Bois Ordre Du Jour Web3
Bois Ordre Du Jour Web3
Bois Ordre Du Jour Web3
2012
La responsabilité du contenu de cette publication incombe uniquement à ses auteurs
et qu’elle ne pourra en aucune circonstance être considérée comme l’expression ou
l’opinion propre de Tropenbos International RD Congo.
Citations : Benneker C., Assumani D-M., Maindo A., Bola F., Kimbuani G.,
Lescuyer G., Esuka JC., Kasongo E. et S. Begaa (eds.) (2012). Le
bois à l’ordre du jour. Exploitation artisanale de bois d’œuvre
en RD Congo: Secteur porteur d’espoir pour le développement
des petites et moyennes entreprises. Tropenbos International
RD Congo, Wageningen, Pays-Bas. x + 278 pp.
ISBN : 978-90-5113-109-3
Disponible chez :
Tropenbos International
B.P. Box 232,
6700 AE Wageningen, Pays-Bas
e-mail: tropenbos@tropenbos.org
Tropenbos International RD Congo
Avenue des Eurables 32,
Commune de Makiso, Kisangani, RD Congo
Tel. +243 (0) 85 3575318 / (0) 81 2728628
Email : tropenbos.drc@gmail.com
www.tropenbos.org
Contents
Préfacev
Remerciementsvi
Abstract vii
INTRODUCTION 1
GÉNÉRAL
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo :
Évolution des politiques et des pratiques 9
François Tiayon et Augusta Molnar
RÉGLEMENTATION
La décentralisation et la gouvernance de l’exploitation artisanale de bois
en République Démocratique du Congo : Aspects juridiques et financiers 41
Jean-Claude Esuka Alfan
RELATION COMMUNAUTÉS
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des
populations riveraines des forêts 69
Cyrille Adebu et Bernard Abdala
MARCHÉ
Le marché du bois d’œuvre à Kisangani : Circuits, relations de pouvoir,
et insertion économique 203
Jonas Ngoy Ilunga Nimuk
v
Remerciements
Ce livre constitue la réunion des informations disponibles à ce jour sur l’exploitation
artisanale de bois en RD Congo. L’ouvrage n’aurait jamais pu voir le jour sans le concours
et le soutien de personnes et d’institutions ou organisations, qu’il convient de remercier
pour l’appui qu’elles ont apporté à la publication de cet ouvrage.
vi
Abstract
This book provides an overview of artisanal logging or small-scale timber exploitation
in the Democratic Republic of Congo, based on contributions from 33 researchers from
a variety of national and international organizations and institutions. The objective is
to provide insight in the basic conditions to be fulfilled by a revised legal framework
on artisanal logging in context of the FLEGT process. It is our strong belief that revision
of the legal framework should benefit from the availability of in-depth information on
artisanal logging as it happens in the field. The chapters in this book provide information
on local practices of artisanal logging, including the actors involved including local
communities; the interplay between economic and political interests; logging impacts
on the forest; the importance of artisanal logging in the region; and its relevance for
international development and forest governance policies. The book identifies three
major issues related to artisanal logging in DR Congo: (1) local conflicts resulting from
the abuse of power by political and military authorities vis-à-vis the rural population and
artisanal loggers, (2) the financial harassment of artisanal loggers, which reduces both
cost-effectiveness of artisanal logging and its contribution to the treasury and (3) the
absence of a forest management system that guarantees the sustainability of artisanal
timber exploitation.
vii
Glossaire des acronymes
ACO Afrique Centrale et Occidentale
AFD Agence Française de Développement
ANR Agence Nationale des Renseignements (RD Congo)
AT Administrateur du territoire (RD Congo)
AWF African Wildlife Foundation
BAD Banque Africaine de Développement
CAPDH Coordination des Actions de Promotion de la Paix et des Droits Humains
(RD Congo)
CASDF Compte d’Affectation Spéciale de Développement Forestier (RD Congo)
CEDEAO Communauté Economique des États d’Afrique de l’Ouest
CEMAF Centre d’Études des Mondes Africains
CEREPSAN Centre de Recherches Politiques et Sociales d’Afrique Noire
CFT Compagnie Forestière et Transformation de bois (RD Congo)
CI Conservation International
CIFOR Center for International Forestry Research
CIRAD Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement
CNONGD Conseil National des ONG de Développement du Congo (RD Congo)
COCOM Cœur Compatissant (RD Congo)
COMIFAC Commission des Forêts d’Afrique Centrale
CTAD Cellule Technique d’Appui à la Démocratie (RD Congo)
CTFT Centre Technique Forestier Tropical
DEA Diplôme d’Études Approfondies
DEMIAP Détection Militaire des Activités Anti–Patrie (RD Congo)
DGI Direction Générale des Impôts (RD Congo)
DGIS Directorate General for International Cooperation (Ministry of Foreign Affairs
Netherlands)
DGM Direction Générale de Migration (RD Congo)
DGRAD Direction Générale des Recettes Administratives et Domaniales (RD Congo)
DME Diamètre Minimum Exploitable
DRPO Direction des Recettes de la Province Orientale (RD Congo)
DSRP Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté
ECN Coordination Provinciale de l’Environnement Conservation de la Nature
(RD Congo)
EFC Entreprises Forestières Communautaires
FAO Food and Agricultural Organisation
FARDC Forces Armées de la République Démocratique du Congo
FC Franc Congolais
FS Faculté des Sciences (UNIKIS)
FLEGT Forest Law Enforcement Governance and Trade
FORAF Forêts Africaines
FSA Faculté des Sciences Agronomiques (actuellement Faculté de Gestion des
Ressources Naturelles Renouvelables) (UNIKIS)
FSSAP Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politiques (UNIKIS)
GFC Gestion Forestière Communautaire
GTF Groupe de Travail Forêts
ICCN Institut Congolais pour la Conservation de la Nature
ICRAF World Agroforestry Centre
IFA Institut Facultaire des Sciences Agronomiques de Yangambi (RD Congo)
IFIA Association Interafricaine des Industries Forestières
IPMEA Secrétariat pour l’Industrie et les Petites et Moyennes Entreprises (RD Congo)
viii
IRET Institute for Research on the Economics of Taxation
LINAPYCO Ligue Nationale des Pygmées du Congo
MECNT Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme
(RD Congo)
NARI National Agricultural Research Institute
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique
OCEAN Organisation Concertée des Écologistes et Amis de la Nature (RD Congo)
OFAC Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale
OIBT Organisation Internationale des Bois Tropicaux
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONG Organisation Non Gouvernementale
OSAPY Organisation pour la Sédentarisation, l’Alphabétisation et la Promotion des
Pygmées (RD Congo)
PA Peuple Autochtone (RD Congo)
PARPAF Projet d’Appui à la Réalisation des Plans d’Aménagement Forestiers
(RD Congo)
PCN Programme d’Éducation pour la Protection et la Conservation de la Nature
(RD Congo)
PFNL Produits Forestiers Non Ligneux
PIB Produit Intérieur Brut
PK Point Kilométrique
PME Petite et Moyenne Entreprise
PMEF Petite et Moyenne Entreprise Forestière
PNC Police Nationale Congolaise
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PO province Orientale (RD Congo)
RD Congo République Démocratique du Congo
REDD Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation des
forêts
REFORCO Appui à la Formation et à la Recherche Forestière au Congo
REPEC Réseau des Partenaires pour l’Environnement au Congo
RRN Réseau Ressources Naturelles
SAF Bois Société Africaine des Bois (RD Congo)
SNV Netherlands Development Organization
TLS Timber Legality Standard
UCL Université Catholique de Louvain
UE Union Européenne
UNIKIS Université de Kisangani
UNOPS United Nations Office for Project Services
VPA / APV Voluntary Partnership agreement / Accord de Partenariat Volontaire
WCS Wildlife Conservation Society
WHRC Woods Hole Research Center
WWF World Wide Fund for Nature
ix
Introduction
La République Démocratique du Congo (RD Congo) se situe au cœur de l’Afrique et couvre
une superficie de 2.345.000 km². L’économie congolaise a favorablement réagi au retour
de la paix et aux efforts de stabilisation et de réformes entrepris par le gouvernement
depuis 2001. Après plus d’une décennie d’instabilité politique et de récession, le PIB a
enregistré une croissance de 7,2% en 2010 et de 6,5% en 2011 (et le FMI prévoit une
croissance de 6,3% en 2012) grâce à la reprise des activités minières et forestières.
Il se trouve que la RD Congo possède environ 145 millions d’hectares de forêts naturelles
soit environ 10% de l’ensemble des forêts tropicales du monde et plus de 47% de celles
de l’Afrique. Ces forêts jouent un rôle essentiel dans la régulation globale du climat au
niveau de la planète. Elles ont également une importance socio-économique manifeste
pour les populations locales et autochtones qui y vivent et en dépendent grandement
pour leur survie.
1
Le bois à l’ordre du jour
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre n’est pas une activité nouvelle en RD Congo.
L’État congolais a toujours, depuis l’époque coloniale, autorisé l’exploitation artisanale du
bois d’œuvre. L’exploitation artisanale du bois d’œuvre joue en effet un rôle capital dans
l’économie locale et nationale. Elle donne du travail à plusieurs acteurs dans la chaîne de
production et fournit les matériaux nécessaires à la construction (et reconstruction) des
maisons, aux infrastructures, et à la fabrication de mobilier après des années d’agitation
politique.
2
Introduction
Cependant, les résultats de ces études ne sont pas toujours connus du grand public,
voire des parties prenantes. Pour combler cette lacune et partager l’information existant
sur les marchés locaux et l’exploitation artisanale du bois, Tropenbos International (TBI)
a estimé nécessaire de rassembler les études existantes dans un livre, pour contribuer
à la discussion sur une possible application ou
réforme du cadre légal de cette activité. Tel est
l’objectif principal de cet ouvrage.
Ce livre traite de différents sujets d’intérêt tant national, international que local :
• Des processus internationaux et régionaux concernant la gouvernance forestière
• De la réglementation et du rôle de l’État
• De la relation entre les exploitants artisanaux et les communautés locales
• De l’organisation de la chaîne de production du bois d’œuvre
• De l’impact de l’exploitation artisanale du bois sur les forêts
3
Le bois à l’ordre du jour
Dans le deuxième chapitre Guillaume Lescuyer et ses collègues présentent les résultats
des recherches sur l’exploitation artisanale du bois effectuées par le CIFOR dans plusieurs
pays d’Afrique Centrale et une analyse intégrée de l’exploitation artisanale en RD Congo.
L’objectif de ces études est de contribuer à l’élaboration d’outils visant à pérenniser,
légaliser, et réguler l’exploitation artisanale des
forêts. Dans ce cadre, les auteurs de ce chapitre
présentent aussi les activités du projet Pro-
Formal, qui cherche à analyser les mesures
politiques pouvant permettre au FLEGT de
mieux intégrer les marchés nationaux du bois
dans le cadre national légal.
4
Introduction
artisanale du bois en comparant les pratiques actuelles de gestion de la forêt et les règles
de durabilité contenues dans plusieurs accords internationaux signés par la RD Congo.
Dans le sixième chapitre, Desire Nkoy et Joost van Puijenbroek montrent que l’exploitation
artisanale de bois dans le territoire de Mambasa reste opaque dans tous les domaines.
Pour eux, presque tous les services de l’État sont impliqués dans la délivrance de divers
titres d’exploitation ce qui génère des complications bureaucratiques et l’application de
taxes illégales. En outre, ils estiment que la population locale ne gagne presque rien car
les chefs coutumiers considèrent la forêt comme leur propriété privée et n’en partagent
pas les bénéfices avec leurs administrés.
Dans le huitième chapitre, Samuel Begaa présente des résultats d’une étude réalisée à
Isangi dans l’ouest de la province Orientale. Dans le territoire d’Isangi, cinq des treize
chefferies sont concernées par l’exploitation artisanale de bois. Le prélèvement des
essences se fait aussi bien dans les jachères que dans la forêt primaire et secondaire. Les
communautés locales sont impliquées soit en vendant des arbres, soit en transportant
et en embarquant le bois produit, soit encore en faisant la cuisine pour les exploitants.
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre génère parfois des conflits là où l’ampleur de
l’exploitation est plus prononcée.
Le texte d’Ignace Muganguzi et de Charlotte Benneker montre que l’octroi des permis
de coupe artisanale est un processus opaque géré par différents services publics qui
se réfèrent à une pléthore de lois et règles. Les exploitants sont obligés de payer taxes
et contributions à chaque niveau de l’administration, tant coutumière qu’étatique.
Les exploitants achètent les arbres auprès des propriétaires individuels de la forêt ou
auprès des chefs coutumiers. Dû aux volumes réduits de bois exploités, la vente du bois
rapporte peu de bénéfices aux communautés car les exploitants artisanaux peinent à
répondre à leurs demandes.
L’article de Dieu-Merci Assumani et ses collègues, repris dans le dixième chapitre, présente
les résultats d’une étude sur l’exploitation de bois autour de Kisangani. Ils décortiquent et
analysent les acteurs impliqués, leurs organisations, l’obtention des permis de coupe, les
modes du travail, les essences abattues et les processus de transport, de transformation
et de commercialisation dans la ville de Kisangani. Ici, l’activité serait bénéfique pour
toutes les parties prenantes : les communautés locales, les exploitants, les fournisseurs
de services et les agents de l’État.
5
Le bois à l’ordre du jour
Selon cette étude, on découvre, par exemple, le rôle primordial de la propriété sur les
retombées économiques de l’exploitation pour les communautés. En effet, là où le
droit de propriété forestière n’est pas clairement établi au sein d’une communauté, ses
membres ne réussissent généralement pas à négocier de bonnes conditions de vente
avec les exploitants (dont certains sont des militaires ou des politiciens).
Parlant du marché, le douzième chapitre, écrit par Jonas Ngoy, montre que l’exploitant
forestier à Kisangani, avec l’aide de machinistes, produit du bois d’œuvre pour la
consommation locale. Le bois se vend sous plusieurs formes : grumes, plateaux, et bois
sciés en dimensions diverses. Les petites entreprises forestières artisanales de Kisangani
sont en relation avec un nombre variable d’intermédiaires dans la chaîne de production.
Ce qui provoque un surcoût pour les consommateurs, qui préfèrent pour cela se procurer
du bois directement auprès des exploitants.
Enfin, le dernier chapitre, développé par Benneker et ses collègues, revient sur quelques
thèmes majeurs pour les relativiser et les mettre en perspective, dans la mesure où ils
ont des répercussions directes sur la formulation et l’implémentation d’un cadre légal
adapté pour l’exploitation artisanale du bois en RD Congo. Les thèmes traités dans
cette discussion sont : Les autorisations d’exploitation de bois, la fiscalité forestière et la
gestion forestière.
6
Général
Crédits photo :
1. Introduction
Le présent chapitre tente de fournir des éléments pouvant permettre de situer
l’exploitation forestière artisanale en RD Congo par rapport au contexte régional et
international. Il fait la synthèse d’une série d’études récentes2 sur l’économie forestière
conduites en Afrique centrale et occidentale par des collaborateurs et partenaires de
l’Initiative des Droits et Ressources (RRI). Ces études ont porté sur les principaux points
suivants : les rendements comparatifs des entreprises forestières de petite taille et
d’échelle industrielle dans les pays en développement, leur futur respectif et leur mise
en rapport avec l’évolution de petites entreprises forestières dans les pays développés
riches en forêts.
9
Le bois à l’ordre du jour
Malgré le caractère peu incitatif des cadres réglementaires dans la plupart des pays
d’ACO, l’exploitation forestière artisanale sert en effet de vivier à une gamme variée
de petites entreprises forestières dont l’importance économique est établie dans la
région. Ce secteur est par ailleurs en pleine expansion du fait d’une demande sans
cesse croissante de produits ligneux sur les marchés nationaux et régionaux, et en
raison de l’incapacité des grands concessionnaires forestiers (orientés vers l’exportation)
à approvisionner ces marchés. Comme dans la plupart des pays développés riches
en forêt, les petites entreprises forestières en RD Congo et dans le reste de l’Afrique
constituent les principales sources d’emplois et d’approvisionnement des marchés
intérieurs et régionaux. Ce qui est cependant à souligner ici, c’est qu’à la différence des
pays développés riches en forêt, les États d’ACO sont encore largement confrontés au
problème de l’exploitation forestière illégale.
10
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
favorables, systèmes d’incitation appropriés). Il est en effet prouvé que dans les pays
où de telles conditions sont réunies, la contribution de ces entreprises à l’emploi et à la
génération de revenus est beaucoup plus importante que celle des entreprises d’échelle
industrielle. En outre, les petites entreprises forestières peuvent contribuer de manière
significative au bien-être social et culturel à travers des investissements sociaux et l’offre
de produits forestiers et de services culturellement adaptés. Une étude comparative
du rôle des deux catégories d’entreprises dans la sous-région et dans le monde, révèle
que la promotion d’une économie forestière équilibrée, marquée par la prédominance
d’entreprises forestières de petite échelle et à base communautaire, requiert la mise
en place d’un ensemble de conditions conjointes : les réformes des dispositifs légaux,
la protection effective des droits de tenure et/ou des droits d’accès, le renforcement
des structures de gouvernance coutumière et décentralisée pour soutenir les petites
entreprises et promouvoir l’équité, l’apport de formes appropriées de soutien technique,
financier, et d’infrastructures par les gouvernements et les agents de changement ; et
enfin le développement d’une compréhension plus exhaustive de l’évolution des
marchés mondiaux et nationaux.
Ce chapitre offre un contexte régional et mondial aux chapitres suivants dans lesquels le
statut et les tendances actuelles de l’exploitation forestière artisanale en RD Congo sont
décrits de manière détaillée. Il fournit par ailleurs quelques exemples de systèmes de
gouvernance forestière ayant fait leur preuve en matière de développement rural et de
gestion durable des forêts grâce à une économie forestière diversifiée.
Deux concepts seront abondamment discutés dans cette section. Le premier est
celui de « petites et moyennes entreprises forestières » (PMEF). Il comprend toutes les
activités productives menées par les entrepreneurs individuels, les petits propriétaires
forestiers et les communautés, dont les activités sont centrées sur l’exploitation et la
commercialisation des produits forestiers (bois, autres produits forestiers ligneux et
produits forestiers non ligneux). La deuxième notion discutée dans cette contribution
est celle de « gestion forestière communautaire » (GFC). Elle renvoie à un système de
gestion forestière mis en œuvre par les communautés sur les terres forestières qui leur
appartiennent, ou bien placées sous leur contrôle par le gouvernement. Les PMEF
peuvent s’approvisionner en bois des forêts gérées par les communautés ou à travers les
« entreprises forestières eommunautaires » (EFC), intimement liées au système de GFC.
Les EFC et les exploitants artisanaux font partie des PMEF.
11
Le bois à l’ordre du jour
forestiers non ligneux (PFNL). Ils le font à titre individuel, au travers d’associations, ou
encore d’organisations communautaires. À la différence du modèle concessionnaire et
des plantations industrielles, le secteur informel est largement considéré comme illégal
par les pouvoirs publics.
Les pays asiatiques, européens, et les États-Unis, constituent les principaux acheteurs
du bois venant d’ACO. Ce bois est en grande partie destiné à la Chine où il est largement
utilisé pour alimenter l’industrie de transformation, notamment la production de
bûches, de sciages et de pâtes de bois. La Chine exporte une partie de ses produits finis
en bois (contreplaqués, papier, panneaux de fibres, meubles, etc.) surtout dans les pays
africains à revenu intermédiaire3, qui sont une vingtaine, selon les spécifications de la
Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement –BAD (Saleson, 2007 et
African Development Bank, 2010). Elle comble ainsi la demande due au peu d’échanges
commerciaux formels existant entre les États forestiers d’ACO et ces pays, dont un bon
nombre est pauvre en forêts. L’exportation de dérivés du bois depuis l’Afrique vers la
Chine est quant à elle assez réduite dans l’ensemble, et se fait principalement à partir de
plantations commerciales concentrées notamment dans certains pays du nord-est de
l’Afrique, d’Afrique australe et de la République du Congo. Sur les échanges commerciaux
de ces produits entre la Chine et l’Afrique, voir les figures 1 et 2 ci-dessous.
3 Les pays à revenu intermédiaire sont selon la Banque Mondiale, ceux dont le RNB (revenu national brut) annuel par habitant
est de plus de 875 USD mais moins de 10 726 USD (Saleson, 2007). La Banque africaine de développement (BAD) classe les pays à
revenu intermédiaire en deux catégories : 1) les pays à faible revenu intermédiaire. Ce sont : le Nigeria, le Soudan, l’Égypte, Djibouti,
le Lesotho, la Tunisie, le Cameroun, le Maroc, le Cap Vert, la République du Congo, Sao Tome-et-Principe, l’Angola, la Côte d’Ivoire, le
Swaziland. Et 2) les pays à revenu intermédiaire élevé tels que l’Algérie, le Botswana, le Gabon, la Namibie, la Guinée Équatoriale, les
Seychelles, l’Île Maurice, la Libye et l’Afrique du Sud (African Development Bank, 2010)
12
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
3.5
Figure 1. Importations chinoises du bois d’Afrique (en volume). Source : Canby et al. in Molnar et al.
(2010).
3.500
3.000
(millions m3 Equivalent en Bois Rond - EBR)
Importations chinoises d’Afrique
2.500
2.000
1.500
1.000
500
0
Chine vers. l’Afrique Afrique vers. la Chine
Contreplaqué Grumes
Papier Pâte de bois
Fibre de bois Sciages
Meubles
Figure 2. Répartition des échanges commerciaux de produits ligneux entre la Chine et l’Afrique (en
milliers de m3, 2009). Source : Canby et al. in Molnar et al. (2010).
13
Le bois à l’ordre du jour
ci-dessous) montrent que les PMEF jouent un rôle vital dans les économies locales et
nationales. Elles ajoutent de la valeur, génèrent des emplois et des revenus financiers, et
en tant que tel, ont un impact positif sur les moyens d’existence locaux.
Malgré les lacunes qu’elles recèlent, les données de ce tableau indiquent de manière
générale qu’en termes d’emplois et de contribution globale à l’économie rurale, les PMEF
en Afrique ont des résultats meilleurs que ceux des concessions forestières industrielles.
4 Cerruti et Lescuyer, 2011 ; Cerutti, et al. 2010 ; Cerutti et al. 2009 ; Birikorang et al. 2008 ; Blackett, Aiah et Marfo, 2009 ; Colee,
2008 ; Lescuyer et al. 2009 ; Cerutti, Lescuyer, Nguiebouri et Ondoua, 2009 ; Wit et van Dam (eds), 2010 ; Molnar et al. 2010 ; Molnar
et al. 2011 ; MINEFI, 2006 (Voir références bibliographiques pour détails).
14
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
À titre d’illustration, le nombre total d’emplois directs créés par l’exploitation forestière
artisanale au Cameroun et au Ghana (45.000 + 97.000, respectivement, c’est-à-dire
142.000 au total) est bien supérieur au nombre de 135.000 emplois générés par le secteur
forestier formel dans 9 pays d’ACO (Gabon, Cameroun, Congo, République Centrafricaine,
RD Congo, Côte d’Ivoire, Ghana, Libéria, Guinée Equatoriale) selon Karsenty (2007). Dans
la même optique, le nombre d’emplois générés par les PMEF dans le secteur forestier
informel en RD Congo, au Cameroun et au Ghana, est dix fois plus élevé que celui du
secteur forestier formel dans ces mêmes pays (Molnar et al. 2011). Au Botswana, Kenya,
Lesotho, Malawi, Swaziland et Zimbabwe, on recense un total d’environ 407.205 PMEF.
Celles-ci fournissent un total de 762.614 emplois (Arnold et al. 2003). A l’échelle mondiale,
les PMEF, toutes catégories confondues (et dont la vaste majorité est constituée de
petits exploitants et d’entreprises communautaires) génèrent plus de 90% des recettes
forestières et 50 à 90% des emplois du secteur forestier (Molnar et al. 2010).
15
Le bois à l’ordre du jour
nationales et locales est considérable. Selon Cerruti et al. (2010) l’exploitation artisanale
rapporte annuellement près de 40 millions d’euros aux secteurs ruraux du Cameroun
et du Gabon. Au Cameroun, les salaires annuels versés par l’exploitation artisanale du
bois sont estimés à 44.643 USD pour les zones rurales, et à 25.756 USD pour les zones
urbaines (Cerruti et Lescuyer, 2011).
Le commerce des PFNL au Cameroun rapporte annuellement environ 754.950 USD aux
ménages. Des études menées au Cameroun révèlent qu’en 1995, le commerce informel
de quatre PFNL (Dacryodes edulis, Irvingia spp., Cola acuminata, Ricinodendron heudelotii)
a rapporté environ 1.745.700 dollars aux ménages (Ndoye et al.1998). Ces contributions
auraient pu être encore plus importantes si un ensemble de conditions favorables
étaient réunies pour les PMEF : un accès légal aux ressources, un accès amélioré au
financement et aux marchés, l’utilisation de technologies à plus grande valeur ajoutée,
des connexions aux chaînes d’approvisionnement, et le contrôle de l’exploitation
forestière illégale (Oyono, Biyong et Kombo, 2009).
16
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
de la prise de décision sur les terres et l’utilisation des forêts. Les nouveaux systèmes de
gouvernance forestière émanant de ces réformes offrent aux PMEF des possibilités de
se développer davantage, notamment à travers la gestion communautaire des forêts, la
cogestion, l’incorporation des droits d’usage coutumiers dans les domaines forestiers de
l’État, etc.
Ces réformes sont à mettre en rapport avec certaines évolutions sur le plan socio-
politique : des exigences accrues de reddition de compte par les administrations
centrales, les mouvements sociaux qui ont émergé à la faveur de politiques plus libérales
sur le pluralisme politique et la liberté d’association, les activités de lobbying des
communautés locales, des populations autochtones et des organisations internationales,
et l’activisme de la société civile et des défenseurs de la conservation. Ces réformes
sont également influencées par un certain nombre de processus et d’initiatives visant
à améliorer la gouvernance des forêts tant au niveau régional qu’international : a)
la politique foncière initiée par l’Union africaine ; b) les délibérations menées au sein
d’autres instances régionales (Ex : Communauté Économique des États d’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO) ; c) les Directives sur la gestion forestière participative et durable de
la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC)5 ; d) l’initiative FLEGT/APV, axée
sur la lutte contre l’exploitation forestière illégale ; e) les initiatives internationales sur
l’adaptation et l’atténuation liées au changement climatique. Les changements majeurs
qui se sont produits en ACO ont généralement porté sur la mise en place de nouvelles
politiques forestières et de législations, ou sur la restructuration de celles qui existaient
déjà. Depuis les années 1990, un certain nombre de politiques et de réformes des lois
forestières ont été adoptées dans la plupart des pays d’Afrique Centrale. On peut citer
en l’occurrence : la législation forestière du Cameroun (1994) et les Codes forestiers de
la RD Congo (2002), du Congo (2000), de la RCA (2001), du Gabon (2001) et de la Guinée
équatoriale (2002).
Au Libéria (Afrique de l’Ouest), une loi sur les droits communautaires a été promulguée en
2009 et une Commission Foncière a été créée au cours de la même année, avec un mandat
de cinq ans. Cette Commission a officiellement lancé ses opérations en 2010 et a comme
mission de coordonner, proposer et promouvoir des réformes, des programmes et des
règlementations liés au foncier. Au Mali, la loi foncière de 2002 reconnaît les institutions
et droits d’usage coutumiers et concède aux communautés et aux individus le droit
de devenir propriétaires des forêts. La politique forestière du Mali de 2007 a réaffirmé
l’engagement du gouvernement à promouvoir la gestion forestière communautaire. Le
Niger, voisin du Mali, a pour sa part mis en place un des dispositifs légaux les plus avancés
5 L’intérêt pour les réformes est grand : l’OIBT (Organisation Internationale des Bois Tropicaux) en partenariat avec le gouvernement
du Cameroun, RRI, FAO, CIFOR, ICRAF et UICN ont organisé en mai 2009 la Conférence internationale sur la gouvernance, la tenure et
les entreprises forestières : Nouvelles opportunités pour les moyens de subsistance et la richesse en Afrique centrale et occidentale. Ses
250 participants ont mis en exergue les points d’intérêt et fait des recommandations en faveur de réformes axées sur la reconnaissance
des droits coutumiers, l’appui aux moyens de subsistance et aux stratégies de génération de revenus. Les documents relatifs à cette
conférence peuvent être trouvés sur le site : http ://www.rightsandresources.org/events.php ?id=74
17
Le bois à l’ordre du jour
sur le contrôle des ressources locales dans la sous-région6. Ces réformes sont pour la
plupart axées sur la reconnaissance des droits légaux des communautés aux ressources
locales, sur le transfert ou la dévolution des pouvoirs administratifs à ces dernières, et
sur le contrôle des retombées financières résultant de l’exploitation commerciale de ces
ressources. Grâce à elles, les droits communautaires sont désormais plus respectés et les
communautés sont davantage responsabilisées dans la gestion de leurs forêts. Les forêts
communautaires sont désormais institutionnalisées dans de nombreux pays d’ACO et
semblent constituer des bases solides pour le développement des PMEF.
Bien que les nouvelles politiques et lois foncières et forestières des pays d’ACO aient pris
leurs distances par rapport aux législations héritées de la colonisation, notamment en
favorisant un certain degré de partage des droits, elles n’ont généralement pas changé le
statut de propriété légale des terres. Dans la plupart des pays, l’État en reste le principal
propriétaire. La situation en ACO où les États sont propriétaires de plus de 90% des forêts
tropicales, contraste avec celle des pays africains pauvres en forêts tels que ceux du
Sahel, la Tanzanie et le Kenya, où l’on observe un important transfert de droits forestiers
vers les communautés. Bien que l’accès des communautés locales et des populations
autochtones aux forêts publiques et l’exercice de leurs droits sur ces espaces soient
aujourd’hui mieux acceptés que dans le passé, dans la plupart des pays africains, la loi
formelle continue à avoir la primauté sur les régimes fonciers coutumiers. Le pluralisme
normatif et l’insécurité foncière persistent donc. Ce qui limite fonctionnellement les
possibilités pour les communautés d’accéder aux ressources qu’elles considèrent comme
étant les leurs traditionnellement, et d’en devenir propriétaires.
Pendant qu’en Afrique, les États continuent à revendiquer la propriété légale d’environ
98% des terres forestières, en Amérique Latine et en Asie, deux tiers et un tiers des forêts
respectivement sont appropriés localement, ou administrés principalement par les
communautés. La domination persistante des États sur les terres forestières en Afrique,
en plus d’altérer les avantages potentiels liés à la transition foncière en cours, contribue
au maintien d’un système économique dans lequel la conservation des forêts et le
6 Le processus de réforme foncière du Niger a commencé depuis 1993 avec la mise en place des Commissions Foncières (CF) à presque
tous les niveaux administratifs du pays. Ces CF sont constituées de représentants des autorités traditionnelles, de l’administration,
et des membres des conseils locaux. Malgré les tendances de recentralisation observées aujourd’hui au niveau de l’administration
centrale et les rapports sur les abus de pouvoir par certaines autorités traditionnelles, ces CF ont contribué à prévenir ou minimiser
les conflits dans de nombreuses régions marquées par de fortes pressions sur les terres. Elles ont également favorisé un accès plus
équitable et sécurisé aux ressources naturelles.
18
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
modèle concessionnaire industriel continuent à prévaloir. Par exemple, dans des pays
comme la RD Congo, la Tanzanie, la République Centrafricaine, le Mozambique, le Gabon,
le Cameroun, et d’autres pays où les réformes foncières ont eu lieu ou sont en vue, la
superficie forestière totale sous concession d’exploitation forestière industrielle couvre
78,1 millions d’hectares. Les aires forestières officiellement affectées aux communautés
et aux populations autochtones ne représentent que 7,23 millions d’hectares dans ces
régions, soit moins du dixième des superficies allouées aux concessionnaires (Hatcher
et Bailey, 2009). Cet apparent paradoxe peut s’expliquer par la multitude des déficiences
observées dans le processus de réforme (comme c’est le cas dans de nombreux pays
d’ACO, d’où la deuxième génération de réformes), ou par l’absence de mise en œuvre des
lois du fait des résistances au changement par des agents des administrations centrales
(cas du Mozambique - Salomão et Matose, 2006).
En plus de définir les portions de forêts accessibles aux communautés, les États tendent
aussi à définir et réglementer de manière stricte les types d’usages que celles-ci peuvent
faire valoir en forêt. Au Cameroun par exemple, alors que les droits d’usage sur les forêts
sont reconnus aux communautés, leur exercice est soumis à de fortes restrictions par les
réglementations étatiques ou du fait de leur application discrétionnaire. Par ailleurs, le
maintien des aires protégées gérées par l’État dans de nombreux pays africains continue
de constituer un obstacle à l’exercice des droits fonciers coutumiers, et par conséquent
au développement des PMEF. Du fait de ces limitations d’accès aux ressources pour
de nombreuses populations locales, les aires protégées et les concessions forestières
apparaissent alors comme les deux faces d’une même médaille.
19
Le bois à l’ordre du jour
En Europe de l’ouest, à la suite des siècles de conflits sociaux qui ont été à la base
des évolutions vers un système plus démocratique de gestion des ressources
naturelles, la plupart des terres forestières sont désormais la propriété des ménages
et des communautés. Une transition similaire est en cours en Europe de l’est. Du fait
de la reconnaissance de ces droits fonciers individuels et collectifs, des institutions
démocratiques ont vu le jour, et les économies rurales ont commencé à se développer
et à prospérer. Aux États-Unis, bien que les terres forestières soient en majorité des
propriétés privées, les PMEF contribuent actuellement à plus de 37% au total des emplois
dans le secteur de la transformation du bois (US Census Bureau, 2007). Au Mexique,
80% des forêts appartiennent à des communautés forestières et aux villages (ejidos), et
plus de 2.400 petites et moyennes entreprises forestières sont légalement reconnues
par le gouvernement. Au Brésil, où les PMEF ont dominé l’industrie, les politiques et
les programmes ont été réaménagés dans le but d’apporter un appui soutenu aux
systèmes de gestion forestière communautaire, socles de l’approvisionnement en bois
pour les PMEF. Le vaste programme de réforme foncière de la Chine des années 2000
a mis en place un système de tenure où les terres sont réenregistrées pour le compte
d’entités collectives, de ménages ou d’individus. Les collectifs sont autorisés à allouer
à des ménages et aux individus des droits sur les forêts précédemment louées à des
entités publiques. Des études montrent que dans huit des dix provinces étudiées,
l’augmentation observée des plantations d’arbres par les agriculteurs ainsi que celle des
revenus, est étroitement liée à cette réforme foncière.
7 Kozak, 2007 ; Karsenty, 2007 ; Butler, et E.C. Leatherberry, 2004 ; Smith et al. 2004 ; Butterfield, et al. 2005 ; Macqueen et Mayers,
2006 ; Osei-Tutu et al. 2010 ; Hazely 2000 (voir détails dans les références bibliographiques).
20
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
2 à 3 fois plus élevés que ceux des pays où cette distribution a été moins équitable.
Partant de ces analyses, l’auteur conclut qu’une distribution plus équitable des terres et
la sécurité des droits de propriété donnent aux propriétaires terriens la confiance et la
motivation nécessaires pour entreprendre des investissements. Ces derniers sont aussi
encouragés à rechercher des prêts en mettant en gage leurs titres fonciers. Ces droits de
tenure sécurisés encouragent également les investissements étrangers.
Coupler la sécurisation foncière et la répartition équitable des terres a donc des effets
positifs sur l’économie. Une telle approche présente de nombreux avantages : elle
favorise la croissance économique et réduit les inégalités ; elle promeut la durabilité :
la sécurité de la tenure motive les propriétaires fonciers à opter pour une gestion des
ressources établie sur le long terme ; elle améliore la mobilité : les propriétaires terriens
jouissant d’une sécurité foncière sont plus disposés à louer leurs terres à d’autres acteurs,
et à rechercher des revenus plus rémunérateurs ailleurs (Kozak, 2007). En somme,
l’augmentation de la productivité forestière et de la croissance économique exige une
répartition des biens et opportunités beaucoup plus équitable que ce qu’on observe
actuellement dans la plupart des pays forestiers en développement.
21
Le bois à l’ordre du jour
axées sur le beurre de karité dans les pays sahéliens sont parvenues à renégocier des
droits sur les arbres avec les leaders villageois (masculins). Elles se sont impliquées
dans les dialogues sur l’élaboration des conventions locales de gestion des forêts, et
font pression sur leurs gouvernements pour qu’ils reconnaissent la légitimité de ces
conventions (Nimaga, 2007).
Les exemples qui précèdent montrent aussi qu’en dehors de la sécurité foncière, l’accès
au financement et aux technologies appropriées et l’insertion dans des réseaux sont
également nécessaires pour assurer la viabilité des PMEF. Ils indiquent en outre que la
subvention de ces entreprises au stade de leur démarrage devrait constituer un des axes
prioritaires des stratégies d’intervention en leur faveur. Dans l’État mexicain d’Oaxaca,
plusieurs centaines de communautés, détenant chacune des droits collectifs sur leurs
forêts ainsi que des plans approuvés de gestion forestière, ont rejoint un programme de
promotion de la foresterie communautaire avec l’appui de la Banque Mondiale. Mis en
place à partir de 1997, ce programme connu sous l’acronyme PROCYMAF avait comme
principal objectif d’apporter une assistance technique aux communautés afin de les
aider à améliorer leur gestion des forêts, la conservation forestière et le développement
des entreprises forestières communautaires8 (Anta, 2010 et UNDP, 2010). PROCYMAF
a travaillé avec les communautés concernées et a cofinancé la préparation des plans
de gestion, des études visant à améliorer les pratiques sylvicoles et de conservation,
ainsi que des études de marché en lien avec les demandes communautaires. Grâce à
l’initiative de PROCYMAF, le gouvernement mexicain contribue au développement
des compétences et des capacités des membres de la communauté. Le programme a
également collaboré avec WWF pour couvrir les coûts de la certification forestière pour
un groupe de communautés. Il a également favorisé le développement d’un ensemble
8 PROCYMAF signifie littéralement Proyecto de Conservación y Manejo de Recursos Forestales en México (Programme de Conservation
et de Gestion des Ressources Forestières au Mexique). La première phase du projet a duré de 1997 à 2003. La principale caractéristique
de la deuxième phase du programme (PROCYMAF II) qui a duré de 2004 à 2009, c’est son placement sous la tutelle de l’Office National
des Forêts (Comisión Nacional Forestal – CONAFOR) du Mexique. La 3ème phase de PROCYMAF, qui devait être lancée en 2010, intègre
les aspects de genre et les questions relatives à REDD. Sous la tutelle de CONAFOR, PROCYMAF a soutenu plus de 750 communautés
dans les douze États où elle est en opération (Anta, 2010 ; UNDP, 2010).
