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Analyse Acte III, Scène 12

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Les Fausses Confidences est une pièce de théâtre de Marivaux, représentée pour la première

fois en 1737. Elles mettent en scène Dorante, un jeune bourgeois ruiné qui devient l’intendant d’une
jeune veuve fortunée, Araminte, dont il est épris. Son ancien valet : Dubois, désormais au service
d’Araminte, va avoir recours à mille et un stratagèmes pour que l’amour triomphe. Les fausses
confidences vont se multiplier au cours de cette comédie sentimentale en trois actes afin que la
vérité du cœur s’exprime donnant du sens à la formule de Louis Aragon : le « mentir-vrai ». Araminte
sait, depuis la vraie fausse confidence de Dubois à l’acte I scène 14, que Dorante est amoureux d’elle.
Elle cherche à obtenir de lui des aveux ; c’est pourquoi elle le met à l’épreuve en lui faisant croire
qu’elle veut épouser le comte Dormont avec lequel elle est en procès. Dans cet scène, Araminte et
Dorante se révèlent enfin leur amour. Comment les déclarations amoureuses réciproques d’Araminte
et de Dorante font de cette scène le point culminant de l’œuvre en mettant fin aux fausses
confidences ? Dans une première partie, de «Ah ! madame ! » à « Levez-vous Dorante », Araminte et
Dorante se déclarent leur amour réciproque. Dans une deuxième partie, de « Je ne la mérite pas » à
« d’avoir trompé ce que j’adore », Dorante révèle à Araminte les stratagèmes amoureux de Dubois.
Pour finir, nous analyserons, de « Si j’apprenais cela » à « lorsqu’il a réussi », Araminte pardonne à
Dorante ses stratagèmes car ils servaient son amour.

L’audace de la demande suscite l’exclamation de la jeune femme : « Vous donnez mon


portrait ! ». En effet, le don de son image symboliserait le don de son cœur. Mais Dorante conteste
son idée, car elle lui parait inconcevable, comme l’exprime les phrases exclamatives : « que vous
m’aimez, madame ! Quelle idée ! » et la question rhétorique « qui pourrait l’imaginer ». Dorante
rappelle ainsi que la différence la différence de fortune entre lui et la jeune femme prohibe tout
union amoureuse. Mais c’est justement cette question rhétorique qui provoque l’aveu amoureux
d’Araminte : « Et voilà pourtant ce qui m’arrive ». Son « ton vif et naïf » témoigne de la pureté et de la
spontanéité de ses sentiments, comparables à ceux que Dorante éprouve pour elle. Pour la première
fois, Araminte révèle donc ses sentiments à Dorante directement, et non en aparté. L’intensité de
cette révélation est renforcée la théâtralité du présentatif « voilà » et l’adverbe d’opposition
« pourtant ». Cette déclaration amoureuse provoque chez Dorante un trouble et une joie
paroxystiques, comme l’exprime l’exclamation tragique : « je me meurs » dont l’assonance en -eu fait
entendre des pleurs. Le corps accompagne la parole « se jetant à ses genoux », chez se personnages
spontané, qui souffrait des dissimulations, contrairement aux autres personnages. Le trouble
d’Araminte est tout aussi profond : « je ne sais plus où je suis ». Les phrases courtes et hachées
témoignent de son incapacité à relier les choses et les idées. Le transport amoureux fait perdre tout
maitrise à la grande bourgeoise. L’intensité des sentiments détruisent les masques sociaux. L’amante
ordonne cependant à l’impératif qu’un semblant de clame soit rétablit « modérez votre joie : levez-
vous Dorante », car ces transports sont contraires aux mœurs d’une grande bourgeoise. La culture
galante réfrène donc la spontanéité des comportements amoureux.

