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Exploring the Situational Interface of

Translation and Cognition 1st Edition


Maureen Ehrensberger-Dow
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Title: Sous le fouet


mœurs d'Outre-Rhin

Author: Charles-Étienne

Release date: March 24, 2024 [eBook #73252]

Language: French

Original publication: Paris: Librairie des lettres, 1921

Credits: Gaëlle Vutron (This book was produced from images made
available by the HathiTrust Digital Library.)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK SOUS LE


FOUET ***
CHARLES-ÉTIENNE

Sous le Fouet
— MŒURS D’OUTRE-RHIN —

PARIS
LIBRAIRIE DES LETTRES
12, RUE SÉGUIER, 12

1921
Copyright by Charles-Étienne, 1921.
DU MÊME AUTEUR

A LA LIBRAIRIE LES LETTRES

Notre-Dame de Lesbos. (21e mille.)


Léon, dit Léonie.

En préparation :

La Princesse de Monico.
Le Mystère de La Bouche Fardée.
I
Moune Corbier.

— Es-tu bien, Mounette ?


— Pas trop mal. Évidemment, je serais mieux ailleurs…
— Et où donc, ma Moune ?
— Bé ! Chez nous, à Genève.
— De quoi te plains-tu ? Tu t’y trouvais encore ce matin.
— Ce matin, soit ; mais demain ?…
— Demain, nous serons au Continental, à moins que tu ne
veuilles accepter l’hospitalité que ne saurait manquer de t’offrir ton
cher et bien-aimé frère, l’illustre Jacques Provence, une des gloires
de la capitale !
— Ça, jamais !… Et puis je te défends de me parler de ce
saltimbanque !… Si je n’étais pas une vieille bique, je n’aurais pas
eu l’idiotie de me laisser emballer par toi, comme un colis ridicule !
Et, d’un solide coup de rein, Mlle Marie-Antoinette Corbier, dite
Moune, Moumoune, ou — selon le cas — Mounette, s’acagnardait
dans le coin du wagon de première qui, à travers la vallée du Rhône,
l’entraînait, récalcitrante et renfrognée, vers ce Paris détesté pour
tout l’inconnu formidable qu’il représentait à ses yeux.
Une minute, Françoise la regardait sans répondre, puis, très
douce :
— Heureusement que nous sommes seules !
Cette constatation, qui n’avait l’air de rien, était un piège tendu à
la bonne dame, un piège où sa bouderie allait sombrer.
— Pourquoi ?
— Parce que, répondait la nièce avec calme, s’il y avait eu avec
nous d’autres voyageurs, ils n’eussent pas manqué, Moumoune,
d’estimer que tu es douée d’un assez fâcheux caractère…
— Oui, eh bien, ceux-là, je les envoie à la balançoire ! Je leur dis
« flûte ! » et puis je voudrais les voir à ma place ! Mais réfléchis donc,
malheureuse enfant ! qu’allons-nous devenir ?…
— Nous nous débrouillerons, tante Nette !
— Mais quand on y réfléchit, il y a de quoi se flanquer par la
portière. Mais c’est épouvantable !… Inouï !… C’est… non, je ne
trouve pas d’autre expression !…
— Ne cherche pas, Moumoune. Tu vas te rendre malade, tu
auras des étouffements, des palpitations et nous ne serons guère
plus avancées. Au contraire. Nous avons besoin de tout notre
courage, de toute notre raison. Eh bien, soyons calmes. Ayons le
sourire, le sourire qui sied aux âmes bien trempées dans les
circonstances exceptionnelles de la vie.
— Je t’admire, s’exclamait Mlle Corbier, que son rond visage,
empourpré de colère et couronné d’une toque de fourrure, rendait
pareille à quelque gros hérisson furieux, — je t’admire !… On nous
vole, on nous pille et tu sembles trouver quasi-naturelle l’action
abominable d’une fripouille à qui je voudrais arracher les yeux, la
langue, les oreilles et à qui, volontiers, je dévorerais les tripes !…
— Oh ! Moune ! reprochait la nièce d’un ton amusé. Moune ! faut-
il vraiment que tu sois peu dégoûtée pour devenir anthropophage !
Toi, une végétarienne, te repaître des morceaux les moins choisis
d’un notaire infidèle ! Fi ! Mademoiselle Marie-Antoinette Corbier,
vous n’êtes qu’une sadique !
— Et toi une effrontée !
— Moune ! je te rappelle au calme ! Tu as trop enfoncé ta toque