22
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
diversifié de petites entreprises basées sur l’exploitation durable des PFNL, le tourisme,
et les services culturels tels que les soins médicaux traditionnels. Présentement, le
programme PROCYMAF est à la tête d’une remarquable initiative d’inventaire forestier en
vue d’évaluer le potentiel des services environnementaux en lien avec l’atténuation du
changement climatique. Le gouvernement s’est aperçu que l’appui de ce programme aux
communautés forestières s’est traduit par une augmentation de l’activité économique et
la création d’emplois locaux. Les interventions de PROCYMAF ont également eu des effets
bénéfiques sur la conservation, la lutte contre les catastrophes, et les investissements
dans les activités communautaires (Anta, 2010 ; UNDP, 2010 ; et Bray et al. 2005).
23
Le bois à l’ordre du jour
ajoutée. Sortir les PMEF de l’informel et les mettre en rapport avec les circuits formels de
transformation requiert au préalable des réformes de tenure et des cadres réglementaires
ainsi qu’un appui financier et technique, lequel fait actuellement défaut. A l’heure actuelle,
les investissements nationaux et européens dans la transformation du bois sont limités, et
les marchés asiatiques préfèrent maintenir ce statu quo. Les importateurs chinois et indiens
sont beaucoup plus intéressés par les grumes que par du bois transformé, de manière à
promouvoir les industries de transformation dans leurs pays.
24
Perspectives comparatives de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo
25
Le bois à l’ordre du jour
long terme, se tournent de plus en plus vers l’agriculture paysanne, vers les plantations
forestières et la restauration des paysages dans les pays en développement, où la
demande est susceptible d’augmenter dans le futur. Le Brésil a amorcé un programme
de développement qui intègre les considérations climatiques ainsi que des initiatives de
répartition plus équitable et plus sécurisée de la tenure en Amazonie. Dans ce nouveau
cadre, les PMEF et les systèmes de gestion forestière communautaire joueront un rôle
de plus en plus important. La Chine tente d’aller au-delà de ses réformes de tenure
dans les plantations forestières familiales en promouvant leurs effets bénéfiques sur les
revenus et l’industrie forestière, et en élargissant ces réformes à ses forêts naturelles.
Sur le plan mondial, les Peuples Autochtones font de plus en plus entendre leurs voix
dans les négociations sur le changement climatique et la biodiversité. Prenant appui
sur les systèmes locaux de gestion et les savoirs traditionnels, ils entendent faire des
populations et communautés forestières traditionnelles des acteurs clés dans les
programmes d’atténuation et d’adaptation liés à ce changement climatique. De son
côté, la RD Congo est en train de réfléchir sur les bases à mettre en place pour assurer la
conservation, la durabilité des moyens de subsistance, et la diversification de l’économie
locale et forestière. Les délibérations en cours sont orientées vers la recherche d’un
équilibre judicieux entre une tenure forestière coutumière robuste et la gestion forestière
communautaire. Les exploitants forestiers artisanaux devront certainement avoir un rôle
important à jouer dans ce processus.
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Le secteur informel
du sciage artisanal en
RD Congo : L’enjeu d’une
analyse nationale
Guillaume Lescuyer1, Richard Eba’a Atyi2, Paolo Cerutti3,
Robert Nasi2, et Pitchou Tshimpanga 4
1 CIFOR et CIRAD
2 CIFOR
3 CIFOR et Australian National University
4 Université de Kisangani
29
Le bois à l’ordre du jour
La consommation nationale de bois d’œuvre est toutefois un sujet très mal connu en
Afrique centrale, comme dans la plupart des pays tropicaux (Wit et al. 2010). Les États
ne suivent pas cette production qui relève essentiellement de l’économie informelle –
quoiqu’elle soit autorisée et réglementée dans les codes forestiers – et aucun organisme
privé ou public en Afrique centrale n’en avait fait une de ses priorités avant la fin des
années 2000. La consultation de l’ouvrage décrivant l’etat des forêts du Bassin du Congo
en 2008 (de Wasseige et al. 2009) dévoile remarquablement cette lacune : si les chiffres
de la production formelle du bois tournée vers l’exportation sont disponibles et détaillés,
il n’existe par contre aucune évaluation des niveaux de consommation nationale du bois
d’œuvre dans ces pays.
Depuis 2008, le CIFOR, avec ses partenaires (Tableau 1), a entrepris des recherches sur
les secteurs nationaux du sciage artisanal afin d’en estimer la portée tant physique
qu’économique ou sociale. Un rapide état des lieux sur ce sujet ainsi que des estimations
récentes sur ce secteur, sont présentés ci-dessous pour chacun des pays.
Au Cameroun, dès la fin des années 1990, on a pu constater une très forte augmentation
du nombre d’exploitants forestiers (Eba’a Atyi 1998), alors que la délivrance de titres
d’exploitation ne suivait pas la même tendance. Pire, plusieurs titres d’exploitation peu
conséquents furent même gelés en 1999, poussant de nombreux petits exploitants
dans le secteur informel (Cerutti et Tacconi 2006). En 2002, une étude de courte durée
fut menée sur plusieurs marchés de Yaoundé et de Douala ; ses résultats extrapolés
estimaient le marché domestique à environ 1 million de mètres cubes de bois rond,
dont 10% étaient exportés (Plouvier et al. 2002). En retenant l’hypothèse que ce marché
domestique était approvisionné à hauteur de 40% par des déchets d’usine, c’était
environ 540.000 m3 qui n’étaient pas pris en compte dans les statistiques officielles sur la
consommation domestique.
Nos études de cette filière, démarrées début 2008 et poursuivies jusqu’à aujourd’hui,
indiquent que pour la période de juillet 2008 à juin 2009, la consommation urbaine
atteignait 860.000 m3 de sciages pour les villes de Yaoundé, Douala et Bertoua (Lescuyer
et al. 2010). Ces sciages proviennent essentiellement d’opérations d’abattage et de
transformation à la tronçonneuse réalisées en forêt. Toutefois environ 27% de ces sciages
sont tirés de déchets des scieries industrielles. Au total, ce sont environ 662.000 m3
de sciages qui sont vendus sur les principaux marchés urbains du Cameroun et qui
proviennent d’une exploitation informelle à petite échelle (Tableau 2). Cela représente
un volume dépassant les 2 millions de mètres cubes en Equivalent Bois Rond et un
30
Le secteur informel du sciage artisanal en RD Congo : L’enjeu d’une analyse nationale
doublement du volume par rapport aux estimations établies dix ans plus tôt. Aujourd’hui
les ventes de sciages sur le marché national dépassent la production formelle de sciages
du Cameroun (quasi entièrement exportée), qui est passée de 580.000 m3 en 2008 à
343.000 m3 en 2009.
31
Le bois à l’ordre du jour
32
Le secteur informel du sciage artisanal en RD Congo : L’enjeu d’une analyse nationale
Les résultats obtenus confortent dans une grande mesure les informations collectées
dans cette zone par différents organismes. L’exploitation artisanale semble en expansion
dans le territoire de Mambasa, et demeure tournée vers les marchés du Kivu et surtout
des pays voisins, notamment l’Ouganda. Cette filière se caractérise par une mainmise
sur le secteur par les commerçants du Kivu, auprès desquels les exploitants sont souvent
endettés. Ceux-ci imposent des prix peu favorables aux acteurs locaux, quoiqu’en hausse
33
Le bois à l’ordre du jour
régulière ces dernières années. Le prix de vente d’un mètre cube de bois rouge scié s’établit
aujourd’hui autour de 160 -180 USD, et autour de 80 USD pour les bois blancs ou les pièces
de bois rouge de petite dimension (chevron, planche…) s’écoulant principalement sur les
marchés locaux. Les coûts variables de production des sciages artisanaux sont également
à la hausse : ils sont estimés autour de 110 USD/m3 toutes essences et tous produits
confondus. Plus de la moitié de ce coût correspond aux transports des sciages hors de
forêt puis sur les marchés. Les taxes et prébendes représentent environ 10% du coût total.
La marge résultant de cette activité est estimée à 18 USD/m3, mais elle ne prend pas en
compte les coûts fixes liés à l’accès aux titres et aux ressources.
Les exploitants artisanaux doivent faire face à quatre problèmes principaux qui sont tous
liés de manière plus ou moins directe à leur lien de dépendance vis-à-vis de leurs « atrons »
du Kivu et, indirectement, de leurs commanditaires étrangers : (1) le manque de moyens
financiers pour améliorer la productivité de l’activité ; (2) le coût de l’évacuation du bois,
directement corrélé à la taille des pièces commandées par les acheteurs ; (3) le faible
coefficient de transformation du bois, là aussi lié à la nécessité de ne produire que des
pièces de gros volume ; (4) les maigres retombées sur les populations locales, découlant
d’un prix de vente peu élevé et du recrutement d’une main d’œuvre non originaire de la
zone de coupe.
Malgré ces limites, l’exploitation artisanale offre l’exemple d’une activité rentable et mise
en œuvre avec les moyens réellement disponibles dans ces économies rurales. Privilégier
l’abattage dans les forêts proches des routes, viser les marchés existants (en tentant de
les diversifier), recourir à la tronçonneuse tout en fixant des règles simples d’abattage et
de gestion, sont sans doute des enseignements à tirer pour mettre en place de manière
pragmatique et à moyen terme une exploitation communautaire des forêts.
34
Le secteur informel du sciage artisanal en RD Congo : L’enjeu d’une analyse nationale
Ce suivi des flux de bois entrant à Kinshasa permet également d’identifier les principales
zones d’approvisionnement de la ville en cette ressource (Figure 1). La route du Bandundu,
contrôlée au checkpoint d’Arrêt Machine, est la principale voie d’entrée pour les produits
provenant des galeries forestières du plateau de Bateke et du sud-Bandundu. À l’inverse,
les sciages entrant à Kinshasa passent surtout par le point Matadi Mayo en provenance
du Bas-Congo, alors que l’exploitation artisanale est suspendue dans cette province
depuis 2007. Enfin, les ports situés dans les environs de Baramoto voient transiter des
sciages comme des grumes en provenance surtout de l’Équateur et du nord- Bandundu.
Figure 1. Zones d’approvisionnement de Kinshasa en bois d’œuvre . (Source : Mbemba et al. 2010)
L’approche déployée, même incomplète, offre une base pertinente pour approfondir la
connaissance de la filière d’exploitation artisanale active à Kinshasa et dans ses environs.
Elle nécessite d’être mise en œuvre de manière plus large et complète, tout en étant
combinée aux initiatives existantes pour réguler cette activité aujourd’hui largement
informelle.
35
Le bois à l’ordre du jour
Ces analyses vont s’appuyer sur des enquêtes conduites sur l’amont et l’aval de la filière
dans plusieurs zones du pays (Figure 2) : (1) Kinshasa et ses zones d’approvisionnement ;
(2) Kisangani et ses zones d’approvisionnement ; (3) Mbandaka et ses zones
d’approvisionnement, en fonction des pourparlers actuels avec la Banque mondiale ;
(4) la province Orientale et le Nord-Kivu pour estimer les exportations de bois informelles
vers les pays limitrophes.
36
Le secteur informel du sciage artisanal en RD Congo : L’enjeu d’une analyse nationale
Pour chacune de ces zones, des partenariats ont été établis afin de mutualiser les efforts
et de partager les données collectées : (1) à Kinshasa, avec l’UICN, la SGS et l’OFAC ; (2) à
Kisangani, avec la faculté de foresterie de l’Université de Kinsangani ; (3) dans la province
Orientale et le Nord-Kivu, avec les ONG Océan et Réseau CREF, d’une part, et la SGS
d’autre part ; (4) en Équateur, les discussions sont avancées avec la Banque mondiale
pour étendre nos protocoles d’enquête à Mbandaka et ses alentours. La Direction
Générale des Forêts ainsi que les Ministères provinciaux des Forêts sont évidemment
informés de ces initiatives et des résultats qui en sortiront.
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Réglementation
Crédits photo :
P. 43 TBI RD Congo
P. 47 TBI RD Congo
P. 52 Mamabasa, J. Bolongo
P. 56 Route Kisangani - Banalia, J. Bolongo
P. 63 Makala, C. Benneker
La décentralisation et la
gouvernance de l’exploitation artisanale
de bois en République Démocratique du Congo :
Aspects juridiques et financiers
Jean-Claude Esuka Alfani1
1. Introduction
L’exploitation artisanale de bois d’œuvre dans certaines provinces forestières en RD
Congo apparaît aujourd’hui comme un secteur économiquement et socialement
porteur de services à la société congolaise par l’approvisionnement de la quasi totalité
des marchés locaux en bois d’œuvre. D’autre part, elle génère des revenus essentiels
pour ceux qui travaillent en milieu rural et pauvre.
L’importance de cette activité pour la société mérite une attention particulière de la part
des gouvernants pour mettre en place des mécanismes efficaces qui lui donneront les
moyens d’une bonne gouvernance.
L’exploitation artisanale de bois est pratiquée par de petits exploitants qui disposent de
moyens financiers et matériels souvent limités. Elle s’opère dans la plus grande majorité
des cas dans les forêts des communautés locales à cause de leur proximité des voies
d’évacuation.
Notons que c’est seulement depuis le 29 août 2002 que la RD Congo s’est vue dotée de
la Loi forestière, en remplacement du régime forestier du Congo Belge qui datait du 11
avril 1949 et qui a continué à régir le capital forestier congolais pendant 42 ans après
l’accession du pays à l’indépendance.
41
Le bois à l’ordre du jour
La loi forestière de 2002 (portant Code forestier) a établi un cadre légal qui devrait
en principe permettre à la fois : à la forêt de remplir et d’équilibrer ses fonctions
écologiques et sociales, à l’administration forestière de contribuer substantiellement
au développement national, et aux populations riveraines de participer activement à la
gestion des forêts pour pouvoir en tirer un bénéfice légitime.
Or ce code forestier n’ayant énoncé que les grandes lignes de la gouvernance forestière,
a besoin d’être complété par des textes réglementaires visant à clarifier certains thèmes
et points précis. Il compte à ce jour une quarantaine de textes d’application déjà publiés.
Mais malgré l’existence d’un tel arsenal juridique pour assainir le secteur, l’exploitation
artisanale de bois semble encore souffrir d’un déficit de réglementation.
2. Objectifs
Nous avons pour objectif principal de préciser d’une part les bases juridiques de la
gouvernance et de la décentralisation du secteur forestier, et d’autre part de relever les
dispositions afférentes à l’exploitation artisanale de bois dans le contexte de la RD Congo.
42
La décentralisation et la gouvernance de l’exploitation artisanale de bois en République Démocratique du Congo
Décentralisation
La décentralisation est le résultat d’un transfert
de pouvoirs étatiques, vers des personnes
morales distinctes de lui. Ces dernières
disposent d’une autonomie (plus ou moins
grande selon le degré de décentralisation),
d’un budget propre, et restent sous la
surveillance de l’État, autorité de tutelle. La
décentralisation apparaît lorsque des pouvoirs,
des droits, des responsabilités et des ressources
sont transférés à des autorités régionales ou
locales représentatives et redevables vis-à-vis
des populations locales (Ribot, 2003 ; Oyono,
2004).
4. Méthodologie
Notre approche se résume à une recherche bibliographique entreprise pour réunir
informations et données de la documentation officielle, les lois, les règlements, les
études, les rapports de mission, les ateliers, les séminaires et autres rencontres, et à les
analyser pour en tirer des enseignements qui permettent d’améliorer la gouvernance et
de comprendre la décentralisation dans le secteur forestier.
5. Résultats
5.1 Fondements juridiques de la décentralisation et de la gouvernance
forestière en RD Congo.
• Le patrimoine forestier de la RD Congo est régi par la loi n°011/2002 du 29 août
2002 portant code forestier avec ses textes réglementaires. Le code forestier fixe
toutes les règles de procédure.
• La décentralisation en RD Congo est consacrée par la constitution du 18 février
2006. Celle-ci confère une personnalité juridique aux provinces et aux entités
territoriales décentralisées, qui sont également gérées par la loi n°08/012 du
31 juillet 2008 portant principes fondamentaux de la libre administration des
provinces. Les provinces et entités territoriales décentralisées jouissent de la libre
administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques,
humaines, financières et techniques. La constitution répartit également les
compétences entre le pouvoir central et les provinces. La décentralisation en
43
Le bois à l’ordre du jour
RD Congo a été réaffirmée par les lois n°08/012 du 31 juillet 2008 et n°08/016
du 07 octobre 2008 portant respectivement sur les principes fondamentaux
de la libre administration des provinces, et sur la composition, l’organisation
et le fonctionnement des entités territoriales décentralisées, ainsi que sur leurs
rapports avec l’État et les provinces (CTAD, 2009).
Ici nous allons dégager les compétences et les ressources dévolues aux provinces et
aux entités territoriales décentralisées conformément au code forestier de 2002 et à la
constitution de 2006, modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011. Plusieurs études
ont montré que le secteur public, le secteur privé et le secteur non gouvernemental
interviennent directement ou indirectement comme acteurs clés dans l’élaboration et la
mise en œuvre des politiques publiques. Les communautés locales jouissent du statut de
bénéficiaires ou de victimes des impacts de la mise en œuvre de ces politiques, qui leur
sont favorables ou défavorables selon le cas. Une analyse comparée de ces deux textes
juridiques permettra de relever les dispositions pertinentes de chacun d’eux, applicables
à l’exploitation artisanale de bois.
On s’aperçoit que la loi forestière de 2002 avait concentré tous les pouvoirs au niveau
central, les actes pris par les autorités provinciales ou locales ne l’étant que par délégation.
Cette loi n’accorde le pouvoir réglementaire qu’au niveau central par le biais du MECNT.
La constitution de 2006 a fait évoluer les choses. Le pouvoir réglementaire peut aussi
être pris par les provinces car la protection de l’environnement et la réglementation sur
les régimes forestiers sont de la compétence concurrente entre le pouvoir central et les
44
La décentralisation et la gouvernance de l’exploitation artisanale de bois en République Démocratique du Congo
provinces. Les provinces peuvent émettre des édits réglementant la gestion du secteur
forestier lorsque la législation nationale ne s’y est pas penchée.
En ce qui concerne le secteur de l’exploitation artisanale de bois, le code forestier et
ses actes réglementaires n’évoquent qu’en filigrane, et trop peu, des dispositifs de
développement. Des actes légués aux provinces par le pouvoir central, ceux qui
concernent l’exploitation artisanale de bois sont notamment :
• L’agrément des exploitants artisanaux privés pour l’exploitation des forêts des
communautés locales ;
• Et la délivrance de permis de coupe artisanale de bois ;
Selon la loi, ces 40% sont distribués comme suit : 25% reviennent aux provinces et
15% aux entités territoriales décentralisées concernées. Les fonds reçus par les entités
territoriales décentralisées sont affectés exclusivement à la réalisation des infrastructures
de base d’intérêt communautaire.
La constitution du 18 février 2006 rétrocédant 40% de toutes les taxes intérêt national
aux provinces et aux entités territoriales décentralisées donne beaucoup plus de
ressources à ces dernières, contrairement au code forestier. Seule la taxe de reboisement,
dont la totalité devra alimenter le fonds forestier national n’est pas concernée par la
rétrocession. Toutefois, les entités de provenance de bois peuvent bénéficier de la taxe
de reboisement par le biais du financement de leurs projets de reconstitution du capital
forestier.
De toutes ces taxes, l’exploitation artisanale de bois n’est concernée que par la taxe
d’abattage et dans une certaine mesure par la taxe à l’exportation dans le cas du bois
destiné à l’exportation, les taxes à la délivrance de l’acte d’agrément et du permis de
coupe artisanale.
Les ressources propres de la province comprennent les impôts, les taxes, les droits
provinciaux et locaux ainsi que d’autres recettes. C’est dans ce cadre que quelques
provinces disposent de certaines taxes spécifiques à l’exploitation artisanale de bois. On
45
Le bois à l’ordre du jour
peut citer par exemple la taxe sur grumes ou sur bois sciés sortant de la province, et
la licence d’achat et de vente de bois. La taxe sur grumes ou sur bois sciés sortant de
la province peut être considérée comme une taxe consensuelle, convenue entre trois
provinces forestières (l’Équateur, le Bandundu et la province Orientale).
Pour autant, la question fondamentale qui semble polariser l’opinion est celle de la
rétrocession et de la réalisation des infrastructures socioéconomiques au bénéfice des
entités d’extraction du bois, à partir du produit de rétrocession.
46
La décentralisation et la gouvernance de l’exploitation artisanale de bois en République Démocratique du Congo
Quant à la rétrocession des recettes provenant des taxes intérêt commun entre la
province et les entités territoriales décentralisées, les opinions semblent diverger. Il y
en a qui pensent que la province devrait se conformer à la loi en bénéficiant de 40%
de l’ensemble des recettes à caractère national
en vue de rétrocéder une partie aux entités
territoriales décentralisées.
En définitive, au stade actuel, le constat qu’on peut faire c’est que les entités territoriales
décentralisées ne bénéficient pas encore dans leur grande majorité de la rétrocession des
recettes à caractère national allouées aux provinces conformément à la loi (Toengaho,
2008).
La difficulté supplémentaire qui se pose aujourd’hui est celle d’extraire des recettes à
caractère national, celles qui proviennent de l’exploitation forestière et sont allouées aux
provinces, afin de les orienter vers les entités de provenance de bois, car le gouvernement
central rétrocède globalement aux provinces sans spécifier le montant provenant de
l’exploitation forestière.
6. Conclusion
L’exploitation artisanale continue à être considérée aujourd’hui comme un secteur
informel à cause de l’insuffisance des textes juridiques le régissant, insuffisance qui
empêche une organisation qui lui permettrait de contribuer substantiellement au
développement du milieu compte tenu du nombre d’acteurs que le secteur met en jeu.
47
Le bois à l’ordre du jour
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49
L’exploitation artisanale du bois en territoire de
Mambasa face aux impôts
Bercky Mayange Nkubiri1
1. Problématique
La République Démocratique du Congo (RD Congo) en général et la province Orientale
en particulier, disposent d’importantes ressources forestières à même de contribuer
significativement à leur développement social et économique à la fois. Dans la province
et depuis toujours, il existe deux systèmes d’exploitation du bois ; l’un, industriel, mené
par des entreprises internationales dans de grandes concessions forestières ; et l’autre,
artisanal, par des exploitants congolais, et qui fonctionne essentiellement sur le système
des permis de coupe.
Quelques études sur l’exploitation artisanale du bois ont déjà été menées sur la RD Congo
en général et sur la province Orientale en particulier. Par exemple l’étude d’Abdala et de
Lokoka (2009). Il s’agit d’une étude de cas sur l’exploitation artisanale du bois à Kisangani
et ses environs. Les forces et les faiblesses de la gouvernance forestière y sont analysées.
Parmi les facteurs relevés, on peut noter l’insuffisance d’instruments juridiques,
l’insuffisance de contrôles, la mauvaise application des textes en matière d’agréments
et d’obtention de permis, et des conflits de compétences entre les différents services de
l’État. Cette étude d’Abdala et de Lokoka se limite à l’intérêt particulier que portent les
activistes envers la forêt pour la conservation et le développement rural. Elle n’aborde
1 Chef de Bureau du Contrôle Fiscal, Direction Provinciale des Impôts, province Orientale, RD Congo
50
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
pas l’importance économique de ce secteur dans le budget de l’État congolais, alors que
ce dernier fait payer des impôts, des taxes et des redevances.
Car en RD Congo on ne paye pas de façon régulière les impôts et taxes qui sont dus
sur les activités économiques qu’on entreprend. Maurois, cité par Ikas (2003) dit : « Le
fisc reste, aux yeux de beaucoup, un ennemi, alors qu’il est en fait un serviteur». Mais,
théoriquement, un contribuable devrait se plier au paiement des impôts lorsque
l’administration démontre que l’argent contribué a été utilisé de façon transparente et
constructive. Au Congo, le système fiscal écarte toute notion de contrepartie directe pour
les impôts perçus, c’est pourquoi les investissements publics qui devraient correspondre
à ces impôts ne sont pas directement visibles ou encore ne sont pas réalisés.
Selon le rapport sur les forêts du bassin du Congo 2008, la contribution du secteur
forestier aux recettes fiscales présente un faible pourcentage dans l’économie nationale.
En 2007 par exemple, voir le tableau 1, seulement 2,68% des recettes fiscales proviennent
du secteur forestier, alors que le secteur génère plus ou moins 22.000 emplois directs
et indirects (Wasseige, De et al. 2009). Cependant ces données font essentiellement
référence au secteur industriel du bois et n’incluent pas le secteur artisanal, puisque la
plupart de l’exploitation artisanale se fait de façon informelle.
51
Le bois à l’ordre du jour
Il faut entendre par exploitation artisanale du bois, la coupe du bois et aussi le prélèvement
des produits forestiers non ligneux. L’exploitation forestière en général comporte
également d’autres activités, telles que l’utilisation de la forêt pour l’agriculture, ou à des
fins culturelles, touristiques et récréatives (Titre VII du Code forestier). Mais dans notre
article nous allons nous concentrer sur l’exploitation artisanale du bois.
La fiscalité est donc l’ensemble des impôts auxquels sont assujettis les membres d’une
collectivité. Et c’est un des moyens auxquels l’État recourt pour se procurer les ressources
nécessaires à la satisfaction des besoins d’intérêt commun. L’impôt est défini comme une
prestation pécuniaire directe, requise des particuliers par voie d’autorité, à titre définitif
et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques ou des dépenses
occasionnées par l’intervention de l’État ou des personnes publiques. Par contre, la taxe
se définit comme une redevance levée sur des particuliers ou des groupes de particuliers,
suivant un mode et un taux fixés par la puissance publique en contrepartie d’un service
particulier qui leur a été rendu par un pouvoir public spécifique agissant dans le cadre
d’un intérêt public.
La taxe et l’impôt sont donc deux notions tout à fait différentes. La distinction se trouve
consacrée par la loi : les impôts doivent être approuvés chaque année par une loi votée
par le Parlement et le Sénat congolais, tandis que les taxes ou rétributions peuvent
être consenties (pour un terme) soit par voie légale, soit par voie réglementaire, par un
gouverneur, un administrateur du territoire etc.
52
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
3. Méthodologie
La présente étude a été réalisée dans le territoire de Mambasa, un des territoires du
district de l’Ituri situé dans l’Est de la province Orientale en République Démocratique
du Congo.
Cette étude s’est servie de l’analyse documentaire (en particulier des lois et règlements)
et d’entretiens non directifs pour la récolte des données auprès : (1) des services
compétents et (2) des exploitants artisanaux du bois, pour qui les entretiens tournaient
autour de l’organisation du groupe, des attitudes vis-à-vis de l’administration territoriale,
des opinions sur la fiscalité, des problèmes d’équipements en outillage d’exploitation,
du payement des impôts, du contact avec la clientèle, la vente à crédit… Ces derniers,
nous les avons choisis de façon accidentelle ou occasionnelle. Leur nombre s’élève à 16.
Les séances d’entretiens non directifs avec les interviewés ont eu lieu du 20 octobre au
5 novembre 2010 au chef-lieu du territoire de Mambasa. Les données récoltées ont été
dépouillées grâce au décompte fréquentiel et à l’analyse de contenu. Le traitement des
données s’est fait à l’aide des indices de fréquence et de pourcentage.
Toutefois, nous ne prétendons pas avoir parcouru tout le territoire de Mambasa, à cause
de son étendue ; il est donc possible que d’autres groupes d’exploitants artisanaux de
bois puissent exister. En conséquence, les opinions exprimées dans ce texte concernent
uniquement les 16 personnes membres du groupe que nous avons rencontré à Mambasa.
Selon la loi 004/2003 du 13 mars 2003 ayant trait à la réforme des procédures fiscales,
toute personne physique ou morale, exonérée ou non, redevable d’impôts, droits, taxes,
acomptes ou précomptes perçus par l’administration, est tenue de se faire connaître
dans les quinze jours qui suivent le début de ses activités, et de formuler une demande
de ‘numéro impôt’ conforme au modèle fixé par l’administration. Ces personnes sont
aussi tenues de souscrire des déclarations selon le modèle fourni par l’administration
des impôts. Elles déterminent dans ces déclarations et sous leur responsabilité, les
bases d’imposition et le montant des impôts et des autres droits qu’elles doivent,
conformément aux dispositions légales. Les déclarations, dûment remplies, datées et
signées par les redevables ou leurs représentants, sont déposées auprès des services
compétents de l’administration des impôts.
Étant donné que les exploitants artisanaux du bois sont redevables d’impôts, de droits et
de taxes, d’acomptes ou de précomptes perçus par l’administration des impôts, ils sont
tenus de souscrire leurs déclarations selon la loi précitée en ces termes.
53
Le bois à l’ordre du jour
Les redevables de l’impôt sur les bénéfices et profits ainsi que ceux de l’impôt sur le
chiffre d’affaires doivent obligatoirement, pour chaque transaction effectuée, délivrer
une facture ou un document en tenant lieu.
L’impôt sur le chiffre d’affaires, restauré par la Loi n°005/2003 du 13 mars 2003, a été
substitué au terme ‘contribution sur le chiffre d’affaires’ contenu dans l’Ordonnance-loi
n° 69-058 du 5 décembre 1969 relative à la contribution sur le chiffre d’affaires.
Selon Azama Lana (1986), la contribution sur le chiffre d’affaires est un impôt général
sur la dépense frappant le prix global des produits de fabrication locale destinés à la
consommation sur le marché local, et des services de toute nature rendus ou utilisés
au Zaïre (aujourd’hui RD Congo) par une personne physique ou morale, des produits
importés et des produits exportés.
54
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
Les exploitants artisanaux du bois sont classés dans la deuxième catégorie. Ils sont
imposables sur leurs revenus professionnels et sur leur chiffre d’affaires.
Les taux d’imposition des PME de deuxième catégorie sont fixés comme suit dans le
tableau 2, et varient selon qu’elles vendent des biens ou des services.
Tableau 2. Taux d’imposition annuels des Petites et Moyennes Entreprises de 2ème catégorie.
Sous- Tranche du chiffre Impôts dus sur la vente de Impôts dus sur la vente de
catégorie d’affaires (USD) biens (USD) services (USD)
A 10 001- 18 820 100 150
B 18 821- 30 000 170 255
C 30 001- 41 180 220 330
D 41 181- 50 000 250 375
Source : Arrêté Ministériel n°020/CAB/MIN/FINANCES/2010
5. Résultats
5.1 Résultats obtenus des services administratifs
Le travail sur le terrain consistant à récolter les données détenues par le Service de
l’Environnement de Mambasa, nous permet de donner les effectifs des exploitants
artisanaux dans le tableau 3 suivant.
55
Le bois à l’ordre du jour
La lecture des données du tableau 3 montre que les effectifs d’exploitants artisanaux du
bois en territoire de Mambasa ont généralement augmenté au cours des quatre années
relevées. Le nombre annuel moyen d’exploitants de 2006 à 2009 est de 58.
56
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
Le tableau 4 montre le nombre annuel d’exploitants artisanaux ayant fait leur déclaration
d’impôts dans le territoire de Mambasa. On remarque que le nombre de contribuables
ayant déclaré leurs revenus annuels est très réduit pour toutes les années considérées
dans cette étude. À titre illustratif, en 2006, seulement 2 contribuables ont déclaré leurs
impôts sur un total de 44 exploitants artisanaux recensés.
Tableau 4. Nombre de contribuables ayant déclaré leurs impôts à l’Impôt Professionnel sur
le Bénéfice (IPB) par année.
Année Exploitants Exploitants qui % d’exploitants Montant total Montant payé
recensés ont payé l’impôt qui ont payé payé (USD) par exploitant
l’impôt (USD)
2006 44 2 5 700 350
2007 65 4 6 1.400 350
2008 56 7 13 2.800 400
2009 66 11 17 5.680 516
Ce tableau donne le nombre d’exploitants artisanaux du bois qui ont déposé leurs
déclarations sur l’impôt professionnel sur le bénéfice (IPB) et les montants qu’ils ont
payés. On observe que le pourcentage d’exploitants qui déclarent leurs bénéfices et qui
payent leurs impôts est généralement réduit (en moyenne 10%), mais on peut voir aussi
une augmentation du nombre d’exploitants ayant payé leurs impôts entre 2006 et 2009,
quand leur proportion est passée de 5 à 17%. D’autre part, il ressort que pour l’année
2006 la valeur des impôts payés pour l’exploitation artisanale du bois totalise 700 USD.
Ce montant est deux fois plus élevé en 2007, quatre fois plus en 2008 et plus de huit fois
plus en 2009. Le tableau 4 montre donc d’un côté, un paiement réduit des impôts de la
part de ce secteur d’activité en Mambasa, mais de l’autre une augmentation notable au
cours de ces quatre dernières années, tant en nombre d’opérateurs payant leurs impôts
qu’en montant total d’impôts acquittés.
Les facteurs qui contribuent au faible paiement des impôts dans ce secteur sont le
manque d’un recensement fiable du service des impôts et un manque de collaboration
avec les autres services de l’État.
La figure 1 ci-dessous retrace sur quatre ans l’évolution des recettes globales de trois
centres d’impôts voisins dans lesquels on pratique l’exploitation artisanale du bois. Deux
de ces centres se situent dans la province Orientale (Mambasa et Bunia) et le troisième
dans la province du Nord Kivu (Beni).
On peut y voir que le centre d’impôts de Mambasa perçoit peu de recettes par rapport
aux deux autres centres d’imposition. Il faut savoir que les territoires de Bunia et de Beni
ont une activité économique et commerciale plus importantes que celle de Mambasa.
C’est que Beni et Bunia jouxtent la frontière de la République de l’Ouganda et que toutes
les exportations de bois vers ce pays passent par eux. Le centre d’impôts de Bunia a donc
battu le record de recettes sur les quatre années de l’étude, suivi par le centre d’impôts
de Beni.
57
Le bois à l’ordre du jour
1800000
1500000
1200000
USD
900000
600000
300000
0
2006 2007 2008 2009
La figure 2 montre que l’année 2009 a été pour le centre d’impôts de Mambasa l’année
où il a réalisé plus de recettes par rapport aux trois années précédentes. Les figures 2
et 3 ci-dessous montrent l’importance relative des recettes globales et des recettes
provenant de l’exploitation artisanale du bois dans le centre d’impôts de Mambasa.
Cette figure 2 nous montre le pourcentage des impôts payés par les exploitants
artisanaux du bois par rapport au total des recettes perçues par le centre d’impôts de
Mambasa.
40000
30000
USD
20000
10000
0
2006 2007 2008 2009
Recettes globales Recettes payées par les exploitants artisanaux
Figure 2. Recettes globales et des exploitants artisanaux dans le centre d’impôts en Mambasa au fil du
temps. Source : Rapports annuels du centre d’impôts de Mambasa.
Mais de 2006 à 2008 l’importance des impôts payés par les exploitants artisanaux du bois
a augmenté constamment, jusqu’à presque 25% en 2008. En 2009, le centre a fait plus
de recettes grâce à eux, mais aussi grâce à d’autres sources. Ce qui explique la moindre
importance des recettes provenant des exploitants de bois par rapport au total cette
année-là.
58
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
25
15
10
0
2006 2007 2008 2009
Figure 3. % Des recettes provenants des exploitants artisanaux dans le centre d’impots en Mambasa
au fil du temps. Source : Rapports annuels du centre d’impôts de Mambasa.
Par ailleurs, les tableaux no 6 et 10 présentent des données en rapport avec les questions
fermées où chaque sujet ne donne qu’une seule réponse et le total des réponses
correspond donc au nombre des interviewés.
59
Le bois à l’ordre du jour
Les données de ce tableau nous montrent que 10 interviewés sur 16 (63%) pensent que
leur chef est « bon » (il s’agit ici de ses contacts avec les services publics de l’État) ; 8 sur
16 (50%) affirment que leur chef est trop autoritaire ; 9 sur 16 (56%) l’accusent de boire
beaucoup et 5 sur 16 (31%) estiment qu’il est impopulaire.
Dans la gestion des finances de l’association, il s’agissait de savoir comment celles-ci sont
tenues. Différentes opinions ont été relevées dans le tableau 6 ci-dessous.
Tableau 6. Est ce que les finances de votre association sont bien tenues ?
Réponses fréquence %
Oui 8 50
Non 5 31
Indécis 3 19
16 100
Source : Recherche personnelle
Le tableau ci-dessus démontre que 50% des exploitants artisanaux de bois de Mambasa
affirment que la gestion de leurs finances est bien tenue. Par contre 19% sont évasifs,
imprécis et hésitants. D’autres sont unanimes sur la mauvaise gestion financière de
l’organisation.
Dans la suite de l’entretien, notre intérêt s’est dirigé vers les réunions de l’association
pour savoir si elles existent et comment elles se tiennent. Le tableau n° 7 ci-après nous
en dit plus.
La lecture du tableau n°7 signale que 12 interviewés sur 16 (75%) nous disent que les
réunions sont improvisées ; 10 sur 16 (63%) les jugent improductives ; 9 sur 16 (56%) les
considèrent irrégulières ; 7 sur 16 (44%) pensent qu’elles sont inutiles et 3 sur 16 trouvent
ces réunions ennuyeuses.
Notre entretien a voulu aussi connaître les rapports entre l’association et l’administration
publique du territoire de Mambasa.
60
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
Nous constatons dans le tableau n°8 que 6 interviewés sur 16 (38%) trouvent que
l’administration publique du territoire de Mambasa est très lente ; 14 sur 16 (88%)
signalent que les agents de l’État en contact avec les exploitants artisanaux du bois
sont corrompus ; 11 interviewés sur 16 (69%) indiquent qu’ils sont incompétents dans
l’interprétation des textes légaux sur l’exploitation artisanale du bois, et 8 sur 16 (50%)
considèrent que le personnel de l’administration publique est pléthorique.
De cela découlait une question sur la fiscalité dans leur secteur, dont les réponses
apparaissent dans la tableau 9 ci-dessous.
Le tableau n°9 montre que 10 interviewés sur 16 (63%) signalent que le pouvoir les vole ;
8 sur 16 (50%) pensent que l’argent récolté auprès des exploitants artisanaux de bois
est détourné ; 6 sur 16 (38%) estiment que certains services sont inutiles et 1 sur 16 (6%)
demeure sans opinion.
Le tableau 10 ci-dessous montre le nombre d’exploitants artisanaux qui paye les impôts.
61
Le bois à l’ordre du jour
Le tableau 10 montre que 63% de ces exploitants artisanaux payent leurs impôts chaque
année. D’autres, au nombre de 4, soit 25%, ne les payent pas. Nous pensons que cela est
dû aux détournements d’argent dû au Trésor par certains agents, ou à la corruption. 13%
seulement sont restés sans opinion.
