543 : zeçmak ++ ki ntina tkoun tekhdem ++ bentek kifach ? < ----- ?>
(soi-disant ++ quand tu es au travail ++ ta fille comment ?)

Nous pouvons souligner à propos de l’exemple 2, le contrôle interactionnel de la part


de Farida (F.ii. 542) qui l’a amenée à proposer à sa partenaire de parler en arabe en
formulant son propre énoncé en arabe dialectal « hadri bel çarbiyya » (parle en arabe).
Cette requête montre non seulement la prise en compte d’éventuelles pannes linguistiques
ou interactionnelles de ses deux partenaires faibles en français mais de la possibilité du
recours à l’arabe dialectal ou au français chaque fois qu’il est nécessaire de le faire. Il
s’agit d’une stratégie préventive manifeste de la part de la locutrice forte en français pour
éviter l’incompréhension.

136
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

6 – 3. Les marques transcodiques et la construction du sens

En nous appuyant sur l’ensemble des résultats de l’enquête, qui montrent


manifestement qu’il s’agit d’une dynamique plurilingue, nous pouvons affirmer que, dans
le cas de beaucoup de locuteurs algériens en contact permanent avec le français, le
processus d’apprentissage et du développement du répertoire L2 n’est jamais achevé ; il est
toujours en construction et en amélioration (c’est le cas des locuteurs qui emploient le
français occasionnellement). Cependant, pour les locuteurs ayant une certaine compétence
en français – c'est-à-dire ceux qui ont l’habitude de le parler – les choses sont différentes
du fait que l’appropriation (voire l’intériorisation) se réalise différemment. Ceci nous
amène à parler de stratégies de communication et de stratégies d’apprentissage voire
d’acquisition. Outre les stratégies de communication, le locuteur faible cherche à
s’approprier des éléments de la langue 2 qu’il insère dans des segments de la langue qu’il
maîtrise le plus.

En effet, le recours aux deux langues est une opération tout à fait normale, elle
favorise l’intégration des emprunts et l’usage alternatif de l’arabe dialectal et du français.
Ceci constitue aussi une façon qui aide à l’appropriation non seulement de la deuxième
langue mais aussi des formes mixtes (confectionnées et réajustées pour servir de sources
linguistiques qui assurent la communication et l’intercompréhension). Qu’il s’agisse de
marques transcodiques108 ou de « bouées transcodiques »109 selon les termes de Danièle
MOORE (1996), les locuteurs procèdent par des ajustements du discours ou des corrections
mutuelles dont la manifestation dépend de deux mouvements complexes que Pierre BANGE
(1992 : 56) appelle bifocalisation composée « d’une focalisation centrale de l’attention sur

108
Selon Bernard PY (2004 : 101) : « Marques transcodiques et restructurations ne définissent pas deux types
de discours bilingues comme tel : un premier mouvement orienté vers la fusion de deux langues en une seule,
composé par un second mouvement visant au contraire à renforcer les différences. S’engager dans un
discours bilingue, c’est gérer cette dialectique – et parfois favoriser l’un ou l’autre des deux mouvements au
détriment de l’autre. Tout discours bilingue se situe quelque part sur un axe entre un pôle caractérisé par une
distinction maximale (le locuteur fait ouvertement la part de chaque langue en marquant formellement, le cas
échéant, l’appartenance de telle ou telle séquence à l’une ou l’autre langue) et une fusion totale (il y a alors
télescopage des différences, reconnues subreptices à l’autre langue, esquisse souvent provisoire d’une langue
métissée rappelant les pidgins ou les créoles). Les marques transcodiques poussent vers le pôle de la
distinction, les formes restructurées vers le pôle de la fusion. De tels mouvements sont parfois observables
« en temps réel ».
109
Ce terme est utilisé pour caractériser le secours apporté au locuteur faible par le locuteur fort en recourant
à sa langue maternelle ou d’autres moyens facilitant la compréhension. Nous trouvons ce terme plus
approprié lorsqu’il s’agit des places interactionnelles (coopération, face, rôle et statut).

137
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

l’objet thématique de la communication et une focalisation périphérique sur l’éventuelle


apparition de problème de communication ». Le premier mouvement est centré sur le
contenu du message, le second sur le code. Les deux focalisations constituent un lieu
d’appropriation marqué par « une vigilance accrue du contrôle métadiscursif et
métalinguistique au service de la réalisation des buts de communication, une vigilance
accrue dans la régulation de l’intercompréhension tant du côté de LN110 que du côté de
LNN111, tant en production qu’en compréhension », (BANGE, 1996 : 195-196) ; la vigilance
s’exerce par les procédés d’autocorrection, par des formulations, par des demandes de
clarification et les commentaires métalinguistique.

Lors des échanges, le locuteur faible dans la deuxième langue est toujours en quête
de nouveaux éléments (complémentaires) pour constituer un répertoire lui facilitant les
tâches communicatives face à son interlocuteur jugé fort dans sa première langue.
L’examen des formes produites lors des échanges entre locuteurs à répertoires verbaux
hétérogènes s’avère primordial pour décrire l’appropriation de la langue 2 et les
conséquences qui en résultent. Ainsi, les formes employées entre locuteur fort et locuteur
faible sont observables au fil de l’interaction comme indices qui amènent à examiner
l’autocorrection, les reformulations ainsi que les reprises et les répétions des items
incompréhensibles. De même que l’éloignement de la surgénéralisation diminue peu à peu
à travers la complétude interactive en privilégiant ainsi la coopération par l’étayage,
l’autocorrection et la focalisation sur la langue par les interlocuteurs. Le recours à la
deuxième langue ne se limite pas à des mots isolés ; il arrive que les locuteurs immigrés et
non-immigrés alternent souvent arabe dialectal et français pour résoudre des problèmes de
compréhension. Ce qui conduit à parler de stratégie compensatoire. Il ne s’agit pas
seulement de lacunes comme indices d’une compétence imparfaite en L2, le recours à la
deuxième langue est motivé aussi par la disponibilité des ressources de cette langue. En
outre, dans la communication exolingue le va-et-vient entre L1 et L2 aide à l’activation des
éléments du répertoire désactivés. (cf. infra les exemples analysés).

110
Locuteur natif.
111
Locuteur non natif.

138
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

6 – 4. Du malentendu à l’achèvement interactif : une construction sociale du


sens

Connaître les causes du malentendu, ou des ratés conversationnels compte tenu de


l’impact de la langue maternelle sur le déroulement de la conversation bilingue/exolingue
ou du modèle préconstruit résultant de celle-ci, c’est toucher de près au processus
d’appropriation. Une étude réalisée par Christine HEREDIA-DEPREZ sur la communication
entre Français et étrangers, montre que « le malentendu se présente comme un double
codage d’une même réalité par deux interlocuteurs différents (alors que pour certains jeux
de mots par exemple, il s’agit d’un double codage assumé par une même personne »
(1990 : 215).
Il existe également des traces linguistiques comme indices d’un apprentissage inadéquat ou
inachevé dans les conversations entre locuteurs forts/faibles. Ainsi, le contact avec une
langue aboutit toujours à l’appropriation totale ou partielle de celle-ci lorsque les
participants interviennent pour compléter certaines séquences ou apporter des corrections.
Bien qu’il soit difficile de différencier entre les unités provisoires (le cas emprunts intégrés
et accommodés), il semble que les locuteurs s’en servent sans tenir compte de certaines
considérations sur l’inadéquation des formes jugées incorrectes, surtout si l’on sait que
celles-ci assurent l’intercompréhension.

Nous pouvons relever un nombre considérable d’emprunts spontanés dans les cinq
conversations comme dans les exemples suivants : (matdérangéh’ch (Ne le dérange pas) :
C.2 A.ni. 072) ; (ydoublou (ils doublent) : C.4 F.ii. 448) ; (tbouyi (tu le fais bouillonner) :
C.5 A.ni. 537).

Dans notre corpus l’apparition des formes mixtes est en corrélation avec les
pratiques langagières et les différentes rencontres112 qui obligent les locuteurs qu’ils soient
bilingues ou non d’employer les formes mixtes imposées par la situation et le contexte. La
recherche du sens dans l’une ou l’autre langue de la part des locuteurs bilingues à
répertoires verbaux hétérogènes est marquée par des hésitations et des silences longs ou
brefs lors du déroulement de l’interaction. La construction du sens comme dirait Robert
VION (1992 : 95) : « […] va au-delà des seules dispositions sémantiques des messages.
112
Nous utilisons « rencontre » selon l’acception goffmanienne du terme.

139
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Donner du sens c’est aussi s’étendre sur les situations et la façon de les gérer en s’appuyant
sur des présupposés culturels ». Ainsi, les locuteurs trouvent mutuellement la solution à la
difficulté langagière manifestée en mobilisant des éléments verbaux ou voco-verbaux pour
maintenir l’interaction. Selon Pierre BANGE (1996 : 194) : « la communication est rendue
économique et efficace par la supposition réciproque faite par les participants à une
situation donnée que des savoirs sont partagés concernant le code linguistique, les usages
sociaux, les savoirs quotidiens sur le monde ». Ainsi, dans la conversation exolingue le
contrôle, la vérification et la recherche des énoncés adéquats conduisent non seulement à la
compréhension mais aussi à l’acquisition et la construction sociale du sens voire du code.
Le « néocodage » ou la codification de nouvelles unités se fait sur la base des éléments des
deux langues en contact, soit par un rapprochement soit par une fusion de deux termes (de
L1 et/ou de L2), il s’agit dans ce cas là d’une façon de parler résultant à la fois de
l’exolinguisme et du bilinguisme. L’achèvement interactif des énoncés inachevés et
l’explication des items incompréhensibles sont une construction sociale des connaissances.
En fait, les obstacles d’incompréhension qui surviennent lors des échanges conduisent
souvent à un travail de formulation de la part du locuteur fort qui cherche à les résoudre
avec plus ou moins de succès. Par conséquent, l’interlocuteur contribue lui aussi à
l’accomplissement de cette tâche (GÜLICH, 1986).

7. Processus du développement du répertoire : de la communication exolingue


vers le parler bilingue ?

La communication exolingue/bilingue offre une occasion propice pour étudier la


manière dont les locuteurs manifestant des asymétries croisées acquièrent une deuxième
langue113. Jean-Luc ALBER et Bernard PY (1985) décrivent le processus d’appropriation
par l’interaction en situation exolingue en évoquant les étapes suivantes :

- L’exposition par l’interaction à une deuxième langue et aux données langagières


qui lui sont propres aide le locuteur faible à construire des connaissances en s’appuyant sur

113
En s’intéressant à l’apprentissage précoce des langues étrangères chez les apprenants issus des migrations
Danièle MOORE (1993) envisage la possibilité de transformer la diversité en atout d’apprentissage. Ainsi,
dans le cas de nos trois locutrices nous postulons que la différence voire la diversité caractérisant leur
répertoire est un atout dans le développement d’une compétence bilingue. (cf. Entre autres l’article de
Jacqueline BILLIEZ (2007) intitulé « Etre plurilingue, handicap ou atout ? »).

140
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

son interlangue114 et sur les manières de faire de ses partenaires. C’est une opération
cognitive à travers laquelle les données fournies par le locuteur fort s’articulent avec
l’interlangue du locuteur faible « apprenant ». Le caractère évolutif ou développemental du
répertoire est aussi en rapport avec les séquences potentiellement acquisitionnelles. En
revanche, être exposé ne suffit pas pour développer le répertoire s’il n’y a pas un
engagement de la part du locuteur comme participant qui prend la parole et qui affiche une
volonté d’atteindre les buts communicatifs (en construisant des énoncés longs, en prenant
l’initiative d’initier un sujet de discussion, et en demandant de l’assistance).

- Prendre les éléments langagiers du partenaire dans le discours sans modification


aucune suppose une opération cognitive et une interprétation qui conduit à la saisie, ensuite
à l’intégration puis à l’appropriation et enfin à l’usage des nouvelles connaissances tant en
compréhension qu’en production.
Selon Jean-Luc ALBER et Bernard PY (1985 : 85) : « les prises effectives sont aussi
conditionnées par le répertoire linguistique disponible chez l’apprenant au moment où les
données sont produites », ils distinguent les prises par usage (éléments intégrés et utilisés
ultérieurement) et les prises par mention (éléments traités et utilisés). La construction du
répertoire se concrétise par l’intégration de la saisie (comme phase initiale de
l’appropriation qui est elle-même une intégration de la prise dans l’interlangue) dans le
répertoire constitue une étape de l’appropriation de l’élément pris.

- L’intégration se réalise soit par assimilation (élément sans modification) soit par
accommodation au système de L1 (avec modification).

- Par l’intériorisation (la mémorisation) des éléments de L2 le locuteur faible


parvient à une utilisation ultérieure (longue ou courte durée). De cette manière, l’usage des
nouvelles connaissances intériorisées dans différents contextes (tant en production qu’en
compréhension) est un indice d’appropriation et de développement langagier. L’usage est
souvent accompagné de commentaires métalinguistiques (moyen de contrôle de
connaissances et preuves de l’appropriation). De ce fait, nous pouvons dire que les
nouvelles connaissances langagières sont construites socialement. Dans le cas de notre
114
Le terme interlangue est pris dans le sens où l’entend Bernard PY (1990) c'est-à-dire comme une phase
dans le développement de la compétence d’un apprenant.

141
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

corpus l’asymétrie croisée entre les locutrices immigrés/non-immigrées se conclut par la


complémentarité des ressources où chacune effectue une sélection des données à partir de
sa propre compétence.

C’est ce que nous tenterons d’analyser dans l’exemple ci-dessous de l’extrait 3,


conversation (C.1) entre Amaria (A.ni.) et Farida (F.ii.) :

Extrait (3), de la conversation (C.1)


A.ni. 543 : zeçmak ++ ki ntina tkoun tekhdem ++ bentek kifach ?
< --- --- ?> (soi-disant ++ quand tu es au travail + ta fille comment ?)
F.ii. 544 : ah ! bein ++ il faut s’organiser
A.ni. 545 : t’organiser ?
F.ii. 546 : bien sûr !
A.ni. 547 : il faut s’organiser

Dans cet extrait (3) on constate une prise par usage (PY, 2004) par Amaria du
segment « il faut s’organiser » après une première tentative « t’organiser » qui est
formulation approximative sous forme d’interlangue qui a été traitée implicitement
(autocorrection).

Si nous partons du principe que toute interaction est plus ou moins asymétrique, il
convient de dire que son déroulement est sous la dépendance de l’action que mènent les
interlocuteurs et qui les amène à reformuler et à améliorer leur façon de parler. Selon les
termes de Rémy PORQUIER (1984) « la communication exolingue » en milieu naturel est
caractérisée par l’absence d’un contrat didactique qui préconise un usage spécifique de la
langue115, le plus souvent caractérisé par un regard orienté vers la langue ou encore vers la
norme qui assure l’intercompréhension. L’intercompréhension en milieu naturel est régie
par des normes conversationnelles où les énoncés collaboratifs pour la construction du sens
jouent un rôle capital. Le contrat didactique est à cet égard une sorte de compromis entre
les interlocuteurs par lequel l’inégalité linguistique devient un moment d’intervention pour
pallier les insuffisances linguistiques et les pannes conversationnelles. Pour postuler
l’existence du contrat didactique il faut repérer des indices qui le caractérisent, « Un

115
Il s’agit d’une manière précise du respect de la norme imposée par l’institution scolaire.

142
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

premier indice est constitué par des relations énonciatives qu’entretiennent les partenaires
d’une conversation exolingue » (PY, 2004 : 85). Le second indice est relatif à la
collaboration et au besoin d’ajustement. C’est grâce à la participation active que l’échange
se prolonge et le besoin d’ajustement et de correction s’accroît. Il y a à la fois co-
construction et co-apprentissage puisque chaque locuteur mobilise son répertoire respectif
pour se faire comprendre. De même que l’engagement et la collaboration dans la
construction du sens amène à l’entraide qui se manifeste par les requêtes d’assistance
quand le locuteur faible en L2 veut se faire aider.

La coopération et l’entraide dépendent des rôles est des statuts des locuteurs (fort et
faible, immigrés et non-immigrés), si le locuteur fort prend la place énonciative du locuteur
faible en lui proposant une forme jugée plus correcte ou plus conforme à la situation que
celle de son interlangue nous pouvons parler d’une focalisation sur le code. Dans ce cas là
il s’agit d’une conversation exolingue à dominance didactique.
Ainsi, l’appropriation des énoncés bilingues proposés par le locuteur fort face à son
interlocuteur apparaissent plusieurs fois dans les échanges. Le réemploi dans d’autres
cotextes montre que le locuteur faible l’a approprié. Ajoutons que les locuteurs peuvent
assumer à tour de rôle la tâche de locuteur fort.

La maîtrise inégale concernant les deux langues nous amène donc à parler de
conversation exolingue comme marque d’un processus d’apprentissage en cours ou,
comme c’est le cas de beaucoup de locuteurs immigrés ou non-immigrés, un processus qui
se réorganise selon les caractéristiques interactionnelles et sociolinguistiques des
individus « apprenants » soit en interlangue soit en langage métissé. Le contrat didactique
dans l’acquisition en milieu naturel est différent, de même que l’enjeu est imminent, car
l’apprenant cherche le succès de la communication immédiatement116. La conversation est
le plus souvent structurée selon les règles qui s’établissent entre les interactants par la mise
en place d’un rituel selon lequel ils organisent leurs échanges et choisissent le(s) code(s)
(négociation). Même dans le cas d’une asymétrie il y a des règles qui déterminent les

116
Dans l’acquisition en immersion le locuteur faible (non-expert) s’approprie le savoir langagier qui lui est
fournit par le locuteur fort (expert) sans qu’il ait un guidage ou des précisions sur tel ou tel usage de la
langue. C’est par l’ensemble des informations et des connaissances échangeables lors des interactions que les
éléments acquis prennent formes et donnent forme à l’interaction.

143
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

rapports et les mouvements conversationnels. Il peut s’agir d’asymétries relatives au sujet


abordé ou au savoir linguistique. Il est à signaler que le locuteur faible peut réussir une
conversation sur un sujet de discussion qu’il maîtrise plutôt qu’un autre. Il peut être aussi
possesseur d’un savoir linguistique idéal sur un sujet de discussion sans pour autant
posséder un savoir communicationnel. Le savoir langagier constitué en langue 1 (langue
maternelle) et la connaissance du monde permettent de décoder les messages en langue 2.
Ceci dépend bien sûr de la situation de communication, il s’agit d’une stratégie de
communication qui mène à l’appropriation de nouveaux éléments de la langue 2. Ce qui
caractérise avant tout cet apprentissage des éléments de la langue cible, c’est l’accès à la
compréhension par la contextualisation et qui passe par une entrée intelligible (NOYAU,
1992 : 72). Le locuteur faible passe d’un acte de compréhension à l’expression. Même si
en milieu naturel la saisie n’est pas simple, il est clair que l’exposition massive à la
deuxième langue facilite l’acquisition117.

7 – 1. Reformulations, négociations et complétude interactionnelle

La reformulation est définie comme un procédé qui « consiste à reprendre une


donnée en utilisant une expression linguistique différente de celle employée pour la
référenciation antérieure » selon Patrick CHARAUDEAU & Dominique MAINGUENEAU
(2002 : 490). Jean-Luc ALBER et Bernard PY (1986 : 84) considèrent la reformulation
comme procédé de facilitation du natif pour le non-natif.
Dans les conversations bilingues/exolingues se créent des stratégies pour résoudre des
difficultés communicatives qui surviennent lors des interactions. Les ajustements et le
recours aux formes alternées relèvent d’un consensus qui dépend de la relation
qu’entretiennent les interlocuteurs entre eux et de l’habitus ethnique des participants. De ce
consensus ressort un usage du code qui montre qu’il s’agit d’un apprentissage
(VERONIQUE, 1985) voire d’une acquisition qui se fait immédiatement par inférence, par
imitation, par association ou par analogie. L’intervention de la première langue est à mettre

117
L’apprentissage (l’acquisition) incident occasionné par les rencontres avec les bilingues forts ne présente
pas les mêmes attraits qu’en milieu guidé. Les motivations des uns et des autres diffèrent assez que l’on soit
en situation scolaire ou en situation naturelle. Donc, l’acquisition est optimisée par le désir d’utiliser la
langue pour des fins communicatives.

144
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

en relation avec ces stratégies de communication et d’apprentissage. Qu’il s’agisse de


locuteurs immigrés ou non-immigrés l’intervention de la première langue qu’ils emploient
souvent dans leurs pratiques langagières donne à la conversation un caractère
exolingue/bilingue basé sur des stratégies inévitables. Selon Louise DABENE il peut s’agir
dans des situations pareilles, d’alternances codiques118 de complémentarité permettant aux
locuteurs de « compenser des lacunes dans une langue en recourant à l’autre » (1994 : 95).

Ainsi, les ajustements réciproques aident à construire la communication, cette


dernière est basée sur la relation entre l’émetteur et le récepteur comme diraient les adeptes
de l’école Palo Alto (WIKIN, 1981). Il convient de souligner deux possibilités par rapport à
cette réalité. Tout d’abord, les deux langues sont largement employées certes, mais dans
beaucoup de situations de communication, les locuteurs ne disposent pas d’un répertoire
verbal étendu dans une des deux langues. Mais il y a ceux que l’on peut considérer comme
bilingues parlant les deux langues à égalité ou avec aisance (comme bilingues équilibrés).
Par ailleurs, dans le cas des locuteurs faibles dans une des deux langues, les lacunes les
amènent à confectionner ce qu’on pourrait appeler une entre-deux langues (interlangue) ou
encore une langue métissée. Ainsi, les aspects des inégalités (les modes d’insertion, la
longueur des énoncés et leur construction) entre les interlocuteurs deviennent significatifs
pour identifier et différencier les formes mixtes définitives et/ou les formes provisoires en
construction voire en voie d’appropriation.

7 – 2. Le potentiel acquisitionnel dans les conversations entre l’immigrée et ses


partenaires

La fréquence de l’alternance codique révèle un apprentissage, rappelons-le, qui


s’effectue par des « séquences potentiellement acquisitionnelles » (DE PIETRO, MATTHEY
& PY, 1989) dont la réalisation se fait en trois mouvements : « l’autostructuration »,
« l’hétérostructuration » et « l’interprétation ». Ainsi, les stratégies mises en place
permettent de part et d’autre la résolution des problèmes de compréhension liés à la
construction du sens (DE PIETRO, 1988).

118
Ici, nous nous référons à la typologie de Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1988) de l’alternance
codique.

145
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Dans notre corpus il y a des traces linguistiques qui montrent que l’apprentissage des
formes des deux langues se réalise « sur le tas » dont l’emploi met fin à l’asymétrie
existante entre la locutrice forte et la locutrice faible surtout quand les partenaires passent
une longue période ensemble119. Nous pouvons illustrer ces SPA à travers l’exemple
suivant entre la locutrice issue de l’immigration Farida et la locutrice non-immigrée
Amaria :

Extrait (4), conversation (C.1)


F.ii. 214 : [et puis il y avait le ++ pas le
derbouka (la percussion) ++ [mais les ++ hmm
A.ni. 215 : [bendayer (la percussion)
F.ii. 216 : [le bendayer (la percussion) et puis ils
faisaient les chants coraniques Taç qorAn (du Coran)
A.ni. 217 : yih ! el madaIH (oui! les chants religieux)
F.ii. 218 : voilà !
A.ni. 219 : on dit el madaIH (le chant religieux)

Cet extrait met en évidence les trois mouvements dont nous avons parlé plus haut qui
peuvent aussi bien relever d’un processus d’apprentissage que d’une stratégie de
communication.
L’autostructuration chez Farida est marquée par la substitution du terme ‘‘bendayer’’ par
‘‘derbouka’’ percussion qu’elle insère dans un segment en français, de façon à fournir à sa
partenaire une idée sur le premier par rapprochement de sens. Elle procède par
comparaison en faisant référence au générique ‘‘instrument à percussion’’. S’ajoutent à
cela les pauses, les hésitations, les ralentissements du débit et les allongements syllabiques
qui montrent qu’il s’agit de pannes120 ou de méconnaissance. L’intervention d’Amaria, de
par son statut de locutrice forte en arabe dialectal parvient à fournir le terme attendu par
Farida que cette dernière emploie – (ce qui constitue un indice d’appropriation121) – puis
prend la parole de nouveau. Le sens du terme attendu a été élaboré conjointement par les

119
Les trois locutrices se connaissent depuis plus de quatre ans.
120
Dans le cas où le locuteur fort attribue l’élément recherché (désactivé peu connu ou inconnu) on peut
parler soit de réactivation du répertoire soit de potentiel acquisitionnel.
121
Il s’agit également d’un potentiel acquisitionnel effectif. Comme il s’agit de conversations ordinaires
enregistrées pour un but exploratoire, l’aspect expérimental n’a pas été pris en considération pour vérifier
l’acquisition réelle. Cependant, le corpus fournit quelques éléments intériorisés et utilisés lors des
interactions.

146
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

deux partenaires. Mais dans les deux tours de paroles qui suivent Farida poursuit son
intervention en français en alternant chants coraniques et ‘’Taç qor’àn’’ qui veut dire du
Coran (F.ii. 216). Cet énoncé est ratifié par Amaria en (A.ni. 217) mais rectifié au cours de
l’interaction par ’’chants religieux’’ plutôt que ’’chant coranique’’ (‘‘yih’’ ‘‘l’mada’iH’’,
oui ! les chants religieux). Cette précision par laquelle on peut souligner hormis le soutien
et la coopération d’Amaria – (matérialisés par le mouvement d’hétérostructuration et
l’emploi d’un commentaire de type métalinguistique qui a pour fonction d’appuyer
l’intervention) –, une focalisation sur le code en (A.ni. 219 : on dit l’mada’iH). L’énoncé
en question n’est pas repris par Farida qui l’acquiesce en employant la préposition
conclusive « voilà ! ». Dans les deux exemples il est question de référent et de référence
culturelle ignorées par la locutrice immigrée. L’attribution du sens a rendu les choses plus
claires pour Farida par la reformulation et par la catégorisation122 des termes « bendayer »
et « mada’iH » proposées par Amaria. Donc, les termes employés par la locutrice
immigrée ont déclenché chez la non-immigrée un processus d’interprétation qui a conduit à
un accord et un réemploi immédiat de l’énoncé « bendayer » inconnu dans son discours.

7 – 3. De l’exolingue et/ou de l’interculturel dans les conversations entre la locutrice


immigrée et ses partenaires non-immigrées : thèmatisation et mise en discours

L’asymétrie concerne aussi le savoir socioculturel ; l’immigré et le non-immigré


sont confrontés à des situations de communication complexes malgré les éléments culturels
qu’ils ont en commun en ce qui concerne la culture d’origine. Dans ces conditions,
l’interculturel de par le rapport aux deux langues peut être considéré comme une des
raisons de l’asymétrie. Bernard PY (1990 : 82) affirme que l’asymétrie ne concerne pas
seulement la langue : « elle est prolongée par des asymétries dans les règles de l’interaction
et les conventions culturelles ».
Les formulations, les commentaires métadiscursifs pour anticiper la non compréhension
des énoncés qui s’avèrent culturellement incompréhensibles témoignent de cette asymétrie.
Ce qui laisse entendre l’existence d’une communication interculturelle123. Si l’on conçoit la

122
cf. Lorenza MONDADA (1997).
123
Sur la question de l’interculturel on souligne un flou conceptuel, nous laisserons volontairement de côté
certains aspects de l’interculturel et nous allons baser notre analyse sur la connaissance de(s) la langue(s)

147
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

façon d’agir sur le contenu et sur le code, on peut aisément dire que le recours au mélange
ou à l’alternance codique qui remplit dans des situations pareilles une double fonction
fondamentalement didactique : de clarification et d’étayage favorables à l’acquisition
d’énoncés bilingues.

Ainsi, les exemples suivants montrent que les interlocutrices mettent en question le
savoir socioculturel en formulant des énoncés bilingues alternés pour clarifier également le
thème de l’interaction. Mais dans le cas de notre population d’enquête il s’agit plutôt d’un
savoir socioculturel lié au savoir langagier. D’un côté, la locutrice immigrée procède par la
formulation d’énoncés en L1 de son interlocutrice. De l’autre, elle résout la difficulté
linguistique et apporte des explications complémentaires dans sa propre L1. La
connaissance thématique commune est parfois insuffisante quand il ne s’agit pas du même
accès référentiel et expérientiel. L’extrait (4), conversation (C.1) Amaria et Farida (cité
plus haut) en est un exemple vivant en ce qui concerne un référent culturel spécifique
méconnu par la locutrice immigrée. Dans cet exemple, il s’agit à la fois de la dimension
exolingue et de la dimension interculturelle124 sans oublier le nombre de fois où les trois
locutrices introduisent des éléments qui renvoient aux spécificités culturelles algériennes
(par les non-immigrées) et françaises (par l’immigrée) ‘‘comme chez nous’’, ‘‘en
Algérie’’, ‘‘en France’’, ‘‘les immigré’’, etc. Nous nous basons dans le traitement de
l’exolingue et de l’interculturel sur les propos d’Ulrich DAUSENDSCHÖN-GAY et Ulrich
KRAFFT (1998 : 96) qui stipulent que :

Ce n’est pas parce que les partenaires appartiennent à des groupes ethniques ou
linguistiques différents que la situation sera exolingue ou interculturelle. Elle ne le
deviendra que dans la mesure où les partenaires prendront en compte et traiterons
ces différences comme pertinentes pour la définition, le fonctionnement et
l’interprétation de l’évènement social en cours.

Nous pouvons donc rattacher ce type de difficultés à certains contextes entre


immigrés/non-immigrés où interviennent des connaissances plus étendues de la langue qui

comme véhiculant l’interculturel. Ainsi exolingue et interculturel peuvent être considérés comme synonymes
(voir à ce propos, ALBER & PY, 1986).
124
La notion d’interculturalité requiert une attention portée sur celles de dynamique des langues, de diversité
linguistique, de plurilinguisme et de diglossie. Ainsi, les faits qui contribuent à la dynamique des langues
« s’insèrent dans des valeurs d’interculturalité » (MARTEL, 2001 : 55).

148
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

domine lors de l’interaction que le locuteur fort en L2 emploie sans tenir compte de la
distance interlinguistique et/ou interculturelle. Le degré d’intervention aux conversations
montre une participation réduite des non-immigrées quand l’immigrée n’emploie que le
français ou quand elle renvoie aux spécificités culturelles liées à la France. Les extraits ci-
dessous (5) : (C.2), (5) : (C.2), (6) : (C.3), (7) : (C.4) et (8) : (C.5) illustrent ce type de
situation où l’exolingue et l’interculturel apparaissent comme éléments pertinents dans la
détermination de l’intercompréhension et les distances qui se creusent entre les
interlocutrices (l’immigrée et ses partenaires). Manifestement, les trois locutrices renvoient
dans leurs interactions aux différences et à certaines spécificités faisant partie de leur vécu
socioculturel. Ceci se réalise par l’emploi de quelques marqueurs discursifs de l’identité
qui dynamisent la communication exolingue et interculturelle (BERRIER, 2003). Ainsi,
Farida emploie pour comparer entre les deux cultures des marqueurs discursifs qui sont des
procédés d’indexicalisation (extrait 5 : F.ii. 021 : Hna çaddna (nous nous avons) chez
nous, chez nous en FRANCE). Extrait 6 (F.ii. 078 : les Français, en FRANCE). Extrait 7,
(F.ii. 137 : chez nous), Extrait 8 (F.ii. 455 : Hna fe FRANSSA).

Nous allons à présent analyser les extraits ci-après en mettant l’accent sur les
indices qui relèvent de la thèmatisation de l’interculturel et des différences qui amènent les
locutrices à comparer entre deux univers axiologiques. En effet, la mise en discours des
différences entre les deux univers culturels se matérialise par l’emploi des déictiques
spatiaux (hna : ici ; temma : là-bas, etc.), les pronoms (Hna, nous ; ntouma : vous, etc.) et
les pronoms possessifs (ntaçna : notre, ntaçkoum : votre, etc.) qui indexent l’appartenance
à un espace culturel précis. C’est ce que nous constatons chez Farida en (F.ii. 021) qui
compare entre l’Algérie et la France en employant (Hna çadna : nous nous avons) et en
(F.ii. 025) quand elle emploie (Hna : nous) toujours pour comparer entre les deux pays
voire les deux cultures. Sa partenaire Amaria (non-immigrée) confirme l’existence des
différences en précisant dans (A.ni. 022) que (c’est pas pareil).

149
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Extrait 5, (C.2)
A.ni. 018 : [bezzaf (trop)
F.ii. 019 : c'est-à-dire tu leur achètes quelque cho::se dans=une +
dans=une boutiquE ++ enfin je ne sais pas quand tu
t’achètes quelque chose c’est toujours bezzga (avec des
engueulades) +++ toujours ils sont énervés + j’ai remarqué
euh :: \
A.ni. 020 : surtout les magasins + quand + euh + où ils vendent les
vêtements pour femmes
F.ii. 021 : oui + oui + les prêts-à-porter ? oui t’as vu ça mais moi
aussi j’étais choquée tout=à l’heure + j’ai acheté un p’tit
sac + un p’(e)tit sac à main + et bon :: il y avait un
petit défaut ++ quand je lui ai demandé de + de m (e)
l’échanger ++ il a + il m’a pas répondu en fait il m’a dit
« tu prends ce(l)ui là ou tu prends pas » quoi ++ alors
que :: c’est dommage wellah el çadém ! que Hna çaddna (je le
jure nous nous avons) chez nous + enfin chez nous en FRANCE
l’Europe +++ le client est roi
A.ni. 022 : c’est pas pareil
F.ii. 023 : le client est ROI
A.ni. 024 : euh !
F.ii. 025 : wellah ! (je le jure) +++ du moment que le client est roi ++
donc ils chouchoutent le client + Hna (nous) dès qu’on rentre
+ ils nous disent déjà BONJOUR +++ « est-ce qu’on peut vous
aider » + « voici les cabines etcetera » non je veux dire
vraiment il m’a ::: +++ pourtant

En tant que biculturelle, la locutrice immigrée évoque les différences culturelles par
rapport aux connaissances qu’elle a des deux cultures. L’extrait 6 illustre la connaissance
qu’a Farida des deux cultures notamment celle de son pays natal, une connaissance qui lui
permet de faire des comparaisons entre les deux et par là fournir à ses partenaires la
possibilité d’acquérir à la fois des savoirs culturels et linguistiques. Ainsi, la mise en
parallèle des spécificités culturelles par Farida (F.ii. 080 : ils ont une règle + la loi elle est
stricte ++ makanch hadik fi sabillah (il n y a pas de la charité au nom de Dieu) et puis
(F.ii. 086 : si xxx kayen (il y a) la Croix Rouge ++ le secours populaire) offre les
possibilités à ses partenaires de comprendre les différences culturelles et par là
d’augmenter le potentiel référentiel.

Extrait 6, (C.3)
F.ii. 078 : makanch kima (il n’y a pas mieux que) l’ALGERIE elli ::: (est) ++ un
très beau pays kbir (grand) + quatre fois la FRANCE ya (ô) AMARIA
+++ wemchi deyqa w’ (elle est étroite) même les gens galou (ont dit)
++ même les gens kanou temma (ils étaient ici) + ici en ALGERIE
très=accueillant ++ msakine (les pauvres) + pour rien du tout
eyHattoulek + [tetçachay (ils te donnent à manger + à dîner)
A.ni. 079 : [à l’aise

150
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

F.ii. 080 : [eykebbou ++ eykebbou (ils te versent + ils te versent) +


les Français déjà quand ils retournent en FRANCE ils=en ont
trop ++ la FRANCE elle est stricte + ils=ont une règle + la
loi elle est stricte ++ makanch hadik fi sabillah (il n y a pas
de la charité au nom de Dieu)
A.ni. 081 : ma kanch ? (il n y a pas ?)
F.ii. 082 : wella (ou) c’est un piston ++ ils=ont pas ça
A.ni. 083 : < ---------- ?>
F.ii. 084 : non la règle c’est la règle
A.ni. 085 : la règle
F.ii. 086 : euh + + t’(u) (n’) as pas fait ça + stop + c’est pas ++
c’est pas notre problème + tdiri (tu fais) la règle kima ennas
machi (comme tout le monde) tu te trompes w’ (et) < ------- ? >
kayen machi ngoul makanch + kayen élli ySedqo (il n’y a pas ceux
qui disent on a pas + il y a ceux qui donnent) etcetera + +ils aiment les
gens ++ bein quand même je sais pas si xxx kayen (il y a) la
Croix Rouge ++ [le secours populaire w (et) xxxx

Par ailleurs, nous pouvons souligner chez la locutrice dans l’extrait 7 des
insuffisances en ce qui concerne certains faits culturels qui se manifestent là encore par
l’emploi des pronoms possessifs ou par les déictiques spatiaux. Les échanges entre Farida
et ses partenaires sur la question du mariage montrent des différences qui sont comparables
aux différences linguistiques qui se traduisent par des asymétries. Il en est de même dans
l’extrait 8 où Farida évoque un autre fait qui renseigne sur son savoir culturel (le médecin
traitant ou le médecin de famille) qui a suscité de l’intérêt de la part de ses partenaires qui
se sont contentées de poser des questions plutôt que de prendre la parole pour donner leur
avis.

Extrait 7, (C.4)
A.ni. 134 : est-ce que le mariage de la ville t’a plu ?
F.ii. 135 : ouais :: franchement ouais :: celui ou le jeune + il s’est
marié ?
A.ni. 136 : hmm ! + yi::h ! (oui !)
F.ii. 137 : ah ouais ! ça m’a choqué il était trop petit + trop petit
euh trop jeune + chez nous ++ chépa
A.ni. 138 : rare
F.ii. 139 : oui c’est rare où on se marie à cet âge là chépa moi je
trouve que c’est trop + trop jeune euh chépa dix=huit=ans +
je crois il avait dix sept ans
L.ni. 140 : oui + oui il a dix sept ans
F.ii. 141 : ((rires))
L.ni. 142 : xxx çadak chwiyya (encore c’est peu)
A.ni. 143 : pourquoi tu étais choqué ? FARIDA ! (FARIDA !)
F.ii. 144 : j’(ne) sais pas je trouve que c’est l’âge + c’est pas du
tout ça
A.ni. 145 : ça c’est normal Hna çadna hagdek yezewjou Sghar (nous c’est
comme ça chez nous ils se marient très jeunes)
F.ii. 146 : pourquoi ? il y a de l’argent ? en fait vous quand=il y a

151
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

de l’argent vous vous mariés


A.ni. 147 : on fait tout
L.ni. 148 : beaucoup d’argent
F.ii. 149 : ah:: !
L.ni. 150 : yAdd yaçmel koulchi (il peut tout faire)
F.ii. 151 : mais je ne sais pas nous on se marie par amour déjà ++ on
se marie pas comme ça avec euh à dix=huit=ans ou dix
sept=ans
L.ni. 152 : Hatta lamra elli çabbaha Sghira (même son épouse elle est jeune)
F.ii. 153 : euh ! elle est jeune
A.ni. 154 : elle a seize=ans
F.ii. 155 : je trouve que c’est trop jeune + franchement et en plus
quand je l’ai vu
L.ni. 156 : éh :: 
F.ii. 157 : il a + mais en fait j’ai remarqué +++ j’ai remarqué + bon
euh :: j’ai remarqué le mari il vit chez son père et bein
chez son xx il avait mis à :: dans un appartement t’as vu
dans la villa + donc c’est ça aussi euh + c’est qu’ils=ont
tout prêt euh tout prêt

Extrait 8, (C.5)
F.ii. 453 : [o::h ! ma mère tdir l’couscous (elle prépare du couscous) au
médecin ++ taçna (notre)
A.ni. 454 : hmm !
F.ii. 455 : le médecin taçna:: (partiulier) xx médecin familal Hna fe FRANSSA
(nous en FRANCE) c’est comme [une règle
A.ni. 456 : [hmm !
F.ii. 457 : [c’est + vous déclarez votre
médecin traitant taçek (particulier)
A.ni. 458 : ei::h !
F.ii. 459 : bech ma TrouHich +++ maçandekch ed’deroit TroHé çand eTbéb
waHdakhor (pour ne pas aller +++ tu n’as pas le droit d’aller chez un autre médecin)
L.ni. 460 : ma tbeddelch ++ Tbéb ++ waHad tA°blou (tu ne changes pas ++ de
médecin ++ tu optes pour un seul)
F.ii. 461 : voilà ! pourquoi + essna darouha (attend ils l’on fait) + ça fait xx
nkhammou (on réfléchi) on a cherché des médecins xx médecin
familial taçna (particulier)
donc + docteur ANDRE ça fait neddoulah éTçam + el couscous
(on lui ramène le couscous)
L.ni. 462 : ghaya ! (c’est bien)

La longueur125 des énoncés produits par Farida en français témoigne également


d’une certaine aisance dans la gestion des ressources langagières, du fait qu’elle est, par
rapport à ses partenaires qui présentent des compétences bilingues, non seulement bilingue
mais aussi biculturelle. Inversement les non-immigrées arrivent à comprendre leur
interlocutrice sans pour autant parvenir à investir un répertoire verbal étendu ou du moins
leur permettant de participer constamment. C’est pourquoi dans beaucoup de séquences

125
Astrid BERRIER (2003) se base sur le degré de participation comme critère pour mesurer les divergences
entre locuteurs n’ayant pas les mêmes connaissances linguistiques et culturelles.

152
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

l’immigrée s’attarde – (en monopolisant la parole) – sur certaines questions et relate des
événements vécus spécifiques à la culture du pays natal (ou sa culture d’immigrée).

Il arrive que le non natif bute sur l’emploi différent du même mot en langue 2126,
mais dont le réemploi est potentiellement modifié et enrichi par inférence lors de chaque
conversation avec le natif. Ce dernier participe à la construction du sens et vérifie les
lacunes lexicales et les opacités repérées. Par conséquent, certains éléments des répertoires
verbaux des interlocuteurs sont construits, déconstruits et reconstruits dans l’interaction.
La construction sociale des connaissances chez les locuteurs bilingues et biculturels conduit
à des empiétements d’une langue sur l’autre et d’une culture sur l’autre. Quand c’est le cas
d’un bilingue fort en L1 et L2 la compétence est de taille du fait que chacun des deux
systèmes fonctionnent comme si c’était un seul et unique système. Dans de telles situations
le problème identitaire n’est nullement posé en termes de rupture ou de contradiction
révélant des différences entre deux univers distincts.
Chez les immigrés comme chez les non-immigrés, les problèmes langagiers peuvent être
accompagnés d’autres difficultés liées à la compétence socioculturelle (ALBER & PY, 2004)
ou encore à la communication interculturelle, comme le montrent les exemples
suivants (extraits 9) :

Extrait 9, conversation (C.5)


Exemple 1
F.ii. 055 : hmm ! impeccable chamiyya:: (zelabiyya) + wel (et le::) comment ça
s’appelle le gâteau rouge là + Hlou (le sucré)
L.ni. 056 : zlabiyya* (zelabiyya)
F.ii. 057 : zlabiyya we:: (zelabiyya et)
A.ni. 058 : l’banane* (du banane)
L.ni. 059 : mchi lbanane (c’est du banane) comment on dit ?
F.ii. 060 : bon had lbanane (ce banane) j’aime pas + mchi (ce n’est pas que) j’aime
pas trop hadou là ++ bessaH zlabiyya (ces ++ mais zelabiyya) ils
mangent ++ laHmar (le rouge) + mais ça se passe bien en France +
mais bon la plupart sont khaddamine (ils travaillent)

126
Cela correspond à la variation qui apparaît entre le français parlé en France et le français parlé en Algérie.
Nous pouvons également ajouter que les jeunes issus de l’immigration utilisent beaucoup de mots verlanisés
et de mots tronqués que les non-immigrés ne saisissent pas.
*
Une sorte de gâteau préparé à base de miel.
*
C’est un mélange d’œufs et de farine frit et trempé dans le miel, il a la forme d’une banane c’est pourquoi on l’appelle
« banane ».

153
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Dans l’exemple 1 extrait de la conversation (C.5), Linda reconstruit le sens à partir


de l’énoncé fournit par Farida ; cette dernière cherche l’appellation du gâteau qu’elle a
décrit et donne quelques caractéristiques en alternant deux adjectifs pour clarifier son
énoncé « comment ça s’appelle le gâteau rouge là H’lou (sucré) ?», c’est ainsi qu’elle
fournit le mot correspondant à la description faite par Farida. De son côté Amaria parvient
à fournir le mot recherché par Farida inclus dans sa question. Il faut signaler qu’il s’agit
d’une hétéro-répétition hétéro-déclenchée en (L.ni. 056) et (F.ii. 057) où Farida emploie la
conjonction « we (et) » avec un allongement syllabique et une intonation montante.
L’emploi du mot emprunté au français avec l’article défini « el » de l’arabe dialectal
« el’banane » qui veut dire banane mais pour désigner un gâteau oriental n’a sans doute
pas posé problème à Farida qui l’emploie après l’adverbe « bon » dans le sens de bien et le
démonstratif « had (ce) » pour signifier cette banane dont vous parlez. Le mot banane est
énoncé par Farida suite à une requête de la part de Farida qui cherche le mot en français en
(L.ni. 059) « m’chi l’banane (ça n’est pas le banane) comment on dit ? ». Les séquences
latérales et les reprises des mots par les interlocutrices montrent qu’ils ont été mémorisés.
Que ce soit en alternance codique ou seulement en langue 2 (selon les locuteurs) la
répétition à une fonction essentielle dans le déroulement de l’interaction et la construction
du sens.

Exemple 2
A.ni. 428 : wel kaHla ? (et le foie ?)
F.ii. 429 : c’et quoi [el kaHla ? (le foie ?)
L.ni. 430 : [el melfouf (le foie)
F.ii. 431 : [el melfouf (le foie) + oui !
A.ni. 432 : [le foie
F.ii. 433 : [seulement ces dernières=années + hadou balek (ce la
fait peut être) un + deux=ans je mange [hada el melfouf mça (les
brochettes de foie)

Dans l’exemple 2, la séquence latérale en (L.ni. 430 et F.ii. 428) conduit à une
inférence de la part de Amaria (A.ni. 431) qui s’est rendue compte que ce n’est pas le
terme qui correspond au référent dont elle parle à savoir « l’kaHla (le foie) ». Ce terme a
suscité un questionnement de la part de Farida en (F.ii. 429) qui ne parvient pas à saisir le

154
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

sens d’où la reformulation du terme employé par Linda « el melfouf (brochettes) ». Il faut
noter que le terme « l’kaHla (le foie) » est proposé par Amaria.

Dans ce jeu co-énonciatif Amaria passe de la langue arabe au français pour fournir
le sens du terme attendu qu’elle avait l’intention de communiquer. Cela signifie que le sens
a été co-construit sous forme de co-énonciation et renvoie à une double dynamique,
interactive et acquisitionnelle où les éléments de l’arabe et du français sont employés pour
clarifier le message. L’accomplissement des tâches de co-construction et de co-énonciation
est contrôlé par les interactants en se référant à un usage de la langue, établi et codifié
socialement par inférence. Le dédoublement ou l’alternance codique correspondent à une
pluralité d’expériences vécues par les locuteurs qu’ils soient forts ou non dans les deux
langues.

Il en est de même dans l’exemple 3, Farida est tentée par l’emploi du terme arabe
« bekbouka (bekbouka ?) » en le trouvant un peu risqué sémantiquement, ainsi son
questionnement apparaît sous forme d’auto-inférence car ce n’est pas le mot qu’elle
cherche exactement. Linda ne parvient pas à fournir le sens en s’étonnant devant l’énoncé
de Farida qu’elle trouve bizarre « bekbouka au ramadan ! non ! », en l’absence d’un
équivalent en arabe dialectal, Farida se rappelle du terme après avoir répété le premier. La
préposition conclusive « voilà » montre que Farida connaissait le mot mais qu’elle l’avait
oublié.

Exemple 3
L.ni. 024 : yîh ! (oui !) ++ et qu’est-ce que tu préfères comme repas ?
((rires))
F.ii. 025 : comme repas je [préfère le hmm::
L.ni. 026 : [le Hrira ++ le Hrira ! (la Hrira ++ la Hrira !)
F.ii. 027 : [le bekbouka127 ? (bekbouka ?)
L.ni. 028 : [bekbouka au ramadan ! (ramadan !) non
F.ii. 029 : [bekbouka (bekbouka) + lbourek (le bourak) + voilà !
L.ni. 030 : ah oui ! le bourak (le bourak) du viande hachée
F.ii. 031 : oui ! avec la viande hachée

127
C’est une farce préparée à base de riz, de pois chiches, d’épices, de persil ainsi que les abats du mouton
(en l’occurrence les morceaux de l’estomac, les intestins et les morceaux de poumon).

155
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

7 – 4. Influences réciproques, collaboration et mobilisation des répertoires verbaux en


interaction

Toute conversation exolingue est caractérisée par l’hétérogénéité des répertoires


verbaux des locuteurs. L’interaction se déroule sur une base de concessions mutuelles et de
négociations coordonnées qui amènent à la mobilisation des ressources des répertoires
respectifs des interlocuteurs.
Prenons comme exemple l’extrait 10 de la conversation (C.1) entre la locutrice non-
immigrée Amaria et Farida issue de l’immigration, où l’intervention sur la connaissance
des langues est significative dans la mesure où (A.ni. 09) au début de la conversation
Amaria se mesure par rapport à Farida et elle se met en position d’apprenante ;
implicitement elle fait référence à une insuffisance affichée par l’hésitation de prise de
parole tout au long de la conversation et par l’emploi réel des énoncés de Farida.

Les tours de parole sont structurés par les deux partenaires sur la base de leurs
compétences en arabe dialectal et en français. Ainsi, elles manifestent leurs efforts pour
atténuer les difficultés en sollicitant constamment de l’aide.

Durant les 29 minutes de la conversation (C.1), on peut remarquer que celle qui a
pris le plus la parole c’est bien Farida, les tours de parole de Amaria sont très courts si
nous les comparons avec ceux de Farida. Les énoncés de Farida, que se soit en arabe
dialectal ou en français, montrent un degré de bilinguisme qui est différent de sa partenaire.
Farida se trouve dans une situation de bilinguisme où les deux langues sont omniprésentes
et de façon intensive. La langue du pays natal et langue de la culture d’origine des parents
demeure une réalité qui dynamise l’apprentissage des formes mixtes plus élaborées,
constituées ad hoc. Par contre sa partenaire, c'est-à-dire Amaria, ayant vécu dans un espace
plurilingue qui présente d’autres configurations où la constitution du savoir linguistique en
langue française relève de l’école et où l’alternance codique est une activité de nature
radicalement différente née du métissage des langues existantes au sein de la communauté
linguistique et sociale, manifeste une compétence bilingue qui nous permet de la définir
dans une certaine mesure comme ‘‘une bilingue en devenir’’.

156
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Nous pouvons souligner d’emblée une motivation d’apprendre, affichée de la part


de Amaria qui se traduit, malgré l’insécurité linguistique, en interactions marquées par
l’autostructuration qui est une façon d’organiser l’interlangue (PY, 1990 : 83). Cette
inégalité qui est traduite a fortiori en stratégies ou encore en une fixation128 sur les façons
de parler de Farida, nous la remarquons dans les échanges tirés de l’extrait 10 (C.1) : (A.ni.
283, F.ii. 284 et A.ni. 285). Amaria intervient chaque fois que Farida éprouve une
difficulté quant à la désignation des objets qu’elle ne sait pas nommer et vice versa.
Soulignons que l’asymétrie dans le cas de Amaria et de Farida dans la conversation 1, se
caractérise par le contrat didactique129 énoncé par Amaria sous forme d’un besoin
d’apprentissage (A.ni. 009) justifié par les sollicitations d’assistance et les places
énonciatives dans beaucoup de séquences (hautes pour le locuteur fort et basses pour le
locuteur faible en situation d’apprenant).

7 – 5. Le contrat didactique : une volonté affichée d’apprendre de la part des


interactantes non-immigrées et l’immigrée

Le contrat didactique se prolonge dans la conversation par les sollicitations et la


collaboration à surmonter des difficultés de compréhension. D’autant plus que l’image de
soi est positive chez les deux partenaires, car son maintien dans la conversation montre une
coopération dans la résolution des problèmes de compréhension. Ni l’une ni l’autre ne
perdent la face (GOFFMAN, 1974) dans la conversation. La coopération et l’étayage sont
deux faits par lesquels le contrat didactique est rempli. La compréhension comme
processus à la fois interactif et dynamique peut avoir des conséquences positives ou
négatives dans le déroulement de la conversation (VASSEUR, 1990 : 90). Néanmoins, dans
notre corpus l’incompréhension manifeste de la part des deux partenaires de la
conversation se traduit par des stratégies d’apprentissage, d’aide et de soutien, appuyées
par une activité métalinguistique par laquelle elles échangent des explications sur les
énoncés et leur sens.

128
L’exposition (ou encore le contact permanent des locuteurs) amène forcément à un apprentissage et au
développement du répertoire.
129
Les places énonciatives, la double focalisation et le caractère pédagogique des tours de parole sont autant
d’éléments qui favorisent l’apprentissage et permettent l’évaluation des efforts fournis par l’apprenant. Voir à
ce sujet Jean-François DE PIETRO, Marinette MATTHEY et Bernard PY (1989).

157
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Extrait 10, conversation (C.1)


A.ni. 001 : sbaH el khir FARIDA (bonjour FARIDA)
F.ii. 002 : bonjour
A.ni. 003 : ça va ?
F.ii. 004 : ça:: va très bien Hamdullah ! (Dieu soit loué)
A.ni. 005 : ça va ?
F.ii. 006 : impec
A.ni. 007 : impec ?
F.ii. 008 : oui : impec ++ ça va
A.ni. 009 : Hatta ana chouiya netçallem (même moi j’apprends un peu) quelques
mots
F.ii. 010 : c’est vrai +++ mai::s [je crois que
A.ni. 011 : [français cassé ++ on dit comme ça ?
F.ii. 012 : ouai::s l’arabe maghrébin

Dans la séquence d’ouverture (de 001 à 012), la reprise en (A.ni. 007) du terme
tronqué « impec » sous forme d’interrogation montre qu’elle ne l’a jamais entendue
auparavant sous cette forme, cela se confirme à travers l’échange (A.ni. 009) lorsqu’elle
dit : « Hatta ana ch’wiyya netçallem (Même moi j’apprends un peu) quelques mots ». En
(F.ii. 008) nous pouvons noter l’action de Farida qui initie l’adjectif « impec » et reprend le
terme « ça va » pour répondre à la requête de Amaria, nous avons à faire à une forme
d’étayage marquée par l’alternance de deux termes qui sont synonymes130. Cette séquence
montre également le caractère expressif (emploi de l’embrayeur « ana » équivalent de moi
et de je) du discours de Amaria sur la langue où elle donne plus particulièrement une
appréciation sur sa façon de parler le français en (A.ni. 011 : Français cassé ++ on dit
comme ça ?). On remarque que Amaria pose sa question après avoir marqué une pause
brève ; cette focalisation sur le code ayant trait à la question du métissage ou encore à celle
des insuffisances linguistiques qu’elle a affichée.

La focalisation sur la langue est aussi apparente chez (F.ii. 012) surtout lorsqu’elle
affirme qu’il s’agit de ‘‘l’arabe maghrébin’’ en parlant du français qualifié de « cassé » par
Amaria. On note l’emploi de l’adverbe (ouais::) avec une intonation montante du [] par
lequel elle ratifie l’appréciation d’Amaria et souscrit à son opinion.
La distance évaluée par Amaria entre sa compétence en langue française et celle de sa
partenaire dans la même langue lui permet de construire son énoncé sur la base de sa

130
La locution interjective « ça va » est employé en réponse positive à une question concernant la santé et le
bien être, elle est utilisée aussi comme question pour avoir des nouvelles de santé ou de bien être. Les
Algériens l’emploient souvent comme synonyme de parfait, impeccable ou bien en alternance avec
l’Hamdoullah (Dieu soit loué) et avec Ghaya (bien).

158
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

connaissance des deux langues et de son statut de locutrice forte en langue arabe plutôt
qu’en français. De même que la perception de la distance interlinguistique est sujette à des
jugements influencés par le savoir que chacun des partenaires a des deux langues.

Au plan métalinguistique, les données révèlent aussi des éléments intéressants sur
les dires des locuteurs d’une conversation quant aux façons de parler les langues qui
interfèrent souvent entre elles. Les reformulations, les autocorrections montrent clairement
le degré de conscientisation131 chez le locuteur le moins compétent en langue 2. Les
attitudes des locuteurs favorisent la saisie des données en langue 2, nous pouvons parler
soit d’attitudes d’ouverture par lesquelles le locuteur le moins compétent éprouve un lien
affectif avec le locuteur fort ou avec la langue 2 soit d’attitudes réservées vis-à-vis de la
langue 2 qui amènent généralement à la fossilisation. La force des attitudes et des
motivations représente un moment important dans l’appropriation d’une deuxième langue
(BOOGARDS, 1988).

8. La mise en discours des différences et/ou des insuffisances linguistiques chez


les participantes

Les commentaires métalinguistiques et la perception des différences linguistiques


sont omniprésents dans le discours des trois partenaires dans les cinq conversations et chez
les autres sujets enquêtés. Ceci montre que la conscience linguistique est partagée quant à
l’emploi des deux langues et le degré de maîtrise qui conduit le plus souvent à se rendre
compte des insuffisances et de la maîtrise inégale soit en langue 2 soit quand il est question
d’alterner les deux langues.

131
Il faut noter, dans de telles situations, l’avantage qu’ont les adultes (en tant qu’apprenants) à ce stade
d’acquisition. Le développement cognitif et la socialisation étant achevés, ils vont apprendre/acquérir avec
beaucoup d’efficacité en se basant sur un système de référence élaboré.

159
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

8 – 1. Commentaires métalinguistiques et perception des différences linguistiques


chez Amaria et Linda

L’évaluation et l’autoévaluation des différences linguistiques mise en discours


revêtent une caractéristique des représentations métalinguistiques132 qui se traduisent en
stratégies communicationnelles133.

Dans les extraits 11, 12, 13 14 (tirés de C.1 : entre Amaria et Farida) nous
remarquons que la différence linguistique est marquée par la reconnaissance des
insuffisances qui conduisent l’interlocutrice qui se trouve en situation de panne
linguistique à susciter de l’aide.

Par exemple dans l’extrait 11, Amaria manifeste sa compréhension par l’emploi de
l’interlangue « deux fois » (A.ni. 033) relatif à remarié, énoncé amorcé par Farida (F.ii.
032). On constate à travers ces échanges le degré de participation de Amaria et de Farida
qui est relativement équilibré. Ce rapport est basé sur des « rôles »134 assumés par les deux
partenaires quant au choix et l’intervention sur les carences ou l’emploi inadéquat des
énoncés.

Extrait, 11 (C.1)
F.ii. 030 : j’ai une ++ j’ai une grand-mère + la mère de ma mère et
puis + j’ai mon grand-père
A.ni. 031 : yi:h (oui) oui !
F.ii. 032 : et ma grand-mère + mais s’est la belle-mère de mon père
+++ mon grand-père s’est remarié
A.ni. 033 : yi:h (oui) + deux fois

132
Voir à ce sujet l’article de Anne TREVISE (1996) qui propose une réflexion sur la terminologie et distingue
activités métalinguistiques de représentations métalinguistiques.
133
La prise de conscience du déficit ou de l’inadéquation est attribuée aux connaissances épilinguistiques
organisées en mémoire. Selon Jean-Emile GOMBERT (1996 : 51) : « Ces connaissances épilinguistiques, ainsi
constituées en mémoire, contrôlent toutes les actions linguistiques du sujet mais ne transparaissent que dans
certains comportements (les comportements épilinguistiques) comme ceux de correction ou de
surgénéralisation de l’application de certaines règles. Toutefois, ce contrôle se fait à l’insu de l’individu lui-
même qui ignore les règles qu’il applique. Ce n’est qu’après un processus de prise de conscience de ce qui
sous-tend ses propres comportements linguistiques que l’individu pourra réfléchir et utiliser
intentionnellement ses connaissances sur le langage et ses règles d’usage ».
134
Nous nous référons à Robert VION (1992) quant à la notion de rôle pour ainsi rendre plus pertinente
l’asymétrie et le statut des partenaires fort/faible (expert/non-expert), immigré/non-immigré ou encore
natif/alloglotte au niveau interactionnel.

160
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

F.ii. 034 : voilà + ma grand-mère paternelle est +++ elle est décédée
en quatre vingt dix neuf +++ mais elle est comme mon grand
père +++ pour mon grand père +++ +++ mais malheureusement
elle est gravement malade ++ j’ai ma grand-mère la mère de
ma mère ça va elle est eu::h  elHamdoullah ! (Dieu soit loué)
c’est une bonne vivante

L’usage de la langue arabe dialectal dans les extraits 11, 12, 13, 14 et 15 ne
concerne que quelques mots par lesquels Amina et Farida clarifient le message, ceci se
manifeste aussi par l’emploi des commentaires métalinguistiques : « comme on dit en
arabe », « comme on dit chez nous », « comme on dit », « on dit en arabe ». Cette
focalisation sur le code montre également qu’il s’agit d’un degré de conscientisation relatif
à un stade avancé de l’appropriation des deux langues.

Les formulations métalinguistiques dans ces extraits ont une valeur didactique et
discursive qui vise l'intercompréhension et permet de mener à bien l’interaction. Leur
caractère d’énoncés coordonnés aboutit à des concessions mutuelles par lesquelles les
partenaires se donnent comme statut le fait d’être ‘‘forts’’ dans leur première langue.
Ainsi, en analysant de tels énoncés nous dégageons la volonté des interactants de réduire
l’asymétrie. De même que l’emploi des termes de l’arabe dialectal et du français qui
émaillent leurs échanges relève d’un choix délibéré et conscient qui dynamise l’interaction
et l’intercompréhension. On observe comment l’aide ou la sollicitation de l’aide sont
mises en discours par les interactants qui se dirigent vers des solutions (soit en arabe
dialectal soit en français) qui vont aussitôt servir à réparer des pannes linguistiques et
conversationnelles.

C’est ce que nous allons voir dans les deux extraits suivants 11 (C.1) et 12 (C.1) où
les interlocuteurs retournent sur certains termes pour ainsi donner exactement ce qui est
jugé adéquat à la situation d’énonciation, cette réflexivité est explicitée aussi par des
énoncés métalinguistiques.

L’alternance dans l’énoncé (A.ni. 035 : khwalek et les oncles) montre que Amina est
consciente du fait que son interlocutrice a besoin de plus de précisions c’est pourquoi elle
alterne les mots en focalisant sur le code lorsqu’elle emploie l’énoncé métalinguistique
(A.ni. 035 : comme on dit en arabe) en employant le terme en question en arabe puis elle

161
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

réitère en français. On voit bien dans cet énoncé bilingue l’anticipation dans l’explication.
Les dires135 sur la compétence dans une langue ou dans l’autre aident les interactants à
mesurer l’hétérogénéité entre un emploi spécifique des deux langues et un autre, ce qui
relève d’une tentative d’usage et ce qui relève d’un usage jugé correct.

Nous pouvons souligner dans bien des cas le rôle que joue l’expert d’une langue dans
l’interaction par la réactivation des éléments oubliés ou rarement utilisés. Par exemple dans
l’extrait ci-après (12) en (F.ii. 054 : comme on dit + çamti) et (F.ii. 052 : j’ai deux tantes
hna), les deux tours de paroles montrent la reprise des termes « oncle » et « tante » qui
rappellent « çamti », par l’usage alternatif de « khwalek et les oncles » dans (A.ni. 035).
On peut considérer certains feed back comme une réponse à une sollicitation d’aide. Dans
(F.ii. 036), Farida ne parvient pas à l’élément proposé et visé par Amaria en arabe, elle
reprend le terme français « les oncles ».

Extrait 12, conversation (C.1)


F.ii. 050 : comme on dit chez nous lHamdoullah ! (Dieu soit loué) ++ Allah
yaHfedhoum (que Dieu les protège)
++ et puis e::h ma tante j’ai aussi une tante + elle aussi
elle est en ALGERIE euh en FRANCE elle était là mais + [elle
est
A.ni. 051 : [la plupart de la famille ++ sont
F.ii. 052 : [en FRANCE + pas tous + j’ai encore une tante ++ j’ai
deux tantes hna (ici)
A.ni. 053 : i::h ! (oui !)
F.ii. 054 : comme on dit + çamti (ma tante) + et puis euh + sinon j’ai
encore un on::cle +++ non j’ai deux=oncles ici + et puis mon
grand père ++ justement mon grand-père [est
A.ni. 055 : [i::h (oui) et +++ au sujet de ton grand-père ++ l’année passée
tu m’as raconté ++ comment dire en français ?

Nous notons dans l’extrait 12 que Amaria ne parvient pas à prendre la parole au
même titre que son interlocutrice. Les hésitations et les bafouillages le montrent clairement
dans les cinq conversations d’autant plus que les énoncés d’Amaria sont très rarement

135
On peut distinguer selon Francine CICUREL (1996) : un dire sur la langue à apprendre, un dire sur
l’appropriation (difficulté ou facilité à réaliser certaines formes), un dire sur la
compréhension/incompréhension, un dire ‘’à l’autre’’ dans lequel la langue retrouve sa fonction
communicative, expressive, informationnelle, référentielle – au détriment de la seule fonction
métalinguistique toujours largement déployée en classe de langue et un dire à usage ludique sur les mots, non
dépourvu d’un caractère de gratuité.

162
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

achevés. C’est là une particularité du dialecte arabe (algérien) où on trouve beaucoup de


formulations inachevées. Ceci n’est pas sans conséquences sur le déroulement des
conversations entre les locuteurs qui ne parlent pas la même langue ou encore quand c’est
le cas d’une conversation exolingue entre immigrés/non-immigrés. Les équivoques, les
interférences comme c’est le cas dans l’énoncé « la plupart de la famille » au lieu de toute
la famille ou la plupart des membres de la famille qui reçoit la réponse négative « pas tous
j’ai encore une tante ++ j’ai deux tantes hna (ici) ».

L’asymétrie entre l’immigrée et les deux non-immigrées est établie entre autres par
rapport aux formes mixtes qui sont spécifiques aux parlers arabes en Algérie, au français
parlé et les façons de parler le français et l’arabe dialectal par les immigrés. L’asymétrie
soulignée des répertoires nous amène à circonscrire les interactions des nos locutrices dans
un continuum entre exolinguisme et bilinguisme. Ainsi, l’extrait 13, ci-dessous, illustre les
divergences linguistiques entre l’immigrée et sa partenaire tant au niveau de l’exploitation
des ressources des deux langues qu’au niveau de l’élaboration et la co-construction des
énoncés (courts ou longs).

Extrait 13, conversation (C.1)


F.ii. 068 : tout à fait + si c’est vrai ++ c’est ça +++ et en fait comment
j’ai su ça + c’est quand j’étais en France on a été à l’école
++ rouHna naqraou (on est parti pour étudier) et ils nous=ont emmenés
[dans=un musée
A.ni. 069 : [on dit en arabe metHaf (musée)
F.ii. 070 : oui lmeTHaf (le musée)
A.ni. 071 : lmetHaf ! (le musée !)
F.ii. 072 : lmeTHaf (le musée) + je ne sais pas trop + + et dans ce musée là
+ il y avait beaucoup de tableaux + + historiques euh:: !
euh:: je ne sais pas dans les mille sept cents + mille huit
cents ++ et puis la maîtresse d’antan + je me rappelle gaTli:
(elle m’a dit) euh « viens Farida viens ! »

On note dans cet extrait (13) la reprise du terme « metHaf » par (F.ii. 070) et la
réitération de (A.ni. 071) avec une intonation exclamative pour insister ; on remarque aussi
que (A.ni. 069) l’a employé au début suite un chevauchement, elle a coupé son
interlocutrice en insérant un énoncé métalinguistique « on dit en arabe ». L’intervention de
(A.ni. 069) est d’ordre didactique par laquelle elle fournit un élément qui n’est pas connu

163
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

de sa partenaire. A son tour Farida (F.ii. 072) reprend une deuxième fois ce terme en
énonçant son ignorance de ce mot « je ne sais pas trop » avant de continuer ce qu’elle avait
commencé en reprenant le terme en français « et dans ce musée ». Le terme « metHaf » est
un élément de l’arabe standard n’ayant pas subi d’altération, il est le plus souvent employé
en alternance avec musée ou avec la forme altérée comme « lmizi », mais le terme musée
est plus fréquent que « metHaf ».

8 – 2. La recherche du mot juste en L2 : Amaria sollicite Farida

Dans notre corpus, la recherche du mot juste est sollicitée pour répondre à une
difficulté lexicale. En effet, le travail lexical amène souvent à une recherche du terme
adéquat et amène à la mobilisation lors des échanges d’un champ lexical mixte permettant
l’intercompréhension.

Extrait 14, conversation (C.1)


F.ii. 180 : c’est le descendant de él HADJ MOHAMMED + c’est HMED MOHAMMED HMED
KRIM ÇARBI et après lui ça sera nchallah (si Dieu veut) mon père
soit mon frère soit mon oncle
A.ni. 181 : eh ! ytebçou (ils suivent)
F.ii. 182 : ouais !
A.ni. 183 : kich nOUlou Hna ? ellî yekhelfou (comment on dit nous ? ceux qui
succèdent)
F.ii. 184 : ça c’est obligatoire ++ c’était
A.ni. 185 : comment on dit en français ++ yekhelfou (ils succèdent)
F.ii. 186 : non:: ils reprennent + c’est pas ++ un héritage ++ ils
reprennent le flambeau [kima ygoulou (comme on dit)
A.ni. 187 : [yîh ! (oui)
F.ii. 188 : [ils reprennent le flambeau nchallah !
(si Dieu veut) ++ et maintenant que mon grand père + il est ++ il
est malade et tout ++ < ---- ?> il est malade et donc il peut
[pas faire

Dans l’extrait (14) il ne se pose apparemment aucun problème de malentendu, mais


nous soulignons qu’Amaria pose une question à son interlocutrice sur l’équivalent du
terme « yekhelfou » qui signifie ‘‘ils succèdent’’ ou ‘‘ils remplacent’’. Elle cherchait la
traduction satisfaisante, car dans le tour de parole (A.ni. 183) elle pose la question « kich
nOUlou Hna ? » (comment on dit nous) et elle répond en formulant le terme en arabe

164
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

dialectal. Là encore les énoncés métalinguistiques montrent la sollicitation de la part


d’Amaria pour avoir le terme en français ; c’est une solution pour réparer la faille survenue
lors de l’interaction. Farida, quant à elle, fournit le terme en question et ajoute d’autres
explications afin d’éviter des confusions de sens à son interlocutrice surtout lorsqu’elle lui
explique qu’il ne s’agit pas d’héritage en précisant à propos des successeurs qu’ « ils
reprennent le flambeau » (F.ii. 186). La recherche du mot juste est réclamée de deux
manières par Amaria, indirecte par une affirmation sous-tendue par une question implicite
(A.ni. 181) et par une demande directe d’un équivalent du terme (yekhelfou) en français en
affichant clairement sa volonté d’avoir le terme adéquat (A.ni. 185). Farida répond à cette
demande en se référant à un champ sémantique composé de plusieurs termes (ils
reprennent, un héritage, reprennent le flambeau) plutôt que de donner le terme en
question : succession.

8 – 3. Un procédé de clarification réclamé par Farida

Dans l’extrait (15) nous soulignons l’emploi des procédés qui servent à solliciter
explicitement des clarifications pour résoudre un problème de formulation rencontré par
Farida qui a confondu entre deux termes pour désigner les confréries : (F.ii. 138) :
« çissawa (confrérie des ÇISSAWA) vous dites ++ c’est ++ c’est + ça ++ c’est ça
Hamdawa ? (HAMDAWA ?) ». Le terme Hamdawa renvoie à un groupe de musique
mystique qui reprend les chants religieux des confréries des « çissawa » et des derkawa ».
Amaria par contre manifeste son incompréhension du fait que Farida a employé deux
termes qui renvoient à deux choses différentes que Amaria connaît mais qui ne
représentent pas pour elle la même réalité. N’étant par sûre que le terme (Hamdawa) est
synonyme de (çissawa), Amaria emploie un énoncé évaluatif (métalinguistique) après
avoir entériné la proposition de sa partenaire (A.ni. 141) : « oui ! + ah:  Je ne sais pas ! ».
Cette incompréhension manifeste est en elle-même une sollicitation qui a déclenché des
séquences latérales (F.ii. 142), (A.ni. 143), (F.ii. 144) et (A.ni. 145). Dans la dernière
séquence Amaria tente d’apporter une explication en précisant qu’il y a les « çissawa » et
les « derkawa ». Même à travers cette séquence à caractère définitoire Farida n’a pas saisi

165
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

le sens du terme « derkawa ». On constate qu’elle a employé encore une fois le terme
« Hamdawa » en (F.ii. 148).
Extrait 15, conversation (C.1)
F.ii. 138 : c’est en fait c’est des hommes ++ çissawa (confrérie des ÇISSAWA)
vous dites ++ c’est ++ c’est + ça ++ c’est ça
Hamdawa ? (HAMDAWA ?)
A.ni. 139 : Hamdawa (confrérie de HAMDAWA)
F.ii. 140 : Hamdawa (confrérie de HAMDAWA)
A.ni. 141 : oui ! + ah:  Je ne sais pas !
F.ii. 142 : lHamdawa (la confrérie de HAMDAWA) ++ c’est que ton frère hada
yaçref (lui il sait)
A.ni. 143 : mais hna taynik kayen çissawa (mais il y a aussi ÇISSAWA)
F.ii. 144 : les Hamdawa (les HAMDAWA)
A.ni. 145 : kayen (il y a) les çissawa (ÇISSAWA) + kayen derqawa (il y a DERKAWA)
F.ii. 146 : ye kherdjouna menfoum (il nous le sorte de sa bouche par un coup de magie)
de leur bouche
A.ni. 147 : yîh (oui)
F.ii. 148 : Hamdawa bessaH (HAMDAWA mais)

8 – 4. La structuration des énoncés bilingues

Les différents énoncés (bilingues ou non) répondent à un mode de structuration qui


forme un continuum dynamique allant des énoncés provisoires sédimentés à des énoncés
définitifs (ajustés) relatifs à la forme d’origine de la deuxième langue. Le néocodage (LÜDI
& PY 2003) de beaucoup d’éléments mixtes ou en langue 2 seulement nous amène à
caractériser les structures morphosyntaxiques et les formes lexicales. Le passage d’une
connaissance rudimentaire à une connaissance suffisamment élaborée est toujours
transitoire, cette transition dans l’acquisition obéit à des spécificités (VERONIQUE, 1984)
qui rendent la situation plus simple et propice à toute amélioration des énoncés acquis.
Ainsi, la fonction d’interaction dans le processus d’acquisition (ARDITTY & VASSEUR,

1999) permet la restructuration et la reformulation selon les règles jugées correctes par les
interactants. Dans le cas des locuteurs algériens ou issus de l’immigration algérienne, la
structuration des énoncés est sous la dépendance de la nature morphosyntaxique et lexicale
de la langue favorisée dans l’interaction.

Nous trouvons des éléments mixtes conçus selon les lois de langue arabe dialectale
et/ou celles du français. Dans les deux cas de figure la structure répond à une certaine
norme. Les schémas syntaxiques des énoncés diffèrent d’un locuteur à l’autre selon qu’ils

166
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

favorisent l’une ou l’autre langue dans les interactions. Le choix stratégique en ce qui
concerne la formulation des énoncés bilingues s’articule autour de deux types de
structures, celles qui résultent de l’interlangue et celles qu’on trouve dans l’une ou l’autre
langue.

8 – 5. Chez Linda : un cas d’interférence par analogie

Dans l’extrait (16) ci-dessous de la conversation (C.5), nous remarquons


l’interférence par analogie entre le pronom indéfini « on » qui indique d’une manière
vague des personnes ou un individu et le pronom personnel « nous » qui inclut dans cet
acte non seulement le sujet parlant mais aussi le groupe auquel il appartient. Cette
équivoque qui relève de l’interlangue est à l’origine de la structuration d’un énoncé
inadéquat « on habillons » plutôt que « nous nous habillons » ou « on s’habille ». Nous
pouvons situer cet énoncé entre les deux possibilités car il est échafaudé sur la structure du
premier et du deuxième. Cet énoncé fluctuant n’a pas été rejeté par les autres participantes,
il est sans doute jugé moins erroné car élaboré sur la base d’une interlangue proche de la
structure correcte. Les locutrices font de ce fait preuve d’une tolérance face à cette
distance par rapport à la norme (PY, 1996 : 14).

Extrait 16, conversation (C.5)


F.ii. 487 : et vous vous=habillez pas wella (ou)
L.ni. 488 : oui on habillons (<on s’habille>)

Nous pouvons dire à propos de ces conversations que les séquences


potentiellement acquisitionnelles concernent en partie les unités lexicales et certaines
structures syntaxiques. Dans notre corpus les constructions syntaxiques sont réduites à
quelques éléments sous formes de phrases nominales (C.4 : A.ni. 110 : les traditions
algériennes et A.ni. 112 : surtout les traditions de TLEMCEN, A.ni. 121 : les cousins et les
cousines, L.ni. /A.ni. 166 : avec son père, A.ni. 221 : tout près des cimetières). A travers
ces exemples nous soulignons que la construction syntaxique est limitée à la juxtaposition

167
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

des unités lexicales (lexèmes et grammèmes) sans action ou état marqué. Les
interlocuteurs trouvent ces structures plus pratiques dans l’accomplissement de
l’interaction, d’autant plus que la complétude conversationnelle conduit à la co-
construction du sens et à l’élaboration des énoncés syntaxiques simplifiés.
L’accomplissement de la tâche communicative dépend de trois compétences136 : la
compétence grammaticale, la compétence sociolinguistique et la compétence stratégique.
Il s’agit d’une perspective ethnographique qui envisage la compétence linguistique comme
une compétence de communication (HYMES, 1984). C’est au niveau du discours que de
tels énoncés sont jugés appropriés ou non. Les exemples cités prennent sens dans leurs
contextes respectifs. La construction syntaxique d’énoncés plus élaborés prend forme soit
à travers l’alternance codique soit à travers des énoncés en langue 2 (selon la première
langue des locuteurs). Les séquences latérales sont à l’origine de l’élaboration des énoncés
syntaxiques étendus qui dépassent un ou deux lexèmes (adjectif + nom ou nom + adjectif),
ou un grammème et un lexème (article + nom). L’hésitation et la prudence de la part du
locuteur faible en langue 2 se traduit lors des interactions avec le locuteur fort en stratégies
de communication et d’acquisition. La fréquence des mots passe-partout chez nos
informateurs sont énoncés aussi comme des mots-phrases ou encore sous formes de
particules discursives qui régulent l’interaction comme les consentements exprimés par
« oui, yih, ah, mmh, etc. » dont la récurrence est significative. A noter que ces particules
montrent l’évitement dans bien des cas. L’amplification du commentaire par le passage de
l’arabe dialectal au français et vice versa est une compensation du manque qui exige la
mobilisation des ressources linguistiques ad hoc. C’est ainsi que l’accroissement des
éléments de la langue 2 apparaît dans les conversations du locuteur faible (ou alloglotte)
qu’ils façonnent en énoncés bilingues alternés. Ces énoncés déclenchent chez les
interlocuteurs des processus d’interprétation qui dynamisent l’interaction. L’effet
perlocutoire causé par l’usage des mots passe-partout confère à la conversation exolingue
la caractéristique d’être un moment propice d’acquisition. Les constructions syntaxiques
initiées par le locuteur faible sont aussitôt complétées par le locuteur fort.

En dépit du caractère complexe des situations observées, et malgré la divergence


des données recueillies, l’acquisition en milieu naturel des formes mixtes est sous la
136
Sophie MOIRAND (1982 : 20) quant à elle parle de compétences : linguistique, discursive et socioculturel,
elle souligne que ces dernières interviennent à des degrés divers.

168
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

dépendance des interactions verbales entre le locuteur fort et le locuteur faible. Ces
derniers construisent mutuellement le système de référence qui leur facilite l’interaction et
l’intercompréhension. Le savoir-faire procédural et les connaissances générales sur le
monde en langue et culture d’origines chez les locuteurs immigrés/non-immigrés jouent un
rôle important dans l’élaboration du savoir en langue 2 des interlocuteurs. Ainsi, par
l’alternance codique, les trois interlocutrices parviennent ensemble à l’organisation de
leurs tours de parole et à l’achèvement de leurs énoncés. La valeur didactique de
l’interaction entre locuteurs bilingues à répertoires verbaux hétérogènes leur permet de se
rendre compte des inégalités et donc de parvenir à tirer le meilleur parti possible de leurs
échanges. De même que les énoncés collaboratifs et les séquences potentiellement
acquisitionnelles permettent la réactivation du répertoire désactivé. Peut-on donc parler
d’un continuum entre bilinguisme et exolinguisme dans la conversation entre
immigrés/non-immigrés ?

169
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

CHAPITRE 2
COMMUNICATION BILINGUE/EXOLINGUE : CHOIX ET ALTERNANCE DES LANGUES

Dans le chapitre précédent, nous avons évoqué l’importance de l’interaction quant à


l’appropriation de la langue ‘‘faible’’, voire quant au développement du répertoire verbal,
chez les trois locutrices immigrées/non-immigrées n’ayant pas le même contact social avec
la deuxième langue. Il ne s’agit pas là de première langue et de deuxième langue (acquise)
selon un ordre croissant mais selon l’importance, la fréquence de l’usage, et la présence au
sein de la communauté ou dans les différents réseaux de communication, (voir à ce sujet
Louise DABENE, 1994).

Nous avons posé l’hypothèse que, dans les conversations entre les locuteurs
immigrés/non-immigrés, il y a des éléments qui relèvent du bilinguisme et d’autres qui
relèvent de l’exolinguisme mais selon un continuum bilingue/exolingue. Ceci nous conduit
à nous consacrer à l’analyse des pratiques langagières afin de rendre compte de la
compétence bilingue/exolingue des locuteurs qui présentent des asymétries de part et
d’autre quant à la mobilisation des ressources de l’arabe dialectal et du français. Ainsi,
nous dirons a priori, qu’il s’agit d’une compétence bilingue originale qui est ajustée à la
fois par les échanges et par la mobilisation des ressources respectives des locuteurs.

L’un des objectifs de cette analyse est de dégager à travers le changement et les
alternances de langues ce qui relève d’une compétence bilingue ou exolingue qui permet à
chaque locutrice de converger avec sa/ses partenaire(s) lors des interactions.

Afin d’analyser les pratiques langagières des trois locutrices enregistrées, nous
commencerons d’abord par la présentation de quelques théories qui se sont intéressées au
phénomène du choix de langues. Ensuite, nous traiterons par une approche quantitative la
part de l’arabe dialectal et du français voire les deux à la fois (alternées) dans les cinq
conversations et pour chacune des trois locutrices. Nous nous intéresserons enfin, aux

170
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

alternances codiques ou « le code alterné du bilingue » pour cerner la compétence bilingue


des locutrices (HAMERS & BLANC, 1983).

Bien que les locutrices soient conscientes à la fois des asymétries des répertoires et
des compétences bilingues qu’elles manifestent, leurs pratiques langagières révèlent de
nombreuses caractéristiques et d’indices qui déterminent l’investissement, le choix et la
négociation des ressources langagières ainsi que la gestion des échanges. Il est donc
essentiel de déterminer dans quelle mesure et dans quelles situations les locutrices
choisissent les deux langues et avec quelle fréquence. Ainsi, nous essaierons de repérer des
indices et des observables qui permettent de définir leur compétence bilingue et la gestion
des interactions.

1. Les théories du choix des langues

Afin d’éviter une analyse des choix de langues et des alternances codiques limitée à
un seul modèle, nous présentons quelques paradigmes des différentes théories qui se
situent au niveau interactionnel et qui se complètent à bien des égards. Pour l’application
de certains procédés dans notre travail il est nécessaire pour nous d’inscrire notre analyse à
l’intersection de différentes théories étant donné les caractéristiques sociales des
participantes et de leurs pratiques langagières. Découvrir comment se fait le choix des
langues chez un locuteur bilingue n’est pas une chose aisée vu le nombre de facteurs
d’ordre différents (sociologiques, psychologiques et situationnels) qui le motivent.

1 – 1. Les dimensions sociales : FISHMAN, BLOM & GUMPERZ


Joshua FISHMAN (1968) propose la notion de domaine de comportement
langagier137 comme élément nécessaire à l’analyse des choix de langues ; il la relie ainsi à
celle de normes culturelles. Ainsi, il met en avant des composantes relatives au domaine du
comportement langagier : « personnes appropriées au domaine », « lieux appropriés au

137
Voir également à ce propos d’autres éclairages chez Joshua FISHMAN (1971 : 57-68).

171
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

domaine » et « moments appropriés au domaine », [selon la traduction de Claire SAILLARD


(1998 : 113)].

Les composantes relatives aux domaines, à savoir les sujets des conversations138,
les participants, le cadre ou le lieu ainsi que le moment sont déterminants dans le choix des
langues. Ces composantes représentent des abstractions qui ne sont réalisables qu’en
termes de situations concrètes. Ainsi, Joshua FISHMAN montre les limites de la notion de
« comportement approprié au domaine » en ce qui concerne l’explication de ce qui se
passe lors des interactions en face à face.

Contrairement à Joshua FISHMAN (ibid.) qui a développé le concept de domaine


dans une perspective macrosociolinguistique, Jan Petter BLOM et John GUMPERZ (1982)
sont partis d’une étude microsociolinguistique pour analyser la signification sociale
présente dans la structure linguistique. Cette orientation vers la dimension
microsociolinguistique permet de mieux comprendre les mécanismes de l’alternance entre
les langues. De plus, Jan Petter BLOM et John GUMPERZ (ibid.), en se basant sur les
résultats de leurs recherches sur les événements langagiers, ont tenté de dégager les
contraintes contextuelles qui jouent un rôle dans le comportement communicatif des
locuteurs. Ils présentent ainsi trois niveaux dans l’analyse des choix des langues : les lieux,
les situations sociales et les événements sociaux. Ils ont également tenté de distinguer deux
types d’alternances codiques : situationnelle (déclenchée par les locuteurs pour s’adapter à
l’interlocuteur et aux facteurs situationnels) et métaphorique ou conversationnelle (relative
seulement au changement de langue dans une situation donnée). On reviendra sur la théorie
de John GUMPERZ au moment de l’analyse des fonctions de l’alternance codique.

1 – 1. Les dimensions socio-psychologiques : la théorie de l’accommodation


Les recherches en psychologie sociale ont contribué à l’enrichissement de l’étude
sociolinguistique sur la question du choix de langue et sur le bilinguisme. La théorie de
l’accommodation (GILES, et al., 1987 ; GILES et al., 1991) s’est appuyée en partie sur les
facteurs proposés par Joshua FISHMAN, Jan-Petter BLOM et John GUMPERZ en prenant en

138
Cette composante est directement liée aux participants et à la situation.

172
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

compte à la fois les facteurs psychologiques et les facteurs sociaux pour déterminer le
choix des langues. La théorie de l’accommodation est une théorie de la psychologie sociale
de la communication qui met l’accent sur l’ensemble des comportements relatifs au
changement de langue et aux modifications langagières qui résultent de l’interaction entre
les interlocuteurs. A côté de ces considérations on peut ajouter les stratégies
d’accommodation que Howard GILES et al., (1991) divisent en stratégies de convergence et
de divergence. Pour la première, les locuteurs s’adaptent au comportement communicatif
de leurs interlocuteurs, ce qui donne à ces derniers l’avantage de réduire les écarts. Pour la
seconde, le locuteur cherche la conformité à la situation tout étant conscient des
différences. En s’intéressant au phénomène de choix des langues comme un cas de
divergence ou de convergence, aux niveaux macro-sociolinguistique et micro-
sociolinguistique, la théorie de l’accommodation adoptée par Howard GILES et al., (ibid.)
distingue entre l’accommodation totale et partielle. Ce qui a amené, au plan micro-
sociolinguistique, à différencier l’alternance codique comme un cas d’accommodation
totale, du mélange de codes comme un cas d’accommodation partielle.

1 – 3. La théorie de la marque « Markedness theory »


En rejetant la théorie du choix de langue qui repose essentiellement sur la
détermination de facteurs situationnels, Carol MYERS-SCOTON (1993) considère que
l’alternance codique repose sur le principe du caractère marqué ou non d’un choix
linguistique pour un type d’interaction donné. La visée de la théorie de la marque est
d’expliquer les motivations régissant le choix de langues et le phénomène d’alternance
codique au sens plus large compte tenu des propriétés cognitives et socio-psychologiques.
Dans les situations plurilingues chaque langue est considérée comme un indice désignant
un ensemble de droits et d’obligations en usage entre les locuteurs lors des interactions. Le
locuteur définit son propre rôle et sa relation à l’interlocuteur en fonction du code qu’il
choisit.

On peut également ajouter les modèles présentés respectivement par Josiane


HAMERS et Michel BLANC (1983), François GROSJEAN (1982), Georges LÜDI et Bernard
PY (2003) qui contiennent un certain nombre de facteurs régissant le choix et le

173
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

changement de langue dans des situations bi-plurilingues. François GROSJEAN (ibid.), par
exemple, a dégagé quatre facteurs (internes et externes) régissant le choix de langues dans
des situations de communication bilingues : la situation, les participants, les thèmes
abordés et le but de l’interaction. Il attribue également à chaque facteur des variables
(biologiques, sociales, économiques, culturelles, etc.). En s’inspirant de la théorie de
l’accommodation de Howard GILES, Josiane HAMERS et Michel BLANC (ibid.) présentent le
modèle de l’adaptation de la parole. Selon leurs propos, dans les situations de contact de
langues, le succès de la communication dépend des capacités linguistiques en production et
en réception dans les deux langues et de l’adaptation aux changements de langues.
L’adaptation de la parole est tributaire de plusieurs stratégies (ibid. : 183-197) permettant
d’atteindre un but communicatif commun et de résoudre entre autres des difficultés dues à
des insuffisances linguistiques. Dans une perspective micro-sociolinguistique, Georges
LÜDI et Bernard PY (2003) ont essayé d’expliquer la manière dont le choix d’une langue de
base s’opère dans les pratiques langagières des familles migrantes en Suisse. Pour ce faire
ils ont proposé deux manières de faire, l’une basée sur une analyse de type conversationnel
et l’autre sur une analyse des dires des informateurs interrogés sur leurs choix
linguistiques.

En tout état de cause, la combinaison de ces théories et approches nous permet dans
notre étude de prendre en considération certains facteurs qui sont significatifs pour
l’analyse des choix des deux langues entre la locutrice immigrée et ses partenaires non-
immigrées. En effet, les différentes approches montrent que le choix de langue est
déterminé par la combinaison de plusieurs facteurs de nature différente.

2. Choix de langues dans les interactions entre les trois locutrices


immigrée/non-immigrées : approche quantitative

Les interactions entre les trois locutrices immigrée/non-immigrées révèlent de par


les asymétries des répertoires, une compétence bilingue de part et d’autre : soit en alternant
les deux langues, soit en choisissant l’une ou l’autre langue dans leurs échanges139. En

139
Ces deux alternatives (les deux choix possibles) relèvent de deux stratégies de communication spécifiques
aux locuteurs bilingues (HAMERS & BLANC, 1983).

174
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

effet, la comparaison à partir de la quantification des items des deux langues dans les
conversations permet d’observer l’usage du parler bilingue et le poids de chacune des deux
langues. La prise en compte des énoncés produits et des énoncés reçus par les deux
locutrices en arabe dialectal et en français nous permet de caractériser aussi bien les choix
de langue effectués par les locutrices que le poids des langues dans les échanges ainsi que
les possibilités d’appropriation et de réactivation du répertoire verbal de chacune d’entre
elles.

Pour étudier les choix et les alternances codiques, nous nous basons en premier lieu
sur une approche quantitative. Celle-ci nous permet, d’un côté, de dégager les indices à
partir desquels nous pouvons étudier le poids des deux langues dans les interactions, de
l’autre de caractériser les choix opérés par les locutrices ainsi que la fréquence des
alternances codiques.

Trois indices sont à prendre en considération : le nombre des unités en arabe


dialectal et en français, la nature des tours de parole et la longueur moyenne des énoncés.
D’abord, nous procédons par le calcul des unités produites par les trois locutrices en arabe
dialectal et en français dans chacune des conversations. Ensuite, nous dégageons la nature
des tours de parole (notamment le vecteur langagier) en les quantifiant par langue (arabe
dialectal et français), mixtes (en arabe dialectal et en français) et nuls (ne contenant aucun
élément verbal audible). Enfin, nous mettons en évidence la longueur moyenne des
énoncés140 afin de cerner la compétence bilingue des locutrices plus précisément
l’endurance dans les deux langues (selon les choix des locutrices) et les deux à la fois.

La mobilisation des ressources linguistiques et la façon dont les locutrices les


investissent dans leurs conversations nous permettent de distinguer dans bien des cas, ce
qui relève du bilinguisme et ce qui relève de l’exolinguisme. De même que la mobilisation

140
La longueur moyenne des énoncés (LME) ou (MLU : Mean Length of Utterance en anglais) est appelée
aussi longueur moyenne de production verbale (LMPV) (RONDAL, 2003 : 130). La notion de LME est
utilisée par les psycholinguistes de développement pour préciser le niveau langagier des enfants (BROWN,
1973). La longueur moyenne des énoncés ou «le LMPV s’obtient en divisant le nombre de mots ou de
monèmes obtenus dans un corpus de langage d’une longueur déterminée par le nombre d’énoncés »
(RONDAL, 1983 : 33).

175
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

des ressources relatives aux deux langues par une locutrice, permet la réactivation141 de la
langue qui n’est pas bien maîtrisée ou peu utilisée (voire désactivée)142 par son
interlocutrice.

Chaque locutrice emploie les langues de son répertoire de façon différente et selon
des stratégies précises. Notre point de départ ici est la prise en compte du critère quantitatif
dont la visée est de rendre compte de la récurrence et de la fréquence des deux langues
dans les conversations suivant la répartition des items en arabe dialectal, en français et
mixtes. Le but de la quantification des ressources langagières mobilisées lors des
interactions est d’apprécier laquelle des deux langues domine et chez quelles locutrices, et
pourquoi.

Cette quantification ne va pas de soi et il nous a fallu établir un certain nombre de


règles propres à notre étude.

3. Calcul et analyse de la fréquence des unités (par langue et par locuteur)


pour l’étude du choix et des alternances codiques dans les conversations

Avant de passer à l’analyse des données, il nous semble nécessaire de présenter les
normes ayant servi pour le comptage des items de l’arabe dialectal et du français en nous
inspirant de la recherche menée par Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1988) sur les
pratiques langagières des jeunes issus de l’immigration algérienne à Grenoble.

Afin de rendre plausible la comparaison, des normes de comptage ont dû être


établies selon les caractéristiques linguistiques propres à l’arabe dialectal et au français.

141
La réactivation du répertoire verbal est entendue dans une perspective développementale où les éléments
reçus par le locuteur de son interlocuteur conduisent au but communicatif et dynamisent l’interaction. Voir
(Anna GHIMENTON, 2008.a et 2008.b) à propos de la description des indices statistiques et pragmatiques qui
contribuent au développement du répertoire plurilingue chez un jeune enfant de Vénétie.
142
Dans le cas du locuteur bilingue, il peut s’agir d’un choix de langue face à un locuteur avec qui il ne
partage pas le même code. Tout comme il peut s’agir d’un locuteur qui n’a pas l’occasion d’utiliser la
deuxième langue, ce qui l’amène à oublier certaines formes.

176
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

3 – 1. Les normes de comptage des unités pour le français


 Exclamatifs = 1 unité : ah oui ! ; ah bon !
 Connecteurs = 1 unité : comme ça ; c’est ça ; parce que ; quand même.
 Circonstants lexicalisés : 1 unité : là-bas ; des fois.
 Interrogations = 1 unité : est-ce que.
2 unités : qu’est-ce que c’est.
 Termes dilatoires = 1 unité : c'est-à-dire ; euh…
 Quantitatifs un peu = 1 unité : un peu.
 Expressions verbales = 1 unité : ça va ; ça dépend ; il faut, il y a.
 Noms propres = 1 unité : JACQUES CHIRAC, EL EMIR ABDELKADER.
 Pronoms personnels = 1 unité : en fonctions sujet et objet ;
2 unités : dans le cas des verbes réfléchis : je m’arrange.
 Déterminants = 1 unité : articles ; possessifs ; démonstratifs etc.

3 – 1. Les normes de comptage des unités pour l’arabe dialectal


 Déterminants = 1 unité : - article : e, el ; l’ (le, la, les)
- pronoms personnels + verbe : nemchi (je vais) ; temchi
(tu vas)
-démonstratifs : hada et hadak (celui-là) ; hadou et hadouk
(ceux-là).
- possessifs + nom apparaissent souvent sous forme de
morphèmes liés : taçi (le mien) taçna (le notre).
 Marque de nombre = 1 unité : mwalfine (habitués) ; msakine/msaken (les pauvres).
 Négation = 1 unité : manrouHch (je ne vais pas).
 Emprunts = 1 unité : faliza (la valise), sauf les emprunts lexicalisés : 2 unité :
dérangéha (dérange la).
 Formes verbales = 1 unité : mchi (pars) ; yemchi (il part, il partira) pour l’accompli
et l’inaccompli.
 Quantitatif = 1 unité : kif kif.
 Formules de politesse = 1 unité : yselmek (merci).
 Formules de serments ou d’invocation à Dieu = 1 unité : wallah l’çadém ! (je le
jure au nom de Dieu le tout puissant) ; l’Hamdoullah (Dieu soit loué).

177
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Nous avons opté pour cette solution (à partir des normes arbitraires établies ci-
dessus) car il nous a été plus difficile au départ de compter les unités de l’arabe dialectal ou
encore de certains emprunts accommodés surtout qu’il est question d’une transcription
orthographique. De plus, un certain nombre d’éléments morpho-phonologiques sont
produits différemment143 par les trois locutrices que ce soit en arabe dialectal ou en
français. Par ailleurs, se pose le problème du morphème lié ; dans le cas des unités en arabe
dialectal il s’agit de lexicalisation et de figement. C’est la raison pour laquelle nous avons
transcrit certains termes en regroupant plusieurs items en bloc (déterminant, marques de
déclinaisons qui contiennent le sujet et l’objet, les démonstratifs, les possessifs, etc.).
Certains psycholinguistes, qui s’intéressent au développement du langage chez l’enfant,
adoptent d’autres procédures de comptage, notamment pour analyser la longueur moyenne
des énoncés (BROWN, 1973) cité par Jean-Adolphe RONDAL (2003 : 131). Par exemple
pour le comptage de la longueur moyenne de production verbale, Jean-Adolphe RONDAL
(ibid.) considère que le mot ‘‘bergère’’ est composé de deux unités (une unité et un
morphème flexionnel qui exprime le genre féminin).