sur les yeux, ma chérie, ça te fait ressembler à Jean-Jacques
Rousseau !
— Si tu savais ce que tu m’exaspères avec l’ironie continuelle de
tes observations ! ce que tu m’énerves ! ce que tu m’agaces !…
Écoute : Voilà vingt-deux ans que tu es ma fille — ou presque — et
Dieu sait si tu as jamais reçu de moi la moindre pichenette, mais je
te jure, ma petite, que si tu continues, je te gifle !
— Non ?…
— Parfaitement ! Et puis je descends au premier arrêt. Tu te
débrouilleras là-bas avec « l’homme célèbre ». Un fou et une toquée,
vous êtes faits pour vous entendre !
— Pauvre grande ! Viens que je te bise !
Françoise a suspendu au cou de la furibonde, et si
lamentablement comique, Marie-Antoinette Corbier, le collier de ses
beaux bras frais. Son fin visage, aux cheveux de mousse cuivrée,
s’est appuyé sur les bonnes grosses joues empourprées, soudain
ruisselantes de larmes, de la vieille demoiselle qui, mi-fâchée, mi-
souriante, cherchait à se dégager de cette douce étreinte, opposant,
pour la forme, un semblant de résistance qu’elle aurait voulu plus
stoïque.
Sur un oreiller où, faisant mine de se lever, la toque Jean-
Jacques venait d’être gaiement bousculée par sa nièce, les deux
femmes maintenant s’embrassaient.
Une affection profonde les unissait tendrement l’une à l’autre.
D’indissolubles liens attachaient ces deux cœurs, liens faits de
gratitude et d’admiration réciproques. Depuis sa triste naissance
d’orpheline, Françoise n’avait-elle pas toujours été l’enfant gâtée,
l’unique amour, la seule et véritable adoration de Marie-Antoinette
Corbier ?
Quand ce bébé était tombé dans sa vie, comme un aérolithe
dans les plates-bandes d’un jardin de curé, bouleversant une
existence ouatée, douillette et confortable, de célibataire irréductible,
quadragénaire et bien rentée, Marie-Antoinette avait trouvé toute
naturelle la tâche qui lui incombait, mettant à la remplir autant
d’ardeur que de joyeuse hâte.
Enfin ! Enfin, elle allait donc avoir quelqu’un à aimer !…
Quelqu’un dont elle n’aurait à craindre nulle peine et nulle trahison,
quelqu’un sur l’âme de qui elle comptait pouvoir régner, à sa façon,
en souveraine maîtresse !
Cette moustachue, dont la poitrine opulente et l’académie de
lutteuse eussent fait bonne figure chez Marseille, affichait des allures
de despote. Ah ! si elle avait eu un mari !… En voilà un qu’elle eût,
prétendait-elle, mené non pas à la baguette, mais à la cravache ! Il
eût fait beau voir qu’il la trompât !… Elle déclarait, avec un sérieux
impayable, que si, jadis, on avait inventé une ceinture de chasteté
pour martyriser les femmes, il fallait que celles-ci eussent eu
l’imagination bien pauvre pour n’avoir point trouvé de réplique.
— Qu’auriez-vous donc inventé ? lui demanda une bonne âme.
Dans sa terrible ingénuité, doublée d’une brutale franchise,
l’hurluberlu répondit, tout-à-trac :
— Tiens, parbleu ! Un étui en fer avec des piquants tout
autour !…
Le mot scandalisa. Répété sous le manteau, avec des gorges
chaudes, il fit le tour de la société génevoise, et Mlle Marie-Antoinette
Corbier perdit le bénéfice de plusieurs relations mondaines,
auxquelles elle avait la faiblesse de tenir et qui lui gardèrent une
rancune offusquée, pour avoir si crûment dépeint des images
bravant, de toute évidence, l’honnêteté.
D’autres théories, aussi subversives que tyranniques, professées
par elle avec une autorité plus bruyante que réelle, n’avaient réussi
qu’à mettre en fuite les nombreux soupirants qui, lorsqu’elle était en
pleine jeunesse, avaient sollicité « l’avantage » de l’épouser.
Foncièrement bonne, elle n’avait conçu nulle aigreur de ces
déceptions successives, aimant seulement à faire entendre qu’elle
avait voulu rester « vierge » pour n’être pas la dupe et la victime de
ces « monstres » d’hommes !
— Tous des satyres, ma chère ! confia-t-elle une autre fois à une
vieille amie, Mlle Vergeotte. Ils vous font des honneurs avant, des