Enfin, nous avons voulu connaître l’opinion de nos artisans sur les conditions matérielles
de leur activité. Et cela dans le tableau 11 :
La lecture du tableau n°11 montre que 9 interviewés sur 16 (56%) affirment que le
carburant est rare parce que Mambasa est situé à peu près à 550 Kilomètres de la ville
de Kisangani et à peu près à 450 kilomètres du territoire de Bunia et de Beni, qui sont
les lieux d’approvisionnement. 9 sur 16 (56%) soulignent que le carburant est cher. 8
interviewés sur 16 (50%) indiquent que les pièces de rechange sont loin de Mambasa. Et
7 sur 16 (44%) évoquent que le matériel ne dure pas longtemps.
Dans la suite de notre entretien, nous avons voulu savoir de quelle façon ils fidélisent
leur clientèle :
Du tableau n°13 ci-dessus, il se dégage que 13 interviewés sur 16 (81%) jugent qu’un
accueil chaleureux fidélise la clientèle ; 11 sur 16 (69%) affirment que la baisse des prix
entre dans les facteurs de fidélisation. 10 sur 16 (63%) nous indiquent que le maintien
de la bonne qualité du bois fidélise la clientèle, et 9 sur 16 (56%) affirment que la vente à
crédit fidélise aussi la clientèle.
62
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
6. Discussion
Notre démarche a impliqué une analyse documentaire et des entretiens non directifs
pour la récolte de données, tant auprès des services compétents de l’État qu’auprès des
exploitants artisanaux du bois. Et elle a fait apparaître les problèmes suivants dans la
gestion du secteur :
• Un manque de statistiques fiables dans les différents services de l’État ;
• La peur parmi certains agents de l’État de porter à la connaissance des chercheurs
les données véritables ;
• Les difficultés d’application de la loi (l’interprétation des lois, le contentieux fiscal) ;
• Des problèmes de gestion des ressources publiques (opacité dans la gestion des
finances publiques, manque de visibilité des investissements publics) ;
• Des interférences politiques dans le fonctionnement de l’administration fiscale
(influences politiques, démagogie des acteurs politiques) ;
• Des difficultés d’approvisionnement tant en matériels qu’en carburant
• Des matériels qui ne durent pas.
Un État de droit suppose que tous les citoyens aient connaissance de leurs droits et
devoirs au sein de la société dans laquelle ils vivent. En conséquence, l’exploitant
artisanal du bois doit respecter la chaîne des obligations qui lui incombent, et ne doit
pas tomber dans l’évasion fiscale. Les raisons de cette évasion peuvent être internes ou
externes à l’administration fiscale, et donc provenir soit des autorités publiques, soit des
contribuables eux-mêmes.
63
Le bois à l’ordre du jour
Les pistes mentionnées ci-dessus, sont appuyées par des écrits selon lesquels les élites
économiques et politiques nationales utilisent souvent leurs positions de pouvoir pour
exercer un contrôle économique sur les ressources des forêts, et contribuent à leur
exploitation non viable (Barr 1998, 2001 ; Colchester et al. 2006 ; Milledge et al. 2007).
Un autre argument non moins important serait que ceux qui ne sont pas ‘couverts’
arrosent de pots-de-vin les agents locaux des services de l’État pour ne pas avoir à payer
d’impôts. Cette pratique est parfois due au paiement tardif des salaires dans la fonction
publique. Surtout pour les agents de l’État œuvrant en province, la plupart desquels
entrent nouvellement en fonction et n’ont pas encore été formés par le Ministère de la
fonction publique. Selon Baker et al. (2003), la prévalence d’une corruption répandue à
tous les niveaux dans de nombreux pays producteurs de forêts permet souvent à des
acteurs politiques et à des entreprises puissantes de se comporter avec un minimum de
responsabilité publique.
Il s’avère que sur le plan qualitatif du travail effectué par l’administration des impôts de
Mambasa, un grand nombre d’agents étaient de nouvelles unités qui ne maîtrisaient
pas encore les règles de leur mission. Ensuite, sur le plan quantitatif, vu l’immensité du
territoire de Mambasa où l’on ne trouve que 9 unités, donc 9 agents en tout et pour tout,
affectés au centre d’impôts de Mambasa, il était difficile de couvrir le territoire entier
chaque année. En 2008 en revanche, certains agents du centre des impôts de Mambasa
avaient reçu diverses formations, et ont été affectés depuis le siège de la province
Orientale. Ces affectations ont donné un coup de pouce aux recettes de l’État et à la
sensibilisation des exploitants artisanaux du bois, comme de toutes les autres catégories
de contribuables.
7. Conclusion
Notre enquête de terrain ciblait l’exploitation artisanale du bois face aux impôts dans le
territoire de Mambasa, de 2006 à 2009.
En 2006, sur 44 exploitants artisanaux du bois recensés aucun n’a obtenu de permis de
coupe. Il en fut de même en 2008. Cependant, en 2007, sur 65 exploitants artisanaux
du bois recensés, 39 ont obtenu leur permis de coupe. Et en 2009, sur 66 exploitants
artisanaux recensés, trois d’entre eux, soit 4,54%, l’ont aussi obtenu. Comme le permis
64
L’exploitation artisanale du bois en territoire de Mambasa face aux impôts
de coupe n’est valide que pour 1 an, et qu’il est personnel, normalement les exploitants
identifiés durant la période d’étude auraient eu besoin de 231 permis de coupe de bois.
Or seulement 42 coupes de bois ont été autorisées, soit 18%. Ce qui prouve que cette
activité se fait de manière illégale.
Le pourcentage d’exploitants qui déclarent leurs bénéfices et qui payent leurs impôts est
généralement réduit (en moyenne10%), mais le nombre d’exploitants ayant payé leurs
impôts entre 2006 et 2009 s’est élevé, faisant passer leur part de 5 à 17%. D’autre part,
en 2006, la valeur totale des impôts payés pour l’exploitation artisanale du bois était de
700 USD. Ce montant fut deux fois plus élevé en 2007, quatre fois plus en 2008 et plus de
huit fois plus en 2009.
Notre analyse montre que le grand perdant dans ce circuit, c’est l’État congolais et donc
la population locale. Aussi suggérons-nous d’abord que l’administration fiscale invite
tous les partenaires engagés dans ce secteur à développer la culture de l’impôt. Et puis
que l’État (autorités politiques et militaires) respecte lui-même ses propres règles pour
le paiement de ces impôts, et surtout pour la mise en œuvre du budget de l’État. Enfin,
des mesures contraignantes et pénalisantes pour ceux qui ne respectent pas la loi fiscale
devraient être mises en œuvre.
Références bibliographiques
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environs, in : Magazine Ressources Naturelles no 5, pp 13-17
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dispositions de l’Arrêté Ministériel n°015/CAB/MIN-FINANCES/2008 du 21 août
2008 portant mesure d’application de la loi n°06/004 du 27 février 2006 sur le
Régime Fiscal applicable aux petites et Moyennes Entreprises en matière d’impôt sur les
revenus professionnels et d’impôt sur le chiffre d’affaires
Baker M., Clausen R., Kanaan R., N’Goma M., Roule T., et J. Thomson (2003) Conflict timber :
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Barr C.M. (1998) Bob Hasan, The rise of APKINDO and the shifting dynamics of control in
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Bobe B. (1978) Fiscalité et choix économique, éd. Calman-Levy, Paris, 1978, p 5
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forestière, article 96, p 25
CODE FORESTIER DE LA LOI N°011/2002 DU 29 AOUT 2002, TITRE VIII : de l’exploitation
forestière, article 120, p 28
65
Le bois à l’ordre du jour
Colchester M., Boscolo M., Contreras-Hermosilla, A., Gatto, F. Del, Dempsey, J., Lescuyer
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Loi n°005/2003 du 13 mars 2003 portant restauration du terme impôt
Loi n°011/202 du 29 août 2002, Code forestier
Milledge S., Gelvas, I., et A. Ahrends (2007). Forestry, governance and national development :
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Les Forêts du Bassin du Congo – État des Forêts 2008, OFAC, p 426
66
Relation communautés
Crédits photo :
1. Introduction
Pour la mise en œuvre du programme d’aménagement forestier en RD Congo,
la compréhension de la situation socio-économique dans les zones rurales est
indispensable. Les ressources forestières sont à la base d’une large gamme de biens et
de services dont bénéficient les communautés riveraines des forêts. Elles sont la source
d’une grande partie des matières premières et du matériel génétique utilisés pour divers
secteurs de production (agriculture, pêche, foresterie, médecine, pharmacopée, etc.).
Avec ses atouts environnementaux et son immense étendue de forêts, la RD Congo offre
plusieurs possibilités de gestion durable et équitable.
La RD Congo est un des pays qui ont ratifié la convention sur la biodiversité. Depuis 2002
elle s’est engagée à mettre de l’ordre dans le secteur forestier moyennant l’élaboration
d’un nouveau cadre législatif en matière de gestion des forêts. Le code forestier propose
que la gestion et l’exploitation forestières suivent les principes généraux de la gestion
durable et équitable des ressources forestière à travers les objectifs suivants :
• Améliorer le niveau de vie socio-économique des populations forestières en
les impliquant dans les processus de conservation et de gestion des ressources
forestières.
1 OCEAN
69
Le bois à l’ordre du jour
En province Orientale, les forêts du district de l’Ituri sont les plus touchées par
l’exploitation artisanale croissante de ces dernières années. Ces forêts sont riches
en biodiversité et renferment un potentiel minéral, forestier, végétal et animal très
remarquable (Réseau Haki na Amani, 2006). Avant la période des conflits, l’État congolais
avait érigé dans le territoire de Mambasa la réserve de Faune d’Okapi, une aire protégée
de 1.393.824 ha au centre du massif forestier. Elle avait aussi attribué une concession
forestière de 62.948 ha à la société ENRA vers le sud-est du territoire. Pendant la période
des conflits armés (1996-2002), les groupes armés ont occupé les forêts de Mambasa et
d’Irumu et une intense activité d’exploitation artisanale de bois d’œuvre s’est installée
dans la zone. Il s’avère que tout le bois exploité de façon artisanale à cette période a été
illégalement exporté et a servi à financer les intérêts de certains belligérants (Forests
monitor, 2007). En 2007, Forests Monitor relevait qu’après le départ des Ougandais, les
Congolais eux-mêmes se sont livrés à l’exploitation ligneuse artisanale à grande échelle.
Il existe des rapports d’investigation antérieurs qui avaient également relevé qu’avec la
réhabilitation de la route nationale 4 (route Beni-Kisangani) le rythme de l’exploitation
artisanale de bois s’était très accéléré, et que le nombre de tronçonneuses s’était accru
considérablement (OCEAN 2009).
70
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
2 Pour une explication détaillée sur la division administrative des zones rurales en districts, territoires, chefferies et groupements
nous vous référons au glossaire des termes dans ce livre.
71
Le bois à l’ordre du jour
Le territoire d’Irumu est situé au sud-est du district et c’est le deuxième district en Ituri
par sa superficie de 8.730 km2. Irumu a environ 1.247.303 habitants, donc une densité de
143 personnes par km2. Il est administrativement subdivisé en 12 chefferies : Andisoma,
Babelebe, Baboa-Bakoe, Bahema-Boga, Bahema d’Irumu, Bahema-Mitego, Bahema-Sud,
Banyari-Tchabi, Basili-Basumu, Mobala, Walendu-Bindi et Walese-Vonkutu. Les territoires
d’Irumu et de Mambasa s’avèrent être un carrefour de peuplement regroupant une
mosaïque de peuples où tous les grands groupes ethniques du pays sont représentés
(Pygmées, Soudanais, Nilotiques et Bantous). Les groupes ethniques de la zone se
répartissent de la manière suivante :
• En territoire d’Irumu nous retrouvons : des Bantous (les Bira, les Lesse, les Lendu,
les Nyali), des Nilotiques (les Hema), et des Pygmées (Bambuti)
• En territoire de Mambasa nous retrouvons : des Bantous (les Lesse, les Bilas, les
Mbos, les Ndakas, les Nande) et les Pygmées (Bambuti)
• Les Nandes sont des immigrés venus du Nord Kivu et dont les premières vagues
sont signalées depuis 1930 : ils occupent principalement les parties Sud de
Mambasa (chefferie de Babombi) et d’Irumu (chefferies de Walesse-Vonkutu).
4. Méthodologie
Nos investigations se sont faites dans le cadre d’un monitoring permanent de 12 mois
(année 2009) dans les zones de coupe. Nous avons travaillé dans 28 villages ciblés sur
les différents axes de coupe. Nous avons mené des enquêtes sur un échantillon de 420
individus, soit en groupes cibles soit en entretiens bilatéraux, c’est-à-dire en moyenne
15 personnes par village, de sorte que nous avons travaillé avec un groupe cible de 5
à 10 personnes (femmes, jeunes, agriculteurs, pygmées, etc.) et tenu 5 à 10 entretiens
bilatéraux par village.
72
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
L’exploitation artisanale de bois est à la base d’une modification notable dans les
habitudes traditionnelles de la gestion des espaces et des ressources forestières.
La figure 2 illustre de quelle manière interviennent les différents acteurs dans l’exploitation
des ressources forestières : les populations locales et les peuples autochtones comme
acteurs primaires d’utilisation de ressources forestières y est particulièrement notable.
120
100
80
Fréquences
60
40
20
0
ge
e
se
tte
ce
re
is
ch
O
bo
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pl
Co
Ex
Ag
Ex
73
Le bois à l’ordre du jour
Sur le graphique, nous avons en effet les Bantous d’origine (ayant des droits traditionnels
dans les villages), des populations autochtones (Mbuti Pygmées), des allochtones
(Bantous immigrés du Nord Kivu) ainsi que d’autres immigrés qu’on appelle les
« expatriés » et qui sont des étrangers d’origine Ougandaise ou Kenyane, faisant leur
apparition sporadiquement dans le cadre de partenariats avec des Congolais qui
travaillent dans le secteur artisanal de bois dans la zone.
3 Propriétaire de forêt : Membre d’une communauté ayant des espaces de droits fonciers coutumiers.
74
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
60
50
40
Fréquences
30
20
10
0
< 100$ 100$- 500$ >500$
Revenus en USD
Ces résultats sont issus des réponses des personnes interrogées sur les trois types de
revenus. Les trois catégories socioprofessionnelles apparaissent dans deux fourchettes
de revenus, à savoir la fourchette (1) ≤ 100 USD/opération et (2) 100-500 USD/opération.
Aucune de ces trois catégories n’arrivent à percevoir un revenu ≥ 500 USD/opération.
Ce que nous appelons ‘revenus’ pour les transporteurs sont leurs bénéfices nets, c’est-à-
dire une fois soustraits de leurs services facturés leurs frais et charges (qui comprennent
les consommables (carburant, lubrifiant pour véhicule), les per diem et honoraires de
l’équipe, et les frais de manutention chargement/déchargement. Notons qu’ici nous
parlons des revenus d’acteurs qui ne font que le transport de bois, alors que dans la
zone, on trouve également des exploitants qui transportent eux-mêmes leur bois.
4 On utilise le nom ‘peuple autochtone’ (PA) pour se référer à la population pygmée, on utilise le nom ‘communauté locale’ pour se
référer aux communautés avec une population autre que pygmée.
75
Le bois à l’ordre du jour
Il reste un travail à faire pour cerner le revenu total/ménage des membres des
communautés locales. Ce type de travail devrait nous donner le revenu moyen par
ménage et servir dans la planification du développement communautaire. Il pourrait
s’agir aussi d’une étude comparée de la rente forestière dans la même zone pour mieux
cerner les effets de différents types d’usages des ressources et des espaces forestiers.
La figure 4 résume les réponses formulées pour qualifier les différents modes d’attribution
des espaces forestiers villageois. En comparant les différentes zones de coupe, on voit
que les différents pouvoirs s’articulent différemment.
76
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
25
20
15
Fréquence
10
0
Nia nia Biakato Lolwa Luna Nduye
Axes de coupe
Coutumier Clanique Administration Politique
Figure 4. Modes de gestion des terres par axe coupe. (Source : résultats de l’étude)
Ici, il a été aussi question d’analyser la possibilité d’appliquer les règles coutumières
dans la participation directe ou indirecte à l’exploitation artisanale de bois. Les modes
clanique et coutumier ont un caractère informel du fait qu’ils ne sont pas légalisés, mais
les règles coutumières sont légitimement ancrées dans les pratiques traditionnelles et
sont reconnues par la loi. Par contre, le mode ‘politique’ est circonstanciel et n’a aucune
légitimité. On s’est rendu compte que dans la pratique ces différents modes d’attribution
sont conflictuels, et l’on constate des conflits d’usage et de gestion des terres partout où
se déroule l’exploitation artisanale de bois. L’une des causes majeures de ces conflits est
l’ambivalence du régime sous lequel l’exploitation opère ; en effet, tout en reconnaissant
le régime coutumier, le cadre réglementaire dont se sert l’administration ne l’intègre
pas de façon explicite et écrite dans la réglementation, de manière à fixer la sphère de
pouvoir de chaque entité (clanique, coutumière et administrative).
Il existe souvent des conflits entre deux ou plusieurs entités claniques (au niveau des
familles), des conflits liés à la répartition des revenus, des conflits de compétence entre le
pouvoir coutumier et le pouvoir clanique. Dans ces conflits-là, l’État intervient peu, et ce
sont en fait des juridictions coutumières qui règlent les contentieux. Par contre, dans les
conflits de limites entre les entités coutumières (entre deux ou plusieurs villages, entre
deux groupements), l’État intervient souvent. Dans la zone, il y a beaucoup d’allochtones
qui ont des moyens et qui s’arrangent avec les agents de l’administration. Ce qui
occasionne également des conflits entre l’État et les entités claniques et coutumières.
D’autres conflits sont liés au mode ‘politique’ du fait de l’interférence des élites dans le
fonctionnement de l’administration locale. Ces derniers, comme dit plus haut, installent
des connexions avec des opérateurs économiques, deviennent ainsi très puissants, et
ne s’acquittent pas souvent de leurs obligations fiscales. Ils deviennent très souvent un
obstacle pour le contrôle forestier et la perception des taxes par l’administration. Bien que
les clans soient les premiers propriétaires des ressources sur leurs espaces coutumiers,
faut-il envisager que la gestion coutumière reste la même ou bien l’améliorer en terme
d’opportunité technique pour un aménagement durable ?
77
Le bois à l’ordre du jour
En réponse à cette question, nous estimons qu’en Ituri les règles coutumières favorisent
dans une certaine mesure l’exploitation désordonnée des ressources forestières. Comme
évoqué plus haut, le fait que les règles coutumières ne soient pas formalisées est la source
de plusieurs interprétations. En outre face aux exigences sociales et économiques qui
requièrent des compétences spécifiques, les communautés locales devraient améliorer
les règles de gestion de leurs forêts et les compétences de leurs ressortissants. Mais
c’est surtout le manque d’encadrement technique des communautés locales dans les
négociations avec les exploitants, le manque de prise en charge par les populations
locales de la question du partage de revenus issus de l’exploitation de bois, qui posent
problème.
L’exploitation des produits forestiers ligneux et non ligneux sous toutes ses formes devrait
accroître la contribution du secteur forêt au développement local et à la lutte contre
la pauvreté selon la finalité socio-économique de la réforme forestière en RD Congo.
Mais pour ce faire il est nécessaire d’avoir des mécanismes efficaces d’encadrement
technique des communautés pour qu’elles puissent exploiter elles mêmes leurs
ressources et les commercialiser. Les communautés locales ont non seulement besoin
de développer leurs compétences, mais aussi d’avoir des moyens pour investir dans les
filières qu’elles peuvent développer. L’une des solutions d’aide au financement pourrait
être la rétrocession de certaines taxes prélevées par l’État sur l’exploitation artisanale de
bois. Malheureusement, aucune entité clanique ou coutumière n’a jamais bénéficié de
telles rétrocessions de la part de l’État. Pour une meilleure gouvernance des ressources
naturelles dans la région il faut aussi plus de transparence et une redistribution équitable
dans la gestion des taxes.
Rappelons les trois façons différentes grâce auxquelles les exploitants peuvent se voir
attribuer des arbres appartenant aux communautés locales :
1. Directement de gré à gré avec les détenteurs des droits sur les arbres qui se trouvent
dans un terroir traditionnel ; ce type de transaction concerne généralement les
abattus culturaux, parfois même des arbres de forêts protégées à proximité des
champs.
2. Puis il y a le cas des exploitants artisanaux de bois qui s’adressent directement
aux services administratifs qui leur octroient alors un permis dans une zone bien
définie.
3. Et enfin, tous les modes souterrains concernant des transactions basées sur des
trafics d’influence, lorsque par exemple un personnage influent se fait octroyer
une concession dans une portion de forêts, puis coopère avec un exploitant
artisanal pour son exploitation.
78
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
La figure ci-dessous montre les résultats relatifs à l’accès aux ressources. Les réponses
ont tendance à démontrer que les communautés et l’administration jouent un rôle
important dans la cession des ressources aux exploitants artisanaux.
50
40
30
Fréquence
20
10
0
Nia nia Biakato Lolwa Luna Nduye
Axes des coupes
Accord de communauté locale ou peuple autochtone
Accord de l'administration
Autre
Figure 5. Modes d’accès à l’exploitation artisanale de bois.
Une série de préoccupations mérite des analyses approfondies, si l’on veut concilier les
activités d’exploitation des ressources ligneuses et le développement des communautés
locales. Par exemple, comment expliquer que les communautés locales qui participent à
la cession des terres aux exploitants artisanaux en vertu de droits acquis par la coutume,
ne s’y retrouvent pas en termes d’amélioration sociale ? Comme le démontrent les
paragraphes précédents, on peut expliquer en grande partie cet état des choses par le
fait qu’actuellement les transactions sur l’accès de bois artisanal ne sont pas encore bien
réglementées comme dans le cas de l’exploitation industrielle.
Du fait qu’il n’y ait pas actuellement de texte qui organise les transactions entre les
communautés et les exploitants artisanaux de bois, faut-il envisager des clauses spéciales
qui prennent en compte les règles coutumières pour une compensation souple entre les
communautés et les exploitants artisanaux, à l’instar du cahier des charges contraignant
des exploitants industriels (Arrêté 023/CAB/MIN/ECN-T/28/JEB/10). Peut-on aller vers
une cogestion, mutuellement bénéfique pour les exploitants artisanaux recherchant des
lopins d’exploitation artisanale et les communautés locales ?
Le constat est que les droits d’usage reconnus aux exploitants artisanaux sur la base
des titres qui leur sont octroyés ne favorisent pas les communautés locales, sujettes
aux règles coutumières de cession, contrairement aux cahiers des charges exigés des
entreprises forestières industrielles.
79
Le bois à l’ordre du jour
80
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
Il apparaît théoriquement que les droits coutumiers se discutent avec les ayant-droit,
mais dans la pratique le pouvoir coutumier conserve une grande marge de manœuvre
dans le processus d’accès aux ressources. Dans notre zone d’étude il existe un
phénomène de bail appelé “Ngembu” : c’est une redevance annuelle payée aux autorités
coutumières, qui diminue certaines obligations des exploitants vis-à-vis des autres
membres des communautés détenteurs des droits coutumiers sur les forêts exploitées
par les exploitants artisanaux.
L’État intervient peu en amont, comme l’indiquent les résultats dans la figure 6 ci-dessous;
il interfère sans doute trop en aval par les taxes, pendant l’évacuation du bois, pénalisant
ainsi la marge de profit et les bénéfices que les communautés locales pourraient obtenir
via une majoration de leurs droits d’accès.
Permis
d'exploitation 14%
Figure 6. Droits d’accès à l’exploitation artisanale dans les territoires de Mambasa et d’Irumu. (Source :
Résultats de l’étude).
81
Le bois à l’ordre du jour
locales, on peut dire que les systèmes actuels ont des impacts sociaux peu significatifs
comparés aux services et aux biens qu’offrent les forêts dans la région.
D’autres acteurs importants impliqués dans la gestion des forêts sont les ONG. Les ONG
fournissent beaucoup d’efforts dans la zone par la sensibilisation, le plaidoyer et des
appuis en microprojets communautaires, mais leurs efforts s’effritent et s’effriteront tant
que les pouvoirs décisionnels aux niveaux international et national ne s’affirmeront pas
de façon décisive pour booster des processus tels que la foresterie communautaire, le
FLEGT, la transparence, etc. dont les objectifs opérationnels favorisent l’amélioration des
conditions sociales et économiques des communautés riveraines et la gestion durable
des forêts. Il faut aussi noter que cette mobilisation des acteurs, suscitée par les ONG
œuvrant dans la zone d’étude, a des effets limités à cause du contexte post conflit qui
est encore récent.
82
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
sur les aspects des droits des communautés locales, comme par exemple les principes,
critères et indicateurs FSC (Forest Stewardship Council). Au niveau national, la loi
forestière et la constitution affirment le droit de jouissance des populations congolaises,
le devoir de l’État de répartir équitablement les revenus issus du secteur forestier, et le
droit de participation conféré à toute la population congolaise. Cependant, sur le terrain,
on constate effectivement que les droits coutumiers sont plus ou moins respectés, mais
que c’est surtout au profit des chefs. Il n’y a pas de partage de responsabilités ni de
participation effective des communautés locales dans les processus décisionnels, ni de
contrôle efficace de l’application des dispositions actuelles. Pour garantir la participation
des communautés locales et un meilleur partage des ressources, il est important que des
structures de concertation soient mises en place (comme les conseils consultatifs et les
forums de dialogue social par exemple), que de sérieux efforts soient faits en matière
d’amélioration des compétences (y compris dans la mise en place de mécanismes de
résolution des conflits), et que des contrôles efficaces soient instaurés.
9 Convention de Rio et autres cadres régissant la gouvernance des ressources forestières (FLEGT, OCDE, etc.)
10 Banque Mondiale
11 Banque Africaine de Développement
83
Le bois à l’ordre du jour
Suite du tableau 3.
Thèmes Réalité en Mambasa et Niveau international9 Niveau national
en Irumu
2. Partage des • Pléthore de taxes • Principes de répartition • Tous les Congolais ont le
revenus administratives équitable des coûts et des droit de jouir des richesses
• Pas de rétrocession des taxes avantages connexes tirés de nationales
• Droit de jouissance plus la forêt • L’État a le devoir de
important pour les pouvoirs redistribuer équitablement
coutumiers les revenus et de garantir le
• Faibles revenus pour les développement
acteurs sur le terrain
3. Gestion des terres • Gestion des terres coutumière • Principes cohérents avec la • Traduire les principes
• Pas d’encadrement technique gestion durable des ressources de participation et de la
• Pas de contrôle naturelles responsabilisation de tous
• Nombreux conflits sur l’accès à • Maintien des services fournis dans la bonne gouvernance
la terres et aux ressources par la forêt pour l’intérêt de et la gestion des ressources
l’humanité forestières
4. Modes d’accès aux • Achat des pieds d’arbre au • Conservation de la diversité • Garantir une gestion durable
ressources gré à gré biologique, des forêts et des des écosystèmes forestiers
• Accord avec les autorités ressources naturelles
coutumières
• Achat de permis de coupe sans
information préalable
Des options politiques devaient être examinées dans le sens à la fois d’une diminution
des taxes pour les exploitants qui sont trop nombreuses, de la majoration des droits
coutumiers (« profits directs »), et de la rétrocession des revenus de ces taxes (« profits
indirects »). Ces deux types de profit pourraient servir respectivement aux ménages pour
améliorer leur quotidien et collectivement aux villages pour des investissements sociaux
collectifs.
84
L’exploitation artisanale de bois et les options de développement des populations riveraines des forêts
Il est très important de rappeler ici que la mercuriale des prix du marché doit être fonction
de l’offre et de la demande mais son usage est encore difficile parce que les statistiques
des produits actuellement commercialisés n’existent pas.
En dehors des profits liés aux droits et aux rétrocessions, les communautés aspirent à
gérer ou à cogérer l’exploitation artisanale de bois ; de ce côté il existe de nombreux
défis liés aux moyens financiers et aux aspects techniques du système d’exploitation
artisanale de bois.
Le passage en revue des dimensions locale, nationale et internationale par rapport aux
facteurs d’implication des acteurs aux activités de foresterie, de partage des revenus, de
gestion des terres et d’accès aux ressources montre globalement que :
• Les cadres institutionel national et international prévoient l’implication des
communautés locales, mais cette implication n’existe pas dans les territoires
de Mambasa et d’Irumu, car sur le terrain les chefs coutumiers, les exploitants
artisanaux et les agents de l’administration ont plus d’influence que les leaders
communautaires, et ce malgré les efforts que déploient les ONG nationales
et internationales ; il reste que dans les textes juridiques, l’implication des
communautés doit aller au délà de leur statut de « bénéficiaires » ;
• Concernant le partage des revenus, il est encore inégal ; les communautés locales
sont les moins favorisées par rapport aux autres acteurs, alors qu’elles sont
perçues comme les premiers bénéficiaires des ressources locales ;
• Concernant la gestion des terres, plusieurs avancées ont été réalisées en terme de
principes au niveau national, mais sur le terrain, des conflits et de nombreux défis
de participation et de gestion par les communautés locales persistent ;
• Concernant l’accès aux ressources, dans le contexte de Mambasa et d’Irumu on
peut s’accomoder d’un accès moins limité, assorti de modalités d’aménagement
en gestion durable ; toutefois, les dispositions pratiques de l’exploitation
artisanale actuellement en place ne nous permettent pas de croire que l’accès
aux ressources soit socialement, économiquement et écologiquement durable.
85
Le bois à l’ordre du jour
Cette étude montre également qu’il y a beaucoup de manque à gagner pour les
communautés locales, qu’il s’agisse de bénéfices directs ou indirects. Nous suggérons
donc :
• Qu’un travail approfondi soit entrepris pour parfaire l’analyse en termes de calcul
de la rente forestière pour les PFNL12 et les PFL13 ;
• Qu’un moratoire en rapport avec la réglementation du secteur artisanal de bois en
province Orientale, et plus précisément en Mambasa, soit déclaré, pour permettre
d’identifier tous les exploitants artisanaux et d’harmoniser la grille actuelle de
taxation qui frustre les avantages socio-économiques des populations riveraines
des forêts ;
• Qu’un accompagnement substantiel (proportionnel aux besoins) des
communautés locales–peuples autochtones et de l’administration locale soit
mis en place dans les zones de sciage artisanal pour le suivi et respect de la loi
forestière, et ce de manière permanente ;
• Qu’un intérêt accru soit porté aux processus internationaux, tels que le FLEGT,
pour mettre en place dans la zone des mécanismes de contrôle, efficaces au
niveaux local, national et international par rapport aux demandes de bois
transfrontalières.
Références bibliographiques
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Démocratique du Congo post-conflit : Analyse d’un agenda prioritaire, The World
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d’Irumu : Analyse d’un système de production de la filière de bois artisanal sur base
d’une compilation des enquêtes et de monitoring des comités d’observation de juillet à
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forestière artisanale, Rapport UICN-USAIDWCS
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RD Congo,15 p
86
La pratique de l’exploitation
artisanale du bois et ses
conséquences conflictuelles
en territoire de Mambasa,
RD Congo
Desire Nkoy et Joost van Puijenbroek1
1. Préambule
IKV Pax Christi, avec le réseau Haki na Amani, a réalisé en 2007 une étude sur l’exploitation
du bois dans le territoire de Mambasa en Ituri dans le nord est de la RD Congo (Nkoy,
2007). Cette étude a été présentée lors d’une conférence à Bunia, et constitue la base
d’un début de programme commun à ces deux organisations sur la prévention des
conflits liés à l’exploitation forestière. En 2009, les mêmes organisations se sont attelées
à l’inventaire des conflits fonciers actuels dans tous les territoires d’Ituri (Mongo et al.
2009). Au total 1.318 conflits fonciers ont été étudiés dans le cadre de cette recherche,
dont 158 sur le seul territoire de Mambasa. Vu l’étendue du territoire de Mambasa et
le mauvais état des routes, tous les groupements n’ont pas été visités, et le nombre
de conflits fonciers en Mambasa est probablement encore nettement supérieur à ce
chiffre de 158. D’autre part, il ressort de notre étude que de nombreux conflits fonciers
semblent liés à l’exploitation forestière. La majorité des conflits fonciers ont en effet lieu
là où se trouvent les plus grands sites d’exploitation forestière.
Le présent article se base essentiellement sur ces deux recherches réalisées en 2007 et
2009. Quand aucune source spécifique n’est mentionnée, c’est que la source est l’étude
forestière de 2007.
87
Le bois à l’ordre du jour
Le territoire de Mambasa est le territoire le moins peuplé du district avec une densité
moyenne inférieure à 5 habitants/km2. On estime que la population pygmée en
représente 30%. Contrairement aux autres territoires de l’Ituri, le Mambasa est quasi
totalement recouvert par la forêt tropicale, qui constitue une source de survie pour la
population locale, notamment pour les Pygmées.
2 La guerre de l’Ituri a mis en conflit les Hema et Lendu dans les territoires d’Irumu et de Djugu, et a également touché les territoires
de Mahagi et d’Aru. Le territoire de Mambasa n’a pas fait partie de ce conflit, mais a été bien sûr victime lors de la guerre du Congo.
Mambasa était occupé durant cette période par le MLC et par le RCD-K/ML, qui s’étaient divisé le territoire de Mambasa.
3 Le Tribunal de Paix est le tribunal au niveau du territoire
4 Le tribunal des Grandes Instances se trouve au chef lieu du district, Bunia. C’est l’instance judiciaire d’appel pour les tribunaux de
paix. Au-dessus du Tribunal des Grandes Instances siège la Cour d’Appel de Kisangani.
88
La pratique de l’exploitation artisanale du bois et ses conséquences conflictuelles en territoire de Mambasa, RD Congo
1. Quels sont les titres d’exploitation que les exploitants détiennent, et par qui
sont-ils délivrés ? Quelle est la procédure habituelle d´obtention d´un titre
d’exploitation ?
2. Quel est le volume du bois exploité, quels en sont les moyens d´exploitation, et
comment s’organise sa commercialisation ?
3. Où se situe l´implication de l´État dans l´exploitation du bois, et en quelle mesure
la loi est-elle respectée ?
4. Quels sont les conflits majeurs liés à l’exploitation du bois dans la région ?
4. Méthodologie
La recherche a été réalisée par une équipe de 10 enquêteurs, tous originaires de
Mambasa, qui après une formation sur les méthodes d´enquête, a été déployée en
juillet 2007 sur quatre axes qui suivent les grandes routes vers les 21 principaux centres
d´exploitation du bois.
89
Le bois à l’ordre du jour
• Axe 1 : Mambasa – Beni (126 km) : Biakato, Mantumbi, Katanga, Lukaya, Malutu,
Mbela, Etabe, Some, Butiaba.
• Axe 2 : Mambasa – Bunia (90 km) : Masiliko, Andikwakwa, Lolwa, Kombokambo,
Mungamba, Bawanza.
• Axe 3 : Mambasa – Mungbere (60 km) : Makoko II, Efundu, Nduye, Mputu.
• Axe 4 : Mambasa – Kisangani (25 km) : Bola II, Binase.
Sur chaque axe, des entretiens eurent lieu avec les échantillons suivants :
Sur place, les enquêteurs se sont toujours entretenus avec le chef coutumier du milieu
et les associations existantes (de femmes, de jeunes, etc.), et évidemment avec les
exploitants actifs sur les sites. Au total 623 personnes ont été questionnées lors de
l´enquête, dont 102 exploitants sur 70 sites. Les questions posées se concentraient
d’abord sur les données nominales de l´exploitation (lieu ? qui exploite ? comment
exploite-il ? avec quel titre ? qui a donné ce titre ? etc.), ensuite venait toute une série
de questions sur les différents rapports sociaux et les conflits résultant de l´exploitation.
5. Quels sont les titres d’exploitation que les exploitants détiennent
et par qui sont-ils délivrés ? Quelle est la procédure habituelle
d´obtention d´un titre ?
Conformément au Code Forestier (2002), le titre d’exploitation est le permis d’exploitation
ou agrément signé par le Ministère de l’Environnement ou le gouverneur de province.
Les exploitants privés artisanaux ne peuvent opérer dans les forêts des communautés
locales que moyennant la détention d’un agrément et d’un permis de coupe. Le permis
de coupe doit être sollicité chaque année.
Or, les 102 exploitants identifiés ont des titres différents délivrés par des instances
différentes :
90
La pratique de l’exploitation artisanale du bois et ses conséquences conflictuelles en territoire de Mambasa, RD Congo
Tableau 2 . Nombres d’exploitants enregistés avec leurs titres d’exploitation par service de
delivrance.
Titre Délivré par Nombre
Demande de Permis Superviseur de l’environnement du territoire 10
Attestation de vacance de terre Administrateur de territoire 53
Attestation de vacance de terre Superviseur de l’environnement du territoire 15
Attestation de vacance de terre gouverneur 1
Attestation de vacance de terre Non signée 5
Permis d’exploitation gouverneur 15
Permis d’exploitation Superviseur de l’environnement du territoire 2
Aucun titre 1
total 102
Source : Synthèse de l’enquête réalisée sur le terrain en 2007
91
Le bois à l’ordre du jour
92
La pratique de l’exploitation artisanale du bois et ses conséquences conflictuelles en territoire de Mambasa, RD Congo
6. Quel est le volume du bois exploité, quels sont les moyens
d´exploitation, et comment s’opère la commercialisation ?
Durant l’enquête, nous avons questionné les exploitants sur l’ampleur de leur zone
d’exploitation. Pour 23 d’entre eux il fut impossible de trouver le nombre exact d’hectares
en cause, mais pour les 79 autres, la superficie de leur zone a pu être documentée : elle
totalise presque 70.000 ha. Notons que la société ENRA accumule 58.000 ha de ce total
(nous ne savons pas si elle exploite entièrement sa concession, mais elle détient au
moins le permis pour le faire). Lors de l’enquête, les enquêteurs ont eu l’impression que
les chiffres avancés comme superficies d’exploitation semblaient inférieurs à la réalité
du terrain, mais il était impossible de corroborer ces chiffres à cause des difficultés de
bornage. Cette différence de superficie est également confirmée par Lescuyer (2010 : 4)
pour qui il est peu probable que les opérateurs se limitent dans la réalité à la superficie
qui leur est octroyée. Les enquêteurs ont aussi trouvé des attestations de vacances de
terres où il est écrit « … de récolter les bois d’œuvre au choix dans les zones forestières
des territoires de Mambasa et d’Irumu… », sans aucune délimitation géographique
précise.
De tous les exploitants interviewés, la société ENRA est la seule qui opère à l’échelle
industrielle. La vaste majorité des exploitants (93 sur 102) travaillent avec des tronçonneuses
pour l’abattage comme pour le sciage. Généralement le personnel qu’ils emploient est très
réduit (de 3 à 5 personnes). Il n’y a que 8 exploitants qui utilisent des scies mécaniques.
Il n’existe pas de données fiables sur la production du bois en tant que telle. Les estimations
de production varient suivant les sources. Sur la base de plusieurs interviews, on estime
que la production de l´année 2007 dépasse nettement les 50.000 m3. Mais notre enquête
est loin d’avoir couvert la totalité du territoire de Mambasa.