Dorante révèle ses stratagèmes amoureux. Dorante rejette cependant « cette joie qui le
transporte » par la répétition de mots ou d’expressions à la fin d’une phrase (l’épanadiplose) : « je ne
la mérite pas. Cette joie me transporte. Je ne la mérite pas, Madame ». Sa contenance retrouvée « se
lève », le futur proche « vous allez me l’ôter » et la tournure impersonnelle « il faut que vous soyez
instruite » annonce une révélation malheureuse. Araminte en est « étonnée », cet adjectif fréquent
dans la pièce, accompagne les incessants retournements. L’exclamation interrogative d’Araminte
appelle la révélation de Dorante : « Comment ! Que voulez-vous dire ? ». Dorante révèle les fausses
confidences de la pièce, mais insiste cependant sur ce qu’elles ont de vrai, à savoir l’amour qui les
animait : « Dans tout ce qui s’est passé chez vous, il n’y a rien de vrai que ma passion qui est infini ».
La tournure restrictive « ne…que » met en valeur l’amour que Dorante porte à Araminte. Dans cet
longue réplique, l’amant révèle certes les mensonges employés, mais il les justifie par l’amour. On
retrouve ici un vocabulaire galant et précieux : « passion », « infinie », « mon amour », « charme de
l’espérance », « tendresse », « que j’adore ». La fausse confidences et les stratagèmes sont désignés
vaguement par le groupe nominal indéfini : « Tout les incidents » et présenté comme l’œuvre de
« l’industrie d’une domestique » fidèle et serviable. Dorante fait l’apologie de son valet de
l’innocenter : il est habile « l’industrie d’un domestique » et aime profondément sont maître « qui
l’en plaint ». Cet éloge de Dubois permet de justifier ses stratagèmes. Dorante révèle la vérité en
raison de « son respect, son amour et son caractère ». Cette énumération ternaire illustre son mérite
et mettent en valeur ses qualités morales qui pourraient convaincre Araminte de lui pardonner. Il est
toutefois permis au spectateur de s’interroger sur la sincérité de cet aveu. En effet, Dorante ne se
livre-t-il pas à une fausse confidence en prétendant avoir été « forcé de consentir » au stratagèmes
de son valet alors que nous l’avons vu y consentir dans l’acte I ? Cette complicité rend l’intrigue
savoureuse. Cette confidence court quand même le risque de briser l’union entre Dorante et
Araminte comme le souligne l’antithèse « haine »/ « j’adore » qui fait accroire à un changement de
sentiments d’Araminte : « j’aime mieux votre haine que le remords d’avoir trompé ce que j’adore ».
L’anaphore en « j’aime mieux » rend la scène solennelle et grave. L’acmé de cette comédie
amoureuse est original, car dépourvu de la joie caractéristique du genre.

Araminte pardonne à Dorante. Araminte demeure interdite, comme l’explique le participe


présent de la didascalie : « le regardant quelque temps sans parler ». L’amante estime qu’elle n’aurait
jamais accepté ces révélations de personne d’autre que Dorante. Une intervention de Dubois aurait
par exemple été catastrophique comme le témoigne le verbe hyperbolique au conditionnel « je vous
haïrais ». Mais cet aveu de la part de Dorante souligne la probité de l’intendant. La conjonction de
coordination « mais » et la locution d’insistance « vous-même » mettent en valeur cette exception :
« mais l’aveu que vous m’en faites vous-même ». Paradoxalement, cet aveu renforce l’amour
d’Araminte, ce qu’elle exprime par la gradation ternaire « ce trait de sincérité me charme, ma parait
incroyable, et vous êtes le plus honnête homme du monde ». La tournure superlative « le plus
honnête homme du monde » place Dorante sur un piédestal, faisant oublier les mensonges employés
par Dorante dans la pièce. Mais Araminte veut justifier les stratagèmes non pas seulement avec le
cœur mais avec des arguments rationnels : « Après tous, puisque »… . La proposition subordonnée
circonstancielle de cause « puisque vous l’aimez véritablement » justifie ainsi logiquement les ruses
de Dorante : « ce que vous avez fait pour gagner mon cœur n’est point blâmables ». Araminte
souligne un lien de cause à effet entre l’amour de Dorante et les ruses employées.

Nous avons vu que les déclarations amoureuses d’Araminte et de Dorante font de cette scène
le point culminant de la pièce en mettant fin aux fausses confidences. L’intensité des sentiments ôte
les masques des personnages, et souligne l’égal sensibilité que partage les individus,
indépendamment de leur appartenance sociale. Cette scène galante s’achève sur le message de la
pièce de Marivaux : paradoxalement, la dissimulation peut-être le véhicule de la sincérité amoureuse,
qui justifie tous les stratagèmes. Les ruses et fausses confidences proviennent en effet des obstacles
que les normes sociales opposent à l’amour.

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