douleurs pendant et des horreurs après !…
Moune, lorsqu’elle était de bonne humeur, ne manquait pas
d’esprit. Pour salées que fussent certaines de ses réparties, elle n’en
demeurait pas moins une parfaite honnête femme, se glorifiant de
n’avoir, au sens biblique du mot, jamais « connu » personne…
Mariée, elle eût certainement été la plus indulgente des épouses,
comme aussi la plus dévouée. Cette virago avait, en dépit de la
verdeur de certaines de ses expressions, une âme angélique.
Un jour, Françoise l’avait définie d’un mot assez juste :
— « Moune ? mais c’est un agneau déguisé en ours ! »
Ce plantigrade, affligé de myopie, s’était penché avec amour sur
le berceau de cette fillette que la mort jetait sur sa route et il arriva
que, par la suite, ce fut l’enfant qui domina la femme, la nièce qui
commanda et la tante qui obéit.
Le père de Françoise, Lucien de Targes, lieutenant de vaisseau,
terrassé au Tonkin par le typhus, était le cadet des deux enfants
issus du second mariage de Mme veuve Corbier. Andrée de Falède,
la grand’mère de Françoise, avait, comme tant d’autres, contracté un
mariage de raison en épousant un gros commerçant, d’origine
suisse et de vingt ans plus âgé qu’elle : M. Ferdinand Corbier.
Devenue veuve très jeune, alors que Marie-Antoinette était
encore gamine, Mme Ferdinand Corbier, regrettant sans doute les
beautés de la particule, avait, en secondes noces, épousé le baron
Arnaud de Targes qui, traînant tous les cœurs après soi, la rendit
heureuse en lui donnant deux fils et fort à plaindre en la trompant
avec la dernière impudence.
Ce grand seigneur balayait ses guêtres un peu partout, dans
l’aimoir des péripatéticiennes de province, comme dans la mansarde
des petites bonnes du château.
Après avoir dilapidé sa fortune et gaspillé celle de sa femme, le
bel Arnaud rendit à Dieu son âme élégante et futile en faisant une
chute de cheval.
Mme de Targes, complètement ruinée, lui survivait de peu. Elle
eût connu la gêne, et même la misère sans le secours de sa fille
aînée, dont la fortune, léguée par le père Corbier (les pâtes de fruits
Corbier n’ont-elles pas acquis une réputation mondiale ?) avait été
fort heureusement sauvegardée.
Le premier des fils de feu de Targes, Jacques-Olivier, paresseux
et rêveur, fut immédiatement confié par sa mère au seul parent que
son mari avait laissé : un vieux richard, cousin éloigné, taxé
d’originalité et vivant, célibataire impénitent et maniaque, dans le
midi de la France. Le bonhomme, d’humeur fantasque, éleva à la
diable ce gamin à qui, plus tard, il devait laisser des rentes peu
négligeables. Séparé, par les hasards de la vie, d’Antoinette, sa
sœur, qu’il n’aimait point, et de son plus jeune frère Lucien, qu’il ne
devait jamais revoir, Jacques-Olivier devint poète en son
adolescence, voyagea, commit maintes excentricités et, tout à coup,
connut, très jeune encore, la célébrité à la fois comme auteur et
comme journaliste. La fortune léguée par le vieux parent n’avait pas
été étrangère à un si prompt succès. Il donnait au « Grand
Quotidien », sous le nom de « Jacques Provence », des chroniques
extrêmement goûtées. Les hardiesses de son style, l’âpreté
mordante des dialogues où, à profusion, il gaspillait l’esprit, — un
esprit léger, primesautier et piquant, souvent injuste, — lui avaient
valu, lui valaient encore, la constante faveur du public.
La bizarrerie « voulue » de sa vie, la singularité, pour le moins
étrange, des mœurs qu’on lui prêtait avec facilité (on ne prête qu’aux
riches !) et qu’il ne reniait point, puisant au contraire, à cette source
trouble, les éléments d’une réclame qu’il jugeait excellente, n’avaient
pas peu contribué à sa réussite.
Il passait six mois de sa vie sur la Riviera et six autres à Paris
dans un petit hôtel caché, l’été, sous un fouillis de lierre, rue
Desbordes-Valmore, en plein Passy.