Forests Monitor (2007 : 22) a estimé une production de 16 à 20.000 m3 durant 2006 et
jusqu’à février 2007. Mais cette estimation se base sur 31 compagnies en 2006, et sur
45 en 2007, c’est-à-dire sur un nombre d’exploitants nettement inférieur au nombre
identifié par notre étude, et uniquement sur les données officielles des services de
l’Environnement, Conservation de la Nature, Eaux et Forêts (ECNEF) et de l’Association
Professionnelle des Exploitants et Négociants de Bois (APENB) qui ont d’ailleurs admis
qu’il n’avaient là qu’une sous-estimation.
93
Le bois à l’ordre du jour
ha octroyés aux exploitants. Or, même sans compter la concession de l´entreprise ENRA,
environ 12.000 ha auraient été octroyés cette année-là selon notre enquête, chiffre
nettement supérieur à celui du Service de l’Environnement.
La plus grande partie du bois produit à Mambasa n´est pas destinée à la consommation
locale mais à l´exportation. En 2007 les prix variaient de 90 USD /m3 pour le bois sur pied,
à 150 USD une fois chargé sur camion.
L’article 122 du Code Forestier établit quant à lui la répartition des taxes et redevances
forestières, comme suit :
• Redevance de superficie concédée : 40% doivent être redistribués aux entités
administratives décentralisées de la région de provenance des bois, et 60% au
trésor public ;
• Taxe d’abattage : 50% au Fonds Forestier national, et 50% au trésor public ;
• Taxes à l’exportation : 100% au trésor public ;
• Taxes de déboisement : 50% au Fonds Forestier national, et 50% au trésor public ;
• Taxes de reboisement : 100% au Fonds Forestier national.
94
La pratique de l’exploitation artisanale du bois et ses conséquences conflictuelles en territoire de Mambasa, RD Congo
Cependant, on a observé sur le terrain que la fiscalité forestière n’est pas appliquée
comme le requiert la loi. De nombreux services interviennent et on y retrouve la DGI5,
l’ANR, la PNC, l’IPMEA, les FARD, la DEMIAP, le Service de l’Environnement, le Service du
Commerce Extérieur, le Service des Taxes Provinciales et le Service de l’Hygiène. Les
exploitants sont donc exposés à une série de pots-de-vin et paperasseries de la part de
ces différents services.
Sur l’axe Mambasa-Beni, les taxes et redevances dues par les exploitants sont perçues
par tous les services de l’État à partir du moment où le bois scié est stocké sur le lieu de
coupe. A BIAKATO, par exemple, tous les services de l’État ont organisé ce qu’ils appellent
« le guichet unique » pour percevoir les taxes et redevances. Ce système consiste au
paiement en une seule fois et en totalité des sommes « dues » à tous les services dès le
chargement du bois scié sur son véhicule de transport. Le barème des paiements, tel que
documenté lors des enquêtes, se présente comme suit :
• Bois scié : 50 USD par camion ;
• Chargement : 50 USD par camion;
• Passage de la barrière de BELLA : 1.000 USD par camion.
Pourtant ce ne sont pas tous les fonctionnaires d’État qui jouent ce jeu. Le chef du Service
de l’Environnement à Mambasa reconnaissait bien le caractère illicite de l’exploitation
du bois, mais demandait aussi une certaine compréhension, étant donné le manque de
moyens de la filière et l’implication des élites politiques, économiques et militaires.
5 Respectivement : la Direction Générale des Impôts, l’Agence National des Renseignements, la Police Nationale Congolaise, le
Ministère de l´Industrie, Petites et Moyennes Entreprises et Artisanat, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo, la
Détection Militaire des Activités Anti-Patrie.
95
Le bois à l’ordre du jour
Le contrôle de cette filière par les services compétents de l’État a rarement lieu. Durant
la période 2006-2010 le Service de l’environnement à Mambasa n’a rapporté aucune
infraction et n’a appliqué aucune pénalité aux exploitants (Lescuyer 2010 : 4).
Nous avions déjà vu que l’agrément et le permis de coupe ne sont généralement pas
octroyés conformément à la loi par les services concernés. Dans ce chapitre, nous avons
aussi pu voir qu’un grand nombre de services d’État s’adonnent à une taxation en grande
partie illégale. Qu’une bonne partie de ces services n’a même aucun rôle officiel dans
l’exploitation forestière. Et qu’en plus, ces mêmes services sont source d’une pléthore
de tracasseries administratives et de prébendes. Et enfin que tous les interviewés sont
persuadés que ces taxes ne rentrent pas dans les caisses de l’État mais qu’elles profitent
à une poignée de gens haut placés. Un exemple : quand tous les administrateurs des
territoires étaient nommés ailleurs que dans leur territoire d’origine, celui de Mambasa
décidait de ne pas partir car il aurait vu ses revenus diminuer.
8. Quels sont les conflits majeurs liés à l’exploitation du bois dans la
région ?
Il y a conflit à plusieurs niveaux, parfois connecté à un conflit foncier, à cause de
l’exploitation forestière telle qu’elle est pratiquée.
Nous avons pu cerner plusieurs causes à ces conflits entre communautés locales et
exploitants :
• D’abord, les communautés ne se sentent pas consultées durant le processus
d’octroi des concessions. Le chef coutumier se présente souvent comme seul
propriétaire sans tenir compte de la communauté concernée.
96
La pratique de l’exploitation artisanale du bois et ses conséquences conflictuelles en territoire de Mambasa, RD Congo
• Ensuite, les populations ne sont pas associées aux activités des exploitants, qui se
permettent de recruter leur main d’œuvre ailleurs, les privant ainsi de sources de
revenus indispensables.
• Et puis les exploitants n’ont jamais tenu leurs promesses et n’ont jamais négocié
avec les communautés locales. Pendant qu’ils s’enrichissent de l’exploitation du
bois, aucune action de développement du milieu n’est entreprise.
• Enfin, pendant la coupe, les exploitants détruisent les champs des communautés
riveraines, soit en y abattant des arbres, soit en y tirant des grumes, et cela, sans
dédommagement ni contrepartie, affamant ainsi des familles entières.
Il est évident que les chefs coutumiers jouent un rôle clé dans ce genre de conflits.
Parfois, là où ils ont eux-mêmes des intérêts dans l’exploitation, ils ne consultent pas
comme ils le devraient leur propre population. Mais nous devons également reconnaître
à leur décharge qu’ils ne connaissent pas bien la loi forestière ou foncière qui devrait
faciliter leur gestion.
À cause de l’exploitation du bois, les Pygmées sont refoulés de leur forêt et confinés
dans des milieux qui leur sont moins adaptés, si bien qu’ils ne peuvent plus trouver la
nourriture (miel, fruits, chenilles, gibier, etc.) ni les médicaments naturels nécessaires à
leur survie. En réaction, ils s’éloignent des sites d’exploitation pour chercher des milieux
plus favorables, et se désintéressent de l’exploitation du bois. Ils se demandent d’ailleurs
s’ils ne sont pas vendus en même temps que les concessions ; donc vendus avec les
concessions. En fait la question de leurs droits fonciers n’a jamais été réglée. Toutes les
communautés ont leur collectivité sauf les Pygmées : en effet, toutes les collectivités à
Mambasa sont des chefferies et régissent les terres appartenant à la communauté qui
habite dans cette chefferie. Les Pygmées, malgré le fait qu’ils forment la plus grande
des communautés, n’ont aucune collectivité ou chefferie à eux. La marginalisation qu’ils
subissent et l’oubli complet de leurs intérêts sont ressentis sur tous les sites d’exploitation.
Il n’est pas impossible que cette situation finisse par dégénérer en conflit violent.
97
Le bois à l’ordre du jour
98
La pratique de l’exploitation artisanale du bois et ses conséquences conflictuelles en territoire de Mambasa, RD Congo
effet du matériel, mais qui les garde en fait dans une Ce genre d’épisode a été vécu
dépendance quasi éternelle (Lescuyer 2010 : 4-5). à Mapimbi(Mantumbi), où
la société Enra a saisi toutes
Les conflits entre exploitants et autorités les planches produites et
La relation entre autorités et exploitants c’est un profit entreposées par le Chef de la
mutuel. L’autorité protège l’exploitant et l’exploitant localité Mapimbi-Mantumbi
entretient l’autorité aves ses « taxes ». Parfois surgit un dans sa concession. Cette
problème au sujet de ces taxes, mais il est généralement affaire est encours au Parquet
vite réglé. de Bunia depuis février 2007.
9. Conclusion
L’exploitation forestière dans le territoire de Mambasa est opaque dans tous les domaines.
Presque tous les services qui jouent un rôle dans le champ forestier sont impliqués dans
la délivrance d’une pléthore de titres, ou encore, le même titre peut être délivré par une
multitude de services. La variété des titres se détermine aussi en fonction de la localité.
Un assortiment encore plus large de services d’État génère de la complication
bureaucratique à profusion et applique des taxes à peine légales ou complètement
illégales. Les méthodes de collecte fiscale donnent l’impression que les recettes n’arrivent
pas jusqu’à l’État. Il n’y a presque aucune supervision de l’exploitation du bois de la part
du service étatique compétent.
99
Le bois à l’ordre du jour
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(ed.) (Palgrave MacMillan), pp 49-67.
Service de l’Environnement, territoire de Mambasa, Rapport 2006-2007.
100
L’exploitation
artisanale de bois
dans le territoire de
Befale, RD Congo
Richard Lokota Is’Efita-Liandja1
1. Introduction
Dans la province de l’Équateur en RD Congo, on voit sur les confluents des rivières et sur
les affluents du fleuve Congo de nombreux radeaux avec des grumes qui s’acheminent
vers Kinshasa où elles seront mises en vente. Bien que certaines concessions forestières
soient légales, on sait qu’une grande quantité du bois transporté sur le fleuve ne
provient pas uniquement de l’exploitation industrielle, et que de nombreux exploitants
artisanaux, qui opèrent souvent dans l’illégalité, font eux aussi transiter leur bois sur
le fleuve. Il n’existe pas de statistiques sur les volumes totaux de bois exploités dans
la province. En 2010, le Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et
Tourisme (MECNT) a approuvé des permis de coupe pour 20 exploitants artisanaux dans
la province de l’Équateur, mais aucun permis n’a été approuvé pour Befale, le territoire
de notre étude. Nous avons pu constater de visu que ce défaut de permis n’empêchait
en rien l’exploitation sur le terrain. Ceci ne veut pourtant pas dire que l’exploitation
artisanale se fait complètement sans permis : nous avons appris grâce aux auteurs du
présent ouvrage, que la majorité des exploitants artisanaux opéraient sans problèmes
grâce à des permis délivrés par d’autres services de l’État, comme par exemple le
gouverneur de province ou les Services de l’environnement du territoire, du district, ou
encore de la province, etc. Le statut légal de ces permis n’est cependant pas vraiment
clair.
101
Le bois à l’ordre du jour
On devient exploitant de bois pour diverses raisons. Dans le territoire de Befale, on le fait
essentiellement pour deux choses : parce qu’il existe une grande demande locale et pour
gagner de l’argent.
L’usage domestique du bois, qui répond à des besoins essentiels, n’est pas forcément
fonction du rapport financier de l’activité : on coupe du bois, on fabrique des chaises,
des bancs ou des ponts, pour un usage personnel ou communautaire. C’est ce que nous
appelons l’usage domestique, et cela ne rapporte généralement rien. On ne coupe
jamais de bois vert pour faire du feu. Pour le feu, c’est le bois mort, ramassé dans la forêt
ou le « bois brûlé » coupé dans les champs, qui servent de combustible. La sculpture du
bois n’est pas pratiquée dans la région.
Nanquette (1868) définit le bois d’œuvre comme désignant « les bois propres à tous les
emplois autres que le chauffage » et spécifie : « Les bois d’œuvre se divisent en bois de
service et bois de travail. Les bois de service sont ceux qui servent aux constructions
civiles et navales. Les bois de travail ou d’industrie comprennent les bois employés par
divers métiers tels que la menuiserie, l’ébénisterie, le charronnage, la tonnellerie, etc. »
COCOM/Duale a pu démontrer l’extension dans l’espace comme dans le temps de la
pratique artisanale de l’exploitation du bois. Pour mieux en connaître la dimension,
l’ONG a commencé à quantifier les volumes de bois coupé (Benkanga Beli 2009). Et c’est
à cette occasion qu’on a pu constater que les coupes de bois n’étaient pas seulement
destinées à l’usage domestique, mais que tout un pan de l’activité de coupe était destiné
à la production et à la vente de bois d’œuvre. Préoccupés que nous sommes par les
conséquences environnementales présentes et futures des activités forestières, nous
cherchons la réponse à la question essentielle de savoir si l’exploitation artisanale de
bois dans le territoire de Befale aurait une influence sensible sur l’environnement.
Pour y répondre il nous faut d’abord les réponses aux questions suivantes :
1. Qui sont les acteurs qui opèrent dans l’exploitation artisanale de bois ?
2. Pourquoi choisissent-ils cette activité ?
3. Comment fonctionne la chaîne de production et de commercialisation du bois ?
4. Quelle est l’ampleur de l’exploitation artisanale (espèces et volumes) ?
5. L’exploitation artisanale cause-t-elle la déforestation ou la dégradation de la
forêt ?
102
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
Définitions
Déforestation : la plupart des définitions considèrent la déforestation comme « la conversion
à long terme et de manière permanente, de terres forestières en terres non forestières » :
la Conférence des Parties de la CCNUCC définit la déforestation comme « la conversion
anthropique directe de terres forestières en terres non forestières » ; le GIEC, comme la
« suppression permanente du couvert forestier et la conversion de terres forestières à
d’autres usages, que ce soit délibérément ou en raison des circonstances » ; et pour la FAO
c’est « la conversion de la forêt à une autre utilisation des terres, ou la réduction à long
terme du couvert forestier en dessous du seuil minimal de 10% » (RRN et DGPA 2009).
Dégradation : par le terme « dégradation des forêts » la FAO (RRN et DGPA 2009) désigne
« des changements au niveau de la forêt qui affectent négativement la structure ou la
fonction du peuplement forestier ou du site, réduisant ainsi sa capacité à fournir des
produits et/ou des services ».
103
Le bois à l’ordre du jour
3. Méthodologie
Milieu d’étude
Le territoire de Befale est l’un des six territoires que compte le district de la Tshuapa, dans
la province de l’Équateur qui occupe la partie Nord-Ouest de la RD Congo (Ministère du
Plan et CP-SRP 2006). L’Équateur est délimité au Nord et au Nord-Ouest par la République
Centrafricaine, à l’Est par la province Orientale, au Sud-Est par les deux Kasaï, et par le
Bandundu au Sud et au Sud-Ouest. La province de l’Équateur, chef-lieu Mbandaka, avec
une superficie de 403.292 Km², soit 17,2% du territoire national, occupe la 3ême place en
superficie après la province Orientale et le Katanga. En 2003, sa population était estimée
à 7 millions d’habitants.
Le territoire de Befale, chef-lieu Befale, est le lieu de la présente étude. Avec une
superficie de16.797 Km², le territoire de Befale comptait en 2003 une population de 112
997 habitants. Il est divisé en 3 secteurs : Befumbo, Duale et Lomako. Ces trois secteurs
sont eux-mêmes divisés en 29 groupements et 216 villages. Les populations y vivent
essentiellement de l’agriculture, de la chasse, de la pêche ainsi que de la cueillette. Parmi
les cours d’eau qui le traversent, on peut citer la Maringa, la Duale, la Lomako, la Lokomo.
Non conformément au Décret 05/116 du 24 octobre 2005, fixant les modalités de
conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière, aucun titre,
parmi les 9 contrats issus pour le territoire de Befale, n’avait été validé par la Commission
interministérielle de conversion des titres. Plus tard, le titre de la Société TRANS-M du
Groupe CONGO-FUTUR sera validé ce qui fait de la société le seul exploitant industriel de
bois sur le territoire de Befale actuellement.
Méthodes de recherche
L’une des faiblesses de la présente étude, c’est la méthode non systématique de la récolte
des données de terrain au départ. Aucun questionnaire, aucun plan qui aurait déterminé
l’objet des enquêtes, leurs lieux et leur fréquence, la taille de l’échantillon à questionner,
de manière à faire un travail de synthèse scientifique, n’avaient été élaboré.
104
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
En même temps, les enquêteurs consignaient l’abattage par les villageois des arbres
destinés à l’usage domestique.
Par la suite, un travail de projection des données fut entrepris, pour conclure à une
déforestation par recul du couvert végétal. S’ajoutant aux arbres décimés pour les
travaux agricoles (surtout en forêt primaire), cette diminution progressive du couvert
végétal a deux composantes :
1. La coupe et la transformation locale pour la consommation des populations
de Befale (cercueils, meubles, etc.) et hors de Befale (les planches et les grumes
acheminées à Kinshasa où elles sont vendues) ;
2. La coupe et l’abandon en forêt d’arbres qui n’ont pu ni être transformés sur
place, ni acheminés vers un lieu de commercialisation : on abat ainsi des arbres
à chenilles, des arbres pour en extraire du miel ou pour dé loger un oiseau ou un
animal (pangolin, notamment), etc. Car tout arbre coupé dans la forêt et qui n’est
pas transformé en bois d’œuvre ou en grumes transportées pour leur vente, y est
abandonné jusqu’à son pourrissement.
Pour bien mesurer la portée des impacts négatifs de l’exploitation artisanale de bois,
nous nous sommes imposé une vérification en complétant nos observations et mesures
sur les lieux de récolte avec le traitement des données fournies par les exploitants. Et pour
compléter les données collectées par observation nous sommes retournés questionner
ces mêmes exploitants qui avaient fourni précédemment les données concernant les
planches et grumes parvenant à Kinshasa pour la vente. Ce sont ces dernières enquêtes
que nous avons considérées fiables en définitive, et qui feront l’objet d’analyse dans les
tableaux ou figures concernant les arbres exploités commercialement.
105
Le bois à l’ordre du jour
4. Résultats
Localisation
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre a commencé en 2004 dans le groupement
d’Enkalankoy/Nkone et s’est étendue aux autres groupements les années suivantes.
Actuellement, elle se pratique dans deux secteurs du territoire de Befale : Duale et
Lomako.
106
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
mortier, etc. C’est la « pratique selon la tradition ». Dans le cas des champs à cultiver, tous
les arbres trouvés dans l’espace concerné sont abattus sans sélection.
Pour ceux qui font le commerce de bois, les voyages ne sont pas du tout planifiés
à l’avance mais s’organisent sur le moment : c’est actuellement à la demande d’un
particulier que tout un chacun (exploitants établis ou nouveaux arrivés) s’est mobilisé
pour couper et assembler dans le lot du convoi les grumes qui seront acheminées
jusqu’au lieu de vente par les cours d’eau. Tous ceux se sentant capables de couper un
arbre sont les bienvenus dans l’équipe. Pour l’abattage et le transport jusqu’à la rive, ils
se font aider par les membres de leur famille et leurs amis. Et ils n’ont aucune autorisation
préalable de la part de qui ce soit pour couper un arbre.
107
Le bois à l’ordre du jour
chauffe (ou « bois énergie »). Il en va de même de l’arbre dont on voudrait faire sortir un
oiseau ou animal, etc.
Pour les besoins en planches, les arbres sont abattus et transformés en planches à l’aide
de scies dans la forêt même. Tout autre utilisateur de planches (menuisier, notamment)
peut s’en procurer dans la forêt et s’en servir au village. Toute partie non utilisée (tronc
avec défaut, branche, etc.) y est abandonnée.
Les bois coupés dans les groupements du secteur de Duale sont rassemblés au port de
Ngongo, en amont de Mompono, chef-lieu du secteur. Ceux qui sont coupés dans le
secteur de Lomako (groupement de Nsongomboyo), partent du port de Lifoko, situé
entre les ports de Mangania et de Nsamba.
Comme nous l’avons dit plus haut, les bois rassemblés au port de Ngongo viennent
former un seul radeau avec ceux du port de Lifoko, et vont naviguer sur la Maringa, la
Lulonga et enfin sur le fleuve Congo. Ils sont convoyés par un ou plusieurs hors-bords
jusqu’à la destination finale, le port de la société TRANS-M à Kinkole/Kinshasa.
Du port de Ngongo à Kinshasa, le radeau peut mettre plus d’un mois pour une distance
de plus de 1000 km. Ce délai peut augmenter pendant la saison sèche à cause des
bancs de sable. Nombreux sont les dangers du parcours, dus surtout aux intempéries :
la pluie, le vent, en détachant et dispersant les bois du radeau, peuvent causer la perte
de l’équipement et des bois, et même provoquer des naufrages. On redoute aussi les
morsures de serpents venimeux et les maladies comme la dysenterie et le paludisme.
Les tracasseries à toutes les étapes du parcours, par les services de l’ordre et de la sécurité,
sont devenues une tradition, et traduisent l’état de corruption généralisée partout décrié.
108
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
En conclusion, à Befale les méthodes et moyens d’évacuation des bois vers les ports
d’embarcation sont désuets (hormis l’utilisation d’un seul tracteur avec tirefort), et la
capacité d’acheminement du bois depuis le territoire jusqu’à Kinshasa est limitée.
Il existe d’autres fabricants qui ne sont pas correctement rémunérés : ceux des pirogues,
pourtant indispensables pour la navigation sur les cours d’eau, ceux des mortiers et autres
ustensiles en bois, ainsi que ceux qui construisent des ponts en vue de la circulation des
biens et des usagers des routes.
Les exploitants artisanaux du bois vendent leur bois à Kinshasa, et c’est en réalité à eux
seuls que reviennent les bénéfices, si bénéfices il y a. Car à Kinshasa, comme nous l’avons
dit, on retrouve des intermédiaires à tous les niveaux de la chaîne de commercialisation,
qui prélèvent leur marge à chaque opération.
Les revenus du bois vendu ne sont ni imposés, ni taxés par les services fiscaux et
parafiscaux et par conséquent il y a un manque à gagner pour l’administration chargée
des forêts, au niveau des secteurs comme à celui des territoires. C’est à Kinshasa et
tout au long du parcours que se perçoivent les diverses taxes et redevances, mais elles
n’arrivent pas jusqu’aux caisses du trésor public.
109
Le bois à l’ordre du jour
1600
Volume en m3 1200
800
400
0
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Année d'exploitation
Figure 1. Nombre d’arbres coupés par les exploitants artisanaux par an (de 2004 à 2009).
On voit que la production du bois a connu des variations de 2004 à 2009. Quelle que soit
l’année d’exploitation, la diminution ou l’augmentation du nombre d’arbres abattus est
simplement liée aux besoins et circonstances qui amènent les exploitants à procéder à
des coupes. Ces circonstances sont nombreuses et ne peuvent toutes être énumérées ici.
À titre d’exemple : on ne construit pas des ponts tous les mois et les exploitants ne font
pas non plus des expéditions toutes les semaines.
Entandrophragma angolense
Ricinodendron africanum
Uapaca guineensis
Musanga cecropioides
Chomelia laurentii
Symphonia gabonensis
Chlorophora excelsa
Afzelia sp
Pericopsis elata
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000
Nombre d'arbre coupé
La figure 2 montre que le bois de Parasolier est le plus exploité. Cette espèce s’utilise
spécialement pour construire les radeaux qui servent au transport fluvial des bois. On
s’en sert aussi sur les lieux de palabres, en guise de chaises. Le bois de Parasolier est
une espèce pionnière de croissance rapide pour un bois léger. On le trouve dans la forêt
secondaire car il a un grand besoin de lumière.
L’espèce Afzelia / Bolengu (Daniella pynaertii) est la deuxième espèce la plus exploitée.
Cette espèce a elle aussi la faveur des exploitants parce que, comme le bois de Parasolier,
c’est une espèce flottante. On la trouve sur les rivages, et elle se vend facilement à
Kinshasa.
110
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
Dans le tableau ci-dessous sont listées les espèces exploitées commercialement à Befale.
Elles se vendent à Kinshasa.
La figure 3 ci-dessous montre les variations par année concernant les espèces d’arbres
coupés. Les trois espèces identifiées comme les plus importantes pour le total de la
période 2004 - 2009 sont les espèces les plus exploitées chaque année, avec de petites
variations. L’exploitation accrue d’Afzelia (Bolengu), d’Entandrophragma angolense (Lifaki)
ainsi que de bois de Parasolier (Boonga/Bomambo) s’explique par le fait que les deux
premiers sont exploités pour l’usage commercial et que leur demande a augmenté ces
dernières années, et par le fait que le bois de parasolier sert à la confection des radeaux.
En outre, l’expérience acquise par les exploitants ajoute à cette demande croissante et
augmente l’intensité de l’activité.
Certaines espèces coupées, dont le Bokanga (Pericopsis elata) ne peuvent être acheminées
à cause de leur poids et pourrissent sur place après usage local, comme celui de la récolte
des chenilles comestibles (les bankᴐnju, tokozwa, bakɛli-kɛli). Leur valeur économique
est quasiment nulle, en dehors de celle des chenilles que les populations vendent sur
place et pourraient éventuellement exporter. On réalise qu’elles gagneraient plus si tous
les bois coupés étaient vendus.
L’espèce Uapaca guineensis (ou Boonga) était plus recherchée pendant les années 2004
et 2005, mais son importance a fortement décru en 2006. Son exploitation reprend
lentement ces dernières années.
111
Ri Ri Ri
cin cin cin
Nombre d'arbres exploité Nombre d'arbres exploité Nombre d'arbres exploité
112
od od od
en en en
dr dr dr
on on on
0
50
100
150
200
250
0
50
100
150
200
250
300
0
50
100
150
200
250
300
350
af af af
Pe ric Pe ric Pe ric
r an r an ric nua
ico um ico um op m
ps ps
Ch is Ch is Ch sis
o m ela om ela om ela
Ch elia ta Ch elia ta Ch e lia t a
lo lo lo
Le bois à l’ordre du jour
Année 2006
Année 2008
Année 2004
an an an
Espèces exploitées
Espèces exploitées
Espèces exploitées
Ua go Ua go Ua go
pa len pa len pa l
ca se ca se ca ense
gu gu gu
Da ine Da ine Da ine
M
nie en M
nie en M
nie en
us l la sis us l la sis us lla sis
an py an py an py
ga na ga na ga na
ce e rti ce e rti ce e rti
cr i cr i cr i
op op op
io io io
id id id
es es es
Ri Ri Ri
cino cin cin
de Nombre d'arbres exploité od Nombre d'arbres exploité od Nombre d'arbres exploité
350
0
50
100
150
200
250
300
350
0
50
100
150
200
250
300
400
400
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
500
af af af
Pe ric Pe ric Pe ric
r
ico anu r ico
an r ico an
p m ps
um
ps
um
Ch si Ch is Ch is
om s ela om ela o m ela
Ch e lia t a Ch elia ta Ch elia ta
lo lo lo
ro laur ro laur ro laur
Sy ph en Sy p ho ent Sy p ho e n
or tii ii
En
ta
mp
ho a En
ta
mp ra En
ta
mp
ho
ra tii
nd ex ho ex nd ex
ro nia ce nd
ro n i a ce ro nia ce
ph ga lsa ph ga lsa ph ga lsa
ra ra bo ra bo
gm bon gm ne gm ne
a en a ns a ns
si s is is
Année 2009
Année 2005
Année 2007
an an an
Espèces exploitées
Espèces exploitées
Ua Ua
Espèces exploitées
go Ua go go
pa len pa len pa len
ca se ca se ca se
gu gu gu
Da ine Da ine Da ine
M
nie en nie en M
nie en
us l la sis M lla sis us l la sis
an p us p an p
an
ga yna ga yna ga yna
ce er ce er ce er
cr tii cr tii cr tii
op op op
io io io
id id id
es es es
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
60% du bois coupé par les exploitants artisanaux à Befalele le sont pour usage domestique
et seulement 40% pour son usage commercial. Les espèces d’usage domestique sont :
l’Pericopsis elata, l’Afzelia, le Chlorophora excelsa, le Symphonia gabonensis, le Chomelia
laurentii, le Musanga cecropioides, l’Uapaca guineensis et le Ricinodendron africanum.
Celles qu’on préfère pour l’usage commercial sont l’Afzelia et l’Entandrophragma
angolense.
Si, d’après les exploitants, pour le bois d’œuvre les statistiques en cubage de grumes et de
bois sciés peuvent être fiables, il n’en va pas forcément de même pour celles concernant
l’usage domestique.
Selon les dires des exploitants, les grumes et bois sciés, une fois débarqués à Kinshasa,
sont en effet cubés, et leur vente se fait sur le cubage. L’information (uniquement pour
les espèces Bolengu et Lifaki) sur les volumes de bois venant d’Équateur et vendus à
Kinshasa est présentée dans le tableau 2.
Durant les années 2004 à 2009, les exploitants de bois d’œuvre du territoire de Befale
n’ont vendu que deux espèces à Kinshasa : l’Entandrophragma angolense ou Lifaki (709
m3) et l’Afzelia (Daniella pynaertii) ou Bolengu (652 m3). Les autres essences ne servent
qu’à l’usage domestique des communautés locales. Le volume des autres espèces
exploitées n’est pas connu, ni par l’ONG, ni par les services spécialisés en charge des
forêts. L’accroissement marqué des volumes vendus en 2007 est dû à la production
accrue cette année-là de deux espèces exploitées pour le commerce et de l’espèce
servant à la fabrication des radeaux.
Tableau 2. Volume (en m³) de bois vendu, par espèce, à Kinshasa (2004-2009).
Nom
Nom scientifique Produit 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Total
commun
Bolengu Daniella pynaertii Grumes 72 85 112 147 86 150 652
Grumes - 67 - 171 77 114 429
Lifaki Entandrophragma angolense
Bois sciés - - 57 110 113 - 280
TOTAL 72 152 169 428 276 264 1.361
5. Discussion
Conséquences sur l’environnement
Nous avons vu que certaines espèces, notamment le Bois de Parasolier (Boonga ou
Bomambo), le Bolengu (Afzelia), et le Lifaki (Entrandrophragma angolense) sont exploitées
de manière intensive. Ce qui peut entraîner à terme leur disparition, à cause surtout de
l’augmentation de leur demande. Au fur et à mesure que les arbres sont coupés, on ne
peut que constater la progression de la dégradation des forêts.
113
Le bois à l’ordre du jour
À Befale, les exploitants préfèrent sélectionner des arbres moins gros pour être capables
de les tirer à la main jusqu’à la rivière. En plus, on fraie des sentiers dans la forêt pour les
acheminer sur des sticks, eux aussi coupés le long du sentier, comme les lianes.
Notons que certains aspects de l’exploitation artisanale telle qu’elle est pratiquée à
Befale limitent cependant ses effets négatifs sur la forêt : par exemple la nécessité
d’exploiter uniquement près de la rivière (on ne touche pas les forêts plus éloignées) et
la faible capacité de transport du bois à destination de Kinshasa (donc les limitations des
capacités d’investissement des artisans) aident par défaut à préserver le couvert végétal.
Ce ne sont pas seulement les espèces exploitées (et tout spécialement l’Afzelia) qui
sont en train d’être décimées mais aussi et surtout celles des sticks, des lianes et autres
produits ligneux se trouvant sur les sentiers bâtis et les périmètres où sont tombés les
arbres abattus. L’exploitation du bois a donc un impact négatif sur la biodiversité.
Si l’on compare les dégâts causés par l’exploitation industrielle des forêts à ceux
de l’exploitation artisanale du bois, on remarque que ceux de cette dernière sont
proportionnellement moins grands. Toutefois, les dégâts causés par l’exploitation
artisanale ne sont pas nuls. Et dans l’optique du marché crédit carbone, la diminution
des arbres à Befale porte préjudice au bénéfice futur à en tirer par sa population.
Personne, au niveau de Befale, ne connaît le cubage total (le volume en m³) des bois
coupés et par conséquent aucune statistique afférente n’est disponible. Les populations
locales ne s’intéressent qu’au nombre d’arbres abattus, petits, moyens ou grands, et non
à leur volume.
Pour le moment à Befale, personne ne s’occupe non plus du reboisement, pourtant prévu
par la loi. Comment les arbres coupés seront-ils remplacés dans les mêmes proportions ?
Comment peut-on éviter la disparition de chacune des espèces coupées connues (et non
connues), et comment doit-on les perpétuer ? S’il faut compter sur la régénérescence
des forêts, celle-ci ne se fait pas automatiquement.
L’absence de données fiables sur les volumes exploitées a été un obstacle pour notre
travail et limite sa valeur statistique. Le nombre d’arbres coupés dans les deux secteurs
114
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
précités, par espèce et par an, pourrait être supérieur à celui repris dans les figures
présentées. On ne peut non plus donner plus de précisions, par manque de données
substantielles. Éventuellement, il pourrait même exister des coupes non inventoriées de
ces espèces ou d’autres.
L’avenir
En vue de parvenir à la gestion durable des forêts, la gestion participative (cogestion) et
l’éducation environnementale sont indispensables.
Tous les acteurs réels ou potentiels doivent comprendre les enjeux qui dépendent des
forêts, et défendre leurs intérêts vis à vis d’elles ; et si ces intérêts divergent, s’efforcer de
trouver une plateforme de défense commune. La forêt n’appartient à personne, sinon à
la communauté. Cette dernière doit pouvoir bénéficier et jouir de ses bienfaits. Toute la
communauté ou mieux, tous les acteurs de la filière bois doivent participer à la gestion
des forêts. Parmi ces acteurs, nous pouvons citer l’administration publique locale (en
particulier les services en charge de l’environnement), les ONG (locales, nationales et
internationales), les confessions religieuses pour leur grand nombre d’adeptes, les
associations, les partis politiques, les notables, ceux qui possèdent la maîtrise des réalités
forestières endogènes, les exploitants, et les populations non organisées.
C’est le travail entrepris sur terrain par COCOM mais non finalisé, faute de moyens
financiers suffisants. Entre autres, COCOM a organisé des sessions de vulgarisation et
d’information sur le code forestier, sur les mesures relatives à l’exploitation forestière, sur
les essences forestières protégées, sur les procédures de transaction, les taux de taxation
en matière forestière, animalière, etc.
115
Le bois à l’ordre du jour
Au regard des textes de lois et des règlements existants, l’État doit sensibiliser les
populations pour qu’elles soient outillées et aptes à bien gérer durablement les
forêts. En outre, l’exploitation artisanale doit s’intégrer dans un système d’exploitation
contrôlé, pour éviter qu’elle ne s’éternise dans l’informel. Elle doit contribuer à la relance
économique et au développement des communautés.
Afin de réduire la pression sur les forêts, il faut identifier, diversifier et donner aux
populations de Befale des sources de revenus. C’est par là que passera la vraie solution
à ses problèmes et non par l’abattage incontrôlé du bois, dont plus de la moitié pourrit
abandonné dans les forêts.
6. Conclusion
Nous avons de prime à bord distingué l’exploitation forestière destinée à l’usage
domestique de celle qui a trait aux bois d’œuvre. À Befale, dans la lutte contre la
pauvreté, rendue possible notamment par l’amélioration des revenus, l’exploitation
artisanale ressort comme un avantage majeur. Et nous avons fait remarquer que si les
revenus générés par l’exploitation artisanale semblent faibles, ils constituent néanmoins
une des rares opportunités économiques dans la zone. Bien plus, au regard du nombre
croissant d’arbres abattus et non vendus, cette exploitation du bois constitue un manque
à gagner énorme aussi bien pour les populations de Befale que pour le pouvoir local. Elle
n’en demeurerait pas moins une de ses sources principales de financement, grâce à la
perception des taxes qui devraient provenir de l’exploitation artisanale du bois d’œuvre.
Parmi les essences coupées, notons qu’il y en a deux dont les volumes d’exploitation
sont vendus et connus au niveau de Kinshasa, alors que d’autres ne sont destinées qu’à
l’usage domestique.
116
L’exploitation artisanale de bois dans le territoire de Befale, RD Congo
Population :
1. Elle doit s’organiser pour défendre ses intérêts tributaires des forêts ;
2. Elle doit s’informer et se former sur les textes forestiers en vue de mieux contrôler
l’exploitation des essences abattues ;
3. Elle devra diversifier ses sources de revenus afin de réduire la pression sur les
forêts ;
4. Elle devra stopper la déforestation et la dégradation des forêts, préserver la
biodiversité et garantir une utilisation durable des forêts.
Références bibliographiques
Benkanga Beli L. (2009), Rapport du COCOM/Duale sur l’exploitation artisanale dans les
Secteurs de Duale et de Lomako, de 2004 à 2009, Mompono, RD Congo, 5 p (Inédit)
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Comprendre REDD et ses enjeux. Réduction des Emissions liées à la Déforestation et à la
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Greenpeace (2008) Étude sectorielle - Exploitation forestière en République Démocratique
du Congo, Greenpeace, Amsterdam, Pays-Bas, p 14
Décret n°05/116 du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres
forestiers en contrats de concession forestière et portant extension du moratoire en
matière d’octroi des titres d’exploitation forestière, Journal Officiel de la République
Démocratique du Congo, numéro spécial du 25 octobre 2005
Kalonji Mukendi G. (2011) La Tempête des tropiques - Venues en RD Congo pour les travaux
des cinq chantiers, des entreprises chinoises se lancent dans l’exploitation artisanale de
bois ! Congo Forum, http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp ?subitem=3&
newsid=180684&Actualiteit=selected
Klaver D. (2009) Multi-stakeholder design of forest governance and accountability
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Provincial de la Stratégie de Réduction de la Pauvreté CP-SRP/Equateur, Mbandaka,
RD Congo, p 110
Nanquette H. (1858) De l’exploitation, du débit, du cubage et de l’estimation des bois, Nancy,
France, p 49
117
Impacts
socioéconomiques de
l’exploitation artisanale de bois
sur la vie des communautés locales du
territoire d’Isangi, province Orientale, RD Congo
1. Problématique
En 2007, le secteur forestier formel en Afrique Centrale a produit près de 8,4 millions
de m³ de bois d’œuvre. Le Gabon, avec près de 3,4 millions de m³ est le premier
producteur, suivi du Cameroun (environ 2,3 millions de m³). Le dernier est la RD Congo
avec 310.000 m³ (Lescuyer et al. 2009).
118
Impacts socioéconomiques de l’exploitation artisanale de bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi
L’exploitation artisanale est une activité relativement récente dans le territoire d’Isangi
mais elle se développe rapidement. Elle se pratique essentiellement dans cinq
chefferies : Bambelota, Kombe, Liutua, Lokombe et Turumbu. L’exploitation artisanale
implique plusieurs acteurs sur le territoire et influe sur la situation socioéconomique des
différentes communautés locales.
2. Méthodologie
2.1 Milieu d’étude
Le territoire d’Isangi est situé à 125 km à l’Ouest de Kisangani, à proximité de la ligne
de l’équateur. Il jouit d’un climat équatorial caractérisé par des précipitations annuelles
abondantes avec un moyenne de 1.816 mm (Mate, 2005). Du point de vue climatique,
le territoire d’Isangi est caractérisé par des températures quasi constantes : elles sont
relativement élevées et leurs variations sont peu perceptibles, avec une moyenne
mensuelle au cours des dix dernières années de 24°C.