Voici un tableau illustratif contenant un extrait d’une conversation de neuf tours de


parole où les trois locutrices participent aux échanges langagiers en mobilisant les
ressources de l’arabe dialectal et du français. Cet extrait illustre la méthode de comptage
que nous avons adoptée en nous appuyant sur les normes citées plus haut. Il s’agit d’un
comptage basé sur les unités produites par chaque locuteur et par référence à la langue ou
les langues utilisées.

Ainsi, nous pouvons distinguer les unités de l’arabe dialectal insérées dans des
segments en français, les unités du français insérées dans des segments en arabe dialectal et
les tours de parole monolingues en arabe dialectal ou en français. Outre la quantification
des unités des deux langues et les caractéristiques des tours de parole
(mixtes/monolingues) nous calculons la longueur moyenne des énoncés produits par
chaque locutrice.

143
Les trois locutrices ont des origines géographiques différentes et elles n’ont pas le même contact avec
l’arabe dialectal. C’est pourquoi, dans de nombreux cas, les variétés phonologiques ou morphologiques sont
à prendre en considération pour la délimitation des unités linguistiques qui ont le statut de morphème.

178
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Locutrices Fréquence d’emploi


Français Arabe
F.ii. 030 [bir felkhla ++ loukhrin ygoulou ella 11 24
manrouHch loukhra galeT (un puits dans la forêt ++ les
autres ne voulaient pas partir l’autre a dit) si on est obligé
bessif w’belkhouf XXX (on est obligé avec beaucoup de
frayeur) comme elles=avaient peur ++ comment
elles=ont quitté +++ jeddati neqzet (ma grand-
mère a sauté)
A.ni. 031 w’ fih el ma ? (il y avait de l’eau dans le puits ?) 0 4
L.ni. 032 0 1
khawi ? (vide ?)
F.ii. 033 khawi (vide) vraiment ma fih walou (il y avait pas
A.ni. 034 1 4
d’eau)
mahjour + mahjour (abandonné + abandonné) voilà ++ 8 18
F.ii. 035
hawdet be (elle a descendu par) la ficelle hadik
lkourda laHgetha tani w’belçou çla rwaHhoum ki
gaçdou (la corde et elle a rejoint et elles se sont refermées) ++
elles=ont passé la nuit temma xxx (là bas)
L.ni. 036 ChabTin fe (accrochées au) 0 3
F.ii. 037 kanou kachin rwaHhoum + wellah + w’semçou 0 24
leklab foutou foug el bir + yfoutou çlihoum
(elles étaient accrochées + je le jure + et elles ont entendu les chiens
qui passaient sur le puits)
L.ni. 038 mça li kayen lma balek machemmouch riHatha 0 12
(avec l’eau peut être qu’ils n’ont pas senti son odeur)

Pour ce qui est de la nature des tours de parole, nous avons distingué trois
catégories : les tours de parole monolingues où nous avons les tours de parole en arabe
dialectal, les tours de parole en français, les tours de parole mixtes (bilingues) et les tours
de parole nuls (sans aucun élément verbal). Les tours de parole monolingues correspondent
à l’usage exclusif de l’arabe dialectal ou du français. Dans le cas de l’arabe dialectal, les
emprunts accommodés et adaptés (HAMERS & BLANC, 1983) insérés dans des tours de
parole en arabe dialectal sont considérés et comptabilisés comme des termes de l’arabe
dialectal144. Dans les tours de parole mixtes, on y trouve les ressources de l’arabe dialectal
et du français allant d’une seule unité ou plus pour chacune des deux langues. Enfin, les
tours de parole nuls correspondent soit à un segment inaudible voire incompréhensible que
nous étions incapable de transcrire, soit à une participation avec des moyens non verbaux :
hochement de tête, soupirs, sourires et gestes alternatifs par lesquels une locutrice ratifie ou
refuse les propos de son interlocutrice.
144
Les emprunts intégrés sont considérés comme une ressource supplémentaire comme résultat du
bilinguisme arabe dialectal/français. Leur manifestation dans les pratiques langagières des trois locutrices
sera analysée comme un phénomène saillant à côté des alternances codiques compte tenu des propos avancés
par certains linguistes notamment Shana POPLACK (1988).

179
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Voici des extraits qui illustrent ces cas de figure :


Extrait 1 de la conversation 1 : tour de parole monolingue (arabe dialectal)

F.ii. 334 : kou nSéb neddikoum (si je trouve comment faire je vous emmène) ++ énnoS
felkaba (la moitié dans un cabas) + énnoS fel’coffre ++ énnoS
menna w’neddikoum mçaya (et l’autre moitié dans le coffre et ++ le reste je
vous emmène avec moi)

Extrait 2 de la conversation 1 : tour de parole monolingue (français)

F.ii. 196 : ah ! quand il y avait mon grand-père ++ des gens vraiment


du SAHARA venaient de tout de partout

Extrait 3 de la conversation 1 : tour de parole mixte (français/arabe dialectal)

A.ni. 387 : comme les gens li chwiyya (qui sont un peu) ++ cinquantaine +
soixante ans y’Houbbou hadik él gaçda (ils aiment cette ambiance)
++ yOulou hna él gaçda (ils disent c’est ça l’ambiance)

Extraits des conversations 1 et 2 : tour de parole nul (gestes, soupirs, séquence inaudible
ou incompréhensible et hochements de tête ou encore la participation d’un locuteur
secondaire)

A.ni. 479 : < ------- ?>

A.ni. 211 : ((soupirs et hochements de tête))

Comme nous l’avons fait remarquer plus haut, les caractéristiques linguistiques des
tours de parole nous permettent de distinguer entre choix de langues et alternances
codiques. Ainsi, nous parlerons de choix de langues quand les locutrices utilisent l’une ou
l’autre langue sous forme de tour de parole monolingue ; et d’alternances codiques quand
les locutrices produisent des tours de parole mixtes ou bilingues.

180
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

4. Le poids des langues dans les échanges entre les trois locutrices

Les tableaux ci-dessous illustrent les résultats répartis en deux catégories ‘‘arabe
dialectal et français’’ obtenus dans chaque conversation. Les tableaux contenant des
données statistiques correspondent aux spécificités de chaque conversation. Les
histogrammes illustrent d’une manière graphique les données mentionnées dans chaque
tableau. Ils rendent plus apparents les écarts soulevés dans les tableaux contenant les
données chiffrées.

Dans la première série de calculs nous nous intéressons à la fréquence de l’arabe


dialectal et du français dans chacune des conversations et pour l’ensemble du corpus. Puis
nous analysons le poids des deux langues pour chaque locutrice. Dans la seconde série de
calculs nous analysons les caractéristiques des tours de parole monolingues, mixtes et nuls
dans chacune des conversations et par locutrice. Enfin, nous examinons la longueur
moyenne des énoncés de chacune des locutrices par conversation.

Dans la première comme dans la deuxième série de calculs nous examinons les
pourcentages concernant chaque langue et chaque locutrice. Il s’agit, en effet, de faire une
lecture des données verticalement et horizontalement. Par exemple pour le premier indice
(c'est-à-dire la part des langues par locutrice) les pourcentages qu’on analyse verticalement
se rapportent aux poids de chacune des deux langues dans la conversation. Alors que les
pourcentages qu’on analyse horizontalement concernent l’emploi de chaque langue par
locutrice. Il en est de même pour les totaux qui renvoient au total des unités dans
l’ensemble de la conversation. Pour ce qui est du deuxième indice qui concerne les
caractéristiques linguistiques des tours de parole, il y a les pourcentages relatifs au nombre
de tours de parole produits par locutrice qui se lisent verticalement et ceux relatifs aux
vecteurs langagiers qui se lisent horizontalement.

181
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

4 – 1. Le français prépondérant dans l’ensemble des conversations

D’emblée, le français apparaît comme langue « matrice » (MYERS-SCOTTON, 1993)


puisqu’elle est quantitativement dominante dans les échanges. Le pourcentage de l’emploi
du français dans les cinq conversations est de 71,03 % soit un total de 14857 unités. Le
pourcentage des unités en arabe dialectal dans l’ensemble du corpus est d’une moyenne de
28,96 % soit un total de 6059 unités (voir tableau 1). Il varie entre 21,13 % (C.2) et 25,73
% (C.4) selon la longueur de la conversation et la longueur moyenne des énoncés de
chacune des participantes. Cela n’empêche pas que l’arabe dialectal soit dominant dans
certaines séquences ; il arrive que le nombre des unités en arabe dialectal dans certaines
séquences mixtes soit supérieur à celui des unités en français. L’écart entre les unités en
arabe dialectal et les unités en français est de 42,05 % soit 8797 unités. Ceci s’explique par
le fait que Farida produit davantage d’unités en français, de même que Amaria et Linda
produisent plus d’énoncés mixtes. Cette tendance reste prégnante dans toutes les
conversations mais avec quelques fluctuations qui sont relatives aux thèmes, à la situation
et aux participantes.

Arabe dialectal (6059) 28,96 %


Français (14857) 71,03 %
Total 20916
Tableau 1 : Nombre des unités produites en arabe dialectal et en français dans les cinq
conversations.

Pourcentage des deux langues

80,00% 71,03%
70,00%
60,00%
50,00%
40,00% 28,96%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
Poids des deux langues dans les cinq
conversations

Arabe dialectal Français

Graphique représentant le poids des deux langues dans les cinq conversations

182
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

4 – 2. La première conversation (C.1) : domination du français et convergences par les


tours de parole mixtes

A travers les tableaux ci-dessous (2, 3 et 4) on constate que les locutrices, Amaria
et Farida, font usage de l’arabe dialectal et du français à des degrés variés et de manières
différentes, donc le choix de langues peut être envisagé de plusieurs façons.

Le nombre des unités en arabe dialectal (1410) 25,65 %


Le nombre des unités en langue française (4087) 74,35 %
Total 5497
Tableau 2 : Pourcentage des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 1.

80,00% 74,35%
70,00%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00% 25,65%

20,00%
10,00%
0,00%
Pourcentage des unités

Arabe dialectal Français

Graphique représentant le poids des langues dans la conversation 1

Langues
Arabe dialectal Français Total
Locutrices
18,94 % 81,06 %
Farida 764 3270 4034
54,18 % 80 % 73,38 %
44,16 % 55,84 %
Amaria 646 817 1463
45,82 % 20 % 26,62 %
25,65 % 74,35 %
Total 1410 4087 5497
100 %
Tableau 3 : Pourcentage des unités produites (en arabe dialectal et en français) par locutrices dans la
conversation 1.

183
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

A B

90,00% 90,00%
80% 81,06%
80,00% 80,00%

70,00% 70,00%

60,00% 54,18% 60,00% 55,84%

50,00% 45,82% 50,00% 44,16%

40,00% 40,00%

30,00% 30,00%
20% 18,94%
20,00% 20,00%

10,00% 10,00%

0,00% 0,00%
Farida Amar ia Arabe dialect al Français

Arabe dialect al Fr ançais Far ida Amar ia

Graphiques représentant les tendances relatives au premier indice de la conversation 1.

Dans cette première conversation, qui s’est déroulée entre Farida et Amaria, la
langue la plus utilisée est manifestement le français dont le pourcentage s’élève à 74,35 %
(soit 4087 unités) contre 25,65 % pour l’arabe dialectal (soit 1410 unités)145. Sur
l’ensemble des unités de cette première conversation, qui est de 5497, Amaria a produit
646 unités en arabe dialectal (soit 45,82 %) contre 764 produites par Farida (soit 54,18 %).
Concernant la langue française, Farida en a produit 3270 unités (soit 80 %) tandis que
Amaria en produit 817 (soit 20 %). Ces données chiffrées montrent aussi bien la part de
participation de Farida que la prépondérance du français dans la conversation. Nous
pouvons noter également un usage presque équilibré des unités de l’arabe dialectal par les
deux locutrices.

Notons à partir du Tableau 3 que Farida a produit un total de 4034 unités (soit
73,38 %) contre 1463 unités produites par Amaria (soit 26,62 %). En ce qui concerne le
nombre des unités produites en arabe dialectal, Farida a employé 764 unités (soit 18,94 %)
en arabe dialectal et 3270 unités en français (soit 81,06 %) tandis que Amaria en a produit
646 en arabe dialectal (soit 44,16 %) et 817 unités en français (soit 55,84 %). Les écarts
soulignés par langue et par locutrice montrent à la fois l’emploi moindre de l’arabe

145
Ces valeurs sont représentées dans le tableau 2 et dans le total en ligne horizontale du tableau 3. Cette
manière de présenter les données relatives au pourcentage des unités en arabe dialectal et en français et au
pourcentage des unités produites (en arabe dialectal et en français) par locutrice est adoptée pour l’ensemble
des conversations. En effet, cette manière de faire facilite la mise en adéquation entre les chiffres et les
histogrammes qui les représentent.

184
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

dialectal par rapport au français et l’adaptation de chacune des locutrices à sa partenaire,


surtout de la part d’Amaria qui converge en français vers Farida.

Nous constatons un léger écart entre Farida et Amaria en ce qui concerne l’arabe
dialectal à comparer avec le nombre des unités produites en français par les deux
locutrices. Nous pouvons expliquer ces différences à partir de plusieurs facteurs : la
situation146, le répertoire verbal, les thèmes abordés, la position sociale et les places
conversationnelles des deux locutrices. Pour ce dernier facteur, tout semble indiquer que
Farida est beaucoup plus bavarde que son interlocutrice et que Amaria ne cesse de
l’interroger sur son quotidien en France et sur ses vacances en Algérie. Cette situation en
questions-réponses fait que Amaria participe autant mais avec des énoncés moins longs
que ceux produits par Farida, cependant, la position de Amaria en tant que réceptrice
l’amène dans beaucoup de séquences à ajuster sa façon de parler à celle de Farida et à
construire des énoncés mixtes.

Locutrices
Farida Amaria Total TP
Tours de parole
TP : français 52,19 % 47,81 % 251
131 120 (41,28 %)
43,09 % 39,46 %
TP : arabe dialectal 16,10 % 83,89 % 118
19 99 (19,41 %)
5,92 % 32,56 %
TP : mixtes 64,98 % 35,02 % 237
154 83 (38,98 %)
50,65 % 27,63 %
TP : nul 00 02 02
0,65 % (0,33 %)
Total par locutrice 304 304 608
(50 %) (50 %) (100 %)
Tableau 4 : Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 1.

146
Notons qu’il s’agit d’une seule situation (milieu familial) où les locutrices ont pris l’habitude d’être
ensemble. En effet, pendant les quinze jours qu’elles ont passées ensemble avant le début des enregistrements
elles ont abordé divers sujets (selon notre complice).

185
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

A B

60,00% 90,00% 83,89%


50,65%
80,00%
50,00% 43,09% 70,00% 64,98%
39,46%
40,00% 60,00% 52,19%
47,81%
32,56%
27,63% 50,00%
30,00% 40,00% 35,02%

20,00% 30,00%
16,10%
20,00%
10,00% 5,92% 10,00%
0,65% 00,65%
0
0,00%
0,00%
Français Arabe Mixtes Nul
Farida Amaria
dialectal

Français Arabe dialectal Mixtes Nul Farida Amaria

Graphiques représentant les tendances relatives au deuxième indice de la conversation 1

L’observation des trois tableaux (2, 3 et 4) révèle l’importance de la situation et du


contexte dans le choix des deux langues.
Vu la longueur de cette première conversation qui est de 608 tours de parole, nous
trouvons des tours de parole où le français est utilisé d’une manière intensive et où le choix
de langue est souvent non marqué, ce qui correspond à ce que Jan-Petter BLOM et John
GUMPERZ (1972) appellent alternances codiques conversationnelles (métaphoriques) ; ce
qui laisse entendre également une adaptation de la parole à la situation. Et c’est à travers
les alternances métaphoriques que les changements de langues s’opèrent au niveau intra-
phrastique ou ce qu’on pourrait appeler à la suite de Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ,
(1988) et Louise DABENE (1994) des alternances codiques « intra-actes » par la production
de deux types d’alternances : segmentales et unitaires. Toutes deux nous permettent de
prendre en compte la longueur des énoncés et par là d’opérer la distinction entre
l’alternance codique et l’emprunt spontané147.

Toutefois, la répartition des deux langues en tours de parole monolingues (en arabe
dialectal ou en français) et mixtes (en arabe dialectal et en français) révèlent, malgré les
écarts apparents (graphiques A et B), que la fréquence des tours de paroles mixtes s’avère
presque aussi importante que celle des tours de parole monolingues en français ; elle est de

147
Par emprunt spontané il faut entendre l’insertion d’une unité non lexicalisée dans un énoncé lors d’une
interaction en situation monolingue (POPLACK, 1980) ; Shana POPLACK et al., (1988) les appellent emprunts
à usage momentané.

186
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

237 tours de parole, dont 84 produits par Amaria (soit 35,02 %) et 154 par Farida (soit
64,98 %). Ce qui veut dire que Farida s’adapte par les tours de parole mixtes plus que par
l’arabe dialectal complet (soit 5,92 % de tours de parole en arabe dialectal sur l’ensemble
des tours de parole qu’elle a produit), alors que Amaria utilise plus le français tout en
maintenant l’arabe dialectal à un niveau très élevé. Nous pouvons soulever d’autres indices
sur le poids des deux langues et sur la concomitance concernant leur répartition par tour de
parole ; Farida produit moins de tours de parole monolingue en arabe dialectal que Amaria
qui a produit 99 tours de parole (soit 84,61 %) contre 19 tours de parole (soit 16,10 %). En
outre, le nombre de tours de parole en français est de 131 (soit 52,19 %) tours pour Farida
et 120 pour Amaria soit un taux de 47,81 %.

Les résultats retenus montrent non seulement la convergence entre les deux
locutrices mais aussi un bilinguisme équilibré chez Amaria alors que Farida montre une
langue forte le français (dont le pourcentage s’élève à 80 %). Mais cela n’est pertinent que
lorsque les écarts soulignés entre Farida et Amaria en ce qui concerne le poids des deux
langues et les caractéristiques des tours de parole sont mis en corrélation. Les trois indices,
rappelons-le, permettent de cerner le degré de bilinguisme et de déterminer les
caractéristiques de la conversation bilingue entre les locutrices (immigrée/non-immigrées)
notamment le choix de langues et les alternances codiques.

Comme nous l’avons annoncé la longueur moyenne des énoncés est aussi un
indicateur important à prendre en compte pour apprécier le parler bilingue.

LME pour les TP de Farida 13,26


LME pour les TP de Amaria 04,81
LME Pour l’ensemble de la conversation 09,04
Tableau 5 : Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble dans la
conversation. 1.

187
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

LME

14 13,26

12
10
8
6 4,81
4
2
0
LME

Farida Amaria

Graphique représentant le troisième indice de la conversation 1

Nous constatons à travers le tableau 5 que la longueur moyenne des énoncés pour
l’ensemble de la conversation est de 9,04 unités par séquence. Nous relevons une moyenne
de 13,26 unités par séquence pour Farida et de 4,81 unités par séquence pour Amaria. Nous
remarquons alors que Farida a produit des séquences plus longues que celles d’Amaria, ce
qui explique les écarts relatifs aux pourcentages des unités obtenues dans les deux langues
concernant le premier indice (cf. les données du Tableau 3). Bien que les chiffres montrent
qu’Amaria produit moins d’unités par séquence, nous constatons qu’elle converge avec
Farida en choisissant la langue et les unités qu’il faut pour le maintien des interactions. Il
faut souligner également que c’est au niveau des tours de parole mixtes que le nombre
d’unités est relativement plus élevé.

En effet, nous remarquons à travers les quatre extraits ci-dessous, représentant des
tours de parole mixtes, que le nombre des unités est plus élevé. Toujours est-il que le
français est prépondérant dans les interactions entre ces locutrices immigrées/non-
immigrées. C’est sur cette base que l’on pourrait dire qu’il s’agit d’interactions bilingues
où les locutrices convergent plus par des tours de parole mixtes que monolingues.

Il est à noter aussi que les locutrices convergent par l’alternance codique de type
inter-intervention (DABENE & BILLIEZ, ibid.) Ceci pour dire que, même si les tours de
paroles en arabe dialectal sont relativement courts chez les deux locutrices, leur rôle est
essentiel dans la dynamique des interactions. L’emploi de l’une ou l’autre langue suscite la

188
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

mobilisation des ressources bilingues soit sous formes d’unités insérées dans les tours de
parole soit sous forme de tours de parole qui se combinent de manière alternative.

Les quatre extraits de séquences où nous avons isolé des tours de parole montrent
l’importance du français et de l’arabe dialectal dans la dynamique des interactions. Pour
autant il se dégage bien de l’ensemble des données le rôle de l’alternance codique comme
stratégie conversationnelle.

Extrait 1 (C.1) :
F.ii. 240 : tout au milieu taç (du) le feu fel waST (au milieu) +++ hadou
HAMDAWA (ces HAMDAWA) ils tournent au tour par cinq six et ils
bougent ++ et du Coran + du Coran et du Coran + du Coran
ghil klam eddine (que des paroles de la religion) ++ tu vois des gens
qui sont malades yessanaw (ils oublient) leur tour ++ il y a des
gens qui sont + j’sais pas madroubine (envoûtés) ++ comme on
dit ++ bon moi j’y crois un peu dans tous ça + ils tombaient
dans euh + sur le feu yeTéHou fe ennar (ils se jettent dans le feu)
y’en a beaucoup qui pleurent

Extrait 2 (C.1) :
A.ni. 469 : l’entourage elli ykoun mliH (quand il est bien) bien ++ tarbiyya
Hassana (la bonne éducation) < ----- ?> tarbiyya Hassana W’hada (la
bonne éducation et tout ça) +++ les enfants lewlad yeTTelçou
lHamdullah (les enfant grandissent bien) w’(et) l’entourage ila makanch
(et s’il n y a pas) ++ [ça va pas

Extrait 3 (C.1) :
F.ii. 518 : soit les filles ou alors bon:: les=enfants mça (avec) leurs
parents hadou (ces) les couples avec leurs=amis wella mça (avec
leurs maris) leurs maris yekhourjou baçdhoum (ils sortent ensemble) mais
bach (pour) on se voit ++ rarement wellah (je te le jure) ++ on veut
se reposer le week end [et en plus mça (avec) le temps

Extrait 4 (C.1) :
A.ni. 561 : eyballî machi kamel + (il me semble que ce ne sont pas tout) les gens
çandhoum had (ils ont cette) la mentalité +++ waHda lewkan t’OUlek
(il y a celles qui te disent) +++ benti rah çandha (ma fille elle a) six mois
wella ++ (ou bien ++) huit mois ça y est nçabbiha ++ lHa (je
l’emmène dans ++ à une) +++ la crèche wella l’Ha (ou bien chez une) la
nourrisse [et je travaille

189
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

4 – 3. La deuxième conversation (C.2) : divergence des répertoires et adaptation


mutuelle entre Farida et Amaria

La deuxième conversation est plus courte que la première. Elle a duré 26 minutes et
5 secondes, alors que la première était de 31 minutes 23 secondes.

Le nombre des unités en arabe dialectal (549/2585) 21,23 %


Le nombre des unités en langue française (2036/2585) 78,77 %
Total 2585
Tableau 6 : Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 2.

90,00%
78,77%
80,00%

70,00%

60,00%

50,00%

40,00%

30,00%
21,23%
20,00%

10,00%

0,00%
Pourcentage des unités

Arabe dialectal Français

Graphique représentant le poids des deux langues dans la conversation 1.

190
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Langues
Arabe dialectal Français Total
Locutrices
17,98 % 82,02 %
Farida 394 1797 2191
71,76 % 88,26 % 84,75 %
39,34 % 60,66 %
Amaria 155 239 394
28,24 % 11,74 % 15,25 %
21,23 % 78,77 %
Total 549 2036 2585
100 %
Tableau 7 : Le nombre des unités produites en arabe dialectal et en français par les locutrices dans la
conversation 2.

A B

90,00% 100,00%
82,02%
88,26%
80,00% 90,00%

70,00%
80,00% 71,76%
60,66%
70,00%
60,00%
60,00%
50,00%
39,34% 50,00%
40,00%
40,00%
30,00% 28,24%
30,00%
17,98%
20,00% 20,00% 11,74%
10,00% 10,00%

0,00% 0,00%
Arabe dialectal Français Farida Amaria

Farida Amaria Arabe dialectal Français

Graphiques représentant les tendances relatives au premier indice de la conversation 2.

Dans la deuxième conversation, le nombre d’unités produites par les deux


locutrices en arabe et en français est de 2585 unités avec davantage d’unités produites en
français. Si on compare entre les colonnes (correspondant aux langues en question) on
s’aperçoit que les deux locutrices ont produit un total de 2036 unités en français (soit 78,77
%) et 549 en arabe dialectal (soit 21,23 %) (Voir aussi le tableau 6). S’agissant du nombre
d’unités produites par Farida on a 2191 unités (soit 84,75 %) dont 1797 unités en français
(soit 88,26 %) et 394 unités en arabe dialectal (soit 71,16 %). Quant à Amaria elle a
produit un total de 394 unités (soit 15,25 %) dont 155 unités en arabe dialectal soit 28,24

191
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

% de cet ensemble en arabe dialectal et 239 en français soit 11,74 % des unités en
français.

La comparaison des unités produites par les deux locutrices selon la fréquence des
langues nous permet de dégager deux tendances dominantes. La première concerne la
fréquence du français chez les deux locutrices (chacune selon son degré de participation),
la seconde est marquée par l’adaptation de part et d’autre : l’utilisation de l’arabe dialectal
par la locutrice immigrée (soit 17,98 %) et le français par la non-immigrée (soit 60,66 %).
Malgré les écarts en ce qui concerne le nombre d’unités produites par les deux locutrices,
on peut dire que la part des deux langues est relativement liée à la part de participation des
deux locutrices. Comme nous l’avons souligné les unités produites en français occupent la
première position dans l’ensemble de la conversation. Dans la même optique l’usage du
français par Farida est d’un pourcentage de 82,02 % (1797/2191) contre 17,98 % pour
l’arabe dialectal (394/2191). Il en est de même pour Amaria dont l’usage du français est
d’un taux de 60,66 % (239/394) contre 39,34 % en arabe dialectal (155/394).

Néanmoins, Farida, parce qu’elle parle plus, emploie plus d’unités en arabe
dialectal que sa partenaire non-immigrée. L’écart entre les deux locutrices s’explique par le
fait que l’une prend plus la parole que l’autre en produisant des énoncés plus longs. Il est
difficile de l’expliquer tant que les données obtenues ne sont pas traitées et croisées entre
elles compte tenu des facteurs qui motivent le choix des langues. On remarque cependant
que la récurrence des unités en français chez la locutrice immigrée est tributaire des thèmes
abordés voire surtout de sa capacité à s’exprimer en français qui impose une adaptation à
son interlocutrice pour l’accomplissement des différentes tâches conversationnelles148.

148
Nous nous référons ici aux places conversationnelles, aux interventions et aux rituels conversationnels.

192
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Farida Amaria Total TP


TP : français 39,76 % 60,24 % 83
33 50 (38,43 %)
30,55 % 46,29 %
TP : arabe dialectal 23,08 % 76,92 % 39
09 30 (18,05 %)
8,34 % 27,78 %
TP : mixte 73,86 % 26,14 % 88
65 23 (40,74 %)
60,19 % 21,30 %
TP : nul 16,66 % 83,34 % 06
01 (05/06) (2,78 %)
0,92 % 4,63 %
Total par locutrice 108 108 216
(50 %) (50 %) (100 %)
Tableau 8 : Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 2.

A B

90,00% 83,34% 70,00%


76,92% 60,19%
80,00% 73,86% 60,00%
70,00%
60,24% 50,00% 46,29%
60,00%

50,00% 40,00%
39,76% 30,55%
40,00% 27,78%
30,00%
26,14% 21,30%
30,00% 23,08%
20,00%
20,00% 16,66%
8,34%
10,00% 4,63%
10,00%
0,92%
0,00% 0,00%
Français Arabe dialectal Mixte Nul Farida Amaria

Farida Amaria Français Arabe dialectal Mixte Nul

Graphiques des tendances dominantes relatives au deuxième indice de la conversation 2.

Parallèlement aux unités produites en français et en arabe dialectal par les deux
locutrices, il y a d’autres spécificités linguistiques concernant les tours de parole. Ainsi, les
énoncés mixtes occupent la première position avec un pourcentage de 40,74 % soit 88
tours de parole. Par ailleurs, les tours de parole en français arrivent en seconde position
avec un pourcentage de 38,43 % soit 83 tours de paroles. Enfin, nous avons en troisième
position l’arabe dialectal avec 18,05 % soit 39 tours de parole.

L’observation du tableau 8 révèle également que Farida s’adapte par les tours de
parole mixtes dont le pourcentage est de 60,19 % (65/108) et Amaria par des tours de

193
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

parole en français soit un taux de 64,29 % (50/108). Toutefois, Amaria produit le


pourcentage le plus élevé des tours de parole en arabe dialectal qui est 76,92 % (30/39) sur
l’ensemble des tours dans cette langue.

Dans la mesure où le français est prépondérant, la conversation présente


inévitablement les mêmes caractéristiques que celles relevées dans la première même si
elle est plus courte. Au cours de cette conversation, Amaria a produit des tours de parole
très courts comparativement à Farida, ce qui explique la longueur moyenne des énoncés
obtenue pour chacune d’entre-elles qui est de 20,28 unités par tour pour Farida et de 3,64
unités par tour pour Amaria.

LME pour les TP de Farida 20,28


LME pour les TP de Amaria 03,64
LME pour l’ensemble de la conversation 11,96
Tableau 9 : Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de la conversation 2.

25
20,28
20

15

10

5 3,64

0
LME

Farida Amaria

Graphique représentant le troisième indice relatif à LME dans la conversation 2.

La lecture de ce tableau 9, révèle à la fois l’écart entre les deux locutrices et


l’important écart entre la longueur moyenne des énoncés de l’ensemble de la conversation
et les tours de parole de Farida qui a produit une moyenne d’environ 20,28 unités. Dans les
échanges bilingues, la dynamique conversationnelle et l’adaptation du locuteur résultent du
degré de participation de l’interlocuteur, le taux des ressources qu’il mobilise en fonction

194
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

de la/les langue(s) employée(s). Nous pouvons affirmer l’impact de Farida sur le choix de
langue d’Amaria et vice versa à travers de nombreux passages où la convergence codique
apparaît même si l’une ou l’autre ne produisent pas des tours de parole assez conséquents
en L2 (l’arabe dialectal pour Farida et le français pour Amaria). Comme on l’a vu les tours
de parole d’Amaria sont courts et se présentent sous plusieurs formes : les reprises des
unités produites par Farida, les mots-phrases et les énoncés inachevés ou encore d’autres
éléments phatiques comme oui, eih et mmh qui marquent le consentement149. Ces
caractéristiques reflètent parfaitement les chiffres obtenus pour chacune des deux
locutrices et le degré de bilinguisme de chacune d’entre-elles. En effet, tout semble
indiquer que la domination du français comme langue matrice amène à une convergence
par l’alternance codique inter-acte et intra-acte.

4 – 4. La troisième conversation (C.3) : asymétries croisées et convergence de la


communication entre les trois locutrice

Le nombre des unités en arabe dialectal (770/2239) 34,39 %


Le nombre des unités en langue française (1469/2239) 65,61 %
Total 2239
Tableau 10 : Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 3.

70,00% 65,61%

60,00%

50,00%

40,00% 34,39%

30,00%

20,00%

10,00%

0,00%
Pourcentage des unités

Arabe dialectal Français

Graphique représentant le poids des deux langues dans la conversation 3.

149
Nous traiterons ces marques dans le deuxième chapitre de la troisième partie.

195
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Langues
Arabe dialectal Français Total
Locutrices
30,59 % 69,41 %
Farida 625 1418 2043
81,16 % 96,52 % 91,24 %
60,86 % 39,14 %
Amaria 42 27 69
05,45 % 01,83 % 03,09 %
81,11 % 18,89 %
Linda 103 24 127
13,37 % 01,65 % 05,67 %
34,39 % 65,61 %
Total 770 1469 2239
100 %
Tableau 11 : Le nombre des unités par locutrice en arabe dialectal et en français dans la conversation3.

A B

90,00% 120,00%
81,11%
80,00% 96,52%
69,41% 100,00%
70,00%
60,86% 81,16%
60,00% 80,00%

50,00%
39,14% 60,00%
40,00%
30,59%
30,00% 40,00%
18,89%
20,00%
20,00% 13,37%
10,00% 5,45%
1,83% 1,65%
0,00% 0,00%
Arabe dialectal Français Farida Amaria Linda

Farida Amaria Linda Arabe dialectal Français

Graphique représentant les tendances relatives au premier indice de la conversation 3.

Dans cette troisième conversation, d’une durée de 11 minutes et 40 secondes, on


retrouve les mêmes tendances que celles dégagées dans les deux premières concernant la
fréquence des deux langues. Mais ce qui différencie les données de la troisième
conversation des deux autres (C.1 et C.2) c’est qu’elle est composée de trois participantes
qui présentent des divergences par rapport aux vecteurs langagiers en question : la
fréquence des unités des deux langues, les caractéristiques linguistiques des tours de
paroles et la longueur moyenne des énoncés.

196
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Si nous examinons le nombre des unités obtenues pour chacune des deux langues
chez Linda, qui est de 103 unités pour l’arabe dialectal (soit un pourcentage de 81,11 %)
contre 24 unités en français (ce qui correspond à un taux de 18,89 %), nous pouvons
déduire qu’elle arrive à prendre part à la conversation en mobilisant plus que les autres
participantes des unités en arabe dialectal. L’emploi des deux langues lui assure toutefois
une aisance dans la communication outre les insuffisances en français bien qu’elle
participe moins que les autres à la conversation en produisant 127 unités soit 5,67 % de
l’ensemble. Cependant, Farida produit 2043 unités soit 91,24 % dont 1418 (soit 96,52 %)
en français sur 1469 de la totalité des unités produite en cette langue par les trois locutrices
et 625 des unités en arabe dialectal (soit 81,16 %) ; ceci montre également que Farida
utilise plus d’unités en Français que ses deux partenaires qui ont produit respectivement 27
unités pour Amaria et 24 pour Linda (soit 69,41 % pour Farida contre 39,14 % pour
Amaria et 18,89 % pour Linda). Amaria, a produit 42 unités en arabe dialectal soit un taux
60,86 % et 27 unités en français soit un taux de 39,14 %.

Comme dans les deux premières conversations le français domine plus que l’arabe
dialectal et cela est en rapport avec le nombre d’unités produites par la locutrice immigrée
qui utilise plus le français que l’arabe dialectal dont les pourcentages sont respectivement
de 69,41 % en français et 30,59 % en arabe dialectal.
Chez Amaria l’usage du français reste relativement important compte tenu du degré de
participation à la conversation et du nombre des unités produites pour les deux langues qui
est de 42 unités en arabe dialectal soit 60,86 % et 27 unités en français soit 39,14 %.

Bien que le nombre des unités produites par les trois locutrices ne soit pas identique
quantitativement, les échanges sont tout de même ajustés qualitativement. De plus, la
comparaison entre les trois locutrices (le poids de chaque langue, le degré de participation,
la longueur moyenne des énoncés et la fréquence des alternances codiques) révèle que la
descendante de l’immigration utilise plus de français que l’arabe dialectal, mais ce qui est
frappant c’est que le nombre des unités – (dans les deux langues) – qu’elle produit, de
même que les tours de parole sont plus élevés que ceux réalisés par ses partenaires. Le
nombre d’unités en français reste nettement plus élevé dans la conversation (C.3), sur un
total de 2239 unités produites par les trois locutrices, 1469 sont en français (soit 65,61 %)

197
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

et 770 en arabe dialectal (soit 34,39 %) ce qui constitue presque le tiers de l’ensemble des
unités produites. La comparaison de ces tendances avec celles relatives aux tours de parole
de Farida fait apparaître que le nombre des tours de parole mixtes qu’elle produit est
largement dominant chez elle (41 tours soit 80,40 %). Nous constatons également un
ajustement parfait d’Amaria sur Farida qui s’ajuste à son tour par des tours de parole
mixtes et presque jamais par l’arabe dialectal.

Farida Amaria Linda Total


TP : français 43,48 % 47,82 % 08,69 % 23
10 11 02 (20,35%)
18,18 % 30,55 % 9,09 %
TP : arabe dialectal 08,58 % 54,28 % 37,14 % 35
03 19 13 (30,97 %)
5,46 % 52,77 % 59,09 %
TP : mixte 80,40 % 09,80 % 09,80 % 51
41 05 05 (45,14 %)
74,54 % 13,88 % 22,72 %
TP : nul 01 01 02 04
1,82 % 2,77 % 9,09 % (3,54 %)
Total par locutrice 55 36 22 113
(48,67 %) (31,86 %) (19,47 %) (100 %)
Tableau 12 : Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 3.

A B

90,00% 80,00% 74,54%


80,40%
80,00% 70,00%

70,00% 59,09%
60,00%
52,77%
60,00% 54,28%
50,00%
47,82%
50,00% 43,48%
37,14% 40,00%
40,00% 30,55%
30,00%
30,00% 22,72%
0,2 18,18%
20,00% 20,00% 13,88%
8,69% 8,58% 9,80%
9,80% 0,1 0,1 9,09% 9,09%
10,00% 10,00% 5,46%
1,82% 2,77%
0,00% 0,00%
Français Arabe dialectal Mixte Nul Farida Amaria Linda

Farida Amaria Linda Français Arabe dialectal Mixte Nul

Graphiques représentant les tendances relatives au deuxième indice de la conversation 3

198
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

La troisième locutrice Linda, qui est elle aussi non-immigrées, participe, moins que
ses partenaires, mais les données obtenues dans les tableaux (9 et 10) montrent qu’elle a
produit un total de 127 unités soit 5,67 % pour 22 tours de parole répartis comme suit : 2
en français, 13 en arabe dialectal, 5 mixtes et 2 nuls. Par ailleurs, la longueur moyenne des
énoncés chez Linda est de 5,77 unités par tour, qui sont majoritairement en arabe dialectal,
cette tendance semble indiquer une prépondérance de l’arabe dialectal dans ses prises de
parole avec des recours certes moins fréquents au français et à des énoncés mixtes.

Nous observons également que Farida et Amaria produisent respectivement 10 et


11 tours de parole en français soit 43,48 % et 47,82 % des tours dans cette langue alors que
Linda en produit 2 soit 8,69 %. Cependant, nous remarquons une convergence codique
entre Amaria et Linda en ce qui concerne les tours de parole en arabe dialectal par 19 tours
de parole soit 54,28 % pour Amaria et 13 pour Linda soit 37,14 % tandis que Farida en
produit 3 soit 8,58 %. Compte tenu de ces tendances et de la convergence codique en tours
de parole mixtes entre Amaria et Linda qui est de 5 pour chacune soit 9,80 % nous
pouvons dire que Farida s’adapte plus par des tours de parole mixtes alors que Amaria
s’adapte à Farida par des tours de parole en français (43,48 % et 47,82 %). Contrairement à
ses partenaires, Linda emploie plus l’arabe dialectal que le français en tours de parole
monolingues.

Les analyses des deux premières conversations composées de deux participantes


nous ont permis de constater la différence entre les tendances relatives aux locutrices et
aux langues employées. En effet, dans la troisième conversation les tendances renseignent
clairement sur les caractéristiques linguistiques mobilisées par la locutrice immigrée et ses
interlocutrices non-immigrées lors des échanges verbaux. Nous avons vu comment l’une
converge vers l’autre. Mais c’est par la longueur moyenne des énoncés contenus dans
l’ensemble de la conversation et dans les échanges de chacune des participantes que les
écarts deviennent plus probants.

Comme nous pouvons le constater à travers le tableau ci-dessous (13), et plus


particulièrement à partir de la longueur moyenne des énoncés de Farida qui est de 37,14
unités par tour de parole, c’est la moyenne des unités contenue dans les tours de parole

199
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

d’Amaria qui est relativement faible et celle relative aux unités des tours parole de Linda
qui s’élève à 5,77 contre 1,91 pour Amaria. Il est intéressant de croiser ces tendances avec
celles retenues dans les tableaux 11 et 12 notamment avec le taux de participation de
chaque locutrice et de revenir au corpus pour confirmer les résultats relatifs aux trois
indices. Ainsi, des différences importantes se dégagent entre les trois locutrices surtout à
travers les tours de parole où Farida produit 48,67 % soit 55 tours de parole, Amaria en
produit 31,86 % soit 36 tours et Linda 19,47 % soit 22 tours. Même si les chiffres ne
renseignent pas directement sur la maîtrise des langues, les écarts entre le degré de
participation, la longueur moyenne des énoncés, le nombre des unités produits par locutrice
et les caractéristiques linguistiques de leurs tours de parole montrent du moins qu’il s’agit
d’adaptation totale et/ou partielle. Amaria s’adapte aux deux locutrices alors que Farida
s’adapte davantage à Amaria.

LME pour les TP de Farida 37,14


LME pour les TP de Amaria 01,91
LME pour les TP de Linda 05,77
LME pour l’ensemble de la conversation 19,81
Tableau 13 : Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de la
conversation 3.

40 37,14
35
30
25
20
15
10
5,77
5 1,91
0
LME

Farida Amaria Linda

Graphique représentant les tendances relatives au troisième indice de la conversation 3.

200
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

4 – 5. La quatrième conversation (C.4) : un degré de bilinguisme proportionnel

Comme nous avons pu le constater à travers les 13 tableaux (ci-dessus) qui


résument les données de chacune des trois conversations (C.1, C.2 et C.3), plus
particulièrement celles relatives à la fréquence de l’emploi des deux langues et au nombre
des tours de paroles, c’est le français qui est davantage employé soit en tours de paroles
mixtes soit en tours de parole monolingues. De plus, il apparaît clairement que Farida
prend plus la parole (notamment dans la troisième conversation) et produit plus d’unités
que ses partenaires d’où la longueur considérable des tours de parole qu’elle produit. En
revanche, dans la quatrième conversation, Amaria produit 98 tours en français (soit 53,55
%) pendant que Farida en produit 74 (soit 40,43 %) ce qui justifie la longueur de ses
énoncés par tour de parole qui sont relativement courts, d’une moyenne de 3,59 énoncés
par tour comparativement à Farida qui a produit des énoncés longs soit d’une moyenne de
16,49 énoncés. S’ajoutent à cela le nombre des unités en français et le nombre des tours de
parole mixtes qui montrent l’importance du choix et du changement de langues de la part
de Amaria face à ses partenaires (cf. tableaux 14, 15, 16 et 17). Par ailleurs, chez Linda
(comme dans la conversation précédente) nous constatons tout à fait le contraire d’Amaria
en ce qui concerne l’emploi des deux langues et la production des tours de parole mixtes :
elle produit plus d’unités en arabe dialectal et prend moins la parole qu’elle dans des tours
de parole monolingues (en arabe dialectal) et mixtes. Il faut souligner aussi que même si la
participation de Linda reste relativement inférieure à celle de ses partenaires elle est
significative dans la mesure où la proportion des ressources qu’elle a mobilisées à côté
d’Amaria dans les deux langues est presque la même et représente le huitième de
l’ensemble des unités produites par Farida.

Le nombre des unités en arabe dialectal (1364/5321) 26,17 %


Le nombre des unités en langue française (3939/5213) 73,83 %
Total 5213
Tableau 14 : Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 4.

201
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

80,00%
73,83%

70,00%

60,00%

50,00%

40,00%

30,00% 26,17%

20,00%

10,00%

0,00%
Fréquence des unités

Arabe dialectal Français

Graphique représentant le poids des deux langues dans la conversation 4.

Langues
Arabe dialectal Français Total
Locutrices
20,64 % 79,35 %
Farida 841 3233 4074
61,65 % 83,99 % 78,15 %
20,42 % 79,58 %
Amaria 116 452 568
8,51 % 11,74 % 10,89 %
71,27 % 28,73 %
Linda 407 164 571
29,84 % 4,27 % 10,96 %
26,17 % 73,83 %
Total 1364 3849 5213
100 %
Tableau 15 : Le nombre des unités par locutrices en arabe dialectal et en français dans la conversation 4.

202
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

A B

90,00% 90,00% 83,99%


79,35%79,58%
80,00% 80,00%
71,27%
70,00% 70,00%
61,65%
60,00% 60,00%

50,00% 50,00%

40,00% 40,00%
28,73% 29,84%
30,00% 30,00%
20,64%20,42%
20,00% 20,00%
11,74%
8,51%
10,00% 10,00% 4,27%

0,00% 0,00%
Arabe dialectal Français Farida Amaria Linda

Farida Amaria Linda Arabe dialectal Français

Graphiques représentant les tendances relatives au premier indice de la conversation 4.

En examinant l’ensemble des données des tableaux (14, 15 et 16) il ressort que
Linda reste très dominante en arabe dialectal contrairement à Amaria qui s’adapte plus ou
moins à Farida en changeant de code et en employant respectivement le français, l’arabe
dialectal et les deux à la fois avec des fréquences qui varient d’un tour de parole à l’autre.
Et si la plupart des échanges sont dominés par des interventions complètes ou partielles en
français c’est bien parce que la longueur des énoncés de Farida s’élève à une moyenne de
16,49 contre 3,59 pour Amaria et 6,27 pour Linda. Cet écart permet d’emblée de dire que
le choix et le changement des langues chez les trois locutrices assument des fonctions
importantes tels que la consolidation de la relation intime, la souscription aux arguments
d’autrui et la détermination d’un terrain d’entente sur les questions évoquées (accord,
désaccord etc.). Il est notable que chez Farida il y a beaucoup de séquences narratives
longues où elle relate avec beaucoup d’enthousiasme des événements vécus.
Farida et Amaria sont des « bilingues actifs » (MERABTI, 1992 : 96-98) qui emploient leur
deuxième langue de manière intense, alors que Linda participe essentiellement par l’arabe
dialectal.

Effectivement, sur l’ensemble des données obtenues pour la quatrième


conversation, Farida et Amaria utilisent majoritairement et dans les mêmes proportions le
français : 3233 unités pour Farida (soit 79,35 %) et 452 pour Amaria (soit 79,58 %) par
rapport à l’ensemble des unités produites par chacune des locutrices dans les deux langues.

203
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Il s’établit en miroir un équilibre entre les deux locutrices en ce qui concerne l’utilisation
de l’arabe dialectal : 841 unités produites par Farida (soit 20,64 %) et 116 par Amaria soit
(20,42 %). Cet équilibre est apparent aussi bien chez les deux locutrices (en ce qui
concerne l’ensemble des unités produites dans les deux langues) qu’à travers la fréquence
d’usage des deux langues elles-mêmes. L’ajustement est remarquable chez Farida et
Amaria en ce qui concerne la mobilisation des deux langues. Chez Farida les unités
s’échelonnent entre 61,65 % en arabe dialectal et 83,99 % en français contre 8,51 %
d’unités en arabe dialectal et 11,74 % produites par Amaria. On constate, que Amaria et
Linda produisent pratiquement le même pourcentage d’unités dans les deux langues 10,89
% (soit 568 unités) pour Amaria et 10,96 % (soit 571 unités) pour Linda. Le pourcentage
des unités produites en arabe dialectal par Linda est de 71,27 % (soit 407 unités) contre
28,73 % concernant le français (soit 164 unités). Par langue pour les deux locutrices les
pourcentages oscillent entre 29,84 % en arabe dialectal et 4,27 % en français pour Linda ;
et 8,51 % en arabe dialectal et 11,74 % en français pour Amaria. Ces tendances montrent
des différences significatives entre les trois locutrices concernant l’emploi des deux
langues. Pour comprendre ces écarts qui sont tributaires des facteurs cités plus haut il faut
se rattacher aux spécificités linguistiques des tours de parole et la longueur moyenne des
énoncés. Ainsi, compte tenu de la domination du français, Farida et Amaria produisent
aussi davantage de tours de parole en français que Linda.

En ce qui concerne les tendances dominantes dans cette quatrième conversation,


relatives au nombre de tours de parole produits par chacune des locutrices, nous constatons
que Farida est Linda convergent par des tours de parole mixtes, elles ont produit
respectivement 138 pour Farida (soit 55,87 % de l’ensemble des tours de parole qu’elle a
produit qui est de 247) et 28 pour Linda (soit 30,43 % de l’ensemble des tours de parole
qu’elle a produit) contre seulement 20 pour Amaria (soit 12,67 % de l’ensemble des tours
qu’elle a produit est qui de158). Toutefois, Amaria converge par des tours de parole en
français en produisant 98 (soit 62,02 % de l’ensemble des tours qui est de 58) pendant que
Farida en a produit 74 (soit 20,96 % sur l’ensemble des tours qu’elle a produit) et enfin
Linda avec seulement 11 tours de parole (soit 11,95 %). Outre la convergence par des tours
de parole mixtes, Linda converge également par des tours de parole en arabe dialectal, elle

204
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

a produit un total de 53 tours (soit 57,62 % sur un ensemble de 92 tours qu’elle a produit),
Amaria a produit 37 tours (soit 23,41 %) et Farida 33 tours (soit 13,66 %).

Parallèlement à ces résultats, les comparaisons selon les types de tours de paroles et
par locutrice nous permettent d’avoir plus de précisions sur chaque type. Sur un total de
183 tours de parole en français, Farida a produit 74 tours (soit 40,43 %), Amaria a produit
98 (soit 53,55 %) et Linda 11 (soit 06,62 %) ceci nous conduit, eu égard aux valeurs
soulignés plus haut, à dire qu’Amaria s’adapte plus par le français et les tours de parole en
français. S’agissant des tours de parole en arabe dialectal, nous constatons que le nombre
est nettement supérieur (soit 53 tours sur un total de 92 ce qui donne un taux de 43,09 %)
comprativement à Amaria qui en a produit 37 (soit 30,08 % sur l’ensemble des tours de
parole qu’elle a produit qui est de 158) et à Farida qui en a produit seulement 33 tours sur
un ensemble de 274 (soit 26,83 %). Enfin, pour ce qui est des tours de parole mixtes, nous
constatons que Farida vient en premier avec 138 tours (soit 71,19 %), Linda avec (15,06
%) et enfin Amaria avec (10,75 %). Ces taux montrent que Farida tend à converger par des
tours de parole mixtes en puisant dans les ressources de son répertoire que l’on peut
qualifier de bilingue.

Farida Amaria Linda Total


TP : français 40,43 % 53,55 % 06,02 % 183
74 98 11 (36,82 %)
29,96 % 62,02 % 11,95 %
TP : arabe 26,83 % 30,08 % 43,09 % 123
dialectal 33 37 53 (24,75 %)
13,36 % 23,41 % 57,62 %
TP : mixte 74,19 % 10,75 % 15,06 % 186
138 20 28 (37,43 %)
55,87 % 12,67 % 30,43 %
TP : nul 02 03 00 05
0,81 % 1,90 % (1 %)
Total par 247 158 92 497
locutrice (46,70 %) (31,79 %) (18,51 %) (100 %)
Tableau 16 : Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 4.

205
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

A B

70,00% 80,00% 74,19%


62,02%
57,62% 70,00%
60,00% 55,87%

60,00% 53,55%
50,00%
50,00% 43,09%
40,00% 40,43%
29,96% 30,43% 40,00%
30,00% 30,08%
23,41% 26,83%
30,00%

20,00% 15,06%
13,36% 12,67% 20,00%
11,95% 10,75%
10,00% 10,00% 6,02%
1,90% 0,30%0
0,20%
0,81% 0%
0,00%
0,00%
Fr ançais Ar abe dialect al Mixt e Nul
Farida Amaria Linda

Français Arabe dialectal Mixte Nul Far ida Amaria Linda

Graphiques représentant les tendances dominantes relatives au deuxième indice de la conversation 4.

En gros les tendances qui ressortent du tableau 17 restent relativement proches de


celles relevées pour la troisième conversation (qui est rappelons-le plus courte que la
quatrième qui est d’une durée de 31 minutes et 40 secondes), on constate encore une fois
que Farida participe plus que ses partenaires par un taux de participation qui s’élève à
46,70 % soit 247 tours de parole.

LME pour les TP de Farida 16,49


LME pour les TP de Amaria 03,59
LME pour les TP de Linda 06,27
LME pour l’ensemble de la conversation 10,88
Tableau 17 : Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de la
conversation 4.

206
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

18
16,49
16

14

12

10

8
6,27
6

3,59
4

0
LME

Farida Amaria Linda

Graphique représentant les tendances relatives au troisième indice de la conversation 4.

4 – 6. La cinquième conversation (C.5) : vers une compétence bilingue ?

Nous remarquons encore les mêmes écarts entre les trois locutrices à propos des
caractéristiques linguistiques citées (le nombre des unités par langue et par locutrice, les
tours de parole et la longueur des énoncés). C’est toujours Farida qui utilise plus d’unités
en français et produit plus de tours de parole mixtes que ses partenaires. Les pratiques
bilingues chez les trois locutrices sont très variables selon les thèmes abordés. De même
que les deux langues assument des fonctions différentes : clarifier une idée, se référer à une
caractéristique culturelle intraduisible, etc. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les
données varient d’une séquence à l’autre et les unités des deux langues augmentent ou
diminuent en fonction du taux de participation de chaque locutrice. Amaria met en pratique
régulièrement les deux langues avec presque la même fréquence et la même longueur
moyenne des énoncés par tours de parole. Dans cette conversation (C.5) comme dans les
précédentes, Linda intervient moins que Amaria mais produit un peu plus d’unités qu’elle,
ainsi la différence reste frappante en ce qui concerne l’utilisation de l’arabe dialectal et le
français. En effet, cette différence se présente de manière croisée par rapport à l’utilisation
des deux langues notamment chez Linda et Farida.

De l’examen des deux tableaux suivants qui présentent les résultats obtenus dans la
cinquième conversation (C.5), on souligne toujours la domination du français dont les

207
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

données sont comprises entre 2472 unités pour Farida (soit 74,32 %), 539 pour Amaria
(16,21 %) et 315 pour Linda (soit 9,47 %) soit un total de 3326 unités (soit 67,43 %).
Parallèlement aux résultats relatifs au français, les trois locutrices ont produit
respectivement 592 unités en arabe dialectal par Farida (36,86 %), 381 par Amaria (23,72
%) et 633 par Linda (soit 39,42 %) ce qui nous permet d’obtenir un total de 1606 unités
(soit 32,56 %). Pour comprendre les écarts entre les trois locutrices en ce qui concerne le
nombre des unités produites dans les deux langues nous allons mettre en exergue le
nombre des unités produites par chacune des trois locutrices. Pour Farida, qui a produit un
total 3064 unités (soit 62,12 %), le pourcentage des unités en français est nettement plus
élevé que celui de l’arabe dialectal (soit 80,67 % contre 19,33 %). En outre, Amaria a
produit 920 unités (soit 18,65 %) dont 41,41 % en arabe dialectal et 58,59 % en français.
Par ailleurs, Linda a produit 948 unités (soit 19,23 %) dont 18,89 % en arabe dialectal et
81,11 % en français. Les divergences de l’emploi des deux langues soulignées entre les
trois locutrices se traduisent comme dans les conversations précédentes par le fait que
Farida participe plus que ses partenaires en produisant des énoncés plus longs. La très forte
présence du français dans la conversation est due au fait que Farida participe plus que les
autres et utilise la langue qu’elle utilise fréquemment et couramment ici en Algérie et là-
bas en France.

Le nombre des unités en arabe dialectal (1606/4932) 32,56 %


Le nombre des unités en langue française (3326/4932) 67,43 %
Total 4932
Tableau 18 : Nombre des unités en arabe dialectal et en français dans la conversation 5.

80,00%
67,43%
70,00%
60,00%
50,00%
40,00% 32,56%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
Fréquence des unités

Arabe dialectal Français

Graphique représentant le poids des langues dans la conversation 5.

208
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Langues
Arabe dialectal Français Total
Locutrices
19,33 %
80,67 %
Farida 592 2472 3064
36,86 % 74,32 % 62,12 %
41,41 % 58,59 %
Amaria 381 539 920
23,72 % 16,21 % 18,65 %
81,11 % 18,89 %
Linda 633 315 948
39,42 % 9,47 % 19,23 %
32,56 % 67,43 %
Total 1606 3326 4932
100 %
Tableau 19 : Nombre des unités par locutrices en arabe dialectal et en français dans la conversation 5.

A B

90,00% 80,00% 74,32%


81,11% 80,67%
80,00% 70,00%
70,00%
60,00%
58,59%
60,00%
50,00%
50,00% 39,42%
41,41% 40,00% 36,86%
40,00%
30,00% 23,72%
30,00%
19,33% 18,89% 16,21%
20,00%
20,00%
9,47%
10,00% 10,00%

0,00% 0,00%
Arabe dialectal Français Farida Amaria Linda

Farida Amaria Linda Arabe dialectal Français

Graphiques représentant les tendances dominantes relatives au premier indice de la conversation 5.

Les données retenues dans cette conversation, relatives aux pourcentages des unités
produites par les trois locutrices dans les deux langues, rentrent en cohérence avec les
caractéristiques linguistiques des tours de parole. En effet, nous constatons que le nombre
de tours de parole produits par Farida est de 315 tours de parole (soit 47,08 %) ce qui
constitue la moitié des tours de parole produits dans l’ensemble de la conversation. De
même que le nombre des tours de parole en français et mixtes produits par Farida est très
élevé par rapport à ceux produits par ses partenaires. Linda quant à elle, produit plus de
tours de parole en arabe dialectal, soit presque la moitié de l’ensemble des tours produits
par Farida et Amaria en cette langue ; sur les 166 tours de parole elle en a produit 78 soit

209
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

46,98 % tandis que Farida en produit 26 soit un taux 15,66 % et Amaria 62 soit 37,34 %.
Cependant comme nous l’avons évoqué plus haut, le nombre des tours de parole en
français et mixtes renseigne sur l’importance du français dans la conduite de la
conversation et son caractère bilingue. Ainsi, Farida semble produire plus de tours de
parole mixtes que monolingues (179 tours mixtes soit 61,81 % ; 109 en français soit 51,41
% et 26 en arabe dialectal soit 15,66 %).

On s’aperçoit que le choix de langues et l’alternance codique se manifestent de


manière équilibrée dans les tours de parole d’Amaria. Sur les 186 tours de parole qu’elle a
produit on en a 60 en français soit 32,26 %, 62 en arabe dialectal soit 33,33 % et 62 mixtes
soit 33,33 %. Cet ajustement statistique montre qu’il s’agit d’une compétence bilingue
permettant à Amaria de s’adapter à ses interlocutrices sachant qu’elles n’ont pas la même
compétence en arabe dialectal et en français. Farida utilise majoritairement des tours de
parole en français souvent longs mais dans une proportion réduite par rapport aux tours de
parole mixtes qui représentent 56,83 % soit 179 tours. Ainsi, les tours de parole en français
représentent 34,60 % et ceux produits en arabe dialectal ne représentent que 8,25 % du
total de tours de parole de Farida qui est de 315 (soit 47,08 % de tours de parole produit
dans l’ensemble de la conversation).

Effectivement, les pourcentages obtenus, correspondant aux caractéristiques


linguistiques de l’ensemble des tours de parole produits par les trois locutrices, reflètent la
symétrie et l’asymétrie des répertoires verbaux. Ainsi, les écarts soulignés entre les trois
locutrices le montrent clairement. Farida et Amaria mobilisent respectivement les
ressources de leur répertoire verbal en s’inscrivant dans une dynamique interactive
bilingue marquée par des choix de langues et des alternances codiques où les deux langues
sont investies différemment. C’est toujours chez Farida et Amaria que le français est plus
fréquent soit en tours de paroles monolingues soit en tours de parole mixtes.

A l’inverse de ses partenaires, Linda produit plus de tours de parole en arabe


dialectal soit 78 tours sur l’ensemble des tours de parole produits par Farida et Amaria soit
46,98 % ce pourcentage correspond à celui relatif à l’ensemble des tours de parole qu’elle
produit elle-même qui est de 168 tours ; à ce propos les pourcentages oscillent entre 46,43

210
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

% pour l’arabe dialectal, 25,59 % pour le français et 26,19 % pour les mixtes. Cette
variation marquée par la domination de l’arabe dialectal semble liée aux insuffisances
manifestes qu’elle éprouve en langue française. On constate aussi que lorsque Linda
s’adresse directement à Amaria, elle utilise davantage l’arabe dialectal et vice versa.
De façon générale, les tours de parole mixtes sont fréquents chez les trois locutrices
chacune selon le nombre de tours qu’elles produisent. Ainsi, les pourcentages varient non
seulement entre les locutrices mais aussi au niveau des types de tours.

Farida Amaria Linda Total


TP : français 51,41 % 28,30 % 20,28 % 212
109 60 43 (31,50 %)
34,60 % 32,26 % 25,59 %
TP arabe dialectal 15,66 % 37,34 % 46,98 % 166
26 62 78 (24,66 %)
8,25 % 33,33 % 46,43 %
TP : mixte 62,81 % 21,75 % 15,44 % 285
179 62 44 (42,35 %)
56,83 % 33,33 % 26,19 %
TP : nul (01/06) (02/06) (03/06) 06+4
0,32 % 1,08 % 1,79 % (1,49 %)
Total : locutrice 315 186 168 669/673150
(47,08 %) (27,80 %) (25,12 %) (100 %)
Tableau 20 : Les spécificités linguistiques des tours de parole dans la conversation 5.

A B

70,00% 60,00% 56,83%


62,81%
60,00% 50,00% 46,43%
51,41%
50,00% 46,98%
40,00%
34,60% 33,33% 33,33%
37,34% 32,26%
40,00%
30,00% 25,59% 26,19%
28,30%
30,00%
21,75% 20,28% 20,00%
20,00% 15,66% 15,44%
8,25%
10,00% 10,00%
0,32% 1,08% 1,79% 0,32% 1,79%
1,08%
0,00% 0,00%
Farida Amaria Linda Français Arabe dialectal Mixte Nul

Français Arabe dialectal Mixte Nul Farida Amaria Linda

Graphiques représentant les tendances relatives au deuxième indice de la conversation 5.

150
Nous précisons qu’il y a quatre tours de parole qui ne rentrent pas en ligne de compte car ils sont relatifs
à une participante secondaire. Ce qui fait que pour le calcul des pourcentages correspondant au total des tours
de parole par chaque locutrice nous avons ôté les quatre tours en question.

211
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

L’observation du tableau 21 permet de voir que la longueur moyenne des énoncés


dans les tours de parole de Farida est toujours plus élevée que pour Amaria ou Linda.
Contrairement à la quatrième conversation, nous remarquons que la longueur moyenne des
énoncés est proportionnelle aux résultats relatifs aux autres indices. Ainsi, il semble que la
domination du français dans les interactions de Farida est relative à la longueur moyenne
des énoncés par tour de parole. Ceci est aussi valable pour les deux autres locutrices et
pour l’ensemble de la conversation. Il s’agit donc bien là d’une conversation bilingue où
les ressources langagières des deux langues mobilisées restent liées à la compétence des
locutrices et à leur degré de participation aux interactions.

LME pour les TP de Farida 09,72


LME pour les TP de Amaria 04,94
LME pour les TP de Linda 05,64
LME pour l’ensemble de la conversation 08,49
Tableau 21 : Longueur moyenne des énoncés pour chaque locutrice et pour l’ensemble de la conversation 5.

12
9,72
10

8
5,64
6 4,94

0
LME

Farida Amaria Linda

Graphique représentant les tendances relatives au troisième indice de la conversation 5.

En somme, les tendances dominantes soulignées dans les cinq conversations


montrent qu’il s’agit d’un parler bilingue où les trois locutrices mobilisent leurs ressources
respectives de façons diverses. Une des caractéristiques de ce parler bilingue est
l’alternance codique des tours de parole mixtes qu’on analysera dans la troisième partie.

212
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Ces tendances prennent d’autant plus d’importance quand on analyse des extraits
contenant quatre ou cinq tours de parole. Nous avons de nombreux échanges où les
locutrices produisent des énoncés complètement en français ou en arabe dialectal et
d’autres mixtes. Par ailleurs, dans certains tours de parole on relève une ou deux unités de
l’arabe dialectal insérées dans un segment contenant une dizaine d’unités en français et
vice versa. Le choix de langues et l’alternance codique sont en effet des pratiques
courantes des locuteurs bilingues ou manifestant une compétence bilingue. Les locutrices
opèrent dans bien des cas des choix de langues qui expriment mieux l’idée qu’elles veulent
transmettre.

4 – 7. Remarques synthétiques sur les cinq conversations

Pour préciser encore l’importance des chiffres obtenus dans les tableaux ci-dessus
relatifs aux différentes situations, il est primordial de mettre en exergue la longueur
moyenne des énoncés afin d’expliquer le poids des deux langues dans les échanges entre
les trois locutrices sans tomber dans la généralisation.

Les mises à plat des valeurs obtenues dans les cinq conversations montre le degré
d’endurance et renseigne sur la nature151 de la prise de parole chez les trois participantes et
le degré de développement des ressources de leur répertoire verbal. Par endurance nous
entendons la capacité de produire des énoncés longs et des prises de parole conséquentes
(achevées et sans hésitations). Nous pouvons souligner à ce propos chez les deux locutrices
non-immigrées l’usage d’un seul mot sous forme de mots phrase dans plusieurs séquences
(nous reviendrons sur ce type d’exemple ultérieurement). Il s’agit dans la plupart des cas
pour les deux locutrices non-immigrées d’une adhésion ou une ratification des propos de
leur interlocutrice qu’elles expriment par des marqueurs d’accord comme « oui » ou
« mmh ». Le nombre de tours de parole de ce genre est très élevé dans les cinq
conversations.

151
Il s’agit dans la plupart des cas pour les deux locutrices non-immigrées d’une adhésion ou une ratification
des propos de leur interlocutrice qu’elles expriment par des oui ou des mmh. Le nombre de tours de parole de
ce genre est très élevé dans les cinq conversations.

213
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Ces moyennes restent relativement pertinentes compte tenu des écarts mis en
évidence entre les locutrices surtout si l’on tient compte de la fréquence et de la répartition
des langues pour chacune des trois locutrices. Cependant, la longueur moyenne des
énoncés est à prendre en considération en ce qui concerne la domination des deux langues
dans les interactions et le degré de maîtrise.

De manière générale, ces tendances apparaissent comme révélatrices de la présence


et du choix des deux langues dans les conversations. Les écarts soulignés sont des
indicateurs à la fois des asymétries des répertoires et d’une compétence bilingue. Il s’agit
également d’adaptation linguistique et d’intention d’adaptation étant donné que les trois
locutrices affichent des attitudes positives et des stratégies de convergence (cf. HAMERS &
BLANC, 1983). Nous pouvons également expliquer les écarts concernant la longueur des
énoncés par d’autres facteurs, l’insécurité linguistique affichée, l’inachèvement des
énoncés, la fréquence des formules de ratification et d’adhésion qui se limitent à une152 ou
deux unités, les places conversationnelles, l’hésitation récurrente et le jeu de figuration qui
se manifestent par des éléments comme les régulateurs hein, mmh, etc.

Enfin, la longueur moyenne des énoncés dans les cinq conversations, le nombre des
tours de parole par participante et la fréquence des unités des deux langues montrent que le
changement de code se réalise principalement en fonction du locuteur, de la situation ou du
thème abordé153. Nous pouvons en effet souligner que le degré de participation et la
fréquence de l’emploi de l’arabe dialectal et/ou du français augmente ou diminue
principalement selon les motivations des locutrices et les habitudes langagières. Précisons
que les différences existantes entre les trois locutrices concernent beaucoup plus le choix
exclusif de l’arabe dialectal ou du français selon les dyades (Farida/Amaria ; Farida/Linda ;
Amaria/Farida ; Amaria/Linda : Linda/Farida ; Linda/Amaria). En effet, Farida converge
avec ses interlocutrices soit par le français (avec Amaria) soit par l’arabe dialectal (avec
Linda) tout en maintenant le français comme langue forte pour le faire avec les deux.
Amaria converge plus par des tours de parole en arabe dialectal avec Linda et par des tours
de parole exclusivement en français avec Farida. Chez Linda, la langue dominante reste

152
Nous reviendrons sur la question de l’alternance codique intra-actes notamment l’alternance unitaire.
153
Nous aborderons ces questions en détail à l’aide d’exemples dans l’analyse qualitative.

214
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

l’arabe dialectal, le français est employé sous forme de tours de parole très courts que ce
soit avec Amaria ou avec Farida.

Par ailleurs, lorsque nous considérons les énoncés reçus et les énoncés produits,
nous constatons que chacune des trois locutrices tend à s’adapter en produisant, dans la
foulée des interactions, des énoncés qui convergent avec ce qui précède et amorcent ce qui
va suivre.

215
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Arabe dialectal Français TP : arabe dialectal TP : français TP : mixtes TP : nuls LME


Amaria 646 (45,82 %) 3270 (80 %) 99 (83,89 %) 120 (47,81 %) 83 (35,02 %) 2 (0,65 %) 4,81
Conversation 1 Farida 764 (54,18 %) 817 (20 %) 19 (16,10 %) 131 (52,19 %) 154 (64,98 %) 00 13,26
Total 1410 (5497) 4087 (5497) 118 251 237 02 9,04

Arabe dialectal Français TP : arabe dialectal TP : français TP : mixtes TP : nuls LME


Amaria 155 (28,24 %) 239 (11,74 %) 30 (76,92 %) 50 (60,24 %) 23 (26,14 %) 5 (83,34 %) 3,64
Conversation 2 Farida 394 (71,76 %) 1797 (88,26 %) 09 (23,08 %) 33 (39,76 %) 65 (73,86 %) 1 (1-,66 %) 20,28
Total 549 (2585) 2036 (2585) 39 83 88 06 11,96

Arabe dialectal Français TP : arabe dialectal TP : français TP : mixtes TP : nuls LME


Amaria 42 (5,45 %) 27 (1,83 %) 19 (54,28 %) 11 (47,82 %) 05 (09,80 %) 1 (1,82 %) 1,91
Farida 625 (81,16 %) 1418 (96,52 %) 03 (08,58 %) 10 (43,48 %) 41 (80,40 %) 1 (2,77 %) 73,14
Conversation 3 Linda 103 (13,37 %) 24 (1,65 %) 13 (37,14 %) 02 (08,69 %) 05 (09,80 %) 2 (09,09 %) 5,77
Total 770 (2239) 1469 (2239) 35 23 51 04 19,81

Arabe dialectal Français TP : arabe dialectal TP : français TP : mixtes TP : nuls LME


Amaria 116 (8,51 %) 452 (11,74 %) 37 (30,08 %) 98 (53,55 %) 20 (19,75 %) 03 (01,90 ¨%) 03,59
Conversation 4 Farida 841 (61,65 %) 3233 (83,99 %) 33 (26,83 %) 74 (49,43 %) 138 (74,19 %) 02 (00,81 %) 16,49
Linda 407 (29,84 %) 164 (4,27 %) 53 (43,09 %) 53 (43,09 %) 28 (15,06 %) 00 06,27
Total 1346 (5213) 3849 (5213) 123 183 186 5 10,88

Arabe dialectal Français TP : arabe dialectal TP : français TP : mixtes TP : nuls LME


Amaria 381 (23,72 %) 539 (16,21 %) 26 (15,66 %) 60 (28,30 %) 62 (21,75 %) 02 (1,08 %) 4,94
Conversation 5 Farida 592 (36,86 %) 2472 (74,32 %) 62 (37,34 %) 109 (51,41 %) 179 (62,81 %) 01 (00,32 %) 9,72
Linda 633 (39,42 %) 315 (9,47 %) 78 (46,98 %) 43 (20,28 %) 44 (15,44 %) 03 (01,79 %) 564
Total 1606 (4932) 3326 (4932) 166 212 285 06 8,49

Tableau 22 : Tableaux synthétiques des résultats correspondant aux trois indices par langues.

216
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Farida Amaria
Français 3270/4043 (81,06 %) 817/1463 (55,84 %)
Arabe dialectal 764/4043 (18,94 %) 646/1463 (44,16 %)
Total 4034L5497 (73,38 %) 1463/5497 (26,62 %)
Conversation 1 TP : français 311/304 (43,09 %) 120/304 (39,46 %)
TP : arabe dialectal 19/304 (05,92 %) 99/304 (32,56 %)
TP : Mixtes 154/304 (50,65 %) 83/304 (27,63 %)
TP : nuls 00 02/304 (0,65%)
Total 304 304

Farida Amaria
Français 1797/2191 (82,02 %) 239/394 (60,66 %)
Arabe dialectal 394/2585 (17,98 %) 155/394 (39,34 %)
Conversation 2 Total 2191/2585 (84,75 %) 394 (15,25 %)
TP : français 33/108 (30,55 %) 50 (46,29 %)
TP : arabe dialectal 09/108 (08,34 %) 30 (27,78 %)
TP : Mixtes 65/108 (60,19 %) 23 (26,14 %)
TP : nuls 01/108 (00,92 %) 05 (04,63 %)
Total 108 108

217
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Farida Amaria Linda


Français 1418/2043 (69,41 %) 27/69 (39,14 %) 24/127 (18,89 %)
Arabe dialectal 625/2043 (30,59 %) 42/69 (60,86 %) 103/127 (81,11 %)
Conversation 3 Total 2043/2239 (91,24 %) 69/2239 (03,09 %) 127/2239 (05,67 %)
TP : français 10/55 (18,18 %) 11/36 (30,55 %) 02/22 (09,09 %)
TP : arabe dialectal 03/55 (05,46 %) 19/36 (52,77 %) 13/22 (59,09 %)
TP : Mixtes 41/55 (74,54 %) 05/36 (13,88 %) 05/22 (22,72 %)
TP : nuls 01/55 (01,82 %) 01/36 (02,77 %) 02/22 (09,09 %)
Total 55 36 22

Farida Amaria Linda


Français 3233/4074 (79,35 %) 452/568 (79,58 %) 164/571 (28,73 %)
Arabe dialectal 841/4074 (20,64 %) 116/568 (20,42 %) 407/571 (71,27 %)
Conversation 4 Total 4074/5213 (78,15 %) 568/5213 (10,89 %) 571/5213 (10,96 %)
TP : français 74/247 (29,96 %) 98/158 (62,02 %) 11/92 (11,95 %)
TP : arabe dialectal 33/247 (13,36 %) 37/158 (23,41 %) 53/92 (5762 %)
TP : Mixtes 138/247 (55,87 %) 20/148 (12,67 %) 28/92 (30,43 %)
TP : nuls 02/247 (00,81 %) 03/158 (01,90 %) 00
Total 247 158 92

Farida Amaria Linda


Français 2472/3064 (80,67 %) 539/920 (58,59 %) 315/948 (18,89 %)
Arabe dialectal 592/3064 (19,33 %) 381/920 (41,41 %) 633/948 (81,11 %)
Conversation 5 Total 3064/4932 (62,12 %) 920/4932 (18,65 %) 948/4932 (19,23 %)
TP : français 109/315 (34,60 %) 60/186 (32,26 %) 43/168 (25,59 %)
TP : arabe dialectal 26/315 (0825 %) 62/86 (33,33 %) 78/168 (46,43 %)
TP : Mixtes 179/315 (56,83 %) 62/86 (33,33 %) 44/168 (26,19 %)
TP : nuls 01/315 (00,32 %) 02/86 (01,08 %) 03/168 (01,79 %)
Total 315/669 186/669 168/669

Tableau 23 : Tableaux synthétiques des résultats correspondant aux trois indices par locutrices.

218
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Quelques constats s’imposent pour synthétiser les résultats principaux avant de se


pencher sur les caractéristiques des trois locutrices.

Premier constat : le français est omniprésent dans les cinq conversations, c’est aussi la
langue que les deux locutrices non-immigrées disent employer et maîtriser à côté de
l’arabe dialectal. Il en est de même pour la locutrice issue de l’immigration concernant
l’arabe dialectal puisque ce dernier est déclaré être présent dans son environnement
familial là-bas en France. Le répertoire verbal des trois locutrices a été développé sous la
dépendance des différentes sphères de socialisation : la famille, l’école, les groupes de
pairs et le pays d’origine des parents pour la descendante de l’immigration (voir la
biographie et le profil langagier des trois locutrices). Dans les deux cas (locutrice
immigrée/locutrices non-immigrées) l’arabe dialectal constitue une langue de première
socialisation. En effet, la descendante de l’immigration a déclaré qu’elle a toujours
employé l’arabe dialectal dans les échanges familiaux surtout avec ses parents.

Second constat : la perception des différences ou des insuffisances de part et d’autre et le


jugement que les locutrices portent sur leurs compétences permettent à la fois l’adaptation
et la négociation d’une langue de base selon la situation, la/le(s) participante(s) et le thème.
Tout comme l’efficacité de la communication qui est sous la dépendance de la gestion
conjointe des interactions et de la mobilisation du répertoire. Ajoutons également que la
fréquence des deux langues et la longueur moyenne des énoncés dans les conversations
sont des indices déterminants de la place qu’occupe chacune des langues chez les trois
locutrices (comme langue de base ou langue « matrice »). Ce que nous allons explorer de
façon plus détaillée à présent.

4 – 8. Les répertoires verbaux des trois locutrices : quelles spécificités ?

Afin de bien cerner les tendances dominantes dans les interactions, un travail centré
sur chacune des locutrices s’impose. Vu l’étendue de notre corpus, nous n’avons pas pu

219
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

analyser quantitativement tous les énoncés reçus et produits154 pour chaque locutrice. Nous
nous contentons, outre les trois indices en question, de l’analyse de quelques extraits
représentatifs à travers lesquels chacune des locutrices s’adapte à ses interlocutrices et à la
situation. En effet, tout semble indiquer qu’il s’agit de conversations bilingues où les trois
locutrices mobilisent les ressources de leur répertoire verbal en s’adaptant mutuellement.
De même l’analyse quantitative montre que les choix de langues et les alternances
codiques représentent les outils discursifs pour maintenir l’interaction.

En somme, il semble que les trois locutrices présentent des compétences bilingues
tant en production qu’en réception. En effet, elles n’utilisent pas le français et l’arabe
dialectal avec la même fréquence et avec la même aisance mais elles comprennent bien ce
qui se dit dans les deux langues. Nous affinerons ces résultats pour chacune des locutrices.

4 – 8 – 1. Farida : fréquence du français et convergence par des tours de parole mixtes

Comme nous avons pu le constater à travers les analyses précédentes, Farida utilise
le français plus que ses partenaires. Elle est aussi la plus active, prend la parole plus
qu’elles et mobilise les ressources de son répertoire bilingue de manière intense. En effet,
ceci est bien démontré à travers la répartition codique où l’on trouve des tours de parole
monolingues (en arabe dialectal ou en français) et des tours de parole mixtes, indices d’une
pratique bilingue très variée. Il arrive que Farida s’adresse à Amaria exclusivement en
français, en revanche avec Linda les échanges se déroulent soit en tours de parole mixtes
soit exclusivement en arabe dialectal. Amaria sert le plus souvent d’intermédiaire, c’est par
elle que transitent les deux locutrices en lui adressant directement la parole. Il en est de
même pour Farida qui, dans certains cas traduit, reformule, fournit, complète ou explique
certains éléments du français ignorés ou recherchés par ses partenaires.

154
Ceci peut s’apparenter à ce que Nassira MERABTI (1991, 1992) a tenté de montrer chez un groupe
d’adolescents issus de l’immigration algérienne en France en s’appuyant sur les réseaux personnels de
relations voire de communication.

220
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Nous pouvons représenter155 les pratiques langagières par tour de parole de Farida comme
suit :

a. Emploi exclusif du français


Farida Amaria
Farida Linda

b. Emploi exclusif de l’arabe dialectal


Farida Amaria
Farida Linda

c. Emploi alternatif des deux langues


Farida Amaria
Farida Linda

Français
Arabe dialectal
Français/arabe dialectal

Les trois représentations montrent que les choix de Farida se portent d’abord sur
le français, langue qu’elle a l’habitude d’employer dans son environnement. Elle l’utilise
plus avec Amaria qu’avec Linda. L’emploi exclusif de l’arabe dialectal diminue chez
Farida, on constate qu’elle ne l’utilise pas avec la même fréquence, que ce soit avec
Amaria ou avec Linda, comparativement au français ou aux énoncés mixtes qu’elle utilise
fréquemment avec les deux. De fait, la fréquence de l’alternance français/arabe dialectal se
justifie par la nécessité de s’adapter à ses interlocutrices et par le fait qu’elle possède une
compétence bilingue. Elle puise le plus souvent dans chacune des deux langues pour

155
Les représentations schématiques nous permettent de caractériser les réseaux de communication par
dyades. La direction des flèches indique le type de langues employées (seules ou alternées) par une locutrice
avec son interlocutrice. La flèche montante indique un emploi dominant des langues, la flèche descendante
indique un emploi minime des langues et la flèche horizontale indique un emploi équilibré des langues entre
les locutrices.

221
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

s’adresser à ses partenaires au cours des interactions, les trois solutions possibles (relatives
au choix de langues et à l’alternance codique) le montrent clairement (voir a, b et c).

Les échanges entre Farida et Amaria sont généralement dominés par des tours de
parole en français et mixtes alors que les tours de parole en arabe dialectal proviennent
surtout d’Amaria. Même si Farida en produit, elle le fait différemment selon les thèmes
abordés, l’interlocutrice et la relation-rôle.

Avec Linda les choses sont différentes, Farida produit plus de tours de parole mixtes
avec plus d’éléments en français qu’en arabe dialectal alors que Linda produit des tours de
parole contenant plus d’éléments en arabe dialectal qu’en français dans des énoncés courts.

4 – 8 – 2. Amaria : l’adaptation par le choix de langues et l’alternance codique

Pour Amaria l’usage du français, langue acquise dans et à travers divers réseaux
sociaux (l’école, la famille, les proches etc.), reste relativement partiel. En effet, Amaria,
parle souvent en arabe dialectal même si le français est présent dans son environnement et
qu’elle emploie elle-même, occasionnellement mêlé ou alterné, avec l’arabe dialectal. Il a
été fait mention que le français en Algérie est employé de manières très diverses ; il en est
de même pour l’arabe dialectal en milieu familial chez les familles issues de l’immigration
algérienne en France. De fait, on s’aperçoit que Amaria possède un répertoire verbal
bilingue suffisant pour communiquer avec Farida même quand cette dernière ne parle
qu’en français. C’est notamment l’adaptation mutuelle qui dynamise leurs interactions et
contribue à la réactivation de leur répertoire puisqu’elles n’utilisent pas leur deuxième
langue avec la même fréquence. La similitude156 entre l’environnement familial respectif

156
Ici, nous nous référons à la présence et à l’utilisation des deux langues en milieu familial. En général, la
politique familiale concernant l’utilisation de la langue de la culture d’origine par les membres de la famille
(surtout pour les familles issues de l’immigration algérienne en France) dépend du rôle des parents comme
passeurs de langue, des allers-retours au pays d’origine qui offrent des occasions de contact avec la langue
d’origine des parents et de la volonté des enfants eux-mêmes à apprendre et à parler cette langue. Selon les
déclarations de Farida, qui est à la fois participante aux conversations et informatrice, elle a toujours utilisé
l’arabe dialectal avec les membres de sa famille notamment ses parents et son mari qui a émigré il y a cinq
ans. Beaucoup d’études ont été consacrées aux représentations et aux pratique langagières voire au maintien
de la langue et de la culture d’origine chez les descendants de l’immigration (BILLIEZ, 1985 ; BILLIEZ et al.,

222
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

d’Amaria et de Farida rend possible la communication par la mobilisation des différentes


ressources de leurs répertoires bilingues respectifs. Il s’ensuit que le contexte social est à
priori favorable à l’usage des deux langues à la fois pour l’immigrée en France et pour les
non-immigrées en Algérie.

Nous pouvons synthétiser les pratiques langagières d’Amaria comme suit :

a. Emploi exclusif du français


Amaria Farida
Amaria Linda

b. Emploi exclusif de l’arabe dialectal


Amaria Farida
Amaria Linda

c. Emploi alternatif des deux langues


Amaria Farida
Amaria Linda

4 – 8 – 3. Linda : la convergence par l’arabe dialectal et les mixtes

De façon générale, on constate que Linda produit moins d’unités en français que
ses partenaires. Les échanges adressés à Amaria se font généralement en arabe dialectal.
Nous pouvons dire aussi que Linda produit moins de français qu’elle n’en reçoit de ses
partenaires. Elle l’emploie en revanche – quand elle s’adresse à Farida – d’une manière
fragmentaire. En fait, les pauses, les hésitations, les énoncés inachevés et la longueur des
énoncés renseignent sur l’asymétrie dans le degré de maîtrise du français. Même si dans de
nombreux cas Linda réussit des tours de parole entiers en français elle, recourt le plus
souvent à l’alternance codique où elle insère des éléments du français. Ainsi, on dira que la

2003.a et BILLIEZ et al., 2003.b ; BILLIEZ 2004.b). En effet, ces travaux montrent que les filles sont les
gardiennes de la langue et de la culture d’origine.

223
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

langue de base dans les échanges de Linda demeure l’arabe dialectal alors que le français
est la langue enchâssée.
Linda a tendance donc à utiliser davantage l’arabe dialectal et des tours de parole mixtes en
interaction avec ses partenaires. Ainsi, la répartition codique se présente selon l’ordre
suivant : arabe dialectal, mixtes et français. Ce qui nous amène à caractériser l’adaptation
de Linda et à la définir comme une partenaire interactive à part entière et comme une
bilingue en devenir (LÜDI & PY, 2003). En outre, le niveau productif et le niveau réceptif
déterminent l’adaptation linguistique mutuelle comme c’est le cas dans l’adaptation
linguistique parentale (RONDAL, 1983 : 98).

Nous pouvons représenter les pratiques langagières de Linda comme suit :

a. Emploi exclusif du français


Linda Farida
Linda Amaria

b. Emploi exclusif de l’arabe dialectal


Linda Farida
Linda Amaria

c. Emploi alternatif des deux langues


Linda Farida
Linda Amaria

L’observation des représentations schématiques des pratiques langagières par


dyades a permis de voir non seulement la domination du français dans les échanges de la
locutrice immigrée mais aussi la récurrence de l’alternance codique qui se révèle
déterminante dans les relations-rôles.

224
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

5. Caractéristiques linguistiques des cinq conversations

C’est au vu des fonctions remplies par les deux langues, et des domaines auxquels
elles sont liées, que les locutrices choisissent l’une ou l’autre langue. Dans notre corpus
nous soulignons plusieurs tendances quant au choix de langues. Ainsi, les alternances
codiques sont motivées par les finalités des échanges sociaux qui peuvent résulter du choix
d’une langue ou de l’autre.

Les tendances dominantes soulignées dans les cinq conversations sont les suivantes :

- l’ordre en tours monolingues (français ou arabe dialectal) et en tours


mixtes ou bilingues (français et arabe dialectal) qui diffère d’une
locutrice à l’autre et d’une situation à l’autre ;
- la prédominance du français dans les cinq conversations ;
- l’importance relative des tours de parole mixtes qui varient selon les
locutrices et la conversation ;
- des usages de l’arabe dialectal qui varie beaucoup selon les
locutrices.

Deux possibilités peuvent être dégagées de ces tendances qui renvoient à une compétence
bilingue :

1. L’emploi de la langue de l’interlocutrice et l’adaptation à la situation comme indice


d’une compétence bilingue.

2. L’emploi des deux langues (sous formes d’alternances codiques) par les trois
locutrices comme à la fois indice de maîtrise partielle de l’une des deux langues ou
d’incapacité de produire des énoncés monolingues longs et complets en cette même
langue.

Dans le premier cas, il s’agit de l’emploi de la première langue de la locutrice (ou


celle qu’elle a l’habitude d’utiliser dans son environnement) par l’interlocutrice. Ainsi,

225
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

l’écart ou l’équilibre peuvent être interprétés comme indice d’une compétence bilingue de
l’interlocutrice qui cherche à s’adapter à la situation et à son partenaire.

Dans le second cas, la maîtrise du français n’est pas assez solide chez les locutrices
non-immigrées pour maintenir un échange entier en français comme leur interlocutrice
immigrée. Il en est de même pour l’immigrée en ce qui concerne l’arabe dialectal. Cette
solution de mobiliser les deux langues est motivée par une stratégie de convergence et
d’ajustement avec l’interlocuteur qui se fait au fur et à mesure du déroulement des
échanges. C’est ainsi que la locutrice ‘‘faible’’ n’ayant pas l’habitude d’employer L2
développe son répertoire verbal et/ou le réactive.

Quantitativement, la langue de base semble être le français mais, sur le plan


structurel, les deux langues fournissent des éléments grammaticaux pour la construction
des énoncés. En nous référant aux recherches de Shana POPLACK (1980) et de David
SANKOFF et Shana POPLACK (1980) nous pouvons parler de l’existence de trois grammaires
puisqu’il s’agit d’un choix tridimensionnel où se concrétisent : une grammaire de l’arabe
dialectal, une grammaire du français et une grammaire mixte. Quand un changement de
langue se produit à l’intérieur d’un même acte (alternance intra-acte : unitaire ou
segmentale) les locuteurs ont tendance à utiliser les deux grammaires en régulant leurs
actes sans contraintes syntaxiques. Il est à noter que les deux grammaires sont mises en
œuvre d’une manière interdépendante et congruente qui ne remet pas en cause
l’interaction. Ainsi, nous pouvons parler à la suite de Georges LÜDI et Bernard PY (2003)
de « grammaire de choix de langue ».

6. Choix et alternances de langues marqués/non marqués

Les trois locutrices mettent en pratique leurs compétences linguistiques en optant


pour des choix de langue « marqués et non marqués ». Le choix de l’arabe dialectal ou du
français par la locutrice immigrée et ses partenaires non-immigrées ouvre en effet le champ
de la négociation qui tient compte des asymétries des répertoires et par là permet
l’utilisation des deux langues à la fois. Selon Carol MYERS-SCOTTON (1983) le principe de

226
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

négociation s’articule autour de trois maximes : la maxime de choix non marqué, la


maxime du choix marqué et la maxime du choix d’exploration. Celles-ci permettent de
rendre compte des motivations sociales des alternances codiques et d’établir une typologie
correspondante. La position sociale de la locutrice immigrée en tant que « hôte » au sein de
la maison de la belle famille lui donne un certain privilège. Cette position « privilégiée »157
de la descendante de l’immigration relève des normes culturelles spécifiques à la société
algérienne.
Nous soulignons tout au long des interactions que Farida emploie fréquemment le français.
Par contre ses partenaires optent pour des choix marqués qui visent à réduire la difficulté
langagière relative à la longueur de l’énoncé (endurance). Cette stratégie d’atténuation
donne la possibilité aux interlocutrices, qui possèdent quand même une connaissance
suffisante des deux langues158, de négocier le code et de construire leurs énoncés à partir de
la langue matrice (MYERS-SCOTTON, 1983).
En ce qui concerne la possibilité de choisir l’une ou l’autre langue, les locutrices négocient
ce choix de manières différentes, par exemple Farida a demandé à sa partenaire Amaria de
parler en arabe dialectal quand elle a senti la difficulté éprouvée par celle-ci (extrait 5).

Extrait 5, conversation 1 (C.1)


A.ni. 529 : pour le moment tu ne travailles pas ?
F.ii. 530 : non + non je ne travaille pas ++ je vais élever ma fille
+++ elle m’a ramené un très beau cadeau ++ el Hamdullah ++
(Dieu soit loué) mais nchalah (si Dieu veut) je souhaite comme je
l’ai dit ++ comme je te l’ai déjà dit ++ je travaille dans
l’aéroport wella (ou bien) dans le paramédical
A.ni. 531 : maintenant ++ il y a huit mois
F.ii. 532 : oui huit mois !
A.ni. 533 : tu vas passer deux années sans travail ?
F.ii. 534 : j’ai passé ?
A.ni. 535 : ella (non) tu vas passer
F.ii. 536 : encore [deux=années sans travail !
A.ni. 537 : [deux=années sans travail
F.ii. 538 : [pourquoi ?
A.ni. 539 : avec euh +++ à cause de ta fille
F.ii. 540 : pourquoi + pourquoi + tu me dis ça ? pourquoi tu me

157
Par position privilégiée nous entendons une relation sociale centrale qu’occupe la descendante de
l’immigration dans ses rapports avec ses partenaires ou avec les membres de la belle famille ou encore avec
les membres de sa propre famille en l’occurrence les grands-parents, les oncles, les tantes, les cousins et les
cousines. Dans le domaine de la belle famille ces « relations-rôles » sont pertinentes dans les rencontres
intrafamiliales. Elles sont plus pertinentes encore pour ce qui est des divergences des répertoires entre les
trois locutrices par rapport aux deux catégories locutrices fortes/faibles.
158
Même si au niveau de la production leurs énoncés ne sont pas conséquents elles arrivent quand même à
comprendre presque tout ce que leur partenaire dit.

227
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

demande de rester deux=ans ?


A.ni. 541 : ella çla khaTer ki (non parce que quand) [comme on dit
F.ii. 542 : [hadri bel çarbiyya (parle
en arabe)
A.ni. 543 : zeçmak ++ ki ntina tkoun tekhdem ++ bentek kifach ?
< ------ ?> (et quand tu es au travail + ta fille comment ?)
F.ii. 544 : ah ! bein ++ il faut s’organiser

La négociation de la langue est illustrée par le tour de parole (F.ii. 542) où Farida
demande à Amaria de parler en arabe (hadri bel çarbiyya) en changeant elle-même de
langue, ce choix de langue marqué a pour but de mettre fin à la difficulté survenue lors de
l’interaction. Aussitôt Amaria passe à l’arabe dialectal après plusieurs échanges en français
contenant des alternances codiques intra-intervention (segmentales et unitaires) limités à
des éléments fonctionnels (conjonctions, des adverbes ou des expressions figées qui
renvoient aux invocations à Dieu). Le recours à l’arabe dialectal est un choix de langue
marqué dont le but est à la fois de clarifier le sens et de pallier les insuffisances
d’expression en français.

Ainsi, dans les cinq conversations, les sujets abordés par les locutrices favorisent
l’emploi des deux langues selon des choix marqués et des choix non marqués. Pour ces
derniers (c'est-à-dire les choix non marqués), que Georges LÜDI et Bernard PY (2003)
dénomment également « discours bilingue », le traitement du code se fait conformément
aux normes et aux conventions attendues dans un contexte donné en se rattachant à un
ensemble de droits et obligations (MYERS-SCOTTON, 1988). De ce fait les locuteurs
adhèrent aux normes et maintiennent leurs places conversationnelles159 alors que dans le
choix marqué le locuteur entend renégocier sa position par rapport à celle qui est attendue
dans une situation donnée.

Chez la locutrice immigrée et ses partenaires le choix entre les deux langues ou les
deux à la fois s’effectue de plusieurs façons qui diffèrent selon les facteurs cités plus haut.
L’utilisation de l’une ou l’autre langue par les trois locutrices est motivée principalement
par le besoin d’être comprises. De même que les alternances codiques qu’elles produisent

159
Il s’agit des positions (haute et/ou basse) qui structurent la relation interpersonnelle des partenaires d’une
conversation. Les places interactionnelles sont prédéterminées dans le contexte socio-institutionnel par
plusieurs facteurs tels que le statut social des interactants, leur position institutionnelle, leur âge, leur
compétence, etc. (KERBRAT-ORECCHIONI, 1988).

228
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

peuvent être expliquées soit par un changement survenant dans la situation soit par rapport
au sujet évoqué lors de la conversation. Tel est le cas lorsque, dans une séquence initiée en
français ou en arabe dialectal, se manifeste un changement de langue ou une alternance
codique. Le va-et-vient entre l’arabe dialectal et le français montre que c’est le français qui
prédomine dans les échanges où la locutrice immigrée est présente en tant que participante
active. Ceci amène ses partenaires à alterner les deux langues en insérant un nombre
important d’unités en arabe dialectal160. Il semble que l’arabe dialectal convient mieux
pour certains sujets comme le mariage, l’Aïd, le ramadan et les habitudes culinaires c’est
pourquoi elles ont tendance, d’ailleurs toutes les trois, à introduire plus d’unités de l’arabe
dialectal dans des tours de parole mixtes qui traitent de ces sujets.

Dans les deux extraits suivants (6 et 7), les choix et les alternances codiques
correspondent aux thèmes abordés et aux relations-rôles. On voit qu’il y a une adaptation
mutuelle entre les trois locutrices. Elles mobilisent les ressources de leur répertoire qui
comprend des formes de l’arabe dialectal et du français répartis en tours de parole mixtes
ou monolingues. Dans l’extrait 6, Linda introduit en arabe dialectal les thème du ramadan
en demandant à Farida comment les immigrés le passent en France. Farida demande
confirmation par une question qu’elle formule en français (F.ii. 273 : ramadan ?). Les trois
locutrices opèrent des choix de langue en essayant de s’adapter au mieux à la situation et
au contexte, d’autant plus que la nature du thème abordé a suscité tout au long des
échanges des recours à la langue arabe dialectal pour désigner un monde référentiel
spécifique.

Extrait 6, conversation 4 (C.4)


L.ni. 272 : w’ramdan + kich zeçma temma ? (et le ramadan là-bas + comment ça se passe
?)
F.ii. 273 : ramadan ?
L.ni. 274 : l’(le) ramadan kima hakda (comme ça) les jeunes temma (là-bas) ils
sont kif’na (comme nous)
F.ii. 275 : wah y’Somo (oui il font le carême) + non + non pas tous + euh
franchement + euh  bon + les bons Musulmans [ysomo ghaya (il
font correctement le carême)
L.ni. 276 : [é:h ! (oui !)
F.ii. 277 : [tous en
famille Hamdoullah + kayen + (Dieu sit loué + il y a) dans mon

160
A l’inverse chez Linda c’est le français qui est employé comme langue enchâssée.

229
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

quartier déjà là-bas fi (à) LILLE Sud il y a un jamaç (une


mosquée) + tous leu:: les jours euh + ettarawiH (les prières du
ramadan)
A.ni. 278 : ettarawéH ? (les prières du ramadan ?)
F.ii. 279 : franchment euh !
L.ni. 280 : ghaya ! (c’est bien !)
F.ii. 281 : mais franchement il y a beaucoup de jeunes aussi xxx
L.ni. 282 : w’tessemçou el ada:ne temma ? (et vous entendez l’appel aux prières là-bas
?)
F.ii. 283 : non on ne peut pas 
L.ni. 284 : le:: + le::::
F.ii. 285 : c’est pas possible c’est pas xxx dans leur pays ma
yenjmouch + wellah ! (ils ne peuvent pas + je te le jure !)
A.ni. 286 : iyya w’kich taçamlou ? w’bach yetsemma ++ bach tessemçou’h
[teffet’rou (et comment vous faites ? comment vous l’entendez c'est-à-dire quand
vous l’entendez vous mangez)
F.ii. 287 : [avec l’heure ++ niyyetna we:: (notre intention et) je veux pas
dire par=hasard euh + mais avec l’heure de par la parabole
+ par la parabole ke’ennass (comme tout le monde) c’est tout + ou
alors euh::  ils ont pris l’habitude les=immigrés là-bas +
walfou (ils se sont habitués) euh 
A.ni. 288 : euh 
F.ii. 289 : ils=ont grandi comme ça + ils font la prière même quand=ils
sont en voyage dehors + euh même ÇABDOU (ABDOU) en ESPAGNE
[bien sûr
A.ni. 290 : [< ------ ?> la prière
F.ii. 291 : [bien sûr + bien sûr il faut pas qu’ils ratent c’est
obligobligatoire mais bon:: gaç (tous) les=immigrés on est
pas tous pareils euh
A.ni. 292 : oui:: !
F.ii. 293 : non + non + kayen elli (il y a ceux qui) + ils [sont vraiment
A.ni. 294 : [l’entourage
F.ii. 295 : [ouais kayen elli
(il y en a qui) sont vraiment à la française

Dans l’extrait 7 (C.5), nous constatons que la nature du thème amène les deux
locutrices, Farida et Linda, à insèrer un nombre important d’unités en arabe dialectal à côté
du français, langue dominante dans les prises de parole de Farida, qui est amenée à
reprendre énormément de termes introduits par Linda et à réactiver son arabe dialectal.