Le Tout-Paris du théâtre et des lettres avait défilé là. Jacques
Provence y avait organisé des fêtes qui, à défaut de tenue, n’étaient
pas dépourvues d’originalité. Certain bal aquatique récemment
donné dans l’hôtel, transformé en aquarium, avait défrayé, tout un
printemps, les papotages parisiens. L’écho en était, par les gazettes,
parvenu jusqu’à Marie-Antoinette qui avait haussé les épaules. En
parlant de lui, elle ne manquait pas d’ajouter : « Nous avons un fou
dans la famille ! »
Entre eux, d’ailleurs, aucune relation. Le protocole de Moune
consentait cependant à ce que, deux fois l’an, à la Saint-Jacques et
au 1er janvier, Françoise écrivît à son oncle. Le fantaisiste répondait
par un envoi de bonbons ou par un bibelot.
Le père de Françoise avait voulu faire sa carrière dans la marine.
Toujours généreuse, ce fut Mlle Corbier qui paya ses années
d’études, lui assurant une pension jusqu’à son mariage avec Mlle
Hélène de Mertilles, dont la famille avait autant de dettes que de
quartiers de noblesse.
En apprenant que son « chéri », resté l’objet de ses plus
constantes préoccupations, pour qui elle rêvait d’une carrière
brillante dans l’armée française, voulait épouser la fille d’un comte
absolument ruiné, la « roturière de la famille », ainsi que Marie-
Antoinette avait pour habitude de s’appeler, poussant les hauts cris,
se fâcha net…
Il y avait eu, entre frère et sœur, une explication des plus
orageuses. Par toutes sortes de raisons qu’elle jugeait excellentes,
Mlle Corbier tenta, mais en pure perte, de dissuader son cadet. La
patience de la fougueuse aînée ne pouvait être soumise à une trop
longue épreuve. Elle explosa :
— Alors, tu trouves que ce n’est pas assez de deux bêtises dans
la famille ?… Le mariage stupide de notre pauvre mère et la vie de
polichinelle éhonté que mène le sieur Provence à Paris ?… Tu
continues la série ! Mais tu veux donc mourir sur la paille ? Si tu crois
que je payerai les dettes du beau-papa, tu ne m’as pas regardée !…
Un joli coco, entre parenthèses, que ce beau-père-là !… Ça, un
comte ?… Laisse-moi rire !… C’est un comte… à dormir debout !…
— Ma sœur, je ne vous demande rien !
— Mon frère, vous n’êtes qu’un petit orgueilleux !
— Vous ne parlez qu’argent. Je vous réponds : noblesse.
— Cette noblesse-là, mon bonhomme, te fera danser devant le
buffet !
— On ne dirait pas à vous entendre, ma sœur, que vous êtes de
sang noble. Notre mère, contrairement à ce que vous assurez avec
impertinence, n’a commis qu’une erreur, celle de se mésallier. Vous
êtes d’une race, je suis de l’autre. Quant à mon frère, puisqu’il a
renié notre nom, je ne veux plus le connaître. Adieu !
C’était la rupture.
Indignée, Mlle Corbier, ayant refusé de connaître sa future belle-
sœur, n’assista pas au mariage, abandonnant le château de Falède,
qu’elle avait pourtant racheté de ses deniers en Maine-et-Loire, et
dont elle aimait le séjour. Pour s’étourdir, afin d’oublier l’ingrat, elle
voyagea avec passion, avec rage, courant à travers le monde en
véritable globe-trotter. Deux ans plus tard, subitement lassée, elle
s’installait à Genève, où, désormais, elle entendait vivre à sa guise.
A peine avait-elle loué un « amour » d’appartement, dont les
larges fenêtres donnaient sur cette merveille bleutée qu’est le lac
Léman, que la fatalité l’endeuillait…
La mort de son frère, et, peu après, celle de sa belle-sœur qui,
brisée par le chagrin, expirait en donnant le jour à Françoise,
venaient l’atteindre. Oubliant ses griefs, la roturière revenait en
France, courait à Falède et, farouchement, prenait possession de sa
nièce.
Il y avait de cela vingt-deux ans. Vingt-deux années de bonheur,
de calme. Françoise aimait sans doute beaucoup sa tante, mais
cette dernière était l’adorante esclave de sa nièce.
— C’est un chef-d’œuvre ! avait-elle coutume de s’exclamer à