Ci-dessous la carte montrant la zone d’étude où l’enquête a eu lieu dans les cinq chefferies
du territoire d’Isangi.
119
Le bois à l’ordre du jour
Novembre 2011
Richard Labo RRNFD
Légende
Localités
Chef-lieu de terrotoire
Routes
Rivières
RF Yangambi
Non couverte
Zone d’étude
2.2 Méthodologie
Nous avons utilisé trois sources pour aboutir à nos conclusions : la documentation, les
enquêtes de terrain, et le traitement et analyse des données. Pour avoir une meilleure
idée des aspects à considérer, nous avons commencé par une recherche documentaire à
travers divers articles, livres, rapports d‘ONG et informations de l’administration forestière
en place. À partir de cette information nous avons formulé les questions à poser.
Puis nous avons élaboré avec les enquêteurs locaux présélectionnés, des questionnaires
spécifiques pour les différentes catégories d’acteurs. Les questionnaires ont été appliqués
en utilisant les méthodologies participatives adaptées au milieu.
120
Impacts socioéconomiques de l’exploitation artisanale de bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi
Deux enquêteurs principaux, conduisant chacun une équipe de cinq enquêteurs locaux,
ont été envoyés sur le terrain dans chacune des collectivités à étudier.
Après la récolte des données sur le terrain, nous les avons dépouillées. La collecte a fourni
des données quantitatives et qualitatives. Celles recueillies à partir du questionnaire
ont été dépouillées puis restituées sous forme de tableaux ou graphiques à l’aide du
logiciel Excel. Les données qualitatives forment le texte de cet article comme élément de
réponse aux questions.
3. Résultats
3.1 Aspects socioéconomiques
25
20
nombre d’exploitants
15
10
0
Bambelota Kombe Lokombe Liutua Turumbu
Chefferies (ou Collectivités ou Secteurs)
Figure 2. Nombre d’exploitants artisanaux par chefferie.
La figure 2 montre uniquement les cinq chefferies qui pratiquent l’exploitation artisanale
de bois d’œuvre sur les treize chefferies (ou « secteurs » ou encore « collectivités ») que
compte en tout le territoire d’Isangi : Bambelota, Turumbu, Lokombe, Kombe et Liutua,
avec un total de 37 exploitants. C’est la chefferie de Turumbu qui en compte le plus, et
dans celle de Lokombe qu’il y en a le moins (2). Des 37 exploitants, 10 sont originaires de
la région, et 27 viennent de la ville de Kisangani et des territoires de Mambasa et d’Irumu.
121
Le bois à l’ordre du jour
Essences exploitées
Nous avons aussi deman dé aux exploitants, ainsi qu’aux représentants du service
territorial de l’Environnement, quelles étaient les essences les plus utilisées
artisanalement. La fréquence relative (%) des essences qu’ils exploitent le plus est,
d’après les exploitants, présentée dans la figure 4.
50
Pourcentage de responses
40
des enquêtés
30
20
10
0
Afrormosia Sapeli Sipo Limbali Kosipo
Figure 4. % des essences exploitées par les exploitants artisanaux (n=37).
Dans le territoire d’Isangi, les exploitants artisanaux exploitent donc en majorité cinq
essences, et de ces cinq essences, l’Afrormosia (Pericopsis elata) présente le pourcentage
le plus élevé, soit 45%, suivi du Sapelli (Entandrophragma cylindricum) avec 21%. Le
122
Impacts socioéconomiques de l’exploitation artisanale de bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi
Kosipo (Entandrophragma candollei) est peu exploité. L’Afrormosia est l’essence la plus
recherchée sur le marché, tant local que national et international, pour sa durabilité et
sa valeur ; il est en conséquence beaucoup plus sollicité par les industriels et par les
artisans. D’autre part on le trouve en abondance dans les forêts du territoire.
La production
Nous avons demandé à chaque exploitant de nous donner le volume de sa production
mensuelle en m3. Ci-dessous, les résultats statistiques de leurs réponses :
80
70
60
Volume en m3
50
40
30
20
10
0
Bambelota Kombe Lokombe Liutua Turumbu
Chefferies (ou collectivités ou secteurs)
Figure 5. Production mensuelle de bois en m3 par exploitant (n=37).
Nous remarquons que la chefferie de Turumbu produit beaucoup : 75m3/mois par
exploitant ; elle est suivie par celle de Bambelota avec 40 m3/mois. Et comme le nombre
d’exploitants est aussi plus élevé à Turumbu, c’est bien Turumbu le leader de la production
de bois d’oeuvre dans le territoire d’Isangi. La chefferie de Liutua par contre, ne produit
que 6 m3/mois par exploitant, c’est-à-dire une moyenne de deux arbres par mois.
À Liutua en effet on n’a trouvé que 3 exploitants de bois, nombre réduit dû à l’état peu
praticable de la route, à l’éloignement de la chefferie des grands centres de commerce
d’Isangi, de Yangambi et de Kisangani, et comme nous l’avons dit plus haut, au peu de
forêts.
La demande en bois d’œuvre n’étant guère substantielle dans les autres chefferies, la
production ne l’est pas non plus.
123
Le bois à l’ordre du jour
est évacué par les petits cours d’eau jusqu’au fleuve Congo. Certains exploitants de
Bambelota utilisent le bateau2 pour transporter leurs produits jusqu’à Kinshasa. Tous les
exploitants utilisent des camions pour transporter leur bois par la route vers les grands
centres de Kisangani et d’Isangi (chef-lieu du territoire homonyme).
30
Nombre d’interviewés 25
20
15
10
0
Bambelota Kombe Lokombe Liutua Turumbu
Chefferies (ou collectivités ou secteurs)
Tête Camion Bateau Pirogue
Figure 6. Moyens utilisés pour l’évacuation des bois d’oeuvre (n=200).
35
30
25
20
15
10
5
0
Bambelota Kombe Lokombe Liutua Turumbu
Chefferies (ou collectivités ou secteurs)
Kisangani Kinshasa Consomation locale
Figure 7. Destination des produits (n=200).
2. Il s’agit du bateau de la Société Africaine de Bois (SAF BOIS) dont ces exploitants profitent pour évacuer le bois vers Kinshasa,
leur lieu de vente.
124
Impacts socioéconomiques de l’exploitation artisanale de bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi
revenus. De ce calcul, il ressort que les transporteurs et les employés des exploitants ont
un revenu moyen mensuel de moins de 50 dollars et que les exploitants artisanaux ont
eux un revenu moyen supérieur à 100 dollars par mois. Les exploitants se rémunèrent
donc de plus du double de ce qu’ils payent leurs employés.
80
des interviewés
60
40
20
0
Bambelota Kombe Turumbu Lokombe Liutua
Chefferies (ou Collectivités ou Secteurs)
Oui Non
Figure 8. Connaissance des textes réglementaires du secteur forestier par les acteurs.
Il découle de la figure 8 que sur les cinq chefferies prospectées, seules les communautés
de la chefferie de Bambelota semblent bien connaître les textes réglementaires en
matière de forêts, tandis que le niveau de connaissance des autres est assez inégal et
peu élevé. La raison clé de ces disparités c’est le passage de quelques ONG à Bambelota
pour sensibiliser les populations locales à la réglementation forestière : par exemple
l’Organisation Concertée des Écologistes et Amis de la Nature (OCEAN), l’Organisation
d’Accompagnement des Pygmées (OSAPY) à travers le Réseau Ressources Naturelles, la
Coordination des Actions de Promotion de Développement (CAPDH) et le Programme
d’Éducation pour la Protection et la Conservation de la Nature (PCN), sont toutes
passées par là. Quant aux concessions forestières de certaines entreprises de la province
Orientale comme la SAF BOIS à Bambelota, la CFT à Lokombe, et le FORABOLA à
Turumbu, leur présence ne semble pas avoir d’effet particulier sur la connaisance des
textes réglementaires par les populations des chefferies.
125
Le bois à l’ordre du jour
3 Soulignons que ces informations nous ont été fournies par les agents de l’administration forestière du territoire d’Isangi lors de
nos différents entretiens sur le terrain. L’unique véhicule que le Gouvernement avait octroyé pour la province Orientale, l’a été à la
Coordination de l’Environnement et Conservation de la Nature, et s’utilise principalement sur le territoire de Mambasa vu l’importance
de l’exploitation qui s’y déroule
126
Impacts socioéconomiques de l’exploitation artisanale de bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi
• Entre les communautés locales lorsque qu’un arbre vendu se trouve dans une
partie de la forêt où le droit coutumier n’est pas clairement défini. Cette situation
cause des problèmes pour la répartition des bénéfices (provenant aussi bien
d’exploitants industriels qu’artisanaux) ;
• Entre les membres des communautés locales eux-mêmes lorsque quelqu’un a
vendu un arbre sans en avertir les autres membres de sa famille ;
• Entre les artisans eux-mêmes à cause de la vente d’un pied d’arbre par un membre
de la communauté à deux ou plusieurs exploitants ;
• Entre les exploitants artisanaux et les membres d’une communauté à cause de la
procédure de négociation du contrat.
100
Pourcentages de résponses
80
des interviewés
60
40
20
0
Bambelota Kombe Lokombe Liutua Turumbu
Chefferies (ou collectivités ou secteurs)
oui non
Figure 9. Conflits liés à l’exploitation artisanale de bois d’oeuvre (n=100).
Les réponses montrent l’importance des différentes instances dans la gestion territoriale
des conflits, du niveau local au niveau provincial (Figure 10).
127
Le bois à l’ordre du jour
Dans toutes les chefferies, ce sont la localité et les groupements qui sont les instances de
résolution les plus actives. En fait la plupart des conflits sont résolus par médiation des
autorités coutumières (c’est-à-dire par les chefs coutumiers — qui sont sont différents
des chefs de chefferie). Les autorités des collectivités (ou chefferies), celles du territoire
et celles de la province ne participent que rarement à la résolution des conflicts en Isangi.
100
80
60
%
40
20
0
Bambelota Kombe Lokombe Liutua Turumbu
Chefferies (ou collectivités ou secteurs)
Territoire Province
Figure 10. Importance des instances de gestion territoriale pour la resolution des conflicts (%).
4. Discussion
4.1 La gouvernance
Abdala et al. (2009) dans leur étude sur l’exploitation artisanale du bois à Kisangani et ses
environs ont catégorisé les exploitants artisanaux des environs de la ville de Kisangani
de la manière suivante : les exploitants en règle (ceux qui sont connus et inscrits sur
les listes de l’administration forestière), les clandestins (ceux qui ne sont pas en règle
mais qui peuvent fonctionner parce qu’ils sont « couverts » par certains contrôleurs
de l’administration), et les exploitants ayant-droit (ils ne sont pas en règle non plus,
mais ils n’ont pas besoin de l’être car il s’agit de personnes faisant partie des sphères du
pouvoir du pays (officiels, militaires et autres autorités politiques).
Nos observations sur le terrain nous ont prouvé que la majorité des exploitants artisanaux
d’Isangi sont des « ayant-droit », c’est-à-dire des élites politico-militaires. Ils obtiennent
leurs agréments et permis de coups auprès du gouverneur de la province. L’exploitation
forestière est donc plus souvent le fait d’un jeu de pouvoir entre ses acteurs que d’une
pratique qui suit la loi et les règlements. Une des conséquences de cette situation c’est
que l’administration locale d’Isangi ne possède pas d’informations fiables sur le nombre
d’exploitants opérant sur son territoire. L’administration au niveau provincial n’a pas
elle non plus d’informations fiables car elle manque de moyens de contrôle suffisants.
D’autre part, comme ils sont protégés par des élites, les exploitants n’ont pas vraiment
besoin de permis de coupe. Ils peuvent éluder les contrôles éventuels des services de
l’État au niveau local en faisant référence à leurs contacts. Voilà sans doute pourquoi le
nombre d’exploitants artisanaux enregistrés par l’administration territoriale est de 20,
alors qu’en réalité sur le terrain nous en avons trouvé 37.
128
Impacts socioéconomiques de l’exploitation artisanale de bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi
L’implication des élites de Kisangani dans l’exploitation artisanale en Isangi explique aussi
pourquoi de temps en temps les exploitants cherchent l’appui des autorités provinciales
pour les aider à résoudre leurs conflits. L’administration locale au niveau du territoire
n’a ni les moyens ni le pouvoir de le faire (en supposant qu’elle le veuille). D’autres
irrégularités ont aussi été constatées. Prenons l’exemple de l’entreprise forestière SAF
BOIS, concessionnaire dans le territoire d’Isangi : en se chargeant du transport du bois
d’exploitants artisanaux depuis Bambelota jusqu’à Kinshasa, elle leur permet d’échapper
aux contrôles de l’État.
Nkoy explique dans son étude de 2007 que le territoire de Mambasa compte des
exploitants artisanaux qui opèrent sur des superficies de plus de 100 hectares. Cette
situation n’a pas été constatée dans celui d’Isangi. Légalement les exploitants artisanaux
ne peuvent obtenir que deux permis de coupe par an, et d’un maximum de 50 ha à
chaque fois, mais à Mambasa en effet, il existe des exploitants qui utilisent des permis
informels leur permettant d’exploiter des superficies plus importantes. Le marché du
bois d’œuvre à Mambasa est beaucoup plus vigoureux que celui du territoire d’Isangi.
C’est qu’à Mambasa une grande partie de la production se vend aux pays limitrophes où
la demande est grande, et que son exploitation
est financée et réalisée par des étrangers ou des
expatriés disposant pour leurs investissements
de moyens financiers plus élevés que les
Congolais (Nkoy 2007). Cependant, la migration
d‘exploitants artisanaux depuis l’est du pays
(le Mambasa et l’Irumu) vers l’Isangi indique
que les conditions de travail sont devenues
plus difficiles dans ces deux territoires que
dans celui d’Isangi. Quelques-unes des raisons
données par les exploitants sont notamment
la pénurie d’arbres commerciaux près des
routes, les tracasseries administratives et les
multiples taxes à payer aux différents services
d’État dans ces territoires.
Polepole (2008) donne la liste des frais et taxes appliqués aux exploitants forestiers
artisanaux en Ituri : taxe de reconnaissance forestière, taxe d’autorisation, redevance
de la superficie concédée ou taxe sur la superficie, taxe sur la superficie à exploiter,
taxe administrative, taxe d’abattage, taxe sur le permis de coupe de bois, taxe sur la
tronçonneuse etc. Cette liste n’est pas exhaustive et inclut à la fois les taxes légales et
illégales réclamées par les différents services de l’État. Abdala et al.(2009) montrent que
l’exploitation artisanale du bois pourrait être une aubaine pour l’emploi ainsi que pour le
prix du bois, mais que, vu la fraude et la manière dont se pratique l’exploitation artisanale
actuellement, il est certain qu’il n’y a pas grand-chose qui rentre dans les caisses du trésor
public, malgré toutes les ponctions subies par les artisans. Le manque ou l’insuffisance
de collaboration entre les services fonciers et forestiers, et malgré la contre-offensive
des concertations interministérielles tant nationales que provinciales sur le sujet, permet
les trafics d’influence, et chacun tire son épingle du jeu de ces zizanies entre services
(Abdala et al. 2009).
129
Le bois à l’ordre du jour
130
Impacts socioéconomiques de l’exploitation artisanale de bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi
domaine du droit foncier et du droit d’usage, malgré le fait que la terre soit officiellement
propriété de l’État (la loi Bakajika du 17 juin 1966 reconnaît en effet que le sol et le
sous-sol du Congo appartiennent à l’État). Cela montre aussi une certaine capacité des
autorités coutumières à négocier avec des acteurs comme les exploitants et les autorités.
Sans doute ce pouvoir de négociation dépend-il de multiples facteurs comme le pouvoir
économique et politique relatif de chacune des parties prenantes, leur connaisance
respective des lois et règlements sur l’exploitation forestiére, et le sens des responsabilités
des chefs coutumiers vis-à-vis de leur population.
5. Conclusion
L’objectif poursuivi par cette étude consistait à évaluer les impacts socioéconomiques de
l’exploitation artisanale du bois sur la vie des communautés locales du territoire d’Isangi.
Nous avons utilisé la collecte d’informations sur le terrain, avec des interviews semi-
structurés auprès des différentes parties prenantes (administration locale, autorités
coutumières, exploitants artisanaux et communautés locales).
Les communautés locales sont liées à l’exploitation artisanale de bois d’œuvre à deux
niveaux : à travers la vente des arbres, et par leur travail dans le transport et le chargement
des planches ainsi que dans la restauration sur les chantiers de coupe. Dans le territoire
d’Isangi, le revenu mensuel des employés et transporteurs du secteur est inférieur à 50
USD tandis que celui des exploitants est supérieur à 100 USD.
Les conflits liés à l’exploitation artisanale du bois d’œuvre sont beaucoup plus nombreux
dans les chefferies comptant plus d’exploitants, et se règlent en majorité au niveau des
localités, moins souvent auprès d’instances supérieures. Seules les communautés de
deux chefferies sur les cinq qui pratiquent l’exploitation artisanale du bois connaissent
et pratiquent les textes réglementaires sur l’exploitation forestière grâce à la présence
active d’ONG environnementales telles qu’OCEAN, CAPDH, PCN et OSAPY.
Références bibliographiques
Abdala B. et R. Lokoka (2009) Étude de cas sur l’exploitation artisanale du bois à Kisangani
et ses environs, Magazine Resource Naturelles, Nº 05, pp 14-16
Adebu L. et B. Abdala (2010) Analyse de l’incidence de l’exploitation artisanale de bois
d’œuvre sur l’environnement dans les territoires de Mambasa et d’Irumu, OCEAN,
Kisangani, RD Congo, 24 p
131
Le bois à l’ordre du jour
132
L’exploitation forestière
artisanale, un outil de
développement ?
Cas des groupements de Babila Teturi
et Babila Bakwanza,
territoire de Mambasa, province Orientale, RD Congo
Ignace Muganguzi Lubala1 et Charlotte Benneker2
1. Introduction
Dans le district de l’Ituri (au nord-ouest de la province Orientale en RD Congo), et plus
particulièrement dans le territoire de Mambasa (partie orientale du district), l’exploitation
forestière artisanale a connu une forte croissance avec les guerres des années 96-98,
croissance qui s’accélère à l’heure actuelle. L’une des causes en serait l’état inégal de la
route nationale numéro 4 de Kisangani à Bunia passant par Mambasa. Débattant sur ce
thème, certains membres de la société civile et même certains décideurs de l’exécutif
estiment que sur le plan quantitatif le montant du bois exploité artisanalement pourrait
égaler celui du bois exploité industriellement et peut-être même le dépasser (Ministère
Provincial de l’Environnement et OCEAN, 2010). On sait en outre que les revenus et
recettes dégagés par cette exploitation sont faibles. En 2002, la fiscalité forestière aurait
en effet rapporté à l’État moins de 2 millions de dollars (Ezzine De Blas et al. 2006).
Parmi les motivations qui ont poussé le législateur à initier le code forestier de 2002, il
y a la volonté d’impliquer activement les communautés dans la gestion des ressources
forestières pour qu’elles en tirent un bénéfice légitime. Cependant, bien que la loi ait
prévu que les communautés puissent signer un contrat avec les exploitants forestiers
artisanaux, cette réglementation reste muette sur les questions se rapportant à la
responsabilité sociale des exploitants ainsi qu’à leur participation à la régénération du
capital forestier. Forests Monitor soulignait que les bénéfices du commerce du bois pour
les communautés locales restent très limités malgré tous les avantages économiques
qui pourraient être tirés de l’exploitation, de la transformation et de la vente du bois
(Forests Monitor, 2007).
1 OCEAN
2 Tropenbos International RD Congo
133
Le bois à l’ordre du jour
La question qui conduit donc cette recherche est de savoir comment l’exploitation
artisanale du bois peut contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations
dans les milieux de prélèvement du bois et à la gestion durable de la forêt.
134
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
La légalité : c’est le caractère, la disposition, de ce qui est légal, c’est-à-dire conforme aux
normes légales en vigueur. C’est aussi l’état dans lequel s’expriment des actions et des
comportements qui ne sont pas susceptibles de transgresser la loi.
2. Méthodologie
Pour nos données nous avons utilisé de la documentation, des entretiens individuels
(avec 1 responsable du Service de l’environnement, 8 exploitants artisanaux, 1 chef de
chefferie [ou de « secteur »], 2 chefs de groupement, et 40 chefs de famille), ainsi que
l’entretien collectif avec les jeunes transporteurs. Cette étude a eu lieu au mois de juillet
2010 et septembre 2011.
Les ménages ont été sélectionnés au hasard et les entretiens répartis comme suit :
1. 40 chefs de famille : 10 ménages par localité
2. 8 exploitants : 2 par localité
3. 8 ouvriers : 2 par localité
4. 8 exploitants artisanaux : 2 par localité
Nous avons donc enquêté dans 4 localités (2 localités par groupement). Les localités de
Lwemba et d’Etabe (dans le groupement de Babila Teturi) et les localités de Bengasoli et
de Mabukulu, (groupement de Babila Bakwanza). Ces deux groupements ont été choisis
parce qu’ils furent parmi les premiers à avoir été confrontés à l’exploitation artisanale du
bois dans le territoire de Mambasa.
135
Le bois à l’ordre du jour
L’exégèse nous a permis d’analyser les lois relatives à l’exploitation forestière artisanale
en vue de les confronter aux pratiques sur le terrain.
3. Résultats
3.1 Cadre légal concernant l’exploitation artisanale de bois et son
application
L’article 112 du code forestier prévoit que les communautés locales ont le droit
d’exploiter leur forêt et que cette exploitation peut être faite soit par elles-mêmes,
soit par l’intermédiaire d’exploitants privés artisanaux, en vertu d’un accord écrit. Cet
article est le seul qui fasse référence à l’exploitation artisanale dans le code forestier. Le
cadre légal pour l’exploitation artisanale est plus développé dans les arrêtés 263/2002,
portant mesures relatives à l’exploitation forestière. Cet arrêté a été remplacé par l’arrêté
035/2006, sur l’exploitation forestière et complémenté par l’arrêté 105/2009. Dans
l’arrêté 035 à son article 8–alinéa 3, l’autorité compétente qui donne les autorisations
Cadre légal pour l’exploitation artisanale : Loi 011/2002, portant code forestier, arrêté 035/2006
sur l’exploitation forestière, et arrêté 105/2009 qui complémente l’arrêté 035/2006.
Selon le code forestier, les exploitants privés artisanaux ne peuvent opérer dans les forêts des communautés
locales que moyennant la détention d’un agrément délivré par le gouverneur de province, sur proposition de
l’administration forestière locale (article 112 du code forestier). L’agrément confère le droit d’opérer comme
exploitant artisanal. Pour obtenir l’agrément les exploitants doivent : (a) fournir le certificat de bonne conduite,
vie et mœurs, (b) la preuve de la possession d’un matériel d’exploitation approprié (article 25 de l’arrêté 035).
L’acte d’agrément est valable pour une durée n’excédant pas trois ans. L’agrément peut faire l’objet d’une demande
de renouvellement. Ce document est personnel et ne peut être cédé à un tiers. Il ne peut être utilisé en dehors de
la forêt pour l’exploitation de laquelle il a été octroyé (article 26 de l’arrêté ci-dessus cité).
Le permis de coupe artisanale est délivré aux exploitants personnes physiques qui utilisent notamment une scie
de long ou une tronçonneuse mécanique en vue de procéder à la coupe du bois. Le permis de coupe artisanal ne
peut couvrir une superficie supérieure à 50 hectares. un exploitant artisanal n’a droit tout au plus qu’à deux permis
par an (article 8 de l’arrêté no 035). Le permis de coupe artisanale donne le droit à son titulaire de couper le bois
dans les forêts des communautés locales. Le permis de coupe artisanale est délivré par le gouverneur de province.
Pour obtenir le permis de coupe artisanale, le requérant fournit les informations suivantes : (a) les références
d’agrément de l’exploitant artisanal, (b) les données de l’exploitation de l’année précédente, s’il y a lieu, (c) les
informations relatives à la forêt pour laquelle la demande est formulée, (d) la copie du contrat d’exploitation avec
la communauté locale, (e) la preuve du paiement des taxes et redevances forestières pour l’année écoulée (article
17).
136
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
L’arrêté 035 sur l’exploitation forestière à son article 8–alinéas 2 et 3, prévoit que le
permis de coupe artisanale ne peut couvrir une superficie supérieure à 50 hectares et
qu’un exploitant ne peut demander au maximum que deux permis par an ; un exploitant
peut donc opérer sur une superficie maximale annuelle de 100 hectares. D’autre part le
permis de coupe artisanale est valable pour une période d’un an allant du 1er janvier au
31 décembre (arrêté 035).
Si le permis de coupe artisanal ne peut donner droit qu’à 50 hectares, un permis octroyant
une superficie supérieure à 50 hectares ne peut donc plus être considéré comme un
permis de coupe artisanal. Logiquement, il n’est donc pas légal que le gouverneur de
province puisse octroyer une superficie supérieure à ce seuil aux artisans. Les coupes
supérieures sont des permis de coupe pour les entreprises industrielles dont la délivrance
est réservée au Ministère de l’Environnement.
Dans la pratique on ne respecte pas la surface légale maximale pour les exploitants
artisanaux puisque comme l’indique le tableau 1 ci-dessous, les exploitants obtiennent
3 http://www.mecnt.cd/images/DOWN/liste%20pcab10.pdf
137
Le bois à l’ordre du jour
En outre, les superficies octroyées aux exploitants sont enregistrées dans le bureau du
Service de l’Environnement sous l’appellation de « garantie d’approvisionnement ».
Cette appellation est normalement utilisée pour se référer aux titres de concessions qui
ont été annulés par le code forestier pour être substitués par le contrat de concession
forestier, et s’applique uniquement aux exploitants industriels, pas aux exploitants
artisanaux. Le statut légal de ces permis de coupe n’est donc pas vraiment clair.
Quant à la superficie à exploiter présentée dans la sixième colonne, elle semble elle
aussi faire référence au système d’exploitation industriel. En effet, la loi demande aux
exploitants industriels d’exploiter leurs concessions en rotation, à raison d’un ‘bloc’
(d’une seule partie) par an. Le tableau 1 dans sa sixième colonne montre que le Service
de l’Environnement de Mambasa a permis aux exploitants artisanaux d’exploiter entre 5
et 10 hectares par an. Pour un exploitant qui a un permis de coupe de 200 hectares par
exemple, s’il doit exploiter uniquement 10 hectares chaque année, ses activités devront
s’étendre alors sur 20 ans. Cela n’est pas logique puisque le permis de coupe n’est valide
que pour 1 an.
4 Atelier de lancement du projet sur la formalisation de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo, Cercle Français, Kinshasa,
7 – 8 février 2011, organisé par l’IUCN.
138
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
Tableau 1. Liste des exploitants forestiers artisanaux dans les deux groupements pour
l’année 2010.
Superficie octroyée
Superficie à
No. Noms Adresse Lieu d’exploitation (ha)/garantie
exploiter (ha)
d’approvisionnent
1 Exploitant 1 Bunia Babofi/ Bakwanza 100 ha 10 ha
2 Exploitant 2 Oicha Kundala / Bakwanza 400 ha 10 ha
3 Exploitant 3 Bunia Masiliko/Bakwanza 400 ha 10 ha
4 Exploitant 4 Bunia Masiliko/Bakwanza 20 ha 5 ha
5 Exploitant 5 Mambasa Bengasoli/ Bakwanza 100 ha 10 ha
6 Exploitant 6 Kisangani Bandibwame/ Bakwanza 200 ha 10 ha
7 Exploitant 7 Bunia Makusiki/Bakwanza 100 ha 5 ha
8 Exploitant 8 Beni Mabukulu/Bakwanza 100 ha 10 ha
9 Exploitant 9 Bunia Bengasoli/Bakwanza 100 ha 10 ha
10 Exploitant 10 Butembo Malutu/Teturi 3000 ha 10 ha
11 Exploitant 11 Beni Kateturi / Teturi 400 ha 5 ha
12 Exploitant 12 Beni Etabe /Teturi 200 ha 10 ha
13 Exploitant 13 Beni Lwemba/Teturi 200 ha 5 ha
14 Exploitant 14 Beni Kanana/ Teturi 200 ha 6 ha
15 Exploitant 15 Teturi Kambau/Teturi 200 ha 5 ha
16 Exploitant 16 Etabe Etabe/Teturi 20 ha 5 ha
17 Exploitant 18 Teturi Teturi 300 ha 7 ha
18 Exploitant 18 Oicha Mahulo/sayo/ Teturi 200 ha 6 ha
19 Exploitant 19 Lwemba Lwemba/Teturi 200 ha 5 ha
20 Exploitant 20 Bunia Mabukulu/Bakwanza 200 ha 10 ha
21 Exploitant 21 Mambasa Mabukulu/Bakwanza 100 ha 10 ha
22 Exploitant 22 Bunia Babomakisi/Bakwanza 100 ha 10 ha
23 Exploitant 23 Butembo Malutu / Teturi 200 ha 10 ha
Lors des entretiens avec certains exploitants, nous avons appris que dans la pratique
l’exploitant obtient d’abord l’autorisation des chefs coutumiers. Puis il engage des
négociations avec les communautés locales et signe un contrat avec la communauté
ou un membre de la communauté propriétaire des arbres à vendre. Une fois réglée la
vente d’une partie de la forêt ou d’un certain nombre d’arbres, vient alors la constitution
du dossier auprès du Service de l’Environnement en place (à Mambasa dans notre cas).
L’agrément, ainsi que le permis qui s’ensuivent, relèvent du Gouvernement de province.
Les exploitants désirant s’assurer que leurs agréments et/ou leurs permis de coupe soient
approuvés sans trop de délai devront aller en personne à Kisangani déposer leur dossier
de demande et payer les taxes afférentes. La possibilité existe aussi que le Service de
l’Environnement de Mambasa s’engage à transférer les documents nécessaires ainsi que
139
Le bois à l’ordre du jour
Le cahier des charges est un document standard prévu par l’arrêté no023 du 07 juin 2010
fixant un modèle d’accord entre les exploitants industriels et les communautés. Il prévoit
les droits et obligations des parties contractantes. Ce cahier des charges indique les
infrastructures que l’exploitant industriel doit réaliser au profit des communautés ainsi
que les responsabilités de l’État dans l’exécution des clauses du contrat.
Selon l’article 113 du code forestier, « ce contrat doit être subordonné à l’approbation
de l’administration forestière locale ». Cependant, le Service de l’Environnement local
de Mambasa nous affirme que son bureau n’a aucun rôle dans les négociations entre
140
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
Souvent, l’on découvre aussi des quantités de bois coupés qui finissent par pourrir dans
la forêt (Dondo, 2010). L’abandon du bois est justifié d’une part par le manque de moyens
de l’exploitant pour assurer son évacuation, et d’autre part par l’absence d’accord entre
les communautés et l’exploitant. Pour valoriser le bois issu des forêts communautaires, il
a été recommandé lors de l’atelier de Forests Monitor (2009) que chaque communauté
d’un lieu d’exploitation ait droit à une copie du permis de circulation de l’exploitant et
de la feuille du carnet de chantier émis par l’administration locale de l’Environnement.
Le carnet de chantier est un document d’enregistrement des abattages effectués sur un
chantier d’exploitation forestière. Ce document doit être fourni à l’exploitant forestier par
l’administration. L’exploitant lui-même le présente ensuite rempli à l’administration pour
être visé (Forests Monitor et REM, 2010). Quant au permis de circulation, il s’agit d’un
document qui autorise l’exploitant à évacuer son bois du chantier vers le lieu de vente.
D’après les participants à cet atelier, ces documents qui portent plusieurs mentions, dont
l’origine, la destination et le cubage du bois coupé, permettraient aux communautés de
suivre les quantités du bois exploité et transporté hors de leur forêt.
141
Le bois à l’ordre du jour
10 10
Activités principales à Etabe (n=20) Activités principales à Lwemba (n=20)
Nombre des participants
6 6
4 4
2 2
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10 10
Activités principales à Mabuluku (n=20) Activités principales à Bengasoli (n=20)
Nombre des participants
6 6
4 4
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0 0
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Figures 1a-d.
Agriculture Activités
Chasse Pêche
Commerceprincipales
Commerce
Menuiserie
de bois(autre) exercées
/ construction
Minéraux par
Service public les communautés
Autres Chassed’Etabe,
Agriculture Pêche
CommerceBengasoli,
Commerce
Menuiserie
de bois(autre) Lwemba
/ construction
Minéraux etAutres
Service public
Mabaluku, en territoire de Mambasa.
Bien que ces localités se trouvent dans la même région, l’importance relative de chacune
de ces activités varie d’une localité à une autre : à Lwemba par exemple, on trouve
des carrières pour l’exploitation artisanale de l’or qui ont une grande influence sur la
dynamique quotidienne locale : elles ont fait naître suffisamment de commerces pour
fournir aux mineurs tout ce dont ils ont besoin. D’autre part de nombreux magasins sont
gérés par des personnes venues d’ailleurs (originaires de Butembo et de Beni à l’est du
district) et qui finissent par s’établir dans le village. Or, l’influence de ces commerçants est
considérable : ils offrent des options alternatives à la population qui s’est ainsi engagée
dans une variété nouvelle d’activités comme la vente d’essence, la distillation et la vente
de boissons, la réparation de vélos, la couture, la restauration, l’exploitation minière et
le service public. Par contre, à Etabe, Bengasoli et Mabukulu ce dynamisme commercial
est pratiquement inexistant. On y vend plutôt des produits champêtres, du charbon de
bois, du bois de construction, des lianes, et certains produits forestieres non ligneux
(PFNL) comme la viande de singe notamment. La viande sauvage de singe se vend
142
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
en effet beaucoup à Etabe, centre de Teturi, ainsi qu’au marché de Lwemba, et parfois
elle est même exportée vers Beni et Butembo. Son commerce est toutefois périodique.
Cependant, les activités de service telles que la vente de « lotoko »5, le moto-taxi, la
réparation de vélos et de motos s’exercent dans toutes les localités.
Bien que l’exploitation du bois génère des recettes pour les transporteurs, l’évacuation
constitue un certain genre de nuisance : comme on peut le voir dans la figure 2, dans
deux localités le bois est uniquement transporté sur la tête, un travail éreintant et
mauvais pour la colonne vertébrale. Dans les deux autres localités on transporte aussi
le bois à vélo.
60
50
40
Pourcentage
30
20
10
0
Etabe Luemba Mabukulu Bengasoli
Le prix que l’exploitant doit payer aux transporteurs varie selon la distance entre le
chantier et le lieu d’embarquement ou d’entreposage. Le prix varie de 2 à 6 USD par
planche pour les transporteurs, et de 8 à 10 USD par m3 pour les machinistes. Pour ces
derniers, le calcul de la paie se fait en effet en fonction du cubage du bois qu’ils ont scié.
Ceux-ci affirment qu’ils peuvent scier jusqu’à 2 m3 par jour.
Par ailleurs, ces jeunes affirment qu’il ya des exploitants qui ne parviennent pas à
s’acquitter de l’intégralité des paiements convenus, et qu’ils s’en vont parfois après avoir
payé seulement la moitié de ce qu’ils doivent aux travailleurs, tout en leur promettant
de revenir solder le reste après la vente du bois. Mais souvent ils ne reviennent jamais.
Le travail occasionnel de la population dans l’exploitation artisanale du bois n’est pas une
activité considérée comme importante. Dans le tableau 1, nous avons vu que la majorité
des exploitants forestiers provenait de Beni, Butembo et Bunia. Il arrive que certains
membres des communautés soient embauchés par les exploitants artisanaux comme
143
Le bois à l’ordre du jour
transporteurs ou aides-machinistes, mais ils sont très peu nombreux car la plupart des
exploitants viennent avec leurs propres travailleurs.
Il y aussi 14% de la population locale qui travaille dans la transformation du bois, comme
la menuiserie ou la construction, et dans le commerce du bois. Avant, les menuisiers
coupaient le bois avec une hache et le transformaient avec des scies de long. Les
propriétaires des arbres coupés demandaient aux exploitants d’être payés en argent et
en espèces (notamment en planches). Ces planches, ils les fournissaient aux menuisiers
pour en faire des produits finis : fenêtres, portes, chaises. La technique de sciage avec les
scies de long est encore utilisée, mais seulement pour la production locale de bois et de
meubles. La commercialisation du bois scié n’est en effet plus assez rentable selon les
exploitants, à cause de la multiplicité et de l’illégalité des taxes ainsi que d’un nombre
important d’intermédiaires qui gonflent les prix de vente.
La perception concernant leur droit coutumier sur la terre et les ressources naturelles
est très forte chez les populations de la RD Congo. Les communautés n’ont pas de droits
formels sur la terre ni sur les ressources naturelles, mais leur droit coutumier est reconnu
par la loi (sans aucune réglementation afférente), et il est en tous cas certainement
reconnu pas tous ceux qui font affaire dans des régions de propriété coutumière.
Cette reconnaissance se manifeste par le ‘Mapatano’ ou accord de négociation avec les
communautés, et les paiements ‘de mise en confiance’ (la prise en charge des malades de
la communauté ou la scolarisation de ses enfants par exemple).
En fait, dans les zones rurales, le droit coutumier et le droit formel de l’État congolais se
chevauchent puisque les autorités coutumières sont agréées par l’État. Suivons de haut
en bas la hiérarchie de la gestion territoriale des terres en RD Congo : L’Administrateur
de territoire est nommé et relevé de ses fonctions par le Président de la République,
sur proposition du Ministre de la République ayant en charge les affaires intérieures.
Quant au chef de chefferie (ou de secteur), il est désigné selon la coutume dans la
famille régnante coutumière, mais il est agrée par le gouverneur de province. Le chef de
groupement quant à lui, est un membre de la famille régnante coutumière. Il est installé
par l’Administrateur de territoire ou le Bourgmestre, et il est reconnu par arrêté du
Ministre national de l’Environnement, Conservation, de la Nature et Tourisme (MECNT).
Le chef de localité (ou de village) est désigné selon la coutume, reconnu par décision de
l’Administrateur de territoire et installé par le chef de groupement (articles 6, 28 et 31 de
la loi organique du 18 mai 2010).
144
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
portion de forêt, les coutumes exigent que l’exploitant s’entende au préalable avec
le chef terrien (celui-ci pouvant donc être le chef du clan ou chef de localité) pour lui
demander de l’aider à trouver une partie de forêt hébergeant des arbres à couper. Le
pouvoir d’attribution de la forêt sur l’espace coutumier repose donc entre les mains des
chefs terriens qui décident avec l’avis des sages du village. C’est pourquoi les exploitants
offrent quelque chose au chef terrien pour le « mettre en confiance ». Ils payent ensuite
le ‘droit des sages’.