Extrait 7, conversation 5 (C.5)


L.ni. 024 : yih ! (oui !) ++ et qu’est-ce que tu préfères comme repas ?
((rires))
F.ii. 025 : comme repas je [préfère le hmm::
L.ni. 026 : [le Hrira ++ le Hrira ! (la Hrira ++ la Hrira !)
F.ii. 027 : [le bekbouka ? (bekbouka* ?)
L.ni. 028 : [bekbouka au ramadan ! (ramadan !) non
F.ii. 029 : [bekbouka (bekbouka) + lbourek (le bourak) +

*
Bekbouka désigne une farce à base de morceaux de poumons, d’intestins de moutons, de pois chiches, de
riz et d’épices.

230
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

voilà !
L.ni. 030 : ah oui ! le bourak (le bourak) du viande hachée
F.ii. 031 : oui avec la viande hachée
L.ni. 032 : oui c’est bon ((rires))
F.ii. 033 : oui ici les=Algériens ils=aiment beaucoup manger + j’ai
remarqué < ------- ?> quand=ils parlent ghil makla (que de la
bouffe) manger manger + quand=ils sont dehors xxxx rentrer
pour manger + ih lmouhim el makla (voilà l’essentiel de la bouffe)
c’est très important pour les=Algériens + j’ai remarqué
bessaH makletkoum Hlouwwa (mais votre bouffe est délicieuse) impeccable
L.ni. 034 : makletna teçoujbek ? (notre bouffe te plait ?)
F.ii. 035 : non ! ++ impeccable
L.ni. 036 : c’est bien
F.ii. 037 : bezzaf (beaucoup) surtout aHrira (Hrira) + la Hrira çoujbetni (la
hrira me plait)
L.ni. 038 : bessaH fech çoujbatek makletna + fel goû::? wella::? (mais
pourquoi te plait note bouffe + pour son goût ? ou ?)
F.ii. 039 : lbenna (le goût)
L.ni. 040 : lbenna ghaya (le goût bien)
F.ii. 041 : lbenna wah nichan (oui le goût c’est ça)
L.ni. 042 : wel khodra taçna (et nos légumes) bien ?
F.ii. 043 : wel khodra tani (et les légumes également) franche/ mchi kima (ce n’est
pas comme) la FRANCE temma semch makanch (là-bas il n’y a pas le soleil) +
il n’y a pas de soleil en France ++ ghil (que de) la pluie
L.ni. 044 : c’est pour ça le le khodra tji SamTa (les légumes n’ont pas de goût)
F.ii. 045 : oui un peu ouais !
L.ni. 046 : en France ?
F.ii. 047 : là-bas la plupart yaklou (ils mangent) les pizzas +
[les=hamburgers euh bien sûr
L.ni. 048 : [au ramadan ? (ramadan ?)
F.ii. 049 : [non non au ramadan (ramadan)
L.ni. 050 : [au ramadan (ramadan) qu’ils mangent euh \
F.ii. 051 : [au ramadan (ramadan) ça va la soupe + la Hrira (la Hrira) + les
bourek (le bourak) + salade et:: euh:: ++ mais déjà on arrive
pas à tout manger hein et après euh::
L.ni. 052 : chamiyya (gâteau oriental à base de semoule)
F.ii. 053 : chamiyya (gâteau oriental à base de semoule) et tout ça oui et après
mça el aTey (avec du thé) euh:: 
L.ni. 054 : euh !
F.ii. 055 : hmm impeccable chamiyya:: (zelabiyya) + wel (et le::) comment ça
s’appelle le gâteau rouge là + Hlou (le sucré)
L.ni. 056 : zlabiyya* (zelabiyya)
F.ii. 057 : zlabiyya we:: (zelabiyya et)
A.ni. 058 : l’banane* (du banane)
L.ni. 059 : mchi lbanane (c’est du banane) comment on dit ?
F.ii. 060 : bon had lbanane (ce banane) j’aime pas + mchi (ce n’st pas que)
j’aime pas trop hadou là (c’est trop sucré) + bessaH zlabiyya (mais
ces zelabiyya) ils mangent ++ laHmar (le rouge) + mais ça se passe
bien en France + mais bon la plupart sont khaddamine (ils
travaillent)
L.ni. 061 : we tHoussou temma bremdane ? wella zeçma tji Haja:: (vous
ressentez le ramadan là-bas ? ou bien c’est)
F.ii. 062 : triste
L.ni. 063 : mchi kouma hna + hna nHoussou bremdane (ce n’est pas comme nous ici +
ici on ressent le ramadan) bien ghaya eddenya kamel Sayma (c’est bien tout
le monde fait le carême) + et °Ahawi mbelçine (les cafétérias ferment) euh

*
Une sorte de gâteau préparé à base de miel.
*
C’est un mélange d’œufs et de farine frit et trempé dans le miel qui a la forme d’une banane c’est pourquoi on l’appelle
« banane ».

231
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

Au contact de leur interlocutrice immigrée, Linda et Amaria utilisent en fonction de


leurs répertoires verbaux, le français ou l’arabe dialectal et les alternent. Les choix que fait
Farida sont aussi déterminants dans le déroulement de l’interaction et ce malgré
l’asymétrie des répertoires. De ce fait, nous pouvons dire que cette asymétrie croisée
contribue au maintien de l’interaction et permet d’atteindre le but communicatif. Ainsi,
nous pouvons conclure qu’il ne s’agit pas d’asymétrie conversationnelle, mais d’une
asymétrie des répertoires.

Nous constatons donc à travers ces extraits une récurrence des alternances qui
présentent deux types de configurations. Nous trouvons des alternances codiques avec une
domination du français (F.ii. 033) et des alternances codiques avec une domination de
l’arabe dialectal (L.ni. 063). Dans les deux cas on souligne également une variation
concernant le nombre d’unités insérées, leur longueur et leurs aspects morpho-syntaxiques.

7. Le choix de l’arabe dialectal dans les interactions immigrée/non-immigrées

Quantitativement161 il n’est pas facile de trancher pour déterminer la langue


matrice162, mais si l’on prend en considération le nombre de tours de parole mixtes, la
longueur de la conversation et la longueur moyenne des énoncés on peut alors distinguer la
langue matrice de la langue subordonnée ou encastrée. De même que dans notre corpus le
choix et le changement de langue s’effectuent différemment d’un échange à l’autre et
d’une séquence à l’autre. Il importe en premier lieu de définir ce que l’on entend par
séquence163 afin de pouvoir dégager les fonctions de l’alternance codique compte tenu des

161
Notons que les tours de parole complètement en arabe dialectal sont au nombre de 480 pour les cinq
conversations soit 22,88 % de l’ensemble (cf. tableau 1).
162
La langue matrice définit, comme le souligne Dominique CAUBET, « le cadre syntaxique, elle organise les
relations grammaticales au sein de l’énoncé, l’ordre des mots, et les éléments de la LE viennent s’insérer
dans la LM. Le modèle tient aussi compte des correspondances plus ou moins étroites entre les structures des
langues mélangées, ce qui aboutit, selon les cas, à une fusion plus ou moins harmonieuse» (2001 : 24).
163
Selon Catherine KERBRAT-ORECCHIONI (1998 : 218-219) une séquence est « un bloc d’échanges reliés par
un fort degré de cohérence sémantique et/ou pragmatique :
- sémantique : on trouve là le critère thématique qui a été évacué da la définition de l’interaction ;
- pragmatique : lorsqu’il maintenait encore l’existence d’une unité, dite ‘‘transaction’’, entre l’échange et
l’interaction (unité devenue par la suite pour eux superflue, avec la reconnaissance des échanges complexes
[…] La plupart des interactions se déroulent en effet selon le schéma global :
(1) séquence d’ouverture
(2) corps de l’interaction (qui peut lui-même comporter un nombre indéterminé de séquences)

232
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

participants, du thème et de la situation. Sans oublier que la langue choisie pour initier
l’interaction est un fait déterminant quant à l’alignement aux choix opérés par
l’interlocutrice.

Dans certaines séquences le choix de l’arabe dialectal n’est déterminé ni par une
préférence particulière de la part des participantes ni par le rapport d’une locutrice à son
interlocutrice comme c’était le cas dans l’extrait 7 entre Farida et Linda. Mais c’est dans la
foulée des interactions que des changements de langue surviennent soit pour s’aligner avec
l’idée amorcée par une interlocutrice soit pour se démarquer par rapport à l’action
précédente qui suscite, pour la clarification d’une idée ou pour l’initiation d’une autre
action, un choix de langue bien précis.

Les variables situationnelles qui jouent un rôle dans le choix de l’arabe dialectal par
les trois locutrices sont le caractère familier de la conversation, les éléments interculturels
et l’asymétrie des répertoires. Nous constatons que Farida emploie l’arabe dialectal à bon
escient même si la langue principale de l’interaction pour elle est le français.

Extrait 8, conversation 1 (C.1)


F.ii. 324 : ça y est demain c’est le dernier jour et puis je vais
acheter [des cadeaux
A.ni. 325 : [des cadeaux !
F.ii. 326 : ouais ! quelques cadeaux nchallah (si Dieu veut) ++ offrir les
petits souvenirs ++ à:: des blédards qui sont temma (là bas)
et puis leur faire plaisir ++ puis + euh nchallah (si Dieu veut)
+ déjà + bientôt [l’ (le) ramadan
A.ni. 327 : [ncha::llah ! (si Dieu veut !)
F.ii. 328 : [et puis également on a préparé également
le ramadan ++ j’espère juste qu’il fasse au moins + au
moins un peu chaud bech ma’nchoufouch (pour ne pas voir) la
différence \
A.ni. 329 : quelle est ++ quelle est la chose la plus importante raki
Habba tçabbiha menna m l’ALGERIE ? (que tu veux prendre d’ici ?) +
menna me TLEMCEN ? (d’ici de Tlemcen) surtout menna me (d’ici de)
TLEMCEN ?
F.ii. 330 : [Haja (une chose) importante ?
A.ni. 331 : [un souvenir euh::

(3) séquence de clôture, ». En distinguant entre les deux types de séquences : la séquence comme unité
fonctionnelle et la séquence comme unité thématique, Robert VION (1992 : 153) souligne que « le découpage
en séquences centrées sur le développement d’un thème n’est pas sans poser de sérieux problèmes ». A
propos de la question de découpage d’un dialogue en échanges voir Catherine KERBRAT-ORECCHIONI (2001 :
64).

233
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

F.ii. 332 : [neddiha mçaya le fransa ? (je l’emmène avec moi en FRANCE ?) ++
ntouma ka:mel neddikoum (je vous emmène tous avec moi)
A.ni. 333 : allah ysellemek ! (que Dieu te protège !) ++ ((rires)) ++ allah
ysellemek ! élla ! (que Dieu te protège ! non !) non !
F.ii. 334 : kounSéb ndikuoum (si je trouve comment faire je vous emmène) ++ énnoS
felkaba (la moitié dans un cabas) + énnoS fel’coffre ++ énnoS menna
w’neddikoum mçaya (et l’autre moitié dans le coffre et ++ le reste je vous emmène
avec moi)
A.ni. 335 : allah ysellemek + zeçma:: (que Dieu te protège + et pour) les
souvenirs ++ les cadeaux [ma hiyya lHaja (quelle est la chose)
préférée
F.ii. 336 : [les cadeaux + euh
A.ni. 337 : [les gâteaux:: ?
F.ii. 338 : c’est plus les gâteaux einh peut être les gâteaux ou bien::
\
A.ni. 339 : Haja li zeçma + (la chose qui parait) li (qui est) importante
F.ii. 340 : importante
A.ni. 341 : zeçma (comme) < ------ ?> les gâteaux ++ wassem hiyya ?
(laquelle ?)
F.ii. 342 : les gâteaux euh ++ en fin de tout ana:: (moi) c’est pas pour
moi en fait + c’est pour euh çandi (j’ai) ma famille ils
aiment [beaucoup le gâteau
A.ni. 343 : [les gâteaux traditionnels
F.ii. 344 : [les gâteaux traditionnels
A.ni. 345 : comme él griwech (un gâteau traditionnel)
F.ii. 346 : bon çadna had SwalaH (bon nous avons toutes ces choses) + griwech (un
gâteau traditionnel) tout ça + on peut les faire aussi
A.ni. 347 : les petits fours
F.ii. 348 : on a + oui on a tout ++ il y a tout là-bas + ou alors aller
chez ma mère tdirhoum (elle les fait) ++ mais moi ce que j’aime
bien +++ c’est prendre des souvenirs d’ici chépa euh des
souvenirs de TLEMCEN de tout hein ++ je sais pas + déjà les
CD

Dans cet extrait 8 où il y a une dominance du français nous constatons que les
changements de langue, sont assujettis aux thèmes abordés et les éléments culturels qui les
caractérisent (les vacances, le ramadan et la préparation des gâteaux de l’Aïd). Les trois
thèmes évoqués ont conduit les deux locutrices à employer l’arabe dialectal à côté du
français soit sous formes de tours de parole monolingues (arabe dialectal ou français) ou
bilingues (mixtes). L’extrait fait également état d’alternances codiques de type situationnel
même s’il ne s’agit pas seulement de changements d’ordre situationnel.

Les deux interlocutrices ont choisi d’introduire l’arabe dialectal dans leurs échanges
qui sont essentiellement en français pour exprimer un rapport d’intimité et de complicité
surtout quand Farida parle de son séjour en Algérie et la fin des vacances en montrant son
attachement aux membres de la belle famille et au pays. Ainsi, le choix de langue est aussi
motivé par l’idée que les interlocutrices veulent développer sur les questions identitaires et

234
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

culturelles relatives au ramadan (A.ni. 239, F.ii. 332, A.ni. 333 et F.ii. 334). Tous les
facteurs cités sont déterminants dans le choix de langue (GROSJEAN, 1982) du moment que
chaque situation de communication évolue différemment du fait que les facteurs qui la
caractérisent changent tout le temps.

Il y a des échanges initiés en français et complétés en arabe dialectal et vice versa


par la même locutrice et par ses interlocutrices (comme dans les deux extrait 9 et 10). Cette
tendance est dominante dans les cinq conversations et témoigne de la fréquence de
l’alternance codique (inter-intervention et intra-intervention) comme particularité des
échanges entre les deux locutrices non-immigrées et la descendante de l’immigration. Il
s’agit dans beaucoup d’échanges, de contraintes dues à une lacune lexicale manifeste ou
encore d’éléments désactivés que l’interlocutrice forte fournit ou aide à réaliser en puisant
dans son propre répertoire164.

Extrait 9, conversation 4 (C.4)


F.ii. 483 : j’(ne) sais pas xx ça + ça se passe
L.ni. 484 : ella + ella ykhaShoum eddraham ++ bihoum eddraham (non + non ils
veulent de l’argent ++ ils veulent de l’argent)

Extrait 10, conversation 2 (C.2)


A.ni. 188 : kheTrat lefchouch ++ kheTrat lefchouch (par fois les caprices ++ par
fois les caprices)
F.ii. 189 : non je ne pense pas au contraire

8. Le français : langue dominante dans les interactions entre immigrée/non-


immigrées

Comme nous l’avons souligné plus haut les deux tiers des interactions sont en
français. Ce dernier joue le rôle de langue matrice ou de base dans certains tours de parole
entre les locutrices immigrée/non-immigrées et entre les non-immigrées elles-mêmes. Les
trois participantes produisent des tours de parole en français dont la longueur diffère d’un
échange à l’autre et selon la prédominance des facteurs situationnels. Ainsi, il résulte les
caractéristiques suivantes : des tours de parole très longs chez Farida, des tours de parole
164
Voir supra les exemples et l’analyse de quelques extraits dans le premier chapitre.

235
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

moyens chez Amaria et des tours de parole très courts chez Linda. En ce qui concerne
certaines interactions conduites principalement en français, le choix peut être expliqué en
termes d’accommodation convergente entre les locutrices. Dans plusieurs séquences les
deux locutrices non-immigrées se sont adaptées au comportement communicatif de leur
interlocutrice. Cette tendance ne concerne pas seulement le français mais elle implique
également le choix de l’arabe dialectal et l’alternance codique de la part de la locutrice
immigrée. La convergence est avantageuse dans l’établissement et le renforcement des
liens sociaux165 et elle réduit les asymétries causées par la divergence des répertoires
verbaux. Ainsi, les alternances codiques peuvent être considérées comme une
accommodation totale, il en est de même pour le choix de l’arabe dialectal ou le français
(sous forme d’échanges monolingues). Il reste à savoir quels sont les facteurs qui motivent
l’accommodation pour ainsi distinguer entre l’accommodation totale et l’accommodation
partielle, la première est relative au choix et à l’alternance codique (selon une dimension
microsociolinguistique) la seconde renvoie au mélange de langue (GILES et al., 1991).
Ainsi, chacune des trois locutrices converge par un mode (bilingue ou monolingue) qui
traduit des capacités langagières précises, selon Georges LÜDI et Bernard PY (2003 : 140) :

Le choix de langue et les formes mixtes constituent à la fois les traces de la


compétence bilingue, d’où leur caractère emblématique, l’indice d’un
mouvement de convergence entre les interlocuteurs – et peut être aussi entre les
langues – ainsi que l’instrument pragmatique de ce mouvement.

Dans les situations de contact de langues, le choix entre le mode monolingue (une
des deux langues) ou bilingue (les deux langues à la fois) n’est jamais totalement stable, il
dépend en premier lieu de la compétence présumée de l’interlocuteur. Dans le mode
bilingue il l’est encore moins c’est ainsi que « des marques transcodiques se multiplient, on
passe spontanément – et d’un mutuel accord – de ‘‘langue de base’’ à une ‘‘langue
enchâssée’’ et vice versa » écrit Georges LÜDI (2004 : 131).

En tout état de cause, nous pouvons dire que le lieu (milieu familial), le moment, les
relations-rôles (la dimension ethnique, le lien familial), la divergence des répertoires (la

165
Ceci est aussi déterminant pour le bon déroulement des interactions et pour les statuts et pour les faces
(GOFFMAN, 1973).

236
Deuxième partie Le parler bilingue : choix de langues et alternances codiques arabe dialectal/français

maîtrise inégale des deux langues chez l’immigrée et ses partenaires), et les sujets de la
conversation (ramadan, la famille, les vacances, etc.) sont autant d’éléments pertinents et
interdépendants voire déterminants dans le choix et le changement de langue et dans
l’adaptation à l’interlocutrice et à la situation. L’importance que nous accordons à ces
facteurs tient au fait que les changements de langues qui surviennent dans les interactions
bilingues sont multiples et complexes. Chez les trois locutrices immigrée/non-immigrées
certaines situations d’interaction sont appréciées différemment compte tenu des thèmes
abordés. Ainsi, chacune d’entre elles fait le choix d’une langue dans un échange et l’autre
langue dans d’autres échanges. Mais ce qui parait spécifique dans les cinq conversations
c’est le fait que chacune des locutrices converge vers l’autre en recourant fréquemment à
des alternances codiques. Celles-ci renvoient à des stratégies166 communicatives diverses :
la réitération, l’explication, la paraphrase, le commentaire, la citation, l’humour, etc.

En dépit du critère quantitatif, la dominance du français dans les interactions est


aussi liée à une compétence bilingue manifeste mais inégale chez les trois locutrices. Elle
est matérialisée notamment à travers les alternances codiques qui sont considérées comme
« une forme de choix de langue » (LÜDI & PY, 2003). Les échanges monolingues en
français proviennent fréquemment de la locutrice immigrée ; ceci a amené ses
interlocutrices (non-immigrées) non seulement à produire plus d’énoncés en français mais
surtout à recourir à l’arabe dialectal et/ou aux énoncés mixtes (longs ou courts) à chaque
fois qu’elles éprouvaient des difficultés. Ainsi, les changements de langues sont tellement
fréquents et variés que les motivations sont difficiles à déterminer.

D’une façon générale, la réussite de la communication entre l’immigrée et ses


partenaires non-immigrées relève des choix de langue et des alternances codiques. Ainsi,
les ajustements se matérialisent par une gestion adéquate de l’inégalité et ce malgré les
écarts soulignés concernant l’usage de l’une et l’autre langue, la longueur des énoncés
produits par les locutrices et la nature des tours de parole (mixtes, monolingues). A partir
de là on peut conclure que l’asymétrie croisée, que nous avons soulignée, est un indice qui
nous permet de considérer la communication entre l’immigrée et ses partenaires à la fois
bilingue et exolingue.
166
Nous reviendrons sur ces questions dans la troisième partie notamment dans l’étude des fonctions des
alternances codiques.

237
TROISIEME PARTIE
______________________________________________________

FONCTIONS ET ROLES DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS LES


CONVERSATIONS ENTRE LES LOCUTRICES IMMIGREE/NON-
IMMIGREES

_____________________________________________________
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

TROISIEME PARTIE

FONCTIONS ET ROLES DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS LES CONVERSATIONS


ENTRE LES LOCUTRICES IMMIGREE/NON-IMMIGREES

Dans le premier chapitre de cette troisième partie, nous décrirons les types
d’alternances codiques qui se manifestent lors des interactions en nous appuyant sur
quelques typologies de sociolinguistes, ce qui nous permettra de distinguer entre
l’alternance codique et l’emprunt lexical en tant que ressources qui caractérisent le
répertoire verbal des locuteurs bilingues. Nous nous intéresserons ensuite aux raisons qui
amènent les trois locutrices à alterner les deux langues ainsi qu’aux fonctions que
remplissent les alternances codiques dans leurs conversations. Dans le deuxième et dernier
chapitre, nous tenterons de montrer si l’alternance codique constitue une ressource qui
permet l’organisation de la parole en interaction et donc la régulation de la conversation
bilingue. Dans ce but, nous évoquerons quelques préalables théoriques qui nous permettent
d’appréhender le rôle et la gestion des ressources disponibles pour atteindre des buts
interactionnels communs. Nous entreprendrons ensuite de mettre en lumière les
caractéristiques codiques dominantes des tours de parole par dyades.

238
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

CHAPITRE 1

LES MODES DE FONCTIONNEMENT DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS LES


ECHANGES BILINGUES DES LOCUTRICES IMMIGREE/NON-IMMIGREES

Il est admis que le choix de langue et l’alternance codique dans les pratiques
langagières des locuteurs bilingues sont motivés par plusieurs facteurs et apparaissent sous
plusieurs formes au plan linguistique. L’analyse de ces formes aide en effet à déterminer
les fonctions conversationnelles des alternances codiques (LÜDI & PY, 2003).
Dans cette perspective, nous nous attacherons à rendre compte de l’originalité des façons
de parler bilingues qui résultent des interactions entre la locutrice immigrée et ses
interlocutrices non-immigrées. Nous porterons un regard particulier sur le rôle
qu’assument les ressources mobilisées par les locutrices dans le déroulement des
interactions et leurs capacités à assurer la communication malgré les asymétries des
répertoires. Pour ce faire, nous allons dégager en premier lieu les types d’alternances
codiques ainsi que leurs différents modes d’insertion et de structuration dans le discours,
ensuite nous analyserons les fonctions que ces alternances remplissent.
Dans ce but nous avons relevé des extraits où l’on trouve des échanges bilingues structurés
de différentes manières.

L’objectif central de notre recherche est l’étude de l’alternance codique comme


élément régulant les échanges des trois locutrices qui manifestent des asymétries croisées,
c'est-à-dire n’ayant pas la même compétence en L2, mais qui arrivent à s’adapter
mutuellement puisqu’elles présentent des compétences bilingues ou mieux encore à faire
usage d’un ‘‘parler bilingue’’ que François GROSJEAN (1984) dénomme également ‘‘choix
de langue’’.

La mise en contact de l’arabe dialectal et du français dans les pratiques langagières


des trois locutrices donne lieu à des alternances codiques diverses, intra-intervention et
inter-intervention dont les ramifications sont assujetties à leurs compétences quant à la

239
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

structuration des énoncés dans chacune des deux langues et des deux à la fois. Les
alternances codiques qu’elles produisent remplissent également plusieurs fonctions qui se
traduisent en stratégies discursives rendant ainsi pertinente la communication.

1. Inventaire des types d’alternances codiques dans les interactions à partir du


modèle de DABENE et BILLIEZ (1988)

Comme nous l’avons déjà vu, notre choix théorique porte essentiellement sur la
typologie de Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1988) reprise par Louise DABENE
(1994)167. Cette typologie nous semble, à bien des égards, pertinente, du fait qu’elle est
développée à partir de la remise en question des autres modèles168 et construite autour des
termes empruntés à l’analyse conversationnelle : acte (ROULET, 1981 ; MOESCHLER, 1985)
et intervention169 ou tour de parole. Par contre pour l’analyse de corpus oraux, celle de
Shana POPLACK (1980) s’avère peu opératoire puisqu’elle met en évidence la notion de
‘‘phrase’’ qui est une entité grammaticale abstraite et figée convenant mieux pour l’esprit.
Pour ce qui nous concerne il s’agit d’un corpus oral authentique transcrit et composé
d’actes langagiers allant d’une à plusieurs unités170 où l’on trouve « des configurations
discursives tronquées et disjointes » (DABENE et BILLIEZ, ibid. : 35).

Dans notre corpus, nous retrouvons pratiquement tous les types d’alternances
codiques relatifs à la typologie de Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (ibid.). Seulement,
on se demande si l’agencement des éléments des deux langues présente des contraintes qui
167
Il est à noter que la typologie dont il est question a fait l’objet de quelques remaniements dans la version
de Louise DABENE 1994 comparativement à celle de 1988 au niveau des ramifications qui concernent les
alternances intra-actes.
168
Inscrit à la croisée des approches linguistiques et fonctionnelles le modèle cherche à répertorier les types
d’alternances codiques, les modes de leur insertion ainsi que leurs fonctions communicatives. Nous
reviendrons sur certains détails dans l’étude des fonctions des alternances codiques.
169
Dans la perspective de la pragmatique conversationnelle, Jacques MOESCHLER (1985 : 24) précise que
« l’acte de langage est l’unité pragmatique minimale, […] l’intervention (unité monologique maximale) et
l’échange (unité dialogique minimale) ».
170
Nous avons montré dans le chapitre précédent à travers l’analyse de la longueur moyenne des énoncés
qu’il y a des segments mixtes de longueurs variables. Hormis les spécificités soulevées à l’examen de cet
indice, la longueur ou mieux encore le nombre d’unités de la langue de base ou de la langue enchâssée dans
les échanges, permet d’expliquer leurs modes d’insertion. On peut, dès lors, parler à la suite de Jacqueline
BILLIEZ (1998 : 130) de « macro-alternances » et de « micro-alternances ». Les premières correspondent au
choix de la langue de base dans l’échange et s’apparentent à l’alternance codique inter-intervention. Les
secondes renvoient à l’alternance proprement dite appelée intra-intervention qui se produit de différentes
manières.

240
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

pèsent sur la structuration des énoncés. Ainsi, l’examen minutieux des pratiques
langagières permet de distinguer les différentes configurations syntaxiques et de mettre en
évidence d’autres caractéristiques pertinentes.
En effet, les alternances codiques se manifestent de différentes manières aux plans
syntaxique et discursif. Ainsi, comme nous l’avons déjà signalé, les locutrices structurent
leur discours sur la base d’une « grammaire de choix de langue » (LÜDI & PY, 2003 : 132)
où l’on trouve une langue de base, qui fournit les structures morphosyntaxiques, et une
langue enchâssée qui se plie à ces structures quelles que soient les positions occupées par
les éléments insérés.

Dans un article intitulé « Le discours alternatif arabe-français à Alger » Aziza


BOUCHERIT (1987 : 125) constate que l’alternance codique obéit au « principe d’attraction
par similarité structurelle » ou ce que Shana POPLACK (1988) dénomme la « contrainte
d’équivalence »171. En effet, l’emploi alterné arabe dialectal/français est caractérisé à la
fois par les règles régissant les deux langues et les règles spécifiques à l’alternance
codique.

2. Modes d’insertion des alternances codiques

Les différents types d’alternances codiques se rapportent aux « différents modes


d’insertion de l’alternance dans le discours » (DABENE, 1994 : 94). Dès lors, nous pouvons
analyser les segments qui alternent en tenant compte du parler bilingue de chacune des
locutrices et du caractère dynamique et imprévisible du déroulement de leurs échanges. Ce
qui implique que l’alternance codique se réalise différemment par les locutrices sur les
plans syntaxique et discursif.

171
Les segments de la langue enchâssée doivent obéir à l’ordre et aux frontières syntaxiques de la langue de
base (cf. POPLACK, 1980, 1988) car les insertions et les imbrications inadéquates renvoient beaucoup plus au
mélange « embedded languages » (MYERS-SCOTTON, 1993) qu’à l’alternance codique. Pour la contrainte
d’équivalence, Shana POPLACK propose quatre principes qui se résument ainsi : l’interdiction de croisement
entre les grammaires ; la grammaticalité des constituants monolingues ; pas d’éléments omis ; pas d’éléments
répétés. De par la fonction prédictive de cette contrainte, le respect des quatre principes permet de distinguer
l’emprunt de l’alternance codique.

241
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

2 – 1. L’alternance codique inter-intervention : changement de langue et/ou adaptation


du discours

On parle d’alternances inter-interventions quand le même locuteur passe d’une


langue à l’autre entre deux interventions. Ce type d’alternance est considéré comme une
remise en cause d’un choix de langue motivé par des facteurs externes : le changement de
l’interlocuteur, le sujet de la conversation, la prise en compte des insuffisances
linguistiques de l’interlocuteur, etc.

Nous avons repéré dans les différentes conversations, qui constituent notre corpus,
quelques exemples illustrant l’alternance inter-intervention. Seulement, ce type
d’alternance s’avère moins fréquent et peu important compte tenu de l’inachèvement de
certains tours de parole. Ces alternances codiques ne se manifestent qu’en tant que choix
de langues motivé soit par une intention d’adaptation d’une locutrice avec son
interlocutrice soit par la nécessité de donner plus de clarté à l’intervention.

Extrait 1, conversation 1 (C.1)


F.ii. 370 : hadek él Andalous ? (l’andalous ?)
A.ni. 371 : yîh ! (oui !)
F.ii. 372 : ah ! non ! non ! + pour moi c’était du bruit

Extrait 2, conversation 1 (C.1)


F.ii. 402 : [ellougha él çarabiyya ? (la langue arabe classique?)
A.ni. 403 : ellougha él çarabiyya ! (la langue arabe classique!)
F.ii. 404 : non::! rien + rien ++ rien

Dans chacun des extraits (1) et (2) : (C.1), l’alternance codique inter-intervention
entre les deux interventions de Farida (F.ii. 370 et F.ii. 372) renvoie à un changement de
langue, qui n’est pas forcément une remise en cause du choix de l’arabe dialectal, mais son
passage au français permet de renforcer l’acte de dénégation. C’est le caractère dynamique
de l’interaction qui l’amène à recourir au français, langue dominante dans ses

242
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

interventions. Ce choix de langue ou encore le passage172 d’une langue à l’autre est


spécifique aux situations de communication bilingue (LÜDI & PY, 2003) où deux langues
sont fréquemment employées par les locuteurs.

Extrait 3, conversation 4 (C.4)


F.ii. 251 : [emma tahder li bezzaf  el çarbiyya (ma mère ne me parle qu’en
arabe)
A.ni. 252 : euh !
F.ii. 253 : elle me parle beaucoup + beaucoup l’arabe

Dans l’extrait (3) : (C.4), Farida (F.ii. 253) renonce à l’arabe dialectal après
l’intervention de son interlocutrice tout en restant sur la même idée qu’elle a amorcée en
arabe dialectal dans le tour de parole précédent (F.ii. 251). Il semble que la prise de parole
d’Amaria se limite au régulateur (euh !) qui ponctue173 son intervention, cette interruption
amène Farida à compléter son intervention en changeant de langue.

Toutefois, le changement de langue entre deux interventions ne concerne pas


seulement la locutrice immigrée, ses interlocutrices passent elles aussi de l’arabe dialectal
au français lorsqu’elles lui adressent directement la parole. Le choix du français peut
s’expliquer par le fait que les locutrices non-immigrées tentent de s’adapter à leur
interlocutrice comme on a pu le voir à travers les analyses quantitatives.

Dans l’extrait (4) : (C.5), on constate que Linda (L.ni. 034) pose une question en
arabe dialectal à Farida, celle-ci lui répond positivement en français (F.ii. 035) ; aussitôt
Linda (L.ni. 036) évalue en français. Il serait donc difficile de dire qu’il s’agit d’une
remise en cause du choix de langue. Il est plutôt question d’une adaptation sauf si
‘‘remettre en cause’’ signifie ‘‘changer de langue’’ tout simplement.

172
Le terme de passage qu’on trouve dans la définition de Georges LÜDI et Bernard PY (2003) montre
l’aspect dynamique de l’alternance codique, processus qui se réalise chaque fois que les interactants
ressentent le besoin de recourir à l’autre langue.
173
C’est un marqueur qui est très fréquent dans notre corpus, il remplit une double fonction comme
régulateur et phatique traduisant un signal d’accord (comme adverbe d’affirmation ‘oui’) et/ou de réception
du message.

243
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 4, conversation 5 (C.5)


L.ni. 034 : makletna teçoujbek ? (notre bouffe te plait ?)
F.ii. 035 : non ! ++ impeccable
L.ni. 036 : c’est bien

L’extrait (5) : (C.4), nous permet encore d’envisager l’alternance codique inter-
intervention non pas comme une remise en cause du choix de langue mais comme un
passage dynamique d’une langue à l’autre. Dans le tour de parole (F.ii. 312) Farida pose
une question en cherchant une confirmation par l’utilisation du terme « marabout » que sa
partenaire a fourni en arabe dialectal (A.ni. 311) (lwali).

Extrait 5, conversation 4 (C.4)


F.ii. 310 : kamel ++ waHda daret echedda w’lokhra ? (tous ++ une avait mis la
chedda et l’autre ?)
A.ni. 311 : hna (ici à) TLEMCEN ? yaçamlou echedda + we:: yamchiw (ils mettent
la chedda + et ils partent à) le:: lwali SIDI BOUMEDIENE (au marabout de SIDI
BOUMEDIENE) xx le cimetière
F.ii. 312 : le marabout là ?

Dans l’extrait (6) : (C.1), nous constatons que Farida (F.ii. 232) passe du français à
l’arabe dialectal entre deux interventions en reprenant presque le même énoncé. Cette
stratégie discursive montre que la locutrice passe entre deux interventions à la langue
courante de sa partenaire et ce, dans le but de converger vers elle. Dans l’extrait (7) : (C.1),
Amaria (A.ni. 253) change de langue et passe du français à l’arabe dialectal après
l’intervention de Farida qui a répliqué en employant un terme en arabe dialectal (eTTaleb).
La convergence se manifeste cette fois par le passage à l’arabe dialectal.

Extrait 6, conversation 1 (C.1)


F.ii. 230 : parce qu’ils faisaient un feu au milieu
A.ni. 231 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 232 : ennar [fel waST (le feu au milieu)

244
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 7, conversation 1 (C.1)


A.ni. 251 : je ne sais pas !
F.ii. 252 : [eTTaleb (imam)
A.ni. 253 : [ettaleb ma naçarfouche (l’imam je le connais pas)

Comme nous l’avons déjà souligné nous pouvons donc dire que l’alternance inter-
intervention n’est pas très récurrente, tout comme il n’est pas aisé de conclure et dire, à
travers les exemples analysés, qu’il s’agit d’une remise en cause d’un choix de langue
comme il est mentionné dans le modèle en question. De ce fait, les extraits analysés
laissent supposer que l’alternance inter-intervention relève d’une co-construction voire
d’une synchronisation interactionnelle puisque chaque locutrice cherche à s’adapter à son
interlocutrice pour atteindre un but interactionnel précis.

2 – 2. L’alternance codique intra-intervention : une complexité d’agencement des


éléments des deux langues

L’alternance codique intra-intervention se produit à l’intérieur d’une même


intervention du locuteur et peut porter sur un ou plusieurs actes langagiers. Cette deuxième
catégorie est plus présente dans notre corpus que la précédente. Elle se divise en alternance
inter-acte et alternance intra-acte.

2 – 2 – 1. L’alternance inter-acte : sépare deux actes langagiers dans la même


intervention du locuteur.

D’une manière générale, nous pouvons constater que l’alternance codique survient
de différentes manières dans une même intervention. Comme on peut également l’observer
à travers les cinq conversations, les alternances codiques produites par les trois locutrices
sont diverses où le passage de l’arabe dialectal au français et vice-versa se réalise de
différentes manières et à différents niveaux. Il est frappant de remarquer que l’interaction
se poursuit entre les locutrices malgré l’inachèvement et la longueur de leurs interventions.
Cela semble confirmer nos observations sur la mobilisation des ressources du répertoire

245
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

qui rendent possible la communication malgré les asymétries. Rappelons, en effet, que lors
de l’analyse des pratiques langagières nous avons fait référence aux phénomènes qui
relèvent de l’exolinguisme et ceux qui relèvent du bilinguisme. Il ressort de ce constat que
certaines alternances codiques renvoient non seulement à l’incapacité des locutrices à
maintenir leur intervention dans une seule langue mais aussi à l’originalité des segments
mixtes174.

L’extrait (8) : (C.1) ci-dessous illustre ce type d’alternance qui sépare deux actes
langagiers dans la même intervention. Le premier acte est caractérisé par l’agencement de
deux segments mixtes à l’intérieur d’un même acte (l’après midi mchina lebHar +
mchina). Le deuxième est une question adressée directement à Farida (comment on dit) et
réalisée en français à laquelle Amaria répond sans attendre la réponse de sa partenaire en
employant l’arabe dialectal (nbeIwah bkhir). Nous pouvons dire que la formulation de la
réponse est un troisième acte séparé par une alternance. Ces alternances peuvent être
représentées ainsi : Acte 1 : français + arabe dialectal ; Acte 2 : français ; Acte 3 : arabe
dialectal. On peut dire qu’il s’agit d’une alternance codique d’incompétence parce que
Amaria a voulu employer le français pour dire l’énoncé (nbeIwah bkhir). Ainsi,
l’alternance codique chez les bilingues asymétriques s’avère une alternative qui « consiste
à faire alterner les codes en faisant appel à sa langue maternelle pour suppléer un manque
de compétence dans sa langue la plus faible » (HAMERS et BLANC, 1983 : 446) c’est
pourquoi d’ailleurs on parle d’alternance codique d’incompétence ou de complémentarité,
cette dernière « permet au sujet de compenser ses lacunes dans une langue en recourant à
une autre » précise Louise DABENE (1994 : 96).

Extrait 8, conversation 1 (C.1)


A.ni. 283 : l’après midi mchina lebHar + mchina:: (on est parti à la plage + on est
parti) + comment on dit ? ++ nbeIwah bkhir (on est allé lui dire au
revoir)

174
Nous avons déjà souligné dans les chapitres précédents certains indices qui montrent les difficultés
manifestes des trois locutrices en L2 et les asymétries entre l’arabe dialectal et le français comme les pauses,
les hésitations, les interruptions, les inachèvements et les reformulations.

246
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Dans l’extrait (9) : (C.2), la question introduite par l’adverbe interrogatif (çlach ?)
« pourquoi » introduit un deuxième acte, le premier est produit en français et le deuxième
est considéré comme un acte avec alternance. Par ailleurs, Farida utilise la locution
conjonctive « parce que » qui relie deux propositions, une principale réalisée en français et
une subordonnée réalisée en arabe dialectal.

Extrait 9, conversation 2 (C.2)


F.ii. 049 : ah ! très=aimable ! et très content + çlach ? (pourquoi ?)
parce que eddit lhoum mennah bezzaf (parce que j’en ai pris beaucoup)

Outre les considérations soulignées plus haut, le passage d’une langue à l’autre à
l’intérieur d’une même intervention (inter-acte/intra-acte) repose nécessairement sur
« l’articulation entre mobilisation des ressources grammaticales et organisation de la parole
en interaction » (MONDADA, 2007.a : 169).

2 – 2 – 2. L’alternance intra-acte : se réalise à l’intérieur d’un même acte


langagier, elle se divise en alternances segmentales et unitaires.

L’alternance intra-acte dans l’extrait (10) : (C.1) ci-dessous s’apparente à


l’alternance inter-acte, elle s’avère également très complexe du fait que l’intervention de
Farida (F.ii. 060) comporte quatre segments où l’on trouve des éléments de l’arabe
dialectal et du français insérés sous forme d’alternances segmentales et unitaires. Dans le
premier segment de son intervention réalisé en français et en arabe dialectal, Farida insiste
sur le fait qu’elle n’aime pas trop manger les sucreries notamment cette confiserie orientale
traditionnelle (lbanane)175, qui ressemble par sa forme à une banane, dont elle ignore le
nom exact. Le deuxième segment, qu’elle réalise en partie en arabe dialectal, marque une
transition avec le premier qui renvoie à un autre gâteau que les immigrés mangent ou
plutôt préfèrent (zalbiyya). Par inférence, on peut dire que Farida aime ce gâteau (zlabiyya)

175
Il s’agit d’un emprunt adapté et intégré morphologiquement ayant subi une extension sémantique qui ne
désigne pas une banane mais une « confiserie orientale ». Nous l’avons traduit en nous basant sur le genre
dans la langue d’accueil (ce banane) ou la banane dont il est question.

247
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

ou (laHmer) « le rouge ou le gâteau rouge » qu’elle a nommé par référence à sa couleur


pour s’assurer que c’est bien de lui qu’il s’agit. Le terme (laHmar) inséré dans le segment
suivant « ils mangent ++ laHmar (le rouge)» constitue une alternance unitaire.
Par ailleurs, les deux segments successifs constituent deux transitions introduites par la
conjonction de coordination « mais » ; le premier est réalisé entièrement en français, par
contre le second est réalisé en français et en arabe dialectal : « mais ça se passe bien en
France + mais bon la plupart sont khaddamine* (ils travaillent) ».

Extrait 10, conversation 1 (C.1)


F.ii. 055 : hmm impeccable chamiyya:: (zelabiyya) + wel (et le::) comment ça
s’appelle le gâteau rouge là + Hlou (le sucré)
L.ni. 056 : Zlabiyya* (zelabiyya)
F.ii. 057 : Zlabiyya we:: (zelabiyya et)
A.ni. 058 : lbanane** (du banane)
L.ni. 059 : mchi lbanane (c’est du banane) comment on dit ?
F.ii. 060 : bon had lbanane (ce banane) j’aime pas + mchi (ce n’est pas que)
j’aime pas trop hadou là ++ bessaH zlabiyya (ces ++ mais
zelabiyya) ils mangent ++ laHmar (le rouge) + mais ça se passe
bien en France + mais bon la plupart sont khaddamine (ils
travaillent)

a. L’alternance codique segmentale : ce type d’alternance repose sur


l’insertion de segments composés à l’intérieur d’un même acte.

Dans les extraits 11 et 12, Linda opère des changements de langue en passant de
l’arabe dialectal au français (L.ni. 003) et du français à l’arabe dialectal (L.ni. 064). Nous
remarquons que l’agencement des segments des deux langues obéit à la contrainte
d’équivalence. Le nom et le complément du nom dans l’extrait (11) « la guerre d’Algérie »
juxtaposé au segment (tendjem t’Oulenna çla) « tu peux nous parler de » conservent une
certaine cohérence à l’intérieur de la phrase. Ce type de construction s’avère dans le corpus
quantitativement le plus répandu et présente un cas d’alternance codique fluide qui
témoigne des capacités des locutrices à employer les deux langues côte à côte.

*
La plupart ont un travail ou encore bosseurs.
*
Une sorte de gâteau préparé à base de miel.
**
C’est un mélange d’œufs et de farine frit et trempé dans le miel, il a la forme d’une banane c’est pourquoi on l’appelle
« banane ».

248
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 11, conversation 3 (C.3)


L.ni. 003 : tendjem t’Oulenna çla (tu peux nous parler de) [la guerre
d’ALGERIE ?

Extrait 12, conversation 4 (C.4)


L.ni. 064 : normalement les=immigrés ye # (ils) + ykebbrou bihoum w’
yethallaw fihoum [we euh:: (ils les accueillent bien et ils les traitent avec
complaisance)

On a vu que les échanges sont marqués par l’inachèvement des interventions de


part et d’autre. Néanmoins, on peut dire que l’alternance entre les deux langues remplit des
fonctions syntaxiques et discursives répondant aussi aux contraintes interactionnelles et
structurelles (MOESCHLER, 1985 : 112-113).

Il est important de souligner aussi que l’alternance segmentale est une manière de
faire qui amène le locuteur faible dans une langue à résoudre éventuellement des difficultés
langagières176 et ce, malgré certaines constructions qui violent la contrainte d’équivalence.
Dans les extraits, 11, 12 Linda produit des énoncés mixtes très courts où sont insérés des
éléments simples. Dans la plupart de ses interventions elle introduit des noms, des
adverbes et des adjectifs dans des segments contenant les constituants de base de la phrase
du français.

On a remarqué d’ores et déjà par l’analyse quantitative, que Farida et Amaria ont
tendance à produire plus des tours de parole comparés à ceux produits par Linda. Ce qui
n’empêche pas Amaria de faire comme Linda dans l’extrait 12. Dans l’extrait 13, (A.ni.
145) on constate qu’Amaria amorce son intervention en français puis elle passe à l’arabe
dialectal, entre deux codes (inter-acte).
Les interventions de Farida dans les extraits 14 et 15 : (F.ii. 265) et (F.ii. 400) sont
relativement longs et caractérisés par l’insertion de segments courts produits en arabe
dialectal (nahdar mçaha) « je lui parle ».
Ces alternances codiques relèvent de ce que l’on pourrait appeler à la suite de Bernard
ZONGO (2004 : 21) de la « routine linguistique ». Ainsi, les alternances présentent des

176
A noter que l’alternance codique segmentale n’est pas la seule alternative qui sert à réduire l’asymétrie
seulement c’est la plus courante et la plus simple à notre sens.

249
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

constructions syntaxiques possibles177 malgré leur caractère imprévisible. Nous pouvons


dire à ce propos qu’il n’y a pas de régularités syntaxiques à proprement parler. Malgré
cette complexité et cette irrégularité, les segments possibles se révèlent comme un tout où
les deux langues fonctionnent comme s’il s’agissait d’une seule langue en se pliant à une
véritable « grammaire du code switching » (LÜDI et PY, 2003 : 146). C’est pourquoi
Josiane HAMERS et Michel BLANC (1893 : 201) considèrent l’alternance codique comme
« l’expression d’une double compétence propre à l’individu bilingue, puisqu’il lui faut
d’une part connaître les règles de production linguistique dans les deux langues et, d’autre
part, les règles de l’alternance ».

Extrait 13, conversation 4 (C.4)


A.ni. 145 : ça c’est normal Hna çadna hagdek yezewjou Sghar (nous c’est
comme ça chez nous ils se marient très jeunes)

Extrait 14, conversation 4 (C.4)


F.ii. 265 : hmm:: euh ma fille:: euh:: + ma fille franchement nahdar
mçaha (je lui parle) beaucoup

Extrait 15, conversation 5 (C.5)


F.ii. 400 : hmm ! mais c’est dommage pour eux wellah + khsara fihoum
bezzaf + bezzaf (je le jure + c’est malheureux + c’est trop + c’est trop)
parce que

Syntaxiquement les segments sont structurés de différentes manières et satisfont la


contrainte d’équivalence dans la majorité des cas. En effet, beaucoup d’éléments de l’arabe
dialectal peuvent être agencés avec ceux du français et vice versa sans pour autant
perturber l’ordre à l’intérieur des segments même si certaines interventions sont
inachevées. Nous pouvons, à la suite d’une étude de Aziza BOUCHERIT qu’elle livre sur
l’alternance codique chez des locuteurs algérois, considérer les segments mixtes comme
« […] un ‘tout’ et non comme un assemblage, même si les segments arabes et français sont
encore identifiables comme tels » (1987 : 125). Cela vient renforcer l’idée de Georges
LÜDI et Bernard PY (2003) selon laquelle l’alternance codique est un passage d’une langue

177
On peut également parler de restriction à l’alternance comme le fait remarquer Aziza BOUCHERIT (2000 :
85) car les alternances ne peuvent se produire n’importe où.

250
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

à une autre et pas seulement une simple juxtaposition (GUMPERZ, 1989.a) de segments
appartenant à deux langues.

b. L’alternance codique unitaire : porte sur une seule unité qui peut être lexicale,
grammaticale ou discursive. Ces alternances codiques surviennent de manière intensive
dans les pratiques langagières des trois locutrices et elles concernent pratiquement toutes
les parties du discours. Par ailleurs, l’alternance unitaire recouvre deux sous catégories
distinctes : l’insert et l’incise178.

(i). Insert : dans ce type d’alternance les éléments insérés n’assurent aucune
fonction syntaxique dans l’énoncé. Dans notre corpus les inserts sont très fréquents et
concernent les tournures exclamatives (wellah !, eih !), les formules de serment ou
d’invocation à Dieu (wellah el çadém !, l’Hamdoullah !) et les expressions votives
(nchallah !). Même s’ils n’assurent aucune fonction syntaxique ils ponctuent le discours et
permettent le maintien de l’interaction.

Certains termes sont utilisés à la fois comme tournures exclamatives et comme


formules de serment pour appuyer l’affirmation, c’est le cas de (wellah !) « je le jure » et
(wellah el çadém !) « je le jure au nom de Dieu le tout puissant ». Comme l’avaient déjà
souligné Louise DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1988) à propos des jeunes issus de
l’immigration, ces expressions sont considérées comme marques emblématiques qui
ponctuent le discours et lui donnent une force expressive. Il faut noter que dans notre
corpus, ces unités sont d’une fréquence considérable notamment dans les interventions de
la locutrice immigrée. Par contre ses partenaires les utilisent moins, souvent insérées dans
des segments monolingues en arabe dialectal. Nous remarquons que les exemples 16, 17, et
18 illustrent l’utilisation des tournures exclamatives, les jurements et les formules votives

178
Comme nous l’avons énoncé plus haut, Louise DABENE (1994 : 95) a apporté quelques remaniements à la
typologie des alternances codiques de 1988 notamment, les incises et les inserts. (cf. schéma dans, Louise
DABENE et Jacqueline BILLIEZ (1988 : 34). Nous avons pour notre part retenu les définitions de Louise
DABENE (1994).

251
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

par Farida179. Dans l’exemple 16 (C.1), Farida utilise (elHamdoullah !) « Dieu soit loué »
pour exprimer un affect (F.ii. 034) où elle parle de sa grand-mère qu’elle qualifie de
dynamique et de bonne vivante malgré la maladie dont elle souffre. A côté de cette formule
nous avons relevé les tournures exclamatives (wellah !) (je le jure) et (wellah el çadém !)
(je le jure au nom de Dieu le tout puissant) qui reviennent beaucoup dans les échanges de
Farida comme ponctuants.

Extrait 16, conversation 1(C.1)


F.ii. 034 : voilà + ma grand-mère paternelle est +++ elle est décédée
en quatre vingt dix neuf +++ mais elle est comme mon grand
père +++ pour mon grand père +++ +++ mais malheureusement
elle est gravement malade ++ j’ai ma grand-mère la mère de
ma mère ça va elle est eu::h  elHamdoullah ! (Dieu soit loué)
c’est une bonne vivante

Extrait 17, conversation 2 (C.2)


F.ii. 025 : wellah ! (je le jure) +++ du moment que le client est roi ++
donc ils chouchoutent le client + Hna (nous) dès qu’on rentre
+ ils nous disent déjà BONJOUR +++ « est-ce qu’on peut vous
aider » + « voici les cabines etcetera » non je veux dire
vraiment il m’a ::: +++ pourtant

Extrait 18, conversation 3 (C.3)


F.ii. 095 : mais franchement hada (ça) xx j’ai vendu ++ enfin j’ai acheté
le:: sac à main ++ franchement ça me donne envi d’y
retourner + wellah lçadém ! (je le jure au nom de Dieu le tout puissant)

L’extrait 19 : (C.2) illustre l’utilisation fréquente et variée de la formule votive


(nchallah !) « si Dieu veut » qui revient très souvent dans les interventions de Farida. On
voit bien dans le tour de parole (F.ii. 003) que Farida exprime le vœu de rentrer en France
et espère que le bateau ne sera pas en retard. Cette formule votive est parfois désémantisée
et utilisée comme un stéréotype à valeur emblématique.

179
A noter que ses partenaires non-immigrées les utilisent dans leur discours mais pas avec la même
fréquence et la même valeur symbolique.

252
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 19, conversation 2 (C.2)


F.ii. 003 : ouais:: + ça va:: j’(e) suis un peu trop:: euh + enfin un
peu trop dég + de rentrer ++ demain nchallah ! (si Dieu veut)
c’est le départ ++ et puis bein comme + tous + tous les=ans
quoi + on va prendre le bateau euh:: demain soir + espérant
nchallah ! (si Dieu veut) il n’y aura pas de retard + parce
que:: vraiment < ----? >

Il est d’autres formules de serment et d’invocation à Dieu qui sont insérées dans les
interventions des trois locutrices comme (wellah yaçlem !) « Dieu seul sait » et (Allah
ghaleb !) « c’est plus fort que moi » ont une valeur symbolique dans les pratiques
langagières des locuteurs algériens. Il apparaît que l’emploi intensif de ces formules par les
trois locutrices mais surtout Farida est lié à leurs habitudes langagières ; elles sont utilisées
dans certains cas comme particules discursives (VINCENT, 1991).

Extrait 20, conversation 4 (C.4)


F.ii. 348 : si ! c’est vrai we Allah yeçlem ! (Dieu seul sait)

Extrait 21, conversation 1 (C.1)


F.ii. 358 : ça fait dormir + beaucoup + ça fait beaucoup dormir + mais
c’est pas ça ++ ma nefhemch (je ne comprend pas) en fait ++ sî je
<comprendrais/ai> pas < ------ ?> peut être j’aimerai mais
Allah ghaleb (c’est plus fort que moi)

Outres les formules de serment et d’invocation à Dieu d’autres ressources


prédominantes sont utilisées par les trois locutrices sous forme d’inserts, comportant les
exclamatifs, les termes modalisateurs, les interjections, les formules de politesse, les
locutions adverbiales et les régulateurs phatiques : « ça va ! », « peut-être », « ah ! »,
« hein !, bein ! », « SaHHa ! » (d’accord), « wyak ! » (ah bon !, c’est vrai !), « zeçma »
(soi-disant, c'est-à-dire), « eih !, yih ! » (oui !), (yselmek !) « merci !, paix sur toi ! ». Tout
compte fait, l’insertion de ces expressions répond à des besoins d’expressivité que
ressentent les locutrices. Parallèlement à cela, on peut dire que certains de ces éléments
sont parfois utilisés comme des remplisseurs ou des « tags » (POPLACK, 1988).

253
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

(ii). Incise : pour ce qui est de ce type d’alternance, les éléments sont insérés et
traités comme faisant partie de la langue de base. L’incise est « syntaxiquement intégrée
[…] se rapproche fortement de l’emprunt, mais elle s’en différencie dans la mesure où elle
relève généralement de l’initiative individuelle » (DABENE, 1994 : 95). Nous reviendrons
plus loin sur certaines considérations concernant l’emploi des emprunts intégrés et ce qui
les différencie des incises en nous appuyant sur des exemples concrets.

Hormis les fonctions syntaxiques qu’elles remplissent, les incises sont d’une
importance capitale dans la mesure où elles sont liées aux domainex de la sémantique et de
la pragmatique. Ainsi, les solutions qu’elles offrent permettent de clarifier une idée
(traduction, reprises), de combler des lacunes lexicales, de modaliser le discours, de
s’exprimer d’une manière économique ou de référer à une réalité culturelle. Pour illustrer
ces propos nous analyserons quelques exemples contenant des unités de l’arabe dialectal
insérées dans des segments en français et inversement. Quantitativement, les trois
locutrices insèrent plus d’unités en arabe dialectal qu’en français. A noter que chez les
locutrices non-immigrées les unités en français se présentent soit sous forme d’alternances
codiques soit sous forme d’emprunts.

A partir de ces constations, nous relevons quelques exemples qui illustrent


l’insertion d’une ou de plusieurs unités sous forme d’incises dans la même intervention.
Nous pouvons observer en premier lieu, à travers les exemples ci-dessous, que les
insertions opérées par les locutrices concernent aussi bien des éléments lexicaux que
grammaticaux. Il est à noter également que bon nombre d’unités insérées constituant des
incises occupent différentes positions, cette mobilité leur confère un sens et une fonction
bien précis. Dans la grande majorité des cas les unités sont en adéquation avec la structure
où elles sont insérées et remplissent les mêmes fonctions morphosyntaxiques. Ainsi, même
s’il est difficile de parler de régularité on ne peut pas non plus dire qu’il s’agit d’anarchie
ou encore de mélange. Il est admis que, dans le cas de l’alternance codique,
« l’organisation structurelle des énoncés est éphémère, elle est sans cesse renouvelée,
compte tenu des participants et d’autres paramètres de l’échange conversationnel
(situation, objet de l’échange, but visé) » souligne Yasmine KARA-ATTIKA (2004 : 36).

254
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

En ce qui concerne les différentes parties du discours qui se réalisent sous forme
d’incises, nous pouvons nous contenter dans notre analyse de celles qui sont très répandues
pour illustrer les différentes insertions et l’adaptation morphosyntaxique à la langue
matrice.

Dans l’extrait 22 : (C.5), nous avons un syntagme verbal composé de l’auxiliaire


avoir au présent suivi de la forme verbale arabe (Som) « jeûner » sous forme d’un
morphème zéro, il s’agit de la forme accomplie qui fonctionne comme un passé composé.

Extrait 22, conversation 5 : (C.5)


F.ii. 321 : oui ! combien de jours elle a Som ? (jeûné ?)

Dans l’extrait 23, l’agencement du sujet français (mon père) et la forme verbale de
l’arabe dialectal (khdem : il a travaillé) qui contiennent déjà l’indice du pronom personnel
renvoyant au père ne semble pas poser de problèmes sur le plan syntaxique car le segment
est construit sur la base de la syntaxe de l’arabe dialectal. Et, d’ailleurs, on retrouve la
même construction en français.

Extrait 23, conversation 4 : (C.4)


F.ii. 382 : voilà ! xxx mon père khdem (il a travaillé)

Le syntagme verbal « il aurait dû fraH » dans l’extrait 24 (a), illustre un autre type
d’insertion concernant les formes verbales. En plus de l’adverbe (balek : peut-être), la
forme verbale (fraH) complément d’objet est agencée au syntagme verbal (il aurait dû) qui
exprime la probabilité.

255
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 24, a : conversation 1 (C.1)


F.ii. 103 : franchement il y avait des clients +++ balek (peut-être) il
était euh::  + nerveux + alors +++ normalement il aurait
dû fraH (être content) normalement que::  + qu’il voit tout ce
monde dans sa boutique

b : Conversation 2 (C.2)
F.ii. 125 : [et le moral déjà + rah (il est à) zéro

Il est essentiel de noter que même si les alternances s’avèrent théoriquement


impossibles dans les extraits (22, 23 et 24 b) à cause de la non-équivalence syntaxique que
pose le premier sujet (notamment l’indice de la troisième personne) contenu dans les
formes verbales en question et le second sujet syntaxique. Leur récurrence atteste en effet
d’un métissage langagier (MELLIANI, 1999.a) qui relève selon nous des habitudes
verbales180. Dans l’extrait 22 : (C.5), Farida a produit la forme verbale (Som) sur la base du
participe passé du français car elle aurait dû dire (Samet) « elle a jeûné ». Malgré cette
inadéquation qui se révèle comme une interférence ou encore comme un indice
d’incompétence, l’emploi de la forme verbale (Som) semble nécessaire en tant qu’élément
référentiel pour désigner la pratique du carême.

En outre, dans certains cas, l’alternance a lieu entre un article défini ou indéfini et
un nom : (extrait 25, F.ii. 277 : un jamaç : une mosquée) ; (extrait 26, F.ii. 528 : le
mechoui : grillades) ; (extrait 27, F.ii. 248 ; le Hlal : le halal ; le Hram : l’interdit) ;
(extrait 28, F.ii. 117 : le djed : le grand-père) il s’agit souvent de termes renvoyant à des
référents spécifiques qui se rapportent à des faits culturels et religieux. Beaucoup
d’exemples montrent qu’il s’agit d’adaptation référentielle à la réalité socioculturelle,
notamment quand les locutrices évoquent, comme on l’a vu, des sujets ayant un rapport
avec certaines pratiques religieuses comme le ramadan ou l’aïd. Ce qui est encore plus
important à signaler, c’est la fréquence de l’emploi de l’article français devant des unités

180
Ces alternances qui apparaissent à l’intérieur du syntagme verbal semblent spécifiques aux locuteurs issus
de l’immigration (cf. Fabienne MELLIANI (1999.a, 1999.b et 2001).

256
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

arabes chez la locutrice immigrée. Dans le cas contraire, quand l’article arabe est placé
devant un nom français, on à faire à un emprunt intégré181.

Extrait 25, conversation 4 (C.4)


F.ii. 277 : [tous en famille Hamdoullah + kayen + (Dieu soit loué + il y a)
dans mon quartier déjà là-bas fi (à) LILLE Sud il y a un
jamaç (une mosquée) + tous le:: les jours euh + ettarawiH (les
prières du ramadan)

Extrait 26, conversation 5 (C.5)


F.ii. 528 : et il mange pas beaucoup de viande à part le mechwi + (les
grillades) comme nous ++ je ne sais pas pourquoi le mechwi (les
grillades) hmmm # + on aime bien ?

Extrait 27, conversation 1 (C.1)


F.ii. 248 : la moitié qui était dans le Hlal (le Halal) ils sont repartis
dans le Hram (l’interdit ou pêché)

Extrait 28, conversation 4 (C.4)


F.ii. 117 : oh ! ils sont mieux largement ++ ici sont mieux +
pourquoi ? parce que gaç (toute) la famille ils sont
présents ++ kamel (tous) la grand-mère et de le djed (le grand
père)

L’alternance peut avoir lieu aussi entre un démonstratif arabe, un déterminant et un


nom français (extrait 29, hada le père : ce père), les démonstratifs sont souvent employés
pour attirer l’attention sur quelque chose et pour ancrer l’information. L’énoncé en
question est construit sur la base de la grammaire du français où le démonstratif est
toujours suivi d’un déterminant et d’un nom.

181
Ceci est relatif à la contrainte du morphème libre (POPLACK, 1988) selon laquelle l’alternance est
impossible entre un morphème lié et un lexème. Nous avons relevé dans notre corpus certains exemples tirés
de la conversation 1 (C.1) où des morphèmes liés en arabe dialectal fonctionnent comme des morphèmes
libres devant des éléments du français c’est la raison pour laquelle nous avons opté dans la transcription
orthographique pour l’apostrophe afin de marquer la liaison. Il s’agit en fait d’une combinaison marquée par
une élision qui est calquée sur l’arabe dialectal, (A.ni. 553) : (chHal kayen m’la crèche ?) ; (A.ni. 599) :
(bentek tkoun f’un endroit sûr) ; (A.ni. 605) : (mais une fille bessaH f’la crèche).

257
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 29, conversation 2 (C.2)


F.ni. 191 : un peu de l’aide psychologiquement ykhoShoum chi Haja +
mataHSéch (il leur faut quelque chose + sait on jamais) einh + il leur
manque des choses tu sais pas pourquoi ++ w’ (et) t’(u)as
vu déjà les parents sont nerveux + déjà hada (celui dont je te
parle) le père et la mère ils se disputent [souvent

Par ailleurs, les possibilités d’insertion des unités d’une des deux langues dans les
segments de l’autre amènent les locutrices à mobiliser autant de ressources pour structurer
leur discours. Nous avons relevé des exemples contenant des adjectifs (extrait 38 (a et b),
F.ii. 209 et A.ni. 208), des adverbes (extrait 35 (a et b), A.ni. 153 et F.ii. 033), des
pronoms personnels (extrait 36, F.ii. 380), des pronoms indéfinis (extrait 30, A.ni. 255),
des conjonctions de coordination (extrait 34, F.ii. 248), des modalisateurs-évaluatifs
(extrait 33, F.ii. 055 : zeçma : soi-disant/c'est-à-dire), des termes exprimant le doute
(exemple 24, F.ii. 103 : balek : équivalent de peut-être), des noms propres (extrait 32, L.ni.
236), des pronoms interrogatifs et prépositions (extrait 39, F.ii. 078), etc. Toutes ces
ressources sont investies d’une manière conforme sur le plan morphosyntaxique et
respectent la contrainte d’équivalence sauf dans certains cas où les locutrices manifestent
une quelconque insuffisance quant à l’usage d’un élément. Cela revient à dire que dans le
discours des trois locutrices il y a des alternances codiques de compétence et quelques
alternances d’incompétence. Toujours est-il que la mobilisation des ressources des deux
langues se réalise selon des stratégies bien précises ; certains éléments ont des fonctions
syntaxiques à l’intérieur des segments où ils sont insérés, d’autres sont de type insert
utilisés seulement comme des remplisseurs182 (extrait 31 (a et b) A.ni. 172 : ça va ; A.ni.
036 normal) ou comme des phatiques donnant plus d’expressivité au discours.

Extrait 30, conversation 1 (C.1)


A.ni. 255 : <-----?> de toutes les régions taç (d’) l’ALGERIE

Extrait 31, a : conversation 4 (C.4)


A.ni. 172 : Çoujbatek eddaçwa zeçma (ça t’a plu ça soi-disant) ça va ?

182
Beaucoup de termes des deux langues sont utilisés comme des remplisseurs, par exemple « ça va ! »,
« d’accord », « zeçma : soi-disant », « bessa:H ! : c’est vrai » etc.

258
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

b : conversation 1, (C.1)
A.ni. 036 : çamline (on faisait) la chaîne + tedkhoul fik (elle te bouscule)
normal

Extrait 32, conversation 4 (C.4)


L.ni. 236 : il y a LAWRET* (LOURIT) aussi

Extrait 33, conversation 2 (C.2)


F.ii. 055 : [beaucoup de
clients parce que bon voilà ils=ont vu qu’il y avait deux
femmes:: dans leur + la table sur la ta/ ++ dans la table
qui vendait les CD donc cinq femmes sont=arrivées + on
les=a attiré [zeçma (soi-disant)

Extrait 34, conversation 1 (C.1)


F.ii. 248 : voilà ! le mois d’août vers le onze le quinze août +++ et
là:: ils dors tous dans le garage + wella (ou bien) dehors ++
wella (ou bien) dans les voitures + y’en a qui viennent de
Tlemcen ++ déjà le::: + comment on appelle ça ? limam
(l’imam) + limam hada (cet imam) le chef [Taç hada li ydir el
qorane (c’est lui qui met le Coran)

Extrait 35, a : conversation 1(C.1)


A.ni. 143 : mais hna taynik kayen çissawa (mais il y a aussi ÇISSAWA)

b : conversation 3 (C.3)
F.ii. 033 : Khawi (vide) vraiment ma fih walou (il y avait pas d’eau)

Extrait 36, conversation 1 (C.1)


F.ii. 380 : franchement je ne sais pas vraiment ++ je connais pas +
il faut pas croire ++ il y a beaucoup de musique raï
qu’on comprend pas [Hna (nous) les=immigrés

Extrait 37, conversation 1 (C.1)


F.ii. 490 : il y a des métissés là-bas ++ il y a beaucoup de métissés
tani (aussi) donc ++ mais bon ++ hadi (cela) + ça dépend d’eux
et ++ voilà +++

Extrait 38, a : conversation 4 (C.4)


F.ii. 209 : sinon franchement la vue chabba (est belle) il y a vraiment
les montagnes partout à TLEMCEN ((silence))

*
C’est le nom des cascades qui se situent à l’est de Tlemcen à environ 6 kms.

259
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

b : Conversation 2 (C.2)
A.ni. 208 : elli rahoum (ils sont) nerveux

Extrait 39, conversation 1 (C.1)


F.ii. 078 : gaTli: (elle m’a dit) qui ? chkoun ? (qui ?) et tout ++ et quand
j’ai regardé ce tableau + j’ai vu un homme foug el çawd (sur
le cheval) avec [lbarnous (le burnous)

Comme le relevaient déjà Mohamed NAIT M’BAREK et David SANKOFF (1988) à


propos du discours mixte arabe marocain/français183, certaines combinaisons sont possibles
et peuvent avoir lieu entre les différents éléments des deux langues malgré l’absence
d’équivalence alors que dans d’autres les insertions s’avèrent impossibles. Il en est de
même pour certaines alternances qui se réalisent dans le discours des locuteurs algériens
entre l’arabe dialectal algérien et le français (BOUCHERIT, 1987). On peut constater à
travers les pratiques langagières de la locutrice immigrée et ses partenaires que le passage
de l’arabe dialectal au français est globalement similaire à ce que ces deux études
présentent comme résultats concernant les aspects morphosyntaxiques. Il s’agit en réalité
d’un mode de fonctionnement spécifique au parler bilingue où les unités sont agencées de
façon prévisible par la syntaxe de l’arabe dialectal et celle du français. Les caractéristiques
de ces alternances codiques, à savoir les incises, relèvent du répertoire verbal des locutrices
et de la dynamique des échanges.

Nous constatons aussi à travers les extraits analysés que les alternances codiques
(de type incise) sont produites plusieurs fois et de manière successive à l’intérieur de la
même intervention où les locutrices introduisent des éléments lexicaux et des éléments
grammaticaux comme dans les extraits 40 a et b (C.5) où la combinaison est réalisée à
partir des éléments des deux langues. Malgré la configuration complexe de certains
segments mixtes où sont insérés plusieurs éléments des deux langues, la structure est
presque toujours respectée comme c’est le cas dans les extraits 40 où Amaria a construit

183
Voir également dans la même optique la recherche réalisée par Karima ZIAMARI (2008) sur le code
switching au Maroc où elle présente les différents modèles linguistiques (le modèle linéaire, le modèle du
gouvernement et le Matrix Language Frame) qu’elle divise en deux grandes tendances : l’alternance et
l’insertion.

260
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

son énoncé en mobilisant plusieurs ressources de son répertoire comme les emprunts, des
segments en français et d’autres en arabe dialectal.

Extraits 40, a : conversation 5 (C.5)


A.ni. 309 : meddoulhoum (on leur a donné) les vista xx kamel (une veste xx pour
chacun)

b. conversation 1 (C.1)
A.ni. 111 : c’est pour ça bach Outlek eddossi had essujet (c’est pourquoi je
t’ai dit le dossier ce sujet) l’année passée elli hdartli çla hada çla
hada (quand l’année passée tu m’en as parlé)

Toutefois, certaines alternances codiques surviennent d’une manière inadéquate


dans les interventions des trois locutrices. Ces inadéquations ne concernent que quelques
constructions où arabe dialectal et français sont mélangés (extrait 41). Peut-on donc lier
cela à une incompétence qui relève de la communication exolingue, ou à une compétence
bilingue qui amène les locutrices à alterner les deux langues en prouvant des insuffisances
dans leur agencement ?

Extrait 41, conversation 5 (C.5)


A.ni. 537 : t’:: bouillit (tu le fais bouillonner)

Comme nous l’avons déjà démontré à travers l’analyse quantitative (voir supra), la
convergence codique se réalise plus par les alternances codiques que par le choix d’une des
deux langues.
D’emblée, nous pouvons dire que ce sont les alternances codiques intra-actes qui
prédominent dans les pratiques langagières des trois locutrices avec la même langue de
base. Il ne s’agit donc pas seulement d’alternances codiques unitaires mais également
certaines alternances segmentales où on trouve des segments contenant par exemple un
déterminant et un nom en français agencés à un segment en arabe dialectal notamment
chez les locutrices non-immigrées. De son côté, la locutrice immigrée utilise quelques

261
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

emprunts à l’arabe classique et à l’anglais. Il est donc difficile, dans certaines


interventions, d’établir la distinction entre alternances codiques et emprunts184 surtout
quand il s’agit de termes courants employés sans aucune modification sur le plan
phonétique.

3. Emprunts et/ou alternances codiques ?

Comme l’alternance codique, l’emprunt linguistique est la résultante d’un


processus de contact de langues ; Jean DUBOIS et al., (2007 : 177) considèrent qu’ « il y a
emprunt linguistique quand un parler A utilise et finit par intégrer une unité ou un trait
linguistique qui existait précédemment dans un parler B (dit langue source) et que A ne
possédait pas ». Par ailleurs, on peut compléter cette définition par celle de Georges LÜDI
et Bernard PY (2003 : 143) selon laquelle :

Les emprunts lexicaux sont des unités lexicales simples ou complexes d’une
autre langue quelconque introduites dans un système linguistique afin
d’augmenter le potentiel référentiel ; elles sont supposées faire partie de la
mémoire lexicale des interlocuteurs même si leur origine étrangère peut rester
manifeste.

Dans la mesure où dans notre corpus d’étude il se produit un nombre important


d’unités que l’on considère a priori comme des emprunts, ceux-ci doivent faire l’objet
d’une analyse spécifique afin de les distinguer de l’alternance codique185.
Se pose dès lors le problème de la distinction entre l’alternance et l’emprunt notamment
pour ce qui est des unités isolées appartenant à une des deux langues qui se trouvent
insérées dans un segment de l’autre, « obéissant à la fois aux règles grammaticales des
deux » (POPLACK. 1988 : 28).
Dans cette optique nous procédons à une distinction entre l’emprunt lexical et l’alternance
codique en nous basant sur les caractéristiques morphophonologiques des unités insérées,

184
Nous considérons l’emprunt (spontané ou intégré) comme une ressource supplémentaire au service du
locuteur bilingue.
185
En ce qui concerne les critères à prendre en considération pour distinguer l’emprunt de l’alternance
codique voir (MYERS-SCOTTON, 1992).

262
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

sur la contrainte d’équivalence qui prédit l’absence de l’alternance entre certains éléments
et sur la distinction que font les linguistes entre les emprunt établis (ou intégrés) et les
emprunts spontanés.
A côté des caractéristiques en question nous pouvons nous rattacher au critère de fréquence
qui semble primordial pour nous afin de montrer s’il s’agit d’emprunts ou d’alternances.
On peut signaler d’ores et déjà que sur les plans sémantique et phonétique beaucoup
d’unités utilisées ou ressenties comme des emprunts conservent leur prononciation et leur
sens d’origine.
Il est connu que les emprunts au français sont abondamment utilisés dans les pratiques
langagières des locuteurs algériens (CHERIGUEN, 2002).
Pour ce qui concerne notre recherche, les trois locutrices produisent beaucoup d’unités
isolées appartenant au français qu’elles alternent avec des termes de l’arabe dialectal. Il
s’agit dans la plupart des cas de termes courants qui sont prononcés sans aucune
modification phonétique mais qui dans certains cas sont arabisés voire algérianisés186
(CAUBET, 1998) du fait qu’ils sont prononcés à l’algérienne comme dans les extraits 42 a
et b (Ani. 285) et (A.ni. 072), cette « prononciation maghrébinisée du français est
intimement liée à la question de l’identité » souligne Dominique CAUBET (ibid. : 139).

Extraits 42, a. conversation 1 (C.1)


A.ni. 285 : eih ! (oui !) pour dire envoir (au revoir)

b. conversation 1 (C.1)
A.ni. 072 : [ma’t derrangéhch (tu ne doit pas le déranger)

186
C’est la raison pour laquelle il convient de se positionner par rapport à l’hypothèse de Dominique CAUBET
(1998 : 129-130) selon laquelle « l’algérianisation ne saurait pas être liée intrinsèquement au code-switching,
mais que dans certaines situations sociolinguistiques, l’analyse de l’alternance devrait être affinée ; on devrait
dans le cas de l’Algérie parler d’une alternance entre l’arabe algérien et le français algérien ». Cette
hypothèse semble fondamentale dans la mesure où on a des locuteurs qui passent de l’arabe dialectal au
français en gardant la prononciation de chacune des deux langues, alors que d’autres se servent souvent du
français parlé. Nous pouvons nous référer aussi à Dominique CAUBET (2002) concernant le métissage
langagier et d’autres phénomènes résultant du bilinguisme chez les Maghrébins en France et en Algérie.

263
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

3 – 1. Manifestations de l’emprunt : comment et pourquoi ?

L’examen des conversations a permis de relever un nombre important d’éléments


que l’on considère comme étant des emprunts établis ou intégrés187 puisqu’ils se plient aux
caractéristiques morphologiques et phonologiques de l’arabe dialectal (langue
emprunteuse). A côté de ce type d’emprunts il y a des unités qui font partie du vocabulaire
courant qui, comme nous l’avons fait remarquer, ne sont pas intégrés phonologiquement
mais insérées conformément aux règles syntaxiques de l’arabe dialectal comme les deux
extraits (43) ci-dessous a : (A.ni. 145 : normal) et b : (A.ni. 469 : l’entourage) il s’agit
termes très courant dans l’arabe algérien où le [r] peut être roulé. Peut-on alors les définir
comme des emprunts spontanés ou comme des alternances codiques ?

Extraits 43, a. conversation 4 (C.4)


A.ni. 145 : ça c’est normal Hna çadna hagdek yezewjou Sghar (nous c’est comme
ça chez nous ils se marient très jeunes)

b. conversation 1 (C.1)
A.ni. 469 : l’entourage elli ykoun mliH (quand il est bien) bien ++ tarbiyya
Hassana (la bonne éducation) < ----- ?> tarbiyya Hassana w’hada (la
bonne éducation et tout ça) +++ les=enfants lewlad yeTTelçou
lHamdullah ! (les enfant grandissent bien) w’(et) l’entourage ila
makanch (et s’il n y a pas) ++ [ça va pas

Il convient de signaler que l’insertion des unités en français ne concerne que


certains énoncés produits par les locutrices non-immigrées. Alors que la manifestation des
unités isolées (en français), dans les interventions de la locutrice immigrée, renvoie à
l’alternance codique inter-intervention ou à un changement de langue puisque la langue
dominante dans ses pratiques langagières est le français qu’elle emploie couramment
comme première langue. Les manifestations de l’emprunt intégré du français à l’arabe
dialectal chez les trois locutrices constituent un préalable important qui permet de faire a
fortiori la distinction entre emprunt et alternance codique.

187
Georges LÜDI (1987 : 6) a énuméré trois types d’opérations d’assimilation pour une unité lexicale qu’il
considère comme des axes continus : l’accommodation/l’intégration, la stabilisation et la diffusion/la
réception.

264
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

On peut dire que la contrainte d’équivalence n’est pas toujours un critère opératoire
pour distinguer l’emprunt de l’alternance codique, surtout que le français est une langue
très ancrée dans leurs pratiques langagières et utilisée différemment par les unes et les
autres. En effet, la variation dans l’emploi du français chez les locutrices non-immigrées,
tout comme chez la plupart des Algériens, peut rendre difficile le repérage de ce qui relève
de l’emprunt et ce qui relève de l’alternance codique188.

Dans les extraits 44 et 45 : (C.1) les indices d’intégration ne sont pas très apparents
alors que les éléments insérés obéissent aux règles morphosyntaxiques. Seulement, les
termes (importante : A.ni. 339) ; (l’entourage, bien et les enfants : A.ni. 469) sont
fréquemment utilisés par des locuteurs algériens soit comme des emprunts soit sous forme
d’alternances. A notre sens, ces unités insérées en tant qu’incise sont manifestement des
alternances codiques.
Nous constatons aussi le passage de l’arabe dialectal au français et inversement qui se
réalise sous forme de réitération (mliH bien), (les enfants lewlad). Ces réitérations relèvent
à notre sens des habitudes verbales de la locutrice. Il ne s’agit donc, ni de « traduction
spécifiante » pour expliciter une idée ni de « répétition spécifiante » puisque la réitération
s’est produite dans les deux sens de l’arabe dialectal vers le français et vice versa. Car si
c’est le cas cela veut dire que l’un des principes de la contrainte d’équivalence n’est pas
respecté, et donc on a affaire à des emprunts.

Extrait 44, conversation 1 (C.1)


A.ni. 339 : Haja li zeçma + (la chose qui parait soi-disant) li (qui est) importante

Extrait 45, conversation 1 (C.1)


A.ni. 469 : l’entourage elli ykoun mliH (quand il est bien) bien ++ tarbiyya
Hassana (la bonne éducation) < ----- ?> tarbiyya Hassana w’hada (la
bonne éducation et tout ça) +++ les=enfants lewlad yeTTelçou
lHamdullah ! (les enfants grandissent bien) w’(et) l’entourage ila
makanch (et s’il n’y a pas) ++ [ça va pas

188
Parallèlement, d’autres ressources verbales relevant d’une créativité constante, se voient investies par les
jeunes locuteurs algériens (cf. Khaoula TALEB-IBRAHIMI, 1998).

265
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Les extraits 46 : (C.2) a, b et c ci-après illustrent l’utilisation intensive des incises


(concernant les termes français) dans les interventions d’Amaria, qu’on peut à la fois
considérer comme des emprunts ou comme des alternances. Il s’agit en fait de termes très
courants que l’on rencontre beaucoup dans les pratiques langagières des locuteurs
algériens. Dans les extraits a, b et c les termes « bizarre », « nerveux » et « psychologue »
sont prononcés en français par Amaria.

Extrait 46, a : conversation 2 (C.2)


A.ni. 184 : [tessema (c'est-à-dire) bizarre

b : conversation 2 (C.2)
A.ni. 208 : elli rahoum (ils sont) nerveux

c : conversation 2 (C.2)
A.ni. 213 : ki tOUlha (quand tu lui dis) psychologue tjiha çayb (elle le prend mal)

Dans l’extrait 47 : (C.4) la locution déterminative « la plupart » apparaît deux fois


dans l’intervention de Linda (L.ni. 397), la première fois elle l’a utilisée d’une manière
inadéquate sur le plan syntaxique mais c’est peut être une tentative tronquée spécifique aux
pratiques langagières de la plupart des jeunes. En effet, l’emploi de « la plupart » dans
cette construction équivaut à « la plupart du temps » élément normalement attendu. Par
contre la deuxième occurrence (la plupart yOuloulek) « la plupart te disent » obéit aux
règles morphosyntaxiques de la langue matrice ; faut-il considérer l’emploi de cette
locution déterminative comme relevant d’un emprunt ou d’une alternance ?

Extrait 47, conversation 4 (C.4)


L.ni. 397 : yih ! bessaH (oui c’est vrai) euh + yHoubbou hakda bessaH (ils aiment
comme ça mais) la plupart ki tahdar mça (quand tu parles avec) un
jeune wella t’Oulou (ou tu lui dis) est-ce que tHoub tamchi (tu veux
partir) le FRANSA (FRANCE) tekhdem (pour travailler) [la plupart
yOuloulek (ils te disent) euh::

266
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Dans les extraits a, b, c et d (extraits 48) on trouve une série d’adjectifs français
insérés dans des segments construits sur la base de la grammaire de l’arabe dialectal. Il en
est de même pour l’adverbe « normalement » (L.ni. 142) ainsi que les syntagmes « les
plages » (L.ni. 566) et « le climat » (A.ni. 593). Le premier syntagme conserve toujours la
même réalisation avec le déterminant français au féminin et au pluriel alors que le second
peut se réaliser avec le déterminant de l’arabe dialectal (elclima). On a affaire, comme
dans les extraits précédents, à des termes français qui sont assez souvent introduits dans les
pratiques langagières des locuteurs algériens comme emprunts que les uns et les autres
prononcent différemment. Peut-on en l’absence d’une intégration sur les plans
phonologique et morphologique dire qu’il s’agit d’alternances ?

Extrait 48, a : conversation 5 (C.5)


L.ni. 142 : bessaH (mais) normalement ntouma techkiw + we tOuloulhoum
(vous pouvez vous plaindre + et vous leur dites) + voilà !

b : conversation 5 (C.5)
L.ni. 566 : Hatta (même) les plages taçkoum (vos plages) privées [we euh:: #

c : conversation 5 (C.5)
A.ni. 593 : le climat çandkoum + machi (chez vous + il n’est pas) stable

d : conversation 5 (C.5)
A.ni. 618 : [yegouçdou (ils restent) isolés

Tout se passe comme si certains termes français passaient dans la langue d’accueil
(l’arabe dialectal) à la fois en tant qu’emprunts et en tant qu’incises. Ainsi, dans les deux
cas ce passage donne lieu à un métissage langagier qui contribue au développement d’un
répertoire verbal diversifié.

A ce propos le terme de ‘‘métissage langagier’’ peut englober à la fois l’emprunt et


l’alternance codique et peut s’avérer comme une des solutions qui permet d’exploiter les
deux phénomènes dont les limites qui les séparent sont très ténues. La fréquence de

267
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

certains termes sous forme d’unités isolées est telle dans les pratiques langagières qu’elle
rend parfois difficile la séparation entre emprunt et alternance. Dalila MORSLY (1995) a
souligné à ce propos qu’il s’agit de deux processus qui se ressemblent du fait qu’ils
renvoient pratiquement aux mêmes stratégies.

En somme, on s’aperçoit que les modes d’insertion et de fonctionnement des


incises sont divers et les ressources mobilisées le sont aussi. Il s’agit en fait d’une pratique
en construction qui n’a pas encore atteint un haut degré de stabilisation comparable dans
certains de ses aspects à celle des jeunes issus de l’immigration maghrébine en France
(MELLIANI, 2001).

3 – 2. Emprunts au français intégrés à l’arabe dialectal

Comme nous l’avons déjà amplement montré le répertoire langagier des trois
locutrices est composé principalement de l’arabe dialectal et du français. Outre les
possibilités de choix de langues ou d’alternances codiques qu’offrent les deux langues pour
la communication, l’emprunt s’ajoute comme ressource supplémentaire qui amplifie le
potentiel référentiel dans la conversation bilingue. Ainsi, l’arabe dialectal recèle un
éventail de termes français qui sont investis dans les pratiques langagières comme faisant
partie du vocabulaire d’origine. Nous avons constaté en fait que certains de ces termes
conservent leurs aspects phonologiques et morphologiques, par contre d’autres termes
intégrés se plient aux règles de la langue d’accueil. Ainsi, l’emploi récurrent des emprunts
accommodés atteste du rôle que joue le métissage langagier dans le développement et la
dynamique du répertoire verbal.

Les exemples qui suivent sont de deux types. Le premier illustre l’emploi des
emprunts compte tenu de l’encastrement morphosyntaxique qui donne lieu à des formes
hybrides. Le second illustre l’emploi des emprunts ayant conservé leurs caractéristiques et
qui alternent avec les constituants de la langue d’accueil.
Il importe de préciser que dans les interventions des trois locutrices se produisent quelques
emprunts à l’anglais, à l’espagnol et à l’arabe classique.

268
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 49, conversation 1 (C.1)


A.ni. 285 : eih ! (oui !) pour dire envoir (au revoir)

Dans cet extrait la locution nominale au revoir est totalement modifiée tant au plan
phonologique que morphologique. Il s’agit en fait d’un figement où la contraction de la
locution a donné lieu à une nouvelle forme (envoir) que la plupart des locuteurs algériens
emploient ainsi.

L’imbrication des deux langues l’une dans l’autre se réalise de différentes manières
selon qu’il s’agit d’un nom, d’un verbe, d’un adverbe ou d’un adjectif. L’alliance de
plusieurs éléments conduit en effet à des hybrides construits principalement sur la base de
la langue matrice. C’est le cas du terme (ellotoyat) dans l’extrait 50 (C .5) qui est composé
du déterminant arabe : el + nom féminin : oto (auto) + yat : affixe qui renvoie au féminin
pluriel. Il s’agit là de l’abréviation du terme automobile qui est sujet à la variation que les
uns et les autres emploient avec la suppression de la voyelle o], qui donne
respectivement : tomobil et tonobil.

Exemple 50, conversation 5 (C.5)


L.ni. 607 : on a pas les moyens ettri° tetçammer be + be + ellotoyat
yegouçdou ma yfoutouch (la route était barrée + par + par + la neige et les
voitures ne passaient plus)

Dans l’extrait 51 (C.2), (matsaçfouhch mnervi) « ne l’écoutez pas il est nerveux »,


il s’agit à la fois d’une contraction syntaxique et d’une accommodation morphologique
voire phonologique. Ainsi, l’adjectif ‘‘nerveux’’ est précédé du pronom personnel (m) : il
+ (nerv) : qui correspond à nerveux + (i) : (marque qui qualifie l’état). Nous constatons que
l’emploi des emprunts intégrés dans le dialecte arabe ne concerne pas uniquement les
locutrices non-immigrées, cela concerne également la locutrice immigrée. Les études
portant sur les pratiques langagières des locuteurs issus de l’immigration algérienne en

269
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

France ont montré que leur répertoire verbal comprend également des emprunts à l’arabe
dialectal189 (ASSELAH-RAHAL, 2004) qu’on retrouve dans les parlers algériens.

Extrait 51, conversation 2 (C.2)

F.ii. 027 : ah ! beaucoup einh ! pourtant j’étais très poli :: je lui


ai demandé un article « galli walou (il m’a dit ça ne fait rien) tu
prends ce’(l)ui-là wella:: gçoud » (ou laisse) ++ et j’étais à
deux doigts de pas le prendre bessaH goulT eyya (mais je me suis
dit aller) bon maçlich (ça ne fait rien) + matsaçafouhch ++ mnervi (ne
l’écoutez pas ++ il est nerveux) trop nerveux +++ ça m’a marqué c’est
[pour ça que

Chacun des extraits suivants contient une forme verbale empruntée qui suit ces
règles de l’arabe dialectal. Ces formes verbales sont adaptées aux règles de la flexion
verbale de l’arabe dialectal. Dans l’extrait 52 (C.2) le verbe draguer est contacté dans un
syntagme verbal qui contient le pronom personnel sujet (ye) : ils + (drag) : la base verbal +
(ou) : affixe renvoyant à la terminaison de la troisième personne du pluriel. La flexion de
la forme plurielle se produit différemment selon les variétés dialectales : à Tlemcen, on
trouve surtout l’affixe (iw) qui donne (yedraguiw). Ce dernier est spécifique au parler
citadin de la région de Tlemcen. La manifestation de l’affixe (ou) chez la locutrice
immigrée témoigne de l’influence de la variété de l’arabe dialectal parlé à Mostaganem et à
Mohammadia (ex Perrégaux) sur son comportement linguistique. C’est en effet dans ces
deux villes natales de ses parents où elle a l’habitude de passer ses vacances.

Extrait 52, conversation 2 (C.2)


F.ii. 029 : [j’en parle ça m’a touché quoi ! et dehors aussi + t’(u)as
vu hadou (ces) le hmm les gens qui se bagarrent dehors
yedragou (il draguent)

189
Ces emprunts sont souvent réalisés à l’algérienne selon leurs modes de fonctionnement au sein des
variétés dialectales de chaque région. Ils concernent toutes les générations et ils se transmettent au sein de la
famille et au sein des groupes de pairs.

270
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Dans les deux extraits 53 (C.2) et 54 (C.5) les deux formes verbales retenues en
(F.ni. 070) : (ma tdérangéhch) « ne le dérange pas » et en (L.ni. 603) : (koulchi tebloka)
« tout était bloqué » attestent que l’emprunt est soumis au processus d’intégration.
L’intégration donne lieu à des encastrements morphosyntaxiques où sont imbriqués des
morphèmes grammaticaux de l’arabe dialectal et la base verbale du français.

Extrait 53, conversation 2 (C.2)


A.ni. 072 : [ma’tdérrangéhch (tu ne doit pas le déranger)

Extrait 54, conversation 5 (C.5)


L.ni. 603 : ja ghi chwiyya telj (il a neigé un peu) deux jours w’houwwa yTéH
ettelj ma [Addinach koulchi tebloka (il n’a cessé de neiger on a pas pu
tout était bloqué)

Dans l’extrait 55 : (C.3) le segment verbal (mchoqué) « je suis choqué » se


caractérise par l’emploi du pronom personnel et l’auxiliaire (m) de l’arabe dialectal et du
participe passé du verbe choquer conservé tel quel sans affixe du féminin (ya) « moi ».
Cette omission de l’affixe du féminin constitue une non-équivalence concernant le genre.

Extrait 55, conversation 3 (C.3)


F.ii. 447 : hadi rani mchoké + kamel (je suis entièrement choquée) +
les=Algériens + kamel (tous) euh:: les=immigrés rana (on est) on
est choqué + sous choque + déjà hna (nous) le code de la
route makanch qlil tséb (il y a pas on trouve rarement) panneau + +
panneau taç (de) le code de la route qlili nSébah zeçma +
khaTrat nSéb esstop fel khla (c’est très rare où on trouve soi-disant + des
fois tu trouves un stop dans des endroits désertiques) ((rires)) wellit ngoul
had (je me disait ça c’est un) esstop min ja ++ welit ngoul errajli
ghil ma taHbesch rana fil khla + hada (quand il est venu d’où il vient
++ j’ai dis à mon mari ce n’est pas la peine de s’arrêter on est dans le desert + ça c’est
un) stop darouh (ils l’ont mis) pour rien ((rires)) chwiyya we
Trég deyqa:: (la route un peu étroite)

271
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Les extraits 56 (C.1) et 57 (C.1) illustrent l’emprunt des toponymes français qui
remontent à l’époque coloniale que la plupart prononcent à l’algérienne. Ainsi, Farida a
utilisé respectivement (Barigou) au lieu de « Perrégaux » en (F.ii. 020) et (le fransa) au
lieu de « en France » (F.ii. 332).

Extrait 56, conversation 1 (C.1)


F.ii. 332 : [neddiha mçaya le FRANSA ? (je l’emmène avec moi en FRANCE ?) ++
ntouma ka:mel neddikoum (je vous emmène tous avec moi)

Extrait 57, conversation 1 (C.1)


F.ii. 020 : [wah BARIGOU (oui PERREGAUX) ++ et puis + mais bon mon père est
de BARIGOU (PERREGAUX) +

Les emprunts relevés dans les extraits suivants illustrent l’emploi de l’emprunt des
noms (substantifs) précédés du déterminant. Ce dernier se réalise de deux manières (el) ou
(e) dans les pratiques langagières des trois locutrices. La deuxième réalisation conduit à la
gémination de la première consonne comme dans l’exemple 58 (C.1) les termes (eddossi et
essujet) où la première consonne subi la gémination. Outre la prononciation du [r] roulé et
la gémination due à l’emploi du déterminant qui à l’origine précède les lettres solaires190,
aucun changement n’affecte les termes en question sauf le terme (eddossi) qui connaît une
chute de la diphtongue.

Extrait 58, conversation 1 (C.1)


A.ni. 111 : c’est pour ça bach Outlek eddossi had essujet (c’est pourquoi je
t’ai dit le dossier ce sujet) l’année passée elli hdartli çla hada çla
hada (quand l’année passée tu m’en as parlé)

Extrait 59, conversation 1 (C.1)


A.ni. 247 : eih ! (oui !) fel’mois (pendant le mois) d’août ?

190
Par lettres solaires les grammairiens arabes entendent une réalisation redoublée concernant certaines
lettres au début des mots dont résulte un amuïssement au niveau du déterminant. Cette caractéristique
concerne également l’arabe algérien.

272
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 60, conversation 1 (C.1)


A.ni. 453 : même +++ tu aimes la danse ++ les chansons raï tout kamel
had (toutes ces) les chansons whad (une) l’ambiance w’hada
hawwada rak wellit l’ (et cette ambiance et voilà tu es revenu aux) les
choses importantes le \

Extrait 61, conversation 3 (C.3)


L.ni. 091 : le problème taç e’terrorizme (du terrorisme)

Extrait 62, conversation 4 (C.4)


L.ni. 116 : l’mariage (le mariage) taçna kouma taçkoum (nos mariages comme les
vôtres) en FRANCE ?

Extrait 63, conversation 4 (C.4)


F.ii. 404 : mchi kimma l’bouché (ce n’est pas comme chez le boucher)

Extrait 64, conversation 4 (C.4)


L.ni. 274 : l’estoma triyyaH koulchi yriyyah + rabbi çamel hakda
(l’estomac se repose et tout se repose + le bon Dieu a fait comme ça)

A côté des emprunts au français dans l’arabe dialectal (dans les extraits 59, 60, 61,
62, 63 et 64) les locutrices mobilisent d’autres ressources appartenant à l’arabe littéral, à
l’anglais et à l’espagnol. Bien qu’ils soient moins fréquents les emprunts à ces langues sont
employés eux aussi pour augmenter le potentiel référentiel. Leur emploi relève surtout des
habitudes verbales comme c’est le cas des termes anglais (black, speed, week end), qui ne
sont plus ressentis comme des emprunts, sauf speed.

Dans les exemples ci-dessous un certain nombre d’emprunts à l’anglais surviennent


dans les pratiques langagières des locutrices malgré l’existence de termes équivalents en
arabe et en français. Dans l’extrait 65 (C.3) Farida emploie les trois termes dans la même
intervention (black191, noire et kaHla) dans un segment. La succession des alternances à
l’intérieur de la même intervention (entre français/emprunt à l’anglais et français arabe
dialectal) montre la nécessité de mobiliser les ressources jugées utiles pour le bon
déroulement des interactions. Il en de même pour (speed) qui alterne avec le français
191
Fabienne MELLIANI (1999 b : 312) a constaté que le terme ‘‘black’’ « est un adjectif, signifiant ‘‘noir’’,
utilisé sous une forme substantivale : un noir, le sens emprunté et le sens attesté dans le langage des jeunes
coïncidant » et c’est d’ailleurs ce qu’on constate chez Farida qui a employé ce terme plusieurs fois.

273
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

(extrait 66) et il est sujet à un commentaire métalinguistique. Le terme composé (week


end) dans l’extrait 70 est très souvent utilisé par presque tous les locuteurs (qui prennent
des week-ends) comme emprunt intégré.

Extrait 65, conversation 3 (C.3)


F.ii. 022 : donc kanou (ils étaient) également yaHagrou (ils les briment) également
les femmes + et puis ma grand-mère + + elle s’est sauvée
elle et une copine à elle + une black + elle était noire
hadek ++ hadik (celui-là ++ celle-là) sa copine elle était kaHla
(noire) et elles s(e) sont sauvées hiyya wiyyaha (elle et lui) + ma
grand-mère elle est très blanche + + et l’autre + et son
amie + + noire

Extrait 66, conversation 4 (C.4)


F.ii. 352 : chetti (tu as vu) les=enfants taç hna (d’ici) vraiment ils sont
khfaf (turbulents) sont vraiment speed kima ygoulou (comme on dit)

Le terme (seddariyyat) de l’espagnol « esterilla » le lit est intégré


phonologiquement et morphologiquement, comme la plupart des hispanismes192 il n’est
pas ressenti comme étant un emprunt. Par contre le terme (playa) conserve ses
caractéristiques phonologiques et morphologiques.

