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l'ambivalence
Richard Stubbs
Dans Revue internationale de politique comparée 2001/3 (Vol. 8), pages 461 à 472
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1370-0731
ISBN 2-8041-3915-8
DOI 10.3917/ripc.083.0461
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LA MALAISIE ET LA MONDIALISATION :
CRISE ET POLITIQUE DE L’AMBIVALENCE
Richard STUBBS
1. Voir STUBBS R., “Signing on to Liberalization : AFTA and the Politics of Regional Economic
Cooperation”, The Pacific Review 13, n° 2, 2000, pp. 299-303.
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Combattre la crise
La crise économique asiatique, déclenchée par le flottement du bath
thaïlandais le 2 juillet 1997, prit manifestement le gouvernement malaisien
au dépourvu. Face à l’extension rapide de la récession, la Malaisie, comme
la Thaïlande et l’Indonésie, réagit d’abord sans beaucoup de rigueur ni de
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2. CHEONG O.H., “Evolution of the Malaysian Financial System Beyond the Financial Crisis” dans
MASUYAMA S., VANDENBRINK D. et YUE C.S., (eds), East Asia’s Financial Systems : Evolution
and Crisis, Singapore, Institute of Southeast Asian Studies, 1999, p. 157.
3. ATHUKORALA P., “Swimming Against the Tide : Crisis Mismanagement in Malaysia” dans ARNDT
H.W. et HILL H., (éds), Southeast Asia’s Economic Crisis : Origins, Lessons and the Way Forward,
Singapore, Institute of Southeast Asian Studies, 1999 ; et NESADURAI S., “In Defence of National
Economic Autonomy ? Malaysia’s Response to the Financial Crisis”, The Pacific Review 13, n° 1, 2000,
pp. 93-97.
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11. Les estimations et les prévisions sur la croissance économique de la Malaisie sont : – 7,5 % (1998),
5,4 % (1999), 5,8 % (2000), et 6,5 % (2001) ; pour la Thaïlande : – 10,4 % (1998), 4,1 % (1999), 4,4 %
(2000), et 5 % (2001). ESCAP, Economic and Social Survey of Asia and Pacific, 2000, Bangkok, avril
2000.
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12. GONZALES J.L., “Miracle Turned Crisis in East Asia : Policies Affecting Transnational Migrants”,
Journal of Social Issues in Southeast Asia 14, n° 1, 1999.
13. PURA R., “Malaysia Sets Austere Economic Plan in Effort to Head off Financial Woes”, Asian Wall
Street Journal, 8 décembre 1997 ; et MILNE R.S. et MAUZY D.K., Malaysian Politics Under Mahathir,
Londres, Routledge, 1999, pp. 159-86.
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14. ANWAR I, The Asian Renaissance, Singapore, Times Books International, 1997.
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le nationalisme économique, avaient montré leur efficacité, dès lors que l’éco-
nomie s’était redressée à un rythme bien plus rapide que ne l’avaient prédit
les analystes les plus optimistes.
Les élections de novembre 1999 mirent en lumière l’ambivalence des
électeurs, ceux-ci réagissant aux événements survenus au cours des dix-huit
mois précédents. La coalition au pouvoir, le Barisan Nasional (Front natio-
nal), et en particulier l’U.M.N.O. qui la dominait, perdit des partisans dans
un certain nombre de régions-clés malaises. Les gains les plus importants
allèrent au parti d’opposition, le P.A.S. (Parti Islam Se-Malaysia) qui garda
le pouvoir au Kelantan, s’assura le contrôle du gouvernement de l’État du
Trengganu riche en pétrole, et obtient 27 sièges fédéraux – contre 8 aux
dernières – dans les États du Nord, à majorité malaise, de la péninsule
malaisienne. Fait révélateur : les partisans de l’U.M.N.O. furent bien moins
nombreux que lors des élections précédentes à Kuala Lumpur, ce qui souli-
gne le mécontentement que le gouvernement suscita dans la classe moyenne
instruite et dans des régions plus pauvres à majorité malaise. En outre, la
femme d’Anwar, Wan Azizah Wan Ismail, qui menait le Parti Keadilan
Nasional pro-Anwar ou National Justice Party, gagna le siège que l’ancien
vice-Premier ministre détenait à Penang. À l’évidence, la société malaisienne,
et la communauté malaise en particulier, était profondément divisée sur la
manière dont Anwar avait été traité.
Malgré le partage des suffrages malais, Mahathir remporta les élections.
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15. Pour une discussion sur les résultats électoraux, voir WEISS M.L., “The 1999 Malaysian General
Election : Issues, Insults and Irregularities” Asian Survey 40, 2000.
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16. Voir MUSTAPHA R., “Rehabilitating U.M.N.O.” AgendaMalaysia, 18 septembre 2000, http ://
www.agendamalaysia.com, consulté le 18 septembre 2000.
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Conclusion
À première vue, la Malaisie semble avoir surmonté la crise sans qu’il y ait
eu trop de changements. Le Premier ministre Mahathir reste au pouvoir, et
17. GANESAN N., “Malaysia-Singapore Relations : Some Recent Developments”, Asian Affairs 25, n°
1, 1998 ; Asian Wall Street Journal, 9-10 juillet 1999 ; et “Mahathir Interview”, Far Eastern Economic
Review, 24 juin 1999.
18. GOAD P.G., “Asian Monetary Fund Reborn”, Far Eastern Economic Review, 18 mai 2000, p. 54.
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l’économie se remet sur pied rapidement. Il n’en reste pas moins que la crise
économique, avec d’autres aspects de la mondialisation, a laissé des traces.
La continuité que représente Mahathir est remise en question par les chan-
gements résultant de la mondialisation. Les Malaisiens et le gouvernement
lui-même montrent une certaine ambivalence quant à l’intérêt de maintenir
cette continuité et à la nécessité d’accepter le changement. Il est clair que la
mondialisation continuera à placer le gouvernement devant des dilemmes.
Ainsi, jusqu’à quel point faut-il ouvrir l’économie pour pouvoir profiter de
l’injection de capitaux mondiaux ? Comment contrôler la contestation des
droits malais, toujours susceptible de créer des conflits, et les controverses
sur les politiques menées par le gouvernement dans ce domaine, alors que
celui-ci s’est engagé à ne pas censurer Internet pour encourager les investis-
sements dans le secteur technologique du pays ? Comment concilier les pri-
vilèges spéciaux accordés aux Malais, qui devraient être prolongés de dix
ans, avec l’adhésion de la Malaisie à des institutions “mondialisantes” comme
l’Organisation Mondiale du Commerce ? De plus, le fait que Mahathir tente
de limiter les débats sur sa politique en qualifiant d’extrémistes violents le
parti d’opposition P.A.S. (Parti Islam Se-Malaysia) et l’organisation chi-
noise non partisane Suquiu, ne fera que soulever des questions sur sa capa-
cité à gérer à long terme les dissidences19.
Malgré les apparences, la politique malaisienne est en pleine évolution.
Ce changement ne manquera pas d’alimenter les tensions entre les nationa-
listes économiques et les partisans de l’ouverture de l’économie et du sys-
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19. Voir JAYASANKARAN S. et HOLLAND L., “Malaysia : Divided We Fall”, Far Eastern Economic
Review 21, septembre 2000. Et pour les inquiétudes au sujet de la politique pro-malaise du gouverne-
ment, voir GILLEY B., “Malaysia : Affirmative Reaction”, Far Eastern Economic Review, 10 août 2000.