50 75
Droit de chef terrien
100
Vacance de terre -
Chef de collectivité
600 150 Vacance de terre -
Chef de groupement
Délimitation
(droit coutumier)
Droit des sages
300 Droit d'accès
Figure 3. Paiements locaux (1.275 USD).
Les négociations peuvent donc se faire sur une zone de coupe, mais dans certains
endroits elles concernent plutôt le nombre d’arbres. Le prix des arbres est négocié par
pied (ce prix varie entre 30 à 50 USD l’arbre). Il est déterminé par plusieurs facteurs : la
qualité de leur essence, leur volume, la facilité de leur évacuation depuis le lieu de coupe,
etc. Cependant, le paiement de la coupe englobe plusieurs frais dont certains sont
versés aux chefs terriens et chefs coutumiers à des niveaux différents, depuis la localité
jusqu’au territoire. Ces chefs réclament parfois des biens (motos, tôles, vaches, chèvres,
quantités de bois scié...). L’exploitant peut aussi être amené à rendre certains services à
la communauté durant la phase de l’exploitation, même si ces services ne figurent pas
sur la liste des biens demandés. C’est le cas lorsqu’un membre de la communauté tombe
malade ou lorsqu’un décès frappe une famille. L’exploitant est alors sollicité pour garantir
les soins médicaux ou fournir un cercueil.
145
Le bois à l’ordre du jour
Ces droits coutumiers varient parfois avec ceux des acteurs des autres filières. Ainsi pour
l’agriculture par exemple, le droit coutumier pour tracer le ‘jalon’ (limite des champs)
est généralement payé au chef de localité à Bakwanza, tandis qu’il est payé aux chefs
terriens (Pusungwe) à Teturi, et le droit des sages est payé par contre aux conseillers du
chef.
Néanmoins, les communautés affirment que si un exploitant arrive pour solliciter l’espace
en vue de pratiquer des cultures pérennes comme celles du cacao, du café ou de la palme,
elles lui demanderont de réaliser une œuvre d’intérêt communautaire, une école ou un
centre de santé. Car lorsqu’une portion de forêt est octroyée pour ce genre d’activité,
elle devient propriété exclusive de l’acquéreur sur le long terme, et les communautés ne
peuvent plus utiliser leurs terres. Dans ce cas en effet, on peut considérer que la portion
de forêt vendue devient une concession foncière puisque la personne qui achète une
telle portion de forêt a droit non seulement de jouir du sol mais aussi de toutes les autres
ressources telles que le bois. Les autres droits sont plus ou moins dérisoires comparés
à ceux qui s’appliquent au bois. On peut en déduire que les villageois ont une certaine
marge de négociation avec les exploitants artisanaux.
146
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
Pour les exploitants qui exportent du bois, il existe encore une autre série de taxes. Par
exemple, la taxe de l’EAD6 (3 USD/m3), celle de l’IPMEA-DGRAD7 (3 USD/m3), de l’IPMEA-
DGI8 (3 USD/m3), la taxe phytosanitaire9 (100 USD/camion), le bon de chargement10 (25
USD/camion), taxe ad valorem11 (10 USD/m3), celle de la FEC12 (50 USD/entrepreneur), la
patente commerciale (37 USD/entrepreneur) etc. Dans son étude, Chishweka (2010) a
relevé que le montant total de ces frais et taxes combinés peut atteindre jusqu’à 21 000
USD par camion à l’exportation !
Quant aux fonds générés par l’exploitation artisanale au profit des communautés, leur
gestion n’est pas claire à Babila Teturi où il n’existe pas de structures organisées à cette
fin. Les biens reçus sont souvent gérés par les personnes membres de la famille titulaire
de la forêt. Tandis que dans le groupement de Babila Bakwanza, il existe une structure de
gestion collective qui démarre au niveau de la localité et termine à celui de la chefferie.
Elle est constituée de Comités de Base (COBA), chacun composé d’un président, d’un
vice-président, d’un secrétaire, d’un trésorier et de l’assemblée des membres de la
communauté. Dans la chefferie de Babila Bakwanza, la communauté possède une
concession forestière communautaire de 1 km2 à laquelle ses membres ont donné le
147
Le bois à l’ordre du jour
Quant à la gestion des bénéfices, dans les deux groupements, certains Pygmées affirment
qu’ils sont marginalisés par leurs frères bantous, autant dans la prise de décisions que
dans le partage des bénéfices issus de l’exploitation. Or selon eux, ils sont ceux qu’on
reconnaît comme maîtrisant le mieux la forêt. Néanmoins, ils interviennent dans la
délimitation des espaces à attribuer, et ils travaillent pour les exploitants artisanaux dans
le transport du bois.
Quant aux habitants de la localité de Lwemba mine, qui ne sont pas titulaires de leur
forêt, ils souhaitent que les chefs terriens (des Pusungwe) leur reconnaissent le droit d’en
jouir paisiblement. Car, affirment-t-ils, non seulement ils gèrent la localité, mais ils sont
également établis là depuis que la route fut tracée par les colons.
À cause des grands espoirs des communautés locales vis-à-vis des exploitants forestiers
industriels, les exploitants artisanaux se voient souvent confrontés à des exigences
similaires. Les communautés leur demandent donc de construire des écoles, des centres
de santé, d’améliorer des routes etc. Pourtant, l’intensité et la durée de l’exploitation
artisanale ne sont pas comparables à celles qui sont liées à l’exploitation industrielle. Car
entre les technologies, les moyens financiers et la durée des activités (une année pour les
artisans et 25 ans renouvelables chez les industriels) il y a un écart considérable.
Et la liste des besoins des communautés est longue : écoles, centres de santé, bureaux
pour les administrateurs de la localité et du groupement, eau potable, et amélioration
des routes pour écouler leurs produits vers les marchés. Parmi tous ces besoins, les
problèmes liés au manque d’eau potable sont les premiers dans toutes les localités de
nos deux groupements, car les nombreuses sources dont elles disposent ne sont pas
aménagées et sont de mauvaise qualité.
Dans certains milieux par contre, les communautés sont parfois conscientes que les
exploitants artisanaux ne peuvent répondre à tous leurs problèmes. C’est ainsi qu’en
collaboration avec certains d’entre eux, des initiatives communautaires ont pris forme,
comme à Etabe, où la communauté et les exploitants ont joint leurs efforts pour
construire une école de trois classes.
148
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
ou de vente, les exploitants doivent débourser cinq dollars en moyenne pour chaque
planche. Et les transporteurs doivent faire plusieurs centaines de mètres, voire des
kilomètres, avec des planches souvent lourdes – dans le cas du « punga » (milencia
excelsa) par exemple. Ces pistes sont des chemins que les artisans ouvrent avec leurs
transporteurs à coup des machettes. D’autre part, en saison des pluies, les localités sont
souvent inaccessibles. Certains exploitants affirment avoir aussi des difficultés liées
à la logistique dans les localités de Mabukulu, de Lwemba, et d’Etabe : la plupart des
tronçonneuses qu’ils utilisent sont soit de seconde main soit de mauvaise qualité. Leurs
pièces de rechange coûtent chers. C’est le cas des vilebrequins (420 USD), des cylindres
(250 USD) et des pistons (140 USD), qu’il faut changer régulièrement.
100 Agrément provincial (gouverneur)
150
Permis de coupe (gouverneur)
10
500 50 Constitution du dossier
50
50 Vacance de terre (AT)
Taxe sur la tronçonneuse (SE)
200
Taxe sur la superficie (SE)
Taxe d’abattage (SE)
500 250 Frais techniques (SE)
Redevance forestière (SE)
Délimitation (SE)
Figure 4. Problèmes mentionnés par les exploitants (n=8).
Les autres problèmes sont les moyens financiers limités, le manque d’un marché organisé
pour ceux qui n’exportent pas (surtout à Etabe où les exploitants n’ont qu’un marché
local). Ces derniers vendent sur place et affirment que les acheteurs leurs imposent
souvent leur prix. Ceux qui exploitent sur l’axe Mambasa-Komanda affirment quant à
eux qu’ils doivent payer divers frais non justifiés, parfois même aux militaires.
4. Discussion
Au vu des données présentées dans cette étude nous avons identifié trois axes principaux
de discussion :
1. Les permis de coupe comme base de l’exploitation artisanale et de la gestion de
la forêt ;
2. Les règles opaques de l’exploitation artisanale ;
3. La relation entre les communautés locales et les exploitants artisanaux ;
La loi prévoit que le permis donne aux exploitants artisanaux le droit à une superficie de
50 hectares. Cependant, le permis est souvent octroyé pour des superficies supérieures
149
Le bois à l’ordre du jour
Cette obligation dans les forêts des communautés incombe cependant aux communautés
elles-mêmes et aux exploitants, sous la supervision de l’administration forestière (article
78 du code forestier). Mais le silence de la loi, caractérisé par l’absence de mesures
d’application du code forestier, est remarquable ici aussi. La durée du droit d’exploitation
artisanale (trois ans au maximum pour les agréments, et un an au maximum pour les
permis de coupe) ne pousse pas les opérateurs à se conformer à une gestion durable de
la forêt. Beaucoup d’exploitants visent une certaine catégorie d’essences, et quand ils
ont terminé ils se déplacent ailleurs et ainsi de suite. La province qui a essentiellement la
compétence de légiférer pour le secteur artisanal du bois et qui tarde à le faire doit initier
des mesures susceptibles de combler les lacunes que connaît ce secteur.
Une possibilité serait de promouvoir la gestion forestière par les communautés locales et
de les impliquer dans l’exploitation artisanale de bois afin de garantir que ce secteur leur
profite directement et que l’exploitation se base sur des principes de gestion durable.
La première option pour les communautés serait de s’impliquer directement dans la
gestion durable, la coupe et la transformation du bois pour sa commercialisation. Si
c’était en effet les membres des communautés qui coupaient, sciaient et vendaient les
bois cela leur donnerait le contrôle total de ce qui se passe dans leurs forêts et elles en
tireraient certainement plus de bénéfices, tant financiers qu’écologiques.
La deuxième option serait que les communautés exploitent leur forêt par l’intermédiaire
de tierces personnes. Elles définiraient ainsi le nombre et la qualité des essences
pouvant être coupées. Pour la coupe et sa commercialisation elles signeraient, comme
actuellement, des contrats de vente avec des exploitants artisanaux, et seraient mieux
à même de contrôler ce que les exploitants font dans leurs forêts. Mais pour ce faire,
chaque communauté, pour un lieu d’exploitation déterminé, devrait disposer d’une
copie du permis de circulation et de la feuille du carnet de chantier (Forests Monitor,
2009), documents qui faciliteraient le contrôle et la traçabilité du bois produit dans les
forêts qu’elles détiennent.
150
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
Cette possibilité est déjà incluse dans la loi forestière, mais depuis 2002, aucune mesure
d’accompagnement n’est venue mettre en application cette disposition. Si aux termes du
code forestier les exploitants artisanaux doivent opérer dans les forêts des communautés
locales, il faudrait aussi déjà définir « les forêts des communautés locales ». Aujourd’hui le
statut de ces forêts fait totalement défaut.
14 http://pmumunay.blogspot.com/2010/10/exploitation-artisanale-de-bois.html
151
Le bois à l’ordre du jour
et valeurs à payer par les exploitants sont déterminés par les besoins qu’éprouvent les
chefs de clan et leurs sages, et non pas par ceux de l’ensemble de la communauté. Il
existe aussi bien sûr des clans où les chefs se conforment à l’avis des sages et des chefs de
famille avant de prendre des décisions. Ils prennent alors plus ou moins en considération
les besoins des différentes familles dans la distribution des bénéfices.
Les communautés affirment qu’il existe parfois des relations entre les exploitants et
certaines autorités politico militaires. C’est dans ces cas-là que le pouvoir de négociation
des chefs coutumiers s’évapore. Car ces autorités ne veulent jamais se conformer aux
désidératas de la communauté et usent de leur statut pour faire ce qu’elles veulent.
C’est là l’une des causes les plus importantes des conflits entre exploitants forestiers et
communautés. Pour apaiser le climat entre ces deux acteurs, il faudra que l’administration
ne puisse plus octroyer d’autorisations à ce genre de personnes, d’autant plus que leur
fonction leur interdit de faire du commerce. Il est essentiel que l’octroi de documents
administratifs aux exploitants soit conditionné à la signature préalable de l’accord entre
exploitants et communautés en vue de préserver les droits de ces dernières.
5. Conclusion
L’exploitation forestière artisanale de bois rapporte quelques avantages aux membres
des communautés sous forme d’investissements d’intérêt général, mais ceux-ci restent
rares car les exploitants artisanaux ont des difficultés pour répondre aux désidératas
de communautés qui aspirent à avoir des infrastructures d’intérêt communautaire.
La plupart des artisans opèrent en effet avec un petit capital et la majeure partie des
dépenses qu’ils effectuent profite plutôt aux quelques personnes qui sont à la tête des
familles ou des clans.
La réglementation des taxes s’avère aussi très nécessaire pour éviter des tracasseries aux
exploitants, qui affirment payer des frais sans qu’on leur en précise le motif exact. Ces
derniers ont également besoin d’un encadrement sur le plan technique. Ceci pourra leur
permettre d’améliorer leur travail et de valoriser le bois local.
152
L’exploitation forestière artisanale, un outil de développement ?
153
Le bois à l’ordre du jour
MECNT (2011) Liste des permis de coupe artisanale rédigée par le directeur Djengo, consultée
le 7 oct. 2011: http://www.mecnt.cd/images/DOWN/liste%20pcab10.pdf
Ministère Provincial de l’environnement et OCEAN (2010) Rapport de la réunion de
restitution des résultats de recherches sur l’exploitation artisanale en Ituri et aux
environs de Kisangani, Kisangani, RD Congo, 16 p
Secrétariat du groupement Babila Teturi (2011) Campagne de recensement pour l’année 2010
Service du secrétariat de la chefferie Babila Bakwanza (2011) Fiche de recensement,
campagne de 2010
154
Sciage artisanal : Approfondir
la connaissance de la chaîne
de production
Étude menée dans la ville de
Kisangani et environs, province
Orientale, RD Congo
Dieu-Merci Assumani, Charlotte Benneker et
Jean Dennis Likwandjandja1
1. Contexte et Problématique
Le plan d’action FLEGT2 de l’Union Européenne prévoit l’élaboration d’Accords de
Partenariat Volontaires (APV) avec les pays producteurs de bois d’œuvre, dont la RD Congo,
pour assurer la légalité du bois exporté vers le marché européen. Les APV supposeront à
moyen et long terme l’établissement d’un système de traçabilité de l’ensemble du bois
produit à l’échelle nationale, et à octroyer des certificats de légalité. Le protocole TLS3, un
protocole de légalité du bois, actuellement au centre du processus de l’APV et de l’avenir
du commerce du bois des pays producteurs, inclut des éléments tels que la définition du
bois produit légalement, le contrôle de la chaîne d’approvisionnement (un système de
suivi du bois), les mécanismes de vérification, la délivrance de licences et de surveillance
par des tiers et indépendante des systèmes existants (Hijweege et Arts, 2007). Le FLEGT
est plutôt pensé pour les exploitants industriels, pour atténuer les impacts potentiels
de l’APV sur l’industrie, mais certains pays, comme le Ghana et le Cameroun, ont pris la
décision d’améliorer également la gouvernance sur le marché local et non industriel du
bois (Cerutti et Tacconi, 2006). Après plusieurs décennies de guerre, la RD Congo est en
train de rétablir lentement ses institutions politiques et son économie (Counsell, 2006)
et maintenant elle s’est résolument engagée dans des négociations FLEGT et prévoit de
signer un accord avec l’Union Européenne en juin 2013.
155
Le bois à l’ordre du jour
S’il n’existe pas de normes claires pour diriger les activités forestières à petite échelle, il
est difficile d’en améliorer la légalité (Assumani, 2010).
En même temps, on sait aussi que l’exploitant artisanal ne travaille pas dans des
conditions faciles : le cadre légal ne lui donne pas de droits clairs et précis sur l’accès à
la forêt et sur la façon dont il peut faire son travail ; l’utilisation de matériels vétustes et
l’absence quasi totale d’investissements dans ce secteur ne permettent pas d’atteindre
une qualité de production satisfaisante ; l’insécurité règne dans plusieurs parties du
pays ; les infrastructures pour l’extraction du bois sont très rudimentaires ce qui entraîne
des coûts de production élevés ; l’éloignement de la matière première augmente suite
à l’engouement des acteurs pour le secteur ; la pénurie de carburant et de pièces
de rechange ainsi que l’insuffisance d’une main d’œuvre spécialisée pour l’activité
complètent cette liste de handicaps (Forests Monitor, 2007).
156
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
œuvre d’un système de traçabilité, il est nécessaire de bien connaître les pratiques réelles
d’exploitation de bois d’œuvre.
Les questions que nous nous sommes posées sont les suivantes :
1. Quelles sont les caractéristiques générales des exploitants artisanaux ?
2. Quelles sont les caractéristiques générales de la chaîne de production ?
3. Quels sont les types d’interrelations entretenus par ces acteurs ?
Dans le cadre de la présente étude nous avons visité les marchés locaux de bois qui se
trouvent au bord des rivières et qu’on appelle ‘beach’ : celui d’Avebo dans la commune
de Mangobo au bord de la rivière Tshopo, ceux de Bakumu à Simisimi au bord du fleuve
Congo, de Kpama Baramoto dans la commune de Makiso en amont du pont Tshopo, et
de Kikongo dans la commune de Kisangani en amont des chutes Wagenia sur le fleuve
Congo.
2.2 Méthodologie
Nos outils : d’abord un questionnaire d’enquête avec des questions ouvertes et semi
structurées, élaboré par l’équipe de recherche de Tropenbos International RD Congo, elle-
même composée d’un chercheur, d’un assistant de recherche et d’un superviseur. Lors des
différentes descentes sur le terrain, les chercheurs se sont servi de ce questionnaire pour
récolter leurs données auprès d’exploitants artisanaux de bois d’œuvre, tout en utilisant
l’approche participative par groupe cible (homogène, hétérogène) et individuelle.
Du 16 mars au 18 mai 2011, plusieurs sorties ont permis de récolter les données, et un
total de 34 exploitants artisanaux ont étés interrogés. Les enquêtes ont été complétées
par des recherches documentaires dans le but de consolider le travail. Les données ont
été ensuite encodées et enregistrées, d’abord dans un tableur puis importées au logiciel
SPSS pour leur traitement.
157
Le bois à l’ordre du jour
3. Résultats
3.1 Connaissance des exploitants artisanaux
Ce premier paragraphe a comme objectif de donner quelques informations générales
sur les personnes qui pratiquent l’exploitation artisanale. L’information se base sur
des entretiens avec 34 exploitants qui opèrent à Kisangani. On estime le nombre total
d’exploitants artisanaux œuvrant autour de Kisangani à 450 personnes. Notre échantillon
représente donc 8% des exploitants.
Plus de la moitié des exploitants artisanaux présents dans la ville de Kisangani pendant
la période de cette étude étaient auparavant négociants en diamant, en or, et autres
matières précieuses. Suite à la réduction de ces activités pendant la période des guerres
en RD Congo, ils se sont tournés vers le bois. Ce sont elles d’ailleurs qui leur ont permis
d’avoir le capital pour entreprendre l’exploitation artisanale de bois d’œuvre.
Les exploitants artisanaux se composent de 88% des hommes et 12% des femmes. C’est
une bonne chose que de pouvoir constater que les femmes participent aux affaires, et
c’est souvent comme opératrice sou commerçantes. Le nombre élevé d’hommes dans
la filière est dû à la pénibilité du travail qu’exige l’exploitation forestière artisanale, et
la majorité des femmes qui s’y trouvent remplacent en fait leurs maris, leurs frères, etc.,
qui sont agents de l’État ou officiers supérieurs de l’armée et/ou de la police, bref, des
personnes exerçant le pouvoir et n’ayant pas le temps de suivre les activités sur le terrain.
158
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
L’étude montre que plus de 50% des exploitants artisanaux n’ont suivi que l’école primaire,
21% l’école secondaire, et que 21% sont allés à l’université (Tableau 2). Elle montre aussi
qu’en termes de formation technique spécialisée sur les techniques forestières, 88% des
exploitants n’en n’ont jamais suivi contre 12% seulement ayant suivi quelques cours, soit
à l’école soit à l’université.
La plupart des exploitants sont donc peu instruits mais il y a de grandes différences en
termes de niveau d’instruction. À cause du chômage et des possibilités économiques
offertes par l’exploitation artisanale on y trouve aussi des professionnels venant d’autres
branches. La crise économique et le manque de travail approprié restent à la base de
cette activité.
Le nombre d’années passées dans l’activité, présenté au tableau 3, donne une indication
de son apport socio-économique dans la région. La plupart des exploitants (42%) ont
entre 5 à 10 ans d’expérience dans le travail, 38% ont plus de 10 ans d’expérience, et
21% sont des débutants. Cette information montre que l’exploitation artisanale autour
de Kisangani existe dans la société depuis des décennies. En plus, c’est une activité
qui attire toujours de nouveaux acteurs, qui s’y investissent et en font leur priorité.
Pourtant nos données ne montrent pas que dernièrement le nombre de débutants
ait beaucoup augmenté, ce qui remet en question l’idée générale selon laquelle il
y aurait eu dernièrement une véritable hausse de l’exploitation de bois. Il se pourrait
que le processus de sélection des exploitants à questionner dans notre étude n’ait
pas su identifier correctement les débutants. D’autre part, le nombre d’exploitants
ne donne pas d’informations sur le volume de bois exploité, et il est probable que les
exploitants exploitent un volume plus important qu’auparavant grâce à l’utilisation de
tronçonneuses au lieu de scies de long.
159
Le bois à l’ordre du jour
Pour réduire le risque de rester sans revenus quand des problèmes surgissent dans une
activité spécifique, la population développe des mécanismes d’adaptation à d’autres
activités. Ainsi, les exploitants ayant participé à nos entretiens font aussi du petit
commerce, de l’agriculture, de l’élevage et de la vente de diamants. La figure 1 montre
cependant que pour 56% des personnes interviewées l’exploitation artisanale de bois
est l’activité économique la plus importante. Donc, plus de la moitié des exploitants
artisanaux s’adonnent en priorité à l’exploitation artisanale de bois. Ce qui prouve que
c’est une activité relativement stable et qui procure des revenus assurés à ceux qui
l’entreprennent.
60
50
40
Pourcentage
30
20
10
0
Commerce Expl. Agriculture Elevage Diamant
Art bois
Figure 1. Importance relative des activités entreprises par les exploitants artisanaux.
100
80
Pourcentage
60
40
20
0
Confession Organisation Organisation
réligieuse civile politique
Figure 2. Participation à une organisation civile, politique ou religieuse.
La figure 2 donne le pourcentage des exploitants artisanaux interviewés participant
d’une confession, ou encore d’une organisation civile ou politique.
160
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
peut être un indice qui traduit la nature de la confiance que la communauté peut vous
faire.
Les exploitants adhèrent à des organisations de caractère coopératif (82%) qui leur
permettent de résoudre certains problèmes liés à leur métier.
À Kisangani, il existe trois associations composées d’au moins 108 exploitants pour
l’AVEBO4, 70 exploitants pour ILEXA-Bois5 et 15 exploitants regroupés dans l’APBois6.
Ces associations facilitent l’obtention collective de plusieurs documents exigés par
l’administration chargée des forêts, comme les agréments et les permis de coupe, et
font du lobbying essentiellement pour faire face à toutes les formes de tracasserie. À
côté de ces exploitants regroupés en associations, il en existe également qui n’adhèrent
à aucune association.
L’impression générale est que la plupart des exploitants sont des politiciens et militaires
qui bénéficient de leur pouvoir pour exploiter les ressources forestières. Or parmi les
exploitants interviewés seulement 24% ont des liens avec des organisations politiques.
Cependant, la politique influence toujours, de près ou de loin, toute activité rémunératrice,
et les exploitants les plus proches des instances politiques n’ont généralement pas
besoin des documents d’exploitation exigibles, et possiblement pour cette raison, pas
besoin de s’associer non plus.
Le tableau 4 montre que 82% des exploitants artisanaux dans la chaîne sont des
« patrons ». On les appelle ainsi parce qu’ils investissent les moyens financiers et matériels
pour la mise en œuvre des travaux d’exploitation de bois d’œuvre. Ont peut distinguer
deux types de patrons, ceux qui dirigent eux-mêmes les travaux sur le terrain, et ceux
qui emploient des gérants pour le faire à leur place. De manière générale, les patrons
ne restent pas en forêt pour suivre les travaux, ils peuvent toutefois effectuer des visites
pour suivre l’évolution des travaux.
161
Le bois à l’ordre du jour
Les patrons peuvent aussi être en même temps responsables de scieries en ville pour la
transformation des produits en planches, madriers, chevrons, etc.
Une deuxième catégorie, qui représente 18% de l’ensemble de l’échantillon, est celle des
gérants. Certains patrons en effet les embauchent pour superviser toutes les activités de
production de bois d’œuvre ; les gérants sont responsables de l’organisation et du suivi
des travaux sur le terrain ainsi que de tout ce qui concourt à la vie de l’équipe (carburant,
vivres etc.). Ils entrent en forêt avec des équipes de travail constituées de machinistes/
scieurs et de manutentionnaires. Alors que les machinistes viennent de Kisangani
(parfois d’ailleurs aussi), les manutentionnaires sont souvent embauchés sur place parmi
les villageois.
D’après nos enquêtes, il existe des cas d’abus de confiance dans la filière. Certains
gérants se livrent en effet à la vente de bois en forêt sans autorisation de leurs patrons,
et parfois ne leur présentent que la moitié de la production. Ce qui oblige ces derniers à
se rendre eux-mêmes sur le terrain pour surveiller les travaux de l’exploitation. Ce genre
de comportement chez les gérants entraîne un climat de méfiance entre patrons et
gérants, générateur de coûts élevés dans la chaîne de production. Et certains patrons,
qui ont pourtant les ressources financières suffisantes pour investir et augmenter leur
production de bois, ne trouvent pas les ressources humaines de confiance nécessaires
pour le faire.
Il arrive aussi qu’un machiniste, après avoir épargné suffisamment, se mette à son compte
comme exploitant. Il devient alors patron lui aussi. Cette possibilité d’ascension dans
la chaîne de production est importante : l’exploitation artisanale est donc une activité
économique dans laquelle la mobilité sociale est réelle pour les acteurs sans assez de
moyens financiers pour débuter comme exploitant.
Il existe encore une classe particulière d’exploitants occasionnels constituée d’« ayant-
droit ». Elle se compose de propriétaires traditionnels de terres sur lesquelles l’abattage
et la transformation des arbres sont plus ou moins tolérés. Leur production vise
généralement à approvisionner la demande locale.
Matériels
Les figures 3a et 3b mettent en évidence le type de matériel utilisé en exploitation
artisanale de bois d’œuvre à Kisangani et environs.
100 100
80 80
Pourcentage
Pourcentage
60 60
40 40
20 20
0 0
Tronçonneuse Scie de long Charrette Pirogue Camion
Figures 3a et 3b. Types de matériels et modes de transport utilisés par les exploitants.
162
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
Bien que l’exploitation artisanale de bois soit une activité ancienne, l’utilisation
d’instruments motorisés a changé les aspects technologiques de cette dernière depuis
les dix dernières années (Abdala et al. 2010). Gerkens et al.(1991), dans leur étude sur
l’exploitation artisanale au Zaïre par exemple, font seulement mention de scies de
long. Actuellement à Kisangani la plupart des exploitants utilisent la tronçonneuse
pour l’abattage et le sciage des grumes, même s’il existe encore quelques exploitants
qui utilisent la scie de long7. Avec la scie de long, le travail de transformation se fait
manuellement. On creuse un trou profond sur lequel on pose la grume. Les scieurs se
situent l’un en-dessous de celle-ci, dans le trou, et l’autre au-dessus de la grume pour
pouvoir la scier à deux, longitudinalement, avec une longue scie à main. Cette scie est
difficile à manier, c’est un travail dur, et la qualité de la planche et son aspect extérieur
sont relativement mauvais. Mais comme le coût de démarrage avec ce matériel a
l’avantage d’être peu élevé, cela permet à ceux qui n’ont pas de moyens de s’investir
dans le sciage. Le tableau 5 (plus bas) montre que tous les exploitants qui utilisent la scie
de long sont propriétaires de leur scie.
La majorité des exploitants qui utilisent la tronçonneuse en sont propriétaires. Bien que
l’on s’attende à ce que tous les patrons soient propriétaires de leurs tronçonneuses, le
pourcentage des patrons inclus dans notre étude (82%, tableau 4) est plus haut que le
pourcentage des propriétaires de tronçonneuses (62%, tableau 5). Les exploitants qui ne
sont pas propriétaires de tronçonneuses les louent auprès de leurs collègues.
Pour le transport de bois du pied d’abattage jusqu’à la grande route, 85% des exploitants
utilisent la charrette8. La plupart du temps les charrettes sont louées sur place au village
mais quand même, un tiers des exploitants possèdent leur propre charrette. Une autre
méthode pour transporter le bois dans la forêt est le portage sur la tête. À Kisangani
le vélo n’est pas utilisé, contrairement aux autres régions de RD Congo. En fonction de
la position de l’arbre abattu par rapport aux routes ou aux cours d’eau, les exploitants
7 Scie de long : c’est une grande scie maniée par deux ou trois personnes ; elle permet de transformer un tronc (ou grume) en
planches.
8 La charrette à deux roues, tirée par des personnes, comme alternative au portage du bois sur la tête.
163
Le bois à l’ordre du jour
Sources de financement
L’exploitation artisanale de bois est une activité qui demande quelques fonds tant au
démarrage qu’au cours même de l’activité. Lors de nos entretiens avec les exploitants,
nous avons compris que l’exploitation artisanale de bois pouvait démarrer grâce à
d’autres activités lucratives antérieures. Le tableau 6 présente les différentes sources de
financement des exploitants artisanaux de bois d’œuvre.
164
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
Pour la majorité des acteurs interviewés dans cette étude, les fonds utilisés pour leur
travail dans le bois proviennent du petit commerce (44%). Le petit commerce est
généralement un commerce de famille, où l’on n’a pas la possibilité d’engager quelqu’un,
et où c’est la famille restreinte elle-même qui s’occupe des achats comme des ventes. La
deuxième source de financement c’est l’exploitation artisanale et la commercialisation
du diamant (21%), une activité importante dans la province ; 15% des exploitants ont
comme troisième source de financement l’argent qui provient d’emplois parallèles ou
de crédits. Les fonds provenant d’emplois parallèles sont le salaire d’un agent de l’État
par exemple, ou d’autres activités rémunérées mensuellement : il s’agit de salaires. Le
crédit se base sur des fonds prêtés par une banque mais aussi par d’autres personnes
physiques ou morales, et qu’on est obligé de rembourser.
Certains exploitants veulent avoir des documents officiels pour exercer leur activité.
Comme nous l’avons indiqué auparavant, ils s’unissent quelquefois avec d’autres dans
des associations ad hoc qui ont comme objectif principal de soutenir les exploitants
dans les processus administratifs vis-à-vis des services de l’État. Quelques exploitants
n’ont pas les moyens d’avoir des permis officiels, ou encore considèrent que cela n’est
pas une priorité. La figure 4 montre la répartition des choix de stratégie en la matière par
les exploitants de notre échantillon.
165
Le bois à l’ordre du jour
80
70
60
Pourcentage
50
40
30
20
10
0
Exploitant Exploitant Exploitant
Seul associé avec utilisant le permis
d'autres des autres
Figure 4. Obtention de permis de coupe par les exploitants.
Dans cette figure nous présentons des pourcentages du groupe d’exploitants interviewés
lors de cette étude. Il en ressort que 27% d’entre eux cherchent à avoir un permis de
coupe individuel, et que 62% des exploitants s’associent pour avoir des documents
d’exploitation collectifs en vue d’en réduire le coût. Une autre stratégie identifiée est
simplement de travailler avec les permis de coupe appartenant à d’autres exploitants,
frères ou amis, etc.
À part ces permis officiels il y a des frais, des droits, et des taxes à payer. Dans presque
toutes les études sur l’exploitation artisanale, mais aussi plus généralement dans les
études sur le fonctionnement de l’économie en RD Congo, on fait mention du grand
nombre de droits et de taxes redevables par les agents économiques aux différents
services de l’État. Cependant une grande partie de ces frais et taxes ne sont pas officiels,
mais résultent de tractations (et de « tracasseries ») entre les différents services de l’État
et les exploitants.
Le tableau 7 montre que l’exploitation artisanale de bois d’œuvre est une activité très
convoitée par les services de l’État vu qu’il existe plusieurs taxes, frais et services à leur
payer.
166
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
Selon les exploitants, la plus grande part de ces paiements se fait de la main à la main
et n’arrive presque jamais dans les caisses du trésor public. D’ailleurs lorsqu’on voit que
la contribution du secteur forestier en général au PIB est de 1% (MECNT-FORAF, 2008),
on penserait que la forêt ne contribue en presque rien à l’État congolais. Or de fait, les
exploitants y contribuent énormément, mais les agents de l’État qui perçoivent les fonds
ne les reversent pas au trésor public.
Dans ce tableau, il existe plusieurs taxes officielles pour le secteur industriel mais qui
sont également imposées aux exploitants artisanaux ; un tel arsenal de taxes ne permet
guère à ces derniers d’améliorer leur rentabilité !
Une fois reçu leur permis de coupe, les exploitants partent en forêt pour négocier un
à un les arbres se trouvant dans leur zone de coupe. La seconde manière suit la même
procédure. Avec les exploitants de la troisième catégorie, ayant déjà acquis des terres
auprès de la communauté, il ne leur reste qu’à en exploiter le bois sans aucune condition.
Selon les réponses des exploitants à nos questions, le prix varie entre :
• 20 à 50 USD/pied de ± 5 m3 pour une espèce de première qualité, telle que
l’Afrormosia
• 10 à 30 USD/pied de ± 5 m3 pour les espèces de seconde qualité, telles que le
Sapelli, le Sipo, le Kosipo ou l’Essia.
• 5 à 10 USD/pied de ± 5 m3 pour le bois blanc, de qualité moyenne (bois léger),
telle que l’Essessang.
168
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
Le membre de la communauté (ayant-droit) qui est allé sur terrain pour montrer l’arbre
à couper touche lui aussi un montant forfaitaire qui est appelé « droit de vision » et qui
varie généralement de 5 à 10 USD par pied. Le droit de vision n’est dû que si l’exploitant
s’engage à acheter l’arbre.
Dans cette optique, le chef n’intervient que comme facilitateur, garant et témoin
coutumier de la vente des richesses du village. Le contrat est dans tous les cas consigné
sur papier et signé par les deux parties (exploitants et ayant-droit), puis contresigné par
le chef du village en guise de témoignage. Et l’ayant-droit reçoit ensuite la somme pour
lequel l’arbre a été acheté.
Les membres de la communauté qui ne sont pas ayant-droit (par exemple une personne
allochtone mariée à une fille autochtone du milieu) n’ont pas les mêmes droits dans
le village qu’un ayant-droit, et n’ont donc que des droits limités pour la vente de leurs
arbres.
Espèces
Les exploitants artisanaux utilisent différents types de bois. Dans l’étude on a identifié 9
espèces différentes utilisées par les exploitants œuvrant autour de Kisangani (Tableau 8).
La figure 5 montre les types d’espèces préférées.
Il est clair que les exploitants artisanaux sont plus particulièrement intéressés par
certaines espèces pour leur travail. Il y a ceux qui s’intéressent plus au bois de haute
qualité comme l’Afrormosia, et ceux qui s’intéressent au bois rouge et/ou au bois blanc.
169
Le bois à l’ordre du jour
Le bois blanc est le bois léger, il est essentiellement utilisé pour le coffrage, et la
fabrication des cercueils et n’est préféré que par 14% des exploitants. Pour le bois blanc
on utilise par exemple l’espèce Essesang.
Dans plusieurs études on dit souvent que l’exploitation utilise un nombre très réduit
d’espèces, mais apparemment ce n’est pas le cas à Kisangani car c’est uniquement
l’orientation de la demande du marché qui régit les choix des exploitants.
60
50
40
Pourcentage
30
20
10
0
Afrormosia Bois rouges Bois blancs
Figure 5. Catégories d’espèces exploitées par les exploitants de notre échantillon.
Diamètres préférés
Le diamètre est un paramètre important aux yeux de l’exploitant parce qu’il donne une
idée du volume du produit. L’administration chargée des forêts en RD Congo a fixé à 60
cm le diamètre minimum d’exploitation pour toutes les espèces. Le tableau 9 donne une
indication sur le diamètre des arbres que choisissent les exploitants artisanaux de notre
étude.
170
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
Ce tableau montre que 71% des exploitants préfèrent les arbres de gros diamètre, 21%
des exploitants pensent que tout format disponible capable de leur donner du bois peut
être utilisé, et enfin 9% des exploitants préfèrent des arbres de diamètre moyen.
Selon les exploitants artisanaux, le diamètre n’a pas une importance capitale pour leur
métier. Mais grâce au diamètre, ils ont une idée de la quantité de m3 de grume qu’ils
peuvent tirer d’un arbre et donc du bénéfice que celui-ci peut leur apporter. Ils appellent
alors ‘gros diamètre’, un arbre qui peut donner au moins 8 m3 de bois, et ‘diamètre moyen’
un arbre qui peut donner au moins 5 à 8 m3 ; le ‘format disponible’ se rapporte à tout ce
qu’on peut trouver en forêt pourvu que cela produise du bois d’œuvre.
En fait, l’utilisation d’arbres de différents diamètres par les exploitants répond à des
considérations précises. En effet, d’après notre échantillon d’exploitants, les grands
arbres permettent de donner beaucoup plus de produit finis, les arbres de diamètre
moyen permettent de faire des sciages faciles ; et en raison de l’éloignement des arbres
de gros diamètre, tout format disponible peut servir à la production de bois d’œuvre. Ce
sont donc plutôt l’espèce et l’endroit où se trouvent les arbres qui sont importants.
Les exploitants artisanaux pensent qu’ils travaillent dans la légalité en ce qui concerne le
diamètre, car pour eux, le minimum dépasse déjà les 60 cm de diamètre minimal exigé
par l’administration chargée des forêts.
171
Le bois à l’ordre du jour
172
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
Selon les estimations des exploitants, le coût global de production d’un mètre cube de
bois oscille autour 150 à 180 USD pour l’Afrormosia, de 100 à 120 USD pour le bois rouge,
et de 30 à 50 USD pour le bois blanc ou bois de coffrage. Ils nous ont dit que plus de
la moitié de ce coût correspondait au transport des bois sciés hors de la forêt et à leur
acheminement jusqu’au marché. Le transport de bois coûte très cher à cause du mauvais
état des routes, du peu de disponibilité et du mauvais état des camions, de la difficulté
de navigation des rivières et des fleuves, surtout pendant la saison sèche.