Extrait 67, a : conversation 2 (C.2)


F.ii. 183 : les=hypertension hadou (ceux là) des très + très nerveux +++
il est très + très nerveux:: + et il sautait de euh + euh
du seddariyyaT (les lits) au dessus de la table + + + tu te
rends compte [yneggez (il saute)

b : conversation 5 (C.5)
F.ii. 548 : ouais ! super c’est ce que j’suis entrain de dire peut=
être je vais y aller demain bach (pour) peut=être nchallah (si
Dieu veut) je vais dire au revoir à la playa

192
Nous avons relevé au cours de nos recherches (la thèse de magistère et le projet de recherche CNEPRU)
sur les emprunts hispaniques environ 500 termes d’origine espagnole chez les pêcheurs de BENI-SAF et dans
certaines régions de l’ouest algérien (ALI-BENCHERIF, 2000), (BENMOUSSAT & ALI-BENCHERIF, 2003).

274
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Pour ce qui est de l’emploi des termes de l’arabe littéral on peut dire qu’ils
apparaissent soit sous forme « d’alternances interarabes (arabe dialectal/arabe fusha) »
(TALEB-IBRAHIMI, 2004 : 449) soit sous forme d’alternances français/arabe littéral. Dans
les trois extraits (68 (C.1), 69 (C.1) et 60 (C.5)) l’emploi de l’arabe littéral renvoie au
domaine religieux.

Extrait 68, conversation 1 (C.1)


A.ni. 219 : on dit el madaIH (le chant religieux)

Extrait 69, conversation 1 (C.1)


A.ni. 475 : [terbiyya lHassana c’est (la bonne éducation)

Extrait 70, conversation 5 (C.5)


F.ii. 542 : il a fait super chaud + mais on a eu un imprévu c’était pas
possible ++ donc aujourd’hui on est vendredi joumouça (le
vendredi) pour vous votre + c’est le week end en fait c’est ça

Comprendre le mode de fonctionnement des ressources verbales mobilisées dans la


conversation bilingue implique l’explicitation des mécanismes indispensables à leur mise
en œuvre par les interlocuteurs. Ainsi, nous avons vu que les unités isolées d’une langue
introduites dans les segments de l’autre présentent une saillance quant à la distinction entre
emprunt et alternance codique. L’analyse nous a permis de constater que l’évolution et le
renouvellement lexical résultant du contact de l’arabe dialectal avec le français voire
d’autres langues augmentent le métissage langagier. Ce dernier donne lieu à emploi
conjoint de ces langues qui se concrétise soit par l’alternance codique unitaire soit par
l’emprunt linguistique. Malgré la non-équivalence soulignée à propos de certains segments
bilingues, on peut dire que ce sont des manières de faire propres à chaque locuteur de se
servir de son répertoire verbal pour assurer l’intercompréhension. Ainsi, nous dirons qu’il
y a une sorte de continuum entre l’alternance codique unitaire (incise) et l’emprunt étant
donné que les deux contribuent à l’émergence du métissage langagier.

275
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

4. Les fonctions conversationnelles de l’alternance codique

Après avoir fait état de l’analyse linguistique et syntaxique, nous allons nous
pencher à présent sur l’analyse fonctionnelle de l’alternance codique. Mais avant de passer
à l’analyse des fonctions et des raisons de l’alternance codique193, nous mettons en
évidence quelques préalables théoriques pour une meilleurs compréhension de ce qui se
dégage dans notre corpus comme éléments significatifs.

La distinction faite par Jan Petter BLOM et John GUMPERZ (1972) entre ‘‘code-
switching situationnel’’ et ‘‘code-switching métaphorique’’ conduit à considérer l’emploi
simultané de deux langues comme une stratégie de communication à travers laquelle le
locuteur vise une signification particulière. John GUMPERZ (1989.a : 73) précise qu’il s’agit
d’une « typologie préliminaire commune qui vaut pour chaque situation ». Ainsi, il a
dégagé six fonctions principales de l’alternance codique, à savoir : les citations et le
discours rapporté, la désignation d’un interlocuteur, les interjections, les réitérations, la
modalisation d’un message et la personnalisation versus objectivation.

A côté de ces fonctions on peut ajouter celles listées par François GROSJEAN (1892)
pour qui l’alternance codique peut permettre au locuteur de : combler une difficulté d’ordre
lexical, conférer à l’énoncé un valeur emblématique, poursuivre avec le dernier code utilisé
(convergence), nuancer un message, affirmer son propre statut, exclure quelqu’un de la
conversation (divergence).

Par ailleurs, Georges LÜDI et Bernard PY (2003) ont identifié d’autres fonctions
chez les migrants comme le marquage de l’appartenance à une même communauté
bilingue et biculturelle194, le changement momentané de destinataire, l’accroissement du

193
Le repérage des fonctions de l’alternance codique peut se faire non seulement à partir des pratiques
langagières réelles mais aussi à partir des dires des locuteurs eux-mêmes (recueillis par le biais des
entretiens), cf. (BILLIEZ et al,. 2000) d’autant plus que Jacqueline BILLIEZ & Patricia LAMBERT (2005 : 18)
apportent des précisions à propos de la notion fonction en précisant que « la notion de fonction recouvre le
point de vue de sujets interviewés et désigne, plus précisément, les buts, motifs, désirs ou intentions qu’ils
reconnaissent à leurs conduites langagières ainsi que les rôles qu’ils attributs eux-mêmes à leurs choix de
langues et aux modifications qui sont opérés au cours de leur biographie langagière ».
194
Dans le cas des locuteurs migrants l’alternance codique peut permettre, en passant de la langue du pays
d’accueil à la langue d’origine, d’opposer le ‘‘they code’’ au ‘‘we code’’ (GUMPERZ, 1989.a).

276
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

potentiel référentiel pour la désignation des réalités spécifiques au pays d’accueil et


l’emploi d’un mot ayant un potentiel connotatif plus fort.

On peut citer également les quatre fonctions décrites par Shana POPLACK (1988) :
donner l’expression la plus adéquate ou la recherche du mot juste, commentaire
métalinguistique, mettre de l’emphase, expliquer, spécifier et traduire.

Enfin, les fonctions que les locuteurs attribuent eux-mêmes aux langues (BILLIEZ et
al., 2000) peuvent se révéler fondamentales. L’analyse du discours des informateurs issus
de l’immigration de la région grenobloise (BILLIEZ et al., ibid.) a permis de repérer et de
regrouper les fonctions suivantes : communicative véhiculaire, cryptique, métalinguistique
et emblématique.

Il est important de préciser que les propos des uns et des autres se rejoignent et se
complètent car comme l’a affirmé John GUMPERZ (1989.a : 82) :

[…] une liste de fonctions ne peut expliquer à elle seule ce que sont les bases de
la perception de l’auditeur, ni comment elles affectent le processus
d’interprétation. Il est toujours possible de postuler des facteurs sociaux extra-
linguistiques ou des éléments de connaissances sous-jacentes qui déterminent
l’occurrence de l’alternance.

Inscrit également dans une perspective fonctionnelle, le modèle de Bernard ZONGO


(1996) concernant l’analyse des stratégies langagières dans le choix et l’alternance
linguistiques permet de décrire comment sont structurées les stratégies langagières dans
une situation bilingue voire dans un milieu d’hétérogénéité culturelle, « c’est un modèle à
six composantes et construit à partir des travaux sur les facteurs et/ou fonctions des choix
et de l’alternance linguistiques » (ibid. 343).

277
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

COMPOSANTE CONTEXTUELLE COMPOSANTE CONTEXTUELLE


(facteurs extralinguistiques) (facteurs linguistiques)

LOCUTEUR

COMPOSANTE FONCTIONNELLE
(fonctions)

COMPOSANTE RHETORIQUE
(Procédés linguistiques)

COMPOSANTE SEMANTIQUE
(contenu du message)

COMPOSANTE LINGUISTIQUE
(matériau linguistique)

Figure 1 : Structure d’une stratégie langagière dans le choix et l’alternance langagière.


(Bernard ZONGO, 1996 :343)

L’auteur précise à propos de ce modèle que :

Ce qui se lit : en vue d’atteindre un but A (composante fonctionnelle), un


locuteur, influencé par des facteurs extralinguistiques B (composante
contextuelle) ou des facteurs linguistiques C (composante contextuelle), utilisera
un procédé discursif D (composante rhétorique) pour exprimer un contenu E
(composante sémantique) ; ce qui se traduira par le choix d’une langue, d’une
variété d’un code F (composante linguistique). (ZONGO, ibid. 343)

Nous tenons à rappeler que nous avons déjà en partie répondu, lors de l’analyse
linguistique et syntaxique, à quelques questions relatives aux fonctions que remplissent les
alternances codiques.

278
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

4 – 1. Fonctions identitaire et emblématique : choix et alternances codiques dans les


séquences d’ouverture

Nous pouvons a priori parler de fonction identitaire relative à l’emploi de ces


formules de salutation ou d’invocation à Dieu195 non seulement au niveau des séquences
d’ouverture mais tout au long des conversations. En effet, ces formules se manifestent
comme « marqueurs identitaires », elles relèvent aussi bien d’un choix marqué que d’un
choix non marqué. Si l’intention est de véhiculer une connotation culturelle et les valeurs
qui lui sont attribuées par les interlocuteurs, on dira qu’il s’agit d’un choix marqué, s’il
s’agit d’un emploi systématique196 de ces formules seules ou alternées avec des
expressions qui leurs sont relatives, on parlera de choix de langue non marqué.

Voici quelques exemples qui illustrent la régulation voire la ritualisation du choix


des langues dans les séquences d’ouverture :

Extrait 71, conversation 1 (C.1) :


A.ni. 001 : sbaH el khir197 FARIDA (bonjour FARIDA)
F.ii. 002 : bonjour
A.ni. 003 : ça va ?
F.ii. 004 : ça:: va très bien Hamdoullah (Dieu soit loué)
A.ni. 005 : ça va ?
F.ii. 006 : impec
A.ni. 007 : impec ?
F.ii. 008 : oui : impec ++ ça va

Extrait 72, conversation 2 (C.2) :


F.ii. 001 : bonjour + essalam198 (bonjour) + ça va ?
A.ni. 002 : ça va + lHamdoullah (Dieu soit loué) + et toi ?
F.ii. 003 : ouais:: + ça va::

195
Nous avons montré plus haut le rôle et le mode de fonctionnement de ces formules qui se manifestent en
tant qu’inserts.
196
Les salutations ont une valeur systématique dans la conversation familière (TRAVERSO, 1996).
197
Qui se traduit littéralement matin de bien.
198
Qui se traduit littéralement par paix (paix sur toi).

279
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 73, conversation 4 (C.4) :


A.ni. 001 : SbaH el khir FARIDA (bonjour FARIDA) + ça va ?
F.ii. 002 : ça va impec
A.ni. 003 : ça va les cousines ?
F.ii. 004 : ça va !
L.ni. 005 : touma199 (et vous) ça va ?
F.ii. 006 : impec wellah touaHAchnakoum (vous nous avez manqué je le jure) ++
impec

Extrait 74, conversation 5 (C.5) :


F.ii. 001 : salam (bonjour) + bonjour
L.ni. 002 : salam (bonjour) + ça va ?
F.ii. 003 : ça va et vous ça va ?
A.ni. 004 : ça va bien

Ces quatre séquences d’ouverture illustrent une certaine régulation en ce qui


concerne l’influence dans le choix de langues qui se fait systématiquement en arabe
dialectal et en français et qui est réparti selon la position des échanges entre les
interlocutrices. Ainsi, nous trouvons une récurrence des formules de salutation et de
serment ou d’invocation à Dieu utilisées souvent en arabe dialectal. Cette convergence
codique liée aux séquences d’ouverture est souvent ritualisée, ce qui laisse entendre qu’elle
est récurrente non seulement dans les échanges entre immigrés/non-immigrés mais chez les
non-immigrés eux-mêmes200.

Les salutations, les vœux, les formules de serments ou d’invocation à Dieu sont des
formulations figées dans les habitudes langagières de la communauté maghrébine
(immigrées ou non-immigrées), elles sont considérées aussi comme des marqueurs de la
relation interpersonnelle qui s’établit entre les interlocuteurs. Pour ce type de formulation
la locutrice immigrée et ses partenaires reviennent très souvent à la première langue de
socialisation (l’arabe dialectal) qui marque un aspect identitaire et d’appartenance
culturelle (notamment la religion).

Les salutations sont considérées comme des séquences liminaires à fonction


phatique (KERBRAT-ORECCHIONI, 2001) qui, de par leur caractère ritualisé en tant que
199
Se traduit par vous, mais dans les questions-de-salutation cet élément fonctionne souvent en tant
qu’élément figé et complémentaire comme équivalent de toi.
200
C’est ce que nous avons constaté dans beaucoup de situations, les immigrés et les non-immigrés les
utilisent souvent pour montrer une appartenance identitaire et religieuse.

280
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

« rituels d’accès » (GOFFMAN, 1973 : 88) mutuel, présentent dans notre corpus des
alternances codiques intra-intervention où les trois locutrices usent à la fois de l’arabe
dialectal et du français. Les alternances codiques se produisent fréquemment dans les
séquences d’ouverture et elles sont constitutives des conventions de communication
propres aux locuteurs algériens qu’ils soient immigrés ou non immigrés. Dans les extraits
ci-dessus, nous allons constater que le locuteur suit sont interlocuteur systématiquement en
réitérant dans une même langue puis en alternant avec la deuxième langue pour compléter
la paire de l’échange de salutations201. Cette insistance dans l’emploi des formules de
salutation est motivée par la valeur que les interlocuteurs accordent à la relation qui
s’établit lors des rencontres.

Dans l’extrait 71 (C.1) il s’agit d’une séquence d’ouverture marquée par une
alternance codique inter-intervention, Amaria en (A.ni. 001) salue sa partenaire immigrée
en langue arabe dialectal (SbaH el Khir Farida) (matin de bien ou bonjour) alors que
Farida (F.ii. 002) lui répond en français par (bonjour), Amaria poursuit ses salutations par
un acte réalisé sous forme de question-de-salutation sur l’état de Farida (ça va ?), cette
dernière lui répond mais cette fois-ci en alternant le français et l’arabe dialectal, il s’agit
plus précisément de l’insertion d’une invocation à Dieu (Hamdoullah) ritualisée et
récurrente dans les pratiques des salutations des Algériens et qui est souvent alternée avec
‘‘ça va’’ ou ‘‘bien’’.

Dans l’extrait 72 (C.2), le tour de parole de Farida (F.ii. 001) contient une
salutation proprement dite formulée en français et en arabe dialectal et une salutation
complémentaire formulée en français (bonjour salam ça va ?) sous forme de question-de-
salutation (KERBRAT-ORECCHIONI, 2001 : 178) auxquelles Amaria (A.ni. 002) répond par
(ça va lHmdoullah et toi ?) formulé sous forme d’un énoncé latéral sans employer
explicitement une formule de salutation. La réaction de Amaria est en effet formulée
pareillement sous forme de question-de-salutation mais surtout comme formule routinière
adaptée à la situation et au contexte. Ce qui caractérise les deux échanges ce sont les
alternances codiques unitaires qui se manifestent en tant qu’inserts qui remplissent une
fonction phatique.
201
Les séquences d’ouverture sont généralement décrites comme fonctionnant par paires adjacentes
(SCHEGLOFF & SACKS, 1973).

281
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Dans les extraits 73 (C.4) et 4 (C.5), les interactions sont de type « trilogue ». Elles
sont caractérisées par des échanges de salutation bilingues relevant d’un choix de langue
non marqué. Ainsi, les trois locutrices usent de l’arabe dialectal et du français dans la
formulation des salutations. Amaria emploie ans (A.ni. 001) l’arabe dialectal pour saluer sa
partenaire immigrée d, qui s’est absentée pendant quelques jours de la maison pour aller
chez des proches, en lui souhaitant un jour de bien (SbaH el khir FARIDA) qui est
l’équivalent de bonjour en ajoutant une salutation complémentaire sous forme de question-
de-salutation en français (ça va ?), Farida répond en français (ça va impec). Linda avait
déjà rencontré Amaria, elle s’adresse directement à Farida en employant elle aussi une
question-de-salutation qu’elle a alternée avec un pronom personnel. Etant un élément
ritualisé, ce dernier figure souvent dans les formules de salutation comme réplique à partir
de laquelle la question est posée. Farida lui répond (F.ii. 002 et F.ii. 006) en utilisant un
terme tronqué en français (impec) en insérant une formule de serment (wellah !) en arabe
dialectal qui remplit une double fonction interjective et emblématique puis elle réitère en
français en reprenant le même terme qu’elle a employé au début.

Dans l’extrait 74, on y trouve presque la même configuration des échanges ; dans le
premier tour de parole Farida formule ses salutations en usant des deux langues (salam
bonjour), dans le second tour la formulation de Linda débute en arabe dialectal sous forme
de salutation et se poursuit en français par une salutation complémentaire correspondant à
une question-de-salutation.

Chacun des exemples cités est composé de formules de salutation proprement dites
et des formules complémentaires caractérisées par la mobilisation de l’arabe dialectal et du
français. Dans ce cas l’alternance des deux langues représente ce que Fabienne MELLIANI
(1999.b : 350) appelle « une ressource supplémentaire » qui donne une valeur d’amabilité à
la rencontre voire à la relation et permet de les gérer au mieux. Ainsi, le passage à l’arabe
dialectal ou au français est causé dans les trois exemples par le besoin d’exprimer un
rapport d’intimité basé sur le respect mutuel. Chez l’immigrée l’usage de l’arabe dialectal
constitue, dans les séquences d’ouverture, un héritage linguistique et culturel, alors que
chez les locutrices non-immigrées les salutations et salutations complémentaires exprimées

282
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

en français relèvent des habitudes202 langagières et fonctionnent souvent comme des


stéréotypes à fonction phatique. Néanmoins, les salutations et les salutations
complémentaires peuvent relever d’un choix marqué dans le but de créer un lien de
complicité. Ce qu’il faut souligner aussi c’est la cumulation des salutations qui se
manifeste par des réitérations et des alternances codiques entre les formules de salutation et
les formulations votives.

4 – 2. Fonction polyphonique : des paroles rapportées

Nous avons relevé dans notre corpus de longues séquences de narration qui
manifestent une sorte d’énonciation polyphonique203 où sont imbriquées les voix des trois
locutrices et de ceux ou celles dont elles actualisent le discours. Seulement, il ne s’agit pas
tout à fait d’authentiques paroles d’autrui204 car ce qui importe dans de telles situations
c’est plus l’intention de communication que les formes discursives rapportées. Ce qui
permet, à la suite d’Amina BENSALAH (1998 : 168), de souligner l’effet loupe de
l’alternance codique :

[L’alternance codique] … joue le rôle polyphonique du mélange à la fois des


ressources et des genres. C’est elle qui joue le rôle de l’accent appréciatif et fait
pencher le DD vers un discours verbalo-analytique. Elle efface et atténue les
contours nets du style direct linéaire. L’alternance fait tendre le discours vers le
style pittoresque par la mise en scène explicite qu’elle offre205.

Certaines paroles rapportées par les trois locutrices sont bilingues et d’autres
monolingues mais il peut exister un décalage entre ce qui a été vraiment dit et ce qui est
relaté, il en de même pour la langue dans laquelle ces paroles ont été énoncées. Même s’il
s’agit de paroles monolingues énoncées dans l’une ou l’autre langue, celui qui les rapporte

202
On peut dire à ce propos qu’il s’agit d’« alternances habituelles » selon les termes de Pénélope GARDNER-
CHLOROS (1985 : 54).
203
Pour Oswald DUCROT (1984 : 198) « … l’énonciation polyphonique est l’œuvre d’un seul sujet parlant,
mais l’image qu’en donne l’énoncé est celle d’un échange, d’un dialogue, ou encore d’une hiérarchie de
parole ». Voir également d’autres précisions chez Violaine DE NUCHEZE (1998 : 38-41).
204
Notons à la suite de Diane VINCENT et Sylvie DUBOIS (2005 : 59-61) qu’il y a cinq emplois de la structure
du discours rapporté : la reproduction, la pseudo-reproduction, l’actualisation, l’invention et l’assertion.
205
C’est l’auteur qui souligne.

283
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

en situation bilingue a tendance à les actualiser compte tenu de la/les langues utilisées lors
des interactions et de la compétence de ses interlocuteurs.

Dans l’extrait 75 (C.1), Farida rapporte les paroles de sa maîtresse de l’école, qui est
française, sous forme d’énoncés206 monolingues en français alors que dans l’extrait 76
(C.1) il s’agit d’un segment bilingue. Comme il est difficile de déterminer la frontière entre
le discours citant et le discours cité on peut considérer les deux changements de langue, qui
se produisent en tant que traductions/reformulations des éléments déjà fournis en français,
comme une stratégie d’adaptation et de convergence. Nous constatons aussi que les verbes
locutoires sont réalisés en arabe dialectal et le discours de la maîtresse de l’école est
rapporté soit totalement en français soit sous forme d’alternance arabe dialectal/français.

Extrait 75, conversation 1 (C.1)


F.ii. 072 : lmeTHaf (le musée) + je ne sais pas trop + + et dans ce musée
là + il y avait beaucoup de tableaux + + historiques euh::
 euh::  je ne sais pas dans les mille sept cents + mille
huit cents ++ et puis la maîtresse d’antan + je me rappelle
gaTli: (elle m’a dit) euh « viens FARIDA viens ! »

Extrait 76, conversation 1 (C.1)


F.ii. 074 : gaTli: (elle m’a dit) « voilà il y a le nom de ta famille Taçek
(à toi) sur le tableau ++ c’est qui ? euh + chkoun hada ? »
(qui c’est celui là ?)

Dans l’extrait 77 (C.1), Farida est passée à l’arabe dialectal pour rapporter les
paroles de son père puis elle recourt au français en voulant s’assurer si l’énoncé qu’elle a
produit correspond à l’idée évoquée. Par l’emploi du commentaire métadiscursif (Comme
ça on dit ?) Farida recherche l’élément le plus adéquat pour son discours (VINCENT et
MARTEL, 2001 : 143). Comme il est difficile de déterminer dans quelle langue ces propos
ont été effectivement énoncés par le père, qui pratique les deux langues avec eux en

206
Nous voudrions préciser à la suite de Diane VINCENT et Sylvie DUBOIS (2005 : 31) que « le terme
« énoncé » est ambivalent : s’il est utilisé d’une manière générale à peu près comme synonyme de phrase, il
correspond plutôt à l’intervention, au tour de parole lorsqu’il est qualifié de rapporter ou citer, et peut être
constitué de plusieurs phrases ».

284
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

famille207, on peut dire qu’elle a utilisé l’arabe dialectal pour obtenir un effet expressif et
attribuer l’emploi de la langue des origines à son père qui est un locuteur natif voire
bilingue.

Extrait 77, conversation 1 (C.1)


F.ii. 086 : ça fait quand j’ai +++ quand j’étais justement voir mon
père + j’ai trouvé ++ quand j’étais petite einh ! j’ai dit
voilà il y avait un homme + un monsieur + il était sur le
cheval il y avait notre nom + c’est qui ? et tout ça ! ++
zeçma galli euh:: belli (il m’a dit que) « euh LEMIR (EL EMIR)
ABDELKADER + hada jdoudna » (c’est notre arrière grand-père) comme ça on
dit ?

Dans l’extrait suivant 78 (C.1), Farida décrit à Amaria le jeu de magie auquel elle a
assisté en rapportant les paroles du magicien. L’alternance codique s’est produite à deux
reprises dans le tour de parole (F.ii. 208) quand elle relate ce qu’elle a dû dire au magicien
et ce qu’il a dû lui répondre. Par contre, dans le deuxième tour, l’alternance concerne
seulement le discours rapporté de ce magicien. En comparant le discours du magicien
rapporté par Farida dans les deux tours de parole (F.ii. 208 et F.ii. 210), on peut dire qu’il
s’agit du même contenu et que la différence apparaît seulement au niveau linguistique. En
fait, il y a une succession d’alternances, Farida est passée de l’arabe dialectal au français
ensuite elle a clos son tour de parole par le segment (neddih nroddah) en arabe dialectal
qui correspond en partie à ce qu’elle a dit en français dans le tour précédent (F.ii. 208) : (je
le rende).

Extrait 78, conversation 1 (C.1)


F.ii. 208 : on lui demandait + comment ça se fait kherejt el Halwa ? (le
bonbon est sorti ?) comment ? ++ comment tu as fait ? ++ il m’a
dit « had el Halwa (ce bonbon) je l’ai pris d’un magasin +
mais demain matin il faudrait que je le rende »
A.ni. 209 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 210 : donc on était comme ça ébloui < ---- > + il a dit + « had
el Halwa (ce bonbon) demain il faut absolument neddih
nroddah » (je le prends et je le rends)

207
Farida nous a affirmé lors de l’entretien que son père leur a toujours parlé en français et en arabe dialectal
contrairement à sa mère qui ne leur parle qu’en arabe. C’est ce qu’elle a dit à ses partenaires lors des
conversations suite à une question qui lui a été posée à ce propos.

285
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Nous pouvons constater dans les tours de parole (F.ii. 025 et F.ii. 027) de
l’extrait 79 (C.2), où Farida compare l’accueil des commerçants en Algérie et en
France, que le jeu de l’alternance codique concerne plus les paroles rapportées des
Algériens que celles des Français. C’est clair, pour ces derniers, la langue ne peut
être que le français, le mélange et l’alternance codique sont attribués aussi bien au
commerçant algérien avec qui elle a eu une discussion qu’aux paroles qu’elle a
tenues208. Le discours cité par Farida dans le premier tour de parole est une
actualisation (VINCENT et DUBOIS, 2005) qui se présente comme un prototype
représentant le comportement habituel des commerçants français qu’elle a
appliqué au discours en cours. On peut ajouter à ce propos l’accentuation du
terme bonjour dans (F.ii. 025), une stratégie par laquelle la locutrice tente de
rendre audible la voix des locuteurs absents (les commerçants français).

Extrait 79, conversation 2 (C.2)


F.ii. 025 : wellah ! (je le jure) +++ du moment que le client est roi ++
donc ils chouchoutent le client + Hna (nous) dès qu’on rentre
+ ils nous disent déjà « BONJOUR » +++ « est-ce qu’on peut
vous aider » + « voici les cabines etcetera » ++ non je
veux dire vraiment il m’a ::: +++ pourtant
A.ni. 026 : toujours + il y a des problèmes
F.ii. 027 : ah ! beaucoup einh ! pourtant j’étais très poli :: je lui
ai demandé un article galli « walou (il m’a dit non) tu prends
ce’(l)ui-là wella:: gçoud » (ou laisse) ++ et j’étais à deux
doigts de ne pas le prendre bessaH goulT « eyya (mais je me suis
dit aller) bon maçlich » (ça ne fait rien) + matsaçafhoumch ++ mnervi
(ne les écoute pas ++ il est nerveux) trop nerveux +++ ça m’a marqué
c’est [pour ça que

Dans l’extrait 81 (C.2) Linda rapporte les paroles des jeunes en utilisant plus
l’arabe dialectal que le français. Seulement il s’agit là d’une actualisation de paroles
communes à tous les jeunes qui veulent partir vivre à l’étranger. Les deux tours de parole
de Linda sont caractérisés par la succession des alternances codiques et la domination de
l’arabe dialectal. Nous retrouvons une caractéristique qui lui est propre.

208
La frontière entre les paroles rapportées de soi, que Erving GOFFMAN (1981) appelle « self-talk », et celles
d’autrui nous a permis également de distinguer entre ce qui a dû être dit et ce que l’on dit généralement.

286
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 81, conversation 2 (C. 2)


L.ni. 397 : yih ! bessaH (oui c’est vrai) euh + yHoubbou hakda bessaH (ils aiment
comme ça mais) la plupart ki tahdar mça (quand tu parle avec) un
jeune wella t’Oulou (ou tu lui dis) « est-ce que tHoub tamchi (tu
veux partir) leFRANSA (FRANCE) tekhdem ? » (pour travailler) [la plupart
yOuloulek (ils te disent) « euh:: \
F.ii. 398 : [la FRANCE
L.ni. 399 : [« la FRANCE nHoub nemchi (j’aime
partir en) la FRANCE nekhedem temma w’naçmel (je travaille là-bas et je fais)
l’avenir taçi temma w’koulchi (mon avenir là-bas et tout)

Dans l’extrait suivant 81 (C.2), les paroles rapportées par Farida (F.ii. 210 et F.ii.
214) sont introduites par le verbe locutoire « dire » réalisé en français (elle a dit et elle m’a
dit) puis elle passe au jeu d’alternance. Dans le tour de parole (F.ii. 210) on constate après
le premier segment énoncé en français une hésitation qui est marquée par l’emploi de
l’adverbe de comparaison arabe (ki). Aussitôt, elle reprend en français par le segment
(comme son père) qu’elle réalise sous forme d’une traduction-formulation. Ces modes de
réalisation de l’alternance codique qui concernent le discours citant et le discours cité
montrent qu’il s’agit d’une stratégie communicative visant l’adaptation et l’augmentation
de l’effet expressif.

Extrait 81, conversation 2 (C.2)


F.ii. 210 : hna koun goulT lhadik (ici moi si j’avais dit à) la mère + comment ça
se fait son fils rah hakda ? (il est comme ça ?) elle a dit « bon
il est nerveux + ki:: (comme) comme son père ki bouh » (comme
son père) j’(e)lui dit d’accord
A.ni. 211 : ((soupirs et hochement de tête))
F.ii. 212 : Xxx tu devrais xxx un psychologue ++ elle a rigolé
A.ni. 213 : Ki tOUlha (quand tu lui dis) psychologue tjiha çayb (elle le prend mal)
F.ii. 214 : eih  xx et puis elle m’a dit « non nous on prend pas
nos=enfants au psychologue hna ma çadnach hada eTebba wen
khelSou çlihoum çla hada +++ yetrabba kima hakda w ça y
est » (chez nous il n’y a pas ce genre de médecin et on paye + son éducation est
comme ça et ça y est)

L’extrait 82 (C.3) constitue une longue séquence narrative caractérisée par l’emploi
du français et de l’arabe dialectal. Farida raconte l’aventure qu’a vécu sa grand-mère
durant la guerre de libération nationale que sa grand-mère lui a raconté en arabe

287
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

dialectal209. En fait, nous dirons que la mobilisation des ressources des deux langues est la
règle régissant les interactions entre Farida et ses partenaires. Farida endosse le rôle du
narrateur répétiteur des paroles de sa grand-mère qu’elle actualise en tenant compte de
l’intérêt que portent ses partenaires à ce qu’elle leur raconte. A travers les quelques
exemples concernant le discours rapporté, on constate que le dit de la personne dont on
rapporte la parole ainsi que le choix de langue pour le dire ne sont pas contestés par les
interlocutrices ou remis en question même quand il s’agit d’un locuteur francophone qui ne
connaît pas l’arabe dialectal. Il y a, en effet, une sorte de connivence et de confiance qui
s’instaure entre les participantes. Le rôle d’écoute et d’aide de la part des non-immigrées
qui ont sollicité leur partenaire pour leur raconter quelque chose sur son vécu ainsi que les
opinions qu’elle a de telle ou telle situation l’amènent à assumer son statut de narratrice210
face à ses partenaires qui semblent adopter un jeu de figuration pour protéger leur face. On
peut dire que le choix de langue est inhérent au contexte ainsi qu’aux ressources
disponibles. A noter que l’alternance codique est nécessaire comme moyen supplémentaire
qui se développe ad hoc entre les trois participantes pour atteindre un but communicatif
précis et construire le sens de l’interaction.

Extrait 82, conversation 3 (C.3)


F.ii. 039 : non + ce n’est pas ça + c’est comment elles=ont ((rires))
+ c’est vrai kima goutli ki yfoutou (comme tu me l’as dis quand ils
passaient) les chiens ma chemmouch erriHa (ils ont rien senti) parce
que kanou fel ma (elle étaient dans l’eau) c’est vrai ++ c’est vrai
et en plus houma msakine (les pauvres) + ils <(elles)>=ont +
c'est-à-dire gaç ellil fhad (toute la nuit dans) le puits + w’ (et)
ils <(elles)>=entendaient ghil (que) les policiers et les
gendarmes et ils <(elles)>=entendaient hakka (comme ça) les
gendarmes yahadrou hakka (entain de parler) les gendarmes yahdrou
mça (ils parlaient avec) les voisins ils disaient « vous=avez vu
une noire + une blanche et une noire + une blanche et
noire » ++ zeçma jeddati bayda w’ SaHbetha kaHla ++ ma

209
C’est elle qui nous l’a affirmé après un an du déroulement de l’enquête suite à un entretien avec les trois
participantes pour avoir leur avis sur leurs propres façons de parler.
210
Nous avons déjà vu à travers les cinq conversations que la locutrice immigrée prend plus la parole que ses
partenaires non-immigrées et elle produit des tours de paroles plus longs (monolingues/bilingues). Cela est
dû au fait que ses partenaires lui posent beaucoup de questions et lui demandent souvent de leur raconter des
choses qu’elle a vécues (A.ni. 173 : eHkili çla lwaçda « raconte moi sur la célébration » ; A.ni. 151 :
w’kifache had él waçda zeçma ? (comment est soi-disant cette célébration ?). Notons que cette
caractéristique semble très récurrente dans le contexte algérien lors des interactions immigrés/non-immigrés,
elle est souvent marquée par des concessions qui donnent un statut particulier à l’immigré (privilégié en tant
que hôte). Reste à savoir si cela est lié à l’asymétrie des répertoires (notamment l’endurance) ou si c’est une
caractéristique culturelle.

288
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

chettouch el bayda wel kaHla (soi-disant ma grand-mère est blanche de peau


et son amie est noire ++ vous n’avez pas vu la blanche et la noire) ++ « vous
(n’)avez pas vu une blanche et noire + une blanche et noire
+ une blanche et une noire » + les voisins on dit « non non
on les=a pas vu » ++ ils les=ont laissé + ils=ont dit « bon
bayna (c’est clair) elles se sont sauvées ça y est » + le
lendemain matin msakine fel (les pauvres à) ++ à l’aube kima
ngoulou lefdjer (comme ont dit à l’aube) ++ elles sont montées tout
doucement loukhra tçawen loukhra loukhra tçawen loukhra
Hatta telçou ghil bechouwiyya hakda + ki telçou < ----- ?>
++ jeddati Twila ++ guelçou hadik el ++ leblaç (l’une aide l’autre
l’une aide l’autre jusqu’à ce qu’elles sont arrivées + quand elles sont montées < -----
- ?> ++ comme ma grand-mère est grande de taille ++ elles ont enlevé le couvercle)
du puits + ils <(elles)>=ont vu le jour + ils <(elles)>
=ont eu très peur quand elle me les=a raconté ma grand-mère
elle a eu très peur ++ jebdet çawnet SaHbetha tani çawnet
Sahbetha Telçatha fel (elle a aidé son amie à sortir et elle a remonter) +++
du puits elle l’a remonté et après elles=ont rejoint le
diarhoum (leur maison) + ils <(elles)>=ont trouvé leur mari ++
rjalhoum ma Sabouhoumch (elles ont pas trouvé leurs maris)

Comme il a été constaté dans les extraits précédents, le changement de langue


s’effectue de différentes manières et à différents niveaux du discours. Farida opère des
choix de langue non-marqués et alterne de façon répétée le français et l’arabe dialectal. On
voit bien que le passage d’une langue à l’autre concerne aussi bien les paroles rapportées
que ses propres paroles. C’est ce qu’on constate à travers l’emploi du verbe locutoire
« dire » qui est réalisé en français et en arabe dialectal. Les deux extraits ci-dessous 80
(C.3) et 81 (C.5) illustrent cet état de fait où le discours est caractérisé par la mobilisation
et la gestion des ressources des deux langues assurant ainsi l’adaptation de la parole voire
l’intercompréhension. Dans le premier 83 (C.3), les alternances codiques concernent aussi
bien les paroles de Farida que celles d’autrui. Dans le second 84 (C.5), le discours cité du
médecin traitant de Farida est monolingue, seuls les verbes locutoires sont en arabe
dialectal ainsi que la formule de serment (wellah !) sous forme d’incise.

Extrait 83, conversation 3 (C.3)


F.ii. 072 : voilà quand ils +++ ki jaw hna (quand ils sont venus ici) ils=ont vu
les=amis chafou laHbab kebrou:: (ils ont vu les proches qui ont grandit) +
euh + ils sont partis TebTbou (frappé) chez les voisins::
« est ce que flane (untel) il est toujours vivant:: ? » galou
« ella:: (ils se sont dit non) il est décédé ++ est-ce que YOUCEF
vit toujours ++ où il vit + il faut qu’on aille le voir il
vit dans le quartier dans le coin ? win raH YOUSSEF ? (où est
YOUCEF) » et donc beaucoup de Français derwak yebghou
ywellou hna fel bled + mazal lel’Ane rahoum yebkou çla

289
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

(maintenant ils veulent retourner ici dans le pays + jusqu’à aujourd’hui ils pleurent pour)
l’ALGERIE lel’Ane rahoum ygoulou (jusqu’à maintenant ils disent)
l’ALGERIE bledna (notre pays)

Extrait 84, conversation 5 (C.5)


F.ii. 282 : wellah ! (je te le jure !) il m’a dit « ça va pas vous=avez pas
mangé du matin » + galli (il m’a dit) « pendant dix=heures ça y
est jusqu’au lendemain ++ le lendemain cinq=heures’ + galli
(il m’a dit) « c’est trop » + galli (il m’a dit) « au moins un verre
d’eau avec le sucre »

A côté du discours rapporté, nous avons relevé également des alternances codiques
dont la fonction est de citer un propos célèbre d’un auteur, une parole populaire (le
proverbe), un vœu ou une formule emblématique (invocation à Dieu) commune à la
communauté ou encore des paroles divines. Les trois extraits (85) a, b et c contiennent
respectivement des citations qui renvoient à un univers référentiel spécifique à la culture
algérienne voire arabo-musulmane. Farida passe du français à l’arabe dialectal voire à
l’arabe classique lorsqu’elle fait référence à la sourate du Coran ‘‘ La pureté’’ dont elle
ignore le titre en citant seulement le début du verset qu’elle connaît par cœur211 (85, b. F.ii.
422). Par ailleurs, elle emploie un proverbe local sur l’éducation qu’elle cite en arabe
dialectal (elli meTrebbi men çand rebbi) : « l’éducation est une œuvre divine ». Le
passage à l’arabe dialectal est tributaire de l’emploi du proverbe qu’elle a choisi pour
illustrer et argumenter son discours.

Extrait 85, a : conversation 1(C.1)


F.ii. 050 : comme on dit chez nous lHamdoullah ! (Dieu soit loué) ++ Allah
yaHfedhoum (que Dieu les protège) ++ et puis e::h ma tante j’ai
aussi une tante + elle aussi elle est en ALGERIE euh en FRANCE
elle était là mais + [elle est

b : conversation 1 (C.1)
F.ii. 422 : [donc malgré que j’ai appris chettî (tu as vu) les soura d’el
fatiHa (la sourate de la FatiHa, de l’ouverture) + « qoul houwwa Allahou
aHad » (Dis : ‘lui Dieu est unique’) et puis deux=autres aussi que je
sais pas ++ je ++ je ne sais pas trop [comment ça s’appelle

211
On peut dire qu’il s’agit d’une fonction compensatoire.

290
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

c : conversation 1 (C.1)
F.ii. 171 : des très bonnes personnes qui t’accueillent + mais comme ça
+ très bien ++ w’kayen Allah ghaleb SamTén waçrine (et il y en a
qui sont insupportables et difficiles) ils savent pas parler et puis
ma’yaçarfouch ywajbou (ils savent pas répondre) puis euh ++ ils sont
très mal polis ++ je veux pas dire très mal élevés parce
que c’est pas la faute de leurs parents ++ Allah ghaleb
(c’est comme ça) ++ « elli meTrebbi men çand rebbi » (l’éducation est
œuvre divine)

D’une manière générale, même si les paroles d’autrui ne sont pas rapportées dans la
le(s) langue(s) dans laquelle (lesquelles) elles ont été énoncées (sous formes d’énoncés
bilingues ou monolingues), leur mise en valeur en interaction bilingue se fait selon un
choix de langue dépendant de la compétence de l’interlocuteur, de la situation de
communication et du sujet abordé.

4 – 3. La fonction interjective

Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, certains inserts comme les formules
d’invocation à Dieu et les formules de serment servent à marquer une interjection. Leur
emploi comme termes exclamatifs ponctue le discours et accentue la force expressive de
même qu’elles ont une valeur emblématique (DABENE et BILLIEZ, 1988). A côté de ces
formules il y a également des mots de transition qui fonctionnent comme des particules
énonciatives (JOCELYNE FERNANDEZ, 1994) qui contribuent à la construction du discours
comme : (bessah !) « ah oui ! », (yih !) « oui ! », voilà, etc.

4 – 4. La réitération

Les réitérations sont des passages d’une langue à l’autre qui « peuvent servir à
clarifier ce qu’on dit, mais souvent elles ne servent qu’à amplifier ou à faire ressortir un
message » (GUMPERZ, 1989.a : 77). Il s’agit de reformulations paraphrastiques qui ne sont
pas forcément reprises littéralement et peuvent être aussi réalisées par l’interlocuteur au
cours de l’interaction. Dans les extraits 86 (a et b) on souligne des réitérations où Farida

291
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

passe du français à l’arabe dialectal (le Coran + lqorAn) et de l’arabe dialectal au français
(ma bghach + il a pas voulu) servant ainsi à amplifier le potentiel référentiel.

Extraits 86, a : conversation 1 (C.1)


F.ii. 246 : [venez manger le couscous ++ les voyageurs qui passaient ++
venez:: il y a tchicha (le couscous à la semoule d’orge) et l’kouscous
(le couscous) ++ donc c’était chaud + que c’était super bien et
puis franchement kanou ydirou (ils mettaient) le coran + lqorAn (le
Coran) toute la nuit ++ toi tu dors et en bas t’entends que
les chants + les chants + les chants + les chants !

b : conversation 4 (C.4)
F.ii. 280 : et le méd’(e)cin ma bghach (il n’a pas voulu) il a pas voulu

Dans cet échange le terme (chellal) produit par Amaria en arabe dialectal repris en
français par Farida (la cascade) comme pour préciser son message et renoncer à la
première proposition ‘‘jet d’eau’’ jugée non conforme au sens attendu. Il est important de
rappeler que la réitération ou encore les reformulations paraphrastiques jouent un rôle
fondamental dans l’appropriation de nouvelles ressources.

c : conversation 4 (C.4)
A.ni. 244 : echellal (la cascade)
F.ii. 245 : ah ! le jet d’eau le + la cascade

4 – 5. La modalisation d’un message

L’alternance codique peut servir à modaliser ou préciser le contenu d’un segment


principal (produit dans une langue) par un segment secondaire produit dans une autre
langue. Tel est le cas des deux extraits 87 (a et b) où le segment principal est en français et
l’autre, qui lui est subordonné, et réalisé en arabe dialectal, sert à modaliser.

292
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extraits 87, a conversation 1 (C.1)


F.ii. 296 : le trois ? eh bein ++ il + il à fait froid à la plage ++
mais:: c’était impeccable quand même ++ ghaya kima ngoulou
ghayat él ghaya (c’est très bien comme on dit très très bien)

b : conversation 1 (C.1)
A.ni. 329 : quelle est ++ quelle est la chose la plus=importante raki
Habba tçabbiha menna ml’ALGERIE ? (que tu veux prendre d’ici ?) + menna
me TLEMCEN ? (d’ici de Tlemcen) surtout menna me (d’ici de) TLEMCEN ?

4 – 6. Personnalisation vs objectivation du message

Cette fonction renvoie à plusieurs éléments (divers et opposés) « difficiles à


préciser en termes purement descriptifs. » (GUMPERZ, ibid. : 78). A travers les exemples
présentés par John GUMPERZ (ibid.) le locuteur change de langue pour plusieurs raisons :
- exprimer des opinions personnelles ou des affirmations objectives ;
- s’impliquer dans le message (soit pour parler de lui-même soit pour parler du
groupe) ;
- et contester une affirmation en la modifiant.

L’implication dans le message se réalise par un discours où domine le pronom


personnel sujet (je)212 ou le pronom tonique (moi). Nous avons relevé beaucoup
d’exemples où s’opèrent des changements de langue (à l’intérieur de la même intervention
ou entre deux interventions) où chacune des trois locutrices parle de sa propre expérience,
signale une affirmation impersonnelle, exprime une opinion personnelle ou une intention
réelle des interlocutrices, etc. Ainsi, les trois locutrices agissent à la fois comme des
locutrices et comme des êtres-du-monde (BURGER, 1994).

212
Selon Emile BENVENISTE (1966 : 259-260) : « c’est dans et par le langage que l’homme se constitue
comme sujet ; parce que le langage seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l’être, le concept d’
’’ego’’ [...] cette ‘‘subjectivité’’, qu’on la pose en phénoménologie ou en psychologie, comme on voudra,
n’est que l’émergence dans l’être d’une propriété fondamentale du langage. Est ‘‘ego’’ qui dit ‘‘ego’’. Nous
trouvons là le fondement de la ‘‘subjectivité’’, qui se détermine par le statut linguistique de la ‘‘personne’’ ».

293
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

7. Le marquage de l’appartenance : discours en ‘‘nous’’, ‘‘on’’ et ‘‘eux’’

Le passage d’une langue à l’autre, pour le locuteur bilingue et biculturel, sert aussi
à marquer son appartenance à un groupe ou à une communauté (LÜDI et PY, 2003) comme
cela peut renvoyer à une double appartenance (pays d’accueil/de naissance et pays des
origines) notamment pour les individus issus de l’immigration (MOHAMMED, 1997). Le
marquage de la double appartenance et la mise en œuvre des valeurs socioculturelles chez
la locutrice immigrée se manifestent par le procès d’indexicalisation qui est défini comme
« le recours des locuteurs à des marques linguistiques qui peuvent être considérées comme
des indices d’un procès de (re)construction de l’identité et/ou du sens social » (BABASSI,
2003). Les trois locutrices emploient fréquemment les pronoms toniques comme par
exemple (ana, anaya et moi) en passant par les deux langues. Ces pronoms sont des
marqueurs de subjectivité portant sur le vécu personnel et sur l’identité. Par ailleurs, leur
emploi au pluriel renvoie à un discours en ‘‘nous’’ traduisant une reconnaissance
identitaire multidimensionnelle ayant un lien avec l’appartenance ethnique et l’imaginaire
linguistique, ce dernier est défini comme étant :

le] rapport du sujet à la langue, la sienne et celle de la communauté qui l’intègre


comme sujet parlant sujet-sujet social ou dans laquelle il désir être intégré, par
laquelle il désir être identifié par et dans sa parole ; rapport énonçable en termes
d’images, participant des représentations sociales et subjectives. (HOUDEBINE-
GRAVAUD, 2002 : 10)

Le discours en ‘‘nous’’ énoncé en arabe dialectal (Hna) renvoie à une double voix
du ‘‘nous’’ et du ‘‘on’’, mettant en valeur certains aspects socioculturels et identitaires. Par
l’emploi de ces pronoms (Hna, nous et on) les trois locutrices comparent deux univers
culturels et linguistiques différents. Chez la locutrice immigrée les dichotomies
nous/eux (Français) ; nous/vous (Algériens) renvoie implicitement au sentiment de l’entre-
deux exprimé souvent par l’expression « on est immigrés ici et immigrés là-bas » relevée
dans plusieurs recherches sur l’immigration maghrébine en France (DABENE et BILLIEZ
1988), (BILLIEZ, 1998).

294
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Dans les extraits suivants 88 (a et b), l’emploi de (Hna) « nous » permet à Farida
de marquer son appartenance à deux pays voire à deux cultures différentes qui se
complètent. Dans (F.ii. 087) et (F.ii. 096) l’alternance codique ‘‘Hna’’/‘‘on’’ est
implicitement l’indice d’une catégorisation qui renvoie aussi bien à la communauté des
immigrés (Franco-algérien) qu’à celle du pays d’origine des parents. Ainsi, (Hna) « nous »
est la marque d’un procès d’indexicalisation par lequel se construit une identité éclatée ou
recherchée. Par ailleurs, dans l’extrait 89 (F.ii. 410) Farida emploie (Houma) « eux » qui
désigne manifestement les Français.

Extraits 88, a. conversation 2 (C.2)


F.ii. 087 : we Hna (et nous) on a appris à être poli respecté xx
respectueux Hna çandna (nous nous avons) le client + c’est roi +
c’est un::: vraiment c’est le chouchou taçna (notre chouchou) le
client

b. conversation 3 (C.3)
F.ii. 096 : ouais ! + beaucoup + beaucoup triste ++ mais ++ quand on
voit déjà Hna (nous) on a de la famille ici en ALGERIE
wen’Sébouhoum (et on les trouve) ++ en entendant les=infos ++
les=informations ++ euh ++ taç lebled (du pays) où s’est fait
tué une vingtaine de personnes ++ on pense + Hna raHna fel
ghorba wen’khammou \\ (nous on est à l’étranger et on pense)

Extrait 89, conversation 4 (C.4)


F.ii. 410 : c'est-à-dire houma (eux) ils protègent les=animaux

L’emploi des possessifs (taçna) ‘‘notre’’ et (taçkoum) ‘‘votre’’ ainsi que les
morphèmes liés (na) « notre et nos » et (koum) « votre et vos » de la part de la locutrice
immigrée marque assez nettement le clivage entre deux univers culturels différents : celui
des origines et celui propre aux immigrés qui a suscité à deux reprises l’emploi au pluriel
de l’adjectif de nationalité en (F.ii. 033) les Algériens. Chez la locutrice non-immigrée le
terme taçkoum « vos » (L.ni. 566 : les plages taçkoum) inclut une double appartenance à
l’espace (la France) et à une catégorie sociale (les immigrés).

295
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 90, conversation 5 (C.5)


F.ii. 033 : oui ici les=Algériens ils=aiment beaucoup manger + j’ai
remarqué < ------- ?> quand=ils parlent ghil makla (que de la
bouffe) manger manger + quand=ils sont dehors xxxx rentrer
pour manger + ih lmouhim el makla (voilà l’essentiel de la bouffe)
c’est très important pour les=Algériens + j’ai remarqué
bessaH makletkoum Hlouwwa (mais votre bouffe est délicieuse) impeccable
L.ni. 034 : makletna teçoujbek ? (notre bouffe te plait ?)
F.ii. 035 : non ! ++ impeccable
L.ni. 036 : c’est bien
F.ii. 037 : bezzaf (beaucoup) surtout laHrira (Hrira) + la Hrira çoujbetni
(la hrira me plait)
L.ni. 038 : bessaH fech çoujbatek makletna + fel goû::? wella::? (mais
pourquoi te plait note bouffe + pour son goût ? ou ?)
F.ii. 039 : lbenna (le goût)

Extrait 91, conversation 4 (C.4)


L.ni. 566 : Hatta (même) les plages taçkoum (vos plages) privées [we euh:: #

Les déictiques de spatialité réalisés en arabe dialectal (hna) : « ici » et/ou en


français temma : « là-bas » ainsi que les expressions qui leur sont relatives sont aussi des
symboles indexicaux. Les expressions : çandna : « chez-nous et nous avons» ; (taçkoum) :
« votre » ; (taçna) : « nôtre » ; (bledna) : « notre pays » ; le bled, le pays ainsi que les
toponymes France et Algérie apparaissent dans le discours de la locutrice immigrée au
même titre que les pronoms toniques comme des marqueurs de positionnement
identitaire213. Il s’agit en réalité d’un clivage identitaire qui recèle un certain nombre de
présupposés hérités des deux situations voire du sentiment de l’entre-deux ou encore du
« double je ».

Pour autant, les ressources sont multiples et nuancées, notamment dans le discours
de la locutrice immigrée, qui a employé des termes exprimant clairement la double
appartenance et le sentiment de l’entre-deux. En effet, les termes en question réalisés dans
l’une et/ou l’autre langue renvoient aux dichotomies nous/eux ; nous/vous. Les termes et
les expressions qui reviennent dans le discours de la locutrices immigrée et qu’on retrouve
même dans le discours de ses partenaires sont : laçreb, çreb, bledna, fransa, ould el bled,

213
Comme il a été précisé ci-dessus, l’alternance codique « est un terrain idéal pour questionner les
approches de l’identité et du contexte dans l’analyse des pratiques langagières – puisqu’une des fonctions du
CS c’est d’indexer une appartenance à un groupe ou à une culture » (MONDADA, 2007.a : 80).

296
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

legwer (européens non musulmans qui désigne les Français), blédards214 (habitants du
bled), Maghrébins, les immigrés, Arabes, Algériens, Musulmans, Français, pieds-noirs,
Franco-algérien, Algériens Français. La mobilisation de ces ressources par la locutrice
immigrée implique une mise en langue de la question identitaire exprimant un double
attachement symbolique (au pays natal et au pays d’origine des parents) qui contribue à la
construction d’une identité mixte et/ou plurielle.

Fabienne MELLIANI (1999.b : 406) a fait remarquer que le terme ‘‘laçreb’’


(les Arabes) chez les jeunes issus de l’immigration maghrébine est porteur de
« connotations mélioratives, de la virilité »215 en empruntant ainsi les termes de Jean-
Baptiste MARCELLESI et Bernard GARDIN (1974 : 39), par contre chez nos locutrices ce
terme, employé à la fois en arabe dialectal et en français, est porteur d’une connotation
péjorative née à notre sens de la haine de soi mais qui fonctionne aussi comme un
stéréotype de dévalorisation. Dans les deux extraits 92 (a et b) les termes laçreb (F.ii. 005)
et les Arabes (F.ii. 042) réalisés respectivement en arabe dialectal et en français sont
utilisés en tant que stéréotypes péjoratifs216 traduisant une attitude envers ‘‘l’Autre’’ ou
‘‘les autres’’ qui est en réalité un indice mettant en relief le positionnement identitaire né
de l’entre-deux et du sentiment d’altérité217. Chez les non-immigrées l’emploi du terme
‘‘Arabe’’ (au singulier ou au pluriel) est un stéréotype hérité de l’époque coloniale qui
désignait le non européen et qui par extension est devenu un terme à connotation péjorative
pour exprimer tout ce qui ne va pas et qui provient du concitoyen ‘‘l’autre’’.

214
Le terme « blédards » concerne les habitants du bled et ceux qui viennent d’arriver d’Algérie pour
s’installer en France qu’ils soient immigrés « eux » ou descendants de l’immigration « nous » selon les
déclarations de beaucoup d’informateurs.
215
A noter que les formes (re)verlanisées ‘‘beurs, reubeu et beurettes’’ ont une connotation péjorative et
permettent aussi de distinguer entre les descendants de l’immigration et leurs parents immigrés. Les Arabes
sont aussi désignés par ‘‘Brounes’’ et ‘‘Brounettes’’ (voire ‘‘Ratonnes’’ pour les filles) selon les recherches
de Jacqueline BILLIEZ et al., (2003.a) et Jacqueline BILLIEZ et al., (2003.b). Voir également Henri BOYER
(2003 : 83-91) sur ce qu’il a appelé le choc des mots et le poids des stéréotypes à propos de la crise des
banlieues à la télévision.
216
Il est aussi utilisé comme stéréotype mélioratif chez beaucoup d’Algériens pour rappeler le passé glorieux
et rayonnant des Arabes.
217
Pour les immigrés ‘‘l’Autre et/ou les autres’’ concerne aussi bien les Français que les Algériens voire les
Maghrébins (les siens : Arabes et musulmans). C’est pour cela que les immigrés sont confrontés à une autre
forme d’altérité dans le pays d’origine des parents.

297
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extraits 92, a. conversation 2 (C.2)


F.ii. 005 : ah ! ouais ! ++ toujours + toujours tout le temps quoi +
donc chez + comme on dit chez laçreb (les Arabes) + il y a
toujours du retard euh::

b. conversation 4 (C.4)
F.ii. 042 : ouais ! ila ma ghabnouhch (si cela ne l’a pas dérangé) déjà ++ si ++
j’espère qu’ils=ont été à l’aise parce que mça (avec)
les=Arabes vraiment + [les douaniers

Ainsi, les termes (çreb) « Arabes », (gwer) « Français/Européens non musulmans »,


Français, Algériens, Arabes ou Franco-algériens, Algériens Français, Maghrébins et
d’autres peuvent être considérés comme signes de l’affirmation de soi et des siens218. Ils
ont également une valeur axiologique assujettie aux représentations sociales. C’est ainsi
que la catégorisation dans sa dimension verbale peut être stigmatisante ou cristallisante de
tout ce qui se rapporte à soi, aux siens ou aux autres. En effet, les significations que les
termes Arabes ou çreb véhiculent peuvent désigner aussi bien les siens que les autres. De
la même manière, ils peuvent actualiser l’adhésion ou l’exclusion sociale par rapport aux
deux communautés voire aux deux pays (pays natal/pays d’origine des parents) selon qu’il
s’agit de quelque chose de positif ou négatif. C’est la raison pour laquelle se creuse la
distance entre ‘‘nous’’ et ‘‘eux’’ ; ‘‘ici’’ et ‘‘là-bas’’, ‘‘notre’’ et ‘‘votre’’, ‘‘notre’’ et
‘‘leur’’ dans le discours de l’immigrée malgré les liens qu’elle affirme avoir avec les deux
espaces et les deux cultures dont la concrétisation est l’emploi des deux langues. En fait,
les espaces vécus et les langues sont souvent mis en relation et « peuvent faire l’objet de
recomposition et de refonctionnalisation au cours d’une vie » (DEPREZ, 2007 : 249). C’est
ce qui conduit du point de vue praxéologique à comprendre la variabilité et la mobilité de
l’identité.

Voici un tableau illustrant la verbalisation dans le corpus de la variabilité et de la


mobilité de la question identitaire chez la locutrice immigrée et les rapports espaces
vécus/langues.

218
Nous les considérons en d’autres termes comme des formulations discursives de l’identité.

298
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Vous/Votre Nous/On/Je/Notre Eux/Leur


Ce qui est relatif aux siens Ce qui est relatif à soi/siens Ce qui est relatifs aux autres
(ici, Algérie, bled) (là-bas, chez nous, France) (là-bas, France, leur pays)
Algériens Immigrés Français
Arabes/çreb Algériens legwer
Musulmans Arabes/çreb
wled lebled Musulmans
bledna wled lebled
Blédards bledna
Blédards
Franco-algériens
Maghrébins
Français
Figure 2 : Classification des termes servant à marquer l’appartenance identitaire selon les catégorisations
faites par la locutrice immigrée.

Les extraits que nous avons relevés contiennent plusieurs éléments qui illustrent
l’instabilité due au clivage identitaire chez la locutrice immigrée qui dit dans l’extrait 90
(F.ii. 106 et F.ii. 108 : nous les immigrés). Puis elle change de langue en utilisant (Hna)
« nous » qui renvoie à immigrés. En effet, ce terme est employé exclusivement par Farida
pour désigner les immigrés et décrire leur monde voire leur mode de vie. Néanmoins,
Farida emploie d’autres termes et expressions par lesquels elle évoque son vécu et justifie
son appartenance et son attachement aux deux espaces (le pays d’origine des parents et le
pays natal). Les symboles d’indexicalisation et les différentes catégorisations ethniques et
sociales (notamment les ethnonymes) sont donc étroitement liés au contexte et à la
situation. En fait, l’emploi de ces éléments est lié aux questions posées par les non-
immigrées sur le quotidien de leur partenaire et celui des immigrés en France. On constate
également que ces éléments indexicaux sont utilisés soit en arabe dialectal soit en français.
Dans chacun des extraits (94, 95, 96, 97, 98) ci-dessous les termes dont nous avons parlé
plus haut sont employés sous forme de formulations discursives de l’identité. La locutrice
immigrée endosse, ainsi, plusieurs statuts à la fois qui sont relatifs à une identité plurielle
matérialisée à travers les différentes ressources verbales : (F.ii. 326 : les blédards qui sont
temma) ; (F.ii. 310 : mon pays … mon bled) ; (F.ii. 175 : bledna) ; (F.ii. 394 : l’Algérie
bledna chebba) ; (F.ii. 456 : chez nous çadna … beaucoup de musulmans en France).

299
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 90, conversation 3 (C.3)


L.ni. 105 : lHamdoullah ! (Dieu soit loué !) ça va réha darwa° ghaya (maintenant
elle est bien)
F.ii. 106 : on aurait pas cru franchement qu’elle allait changer euh !
++ à tel point ++ je sais pas mais + Hamdoullah ! (Dieu soit
loué) tout=à changé ça c’est calmé + on a ++ on s’est dit
nous franchement les=immigrés
L.ni. 107 : frahtou ki eddaçwa essegdet ? (vous étiez content quand tout a été réglé ?)
F.ii. 108 : on s’est dit nous les=immigrés que « l’ALGERIE elle ne va pas
s’en sortir » ++ que « ça y est l’ALGERIE raHat (est foutue) ++
Hna kounna (nous on était) on disait en FRANCE +++ tout le monde
en parlait + tout ++ « l’ALGERIE raHat » (est foutue)

Extrait 91, conversation 1 (C.1)


F.ii. 326 : ouais ! quelques cadeaux nchallah ! (si Dieu veut) ++ offrir les
petits souvenirs ++ à:: des blédards qui sont temma (là-bas)
et puis leur faire plaisir ++ puis + euh nchallah ! (si Dieu
veut) + déjà + bientôt [l’ (le) ramadan

Extrait 92, conversation 1 (C.1)


F.ii. 310 : l’ALGERIE waleftkoum ntouma (je me suis habituée à vous) ++ waleft (je
me suis habituée à) mon pays + quoi ! ça y est ++ [mon bled

Extrait 93, conversation 1(C.1)


F.ii. 456 : et puis chez nous çadna (nous avons) ++ si tu veux Hna tani
(même nous) il y a beaucoup quand même de musulmans ++ en
FRANCE

Extrait 94, conversation 2 (C.2)


F.ii. 175 : c’est dommage wellah ! (je le jure) ++ c’est très dommage li::
hadou (ces) les gens li rahoum mkhasrine bledna (ce sont eux qui
dégradent le pays)

Extrait 95, conversation 4 (C.4)


F.ii. 394 : bessaH cha yqedhoum (mais u’est ce qu’ils font) tu vois c’est ++ je
veux dire imagine toute + toute l’ALGERIE fait ça c’est::
hna (ici) l’ALGERIE bledna chabba: (notre pays est beau) on a un très
beau pays + euh + bledna chabba (notre pays est beau) vraiment il
manque rien

Il résulte de l’ensemble des extraits analysés que les locutrices mettent en œuvre
leur répertoire verbal pour atteindre un but communicatif commun. L’alternance codique
constitue donc une véritable stratégie communicative et revêt plusieurs fonctions
permettant avant tout l’adaptation du discours au contexte. Les locutrices sont en mesure
de passer du français à l’arabe dialectal et inversement pour plusieurs raisons : conserver

300
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

l’originalité des paroles rapportées, modaliser le message, marquer l’appartenance, etc. Les
fonctions identitaires et emblématiques prédominent chez la locutrice immigrée vu le statut
et les places conversationnelles qu’elle occupe dans les interactions. De même que
l’alternance codique unitaire (les inserts) et/ou segmentale permet d’indexer les valeurs
identitaires et l’appartenance à la communauté voire à la culture. En effet, nous avons
souligné une variabilité et une mobilité de l’identité chez la locutrice immigrée.

Dans ce chapitre, nous avons mis l’accent sur les différentes manifestations de
l’alternance codique dans ses dimensions structurelles et fonctionnelles. Nous avons
d’abord porté notre regard sur les caractéristiques et les types d’alternances codiques dans
les échanges compte tenu des différences du répertoire des trois locutrices. L’analyse des
différents types d’alternances codiques a permis de constater qu’il n’est pas toujours aisé
de distinguer entre l’alternance codique et certaines unités présumées comme emprunts. La
prise en compte des caractéristiques des pratiques langagières des trois locutrices a amené
à considérer ces ressources supplémentaires, qui contribuent à l’émergence du métissage
langagier, comme des réalisations relevant des habitudes verbales. L’alternance codique est
donc une ressource structurée ad hoc par les participants, caractérisée par la variation et la
dynamique et que l’on peut qualifier comme « un véritable foyer de créativité » (DE
HEREDIA, 1987 : 126).

L’analyse des extraits a permis de dégager à la fois les types d’alternances codiques
qui caractérisent les pratiques langagières des trois locutrices et les fonctions qu’elles
remplissent. Les alternances codiques examinées montrent que les divergences codiques
chez les trois locutrices amènent à des stratégies communicatives et stylistiques où
l’alternance codique peut se traduire comme un véritable style, selon les propos de Claude
HAGEGE (2005 : 240) : « à un certain degré de saisie consciente et d’intention, l’alternance
de codes peut en venir à constituer un ensemble de choix d’expressions, c'est-à-dire un
style ».

Bien que le corpus analysé ne présente pas un nombre conséquent d’occurrences


d’emprunts, leur manifestation et leur configuration nous a permis de trancher pour ainsi
considérer certaines unités du français insérées dans des segment en arabe dialectal comme

301
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

des alternances codiques. Une caractéristique qui reste liée aux pratiques langagières des
locutrices non-immigrées. En conséquence, l’emploi de ces unités que l’on considère
comme des emprunts permet d’augmenter le potentiel référentiel dans les interactions.

Nous avons relevé également les raisons qui font que les trois locutrices changent
de langues ou les alternent pour atteindre un but communicatif précis. Comme nous avons
pu le constater, l’alternance codique remplit plusieurs fonctions qui dépendent du contexte
et de la situation de communication. On pourrait dire, en effet, que lorsqu’elles alternent
les deux langues, les trois locutrices le font à partir de leur langue forte. D’ailleurs on a
constaté à travers l’analyse quantitative (compte tenu des trois indices) que la divergence
des répertoires amène à des convergences au niveau interactionnel.

Cependant, les divergences codiques mises en valeur statistiquement peuvent se


révéler importantes à travers les fonctions assignées à chacune des deux langues et aux
deux cultures, d’où la domination des fonctions identitaire et emblématique qui sont
latentes à travers toutes les autres fonctions.

302
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

CHAPITRE 2
LE ROLE DE L’ALTERNANCE CODIQUE DANS L’ORGANISATION DE LA
PAROLE EN INTERACTION

Le fait que les pratiques langagières des trois locutrices (l’immigrée et les non-
immigrées) présentent des asymétries croisées implique de s’intéresser au rôle des
ressources verbales dans l’organisation de la parole en interaction. Cela ne va pas sans
s’interroger sur les stratégies communicatives (GUMPERZ, 1982) qui sous-tendent les
échanges verbaux et les caractéristiques qui permettent de définir les relations sociales
interpersonnelles (VION, 1996). Il s’agit d’examiner comment les ressources linguistiques
mobilisées par les locutrices sont investies aux niveaux de : l’échange, l’intervention et
l’acte de langage compte tenu du contexte et de la situation. Les unités conversationnelles
de par leurs aspects structurels, constituent un tissu langagier grâce auquel les locuteurs
régulent leur communication avec les membres de la communauté discursive, mais aussi
affirment leur appartenance au groupe. La fonction intégrative de la conversation crée une
symbiose entre les membres, les différences socioculturelles, quant à elles, permettent à
l’individu d’évaluer ses manières de faire et ses faces sociales, négatives ou positives, (voir
KERBRAT-ORECCHIONI : 1986).

La dimension relationnelle dans la conversation est, en effet, la base d’une gestion


adéquate de l’interaction219, car cette dernière est le moyen et le lieu où les compétences
langagières se révèlent et se co-construisent en tant qu’objet du discours. Pour ce faire
nous nous attacherons à caractériser l’alternance codique en tant que ressource linguistique
élaborée contextuellement par les trois locutrices pour la construction interactionnelle du
sens (AUER, 1996). De même que le changement de langue est considéré comme un signal
vivant de l’interlocution selon Amina BENSALAH (1998 : 46) qui précise que « c’est le
changement lui-même qui est un marqueur énonciatif ».

219
La conversation est une activité « organisée collectivement comme inter-action, son ordre étant
conjointement élaboré de façon coordonnée par les interlocuteurs » (MONDADA, 1995 : 3). Ce sont donc les
locuteurs qui ordonnent la conversation en tant qu’activité sociale conduite de façon contextuelle et ad hoc.

303
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Nous avons montré dans le chapitre précédent que l’alternance codique, loin d’être
un système homogène220, constitue un ensemble de ressources qui sont structurées221
conjointement par les interlocutrices au cours de l’interaction en vue d’atteindre un but
communicatif commun.

Il nous est paru nécessaire d’analyser, même au risque de quelques répétitions, le


rôle des alternances codiques dans la régulation des interactions.
Nous tentons de dégager, dans ce dernier chapitre, à partir de l’examen des cinq
conversations qui constituent notre corpus, les modes de réalisation et d’organisation de la
parole compte tenu du choix, du changement et de la négociation des langues (AUER,
ibid.).
Nous nous intéressons plus particulièrement à la mobilisation des ressources linguistiques
que les interactantes déploient pour construire leurs énoncés et réguler les mouvements
discursifs. Ces derniers sont tributaires des stratégies langagières repérables dans
l’interaction et mises en valeur par le jeu d’action communicative émanant d’une
compétence communicationnelle bilingue en construction.

L’une des hypothèses que nous avons avancée est que la disponibilité de certaines
ressources du répertoire (constituant le parler bilingue) et leur gestion par les
interlocutrices amène à une planification stratégique du discours par laquelle les buts
assignés à la communication sont atteints (le fait de comprendre et se faire comprendre).
Nous nous rattachons de ce fait aux recherches de Lorenza MONDADA (1999.a, 1999.b,
2000.b, 2001, 2007.a) qui stipulent l’existence d’une « grammaire-pour-l’interaction »222
inhérente à l’organisation de la parole et qui est étroitement liée aux ressources
linguistiques mises en œuvre.

220
Les alternances codiques sont interprétées selon les contingences liées à l’élaboration conjointe de la
parole en interaction et du contexte.
221
Les modalités d’échanges permettent d’établir des conventions quant à l’emploi alternatif des deux
langues accepté par les participantes car comme le constate John GUMPERZ (1989.b : 66) : « l’usage
acceptable s’acquiert par une pratique continue, en vivant au sein du groupe ». On peut se référer aussi aux
conventions de contextualisation « qui servent d’indicateurs tout au long des interactions » (GUMPERZ,
1989.a : 23).
222
L’existence d’une grammaire-pour-l’interaction ou mieux encore une grammaire émergente plutôt qu’une
grammaire a priori, (HOPPER, 1988) cité par Lorenza MONDADA (2001), nous permet de conclure que
l’alternance codique est une ressource qui se construit dans et par les interactions voire par cette grammaire
pour l’interaction. Ceci peut s’apparenter, en effet, à l’idée de « grammaire de choix de langue » ou de
« grammaire d’alternance codique ».

304
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

1. Quelques préalables théoriques

Il est bien connu dans le cas du parler bilingue que les locuteurs ne mobilisent leurs
ressources langagières respectives que pour atteindre l’intercompréhension, organiser leurs
tours de parole et parvenir à maintenir l’interaction223. De même que l’accomplissement
des tâches conversationnelles entre les participants à une conversation repose à la fois sur
l’exploitation des ressources verbales et non verbales224. Cette exploitation est avant tout
contextuelle dont l’organisation dépend, rappelons-le, de la mobilisation et de la cogestion
des ressources langagières de la part des locuteurs au cours de l’interaction.

Par ailleurs, les différents modes d’organisation des énoncés bilingues ne


fonctionnent pas de façon autonome puisque la langue est une pratique sociale
déterminante de la communication. En fait, la mise en œuvre des ressources langagières
dépend du contexte social comme l’a affirmé Christian BACHMANN et al., (1981 : 53) : «
pour communiquer, il ne suffit pas de connaître la langue, le système linguistique, il faut
également savoir s’en servir en fonction du contexte social ». C’est pourquoi il est
fondamental, dans le cas de la conversation bilingue/exolingue où les locuteurs n’ont pas la
même maîtrise des deux langues, d’analyser comment les ressources mobilisées répondent
à la logique conversationnelle225. Ainsi, pour ce qui nous concerne, nous analyserons le
rôle des alternances codiques compte tenu de la situation et du contexte ainsi que les
relations qu’entretiennent les interlocutrices entre elles.

223
L’organisation des tours de parole amène souvent à une organisation à grande échelle a niveau de la
conversation. En ce qui concerne le déroulement et l’organisation de la conversation, Danielle ANDRE-
LAROCHEBOUVY (1984 : 23-24) stipule que : « Les mécanismes de régulation interdépendants de la
conversation peuvent être dégagés à partir du matériel langagier et kinésique de l’échange verbal. En effet,
l’autorégulation de la conversation dépend du moins de deux participants qui doivent coopérer au maintient
de l’équilibre du système. Cette coopération repose sur des règles inconsciemment acquises par l’enfant au
cours de sa socialisation et inconsciemment respectées et pratiquées, mais se manifestent par des marques
explicites au cours de l’échange.
224
Les adeptes de l’école Palo Alto stipulent que la communication humaine est multicanale et plurimodale
où s’articulent paroles, gestes, regards, mimiques, etc. (cf. WINKIN, 1981).
225
Comme le montre Sigrid BEHRENT (2007 : 135) : « L’asymétrie linguistique plus ou moins importante
peut être rendue pertinente ou non par les interlocuteurs. De plus elle s’accompagne d’une symétrie des
statuts des participants qui sont tous apprenants ». En effet, l’asymétrie croisée caractérisant les répertoires
verbaux des trois locutrices les amène à une convergence codique et une symétrie de statuts. Cela se réalise
surtout par l’alternance codique.

305
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Nous mettrons l’accent en outre sur les effets de styles visés par l’alternance
codique en dégageant les marqueurs illocutoires qui précisent leur statut pragmatique.
L’intégration des dimensions pragmatiques et interactionnelles dans l’analyse de la
variation permet de mettre l’accent sur la dynamique des échanges et d’interpréter les
énoncés qui président à leur structuration en tant qu’indices de contextualisation
(GUMPERZ, 1989.b).

On l’a déjà vu, les trois locutrices se trouvent en capacité de gérer leurs échanges,
de développer de manière réflexive des compétences langagières bilingues et de moduler
leur façon de parler en s’adaptant au mieux aux interactions. L’examen de l’alternance
codique en tant que ressource puissante dans l’organisation de l’interaction (MONDADA,
2007.a) permet, en effet, de mettre en évidence, eu égard à l’analyse sociolinguistique et
interactionnelle, les stratégies qui renforcent la valeur perlocutoire des échanges.

D’emblée, on peut dire que malgré les divergences linguistiques manifestes226, les
locutrices parviennent à maintenir un équilibre interactionnel entre elles. Par les
mouvements de réception et de production, elles tentent de réajuster leurs énoncés
mutuellement, en mobilisant les ressources langagières qu’elles jugent utiles pour le
maintien de l’interaction même si certains énoncés restent inachevés. De ce fait, les
interventions et les actes de langage requièrent une hiérarchisation des tours de parole qui
structure la conversation bilingue à l’aide de la récursivité des alternances codiques. De
même que les capacités des locutrices à utiliser les deux langues les amènent à élaborer au
fur et à mesure des stratégies interactionnelles en choisissant l’une ou l’autre langue et les
deux à la fois à chaque fois qu’il est nécessaire de le faire. Nous avons déjà montré à
travers les types d’alternances codiques et les fonctions qu’elles remplissent que les
changements de langues relèvent de diverses motivations des locutrices et visent des
objectifs communicatifs précis.

226
C’est ce que nous avons soulevé à propos de l’aspect exolingue de certaines situations de communication
où les locutrices ont tenté de s’entraider et de mettre en commun certaines ressources disponibles. De même
que l’asymétrie entre le répertoire de Farida et ceux de ses partenaires non-immigrées les amènent à alterner
les deux langues ou opter pour des choix de langues qui se limitent dans certains cas aux inserts ou encore à
des régulateurs comme « oui » ou « yih ». Par ailleurs, ceci montre comment se construit une compétence
bilingue dans et par les interactions.

306
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Par ailleurs, le caractère familier et privé227 de l’interaction a son importance pour


décrire la manière dont sont gérées les ressources linguistiques et les choix qu’opèrent les
locutrices. Malgré la domination du français dans les interactions, on a constaté (voir supra
deuxième partie chapitre 2) un ajustement statistique qui se traduit par une convergence
codique228. Sur le plan pragmatique cet ajustement dépend de la façon dont les ressources
sont cogérées selon le contexte et les relations-rôles (FISHMAN, 1986).

De même, la langue comme objet du discours se construit dans et par l’interaction


compte tenu de la mobilisation et de la structuration des ressources à disposition. En ce qui
concerne les caractéristiques de la conversation bilingue, John GUMPERZ (1972) a distingué
les alternances codiques qui servent à clarifier le message et celles qui sont dues au
changement conversationnel et que l’on peut déterminer par des facteurs liés à l’interaction
dynamisée ad hoc par les interlocuteurs. Le passage à l’une ou l’autre langue est dû au fait
qu’un des locuteurs est jugé (évalué) fort ou faible par ses partenaires229. Ainsi, les choix et
les changements de langue, qu’ils soient nécessaires et/ou contingents sont considérés
comme une stratégie communicative et stylistique (LAROUSSI, 1993) résultant à la fois
d’une compétence linguistique et d’une compétence interactionnelle.

2. La cogestion des choix et des alternances codiques en interaction

Comme il a été constaté dans les deux chapitres précédents, le choix et l’alternance
des langues dépendent de plusieurs facteurs externes230 et sont déterminés par les usages

227
Dans le cas de la conversation familiale, la connivence, l’intimité et le respect mutuel amènent les trois
locutrices à accepter les rôles et les places qui les conduisent, par conséquent, à dynamiser l’interaction et
actualiser leur répertoire de façon adéquate. Ceci permet la compensation de certaines lacunes et la
construction de sens social voire la gestion de l’intersubjectivité (MONDADA, 1995) surtout qu’il s’agit d’un
discours expressif où domine le ‘‘je’’.
228
Nous avons montré que la construction des énoncés bilingues en interaction (qui est un indice d’une
convergence codique) est le résultat d’un processus conjoint entre les trois locutrices, celles-ci manifestent
une compétence bilingue et ont une préférence pour l’une ou l’autre langue et/ou une maîtrise particulière
d’une de ces deux langues.
229
C’est ce que nous avons tenté de montrer à travers les réitérations et le passage à l’autre langue pour la
clarification d’un propos.
230
Ces facteurs ne peuvent pas à eux seuls expliquer le choix et les changements de langues lors des
interactions.

307
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

routiniers de l’arabe dialectal et du français231 de la part des locutrices. De même que les
raisons qui les amènent à produire des changements de langue restent inextricablement
liées à une certaine volonté pour atteindre des buts communicatifs communs, sachant
qu’elles sont conscientes de l’asymétrie232 de leurs répertoires. Ainsi, les normes
d’interaction et les normes d’interprétation semblent coordonner les activités des trois
locutrices (en dyade et en triade)233 et les amènent « à des combinaisons possibles des deux
langues » (AUER, 1996 : 21).

3. Asymétrie croisée et co-coordination des activités langagières

La construction interactionnelle du sens par les trois locutrices consiste en un


investissement des ressources résultant du choix et de l’alternance des deux langues qui ne
remet pas en cause la langue dominante de chaque séquence (qui peut être l’arabe dialectal
ou le français). Bien au contraire, et malgré l’asymétrie soulignée des répertoires verbaux
de part et d’autre, les ressources mobilisées (notamment l’alternance codique) ont un effet
catalyseur : elles assurent le maintien des interactions, les dynamisent et les régulent. De
par son rôle et sa contribution dans le développement de la compétence bilingue,
l’alternance codique peut être analysée non seulement « au niveau de ses effets et de ses
traitements interactifs locaux, mais aussi dans son articulation aux contextes
communicatifs et fonctionnels plus larges des interactions en cours » (PEKAREK, 1999 :
130). Ainsi, dans le cas du parler bilingue, la dynamique interactionnelle est matérialisée
par plusieurs éléments qui régulent les interactions comme l’alternance des tours de parole,
les rapports de place, le mouvement thématique, etc. L’alternance codique s’ajoute donc
comme un moyen stylistique qui peut avoir des effets sur les participants et par là
coordonne leurs activités. On a constaté que certains tours de parole complètent ce qui
précède et amorcent ce qui suit par un changement de langue (alternances inter-

231
Nous faisons référence ici aux rencontres (GOFFMAN, 1973) entre les trois locutrices au sein de la maison
familiale. Les différentes rencontres quotidiennes renvoient en effet à l’usage routinier des deux langues.
232
Nous pouvons dire à ce propos qu’il s’agit d’une asymétrie assumée et prise en compte par les locutrices
comme facteur qui détermine la nature de leurs échanges.
233
Que ce soit dans les deux premières conversations (à deux participantes) ou les trois autres (à trois
participantes), les prises de parole et l’organisation des tours montrent une certaine synchronisation et ce
malgré les effacements momentanés d’une des locutrices et le nombre de chevauchements survenus lors des
interactions.

308
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

intervention). D’autres, sont initiés en arabe dialectal et complétés en français et


inversement (alternances intra-intervention). L’analyse des séquences d’ouverture, a révélé
que les échanges de salutations, de par leur caractère bilingue et leur fonction
emblématique, permettent le contrôle de la situation234 et orientent la négociation des choix
de langues et des thèmes.

Outre les fonctions qu’elle remplit dans la conversation, l’alternance codique


participe en effet à la construction interactive, par les interactants, de la communication. Il
est admis selon Lorenza MONDADA (2007.a : 176) que :

La focalisation sur le ‘‘comment’’ de l’action découle de l’attention portée aux


détails de l’interaction, conçue non comme des ‘‘marqueurs’’ dotés de fonctions
prédéfinies par le modèle de l’analyste, mais d’abord comme des ressources
endogènes pertinentes pour les participants, mises en œuvre par et pour eux, par
la production reconnaissable et intelligible de leur conduite, dont ils sont les
premiers interprètes.

Nous pouvons dire à propos des cinq conversations de notre corpus que les tours de
paroles (mixtes et/ou monolingues) sont localement organisés par les locutrices pour
l’accomplissement des activités interactionnelles. Poussées par la volonté de converger
entre elles, les trois locutrices mobilisent les ressources qu’elles jugent nécessaires pour se
faire comprendre et atteindre une meilleurs conduite de leurs interactions. Les ressources
mobilisées par les locutrices dans ces conversations qualifiées de bilingues/exolingues sont
donc inhérentes à l’interaction (MONDADA, 1999.b)

4. Alternances codiques et alternances des tours de parole : quelle dynamique ?

La description des modalités de construction des tours de parole en interaction


bilingue/exolingue suscite l’observation des différentes ressources verbales et non-

234
Erving GOFFMAN (1973 : 84) note en fait que : « … les salutations associées aux rencontres regardent
dans deux directions : en arrière, vers la relation, mais aussi en avant, vers la période d’accroissement de
l’accès mutuel qui vient de commencer ». Notons, que les trois locutrices se connaissent déjà, alors les
ressources qu’elles mobilisent lors des différentes rencontres au sein de la maison familiale les amènent à
utiliser systématiquement les formules de salutation en choisissant l’une ou l’autre langue ou les deux à la
fois (voir supra chapitre 1 troisième partie).

309
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

verbales. En fait, ces ressources mettent en évidence les capacités des participants dans le
pilotage des tours de parole. De même, les modalités de participation au déroulement de la
conversation se définissent aussi bien par les rapports de place235 et les rôles (droits et
obligations) qui dynamisent les interactions que par la gestion et la mobilisation des
ressources disponibles, jugées conformes pour atteindre l’intercompréhension.

L’asymétrie croisée soulignée entre la locutrice immigrée et ses partenaires nous


permet, compte tenu du poids de chacune des deux langues dans les conversations et de la
longueur moyenne des énoncés (LME), de dire que les conversations sont marquées non
seulement par la domination du français mais aussi par la monopolisation de la parole par
Farida236. Ainsi, le rapport de places (les faces positives ou négatives manifestes) traduit la
sécurité et/ou l’insécurité linguistique de chacune des locutrices en ce qui concerne le
choix de langue (sous forme de tours de parole monolingues) et la construction des
énoncés bilingues. En effet, l’insécurité linguistique est clairement affichée au niveau de
certains tours de parole inachevés caractérisés par des hésitations et des pauses. Mais cela
ne semble pas entraîner, dans l’interaction, une remise en cause du choix de langue ou
d’une forme incorrecte qui survient dans le discours. Il est entendu que dans des situations
de contact de langues, la langue est un des objets négociable237 où « … plusieurs solutions
s’offrent aux locuteurs pour communiquer : ils peuvent garder chacun sa langue de
prédilection, ou adopter un système commun qu’ils conserveront tout au long de l’échange,
ou bien pratiquer l’alternance codique (codeswitching) » souligne Catherine KERBRAT-
ORECCHIONI (2000 : 87) dans un article où elle s’interroge sur la notion de « négociation
conversationnelle ».

235
Les rapports de place et les statuts sont étroitement liés au degré de bilinguisme des locutrices en tant
faible/forte dans une des deux langues. D’autant plus que les premiers énoncés et les premiers mots des
énoncés déterminent la fonction dominante du discours, c’est ce qu’affirme Elisabeth BAUTIER (1995 : 51)
pour qui « Les premiers échanges, et en particulier la façon dont le sujet réagit à la première question de son
interlocuteur, sont significatifs de la construction des places initiales ». Nous reviendrons plus loin en détail
sur certaines questions de rapport de places.
236
Cela va de soi puisque le français est à la fois la première langue de la locutrice immigrée et la langue
dominante dans les conversations. Le clivage et la domination dont nous parlons se traduisent, dans les
interactions, soit par une relation « horizontale » (dimension de la « distance ») soit par une relation
« verticale » (dimension du « pouvoir ») pour reprendre les termes de Catherine KERBRAT-ORECCHIONI
(2000 : 101). On peut se rattacher également à Eddy ROULET et al., (1985) qui stipulent que tout discours est
négociation.
237
Quand la négociation se réalise on peut parler de compromis ou de ralliement spontané, ceci concerne
aussi bien le niveau formel ou organisationnel de l’interaction que le contenu ou encore les identités
mutuelles et la relation interpersonnelle (KERBRAT-ORECCHIONI, 2000).

310
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

4 – 1. Le degré de participation : monopolisation de la parole par l’immigrée et


stratégie d’évitement de Linda

Comme nous l’avons déjà souligné, le degré de participation de chacune des trois
locutrices se révèle comme un indice important dans l’analyse de la dynamique des
interactions. De même que le degré de participation est relativement lié au degré de
maîtrise de la/les langue(s) sollicitée(s) et au sujet de la conversation (ou topique)238. Une
des caractéristiques du répertoire linguistique mobilisé lors des interactions est
l’articulation des tours monolingues en français ou en arabe dialectal (qui s’articulent aussi
en échanges bilingues sous forme d’alternances inter-interventions) et des tours bilingues
(alternance arabe dialectal/français). Ces trois solutions (de choix et d’alternance codique)
résultent d’une gestion voire d’une négociation consensuelle implicite constituant une suite
d’ajustements mutuels qui dépendent de la situation et du contexte.

L’extrait 1 (C.3) ci-dessous, illustre le degré de participation et le jeu de figuration


de chacune des trois locutrices. En effet, on constate que les énonces de Farida sont longs
et ceux de ses partenaires Amaria et Linda sont brefs (contenant deux ou trois unités) et se
résument à des questions (L.ni. 093), à des reprises (A.ni. 085) ou bien à l’emploi des
régulateurs du discours (oui, yih, hmm, etc.) qui traduisent parfois une stratégie
autofacilitatrice. Linda et Amaria sont souvent en situation d’écoute qui peut être
considérée comme une stratégie d’évitement due à une difficulté d’expression. Mais cela
pourrait laisser entendre également que les locutrices non-immigrées ménagent la face de
leur partenaire malgré la monopolisation de la parole de sa part, qui est entendue, eu égard
aux principes de l’analyse conversationnelle, comme une violation de la maxime : ‘‘soyez
bref’’ (GRICE, 1979 : 62). Par ailleurs, cet extrait illustre la domination du français que ce
soit à travers les tours de parole monolingues ou bilingues, une domination justifiée par le
degré de participation de Farida239. Cependant, il arrive que l’arabe dialectal soit
dominant240 selon les thèmes et les participantes (par dyades ou par triade : Farida et
Amaria ; Amaria et Linda ; Linda et Farida ; Farida, Linda et Amaria). La situation dans

238
On trouve d’autres termes relatifs à ‘‘sujet de la conversation’’ comme ‘‘thème de la conversation’’,
‘‘topic’’, ‘‘topique’’ et ‘‘objet de discours’’ et, malgré certaines divergences, ces termes entretiennent
quelques points communs.
239
Rappelons que ceci a déjà été développé et illustré dans le chapitre 2 de la deuxième partie.
240
Rappelons encore une fois que la domination est relative au nombre des unités mobilisées qui peuvent
constituer soit des énoncés bilingues soit des énoncés monolingues (longs ou courts).

311
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

laquelle se trouve Farida la pousse à prendre l’initiative de dire ce qu’elle pense et


d’apporter des réponses aux questions qui lui sont posées. Ainsi, la répartition des langues
montre clairement les trois solutions possibles : des tours de parole monolingues en
français (F.ii. 084) ; (A.ni. 085) ; (A.ni. 087) ; (A.ni. 089) ; (F.ii. 094) ; (A.ni. 099), des
tours de parole monolingues en arabe dialectal (F.ii. 092) ; (L.ni. 093) ; (A.ni. 097) et des
tours de parole bilingues arabe dialectal/français ou français/arabe dialectal (F.ii. 086) ;
(F.ii. 088) ; (F.ii. 090) ; (L.ni. 091) ; (L.ni. 095) ; (F.ii. 096) ; (F.ii. 098). Cette tripartition
en tours monolingues (arabe dialectal ou français) et en tours bilingues (arabe
dialectal/français) concerne relativement les cinq conversations mais à des degrés
différents. Ainsi, les changements et les choix de langues effectués par les participantes
montrent qu’il s’agit d’une convergence codique qui se traduit par une organisation de la
parole en interaction même si les tours de parole de Linda et Amaria sont très courts.
Comme nous l’avons signalé plus haut, nous constatons chez Amaria une accumulation des
marques d’accord241 produites en français et en arabe dialectal au fil des interactions (cet
état de fait concerne aussi Linda et apparaît fréquemment dans les cinq conversations de
notre corpus).

Extrait 1, conversation 3 (C.3)

F.ii. 084 : non la règle c’est la règle


A.ni. 085 : la règle
F.ii. 086 : euh ++ t’(u) (n’) as pas fait ça + stop + c’est pas ++
c’est pas notre problème + tdiri (tu fais) la règle kima ennas
machi (comme tout le monde) tu te trompes w’ (et) < ------- ? >
kayen machi ngoul makanch + kayen élli ySedqo (il n’y a pas ceux
qui disent on a pas + il y a ceux qui donnent) etcetera ++ ils aiment les
gens ++ bein quand même je sais pas si xxx kayen (il y a) la
Croix Rouge ++ [le secours populaire w (et) xxxx
A.ni. 087 : [oui !
F.ii. 088 : [beSSaH bekri ma kanch kayen bezzaf + w’
(mais avant il n’y avait pas beaucoup + et) maintenant ça va + mellit (je suis
dégoûtée) + de toute façon chetti (tu as vu) + la guerre partout
+ en + dans le monde
A.ni. 089 : oui !
F.ii. 090 : partout rahi (il y a) la guerre dans le monde ++ partout ils se
trompent
L.ni. 091 : le problème taç e’terrorizme (du terrorisme)
F.ii. 092 : fel bled ? (au pays ?)
L.ni. 093 : ellei kanou fel bled hna kountou ntouma temma kifach
kountou tHoussou [risankoum ? (ceux qui étaient dans le pays ici et vous là

241
Ces marques fonctionnent à la fois comme des phatiques et comme des régulateurs du discours. Ces
questions seront développées ultérieurement avec plus de précisions.

312
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

bas comment vous vous sentiez ?)


F.ii. 094 : [bein très très triste
L.ni. 095 : [Hna kounna nchoufou koulchi (nous + on voyait
tout) beaucoup ++ li kan Sari Hadak (ce qui se passait)
F.ii. 096 : ouais ! + beaucoup beaucoup triste ++ mais ++ quand on voit
déjà Hna (nous) on a de la famille ici en ALGERIE
wen’Sébouhoum (et on les trouve) ++ en entendant les=infos ++
les=informations ++ euh ++ taç lebled (du pays) ou s’est fait
tué une vingtaine de personnes ++ on pense + Hna raHna fel
ghorba wen’khammou (nous on est là-bas et on pense)
A.ni. 097 : hmm !
F.ii. 098 : on pense beaucoup à nos familles:: + à nos=amis elli rahoum
hna (ceux qui sont là) + donc c’est logique on s’ sent pas bien
et puis il y a des moments ça donne pas de + d’y revenir
+++ beaucoup + beaucoup de Français déjà + ils=ont pas
voulu + et ++ y revenir + les=immigrés ils=ont pas voulu
revenir + ils=avaient trop peur ++ warrahoum (et comment) les
vacances li yfewtouhoum ? (ils les passent ?) li yfewtouhoum (qu’ils
passent) avec la peur ++ yfewtouhum (ils les passent) ils vont dans
un restaurant + ils=auront peur ++ euh + euh ++ une famille
de deux + trois + quatre + enfants + ils vont avoir peur de
bouger avec eux + ils vont ++ ils=ont + ils=ont peur
d’aller à la mer et d’y retourner six=heures du soir wella
(ou) à dix=heures du soir ++ ils=auront peur de + de marcher
euh + je ne sais pas + un père de famille avec sa femme et
ses deux filles +++ de :: + d’une quinzaine de + dix=huit
ans + wella (ou) vingt=ans + ils=auront peur de marcher avec
elles en + en je ne sais pas + à la mer par exemple + à la
plage
A.ni. 099 : oui ! oui !

4 – 2. L’organisation de la parole dans les séquences d’ouverture

Outre les fonctions soulignées concernant les séquences d’ouvertures, nous dirons
que les échanges de salutations242 matérialisent une certaine organisation de la parole et
amènent d’entrée de jeu les locutrices à s’aligner en choisissant l’une ou l’autre langue ou
encore les deux à la fois. Aussitôt que les salutations s’achèvent les locutrices initient ou
encore négocient les thèmes qui constituent le cœur de la conversation. Le passage d’un
thème à l’autre relève du contrôle des participantes et suppose des changements de langue
et un investissement particulier des ressources bilingues puisqu’il s’agit de pratiques
interactionnelles bilingues situées, contingentes et collectives.

Les extraits ci-dessous (2) : (C.1), (3) : (C.2), (4) : (C.3), (5) : (C.4) et (6) : (C.5),
illustrent les particularités des séquences d’ouverture tant au niveau de l’organisation des

242
Les salutations sont aussi des marques de politesse nécessaires à l’établissement des relations
interpersonnelles et pour donner une bonne image de soi.

313
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

interactions qu’au niveau de la négociation des thèmes et de la mobilisation des ressources


du répertoire.

Nous constatons dans l’extrait (2) : (C.1), une synchronisation des tours de parole
sous forme d’échanges de salutations et de salutations complémentaires (question-de-
salutation) qui sont caractérisées par l’emploi de l’arabe dialectal et/ou du français. Dans le
tour de parole (A.ni. 009) Amaria évoque la possibilité d’apprendre d’autres mots du
français. Ce besoin a été exprimé suite au réemploi du terme tronqué ‘‘impec’’ par Farida
(F.ii. 006) qu’Amaria n’a pas compris lors de la première occurrence. C’est un argument
(A.ni. 009) renvoyant implicitement à un accord concernant l’emploi du français que l’on
peut considérer non seulement comme une négociation de langue à travers laquelle Amaria
affiche l’évitement d’une quelconque menace à sa face243 mais aussi comme demande de
soutien pour l’éventuel apprentissage. Malgré son inachèvement le tour de parole de Farida
(F.ii. 010) constitue un échange confirmatif par rapport à l’assertion d’Amaria. Le tour de
parole (A.ni. 011) produit par Amaria remplit une fonction illocutoire double à la fois
réactive et initiative sous forme de demande de confirmation/question qui a suscité un tour
de parole confirmatif (F.ii. 012) par lequel l’échange est clôturé.

Après quelques échanges subordonnés aux salutations, qui constituent à notre sens,
un moment de négociation et d’alignement, Amaria passe à une requête qui amorce le
premier thème de la conversation. L’introduction d’un thème dépend donc, dans ce cas là,
d’une conception dialogale et interactive résultant de la collaboration des participantes.

Extrait 2, conversation 1 (C.1)


A.ni. 001 : SbaH el khir FARIDA (bonjour FARIDA)
F.ii. 002 : bonjour
A.ni. 003 : ça va ?
F.ii. 004 : ça:: va très bien Hamdullah ! (Dieu soit loué)
A.ni. 005 : ça va ?
F.ii. 006 : impec
A.ni. 007 : impec ?
F.ii. 008 : oui : impec ++ ça va
A.ni. 009 : Hatta ana chouiya netçallem (même moi j’apprends un peu) quelques

243
Etant consciente de sa maîtrise insuffisante (A.ni. 011) du français et des capacités de sa partenaire en
cette langue, Amaria détermine sa position en exprimant son besoin d’apprendre davantage afin d’éviter les
menaces d’incompréhension et de l’usage inadéquat du français. Ajoutons que la négociation de la langue de
l’interaction se fait implicitement ou explicitement (KERBRAT-ORECCHIONI, 2000).

314
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

mots
F.ii. 010 : c’est vrai +++ mai::s [je crois que
A.ni. 011 : [français cassé ++ on dit comme ça ?
F.ii. 012 : ouai::s l’arabe maghrébin
A.ni. 013 : est-ce que çandek (tu as) la famille bezzaf hna f‘ (beaucoup ici en)
l’ALGERIE ?
F.ii. 014 : ça va çandi (j’ai) + wah (oui) même ++ j’en ai même beaucoup
ein::h
A.ni. 015 : a::h !
F.ii. 016 : ah ! ++ on est une grande famille + quand même
A.ni. 017 : < ----- ?> quelle région ?
F.ii. 018 : dans la région de MOSTAGANEM + MOHAMMADIA (MOHAMMADIA) +++ [et +++
A.ni. 019 : [BARIGOU
(PERREGAUX)
F.ii. 020 : [wah
BARIGOU (oui PERREGAUX) ++ et puis + mais bon mon père est de
BARIGOU (PERREGAUX) +
A.ni. 021 : [MOSTAGANEM
F.ii. 022 : [MOSTAGANEM
+++ +++ par exemple je # ++ on est une très grande famille
euh de MOSTAGANEM et + quand même

Dans l’extrait (3) : (C.2), le thème est amorcé dans la séquence d’ouverture après
un court244 échange de salutations sous forme de question-de-salutation entre Amaria et
Farida. En répondant à la question-de-salutation de sa partenaire, Farida exprime ce qu’elle
ressent en ce dernier jour de vacances. Il est intéressant de noter que, au plan
organisationnel, les réponses à certaines questions provoquent l’instauration voire le
développement des thèmes dans la conversation.

