Poincare Final
Poincare Final
Poincare Final
Luc Lemaire
1.Introduction
Lorsqu’un mathématicien est convaincu qu’un théorème est vrai, mais n’arrive
pas à le démontrer, il peut l’énoncer comme une conjecture, lançant au passage un
défi aux autres chercheurs.
Certaines conjectures sont très vite démontrées, leurs auteurs auraient sans
doute dû persévérer et les démontrer eux-mêmes.
D’autres ne sont pas intéressantes, elles ne seront pas démontrées parce que
personne ne veut vraiment connaître la réponse.
Et il a fallu attendre 2006 pour qu’elle soit démontrée par Grigori Perelman,
qui complétait un programme de recherche lancé par Richard Hamilton dans les
années 80.
Figure 1
Figure 2
Figure 3
On peut alors coller ce cercle sur le bord d’un disque, obtenant une surface
sans bord : le plan projectif. (Pour ceux qui connaissent la version « linéaire » du
plan projectif, c’est bien le même à déformation près.)
- la sphère
- le tore et les sommes connexes de p tores
- le plan projectif et les sommes connexes de q plans projectifs
est une classification complète des surfaces : chaque surface apparaît une et une
seule fois dans la liste.
Et parmi toutes les surfaces de la liste, la sphère est la seule à posséder cette
propriété.
Figure 4
3. La conjecture de Poincaré
Dans la sphère S3, les personnages sont comme nous, et voient autour d’eux
un espace ressemblant au morceau d’espace euclidien qui nous entoure.
- métrique
- C
- topologique
Par exemple, Edwin Moise a obtenu dans les années 50 des résultats partiels,
sans arriver à une démonstration. Il a démontré en particulier que toute variété
topologique de dimension 3 peut être « lissée » de manière à enlever tous les plis, et
devenir une variété C . Valentin Poenaru, en France, a tenté depuis 1957 de
démontrer la conjecture, sans y parvenir.
4. Sn , n ≥ 5
En 1961, le mathématicien américain Stephen Smale crée la surprise en
obtenant un résultat tout à fait inattendu concernant la conjecture de Poincaré.
Smale est né en 1930 à Flint (Michigan) dans une ferme. L’école du village ne
comprenait qu’une seule classe, l’instituteur donnant cours à tous les élèves de 6 à
15 ans. Cela n’empêche pas Smale d’arriver premier à l’examen de mathématique
de l’État, pour entrer à l’université. Après quelques années d’activisme politique, il
s’est mis sérieusement aux mathématiques, obtenant au cours de sa carrière des
résultats impressionnants dans cinq branches distinctes, allant de la géométrie à
l’économie en passant par les systèmes dynamiques et l’informatique théorique.
menacé de supprimer sa bourse. Mais la liste des résultats obtenus à la plage les a
fait changer d’avis.
5. S4
Partons à nouveau d’une sphère euclidienne dans R3. Nous pouvons mesurer
la longueur des courbes sur la sphère (c’est leur longueur dans R3), et la distance
entre deux points (la longueur de la courbe la plus courte qui va de l’un à l’autre en
restant dans la sphère). Un cercle de centre x et de rayon r est l’ensemble des
points à distance r de x. Dès que nous pouvons mesurer les longueurs sur la sphère,
nous pouvons oublier R3 et faire toutes les constructions qui suivent.
Dans le plan euclidien, la longueur d’un cercle de rayon r est évidemment πr.
Mais dans la sphère S2 de rayon 1, elle est plus petite comme on le voit figure
5.
Figure 5
Plus précisément, la longueur d’un cercle de rayon r assez petit est π sin(r).
Si on développe cette longueur par sa formule de Taylor, on obtient
πr – π r3 / 3 + reste.
πr – k(x) π r3 / 3 + reste.
La courbure d’une sphère de rayon 1 vaut donc 1 en tout point x. (La définition
de k(x) par la formule ci-dessus a été choisie pour que cette courbure soit positive et
égale à 1).
Pour une surface en forme de selle de cheval, les cercles sont plus longs que
2πr et on déduit du développement de Taylor que la courbure k(x) est négative - voir
la figure 6.
Figure 6
Figure 7
Parmi cette famille de surfaces, on peut donc affirmer que toute surface qui
admet une structure de courbure constante positive doit être une sphère.
Ceci nous donne un critère pour reconnaître une sphère. L’idée est alors
d’utiliser un critère analogue en dimension 3.
7. Le flot de Ricci
Pour cela, nous choisissons en chaque point x de M un produit scalaire sur les
vecteurs basés en x. La longueur d’une courbe sera l’intégrale de la norme de son
vecteur vitesse.
Ce produit scalaire est donné par une matrice 3x3 : gi,j(x). Le produit scalaire
des vecteurs X et Y est alors
Figure 8
L’idée de départ d’Hamilton est la suivante : nous avons placé sur la variété
une métrique gi,j quelconque, dont la courbure de Ricci n’est pas constante. Une
12
Figure 9
Figure 10
Hamilton a alors une autre idée, plutôt iconoclaste dans la théorie des
équations aux dérivées partielles.
Figure 11
Puis il prend la variété modifiée comme point de départ pour la suite de l’équation.
8. La fin de la démonstration
Il se fait remarquer une première fois en résolvant une autre conjecture, posée
20 avant. Pour ce travail, la Société Mathématique Européenne lui attribue un des
dix prix qu’elle offre tous les quatre ans.
En 2002-2003, il place sur le site électronique ARXIV trois articles, dont les
titres ne mentionnent pas la conjecture de Poincaré, mais qui en donnent une
démonstration sans tous les détails.
Précisons que le site ARXIV accepte tous les articles sans contrôle (personne
ne vérifie s’ils sont corrects) et que bien sûr une démonstration n’est valide que
quand tous les détails sont vérifiés. Perelman fait savoir qu’il estime avoir fait son
travail sur la conjecture de Poincaré et qu’il ne rédigera pas de version plus précise.
Il s’en est suivi trois ans d’incertitude, différents mathématiciens vérifiant l’une
après l’autre les étapes de la démonstration.
Mais ce travail de vérification est long. En 2004, Hamilton est invité à faire un
exposé sur la question à l’U.L.B. et présente l’essentiel de la démonstration tout en
se refusant à donner un avis sur sa validité.
Mais Perelman faisait savoir rapidement que, toujours fidèle à ses principes, il
refusait le prix.
Il faut noter toutefois que Perelman apparaît dans la liste des Médaillés Fields
et comme premier lauréat d’un prix de la Fondation Clay, même s’il a refusé les
récompenses.
D’une part, résoudre une question vieille d’un siècle est évidemment fascinant.
Mais pour cette résolution, Hamilton et Perelman ont chacun introduit des méthodes
profondément nouvelles. Si plusieurs mathématiciens ont consacré tant de temps à
préciser tous les détails de la démonstration, c’est aussi parce qu’ils apprenaient des
méthodes qui serviront certainement à résoudre d’autres problèmes.
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BIBLIOGRAPHIE