Le coût de production diffère par espèce pour plusieurs raisons. Premièrement parce
que la communauté elle-même connaît le prix de ces différentes espèces sur le marché,
ce qui se répercute directement sur le prix d’achat des arbres. Deuxièmement, les bois
diffèrent entre eux pour la facilité de leur abattage, de sciage et de transformation.
L’Afrormosia est un bois dur à abattre et à scier ; la majorité des bois rouges sont
moyennent durs à abattre et à scier, et le bois blanc est le plus facile à scier. Or l’exploitant
utilise beaucoup plus d’intrants (carburants, lubrifiants, huile de révision, etc.) pour
abattre et scier de l’Afrormosia et l’usure de ses machines dépend grandement de la
dureté du bois. Troisièmement, les coûts d’obtention des documents d’exploitation et
des taxes varient proportionnellement à la qualité de l’espèce considérée.
Ces informations proviennent des entretiens que nous avons eus avec les exploitants
artisanaux. Pour avoir plus de précisions, des études économiques détaillées sont
nécessaires.
Vente
Les produits sciés artisanalement peuvent être vendus soit en bordure de la forêt, soit
dans un dépôt urbain plus ou moins permanent. Le prix de vente au mètre cube est
plus élevé lorsque la vente a lieu en ville. Les bois produits sont, pour la plupart des
cas, vendus aux menuisiers et constructeurs pour la consommation locale. Certains
exploitants préfèrent envoyer leurs bois dans des scieries de la ville pour transformation
en pièces de dimensions voulues et pour mieux le vendre ; d’autres encore vendent leurs
bois sans aucune transformation, on parle alors de « cas grave », car c’est souvent en cas
de besoin financier inattendu que ce cas se présente.
Le prix de vente reste toujours variable et très souvent il est plus élevé lorsque le bois
est vendu après transformation à la scierie. Une indication donnée par notre enquête
montre qu’1 m3 d’Afrormosia scié se vend entre 200 et 220 USD, 1 m3 de bois rouge scié
entre 180 et 200 USD, et 1 m3 de bois blanc scié entre 80 et 100 USD. Le prix de vente
est aussi influencé par la loi de l’offre et de la demande. La disponibilité de matériaux
de construction, ciment, ferraillages, etc., influence également la vente du bois. Le bois
produit par les exploitants artisanaux est consommé localement à Kisangani.
173
Le bois à l’ordre du jour
4. Discussion
Les travaux consultés et nos différents entretiens avec les acteurs de la filière indiquent
tous la même tendance : si le sciage manuel existe depuis des décennies pour répondre
aux besoins locaux, l’exploitation par tronçonneuse a fait son apparition lors des
conflits armés des années 1990 et 2000, notamment avec l’implantation des troupes
ougandaises dans la zone (Makana, 2005). Actuellement le « sciage de long » n’existe
quasiment plus et l’exploitation artisanale repose sur la tronçonneuse pour l’abattage et
la transformation. (Umunay et Makana, 2009 ; Lescuyer, 2010).
L’exploitation artisanale de bois est très prisée par la majorité des exploitants interviewés
car elle leur apparaît comme une activité bénéfique pour toutes les parties prenantes :
la communauté locale est présente dans la vente de ses arbres et en tant que
manutentionnaire dans le transport du bois, l’exploitant lui-même en tire profit par la
vente de ses produits, le marché local est approvisionné en planches, chevrons, madriers
qui permettent à leur tour le développement de plusieurs secteurs : menuiserie,
charpenterie, construction etc. l’État quant à lui profite des diverses taxes qui lui
reviennent (Abdala et al. 2010).
Comme ailleurs, le principal moteur du sciage artisanal reste la demande de bois à faible
prix sur les marchés locaux. Cette demande n’est en effet pas satisfaite par d’autres
sources (Wit et al. 2010).
L’étude du sciage artisanal montre enfin que le secteur est suffisamment important
et dynamique. À Kisangani, on estime qu’il couvre presque tous les besoins de la
consommation intérieure. Il est aussi important par le nombre de personnes impliquées
dans la filière, il n’exige généralement que peu d’investissements, et utilise des matériels
qui ne détruisent guère l’environnement.
16 Bois de coffrage : bois généralement blanc et tendre, utilisé pour le coffrage, la fabrication des cercueils, et pour tous travaux
légers ou temporaires, mais pas en menuiserie.
17 35 USD x 10 m3 = 350 USD, 50 USD x 10 m3 = 500 USD, 35 USD x 20 m3 = 700 USD, 50 USD x 20 m3 = 1000 USD
174
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
Bon nombre d’exploitants artisanaux bénéficient de permis officiels pour exercer leur
activité. La procédure d’obtention des permis est également très lourde. Bien que la
délivrance de ces permis soit réservée aux gouverneurs de provinces, le Ministère de
l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme continue à en délivrer lui aussi ;
cette confusion de procédure permet aux agents de l’État de percevoir auprès des
exploitants artisanaux des sommes qui finalement n’arrivent presque jamais dans les
caisses de l’État. Elle aboutit aussi à taxer l’exploitation artisanale d’« illégale ». Mais c’est
bien l’État qui se comporte en « illégal » et qui oblige les exploitants à l’être aussi.
Car la question fondamentale est la suivante : d’où provient en effet l’illégalité quand
nous sommes en face d’un arsenal de taxes conçues et perçues auprès des exploitants
artisanaux par les agents de l’État eux-mêmes ? Lors de nos enquêtes un exploitant nous
a dit : « L’exploitation artisanale de bois est aujourd’hui critiquée par les hommes exerçant le
pouvoir en RD Congo, qui veulent à tout prix rester seuls dans la filière, car ils sont actuellement
dans la filière, sachant que l’activité est rentable. Ils veulent nous écraser, raison pour laquelle
ils parlent d’illégalité, alors que nous payons tout ce qu’ils demandent ». L’affaire devrait être
traitée sérieusement, en considérant les pratiques réelles de l’exploitation artisanale
dans le contexte global de notre pays.
Les communautés sont en rapport tantôt avec des exploitants artisanaux, tantôt
avec des exploitants industriels. Elles sont approchées par les exploitants artisanaux
généralement selon le processus suivant : les exploitants, avant de déposer leurs dossiers
de demande de permis de coupe auprès de l’État, viennent négocier avec elles pour
obtenir l’autorisation d’accéder à leur forêt et de procéder à l’identification des arbres. Ou
alors, ils négocient les abattus culturaux avec ses membres en vue de leur exploitation.
Ces types de convention se passent verbalement d’abord, puis, après conclusion, les
175
Le bois à l’ordre du jour
parties les consignent par écrit et produisent un contrat qui est signé par l’exploitant
et la communauté représentée par les ayant-droit. Le chef du village, signe lui aussi ce
document en guise de témoignage et reçoit le 10% de la valeur de cette vente.
5. Conclusion
Tous les pays du Bassin du Congo sont impliqués dans le processus APV / FLEGT qui
exige que tous les bois produits pour l’exportation soit légalement produits et suivis.
Cela fait pression sur les États pour qu’ils reconnaissent, légalisent et organisent le
secteur du sciage. Pour ceux qui prennent la décision d’y inclure aussi la production
et le commerce artisanaux orientés vers le marché local, une bonne connaissance de
la chaîne de production artisanale de bois d’œuvre s’avère nécessaire. En RD Congo, il
n’est plus à démontrer que la quasi-totalité de bois produit et vendu sur le marché local
provient de l’exploitation artisanale.
176
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
L’exploitation artisanale est souvent contrôlée par des personnalités politiques si bien
que le prix du respect de la légalité sera élevé si l’on veut empêcher que les petits
entrepreneurs ne profitent d’influences politiques. Enfin, l’étude a montré que 88,2% des
exploitants n’ont jamais suivi de formation sur la production de bois.
De la chaîne de production
Les exploitants artisanaux utilisent la tronçonneuse pour l’abattage et le sciage du bois.
La scie de long n’étant vraiment plus utilisée ces dernières années. Ils utilisent la charrette
ou la tête pour le portage du bois de la forêt à la route, puis le camion ou la pirogue pour
le transport de bois jusqu’à la scierie ou lieu d’entreposage. L’utilisation de la charrette à
la place du portage sur tête est en fait une avancée technologique qui permet d’évacuer
le bois plus rapidement, mais qui demande aussi l’ouverture de pistes dans la forêt.
Du marché
Autour de Kisangani, la production de bois des exploitants artisanaux est essentiellement
tournée vers le marché local. L’exploitation artisanale de bois d’œuvre occupe une place
de choix dans l’économie locale, en termes d’emplois générés et de fourniture de bois
d’œuvre, car le secteur industriel n’a jamais approvisionné le marché local du bois. Il existe
en plus un marché de services spécifiques à l’exploitation artisanale du bois, comme
celui du transport de planches par camion et pirogues, la location de tronçonneuses, le
redimensionnement des planches dans les scieries etc.
177
Le bois à l’ordre du jour
général peu scrupuleux, si bien que le coût de la légalisation de la filière sera élevé, car
lorsqu’elle existera ces agents de l’État ne gagneront plus ce qu’ils gagnent actuellement.
Les exploitants forestiers artisanaux exercent leurs activités dans un climat de tension dû
aux tracasseries résultant de la multiplicité de ces frais et taxes, ainsi que des perceptions
illégales. Ils sont ainsi poussés à user de mécanismes leur permettant d’échapper au
paiement de tous ces frais, souvent informels, allant même jusqu’à se trouver légitimés
uniquement par l’influence d’autorités politiques et militaires.
Contrairement au code forestier qui prévoit clairement les obligations des exploitants
forestiers industriels vis-à-vis des communautés locales, les textes régissant l’exploitation
forestière artisanale ne spécifient pas l’obligation d’intervention sociale en ce qui
concerne l’exploitant forestier artisanal, situation qui conduit les exploitants à négocier
avec la communauté locale et à signer un contrat avec elle.
Des problèmes
Les exploitants artisanaux se trouvent dans des conditions de travail particulières et font
face à de sérieux problèmes qui limitent la quantité et la qualité de leurs produits. Les
problèmes identifiés par la présente étude sont : l’inaccessibilité au crédit et la ponction
de leurs bénéfices financiers par les agents de l’État, deux conditions qui empêchent
les investissements dans la chaîne ; un réseau routier insuffisamment développé et en
178
Sciage artisanal : Approfondir la connaissance de la chaîne de production
mauvais état ; l’éloignement de la matière première des routes praticables, qui implique
un coût d’évacuation du bois relativement très élevé ; en outre, des problèmes purement
techniques dus à l’insuffisance de matériels et à leur vétusté, au manque de pièces de
rechange, à leur transport rendu difficile par le mauvais état du réseau routier et enfin, à
la pénurie de carburant dans la ville de Kisangani.
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179
Le bois à l’ordre du jour
180
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux
et communautés locales sur l’exploitation artisanale
de bois d’œuvre.
Étude menée dans les territoires d’Ubundu, d’Isangi, de Banalia et
de Bafwasende, province Orientale, RD Congo
Jean Denis Likwandjandja, Charlotte Benneker et Dieu-Merci Assumani1
1. Introduction
En République Démocratique du Congo (RD Congo), la loi forestière stipule que les
ressources forestières doivent être source de développement socio-économique pour
le pays en général, et pour les communautés locales qui habitent dans et/ou autour
des forêts en particulier (Code Forestier 2002). Pour les communautés rurales, la forêt
constitue en effet la source d’alimentation première par l’agriculture sur brûlis, la collecte
d’une grande variété de produits forestiers pour l’alimentation, la construction, et aussi
pour la vente de produits forestiers tels que les chenilles, le gibier, le rotin, le bambou,
etc. Ce qui explique que les communautés locales aient le droit de jouissance des forêts
qui leur appartiennent coutumièrement ; mais l’État, s’en considérant propriétaire
légal, octroie des concessions forestières industrielles et des permis de coupe pour leur
exploitation artisanale.
181
Le bois à l’ordre du jour
Les exploitants artisanaux exploitent le bois des forêts se trouvant aux abords des voies
d’évacuation, des routes ou des rivières. Souvent, ces forêts sont considérées par les
communautés locales comme leur propriété et gérées selon leurs us et coutumes. Les
communautés sont censées avoir un sens assez fort de la propriété de leur forêt tout
comme celui des règles qui régulent l’exploitation forestière, et avoir des connaissances
sur la négociation du bois avec les exploitants artisanaux. Mais l’impression qui prévaut
c’est plutôt que les communautés locales sont victimes de cette exploitation de
leurs forêts et n’en profitent pas, alors qu’elles sont concernées et engagées dans les
négociations qui s’y réfèrent.
Par cette étude, nous voudrions clarifier la question de comment ces négociations se
déroulent, et en dégager les résultats. C’est-à-dire, qui négocie, avec qui, à travers quels
moyens et dans quelles circonstances, et ce, pour quel impact ? Le processus, donc, qui
détermine les résultats de ces négociations.
182
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
De Kisangani, il y a sept routes qui se dirigent vers des localités rurales. Ces routes sont
généralement appelées des ‘axes’, car il s’agit d’axes routiers autour desquels existe une
activité humaine de nature variée.
Figure 1. Carte présentant les axes routiers vers les territoires où s’est déroulée la recherche.
183
Le bois à l’ordre du jour
Les trois axes retenus par notre étude ont été choisis en vertu de l’intensité des travaux
de l’exploitation artisanale qui s’y déploie ; exploitation qui est fort liée à la praticabilité
des routes (pour celles d’Alibuku et d’Ubundu), et à la facilité du transport fluvial (cas de
l’axe Yangambi). L’indicateur routier est fondamental, car il a un impact important sur les
coûts de production de l’exploitant artisanal.
Après la récolte des données sur le terrain, nous les avons saisies dans une base de
données qui nous a permis de dresser des tableaux et des figures appuyant l’analyse et
la compréhension de nos informations.
3. Résultats
3.1 Caractéristiques des milieux d’étude
Cette partie a comme objectif de donner des informations générales sur les trois axes
concernés par cette recherche. Ces informations incluent l’accessibilité des lieux, les
caractéristiques de la population, les communautés et leurs conditions de vie. Elles sont
importantes dans la mesure où elles nous permettent de comprendre les conditions
d’accès aux services sociaux de base et à l’infrastructure routière qui facilitent le travail et
le transport de bois d’œuvre.
Population
L’axe Yangambi est occupé en majorité par des autochtones, de la tribu Turumbu, une des
tribus originaires du district de la Tshopo dans la province Orientale. Cette population
184
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
est employée par les exploitants artisanaux pour le transport manuel du bois, comme
aides-machinistes et pour d’autres travaux journaliers. Les communautés y sont très
unies en matière de vente de bois. Dans la majorité des cas, le bois est toujours vendu
en présence de tous ses membres. Sauf les jeunes, qui n’ont pas le droit de participer aux
négociations selon les us et coutumes des communautés – excepté pour le cas de ceux
qui sont ‘élevés en dignité’ par le pouvoir coutumier.
Conditions de vie
Les conditions de vie sur cet axe sont relativement acceptables dans le contexte rural
congolais. On note une absence d’eau potable, mais la présence de lignes téléphoniques
jusqu’à Yangambi (chef-lieu du territoire d’Isangi, district de la Tshopo), et 4 postes de
santé dans un état plus ou moins acceptable. Quelques autochtones y ont construit des
maisons en tôles.
Activités économiques
En plus des activités relatives à la vente de
bois, la population de l’axe Yangambi est aussi
fréquemment dans l’agriculture, et dans une
moindre mesure dans la pêche, la chasse et
le petit commerce. L’agriculture y est la plus
importante, mais elle est suivie d’assez prèspar
la pêche parce qu’il s’agit d’une population
fluviale. On y enregistre aussi la chasse parmi
les activités économiques, à un moindre
degré. On note aussi de l’élevage. C’est un axe
beaucoup fréquenté par des étrangers vu son
usage à vocation commerciale et scientifique.
En effet, il existe sur cet axe des jours consacrés
aux marchés publics, à des lieux fixes, dans
différents villages ou communautés, où des
particuliers et des commerçants affluent pour vendre leurs produits forestiers ou autres
et se procurent d’autres produits. C’est aussi l’axe qui abrite les sites de l’Institut National
pour l’Étude et la Recherche Agronomique (INERA) et de l’Institut Facultaire des Sciences
Agronomiques (IFA/Yangambi).
185
Le bois à l’ordre du jour
Population
Les Kumu et les Ngelema sont des tribus autochtones de l’axe Ubundu. Néanmoins, il y
en a d’autres telles que les Mbole, Lokele, Topoke, considérées comme tribus allochtones
ou émigrées. La population n’est pas du tout organisée en matière de vente de bois.
Dans une des communautés de l’axe, un des interviewés nous a signifié à cet effet : « ici
chez nous, si tu as l’occasion de vendre l’arbre, tu peux négocier la vente tout seul, sans
nécessairement contacter les autres ».
Conditions de vie
Ici, les postes de santé et les écoles se trouvent
dans un état ne réunissant pas les conditions
viables requises. Leur nombre est difficile à
dégager parce que certains d’entre eux naissent
et disparaissent comme des champignons. Les
conditions de vie de la population sont un peu
plus difficiles que sur l’axe Yangambi. Même les
maisons d’autochtones en tôles y sont rares.
Activités économiques
Hormis la vente de bois, comme sur d’autres
axes on remarque beaucoup d’activité agricole,
puis de chasse, un peu plus développée ici
qu’ailleurs, car non seulement la population
est loin du fleuve, mais elle habite une forêt qui regorge de richesses animales. Le petit
commerce y est aussi très prisé par la population mais l’élevage ne s’y pratique pas
beaucoup, comme sur l’axe précédent. L’axe Ubundu est naturellement commercial et
mène vers le grand centre commercial qui relie la province Orientale à la ville de Kindu,
chef-lieu de la province de Maniema grâce au port fluvial d’Ubundu, qui assure encore le
relais des trafics sur le réseau rail-fleuve entre Kindu-Ubundu et Kisangani.
Population
L’axe Alibuku abrite principalement trois tribus qui se disputent toujours la propriété sur
la forêt et la terre. Il s’agit des Manga, des Ndombi et des Bali. Ces tribus sont toutes les
trois autochtones du territoire de Banalia et habitent en grande partie des villages en
dehors de l’axe routier d’Alibuku. Cependant, c’est la tribu Mbole, d’origine allochtone,
186
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
qui habite la plupart des villages bordant l’axe, villages qui sont nés pour des raisons
purement industrielles à travers la société AMEX-BOIS, puis la TRANS-M-BOIS. Et ces
Mbole sont dépourvus de droits de vente et de négociation – des terres comme du bois,
car ils ne sont pas autochtones.
Conditions de vie
Longtemps occupé par des entreprises d’exploitation de bois, l’axe Alibuku par contre
est caractérisé par des conditions de vie précaires qui prouvent clairement que la
présence de ces entreprises n’a contribué en presque rien qui soit réellement bénéfique
à la population.
Activités économiques
L’activité d’exploitation du bois est intense sur cet axe surtout à cause de la facilité du
transport depuis les sites d’évacuation jusqu’aux lieux de vente. L’agriculture également
s’y pratique comme sur tous les autres axes, suivie par la chasse, puis l’élevage, le petit
commerce, et la pêche à moindre fréquence vu l’éloignement de la rivière. C’est l’axe
qui ravitaille en grande quantité la ville de Kisangani en charbon de bois et en bananes
plantains.
5
Ordre d'importance (1-6)
0
Axe Yangambi Axe Ubundu Axe Alibuku
187
Le bois à l’ordre du jour
Les étiquettes que portent les colonnes dans cette figure, qui sont des types d’activités
économiques, représentent l’ordre de classement de ceux-ci dans chaque axe. Plus le
chiffre est élevé, plus l’activité est importante. La figure 2 illustre bien comment le bois
se place en première position sur les trois axes, suivi de l’agriculture. Donc, ces deux
activités sont les principales partout. D’autres doivent leur positionnement au contexte
géographique du milieu. Par exemple pour l’axe Yangambi qui s’étale tout le long du
fleuve, la pêche prend la troisième position, pendant que sur l’axe Ubundu pleinement
situé dans la forêt, c’est la chasse qui vient en troisième place.
Chaque type de propriétaires est lié aux droits d’usage qui eux-mêmes varient en
fonction des types de forêts suivants : forêt primaire, forêt secondaire et jachère. Dans
le contexte de notre étude, la forêt primaire est la forêt non encore exploitée, mais dont
certaines espèces d’arbres peuvent être coupées sans que sa nature en soit affectée.
La forêt secondaire est une forêt repoussée après avoir été utilisée, de façon plus ou
moins intensive, par les communautés. Enfin, la jachère est une forêt en repos après
une exploitation agricole de moindre envergure. Cependant, les communautés locales
laissent délibérément dans leurs champs agricoles certaines espèces d’arbres en réserve,
qui peuvent faire l’objet d’exploitation artisanale en cas de nécessité.
188
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
La logique de la propriété des arbres est mutatis mutandis appliquée à celle de la forêt.
C’est-à-dire que le village est propriétaire des arbres appartenant à la portion de la forêt
dont il a la propriété. De même pour le clan : tous les arbres reconnus de la partie de la
forêt affectée au clan sont la propriété dudit clan. La réalité reste la même tant pour les
familles que pour leurs membres. Les membres des familles sont propriétaires des arbres
se trouvant dans les parties de forêts reconnues en leur propriété. C’est au niveau des
droits de vente des arbres que les réalités diffèrent dans la pratique.
En effet, pour le village, seul le chef du village a le droit de vendre les arbres, après
consultation et approbation du conseil des sages, y compris le chef coutumier. Dans le
clan, c’est le chef du clan qui en a le droit, après bien entendu une consultation préalable
avec tous les chefs des familles concernées par ledit clan. Par contre, pour les familles,
ce sont les chefs des familles qui décident de la vente de bois, avec ou sans consultation
familiale, alors que les membres des familles en ont le droit et le bénéfice pour leurs
propres arbres dans les parties de forêts qui leur sont affectées.
Dans tous les cas que nous venons de mentionner, le droit de vendre les arbres n’est
reconnu qu’aux autochtones et non aux allochtones. Même pour le cas de certains
membres de familles, allochtones mais adoptés comme autochtones sur la base de
certaines relations (mariage, parenté, politique, etc.). Cependant ce principe n’entame
en rien le droit du chef du village qui peut être autochtone ou allochtone.
Effectif
Autre personne
Chef de village
Figure 3. Instance consultée en premier lieu pour un achat de bois. (Source : Données récoltées auprès
des chefs coutumiers (n = 15)).
La lecture de figure 3 signifie que 93% des cas confirment que c’est le chef du village qui
est consulté en premier lieu dans le processus de vente d’arbres. Pour seulement 7% il
s’agit soit du chef de clan, soit du chef de famille, soit encore d’un membre de famille.
189
Le bois à l’ordre du jour
Lorsque l’on veut financer les études d’une ou de plusieurs personnes dans une
communauté, on vend également les arbres. De tels cas ont été relevés sur l’axe
d’Ubundu, à environ 64 km de la ville de Kisangani où l’on a mis une personne à l’école, et
dont on a fait, après ses études secondaires, le secrétaire du village ; et à environ 112 km,
où le fils du chef se voit aidé par la vente de bois de la communauté pour faire, au profit
de celle-ci, ses études d’infirmier.
De la même manière, sur tous les axes, les données du terrain ont démontré que pour
s’approvisionner aussi bien en alimentation qu’en autres produits (ustensiles de cuisine,
chaises, poste-radio, habillement, etc.), la vente de bois intervient à chaque fois que cela
est nécessaire. Or les exploitants artisanaux ont fréquemment et régulièrement besoin
d’acheter du bois. C’est-à-dire que les communautés, disposant de produits à vendre, se
trouvent toujours sollicitées par des acheteurs.
Grâce à la vente de leur bois, les communautés trouvent aussi du travail, et acquièrent
de l’expertise pour certains travaux spécialisés tels qu’aide-machiniste, et d’autres
avantages sociaux, entre autres l’assistance sociale que leur apportent les exploitants
artisanaux, la circulation de l’argent, la cohabitation interculturelle, etc.
5
4
3
2
1
0
Axe Yangambi Axe Ubundu Axe Alibuku
La figure 4 fait comprendre que dans l’exploitation de bois d’œuvre, on trouve différentes
catégories d’exploitants artisanaux. Dans le contexte de notre étude, ils sont de quatre
190
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
types, à savoir : ‘les commerçants’, ‘les débrouillards’, ‘les agents de l’État et les politiciens’,
et enfin ‘les militaires’.
Quant à la question de connaître la fréquence des exploitants qui travaillent soit sur le
même axe, soit en changeant d’axe, la figure suivante nous révèle la réalité du terrain.
80
70
60
50
Pourcentage
40
30
20
10
0
Axe Yangambi Axe Ubundu Axe Alibuku
191
Le bois à l’ordre du jour
Néanmoins, comme nous l’indiquent les données récoltées sur le terrain, l’exploitation
artisanale est une activité relativement opérationnelle et permanente. Sur tous les axes,
on exploite régulièrement le bois de toutes les espèces avec deux préférées : l’Afrormosia
(57%) et le bois rouge (43%). Dans 77% des cas, les exploitants coupent 2 arbres par
visite. Mais, ce nombre peut toujours varier entre 1 et 5. La majorité des exploitants
cherchent de gros arbres.
Ce n’est qu’après ces démarches que le chef du village appelle l’exploitant artisanal, qui
pour la plupart des cas loge dans une de ses maisons, pour le mettre en contact avec la
famille ou le clan concerné. Au vu de nos visites sur le terrain, la négociation se déroule
en effet en communauté, c’est-à-dire en présence des ayant-droit (hommes, femmes
et enfants), représentés par leur chef ou un délégué désigné comme porte-parole de
circonstance. Ici, même les allochtones peuvent assister, en simples observateurs,
comme cela se passe dans beaucoup de communautés. Le chef du village ne peut
intervenir que pour orienter le débat ou tout simplement pour assister en observateur
ou témoin. Chez certains, conformément aux us et coutumes, les femmes et les enfants
ne sont pas habilités à parler là où il y a des sages du village. Ils assistent à la négociation
sans voix délibérative.
192
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
Sur l’axe Yangambi, pendant cette visite, les pisteurs indiquent à l’exploitant l’étendue
d’arbres déterminée au préalable par la population. Celui-ci, en dernière instance,
déterminera alors les arbres à couper conformément aux dimensions et/ou aux essences
négociées. Selon nos enquêtes sur le terrain, dans la plupart des cas, le choix de
dimensions et/ou d’essences était souvent fait à l’insu des membres de la communauté,
voire de celui ou ceux qui avaient guidé l’exploitant pour lui montrer l’étendue abritant
les arbres à couper. Néanmoins, sur l’axe d’Ubundu, la population arrive pour la plupart
des cas à déterminer en dernière instance l’arbre ou les arbres à couper de commun
accord avec l’exploitant. À ce propos, un de nos interviewés sur cet axe nous a dit que
pour une négociation non conclue, par rapport bien entendu aux arbres à couper,
l’exploitant artisanal avait été chassé du village.
Lorsqu’il s’agit d’autoriser l’accès des exploitants artisanaux à leurs forêts, l’attitude
prédominante chez les chefs d’ayant-droit, c’est-à-dire les chefs ethniques ou de lignée,
de clans, de familles ou de villages, c’est d’exiger, d’une part le versement d’un « droit
d’accès », généralement constitué d’une somme d’argent, mais aussi de sucre, de sel,
de café et autres vivres, et d’autre part, le partage parmi la communauté du produit de
la coupe autorisée. Le non respect de cette condition constitue une source de conflits.
Donc les communautés autorisent l’accès à leurs forêts aux exploitants artisanaux dès
qu’elles ont négocié le droit d’accès et le partage du produit de la coupe. Elles ne leur
exigent d’ailleurs nullement d’être porteurs d’un permis ou d’un agrément quelconque
C’est ce qui ressort du constat général dans les territoires où l’étude a été menée. Dans le
processus de vente, le chef n’est qu’un facilitateur et témoin oculaire. Personnellement,
le chef du village ne peut ni imposer ou fixer le prix, ni s’ingérer dans la négociation si
ce n’est que l’orienter conformément aux us et coutumes, et si nécessaire. À la fin du
processus de négociation, sur la somme d’argent à verser à la communauté pour la
quantité d’arbres à couper, on défalque 10% (selon notre échantillon) et on les remet
au chef du village pour ses frais de fonctionnement. Le reste (90%) est réparti entre
le conseil des sages, le clan ou la famille vendeuse et d’autres clans ou familles de la
communauté. Cependant, ce pourcentage dû au chef du village n’apparaît pas dans
toutes communautés, et le système de répartition diffère d’une communauté à l’autre.
Quant aux individus propriétaires, ils vendent généralement leurs arbres sans besoin de
consulter les autres.
D’un côté, il existe des personnes ayant acheté de grandes étendues de concession à
finalité agricole, personnes en majorité constitués de militaires et de politiciens. Comme
illustré plus haut, ils ont acheté des morceaux de forêts auprès de la population locale
pour faire de l’agriculture et se considèrent propriétaires. Mais c’est à l’exploitation des
arbres qu’ils s’adonnent une fois dans leurs concessions. Ici, l’exploitation du bois est
intense et a lieu jour et nuit ; son évacuation est souvent nocturne, par camions, sans être
193
Le bois à l’ordre du jour
contrôlée ni par les ayant-droit ni par les allochtones qui n’ont d’ailleurs aucun pouvoir
d’obstruction.
Et il existe aussi des exploitants artisanaux qui achètent des arbres en dehors des villages
qui abritent les sites d’exploitation forestière industrielle (la concession de Trans-M-Bois)
et en dehors également des concessions achetées. Les exploitants artisanaux préfèrent
en effet souvent négocier directement avec les ayant-droit – familles ou clans – habitant
en dehors des villages où se fait la grande exploitation. Dans ce cas, ils leur payent les
montants négociés puis entrent en forêt avec leurs équipes amenées depuis la ville de
Kisangani. C’est ainsi qu’ils coupent les arbres sans toujours respecter le nombre ou les
espèces convenues.
Les chefs des villages situés autour de la route où la grande exploitation a lieu sont des
allochtones (Mboles et Ngando) qui n’ont pas coutumièrement le droit de vendre des
arbres. Ils ne sont donc pas consultés par les petits exploitants. Ces derniers ignorent les
chefs allochtones dans les forêts primaires comme secondaires, voire dans les jachères et
les champs agricoles. La population allochtone dans les forêts se limite en effet à organiser
les travaux champêtres. Elle bénéficie cependant de l’exploitation artisanale à cause des
besoins en main-d’œuvre exprimés par certains exploitants. Dans ces quelques villages
où les chefs sont allochtones, les exploitants négocient directement avec les ayant-droit
ou les familles à leur insu, même s’ils ont à la rigueur le droit d’en être informés. Les
négociations se font alors sans nécessité de voir les arbres ni de les apprécier.
Il nous est apparu que l’aspect le plus facile à négocier est le prix. Les bénéfices
additionnels sont considérés comme l’aspect le plus difficile de la négociation. Selon
les communautés locales, il faudrait que les exploitants les aident de temps à autre en
cas de nécessité. Mais, en dehors du prix convenu, il est difficile d’exiger à l’exploitant
artisanal quelque chose de plus en pourboire. L’exploitant artisanal en fait considère qu’il
n’est pas obligé de donner un pourboire ou d’apporter de l’aide, à cause de l’impact
négatif que cela pourrait avoir sur son bénéfice. Une fois le marché conclu, il estime en
principe ne plus devoir quoi que ce soit à la communauté.
194
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
inférieurs à ceux qu’ils devraient être. Par contre, pendant la période de récolte de leurs
produits agricoles, elles restent très strictes sur les prix décidés parce qu’elles touchent
encore les bénéfices de leur travail.
L’interprétation de tous ces résultats signifie que contrairement aux temps des débuts
de l’exploitation artisanale du bois, aujourd’hui les communautés locales ont appris
quelque chose sur la négociation des arbres.
D’autres problèmes autour des contrats sont leur résiliation et le trafic d’influence. Le trafic
d’influence s’exerce par exemple quand un exploitant artisanal menace d’arrestation
ou de poursuites judiciaires les ayant-droit ou les membres de leurs familles en cas de
problème. Un exemple : sur l’axe d’Ubundu un exploitant artisanal a joué de son statut
politique pour dépasser, après que la négociation soit déjà conclue, le nombre d’arbres
convenu sous prétexte que deux des arbres étaient en mauvais état alors qu’ils les avait
195
Le bois à l’ordre du jour
acceptés à l’achat. Un autre exemple sur l’axe d’Alibuku est celui d’un exploitant artisanal
qui s’était imposé en commençant les coupes alors que la famille vendeuse ne voulait
plus de ses prix trop bas.
Comme évoqué sur le terrain, les communautés préfèrent résilier le contrat lorsqu’il y a
fréquemment non-respect des clauses du côté des exploitants artisanaux. Néanmoins,
elles sont toujours prêtes à les renégocier. Autrement dit, lorsque la communauté locale
ne s’entend pas avec un exploitant artisanal pour raison de non-respect des clauses, les
deux parties s’arrangent pour trouver un terrain d’entente. Il arrive aussi que l’exploitant
artisanal lui-même quitte le terrain s’il refuse de renégocier, ou encore que, s’il pense
avoir la main longue, il menace d’intimidation.
Figure 6. Exemple d’un contrat de vente de bois sur l’axe d’Ubundu dans le territoire d’Ubundu,
district de la Tshopo en province Orientale.
196
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
4. Discussion
En dépit de l’opinion générale sur les relations entre communautés locales et
exploitants artisanaux, cette étude a montré que généralement l’exploitation artisanale
autour de Kisangani est considérée par la population locale comme une activité qui
contribue positivement à sa situation économique : en vendant des arbres on gagne
de l’argent. L’activité génère aussi du travail, on y acquiert de l’expertise en matière
d’exploitation artisanale du bois, et quelquefois elle assure un rôle philanthropique en
termes d’assistance sociale par les exploitants artisanaux au profit des membres des
communautés locales.
Les problèmes liés à cette activité concernent le non-respect des clauses contractuelles,
les conflits intra et inter-claniques sur l’accès aux bénéficies de la vente des arbres, et la
cupidité de certains chefs ou membres de villages.
Nous avons suivi trois lignes pour notre étude sur la négociation entre communautés
locales et exploitants artisanaux du bois. Lignes qui ont permis de dégager ses
caractéristiques essentielles :
4.1 Diversité des exploitants et des communautés sur les territoires étudiés
La relation entre communautés locales et exploitants artisanaux n’est pas la même sur
les différents axes de communication ayant fait l’objet de cette étude.
Sur l’axe d’Alibuku, on a trouvé que les communautés ont en grande partie perdu leur
pouvoir de propriétaires coutumiers sur l’utilisation de leurs terres. La cause de cette
perte d’autorité semble liée (1) à des conflits entre les trois tribus autochtones et (2) à
l’absence d’autochtones sur les sites d’exploitation, voire (3) à la présence de populations
allochtones sur l’axe.
Les trois tribus autochtones, à savoir les Bali, les Manga et les Ndombi, se disputent
la propriété de la forêt le long de la route depuis sa création par la société forestière
industrielle AMEX-BOIS (maintenant TRANS-M-BOIS). Chacune d’elles a estimé que
l’axe avait été tracé dans sa partie de la forêt. Ceci a par conséquent entraîné une sorte
de surenchère sur la propriété de la forêt, et chaque tribu fait tout pour vendre des
concessions agricoles afin de ne pas perdre la face. De grandes extensions de terres
sont donc vendues et finalement ce sont les trois tribus qui ont perdu leur pouvoir de
décision sur elles.
En même temps nous avons noté qu’une grande partie de la population qui habite le
long de la route n’est pas de la descendance des trois tribus autochtones. Il s’agit des
allochtones qui travaillaient dans la plupart des cas dans les mines de diamant et dans
l’entreprise forestière AMEX-BOIS. Ils ont reçu de la population autochtone le droit
d’utiliser la terre pour l’agriculture, mais sans aucun droit de propriété des terres et
des forêts. Et avec le temps, à force d’occuper longtemps ces forêts, les communautés
allochtones ont fini par se voir reconnaître le droit d’occupation.
197
Le bois à l’ordre du jour
Il en résulte que non seulement les tribus autochtones ont perdu un certain pouvoir
de décision sur leurs produits forestiers, mais que leur présence réduite dans la zone
d’exploitation renforce la perte dudit pouvoir sur l’utilisation de leurs forêts. Dans la
pratique, ce sont des allochtones qui bénéficient de l’exploitation artisanale, et leur
relation avec les exploitants artisanaux est tout à fait bonne, car ceux-ci les emploient
comme main d’œuvre dans le transport de bois depuis les sites d’exploitation jusqu’aux
sites d’évacuation, voire dans le travail d’aide-machiniste. Le fait que la propriété sur la
forêt soit sujet de dispute entre les clans a offert la possibilité aux hommes du pouvoir
(agents de l’État, politiciens et militaires) de s’approprier les terres dans cette région.
Par contre, sur les axes Yangambi et Ubundu, les villageois sont des autochtones et se
reconnaissent propriétaires des terres et des forêts. Mais aussi ils se les approprient
réellement parce qu’ils trouvent qu’ils ne peuvent vivre que d’elles, surtout de
l’exploitation artisanale de leur bois. Sur ces axes les exploitants artisanaux à statut
politique et militaire sont peu nombreux, il n’y existe pas de conflit du genre de ceux
d’Alibuku pouvant leur profiter.
Sur les deux autres axes en effet, les communautés locales, autochtones, négocient
activement leurs prix et bénéficient directement de leurs ventes moyennant l’argent
et les vivres qu’elles estiment convenables. Ici l’exploitation artisanale contribue
directement au développement des communautés. L’existence d’intérêts mutuels entre
exploitants artisanaux et communautés locales a pratiquement généré une attitude de
conciliation et des liens de confiance.
198
Les modes de négociation entre exploitants artisanaux et communautés locales sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
La capacité de négociation et la force des contrats devraient intégrer une double réalité,
intrinsèquement liée à la propriété coutumière : la dépendance des propriétaires de
la forêt et leur pouvoir de décision. Ces aspects ont été sapés sur l’axe d’Alibuku. Et
pour changer cette situation, les tribus et les communautés locales doivent palabrer
démocratiquement sur les droits d’usage et de vente de la terre et des produits forestiers,
et chercher à s’opposer à ce genre d’exploitation artisanale qui leur soutire à la fois terre
et forêt.
Nous estimons que l’exploitation artisanale du bois est très indiquée pour le
développement des milieux ruraux. Seulement, on constate que l’État congolais n’a pas
encore effectivement pris ses responsabilités, particulièrement dans la mise en œuvre
de certaines mesures d’application réglementaires rigoureuses et adéquates dans le
secteur artisanal forestier. Et aussi, peut-être que la dualité État/communauté en matière
de propriété des forêts devrait constituer l’une des situations à clarifier avec beaucoup
de franchise, conformément au contexte pratique.