Extrait 3, conversation 2 (C.2)


F.ii. 001 : bonjour + essalam (bonjour) + ça va ?
A.ni. 002 : ça va + lHamdoullah ! (Dieu soit loué) + et toi ?
F.ii. 003 : ouais:: + ça va:: j’(e) suis un peu trop:: euh + enfin un peu
trop dég + de rentrer ++ demain nchallah ! (si Dieu veut) c’est le
départ ++ et puis bei:n comme + tous + tous les=ans quoi + on
va prendre le bateau euh:: demain soir + espérant nchallah !
(si dieu veut) il n’y aura pas de retard + parce que:: vraiment
< ------ ? >
A.ni. 004 : toujours le problème du retard
F.ii. 005 : ah ! ouais ! ++ toujours + toujours tout le temps quoi + donc
chez + comment on dit chez laçreb (les Arabes) + il y a toujours
du retard euh ::
A.ni. 006 : même l’avion ++ même l’avion
F.ii. 007 : même l’avion
A.ni. 008 : l’avion euh::
F.ii. 009 : mais bon espérons demain nchallah !  (si Dieu veut) euh + le
bateau soit à l’heure et que tous les gens  rahoum temma 

244
A comparer avec la première conversation où les échanges de salutations sont plus ou moins longs, ceux
de la deuxième conversation constituent des échanges minimaux, qui sont à notre avis liés à la situation.

315
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

(ils sont là-bas) + les douaniers  ils nous posent pas de problèmes
+ parce que çadna (nous avons) notre billet puis on a ::: + on
a nos billets on les a payé + on a les billets Ok et puis
nchallah ! (si Dieu veut) j’espère que  on passera sans problèmes
nchallah ! (si Dieu veut) et puis qui xx auraient pas autant de
monde qu’on a eu les=autres=années + et des bateaux en retard
etcetera ++ j’espère nchallah ! (si Dieu veut) que ça se passe
bien

Dans l’extrait (4) : (C.3), le thème de la conversation introduit par Farida est
subordonné à un échange de salutations d’environs 30 secondes (raté au moment de
l’enregistrement). Les deux interventions (L.ni. 001 et L.ni. 003) de Linda sont des
questions245 suivies de réponses à partir desquelles le thème de ‘‘la guerre d’Algérie’’ est
développé. Les interventions des participantes, de par la nécessité du passage de l’arabe au
français ou inversement (sous forme d’alternances codiques inter-intervention ou intra-
intervention), obéissent à la relation de dépendance conditionnelle (KERBRAT-ORECCHIONI,
1996). Ainsi, nous soulignons, malgré la monopolisation de la parole de la part de Farida
(voir la suite de la conversation en annexes) qui est sollicitée pour raconter, l’existence
d’une organisation et d’un ordre co-construit par les participantes.

Extrait 4, conversation 3 (C.3)


L.ni. 001 : yaHkiwelkoum çla (on vous parle de) la guerre d’ALGERIE en FRANCE ?
F.ii. 002 : oui ! des fois
L.ni. 003 : tendjem t’OUlenna çla (tu peux nous parler de) [la guerre d’ALGERIE ?
F.ii. 004 : [la guerre D’ALGERIE
mça (avec) la FRANCE
L.ni. 005 : [mça (avec) la :: la
FRANCE
F.ii. 006 : déjà rien que d’y penser khaTraT (parfois) eh ++ nekkerhou (on est
dégoûté) + rien que d’y penser belli (que) la guerre SraT mça
les Français ++ les Français + bon + gaçdou (ils sont restés) ++
chHal ? (combien ?)

245
Les questions renvoient à des buts illocutoires directifs et amènent l’interlocuteur à accomplir une action
future. Ainsi, les forces illocutoires que revêt la question dans l’interaction amènent à une organisation des
interactions et permettent d’amorcer un sujet et de le développer. La relation interpersonnelle et familiale
entre les trois locutrices fait que les non-immigrées interrogent constamment l’immigrée sur son expérience,
ses opinions et sur ce qu’elle ressent à propos des deux pays et des deux cultures, sujets qui reviennent dans
les cinq conversations.

316
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Dans l’extrait (5) : (C.4), les trois locutrices parviennent à un accomplissement


interactionnel en exploitant des ressources verbales adéquates pour la séquence
d’ouverture, à savoir l’emploi de l’arabe dialectal et du français pour l’échange de
salutations et de questions-de-salutation. On note par ailleurs que l’énoncé d’Amaria dans
le tour de parole (A.ni. 007) marque la frontière entre la fin de la séquence d’ouverture et
le début de l’élaboration conjointe du thème.

Extrait 5, conversation 4 (C.4)


A.ni. 001 : SbaH el khir FARIDA (bonjour FARIDA) + ça va ?
F.ii. 002 : ça va impec
A.ni. 003 : ça va les cousines ?
F.ii. 004 : ça va !
L.ni. 005 : touma ? (et vous ?) ça va ?
F.ii. 006 : impec wellah ! touaHAchnakoum (vous m’aviez manqué je le jure) ++ impec
A.ni. 007 : OUZIDANE (OUZIDANE)
F.ii. 008 : OUZIDANE ? (OUZIDANE ?) la campagne !
L.ni. 009 : kich fewwet el (comment tu as passé le) week end fe OUZIDANE ?
(à OUZIDANE ?) ça va?
F.ii. 010 : ça va bssaH (mais) c’était vraiment la compagne euh + quand
même bezzaf (beaucoup)
L.ni. 011 : çojbatek temma (elle t’a plu) le::
F.ii. 012 : ((soupirs)) waHd (et cette) la chaleur elli fiha Temma (là-bas) +
c’était insupportable ((silence)) wellah (je le jure)
insupportable bezzaf (beaucoup) et :: en plus de ça ils=avaient
les vaches + les moutons kima ygoulou:: le ghlem wella ki
Tgoulou ? (comme on dit les moutons comme vous le dites ?)
(F.ni./L.ni./A.ni.)((rires))
A.ni. 013 : les moutons
F.ii. 014 : les moutons + et donc vraiment w (et) + xx mça (avec) la chaleur
+ mça (et avec) l’odeur c’était :: xxx
A.ni. 015 : insupportable ((rires))
F.ii. 016 : oui insupportable chwiyya (un peu) + vraiment insupportable +
franchement les=habitants taç OUZIDANE (de OUZIDANE) + je ne sais
pas ki yçichou (comment ils vivent)

L’extrait (6) : (C.5), illustre une négociation explicite du thème formulée sous
forme d’une requête de la part de la locutrice immigrée (F.ii. 005). Dans le début de cette
conversation c’est Farida qui demande à ses partenaires de proposer un sujet de discussion
plutôt que d’attendre à ce qu’elles lui posent des questions. Nous avons là une question qui
en déclenche une autre (quelque peu artificielle) qui est en rapport avec le thème du retour
et de la France (climat, etc.), il est remarquable que l’intervention de Linda prolonge de
façon interrogative la requête de Farida. Nous pouvons dire que cela est dû au fait que la

317
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

complice n’était pas tout à fait spontanée et se voyait obligée de parler en posant plus de
questions.

Extrait 6, conversation 5 (C.5)


F.ii. 001 : salam (bonjour) + bonjour
L.ni. 002 : salam (bonjour) + ça va ?
F.ii. 003 : ça va et vous ça va ?
A.ni. 004 : ça va bien
F.ii. 005 : eh bin vous souhaitez parler de quoi ?
L.ni. 006 : ki tamchi le fransa (quand tu pars en FRANCE) wassem nawya
taçmel ? (qu’est-ce que tu veux faire ?)
F.ii. 007 : là au retour ?
L.ni. 008 : oui au retour
F.ii. 009 : bein au retour j’ai beaucoup de projets + çandi (j’ai) les
projets quand même ++ déjà j’espère nekhdem hiyya (je travaille c’est
ça) l’important +++ plus=important
L.ni. 010 : temma l(e) (là-bas) travail bien ?
F.ii. 011 : non ça dépend il faut l < ------ ?> ce que tu veux en fait +
c’est ce que je souhaite je veux quand même travailler dans
l’aéroport ++ dans le tourisme wella (ou) dans le paramédical
L.ni. 012 : hmm ! ah bon !
F.ii. 013 : et en plus de ça je veux nchallah ! (si Dieu veut)
L.ni. 014 : qu’elle est la différence entre l’ALGERIE et la FRANCE par
rapport au climat ?
F.ii. 015 : le climat par rapport à la FRANCE et l’ALGERIE ben largement
différent + euh wellah firaq (je le jure c’est différent) + euh L’ALGERIE
Hatta (même) les moins dix + moins quinze

Somme toute, les cinq extraits, correspondant aux séquences d’ouverture,


représentent une phase d’introduction où se sont négociées les relations interpersonnelles
et les ressources linguistiques. Et c’est par le mouvement de coopération246 que les thèmes
ont été amorcés247 puis développés conjointement selon différentes modalités de
participation. En effet, ces modalités se dessinent selon le degré de maîtrise qu’ont les
locutrices de chacune des deux langues248 ainsi que la mobilisation des ressources du
répertoire verbal lors des interactions.

246
Par coopération on entend une répartition des tâches entre les interlocuteurs, où chacun peut accomplir de
manière autonome et responsable sa part de travail lors des échanges (cf. GRICE, 1979).
247
Les séquences d’ouverture constituent une phase d’introduction où les interactants proposent un thème
plutôt que d’en poser un (BERTHOUD & MONDADA, 1995).
248
Les deux langues sont considérées sous leur potentiel communicatif (seules ou alternées).

318
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

4 – 3. Pratiques interactionnelles bilingues et co-construction des topiques : quelle


gestion et quelles caractéristiques ?

Nous avons constaté que les séquences d’ouverture sont déterminantes pour la
caractérisation des relations entre les interlocuteurs (SCHEGLOFF, 1986), d’autant plus
qu’elles sont le lieu où se définit le topique principal de l’échange ou le first topic
(BERTHOUD & MONDADA, 1995 : 281). En outre, l’élaboration, la progression et le
glissement thématiques dépendent d’un travail collaboratif lié aux présupposés de la
communication. En fait, l’entrée et la sortie d’un thème dans l’interaction se réalisent de
manière implicite (au cours de l’interaction) ou explicite (par la mise en œuvre des
procédés langagiers voire par une négociation à voix haute).

Le thème initié lors d’une conversation en situation bilingue est déterminant du


choix de langue. En effet, au cours des interactions, différentes ressources verbales sont
sollicitées, soit pour la construction du thème voire du sens soit pour la régulation des
échanges ou encore pour l’adaptation de la parole à la situation et/ou à l’interlocuteur qui
maîtrise peu ou prou la deuxième langue. Ce qui nous permet de souligner une articulation
entre la progression thématique et les fonctions régulatrices des échanges (l’acquiescement
ou la contestation d’une idée ou d’un thème par l’emploi des marques d’accord ou de
désaccord).

Les interactions entre la locutrice immigrée et ses partenaires présentent dans leur
déroulement un enchaînement thématique élaboré réciproquement. Dans la première
conversation (C.1), par exemple, la progression thématique est tributaire d’une
collaboration et d’une cogestion instaurée par les deux participantes de façon cohérente. Le
thème de la famille introduit par Amaria sous forme d’une requête constitue un topique
central autour duquel gravitent les autres topiques. De cette manière on peut dire que
l’enchaînement thématique249 et les orientations de la parole permettent le contrôle du
discours et provoquent une certaine cohérence entre l’ensemble des thèmes de la
conversation. On peut ajouter aussi que l’imbrication des deux langues dans les

249
Il faut entendre par enchaînement thématique les différentes transformations et dérivations qui constituent
la progression et le développement voire l’élaboration conjointe d’un thème. En effet, la sélection d’un thème
et son élaboration reposent sur plusieurs mouvements : la proposition ou l’imposition, la progression et la
transformation du thème.

319
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

interactions est liée à cet état de fait. De ce fait, les modalités d’entrée et de sortie d’un
thème de l’interaction, dépendent de la situation et elles sont concrétisées par l’emploi des
marqueurs d’ouverture et de clôture (les questions, les termes d’approbation et les termes
de changement). Marie-Thérèse VASSEUR (2005) affirme que : « ... la collaboration,
minimale au début, permet néanmoins un développement du thème dans ce qui devient une
séquence plus conséquente ».

Le passage du thème de la famille aux autres thèmes (les ancêtres, la plage, la fin
des vacances, l’achat des cadeaux, la musique, les questions identitaires et culturelles, les
immigrés et leur mode de vie, la reprise du travail, et la crèche) se réalise sous forme de
question-réponse et par un échange d’informations sur les éléments constitutifs de ces
thèmes. De même que le passage du français à l’arabe dialectal est en corrélation avec les
thèmes de la conversation. En tout état de cause on peut dire qu’il s’agit de choix de
langues complémentaires. La complémentarité est vue en tant que manière de faire visant
la convergence et l’adaptation de la parole à l’interlocuteur et à la situation250. Bien que le
français soit introduit comme langue dominante dans le déroulement de la conversation, les
trois locutrices opèrent des passages à l’arabe dialectal et aux alternances codiques de
manière contingente et située.

Nous traitons à présent quelques extraits illustrant le développent et la progression


thématiques dans la première conversation (C.1).

Comme nous l’avons déjà signalé, dans l’extrait (7) : (C.1), le thème est initié
(négocié) par une question posée par Amaria, qui voulait savoir si sa partenaire a beaucoup
de proches en Algérie, question à laquelle Farida répond en affirmant qu’elle en a
beaucoup. Notons aussi à travers ces deux tours de parole que la locutrice immigrée
converge sciemment – (si l’on tient compte de ce qui a été énoncé précédemment au
niveau de la séquence d’ouverture) – par l’emploi de l’alternance codique. C’est une
caractéristique qui se poursuit tout au long de cette conversation où l’on peut constater une

250
Etant en contact dans un milieu familial algérien, où l’arabe dialectal (algérien) et l’alternance codique
prédominent, les interlocutrices (l’immigrée et les non-immigrées) tendent à se plier à cette réalité
linguistique et ce malgré l’emploi intensif du français dû à la présence de la locutrice immigrée.

320
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

articulation des alternances codiques et des choix de langue (arabe dialectal ou français)
opérés par chacune des locutrices.

Les pratiques langagières bi-plurilingues, avérées ou non, ont des incidences sur le
traitement de la production langagière et sont caractérisées par : l’opacité, la diversité et
l’hétérogénéité des moyens, la polygestion (interactivité) et l’instabilité (GAJO, 2003). Les
extraits analysés jusque-là semblent à première vue confirmer les propos de Laurent GAJO
(ibid. : 51) selon lesquels il stipule que : « la diversité et l’hétérogénéité des moyens
d’expression impliquent des procédures de choix (ou non-choix) de langue, et posent ces
choix en termes d’adéquation de ressources discursives », il ajoute par ailleurs, que :
« l’interactivité des pratiques langagières plurilingues signifie une constante négociation,
plus ou moins explicite, et dans tous les cas un ajustement au discours de l’autre, à son
rôle ».

Extrait 7, conversation (C.1)


A.ni. 013 : est-ce que çandek (tu as) la famille bezzaf hna f‘
(beaucoup ici en) l’ALGERIE ?
F.ii. 014 : ça va çandi (j’ai) + wah (oui) même ++ j’en ai même beaucoup
ein::h

Cependant, l’extrait (8) : (C.1) – qui représente l’amorce d’un autre thème dans la
conversation – se caractérise par la construction conjointe du sens et par le choix exclusif
du français dans certains tours de parole à l’exception de (F.ii. 060 et F.ii. 062) qui sont
des alternances intra-acte (unitaire et segmentale). Le tour de parole (A.ni. 055) se présente
comme une négociation du thème (ou du sous thème), que Farida a dû aborder auparavant
avec Amaria, et comme un enchaînement avec le premier thème, concrétisé par l’emploi de
la conjonction de coordination (et). D’autant plus que les chevauchements (F.ii. 056, A.ni.
057 et F.ii. 058) survenus lors des interactions témoignent d’un travail collaboratif
(d’engagement, d’aide et de complétude)251 dans la construction du thème et dans
l’instauration de la dynamique interactionnelle.

251
La collaboration est entendue sous l’angle du contrat de communication qui permet « de résoudre le
problème posé par la ‘‘prévalence de la réalité sociale’’ », (CHARAUDEAU, 1995 : 83) ; il s’agit plus
précisément d’un contrat qui est « un contrat d’échange à finalité actionnelle, mais l’action n’est ici

321
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 8, conversation (C.1)


A.ni. 055 : [i::h ! (oui !) et +++ au sujet de ton grand-père ++ l’année
passée tu m’as raconté ++ comment dire en français ?
F.ii. 056 : il avait ++ [qui avait une
A.ni. 057 : [ils=avaient
F.ii. 058 : [ils=avaient un lien avec l’EMIR ABDELKADER
A.ni. 059 : oui::!
F.ii. 060 : oui en fait + c’est le grand-père Taç (à) mon grand-père +++
c’est mon père au départ
A.ni. 061 : [c’est le sujet que +++
F.ii. 062 : [que je voulais lui en parler ++ euh en fait + quand
j’avais +++ ki kount sghira (quand j’étais petite)

De par la question que pose Amaria (A.ni. 121) à Farida pour lui demander
l’origine de sa mère, et qui contribue à la progression thématique et à la dynamique voire
au maintien de l’interaction, on note dans l’extrait (9) : (C.1), une véritable convergence
interactionnelle et linguistique et ce, malgré l’inachèvement de certains énoncés ainsi que
les pauses et les hésitations survenues dans les tours de parole de Farida qui se trouve
obligée de fournir des réponses et des précisions sollicitées par sa partenaire. Par ailleurs,
(A.ni. 137) Amaria demande à Farida de lui raconter ce qui se passe lors de la cérémonie
religieuse (el waçda) à l’honneur du saint patron de la ville de Mostaganem Sidi Lakhdar
Belkhlouf en formulant son énoncé exclusivement en arabe dialectal, Farida réplique (F.ii.
138) et produit une succession d’alternances codiques unitaires pour préciser les noms des
deux confréries (celle des çissawa et celle des Hamdawa).

Extrait 9, conversation (C.1)


A.ni. 121 : et :: et ta mère elle est de MOSTAGANEM ?
F.ii. 122 : ma mère ++ de MOSTAGANEM
A.ni. 123 : et tu m’as dis que mmoak taçmel él waçda él waçda taç (ta mère
organise la cérémonie de)
F.ii. 124 : c’est mon père + a::h ! ma mère + SIDI MOHAMMED
A.ni. 125 : SIDI MOHAMMED BELKHLOUF yak (SIDI MOHAMMED BELKHLOUF c’est ça)
F.ii. 126 : non + et + non::
A.ni. 127 : SIDI LAKHDAR ? (SIDI LAKHDAR ?)
F.ii. 128 : SIDI LAKHDAR BELKHLOUF c’est tawaçkoum (c’est de chez vous)
A.ni. 129 : i::h! (oui)
F.ii. 130 : é::h ! (oui !) c’est SIDI MOUHAMMED
A.ni. 131 : SIDI MOHAMMED chkoun (SIDI MOHAMMED qui ?)
F.ii. 132 : SIDI MOHAMMED (SIDI MOHAMMED)
A.ni. 133 : SIDI MOHAMMED (SIDI MOHAMMED) ++ oui
F.ii. 134 : mais c’est taçhoum (c’est à eux)

considérée que dans la mesure où elle dépend d’un dire, lequel dire construit à son tour la réalité sociale
aussi bien dans ses rituels que dans ses stratégies », (ibid. : 83).

322
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

A.ni. 135 : iwa ki yé:: (et quand il)


F.ii. 136 : et en fait c’est mon père qui faisait lwaçda (la célébration)
chaque=année pendant à peu prés vingt=ans + vingt années
+++ tous les=ans il fait él waçda (la célébration) +++ ils=ont
pas arrêté
A.ni. 137 : eHkili çla lwaçda (raconte moi la célébration)
F.ii. 138 : c’est en fait c’est des=hommes ++ çissawa (confrérie des ÇISSAWA)
vous dites ++ c’est ++ c’est + ça ++ c’est ça
Hamdawa ? (HAMDAWA ?)

Dans l’extrait (10) : (C.1), l’amorce d’un nouveau252 thème par Amaria se produit,
après une pause d’environ quinze secondes, par une projection de l’acte où elle rappelle
implicitement à Farida le dernier jour des vacances estivales qui correspond à la dernière
après-midi passée ce jour-là au bord de la plage. L’introduction du thème s’opère par une
suite d’interactions bilingues caractérisée par des interventions collaboratives et par une
sorte de complétude interactionnelle. La première intervention d’Amaria est complétée par
Farida par une traduction-clarification en langue française de l’argument (F.ii. 284 : lui
dire au revoir) avancé par sa partenaire en arabe dialectal (A.ni. 283 : nbeIwah bkhir) suite
à sa demande (A.ni. 283 : comment on dit ?). Amaria acquiesce cette proposition de
clarification en produisant une alternance codique intra-intervention et un emprunt (A.ni.
285). Il s’agit en fait, d’une gestion collective et coopérative du topique, son élaboration a
suscité la mobilisation des différentes ressources linguistiques dont la configuration est
indissociable des interventions des locutrices. On voit clairement leur collaboration à la
construction du thème. Chacune fournit des éléments à sa partenaire, ratifie, complète ses
propos et ajuste les siens en produisant des énoncés brefs, longs, monolingues, bilingues,
inachevés, achevés par l’une d’entre elles, etc. Bien que les énoncés produits par Amaria
ne soient pas longs et complets, cela n’a provoqué aucune incidence sur le déroulement de
l’interaction. Pair ailleurs, les chevauchements de tours de parole soulignés (A.ni. 289,
F.ii. 290, A.ni. 291 et F.ii. 292) sont, à notre sens, une preuve tangible d’un mode de
collaboration coopératif de la part des interlocutrices dans la construction du sens social
voire de la complétude interactionnelle. L’approbation des deux propositions avancés par
Farida concernant les toponymes Siga et Sifax, qui voulait implicitement s’assurer s’il

252
C’est un thème qui a été introduit par une clôture annoncée par une formule d’invocation à Dieu, ce qui a
provoqué une pause plus ou moins courte avant sa mise en valeur. De même qu’il paraît dévié sur le
précédent.

323
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

s’agit du même endroit, est prise en charge253 par Amaria qui a fourni cette fois-ci un
argument (A.ni. 293) que Farida ratifie (F.ii. 294) et la conduit à continuer sur le sujet en
cours en le développant.

Extrait 10, conversation (C.1)


A.ni. 283 : l’après midi mchina lebHar + mchina:: (on est parti à la plage + on est
parti) ++ comment on dit ? ++ nbeIwah bkhir (on est allé lui dire au
revoir)
F.ii. 284 : ouais ! c’était pour lui dire au revoir
A.ni. 285 : éih ! (oui !) pour dire envoir (au revoir)
F.ii. 286 : parce que je pars ncha:llah ! (si Dieu veut) lundi ++ donc
aujourd’hui on était à la plage pour une dernière fois
A.ni. 287 : ouais !
F.ii. 288 : à SIGA ? ++ c’était ça ?
A.ni. 289 : [yi::h ! (oui)
F.ii. 290 : [à SIFAX !
A.ni. 291 : [yi:h (oui) SIFAX !
F.ii. 292 : [Sifax !
A.ni. 293 : à côté de BENI-SAF
F.ii. 294 : ouais ++ roHna (on est allé) + impeccable à part bon:: ++ il a
fait froid là: ++ on est le deux septembre ?
A.ni. 295 : lyoum (aujourd’hui) + trois septembre
F.ii. 296 : le trois ? eh bein ++ il + il à fait froid à la plage ++
mais:: c’était impeccable quand même ++ ghaya kima ngoulou
ghayat él ghaya (c’est très bien comme on dit très très bien)

Les thèmes abordés sont à caractère général et personnel, non menaçants pour les
locutrices et ce malgré leur nature foncièrement intime254, c’est pourquoi d’ailleurs chaque
locutrice se sent impliquée et participe activement aux interactions. Par ailleurs, les choix
et les changements de langues surviennent aussitôt que les thèmes se construisent et se
transforment au fil de l’interaction. C’est au travers de l’amplification et des glissements
thématiques que les locutrices mobilisent leur répertoire respectif pour toutes fins
pratiques. Il en découle par conséquent une organisation séquentielle régie par des
mouvements interactionnels donnant lieu à une configuration originale des ressources
linguistiques mobilisées qui sont le corollaire d’une grammaire-pour-l’interaction. De ce
fait, l’alternance codique et le changement de langue restent somme toute des manières de

253
L’initiative de prise en charge de la construction des interventions peut se faire de part et d’autre. C’est
une des caractéristiques que nous avons soulevée lorsque les locutrices passaient d’une situation bilingue à
une situation exolingue.
254
Nous nous référons à l’aspect confidentiel dans la relation interpersonnelle (TRAVERSO, 1996), où le
dévoilement de soi peut menacer les faces des participants à une interaction. Dans le cas qui nous intéresse
nous soulignons une égalité des droits interlocutifs des participantes.

324
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

faire qui semblent traduire une certaine fiabilité quant au maintien des interactions et à la
construction interactive du sens social.

4 – 4. Le rapport de places : ajustement interactionnel et ralliement langagier

Le caractère familier et intime des interactions a poussé les locutrices à adopter une
ligne de conduite commune. En fait, les réparations, les complétudes, les chevauchements,
les étayages, les malentendus, la monopolisation de la parole, le choix des langues et les
alternances codiques, sont autant de faits qui peuvent avoir leur impact dans la conduite
des interactions en situations bilingues/exolingues. Ces faits ne semblent pas tout à fait
menaçants pour nos trois locutrices du fait que celles-ci sont conscientes de leurs
insuffisances langagières et surtout de la relation sociale qu’elles entretiennent entre elles.
Cette définition a priori de la situation par les locutrices semble bel est bien un alibi
assurant le maintien et l’élaboration conjointe de l’interaction. Malgré ces considérations,
que la relation n’est pas tout à fait symétrique. Elle est plus ou moins asymétrique
notamment par rapport à la maîtrise de l’une des deux langues et par rapport aux savoirs
relatifs aux thèmes abordés. Ainsi, nous dirons qu’il s’agit d’une relation complémentaire
souple et d’une symétrie stable que l’on peut considérer en tant que facteurs interactionnels
qui caractérisent la dynamique de ces interactions bilingues. Il semble que le statut
(position sociale : rapport familial, le cadre, l’appartenance socioculturelle, forte ou faible
dans telle ou telle langue, etc.) et « le rapport de rôles »255 (VION, 1992 : 82) sont des
paramètres déterminants de l’interaction entre l’immigrée et ses partenaires non-
immigrées. Avec ces paramètres (ou indices) on pourrait dire que chaque locutrice arrive à
sauver sa face et à participer activement en mobilisant les ressources disponibles jugées
nécessaire pour l’élaboration et le maintient des interactions. Ces faits recèlent des
stratégies de communication bilingue voire exolingue où les choix et les alternances
codiques y jouent un rôle crucial qui ne se limite pas à compenser des lacunes mais remplit
d’autres fonctions telles que le maintien des interactions, l’organisation de la parole, la
complétude interactive, etc.

255
La notion de rapport de rôles suppose l’implication de deux parties (le locuteur et son interlocuteur) dans
l’accomplissement réciproque des tâches interactionnelles.

325
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

4 – 5. Marques d’accord et de désaccord : réparations hétéro-initiées et hétéro-


complétées

Nous pouvons souligner dans les différentes interactions une fréquence des
marques d’accord et de désaccord qui sont susceptibles d’apparaître en arabe dialectal ou
en français ou en alternances unitaires de type incise : yih, hmm, bessaH, alla, oui,
ouais256, si, voilà, non, non mais, bien sûr, etc. Ces marques ont des effets sur la
structuration et la gestion des tours de parole de même quelle assurent le maintien de
l’interaction en cours et encouragent à son développement. Dans les cinq conversations ce
sont les locutrices non-immigrées qui cumulent les marques d’accord souvent sans
développement aucun. Une des caractéristiques soulignée, est leur manifestation comme
une forme de feedback de co-construction des interactions. Cependant, cette manifestation
pourrait se révéler, dans certains cas, comme un indice d’insuffisances linguistiques ou
interactionnelles manifestes et/ou de préservation de la face positive.

Ainsi, l’emploi de ces marques se révèle nécessaire dans la circulation et la


régulation de la parole. L’extrait qui suit (11) : (C.2), montre l’accord de Farida et
d’Amaria à propos de l’attitude d’un commerçant non coopératif qui n’a pas répondu à leur
demande. Les marques d’accord (yih, non ! non !, voilà, ella) apparaissent ici après des
assertions pour enregistrer l’affirmation précédente. La répétition de l’adverbe « non » en
(F.ii. 063 : non ! non !) montre que Farida cherche257 la précision ou les mots justes pour
dire ce qu’elle pense. Ce n’est qu’après la proposition d’Amaria que Farida enregistre son
affirmation en employant la préposition « voilà » en (F.ii. 065). Il faut noter que ces
marques apparaissent en début d’interventions seules ou associées à d’autres éléments, ce
qui explique leur valeur régulatrice. Elles ont également une valeur phatique du fait que
leur emploi aide à maintenir les interactions, à préserver les faces et à restaurer
relativement un équilibre interactionnel entre les interlocutrices.

256
Tout comme la variation « oui » et « ouais » existante en français, l’arabe algérien possède lui aussi
« wah » et « yih », ce dernier est spécifique au parler tlemcénien et certains parlers dits citadins.
257
Il ne s’agit en aucun cas d’une contestation mais d’une régulation puisque la répétition du « non » remplit
une fonction régulatrice qui se présente comme une assertion ou une amorce d’une assertion.

326
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 11, (C.2)


F.ii. 059 : laçbaya (la djellaba) blanche
A.ni. 060 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 061 : c'est-à-dire bessif (obligé)
A.ni. 062 : il est nerveux
F.ii. 063 : non ! non !
A.ni. 064 : bessif tçabbi (ils t’obligent d’en prendre)
F.ii. 065 : voilà moi j’ai voulu que::  qu’il me fasse montrer une
robe de /
A.ni. 066 : < ------ ?>
F.ii. 067 : jellaba (djellaba) + je ne sais pas comment on appelle ça +
qechaba (djellaba pour hommes) vous=appelez ça comment ?
A.ni. 068 : qechaba yih qechaba (djellaba pour hommes oui djellaba pour hommes) +++
pour=hommes
F.ii. 069 : yih ! (oui !) je voulais juste ywerri + ywirrihali + hada
maken (qu’il me la montre + seulement pour me la montrer)
A.ni. 070 : ella (non) parce que < ----- ?>

En outre, la répétition de l’adverbe « non » dans l’extrait 12 (F.ii. 293 : non ! non !)
montre l’insistance de Farida alors que dans l’extrait 13 (F.ii. 588 : non ! non ! je (ne) suis
pas à l’aise) la répétition de « non » renvoie à un feedback d’accord suite à une question
négative posée par Amaria (A.ni. 587 : ma tkounch (tu ne seras pas) à l’aise). Par ailleurs,
son apparition dans le même segment après la forme opposée « oui », comme dans l’extrait
14 (C.4) semble jouer un rôle crucial dans le déroulement de l’interaction puisque Farida
souscrit aux propos de sa partenaire et en apporte un argument complémentaire (F.ii.
325 : oui ! mais non ! pour faire + euh + chic). Par ailleurs, la discussion se poursuit
toujours sur la même question mais cette fois-ci Amaria réplique en confirmant l’idée de sa
partenaire en cumulant la marque d’accord « oui » (A.ni. 326 : oui ! echiki (la frime) +
oui !) ; tout en restant sur la même longueur d’ondes, Farida emploie le « non » en insistant
pour expliquer à Amaria qu’elle n’est pas « de ce genre », c'est-à-dire une frimeuse (F.ii.
327 : non ! pas du tout franchement non ! moi je (ne) suis pas de ce genre). Ceci étant,
l’adverbe de négation « non » est considéré comme une marque d’accord puisqu’il traduit
dans les cas cités la confirmation d’une assertion et résulte d’un fonctionnement interactif
(cf. Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, 2001.b : 103). Pour ce qui est de la mobilisation et la
configuration des ressources verbales, l’arabe dialectal et le français sont utilisés
différemment par la locutrice immigrée et ses partenaires à différents niveaux des
interventions : au début, au milieu, à la fin, seuls et/ou en alternance.

327
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

A côté des marques d’accord et/ou de désaccord que nous avons traitées, on
constate l’existence d’autres régulateurs qui remplissent en réalité les mêmes valeurs, nous
pouvons citer à titre d’exemple : euh, hmm, extrait 12 (A.ni. 296, A.ni. 298), ih (L.ni.
030) extrait 16, bien sûr, ah oui !, si (F.ii. 446) extrait 15, (F.ii. 033) extrait 16, etc. Les
deux premières (euh et hmm) sont à la fois des phatiques258 et des marques d’accord qui
traduisent l’écoute attentive de la part de l’interlocuteur et sa prudence voire sa réticence
dans certaines situations. Alors que la répétition de la préposition « bien sûr » dans (F.ii.
291) extrait 12 renvoie à la même valeur que celle de « oui » ou de « non », c'est-à-dire une
marque d’accord et d’insistance.

Extrait 12, (C.4)


F.ii. 291 : [bien sûr + bien sûr il faut pas qu’ils ratent c’est
obligobligatoire mais bon:: gaç (tous) les=immigrés on est
pas tous pareils euh
A.ni. 292 : oui:: !
F.ii. 293 : non ! + non ! + kayen elli (il y a ceux qui) + ils [sont vraiment
A.ni. 294 : [l’entourage
F.ii. 295 : [ouais ! kayen
elli (il y en a qui) sont vraiment à la française
A.ni. 296 : euh !
F.ii. 297 : kayen (il y en a qui sont) vraiment + vraiment ils font:: tout pour
être euh + les mêmes euh comme les Français en fait
A.ni. 298 : hmm !

Extrait 13, (C.1)


A.ni. 577 : [bach tkheli bentek moulat (pour laisser ta faille de) quatre mois !
F.ii. 578 : non ! personnellement ma nedjemch (je ne peux pas) ++ impossible
impossible ma nedjemch (je ne peux pas) vraiment
A.ni. 579 : loukane Hatta ykoun (même si c’est) un travail taç (de)
F.ii. 580 : [non ! même si
A.ni. 581 : [tu:: < ------ ?>
F.ii. 582 : non ! même si
A.ni. 583 : tu gagnes
F.ii. 584 : elabgha nkoun (même si je serais) je dois être la secrétaire de
JAQUES CHIRAC + la secrétaire de JAQUES CHIRAC non + je ne peux
pas ++ je peux pas ++ non ! + non ! + je
A.ni. 585 : Haja ghaya (c’est une bonne chose)
F.ii. 586 : non ! non ! + je ne peux pas ++ déjà là lewkan tchouf (si tu
vois) le temps kou nHawwes (si je cherche) ++ le temps que je ++
vais voir ++ j’(e)vais me débrouiller pour les formations
déjà + elle débutent tôt ++ nchallah ! (si Dieu veut) + déjà en
janvier ++ elle aura un an nchallah ! (si Dieu veut) + on verra
déjà ++ je vais voir ++ mais bon pour bach nkhillaha çand
waHda w’nemchi hakka manaçrafhach + walou (pour la laisser seule et je
pars comme ça sans rien savoir d’elle) ++ c’est pas possible
A.ni. 587 : ma tkounch (tu ne seras pas) à l’aise ?

258
Ces éléments sont parfois utilisés comme « mots de remplissage » (KERBRAT-ORECCHIONI, 1990 : 39).

328
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

F.ii. 588 : non ! non ! je (ne) suis pas à l’aise


A.ni. 589 : tu ’(ne) te sens pas à l’aise ?

Extrait 14, (C.4)


F.ii. 319 : [oui au bled ? (c’est au pays ?)
A.ni. 320 : [ils ne veulent pas parler en arabe
F.ii. 321 : pourquoi ?
A.ni. 322 : mais je ne sais pas pourquoi
F.ii. 323 : non ! yebghou yehedrou ghi (il ne veulent parler qu’) en français ++
bach yHoubbou ghi riSanhoum (ils sont égoïstes)
A.ni. 324 : pour montrer belli (que) nous sommes immigrés est-ce que ?
F.ii. 325 : ouais ! mais non ! pour faire + euh + chic
A.ni. 326 : oui ! echiki (la frime) + oui !
F.ii. 327 : non ! pas du tout franchement non ! moi je (ne) suis pas de
ce genre
A.ni. 328 : tu es simple
F.ii. 329 : j’(e) suis très + très simple vraiment einh ! vraiment je
parle en arabe enfin + en fait de plus + plus j’apprends ++
encore je trouve que j’ai appris beaucoup de choses +
chaque=année ki nji hna (quand je viens ici) j’apprends plus de
mots
A.ni. 330 : des p(e)tits mots
F.ii. 331 : déjà hna TLEMCEN (ici à TLEMCEN) + euh + vous parlez entre
gui’(lle)met vous parlez la même langue que MESTGHALE::M
wella WAHREN (MOSTAGANEM ou ORAN)
A.ni. 332 : [oui ! avec le /A/
F.ii. 333 : [mais kima Touma (comme vous) ici:: vous faites je (ne) sais
pas

Extrait 15, (C.1)


A.ni. 445 : [et tu ne peux pas ?
F.ii. 446 : si ! + si ! + si ! je fais hakka (comme ça) et j’apprends
A.ni. 447 : eih ! (oui !)
F.ii. 448 : ouais ! mais euh:: mmh mmh ! kima goutli (comme tu as dis) c'est-
à-dire il faut:: il faut avoir la volonté + bon Hamdoullah !
(Dieu soit loué) on a la foi et puis j’espère nchallh ! (si Dieu veut)
qu’on continuera sur ce chemin

Parallèlement aux caractéristiques que nous avons soulevées, nous pouvons ajouter
que dans des situations d’asymétrie croisée l’apparition des marques d’accord au début des
interventions pourrait se révéler nécessaire dans la mesure où ces dernières coordonnent les
échanges et contribuent à la co-construction du sens. Ce qui nous permet de dire qu’il
s’agit d’une relation complémentaire souple. Dans l’extrait 16, le mode d’organisation des
tours de parole repose sur l’emploi des marques d’accord. La marque de désaccord « non »
dans l’assertion de Linda pousse Farida à rectifier son propos suite à une recherche du mot
juste qu’elle confirme par l’emploi de la préposition « voilà ». Linda acquiesce ce propos
en construisant son énoncé à partir d’une interjection et d’une marque d’accord.

329
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 16, (C.5)


L.ni. 028 : [bekbouka au ramadan ! (ramadan !) non !
F.ii. 029 : [bekbouka (bekbouka) + lbourek (le bourak) + voilà !
L.ni. 030 : ah oui ! le bourak (le bourak) du viande hachée
F.ii. 031 : oui ! avec la viande hachée
L.ni. 032 : oui ! c’est bon ((rires))
F.ii. 033 : oui ! ici les=Algériens ils=aiment beaucoup manger + j’ai
remarqué < ------- ?> quand=ils parlent ghil makla (que de la
bouffe) manger manger + quand=ils sont dehors xxxx rentrer
pour manger + ih lmouhim el makla (voilà l’essentiel de la bouffe)
c’est très important pour les=Algériens + j’ai remarqué
bessaH makletkoum Hlouwwa (mais votre bouffe est délicieuse) impeccable
L.ni. 034 : makletna teçoujbek ? (notre bouffe te plait ?)
F.ii. 035 : non ! ++ impeccable
L.ni. 036 : c’est bien
F.ii. 037 : bezzaf (beaucoup) surtout laHrira (Hrira) + la Hrira çoujbetni
(la Hrira me plait)

De ces cas de réalisation des marques d’accord et de régulation du discours,


caractérisées par la coordination et le maintien des tours de parole ainsi que par l’évitement
de prise de parole dans des situations où l’on souligne des insuffisances (absence de mots
dans l’une ou l’autre langue ou encore difficulté à élaborer un énoncé long), se dégagent
des stratégies linguistiques et conversationnelles. Ainsi, nous pourrons parler à la suite de
Peter AUER (1996) d’alternances codiques relatives-aux-participants et d’alternances
codiques relatives-au-discours congruentes toutes les deux à l’organisation de la parole. Il
se trouve que ces modalités qui concernent l’organisation de la parole restaurent un
équilibre interactionnel entre les locutrices. C’est ainsi qu’on peut parler d’accommodation
de la parole à la situation et de ralliement langagier.

5. Reprises et complétude interactive : une solution en faveur des non-


immigrées

Les reprises – auto-reprises et reprises diaphoniques (ROULET et al., 1985) – ne


constituent pas seulement une stratégie communication qui sert à clarifier un message (cf.
GUMPERZ, 1989.a) mais aussi une stratégie interactive qui permet d’éviter la rupture de
l’interaction. Elles conduisent également en tant que stratégies facilitatrices et réparatrices
– du fait de l’asymétrie des répertoires soulignée chez les trois locutrices – à instaurer une
relation conjointe et coordonnée des activités. Nous avons relevé plusieurs extraits
d’interactions où les énoncés antérieurs d’une locutrice se trouvent reproduits par l’autre.

330
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

En effet, dans la plupart des cas, ces reprises provoquent soit un développement de
l’énoncé initié par le locuteur soit le maintien de l’interaction. Les activités de reprise
permettent donc de faciliter la prise de parole comme alternatives autour desquelles les
locuteurs pourraient articuler leurs interventions. Elles fonctionnent de ce fait comme une
aide à la production discursive que ce soit dans une situation bilingue ou exolingue (VION.
&. MITTNER, 1986).

En termes de stratégies discursives, les reprises sont entraînées par des énoncés
inachevés comme processus d’ajustement et d’alignement voire de négociation. Les
mouvements de reprise diaphoniques sont réalisés soit exclusivement en français soit
exclusivement en arabe dialectal, alors que les auto-reprises peuvent se faire par
l’alternance codique (cf. les fonctions de l’alternance codique dans le chapitre précédent).

Dans l’extrait 17, l’intervention d’Amaria (A.ni. 119), réalisée exclusivement en


français sous forme de reprise, est complétée par Farida (F.ii. 120) par un énoncé étendu
caractérisé par la domination du français et par l’insertion d’une formule votive en arabe
dialectal « nchallah ! ». L’emploi de la marque d’accord « oui ! » au début de l’énoncé de
Farida montre clairement les forces illocutoires des reprises et leur rôle dans le
développement et le maintien de l’interaction.

Extrait 17, (C.1)


F.ii. 118 : je ne sais pas en fait + mais j’aimerais nchallah (si Dieu veut)
savoir un peu cette histoire + j’aimerais la découvrir
parce que ça fait partie hakka (comme ça) de la famille
A.ni. 119 : de la famille !
F.ii. 120 : ouais ! + ça fait partie + et donc nchallah ! (si Dieu veut) +
j’apprends à raconter ++ mais je ne sais pas trop

Il arrive aussi qu’un énoncé soit complété puis repris sans qu’aucun changement de
langue s’opère. On constate dans l’extrait 18 à travers le tour de parole (F.ii. 053 : j’avais
attiré beaucoup) que l’énoncé de Farida est complété par Amaria (A.ni. 054 : de clients)
suite à un chevauchement. En outre, la reprise par Farida de l’énoncé hétéro-complété
(F.ii. 055) l’a conduit à construire le sens de l’énoncé et converger sur le plan pragmatique.

331
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

C’est en effet, une interprétation résultant d’un travail interactionnel commun, Catherine
KERBRAT-ORECCHIONI (1990 : 28-29) considère que :

[…] le sens d’un énoncé est le produit d’un ‘‘travail collaboratif’’, qu’il est
construit en commun par les différentes parties en présence – l’interaction pouvant
alors être définie comme le lieu d’une activité collective de production du sens,
activité qui implique la mise en œuvre de négociations explicites ou implicites, qui
peuvent aboutir ou échouer (c’est le malentendu).

Ainsi, l’effet provoqué par l’énoncé hétéro-complété considéré en tant que norme
d’interaction contribuant à l’interprétation contextuelle259 du contenu, ne concerne pas
seulement le niveau informationnel mais aussi le niveau pragmatique. Nous pouvons dire
aussi que le sens, dans sa complétude, est construit interactivement.

Extrait 18, (C.2)


A.ni. 050 : < -------- ?> comment on dit ? jebtlou (je lui ai attiré) [les
clients
F.ii. 051 : [oui
j’avais attiré
A.ni. 052 : [ki
gçadna < ------- ?> (quand on est resté)
F.ii. 053 : j’avais attiré [beaucoup
A.ni. 054 : [de clients
F.ii. 055 : [beaucoup de clients parce que bon voilà
ils=ont vu qu’il y avait deux femmes :: dans leur + la
table sur la ta ++ dans la table qui vendait les CD donc
cinq femmes sont=arrivées + on les=a attiré [zeçma (soi-disant)

Les extraits ci-dessous (19, 20, 21 et 22), montrent clairement que le procédé de
reprise (19 : (C.4) : A.ni. 470, F.ii. 471, A.ni. 472, F.ii. 473 ; 20 : (C.4) : L.ni. 064, F.ii.
065, A.ni. 066 ; 21 (C.1) : F.ii. 056, A.ni. 057, F.ii. 058, A.ni. 059 ; 22 : (C.4) : A.ni. 122,
F.ii. 123, L.ni. 124, F.ii. 125) amène manifestement à une convergence codique et par là à
une complétude interactionnelle et sémantico-pragmatique. Face à leur partenaire
immigrée les locutrices non-immigrées s’alignent et emploient des énoncés en français,
qu’ils soient initiés ou repris, ces énoncés sont souvent courts et incomplets.

259
Il faut entendre par contexte l’interprétation de l’énoncé et l’environnement physique (voire linguistique)
où la communication à lieu (MOESCHLER & REBOUL, 1994). La visée contextuelle de l’interprétation d’un
énoncé repose sur ce qui attire l’attention de l’interlocuteur.

332
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Extrait 19, (C.4)


A.ni. 470 : la température
F.ii. 471 : la températu::re franchement
A.ni. 472 : trente huit
F.ii. 473 : trente huit degrés + trente six + trente huit il faisait ++
le gendarme il nous=a pris nos papiers + nous=a attendu là-
bas + au village BOUTLILIS (BOUTLILIS) euh:: le:: + xxx on est
parti au gendarmerie + le chef de service + et même houwwa
Sabah bizarre kifah ? (lui-même il l’a trouvé bizarre comment ?) euh +
ils nous a pris nos papiers + normalement il n’a pas le
droit et tout ça:: euh en fait à cause de quoi ++ pour le
titre de passage s’il voulait yçayyeT (il appelle) le port
ygoulhoum (ils leur disent) est-ce que c’est vrai des=immigrés
wella ella (ou non)

Extrait 20, (C.4)


L.ni. 064 : normalement les=immigrés ye (ils) + ykebbrou bihoum w’
yethallaw fihoum [we euh:: (ils les accueillent bien et ils les traitent avec
complaisance)
F.ii. 065 : [normalement
A.ni. 066 : [normalement
F.ii. 067 : eux ils viennent en vacances une fois par an

Extrait 21, (C.1)


A.ni. 051 : [la plupart de la famille ++ sont
F.ii. 052 : [en FRANCE + pas tous + j’ai encore une tante ++ j’ai deux
tantes hna (ici)
A.ni. 053 : i::h ! (oui !)
F.ii. 054 : comme on dit + çamti (ma tante) + et puis euh + sinon j’ai
encore un on::cle +++ non j’ai deux=oncles ici + et puis
mon grand-père ++ justement mon grand-père [est
A.ni. 055 : [i::h ! (oui !) et
+++ au sujet de ton grand-père ++ l’année passée tu m’as
raconté ++ comment dire en français ?
F.ii. 056 : il avait ++ [qui avait une
A.ni. 057 : [ils=avaient
F.ii. 058 : [ils=avaient un lien avec EMIR ABDELKADER
A.ni. 059 : oui::!

Extrait 22, (C.4)


F.ii. 121 : euh ! de + euh:: ++ le grand-père et de jeddi (grand père) ++
tout le monde est présent
A.ni. 122 : les cousins et les cousines
F.ii. 123 : les cousins les cousines + les cou/ les khay gaç (les frères et
tout) + ils sont présents
L.ni. 124 : les voisins
F.ii. 125 : les voisins + les voisines :: euh + ils sont présents + hna
en France à qui la secrétaire du [directeur euh ::
A.ni. 126 : [rien que des=amis
F.ii. 127 : [taç lkhedma (du travail) les
gawriyyat (les Françaises) ou les < ------ ?> d’à côté c’est tout
ils sont présents il n’y a pas de:: ah ! quelques=amis puis
le +++ mchi hada (ce n’est pas la) la chance qu’il y a le père et
la mère qui sont présents à côté ++ mais il y a plus
d’ambiance largement + rien à voir franchement rien à voir

333
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Par ailleurs, les extraits suivants (23, 24 : C.4) montrent que les choix de langue
(marqués ou non) s’opèrent aussi en tant que reprises à partir des derniers éléments
produits par l’interlocuteur dans l’une ou l’autre langue. Eléments qui sont aussitôt
développés ou reformulés conjointement pour atteindre l’intercompréhension. Les énoncés
repris peuvent servir de relais et structurent l’alternance des tours de parole malgré les
chevauchements260 qui surviennent. Dans l’extrait 23 : (C.4), la reprise effectuée par
Amaria du dernier élément de l’énoncé produit par Farida en (F.ii. 423 : lkhedma)
représente un mouvement interactionnel ayant son poids dans la dynamique des échanges.

Extrait 23, (C.4)


F.ii. 424 : piston ghi drahem (que de l’argent) + ils veulent + ils=aiment
ghi draham w’piston w’ (que de l’argent et du piston et) ça y est +
sinon ils donnent + ils donnent pas [lkhedma (le travail)
A.ni. 425 : [lkhedma
F.ii. 426 : [franchement c’est ce
qu’ils devraient faire BOUTEFLIQA (BOUTEFLIKA) + ouvrir
des=agences d’intérim ++ agrandir les routes ++ [les routes
et

En revanche, dans l’extrait 24 : (C.5), Linda a amorcé une idée en employant un


terme en arabe dialectal, terme repris et complété par un énoncé dialogique, réalisé à
l’impératif, que Farida semble adresser (in absentia) aux instances responsables des
travaux publics (F.ii. 439 : Torgane faites des routes).

Extrait 24, (C.4)


L.ni. 438 : Torgane (les + routes)
F.ii. 439 : Torgane (les routes) faites des routes
L.ni. 440 : bessaH (mais) déjà:: rahoum ykabbrou ettri° [taç: euh (ils sont
entrain d’élargir la route d’ORAN petit(e) route

Dans l’extrait 25 : (C.5), le terme (tchicha) employé par Linda, repris et complété
une première fois par Amaria exclusivement en arabe dialectal puis Farida l’insère à son

260
Les chevauchements ne sont en aucun cas considérés comme une violation des règles conversationnelles
notamment dans les conversations des femmes algériennes.

334
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

tour à l’intérieur d’un segment caractérisé par deux alternances codiques unitaires de type
insert.

Extrait 25, (C.5)


L.ni. 194 : tchicha ! (le couscous à la semoule d’orge !)
A.ni. 195 : tchicha bezzaçter (du couscous à la semoule d’orge et au thym)
F.ii. 196 : oui ! oui ! c’est vrai il y a tchicha (couscous à la semoule d’orge)
+ il y a berkoukès261 (berkoukès) les deux

Chacune des reprises constitue un cas de convergence codique et interactionnelle.


On trouve en effet des unités qui sont reprises dans des énoncés exclusivement en arabe
dialectal ou en français, ce qui permet d’obtenir des tours de parole représentant soit des
choix de langue soit des alternances codiques.

6. Analyse de la répartition codique des tours de parole par dyades

Afin d’étudier les particularités dominantes (en terme de choix et d’alternances


codique) des énoncés produits lors des échanges entre les locutrices, nous avons fait le
décompte des dyades qui permettent de caractériser les configurations possibles des tours
de parole lors des échanges. Pour ce faire nous basons notre analyse sur des données
chiffrées qui concernent chaque conversation à part ainsi que les cinq conversations
ensemble. Par ailleurs, les analyses statistiques seront illustrées par des extraits qui vont
nous permettre d’observer de près certaines caractéristiques, notamment la convergence
codique et/ou interactionnelle, en nous référant aux productions des trois locutrices
qualitativement.

La lecture des données statistiques retenues dans le tableau (2) nous amène, eu
égard aux trois principales catégories (arabe dialectal, français, mixte)262 concernant la
composition codique des tours de parole, à résumer la répartition codique relevée dans les
261
Une soupe à base de pâtes, de légumes et quelques épices.
262
Chaque catégorie est représentée par un type de flèche.

335
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

cinq conversations qui est liée au choix de langues et aux alternances codiques (inter-
intervention et intra-intervention). Le va-et-vient des deux flèches (allant de la gauche vers
la droite et inversement) indique l’échange entre les locutrices et permet de caractériser les
énoncés reçus et les énoncés produits.

Français
Arabe dialectal
Français/arabe dialectal

Français Arabe dialectal Mixtes

Tableau 1 : Répartitions codiques possibles dans les dyades de la conversation bilingue.

Nous constatons à partir du tableau (1) que les pratiques langagières des trois
locutrices présentent des cas de figure répartis en neuf possibilités ou catégories (conçues
en dyades d’énoncés reçus/produits) qui s’ajoutent à celles retenues dans le chapitre 2 de la
deuxième partie qui concernent les caractéristiques des tours de parole par locutrice et par
rapport aux choix et aux alternances codiques. Chaque locutrice participe à ce réseau de
communication en employant les ressources de son répertoire tout en cherchant à s’adapter
au mieux à chaque interlocutrice263.

On peut dire que la saisie des énoncés bilingues (mixtes) ou monolingues (relatifs à
la deuxième langue) constitue pour les trois locutrices un moment fondamental dans la
dynamique interactionnelle, dans le développement d’une compétence bilingue, dans la

263
Sans entrer dans les détails, nous nous référons au modèle développé par Peter AUER (1996) qui rend
compte des caractéristiques significatives de la conversation bilingue. En effet, ce modèle parait important
dans la mesure où à travers une approche séquentielle du bilinguisme il cherche à mettre en lumière les
ressources dont disposent les locuteurs bilingues et leur gestion des interactions.

336
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

réactivation du répertoire et dans la régulation de la conversation. On a vu dans certains


échanges que les éléments récupérés relatifs à la deuxième langue sont aussitôt réemployés
soit seuls ou soit en alternance avec la première langue. Ainsi, le degré de réception et de
production des énoncés des deux langues peut être considéré comme un élément régulateur
des échanges verbaux entre les locutrices qui n’ont pas la même compétence en L2.

337
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices...

Conversation 1 Conversation 2 Conversation 3 Conversation 4 Conversation 5 Total

AD AD 07 (02,30 %) 01 (0,92 %) 04 (7,14 %) 4 (1,61 %) 17 (5,05 %) 33 (3,13 %)

AD FR 27 (08,88 %) 02 (1,85 %) 01 (1,78 %) 12 (4,83 %) 16 (4,76 %) 58 (5,52 %)

AD M 61 (20,06 %) 02 (1,85 %) 15 (26,78 %) 31 (12,50 %) 49 (14,58 %) 158 (15,12 %)

FR FR 61 (20,06 %) 18 (16,66 %) 03 (5,35 %) 37 (14,91 %) 45 (13,39 %) 164 (15,59 %)

FR AD 03 (0,98 %) 06 (5,55 %) 02 (3,57 %) 22 (8,87 %) 15 (4,46 %) 48 (4,56 %)

FR M 52 (17,10 %) 05 (4,62 %) 10 (17,85 %) 47 (18,95 %) 43 (12,79 %) 157 (14,93 %)

M M 43 (14,14 %) 14 (12,96 %) 09 (16,97 %) 38 (15,32 %) 51 (15,17 %) 155 (14,74 %)

M FR 37 (12,17 %) 28 (25,92 %) 05 (8,92 %) 39 (15,72 %) 44 (13,09 %) 153 (14,54 %)

M AD 11 (03,62 %) 27 (25 %) 06 (10,71 %) 13 (5,24 %) 47 (13,98 %) 104 (9,88 %)

N AD 00 00 00 01 (0,40 %) 01 (0,29 %) 02 (0,19 %)

N FR 01 (0,33 %) 2 (1,85 %) 01 (1,78 %) 04 (1,61 %) 03 (0,89 %) 10 (0,95 %)

N M 01 (0,33 %) 4 (3,70 %) 00 00 05 (1,48 %) 09 (0,85 %)

Total en dyades 304 108 56 (+1) 248 (+1) 336 (+1) 1052 (100 %)
100 % 100 % 100 % 100 % 100 %
Tableau 2 : Répartitions codiques relatives aux énoncés produits d’une manière dyadique.

338
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

L’examen des données statistiques retenues dans le tableau (2) fait apparaître des
tendances qui restent variables d’une conversation à l’autre. Il est intéressant de constater
que sur l’ensemble du corpus les tendances dominantes qui renseignent sur l’adaptation des
interlocutrices et sur la régulation de leurs tours de parole lors des interactions où l’on
trouve plus les dyades françaisfrançais que arabe dialectal arabearabe dialectal et où
les mixtes sont majoritaires.

Dans la première conversation qui s’est déroulée entre Farida et Amaria, nous
constatons que les pourcentages reflètent assez bien les tendances qui concernent la nature
des tours de parole. Ainsi, la répartition codique des tours de parole par dyades s’échelonne
entre 20,06 % pour les dyades arabe dialectalmixte, 20,06 % pour les dyades
françaisfrançais ; 17,10 % pour les dyades françaismixtes ; 14,14 % pour les dyades
mixtemixte et 12,17 % pour les dyades mixtefrançais. Ces résultats montrent
clairement que la convergence se réalise soit par la présence des tours de parole mixtes soit
par la présence des tours de parole en français. Ainsi, nous pouvons dire qu’un énoncé
adressé en arabe dialectal par une locutrice amène l’autre selon les cas à produire son
énoncé soit en arabe dialectal – solution qui reste relativement basse dans les quatre
premières conversations – soit sous forme de mixtes solution dominante dans les cinq
conversations. Même si les dyades françaisfrançais et arabe dialectalmixte sont
dominantes dans cette première conversation, les dyades françaismixte, mixtemixte et
mixtefrançais sont également présentes et représentent la moitié de l’ensemble des
dyades. Effectivement, les chiffres reflètent assez bien les tendances dominantes dans la
première conversation en termes de choix et d’alternances codiques. Toutefois, l’ordre des
énoncés adressés d’une locutrice vers son interlocutrice se fait de différentes manières.

Pour chacune des deux locutrices, nous avons constaté l’ordre suivant : arabe
dialectalfrançais, françaisarabe dialectal, arabe dialectalmixte, mixtearabe
dialectal, etc.

L’observation des taux d’usage des deux langues seules ou alternées selon les
répartitions par dyades possibles dans la deuxième conversation nous permet de mettre en
évidence une tendance qui peut s’avérer dominante dans les échanges. En effet, les deux

339
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

locutrices produisent davantage de dyades françaisfrançais (16,66 %), mixtefrançais


(25,92 %) et mixtearabe dialectal (25 %). Il en est de même pour ce qui est des résultats
de la troisième conversation où dominent les dyades arabe dialectalmixte (27,78 %),
françaismixte (17,85 %) et mixtemixe (16,97 %).

Au regard des résultats relatifs à la quatrième conversation, où la participation de


Farida s’avère plus importante que celle de ses partenaires (LME : 16,42) il apparaît que
les tours de parole françaismixte constituent une tendance dominante (18,95 %). La
présence du français et des mixtes dans les dyades représente une constante et qui se
combine de différentes manières : arabe dialectalmixte (12,50 %), françaisfrançais
(14,91 %), mixtefrançais (15,72 %), mixtemixte (14,32 %).

Dans la cinquième conversation, cinq tendances dominent : mixtemixte (15,17


%), arabe dialectalmixte (14,58 %), mixtearabe dialectal (13,98 %),
françaisfrançais (13,39 %), mixtefrançais (13,09 %), françaismixte (12,79 %). Là
encore les tours de parole mixtes combinés en tant que couple avec une des deux langues
(mixtearabe dialectal et mixtefrançais) ou encore sous forme de combinaisons à partir
d’une des deux langues à la base de chaque dyade (arabe dialectalmixte,
françaismixte). Comme on peut le constater, les dyades mixtemixte et
françaisfrançais représentent presque les mêmes proportions que celles relatives aux
autres dyades, elles s’échelonnent entre 15,17 % pour le premier type de dyade et 13,39 %
pour le deuxième mais avec un léger écart pour le premier.

En ce qui concerne l’ensemble des conversations, le taux relatif aux dyades


françaisfrançais est le plus important compte tenu de l’ensemble des résultats qui est de
15,59 %, ce taux correspond bien à la moyenne des taux contenus dans les conversations
(1, 2, 4 et 5). A côté de cette tendance, le taux des dyades arabe dialectalmixte semble
aussi important que le premier par un pourcentage de 15,12 %. Par ailleurs, trois autres
dyades semblent dominantes dans les cinq conversations, elles s’échelonnent entre 14,93
% pour la dyade françaismixte, 14,73 % pour la dyade mixtemixte et 14,54 % pour la
dyade mixte français.

340
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

Ainsi, les scores les plus élevés concernent les dyades françaisfrançais et les
différentes combinaisons dyadiques avec les mixtes. Les résultats obtenus corroborent
ceux du poids des deux langues et de la composition codique des tours de parole qui
montrent que les trois locutrices convergent par des tours de parole mixtes et que le
français (40,28 %) domine dans les conversations avec une quasi égalité dénoncés
dyadiques ou entre l’arabe dialectal (38,09 %). Ceci s’explique aussi par la fréquence des
dyades françaisfrançais, françaismixte, mixtefrançais et françaisarabe dialectal
dans les conversations. Avec toutefois un total un total des dyades où interviennent des
formes mixtes qui est supérieur aux deux-tiers (soit 68,81 %).

7. Enfin un zoom sur les pratiques langagières des trois locutrices

Conformément à ce que nous avons pu constater à travers l’analyse quantitative de


la composition codique des tours de parole et des répartitions des tours de parole par
dyades, nous allons observer, à travers quelques extraits, la configuration des échanges
verbaux en nous basant sur la mobilisation des ressources du répertoire qui amène à la fois
à la convergence codique et à la régulation des tours de parole.

7 – 1. Amaria et Farida : convergence codique et régulation des échanges

Il est intéressant de voir que, dans les cinq conversations, les énoncés adressés à
telle ou telle locutrice dans une des deux langues ou les deux à la fois conduit souvent
l’interlocutrice à produire des énoncés où les combinaisons possibles dont on a parlé plus
haut apparaissent clairement.

Dans l’extrait 26, les échanges entre Amaria et Farida sont caractérisés par le choix
et l’alternance codique. Les deux locutrices ont produit des tours de parole en français et
mixte qui restent variables en quantité et en qualité. Outre ces caractéristiques, nous
constatons qu’Amaria produit également des tours de parole monolingues en arabe
dialectal, réduits à une unité ou deux (A.ni. 365 : walou). Comme il peut s’agir de

341
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

régulateurs phatiques ou de marques d’accord (A.ni. 371 : yih ; A.ni. 375 : yi ::h), ces
derniers constituent de véritables stratégies conversationnelles : d’évitement ou de
convergence (selon les situations). Voici la configuration globale qui correspond aux
productions de la dyade Farida  Amaria et les caractéristiques codiques des tours de
parole produits dans l’extrait 26 :

Amaria : FR  Farida : FR  Amaria : FR Farida : M  Amaria : M  Farida : FR


 Amaria : AD  Farida : FR  Amaria : FR  Farida : FR  Amaria : FR  Farida :
AD  Amaria : AD  Farida : FR  Amaria : AD  Farida : M  Amaria : AD 
Farida : FR  Amaria : AD  Farida : FR  Amaria : M  Farida : M.

Extrait 26, conversation 1 (C.1)


A.ni. 359 : tu ne comprends pas ?
F.ii. 360 : non + mais le raï t’ (u) as vu + ils parlent l’arabe + le
maghrébin normal
A.ni. 361 : < ------ ?> la région ?
F.ii. 362 : La région oranai::se wella (ou bien) un peu tlemsani (tlemcenien)
+ le raï + wella (ou) ça va \
A.ni. 363 : mais él Andalous (l’andalous) tu ne
F.ii. 364 : andalous [je ne comprends rien
A.ni. 365 : [walou ? (rien ?)
F.ii. 366 : Absolument ++ on comprend rien
A.ni. 367 : même quand≠on est partit au:: le mariage de samedi
F.ii. 368 : ah !
A.ni. 369 : si !
F.ii. 370 : hadek él Andalous ? (l’andalous ?)
A.ni. 371 : yîh ! (oui !)
F.ii. 372 : ah ! non ! non ! + pour moi c’était du bruit
A.ni. 373 : kàmel ? (tous ?)
F.ii. 374 : non ! non ! il y a à part deux ou trois chansons ellî (que)
je connais
A.ni. 375 : yi::h ! (oui)
F.ii. 376 : donc j’ai aimé + mais [les chansons que je connaissais
A.ni. 377 : [euh < ---- ?>
F.ii. 378 : [que je connais pas
A.ni. 379 : eih DERYASSA* (oui DERYASSA) ++ les chansons
F.ii. 380 : franchement je ne sais pas vraiment ++ je connais pas + il
faut pas croire ++ il y a beaucoup de musique raï qu’on
comprend pas [Hna (nous) les=immigrés

Dans un second extrait (27) nous constatons que la langue dominante dans les
échanges entre Amaria et Farida est le français, ce qui veut dire que le français se combine
avec l’arabe dialectal sous forme d’alternances codiques inter-intervention. L’arabe

*
DERYASSA est un chanteur algérien.

342
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

dialectal rentre aussi dans la composition des alternances codiques intra-intervention. Les
tours de parole monolingues produits dans cet extrait qui sont au nombre de six reflètent
tout de même ce que nous avons avancé plus haut à propos des stratégies d’évitement et de
la fonction phatique que remplissent certaines marques conversationnelles. Dans certains
échanges, les reprises264 peuvent, elles aussi, être considérées comme des stratégies
régulatrices qui évitent les ruptures, comme dans la dyade (F.ii. 402A.ni. 403) où le
segment monolingue produit par Farida en arabe dialectal est repris par Amaria jouant
ainsi le rôle d’un phatique.

Extrait 27, conversation 1 (C.1)


F.ii. 394 : [d’accord ! C’est pas ++ c’est pas ++ comme au cinéma ana
manekdebche çlik (je ne te cache pas) ++ je présumerais ++ je
souhaiterais + c’est euh:: apprendre ou bien [comprendre
A.ni. 395 : [comprendre
F.ii. 396 : comprendre les cassettes du Coran ++ ouais
A.ni. 397 : euh::! euh::!
F.ii. 398 : parce qu’il nous met des cassettes du coran mais on ne
comprend pas +++ rien de A à Z walou :: (rien)
A.ni. 399 : walou (rien) < ----- ?> tu parles bien l’arabe !
F.ii. 400 : je parle bien l’arabe parce que c’est des mots entre
guillemets + c’est l’argot + c’est l’argot c’est [l’arabe
familial (elle veut dire par là familier)
A.ni. 401 : [et lçarbiyya el foSHa tina matefhemhach ? (l’arabe classique tu ne le
comprends pas ?)
F.ii. 402 : [ellougha él çarabiyya ? (la langue arabe classique?)
A.ni. 403 : ellougha él çarabiyya ! (la langue arabe classique!)
F.ii. 404 : non::! Rien + rien ++ rien
A.ni. 405 : tu l’as appris à l’école ?
F.ii. 406 : < ----- ?> oui quand j’étais toute petite mais on a pas
hadik (cette) la langue Hna (nous) + la deuxième langue [c’est
l’anglais
A.ni. 407 : [l’anglais !
F.ii. 408 : [franco ++
euh franco-anglais + mais vraiment + vraiment quand je met
hakka (comme ça) le Coran à la maison ++ j’ai vraiment < -----
?> + je comprend j’aimerais apprendre [le Coran
A.ni. 409 : [le Coran
F.ii. 410 : [ah ! C’est vraiment mon souhait le plus cher ++ je me sens
franchement quand j’(e) l’écoute + je me sens ben parce que
++ je suis un peu:: ykhoSni (il me manque) en fait + il me
manque quelque chose
A.ni. 411 : tous les jours tu écoutes le Coran
F.ii. 412 : ouais tous les jours + mais ykhoSni (il me manque) quelque chose
quand j’écoute le Coran + ykhoSni (il faut) le comprendre
A.ni. 413 : [tefhem ? (tu comprends ?)
F.ii. 414 : [smaçti (tu as entendu) j’ai un Coran éssetine (le Coran complet)
A.ni. 415 : [en français ?
F.ii. 416 : j’ai le Coran le settine (le Coran complet)

264
Il peut s’agir dans certains cas d’une simple répétition des propos de l’interlocuteur (VION, 2006) servant
à gérer et à construire les tours de parole en tant que procédé d’expansion discursive (BERGER, 2008).

343
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

++ settine (le Coran complet) en français et en arabe ++ et donc


j’ai lu le Coran en français pour bien comprendre ce qu’il
disait [en arabe
A.ni. 417 : [et en arabe ?
F.ii. 418 : [en arabe non je ne lis pas ma naçrefch neqra (je ne sais
pas lire)
A.ni. 419 : mmh !
F.ni. 420 : [donc voilà !
A.ni. 421 : [dommage !
F.ii. 422 : [donc malgré que j’ai appris chettî (tu as vu) les soura d’el
fatiHa (la sourat de la FatiHa, de l’ouverture) + « qoul houwwa Allahou
aHad » (Dis : ‘lui Dieu est unique’) et puis deux autres aussi que je
sais pas ++ je ++ je ne sais pas trop [comment ça s’appelle

Comme nous avons pu le constater à travers l’analyse quantitative, les dyades


françaisfrançais sont largement dominantes par rapport à des dyades arabe
dialectalarabe dialectal (ADAD) mais l’arabe dialectalmixte (ADM) en est très
proche dans les interactions. Nous pouvons ajouter également que cet état de fait concerne
beaucoup plus Farida et Amaria comme dans l’extrait suivant (28). Il faut toutefois attirer
l’attention sur la longueur moyenne des énoncés d’Amaria qui est relativement courte dans
cette conversation (soit 4,81) à comparer avec celle de Farida qui est de 13,26. Les tours de
parole d’Amaria dans cet extrait sont en effet courts et variables.

Extrait 28, conversation 1 (C.1)


F.ii. 494 : j’ai pas beaucoup <d’ami(e)s> en fait ++ pas beaucoup +++
[j’ai une amie SAFIA
A.ni. 495 : [ancienne
F.ii. 496 : < ----- ?> ancienne SAFIA ++ celle-ci + et une amie française
SANDRINE
A.ni. 497 : elle s’appelle SANDRINE ?
F.ii. 498 : mais SAFIA + bon + occupé ++ des=enfants ++ deux=enfants:::
elle travaille + elle est occupée et SANDRINE ++ elle aussi
elle travaille beaucoup
A.ni. 499 : elle a des=enfants
F.ii. 500 : non: SAFIA elle a des=enfants + c’est ce que je t’ai dis \
A.ni. 501 : et SANDRINE ?
F.ii. 502 : et SANDRINE ! non elle n’a pas d’enfants mais c’est ++ elle
travaille
A.ni. 503 : mariée ?
F.ii. 504 : non ! elle a un ami et elle travaille en déplacement ++ donc
je la vois rarement mais c’est une + c’est une de mes ++ et
cette fille là beaucoup même je dirais comme une sœur

344
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

7 – 2. Une convergence par les mixtes de la part de Farida

Dans les extraits 29 et 30, l’emploie de l’arabe dialectal par les locutrices non-
immigrées amène souvent leur interlocutrice immigrée à produire des tours de parole
mixtes longs et complexes. Les tours monolingues en arabe dialectal qui ne dépassent pas
une unité sont souvent des feed back minimaux (hmm). L’emploi de l’arabe dialectal à côté
du français chez l’immigrée est une solution qui se combine en plusieurs possibilités :
FRM (29 : F.ii. 053L.ni. 054) ; MFR (29 : A.ni. 052F.ii. 052) ; MAD (30 : F.ii.
370L.ni. 371) ; ADM (30 : L.ni. 365F.ii. 366) et MM (29 : F.ii. 051A.ni. 052).

Extrait 29, conversation 3 (C.3)


F.ii. 045 : je (ne) sais pas ma çqeltch ila gatli çla (je ne me rappelle plus si
elle m’avait parlé de) les=enfants ça fait jabouhoum (ils les ont ramené)
aussi leur ++ les maris + çla jeddi jabouh ++ hakda ++
loukhrine + beSSaH msakine meskina + ki galouli « min
wellat » (mon grand père ils l‘ont ramené ++ comme ça ++ les autres + mais les
pauvres les pauvres + ils ont demandé « comment elle est revenue ») dans le
village dans le village Sabteh megloub Sabouhoum megloub
(elle a trouvé tout dans en pagaille elle a trouvé tout en désordre) + les femmes ils
(elles) courent ++ euh battues msakine (les pauvres) ++ donc ils
les=ont frappées Sabouhoum koulchi megloub + twagh + lebka
(elles ont trouvé tout en désordre + les gens hurlaient + pleuraient)
A.ni. 046 : hmm ! hmm !
F.ii. 047 : tout ++ ça fait galou wellaw yebkou galou ++ < ---- ?> lewkan
SewToukoum derboukoum (on a dit ils sont revenu ils pleuraient ++ < ---- ?> (si
on vous a frappé frappé) et en plus SawTouhoum gouddam (ils les ont frappé
sous le regard de) leurs=enfants donc kayen (il y a) les petits=enfants
lel °Ane (jusqu’à maintenant) le jour d’aujourd’hui ils sont
choqués même en FRANCE [ils racontent
A.ni. 048 : [i::h ! (oui)
F.ii. 049 : [« pendant la guerre d’ALGERIE ma mère
tSawTet guddami (ma mère a été torturée sous mes yeux) ++ ma mère nderbet
++ khti (a été torturée ++ ma sœur) elles s’est fait battue guddami
(devant moi) + tout devant moi »
A.ni. 050 : euh !
F.ii. 051 : ils=ont grandi çandhoum (ils ont) quarante=ans quarante cinq
A.ni. 052 : les=enfants çandhoum baΰyin (qui ont-ils sont toujours vivants)
F.ii. 053 : des souvenirs ils=ont (en) beaucoup
L.ni. 054 : bessaH legwer ki yahkiwlhoum hakda we y’Oloulhoum (mais les
Français quand ils leur racontent comme ça et ils leur disent)
F.ii. 055 : il y a franchement + kayen (il y a) les Français li ycheffouhoum
(ils ont de la compassion pour) les=Algériens [quand même
A.ni. 056 : [yaçarfou (ils savent)
L.ni. 057 : [yaçarfou belli::? (ils savent
que ?)
F.ii. 058 : [ah ! yaçarfou (ils savent)
beaucoup ils l’ont dit quand même et même lel’Ane (jusqu’à
maintenant) il y a beaucoup de Français yebkou çla (ils pleurent pour)
l’ALGERIE +++ il y a beaucoup li jaw ++ ma chethoumch (ceux qui

345
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

sont venus ++ tu ne les a pas vu) à la télé ? il y a beaucoup de


Français ywellou (ils retournent) dans le pays ou ils sont nés ++
les pieds noirs + + kayen (il y en a) beaucoup de CONSTANTINE de
TLEMCEN + ORAN t’(u) as vu t’(u)as + il y a beaucoup

Extrait 30, conversation 4 (C.4)


L.ni. 365 : Hatta hna yHoubbou ellebsa w’Hatta hna + bessaH fayen ?
(même ici ils aiment les habilles et même ici + mais où ?)
F.ii. 366 : moi je parle des=immigrés + ceux qui sont:: chez papa maman
hadou: (ceux-là) sont:: çand waldihoum (chez leurs parents) tu voix !
A.ni. 367 : hmm !
F.ii. 368 : mais:: ils se rendent pas compte là où ils sont: qu’au
contraire ils devraient vraiment remercier: waldihoum (leurs
prents) tous les jours + + et au contraire ils devraient chépa
+ se motiver + il y a beaucoup de jeunes ma yekhedmouch (ils ne
travaillent pas) là-bas
A.ni. 369 : euh !
F.ii. 370 : ils sont bla khedma (sans travail) euh beaucoup
L.ni. 371 : takline çla waldihoum (ils comptent sur leurs parents)
F.ii. 372 : wah (oui) même pas + ils=aiment bien sortir ils vont aux
discothèques + ils vont aux soirées euh ++ quand=ils sont là
quand=ils viennent pour les vacances et puis eu + entre
guillemets ils tapent des poches chwiyya zeçma yedderbouha
echiki chwiyya (un peu de frime soi-disant ils font l’intéréssant)
A.ni. 373 : euh !
F.ii. 374 : weHna msakine (et ici les pauvres) les jeunes vraiment ellah
yaH’sen çawenhoum bezzaf (que Dieu les aide c’est trop) + il y a des
jeunes ici sont:: cinquante + cinquante euh + mchi gaç (pas
tous)

Dans l’extrait 31 les tours de parole produits par la dyade Linda et Farida sont
caractérisés par l’emploi du français par Farida et de l’arabe dialectal de la part de Linda, il
s’agit d’alternances codiques de type inter-intervention ADFR ou FRAD. Une
configuration que l’on trouve dans beaucoup de séquences, notamment entre Linda et
Farida et à un degré moindre entre Farida et Amaria. Dans cet extrait Farida ne s’exprime
qu’en français alors que Linda emploie l’arabe dialectal avec les deux.

Extrait 31, conversation 4 (C.4)


A.ni. 147 : on fait tout
L.ni. 148 : beaucoup d’argent
F.ii. 149 : ah:: !
L.ni. 150 : y’Add yaçmel koulchi (il peut tout faire)
F.ii. 151 : mais je ne sais pas nous on se marie par amour déjà + + on se
marie pas comme ça avec euh à dix=huit=ans ou dix sept=ans
L.ni. 152 : Hatta lamra elli çabbaha Sghira (même son épouse elle est jeune)
F.ii. 153 : euh ! elle est jeune

346
Troisième partie Fonctions et rôles de l’alternance codique dans les conversations entre les locutrices …

A.ni. 154 : elle a seize=ans


F.ii. 155 : je trouve que c’est trop jeune + franchement et en plus quand
je l’ai vu
L.ni. 156 : éh :: 
F.ii. 157 : il a + mais en fait j’ai remarqué +++ j’ai remarqué + bon
euh :: j’ai remarqué le mari il vit chez son père et bein
chez son xx il avait mis à :: dans un appartement t’as vu
dans la villa + donc c’est ça aussi euh + c’est qu’ils=ont
tout prêt euh tout prêt
L.ni. 158 : xxxxxxx çand waldihoum (chez leurs parents)
F.ii. 159 : oui + oui c’est ce que j’étais entrain de te dire quoi !
c’est :: + ils vivent chez leur papa et maman quoi !
L.ni. 160 : yîh ! (oui !)

Nous pouvons dire à partir de ces quelques exemples, que la configuration de la


conversation bilingue entre locutrices immigrée/non-immigrées est complexe et variée tant
au niveau de la composition codique des tours de parole qu’au niveau de leur organisation
en tant que mouvement interactionnel. Chacune des trois dyades AmariaFarida,
FaridaLinda et AmariaLinda présente une manière de faire caractérisée par la
domination d’un type de composition codique reflétant une compétence particulière où se
combinent des tours de parole bilingues français/arabe dialectal et inversement avec des
tours de parole monolingues arabe dialectal ou français et les mixtes entre eux.

En conclusion, nous pouvons dire à partir des caractéristiques soulevées que les
alternances codiques jouent un rôle important dans l’organisation de la parole en
interaction que nous avons qualifiée de bilingue/exolingue. Elles apparaissent tout à la fois
comme indices de la dynamique interactionnelle et comme signal vivant de l’interlocution.
En fait, Amina BENSALAH (1998.b : 49) a conclu que : « l’alternance des langues
considérée comme marqueur énonciatif est une véritable rhétorique, c'est-à-dire une
praxis, une action effective dans et par l’interaction »265.

L’alternance codique est aussi une ressource exploitée, adaptée et bricolée compte
tenu du contexte et de la situation pour servir ainsi de stratégie à la régulation et à
l’organisation de la parole en interaction. Ainsi, l’élaboration du discours et des savoirs
communs est liée à un travail collaboratif et ce, malgré les inégalités manifestes des
ressources dans les trois répertoires.

265
C’est l’auteur qui souligne.

347
______________________________________________________

CONCLUSION
Conclusion

CONCLUSION

S’appuyant sur un corpus constitué de conversations à caractère bilingue de trois


locutrices immigrée/non-immigrées, enregistrées au sein du milieu familial en Algérie,
cette recherche a permis de décrire et d’analyser leurs pratiques langagières en se
focalisant sur l’alternance codique en tant que phénomène jouant un rôle essentiel dans la
conduite des interactions.

Les analyses des données quantitatives tirées de l’enquête ‘‘macro’’ (questionnaire


écrit et entretiens), qui a concerné les dires des enquêtés sur les langues qu’ils pratiquent
ou qu’ils estiment maîtriser, ont permis de constater que les faits résultant de la présence de
plusieurs langues, que ce soit l’immigré ou les non-immigrées, s’accompagnent de
différentes représentations et attitudes envers les pratiques sociolangagières. En fait, les
enquêtés sont conscients des caractéristiques bilinguistiques nées du contact de l’arabe
dialectal avec le français, notamment de la pratique courante de l’alternance codique que la
majorité juge nécessaire et normale. De cet état de fait surgissent des questions identitaires
mettant en relief des attitudes variées envers les langues et envers l’espace vécu dit et
(inter)agi, pour reprendre une idée de Cyril TRIMAILLE (2005), aussi bien chez les
immigrés que les non-immigrés. La conscience linguistique, apparente dans les dires des
sujets enquêtés, implique une sensibilité linguistique et identitaire liée à la place et au rôle
de chacune des deux langues mais surtout à un bilinguisme, voire à un biculturalisme jugés
légitimes.

A partir des analyses quantitatives et qualitatives du corpus des conversations


recueilli, les pratiques langagières des trois locutrices présentent plusieurs particularités :

 La détermination à communiquer est marquée par la mobilisation du


répertoire disponible.
 L’émergence d’une asymétrie croisée des répertoires favorise un
ajustement codique (en termes quantitatif et qualitatif) basé sur le choix et
l’alternance des deux langues.

348
Conclusion

 Le soutien à la compréhension et à la production (co-énonciation) se


matérialise par les procédés d’hétéro-facilitation et d’hétéro-correction.
 L’adaptation mutuelle, la négociation et la cogestion des ressources sont
mises en relief par différents procédés d’aide et de soutien comme la
complétude conversationnelle, le choix de langue, etc.
 La prépondérance du français dans les conversations se justifie par la
monopolisation de la parole de la part de la locutrice immigrée.
 Le recours à l’alternance codique est une stratégie et solution pour pallier
les asymétries qui se manifestent lors des interactions.
 Les questions identitaires chez l’immigrée et ses partenaires non-immigrées
sont mises en discours par l’immigrée par l’emploi emblématique des
éléments de la langue d’origine d’un côté et par le procès d’indexicalisation
de l’autre.
 La régulation de la conversation bilingue et/ou exolingue entre la locutrice
immigrée et ses partenaires non-immigrées est régie par ce que Lorenza
MONDADA (2000) appelle « une grammaire-pour-l’interaction » où
l’imbrication des ressources des deux langues joue un rôle majeur dans la
dynamique interactionnelle.
 La mobilisation d’un répertoire verbal complexe et hétérogène s’organise
en interaction et assure le maintien et la dynamique des échanges.

Outre ces caractéristiques, l’étude a montré également que l’alternance codique


arabe dialectal/français est le résultat d’une compétence bilingue en construction. Malgré
les divergences et la complexité des répertoires verbaux des locutrices, nous avons relevé
des stratégies compensatoires matérialisées par le recours aux éléments de la première
langue et aux marques transcodiques. A côté de ces stratégies, d’autres solutions semblent
aider à l’appropriation, au développement et surtout à la réactivation de la langue moins
usitée du répertoire. Ces solutions, comme l’alternance codique et l’emprunt ont montré
aussi que les interlocutrices construisent mutuellement le système de référence qui leur
facilite l’interaction et l’intercompréhension. C’est en effet par le choix de langue et par
l’alternance codique que les interlocutrices parviennent à l’organisation de leurs discours et
à l’achèvement de leurs énoncés. Bien que les trois locutrices partagent certaines

349
Conclusion

caractéristiques, elles se sont montrées différentes sur plusieurs points concernant la mise
en discours de la question identitaire, les stratégies discursives, le choix de langue et la
structuration des énoncés mixtes.

En ce qui concerne le choix de langue, nous pouvons dire que les relations-rôles (la
dimension ethnique, le lien familial), la divergence des répertoires (la maîtrise inégale des
deux langues) et les sujets de la conversation sont autant d’éléments pertinents dans le
choix et le changement de langue et dans l’adaptation à l’interlocutrice et à la situation.
L’usage du français dans ces conversations montre sa prépondérance dans les pratiques
langagières entre l’immigrée et les deux non-immigrées. L’arabe dialectal peut toutefois
être dominant dans certaines situations d’interaction où les thèmes abordés, en l’occurrence
ceux liés à des pratiques socioculturelles du pays d’origine, suscitent le passage à des actes
de parole de longueurs variables dans cette langue. Ainsi, chaque locutrice fait le choix
d’une langue lors d’une tour de parole et de l’autre langue dans d’autres tours de parole.
Mais ce qui parait spécifique dans les conversations enregistrées c’est le fait que chacune
des locutrices converge vers l’autre en recourant fréquemment à des alternances codiques.
Celles-ci renvoient à des stratégies communicatives diverses : la réitération, l’explication,
la paraphrase, le commentaire, la citation, etc., dont nous avons donné des exemples.

Au-delà du critère quantitatif, la dominance du français dans les interactions est


aussi liée à une compétence bilingue manifeste mais inégale chez les trois locutrices. Cette
compétence est mise en valeur par les types d’alternances codiques récurrents. Les
échanges monolingues en français proviennent fréquemment de la locutrice immigrée ; ceci
a amené ses interlocutrices (non-immigrées) non seulement à produire plus d’énoncés en
français mais aussi à recourir à l’arabe dialectal et/ou aux énoncés mixtes (longs ou courts)
à chaque fois qu’elles éprouvaient des difficultés. Il en est de même pour la locutrice
immigrée qui devait passer à l’arabe dialectal à chaque fois qu’elle jugeait cela nécessaire.

L’examen des différentes manifestations de l’alternance codique dans ses


dimensions structurelles et fonctionnelles a montré plusieurs modes de fonctionnement. En
effet, nous avons constaté que les actes langagiers s’échafaudent selon les compétences de
chacune des locutrices même si elles obéissent à une certaine grammaire dite de

350
Conclusion

l’alternance codique. L’analyse des différents types d’alternances (inter-acte, intra-acte,


segmentale, unitaire, etc.) nous a conduit également à constater un agencement complexe
des éléments des deux langues qui sont à notre sens des formes originales de métissage
langagier.

Enfin, nous pouvons dire que les alternances codiques jouent un rôle important
dans l’organisation de la parole en interaction dans ses dimensions bilingue et exolingue.
Elles apparaissent tout à la fois comme indices de la dynamique interactionnelle et comme
signaux vivants de l’interlocution. L’alternance codique est aussi une ressource exploitée,
adaptée et ‘‘bricolée’’ compte tenu du contexte et de la situation pour servir ainsi de
stratégie à la régulation et à l’organisation de la parole en interaction. De ce fait,
l’élaboration du discours et des savoirs communs est liée à un travail collaboratif marqué
par une certaine souplesse dans les rapports de place et ce malgré les inégalités manifestes.
Il ressort également de l’analyse quantitative de la composition codique des dyades que les
énoncés mixtes sont majoritaires. Ceci nous permet de valider notre hypothèse sur le rôle
de l’alternance codique comme alternative permettant de réduire l’asymétrie et d’assurer la
convergence codique.

D’une manière générale, l’analyse des données a permis de mettre en évidence les
différentes manifestations de l’alternance codique dans les pratiques langagières de la
locutrice immigrée et ses partenaires non-immigrées. Ainsi la mobilisation des ressources
du répertoire semble nécessaire dans le maintien et la dynamique des interactions.

Pour finir, nous pouvons avancer que d’autres recherches peuvent et doivent être
encore menées auprès des descendants de l’immigration algérienne de France en situation
de contact avec des non-immigrés, principalement lors des vacances d’été dans le pays
d’origine des parents. Ces études devraient permettre d’apporter d’autres éclairages sur
cette situation de mobilité qui s’avère fondamentale dans la dynamique des répertoires et
l’émergence des formes de bi-plurilinguisme composites sur la base des langues et de leurs
variétés plus ou moins en usage dans les deux pays.

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______________________________________________________

ANNEXES
Annexes Transcriptions des conversations

CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION
/ rupture de l’énoncé sans qu’il y ait réellement de pause
\ interruption d’un énoncé par l’intervention d’un interlocuteur
+, ++, +++ pause très brève, brève, moyenne
& enchaînement rapide de paroles
 intonation montante après ce signe
 intonation descendant après ce signe
¨OUI, BRAVO accentuation d’un mot, d’une syllabe
oui: bon:: allongement de la syllabe ou du phonème qui précède
n:::on le nombre de : est proportionnel à l’allongement
<alors/allons> hésitation à transcrire l’une ou l’autre forme
< ----------- ?> séquence inaudible ou incompréhensible
A : bla bla [ bla bla chevauchement de parole
B: [ bla bla
x, xx, xxx, mot inaudible d’une, deux ou trois secondes
(bon)jour ( ) = partie non prononcée. Ici seul ‘’jour’’ est prononcé
‘’chépa’’ représentation phonético-orthographique
/ épa / transcription phonétique
= liaison inhabituelle : un chant agréable (‘’un chan tagréable’’)
≠ absence inhabituelle de liaison : les ≠ (‘’le enfants’’)
# hésitation
A : blabla blabla énoncés simultanés
[
B : bla bla bla
A : bla // interruption
B : bla bla bla
Yih (oui) traduction en français des mots de l’arabe dialectal
eTabla emprunts accommodés
ALGER les petites majuscules indiquent les noms propres
F.ii/A.ni hésitation entre deux locuteurs ou les deux à la fois
tu m(e) dit phonème non réalisé
((soupirs)) soupirs

375
Annexes Transcriptions des conversations

((silence)) silence
((rires)) rires
((bruit)) bruits survenus lors des échanges verbaux
« bla bla bla » discours rapporté
!-? points marquant l’exclamation et l’interrogation
 mot coupé en deux syllabes
Z=/= liaison inhabituelle
((gèstes)) gestes accompagnant la parole ou hochements de tête
< (elle) > forme habituelle
tdji ? (tu viens ?) traduction mise entre parenthèses (Times New Roman)
A. ni. 055 : tour de parole numéroté

Transcription phonétique :
q ‫ق‬ palatale emphatique (coup de glotte)
S ‫ص‬ sifflante emphatique
r ‫ر‬ latérale vibrante sonore
gh ‫غ‬ vélaire sonore
kh ‫خ‬ vélaire sourde
O ُ◌ ُ◌ voyelle postérieure arrondie

I ◌ِ voyelle antérieure étirée

A ◌َ ◌َ voyelle médiane (coup de glotte)


° ° forme pausale qu’on trouve devant les voyelles o – a – i
H ‫ح‬ phryngale sourde
h ‫ھ‬ laryngale sourde
ç ‫ع‬ laryngale sourde
‘ ‘ apostrophe
T ‫ط‬ dentale emphatique
t / ts ‫ت‬ dentale sourde / et sifflante (allophone)

376
Annexes Transcriptions des conversations

Conversation 1
Participantes : FARIDA (F.ii) immigrée et AMARIA (A.ni) non-immigrées
Durée : 31 minutes 50 secondes.
_________________________________________________________________________

A.ni. 001 : sbaH el khir FARIDA (bonjour FARIDA)


F.ii. 002 : bonjour
A.ni. 003 : ça va ?
F.ii. 004 : ça:: va très bien Hamdullah ! (Dieu soit loué)
A.ni. 005 : ça va ?
F.ii. 006 : impec
A.ni. 007 : impec ?
F.ii. 008 : oui : impec ++ ça va
A.ni. 009 : Hatta ana chouiya netçallem (même moi j’apprends un peu) quelques mots
F.ii. 010 : c’est vrai +++ mai::s [je crois que
A.ni. 011 : [français cassé ++ on dit comme ça ?
F.ii. 012 : ouai::s l’arabe maghrébin
A.ni. 013 : est-ce que çandek (tu as) la famille bezzaf hna f‘ (beaucoup ici en)
l’ALGERIE ?
F.ii. 014 : ça va çandi (j’ai) + wah (oui) même ++ j’en ai même beaucoup ein::h
A.ni. a::h !
015 :
F.ii. 016 : ah ! ++ on est une grande famille + quand même
A.ni. 017 : < ----- ?> Quelle région ?
F.ii. 018 : dans la région de MOSTAGANEM + MOHAMMADIA (MOHAMMADIA) +++ [et +++
A.ni. 019 : [BARIGOU
(PERREGAUX)*
F.ii. 020 : [wah BARIGOU (oui
PERREGAUX) ++ et puis + mais bon mon père est de BARIGOU (PERREGAUX) +
A.ni. 021 : [MOSTAGANEM
F.ii. 022 : [MOSTAGANEM +++
+++ par exemple je # ++ on est une très grande famille euh de
MOSTAGANEM et + quand même
A.ni. é:h ! (oui !)
023 :
F.ii. 024 : oui !
A.ni. 025 : on est + eu:h ++ vous êtes ++ une grande famille
F.ii. 026 : on est une grande famille + c’est ce que j’ai dis çadna (on a) la
famille Kbira ++ çandi (grande ++ j’ai) + des hommes et des femmes
A.ni. 027 : < ---- ?> ton grand père ?
F.ii. 028 : oui j’ai ++ même + mon grand-père
A.ni. 029 : é:h (oui) et ta grand-mère ?
F.ii. 030 : j’ai une ++ j’ai une grand-mère + la mère de ma mère et puis + j’ai
mon grand-père
A.ni. 031 : yi:h (oui) oui !
F.ii. 032 : et ma grand-mère + mais s’est la belle-mère de mon père +++ mon
grand-père s’est remarié
A.ni. 033 : yi:h (oui) + deux fois
F.ii. 034 : voilà + ma grand-mère paternelle est +++ elle est décédée en quatre
vingt dix neuf +++ mais elle est comme mon grand père +++ pour mon
grand-père +++ +++ mais malheureusement elle est gravement malade ++
j’ai ma grand-mère la mère de ma mère ça va elle est eu::h
elHamdoullah ! (Dieu soit loué) c’est une bonne vivante
A.ni. 035 : et comme on dit en arabe khoualek (tes oncles) + les=oncles ?
F.ii. 036 : les=oncles + ils sont plus là + ils sont tous en France

*
La ville de Perrégaux ou MoHammadia se situe à environ 20 kilomètres de Mascara (Département d’Oran).

377
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 037 : hmm !


F.ii. 038 : ça fait quatre ans ils sont tous retournés en FRANCE
A.ni. 039 : eih !
F.ii. 040 : ma mère elle les=a ramenés en FRANCE + parce que + bon e::h + c’est
des jeunes xxx
A.ni. 041 : < ---- ?> la situation
F.ii. 042 : voilà c’est la situation + elle était pas si bonne + elle +++
avaient pas le travail walou (rien) + donc ils ont voulu leur +++ ils
ont voulu la FRANCE ++ peut être pas +++ zeçma (soi-disant) ++ ils ont
pas choisi la FRANCE ++ kheyrou (ils ont choisi) + l’ESPAGNE mais ++ c’est \
A.ni. 043 : ils=ont pas trouvé leur chance !
F.ii. 044 : a::h ! la misère totale + ah ! la misère en ESPAGNE + ça fait que::
ils sont venus çadna (chez nous) à LILLE
A.ni. 045 : ei:h !
F.ii. 046 : et même mes parents les=ont hébergés
A.ni. 047 : maintenant ils=ont une bonne situation ?
F.ii. 048 : ouai::s + maintenant ils sont tous mariés lHamdoullah ! (Dieu soit loué)
A.ni. 049 : eih ! et
F.ii. 050 : comme on dit chez nous lHamdoullah ! (Dieu soit loué) ++ Allah yaHfedhoum
(que Dieu les protège)
++ et puis e::h ma tante j’ai aussi une tante + elle aussi elle est
en ALGERIE euh en FRANCE elle était là mais + [elle est
A.ni. 051 : [la plupart de la famille
++ sont
F.ii. 052 : [en FRANCE + pas tous +
j’ai encore une tante ++ j’ai deux tantes hna (ici)
A.ni. 053 : i::h ! (oui !)
F.ii. 054 : comme on dit + çamti (ma tante) + et puis euh + sinon j’ai encore un
on::cle +++ non j’ai deux=oncles ici + et puis mon grand père ++
justement mon grand-père [est
A.ni. 055 : [i::h ! (oui !) et +++ au sujet de ton grand-
père ++ l’année passée tu m’as raconté ++ comment dire en français ?
F.ii. 056 : il avait ++ [qui avait une
A.ni. 057 : [ils=avaient
F.ii. 058 : [ils=avaient un lien avec EMIR ABDELKADER
A.ni. 059 : oui::!
F.ii. 060 : oui en fait + c’est le grand-père Taç (à) mon grand-père +++ c’est
mon père au départ
A.ni. 061 : [c’est le sujet que +++
F.ii. 062 : [que je voulais lui en parler ++ euh en fait + quand j’avais +++ [ki
kount sghira (quand j’étais petite)
A.ni. 063 : [EL EMIR ABDELKADER + c‘est le troisième
F.ii. 064 : [le troisième + oui !
A.ni. 065 : [< ---- ?> grand père
F.ii. 066 : le troisième grand-père de mon grand-père
A.ni. 067 : de ton grand-père !
F.ii. 068 : tout à fait + si c’est vrai ++ c’est ça +++ et en fait comment j’ai
su ça + c’est quand j’étais en France on a été à l’école ++ rouHna
naqraou (on est parti pour étudier) et ils nous=ont emmenés [dans=un musée
A.ni. 069 : [on dit en arabe
metHaf (musée)
F.ii. 070 : oui lmeTHaf (le musée)
A.ni. 071 : lmetHaf ! (le musée !)
F.ii. 072 : lmeTHaf (le musée) + je ne sais pas trop + + et dans ce musée là + il y
avait beaucoup de tableaux + + historiques euh:: ( euh:: ( je ne sais pas
dans les mille sept cents + mille huit cents ++ et puis la maîtresse d’antan +
je me rappelle gaTli: (elle m’a dit) euh « viens Farida viens ! »
A.ni. 073 : i:h ! (oui !)
F.ii. 074 : gaTli: (elle m’a dit) « voilà il y a le nom de ta famille Taçek (à toi) sur
le tableau ++ c’est qui ? euh + chkoun hada ? » (qui c’est celui là ?)
A.ni. 075 : même le tableau d’EL EMIR ABDELKADER ?
F.ii. 076 : voilà !