tout propos. Un vrai chef-d’œuvre !… Dans sa Babylone, le Jacques
Provence n’en connaît certainement pas de pareil, avec ses grues
peintes et ses pouliches dopées !…
Rien d’exagéré dans cette déclaration. Françoise de Targes était
belle, en effet, admirablement.
Grande et mince, lumineusement rousse, sous un envol de
boucles faites d’or en fusion, son visage d’un ovale un peu allongé,
mais d’une rare finesse, surprenait le regard par les tons roses et
transparents d’une peau satinée. Dans cette créature idéalement
belle, on ne savait qu’admirer le plus : sa taille souple, sa démarche
harmonieuse, la remarquable petitesse de ses mains, l’éclat de son
sourire, la forme pure de son nez ou l’éblouissante nuance de ses
yeux : deux saphirs d’un bleu très sombre, presque noir, largement
ouverts entre les paupières aux cils déliés et recourbés. En outre de
ce don précieux, qui est la beauté, la Nature avait accordé à cette
perle de grâce deux inestimables trésors : le charme et l’intelligence,
dont le rayonnement intérieur contribuait à la rendre plus séduisante
encore.
C’est ce chef-d’œuvre que nous trouvons roulant vers Paris,
assis sur les genoux de Mlle Corbier et s’efforçant, afin d’apaiser le
turbulent désespoir de sa Moune, à la badinerie des enfantillages.
Quoi de plus follement imprévu que ce voyage, ayant pour but
une visite à M. Jacques Olivier de Targes, dit « Provence » ! Il avait
fallu qu’une catastrophe vînt à fondre sur les deux femmes pour
décider l’une à une telle démarche et l’autre à l’accompagner. Me
Hubert-Lebert, notaire à Falède, chez qui Mlle Corbier avait placé
ses capitaux et… sa confiance, avait subitement disparu depuis
l’avant-veille, emportant pour tout bagage huit ou dix millions à une
clientèle consternée. Les journaux ne parlaient que de cette
escroquerie qui laissait Mlle Corbier à peu près ruinée. Il lui restait
bien le château de Maine-et-Loire qui, loué trois mille francs par an,
ne constituait qu’un revenu dérisoire pour deux insouciantes
habituées au bien-être, à la vie facile, au luxe.
Sur-le-champ, Françoise décidait de partir. Pendant que Marie-
Antoinette procéderait aux démarches exigées par les poursuites
qu’il allait falloir intenter, elle, irait hardiment trouver l’oncle
Provence.
Des rugissements accueillirent cette proposition, puis la tante
avait cédé, comme toujours, jurant ses grands dieux que ce
« scandaleux individu » n’aurait pas la satisfaction de la voir, elle, sa
sœur, — une honnête fille ! — s’abaisser devant un tel débauché.
— Après tout, qui sait ? peut-être est-il très « bon type » ? avait
insinué Françoise.
Marie-Antoinette Cordier avait sursauté :
— Un bon type, ce dépravé ! ce bohême gavé d’orgies ! ce
fouineur de coulisses ! ce rinceur de cuvettes ! Ah ! la la ! il essaiera
de te violer, oui !…
Françoise avait pouffé.
A cette heure, toutes deux étaient en route pour Paris, pendant
que Mlle Corbier se remémorait, l’une après l’autre, les courses
qu’elle aurait à faire :
— Primo, à la « Société Générale ». Et puis chez l’ondulateur.
Ah ! il faudra déjeuner chez les Giraud… ça va être une surprise ! Ce
qu’Amédée sera heureux ! on téléphonera chez eux dès notre
arrivée.
Pas de réponse. Moune insistait :
— Ah ! tiens, si seulement, l’an dernier, tu avais voulu épouser ce
garçon-là !… J’aurais constitué ta dot. C’eût été toujours cela de
sauvé ! J’ai été imprévoyante. J’ai manqué de fermeté. C’est de ma
faute. Tu me mènes par le bout du nez comme une vieille gâteuse.
J’aurais dû t’imposer ma volonté. Si seulement on pouvait
« rabibocher » les choses…
— Quelles choses, Mounette ?
Françoise avait levé sur sa tante des yeux volontairement surpris
où passait, rapide, un éclair de mécontentement.
— Avec Amédée ! Avec qui veux-tu que ce soit ? Avec le
Pape ?… Il est froissé… Tu l’as si bien accueilli !
— ………
— Oui, oui… Fais la sourde oreille, petite masque ! Ah ! si tu