378
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 077 : yi:h ! (oui !)


F.ii. 078 : gaTli: (elle m’a dit) qui ? chkoun ? (qui ?) et tout ++ et quand j’ai
regardé ce tableau + j’ai vu un homme foug el çawd (sur le cheval) avec
[lbarnous (le burnous)
A.ni. 079 : [laçmama (le turban) on dit laçmama (le turban)
F.ii. 080 : [et puis il y avait laçmama (le turban) genre de chapeau chachiya hadik
(cette chéchia) ++ [une barbe
A.ni. 081 : [blanche
F.ii. 082 : [non noire
A.ni. 083 : yi::h (oui) + il était jeune
F.ii. 084 : il avait une ceinture + et en bas c’était noté El EMIR ABDELKADER KRIM
ÇARBI
A.ni. 085 : KRIM EL ÇARBI le nom de ton père KRIM EL ÇARBI (KRIM EL ARBI) FARIDA
F.ii. 086 : ça fait quand j’ai +++ quand j’étais justement voir mon père + j’ai
trouvé ++ quand j’étais petite einh ! j’ai dis « voilà il y avait un
homme + un monsieur + il était sur le cheval il y avait notre nom +
c’est qui ? et tout ça ! » ++ zeçma galli euh:: belli (il m’a dit que)
« euh LEMIR (EL EMIR) ABDELKADER + hada jdoudna » (c’est notre arrière grand-père)
comme ça on dit ?
A.ni. 087 : éih ! (oui !)
F.ii. 088 : c’est notre jed (grand-père) ++ jedna (notre grand-père) de mon grand père ++
j’étais tani (aussi) me renseigner auprès de jeddi (mon grand-père)
A.ni. 089 : yih (oui)
F.ii. 090 : gallî euh (il m’a dit) + euh « c’est vrai hada djedna (c’est notre grand-père)
L’EMIR ABDELKADER »
A.ni. 091 : tessemma (c'est-à-dire) ton grand-père hada djeddou ? (celui là c’est son grand-
père ?)
F.ii. 092 : djed djeddah (son arrière grand-père)
A.ni. 093 : djed djedou::! (son arrière grand-père)
F.ii. 094 : oui !
A.ni. 095 : trois !
F.ii. 096 : trois autres
A.ni. 097 : trois jdoudou (arrières grand-père) de ton grand-père
F.ii. 098 : donc en fait euh:: ++ notre famille elle est grande < ---- ?> plus
vieux qui reste çadna (qui nous reste) + çandek (il y a) après çammi (mon oncle)
++ c’est + que après EL EMIR ABDELKADER çadna Ha djedoud (nous avons des
arrières grand-père) mais il reste jeddi (mon grand-père) le père de mon père
MoHammed + MoHammed KRIM EL ÇARBI
A.ni. 099 : li kan euh:\ (celui qui était euh:)
F.ii. 100 : il a quatre vingt quatre ans wella (ou) quatre vingt trois ou quatre
vingt quatre +++ mille neuf cent vingt quatre ++ dourk (maintenant) + il
est malade + mais:: j’espère que nchllah ! (si Dieu veut) euh < ---- ?>
A.ni. 101 : il +++ é:h quand tu parles de EMIR ABDELKADER él’(ton) grand père yaçref
tessemma (c'est-à-dire il connait) l’histoire taç jeddou (de son grand père)
F.ii. 102 : yaçref (il sait) tout ++ [parce que
A.ni. 103 : [il a une bonne mémoire ?
F.ii. 104 : [il a une très belle mémoire
A.ni. 105 : très bonne mémoire ?
F.ii. 106 : oui il est ++ il est + il parle tout juste Allah ghaleb (c’est plus fort
que moi) justement il est vieux + il n’arrive pas [vraiment
A.ni. 107 : [à parler
F.ii. 108 : [à bouger + à parler
à::: ++ c’est difficile pour lui ++ c’est comme un # ++ il est
redevenu comme un bébé hakka (comme ça)
A.ni. 109 : meski::ne !  (le pauvre !)
F.ii. 110 : ouais + donc voilà c’est juste pour dire ça
A.ni. 111 : c’est pour ça bach Outlek eddossi had essujet (c’est pourquoi je t’ai dit le
dossier ce sujet) l’année passée elli hdartli çla hada çla hada (quand l’année
passée tu m’en as parlé)
F.ii. 112 : oui !
A.ni. 113 : zeçma (soi-disant) il m’a intéressé
F.ii. 114 : mais malheureusement ma çraftch (je connaissait pas) tout gaç (toute)

379
Annexes Transcriptions des conversations

l’histoire vraiment à part pour nchouf (voir) des documenttation +


chouiyya hakka (un peu comme ça) ++ je comprends à peu près son histoire
++ qui a fait la guerre + qui a fait un pacte qui a fait signer un::
A.ni. 115 : oui hmm hmm ++ il est mort en SYRIE
F.ii. 116 : oui + en SYRIE
A.ni. 117 : comme on dit en arabe SOURYA (SYRIE)
F.ii. 118 : je ne sais pas en fait + mais j’aimerais nchallah (si Dieu veut) savoir
un peu cette histoire + j’aimerais la découvrir parce que ça fait
partie hakka (comme ça) de la famille
A.ni. 119 : de la famille ?
F.ii. 120 : ouais ! + ça fait partie + et donc nchallah ! (si Dieu veut) +
j’apprends à raconter ++ mais je ne sais pas trop
A.ni. 121 : et :: et ta mère elle est de MOSTAGANEM ?
F.ii. 122 : ma mère ++ de MOSTAGANEM
A.ni. 123 : et tu m’as dis que mmoak taçmel él waçda él waçda taç (ta mère organise la
cérémonie de)
F.ii. 124 : c’est mon père + a::h ! ma mère + SIDI MOHAMMED
A.ni. 125 : SIDI MOHAMMED BELKHLOUF yak (SIDI MOHAMMED BELKHLOUF c’est ça)
F.ii. 126 : non + et + non::
A.ni. 127 : SIDI LAKHDAR ? (SIDI LAKHDAR ?)
F.ii. 128 : SIDI LAKHDAR BELKHLOUF c’est tawaçkoum (c’est de chez vous)
A.ni. 129 : i::h! (oui)
F.ii. 130 : é::h ! (oui !) c’est SIDI MOUHAMMED
A.ni. 131 : SIDI MOHAMMED chkoun (SIDI MOHAMMED qui ?)
F.ii. 132 : Sidi MoHammed (SIDI MOHAMMED)
A.ni. 133 : SIDI MOHAMMED (SIDI MOHAMMED) ++ oui
F.ii. 134 : mais c’est taçhoum (c’est à eux)
A.ni. 135 : iwa ki yé:: (et quand il)
F.ii. 136 : et en fait c’est mon père qui faisait lwaçda (la célébration)
chaque=année pendant à peu prés vingt=ans + vingt années +++ tous
les=ans il fait él waçda (la célébration) +++ ils=ont pas arrêté
A.ni. 137 : eHkili çla lwaçda (raconte moi sur la célébration)
F.ii. 138 : c’est en fait c’est des=hommes ++ çissawa (confrérie des ÇISSAWA) vous
dites ++ c’est ++ c’est + ça ++ c’est ça Hamdawa ? (HAMDAWA ?)
A.ni. 139 : Hamdawa (confrérie de HAMDAWA)
F.ii. 140 : Hamdawa (confrérie de HAMDAWA)
A.ni. 141 : oui ! + ah:  je ne sais pas !
F.ii. 142 : lHamdawa (la confrérie de HAMDAWA) ++ c’est que ton frère hada yaçref (lui il
sait)
A.ni. 143 : mais hna taynik kayen çissawa (mais il y a aussi ÇISSAWA)
F.ii. 144 : les Hamdawa (les HAMDAWA)
A.ni. 145 : kayen (il y a) les çissawa (ÇISSAWA) + kayen derqawa (il y a DERKAWA)
F.ii. 146 : ye kherdjouna menfoum (il nous sort de de sa bouche par un coup de magie) de leur
bouche
A.ni. 147 : yîh (oui)
F.ii. 148 : Hamdawa bessaH (HAMDAWA mais)
A.ni. 149 : çla khater (parceque) ton père yaçmel had (il fait cette) +++ had el waçda
(cette célébration)
F.ii. 150 : Chaque=année wah (oui) chaque année ++ donc eu::h
A.ni. 151 : w’kifache had él waçda zeçma ? (comment est soi-disant cette célbration ?)
F.ii. 152 : il y a beaucoup de monde à peu près + à peu près ++ [six cents
personnes
A.ni. 153 : [yi::h ! (oui !)
F.ii. 154 : dehors ++ ils préparent déjà < ---- ?> ils mettent plein de tapis::
berra (dehors)
A.ni. 155 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 156 : en paille ++ <hadou/dow> (ceux-là/la lumière) ils mettent de l’électricité
dehors du dow (la lumière)
A.ni. 157 : comme un mariage ++ presque ?
F.ii. 158 : plus + plus on dirait un stade
A.ni. 159 : yi::h ! (oui !)

380
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 160 : wah ! (oui !) on dirait un stade ++ maintenant hadik (cette) la place li
kounna ndirou fiha (où est ce qu’on était) devant la maison [f’BARIGOU (à
PERREGAUX)
A.ni. 161 : [yi::h !
(oui !)
F.ii. 162 : [BARIGOU
bnaw fiha (à PERREGAUX ils ont construit) des villas + donc
A.ni. 163 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 164 : maintenant il y a un tout petit=espace + mais avant quand=il y avait
pas hadou (ces) les villas + kanou ydirou (ils mettaient) comme un + un
grand rond + un cercle
A.ni. 165 : yi::h ! (oui)
F.ii. 166 : les gens s’asseyaient tout autour ++ la lumière au dessus +++
w’balek (ou peut être) cinq cents ou six cents personnes venues à peu
près de toute l’ALGERIE [Hatta saHra (même le SAHARA)
A.ni. 167 : [iyya wé euh ? (et quoi encore ?)
F.ii. 168 : [du SAHARA + ils venaient
A.ni. 169 : et les plats + spécial ++ quels sont les plats ?
F.ii. 170 : c’était tchicha (le couscous à la semoule d’orge) et le [couscous
A.ni. 171 : [tchicha ? (le couscous à la
semoule d’orge ?)
F.ii. 172 : [et le tchicha (le
couscous la semoule d’orge) avec la viande
A.ni. 173 : avec la viande ?
F.ii. 174 : le + le lmerga (la sauce) et les légumes
A.ni. 175 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 176 : yih ! wel (oui ! et du) kouscous ++ mais euh:: quand ils venaient tous
euh:: ++ il y avait à peu près cinq cents six cents personnes + ils
venaient partout des coins d’ALGERIE
A.ni. 177 : d’ALGERIE !
F.ii. 178 : c’était connu + ils savaient qu’au mois d’août mi-août il allait y
avoir lwaçda Taç MOHAMMED lHADJ MOHAMMED (la cérémonie de MOHAMMED HADJ
MOHAMMED)
A.ni. 179 : el Hadj MoHammed
F.ii. 180 : c’est le descendant de él HADJ MOHAMMED + c’est HMED MOHAMMED HMED KRIM
ÇARBI et après lui ça sera nchallah (si Dieu veut) mon père soit mon
frère soit mon oncle
A.ni. 181 : éh ! ytebçou (ils suivent)
F.ii. 182 : ouais !
A.ni. 183 : kich nOUlou Hna ? ellî yekhelfou (comment on dit nous ? ceux qui succèdent)
F.ii. 184 : ça c’est obligatoire ++ c’était
A.ni. 185 : comment on dit en français ++ yekhelfou (ils succèdent)
F.ii. 186 : non:: ils reprennent + c’est pas ++ un héritage ++ ils reprennent le
flambeau [kima ygoulou (comme on dit)
A.ni. 187 : [yîh ! (oui)
F.ii. 188 : [ils reprennent le flambeau nchallah ! (si Dieu veut) ++ et
maintenant que mon grand-père + il est ++ il est malade et tout ++ <
---- ?> il est malade et donc il peut [pas faire
A.ni. 189 : [lwaçda (la cérémonie)
F.ii. 190 : [lwaçda (la cérémonie)
A.ni. 191 : c’est ton père
F.ii. 192 : mon père le fait mais + il le fait c'est-à-dire ySedqou binathoum
(ils font des donnation entre eux)
A.ni. 193 : Yi::h ! (oui !)
F.ii. 194 : yeu (ils) < ---- ?> <il/ils> = <égorgent/égorgent> les moutons +
bessaH ySedqou :: berra we ljamaç w’gaç (mais ils font des donts dehors et pour la
mosquée et tout) ++ une dizaine de personnes et c’est bon
A.ni. 195 : mchi kima kan (ce n’est pas comme) ton grand père
F.ii. 196 : ah ! quand il y avait mon grand-père ++ des gens vraiment du SAHARA
venaient de tout de partout
A.ni. 197 : yi::h ! + iwa saHHa ki ntouma ++ zeçma (oui ! et puis quand vous ++ soi-disant)
++ le moment taç lwaçda (de la célébration)

381
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 198 : hmm + oui


A.ni. 199 : mchi (comment dire) + comment tu te sens ?
F.ii. 200 : très ! très bien !
A.ni. 201 : très bien !
F.ii. 202 : oui :: tu donnes l’argent
A.ni. 203 : yi::h (oui)
F.ii. 204 : tSeddeq (tu fais des dons) éh ::: puis il y avait un homme < ----- ?> de
hmm kima çissawi (comme un ISSAWI)+ kima tgoulou (comme vous le dites)
A.ni. 205 : yih ! + yih ! + yih ! (oui ! + oui ! + oui !)
F.ii. 206 : magicien c'est-à-dire il sortait él Halwa (des bonbons) de ses + de
son oreille
A.ni. 207 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 208 : on lui demandait + comment ça se fait kherejt el Halwa ? (le bonbon est
sorti ?) comment ? ++ comment tu as fait ? ++ il m’a dit « had el
Halwa » (ce bonbon) je l’ai pris d’un magasin + mais demain matin il
faudrait que je le rende
A.ni. 209 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 210 : donc on était comme ça ébloui < ---- > + il a dit + « had el Halwa »
(ce bonbon) demain il faut absolument « neddih nroddah » (je le prends et je le
rends)
A.ni. 211 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 212 : et c’est vrai il n’y avait rien ++ et dès qu’il mettait la main + la
main dans son oreille il nous sortait un paquet de bonbons + il le
donnait à tout le monde le ++ lendemain il rendait les bonbons à la
personne < ----- ?> mais ++ et puis ils faisaient un cercle une
dizaine de [HAMDAWA (HAMDAWA)
A.ni. 213 : [yi:h ! (oui)
F.ii. 214 : [et puis il y avait le ++ pas le derbouka (la percussion) ++
[mais les ++ hmm
A.ni. 215 : [bendayer (la percussion)
F.ii. 216 : [le bendayer (la percussion) et puis ils faisaient les chants coraniques
Taç qorAn (du Coran)
A.ni. 217 : yih ! el madaIH (oui! les chants religieux)
F.ii. 218 : voilà !
A.ni. 219 : on dit el madaIH (le chant religieux)
F.ii. 220 : mais c’était + c’était bizarre parce que ++ beaucoup d’hommes + ils
pleuraient
A.ni. 221 : et pourquoi ?
F.ii. 222 : ils pleuraient ++ ils pleuraient ++ ils pleuraient + vraiment
tellement ils criaient
A.ni. 223 : zeçma çla khaTer hadek lemdîH ? wella (c'est soi-disant à cause du chant religieux ?
ou) pourquoi?
F.ii. 224 : ouais ! euh et puis ouais à cause de lemdîH (le chant religieux) oui ! ++ à
cause du qorçàn (du Coran) + à cause de +++ il y avait beaucoup de
Coran pendant deux jours + que du Coran
A.ni. 225 : après yetkhechçou ! (ils méditent)
F.ii. 226 : voilà ! et puis avec des jeunes qui se levaient et que eytoubou (ils
repentissent)
A.ni. 227 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 228 : voilà ! ++ et il y avait même des=hommes qui tombaient sur le feu
A.ni. 229 : yi:h ! (oui!)
F.ii. 230 : parce qu’ils faisaient un feu au milieu
A.ni. 231 : yi:h! (oui !)
F.ii. 232 : ennar [fi waST (le feu au milieu)
A.ni. 233 : [le cercle
F.ii. 234 : [et le cercle comme ça (avec des gestes) Ha chwiyya çla ledjbel (à
côté de la montagne) + la montagne
A.ni. 235 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 236 : déjà ils l’ont monté comme un stade
A.ni. 237 : comme ça ? ((avec des gestes))
F.ii. 238 : comme ça !
A.ni. 239 : eyya w’ (et le) le cercle ?

382
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 240 : tout au mlieu taç (du) le feu fel waST (au milieu) +++ hadou HAMDAWA (ces
HAMDAWA) ils tournent au tour par cinq six et ils bougent ++ et du
Coran + du Coran et du Coran + du Coran ghil klam eddine (que des paroles
de la religion) ++ tu vois des gens qui sont malades yessanaw (ils oublient)
leur tour ++ il y a des gens qui sont j’sais pas madroubine (envoutés)
++ comme on dit ++ bon moi j’y crois un peu dans tous ça + ils
tombaient dans euh + sur le feu yeTéHou fe ennar (ils se jettent dans le feu)
y’en a beaucoup qui pleurent
A.ni. 241 : est-ce que tdjik zeçma ? (cela te parrait soi-disant ?) normal wella (ou bien)
bizarre ? wella OUlli çla khaTer (ou bien dis donc parceque) \
F.ii. 242 : non djini (cela me parrait) normal
A.ni. 243 : c’est \
F.ii. 244 : et puis franchement euh:: ++ c’est bien ++ c’est Sadaqa (un don) en
fait ++ ySedqou (ils font des dons) en fait et bien cinq cents six cents
personnes viennent manger même les passants qui passaient mon père
[ydjibhoum (il les invite)
A.ni. 245 : [manger
F.ii. 246 : [venez manger le couscous ++ les voyageurs qui passaient ++ venez::
il y a tchicha (le couscous à la semoule d’orge) et l’kouscous (le couscous) ++ donc
c’était chaud + que c’était super bien et puis franchement kanou
ydirou (ils mettaient) le coran + lqorAn (le Coran) toute la nuit ++ toi tu
dors et en bas t’entends que les chants + les chants + les chants +
les chants !
A.ni. 247 : éih ! (oui !) fel’mois (pendant le mois) d’août ?
F.ii. 248 : voilà ! le mois d’août vers le onze le quinze août +++ et là:: ils
dors tous dans le garage + wella (ou bien) dehors ++ wella (ou bien) dans
les voitures + y’en a qui viennent de Tlemcen ++ déjà le::: +
comment on appelle ça ? limam (l’imam) + limam hada (cet imam) le chef
[Taç hada li ydir el qorane (c’est lui qui met le Coran)
A.ni. 249 : [éSalawat (les prières)
F.ii. 250 : [et bein on le prend de MAGHNIYA* (MAGHNIA)
A.ni. 251 : [je ne sais pas !
F.ii. 252 : [eTTaleb (imam)
A.ni. 253 : [ettaleb ma naçarfouche (l’imam je ne le connaît pas)
F.ii. 254 : [wah (oui) c’était pour vous dire \
A.ni. 255 : <-----?> de toutes les régions taç (d’) l’ALGERIE
F.ii. 256 : wah (oui) de TLEMCEN
A.ni. 257 : de TLEMCEN + ORAN + ALGER
F.ii. 258 : de partout:: ++ SAHARA
A.ni. 259 : SAHARA !
F.ii. 260 : euh ! de partout de ++ de partout en ALGERIE ++ de toutes
A.ni. 261 : et lwaçda (la célébration) de + de elli (celle) + elli taçmelha (celle qu’organise)
ta mère ?
F.ii. 262 : ma mère c’est # ++ ma mère c’est # ++ de temps en temps ++ ma # des
fois aussi +++ elle égorge les moutons < ----- ?>
A.ni. 263 : taç hadak (de celui-là) SIDI MOHAMMED (SIDI MOHAMMED)
F.ii. 264 : SIDI MOHAMMED (SIDI MOHAMMED) aussi de temps=en temps
A.ni. 265 : hiyya (elle est) obligée temchi (d’y aller) le::\
F.ii. 266 : ouais !++ elle y va chaque année
A.ni. 267 : machi hiyya (ce n’est pas elle) la résponsable ?
F.ii. 268 : non machi hiyya moul (ce n’est pas elle) euh :: ! \
A.ni. 269 : hiyya (elle) [tamchi (elle part) comme
F.ii. 270 : [tzour (elle visite)
A.ni. 271 : [tzour (elle visite)
F.ii. 272 : [<il/elle> y va juste pour tzour w’ (elle visite) ça y est
A.ni. 273 : [invitée !
F.ii. 274 : [invitée !
A.ni. 275 : [invitée !
F.ii. 276 : bon + c’est pas invitée:: tzour temma (elle visite là-bas)

*
Ville frontallière située à 50 kilomètres du chef-lieu Tlemcen et à 15 kilomètres de Oudjeda (Maroc).

383
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 277 : iyya we zeçma had lwali fayen ? fwaST Mestghanem ? (et ce soi-disant
marabout est situé où ? au centre de MOSTAGANEM ?)
F.ii. 278 : non ! vraiment kharedj (en dehors) le village fel khla (dans un endroit
inhabité)
A.ni. 279 : fel khla ? (dans un endroit inhabité)
F.ii. 280 : oui fel khla (dans un endroit inhabité) quand même ++ mais il n’ y a pas de
montagnes du côté de Barigou (PERREGAUX) ++ Mestghaganem (MOSTAGANEM)
++ bon arrivé à Mestghalem (MOSTAGANEM) il y a un peu de montagnes
mais Barigou wé::  (PERREGAUX et) < ---- ?> attends ! environ + de
montagnes + il n’y a pas de montagnes + c'est-à-dire il y a des
montagnes aux alentours + mais quand tu roules en voiture c’est une
ligne droite
A.ni. 281 : euh !
F.ii. 282 : euh ! tapis ++ donc ça va Hamdoullah ! (Dieu soit loué) + c’est ++ il y a
pas de +++ avant y avait beaucoup de forêts ++ mais t’as vu que < --
-- ?> les arbres ++ il y a plus de problème we lHamdullah ! (et Dieu
soit loué) +++ +++ +++ +++ (quelques secondes de silence)
A.ni. 283 : l’après midi mchina lebHar + mchina:: (on est parti à la plage + on est parti) ++
comment on dit ? ++ nbeIwah bkhir (on est allé lui dire au revoir)
F.ii. 284 : ouais ! c’était pour lui dire au revoir
A.ni. 285 : éih ! (oui !) pour dire envoir (au revoir)
F.ii. 286 : parce que je pars ncha:llah ! (si Dieu veut) lundi ++ donc aujourd’hui
on était à la plage pour une dernière fois
A.ni. 287 : ouais !
F.ii. 288 : à SIGA ? ++ c’était ça ?
A.ni. 289 : [yi::h ! (oui)
F.ii. 290 : [à SIFAX !
A.ni. 291 : [yi:h (oui) SIFAX !
F.ii. 292 : [Sifax !
A.ni. 293 : à côté de BENISAF
F.ii. 294 : ouais ++ roHna (on est allé) + impeccable à part bon:: ++ il a fait froid
là: ++ on est le deux septembre ?
A.ni. 295 : lyoum (aujourd’hui) + trois septembre
F.ii. 296 : le trois ? eh bein ++ il + il à fait froid à la plage ++ mais::
c’était impeccable quand même ++ ghaya kima ngoulou ghayat él ghaya
(c’est très bien comme on dit très très bien)
A.ni. 297 : ((rires))
F.ii. 298 : malgré qu’il fait froid on rate pas ++ même si euh:: + n:: c’était
le + c’était l(e)drapeau orange
A.ni. 299 : orange wella:: (ou bien )
F.ii. 300 : mais:: tout le monde a nagé et c’était impeccable et puis demain je
prépare nchallah ! (si Dieu veut) mes=affaires et puis lundi euh:: je
dirais au revoir [à tout le monde
A.ni. 301 : [had (ces) les derniers jours taç lebHar kifach Hassit rassek ? (au bord
de la mer + comment tu étais ?)
F.ii. 302 : [zeçma (soi-disant) c’etait
A.ni. 303 : tbeÎ kulchi bkhir (tu as dis au revoir a tout)
F.ii. 304 : même la plage
A.ni. 305 : i:h! (oui)
F.ii. 306 : oui chwiyya (un peu) quand même + c’est ++ naçref belli (je sais que) je
vais retourner en France ++ enwellî:: (je retourne) euh:: à mon
quotidien
A.ni. 307 : euh::!
F.ii. 308 : à mon train train ++ quotidien + tu vois ? chépa ++ waleft (j’ai pris
l’habitude) ++ et moi waleft (j’ai pris l’habitude) à partir ++ maintenant il y
a une quinzaine de jours waleft negçoud (je me suis habituée au repos) j’sais
pas [waleft (je me suis habituée)
A.ni. 309 : [même nous
F.ii. 310 : l’ALGERIE waleftkoum ntouma (je me suis habituée à vous) ++ waleft (je me suis
habituée à) mon pays + quoi ! ça y est ++ [mon bled
A.ni. 311 : [l’ambiance taç lebHar (de la mer)
F.ii. 312 : [ça fait du bien

384
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 313 : [c’est la sixième fois ?


F.ii. 314 : la sixième fois !
A.ni. 315 : la première fois
F.ii. 316 : la première fois c’était impeccable ++ non c’était impeccable ! ++++
mais je n’(e) sais pas waleft (je me suis habituée) et ça fait bizarre de
retourner en FRANCE même si d’un côté aussi twaHacht (la FRANCE me manque)
quand même la FRANCE
A.ni. 317 : comme on dit hadi hiyya eddenya (c’est ça la vie)
F.ii. 318 : hadi hiyya eddinya (c’est ça la vie)
A.ni. 319 : chHaloumma tegçoud twelli (quelque soit le temps passé loin de chez toi tu retourneras)
F.ii. 320 : c’est la vie + bien sur ! ++ eh il faut + il faut euh + < ----- ?>
et puis on espère nchallah ! (si Dieu veut) l’année prochaine ++ on y
revient
A.ii. 321 : et demain çawed tbeÎh bkhir (tu va encore dire au revoir à) eu::h la ville
F.ni. 322 : demain + ouais + ouais
A.ni. 323 : nchallah ! (si Dieu veut)
F.ii. 324 : ça y est demain c’est le dernier jour et puis je vais acheter [des
cadeaux
A.ii. 325 : [des cadeaux !
F.ii. 326 : ouais ! quelques cadeaux nchallah ! (si Dieu veut) ++ offrir les petits
souvenirs ++ à:: des blédards qui sont temma (là-bas) et puis leur
faire plaisir ++ puis + euh nchallah ! (si Dieu veut) + déjà + bientôt
[l’ (le) ramadan
A.ni. 327 : [ncha::llah ! ! (si Dieu veut !)
F.ii. 328 : [et puis également on a préparé également le ramadan ++ j’espère
juste qu’il fasse au moins + au mois un peu chaud bech ma’nchoufouch
(pour ne pas voir) la différence \
A.ni. 329 : quelle est ++ quelle est la chose la plus=importante raki Habba
tçabbiha menna ml’ALGERIE ? (que tu veux prendre d’ici ?) + menna me TLEMCEN ?
(d’ici de Tlemcen) surtout menna me (d’ici de) TLEMCEN ?
F.ii. 330 : [Haja (une chose) importante ?
A.ni. 331 : [un souvenir euh::
F.ii. 332 : [neddiha mçaya le fransa ? (je l’emmène avec moi en FRANCE ?) ++ ntouma
ka:mel neddikoum (je vous emmène tous avec moi)
A.ni. 333 : allah ysellemek ! (que Dieu te protège !) ++ ((rires)) ++ allah ysellemek !
élla ! (que Dieu te protège !) non !
F.ii. 334 : kou nSéb ndikuoum (si je trouve comment faire je vous emmène) ++ énnoS felkaba (la
moitié dans un cabas) + énnoS fel’coffre ++ énnoS menna w’neddikoum mçaya
(et l’autre moitié dans le coffre et ++ le reste je vous emmène avec moi)
A.ni. 335 : allah ysellemek ++ zeçma:: (que Dieu te protège ++ soi-disant) les souvenirs ++
les cadeaux [ma hiyya lHaja (quelle est la chose) préférée
F.ii. 336 : [les cadeaux + euh
A.ni. 337 : [les gâteaux:: ?
F.ii. 338 : c’est plus les gâteaux einh peut être les gâteaux ou bien:: \
A.ni. 339 : Haja li zeçma + (la chose qui parait soi-disant) li (qui est) importante
F.ii. 340 : importante
A.ni. 341 : zeçma (soi-disant) < ------ ?> les gâteaux ++ wassem hiyya ? (laquelle ?)
F.ii. 342 : les gâteaux euh ++ en fin de tout ana:: (moi) c’est pas pour moi en
fait + c’est pour euh çandi (j’ai) ma famille ils=aiment [beaucoup le
gâteau
A.ni. 343 : [les gâteaux
traditionnels
F.ii. 344 : [les gâteaux
traditionnels
A.ni. 345 : comme el griwech (un gâteau traditionnel)
F.ii. 346 : bon çadna had SwalaH griwech (bon nous avons toutes ces choses le gâteau traditionnel)
tout ça + on peut les faire aussi
A.ni. 347 : les petits fours
F.ii. 348 : on a + oui on a tout ++ il y a tout là-bas + ou alors aller chez ma
mère tdirhoum (elle les fait) ++ mais moi ce que j’aime bien +++ c’est
prendre des souvenirs d’ici chépa euh des souvenirs de TLEMCEN de
tout hein ++ je sais pas + déjà les CD

385
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 349 : ah ! < ----- ?>


F.ii. 350 : je sais pas ++ la musique quoi ! Beaucoup + franchement ce que je
prends ça sera les CD
A.ni. 351 : les CD !
F.ii. 352 : les CD raï
A.ni. 353 : le raï
F.ii. 354 : raï + meddaHat (les toupes de chanteuses feminines)
A.ni. 355 : l’Andalous (la musique andalouse)
F.ii. 356 : l’Andalous ydjibli rou’Ad (le chant andalous m’endors)
A.ni. 357 : ter’Oud ? (tu dors ?)
F.ii. 358 : ça fait dormir + beaucoup + ça fait beaucoup dormir + mais c’est pas
ça ++ ma nefhemch (je ne comprond pas) en fait ++ sî je <comprendrais/ai>
pas < ------ ?> peut être j’aimerai mais Allah ghaleb (c’est plus fort que
moi)
A.ni. 359 : tu ne comprends pas ?
F.ii. 360 : non + mais le raï t’ (u) as vu + ils parlent l’arabe + le maghrébin
normal
A.ni. 361 : < ------ ?> la région ?
F.ii. 362 : la région oranai::se wella (ou bien) un peu tlemsani (tlemcenien) + le
raï + wella (ou) ça va \
A.ni. 363 : mais él Andalous (l’andalous) tu ne
F.ii. 364 : andalous [je ne comprends rien
A.ni. 365 : [walou ? (rien ?)
F.ii. 366 : absolument ++ on comprend rien
A.ni. 367 : même quand≠on est partit au:: le mariage de samedi
F.ii. 368 : ah !
A.ni. 369 : si !
F.ii. 370 : hadek él Andalous ? (l’andalous ?)
A.ni. 371 : yîh ! (oui !)
F.ii. 372 : ah ! non ! non ! + pour moi c’était du bruit
A.ni. 373 : kàmel ? (tous ?)
F.ii. 374 : non ! non ! il y a à part deux ou trois chansons ellî (que) je
connais
A.ni. 375 : yi::h ! (oui)
F.ii. 376 : donc j’ai aimé + mais [les chansons que je connaissais
A.ni. 377 : [euh < ---- ?>
F.ii. 378 : [que je connais pas
A.ni. 379 : eih DERYASSA* (oui DERYASSA) ++ les chansons
F.ii. 380 : franchement je ne sais pas vraiment ++ je connais pas + il faut pas
croire ++ il y a beaucoup de musique raï qu’on comprend pas [Hna
(nous) les=immigrés
A.ni. 381 : [mais:: le rythme
F.ii. 382 : [on aime écouter voilà le rythme wella nebghou nechetHou fihoum (ou
on veut danser sur ça) parce que c’est du bruit ++ we:: (et) le chant hakka
wella (comme ça ou) + mais pour que +++ vraiment + comprendre ++ non !
on comprend ++ quelque mots ou alors à moins que vraiment les
personnes yaçarfou (ils savent) vraiment l’arabe parfait + ils chantent
tout ils comprennent + mais la plupart
A.ni. 383 : même hna kayen élli mayhouboch hadouk (ici il y en a ceux qui n’aiment pas) les
chansons ++ kima zeçma nOulou hadouk kima fhad (comme on dit soi-disant
comme dans) la région taç TLEMSAN yHoubbouhoum hadouk (de TLEMCEN ils les
aiment) les gens [yHoubbouhoum (ils les aiment)
F.ii. 384 : [yHoubbouhoum (ils les aiment)
A.ni. 385 : [yi:h yHoubbouhoum (oui ils les aiment)
F.ii. 386 : w’yak ! (ah bon !)
A.ni. 387 : comme les gens li chwiyya (qui sont un peu) ++ cinquantaine + soixante
ans yHoubbou hadik él gaçda (ils aiment cette ambiance) ++ yOulou « hna él
gaçda » (ils disent c’est ça l’ambiance)
F.ii. 388 : lgaçdat taç l’Andalous (l’ambiance de l’andalous)
A.ni. 389 : l’Andalous (l’andalous)

*
DERYASSA est un chanteur algérien.

386
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 390 : mais ils peuvent pas danser temmak ma:: (là-bas c’est)
A.ni. 391 : mais ykheShoum yestghellou machi euh (is veulent écouter et pas euh)
F.ii. 392 : ah ! d’accord ++ c’est comme si≠ils regardaient dans un cinéma:: ils
préfèrent [écouter
A.ni. 393 : [écouter
F.ii. 394 : [d’accord ! C’est pas ++ c’est pas ++ comme au cinéma ana
manekdebche çlik (je ne te cache pas) ++ je présumerais ++ je souhaiterais
+ c’est euh:: apprendre ou bien [comprendre
A.ni. 395 : [comprendre
F.ii. 396 : comprendre les cassettes du Coran ++ ouais
A.ni. 397 : euh::! euh::!
F.ii. 398 : parce qu’il nous met des cassettes du coran mais on ne comprend pas
+++ rien de A à Z walou :: (rien)
A.ni. 399 : walou (rien) < ----- ?> tu parles bien l’arabe !
F.ii. 400 : je parle bien l’arabe parce que c’est des mots entre guillemets +
c’est l’argot + c’est l’argot c’est [l’arabe familial (elle veut dire par là
familier)
A.ni. 401 : [et lçarbiyya el foSHa tina
matefhemhach ? (l’arabe classique tu ne le comprends pas ?)
F.ii. 402 : [ellougha él çarabiyya ? (la langue
arabe classique?)
A.ni. 403 : ellougha él çarabiyya ! (la langue arabe classique!)
F.ii. 404 : non::! rien + rien ++ rien
A.ni. 405 : tu l’as appris à l’école ?
F.ii. 406 : < ----- ?> oui quand j’étais toute petite mais on a pas hadik (cette)
la langue Hna (nous) + la deuxième langue [c’est l’anglais
A.ni. 407 : [l’anglais !
F.ii. 408 : [franco ++ euh franco-
anglais + mais vraiment + vraiment quand je met hakka (comme ça) le
Coran à la maison ++ j’ai vraiment < ----- ?> + je comprends
j’aimerais apprendre [le Coran
A.ni. 409 : [le Coran
F.ii. 410 : [ah ! C’est vraiment mon souhait le plus cher
++ je me sens franchement quand j’(e) l’écoute + je me sens ben
parce que ++ je suis un peu:: ykhoSni (il me manque) en fait + il me
manque quelque chose
A.ni. 411 : tous les jours tu écoutes le Coran
F.ii. 412 : ouais tous les jours + mais ykhoSni (il me manque) quelque chose quand
j’écoute le Coran + ykhoSni (il faut) le comprendre
A.ni. 413 : [tefhem ? (tu comprends ?)
F.ii. 414 : [smaçti (tu as entendu) j’ai un Coran éssetine (le Coran complet)
A.ni. 415 : [en français ?
F.ii. 416 : j’ai le Coran le settine (le Coran complet)
++ settine (le Coran complet) en français et en arabe ++ et donc j’ai lu
le Coran en français pour bien comprendre ce qu’il disait [en arabe
A.ni. 417 : [et en
arabe ?
F.ii. 418 : [en arabe
non je ne lis pas ma naçrefch neqra (je ne sais pas lire)
A.ni. 419 : mmh !
F.ni. 420 : [donc voilà !
A.ni. 421 : [dommage !
F.ii. 422 : [donc malgré que j’ai appris chettî (tu as vu) les soura d’el fatiHa (la
sourat de la FatiHa, de l’ouverture) + « qoul houwwa Allahou aHad » (Dis : ‘lui Dieu est
unique’) et puis deux autres aussi que je sais pas ++ je ++ je ne sais
pas trop [comment ça s’appelle
A.ni. 423 : [ettaHiyya* ? (la salutation)?
F.ii. 424 : non ! ++ les sorat (sourat) ++ d’autres soura (sourat) + mais euh:: ça
c’est ++ j’ai des livres en [français
A.ni. 425 : [comment tu fais la prière ?
F.ii. 426 : [j’ai des livres en français ++ je fais

*
Rituel pratiqué à la fin de chaque prière.

387
Annexes Transcriptions des conversations

la prière + mais j’ai des livres en français + j’ai dû les


comprendre + les traduire en français et puis j’ai compris qu’est ce
que c’est + ce que ça veut dire
A.ni. 427 : tu as fait des efforts ?
F.ii. 428 : des efforts dans quoi ?
A.ni. 429 : pour apprendre le Coran !
F.ii. 430 : pour apprendre !
A.ni. 431 : pour apprendre le Coran !
F.ii. 432 : j’ai essayé mais très dur [pour que ça rentre dans ma tête
A.ni. 433 : [même nous c’est dur
F.ii. 434 : [le Coran ?
A.ni. 435 : el (le) < ----- ?> mois f’ (pendant) le mois de ramadan éh ana kich
n’Oulek (comment te dire) les trente jours taç ramdan (du ramadan)
F.ii. 436 : oui !
A.ni. 437 : na°Arah kamel (je lis en entier) des fois + deux fois + trois fois mais
bessaH pour apprendre je ne peux pas
F.ii. 438 : t(u)arrives pas ! quoi !
A.ni. 439 : eih ! (oui !)
F.ii. 440 : pourtant au contraire moi [si j’avais l’occasion
A.ni. 441 : [pour apprendre rien que les essorat li +
di Sghar (les petites sourates)
F.ii. 442 : [d’accord
A.ni. 443 : franchement
F.ii. 444 : si j’avais l’occasion ana nehdar (moi je parle) comme nta tgoullî
ellougha el çarabiyya + ma nekdebch çlik (toi tu dis la langue arabe classique + je
ne te cache pas) j’aurais fait mon possible d’apprendre le maximum de
sorat (sourats) +++ wallah ! (je te le jure) ++ comme ça lah ghaleb (c’est plus
fort que moi) il y a des moments je les écris sur du papier et [j’essaye
d’apprendre
A.ni. 445 : [et tu ne peux pas ?
F.ii. 446 : si ! + si ! + si ! je fais hakka (comme ça) et j’apprends
A.ni. 447 : eih ! (oui !)
F.ii. 448 : ouais ! mais euh:: mmh mmh ! kima goutli (comme tu as dis) c'est-à-dire
il faut:: il faut avoir la volonté + bon Hamdoullah ! (Dieu soit loué) on
a la foi et puis j’espère nchallh ! (si Dieu veut) qu’on continuera sur
ce chemin
A.ni. 449 : l’essentiel baçda rak (au moins tu) tu comprends + tu essayes
F.ii. 450 : j’essaye
A.ni. 451 : essaye d’pprendre essaye d’apprendre le Coran
F.ii. 452 : ouais !
A.ni. 453 : même +++ tu aimes la danse ++ les chansons raï tout kamel had (toutes
ces) les chansons whad (une) l’ambiance w’hada hawwada rak wellit l’ (et
cette ambiance et voilà tu es revenu aux) les choses importantes le \
F.ii. 454 : hadi li SHiHA (c’est ça ce qui est solide) en fait \
A.ni. 455 : Haja li rabbi yHoubha (la chose que Dieu aime)
F.ii. 456 : et puis chez nous çadna (nous avons) ++ si tu veux Hna tani (même nous)
il y a beaucoup quand même de musulmans ++ en FRANCE
A.ni. 457 : ana yballi çawed çla (il me semble que c’est à cause de) l’entourage
F.ii. 458 : oui l’entourage là-bas ?
A.ni. 459 : l’entourage < ----- ?>
F.ii. 460 : non ! non !
A.ni. 461 : le père:: la mère:: et
F.ii. 462 : eh je te dis ++ euh je te dis franchement lHamdullah ! + kayen li
temma (Dieu soit loué + il y en a là-bas) + les=enfants ils sont comme ça
musulmans et tout + w’kayen waldihoum (et il y en a dont les parents) + [non !
A.ni. 463 : [non !
F.ii. 464 : w’kayen (et il y en a) + le contraire waldihoum (leurs parents) musulmans et
les=enfants non + [ils sont pas
A.ni. 465 : [ça dépend de l’entourage
F.ii. 466 : [ils sont pas musulmans
A.ni. 467 : même hna (ici) en ALGERIE
F.ii. 468 : oui là zeçma (soi-disant) \
A.ni. 469 : l’entourage elli ykoun mliH (quand il est bien) bien ++ tarbiyya Hassana (la

388
Annexes Transcriptions des conversations

bonne éducation) < ----- ?> tarbiyya Hassana w’hada (la bonne éducation et tout ça)
+++ les=enfants lewlad yeTTelçou lHamdullah ! (les enfants grandissent bien)
w’(et) l’entourage ila makanch (et s’il n’y a pas) ++ [ça va pas
F.ii. 470 : [l’influence ++
l’entourage
A.ni. 471 : wyak ? (c’est ça ?)
F.ii. 472 : et là-bas [etterbiyya (c’est l’éducation)
A.ni. 473 : [etterbiyya (l’éducation) + on dit terbiyya (l’éducation)
F.ii. 474 : oui terbiyya (l’éducation)
A.ni. 475 : [terbiyya lHassana c’est (la bonne éducation)
F.ii. 476 : [et là-bas bach ngoullek tani (pour te dire aussi)
A.ni. 477 : [c’est très=important
F.ii. 478 : il y a même des Françaises qui sont musulmanes
A.ni. 479 : < ------- ?>
F.ii. 480 : [des Française ouais !
A.ni. 481 : [des Française ?
F.ni. 482 : [qui mettent le Hijab (le voile) euh et tout ++ les Chinoises + bon les
Chinoises rares li ydirou lHijab (celles qui mettent le voile) à part les < --
---- ?> mais des Françaises beaucoup ++ des Françaises ++ beaucoup
de Français !
A.ni. 483 : tu m’as dis que même les Français et les Chinois ySomou (ils font le
carème)
F.ii. 484 : il y en a mais pas tous + euh + balek (peut être)
A.ni. 485 : chwiyya ? (un peu ?)
F.ii. 486 : un petit pourcentage + mais quand même ++ pourquoi + parce que la
Française elle est mariée mça (avec) l’immigré
A.ni. 487 : yîh ! (oui !)
F.ii. 488 : fhemti ? (tu as compris ?) est l’immigrée mariée mça l’ (avec le) + l (le) + l
(le) + eu + le Français est marié mça (avec) l’immigrée + tu as
compris ?
A.ni. 489 : oui !
F.ii. 490 : il y a des métissés là-bas ++ il y a beaucoup de métissés tani (aussi)
donc ++ mais bon ++ hadi (cela) + ça dépend d’eux et ++ voilà +++
A.ni. 491 : <quel/le/s> sont les <amie/s> ?
F.ii. 492 : mes <ami(e)> ? où ? en FRANCE wella hna ? (ou ici ?)
A.ni. 493 : en FRANCE !
F.ii. 494 : j’ai pas beaucoup <d’ami(e)s> en fait ++ pas beaucoup +++ [j’ai une
amie SAFIA
A.ni. 495 : [ancienne
F.ii. 496 : < ----- ?> ancienne SAFIA ++ celle-ci + et une amie française SANDRINE
A.ni. 497 : elle s’appelle SANDRINE ?
F.ii. 498 : mais SAFIA + bon + occupé ++ des=enfants ++ deux=enfants::: elle
travaille + elle est occupée et SANDRINE ++ elle aussi elle travaille
beaucoup
A.ni. 499 : elle a des=enfants
F.ii. 500 : non: SAFIA elle a des=enfants + c’est ce que je t’ai dis \
A.ni. 501 : et SANDRINE ?
F.ii. 502 : et SANDRINE ! non elle n’a pas d’enfants mais c’est ++ elle travaille
A.ni. 503 : mariée ?
F.ii. 504 : non ! elle a un ami et elle travaille en déplacement ++ donc je la
vois rarement mais c’est une + c’est une de mes ++ et cette fille là
beaucoup même je dirais comme une sœur
A.ni. 505 : < -------- ?>
F.ii. 506 : SANDRINE ++ depuis qu’on est toutes jeunes on a balek (peut-être) ++
dix=huit=ans ++ on est < ----- ?> ensemble et SAFIA depuis que j’ai
++ ana çandi (moi j’ai) quinze=ans whiyya (et elle) treize=ans hiyya (elle)
A.ni. 507 : yi::h Sghira çlik ! (oui plus petite que toi !)
F.ii. 508 : wah ! (oui!) et ça < ----- ?> on se connaît + mais beaucoup + beaucoup
SANDRINE wellah ! (je te le jure) ++ bon ce ++ je n’est pas d’amis et mon
quotidien mçahoum (avec elles) ++ on se voit vraiment une fois par mois
+ deux fois ++ même quand je n’étais pas mariée ++ j’étais chez mes
parents euh ! nchoufhoum beSah qlil (je les voyait rarement) c'est-à-dire
temma lInsan ++ [qlil zeçma \ (là-bas l’individu ++ rare où soi-disant)

389
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 509 : [makanch (il n y a pas) le temps


F.ii. 510 : [ses amis +++ voilà il y a pas beaucoup de temps ++ il rentre il est
fatigué ++ il va se doucher et dormir + voilà + c’est tout et puis
hadou (ces) bon à part hadou (ces) les jeunes [ceux qui ne travaillent
pas et tout ça
A.ni. 511 : [même les week end
F.ii. 512 : non justement [le week end est résevé
A.ni. 513 : [rien que le week end
F.ii. 514 : [réservé à la famille
A.ni. 515 : hmm !
F.ii. 516 : les week end ++ le samedi et le dimanche franchement ++ [c’est
réservé à la famille
A.ni. 517 : [la
famille
F.ii. 518 : soit les filles ou alors bon:: les=enfants mça (avec) leurs parents
hadou (ces) les couples avec leurs=amis wella mça (avec leurs maris) leurs
maris yekhourjou baçdhoum (ils sortent ensemble) mais bach (pour) on se voit
++ rarement wellah ! (je te le jure) ++ on veut se reposer le week end [et
en plus mça (avec) le temps
A.ni. 519 : [vraiment
mça (avec) le climat
F.ni. 520 : le climat vraiment il est triste mais grave bezzaf (trop) vraiment il
est triste
A.ni. 521 : il pleut ? tekrah (tu es dégoûtée)
F.ii. 522 : ah ! il pleut vraiment dans un mois ++ il va pleuvoir balek (peut être)
vingt jours dans un mois fe’chta (en hivers) ou alors \
balek (peut être) une semaine wella (ou) deux semaine ma toukhrjouch ki
tkoun hakdek echta ? (vous sortez quand il pleut ?)
A.ni. 523 :
F.ii. 524 : non ++ on sort + on est obligé de faire notre vie + euh + AMARIA
A.ni. 525 : même avec le nouveau né ?
F.ii. 526 : wah ! (oui !) wah ! (oui !) Nouveau né wella mchi (ou même si ce n’est pas un)
nouveau né
A.ni. 527 : même avec le nouveau né ?
F.ii. 528 : sinon comment tu veux vivre ++ comment tu veux gagner ton pain ?
bessif çlik (tu es obligée) donc
A.ni. 529 : pour le moment tu ne travailles pas ?
F.ii. 530 : non + non je ne travaille pas ++ je vais élever ma fille +++ elle
m’a ramené un très beau cadeau ++ el Hamdullah ! ++ (Dieu soit loué) mais
nchalah ! (si Dieu veut) je souhaite comme je l’ai dit ++ comme je te
l’ai déjà dit ++ je travaille dans l’aéroport wella (ou bien) dans le
paramédical
A.ni. 531 : maintenant ++ il y a huit mois
F.ii. 532 : oui huit mois !
A.ni. 533 : tu vas passer deux=années sans travail ?
F.ii. 534 : j’ai passé ?
A.ni. 535 : élla (non) tu vas passer
F.ii. 536 : encore [deux années=sans travail !
A.ni. 537 : [deux années=sans travail
F.ii. 538 : [pourquoi ?
A.ni. 539 : avec euh +++ à cause de ta fille
F.ii. 540 : pourquoi + pourquoi + tu me dis ça pourquoi tu me demande de rester
deux=ans
A.ni. 541 : élla çla khaTer ki (non parce que quand) [comme on dit
F.ii. 542 : [hadri bel çarbiyya (parle en arabe)
A.ni. 543 : zeçmak ++ ki ntina tkoun tekhdem ++ bentek kifach ? < --- --- ?> (soi-
disant ++ quand tu es au travail + ta fille comment ?)
F.ii. 544 : ah ! bein ++ il faut s’organiser
A.ni. 545 : t’organiser ?
F.ii. 546 : bien sûr !
A.ni. 547 : il faut s’organiser
F.ii. 548 : il faut l’inscrire [dans
A.ni. 549 : [une crèche
F.ii. 550 : [dans=une crèche + il faut t’inscrire à l’avance

390
Annexes Transcriptions des conversations

+ un an + un an
A.ni. 551 : un an:: ?
F.ii. 552 : ou six moi çla khatch (parece que) les crèches + ils ont quoi ++ une
vingtaine ou une trentaine de places pour un quartier < ----- ?>
deux milles personnes wella + chHal (ou + combien) il faut
s’organiser::
A.ni. 553 : chHal kayen m’ la (il y a combien de) crèche ? fe (à)
F.ii. 554 : une dans un + quartier + [dans un quartier
A.ni. 555 : [dans un quartier ++ une !
F.ii. 556 : [oui une ++ et encore rare + tu trouves
dans un quartier ++ il faut s’organiser ++ tu l’(a) mets < ----- ?>
dans une baby-sitter c’est pour ça < ----- ?> baby-sitter tu payes
les gens TkhalSéhoum (tu les payes) ++ lghachi (les gens) ++ ou alors ta
famille:: + et je vais + [je vais voir
A.ni. 557 : [et comme ça tu travailles
F.ii. 558 : [je vais voir ++ mais franchement je
laisserais pas ma fille comme ça çand (chez) n’importe qui wella (ou
bien)
A.ni. 559 : [yîh::! (oui !)
F.ii. 560 : [wella (ou bien) je travaillerais pas w’ken (si) + je préfère nrabbi
benti (élever ma fille) + euh que aller + je ne sais pas + travailler
A.ni. 561 : eyballî machi kamel + (il me semble que ce ne sont pas tout) les gens çandhoum
had (ils ont cette) la mentalité +++ waHda lewkan t’OUlek (il y a celles qui te
disent) +++ benti rah çandha (ma fille elle a) six mois wella ++ (ou bien ++)
huit mois ça y est nçabbiha ++ l’Ha (je l’emmène dans ++ à une) +++ la
crèche wella l’Ha (ou bien chez une) la nourrisse [et je travaille
F.ii. 562 : [ouais y en a beaucoup
A.ni. 563 : [le travaille c’est
l’essel’essentiel
F.ii. 564 : y’en a beaucoup euh qui
A.ni. 565 : parce que c’est
F.ii. 566 : ah ! oui ! oui ! bien sûre qu’il y a plein + plein de monde + pleine
de famille là qui travaillent euh ++ elle travaillent qui laissent
leur bébé qui z=/=ont trois mois
A.ni. 567 : trois mois ?
F.ii. 568 : trois mois + il les laisse
A.ni. 569 : c’est dur
F.ii. 570 : la crèche c’est à partir c’est à partir de [quatre mois
A.ni. 571 : [quatre mois
F.ii. 572 : [ouais ! la crèche + et
puis euh +
A.ni. 573 : tu ne peux pas
F.ii. 574 : bon euh !
A.ni. 575 : [tina (toi) + tina? (toi?)
F.ii. 576 : [moi ?
A.ni. 577 : [bach tkheli bentek moulat (pour laisser ta faille de) quatre mois !
F.ii. 578 : non ! personnellement ma nedjemch (je ne peux pas) ++ impossible
impossible ma nedjemch (je ne peux pas) vraiment
A.ni. 579 : loukane Hatta ykoun (même si c’est) un travail taç (de)
F.ii. 580 : [non ! même si
A.ni. 581 : [tu:: < ------ ?>
F.ii. 582 : non ! même si
A.ni. 583 : tu gagnes
F.ii. 584 : elbgha nkoun (même si je serais) je dois être la secrétaire de JAQUES CHIRAC
+ la secrétaire de JAQUES CHIRAC non ! + je ne peux pas ++ je peux pas
++ non ! + non ! + je
A.ni. 585 : Haja ghaya (c’est une bonne chose)
F.ii. 586 : non ! non ! + je ne peux pas ++ déjà là lewkan tchouf (si tu vois) le
temps kou nHawwes (si je cherche) ++ le temps que je ++ vais voir ++
j’(e)vais me débrouiller pour les formations déjà + elle débutent
tôt ++ nchallah ! (si Dieu veut) + déjà en janvier ++ elle aura un an
nchallah ! (si Dieu veut) + on verra déjà ++ je vais voir ++ mais bon
pour bach nkhillaha çand waHda w’nemchi hakka manaçrafhach + walou

391
Annexes Transcriptions des conversations

(pour la laisser seule et je pars comme ça sans rien savoir d’elle) ++ c’est pas possible
A.ni. 587 : ma tkounch (tu ne seras pas) à l’aise ?
F.ii. 588 : non ! non ! je (ne) suis pas à l’aise ?
A.ni. 589 : tu ’(ne) te sens pas à l’aise ?
F.ii. 590 : mais + bon bref on + sinon euh
A.ni. 591 : sinon we zeçma (et soi-disant) ++ est-ce que les crèches + [les crèches ?
F.ii. 592 : [ghali (c’est chèr)
A.ni. 593 : [wella (ou bien) + les crèches ++ kima zeçma (comme soi-disant) les
crèches ghaliyen (sont chères) + kima zeçma (comme soi-disant) les crèches
taçkoum kifach ? (vos crèches comment elles sont ?)
F.ii. 594 : est ce que ++ s’ils étaient chères ou pas ? C’est ça ?
A.ni. 595 : oui !
F.ii. 596 : oui:: quand même ça dépend en fait ++ çandek (tu as) les crèches li
çandhoum (qui ont) ++ euh + çadna (nous avons) les=organismes li yendjmou
ykhellSo çlina (qui peuvent nous payer) une partie
A.ni. 597 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 598 : mais pas tout einh + et Hna nHaTTou (nous on participe) quand même un peu
++ un peu de flouss + euh nhaTTou (d’argent + euh on participe)
A.ni. 599 : hakda tkoun (comme ça tu seras) sûre bellî bentek tkoun f’ (que ta fille est dans)
un endroit sûre
F.ni. 600 : je préfère la crèche ghaya (c’est bien) ++ je préfère ++ [je préfère
A.ii. 601 : [< ---- ?> déjà
F.ni. 602 : [tu est à
l’aise et en plus lmaqama (la considération) impeccable ++ vraiment + ils
prennent soin de ton bébé hadou houma taçhoum (c’est leur)
A.ni. 603 : OUlli (dis moi) + ta sœur elle a deux filles ?
F.ii. 604 : non elle a une fille et un garçon
A.ni. 605 : mais une fille + bessaH f‘ (mais à) la crèche ?
F.ii. 606 : non ++ elles sont à l’école
A.ni. 607 : elles sont à l’école
F.ii. 608 : oui à l’école depuis déjà l’âge de deux=ans ils sont à l’école

NB : Nous tenons à signaler que l’enregistrement a été interrompu suite un problème


technique c’est pourquoi nous n’avons pas pu enregistrer la suite de la conversation.

392
Annexes Transcriptions des conversations

Conversation 2
Participantes : FARIDA (F.ii) immigrée et AMARIA (A.ni) non-immigrée.
Durée : 26 minutes 05 secondes.
_______________________________________________________________________________

F.ii. 001 : bonjour + essalam (bonjour) + ça va ?


A.ni. 002 : ça va + lHamdoullah ! (Dieu soit loué) + et toi ?
F.ii. 003 : ouais:: + ça va:: j’(e) suis un peu trop:: euh + enfin un peu trop dég
+ de rentrer ++ demain nchallah ! (si Dieu veut) c’est le départ ++ et puis
bei:n comme + tous + tous les=ans quoi + on va prendre le bateau euh::
demain soir + espérant nchallah ! (si dieu veut) il n’y aura pas de retard +
parce que:: vraiment < ----? >
A.ni. 004 : toujours le problème du retard
F.ii. 005 : ah ! ouais ! ++ toujours + toujours + tout le temps quoi + donc chez +
comme on dit chez laçreb (les Arabes) + il y a toujours du retard euh ::
A.ni. 006 : même l’avion ++ même l’avion
F.ii. 007 : même l’avion
A.ni. 008 : l’avion euh::
F.ii. 009 : mais bon espérons demain nchallah !  (si Dieu veut) euh + le bateau soit à
l’heure et que tous les gens  rahoum temma  (ils sont là-bas) + les
douaniers  ils nous posent pas de problèmes + parce que çadna (nous
avons) notre billet puis on a ::: + on a nos billets on les a payé + on a
les billets Ok et puis nchallah ! (si Dieu veut) j’espère que  on passera
sans problèmes nchallah ! (si Dieu veut) et puis qui xx auraient pas autant
de monde qu’on a eu les=autres=années + et des bateaux en retard
etcetera ++ j’espère nchallah ! (si Dieu veut) que ça se passe bien
A.ni. 010 : nchallah ! (si Dieu veut)
F.ii. 011 : < ------ ?> j’espère nchallah ! (si Dieu veut) + laçqouba lelçam ljay
nchallah ! (pourl’année prochaine si Dieu veut)
A.ni. 012 : inchallah ! (si Dieu veut)
F.ii. 013 : et puis bientôt euh + + de toute façon l’année elle passe + ça passe
vite surtout pour quelqu’un qui travaille
A.ni. 014 : qui travaille
F.ii. 015 : donc franchement euh::: vous allez tous me manquer + gaç (tous)
les=Algériens malgré + malgré + malgré chwiyya (un peu) ++ mais
franchement je trouve que les=Algériens ils=ont beaucoup de travail à
faire ++ yak (dis donc) t’(u)as vu aujourd’hui [on est sorti
A.ni. 016 : [dans les + dans les
magasins
F.ii. 017 : [on est sorti ++ mais je
trouve franchement rahoum khchan (ils sont durs) [trop
A.ni. 018 : [bezzaf (trop)
F.ii. 019 : c'est-à-dire tu leur achètes quelque cho::se dans=une + dans=une
boutiquE ++ enfin je ne sais pas quand tu t’achètes quelque chose c’est
toujours bezzga (avec des engueulades) +++ toujours ils sont énervés + j’ai
remarqué euh :: \
A.ni. 020 : surtout les magasins + quand + euh + où ils vendent les vêtements pour
femmes
F.ii. 021 : oui + oui + les prêts-à-porter ? oui t’as vu ça mais moi aussi j’étais
choquée tout=à l’heure + j’ai acheté un p’tit sac + un p’(e)tit sac à
main + et bon :: il y avait un petit défaut ++ quand je lui ai demandé
de + de m (e) l’échanger ++ il a + il m’a pas répondu en fait il m’a
dit « tu prends ce(l)ui là ou tu prends pas » quoi ++ alors que ::
c’est dommage wellah el çadém ! que Hna çaddna (je le jure nous nous avons) chez
nous + enfin chez nous en FRANCE l’Europe +++ le client est roi
A.ni. 022 : c’est pas pareil

393
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 023 : le client est ROI


A.ni. 024 : euh !
F.ii. 025 : wellah ! (je le jure) +++ du moment que le client est roi ++ donc ils
chouchoutent le client + Hna (nous) dès qu’on rentre + ils nous disent
déjà BONJOUR +++ « est-ce qu’on peut vous aider » + « voici les
cabines etcetera » non je veux dire vraiment il m’a ::: +++ pourtant
A.ni. 026 : toujours + il y a des problèmes
F.ii. 027 : ah ! beaucoup einh ! pourtant j’étais très poli :: je lui ai demandé un
article « galli walou (il m’a dit ça ne fait rien) tu prends ce’(l)ui-là wella::
gçoud » (ou laisse) ++ et j’étais à deux doigts de ne pas le prendre bessaH
goulT eyya (mais je me suis dit aller) bon maçlich (ça ne fait rien) + matsaçafhouch ++
mnervi (ne l’écoute pas ++ il est nerveux) trop nerveux +++ ça m’a marqué c’est
[pour ça que
A.ni. 028 : [oui !
F.ii. 029 : [j’en parle ça m’a touché quoi ! et dehors aussi +
t’(u)as vu hadou (ces) le hmm les gens qui se bagarrent dehors yedragou (il
draguent)
A.ni. 030 : oui !
F.ii. 031 : ils sont sans gène bla (sans) respect + ma bqa (il n y a plus de) respect
A.ni. 032 : walou (rien) même les femmes
F.ii. 033 : wa::lou: (rien) + wlaou (rien)
A.ni. 034 : même les femmes !
F.ii. 035 : wah ! (oui !) + wah ! (oui !)
A.ni. 036 : çamline (on faisait) la chaîne + tedkhoul fik (elle te bouscule) normal
F.ii. 037 : normal + ils disent pas pardon
A.ni. 038 : ils disent pardon !
F.ii. 039 : il y a pas excuse moi + [il ya pas enfin !
A.ni. 040 : [il n’y a pas
F.ii. 041 : [aujourd’hui machi (ce n’est pas) + j’(e) suis en
train comment dirais-je c’est pas que j’suis entrain mh ((soupirs)) ++
de donner des défauts aux=Algériens c’est pas ça c’est que:: bon
partout les gens ne sont pas parfaits + mais ++ c’est-à-dire
qu’aujourd’hui ça m’a rappelé en fait euh que + que c’est vrai
les=Algériens ils=étaient beaucoup [nerveux
A.ii. 042 : [nerveux
F.ii. 043 : [et euh cela dit
A.ni. 044 : [trop de problèmes
F.ii. 045 : ils veulent pas discuter ++ et puis voilà quoi + et puisqu’on parle
mçahoum yaHasbou raHna [meddabzinehoum (avec eux ils pensent qu’on est fâché)
A.ni. 046 : [oui:: 
F.ii. 047 : [alors que pas du tout quoi ! pas du tout + pas
du tout + + donc voilà quoi ! + j’ai acheté deux trois choses + et en
plus que j’ai acheté + se sont des CD + bien sûre + je les=ai bien
acheté + je suis très contente +++ par contre + la personne hadek (celui
chez) qui on xx a acheté le + vendu plutôt les CD vraiment très
très=aimable
A.ni. 048 : il était content
F.ii. 049 : ah ! très=aimable ! et très content + çlach ? (pourquoi ?) parce que eddit
lhoum mennah bezzaf (parce que j’en ai pris beaucoup)
A.ni. 050 : < ------?> comment on dit ? jebtlou (je lui ai attiré) [les clients
F.ii. 051 : [oui j’avais attiré
A.ni. 052 : [ki gçadna < -------- ?>
(quand on est resté)
F.ii. 053 : j’avais attiré [beaucoup
A.ni. 054 : [de clients
F.ii. 055 : [beaucoup de clients parce que bon voilà ils=ont vu
qu’il y avait deux femmes :: dans leur + la table sur la ta ++ dans la
table qui vendait les CD donc cinq femmes sont=arrivées + on les=a
attiré [zeçma (soi-disant)
A.ni. 056 : [oui !
F.ii. 057 : mais franchement lui par contre il était très=aimable einh ! mais
deux=autres personnes ++ t’as vu l’autre ++ le vieux également la
personne âgée hadek (celui) qu’on lui a demandé de nous rendre laçbaya (la

394
Annexes Transcriptions des conversations

djellaba)
A.ni. 058 : einh !
F.ii. 059 : laçbaya (la djellaba) blanche
A.ni. 060 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 061 : c'est-à-dire bessif (obligé)
A.ni. 062 : il est nerveux
F.ii. 063 : non ! non !
A.ni. 064 : bessif tçabbi (ils t’obligent d’en prendre)
F.ii. 065 : voilà moi j’ai voulu que::  qu’il me fasse montrer une robe de /
A.ni. 066 : < ------ ?>
F.ii. 067 : jellaba (djellaba) + je ne sais pas comment on appelle ça + qechaba (djellaba
pour hommes) vous=appelez ça comment ?
A.ni. 068 : qechaba yih qechaba (djellaba pour hommes oui djellaba pour hommes) +++ pour=hommes
F.ii. 069 : yih ! (oui !) je voulais juste ywerri + ywirrihali + hada maken (qu’il me la
montre + seulement pour me la montrer)
A.ni. 070 : ella (non) parce que < ----- ?>
F.ii. 071 : lui + il me l’a fait montrer il me donne le prix euh:: « voilà soixante
mille + Teddiha bessif » (tu dois la prendre)
A.ni. 072 : ma’t dérangéhch (tu ne doit pas le déranger)
F.ii. 073 : quand je lui ai dit non::
A.ni. 074 : tkhelleS + tkhelleS ++ teddi wella gouçdi (tu payes + tu payes + tu prends ou tu
laisses)
F.ii. 075 : ah ! moi ça m’a touché ! ça m’a choqué ++ ki gouTlah (quand je lui ai dit) non
bein voilà:: je prends pas c’est pas que je les prends pas + je voulais
juste voir comment + quel genre c’était ++ ah:::  Tzaçaq biyya:: 
xxx (tu te moque de moi) tu parles hna (ici) c’est pas obligé + je veux dire ++
c'est-à-dire les commerçants ils te forcent à acheter c’est du forcé
nçayToulah + Hna nçayToulah (comme on dit + c’est comme ça qu’on l’appelle nous)
A.ni. 076 : hmm !
F.ii. 077 : franchement c’est du forcé + yih ! (oui !) ça n’a rien à voir avec le ::
franchement le monde c’est à dire les règles commerciales hna (ici) en
ALGERIE
A.ni. 078 : ils ne respectent pas
F.ii. 079 : bon mchi kamel (ce n’est pas tous) euh + pas tous einh ! mais [c’est-à-dire
A.ni. 080 : [le + le jeune
elli mchinalou (chez qui on est allé)
F.ii. 081 : oui !
A.ni. 082 : qui la ++ qui vend les maquill/++ [les cosmétiques
F.ii. 083 : [les maquillages
A.ni. 084 : il est gentil
F.ii. 085 : le quel ? oui bien sûr + très + très ++ pourquoi parce que + il sait
qu’est-ce que c’est hadi (cette) la valeur taç (de) le client ++ il sait
donc + ana brouHi (moi personnellement) je suis commerciale + euh ++ enfin
hadou (ça fait) ça fait cinq ans que je travaille que dans le commerce
A.ni. 086 : éh !
F.ii. 087 : we Hna (et nous) on a appris à être poli respecté xx respectueux Hna çadna
(nous nous avons) le client + c’est roi + c’est un::: vraiment c’est le
chouchou taçna (notre chouchou) le client
A.ni. 088 : hmm !
F.ii. 089 : zeçma houwwa yechri (soi-disant lui il achète) on lui donne des cadeaux + en plus
bein pourquoi + parce qu’il nous [achète kima (comme)
A.ni. 090 : [kima moul (comme celui qui vend) les CD
F.ii. 091 : le CD xxx commercial
A.ni. 092 : oui !
F.ii. 093 : il m’a offert un CD +++ ça je trouve que c’est bien +++ et normalement
++ normalement hadi hiyya (c’est ça) la règle ++ commerciale + c’est qu’il
y a toujours pratiquement toujours faire un geste commercial pour à la
fin attirer le client
A.ni. 094 : yih Farida (oui FARIDA)
F.ii. 095 : mais franchement hada (ça) xx j’ai vendu ++ enfin j’ai acheté le:: sac à
main ++ franchement ça me donne envi d’y retourner + wellah lçadém ! (je
le jure)

395
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 096 : oui ! + oui !


F.ii. 097 : ça me donne envi galbi (mon cœur) c’est dur yengham min euh hderli hakka
(j’ai la boule quand il me parle comme ça)
A.ni. 098 : pourtant il les vend moins cher çla (que) les magasins
F.ii. 099 : oui !
A.ni. 100 : mais çla balek + chetti (tu sais + tu as vu) les magasins elli men temma msaken
ma ybiçouch (d’à côté ils ne vendent pas) + le seul houwwa elli + çla khaTer
m’euh :: (lui qui + parce que)
F.ii. 101 : il a beaucoup ++ il a beaucoup de clients + + en plus
A.ni. 102 : ella:!  (non !)
F.ii. 103 : franchement il y avait des clients +++ balek (peut être) il était euh::  +
nerveux + alors +++ normalement il aurait dû fraH (être content) normalement
que::  + qu’il voit tous ce monde dans sa boutique
A.ni. 104 : dans sa boutique + ouais !
F.ii. 105 : et que j (e) ne sais pas + yelga (il ne trouve) même pas le client + il lève
la tête enfin il baisse sa tête plutôt ++ non walou wellah ! (rien je te le
jure)
A.ni. 106 : je ne sais pas
F.ii. 107 : il n’a pas été souriant mça:: (avec) +++ ma kanch had (il n’y a pas) geste
zeçma:: (soi-disant)+ bienvenue wella (ou bien) je n’sais pas ::
A.ni. 108 : ma kanch (il n’y a pas)
F.ii. 109 : mchi zeçma:: (non c'est-à-dire) je manque ++ pratiquement kamel (tous) en ALGERIE
hakda (sont comme ça) +++ j’ai remarqué dans les magasins + makench (il n’y a
pas)
A.ni. 110 : et oui !
F.ii. 111 : ils font rien ++ [wellah ! (je le jure)
A.ni. 112 : [euh !
F.ii. 113 : [wellah ! (je le jure) ils bougent pas + euh ils parlent
pas en fait ils disent pas bienvenu euh « est-ce que j’ai besoin de +++
est-ce que vous avez besoin de quoi que ce soit ++ non rien +++ rien du
tout »
A.ni. 114 : tu as acheté tou(s) les choses que tu veux ?
F.ii. 115 : ah oui ! heureusement maintenant + j’ai tout=acheté euh + + enfin j’ai
acheté des petits cadeaux là + des + des + des petits souvenirs
A.ni. 116 : ayya el Hamdoullah ! (Dieu soit loué)
F.ii. 117 : Hamdoullah ! (Dieu soit loué) + franchement ++ j’ai tout=acheté bon + euh +
franchement il me manque encore deux trois choses qu’il y a pas là-bas
en France mais maçlich (ça ne fait rien) quoi:: [je veux dire
A.ni. 118 : [l’essentiel
F.ii. 119 : [l’essentiel j’ai tout=acheté
A.ni. 120 : et qu’elle + la différence entre [l’allée
F.ii. 121 : [oui !
A.ni. 122 : [l’ALGERIE et le retour en FRANCE
F.ii. 123 : ah :: ! bein bezzaf (beaucop) einh ! < ----- ?> on a pas du tout le
courage d’y aller [retourner einh !
A.ni. 124 : [bessaH ? (c’est vrai ?)
F.ii. 125 : [et le moral déjà + rah (il est à) zéro
A.ni. 126 : même nous
F.ii. 127 : wellah ! rah zé::ro (je te le jure il est à zéro) ++ c'est-à-dire l’allée c’est
différent parce que gaç (tous) les vacanciers rahoum ferHanine (sont contents)
A.ni. 128 : yih (oui)
F.ii. 129 : donc tu vois ++ quand on y va ++ on se prépare on se ((bruit)) on se
euh + wella (ou) xxx on va voir des amis qu’on a pas vu + de la famille
qu’on a pas vu depuis un an +++ euh rana rayhine ferHanine (nous sommes
contents) il y a le soleil le beau temps + [il y a
A.ni. 130 : [la plage
F.ii. 131 : des trucs elli makanch (qui n’existent pas) en FRANCE
A.ni. 132 : les mariages
F.ii. 133 : ouais ! + mais hadou chi SwalaH (certaines choses) on les=attend
A.ni. 134 : < ---------- ?>
F.ii. 135 : Chaque=année + mais le retour c’est quoi xxx c’est le départ à zéro
A.ni. 136 : le départ

396
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 137 : ça y est on va recommencer à zéro:: on va reprendre le quotidien


nçawdou:: (on reprend) + on va aller essayer de bosser lkhedma:: (le travail) on
va + va xx passer le ramadan nchallah (si Dieu veut)
A.ni. 138 : nchallah (si Dieu veut)
F.ii. 139 : on va passer l’hiver w’(et) automne + hiver + printemps + été tous ça on
va les passer nchallah (si Dieu veut) ++ toute cette saison kima ntouma
(comme vous) également vous=allez [les passer
A.ni. 140 : [également
F.ii. 141 : mais bon hadou (ces) les dernières=années chépa si t’(u) as remarqué
wellah ! (je le jure) ça passe ++ elles sont passées très vite
A.ni. 142 : l’année passée w’had el çam (et cette année)
F.ii. 143 : ouais !
A.ni. 144 : iyya (et donc) qu’elle est la différence entre l’année passée w’had el çam
(et cette année)
F.ii. 145 : l’année passée on=était sans voiture ++ cette=année je suis en voiture
++ il y a une très grande différence
A.ni. 146 : wellah ? (je le jure ?)
F.ii. 147 : wellah el çadém ! (je le jure au non du Tout puissant)
A.ni. 148 : même le trajet de:: ?
F.ii. 149 : comment ?
A.ni. 150 : la route w’hada w’ma çyitch (tout ça et tu t’es pas fatigué)
F.ii. 151 : l’année dernière on était en voi/ en [avion
A.ni. 152 : [yih ! (oui !)
F.ii. 153 : [khti (sœur) donc deux=heures de vol
+ franchement +++ c’est pratique et je préfère passer deux=heures de
vol que de passer trois jours euh + sur la route wellah ! et l’année
dernière j’étais seulement partir en car de TLEMCEN à MouHammadia
(MOHAMMADIA) + MOSTAGANEM en car + en taxi w’ki dayrine taxiyet (comment sont
les taxis) +++ comme on dit koun baçda (au moins si c’était) [des taxis
A.ni. 154 : [ah! problème
F.ii. 155 : [c’était des voitures
de mille neuf cents qui datent ++ qui≠ont cinquant=ans ++ euh
franchement + nous enfin chépa normalement ils devraient=être euh
détruites
A.ni. 156 : tu (ne) te sens pas à l’aise
F.ii. 157 : ils devraient détruire ces voitures wellah ! (je le jure) ++ c’est pas
vraiment du xxx tout à l’aise::  tu payes < ----- ?> pourquoi ++ je
sais pas ++ c’est des voitures ++ c’est des=anciennes voitures
A.ni. 158 : cette=année lHamdoullah (Dieu soit loué)
F.ii. 159 : cette=anné::E on la voiture + pourquoi + parce que on a vu ce que
c’était l’année dernière ++ on a pas pu aller à la plage comme on
voulait + ma nejemnach (on a pas pu) ou pouvait pas aller nchoufou laHbab
(voir les proches) [comme on voulait
A.ni. 160 : [ma tçaddebtouch (vous vous n’êtes pas fatigué)
F.ii. 161 : on pouvait pas tani (aussi) aller nHawsou (se ballader) comme on voulait ++
comme on voulait ++ mais cette année nchallah ! + wellah ! (si Dieu veut + je
te le jure) on a ++ on a ++ on est parti voir la famillE:: on est parti à la
mer + [on est
A.ni. 162 : [aux mariages
F.ii. 163 : [parti aux mariages on a été vraiment impeccable wellah el
çadém ! (je le jure au nom du tout puissant)
A.ni. 164 : çamloulkoum diafa + eddiafat +++ eddiafat fe OUZIDANE euh:: (on vous a invité +
invitations + invitations à OUZIDANE)
F.ii. 165 : < ------- ?>
A.ni. 166 : ((rires))
F.ii. 167 : on a été à TLEMCEN centre + ça va ++ moi qui voulait franchement ++ j’ai
toujours euh + mbekri hakda (c’est comme ça depuis longtemps) je voulais voir
TLEMCEN euh ça fait les environs + en fait + j’ai vu TLEMCEN + ALGER +
WAHREN (ORAN) + MOSTAGANEM + l’MOUHAMMADIA (MOHAMMADIA)
A.ni. 168 : khir mwalou (mieux que rien)
F.ii. 169 : bien sûr on un très beau pays mais ellah ghalb (c’est plus fort) les gens qui
y vivent ++ il y a bon + cinquante + cinquante des gens + wellah !

397
Annexes Transcriptions des conversations

eglalil (je te jure que c’est des pauvres) euh des gens de de bonnes familles et
puis de bon cœur euh !
A.ni. 170 : euh:: 
F.ii. 171 : des très bonnes personnes qui t’accueillent + mais comme ça + très bien
++ w’kayen Allah ghaleb SamTén waçrine (et il y en a qui sont insupportables et difficiles)
ils savent pas parler et puis ma’yaçarfouch ywajbou (ils savent pas répondre)
puis euh ++ ils sont très mal polis ++ je veux pas dire très mal élevés
parce que c’est pas la faute de leurs parents ++ Allah ghaleb (c’est comme
ça) ++ elli meTrebbi men çand rebbi (l’éducation est œuvre divine)
A.ni. 172 : bessaH (c’est vrai)
F.ii. 173 : donc c’est ++ c’est pas ça
A.ni. 174 : euh !
F.ii. 175 : c’est dommage wellah ! (je le jure) ++ c’est très dommage li:: hadou (ces) les
gens li rahoum mkhasrine bledna (ce sont eux qui dégradent le pays)
A.ni. 176 : éh ! (oui !)
F.ii. 177 : c’est les gens hadouk li mnarviyine li yabghou ykhaSrou + li:: (ceux qui
sont nerveux se sont qui veulent casser)
A.ni. 178 : même la génération li réha Talça + chet (d’aujourd’hui + tu as vu) les enfants
++ un enfant de deux=ans ++ ils est très nerveux
F.ii. 179 : perturbé euh + ça c’est perturbé
A.ni. 180 : ((rires)) comme MOHAMMED
F.ii. 181 : MOHAMMED ça va ++ t’as pas vu celui de OUZIDANE ++ le neveu de:: notre +
de notre amie + et bein:: + tellement il était:: ++ non + ntiyya ma
chettihch (toi tu n’as pas vu) ++ hypertention nçayToulah (on l’appelle comme ça)
A.ni. 182 : ((rires))
F.ii. les=hypertension hadou (ceux là) des très + très nerveux +++ il est très +
183 : très nerveux:: + et il sautait de euh + euh du seddariyyaT (les lits) au-
dessus de la table + + + tu te rends compte [yneggez (il saute)
A.ni. 184 : [tessema (c'est-à-
dire) bizarre
F.ii. 185 : mais attends c’était trop + lkouscous foug ettabla w’houwwa ynegguez (le
couscous sur la table et il sautait)
A.ni. 186 : ((rires))
F.ii. 187 : mais je trouve que c’était + non je trouve que les enfants taçna tani
(même nos enfants) sont beaucoup beaucoup nerveux pourquoi ? j’en sais rien
++ balek skhana darbinha lerraS (peut être qu’il avait trop chaud)
A.ni. 188 : kheTrat lefchouch ++ kheTrat lefchouch (par fois les caprices ++ parfois les caprices)
F.ii. 189 : non je ne pense pas au contraire
A.ni. 190 : < ------ ?> en français
F.ni. 191 : un peu de l’aide psychologiquement ykhoShoum chi Haja + mataHSéch (il leur
faut quelque chose + sait on jamais) einh + il leur manque des choses tu sais pas
pourquoi ++ w’ (et) t’(u)as vu déjà les parents sont nerveux + déjà hada
(celui dont je te parle) le père et la mère ils se disputent [souvent
A.ni. 192 : [le père
F.ii. 193 : [déjà ils se disputent souvent
A.ni. 194 : [toujours
F.ni. 195 : ils se bagarrent gouddamah (devant lui) et tous ça
A.ii. 196 : c’est pour ça !
F.ii. 197 : et donc c’est pour ça qu:::// lui + il est très nerveux etcetera c’est
normal + + beaucoup d’enfants li rahoum (sont) nerveux
A.ni. 198 : les=enfants tani (même) en France ?
F.ii. 199 : ah ! bien sûr !
A.ni. 200 : de deux=ans ++ deux=ans trois=ans quatre ans zeçma kifach ? (soi-disant
comment ça ?)
F.ii. 201 : oui ! + oui ! bien sûr partout
A.ni. 202 : partout !
F.ii. 203 : les=enfants
A.ni. 204 : les=Algériens même [en France ils sont
F.ii. 205 : [oui
A.ni. 206 : [nerveux
F.ii. 207 : il y a des=enfants ils sont nerveux bezzaf (beaucoup) même
A.ni. 208 : elli rahoum (ils sont) nerveux

398
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 209 : et bon:: ça va kayen elli yajrou çlihoum (il y en a beucoup qu’on cherche à soigner)
s(i) tu veux ils prennent dans des psycholo::gues
A.ni. 209 : hmm !
F.ii. 210 : hna koun goulT lhadik (ici moi si j’avais dit à) la mère + comment ça se fait son
fils rah hakda ? (il est comme ça ?) elle a dit « bon il est nerveux + ki
(comme) comme son père ki:: bouh (comme son père) » j’(e)lui ai dit d’accord
A.ni. 211 : ((soupirs et hochement de tête))
F.ii. 212 : xxx tu devrais xxx un psychologue ++ elle a rigolé
A.ni. 213 : ki tOUlha (quand tu lui dis) psychologue tjiha çayb (elle le prend mal)
F.ii. eih  xx et puis elle m’a dit « non nous on prend pas nos=enfants au
214 : psychologue hna ma çadnach hada eTebba wen khelSou çlihoum çla hada +++
yetrabba kima hakda w ça y est » (chez nous il n’y a pas ce genre de médecin et on paye
+++ son éducation elle est comme ça et ça y est)
A.ni. 215 : kima ebouah (comme son père)
F.ii. 216 : et je lui ai dit « ben franchement plus tard comment il va sortir » +
je lui ai dit « bon courage +++ wellah el çadém ! » (je le jure)

399
Annexes Transcriptions des conversations

Conversation 3
Participantes : FARIDA (F.ii) immigrée, AMARIA (A.ni) et LINDA (L.ni) non immigrées.
Durée : 11 minutes 40 secondes.

Nous tenons à signaler que nous avons ratés le début de l’enregistrement, la durée est
d’environ 30 secondes.

L.ni. 001 : yaHkiwelkoum çla (on vous parle de) la guerre d’ALGERIE en FRANCE ?
F.ii. 002 : oui ! des fois
L.ni. 003 : tendjem t’OUlenna çla (tu peux nous parler de) [la guerre d’ALGERIE ?
F.ii. 004 : [la guerre D’ALGERIE mça (avec) la
FRANCE
L.ni. 005 : [mça (avec) la :: la FRANCE
F.ii. 006 : déjà rien que d’y penser khaTraT (parfois) eh ++ nekkerhou (on est dégoûté) +
rien que d’y penser belle la guerre SraT mça les Français ++ les
Français + bon + gaçdou (ils sont restés) ++ chHal ? (combien ?)
L.ni. 007 : sept ++ quarante ans
F.ii. 008 : peut être plus même
A.ni. 009 : trente < ------ ?>
F.ii. non plus + plus je pense euh:: + et bien franchement ça fait déjà
010 : ((silences)) je ne peux pas vous raconter l’histoire d’Algérie machi
zeçma ma naçrafhach (non soi-disant je ne la connaît pas) je ++ puisque à part les
films et les documen <tation> elli chethoum (que j’ai vu) à la télé je
connais pas de ++ pas plus + franchement pas plus + je sais que +
qu’ils=on::t tué beaucoup d’Algériens et + beaucoup de Français
également sont morts + sinon pas plus +++ franchement je ne sais pas
L.ni. 011 : wel gwer kifach ye:: + yehedrou temma çla (et les Français + ils parlent là-bas de notre)
la guerre taçna zeçma + [ferHanine ? (soi-disant ils sont fièrs ?)
F.ii. 012 : [non
L.ni. 013 : [wella ++ zeçma (ou bien ++ soi-disant)
F.ii. 014 : un peu triste ++ je crois que maintenant hadou (ceux-là) les=anciens baqi
(il en rete) peu + ma baqich (il en reste pas) beaucoup d’anciens Temma (là-bas) +
mais çandi (j’ai) le ma + le père de mon beau frère + c'est-à-dire rajel
khTi (mon beau frère) + son père est de la guerre ++ mais + il + ça va +
lHamdoullah (Dieu soit loué) il est en bonne santé + il est d’ici de MOHAMADIA
(MOHAMMADIA)
L.ni. 015 : mmh !
F.ii. 016 : yaHkinna (il nous raconte) un peu + il a tous ces=amis + qui sont morts
L.ni. 017 : moujahed (résistant)
F.ii. 018 : voilà tous ces=amis sont décédés + maTou (ils sont morts) + déjà ++ ma::
jeddati (grand-mère) ++ la mère + de + paternelle de mon père allah
yeRHamha (que la paix soit sur son âme) + qui est décédée en quatre vingt dix
neuf + et bein + elle a déjà + elle a assisté + déjà mon grand-père
hada jeddi Mohammed Krim El çarbi (MOHAMMED KRIM el ÇARBI c’est mon grand père) +
ils l’ont pris had el waqT (à cette époque) il ++ ils=avaient + ils=avaient +
enfin + les Français + ils=étaient venus dans le village de MOHAMMADIA
(MOHAMMADIA) prendre tous les=hommes
A.ni. 019 : euh !
F.ii. 020 : tous les=hommes pour être emprisonnés et ki eddawhoum (quand ils les ont
emmené) ils sont revenus également rentrer prendre les femmes
A.ni./F.ii. ah !
021 :
F.ii. 022 : donc kanou (ils étaient) également yaHagrou (ils les briment) également les femmes
+ et puis ma grand-mère + + elle s’est sauvée elle et une copine à elle
+ une black + elle était noire hadek ++ hadik (celui-là ++ celle-là) sa copine
elle était kaHla (noire) et elles s(e) sont sauvées hiyya wiyyaha (elle et lui)
+ ma grand-mère elle est très blanche + + et l’autre + et son amie + +
noire

400
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 023 : noire


F.ii. 024 : kaHla (la noire) ++ se sont sauvées + tu sais que les Français ont couru
derrière eux <(elles)> +++ quand les français ont courus derrière +
elles se sont enfuies ++ fe’ellil (pendant la nuit) la nuit + les hommes ils
les=ont pris ++ et puis Temma (là bas) il y avait également les jeunes
filles ++ donc les Français + sont + rentrés ils=ont pris les filles +
ils=ont pris les femmes ils=ont battu des femmes + derbouhoum (ils les ont
frappées) + ma grand-mère comme ça taHkinna ++ hiyya kanet (elle nous racontait) <
---- ?> ghil felkhla meskina [fel ghaba fel (elle était seule dans la forêt)
A.ni. 025 : [fel ghaba (dans la forêt)
F.ii. 026 : [f’ (dans) la forêt + donc quand elles se
sont sauvées + elles se tenaient la main meTgawdine w’harbou + w’ (la main
dans la main et elles se sont sauvées + et) eux derrière eux + fe eddelma (dans le noir)
avec les chiens < ----- ?> ils <(elles)> courent + ils <(elles)> + ils
<(elles)> courent + ils <(elles)> ont trouvé un puits felkhla (dans la forêt)
+ euh::  chépa comment ont appelle ?
A.ni. 027 : bir (puits)
F.ii. 028 : [bir (puits)
A.ni. 029 : [bir (puits)
F.ii. 030 : [bir felkhla ++ loukhrin ygoulou ella manrouHch loukhra galeT (un puits dans
la forêt ++ les autres ne voulaient pas partir l’autre a dit) si on est obligé bessif
w’belkhouf XXX (on est obligé avec beaucoup de frayeur) comme elles=avaient peur ++
comment elles=ont quitté +++ jeddati neqzet (ma grand-mère a sauté)
A.ni. 031 : w’ fih el ma ? (il y avait de l’eau dans le puits ?)
L.ni. 032 : khawi ? (vide ?)
F.ii. 033 : khawi (vide) vraiment ma fih walou (il y avait pas d’eau)
A.ni. 034 : mahjour + mahjour (abandonné + abandonné)
F.ii. 035 : voilà ++ hawdet be (elle a descendu par) la ficelle hadik l’kourda laHgetha
tani w’belçou çla rwaHhoum ki gaçdou (la corde et elle a rejoint et elles se sont refermées)
++ elles=ont passé la nuit temma xxx (là bas)
L.ni. 036 : chabTin fe (accrochées au)
F.ii. 037 : kanou kachin rwaHhoum + wellah + w’semçou leklab foutou foug el bir +
yfoutou çlihoum (elles étaient accrochées + je le jure + et elles ont entendu les chiens qui passaient
sur le puits)
L.ni. 038 : mça li kayen lma balek machemmouch riHatha (avec l’eau peut être qu’ils n’ont pas senti
son odeur)
F.ii. 039 : non + ce n’est pas ça + c’est comment elles=ont ((rires)) + c’est vrai
kima goutli ki yfoutou (comme tu me l’as dis quand ils passaient) les chiens ma
chemmouch erriHa (ils ont rien senti) parce que kanou fel ma (elle étaient dans l’eau)
c’est vrai ++ c’est vrai et en plus houma msakine (les pauvres) + ils
<(elles)>=ont + c'est-à-dire gaç ellil fhad (toute la nuit dans) le puits + w’
(et) ils <(elles)>=entendaient ghil (que) les policiers et les gendarmes
et ils <(elles)>=entendaient hakka (comme ça) les gendarmes yahadrou
hakka (entain de parler) les gendarmes yahdrou mça (ils parlaient avec) les voisins
ils disaient « vous=avez vu une noire + une blanche et une noire + une
blanche et noire » ++ zeçma jeddati bayda w’ SaHbetha kaHla ++ ma
chettouch el bayda wel kaHla (soi-disant ma grand-mère est blanche de peau et son amie est
noire ++ vous n’avez pas vu la blanche et la noire ») ++ « vous (n’)avez pas vu une
blanche et noire + une blanche et noire + une blanche et une noire » +
les voisins on dit « non non on les=a pas vu » ++ ils les=ont laissé +
ils=ont dit « bon bayna (c’est clair) elles se sont sauvées ça y est » + le
lendemain matin msakine fel (les pauvres à) ++ à l’aube kima ngoulou lefdjer
(comme ont dit à l’aube) ++ elles sont montées tout doucement loukhra tçawen
loukhra loukhra tçawen loukhra Hatta telçou ghil bechouwiyya hakda + ki
telçou < ----- ?> ++ jeddati Twila ++ guelçou hadik el ++ leblaç (l’une
aide l’autre l’une aide l’autre jusqu’à ce qu’elles sont arrivées + quand elles sont montées < ------ ?>
++ comme ma grand-mère est grande de taille ++ elles ont enlevé le couvercle) du puits + ils
<(elles)>=ont vu le jour + ils <(elles)> =ont eu très peur quand elle
me les=a raconté ma grand-mère elle a eu très peur ++ jebdet çawnet
SaHbetha tani çawnet Sahbetha Telçatha fel (elle a aidé son amie à sortir et elle a
remonter) +++ du puits elle l’a remonté et après elles=ont rejoint le

401
Annexes Transcriptions des conversations

diarhoum (leur maison) + ils <(elles)> =ont trouvé leur mari ++ rjalhoum ma
Sabouhoumch (elles ont pas trouvé leurs maris)
L.ni. 040 : keTlouhoum ? (ils les ont tué ?)
F.ii. 041 : Hasbouhoum keTlouhoum (ils pensaient qu’ils les ont tué) + non justement ++
SawTouhoum (ils les ont frappé)
L./A. 042 : ((rires))
F.ii. 043 : douk ki raHou yHawsou çla (et quand elles sont allées chercher) leur mari ++ et:: ++
bon + kanou yebkou + khafou (elle étainet entrain de pleurer + elles avaient peur) +
« khellawna hakka enssa (on nous a laisser nous les femmes) + on est veuves »
etcetera ++ berkri (dans le passé) une femme ki Tkoune (quand elle est) veuve +
Sçéba bezzaf (c’est beaucoup difficile)
A.ni. 044 : w’kan çandhoum (si elles ont) les=enfants ?
F.ii. 045 : je (ne) sais pas ma çqeltch ila gatli çla (je ne me rappelle plus si elle m’avait parlé
de) les=enfants ça fait jabouhoum (ils les ont ramené) aussi leur ++ les maris
+ çla jeddi jabouh ++ hakda ++ loukhrine + beSSaH msakine meskina + ki
galouli « min wellat » (mon grand père ils l‘ont ramené ++ comme ça ++ les autres + mais les
pauvres les pauvres + ils ont demandé « comment elle est revenue ») dans le village dans le
village Sabteh megloub Sabouhoum megloub (elle a trouvé tout en désordre) + les
femmes ils (elles) courent ++ euh battues msakine (les pauvres) ++ donc ils
les=ont frappées Sabouhoum koulchi megloub + twagh + lebka (elles ont trouvé
tout en désordre + les gens hurlaient + pleuraient)
A.ni. 046 : hmm ! hmm !
F.ii. 047 : tout ++ ça fait galou wellaw yebkou galou ++ < ---- ?> lewkan
SewToukoum derboukoum (on a dit ils sont revenu ils pleuraient ++ < ----- ?> (si on vous a frappé
frappé) et en plus SawTouhoum gouddam (ils les ont frappé sous le regard de)
leurs=enfants donc kayen (il y a) les petits=enfants lel °Ane (jusqu’à
maintenant) le jour d’aujourd’hui ils sont choqués même en FRANCE [ils
racontent
A.ni. 048 : [i::h !
(oui)
F.ii. 049 : [« pendant
la guerre d’ALGERIE ma mère tSawTet guddami (ma mère a été torturée sous mes yeux) ++
ma mère nderbet ++ khti (a été torturée ++ ma sœur) elles s’est fait battue
guddami (devant moi) + tout devant moi »
A.ni. 050 : euh !
F.ii. 051 : ils=ont grandi çandhoum (ils ont) quarante=ans quarante cinq
A.ni. 052 : les=enfants çandhoum baΰyin (qui ont-ils sont toujours vivants)
F.ii. 053 : des souvenirs ils=ont (en) beaucoup
L.ni. 054 : bessaH legwer ki yahkiwlhoum hakda we y’Oloulhoum (mais les Français quand ils leur
racontent comme ça et ils leur disent)
F.ii. 055 : il y a franchement + kayen (il y a) les Français li ycheffouhoum (ils ont de la
compassion pour) les=Algériens [quand même
A.ni. 056 : [yaçarfou (ils savent)
L.ni. 057 : [yaçarfou belli::? (ils savent que ?)
F.ii. 058 : [ah ! yaçarfou (ils savent) beaucoup ils l’ont
dit quand même et même lel’Ane (jusaqu’à maintenant) il y a beaucoup de
Français yebkou çla (ils pleurent pour) l’ALGERIE +++ il y a beaucoup li jaw ++
ma chethoumch (ceux qui sont venus ++ tu ne les a pas vu) à la télé ? il y a beaucoup
de Français ywellou (ils retournent) dans le pays ou ils sont nés ++ les
pieds noirs + + kayen (il y en a) beaucoup de CONSTANTINE de TLEMCEN + ORAN
t’(u) as vu t’(u)as + il y a beaucoup
A.ni. 059 : oui !
F.ii. 060 : donc ils=aiment leur pays ++ houma ygoulou mazal (eux ils disent toujours) le
pays taçna (notre pays)
A.ni. 061 : oui !
F.ii. 062 : kayen (il y a) un reportage liwellaw temma (ceux qui sont rentrés) ++ un père avec
sa belle sœur rah jat hna (elle est venue ici) en ALGERIE c’est d’ORAN euh je
crois
A.ni. 063 : hmm !
F.ii. 064 : elle s’est mariée ici, elle a eu deux=enfants maintenant et elle vie
ici +++ c’est une française qui est née là bas en FRANCE elle a grandi

402
Annexes Transcriptions des conversations

en FRANCE bessaH min Sabet (mais quand elle a rouvé) l’occasion ++ elle peut
rentrer en ALGERIE + bekri (autrefois) + interdit les français ywellou h’na
(ils retournent ici) + mais dork min Sabet koulchi (maintenant puisqu’elle a tout trouvé) +
ça s’est calmé + euh + et que ça va il n’y a plus de problèmes ++ donc
jat hna:: (elle est venue ici) + elle s’est mariée avec un Algérien:: + ils=ont
une très belle villa w’(et) deux=enfants et le père c’est un Français et
une Française la mère aussi ++ ils viennent hna f’ (ici pendant) les
vacances ychoufouha fi (ils la voient à) ORAN
A.ni. 065 : w’hiyya (et elle) elle est mariée à
F.ii. 066 : ouais !
A.ni. 067 : un Algérien ?
F.ii. 068 : un Algérien pur + pur
A.ni. 069 : hmm !
F.ii. 070 : le père + il a grandi en ALGERIE + ezzad hna (il est né ici)
A.ni. 071 : yçayToulhoum (on les appelle) les pieds-noirs ?
F.ii. 072 : voilà quand=ils +++ ki jaw hna (quand ils sont venus ici) ils=ont vu les=amis
chafou laHbab kebrou:: (ils ont vu les proches qui ont grandit) + euh + ils sont
partis TebTbou (frappé) chez les voisins:: « est ce que flane (untel) il est
toujours vivant::? » galou ella:: (ils se sont dit non) « il est décédé ++ est
ce que YOUCEF vit toujours ++ ou il vit + il faut qu’on aille le voir où
il vit dans le quartier dans le coin ? win raH YOUSSEF ? (où est YOUCEF) » et
donc beaucoup de Français derwak yebghou ywellou hna fel bled + mazal
lel’Ane rahoum yebkou çla (maintenant ils veulent retourner ici dans le pays + jusqu’à
aujourd’hui ils pleurent pour) l’ALGERIE lel’Ane rahoum ygoulou (jusqu’à maintenant ils
disent) l’ALGERIE bledna (notre pays)
A.ni. 073 : zeçma çlach ? (soi-disant pourquoi ?) + pourquoi ?
F.ii. 074 : pourquoi ? ils=aiment l’ALGERIE ?
A.ni. 075 : hmm !
F.ii. 076 : parce que ils sont nés là galou (ont dit)
L.ni. 077 : kebrou hna ++ wetrabbaw hna (ils ont grandit ici + ils ont été éduqué ici)
F.ii. 078 : makanch kima (il n’y a pas mieux que) l’ALGERIE elli ::: (est) ++ un très beau pays
kbir (grand) + quatre fois la FRANCE ya (ô) AMARIA +++ wemchi deyqa w’ (elle
est étroite) même les gens galou (ont dit) ++ même les gens kanou temma (ils étaient
ici) + ici en ALGERIE très=accueillant ++ msakine (les pauvres) + pour rien du
tout eyHattoulek + [tetçachay (ils te donnent à manger + à diner)
A.ni. 079 : [à l’aise
F.ii. 080 : [eykebbou ++ eykebbou (ils te versent + ils te versent) + les
Français déjà quand ils retournent en FRANCE ils=en ont trop ++ la FRANCE
elle est stricte + ils=ont une règle + la loi elle est stricte ++
makanch hadik fi sabillah (il n y a pas de la charité au nom de Dieu)
A.ni. 081 : ma kanch ? (il n y a pas ?)
F.ii. 082 : wella (ou) c’est un piston ++ ils=ont pas ça
A.ni. 083 : < ---------- ?>
F.ii. 084 : non la règle c’est la règle
A.ni. 085 : la règle
F.ii. 086 : euh + + t’(u) (n’) as pas fait ça + stop + c’est pas ++ c’est pas notre
problème + tdiri (tu fais) la règle kima ennas machi (comme tout le monde) tu te
trompes w’ (et) < ------- ? > kayen machi ngoul makanch + kayen élli
ySedqo (il n’y a pas ceux qui disent on a pas + il y a ceux qui donnent) etcetera + +ils
aiment les gens ++ bein quand même je sais pas si xxx kayen (il y a) la
Croix Rouge ++ [le secours populaire w (et) xxxx
A.ni. 087 : [oui !
F.ii. 088 : [beSSaH bekri ma kanch kayen bezzaf + w’ (mais avant il n’y avait
pas beaucoup + et) maintenant ça va + mellit (je suis dégoûtée) + de toute façon
chetti (tu as vu) + la guerre partout + en + dans le monde
A.ni. 089 : oui !
F.ii. 090 : partout rahi (il y a) la guerre dans le monde ++ partout ils se trompent
L.ni. 091 : le problème taç e’terrorizme (du terrorisme)
F.ii. 092 : fel bled ? (au pays ?)
L.ni. 093 : ellei kanou fel bled hna kountou ntouma temma kifach kountou tHoussou
[risankoum ? (ceux qui étaient dans le pays ici et vous là-bas comment vous vous sentiez ?)
F.ii. 094 : [bein très très triste

403
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 095 : [Hna kounna nchoufou koulchi (nous + on voyait tout)


beaucoup ++ li kan Sari Hadak ? (ce qui se passait ?)
F.ii. 096 : ouais ! + beaucoup + beaucoup triste ++ mais ++ quand on voit déjà Hna
(nous) on a de la famille ici en ALGERIE wen’Sébouhoum (et on les trouve) ++ en
entendant les=infos ++ les=informations ++ euh ++ taç lebled (du pays) où
s’est fait tué une vingtaine de personnes ++ on pense + Hna raHna fel
ghorba wen’khammou \\ (nous on est à l’étranger et on pense)
A.ni. 097 : hmm !
F.ii. 098 : on pense beaucoup à nos familles:: + à nos=amis elli rahoum hna (ceux qui
sont là) + donc c’est logique on s’ sent pas bien et puis il y a des
moments ça donne pas de + d’y revenir +++ beaucoup + beaucoup de
Français déjà + ils=ont pas voulu + et ++ y revenir + les=immigrés
ils=ont pas voulu revenir + ils=avaient trop peur ++ warrahoum (et
comment) les vacances li yfewtouhoum ? (ils les passent ?) li yfewtouhoum (qu’ils
passent) avec la peur ++ yfewtouhum (ils les passent) ils vont dans un restaurant
+ ils=auront peur ++ euh + euh ++ une famille de deux + trois + quatre
+ enfants + ils vont avoir peur de bouger avec eux + ils vont ++
ils=ont + ils= ont peur d’aller à la mer et d’y retourner six=heures du
soir wella (ou) à dix=heures du soir ++ ils=auront peur de + de marcher
euh + je ne sais pas + un père de famille avec sa femme et ses deux
filles +++ de :: + d’une quinzaine de + dix=huit ans + wella (ou)
vingt=ans + ils=auront peur de marcher avec elles en + en je ne sais
pas + à la mer par exemple + à la plage
A.ni. 099 : oui ! oui !
F.ii. 100 : ou bien + même en plein centre ville + ils avaient peur de marcher avec
elles
A./L. 101 : oui ! oui !
F.ii. 102 : ils=avaient peur pour elles plutôt + donc franchement + maintenant
l’ALGERIE tsegdeT bezzaf (s’est améléorée)
A.ni. 103 : lHamdoullah ! (Dieu soit loué !)
F.ii. 104 : lHamdoullah ! (Dieu soit loué !)
L.ni. 105 : lHamdoullah ! (Dieu soit loué !) ça va réha darwa° ghaya (maintenant elle est bien)
F.ii. 106 : on aurait pas cru franchement qu’elle allait changer euh ! ++ à tel
point ++ je sais pas mais + Hamdoullah ! (Dieu soit loué) tout=à changé ça
c’est calmé + on a ++ on s’est dit nous franchement les=immigrés
L.ni. 107 : frahtou ki eddaçwa essegdet ? (vous étiez content quand tout a été réglé ?)
F.ii. 108 : on s’est dit nous les=immigrés que « l’ALGERIE elle ne va pas s’en
sortir » ++ que « ça y est l’ALGERIE raHat (est foutue) ++ Hna kounna » (nous
on était) on disait en FRANCE +++ tout le monde en parlait + tout ++
« l’ALGERIE raHat » (est foutue)
L.ni. 109 : oui !
F.ii. 110 : bach (c’est pour ça) elle était sans président sans rien ++ L’ALGERIE elle est
partie + elle est finie ++ XX on à pleuré là-bas + même pour revenir
c’était dur + d’y revenir ++ des Français tani (aussi) ils voulaient venir
en vacances + c’était impossible pourquoi rien qu’on leur disait
l’ALGERIE + non + impossible + pourquoi ? on a trop peur + ils disaient
trop ::: ++ trop + les gens européens + des civiles également ++ el
Hamdoullah ! (Dieu soit loué) + plus envi d’en parler ++ on a même plus envi
d’en parler ++ donc + euh :: 
A.ni. 111 : [le passé
F.ii. 112 : [le passé + c’est le passé + et puis voilà + nchallah ! (si Dieu veut) on a
encore un grand ++ on a le futur devant nous

404
Annexes Transcriptions des conversations

Conversation 4
Participantes : LINDA (L.ni) et AMARIA (A.ni) non-immigrées, FARIDA (F.ii) immigrée
Durée : 31minutes 40 secondes.

A.ni. 001 : SbaH el khir FARIDA (bonjour FARIDA) + ça va ?


F.ii. 002 : ça va impec
A.ni. 003 : ça va les cousines ?
F.ii. 004 : ça va !
L.ni. 005 : touma ? (et vous ?) ça va ?
F.ii. 006 : impec wellah ! touaHAchna’koum (vous m’aviez manqué je le jure) ++ impec
A.ni. 007 : OUZIDANE (OUZIDANE)
F.ii. 008 : OUZIDANE ? (OUZIDANE ?) la campagne !
L.ni. 009 : kich fewwet el (comment tu as passé le) week end fe OUZIDANE ? (à OUZIDANE ?) ça va?
F.ii. 010 : ça va bssaH (mais) c’était vraiment la compagne euh + quand même bezzaf
(beaucoup)
L.ni. 011 : çojbatek temma (elle t’a plu) le::
F.ii. 012 : ((soupirs)) waHd (et cette) la chaleur elli fiha Temma (là-bas) + c’était
insupportable ((silence)) wellah (je le jure) insupportable bezzaf (beaucoup)
et :: en plus de ça ils=avaient les vaches + les moutons kima ygoulou::
le ghlem wella ki Tgoulou ? (comme on dit les moutons comme vous le dites ?)
(F.ni./L.ni./A.ni.)((rires))
A.ni. 013 : les moutons
F.ii. 014 : les moutons + et donc vraiment w (et) + xx mça (avec) la chaleur + mça (et
avec) l’odeur c’était :: xxx
A.ni. 015 : insupportable ((rires))
F.ii. 016 : Oui insupportable chwiyya (un peu) + vraiment insupportable + franchement
les=habitants taç OUZIDANE (de OUZIDANE) + je ne sais pas ki yçichou (comment
ils vivent)
L.ni. 017 : éh !
F.ii. 018 : donc manaçref + bessaH (je ne sais pas + mais) ça va + mais je préfère rester
hna mçakoum tani waleft (ici avec vous je me suis habituée) ici :: euh l’ambiance we
(ici)
A.ni. 019 : voilà !
F.ii. 020 : waleft nehdar m’çakoum (j’ai pris l’habtude de parler avec vous)
A.ni. 021 : quelle est la différence entre OUZIDANE (OUZIDANE) et + le ++ et TLEMSEN
(TLEMCEN)
F.ii. 022 : ça se voit directement déjà + bayen (c’est clair) directement + belli OUZIDANE
(que OUZIDANE) c’est la compagne + taçarfou (vous connaissez) la campagne aussi
A.ni. 023 : Oui + oui !
F.ni. 024 : et hna (ici à) TLEMCEN ça va chwiyya (un peu)
((rires))
A.ni. 025 : mchi kima OUZIDANE (c’est pas comme OUZIDANE)
F.ii. 026 : kayen chwiyya (il y a un peu) quand même j’(ne) sais déjà ma kanech hadou (il
n’y a pas ces) les vaches w’ (et) la chaleur c’était trop insupportable ++ peut
être parce que c’était la compagne mais en tout cas c’était
insupportable + impossible de ngueylou (de faire la sieste)
A.ni. 027 : ((rires)) la sieste
F.ii. 028 : justement ngueylou hakda (on fait la sieste comme ça)
A.ni. 029 : tu as fait la sieste ?
F.ii. 030 : non j’(e) (n’) ai pas fait + j’ai pas pu faire la sieste + c’était pas
possible
L.ni. 031 : eyya we ennamousse we eddebane ? (et puis les moustiques et les mouches ?)
F.ii. 032 : Les moustiques + oui là franchement + j’aurais dû prendre l’anti-
moustique euh !
A.ni. 033 : ((rires))
F.ii. 034 : wella (ou bien) j’aurais dû prendre ça parce qu’il y avait trop de
moustique +++ déjà :: euh + c’était pas possible comme je l’ai dit +

405
Annexes Transcriptions des conversations

j’aurais dû prendre l’anti-moustique prendre le moustique + bon


ma’ghadich nehdrou çla (on ne va pas des) lmoustik (le moustique)
A.ni. 035 : oui !
F.ii. 036 : on a déjà parlé de mes vacances + là c’est fini + rani (je suis) DEGOUTé
L.ni. 037 : pourquoi ?
F.ii. 038 : parce que + parce que wellah ! (je le jure) déjà kamel (tous) déjà ils sont
partis
L.ni. 039 : < -------- ?>
F.ii. 040 : ma + mon père aujourd’hui il prend le bateau
A.ni. 041 : ah bon !
F.ii. 042 : ouais ! ila ma ghabnouhch (si cela ne l’a pas dérangé) déjà ++ si ++ j’espère
qu’ils=ont été à l’aise parce que mça (avec) les=arabes vraiment + [les
douaniers
A.ni. 043 : [toujours les problèmes ++ toujours les problèmes
F.ii. 044 : [tout le temps les problèmes + déjà kamel (tous)
L.ni. 045 : [wkan ghil Sebt (si j’avais trouvé) les problèmes ++ euh
F.ii. 046 : [kamel (tous) déjà hna (ici) à chaque fois on retourne + il y a
toujours des problèmes dans le port + + euh toujours xxxx xxxx xxxx
A.ni. 047 : ((rires)) euh
F.ii. 048 : donc franchement ki rekbouna ghil bezzga + ghil (quand il nous embarquent c’est
avec beaucoup de pagaille + c’est) + vraiment que des disputes tout est piston ++
déjà ma mère elle est partie hier + chetti (tu as vu) déjà ?
A.ni. 049 : éih !
F.ii. 050 : raHet (elle est partie)
A.ni. 051 : elle a fait trois jours de retard
F.ii. 052 : déjà trois + quatre jours
A.ni. 053 : a::h !
F.ii. 054 : à l’aéroport ++ et elle est partie et en plus de ça hiyya raha saknine
(elle vit) à LILLE
A.ni. 055 : euh !
F.ni. 056 : déjà qu’on habite à LILLE eux ils l’ont expédié win ? (où ?) + fi (à) LYON
alors Hambouk cha Tgoul ? (que Dieu protège ton père qu’est ce que tu dis ?) ++ c’est
vraiment
A.ni. 057 : c’est \
F.ii. 058 : non c’est la haine quoi c’est + c’est + c’est + bête c’est vraiment bête
+ déjà + ça + ça ne donne même pas envie de revenir zeçma twelli
febladek (soi-disant tu retournes dans ton pays) c’est pas possible + ki tchoufi
hakda [yeghebnou’houm (quand tu vois comme ça ils les dérrangent)
A.ni. 059 : [les problèmes
F.ii. 060 : [fi (dans) la famille et tout non ! ça donne pas envie de revenir ++
wellah (je le jure) + donc il faudrait que tjou tchofou + koulchi (venir voir +
tout est) piston + tout ++ si tu leur donnes de la < ------ ?>
L.ni. 061 : lebled hadi hiyya (le pays est comme ça) + lpiston
F.ii. 062 : non bessaH (mais en vérité) c’est pas bien yeghebnou fina (ils nous dérrangent)
comme ça
A.ni. 063 : toujours les + les + gens
L.ni. 064 : normalement les=immigrés ye (ils) + ykebbrou bihoum w’ yethallaw fihoum
[we euh:: (ils les accueillent bien et ils les traitent avec complaisance)
F.ii. 065 : [normalement
A.ni. 066 : [normalement
F.ii. 067 : eux ils viennent en vacances une fois par an
L.ni. 068 : yih ! (oui !)
F.ii. 069 : on aimerait qu’ils nous accueillent bon::: + chwiyya (un peu) + il y a des
moments où t’(u) as des bonnes acc/ t’(u) as de <bonne/bonnes>
accueilles + mais là franchement:: ils [t’accueillent
A.ni. 070 : [toujours le problème de::
F.ii. 071 : [non toujours ils t’accueillent
pas bien:: wella (ou bien) tu dois ++ surtout le retour + moi je pense
plus pour le retour
A.ni. 072 : euh !
F.ii. 073 : vraiment plus pour les places + çandek (tu as) billet OK wella (ou) ouvert
ghi kif kif lmouhimm lmeskine (c’est la même chose l’essentiel les pauvres) xx lmeskine
(les pauvres) il ne passe pas

406
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 074 : hmm ! hmm !


F.ii. 075 : non il passe pas donc c’est laghbina (la souffrance) donc laghbina (le
dérrangement) ((rires)) laghbina wellah ! ella laghbina (la souffrance je le jure c’est
une souffrance)
A.ni. 076 : ((rires)) laghbina (la soufrance) totale ((Soupirs))
F.ii. 077 : mais bon j’(e) suis contente déjà que ma mère elle est partie + elle
est≠arrivée expédié à LYON mais c’est pas grave xxx à cinq cents
kilomètres à LILLE ++ elle va prendre le TGV meskina::  (la pauvre )
A.ni. 078 : de LYON jusqu’à LILLE ++ tçadbet (elle a souffert) vraiment tçadebet (elle a souffert)
F.ii. 079 : ghbina (souffrance) quoi non c’était +++ < ------ ?> on est dégoûté
A.ni. 080 : surtout ton frère ++ ton petit frère
F.ii. 081 : mon petit frère:: oui(e) euh ! [handicapé
A.ni. 082 : [malade !
F.ii. 083 : [il y a eu un bébé de huit mois
((soupirs))
A.ni. 084 : euh !
F.ii. 085 : donc eux ils connaissent pas tous ça + donc + on peut rien faire euh !
et puis là mon père lyoum (aujourd’hui) + bateau + il n’y a pas de nouvelles
j’espère que:: rkeb (il est monté) + puis que + j’espère que maghabnouhoumch
(il les ont pas dérrangé) et on verra quoi que voilà les vacances sont finies et
puis:: euh:
A.ni. 086 : et ton frère rfed (il a pris) el passport (le passeport) et il était parti
F.ii. 087 : et où ?
A.ni. 088 : euh:: 
F.ii. 089 : ah ! il est parti lui ça va + il avait [le billet OK
A.ni. 090 : [il n’a pas trouvé de problèmes
F.ii. 091 : donc + non + non + non il était seul avec maman et puis il avait son
billet OK + donc + si tu veux il l’a confirmé
A.ni. 092 : yih ! (oui !)
F.ii. 093 : houwwa confirma (lui il a confirmé) l’(le) euh l’billet (le billet) Taç +++ belli
y’rouH (du + comme quoi il part) donc ça va maman hiyya mchi mkon/ (elle n’a pas con/)
elle n’a pas confirmé çandha (elle a) l’billet (le billet) OK bessaH darou
ghalTa (mais ils ont comis une bétise) en FRANCE ils les=ont arnaqué
A.ni. 094 : é::h ! (oui !)
F.ii. 095 : Telbouhalha (ils le lui ont demandé)
A.ni. 096 : même en FRANCE il y a des problèmes
F.ii. 097 : voilà ! l’euh maman Hasbet (elle a pensé qu’) elle était sur la xxx
L.ni. 098 : mais un petit peu mchi kouma (ce n’est pas comme en) l’ALGERIE
F. 099 : en FRANCE franchement ça va quand même kayen lqanoun (il y a la loi) + ils=ont
les + les + les + règles + ils <(elles)> sont respecté(e)s quand même
les règles sont respectées toujours kanyen Haja (il y a quelque chose) un
problème fi:: li tebghiha + ki teqdiha essalHa (que tu veux + quand tu la fais)
bein:: tSébé (tu trouves un) problème c’est pas possible wellah ! (je le jure) +
là mes vacances sont finies ++ kima gal (comme on dit) euh:: normalement on
devrait dire < ----- ?> les vacances xx terminées
< ------ ?> et donc la rentrée des classes a commence
A.ni. 100 : ((rires))
F.ii. 101 : et puis voilà donc c’est bon:: l’année prochaine nchallah (si dieu veut) on
s’organisera autrement
L.ni. 102 : SaHHa Hkina derwa° kifach fewwet (donc maintenant raconte nous comment tu as passé)
les vacances hna (ici) en ALGERIE ?
F.ii. 103 : non franchement bien
A.ni. 104 : zeçma (soi-disant) ça va bien çoujbatek eddaçwa zeçma: (ça t’as plu soi-disant)
F.ii. 105 : franchement bien + [mais
L.ni. 106 : [zeçma laçraS + elli chethoum (soi-disant + les mariages auquels
tu as assisté) + bien + ghaya (bien) les mariages et tout
F.ii. 107 : [lalla laçroussa (madame la mariée)
L.ni. 108 : les traditions
F.ii. 109 : on dit lalla laçroussa ! (madame la mariée !)
A.ni. 110 : les traditions algériennes
F.ii. 111 : non:: + non:: très bien
A.ni. 112 : surtout les traditions de TLEMCEN

407
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 113 : non:: + je l’ai déjà dit les traditions elles sont très belles + très
très belles avec la chedda (tenue traditionnelle de la mariée)
L.ni. 114 : lkarakou ? (le caraco ?)
F.ii. 115 : oui lkarakou (le caraco) aussi + elle est très bien et hna (ici) les mariages
sont impec et en plus c’est bien c’est qu’ils les font dans les salles
quoi comme en FRANCE ++ j’(e) (ne) sais pas:: + rare où on + maintenant
où on les fait à la maison +++ donc c’est impec + franchement on se
croirait en FRANCE
L.ni. 116 : l’mariage (le mariage) taçna kouma taçkoum (nos mariages comme les votre) en FRANCE ?
F.ii. 117 : oh ! ils sont mieux largement ++ ici sont mieux + pourquoi ? parce que
gaç (touts) la famille ils sont présents ++ kamel (tous) la grand-mère et de
le jed (le grand père)
L.ni. 118 : les salles çejbouk ? (tu les as trouvé comment ?)
F.ii. 119 : de la jeddi (mon grand père) ou le grand père ((rires))
L.ni. 120 : w’ (et) les salles çejbouk ? (tu les as trouvé comment ?) zeçma taç hna ? (soi-disant
celles qu’on a ici ?)
F.ii. 121 : euh ! de + euh:: ++ le grand-père et de jeddi (grand père) ++ tout le monde
est présent
A.ni. 122 : les cousins et les cousines
F.ii. 123 : les cousins les cousines + les cou/ les khay gaç (les frères et tout) + ils sont
présents
L.ni. 124 : les voisins
F.ii. 125 : les voisins + les voisines :: euh + ils sont présents + hna en France à
qui la secrétaire du [directeur euh ::
A.ni. 126 : [rien que des=amis
F.ii. 127 : [taç lkhedma (du travail) les gawriyyat (les Françaises) ou
les < ------ ?> d’à côté c’est tout ils sont présents il n’y a pas de::
ah ! quelques=amis puis le +++ mchi hada (ce n’est pas la) la chance qu’il y a
le père et la mère qui sont présents à côté ++ mais il y a plus
d’ambiance largement + rien à voir franchement rien à voir
A.ni. 128 : même s’il y a de l’ambiance mais vous ne sentez pas bien
F.ii. 129 : non se sont pas non comme ÇABDOU t’as vu quand=il s’est [marié avec moi
A.ni. 130 : [quand=il s’est
marié il était tout(e) seul
F.ii. 131 : [il s’est sentit
vraiment seul encore il y a eu son frère khoh elli ja (son frère qui est venu)
A.ni. 132 : i::h ! (oui !)
F.ii. 133 : min ja khouh (quand son frère est venu) non + il aurait voulu que sont xxx son
père + ses sœurs les djed (les grands pères) + les djedda (les grands-mères)
((rires)) que tout soient présents mais bon !
A.ni. 134 : est-ce que le mariage de la ville t’a plu ?
F.ii. 135 : ouais :: franchement ouais :: celui ou le jeune + il s’est marié ?
A.ni. 136 : hmm ! + yi::h !(oui !)
F.ii. 137 : ah ouais ! ça m’a choqué il était trop petit + trop petit euh trop jeune
++ chez nous + chépa
A.ni. 138 : rare
F.ii. 139 : oui c’est rare où on se marie à cet âge là chépa moi je trouve que c’est
trop + trop jeune euh chépa dix=huit=ans + je crois il avait dix
septembre
L.ni. 140 : oui + oui il a dix sept ans
F.ii. 141 : ((rires))
L.ni. 142 : xxx çadak chwiyya (encore c’est peu)
A.ni. 143 : pourquoi tu étais choqué ? FARIDA ! (FARIDA !)
F.ii. 144 : j’(ne) sais pas je trouve que c’est l’âge + c’est pas du tout ça
A.ni. 145 : ça c’est normal Hna çadna hagdek yezewjou Sghar (nous c’est comme ça chez nous ils
se marient très jeunes)
F.ii. 146 : pourquoi ? il y a de l’argent ? en fait vous quand=il y a de l’argent
vous vous mariés
A.ni. 147 : on fait tout
L.ni. 148 : beaucoup d’argent
F.ii. 149 : ah:: !
L.ni. 150 : yAdd yaçmel koulchi (il peut tout faire)
F.ii. 151 : mais je ne sais pas nous on se marie par amour déjà + + on se marie pas

408
Annexes Transcriptions des conversations

comme ça avec euh à dix=huit=ans ou dix sept=ans


L.ni. 152 : Hatta lamra elli çabbaha Sghira (même son épouse elle est jeune)
F.ii. 153 : euh ! elle est jeune
A.ni. 154 : elle a seize=ans
F.ii. 155 : je trouve que c’est trop jeune + franchement et en plus quand je l’ai vu
L.ni. 156 : éh :: 
F.ii. 157 : il a + mais en fait j’ai remarqué +++ j’ai remarqué + bon euh :: j’ai
remarqué le mari il vit chez son père et bein chez son xx il avait mis
à :: dans un appartement t’as vu dans la villa + donc c’est ça aussi euh
+ c’est qu’ils=ont tout prêt euh tout prêt
L.ni. 158 : xxxxxxx çand waldihoum (chez leur prents)
F.ii. 159 : oui + oui c’est ce que j’étais entrain de te dire quoi ! c’est :: + ils
vivent chez leur papa et maman quoi !
L.ni. 160 : yîh ! (oui !)
F.ii. 161 : et puis bon ce qui va + ce qui va pas en fait c’est lkhedma (le travail)
quoi ! ce qui lui faut c’est lkhedma (c’est le travail) et puis /
A.ni. 162 : il est équipé de tout + le travail euh::
F.ii. 163 : le travail piston tani ? (aussi ?)
L./A. 164 : il travail + il euh + il travail avec son père
F.ii. 165 : avec son père ?
L./A. 166 : avec son père
F.ii. 167 : oui avec son père
L.ni. 168 : saHHa Oulenna kifach jatek eddekhla taç el çawd (dis nous comment tu as trouvé le
marié sur le cheval)
F.ii. 169 : ah ! oui franchement
L.ni. 170 : ça va ?
F.ii. 171 : avec le cheval franchement c’était impeccable + j’ai aimé euh !
A.ni. 172 : çoujbatek eddaçwa zeçma (ça t’a plu ça soi-disant) ça va ?
F.ii. 173 : non + non franchement j’ai aimé avec le cheva::l encore qu’il faut
rentrer hakda (comme ça) le + le laçroS (le marié) chépa le marié + non j’ai
aimé avec [les fusils
L./A. 174 : [feux d’artifice
F.ii. 175 : les feux d’artifice non franchement j’ai super aimé d’ailleurs j’ai
filmé pour prendre en souvenirs bach enwerri l’ (pour montrer à) ma famille
mes sœurs et mes frères et tout ça pour faire montrer la tradition de
TLEMCEN ++ pour voir la différence entre TLEMCEN + ORAN oh ! t’(u) as vu
L.ni. 176 : ella + ila kayen (non s’il y a) la différence
F.ii. 177 : ORAN je trouve que c’est trop bon vivant=e puis bon:: il n’y a aucune
limite à ORAN + aucune limite donc et puis euh + non j’ai aimé
franchement + j’ai aimé et ça passait tellement vite + + ça passait
tellement vite que j’ai pas euh j’ai pas imaginé le + le + changement +
déjà lundi +++ déjà lundi
L.ni. 178 : ah bon !
F.ii. 179 : ouais déjà on part lundi en bateau nchllah ! (si Dieu veut) + un mois et
demi on est resté xxxx on dirait qu’on est resté une semaine wellah
lçadém ! (je le jure) + donc franchement si euh ygoulouli (ils me disent) de
rajouter quinze jours + je rajoute
A./L. 180 : ah ! c’est bien ici
F.ii. 181 : ouais c’est impeccable ((rires)) s’ils me rajoutent quinze jours je l(e)
rajoute c’est avec plaisir
A.ni. 182 : ah ! avec un grand plaisir de rester avec nous
F.ii. 183 : ça me fait plaisir et puis euh :: je trouve que les :: + chépa les gens
ici sont accueillants:: j’ai aimé
L.ni. 184 : w’ (et) les plages çejbouk hna ? (ici t’on plu?)
F.ii. 185 : les plage ça va + aussi + franchement + il y a des belles côtes + j’ai
remarqué du côté de mxx c’est quoi ? c’est + c’est
A.ni. 186 : BENI-SAF + RECHGOUNE
F.ii. 187 : BNISAF (BENI-SAF)*
L.ni. 188 : SIFAX + LA MARMITTE**
F.ii. 189 : voilà ! c’est quoi ? le SIFAX win roHna lbareH ? (là où on est parti hier ?)

*
Ville côtière située à 50 kms de la ville de TLEMCEN.
**
Deux petites plages située à 10 kms de BENI-SAF.

409
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 190 :
euh !
F.ii. 191 :
c’est la plage taç elli roHnalha (où on a été)
A.ni. 192 :
c’est la plage privée
F.ii. 193 :
ça était ghayat el ghaya (très bien) ++ non ghaya (bien) ((rires))
L./A. 194 :
ah !
F.ni. 195 :
non ghaya (bien) + + franchement les plages impec ghaya (bien) la vue
chabba (belle) + + ((bruits)) bezzaf (trop belle) et puis j’ai aimé quoi !
c’est ça les vacances + c’est la plage + les maria::ges + la famille::
tout ça Hna gaç ma nSébouhach (nous on le trouve pas)
L.ni. 196 : la compagne + les montagnes + les vestiges + LALLA SETTI* (LALLA SETTI)
F.ii. 197 : LALLA SETTI (LALLA SETTI) on a été à LALLA SETTI ? (LALLA SETTI ?)
L.ni. 198 : oui ! au manège
F.ii. 199 : ah oui ! en haut + la montagne ?
A.ni. 200 : oui ! la montagne
F.ii. 201 : bon hada (ça) + j’ai trouvé chwiyya (un peu) bizzare +++ les gens qui sont
qui montent et puis + qui vont + qui font leur pic nique + yaklou:: (ils
mangent) + là-bas en haut + j’ai trouvé ça un peu:: [bizarre
A.ni. 202 : [bizarre
F.ii. 203 : [ils=ont pas vraiment
++ le choix + euh::
A.ni. 204 : ils n’ont \
F.ii. 205 : même maçandhoum win yrouHou (ils ont pas où aller) pour [les=enfants
A.ni. 20 6 : [même \
F.ii. 207 : [win euh féch féch
yrouHou (où euh ++ comment comment ils vont) la plaine est trop loin
A.ni. 208 : ykhafou (ils ont peur) < --------- ?>
F.ii. 209 : sinon franchement la vue chabba (est belle) il y a vraiment les montagnes
partout à TLEMCEN ((silence))
L.ni. 210 : wa yjiw yfewtou lwa°t temma çandhoum el week end yemchiw yfewtou temma
[fel jbel (il vont passer le temps là-bas chez eux et le week end ils vont là bas à la montagne)
F.ii. 211 : [c’est vrai
L.ni. 212 : [hadak elli çadna hna (c’est ce que nous avons ici)
F.ii. 213 : jeudi + vendredi + yfewTouh temma (ils passent là-bas)
L.ni. 214 : jeudi + vendredi + yfewtouh temma (ils passent là-bas)
F.ii. 216 : gha::ya (c’est bien) franchement ghaya (c’est bien) impeccable
L.ni. 217 : w’laçwin (et l’air) bien temma (là-bas)
F.ii. 218 : oui ça change d’air en fait ++ ils=ont raison + ils=ont raison bon on a
pas tous ça là-bas en FRANCE euh
A.ni. 219 : tu as été à SIDI BOUMEDIENE (SIDI BOUMEDIENE)
F.ii. 220 : non je n’ai pas été à Sidi Boumediène** (SIDI BOUMEDIENE)
j’(e) (ne) sais pas + j’(e) (n’)ai pas + vous m’avez pas amené
A.ni. 221 : tout prêt des cimetières
L.ii. 222 : non:: non
A.ni. 223 : tu es partie au cimetière
F.ii. 224 : no + oui j’ai été au cimetière
A.ni. 225 : il y a ++ toujours le vendredi on part à::
F.ii. 226 : à SIDI BOUMEDIÈNE (SIDI BOUMEDIÈNE)
A.ni. 227 : à SIDI BOUMEDIENE (SIDI BOUMEDIENE) et au cimetière
F.ii. 228 : au l’wali (au marabout)
A.ni. 229 : l’wali (au marabout)
F.ii. 230 : au wali (au marabout) pour zour (visiter)
L.ni. 231 : euh !
F.ii. 232 : non ! c’est bien j’ai pas été franchement + j’ai pas été déjà
cette=année j’ai pas::
L.ni. 233 : l’année prochaine nçabbiwek (on t’emmenera)
F.ii. 234 : nchallah ! (si Dieu veut) jaimerais bien franchement ++ il y a beaucoup de
choses xx mazal ma chetthoumch (je ne les ai pas encore vu) ici
A.ni. 235 : oui !

*
Plateau situé sur les hauteurs de Tlemcen, à 150 m environ, on y trouve le célèbre mausolé de LALLA SETTI.
**
C’est le Saint Patron de la ville, son mausolé se trouve à 2 kms de la ville de Tlemcen. Le nom de Sidi Boumediene
concerne aussi bien le petit village que la mosquée et le mausolé.

410
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 236 : il y a LAWRET* (LOURIT) aussi


F.ii. 237 : il y a quoi ?
L.ni. 238 : LAWRET (LOURIT)
F.ni. 239 : c’est quoi ?
L.ni. 240 : ÇAINE EFZA (AIN-FEZZA) + l’ghar taç ÇAIN EFZA wel l’ WRET (les grottes de AIN-FEZZA
LOURIT)
F.ii. 241 : c’est des montagnes aussi
A.ni. 242 : comme on dit:: ?
F.ii. 243 : c’est quoi ?
A.ni. 244 : echellal (la cascade)
F.ii. 245 : ah ! le jet d’eau le + la cascade
A.ni. 246 : oui c’est ça
F.ii. 247 : les::: ++ saHHa ! (ah oui !) je vois quoi
A.ni. 248 : FARIDA (FARIDA) j’ai remarqué quelque chose + tu parles bien l’arabe
F.ii. 249 : moi w’ (et) bein ça va c’est normal + [ma mère
A.ni. 250 : [l’arabe
F.ii. 251 : [emma tahder li bezzaf  el
çarbiyya (ma mère ne me parle qu’en arabe)
A.ni. 252 : euh !
F.ii. 253 : elle me parle beaucoup + beaucoup l’arabe
A.ni. 254 : j’ai remarqué même quand tu fais la prière tu + fais bien la prière les
Sourates et tout
F.ii. 255 : ouais je fais tous ça ouais ! ++ ah ! j’(ne) sais pas la prière [c’est
mon père
A.ni. 256 : [la
prière !
F.ii. 257 : [mon
père çallemna (nous a appris) + mon père il nous a toujours parlé de eddine
le dine + eddine + eddine + eddine + (la religion + religion + la religion + la religion + la
religion) c’est important
A.ni. 258 : c’est bien
L.ni. 259 : w’ faywa° bdit tSelli ? (et quand est ce que tu as commencé la prière ?)
F.ii. 260 : éh ! la première fois + c’était en::  deux mille + en l’an deux mille
A.ni. 261 : ça fait six=ans
F.ii. 262 : ça fait six=ans + ouais !
A.ni. 263 : ah ! c’est bien euh < --------- ?>
L.ni. 264 : we wladek + w’zeçma tçallemhoum ? (et tes enfants tu leur appredra soi-disant?)
F.ii. 265 : m::h euh ma fille:: euh:: + ma fille franchement nahdar mçaha (je lui en
parle) beaucoup
L.ni. 266 : [çla eSalat (de la prière)
F.ii. 267 : [ghi eddine (que de la religion)
L.ni. 268 : [c’est ça dikr Allah (les louanges à Dieu)
F.ii. 269 : ouais je lui parlerais beaucoup de ça et je lui expliquerais et puis
surtout Hna çadna (nous nous avons) l’influence en FRANCE + bezzaf (beaucoup)
c'est-à-dire une femme ou alors un homme elle + il vit en FRANCE ou bien
en EUROPE ++ c’est difficile pour lui donc + Hamdoullah ! (Dieu soit loué)
déjà on fait la prière
A.ni. 270 : c’est bien !
F.ii. 271 : on fait nos prières c’est déjà lHamdoullah ! (Dieu soit loué) parce qu’il y a
beaucoup de gens qui dévient et:::  nous on fait tout not(e) possible
nchallah ! (si Dieu veut) d’être le bon chemin et puis  franchement c’est
grâce à nos parents aussi nous
L.ni. 272 : w’ramdan kich zeçma temma ? (et ramadan là-bas + comment ça se passe ?)
F.ii. 273 : ramadan ?
L.ni. 274 : L’(le) ramadan kima hakda (comme ça) les jeunes temma (là-bas) ils sont kifna
(comme nous)
F.ii. 275 : wah ySomo (oui il font le carême) + non + non pas tous + euh franchement + euh 
bon + les bons musulmans [ysomo ghaya (il font correctement le carême)
L.ni. 276 : [é:h ! (oui !)
F.ii. 277 : [tous en famille Hamdoullah ! + kayen + (Dieu sit

*
C’est le nom des cascades qui se situent à l’est de Tlemcen à environ 6 kms.

411
Annexes Transcriptions des conversations

loué + il y a) dans mon quartier déjà là-bas fi (à) LILLE Sud il y a un jamaç
(une mosquée) + tous leu:: les jours euh + ettarawiH (les prières du ramadan)
A.ni. 278 : ettarawéH ? (les prières du ramadan ?)
F.ii. 279 : franchment euh !
L.ni. 280 : ghaya ! (c’est bien !)
F.ii. 281 : mais franchement il y a beaucoup de jeunes aussi xxx
L.ni. 282 : w’tessemçou el ada:ne temma ? (et vous entendez l’appel aux prières là-bas ?)
F.ii. 283 : non on ne peut pas 
L.ni. 284 : le:: + le::::
F.ii. 285 : c’est pas possible c’est pas possible xxx dans leur pays ma yenjmouch +
wellah ! (ils ne peuvent pas + je te le jure !)
A.ni. 286 : iyya w’kich taçamlou ? w’bach yetsemma ++ bach tessemçouh [teffetrou (et
comment vous faites ? comment vous l’entendez c'est-à-dire quand vous l’entendez vous mangez)
F.ii. 287 : [avec l’heure ++ niyyetna we:: (notre intention et) je veux pas dire par=hasard
euh + mais avec l’heure de par la parabole + par la parabole ke ennass
(comme tout le monde) c’est tout + ou alors euh::  ils ont pris l’habitude
les=immigrés là-bas + walfou (ils se sont habitués) euh 
A.ni. 288 : euh 
F.ii. 289 : ils=ont grandi comme ça + ils font la prière même quand=ils sont en
voyage dehors + euh même ÇABDOU (ABDOU) en ESPAGNE [bien sûr
A.ni. 290 : [< ------ ?> la prière
F.ii. 291 : [bien sûr + bien sûr il
faut pas qu’ils ratent c’est obligobligatoire mais bon:: gaç (tous)
les=immigrés on est pas tous pareils euh
A.ni. 292 : oui:: !
F.ii. 293 : non ! + non ! + kayen elli (il y a ceux qui) + ils [sont vraiment
A.ni. 294 : [l’entourage
F.ii. 295 : [ouais ! kayen elli (il y a qui)
sont vraiment à la française
A.ni. 296 : euh !
F.ii. 297 : kayen (il y en a qui sont) vraiment + vraiment ils font:: tout pour être euh +
les mêmes euh comme les Français en fait
A.ni. 298 : hmm !
F.ii. 299 : kayen elli (il y en a qui) il vit comme + à la française + nous on dit ils
vivent à la française + moi ça va lHamdoullah ! (Dieu soit loué) + j’ai
grandit dans une famille + très + très musulmane ++ franchement nous ça
va on a grandit autour des nous +++ avec mes frères et sœurs on parlait
tous arabe et français les deux en fait maman et mon père et on parlait
en français
A.ni. 300 : même ton frère le p’(e)tit
F.ii. 301 : oui même le pEtit en fait ma mère Tahdar mçana::  (elle nous parle) en arabe
beSSaH (mais) mon père yhdar mçana (il nous parle) en français ++ parce que
c’est nous on a pris l’habitude de parler avec mon père en français
beSSaH houma weld el bled chettou (mais eux les enfants du pays vous avez vu)
A.ni. 302 : < ------- ?> pris [les deux
F.ii. 303 : [on a pris les deux langues
A.ni. 304 : [l’arabe et le français ?
F.ii. 305 : ouais franchement les deux + on est bilingue + même parfois/
L.ni. 306 : ghaya hakda (c’est bien comme ça)
F.ii. 307 : parfois on est trilingue
A.ni. 308 : oui !
F.ii. 309 : on parle même l’anglais ++ mais ça va Hamdoullah ! (Dieu soit loué)
A.ni. 310 : et en FRANCE vous parlez en arabe toujours ?
F.ii. 311 : en FRANCE ?
L.ni. 312 : mça SHabatek w’koulchi ++ tahdar (avec tes amies et tout ++ tu parles ?) en français
wella ? (ou bien ?)
F.ii. 313 : non on parle + on parle:: en fait + on parle:: le verlan + enfin le
verlan  je suis pas quand même men hadouk (de ces) les jeunes qui parlent
euh:: dans les cités beSSaH (mais) la plupart d(e) + l’ensemble
des=immigrés ki yahadrou (quand ils) en français obligé obligatoire yeTHou
(d’insérer) un mot en arabe
L.ni. 314 : yahadrou (ils parlent) en arabe ?

412
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 315 : un mot wella (ou) deux dans=une phrase + c’est pas possible + surtout les
Maghrébins taç derwek (d’aujourd’hui) vraiment yahadrou (ils parlent) euh
quand=ils veulent yejebdou + (ils choisissent) ils veulent yçayTou (appeler)
quelqu’un + je ne sais pas ils=appellent euh:: leurs cousins leur < ----
- ?> bessif yahadrou (ils sont obligé de parler) [en arabe
A.ni. 316 : [en arabe
F.ii. 317 : quelques mots ça c’est sûr ++ mais bon c’est + c’est différent euh !
firaq (c’est diffèrent)
A.ni. 318 : il y a des=immigrés qui sont ++ [en bled (au pays)
F.ii. 319 : [oui au bled ? (c’est au pays ?)
A.ni. 320 : [ils ne veulent pas parler en arabe
F.ii. 321 : pourquoi ?
A.ni. 322 : mais je ne sais pas pourquoi
F.ii. 323 : non yebghou yehedrou ghi (il ne veulent parler qu’) en français ++ bach yHoubbou
ghi riSanhoum (ils sont égoïstes)
A.ni. 324 : pour montrer belli (que) nous sommes immigrés est-ce que ?
F.ii. 325 : ouais ! mais non ! pour faire + euh + chic
A.ni. 326 : oui ! echiki (la frime) + oui !
F.ii. 327 : non ! pas du tout franchement non ! moi je (ne) suis pas de ce genre
A.ni. 328 : tu es simple
F.ii. 329 : j’(e) suis très + très simple vraiment einh ! vraiment je parle en arabe
enfin + en fait de plus + plus j’apprends ++ encore je trouve que j’ai
appris beaucoup de choses + chaque=année ki nji hna (quand je viens ici)
j’apprends plus de mots
A.ni. 330 : des p(e)tits mots
F.ii. 331 : déjà hna TLEMCEN (ici à TLEMCEN) + euh + vous parlez entre gui’(lle)met vous
parlez la même langue que MESTGHALE::M wella WAHREN (MOSTAGANEM ou ORAN)
A.ni. 332 : [oui ! avec le /A/
F.ii. 333 : [mais kima Touma (comme vous) ici:: vous faites je (ne) sais pas
L.ni. 334 : [merA* (la soupe)
((rires))
F.ii. 335 : et bein Hna ngoulou merga (ici on dit la soupe)
A./L. 336 : Ajî::** (viens)
F.ii. 337 : Ajî (viens) + arwaHi::*** (viens) euh mh + moi franchement c’est bien parce
que ça me fait euh + ça me fait plusieurs cultures en fait xx j’(e) suis
contente lorsque je vois plusieurs racines et je vois différentes
personnes
L.ni. 338 : Hna:: hadratna t°I:la (notre façon de parler est un peut lourde)
F.ii. 339 : mais c’est bien wellah ! [ghaya (mais je te le jure que c’est bien)
L.ni. 340 : [ghaya ? (c’est bien ?)
F.ii. 341 : moi j’(e) suis très contente
L.ni. 341 : çajbatek hedretna (notre façon de parler t’a plu) + l’essentiel çajbatek hadratna
(notre façon de parler t’a plu) xxx
F.ii. 342 : wellah ! ella çajbetni bezzaf (je te le jure votre façon de parler m’a beaucoup plu) +
mais en plus de ça menna + nchouf menna netçallem (je vois et j’apprends) et::
A.ni. 343 : même sa petite fille elle a huit mois Atti:: aji**** (elle m’a dit viens)
F.ii. 344 : ouais !
A.ni. 345 : °TéTa***** + TaTa (petit chat + tata)
F.ii. 346 : si c’est vrai
A.ni. 347 : elle est trop
F.ii. 348 : Si ! c’est vrai wellah yeçlem ! (Dieu seul sait)
A.ni. 349 : wyek ! (ah oui !)
F.ii. 350 : en plus je trouve que pour un bébé de huit=ans mois:: franchement elle
est éveillée bezzaf + taçref (elle sait beaucoup) beaucoup d’(e) choses qu’un
bébé de huit mois + w’kan gaçdet (si elle était resté) en FRANCE Tkoun mbouqla (elle

*
Mot pronocé avec le ‘A’ tlemcenien.
**
Pronocé avec l’accent Tlemcenien.
***
Prononcé anec l’accent oranais.
****
Pronocé avec l’accent Tlemcenien.
*****
Pronocé avec l’accent Tlemcenien.

413
Annexes Transcriptions des conversations

serait nulle) ((rires))


L.ni. 351 : hna Sabet eddrari w’Sabet lebnat tebbaçhoum (ici elle a trouvé les garçons et les filles
elle joue avec eux)
F.ii. 352 : chetti (tu as vu) les=enfants taç hna (d’ici) vraiment ils sont khfaf (turbulents)
sont vraiment speed kima ygoulou (comme on dit)
A.ni. 353 : hmm !
F.ii. 354 : et puis euh !
L.ni. 355 : qafzine qafzine (ils sont intelligents intelligents)
F.ii. 356 : franchement ils sont super intelligents + bon:: mangoulch belli (je ne veux
pas dire que) les=enfants de FRANCE + les=immigrés plutôt marahoumch (qu’ils ne
sont pas) intelligents
A.ni. 357 : mais les + les=enfants de + l’ALGERIE vont grandir xx vite
F.ii. 358 : ouais puis les jeunes + franchement les jeunes=immigrés euh + chwiyya
(un peu) c’est pas:: [c'est-à-dire que
A.ni. 359 : [mais la plupart des=immigrés
F.ii. 360 : [quand=ils sont là bas + il y a des jeunes qui sont
là-bas + qui sont + qui sont Hamdoullah ! (Dieu soit loué) qui sont dans=une
bonne vie:: il y a beaucoup de jeunes ici euh ils sont dans la misère
pas de travail + même pas d’école xxx même pas la possibilité d’aller à
l’école
A.ni. 361 : oui !
F.ii. 362 : Parce que leurs + leurs familles [sont pauvres
A.ni. 363 : [oui + oui c’est vrai
F.ii. 364 : [wellah kayen (je le jure il y a) les jeunes
temma yeTqalchou (là-bas ils sont gâtés) à fond ils pensent vraiment + ils
pensent qu’à s’habiller + ellebsa (les habilles) + Lacoste + Air-max
L.ni. 365 : Hatta hna yHoubbou ellebsa w’Hatta hna + bessaH fayen ? (même ici ils aiment les
habilles et même ici + mais où ?)
F.ii. 366 : moi je parle des=immigrés + ceux qui sont:: chez papa maman hadou: (ceux-
là) sont:: çand waldihoum (chez leurs parents) tu voix !
A.ni. 367 : hmm !
F.ii. 368 : mais:: ils se rendent pas compte là où ils sont: qu’au contraire ils
devraient vraiment remercier: waldihoum (leurs prents) tous les jours + + et
au contraire ils devraient chépa + se motiver + il y a beaucoup de
jeunes ma yekhedmouch (ils ne travaillent pas) là-bas
A.ni. 369 : euh !
F.ii. 370 : ils sont bla khedma (sans travail) euh beaucoup
L.ni. 371 : takline çla waldihoum (ils comptent sur leurs parents)
F.ii. 372 : wah (oui) même pas + ils=aiment bien sortir ils vont aux discothèques +
ils vont aux soirées euh ++ quand=ils sont là quand=ils viennent pour
les vacances et puis eu + entre guillemets ils tapent des poches chwiyya
zeçma yedderbouha echiki chwiyya (un peu de frime soi-disant ils font l’intéréssant)
A.ni. 373 : euh !
F.ii. 374 : weHna msakine (et ici les pauvres) les jeunes vraiment ellah yaH’sen çawenhoum
bezzaf (que Dieu les aide c’est trop) + il y a des jeunes ici sont:: cinquante +
cinquante euh + mchi gaç (pas tous)
L.ni. 375 : euh kamel Hatta hna kayen (tous même ici il y a) les jeunes elli may’Houbouch
yekhedmou + yîh (qui ne veulent pas travailler + oui)
F.ii. 376 : mais je veux dire il y a des jeunes ici msakine (les pauvres) + il y a
beaucoup de jeunes ils veulent travailler + ils=ont la volonté mais
msakine (les pauvres) ils (ne) trouvent pas + mais là-bas ils=ont beaucoup
[d’occasions
A.ni. 377 : [l’occasion euh !
F.ii. 378 : [mais mayabghouch (ils ne veulent pas) + ils (ne) veulent pas
A.ni. 379 : ils veulent travailler
F.ii. 380 : voilà les anciens=immigrés msakine (les pauvres) + euh ils=ont fait leur
devoir khedma (du travail)
A.ni. 381 : comme ton père !
F.ii. 382 : voilà xxx mon père khdem (il a travaillé)
A.ni. 383 : quarante=ans de travail ?
F.ii. 384 : presque + il a trente sept=ans de travail ++ xx il a bientôt cinquante
neuf ans et franchement wellah yekhdem (il travaille je te le jure) que un + un:: un

414
Annexes Transcriptions des conversations

khedma elli (un travail qu’) un jeune Taç derwek ma yekhdemhach (d’aujourd’hui ne
fait pas) c’est pas possible + d’antan c’était un maçon euh un polisseur et
tous ça
A.ni. 385 : euh !
F.ii. 386 : mais xx un jeune Taç derwek (d’aujourd’hui)
A.ni. 387 : C’est un=travail dur quand même
F.ii. 388 : c’est=un travail très dur quand même ++ wellah ! (je le jure) les jeunes taç
derwek (d’aujourd’hui) vraiment ma yekhedmouch (ils ne travaillent pas) c’est pas
possible + wella yekhedmou:: (ou il ravaillent) euh ++ euh:: yHabsou + wella (ils
pensent + ou) ils=arrétent tout de suite euh + c’est pas zeçma (soi-disant) long
terme c’est pas possible
L.ni. 389 : wehna (et ici) les jeunes + les jeunes taç hna ++ yHoubbou yekh/yekhedmou
fe bledhoum (d’ici ++ ils veulent travailler dans leur pays)
F.ii. 390 : oui ! mais bon
L.ni. 391 : yaHargou w’yemchiw l’ (ils vont clandistinement et ils partent en) l’Europe
F.ii. 392 : hadik (cette) c’est ++ çTawhoum (on leur a donné) l’espoir ++ galou belli (ils ont dit
que) l’EUROPE ghadi ye:: (ils vont euh) comme la FRANCE exemple + beaucoup de
jeunes algériens rahoum fel FRANSA xxxx libach çandhoum (ils sont en FRANCE +
pourquoi + ils ont) l’espoir pourquoi + parce que chafou (ils ont vu) des jeunes
Talçou:: (ils sont allés) + ils=ont fait je ne sais pas + ils=ont fait que une
voiture darou draham (ils ont fait de l’argent) + ça y est pour eux:: + pour eux
zeçma (soi-disant) c’est + tout + çandhoum hna (ils ont ici) les jeunes yebghou::
yeTelçou: + kima SHabhoum kima:: (ils veulent s’enrichir comme leurs camarades)
L.ni. 393 : yHoubbou yetrefhou: + yHoubbou:: (ils veulent s’enrichir + ils aiment)
F.ii. 394 : bessaH cha yqedhoum (mais u’est ce qu’ils font) tu vois c’est ++ je veux dire
imagine toute + toute l’ALGERIE fait ça c’est:: hna (ici) l’ALGERIE bledna
chabba: (notre pays est beau) on a un très beau pays + euh + bledna chabba (notre
pays est beau) vraiment il manque rien
L.ni. 395 : taç bessaH ++ bled mliHa:: w’fiha koulchi zeçma + w’houma ma yHoubbouch
yekhedmou:: manich çarfa:: ma:: + houman ma Saybinch hna lkhedma w’ma
w’maçandhoumch (c’est vrai ++ le pays est bien et il y a tout + soi-disant eux ils ne veulent pas
travailler je ne sais pas je + eux ils ont pas trouvé du travail ici et ils ont pas) il est possibles
bach yekhedmou hna (pour travailler ici)
F.ii. 396 : c’est dommage euh !
L.ni. 397 : yih ! bessaH (oui c’est vrai) euh + yHoubbou hakda bessaH (ils aiment comme ça mais)
la plupart ki tahdar mça (quand tu parle avec) un jeune wella t’Oulou (ou tu lui
dis) « est-ce que tHoub tamchi (tu veux partir) leFRANSA (FRANCE) tekhdem ? » (pour
travailler) [la plupart yOuloulek (ils te disent) « euh::
F.ii. 398 : [la FRANCE
L.ni. 399 : [« la FRANCE nHoub nemchi (j’aime partir en) la FRANCE nekhedem temma
w’naçmel (je travaille là-bas et je fais) l’avenir taçi temma w’koulchi (mon avenir là bas
et tout)
F.ii. 400 : hmm ! mais c’est dommage pour eux wellah ! + khsara fihoum bezzaf +
bezzaf (je le jure + c’est malheureux + c’est trop + c’est trop) parce que \
L.ni. 401 : xxx yçawed yendmou + yçawed mça ettali yendmou yOullek « chetti w’kan
ghi gçadna fel bled had el khedma w’kan li raHna nekhedmouha hna w’kan
khdemnaha fel bled » (et après ils regrettent + et après ils regrettent ils te disent « ce travail qu’on
fait ici on aurait dû le faire ici dans le pays »)
F.ii. 402 : ouais ! normalement + normalement + w’kan khedmou (s’ils avaient vraiment envie de
travailler) ici kouma gal [Boutefliqa (comme l’a dit BOUTEFLIKA)
A.ni. 403 : [euh !
F.ii. 404 : [li gal tous les jeunes gaç (tous) les jeunes bghaw
yaçtouha (ils veulent partir) la euh + FRANASA (la FRANCE)
A.ni. 405 : voilà !
F.ii. 406 : ou bien alors en EUROPE gallah (ils disent) + mais bon ce que devrait faire
Boutefliqa (BOUTEFLIKA) a aussi c’est d’ouvrir euh:: ouvrir je n(e) suis
pas des=agences + créer des=agences d’intérim + wellah ! (je le jure) ça se
serait l’idéal pour vous aussi
A.ni. 407 : ouais !
F.ii. 408 : wellah tekhedmou (je le jure vous travaillez) temporairement ++ ella taçarfou (vous
savez) nous là-bas la plupart balek + balek (peut être + peut être) soixante pour

415
Annexes Transcriptions des conversations

cent rahoum (ils sont) xx ils font lkhedma (le travail) dans les + les boites
d’intérim
A.ni. 409 : hmm !
F.ii. 410 : zeçma yHawsoulek khedma ? (tu penses qu’ils cherchent soi-disant du travail ?)
A.ni. 411 : privé ?
F.ii. 412 : privé hakka yHawsoulek khedma taç nhar (de cette manière ils te cherche un travail d’une
journée) + une semai::ne + un mois:: + ((silence))
A.ni. 413 : mais FATIHA (FATIHA) le travail des=Algériens eu::h ++ ils parlent
beaucoup les bla + bla
F.ii. 414 : batel (pour rien)
A.ni. 415 : les:::: we lkdeb (et les mensonges)
F.ii. 416 : et en fait [ils parlent
A.ni. 417 : [on peut
F.ii. 418 : [et il n’y a pas de parole c’est ça que tu veux dire
A.ni. 419 : oui !
F.ii. 420 : ah bon ! mais quand même tu sais ce que j’ai dit tout=à l’heure + j’i
dit qu’en fait les règles ne sont pas respectées
A.ni. 421 : w’yek ? (c’est ça ?)
F.ii. 422 : tout=est piston
A.ni. 423 : euh !
F.ii. 424 : piston ghi drahem (que de l’argent) + ils veulent + ils=aiment ghi draham
w’piston w’ (que de l’argent et du piston et) ça y est + sinon ils donnent + ils
donnent pas [lkhedma (le travail)
A.ni. 425 : [lkhedma
F.ii. 426 : [franchement c’est ce qu’ils devraient faire BOUTEFLIQA
(BOUTEFLIKA) + ouvrir des=agences d’intérim + + agrandir les routes + +
[les routes et
A.ni. 427 : [les routes euh comme les routes de TLEMCEN
L.ni. 428 : xxx taç (d’)ORAN
F.ni. 429 : justement wellah ! (je le jure)
L.ii. 430 : TLEMCEN qu’est-ce que:: + wassem Sralek (qu’est ce qui t’ai arrivé)
F.ii. 431 : j’y vient + j’y vient + pour la sécurité routière elli raha tesmaç fiyya
(si elle m’écoute) agrandissez vos routes + mettez des barrières de sécurité +
mettez des + des + des voies pour les voitures euh lentes + les poids
lourds mettez des voies à part
A.ni. 432 : il y a toujours plein plein d’accidents
F.ii. 433 : franchement + franchement + sebHAllah ! (pureté à Dieu) vous avez
franchement des terrains magnifiques eh + le + spacieux + je crois que
c’est quatre fois la FRANCE ++ l’ALGERIE euh hakka (comme ça)
A.ni. 434 : yih ! (oui) euh::
F.ii. 435 : quatre fois la France çla balek ? (tu le sais ?) vous=avez des terrains +
vous=avez tout est spacieux wellitou kuolchi mdiyyeq + Hatta bniyyadem
eddiyeqna (tout est devenu étroit + même les gens sont insupportables) les=Algériens
A.ni. 436 : wella::h ila \ (je le jure)
F.ii. 437 : ((rires)) + ya weld çammi ++ kabrou (cousin il faut grandir) + ett/euh
L.ni. 438 : Torgane (les + routes)
F.ii. 439 : Torgane (les routes) faites des routes
L.ni. 440 : bessaH (mais) déjà:: rahoum ykabbrou ettri° [taç: euh (ils sont entrain d’élargir la
route) d’ORAN petit(e) route
F.ii. 441 : [non parce que franchement
L.ni. 442 : [hadek w’ kebbrouha chwiyya
mma kanet (et il faut la grandire un peu elle était) euh xx
F.ii. 443 : ella:: (non) on voit un=âne en plein plein=autoroute wella nchoufou (ou on
voit) + un traceur rah ydir (on fait) demi-tour sens [interdit en plein
A.ni. 444 : [oui ! oui !
F.ii. 445 : [autoroute
A.ni. 446 : oui ! oui !
F.ii. 447 : hadi rani mchoké + kamel (je suis entièrement choquée) + les=Algériens + kamel
(tous) euh:: les=immigrés rana (on est) on est choqué + sous choque + déjà
hna (nous) le code de la route makanch qlil tséb (il y a pas on trouve rarement)
panneau + + panneau taç (de) le code de la route qlili nSébah zeçma +
khaTrat nSéb esstop fel khla (c’est très rare où on trouve soi-disant + des fois tu trouves un

416
Annexes Transcriptions des conversations

stop dans des endroits désertiques) ((rires)) wellit ngoul had (je me disait ça c’est un)
esstop min ja ++ welit ngoul errajli ghil ma taHbesch rana fel khla +
hada (quand il est venu d’où il vient ++ j’ai dis à mon mari ce n’est pas la peine de s’arrêter on est dans le
desert + ça c’est un) stop darouh (ils l’ont mis) pour rien ((rires)) chwiyya we Trég
deyqa:: (la route un peu étroite)
L.ni. 448 : ghelTou + ghelTou + darouh ghalTou (ils se sont trompés + ils se sont trompés + ils l’on mis
ils se sont trompés)
F.ii. 449 : BOUTEFLIKA: (BOUTEFKLIKA) lazem ella yebghi yeqdi chi SalHa:: ykheddem (il faut
qu’il fasse quelque chose il embauche) les jeunes + déjà + il crée des agences
d’intérim ++ il crée ou alors il crée des postes on s’en fout ydebbar
rassou:: (il se démerde) + il=agrandit l’autoroute bach (pour que) les jeunes ma
ydelloch y’doublou (pour qu’ils ne doublent pas sur les routes)
A.ni. 450 : Xxx
F.ii. 451 : w’ ma ymoutounnach (ils meurent pas) + c’est vrai il y a beaucoup +
franchement il y a beaucoup de morts et en plus le pourcentage déjà hna
(nous) en ALGERIE houwwa (c’est) le plus=él(e)vé
A.ni. 452 : oui:: !
F.ii. 453 : f’ (en) l’AFRIQUE du NORD
L.ni. 454 : les=accidents yih ! (oui !)
F.ii. 455 : franchement c’est çla (pour) + c’est pour ça donc euh :
A.ni. 456 : c’est=une catastrophe ((silences)) mais quand même FatiHa [il y a:: euh
F.ii. 457 : [le bon côté
et xx en ALGERIE ça va
A.ni. 458 : [le bon côté
et les mauvais côtés + comme on:: quand on prend la route
F.ii. 459 : xxx quand on prend la route oui en effet + il y a [les barrages
A.ni. 460 : [oui !
F.ii. 461 : [il y a des barrages routiers comme la dernière fois li Hkit lkoum (je
vous ai raconté) + je vous ai dit que
L.ni. 462 : yih çla (oui à propos de) la douane + Hkitenna (tu nous a raconté)
F.ii. 463 : non:: les gendarmes oui les gendarmes kima goultelkoum (comme je vous l’ai dit)
euh ++ ils nous=ont arrêté pourquoi + pour euh hmm le titre de:: passage
en fait + çadna (on a) le titre de passage + normalement à chaque euh
sortie du port yaçTouna (ils nous ont appellé) un titre de passage de notre
voiture + waHna (et nous) bon:: rare où on sort avec ++ on sort avec la
carte grise ++ l’essentiel permis:: papier pour le véhicule houma
Habbsouna (ils nous ont arrété) ils nous=ont dit est-ce qu’on était vraiment
des=immigrés pourtant ils voyaient le ++ l’immatriculation:: ++ ils
voyaient qu’on a un BéBé etcetera franchement on est tombé sur une
personne j’sais pas qu’il y avait kan baghi eddrahem ++ edinar (il voulait de
l’argent ++ le dinar)
L./A. 464 : yîh ! (oui !)
F.ii. 465 : mais il nous=a juste dit ça qu’est-ce qu’il nous a fait faire alors que
normalement il aurait dû téléphoner + passer un coup de fil + on était
en plein:: autoroute ++ une chaleur de plus de de trente degrés
A.ni. 466 : w’zid bentek (et puis ta fille)
F.ii. 467 : avec un bébé de huit mois il nous demande quoi ? il nous=a xxx il nous=a
dit de + de l’attendre à BOUTLILIS (BOUTLILIS) a:: a peu près trente ++
quarante kilomètres de WAHRAN (ORAN)
A.ni. 468 : oui ! oui !
F.ii. 469 : wella (ou) plus + à quarante kilomètres de WAHRAN (ORAN) + il nous=a dit de
l’attendre là-bas à la gendarmerie et on va venir on + on verra + et
alors que nous on habite à TLEMSEN (TLEMCEN) à + vous=immaginez de WAHRAN
(ORAN) à TLEMCEN (TLEMCEN) il y a déjà cent cinquante kilomètres + w’bach
tdiri hadik (et pour faire) cent cinquante kilomètres taç hna (d’ici) ++ c’est
pas comme si xx cent cinquante kilomètres taç (de) en FRANCE
A.ni. 470 : la température
F.ii. 471 : la températu::re franchement
A.ni. 472 : trente huit
F.ii. 473 : trente huit degrés + trente six + trente huit il faisait ++ le gendarme
il nous=a pris nos papiers + nous=a attendu là-bas + au village BOUTLILIS
(BOUTLILIS) euh:: le:: + xxx on est parti au gendarmerie + le chef de

417
Annexes Transcriptions des conversations

service + et même houwwa Sabah bizarre kifah ? (lui-même il l’a trouvé bizarre
comment ?) euh + ils nous a pris nos papiers + normalement il n’a pas le
droit et tout ça:: euh en fait à cause de quoi ++ pour le titre de
passage s’il voulait yçayyeT (il appelle) le port ygoulhoum (ils leur disent) est-
ce que c’est vrai des=immigrés wella ella (ou non)
A.ni. 474 : < --------------- ?>
F.ii. 475 : par rapport au véhicule ++ euh: chépa + il nous a fait vraiment un
trafic ++ serait été en FRANCE un Français soit TéH çandah (il aurait payé) une
amande ++ Tethannay (tu es soulagé) + on aurait préféré ils nous mettent
une amande yaçtouna (ils nous ont appellé) une amande hakka TkhalSéha (comme ça tu
la payes) + franchement khir men hadik laghbina (mieux que cette) + alors taç (du)
les reçu
L.ni. 476 : taç lmechya walla lmejya we:::? (de l’allée ou bien du retour et ?)
F.ii. 477 : on est rentré de TLEMSEN (TLEMCEN) euh de BOUTLILIS (BOUTLILIS) on est retré à
TLEMSEN (TLEMCEN)
A.ni. 478 : à quatre=heures
F.ii. 479 : à cinq=heures de l’après-midi + et on est retourné pour reprendre les
papiers + on a attendu le gendarme + il n’était toujours pas arrivé ++
donc vous=imaginez + attendre gaç (toute) la journée pourquoi + pour que
le gendarme + il termine des=affaires xx son travail et qui + qui +
qui=arrive:: + + qui arrive ++ à l’agence franchement c’était::
franchement c’était:: pas bien xx c’était pas bien du tout de sa part de
nous=avoir pris hakka (comme ça) les papiers et puis hada hna maçadnach
(c’est ce que nous avons) + ça s’appelle Hogra w’ (l’injustice) ça y est
A.ni. 480 : on plus hna khadi’houm Hatta Tmaç (ici ils sont corrompus)
F.ii. 481 : oui ! ils=attendent
A.ni. 482 : oui ! oui ! euh on dit en ALGERIE comme ((silence)) ki ychoufou (quand ils
voient) un couple wella ++ maHsadines (ils sont envieux)
F.ii. 483 : j’(ne) sais pas xx ça + ça se passe
L.ni. 484 : ella + ella ykhaShoum eddraham ++ bihoum eddraham (non + non ils veulent de
l’argent ++ ils veulent de l’argent)
F.ii. 485 : si + si
A.ni. 486 : le problème le + un jeune couple avec une petite fille + une voiture on
dit maHsadine hna (ils sont envieux ici) en ALGERIE
F.ii. 487 : si ! c’est vrai peut=être + mais j’ai remarqué + oui c’est vrai + ça se
passe qu’en ALGERIE j’ai remarqué

NB : L’enregistrement s’est achevé à trente minutes pour des raisons d’ordre techniques et
pratiques. Nous nous sommes contentés de cette partie de la conversation qui s’est achevée
une dizaine de minutes après selon notre complice.

418
Annexes Transcriptions des conversations

Conversation 5
Participantes : LINDA (L.ni), AMARIA non-immigrées (A.ni), FARIDA (F.ii) immigrée.
Durée : 31 minutes.
__________________________________________________________________________

F.ii. 001 : salam (bonjour) + bonjour


L.ni. 002 : salam (bonjour) + ça va ?
F.ii. 003 : ça va et vous ça va ?
A.ni. 004 : ça va bien
F.ii. 005 : eh bin vous souhaitez parler de quoi ?
L.ni. 006 : ki tamchi le fransa (quand tu pars en FRANCE) wassem nawya taçmel? (qu’est-ce que tu
veux faire ?)
F.ii. 007 : là au retour ?
L.ni. 008 : oui au retour
F.ii. 009 : bein au retour j’ai beaucoup de projets + çandi (j’ai) les projets quand
même ++ déjà j’espère nekhdem hiyya (je travaille c’est ça) l’important +++
plus=important
L.ni. 010 : temma l(e) (là-bas) travail bien ?
F.ii. 011 : non ça dépend il faut l < ------ ?> ce que tu veux en fait + c’est ce
que je souhaite je veux quand même travailler dans l’aéroport ++ dans
le tourisme wella (ou) dans le paramédical
L.ni. 012 : hmm ! ah bon !
F.ii. 013 : et en plus de ça je veux nchallah ! (si Dieu veut)
L.ni. 014 : qu’elle est la différence entre l’ALGERIE et la FRANCE par rapport au
climat ?
F.ii. 015 : le climat par rapport à la FRANCE et l’ALGERIE ben largement différent +
euh wellah firaq (je le jure c’est différent) + euh L’ALGERIE Hatta (même) les moins
dix + moins quinze
L.ni. 016 : hmm !
F.ii. 017 : wellah lçadém ! (je te le jure) ++ bon il ne fait pas plus froid que le CANADA
bessaH (mais) euh quand même lberd bezzaf (beaucoup de froid) en France il des
moments franchement insupportables + c’est pour ça khatrat (par fois) on
préfère venir fi (en) l’ALGERIE nfewtou (nous passons) les vacances ++ c’est
pour ça nous ça [nous manque
L.ni. 018 : [tHoubbou tjiw ellehna bach tSébou skhana we tsébou:: (si vous
voulez venir ici vous truovez le soleil et vous trouvez)
F.ii. 019 : [voilà !
L.ni. 020 : [hmm ! iwa w’zid + w’le (et quoi encore + et le) ramadan ?
F.ii. 021 : [le ramadan + bein on va commencer nchallah ! (si Dieu veut)
bientôt vingt=quatre à peu près oui vingt=quatre on va le passer
nchallah ! (si Dieu veut) espérons nchallah ! nfewtouh (si Dieu veut on le passe)
bien + enfin comme toutes les=années et puis mais bon différent +
ramadan en FRANCE chwiyya chwiyya (petit à petit) c’est pas l’ambiance comme
hna (ici) l’ALGERIE moi je n’ai pas encore passé lramadan fi (le ramadan en)
l’ALGERIE mais mes parents fewtouh (ils l’on passé) ici ils m’ont dit que
c’était super + galouli (on me l’a dit c’est) impeccable wellah lçadém !
wentouma (je le jure et vous) vous [we tfewtouh (et vous le passez)
L.ni. 022 : [peut=être l’année prochaine tu vas
repasser le ramadan avec nous
F.ii. 023 : nchallah ! (si Dieu veut)
L.ni. 024 : yîh ! (oui !) ++ et qu’est-ce que tu préfères comme repas ?
((rires))
F.ii. 025 : comme repas je [préfère le hmm::
L.ni. 026 : [le Hrira ++ le Hrira ! (la Hrira ++ la Hrira !)

419
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 027 : [le bekbouka* ? (bekbouka ?)


L.ni. 028 : [bekbouka au ramadan ! (ramadan !) non !
F.ii. 029 : [bekbouka (bekbouka) + lbourek (le bourak) + voilà !
L.ni. 030 : ah oui ! le bourak (le bourak) du viande hachée
F.ii. 031 : oui ! avec la viande hachée
L.ni. 032 : oui ! c’est bon ((rires))
F.ii. 033 : oui ! ici les=Algériens ils=aiment beaucoup manger + j’ai remarqué
< ------ ?> quand=ils parlent ghil makla (que de la bouffe) manger manger +
quand=ils sont dehors xxxx rentrer pour manger + ih lmouhim el makla
(voilà l’essentiel de la bouffe) c’est très important pour les=Algériens + j’ai
remarqué bessaH makletkoum Hlouwwa (mais votre bouffe est délicieuse) impeccable
L.ni. 034 : makletna teçoujbek ? (notre bouffe te plait ?)
F.ii. 035 : non ! ++ impeccable
L.ni. 036 : c’est bien
F.ii. 037 : bezzaf (beaucoup) surtout laHrira (Hrira) + la Hrira çoujbetni (la Hrira me plait)
L.ni. 038 : bessaH fech çoujbatek makletna + fel goû:: ? wella:: ? (mais pourquoi te plait
note bouffe + pour son goût ? ou ?)
F.ii. 039 : lbenna (le goût)
L.ni. 040 : lbenna ghaya (le goût bien)
F.ii. 041 : lbenna wah nichan (oui le goût c’est ça)
L.ni. 042 : wel khodra taçna (et nos légumes) bien ?
F.ii. 043 : Wel khodra tani (et les légumes également) franchement mchi kima (ce n’est pas
comme) la FRANCE temma semch makanch (là-bas il n’y a pas le soleil) + il n’y a pas
de soleil en France ++ ghil (que de) la pluie
L.ni. 044 : c’est pour ça le ++ le khodra tji SamTa (et les légumes n’ont pas de goût)
F.ii. 045 : oui un peu ouais !
L.ni. 046 : en France ?
F.ii. 047 : là-bas la plupart yaklou (ils mangent) les pizzas + [les=humburgers euh
bien sûr
L.ni. 048 : [au
ramadan ? (ramadan ?)
F.ii. 049 : [non ! non ! au
ramadan (ramadan)
L.ni. 050 : [au ramadan (ramadan)
qu’ils mangent euh \
F.ii. 051 : [au ramadan (ramadan)
ça va la soupe + la Hrira (la Hrira) + les bourek (le bourak) + salade et::
euh:: ++ mais déjà on arrive pas à tout manger hein et après euh::
L.ni. 052 : Echamiyya (gâteau oriental à base de semoule)
F.ii. 053 : echamiyya (gâteau oriental à base de semoule) et tout ça oui et après mça el aTey
(avec du thé) euh:: 
L.ni. 054 : euh !
F.ii. 055 : hmm ! impeccable chamiyya:: (zelabiyya) + wel (et le::) comment ça s’appelle
le gâteau rouge là + Hlou (le sucré)
L.ni. 056 : Zlabiyya** (zelabiyya)
F.ii. 057 : zlabiyya we:: (zelabiyya et)
A.ni. 058 : l’banane*** (du banane)
L.ni. 059 : mchi lbanane (c’est du banane) comment on dit ?
F.ii. 060 : bon had lbanane (ce banane) j’aime pas + mchi (ce n’est pas que) j’aime pas trop
hadou là ++ bessaH zlabiyya (ces ++ mais zelabiyya) ils mangent ++ laHmar (le
rouge) + mais ça se passe bien en France + mais bon la plupart sont
khaddamine (ils travaillent)
L.ni. 061 : we tHoussou temma bremdane ? wella zeçma tji Haja:: (vous ressentez le ramadan
là bas ? ou bien soi-disant c’est quelque chose)
F.ii. 062 : triste

*
C’est une farce préparée à base de riz, de poichiches, d’épices de persil ainsi que les abats du mouton (en
l’occurrence les morceaux de l’estomac, les intestins et les morceaux de poumons)
**
Une sorte de gâteau préparé à base de miel.
***
C’est un mélange d’œufs et de farines fri et trompé dans le miel, il a la forme d’une banane cest pourquoi on l’appelle
« banane ».

420
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 063 : mchi kouma hna + hna nHoussou bremdane (ce n’est pas comme nous ici + ici on ressent le
ramadan) bien ghaya eddenya kamel Sayma (c’estbien tout le monde fait le carème) + et
°Ahawi mbelçine (les cafétérias ferment) euh
F.ii. 064 : donc personne ne travaille au ramadan (ramadan) ici
L.ni. 065 : non non elles travaillent les °Ahawi (les cafétérias) mais elles travaillent
+ mais le [le salon de
A.ni. 066 : [les salons de thé
L.ii. 067 : [thé ils sont tous fermés
A.ni. 068 : ils (ne) travaillent pas
F.ii. 069 : oui ! parce que c’est ++ dans + la règle musulmane + je crois + + bein
dans la règle ! c’est pas bon quoi ! c’est ça mchi Hram (ce n’est pas interdit)
non ?
A.ni. 070 : hmm !
L.ii. 071 : non ! Hram wassem yegouçdou yaklou ? (c’est interdit mais ils vont manger ?)
A.ni. 072 : ah oui !
L.ni. 073 : c’est le ramadan (ramadan)
F.ii. 074 : après euh::
L.ni. 075 : et ils vont + et ils≠ouvrent [après le + le
F.ii. 076 : [après le fTour (le déjeuner)
A.ni. 077 : [la prière des tarawiH (les prières du ramadan)
L.ni. 078 : après le::
F.ii. 079 : ah Hatta lmeghreb (jusqu’au moment de rompre le jeun)
L.ni. 080 : jusqu’au Hrira (Hrira) du maghreb (au moment de la prière pour rompre le jeun) et on
fait le çicha° (la prière de la nuit)
A.ni. 081 : après lmghreb (le moment de la prière pour rompre le jeun) + il y a el çicha (la prière
de la nuit) et tarawiH (les prières du ramadan)
F.ii. 082 : < ---------- ?>
L.ni. 083 : et après ils=ouvrent on fait le maghreb (le moment de la prière pour rompre le jeun)
+ les salons de thé et:: ++
F.ni. 084 : et bein ! c’est wellah ! (je le jure) impeccable euh ++ mais quand + vous
++ sortez chwiyya (un peu)
L.ni. 085 : oui on sortant et:: ++ ils font le boulevard
F.ii. 086 : j’aimerais bien essayer de venir un jour ++ une année nchallah ! (si Dieu
veut)
L.ni. 087 : l’année prochaine
F.ii. 088 : ouais !
L.ni. 089 : tu viens passer avec nous le ramdan (le ramadan)
A.ni. 090 : et tu prends < --------- ?>
F.ii. 091 : à condition que je dors pas toute la journée
L.ni. 092 : non:: + non tu dors pas
F.ii. 093 : jamais de la vie
A.ni. 094 : on travaille pour manger
F.ii. 095 : travaille pourquoi ?
A.ni. 096 : on prépare le repas
F.ii. 097 : sinon on le prépare ensuite on dors
A.ni. 098 : le < ------- ?> le rendre l’après-midi jusqu’à le maghreb (la prière pour
rompre le jeun)
F.ii. 099 : et vous préparez le repas ?
A.ni. 100 : le repas et:: ++ pour \
F.ii. 101 : ah ! pourtant vous faites la Hrira + lbourak (la Hrira + le bourak) on fait
le::
A.ni. 102 : on a beaucoup de travail
F.ii. 103 : les pommes de terre comment ça s’appelle ? les pommes de terre euh !
L.ni. 104 : le + le euh:: 
A.ni. 105 : les frites
F.ii. 106 : maaqouda (les croquettes à la pomme de trerre)
L.ni. 107 : lmaçOud (les croquettes à la pomme de trerre)
F.ii. 108 : on fait ça ? on fait ça + on fait
L.ni. 109 : lmaçoud (les croquettes à la pomme de trerre)
F.ii. 110 : on fait des pommes de terre + on fait du poulet + des salades
L.ni. 111 : vous travaillez beaucoup
F.ii. 112 : toute seule + je fait euh:: + deux=heures trois=heures
A.ni. 113 : non:: on travaille beaucoup

421
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 114 : mais en France on se sent un peu seul


((tousses))
L.ni. 115 : THoussou réssankoum bouaHHadkoum (vous vous sentez seuls)
F.ii. 116 : ah ! seule + surtout moi j’ai déjà travaillé ki SamT (durant le jeun)
A.ni. 117 : hmm !
F.ii. 118 : j’ai déjà travaillé + jusqu’à:: sept=heures huit=heures le soir + + et
bein:: ramadan wella mchi ramadan (que ce soit ramadan ou pas) ++ il faut pas
parler zeçma:: (soi-disant) il faut pas que tu leur dise
L.ni. 119 : tu prends les dattes avec toi ?
F.ii. 120 : de temps=en temps neddi (je prends) un peu + une ou deux dattes mçaya (avec
moi) ++ ou bien bouteille d’eau hiyya elli naçtech (parce que j’avais soif)
L.ni. 121 : et \
F.ii. 122 : min khaddemti (dans mon travail) je travaille beaucoup + au conseil
téléphonique je parle beaucoup au téléphone ++ ça c’est naçaTchou (on a
souvent soif) la première chose une datte lma + lma wen zid nekhdem (de l’eau
+ de l’eau et je continu le travail) encore deux=heures ou trois=heures je rentre à
la maison haTTa l’ (jusqu’à) nef heures du soir
A.ni. 123 : deux=heures après le:: ++ maghreb ? (la prière pour rompre le jeun ?)
F.ii. 124 : plus + troi::s=heures wella (ou) quatre=heures
A.ni. 125 : trois c’est dur
F.ii. 126 : et en fait ils mangent à cinq=heures wella lkhamsa wana nedkhol tesça
taç ellil (ou cinq heures et moi je rentre neuf heures du soir)
L.ni. 127 : Yih ! (oui !)
F.ii. 128 : wana nSébhoum klaw + rahom yemchiw yeghouslou (ils auront déjà terminé de manger +
et puis ils lavent la vaisselle) la vaisselle et tout ++ le les trouve en train de
prendre el’latey (le thé) et des gâteaux + ezzlabiyya (zelabiyya) et ils
regardent hadek (ce) le feuilleton had (le) et tout ++ ana nji (moi je viens)
et la plupart ils sont fatigués + ils=arrivent pas [à manger
A.ni. 129 : [manger
F.ii. 130 : [un bol de Hrira ++
w’ (Hrira ++ et) ça y est
A.ni. 131 : < ------- ?> FARIDA (FARIDA) on travaille pas + mais le travail de la
maison ++ < --------- ?>
F.ii. 132 : zeçma (soi-disant) le travail de la maison te fatigue beaucoup
A.ni. 133 : oui:: qu’on a double travail
L.ni. 134 : iyya w’çawed lçid kich tfewtouh ? (et l’Aïd commne vous le passez ?)
((tousses))
F.ii. 135 : ella lçid (non l’Aïd) c’est plus/
L.ni. 136 : lçid tekhedmou ? ++ nhar el çid tekhedmou ? (le jour de l’Aïd vous travaillez ? ++ le
jour de l’Aïd vous travaillez ?)
F.ii. 137 : wa::h nekhedmou wah (oui nous travaillons oui)
L.ni. 138 : kamel ? mayaçtéwkoumch hakda (tous ? ils ne vous donnent pad de) congé ?
F.ii. 139 : non mayaçtéwekch + ntiyya (ils ne te donnent pas) c’est à toi de demander
A.ni. 140 : sauf lewkan yTéH bel (s’il tombe par un) week end
F.ii. 141 : à part voilà ! c’est çla zahrek + ila TaH (si tu as de la chance + il tombe) un
jour de repos de congé taçek (ton jour de congé)
L.ni. 142 : bessaH (mais) normalement ntouma techkiw + we tOuloulhoum (vous pouvez vous
plaindre + et vous leur dites) + voilà !
F.ii. 143 : on est pas dans + notre pays + LINDA (LINDA) c’est à toi de demander à
ton patron wella (ou) directeur est-ce que tu me donnes ce jour +
pourquoi ? parce que c’est l’aide zeçma (soi-disant)
L.ni. 144 : ouais !
F.ii. 145 : madabik (si tu veux) < -------- ?>
L.ni. 146 : i::h ! ih ! (oui ! oui !)
F.ii. 147 : wella TaHti fe (si tu tombes sur) un directeur we (et) + il est raciste ou il
veut pas parler de:: ++ de: + de religion + il est hâté + c’est pas la
peine tejebdileh + « rouHi tekhedmi W’rawHi » (tu lui pareles + « va y pour
travailler ») kamel fe’ddar (tout le monde à la maison) mon père yekhdem (travaille)
++++ mon père yekhdem ekhouti FATEMA naçqel çliha khedmet tani (il travaille
ma sœur FATEMA je me rappelle elle a travaillé) + elle a travaillé ++ euh:: et ils y
vont à l’école mais la plupart des=enfants ils vont pas à l’école là-
bas

422
Annexes Transcriptions des conversations

L./F. 148 : ((tousses))


A.ni. 149 : euh !
F.ii. 150 : bon ils savent ++ ils s’attendent belli (que) la fête de l’Aîd +
yaçarfou belli (l’Aïd + ils savent que) il y a beaucoup aussi ma ye (ils ne) vont
pas travailler y en a beaucoup aussi qui vont pas à l’école donc
ywejdou rwaHhoum + legwer (ils se préparent + les Français) + ils savent
A.ni. 151 : hmm !
F.ii. 152 : bessaH chwiyya chwiyya (mais peu à peu) ils veulent pas zeçma Tahadrilhoum
çla (soi-disant tu leur parles de la) ta religion wella (ou)
L.ni. 153 : bessaH laçyad taçhoum yfewtouhoum ++ we tfewtouhoum mçahoum (mais leur fêtes
ils les passent ++ vous les passez avec eux)
F.ii. 154 : C’est leur pays:: ma chère c’est leur pays
L.ni. 155 : eyya SaHHa wel çid eddrari ybeddlou + yekhourjou ? (et le jour de l’Aïd les
enfants ils portent les costumes + ils sortent ?)
F.ii. 156 : yekhourjou kamel + naçTéwhoum (ils sortent tous on leur donne) tous de l’argent
yelbsou (ils s’habillent) comme ça
L.ni. 157 : w’çandhoum (ils ont les gâteaux comme nous) les gâteaux kifna (comme nous)
F.ii. 158 : bien sûr !
L.ni. 159 : dernier jour du ramadan
F.ii. 160 : dernier + euh + la dernière semaine ndirou (on fait) les gâteaux w’bin
SbaH wel çchiyya ndirou roggag (et entre le matin et le soir on fait la patte feuilletée) xxx
ma mère fait hada + roggag (la patte feuilletée) ça veut dire ettrid (la patte
feuilletée) + les mouchoirs
L.ni. 161 : yi:h ! ettrid (oui ! la patte feuilletée)
A.ni. 162 : ah ! oui !
F.ii. 163 : ma mère tdir hada we + we + we (le fait et + et + et)
L.ni. 164 : lmaqrouT* (du makrout)
F.ii. 165 : sî lmaqroT (du makrout) + c’est ma sœur tdir lmaqroT mma eddir legriwech
ana ndir (ma sœur fait le makrout et maman le griwech et moi) les feuilles de qelb
ellouz (quelb elleouz)
L.ni. 166 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 167 : ndir (je fais) le + le + le ndir (je fais) les feuilles de qelb ellouz† (quelb
elleouz)
L.ni. 168 : c’est bien !
F.ii. 169 : ndir (je fais) noix de coco ++ we khti we’mma dir kahk (et ma sœur et ma mère font
le kaak)
L.ni. 170 : ghaya (c’est bon) ça:: va ghaya (c’est bon)
F.ii. 171 : w’hadik HOUARIA gha eddir (et HOUARIA elle fait) un gâteau au chocolat +++
teguessmou (elle le coupe) la forme we THaTTou (elle le met) ++ moi xx nçammrou
(on remplit)
L.ni. 172 : Tçammrou (vous remplissez) la table bel (en) gâteau ? ghaya ! Kifna yi:h (c’est
bien ! c’est comme nous)
F.ii. 173 : ah ! toujours + toujours !
L.ni. 174 : we’tghafrou baçdkoum baçd hakda yjiw les:: (est-ce que vous rendez visite aux
proches comme ça et vous venez les:: ?)
F.ii. 175 : la::
L.ni. 176 : les voisins::
F.ii. 177 : non maçadnach (on a pas) les voisins Hna (nous)
L.ni. 178 : zeçma hakda khouatatekoum we rjal khouatetkoum (soi-disant comme ça tes sœurs et
leurs maris) xxx
F.ii. 179 : kamel (tous) on s’(e) donne rendez-vous chez ma mère + le jour de l’Aïd
+ on se donne rendez-vous tous chez les prents + le matin
L.ni. 180 : hmm !
F.ii. 181 : dès huit=heures nchallah ! (si Dieu veut) + huit=heures et demi on est au
jamaç (à la mosquée)
A.ni. 182 : avant la prière de l’Aïd ?
F.ii. 183 : non ! après la prière de l’Aïd
A.ni. 184 : après la prière de l’Aïd ?

*
Gâteau oriental à base de semoule, de dattes et de miel.

Gâteau oruiental à base de semoule, d’amandes et de miel.

423
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 185 : tout le monde va au jamaç (à la mosquée)


L.ni. 186 : hmm !
F.ii. 187 : bon moi j’y vais au jamaç + w’ (la mosquée et) mon père + ah oui ! c’est
tout les=autres ils vont pas çla khaTer (parce que) les=enfants
L.ni. 188 : hmm !
F.ii. 189 : mais bon l’xxx j’ai pas été ++ et après on se rejoint chez ma + ma
mère + ma mère nSébouha (on la trouve) alors tekhdem f’berkoukès* (elle prépare
berkoukès)
A.ni. 190 : hmm + hmm !
F.ii. 191 : daymen (toujours) + xx tous les=ans
L.ni. 192 : mataçamlouch ki ysemmiwha (vous ne faites pas le)
F.ii. 193 : lmessra ? (une soupe ?) xxx lfelfel (pimon vert)
L.ni. 194 : tchicha ! (le couscous à la semoule d’orge !)
A.ni. 195 : tchicha bezzaçter (du couscous à la semoule d’orge et au thym)
F.ii. 196 : oui ! oui ! c’est vrai il y a tchicha (couscous à la semoule d’orge) + il y a
berkoukès (berkoukès) les deux
A.ni. 197 : hmm !
F.ii. 198 : la plupart ma ma mère fait berkoukès + hadi bessif + (berkoukès + c’est obligé)
obligé ++ bel (au) xxx
A.ni. 199 : xxx les traditions de MESTGHANEM ? (MOSTAGANEM ?)
F.ii. 200 : besaH (mais) la plupart ils font ça berkoukès (berkoukès) ou bien xxx
L.ni. 201 : non ! Hna (ici) on fai::re le tchicha (le couscous à la semoule d’orge) ++ rien que
le tchicha (le couscous à la semoule d’orge)
F.ii. 202 : tchicha ? (le couscous à la semoule d’orge ?)
L.ni. 203 : ouais !
F.ii. 204 : et ça fait mça ettmar w’gaç (avec les dattes et tout) ++ il y a les=hommes qui
viennent + les femmes + des=hommes qui viennent après lkhedma (le travail)
qui viennent et elle + elle va voir ses=ami(e)s + dès qu’elle va voir
ses=ami(e)s ma mère tani TroH tghafer (tu rends visite aux proches)
L./A. 205 : hmm !
F.ni. 206 : des=oncles les tantes euh::
A.ni. 207 : le premier jour de l’Aïd et le deuxième jour ?
F.ii. 208 : le premier le deuxième et le troisième
A.ni. 209 : ih::! (oui !) il y a trois jours
F.ii. 210 : il y a beaucoup de monde
A.ni. 211 : ah oui !
F.ii. 212 : ma mère connaît beaucoup laHbab (les proches) et kbar çliha (plus grands qu’elle)
L.ni. 213 : hmm !
F.ii. 214 : elles sont plus grandes qu’elle + et donc elle y va par respect et
nous on reste + nous on a personne
A.ni. 215 : oui !
F.ii. 216 : à part zeçma (soi-disant) nos sœurs ++ on a personne mes sœurs min yjou
(quand ils viennent) on se voit ew:: (et) ma tante tji (vien) on se voit + il
n’y a plus personne + après koul waHda (chacune) essaye de sortir +
les=enfants ils vont tous au restaurant
A.ni. 217 : yih ! (oui !)
F.ii. 218 : les=enfants hadouk kamel yrouHou (ils vont tous) l’(le) restaurant ils=ont
tous maklethoum (leur bouffe) c’est tout + le lendemain c’est l’école
rebelotte hadi hyya (c’est ça) la vie taç:: (de)
A.ni. 219 : même nous en ALGERIE le deuxième jour taç lçid (de l’Aïd) ou le troisième
++ le:: les femmes kima n’Oulou (comme ondit) les femmes lekbar ySomo (les
grands ils jeûnent) les six jours de chouwwal (Choual**) + il y a des gens::?
F.ii. 220 : ella Hna (non ! nous) + enfin xxx même nous nSomo e’ (on fait le carème) six
jours
A.ni. 221 : six jours de chouwwal (choual)
L.ni. 222 : hmm !
F.ii. 223 : tous
L.ni. 224 : essabra xx essabra (les six jours du carème après le ramadan)
F.ii. 225 : le deuxième jour hada mchi Hatta le talet (non ça ne correspond pas au troisième

*
C’est une soupe à base de pattes, d’épices et de morçeaux de viandes.
**
C’est le 10ème mois de l’hégire.

424
Annexes Transcriptions des conversations

jour)
L.ni. 226 : le deuxième ++ le troisième
F.ii. 227 : ça peut=être le troisième + parce que mon père ySom (ils jeûnent) le
troisième jour e’six jours m’man et tous
L.ni. 228 : eih ! c’est bien ghaya (c’est bien) einh !
F.ii. 229 : même khaTrat (par fois) euh: bessaH (mais) c’est bien ce qu’i fait + mon
oncle le mari à ma tante + rajel çammti** (le mari à ma tante)
L.ni. 230 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 231 : ySom nhar el çid (il jeûne le jour de l’Aïd)
A.ni. 232 : ella mchi mliH khater nhar el çid (ce n’est pas bien le jour de l’Aïd)
L.ni. 233 : non:: il faut tefra° ma bin el çid + w’ma bin ramdan wma bin (il faut
séparer entre l’Aïd et le ramadan et) euh::
F.ii. 234 : w’chi kheTraT yjina Sayem (et par fois il vient chez nous à jeun) ou bien le
lendemain le deuxième jour yjina Sayem (il vient chez nous à jeun)
A.ni. 235 : Hna (nous) c’est le deuxième jour + bessaH (mais) la plupart taç elli
ySomo (qui font le carème) les six jours de chouwwal li (choual) ++ rien que
les femmes≠agées
F.ii. 236 : ah ouais !
A.ni. 237 : des quante=ans cinquant=ans
L.ni. 238 : ella:: AMARIA Hatta essoghar rahoum ySomo (non AMARIA même les petits ils font le
carème)
A.ni. 239 : c’est pas la plupart xx LINDA !
F.ii. 240 : ouais c’est vrai !
L.ni. 241 : kayen + kayen elli ySomo Sghar weySomo (il y en a + il y en a qui jeûnent petits et ils
jeûnes)
F.ii. 242 : oui Hna (nous) après + la plupart ma ySomoch (ils jeûnes pas) euh !
A.ni. 243 : yék ! (ah bon !)
F.ii. 244 : ah ! la pupart ça y est ils sont [très contents de
A.ni. 245 : [de l’Aïd
F.ii. 246 : ah oui ! yebdew (ils entament) leur quotidien tawaçhoum xxx hadou elli
yekhdmou (leur quotidien ceux wui travaillent) ils vont travailler + ceux qui
sortent avec les copains les copines + ils sortent avec leurs copains
leus copines + et les discothèques ils sont repartis
A.ni. 247 : ouh ! ouh ! (oh ! oh !)
F.ii. 248 : la moitié qui étaient dans le Hlal (le Halal) ils sont repartis dans le
Hram (l’interdit ou pêché)
L.ni. 249 : bessaH aji (mais attend) les jeunes kamel zeçma + eySomo ? (soi-disant ils font le
carème ?)
F.ii. 250 : non:: !
A.ni. 251 : non !
F.ii. 252 : non: non pas tous + pas tous mais ils=ont la Hchouma w’ wema zeçma (la
honte sinon soi-disant) ils se rencontrent
A.ni. 253 : le mois d’(e)ramadan +++ Hchouma ++++ wyak ? (ramadan +++ c’est un gêne +++
n’est-ce pas ?) xxx ici en ALGERIE yaHtarmou (ils respectent) le mois de ramadan
(ramadan)
F.ii. 254 : ils respectent c'est-à-dire même si + tSébé (tu trouves) + tu sais que
waHad (celui) il a + il se gêne pas kima ngoulou (comme on dit)
A.ni. 255 : hmm !
F.ii. 256 : eh bein ! il va pas te le dire + ma ybanch çlih (ça se voit pas) ça se voit
pas
A.ni. 257 : hmm !
F.ii. 258 : mais la plupart la plupart ma j’(e)te je te dis xx la plupart ySomo
kamel (ils jeûnent tous le mois)
A.ni. 259 : hmm ! hmm !
F.ii. 260 : wellah (je te le jure) même kheTraT (par fois) franchement tSébé legwer ySomo (il y
a des français qui jeûnent) avec nous
A.ni. 261 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 262 : ouais les Françaises
L.ni. 263 : hmm !
F.ii. 264 : les Françaises ySomo (ils jeûnes) avec nous parce que euh ! ils=ont

**
çamti correspond à ‘’tante paternelle’’.

425
Annexes Transcriptions des conversations

des=amis Algériens wella (ou) Marrocains wella (ou) Tunisiens çreb w’ (les
Arabes et) des Chinois ySomo mçana (ils font le carème avec nous)
L.ni. 265 : ytebbçou’koum (ils vous suivent)
F.ii. 266 : wah (oui) des [black musulmans
A.ni. 267 : [bessaH (mais) xxx les médecins
F.ii. 268 : [Sénégalais w’koulchi ++ bessaH Hna mkhalTén (et tout ++ mais
nous on est tous mélangé)
A.ni. 269 : FARIDA (FARIDA) les médecins ++ le mois de ramadan Sabouh zeçma Haja
(ramadan ils le trouvent soi-disant) bien pour la santé
F.ii. 270 : ah bon !
A.ni. 271 : wellah! (je te le jure !)
F.ii. 272 : pourquoi ? dans quelle
A.ni. 273 : xx comme on dit
L.ni. 274 : l’estoma triyyaH koulchi yriyyah + rabbi çamel hakda (l’estomac se repose et
tout se repose + le bon Dieu a fait comme ça)
A.ni. 275 : xxx Haja (une chose) ils=ont trouvé quelque zeçma + Haja elli mliHa (soi-
disant quelque chose de bien) le:: la santé
F.ii. 276 : c’est bien en fait pour eux à ce que j’ai compris c’est bien si on
jeun comme ça de temps=en temps
A.ni. 277 : de temps=en temps oui !
F.ii. 278 : mais bon un moi c’est vrai que c’est fatigant + moi l’année dernière
SomT w’ (j’ai jeûné) j’étais enceinte de sept mois
A.ni. 279 : hmm !
F.ii. 280 : et le méd’(e)cin ma bghach (il n’a pas voulu) il a pas voulu
A.ni. 281 : bessaH ? (c'est vrai ?)
F.ii. 282 : wellah ! (je te le jure !) il m’a dit « ça va pas vous=avez pas mangé du
matin » + galli (il m’a dit) « pendant dix=heures ça y est jusqu’au
lendemain ++ le lendemain cinq=heures’ + galli (il m’a dit) « c’est trop »
+ galli (il m’a dit) « au moins un verre d’eau avec le sucre »
A.ni. 283 : < ---------------- ?>
F.ii. 284 : mais bon ! legwer (les Français) de toutes façons ySébou (s’ils trouvent qu’) une
ghouriyana tSom yenkhelçou euh ! (une petite fille qui fait le carème!)
A.ni. 285 : mais bessaH çla Hsab (mais c’est selon) les médecins hna + zeçma kayen li (ici
+ soi-disant il y en a qui)
L.ni. 286 : hna wladna we bnatna nçalmouhoum me Sghor ySomo bach ywalfou ++
wentouma ki kountou (ici on apprend à nos garçons et nos filles le jeûn pour qu’ils s’habituent)
en FRANCE kountou Sghar kountou tSomo ? xx (quand vous étiez petits vous faisiez le
carème ?)
F.ii. 287 : ana (moi) à partir de dix=ans Somt kan çandi çachr esnine (j’ai jeûné quand
j’avais dix ans)
L.ni. 288 : é::h ! kamel hakdek + kamel Hna nSomo ki nkounou (tout le monde est comme ça ici
+ on jeûne tous quand on est)
F.ii. 289 : f’(à) nef=ans chwiyya chwiyya hakda nebdaw + (peu à peu comme ça et on commence)
huit=ans tani nhar (encore un jour) + deux + neuf=ans quinze jours wella +
bessaH (ou bien) dix=ans chhar (un moi) entier
A.ni. 290 : hmm ! ghaya (bien)
F.ii. 291 : dix=ans naçqel çliha ki (je me rappelle d’elle comme) + comme c’était hier
A.ni. 292 : et w’ (et) quand les p’(e)tits + les p(e)tits=enfants ySomo (ils jeûnent) le
ramadan ?
F.ii. 293 : hmm !
A.ni. 294 : hna (ici) en ALGERIE comme on dit le chedda* (une chedda) yaçamloulhoum
echedda (ils leur mettent la chedda)
F.ii. 295 : je l’ai vu à la télé ça par contre
L.ni./A.ni. ouais ! ouais !
296 :
A.ni. 297 : w’naçammloulhoum (et on leur prépare) un plat spécial le jour elli ySomo fi:h
(de leur première expérience de jeûn)
F.ii. 298 : même TLEMCEN elle fait comme ça ?
A.ni. 299 : l’ALGÉRIE entier + kamel (entier)

*
Une sorte de costume traditionnel que portent les mariées à Tlemecen et qu’on met aux patites filles qui font le carème
pour la première fois.