voulais, peut-être qu’en s’y prenant adroitement…
— Jamais ! déclara Françoise d’une voix coupante. Jamais, ma
tante, je n’épouserai un monsieur que j’ai refusé quand nous étions
riches et que je prendrais parce que nous sommes pauvres. J’aurais
l’air de me vendre, moi, une de Targes ! Sérieusement, tu n’y penses
pas, Moune ? Je travaillerai, voilà tout !…
Travailler !…
Dans sa jolie bouche, ce mot avait sonné fièrement. Une
expression d’énergie se reflétait sur cette belle figure et le regard
des yeux sombres, de ces yeux qui vivaient, qui pensaient, qui
voulaient, étincelait soudain…
Travailler !…
Moune semblait plongée dans un abîme d’indicible stupeur. Ses
bons yeux myopes papillotaient éperdûment… Plantant sur l’un
d’eux le petit monocle d’écaille dont elle ne se séparait jamais, elle
contempla sa nièce avec ahurissement.
— Travailler… à quoi, ma petite fille ?
Françoise claquait des doigts.
— Rien de précis… A tout ! Je sais peindre, broder. Je suis
bonne musicienne. Je parle couramment l’anglais, l’allemand. Je
suis poète, à mes heures, comme le fut mon bel oncle ! Je puis
écrire un livre, moi aussi ! Je ne crois pas être hideuse à voir…
Toutes conditions favorables. Et voilà pourquoi votre fille n’est pas
muette et s’en ira demain faire sa plus belle révérence à Môssieu
l’homme célèbre.
— Bon courage ! Je te répète une dernière fois que je ne
t’accompagnerai pas.
— J’irai tout de même. Suis-je, oui ou non, sa nièce ?
— Tu l’es. Tu es même encore plus sa nièce à lui que la mienne.
C’est bien ce dont j’enrage : Je ne suis que ta demi-tante, moi ! Lui,
est ton oncle, ton vrai oncle ! Saligaud !…
— Je lui tiendrai donc le discours suivant : « Vrai oncle ! fouillez
vos relations, et posez, s’il y a lieu, ma candidature soit comme
institutrice, soit comme secrétaire, soit comme artiste peintre, soit
enfin comme auteur si vous ne craignez pas la concurrence. »
— Femme de lettres, toi ! Si ton pauvre père t’entendait !…
— Moune, femme sérieuse, préféreriez-vous, par hasard, le
réchaud des grisettes ?…
— Solliciter une place !… Le dénommé Provence va se ficher de
toi.
— Erreur, Mounette ! Et puis… quelque chose me dit d’aller le
voir, cet oncle si décrié, de mettre une robe un peu chic, la dernière
que tu m’auras payée chez le bon faiseur, et si nous ne décrochons
pas la timbale cette fois-ci, ce sera pour la prochaine. Gardez les
mêmes et on recommence ! La vie, vois-tu, ma grande, c’est une
perpétuelle loterie. Nous avons perdu hier. Demain nous doit une
revanche.
— Tu ne sais seulement pas s’il est à Paris, ton
Nabuchodonosor !
— Pardon ! Le Figaro m’a renseignée. Il va donner des
réceptions artistiques. Je veux m’y faire inviter. Je dirai des vers.
— Des vers !… Je te défends bien !… Mais tu passeras pour une
cabotine !…
— Mais non, Mounette, des vers de moi. Je ferai ma petite
Delarue-Mardrus. Je réciterai deux poèmes. Je les ai déjà choisis,
tiens : Les Roses du Parterre et La Danse de Salomé. Sèche tes
yeux, Ronchon, et fais-moi une belle caresse avec une risette par-
dessus le marché !
Un éclat de rire, où chantait l’allégresse des beaux printemps,
s’élevait, sonore, dans le fracas des roues trépidantes.
Alors, la vieille demoiselle, avec un grand soupir :
— Ah ! Que tu es donc peu sérieuse !… Rire en un pareil
moment !
A quoi la nièce, un doigt levé vers le front, de répondre d’un ton
doctoral :
— Damoizelle Moune, souvenez-vous que Sainte Thérèse, qui
n’était point sotte, a écrit quelque part, dans un très vieux bouquin,
cette phrase que je cite afin de la livrer à vos méditations : « La
meilleure religieuse, c’est la plus gaie ! »
— Te voilà bien savante, ma France !
— Voui. Le plus curieux, c’est que l’opinion de cette noble fille est
partagée par un Juif, car Spinoza a dit aussi :
« Il n’y a qu’une vertu : la Joie ! »

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