426
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 300 : non:: !


A.ni. 301 : même à MESTGHANEM (MOSTAGANEM) + les Algérois
F.ii. 302 : sî: ! sî ! parce que [moi j’ai
L.ni. 303 : [ORAN + à ORAN kayen (il y a)
A.ni. 304 : [kamel yelbsou Haja w’koul waHda telbes (tout le
monde porte quelque chose et chacune met) le + le + le + taç (de) la région taçha (de
sa région)
L.ni. 305 : les traditions taçha (propres)
F.ii. 306 : et c’est vrai que j’ai vu ça à [la télé
A.ni. 307 : [w’yak ! (ah bon !)
F.ii. 308 : [que j’ai vu des=enfants fe + ferHou
bihoum (on est content d’eux) + ils les=ont donné un cadeau chacun + et::
A.ni. 309 : meddoulhoum (on leur a donné) les vista xx kamel (chacun xx une veste)
F.ii. 310 : kamel ++ waHda daret echedda w’lokhra ? (tous ++ une avait mis la chedda et l’autre ?)
A.ni. 311 : hna (ici à) TLEMCEN ? yaçamlou echedda + we:: yamchiw (ils mettent la chedda + et ils
partent à) le:: lwali SIDI BOUMEDIENE (au marabout de SIDI BOUMEDIENE) xx le cimetière
F.ii. 312 : le marabout là ?
A.ni. 313 : oui !
F.ii. 314 : et ils font quoi là bas ?
L.ni. 315 : iyzoro chwiyya (ils visitent un peu)
A.ni. 316 : xx xx la petite comme MEÏSSAA (MAÏSSA) + elle a huit=ans
F.ii. 317 : est-ce que raha tSom MEÏSSAA ? (tu vas jeûner MAÏSSA ?)
L.ni. 328 : oui:: !
F.ii. 319 : combien de temps ?
A.ni. 320 : à hiut=ans
F.ii. 321 : oui ! combien de jours elle a Som ? (jeûné ?)
L.ni. 322 : dix jours
F.ii. 323 : combien de fois + combien de jours ?
L.ni. 324 : Oulha Somt çachr eyam ++ chHal Semt men nhar ramdan elli fat ? (dis lui
que j’ai jeûné dix jours ++ combien de jours tu as jeûné ?)
(M.). 325 : dix jours
F.ii. 326 : et c’était dur ?
L.ni. 327 : Atlek waçer çlik (elle t’a dis que dur pour toi)
(M.. 328 : non !
F.ii. 329 : non ! non !
A.ni. 330 : non ghaya Oulelha (c’est bien dis lui)
F.ii. 331 : et cette=année + cette=année nchallah ! tSomi ? (si Dieu veut tu jeûne ?)
(M.). 332 : oui !
F.ii. 333 : et ça va raki ferHana bremdan rah jay ? (tu es contente que ramadan soit proche ?)
(M.). 334 : oui:: !
F.ii. 335 : et bein c’est bien alors !
A.ni. 336 : tu as vu FARIDA ++ MAÏSSAA (FARIDA ++ MAÏSSA) euh:: elle fait des=efforts
pour [parler
F.ii. 337 : [en français ?
A.ni. 338 : [en français + quand≠elle était
F.ii. 339 : [quand=elle était là
A.ni. 340 : quand=elle était ++ elle fait des=efforts pour parler en français et
INES elle fait des=efforts pour parler en arabe
F.ii. 341 : bein ! c’est au moins l’autre
A.ni. 342 : sauf SAMI il ne fait pas des=efforts
F.ii. 343 : c’est dur aussi pour SAMI euh ! il a vécu en France toute sa vie +
enfin toute sa vie + il a quoi ? six=ans ?
A.ni. 344 : euh !
F.ii. 345 : eh bein ! il n’a jamais été en ALGERIE donc il sait pas
A.ni. 346 : oui ! INES a fait des=efforts
F.ii. 347 : oui INES a fait des=efforts
A.ni. 348 : elle parle euh ! + quelques petits mots en arabe que
F.ii. 349 : c’est vrai euh ! MAÏSSAA aussi ++ j’ai remarqué ++ c’est≠aussi
les=enfants de de [d’ALGERIE
A.ni. 350 : [ils font des=efforts
F.ii. 351 : ils sont intelligents parce que je crois qu’ils sont:: çalmouhoum
derwek (on leur apprend) + le le français euh hiyya (c’est elle) la [première
langue

427
Annexes Transcriptions des conversations

A.ni. 352 : [ouais ! ouais !


F.ii. 353 : [choisie
A.ni. 354 : [le dialecte
F.ii. 355 : la première wella (ou bien) la deuxième langue après l’arabe ?
A.ni. 356 : oui ! après l’arabe
F.ii. 357 : ouais ! mais c’est après le:: l’arabe mais je pensait que il y avait
l’anglais
A./L. 358 : non ! non ! français
F.ii. 359 : le français lewla (la première) ++ je trouve que c’est bien parce que
nchoufou bezazaf (on voit beaucoup) les=enfants ils savent très bien parler
le français
A.ni. 360 : a::h !
F.ii. 361 : c'est-à-dire ghil nahdar mçahoum yefehmouni (quand je leur parle il me comprennent)
ou bien::
L.ni. 362 : ouais il(s) comprend tout
F.ii. 363 : je trouve que la génération li raha jayetna (qui va venir) ils vont super
bien parler [en français
A.ni. 364 : [en français
F.ii. 365 : [ils se sont
A.ni. 366 : [ils font des=efforts
F.ii. 367 : [Franco-Algériens wella (ou bien) Algériens ++ Français(e)s
c’est impeccable ça
A.ni. 368 : euh !
F.ii. 369 : c’est imPECCABLE
L.ni. 370 : bon hadrouna derwa° çla lçid el kbir ++ (parlez nous maintenant de l’Aïd el kebir)
commen::t ?/
F.ii. 371 : xxx lçid (l’Aïd) du mouton
A.ni. 372 : oui ! du muoton
F.ii. 373 : ben ! du mouton ça se passe comme vous mais bon:: xx difficile + Hna
(nous) c’est≠interdit pour neddebHou (nous égorgeons) les moutons en FRANCE
A.ni. 374 : hmm euh:: ! pourquoi ?
F.ni. 375 : ah ! houma çandhoum la:: + kouma ngoulou (eux ils ont + comme on dit) ils
protègent les=animaux
A.ni. 376 : i::h ! (oui !)
F.ii. 377 : ils protègent les=animaux interdiction bach yedderbou (pour chercher) à
part à part bon les boucher:: euh + fhemtni + bessaH bach (tu m’as compris
+ mais pour) pour le prendre entre nous dans la maison ou dans ton
appartement
A.ni. 378 : zeçma çlach ? (soi-disant pourquoi ?)
F.ii. 379 : au nivau de tout
A.ni. 380 : yek ! (ah bon !)
F.ii. 381 : çandek çlach (pourquoi alors) interdit ? ça fait la pluaprt yeddbbHoum (ils les
égorgent) bon: khyana ++ yeddouHoum (en cachette ++ ils les égorgent) ++ f’(dans) la
beinoire w’yeddebHoum (ils les égorgent)
((rires))
A.ni. 382 : yih f’(oui dans) la baignoire ?
F.ii. 383 : wah (oui) dans la beignoire
A.ni. 384 : yé::h ! (oui !)
F.ii. 385 : où est-ce que tu veux l’(e) faire ?
A.ni. 386 : il prend une douche
F.ii. 387 : temma (là-bas) ils laissent tout < ----- ? >
A.ni. 388 : mais ils lavent ?
F.ii. 389 : mais c’est interdit normalement c’est pour ça les bouchers yeddebHoum
(ils les égorgent) dans les fermes
A.ni. 390 : < ----- ?>
L.ni. 391 : koulchi ykhelliwah balek temma (peut être qu’ils laissent tout là-bas)
F.ii. 392 : [non !
L.ni. 393 : [ezzellif we edouara we # (la tête du mouton et les abats et)
F.ii. 394 : [on prend tout ++ koulchi neddouha ++ emma baçda techwi koulchi (on prend
tout ++ maman elle grille tout) faire les le + le
A.ni. 395 : même ezzellif (la tête) + tchawTouh ? (vous le grillez ?)
F.ii. 396 : ezzellif ÇABDOU elli chwah (la tête c’est ÇABDOU qu’il l’a grillé)
L.ni. 397 : xxx fe’eddar temma ? (à la maison)

428
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 398 : mchi chwah (il l’a pas grillé)


A.ni. 399 : chewTou + chewTou (il l’a boucaner + il l’a boucaner)
F.ii. 400 : chewTou (il l’a boucaner)
L.ni. 401 : temma f’(à) l’appartement taçkoum (votre apparetement)
F.ii. 402 : non: ! f’(dans) la maison + taç (de) ma mère il y a un p(e)tit hangare +
Hawch (un patio) + maison chwiyya ma tbanich bessaH (mais on ne te voit pas)
appartement xxx
L.ni. 403 : bessaH ychemmou erriHa + w’mayOUloulkoum walou ? (mais sentent l’odeur + et ils ne
vous disent rien)
F.ii. 404 : mchi kimma l’bouché (ce n’est pas comme chez le boucher)
L.ni. 405 : ei::h ! (oui !)
F.ii. 406 : min edbaHtih (quand tu l’égorges) ça y est c’est trop tard
L.ni. 407 : eu::h !
F.ii. 408 : fhemti ? +++ chkoun zeçma chafou::h ? euh feu:h + feu:h (tu as compris ? +++
soi-disant ils l’on vu ? au + au) xx entrer à la maison et puis xx çandek (il y a) la
malle
A.ni. 409 : hmm hmm !
F.ii. 410 : c'est-à-dire houma (eux) ils protègent les=animaux
A.ni. 411 : les=animaux
F.ii. 412 : gnina (un lapin) + un chat + un chien xxx ça y est +++ ils protègent
çandhoum houma (ils ont) important les=animaux ++ ilà taçarfou (si vous
connaissez) BRIGITTE BARDOT ++ mataçarfouch ? (vous ne connaissez pas) BRIGITTE
BARDOT ?
A./L. 413 : hmm euh hmm euh ! ((avec hochement de tête))
F.ii. 414 : mataçarfouch (vous ne connaissez pas) BRIGITTE BARDOT ? ++ ((rires)) BRIGITTE
BARDOT hiyya zeçma elli:: (c’est elle qui a soi-disant) t’ (elle) sauvé les + les mmh
les=animaux + [ma tebghich çlihoum (elle les protège)
L.ni. 415 : [les=animaux !
F.ii. 416 : [parce que les femmes riches + les=hommes riches yelbsou
(ils mettent) la fourrure taçhoum + ma bghatch çlihoum + çla khaTer bech
yzewqou bihoum (leur fourure + elle les protège + pour faire des décors)
L.ni. 417 : éh hiyya tzaweq bihoum w’ ? (elle l’utilise pour le décor ?)
F.ii. 418 : hiyya ma tzawaqch (non elle ne l’utilise pas pour le décor)
L.ni. 419 : w’hiyya ma telbesch ? (elle ne met pas ?)
F.ii. 420 : ben non:: si elle protège xxxx elle reste avec xx pour protéger les
bêtes
L.ni. 421 : hmm hmm !
F.ii. 422 : xx manaçarfouch (on ne sait pas) mais bon l’(e) mouton yeddebHouh (ils l’égorgent)
comme quoi xx et puis laïd el kbir (l’Aïd el kébir) à part moi je suis
végétarienne + je mange pas de viande à part lmelfouf (les brochettes de foi)
parce que yechwiw (ils les grillent)
L.ni. 423 : < ------- ? >
A.ni. 424 : tu (ne) manges pas ?
F.ii. 425 : voilà ! donc voilà ! pas de dewwara* (les abats du mouton) pas de zellif (la
tête) pas de kraç (les pattes) pas de lçaïn (l’œil) xxx
L.ni. 426 : arrête !
F.ii. 427 : rien
((rires))
A.ni. 428 : wel kaHla ? (et le foie ?)
F.ii. 429 : c’et quoi [el kaHla ? (le foie ?)
L.ni. 430 : [el melfouf (le foie)
F.ii. 431 : [el melfouf (le foie) + oui !
A.ni. 432 : [le foi
F.ii. 433 : [seulement ces dernières=années + hadou balek (ce la fait peut être)
un + deux=ans je mange [hada el melfouf mça (les brochettes de foie)
A.ni. 434 : [les côtelettes et
F.ii. 435 : [sî + les côtelettes
A.ni. 436 : [viande hachée !
F.ii. 437 : [éh !

*
Se sont les abats qui servent pour la préparation de la farce de la bekbouka (estomac, les intestins et les
poumons).

429
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 438 : [viande hachée !


F.ii. 439 : [ça va ! la viande hachée sî
A.ni. 440 : [hmm !
F.ii. 441 : [bessaH (mais) tu me poses un gros morceau de viande comme
dans les mariages + ella (non)
A.ni. 442 : hmm !
F.ii. 443 : gros morceau plein de grai::sse plein + non ! non ! la vérité non !
L.ni. 444 : et les=autres [euh xxx xx
F.ii. 445 : [non je te parle de moi + non rani nehdarlek (je te parle) xx
que pour moi + bessaH kamel (mais tous) ils mangent ++ ana (moi) ma famille
ils mangent + ma mère eddir dowwara we eddirha eddfira (fait les abats du
mouton et fait la tresse)
L.ni. 446 : eddfira ? (la tresse ?)
F.ii. 447 : eddirha eddfira + we eddirha hak we eTTeyebha (elle l’a tresse + et la fait comme ça
et elle la cuit) ++ maman elle fait tout + maman elle fait bouzellouf (la tête)
L.ni. 448 : bouzellouf (la tête)
F.ii. 449 : wel gawriyyat temma yHoubbou el lHamm wel bouzellouf (et les Françaises là-bas
ils aiment la viande et la tête)
L.ni. 450 : gha:ya:! Yaklou mçakoum + yHoubbou makletkoum (ils mangent avec vous ils aiment
votre nouriture)
F.ii. 451 : wah ! Hna [ça va çadna:: (oui ! nous ça va nous avons) les
A.ni. 452 : [les=anciennes euh + le couscous xx les=Algériens
F.ii. 453 : [o::h ! ma mère tdir l’couscous (elle prépare du couscous) au médecin
++ taçna (notre)
A.ni. 454 : hmm !
F.ii. 455 : le médecin taçna:: (partiulier) xx médecin familal Hna fe FRANSSA (nous en
FRANCE) c’est comme [une règle
A.ni. 456 : [hmm !
F.ii. 457 : [c’est + vous déclarez votre médecin traitant taçek
(particulier)
A.ni. 458 : ei::h !
F.ii. 459 : bech ma TrouHich +++ maçandekch ed’deroit TroHé çand eTbéb waHdakhor
(pour ne pas aller +++ tu n’as pas le droit d’aller chez un autre médecin)
L.ni. 460 : ma tbeddelch ++ Tbéb ++ waHad tA°blou (tu ne changes pas ++ de médecin ++ tu optes
pour un seul)
F.ii. 461 : voilà ! pourquoi + essna darouha (attend ils l’on fait) + ça fait xx nkhammou
(on réfléchi) on a cherché des médecins xx médecin familial taçna (particulier)
donc + docteur ANDRE ça fait neddoulah éTçam + el couscous (on lui ramène le
couscous)
L.ni. 462 : ghaya ! (c’est bien)
A.ni. 463 : le médecin est=un français ?
F.ii. 464 : c’est=un français bessaH men WAHREN + wella (et D’ORAN + ou) je ne sais quoi
euh a + en deux mille trois jebTlah (le lui ai amené) du vin + échrab menna
(du vin d’ici)
L.ni. 465 : eu::h !
F.ni. 466 : le vin algérien + edditlah (je lui ai amené) deux bouteilles + l’(e) rosé
hada laHmar (le rouge)
A.ni. 467 : hmm !
F.ii. 468 : dithalah (je lui ai amené) ++ je suis passée par l’avion + on m’a demandé ce
que c’était
L.ni. 469 : çoujbah ? (ça lui a plu ?)
F.ii. 470 : ah ! immPECCable ++ je lui dit ellah ghaleb ! (c’est plus fort que moi) je
pouvais pas prendre plus de bouteilles khatech (parce que) là:: déjà les
douanes ils m’ont dit « oh ! qu’est-ce qui se passe + une femme avec
du vin »
A.ni. 471 : e:::h ! (oui !)
F.ii. 472 : ils se sont balek (peut être) +++ ils=ont cru que c’était pour moi wella
(ou)
A.ni. 473 : yih ! (oui !)
F.ii. 474 : gouTlhoum (je leur ai dit) que c’est pour un médecin et tous ça bach
khellawni nfout (ils m’ont enfin me laisser passer)
A.ni. 475 : îh ! (oui !)

430
Annexes Transcriptions des conversations

F.ii. 476 : ah bessaH (mais) interdit les bouteilles ++ soit de l’huile d’olive
wella (ou de) vin:: +++ interdit sinon lçid lekbir (l’Aïd el kébir) ça va ++
on le passe à peu près comme vous + [neddebHou we:: (on égorge et)
A.ni. 477 : [nOulou kima Hna hna (c’est comme nous
ici)
L.ni. 478 : [kifna Hna (comme nous ici)
F.ii. 479 : [et puis il y a des
gens xxx
L.ni. 480 : [zeçma ghil ki ma
ykhelliwkoumch (soi-disant rien que quand ils vous empêchent)
A.ni. 481 : le premier jour de lçid ++ lçid el kbir ++ nelthaw ghil beddbiHa
w’belkebch/ (l’Aïd ++ l’Aïd el kébir ++ on s’accupe qu’avec l’égorgement du mouton)
L.ni. 482 : [xx rien du tout
F.ii. 483 : [non on (ne) s’en sort pas
A.ni. 484 : [le premier jour même nous
F.ii. 485 : [même le deuxième jour on ne sort bas
A.ni. 486 : et le matin + eddbiHa w’(l’égorgement) travail forcé + w’hada w’(et tout) le
soir nreyyHou (on se repose)
F.ii. 487 : et vous vous=habillez pas wella (ou)
L.ni. 488 : oui on habillons (<on s’habille>)
A.ni. 489 : euh mça (vers) huit euh wella mça (ou vers)
F.ii. 490 : xx pourquoi xxx vous=habillez pas
L.ni. 491 : nos=enfants et::
A.ni. 492 : les=enfants bessaH (mais) le deuxième jour nelbsou + nelbsou el bedçiyya
(on s’habille + on met une robe)
F.ii. 493 : non ! non ! non !
A.ni. 494 : le premier jour nkounou (on est)
F.ii. 495 : vous=avez coup/ euh égorgé combien de mouton ?
A.ni. 496 : un mouton
L.ni. 497 : ah non ! kayen lçaIlat elli yeddebHou zouj talata < ------ ?> (il y
a des familles qui égorgent deux trois)
F.ii. 498 : déjà nous on a < -------- ?>
L.ni. 499 : ça dépend + ça dépend
A.ni. 500 : un grand mouton
L.ni. 501 : un grand mouton mais les voisin euh + yeddebHou bezzouj kbach (ils égorgent
deux moutons)
A.ni. 502 : betlata (même trois)
F.ii. 503 : bessaH (mais) ça dépend des +++ la famille
A.ni. 504 : la tante de:: # de ÇABDOU (ÇABDOU)
F.ii. 505 : oui !
A.ni. 506 : had (cette) euh::  elle égorge trois
F.ii. 507 : bein c’est normal ils=ont [trois familles
A.ni. 508 : [trois familles
F.ii. 509 : et bein oui !
L./A. 510 : [la famille ++ < -------- ?>
F.ii. 511 : [kima (comme) nous + moi et mon mari + ma sœur w’ (et) son mari ma mère
et et moi # + ses=enfants
L.ni. 512 : [et ses=enfants
F.ii. 513 : à part ++ ma # kamel (tous) xxx
A.ni. 514 : yi:h ! (oui !)
F.ii. 515 : donc on a fait ++ déjà [beaucoup
A.ni. 516 : [i:h (oui) déjà beaucoup
F.ii. 517 : bein tu sais on a partagé +++ franchement trois ++ même il y a ++ que
++ il a travaillé ce jour là
L.ni. 518 : wechkoun elli dbaHelkoum ? (qui vous a égorgé le mouton ?)
F.ii. 519 : mon mari ÇABDOU (ÇABDOU)
L.ni. 520 : kamel lekbach dbaH’houm houwwa ? (il a égorgé tous les moutons)
F.ii. 521 : xxx xxx dbaHhoum w’koulchi (il les a égorgé et tout) + il les a nettoyé:: + ma
mère elle a été choquée + elle a dit « puré:e [franchement:: »
L.ni. 522 : [et ton père ma yedbaHch
(il n’égorge pas)
F.ii. 523 : [non ! purée + purée il
a super bien égorgé les moutons euh il les a bien nettoyé ++ tout euh

431
Annexes Transcriptions des conversations

einh ! dowwara (les abats) + la tête + tout les a bien donné à ma mère ma:
zeçma bqa ghil taghselhoum (soi-disant il lui restait que le lavage) et puis euh elle
les met dans le congelateur ou bien:: (+++ mais mon père il égorge
pas il a très peur il a la phobie de + des=animaux
L./A. 524 : yi::h ! (oui !)
F.ii. 525 : les moutons + les coqs et xxx +++ il peut pas supporter de # de voir
des=animaux hakka (comme ça) tués ++ Hnine (il est sensible)
L.ni. 526 : yih ma yAdch yeddenna (il ne peut pas s’approcher)
A.ni. 527 : même hna (ici) même hna (ici)
F.ni. 528 : et il mange pas beaucoup de viande à part le mechwi + (les grillades) comme
nous ++ je ne sais pas pourquoi le mechwi (les grillades) hmmm # + on aime
bien ?
A.ni. 529 : hmm !
F.ii. 530 : peut=être parce que chépa il est bien cuit ma fihch (il n’y a pas) [les \
A.ni. 531 : [ka:: #
+++ Kamel (tou:: +++ toutes) les matières grasse yemchiw (disparaissent)
F.ii. 532 : peut être ça doit=être ça +++ parce que t’as vu nebghi (j’aime) la viande
hachée et tout ça
A.ni. 533 : ouais !
F.ii. 534 : mais euh:: THottélé kima le Taji:ne (tu me pose comme le Tadjine) et tout li
yhottoh ftaç (qu’ils posent dans) le mariage
A.ni. 535 : ma tHebch ? (tu n’aimes pas ?)
F.ii. 536 : eih ben ils posent des gros morceaux gras + et tout froid et chetti (tu
as vu) quand tu l’ouvres à l’intérieur tHallih tsébéh khdar (quand tu l’ouvres
tu le trouve cru)
A.ni. 537 : t’:: bouillit (tu le fais bouillonner)
F.ii. 538 : non ça je ne supporte pas wellah ! (je le jure) et aujourd’hui bon # ça n’a
rien à voir par rapport à ce que je vous parle maintenant
A.ni. 539 : hmm !
F.ii. 540 : on voulait aller à la mer pour la dernière fois
A.ni. 541 : hmm !
F.ii. 542 : il a fait super chaud + mais on a eu un imprévu c’était pas possible
++ donc aujourd’hui on est vendredi joumouça (le vendredi) pour vous votre
+ c’est le week end en fait c’est ça
L./A. 543 : oui:: !
F.ii. 544 : on aurait trouvé du monde ça aurait été super bien + peut=être [que
demain on ira
L.ni. 545 : [< ------ ?>
F.ii. 546 : ouais !
L.ni. 547 : w’yeçejbouk (ils te plaisent) les plages + hna yeçejbouk ? (ici ils te palisent)
F.ii. 548 : ouais ! super c’est ce que j’suis entrain de dire peut= être je vais y
aller demain bach (pour) peut=être nchallah (si Dieu veut) je vais dire au
revoir à la playa
L./A. 549 : hmm !
F.ii. 550 : au r’(e) voir à la plage
A.ni. 551 : et en FRANCE tu vas à:: à la plage ?
F.ii. 552 : en FRANCE ouais ! mais j’habite dans le NORD + tu as vu ?
A.ni. 553 : oh oui !
F.ii. 554 : dans le NORD puis le NORD OUEST el barda fihoum kamel (c’est la plus froide)
A.ni. 555 : oui oui !
F.ii. 556 : c’est la plus froide en fait c’est le: le NORD c’est l’endroit où il
fait le plus froid ++ de la FRANCE w’kayen (il y a) les plages à côté
L.ni. 557 : xx xxx < ----- ?>
F.ii. 558 : oh ! c’est comme toi ici menna lRECHGUONE wella ki ysemmouha hadik ++
(d’ici à RACHGOUN ou comme comment on l’appelle) la plage ?
A.ni. 559 : SIFAX (SIFAX)
L.ni. 560 : SIFAX we:: LA MARMITTE w’SIGA w’: (SIFAX , LA MARMITTE et SIGA et)
F.ii. 561 : kimma menna l’SIGA temma tani çadna (comme d’ici à SIGA là nous avons aussi) une
heure saçça (une heure)
A.ni. 562 : yih ! (oui !)
F.ii. 563 : soixante kilomètres
A.ni. 564 : par voiture ?
F.ii. 565 : par voiture oui + oui oui une heure

432
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 566 : Hatta (même) les plages taçkoum (vos plages) privées [we euh:: #
F.ii. 567 : [non:: publiques euh non non publiques euh
A.ni. 568 : euh !
F.ii. 569 : on a aussi des belles pla::ges de:: +++ la MANCHE ++ la côte de la
MANCHE +++ temma Hda (là-bas à côté) les < ------ ?> Hna Hda (nous on est à côté de)
la BELGIQUE tani (aussi) + xxx on a de super belles plages [mais:: bon
A.ni. 570 : [mais comme les
plages de l’ALGERIE
F.ii. 571 : c’est pas ça c’est la température c’est dur
A.ni. 572 : rien que la température machi lakhor (non c’est l’autre)
F.ii. 573 : c'est-à-dire le soleil une fois par an
A.ni. 574 : eih c’est xxx < ----- ?>
F.ii. 575 : c’est rare t’as vu donc xx une ++ nhar (un jour) une fois qu’il y a du
semch (du soleil)
A.ni. 576 : Hna (nous) même l’hiver
F.ii. 577 : une fois il y a du semch (du soleil) tous le monde sort pour aller à la
plage
L.ni. 578 : yih ki ychoufou (oui quand ils voient) ensemble ykhorjou (ils sortent)
F.ii. 579 : voilà !
L.ni. 580 : yekhourjou yemchiw (ils sortent ils partent) les plages
F.ii. 581 : el la plage + il y a des moments de semch tjina (soleil qui apparaît)
A.ni. 582 : w’ (et) l’été chHal yegçoud çandkoum chHal yegçoud (c’est combien la duré chez
vous c’est combien) un mois deux mois
F.ii. 583 : ça dépend ça peut=être trois par le mois hada fe echhar (ça en deux mois)
L.ni. 584 : vingt trois jours xxx une semaine
F.ii. 585 : ça dépend une semaine fe chhar fhada skhana (en un mois cette chaleur)
L.ni. 586 : skhana (la chaleur)
A.ni. 587 : skhana yçawed yna°leb lHal (la chaleur et le climat change)
F.ii. 588 : trois semaine la pluie ++ ennew + ennew kima derwek galou ennew +
bessaH (la pluie + comme maintenant ils ont annoncé la pluie + mais) ça se pourrait fe xxx
[esskhana (dans la chaleur)
A.ni. 589 : [esskhana (la chaleur)
F.ii. 590 : t’(u) as compris ?
L./A. 591 : yih ! (oui !) ! ouais ouais !
F.ii. 592 : çlakhaTér mazal ma kmelch xxx taçhoum (parce que il n’est pas encore fini xxx votre été)
A.ni. 593 : le climat çandkoum + machi (chez vous il n’est pas) stable
F.ii. 594 : te te te mchi (il n’est pas) stable + bessaH (mais) le froid + à partir de::
octobre novembre
A.ni. 595 : Hatta l’(jusqu’à) mai
F.ii. 596 : Hatta l’ (jusqu’à) mai + ella Hatta el (jusqu’à) avril hakka: (comme ça) xx du
froid à fond quoi + el berd ey gaTTaç (un froid terrible)
A.ni. 597 : hmm !
F.ii. 598 : el berd (le froid) xx froid wellah ! (je le jure) mais wellefnah (on s’est habitué à ce
climat) on a pris l’habitude xx on a pris l’habitude en plus
A.ni. 599 : mais Hatta hna (même ici) on supporte pas lberd (le froid)
F.ii. 600 : [euh insupportable
L.ni. 601 : [il a fait très très froid
A.ni. 602 : l’année passée + moins # moins≠un +++ moins≠un wellah ma Addina (je te le
jure on a pas pu) + insupportable
L.ni. 603 : ja ghi chwiyya telj (il a neigé un peu) deux jours w’houwwa yTéH ettelj ma
[Addinach koulchi tebloka (il n’a cessé de neiger on a pas pu tout était bloqué)
A.ni. 604 : [koulchi tbellaç (tout était bloqué)
L.ni. 605 : [koulchi ybellaç (tout se bloque)
A.ni. 606 : [on a pas les moyens
L.ni. 607 : on a pas les moyens ettri° tetçammer be + be + ellotoyat yegouçdou ma
yfoutouch (la route était barrée + par + par + la neige et les voitures ne passaient plus)
F.ni. 608 : [mais oui c’est normal çandkoum el çagba (vous avez la forêt)
L.ni. 609 : non non même pas n’euh n’euh n’euh # w’kan Hatta ma tkounch çadna el
çagba (même s’il n y a pas la forêt)
A.ni. 610 : makanch (il n’y a pas) les moyens
L.ni. 611 : ettergane ybellçou ++ bettelj (les routes seront barrée + de neige)
F.ii. 612 : [oui bein !

433
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 613 : [makanch (il n’y a pas) les machines lieyjerrou le: (pour enlever)
F.ii. 614 : [we ydirou lmelH (ils mettent du sel)
L.ni. 615 : [ma ydirouch melH w’ ma ydirouch xx ykhelliwha hakdek (ils mettent pas du sel il
la laissent comme ça)
A.ni. 616 : whadouk msaken elli saknine + [yesseknou had (et les pauvres qui habitent + ils
habient)
L.ni. 617 : [bçid (loin) les villages
A.ni. 618 : [yegouçdou (ils restent) isolés
F.ii. 619 : c’est vrai ?
A.ni. 620 : wellah ! ella yegouçdou (ils restent je le jure) + comme TIRNI un petit [village
F.ii. 621 : [oui !
A.ni. 622 : [comme TIRNI yegouçdou (TIRNI ils restent) isolé be (jusqu’à) trois jours quatre
[Hatta l’ (jusqu’à) une semaine
F.ii. 623 : [oh ! et les personne
A.ni. 624 : [isolées
F.ii. 625 : [msakine (les pauvres) âgées
L.ni. 626 : çadek mziyya ettelj kan yji (heureusement il n’a neigé que pendant) deux jours we
yçawed ydoub (et il se fond)
A.ni. 627 : même ettelj ma ysebbch bezzaf (il neige pas beaucoup)
F.ii. 628 : mais où est-ce qu’il fait froid le plus ? c’est la KABYLIE (KABYLIE)
euh ?
A.ni. 629 : même fe TLEMSEN + hna f’ (à TLEMCEN + ici à) la région de TLEMSEN (TLEMCEN) il
fait froid
F.ni. 630 : oui oui [mais
A.ni. 631 : [quand il:
F.ii. 632 : [la KABYLIE (KABYLIE)
A.ni. 633 : [fait:: chaud le mois de juillet et août
F.ii. 634 : ouais ouais !
A.ni. 635 : le mois de janvier décembre [il fait froid
F.ii. 636 : [bessa::H (mais)
A.ni. 637 : [on supporte pas
F.ii. 638 : h.h.h ((soupires)) c’est normal
A.ni. 639 : insuppotable comme ++ euh dans la maison taçna (notre maison) xx elli
çadna (la cuisine nous avons) la cuisine
F.ii. 640 : win ? (où ?) chez toi ?
A.ni. 641 : ella hna (non ici)
F.ii. 642 : ah ! ici
A.ni. 643 : oui!
F.ii. 644 : SIDI SÇID (SIDI S’ÇID)
A.ni. 645 : SIDI SÇID (SIDI S’ÇID) euh
F.ii. 646 : il fait super froid
A.ni. 647 : on peut pas ++ même manger on peut pas
F.ii. 648 : bessaH ! (ah bon !)
A.ni. 649 : ki tegçoud (quand tu restes) dans la cuisine hakda (comme ça) ((gèstes : bras
croisés))
F.ii. 650 : donc ça fait quand vous mangez + vous mangez où ?
L.ni. 651 : we temma tAddou lelberd temma ? chHal yewsel lberde ettaçkoum ? (et là-bas
vous supportez le froid ? là-bas la température combien elle a atteint ?)
F.ii. 652 : hmm + mois + moins dix
L.ni. 653 : hmm !
A.ni. 654 : [hna (ici) moins dix euh !
L.ni. 655 : [ça y est Hna man çichouch (ici on meurt)
F.ii. 656 : mais là-bas il y a il y a des xxx
A.ni. 657 : temma (là-bas) il y a les moyens bessaH ya FARIDA (mais FARIDA) il y a même
des moyens xxx
F.ii. 658 : il fait froid echa bghiti ydirounna (qu’est ce que tu veux qu’ils nous fassent)
A.ni. 659 : même il ya xxx han makanch (ici il n’y a pas)
L.ni. 660 : Walftou waleftou (vous vous êtes habitué vous vous êtes habitués)
A.ni. 661 : hna + ki nOulou (comme on dit + ici)
F.ii. 662 : hna (ici) il y a des moments où on sort pas une semaine weHna
manakhourjouch ? (nous on ne sort pas)
((soupires))

434
Annexes Transcriptions des conversations

L.ni. 663 : ki ySebb çandkoum ettelj kich taçamlou ? ettelj temma çandkoum bla
semaine yTéH (quand il pleut chez vous comment vous faites ? là-bas la neige tombe toute la
semaine)
F.ii. 664 : wah (oui) tous les jours
L.ni. 665 : < ------- ?>
F.ii. 666 : wah ma nekhourjouch (oui on ne sort pas) les voitures + tout bloqué:: + les
routes bloquées:: kamel (toutes)
L.ni. 667 : bessaH kich taçamlou ? kich yaçamlou ySegdou eTTor’Ane yneHHiw dak
[ettelj (mais comment vous faites ? ils enlèvent la neige des routes)
F.ii. 668 : [wah ! (oui !)
L.ni. 669 : [bach eyfoutou elloToyat ++ bach el khedma xxx
(pour ouvrir la route aux voiture ++ et pour travailler)
F.ii. 670 : non l’intempérie interdit lkhedma (le travail) ++ non
A.ni. 671 : interdit ?
F.ii. 672 : oui l’intempérie ils travaillent pas ++ mon père khaTra (une fois) deux
semaine makhdemch (je n’ai pas travaillé) ++ il peut pas travailler ++
impossible moins dix tu peux pas travailler dehors c’est jlid (le gel)
A.ni. 673 : w’saHHa welli yekhedmou f’le:: + f’le:: (et bien ceux qui travaillent dans dans le + le)

NB : Pour des raisons d’ordre technique nous n’avons pas pu enregistrer la suite de la
conversaion.

435
Annexes Extraits d’entretiens

LES EXTRAITS D’ENTRETIENS

Les entretiens ont été réalisés avec deux groupes, deux des participantes aux
enregistrements sonores et d’autres sujets que nous avons sollicités pour participer aux
entretiens. Pour des raisons de palaces nous avons sélectionné seulement les extraits que
nous avons jugés utiles pour notre étude et qui contiennent des réponses pertinentes. Les
codes retenus pour les participants est constitués de lettres suivies de chiffres : les initiales
du prénom, les catégories hommes et femmes sont représentées respectivement par H et F,
pour la catégorie non-immigré (N-I), immigré (I), issu de l’immigration (I-I) et enfin les
chiffres selon l’ordre croissant relatif à l’apparition des sujets enquêtés dans les annexes.

Voici le guide d’entretiens :

* Pour les immigrés

Est-ce que vous êtes nés en France ou bien alors vous êtes résident ?
Que représente la France pour vous ?
Que représente l’Algérie pour vous ?
Est-ce que vous parlez l’arabe algérien et le français ?
Parlez vous d’autres langues ?
Est-ce qu’il vous arrive de parler l’arabe algérien en France ?
Avec qui et où ?
Que représentent les immigrés (descendants de l’immigration algérienne 2ème et 3ème
génération) et les non-immigrés pour vous ?
Comment parlent-ils le français et l’arabe algérien ?
Est-ce qu’ils mélangent les deux langues et pourquoi ?
Comment vous trouvez leur façon de parler et le mélange des langues ?
Est-ce qu’il vous arrive vous-même de mélanger les deux langues (ici en Algérie et
là-bas en France) ?
Est-ce que depuis que vous êtes partit en France votre manière de parler le français
a changée (pour les immigrés de la première génération nouvellement installée en
France) ?
Est-ce que vous penser que votre façon de parler change à chaque fois que vous
passez vos vacances en Algérie (pour les descendant de l’immigration) ?
Pour quoi est ce que les immigrés (les non-immigrés) mélangent l’arabe algérien et
le français ?

436
Annexes Extraits d’entretiens

* Pour les immigrés

Etes-vous né en Algérie ?
Que représente l’Algérie pour vous ?
Est-ce que vous parlez l’arabe algérien et le français ?
Parlez vous d’autres langues ?
Est-ce qu’il vous arrive de parler qu’en français ?
Avec qui et où ?
Est-ce qu’il vous arrive de mélanger les deux où et avec qui ?
Est-ce que les Algériens mélangent les deux langues ?
Comment trouvez-vous le mélange de l’arabe algérien avec le français ?
Que représentent les immigrés (descendants de l’immigration algérienne 2ème et 3ème
génération) et les non-immigrés pour vous ?
Comment parlent-ils le français et l’arabe algérien ?
Est-ce qu’ils mélangent les deux langues et pourquoi ?
Comment vous trouvez leur façon de parler et le mélange des langues ?
Est-ce qu’il vous arrive vous-même de mélanger les deux langues (ici en Algérie et
là-bas en France) ?
Est-ce qu’il vous arrive de parler avec des immigrés, si oui quelles langues utilisez
vous ?
Est-ce que vous penser que votre façon de parler s’améliore quand vous parlez avec
les immigrés ?

Entretien 1
Fat.F.I-I. 1 : Immigrée / 28 ans / mariée à un Algérien nouvellement immigré / 1 fille /
Nord-Pas-de-Calais / bachelière / conseillère téléphonique / vente par correspondance /

* Les langues que j’ai apprise à l’école / beaucoup d’anglais / six ans d’anglais // niveau scolaire /
la base / c’est vraiment la base scolaire // j’avais également le choix avec l’espagnol que je n’avait
pas pu apprendre car j’ai arrêté l’école au bac // par contre j’ai passé mon bac avec la mention de
choix / l’algérien maghrébin // au sein de la famille je parle l’argot et le verlan avec l’algérien
maghrébin chouiyya menna chouiyya men (un peu de tout) // je parle avec mes frères l’algérien
maghrébin // ben en admettant je leur demande du café je leur dis du choika / je parle avec ma
sœur beaucoup de verlan / par contre quand je viens ici en Algérie ben je parle un peu de tout
français / arabe / mais pas forcément l’arabe directement ou le français directement / avec les
parents / avec ma mère directement laçreb (les Arabes pour désigner l’arabe) / la langue arabe
impossible bach tefhem (impossible de comprendre) le français donc ça c’est sûr et certain /
d’ailleurs quand je suis avec elle / il faut que je lui fasse comprendre tout / quand elle veut acheter
quelque chose ben il faut que je sois là // par contre ce qu’elle sait faire c’est compter l’argent /
elle connaît très bien / d’ailleurs toutes les mères maghrébines en France elles connaissent super
bien l’Euro // elles savent super bien compter /// Mon père en fait il parle très bien l’arabe / très
bien le français / d’ailleurs il est né ici / par contre il parle aussi patois / ben c’est la langue du

437
Annexes Extraits d’entretiens

Nord-Pas-de-Calais / il parle chtimi // ensuite les frères ben c’est français / c’est l’argot / le verlan
/ énormément verlan / c’est des rebeus / donc sachant qu’ils sont jeunes / qu’ils sont en France /
immigrés / ils parlent énormément l’argot /// les sœurs un peu de tout / nahadrou chouwiyya (on
parle un peu) arabe chouwiyya (un peu) français / mais netfahmou (on se comprend) mais
beaucoup plus en arabe mais pas l’arabe littéraire / l’arabe algérien maghrébin // avec les voisins
maghrébins on parle en français avec eux / mais avec les Français on parle français mais un
français littéraire / il n’y a pas de mots maghrébins à part de temps en temps ki (quand) on leur
dit kif kif yefehmou (ils comprennent) tout de suite / il y a des mots / il y a beaucoup de Français
yefehmou (ils comprennent) // déjà copter yefehmou (ils comprennent) beaucoup / les voisins
Français ben ils ont l’habitude déjà de vivre avec nous en France dons walfou (ils se sont
habitués) avec nous / l’argot / le verlan / brouHhoum (eux-mêmes) même eux ils parlent avec
nous khetrat (des fois) des petits mots en arabe // je sais pas / ils disent wellah (je le jour) souvent
ils disent wellah yaHalfous (ils disent je le jure ils jurent) ils ont l’habitude / on vit avec les
Français / les Français vivent avec les Algériens et ben les Maghrébins on parle l’argot / souvent
c’est l’arabe normal familial // RwaH (viens) viens tchoufi (viens voir) chouf ! chouf ! (regarde !
regarde !) / on dit souvent ces mots que tout le monde parle /// au travail interdit de parler l’arabe /
çadna qanoun (il y a une loi) interdit de sortir de sortir la religion / interdit de parler en verlan /
interdit / ça dépend / moi je parle dans les bureaux / dans les bureaux / dans les commerces
également beaucoup // c’est strictement interdit / el lougha al çarabiyya (la langue arabe
classique) / on parle pas ça c’est clair / tous les immigrés ne parlent pas had (cette) la langue mais
on parle beaucoup l’argot donc je ne sais pas / l’argot familial ben moitié arabe moitié français /
on mélange c’est parti tout seul / c’est les jeunes / au fur et à mesure / on parle c’est pour se faire
comprendre / çla khater (parce que) il y a beaucoup d’immigrés qui ne savent pas parler l’arabe //
donc euh yahadrou bel français (ils parlent en français) // wkayen (et il y a) des mots très simples
// très faciles arwaH koul (viens manger) // kif kif // chkoun (qui) / tdjihoum sahla (c’est plus
facile pour eux) donc ils font rentrer dans leurs phrases / avec les immigrés c’est pour faciliter la
communication / malgré s’il savent parler l’arabe ils préfèrent mélanger parce que c’est devenu
naturel maintenant et ça deviendra naturel / dans quelques années de parler français arabe / même
de parler l’argot // ça deviendra naturel ça j’en suis sûre / avec les immigrés bien sûr / par contre
avec les Algériens en Algérie / je parle arabe en tout cas j’essaye de parler arabe // je fais des
efforts // dans les commerces je parle les deux // kin nkoun mça (quand je suis) les Maghrébins /
ils ne comprennent pas / ils arrivent pas à me comprendre / mais on fait avec // mais on peut pas
sortir du verlan / c’est impossible de sortir le verlan ici / je viens en Algérie moi personnellement
depuis que j’avais huit ans / chaque année je viens avec mes parents / sachant que même après huit
ans je ne comprenait pas du tout l’arabe / donc j’écoutais mais pour répondre je ne savais pas
répondre / j’observait mes parents / mes tentes / mes oncles // c’était au fur et à mesure que mes
parents me ramenaient en Algérie que j’ai appris l’Algérien / sinon franchement /
sinon jamais je l’aurais appris / même avec ma mère on parlait en français /elle ne nous
comprenait pas / par contre avec mon père on parlait beaucoup le français en France / mais on
parle pas l’arabe tous les jours en tous les cas / quand on dit l’arabe c’est l’algérien / parce que
les Marocains / ils parlent pas comme nous malgré comme on vit avec les Marocains les Kabyle /
par contre avec ces gens là Marocains Kabyle Tunisiens / on parle en français complètement c’est
seulement entre les Algériens immigrés qu’on parle argot algérien français / tout à fait ça / c’est
sûr / le fait de venir chaque année au pays d’origine avec les parents ça nous a permis
d’apprendre beaucoup plus facilement l’arabe ça c’est sûr parce que comme je disait si on ne
venait pas chaque année en Algérie jamais je ne saurais parler comme je le fais aujourd’hui //
j’aurais connu des petits mots / parce que maintenant je parle encore plus arabe / je parle souvent
en arabe avec mon mari que quand j’étais jeune avec mes sœurs / ben quand j’étais jeune fille/
chez mes parents / par exemple avec mes sœurs on parlait l’argot / ben maintenant l’argot et le
verlan ça devient de plus en plus je parle moins ce langage avec mon mari parce que voilà c’est
quelqu’un qui est né en Algérie / c’est quelqu’un qui a grandit à Oran // heureusement il comprend
le français // si je n’étais pas mariée avec un maghrébin d’ici j’aurais continué à parler en français
mais heureusement on parle l’arabe et puis j’ai appris des choses déjà / j’ai appris des mots que je

438
Annexes Extraits d’entretiens

ne connaissais pas et ça j’en suis contente /// l’enregistrement / je le trouve étrange c’est étrange
même / donc c’est vrai / c’est bizarre / mine de rien / on se rend pas compte c’est venu
naturellement / c’est vrai naturellement / on essaye de pour se faire comprendre par tous les
moyens avec n’importe quel moyen / si on pouvait faire des signes de la main on le ferait / là on
trouvé l’occasion c’est de parler en français et en arabe / ben on l’a fait et ça marche super bien //
on parle en verlan c’est des codes / on placera des mots en arabe et ça marche super bien /// ouais
on va dire / mais avant l’Algérie c’était la France // mais je me retrouve bien parce que je vis en
France et je sais parler l’arabe quand même je me sens bilingue.

Entretien 2
Kha.F.N-I. 2 : Non-immigrée / 20 ans / née et vit en Algérie (environs de Tlemcen) / 1ère
année universitaire / célibataire /

* Oui ! Effectivement je parle plusieurs langues /je parle un peu l’anglais / l’espagnol / j’ai appris
l’espagnole toute seule // je ne parle pas couramment l’anglais // je l’ai appris à l’école // pour ce
qui est du français / je ne sais pas / je parle que le français / couramment / je peux m’exprimer / je
m’exprime bien je n’ai pas de problèmes // je l’utilise surtout avec maman // on parle souvent en
français chez nous // parce que maman était prof de français // on reçoit également chez nous des
immigrés // ma tante maternelle // mon frère // mon oncle // non on ne parle pas tout le temps en
français mai souvent // disons que j’ai appris le français à la maison // et après à l’école // c’est la
deuxième pour moi après l’arabe // l’arabe parlé / le dialectal // par contre on ne parle jamais
l’arabe classique à la maison / c’est toujours à l’école // c’est la langue des pratiques religieuses /
on est musulmans ça reste notre langue même si on la pratique pas couramment /// le français
représente pour moi /// je parle en français // j’aime la culture française // j’aime bien apprendre
tout ce qui est français / tout ce qui est important // j’aime parler en français quoi // je préfère
parler en français avec ma mère // elle me corrige // à l’université j’utilise le français // les mots et
/// par contre le français est présent partout // j’utilise pas seulement le français hein / j’utilise
aussi beaucoup l’arabe dialectal // Je souhaite que tout le monde emploie le français // le français
c’est bien / on trouve du français dans l’arabe // Même si c’est du français / on l’a arabisé / c’est
devenu arabe / c’est fini … je ne sais pas qu’est-ce que ça donne / c’est indispensable toutes les
langues ont connu cela / il y a beaucoup de mots arabes même du dialecte qui ont pénétré le
français / je parle l’arabe dialectal couramment mais je préfère le français l’arabe classique je le
comprends mais je ne le parle pas bien / j’ai du mal / je l’ai mal appris /// le mélange des deux
c’est bien / mais ma maman me conseille de parler en français mais si je me trompe c’est pas
grave // elle me corrige tout le temps // personnellement je trouve bien le mélange / ça facilite la
communication // premièrement c’est une habitude // deuxièmement ça m’aide dans mes études // je
prépare une licence de français // je pense que les Algériens mélangent beaucoup l’arabe et le
français // non pas seulement ça / c’est aussi le berbère et l’arabe classique // nous les Algériens
nous nous exprimons bien en français / mieux que les autres nations qui sont francophones / on et
le premier pays francophone au monde après les Français // on trouve toutes ces langues // là où
j’habite / les gens parlent beaucoup en français // c’est des gens francisant / et même il y a
beaucoup d’immigrés // ils viennent en permanence // ils parlent eux aussi l’arabe dialectal et le
français // ils nous comprennent et on les comprend aussi // les immigrés sont comme nous ils ont
eux aussi comme nous ils parlent l’arabe et le français / mais ils parlent plus le français / ils sont
bien en français et on est bien en arabe / mais ils nous comprennent et on les comprend ///

439
Annexes Extraits d’entretiens

Entretien 3
Sou.F.N-I. 3 : Non-immigrée / 19 ans / 1ère année universitaire / née et vit en Algérie
(environs de Tlemcen) / célibataire /

* Oui je parle plusieurs langues / je parle le français / un peu l’anglais / et l’espagnol // à l’école
oui / oui // et l’arabe c’est notre langue //l’arabe classique pas tellement // à l’école // pour lire un
livre / voilà // l’anglais est une langue internationale pour moi / on l’utilise et on l’apprend avec
les gens qui parlent cette langue // oui on parle un peu le français à la maison surtout avec ma
sœur / ma maman / maman parle bien le français // oui j’ai appris cette langue à l’école // Le
français c’est une de nos langues que nous parlons / on les mélanges aussi parce qu’on est
francophones et arabophones // avant j’employais des mots // on utilise trop de mots en arabe
quand on parle en français // pour que les gens nous comprennent / on est libre de parler l’arabe à
côté du français / on utilise souvent le français et l’arabe / les commerçants / les jeunes etcetera /
les mots français sont très utilisés / on utilise l’arabe et le français pour que les gens nous
comprennent / même à l’école on utilisait l’arabe et le français / mais il y avait des profs qui ne
voulait pas / oui on utilise beaucoup de mots français / avec les commerçants etcetera / j’estime
que je suis bilingue / même quand on parle l’arabe et on ajoute des mots français // c’est spontané
/ on ne peut pas ne pas mélanger / on utilise souvent les deux langues // oui il nous arrive de parler
uniquement en français oui des fois j’essaye mais pas tellement / mais je comprend bien /
seulement j’ai peur de me tromper / j’ai du mal à communiquer / c’est pour ça que je mélange
l’arabe et le français // oui j’ai mon oncle il vient chaque année pour passer les vacances avec
nous / ils parlent avec nous en français et il parle les deux à la fois // oui il nous parle aussi en
arabe mais il utilise toujours le français // il mélange beaucoup // parfois il est difficile de
communiquer avec les immigrés (...) avec les immigrés ou avec les Français / j’ai l’impression de
parler facilement / je comprend / je suis à l’aise et j’apprends beaucoup // sinon on les comprend
et ils nous comprennent // les immigrés parlent avec accent même en arabe /// on peut dire qu’on
parle plusieurs langues nous les jeunes / on a eu la chance d’être à l’école / il y a la télé / la
situation s’est améliorée on a tout / ce n’est pas comme nous parents / le français les filles
l’utilisent beaucoup même celles qui ne vont plus à l’école elles continuent à le parler // mais
quand on parle en français devant les gens ils nous traitent d’immigrés // et les immigrés on les
considèrent comme des Algériens comme nous certains les traitent comme des français ou
étrangers // même quand ils parent en arabe

Entretien 4
Nas.H.I. 4 : Immigré depuis 15 ans en France / 35 ans / marié deux enfants / conjointe
descendante de l’immigration algérienne / cadre / vit à Paris.

* Le français est pour moi une langue étrangère que j’utilise dans le milieu professionnel / familial
/ je l’utilise régulièrement /// la France est pour moi un pays étranger / un pays d’accueil / de
résidence / la France est un grand pays / c’est une grande civilisation / une grande culture / la
langue française est connue par ses vertus / la France est aussi un pays d’accueil / c’est un pays
qui a / c’est un pays qui a accueillis beaucoup de monde à un moment donné // pratiquement par
rapport à un besoin économique // nous on était plus éjecter par notre pays que autre chose // ce
n’est pas une immigration qu’on a choisi // c’est une immigration un peu obligatoire on va dire /
par rapport à notre cursus / par rapport à nos études / voilà pour moi la France c’est une terre /
c’est une terre d’accueil / il y a le statut de l’immigré qui est reconnu et // respectable /// L’Algérie
après ces années d’immigration / l’Algérie c’est mon pays natal / c’est mon chez- moi / c’est ma
terre // la France est une terre d’accueil // pour mes enfants je ne sais pas ça va être // mais pour
moi c’est un pays étranger // c’est une terre d’immigration /// Chez moi en famille oui ! avec des

440
Annexes Extraits d’entretiens

amis / en arabe /en dialecte algérien // en arabe littéraire non // avec des Français / sauf s’ils ont
des interrogations précises ou des traductions /// Les immigrés de la deuxième et de la troisième
génération ne trouvent pas leur compte aujourd’hui // à part quelques uns // une minorité qui
arrive à s’insérer dans la société // il y a un problème qu’on peut appeler d’intégration /ce genre
de // c’est la vision des Français // mais bon on ne peut pas intégrer quelqu’un c’est pas de
l’assimilation // c’est un problème d’adaptation et un problème de compatibilité // problème
linguistique // problème identitaire etcetera / à mon avis personnel moi je ne suis pas spécialiste
dans le domaine // moi pour moi je pense que c’est plus un problème historique // un problème lié à
la colonisation / je pense qu’on peut voir la différence directement chez les Algériens qui ont
immigré en Angleterre ou aux Etats-Unis et les Algériens qui ont immigré en France // je crois
qu’il y a une grande différence par rapport à l’accueil qui leur est réservé ou à l’intégration de la
deuxième et la troisième génération /// Pour la deuxième génération de France // le français c’est
leur langue maternelle / le français c’est leur langue maternelle // l’arabe c’est leur langue
d’origine on va dire / d’origine de leur parents / c’est pour ça qu’ils restent attachés à cette langue
mais il n’y a pas de règles par ce que nous-mêmes /// voilà c’est une langue familiale // c’est
exactement ça // mais c’est pas // la deuxième et la troisième génération / ils essayent de s’attacher
parce qu’il y a un problème identitaire / parce qu’ils savent eux aussi malgré leur citoyenneté
française qu’ils ne sont pas Français à cent pour cent /// Pour ce qui est du mélange du français
avec l’arabe / je pense qu’ils ont besoin de ça / donc nous déjà première génération bon ça c'est
évident mais eux / ils ont besoin d’une double culture // c’est un équilibre / ils ont une double
culture // et ils sont chez eux nulle part / ils sont pas chez eux là en Algérie et ils sont pas chez eux
là-bas en France /// dans leur façon de parler il y a un problème lié à la // il y a la volonté de se
différencier des Français / parce que les deuxièmes générations / qui veulent parler en français il y
arrivent parce qu’ils ont fait l’école française // c’est une façon de se rebeller / le fait de parler le
verlan le français à l’envers pour sortir des termes / c’est encore encourager par les nouvelles
technologies le SMS, etcetera / ils revendiquent leur différence / c’est des Français musulmans
entre guillemets / pas l’islam religieux / mais l’islam identitaire // ils revendiquent / c’est pas des
Français comme les autres Français / c’est ce qu’ils essayent de faire passer // ça a commencé un
petit peut avec Sarkozy qui a peut être compris un peu leur revendication / mais le problème social
/ les problèmes socioéconomiques persistent // le problème identitaire on en parle déjà / les débats
sont ouverts / les solution je ne sais pas si on va les avoir ou pas /// Oui ! Il m’arrive de mélanger
l’arabe avec le français / chez moi oui ! quand je parle avec ma femme / on parle le dialecte
algérien qui est un mélange de français et d’arabe / et même en Algérie on parle français arabe //
mais au niveau professionnel non ///Je n’est pas de revendication à proprement parler quand
j’utilise l’arabe algérien / pour moi l’arabe nous relie / c’est un point commun avec les gens qui
sont proches de nous / et je me sens pas arabe / parce que pour moi la langue arabe (il se réfère ici
à l’arabe classique) c’est aussi une langue étrangère /// Le fait d’habiter en France / je pense /
forcément // l’appréhension de la langue change / bon ici en parle le français d’une manière // on y
pense pas / on parlait français et puis c’est tout / mais quand on côtoie les Français on sent qu’il y
a quelque chose de fondée / de basée // la langue française pour les Français c’est quelque chose
de très important / quand on parle aux Français il faut faire très attention aux termes / ils sont très
pointilleux et méticuleux / au niveau de l’écriture / de l’orthographe / quand on était en Algérie
c’était une langue et puis c’est tout // un moyen de communication /// En présence d’un Français je
parle rarement en arabe / rarement / ça m’arrive pour des termes / qu’on ne peut pas faire passer
en français // oui mais après en essayant de leur faire comprendre des termes / parce qu’il y a des
termes qu’on ne peut pas traduire / ça m’arrive souvent oui ! // La question pour moi / l’immigré
de la première génération c’est très particulier / parce que c’est lui qui est déraciné / là pour lui /
je pense que c’est lui qui a un problème / il y aura toujours un problème vis-à-vis à la fois de a
langue maternelle / si elle existe / mais aussi sa langue de la terre d’accueil // pour la deuxième
génération / je pense / je ne sais pas quelqu’un de leur /// mais je pense à mon avis les deux
langues // je pense qu’ils les considèrent comme leurs langues maternelles // ils vont les considérer
comme ça / mais l’effort d’apprentissage des deux langues // je pense qu’il est difficile // j’ai des
exemples des personnes de la deuxième génération qui ont réussit d’apprendre l’arabe littéraire //

441
Annexes Extraits d’entretiens

qui sont plus motivés par des raisons religieuses et non par des raisons culturelles ou idéologiques
ou /// Double identité je ne sais pas si on peut avoir deux identités // double terre oui ! // double
culture je pense // double identité je pense pas / je pense que le problème est foncièrement à ce
niveau là / au niveau identitaire / je ne pense pas qu’on puisse avoir deux identités parce que à un
moment donné il faut trancher // nous on prend l’exemple de la première génération où es
Algériens post-indépendance on un problème identitaire on est pas arabes / nous on est pas Arabes
// on est pas Arabes on a été Arabisés / peut l’être le mélange / on est pas arabes // on est Berbères
/ Hispano / c’est un mélange / on a essayé de nous imposer une civilisation arabe qu’on refuse / le
meilleur exemple c’est qu’on ne parle pas l’arabe littéraire // je ne l’ai pas parlé depuis que je suis
sorti de l’école // c’est une langue institutionnelle /// j’ai parlé avec un Egyptien une fois / je parlait
un arabe décortiqué / un mauvais arabe / alors que j’ai fait toutes mes études en arabe // je suis
incapable de faire une phrase correcte en arabe ///

Entretien 5
Moh.H.I. 5 : Immigré depuis dix ans / 34 ans / marié à une descendante de l’immigration /
ouvrier dans le domaine du bâtiment /

* Donc la France c’est mon deuxième pays // où je vis pour le moment / l’Algérie c’est mon
premier pays que j’adore beaucoup /// Je parle les deux / les deux / avec les Français je parle le
français / tu veux dire en France ou en Algérie / en France je parle le français avec les Français /
avec les arabes comme moi / les musulmans / je parle en arabe / mais en Algérie je parle en arabe
/ ce n’est pas nécessaire de parler en français même si beaucoup l’utilisent // ça dépend que ce soit
deuxième ou première ou troisième génération tout ça c’est une question d’éducation /// j’entends
par là des gens qui savent parler / tu vois des gens qui ont un langage bien / Les immigrés parlent
bien le français / de temps en temps les gens qui viennent du bled du Maroc ou d’Algérie / c’est
normal ils ont toujours l’accent de / ils ont l’accent arabe français // bien sûr c’est un mélange /
bien sûr que c’est un mélange / mais ça sert toujours / je trouve leur façon de parler bien / moi je
trouve bien // moi-même je mélange l’arabe et le français de temps en temps / avec les Arabes //
avec les Français je parle très bien le français / j’ai pas d’accent /// c’est bien de mélanger // la
mixité c’est bien // c’est très bien ça // moi je trouve que c’est très bien ///Depuis que je suis en
France ma façon de parler a changé bien sûr / bien sûr parce que j’ai / je vis avec des gens qui
savent très bien parler / je vis avec des gens qui connaissent la politesse / qui connaissent le
respect / je dis pas que dans mon pays il n’y a pas tout ça / ais il y a moins par rapport à là où je
vis // j’ai deux langues / deux cultures / et deux pays / mon pays d’origine qui m’est cher c’est
l’Algérie et un pays où je vis qui vient en deuxième degré / mais c’est normal / parce que je vis et je
compte fonder une famille là-bas et mes enfants / j’ai déjà une petite fille qui est née là-bas / elle a
grandit là-bas / déjà elle est née /// elle a la nationalité française / c’est normal / c’est moi qui vais
lui apprendre l’arabe inchallah // Je parle souvent en arabe avec ma femme à la maison c’est
normal c’est ma langue / comment dire maternelle / ma langue maternelle c’est ça / il m’arrive de
parler souvent en français à la maison parce que ma femme est née là-bas mais pas qu’en français
/ non non toujours mélange français / qu’en français non non il y a toujours français arabe //

Entretien 6
Yas.H.I. 6 : Ayant immigré avec sa famille à l’âge de 3 ans / 19 ans /lycéen / résidant à
Marseille /

* Oui effectivement je parle plusieurs langues / le français l’arabe et l’anglais / oui arabe algérien
// pour l’arabe classique un petit peu / ce n’est pas vraiment une langue de communication pour
moi // chez moi en France je parle l’arabe courant / algérien / celui que vous parlez en Algérie / je

442
Annexes Extraits d’entretiens

le parle avec ma mère / mon père / avec mes frères et sœurs je ne parle qu’en français / l’arabe
algérien je l’ai appris à la maison et un peu dans la rue / oui oui en France / comme mes parents
parlent en arabe etcetera // à l’école les français et l’anglais aussi dans la rue c’est courant on
apprend beaucoup // l’arabe c’est surtout à travers le voyage entre la France et l’Algérie / pour
moi l’arabe c’est une langue étrangère / enfin / d’un côté oui d’un côté non / moi je me sens plus
Algérien que Français / je parle l’arabe dialectal et le français // pour l’anglais c’est plus une
langue étrangère // je l’utilise jamais en dehors de la classe // je m’exprime plus souvent en
français suivi de l’arabe suivit de l’anglais / j’ai oublié une langue c’est l’espagnol que je suis
entrain d’apprendre / le français c’est la langue du quotidien / le français de l’école est différent
de celui de la rue / il y a des mots inventés c’est chellou c’est louche / il y a d’autres mots qui sont
inventés // le français des Français et le français des immigrés n’est pas le même / du côté de la
prononciation et du mélange / un petit peu de l’arabe et du français // ils connaissent pas bien le
français / oui les immigrés / c’est dû à l’origine sociale / les immigrés ont une façon de parler
différente de celle des Français ///quand j’utilise l’arabe c’est surtout des petites phrases et des
mots / des fois je parle l’arabe pour expliquer / souvent pour expliquer / il y en a beaucoup qui
sortent des mots arabes / je pense que ça c’est normal /// j’ai remarqué qu’on nous désignent
d’immigrés alors qu’on est dans notre pays et il y a des gens qui se moquent de nous / oui à cause
de notre accent d’immigré

Entretien 7
Abdel.H.I. 7 : Immigré en France depuis dix ans / 36 ans / marié à une descendante de
l’immigration / père d’une fille de 7ans / gérant dans une boite au sein de l’aéroport /

* Je suis résident en France depuis quatre vingt dix huit / bein je suis parti pour un court séjours
finalement je suis resté // ça fait dix ans que je suis en France / la France c’est pays comme les
autres / donc mon destin m’a amené vers la France / donc je suis resté et j’ai travaillé // la France
c’est un terre d’accueil et de résidence pour moi / l’Algérie c’est ma patri mon pays donc là c’est
où je suis né / j’ai grandi / j’ai ma famille et tout //o ui ! je parle les deux / l’arabe algérien bien /
le français bien // je parle / quelques notions en espagnol et un petit peu l’anglais / oui ! il m’arrive
de parler l’arabe algérien en France avec mes amis arabes / Algériens / Tunisiens / Marocains / en
famille oui ! avec mon enfant // les Algériens d’Algérie c’est mes frères // les immigrés de la
deuxième et de la troisième génération aussi / c’est les descendants des premiers travailleurs qui
sont arrivés en France // ouais parce qu’ils ont un petit peu un problème de culture / donc ils
savent pas où se mettre // ils ont une double culture / ils ont un petit peu de l’ignorance par rapport
à la langue arabe // ils parlent plus le français que l’arabe /// l’arabe ils ne le parlent qu’avec
leurs parents /// l’arabe algérien est différent du notre // il y a du mélange dans la culture
algérienne // comme de l’este ou de l’ouest ou du sud / il y a un mélange de langues aussi / ils
mélangent pour se faire comprendre /// moi aussi de temps en temps je mélange parce que le
dialecte algérien / il y plein de mots en français // ici en Algérien je pratique le mélange avec tout
le monde / tous les Algériens et là-bas avec les Arabes d’Algérie // la façon de parler / ben non je
ne pense pas que / vaut mieux parler l’arabe bien et le français bien / parce que le mélange / on se
retrouve pas / on est un petit peu loin de ça / le mélange facilite la tâche parce qu’on se comprend
mieux / il y a une compréhension / mais de préférence / le fait qu’ils ont pas la notion d l’arabe
littéraire / donc ils préfèrent l’arabe algérien // ouais je la pratique (l’arabe classique) à condition
que la personne en face peut comprendre / donc mon quotidien je l’utilise pas / non à part la prière
// en parlant l’arabe dialectal je mélange forcément les deux langues // mais en parlant le français
/ je ne peux pas parler l’arabe en même temps avec le français / avec les Français je ne parle
qu’en français // oui ! depuis que je suis en France donc j’articule mieux et j’ai plus une aisance
dans le dialogue // le mélange / je pense que ça c’est culturelle donc ça c’est ancré depuis des
décennies donc depuis le colonialisme français et la France nous a pas aidés pour rester Arabes
pendant la colonisation / en parlant la langue arabe avec les immigrés de la deuxième de la

443
Annexes Extraits d’entretiens

deuxième ou la troisième génération / ils se sentent mieux / ils ressentent qu’ils appartiennent à
cette culture arabo-musulmane ou arabe / donc le fait qu’ils comprennent l’arabe / la culture pour
eux elle est un petit peu étrangère // en Algérie ils sont pas mieux qu’en France // en France on dit
qu’ils sont pas Français en Algérie on dit qu’ils sont pas Algériens // vaut mieux que les enfants
d’immigrés aient des structures qui leurs enseignent la langue arabe / parce qu’ils se sentent mieux
dans leur peau et dans leur culture // moi j’ai pas de problèmes parce que je comprend l’arabe et
je me retrouve mieux dans la langue arabe // oui ! je suis bien intégré dan la société française je
participe au développement de ce pays et à l’économie / je me sent bien mais j’ai toujours des
attaches avec mon pays et j’aimerais développer mon savoir en Algérie // je donne à la France //
c’est normal parce que j’ai mes devoirs et j’ai mes droits // donc la France a profité de moi et moi
je profite de la France donc c’est vice versa / la France c’est pays développé / t’a plus
d’opportunités qu’en Algérie parce que l’Algérie t’a des obstacles / tu te retrouve pas dans cet
environnement /

Entretien 8
Mir.F.I-I. 8 : Descendante de l’immigration / 28 ans / vivant à Lyon / ayant vécu quelques
années en Algérie après le retour définit des parents / vit à Lyon de puis dix ans / titulaire
d’un bac littéraire / s’occupe de personnes âgées dans une maison de retraite /

* Je parle deux langues couramment / ça dépend le français et l’arabe maghrébin / ben je parle le
français quand je suis avec les Français / ah oui avec les français je ne parle que le français mais
quand je suis avec les Maghrébins c’est vrai je mélange les deux / ah je trouve très bien / parce que
j’avais deux langues à la naissance l’arabe et le français étant donné que ma mère est une
immigrées / j’ai pas eu des problèmes / je parlait déjà les deux langues quand j’étais en Algérie /
j’ai deux langues maternelles en fait / non j’ai pas eu de problèmes pour apprendre le français
parce que je l’ai apprise étant petite / j’ai toujours parler français et j’ai toujours parler arabe /
donc je parle souvent en français étant donné que je suis en France et en plus cela fait dix ans que
je suis revenu en France maintenant / j’ai tendance à parler plus le français qu’autrefois quand
j’étais en Algérie / déjà quand j’étais en Algérie je parlait français car je l’ai apprise toute petite
parce que j’entendait ma mère parler en français mes sœurs mes grandes sœurs voilà toute la
famille parlait français donc / en fait ba yahder chouiyya (mon père parle un peu) en français mais
il comprend en fait /en fait il comprend tout mais il parle bel çarbiyya (en arabe) ma mère elle
parle bien bien le français c’est vrai çachet fel bled (elle a vécu au bled) c’est vrai qu’elle parle
plus en arabe mais quand elle a l’occasion de parler avec moi ou avec mes sœurs elle s’empêche
pas quoi c’est un plaisir pour elle en fait / Hna (nous) on gueule en arabe et on dit merci en
français / mais il y a des mots qui ne trompent pas / quand on rencontre quelqu’un dire wah (oui)
ou avec le cha l’accent de Ghazaouet moi je reconnais / moi j’ai un accent en français et en arabe
/ je parle comme SHab (les gens de) Ghazaouet et je parle le français comme SHab (les gens de)
Lyon c’est des bourgeois yahadrou baHadhoum (ils parlent entre eux) les Français yahadrou (ils
parlent) le langage taçhoum (leur propre) propre à eux moi je parle un langage mélangé
Maghrébin et français / en fait une langue ça se travaille et moi je pense nous à notre niveau les
immigrés ou les jeunes beurs entre guillemets ceux qui sont nés en France on participe à notre
manière pour faire évoluer la langue française / on fait renter des mots qui n’existent pas exemple
les mots maboul toubib / oui on participe à notre manière à faire évoluer le français / les Français
ils disent pas tu pars au bled // par rapport à mes frères j’utilise beaucoup la langue du pays / je la
parle pas couramment mais j’emploie des petites phrases / je réponds à mes parents / ici au bled
j’essaye de parler en arabe / enfin j’utilise les deux / en France les jeunes parlent les deux / on a
pas appris l’arabe à l’école / c’est la famille et les vacances ici /// les gens du bled yadahkou çlina
(ils se moquent de nous) ils disent les immigrés // à cause de notre accent // c’est vrai on a un
accent //

444
Annexes Extraits d’entretiens

Entretien 9
Lam.F.I-I. 9 : Descendante de l’immigration / 20 ans célibataire / vit à Perpignan /
diplôme de formation professionnelle en rééducation /

* Je suis née en France / je me considère comme descendante de l’immigration parce que mes
parents ont émigrés en France en 1989 / c’est une question difficile je me considère comme
Algérienne ou comme Algérienne et Française voilà / donc la France c’est quand même mon pays
natal où je suis née / en Algérie on à tout / ça représente la famille mes grands-parents c’est tout
ça / le fait d’être né en France tout change / on peut dire qu’on a deux cultures et on est moitié
Français moitié Algériens / on a le patrimoine algérien et le patrimoine français et le passé
algérien et le passé des Français / bon le français c’est ma langue courante mais l’algérien je le
parle peu / je parle également un peu d’espagnol / mais c’est très rare de parler l’arabe algérien
en France / je le comprend bien mais j’ai du mal à le parler / les immigrés les personnes qui sont
allés pour chercher du travail ils parlent différemment / les descendants de l’immigration ils ont
pas choisi d’émigrer / alors les descendants de l’immigration ils parlent les deux et les immigrés
ça dépend des générations de leur formation et de la durée qu’ils ont passé en France /
personnellement j’ai des cousins qui ont faits des études ils sont médecins / ils parlent bien le
français comme les Français / les immigrés en France / bon il y en a qui pratiquent le français
dans le cadre familial / à la maison on mélange le français et l’arabe ici en Algérie j’entends
partout les gens parler en français en arabe dialectal / ils mélangent beaucoup / il y a certains
mots qui ne sont utilisés qu’en français d’autres qu’en arabe/ il m’arrive aussi d’utiliser des mots
arabes pour me faire comprendre surtout ça / il y a des mots que j’utilise nécessairement en arabe
/ quand j’arrive en Algérie ma façon de parler l’arabe s’améliore surtout la compréhension / je
comprends de mieux en mieux / les immigrés quant à eux ils mélangent le français avec de l’arabe /
ils pratiquent l’argot et le verlan aussi / surtout l’argot et le verlan / ça ne dérange pas les jeunes
parce qu’ils le comprennent / mais les autres générations ça les gêne parce qu’ils ne le
comprennent pas / surtout devant les Français c’est gênant / les immigrés algériens mélangent
beaucoup l’arabe et le français parce que pour les parents c’est indispensable de parler en arabe à
la maison / nous malheureusement comme mon frère ma sœur on se parle qu’on français et nos
parents nous parlaient qu’en français / parfois on aimerait bien communiquer qu’en arabe
justement parce que quand on vient ici on arrive pas à communiquer avec la famille avec les
grands-parents qui ne parlent pas du tout en français / ça dérange c’est gênant / nos parents
avaient peur de la ségrégation / ils avaient peur aussi qu’on ne parle qu’en arabe et qu’on ne parle
pas en français.

Entretien 10
Ama.F.N-I. 10. : Non-immigrée / 33 ans / mariée sans enfants / niveau d’instruction 9ème
année fondamentale /couturière de formation /

* Je parle couramment l’arabe dialectal je parle parfois en français et je connais l’arabe classique
que j’ai appris à l’école // je comprend bien mais je ne le parle pas / je lis les journaux en arabe
classique / j’utilise cette langue pour les prières /// sinon je crois qu’elle n’est pas pratiquée
couramment par les Algériens // c’est la langue du Coran et de tous les musulmans on l’entend
surtout à la radio et à la télé // le français je le parle pas toujours / il est toujours présent / j’hésite
beaucoup / j’ai peur parfois / et je suis / nKhaf naghlet (j’ai peur de me tromper) / j’ai appris cette
langue à l’école tout le monde l’utilise / mes frères et ma sœur parlent aussi le français / il faut
dire que j’utilise beaucoup de mots en français / kamel ennas yahadrou hakda (tout le monde
parle comme ça) / oui c’est le mélange des deux / kayen (il y a) des mots naharouhoum ghil
belfrançais (qu’on utilise qu’en français) toualefna hakda (on s’est habitué) /// Depuis mon jeune
âge je parle l’arabe et le français / parfois je n’ai pas le choix / même quand je parle en arabe

445
Annexes Extraits d’entretiens

dialectal j’emploie des expressions et des mots du français c’est une habitude / ce n’est pas grave /
l’essentiel je comprends et ils me comprennent quand je parle avec les personnes qui parlent
beaucoup le français / j’apprend et je parle sans avoir honte // je connaissait aussi l’anglais que
j’ai oublié je me souviens de quelques mots et c’est tout / quand quelqu’un me parle en français je
répond en français et même en arabe / je comprend très bien mais parfois j’ai du mal à parler ///
Ça dépend avec qui on emploie les deux langues / les gens ne font pas la différence entre l’arabe de
l’école et l’arabe dialectal / quand on sait pas parler une langue / on choisi la plus facile / la plus
utilisée et on abandonne l’autre moi j’aimerais bien parler en français mais puisque je ne sais pas
le faire / je préfère l’arabe dialectal / même l’arabe de l’école je ne le maîtrise pas bien et je ne
l’emploie pas toujours /// j’ai des cousins et des cousines immigrés quand ils me parlent je les
comprend et eux aussi ils comprennent lçabiyya (l’arabe) // on mélange les deux c’est bien / hakda
(comme ça) on comprend bien // quand j’ai écouté les enregistrement chet belli kunna nahadrou
wnetfahmou ghaya (j’ai vu qu’on était entrain de parler et on se comprenait bien)

Entretien 11
Sam.H.I-I. 11. Descendant de l’immigration / 36 ans / célibataire / résident en Algérie
depuis quelque temps / imprimeur /

* Je suis né à Lyon / je suis en Algérie pour une période indéterminée / je venais en Algérie pour
des vacances surtout durant les années quatre vingt / je venais presque tous les ans / je parle le
français bien sûr, l’anglais et l’allemand je le parle quand l’occasion se présente et aussi un peu
d’italien / et l’arabe forcément je le parle couramment / je parle aussi couramment le français à 90
% que ce soit ici en Algérie ou en France / mais maintenant comme je suis en Algérie j’utilise
beaucoup l’arabe mais aussi le français avec les gens qui le comprennent / je mélange aussi les
deux selon les circonstances / voilà / j’ai eu le privilège de cette double culture / lorsque je suis
venu au monde j’ai appris à parler les deux langues mais c’était d’abord la langue arabe du fait
que mes parents parlaient l’arabe dans le foyer et partout et surtout lors de mes vacances en
Algérie / puis on parlait un peu de français / mais c’est surtout à l’école que j’ai appris à bien
parler cette langue / ce qui m’a permis d’être bilingue // personnellement j’essaye de m’adapter
aux conditions / j’essaye dans la mesure du possible de parler le français ou l’arabe selon les
individus / il est très important de respecter l’environnement social où on se trouve / on doit parler
la langue que tout le monde parle / que ce soit en Algérie ou en France / il faut faire un petit peu
comme le caméléon s’adapter à toutes les couleurs / donc je m’adapte parfaitement bien et je suis
bien dans ma peau / je n’ai aucun problème pour m’exprimer dans l’une ou l’autre langue / mes
parlent le français mais ils ont pas beaucoup d’occasion de l’appendre comme nous / ils ne le
parle pas bien / ils comprennent très bien mais ils ont du mal à s’exprimer des fois / leur langue
maternelle c’est l’arabe / nous nous avons les deux // oui ici en Algérie il y a plein de gens qui
parlent bien le français c’est la deuxième langue / même ceux qui la parlent pas couramment ils la
comprennent / c’est vrai beaucoup d’Algériens mélangent les deux et je trouve ça bien parce que
ça facilite la communication / les immigrés eux aussi les deux mais c’est pas comme les gens d’ici /
moi aussi je mélange / oui ma façon de parler a un petit peu changé parce que j’utilise souvent
l’arabe et je mélange avec le français c’est plus fort que moi c’est comme ça et c’est normal je
trouve / ma façon de parler l’arabe oui elle est un peu différente / au niveau de l’accent / je me
reconnais / et bien il y a quelque chose d’humoristique que je reçois à travers ma manière de
m’exprimer en arabe devant mes collègues de travail je suis identifié comme quelqu’un de différent
/ ils m’identifient à un étranger / je comprend de moi-même que mon arabe ne ressemble pas
quelqu’un d’ici / ana el hadra taçi çarbiyya (moi ma façon de parler l’arabe /nahdar nefhem (je
parle et je comprend) / quelques fois je suis reconnu du fait que je sois immigré et on pas
quelqu’un d’ici / moi je ne fais pas attention à cela je le fais spontanément même quand je parle les
deux u seulement en français //

446
Annexes Extraits d’entretiens

Entretien 12
Nad.H.N-I. 12 : Non-immigré / 32 ans / célibataire / licence en sciences économiques /
banquier /

* Je parle deux langue couramment / l’arabe et le français / c’est plutôt le dialecte / l’arabe
classique je le parle pas souvent / je l’utilise de temps en temps pour ne pas oublier certains mots /
mais je ne le pratique pas // après le dialecte je pratique souvent le français avec mes collègues et
surtout avec les Kabyles / c’est une langue qu’on utilise beaucoup dans notre travail que ce soit
avec les clients ou avec les collègues // parfois kich n’Oulek (comment te dire) dans certaines
discussions où on ne pas se comprendre on utilise le français / avec les Kabyles ou avec les non
kabyles / parce que les Kabyles ne comprennent pas tout ce qu’on dit en arabe et les non kabyle il y
a toujours des choses qu’on peut dire qu’en français // automatiquement pour se faire comprendre
on utilise le français // mais généralement nous les Algériens on utilise beaucoup le dialecte et le
français / des fois on commence une phrase en français et on la termine en arabe ou le contraire /
mais parfois on trouve plus de français que de l’arabe / moi aussi je parle les deux langues en
même temps // d’ailleurs c’est le cas de beaucoup d’Algériens / c’est naturel / parce que les
Algérien maîtrisent les deux langues on est bilingues / on apprend toujours / à travers les
informations / les films / les amis / et oui à travers les immigrés aussi oui c’est vrai / le rôle taç
(de) la langue française kima qal el waHad (comme on dit) est en train de s’imposer // je trouve
que c’est bien / on utilise les deux langues pour faire passer le message / ça c’est bien / je passe
souvent au français pour faire passer mon message / il y a des gens qui ne comprennent pas bien
tous ce qu’on dit / avec les filles ou les femmes en général c’est toujours le français même quand
c’est des mots // pour moi le français c’est une langue kouma n’Oulou Hna (comme on dit) c’est
une langue douce / tellement elle est vivante qu’on peut faire passer le message en restant galant //
Le français est une langue qui a une valeur importante pour travailler si tu maîtrises le français tu
es bien vu / on te considère bien compétent // avec les gens aussi / si tu parle français tu es bien vu
/ avec les fille le français c’est quelque chose bien / avec une fille si tu parles mal le français c’est
dévalorisant et c’est vexant /// pour les immigrés nés en France l’arabe est la deuxième langue /
c’est à peu près comme le français pour nous les Algériens / c’est très difficile pour certains
d’entre eux d’apprendre et de parler l’arabe / surtout si dans leur famille personne ne la parle / à
mon avis ils apprennent beaucoup quand ils viennent en Algérie pour passer les vacances / j’ai
déjà vu ça avec mes cousines qui parlent bien le français / mais pour l’arabe elles utilisent des
mots des petites phrases / elles comprennent bien mais elles ont du mal à parler qu’en arabe / j’ai
vu d’autres immigrés qui parlent les deux langues / ils sont pas différents des Algériens en ce qui
concerne la maîtrise des deux langues certes ils parlent bien le français car c’est leur première
langue / les immigrés ont un accent / ils parlent un français vulgaire / ce n’est pas un français
comme celui des français / le vrai français ils ne le parlent pas / le vrai français c’est ce qu’on
entend à la télévision /// comme je l’ai dit les immigrés mélangent les deux langues comme nous /
moi je n’aime pas trop leur façon de parler hadra taç (le parler des) les immigrés
manaHmalhoumch (je ne les supporte pas) ///

447
______________________________________________________

INDEX DES AUEURS


Index des auteurs

INDEX DES AUTEURS

AGERON, Ch-R. 60.


ALAMI, S. et al.,. 22.
ALBER, J-L. & PY, B. 112, 186, 141, 144, 148, 153.
ALI-BENCHERIF, M-Z. 274.
ANDREE-LAROCHEBOUVY, A. 305.
ARDITY, J. & VASSEUR, M-T. 116, 166.
ASSELAH RAHAL, S. 9, 15, 64, 270.
AUER, P. 304, 304, 308,330, 336.

BABASSI, O. 294.
BACHMAN, C., LINDENFELD, J & SIMONIN, J. 305.
BANGE, P. 112, 115, 135, 137, 138, 140.
BARONTINI, A. 84.
BAUTIER, E. 310.
BENMOUSSA, S. & REHIOUI, Z. 8.
BENMOUSSAT, B. & ALI-BENCHERIF, M.Z. 274.
BENRABAH, M. 60, 62.
BERGER, E. 343.
BERHRENT, S. 134, 305.
BENSALAH, A. 15, 283, 303, 347.
BENVENISTE, E. 296.
BERRIER, A. 149, 152.
BERTHOUD, A.-C. & MONDADA, L. 318, 319.
BILLIEZ, J. 14, 15, 41, 57, 65, 66, 67, 70, 71, 76, 81, 106, 124, 186, 222, 223, 240, 294.
BILLIEZ, J. & MERABTI, N. 88.
BILLIEZ, J. & KADI, L. 62.
BILLIEZ, J. et al.,. 68, 76, 81, 222, 223, 277, 297.
BILLIEZ, J. & MILLET, A. 56, 57.
BILLIEZ, J. & TRIMAILLE, C. 66.
BILLIEZ, J. & LAMBERT, P. 76, 106, 276.
BLANCHE-BENVENISTE C. & JEANJEAN, C. 30.
BLANCHET, A. & GOTMAN, A. 25.
BLANCHET, P. 21, 23, 24, 57.
BLOM, J-P. & GUMPERZ, JJ. 171, 172, 186, 276.
BOGAARD, P. 159.
BOUCHERIT, A. 15, 60, 126, 241, 250, 260.
BOUTET, J. & DEPREZ, Ch. 69.
BOUTET, J. & HELLER, M. 42.
BOYER, H. 69, 229, 178, 297.
BROWN, R. 175.
BRUNER, J. 114, 115.
BURGER, M. 293.

448
Index des auteurs

CALVET, L-J. 63.


CANTINEAU, J. 30.
CANUT, C. 42.
CAUBET, D. 10, 15, 68, 70, 84, 232, 263.
CHARAUDEAU, P. 321.
CHARAUDEAU, P. & MAINGUENEAU, D. 144.
CHERRAD-BENCHEFRA, Y. 102.
CHERIGUEN, F. 263.
CHOMSKY, N. 114.
CICUREL, F. 162.
CUQ, J-P. 59.

DABÈNE, L. & BILLIEZ, J. 10, 11, 15, 49, 51, 52, 53, 57, 66, 67, 68, 69, 75, 76,
81, 123, 145, 176, 186, 188, 240, 250, 291, 294.
DABÈNE, L. (1987). 15, 52, 57, 65, 67, 106, 145, 170, 186, 240, 244, 246, 251, 254.
DAUSENDSCHÖN-GAY, U & KRAFFT, U. 148.
DAUSENDSCHÖN-GAY, U. 128.
DE HEREDIA-DEPREZ, Ch. 66.
DE HEREDIA, Ch. 301.
DE NUCHÈZE, V. 283.
DE PIETRO, J-F. 113, 119, 120, 121, 128, 145.
DE PIETRO, J-F. MATTHEY, M. & PY, B. 135, 145, 157.
DEPREZ, CH. 15, 21, 22, 24, 68, 69, 70, 71, 72, 81, 88, 298.
DERRADJI, Y. 102.
DESPOIS, J. 59.
DOURARI, A. 63.
DUBOIS, J. et al.,. 262.
DUCROT, O. 283.

ELIMAM, A. 62.
ENCREVÉ, P. 42.

FISHMAN, J.J. 171, 172, 307.

GAJO, L. 321.
GAJO, L. & MONDADA. L. 125.
GARDNER-CHLOROS, P. 283
GHIMENTON, A. 176.
GILES, H. et al.,. 47, 172, 173, 174, 23.
GRANDGUILLAUME, G. 15, 60.
GRANOTIER, B. 64.
GRICE, P. 311, 318.
GOFFMAN, E. 126, 131, 157, 236, 281, 286, 308, 309, 311.
GOMBERT, J-E. 160.
GROSJEAN, F. 44, 47, 53, 113, 118, 173, 174, 235, 239, 276.
GÜLICH, E. 186.
GUMPERZ, J-J. 10, 41, 44, 46, 47, 48, 49, 50, 51,
71, 171, 251, 268, 277, 291, 293, 303, 304, 306, 309, 330.

449
Index des auteurs

HAGÈGE, C. 301.
HAMERS, J-F. & BLANC, M. 171, 173, 174, 179, 246, 250.
HELLER, M. 23.
HELOT, Ch. 66, 67.
HOUDEBINE-GRAVAUD, A-M. 294.
HYMES, D. H. 41, 117, 168.

JODELET, D. 56.
JOCELYNE FERNANDEZ, M-M. 291.

KADI, L. 61.
KAHLOUCHE, R. 9.
KARA-ATTIKA, Y. 5, 254.
KERBRAT-ORECCHIONI, C. 228, 232, 235, 280, 281, 303, 314, 316, 327, 328, 332.
KHALFOUNE, T. 59.
KLEIN, W. 115.
KRASHEN, S.D. 115.

LABOV, W. 10, 23, 24, 41, 42, 56, 122.


LAMBERT, P. 23, 68, 106.
LAROUSSI, F. 307, 336.
LÜDI, G. 112, 129, 238, 266.
LÜDI, G. & PY, B. 10, 43, 44, 45,
47, 166, 173, 174, 224, 226, 228, 236, 237, 239, 241, 243, 250, 262, 276, 294.

MANZANO, F. 62.
MANÇO, A.A,. 66.
MARCELLESI, J-B. & GARDIN, B. 42, 297.
MARTEL, A. 148.
MATTHEY, M.. 44, 112.
MATTHEY, M. & De PIETRO, J-F. 128.
MÉLA, V. 69.
MELLIANI, F. 15, 59, 126, 256, 268, 273, 282, 297.
MILIANI, M. 61
MILIANI, H. 134.
MERABTI, N. 15, 69,70, 123, 220.
MOATASSIME, A. 61.
MOESCHLER, J. 240, 249.
MOESCHLER, J. & REBOUL, A. 332.
MOHAMMED, A. 294.
MOIRAND, S. 168.
MOLINER, P. 56.
MOLINIE, 24.
MONDADA, L. 24, 130, 147, 247, 296, 303, 304, 306, 349.
MOORE, D. 137, 186.
MORSLY, D. 90.
MOSCOVICI, S. 56.
MYERS-SCOTTON, C. 10, 46, 47, 53, 137, 226, 227, 228, 241, 262.
MUCCHIELLI, A. 22.

450
Index des auteurs

NAIT MBAREK, M. & SANKOFF, D. 260.


NOYAU, C. 67, 116, 144.
NOYAU, C. & PORQUIER, R. 112.

PEKAREK, S. 308.
POPLACK, S. 10, 11, 46, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 179, 186, 226, 240, 241, 253, 257, 262, 277.
PORQUIER, R. 116, 117, 118, 127, 142.
PORQUIER, R. & PY, B. 112, 119.
PUJOL-BERCHÉ, M. 119.
PY, B. 124, 128, 130, 137, 186, 141, 142, 143, 147, 157, 167.

QUEFFELEC, A. et al., 102.


QUEFFELEC, A. 102.

RONDAL, J-A. 175, 178, 224.


ROULET, E. 240.
ROULET, E. et al., 310, 330.

SAILLARD, C. 172.
SANKOFF, D. & POPLACK, S. 46, 226.
SAUVAGE, J. 111.
SEBAA, R. 62.
SCHEGLOFF, E.A. 319.
SCHEGLOFF, E.A. & SACKS, H. 281.
SECOND, L. 124.
SAYAD, A. 64.

TALEB-IBRAHIMI, Kh. 15, 60, 12, 265, 275.


THIAM, N. 46, 47.
TRAVERSO, V. 26, 279, 324.
TRÉVISE, A. 160.
TRÉVISE, A. & PORQUIER, R. 112, 127.
TRIMAILLE, C. 71, 348.
TRIMAILLE, C. & BILLIEZ, J. 71.

VASSEUR, M-T. 114, 129,157, 322.


VERONIQUE, D. 115, 116, 144, 166.
VINCENT, D. 253.
VINCENT, D. & MARTEL, G. 284.
VINCENT, D. & DUBOIS, J. 283, 284, 286.
VYGOTSKI, L. 114.
VION, R. 30, 139, 160, 233, 303, 325, 343.
VION, R. &. MITTNER, M. 331.

WINKIN, Y. 145, 305.


WEINREICH, U. 43.

ZABOOT, T. 15.
ZIAMARI, K. 260
ZONGO, B. 45, 46, 53, 249, 277, 278.

451
Résumé :
Dans la présente étude, nous décrivons et analysons les pratiques langagières de trois locutrices
algériennes immigrée/non-immigrées dans un cadre familial en Algérie. Nous partons d’une
analyse macrosociolinguistique afin de comprendre les attitudes, les représentations et la
conscience linguistique quant à l’emploi de l’arabe dialectal et du français chez les locuteurs
immigrés/non-immigrés. Les résultats de l’analyse quantitative nous servent d’indices pour
appréhender l’intensification de l’emploi alternatif des deux langues dans les conversations des
trois locutrices observées en milieu familial. Par ailleurs, l’articulation des deux approches, macro
et micro, nous permet de mettre en valeurs les fonctions que revêt l’alternance codique aussi bien
dans le discours épilinguistique des locuteurs que dans leurs pratiques langagières réelles. L’étude
montre également que l’alternance codique est une façon de parler, qui contribue chez nos
locutrices, d’une part au développement du répertoire verbal en interaction et amène à une
convergence codique. D’autre part, elle remplit plusieurs fonctions en tant que stratégie stylistique
et fonctionne comme une ressource permettant de réguler les tours de parole en interaction.

Mots-clés : Alternance codique, choix de langue, parler bilingue, bilingue/exolingue, locuteurs


immigrés/non-immigrés, asymétrie croisée.

:‫ملخص‬
‫ﱢ‬
‫غير مغتربات في إطار‬‫نقوم في ھذه الدراسة بوصف و تحليل الممارسات اللسانية لثالث متكلمات جزائريات مغتربات‬
‫ ونحن ننطلق في ھذه الدراسة من تحليل سوسيولساني كلي قصد فھم المواقف و التمثالت و الوعي اللساني‬.‫عائلي في الجزائر‬
َ‫ و تشكل نتائج التحليل الكمي قرائن‬.‫غير المغتربين‬‫الخاص باستعمال العربية الدارجة و اللغة الفرنسية عند المتكلمين المغتربين‬
‫ يُمكننا‬،‫ من جھة أخرى‬.‫لرصد مقدار االستعمال المتعاقِب للغتين في محادثات بين المتكلمات الثالث المدروسات في إطار عائلي‬
‫تمفصل المقاربتين )المقاربة الجزئية و المقاربة الكلية( من تقويم الوظائف التي َيلعبھا التناوب واالختياراللغوي في الخطاب‬
‫ توضح الدراسة أيضا أن التناوب اللغوي ھو شكل كالمي يم ﱢكن المتكلمات من‬.‫الواصف للغة كما في الممارسات اللسانية الفعلية‬
‫ كما أنھا تُحقِق مجموعة من الوظائف باعتبارھا استراتيجية أسلوبية‬.‫توسيع قاموسھن اللغوي من جھة و تحقيق تقارب بينھن‬
.‫تشتعل باعتبارھا مصدرا يم ﱢكن من تنظيم األفعال الكالمية في إطار تفاعلي‬

: ‫كلمات المفتاحية‬
‫ محادثات مزدوجة اللغة‬- ‫غير المغتربين‬‫المتكلمين المغتربين‬- ‫ االختياراللغوي‬- ‫التناوب اللغوي‬

In the following study, we describe and analyse the language practices of three Algerian
immigrant/non-immigrant speakers within a familial context in Algeria. The analysis is macro
linguistics in order to understand the linguistics attitudes, representations, and conscience, as fat as
the dialectal Arabic and French are used by these speakers. The results of the quantitative analysis
will help us to apprehend the intensification of the alternative use of the two languages during the
three speakers’ conversations, generated in a familial context. On the other hand the use of the
micro-and macro-approaches, will help us to emphasis the functions of code switching whether in
the speakers’ epilinguistic discourse or in their real language practices.
The study show, as well, that code switching is a way of speaking, that contribute, on one had, in
the speaker’s verbal repertoire development in interaction and lead to a code convergence, and on
the other hand, fill many functions as stylistics strategy, and work as resource that allows turn
taking regulation during interaction.

Keywords : Code switching, language choice, speak to languages, bilingual/exolingual, speakers’


migrants/non-migrants, crossed asymmetry.

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