5. Conclusion
Si l’exploitation des produits forestiers non ligneux constitue une activité séculaire
pour les communautés locales, l’exploitation du bois d’œuvre pour gagner de l’argent,
due à une demande croissante sur le marché, est une activité qui prend récemment de
l’ampleur. Bien que la gestion forestière communautaire ne puisse encore être effective
formellement dans les milieux ruraux, elle prend forme petit à petit par l’implication
des communautés locales dans l’exploitation artisanale, dans les négociations avec
les acheteurs de bois, dans l’implication des agents de l’État et dans les systèmes de
redistribution des bénéfices au sein des communautés.
199
Le bois à l’ordre du jour
Car l’exploitation artisanale est une stratégie d’exploitation à faible impact dans le
massif forestier, qui doit s’étaler dans le temps et dans l’espace, permettant à la fois de
renouveler les ressources et de développer les économies locales. Cette approche de
l’usage des ressources doit favoriser la participation du plus grand nombre d’individus,
et obéit à la logique même de la création des forêts communautaires qui est celle de
procurer du travail et des revenus pour les communautés locales. Approche qui permet
un développement rural.
Bien sûr, de leur côté les exploitants artisanaux doivent reconnaître que les communautés
ont le droit de limiter ou de diriger leur action sur la forêt. Et cela fonctionne avec les
exploitants artisanaux de type ‘commerçants’ et ‘débrouillards’. Mais, quand il s’agit de
militaires et d’hommes politiques ayant acheté des concessions agricoles dont ils se
considèrent propriétaires omnipotents, la situation devient plus complexe.
Références bibliographiques
Arrêté ministériel n°023/CAB/MIN/ECN/-T/28/JEB/10 du 17 juin 2010 fixant le modèle
d’accord constituant la clause sociale du Cahier des charges du contrat des concessions
forestières.
Arrêté ministériel n°035/CAB/MIN/ECN-EF/2006 du 05 octobre 2006 relatif à l’exploitation
forestière
Assumani D-M., Benneker, C et J-D Likwandjandja (2012) Sciage artisanal : Approfondir
la connaissance de la chaîne de production. Étude menée dans la ville de Kisangani et
environs, province Orientale, RD Congo. Ce livre.
Loi n°011/2002 du 29 août 2002 portant Code forestier
Trefon T. (2006) Industrial logging in the Congo : Is a stakeholder approach possible ? South
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Enyimo, M. (2012) Des entreprises non en règle appelées à signer le nouveau contrat forestier.
Le potentiel, édition 10013, 06/01/2012. (http://lepotentiel.com/afficher_article.
php?id_edition=&id_article=119063)
200
Marché
Crédits photo :
1. Problématique
En RD Congo, la gestion des ressources forestières s’effectue dans un contexte
socio-économique et politique post conflit qui lui donne un caractère particulier et
délicat. La décennie 2000, caractérisée par une insécurité généralisée, a exacerbé le
développement de l’économie de survie en contraignant une majorité de la population
à des activités de subsistance et informelles (Debroux et al. 2007). Le secteur forestier
n’a pas été épargné par cette situation puisque l’exploitation informelle du bois s’est
considérablement accrue. Certes, le volume du bois produit par le secteur informel
est par nature difficilement quantifiable, mais il n’en demeure pas moins qu’il est très
important, comme en témoignent les flux de bois (qu’ils soient coupés à la hache ou
sciés à la tronçonneuse) sur les voies navigables, les routes, etc. à travers le pays.
Ce commerce du bois, qui alimente le marché local mais également le marché régional et
international, est favorisé au niveau local et informel par l’incurie des services étatiques, et
au niveau régional par la pénurie de bois. Djiré (2003) estime que les exploitants artisanaux
produisent beaucoup plus de bois que les industriels, et évalue leur production annuelle
à 1,5 - 2,4 millions de m3. Il n’existe pas d’estimations statistiques sur le secteur informel
du bois pour les différentes provinces de la RD Congo. Sur le marché régional africain,
Nairobi est l’une des principales destinations du bois à cause de la forte demande en
logements dans la capitale kenyane et sa région ces dernières années. La mégalopole
s’approvisionne en bois notamment en République Démocratique du Congo et dans
l’enclave angolaise de Cabinda (Kenya Forest Service 2010). Sans une vraie politique de
développement axée sur la lutte contre la pauvreté, la RD Congo va continuer d’éroder
ses forêts. Celles-ci couvrent 62% de son territoire et la population du pays est parmi les
1 Institut Facultaire des Sciences Agronomiques (IFA) de Yangambi Département de l’économie agricole Kisangani, RD Congo
203
Le bois à l’ordre du jour
A Kisangani et dans ses environs, le bois d’œuvre est l’un des produits agricoles les
plus présents sur le marché. L’exploitation artisanale du bois d’œuvre est l’une des
grandes activités génératrices de revenus pour la population locale. Le bois est vendu
sous plusieurs formes : grumes, plateaux, et bois sciés de plusieurs dimensions. Les
propriétaires de petites scieries, dont certains sont également exploitants forestiers,
approvisionnent généralement des dépositaires (détenteurs de dépôt et détaillants de
bois). Au bout du circuit on trouve les consommateurs locaux et les acheteurs venus
d’ailleurs. Tout intervenant dans le secteur du bois d’œuvre en RD Congo (par exemple
dans le cadre des accords APV/FLEGT) doit nécessairement connaître à fond les réseaux
de production, de commercialisation et de consommation du bois.
Dans ce texte, nous esquissons des réponses à ces questions en analysant le circuit de
distribution du bois d’œuvre, et en démêlant les relations de puissance (économique)
entre les différents acteurs de ce marché.
2. Hypothèses
Ce travail s’articule autour de l’hypothèse centrale selon laquelle le marché local du
bois se structurerait autour d’une multiplicité d’intervenants du secteur. Le faible taux
de rentabilité de l’activité de vente de bois d’œuvre à Kisangani par les offreurs locaux
(Likoko 2010) ne favorise pas l’éclosion d’un marché local prospère, contrairement aux
autres produits locaux vendus dans le secteur informel. En effet, la structure du prix
de bois d’œuvre serait dominée par les acheteurs qui en fixent le prix et limitent la
participation ou l’insertion économique des offreurs sur ce marché. C’est ce que nous
nous proposons de vérifier.
3. Définitions
3.1 Bois d’œuvre
Le nom de bois d’œuvre s’applique aux bois propres à tous les emplois autres que le
chauffage et la cuisson (domestique ou autre). Pour les bois destinés à ces autres usages,
204
Le marché du bois d’œuvre à Kisangani : Circuits, relations de pouvoir, et insertion économique
on parle en effet aujourd’hui de « bois énergie ». Les bois d’œuvre se divisent en bois
de service et bois de travail. Les bois de service sont ceux qui servent aux constructions
civiles et navales ; les bois de travail ou d’industrie comprennent les bois employés par
différents métiers tels que la menuiserie, l’ébénisterie, le charronnage, la tonnellerie, etc.
4. Méthodologie
4.1 Milieu
Cette étude a été réalisée à Kisangani dans la
province Orientale du nord-est de la RD Congo.
La ville est composée administrativement de six
communes à savoir : Lubunga, Makiso, Tshopo,
Kabondo, Mangobo et celle de Kisangani. La
Ville de Kisangani compte au total 1.186.479
habitants (600.998 hommes soit 50,69% et
585.481 femmes soit 49,35%, Institut National
des Statistiques 2009).
205
Le bois à l’ordre du jour
Pour les scieurs de bois d’œuvre, nous n’avons recensé que les entrepreneurs ayant
des scieries opérationnelles. Il ressort en effet du tableau 1 que seulement trois des
communes sur les six communes de Kisangani ont des scieries opérationnelles. 75%
des scieries sont installées dans la commune de Makiso, 20% à Mangobo, et 5% dans
la commune de Tshopo. La distribution de l’électricité est l’élément clé qui explique ces
différences, car elle arrive de manière plus constante à Makiso et à Mangobo (grâce à la
ligne de Sotexki, société textile de Kisangani) que dans les autres communes.
Au niveau des détaillants nous avons recensé les 23 dépôts existants. Au niveau des
acheteurs, nous n’avons recensé que ceux qui ont accepté de participer à l’enquête et
qui ont effectivement opéré sur le marché du bois d’œuvre.
Comme matériel, chaque enquêteur disposait d’un décamètre, d’un carnet et d’un stylo.
206
Le marché du bois d’œuvre à Kisangani : Circuits, relations de pouvoir, et insertion économique
Si CV < 15%, la distribution est très homogène, si CV < 30%, la distribution est homogène
et si CV ≥ 30%, la distribution est hétérogène.
5. Résultats
5.1 Profils des acteurs
Nous avons d’abord observé que les 20 chefs de scieries recensés étaient tous des
hommes. Quant à leur âge, 55% d’entre eux avaient de 31 à 45 ans, 40% avaient de
19 à 30 ans et seulement 5% avaient entre 46 et 66 ans. Cette jeunesse relative des
entrepreneurs de bois d’œuvre s’explique par le fait qu’avec les événements des années
1990 (démocratisation, pillage, troubles politiques, chômages, effondrement de l’État
Nation, etc.), l’exploitation locale des bois d’œuvre à Kisangani a constitué et constitue
encore une des activités de refuge et de survie pour les jeunes ménages. D’ailleurs,
80% de ces scieurs sont des chefs de famille qui ont trouvé dans le sciage leur source
principale de revenu, et seuls 20% sont célibataires.
90% des exploitants forestiers interrogés transforment les arbres abattus en planches
pour la vente directe, ou encore en plateaux qui facilitent l’évacuation des bois jusqu’à
la scierie. Les 10% restants vendent des grumes soit aux entreprises proches des lieux de
coupe, soit à quelqu’un d’autre qui transformera la grume pour son transport.
13% des scieurs interrogés sont propriétaires de leurs scieries et font en plus de la coupe
de bois. 87% affirment acheter leurs plateaux auprès d’exploitants artisanaux et 13% se
procurent leur bois d’autres manières (coupes sauvages ou sur leurs propres terres).
Dans les scieries les plateaux sont redimensionnés (en planches, chevrons, madriers,
plaquettes etc.). Ensuite, les scieurs qui sont aussi détaillants vendent leurs produits
directement aux consommateurs (7%), tandis que la grande majorité (93%) vend ses
produits au prix de gros aux détaillants.
Détaillants
Acheteurs « Exportateurs »
207
Le bois à l’ordre du jour
Le circuit long passe par les scieurs où les plateaux sont transformés en produits
variés. Ces produits sont de meilleure qualité que les planches rabotées produites par
les exploitants qui les vendent au détail. Ce bois-là est acheté par les consommateurs
locaux qui ont besoin de pièces prêtes à l’usage, et aussi par des « exportateurs » qui le
transportent vers d’autres régions, à Kinshasa et au Nord-Kivu en particulier. Le Nord-Kivu
est en effet la porte de sortie pour la demande régionale de bois d’œuvre, notamment
celle du Kenya. Chaque intermédiaire de la filière y prélève sa marge commerciale. Ce
circuit long offre du travail à de nombreux ménages.
208
Le marché du bois d’œuvre à Kisangani : Circuits, relations de pouvoir, et insertion économique
Suite du Tableau 2
Chevrons Madrier
Dépôts visités Prix proposé Prix proposé Prix Prix proposé Prix proposé Prix
par le vendeur par l’acheteur consensuel par le vendeur par l’acheteur consensuel
(USD) (USD) (USD) (USD) (USD) (USD)
13 2,5 2,0 2,5 5,0 4,0 4,6
14 2,5 2,3 2,5 5,0 4,6 5,0
15 2,5 2,0 2,5 5,0 4,7 5,0
16 2,5 1,5 2,0 5,0 4,7 5,0
17 3,0 2,2 2,5 5,0 4,0 4,7
18 2,5 2,0 2,0 5,0 4,7 5,0
19 3,5 2,5 2,5 5,0 4,7 5,0
20 2,5 2,2 2,3 5,0 4,0 4,5
21 2,5 2,3 2,4 5,0 4,7 5,0
22 2,5 1,9 2,0 5,0 4,7 5,0
23 2,5 1,8 2,0 5,0 4,0 4,6
Moyenne 2,63 2,1 2,3 5,0 4,5 4,8
Écart-type 0,31 0,24 0,23 0 0,3 0,3
C.V (%) 11,77 11,49 9,96 0 6,9 6,4
Max 3,5 2,5 2,5 5,0 4,8 5,0
Min 2,5 1,8 2,0 5,0 4,0 4,0
Le prix d’entente moyen du chevron, fixé à 2,30 USD (0,2<0,33) penche du côté de
l’acheteur, la concurrence des offreurs de chevrons donnant le pouvoir aux demandeurs
sur ce marché local. Statistiquement cette différence est significative selon Friedman
ANOVA (p<0.01).
Par contre, pour le marché du madrier, le prix consensuel moyen, fixé à 4,8 USD, penche
du côté du vendeur (0,2<0, 3) et cette différence est elle aussi statistiquement significative
selon Friedman ANOVA (p<0.01), car sur le marché de Kisangani c’est la concurrence
209
Le bois à l’ordre du jour
entre les demandeurs de madriers qui donne le pouvoir au vendeur de négocier le prix
de ces pièces en sa faveur.
Pour les deux catégories de produits analysés (chevrons et madriers) dans les 23 dépôts
de détaillants de Kisangani, le pouvoir économique des acteurs varie donc suivant le
produit, l’offre, la demande, etc. : l’abondance de l’offre dans le cas du chevron traduit
la puissance économique des acheteurs, alors que pour le madrier c’est essentiellement
l’excès de la demande qui explique celle des vendeurs. Il s’agit d’équilibres instables
influencés par l’offre et la demande sur le moment. Cependant, le prix du marché n’est
pas seulement influencé par la capacité de négociation des acteurs, il dépend aussi de la
fluctuation de l’offre et de la demande générales, elles-mêmes influencées par d’autres
nombreux facteurs : l’inflation, le prix du carburant, les coupures de courant, la demande
dans la construction, etc.
210
Le marché du bois d’œuvre à Kisangani : Circuits, relations de pouvoir, et insertion économique
On peut apprécier les résultats : le taux de rentabilité de la plupart des produits agricoles
est plus élevé que celui du bois scié, largement dépassé par la viande de bœuf et la
feuille de manioc. Les différences constatées sont spécifiques et caractéristiques du
marché de chaque produit.
6. Discussion
Le marché du bois offre donc à ses acteurs un pouvoir économique qui varie suivant
le produit. D’une part l’excès de l’offre ou de la demande détermine pour l’essentiel le
pouvoir ou la puissance économique des acteurs de ce marché. Et de l’autre, des facteurs
comme la stabilité du courant électrique, la dynamique de la construction, et le cadre
macro-économique des affaires à Kisangani expliquent eux aussi les variations du
pouvoir économique de ces acteurs dans le temps.
211
Le bois à l’ordre du jour
Il faut aussi soutenir les stratégies visant la rationalisation de la filière en vue d’accroître
le pouvoir économique des offreurs de bois d’œuvre. L’adhésion du pays au plan d’action
FLEGT va encourager le respect du cadre juridique et réglementaire forestier et ainsi
promouvoir le respect des droits des exploitants artisanaux et des communautés locales.
Une meilleure application de la loi devrait conduire à une réduction de la pauvreté dans
les régions forestières (Heuse 2010).
7. Conclusion
Nous devons retenir de cette analyse que le marché local du bois d’œuvre à Kisangani
sert une double fonction : d’un côté les exploitants livrent au marché local une gamme
variée de bois sciés, et de l’autre ils cherchent à satisfaire la demande régionale et
internationale.
212
Le marché du bois d’œuvre à Kisangani : Circuits, relations de pouvoir, et insertion économique
Cette étude conforte en totalité l’hypothèse selon laquelle l’éclosion d’un marché du bois
d’œuvre à Kisangani qui soit profitable aux exploitants viendra de la réponse apportée
aux différents obstacles affrontés par les acteurs impliqués dans ce circuit. Il est en effet
nécessaire de rationnaliser la filière locale de bois d’œuvre en stimulant par la législation
les stratégies qui renforcent le pouvoir économique des offreurs : l’accès au crédit, la
formation, la gouvernance, la professionnalisation des transformateurs en sont de bons
exemples.
Quant aux chercheurs, ils doivent créer des bases de données pertinentes en renforçant
le travail en réseau et la recherche-action qui, grâce à une approche participative des
acteurs impliqués, peuvent aider à trouver des solutions appropriées aux problèmes
fondamentaux.
Références bibliographiques
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Démocratique du Congo post conflit, Democratic Republic of Congo - Analysis of
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FLEGT ! Disponible sur http://www.btcctb.org/fr/casestudy/la-t-congolaise-
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Lescuyer G., Cerutti P., Essiane Mendoula, E. Eba’aAtyi, R et R. Nasi (2011) Le marché
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Cameroun
213
Le bois à l’ordre du jour
Likoko L. (2010) Commercialisation du charbon de bois sur les marchés (I.AT ; Djubudjubu ;
11 Avenue Tshopo et Litoi) et son incidence sur les ménages, mémoire Inédit, Institut
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Ngoy I. (2009) Approche banque communautaire dans le commerce des produits agricoles
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Institut Facultaire des Sciences Agronomiques (IFA) de Yangambi (IFA), Kisangani
RD Congo, 77 p
Nyongombe U. (1993) Contribution à l’étude écologique et biologique des poissons de la
rivière Masendula (affluent de la Tshopo) à Kisangani (Thèse), IFA-Yangambi
Cette marge commerciale, c’est par extension la différence entre la valeur réalisée par
un acteur autre que le fabricant, qui vend aux consommateurs une certaine quantité de
produits et la valeur consentie par lui pour l’acquisition de la même quantité de produits.
Elle est obtenue en faisant la différence entre le prix de vente et le prix de revient.
M.B= PV-PR
Avec, M.B. : Marge commerciale Brute ; P.V. : Prix de Vente ; P.R. : Prix de Revient
MB
RC- ------ x 100
PR
Où RC = Rentabilité Commerciale ; MB = Marge Brute ; PR = Prix de Revient
1 Courtois G., Nignet G. et Lochrd (1982) : Comprendre la comptabilité analytique. Ed. d’organisation, Paris, France.
214
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre à Kisangani :
Le cas des essences Pericopsis elata ou Afrormosia, et
Entandrophragma cylindricum ou Sapelli
Jérôme Ebuy1, Dieu-Merci Omari Ibrahim1 et Hyppolite Nshimba2
Résumé
La grande majorité de la population rurale congolaise dépend de la forêt pour sa vie
quotidienne. En RD Congo, les arbres sont abattus pour des usages multiples et constituent
une source financière pour les exploitants artisanaux et ceux qui travaillent autour d’eux.
L’exploitant est amené par les agents de l’État à payer certaines taxes. Parmi les circuits
d’utilisation des ressources forestières qu’il est nécessaire de mieux comprendre, figure
l’exploitation artisanale du bois d’œuvre. Le bois d’œuvre est exploité dans un contexte
de règlementation opaque, mais généralement avec un titre d’exploitation obtenu
de l’administration publique. Le bois est transformé et commercialisé en marge des
mécanismes formels requis par l’administration forestière (OFAC 2007).
Dans le cadre de cette étude nous avons constaté l’ampleur de l’exploitation artisanale
en échantillonnant une partie des exploitants actifs à Kisangani. Kisangani, la troisième
ville du pays et chef lieu de la province Orientale, est située dans la cuvette centrale
congolaise. L’objectif visé par notre étude est d’étudier l’exploitation artisanale de bois
d’œuvre en s’intéressant au cas spécifique de deux espèces de grand intérêt commercial,
à savoir : le Pericopsis elata (ou Afrormosia) et l’Entandrophragma cylindricum (ou Sapelli).
Comme choix méthodologiques nous avons utilisé des enquêtes, des mensurations, et
des publications. Vingt cinq exploitants artisanaux consultés ont déclaré produire un
volume mensuel de 775 m3 de bois scié, soit un volume trimestriel de 2.325 m3, qui ne
tient pas compte du bois coupé. Sur les quatre marchés visités nous avons mesuré au
total 624,5 m3 pour l’Afrormosia et 515 m3 pour l’espèce Sapelli, soit un volume total de
1.139,5 m3 de bois produits durant notre période d’étude (du 3 mars au 3 juin 2010), ou
une moyenne mensuelle de 380 m3 pour les quatre sites d’étude et pour les produits
215
Le bois à l’ordre du jour
mesurés. L’exploitation artisanale de bois d’œuvre est une affaire d’hommes, mais aussi
de femmes (respectivement 64% et 36% des interviewés).
1. Introduction
Parmi les circuits d’utilisation des ressources forestières qu’il faut mieux comprendre,
figure l’exploitation artisanale du bois d’œuvre. La RD Congo compte environ 86
millions d’hectares de forêt dense, dont environ 60 millions seraient en théorie aptes
à la production de bois d’œuvre. Selon diverses études, la forêt congolaise pourrait
produire annuellement de 6 à 10 millions de m3 de bois sans endommager l’équilibre
de l’écosystème (Debroux et al. 2007). Cependant, son capital ligneux est encore peu
connu et les informations disponibles sont loin d’être complètes. Seules des estimations
grossières sont possibles.
Dans le cadre de cette étude nous nous proposons d’examiner l’ampleur et les
caractéristiques de l’exploitation artisanale dans les quatre marchés de la ville de
Kisangani. Avec comme objectif spécifique la connaissance du volume mensuel
exploité et vendu sur les marchés pour les espèces Pericopsis elata (Afrormosia) et
Entandrophragma cylindricum (Sapelli).
216
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre à Kisangani
2. Hypothèses
Après une pré-enquête d’observation sur le terrain, nous avions vu qu’une personne sur
deux exploitait soit l’Afrormosia, soit le Sapelli (50/50%). Sur la base de ces observations,
et puisque ces deux espèces répondent assez bien aux besoins de la population locale
nous avons décidé d’approfondir le sujet et formulé les hypothèses suivantes :
1. Que les volumes des flux de bois des deux espèces étudiées (Afrormosia et Sapelli)
seraient égaux ;
2. Que le volume d’Afrormosia et de Sapelli vendus sur les marchés de la ville serait
supérieur à celui de toutes les autres espèces.
217
Le bois à l’ordre du jour
Notre travail s’est déroulé à Kisangani même, troisième ville du pays et chef-lieu de la
province ; la ville est située dans la cuvette centrale congolaise, à 0°31’ Nord et 25°11’ Est.
Son altitude moyenne est de 396 m (Nyakabwa 1982). Le climat est de type équatorial
avec des précipitations annuelles moyennes de 1.837 mm, et une température annuelle
moyenne de 25,2ºC. Administrativement, la ville est divisée en six communes : Lubunga,
Tshopo, Kabondo, Kisangani, Makiso et Mangobo, réparties sur une superficie totale
estimée à 1.910 km². La carte ci-dessous, renseigne et situe la zone d’étude.
3.1 Végétation
D’après Bola (2002), la végétation originelle de Kisangani et ses environs est la forêt
ombrophile (qui garde ses feuilles toute l’année, dont les couronnes se touchent, et dont
les sous-bois supportent l’ombrage), profondément modifiée par l’action anthropique
(activité humaine), qui a fait place à une foison de groupements rudéraux herbacés
(herbacées qui colonisent les abords des routes ou sentiers) et adventices (mauvaises
herbes) post-cultures, et à de nombreux arbres, tant d’origine locale qu’introduits. Dans la
périphérie de la ville, on trouve des formations forestières secondaires, rarement quelques
lambeaux de forêt primaire, et d’autres types de forêts, comme des regroupements sur
sols hydromorphes. La biodiversité floristique de la région de Kisangani est étroitement
liée à l’évolution de facteurs abiotiques et biotiques régionaux.
La première espèce qui nous intéresse est l’Afrormosia (Pericopsis elata). Elle appartient
a la famille des Fabaceae, elle-même de la famille des papillionaceae, et ses troncs
peuventt atteindre 1,30 m de diamètre ; parfois tortueux, de longueur moyenne de 20 m,
droits et cylindriques. Leur bois est jaune olive puis brunâtre, lourd, mi-dur, à grain fin.
Cette espèce est particulièrement convoitée par les exploitants industriels et artisanaux
pratiquant l’écrémage. L’écrémage est une pratique d’exploitation qui ne vise qu’une
seule ou deux espèces parmi toutes celles qui sont sur place.
La seconde espèce, le Sapelli (Entandrophragma cylindricum), de la famille des Meliaceae,
est largement répandue dans toutes les forêts de RD Congo et d’Afrique tropicale (Louis
1973). Il fait partie de douze espèces possédant chacune des caractères décoratifs
spéciaux, mais qui possèdent toutes des caractéristiques communes : leur écorce rouge
odorante, des feuilles groupées à l’extrémité des ramilles, des folioles sans domaties
dans l’aisselle, des nervures secondaires sur la face intérieure, des fruits en capsules à
déhiscence septifrange, et des graines ailées et directement attachées à la columelle.
218
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre à Kisangani
Matériel
Nous nous sommes servis d’un mètre ruban de 5 mètres et d’un décamètre pour mesurer
le bois : longueur, largeur, épaisseur et demi-circonférence des pièces de bois (dosse et
quartier) ; d’une calculatrice scientifique pour les calculs arithmétiques et statistiques ;
d’un carnet de terrain pour enregistrer les données et d’un ordinateur pour la saisie et le
traitement des données via les logiciels Word et Excel.
5. Résultats
5.1 Résultats d’enquête
Nous présenterons dans cette partie les résultats obtenus auprès des exploitants artisanaux
sur les sites visités : les marchés, les menuiseries, et les abords des principaux axes routiers.
219
Le bois à l’ordre du jour
16 personnes, soit 64%, de nos interviewés sont donc des hommes et 36% des femmes.
On peut en déduire que les femmes jouent un rôle plus important dans la chaîne de
l’exploitation artisanale que généralement supposé : c’est qu’elles sont actives sur le
terrain comme les hommes (elles financent les opérations depuis l’achat des arbres
auprès de la communauté jusqu’à la vente des produits sur le marché).
56% des interviewés se trouvent donc dans la tranche d’âge 41-50 ans, suivis de ceux
qui ont de 31 à 41 ans, et qui représentent 44%. Notons qu’aucun de nos interviewés
n’a moins de 30 ans. Nous supposons que les jeunes ont peur de s’engager dans cette
activité, ou qu’ils manquent des moyens financiers pour le faire, ou encore qu’ils ont
d’autres raisons, que nous ne connaissons pas.
Le tableau 3 indique que 24% des interviewés ont déjà fait plus de 10 ans dans
l’exploitation artisanale ; 4% seulement sont nouveaux (3 ans) ; et la plupart (72% de ces
exploitants) y sont depuis 4 à 9 ans. Ces renseignements laissent supposer qu’ils ont en
général une grande expérience et qu’ils sont en bonnes relations avec les communautés
locales dont ils exploitent le bois.
220
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre à Kisangani
28% d’entre eux travaillent uniquement dans la production de bois, 32% uniquement
dans la vente de bois (revendeurs), et 40% autant dans la production que dans la vente.
Aucun exploitant ne transforme les planches produites en forêt en produits finis ayant
une bien meilleure valeur ajoutée.
Le tableau 5 estime les volumes mensuels de bois d’œuvre vendu durant la période
d’étude (3 mois)
Tableau 5. Volumes de bois scié mesuré en m3, par mois et par espèce.
Mois Mars Avril Mai Juin Total
dates 3 - 31 1 - 30 1 – 31 1-3 trimestriel
Afrormosia 137 276 195,5 16 624,5
Sapelli 121 198 185 11 515,0
Total 258 474 380,5 27 1.139,5
(Rappel : données récoltées du 3 mars au 3 juin)
Les flux de bois ont donc été plus importants au mois d’avril avec une production totale
de 474 m3. La production la plus basse a eu lieu au mois de mars (les 3 jours de relevés
en juin n’étant pas significatifs), et la plus forte durant les mois d’avril et de mai à cause
de la montée des eaux des rivières Tshopo et Lindi au facilite le transport des produits
ligneux par voie fluviale.
Le tableau 6 quant à lui détermine les volumes totaux et le volume moyen de bois
d’Afrormosia et Sapelli vendus (du 3 mars au 3 juin), sur chacun des sites étudiés.
Tableau 6. Estimation des volumes d’Afrormosia et de Sapelli vendus par marché durant les
3 mois de l’étude.
Total volumes par sites (m3)
Espèces Total (m3)
Litoi Djubudjubu Kikongo Cimestan
Afrormosia 280 241 75,5 12 624,5
Sapelli 191 185 115 13 515,0
Total 488 436 190,5 25 1.139,5
Moyenne 380
221
Le bois à l’ordre du jour
On voit que le marché de Litoi est plus fréquenté par les exploitants artisanaux pour la
vente de leur bois. C’est dû à son ancienneté et à sa localisation dans la ville. Il est en
effet situé au centre de la commune de Makiso à côté de la rivière Tshopo, et fréquenté
par des riverains de toutes les autres communes. Dans les quatre marchés nous avons
mesuré au total 624,5 m3 pour l’Afrormosia et 515 m3 pour l’espèce Sapelli. Il ressort
également de ce tableau que la vente de bois sur les marchés de Kikongo et de Cimestan
est beaucoup moins importante ; nous supposons que c’est leur nouveauté par rapport
aux deux autres, plus anciens, de Litoi et de Djubudjubu qui pourrait en être la cause, et
que les exploitants préfèrent les marchés où leurs produits s’écouleront rapidement. La
moyenne pour les deux espèces dans les quatre sites est de 380 m3 de bois vendu.
40
30
m3
20
10
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25
Exploitants
Figure 2. La production mensuelle de bois (m ) declarée par les exploitants artisanaux.
3
La production moyenne par exploitant est de 31 m3 par mois. Remarquons dans cette
figure la grande différence des capacités de production : un des exploitants produit très
peu, seulement 15 m3 par mois en moyenne ; alors que trois de ses collègues ont une
production mensuelle trois fois supérieure (45 m3). Cette différence peut s’expliquer
par le fait que la production de chacun dépend de son propre capital financier ; ou que
certains exploitants reçoivent des avances de leurs clients, ou bien des subventions de
clients potentiels ; ou encore que certains ne déclarent pas leur production véritable. La
production mensuelle moyenne totale déclarée s’élève à 775 m3.
La figure suivante illustre les flux de bois vendus sur les marchés selon les espèces durant
la période d’étude.
222
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre à Kisangani
10
0
Litoi Djubudjubu Kikongo Cimestan
D’après la figure ci-dessus, huit autres espèces que celles de notre étude (Afrormosia
et Sapelli) ont été recensées. Toutes les dix sont présentes sur les différents marchés de
Kisangani et sont coupées en périphérie de la ville. On trouve de l’Afrormosia sur tous les
marchés en quantités non négligeables ; puis de l’Iroko. Mais sur le marché de Litoi, c’est
le Limbali qui occupe la première place ; et sur le marché de Djubudjubu, c’est plutôt le
Sapelli qui se vend le mieux.
Il est difficile d’interpréter ces différences. Elles sont sans doute dues à une certaine
spécialisation de chaque marché, pratique pour les habitants de la ville qui savent que
s’il faut acheter du Limbali, mieux vaut aller au marché de Litoi, et que si l’on veut du
Sapelli, on en trouvera facilement sur le marché de Djubudjubu.
Notre seconde hypothèse, selon laquelle les volumes de flux de nos deux espèces
dépasseraient ceux des flux des autres, ne semble donc pas du tout correcte. Il faudra
des études supplémentaires pour aboutir à des conclusions valides.
223
Le bois à l’ordre du jour
Le tableau 7 fait état des coûts engagés pour la production d’un m3 de bois.
Tableau 7. Fourchettes des coûts à la charge de l’exploitant pour l’abattage et le débitage des
arbres exploités (par m3).
Composantes des coûts à la charge de l’exploitant USD/ m3 (les plus bas) USD/ m3 (les plus hauts)
Arbres /m3 3 4
Machiniste /m 3
20 20
Aide machiniste /m3 5 5
Carburant /m3 de bois débité en planches ou madriers 3 10,8
Restauration/par jour 2,5 3
Manutention /par arbre 7 8,5
Transport /m 3
33 80
Taxe environnementale /m 3
20,8 20,8
Taxe commerciale /m 3
8,3 8,3
Redevance forestière /m 3
2,5 2,5
Coût total par m3 113 159
Le calcul des coûts d’exploitation par m3 est difficile à évaluer, d’autant plus que les
exploitants eux-mêmes ne sont pas en mesure de l’évaluer avec précision. Dans ces
calculs, il reste beaucoup de zones d’ombre où l’exploitant est incapable de justifier
le montant alloué à chaque opération. Les exploitants nous donnaient des coûts par
arbre, par m3, par jour et par camion. C’est pourquoi nous proposons que d’autres études
soient entreprises pour affiner ces résultats.
Pour pouvoir en effet donner les coûts décrits dans le tableau précédent (par m3) nous
avons dû convertir les coûts sur la base d’évaluations. Elles sont à considérer avec réserve.
Un arbre abattu a un volume de 4 à 8 m3, donc le coût d’achat d’un m3 issu des arbres les
plus petits peut équivaloir à 5 USD par m3, et celui des plus grands à 3 USD.
Les machinistes et leurs aides sont payés par m3 de bois travaillé. Un machiniste est
rémunéré 20 USD par m3 et son aide 5 USD, ceci sur toutes les routes prospectées. Les
exploitants estiment la dépense de carburant à 10,8 USD par m3 coupé et débité. On
produit en moyenne au moins 4 m3 par jour, et on peut en déduire le coût par m3 de la
restauration journalière des équipes, que nous avons évalué à environ 2,5 USD.
Le coût de la manutention peut être estimé entre 6 et 8,5 USD par m3. Un camion peut
transporter entre 12 et 15 m3, donc le coût de transport par m3 est de 33 à 80 USD selon
la distance qui sépare le point d’évacuation et le point de vente, mais aussi selon le
tonnage du camion. La taxe environnementale (20,8 USD), la taxe commerciale (8,3 USD)
et la redevance forestière (2,5 USD) se payent par m3 de produits-bois vendus sur les
marchés.
224
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre à Kisangani
L’estimation du coût total de production du bois varie donc entre 113 et 159 USD
par m3. Mais encore une fois il faudrait pouvoir préciser ces valeurs par des études
complémentaires.
La plupart de nos interviewés ont déclaré être en règle avec le service chargé de
l’exploitation, c’est-à-dire qu’ils détiennent tous les documents exigés : permis de
coupe, reçu de la taxe environnementale, de la taxe communale (payée au bureau de la
commune), reçu de la déclaration de redevance forestière, et de la taxe commerciale –
qui équivaut à une autorisation de vente. Très peu nombreux sont ceux qui ont déclaré
ne pas avoir les documents réglementaires.
Ces déclarations sont pourtant à prendre avec réserve, parce que nous avons remarqué
que la plupart de ces exploitants ne disposaient pas de permis de coupe ni de documents
prouvant le paiement d’autres redevances, et parce beaucoup d’entre eux s’arrangent
avec un collègue en règle pour être en règle eux aussi, moyennant contrepartie.
6. Discussion
D’après nos recherches, il s’avère que la demande locale en bois d’œuvre à Kisangani
est en grande partie couverte par la production artisanale. Cette situation est presque
la même que celle du Cameroun, comme
l’analyse Yeboah (2006). Cet auteur souligne
que la demande nationale est négligée
par les industries forestières, qui préfèrent
exporter leur production, à cause de prix plus
rémunérateurs à l’extérieur.
La comparaison des deux espèces étudiées montre que l’Afrormosia occupe la première
position ; suivi de l’Iroko, comme le démontre le tableau 6. Ce qui invalide notre première
hypothèse, selon laquelle les volumes de bois produits et vendus de nos deux espèces
choisies seraient égaux. Cette situation répond à la demande sur le marché de Kisangani.
225
Le bois à l’ordre du jour
Alors que tout le bois produit par les exploitants artisanaux de la RD Congo est d’une
façon ou d’une autre transformé localement en produits finis (même si leur qualité n’est
pas idéale), cette situation est complètement différente pour l’exploitation industrielle,
qui exporte pratiquement uniquement des grumes de bois non sciées.
D’après Eba’A Atyi et al.(2008), la RD Congo dispose au total de 41 unités de transformation
industrielles, mais elles ne sont pas toutes fonctionnelles. Jung et Debels (2003) disent
que c’est le Cameroun qui possède l’industrie de transformation la plus développée au
niveau de la sous-région (Afrique Centrale), mais ils signalent aussi que la plupart des
pays tropicaux exportent encore essentiellement des grumes qui leur rapportent moins
que si le bois était scié et raboté sur place.
7. Conclusion
Dans le cadre de cette étude, nous avons eu recours à des enquêtes, mensurations
et publications. Les enquêtes ont couvert une période allant du 3 mars au 3 juin sans
interruption.
Nous estimons que les coûts engagés pour la production d’un m3 de bois varient entre
113 USD et 159 USD. Nous avons même trouvé des femmes parmi les acteurs du secteur
226
L’exploitation artisanale du bois d’œuvre à Kisangani
de l’exploitation artisanale de bois d’œuvre, avec des représentativité de 36% par rapport
aux hommes.
À l’avenir, des contraintes plus globales pourraient peser sur l’exploitation artisanale de
bois d’œuvre. Nous pensons que le développement de la ville va augmenter la demande
en bois de manière exponentielle. Si on ne prend pas les précautions nécessaires,
l’exploitation artisanale de bois d’œuvre aura un impact notable sur la forêt urbaine et
ses environs, avec des conséquences sur la dégradation de nos forêts bien sûr, et sur
la vie quotidienne de la population locale qui
dépend étroitement de ces écosystèmes.
Références bibliographiques
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Dissertation de DES inédite, Université de Kisangani, Kisangani, RD Congo, 214 p
CTFT (Centre Technique Forestier Tropical) Entandrophragma cylindricum, Bois et Forêts
de tropique, N.36, pp 25-28
Debroux L., Hart, T., Kaimowitz, D., Karsenty, A. et Topa, G. (2007) La forêt en République
Démocratique du Congo post conflit, Democratic Republic of Congo - Analysis of
a Priority Agenda. - Analyse d’un agenda prioritaire. Joint report by teams of the
World Bank, CIFOR, BM et CIRAD, Bogor, Indonésie, 121p
Eba’A Atyi R., Devers D., Wasseige C. de, et F. Maisels (2008) État des forêts d’Afrique Centrale :
Synthèse sous régionale, Rapport d’atelier de validation, Kinshasa, RD Congo, 27 p
FAO (2006) Évaluation des ressources forestières mondiales, FAO, Rome, 151 p
Jung R. et Debels M. (2003) La filière du bois, Mission Economique de Yaoundé, Cameroun
8p
Louis J. et J. Fouarge (1947) (in Bola, M. 2002) Essences forestières et bois du Congo,
Publication de l’INEAC, Fascicule 4, 75 p
Malele M.S. (2003) Note thématique sur les ressources génétiques forestières, in Situation
des ressources génétiques forestières de la République Démocratique du Congo,
FAO, Rome, 44 p
Nyakabwa M. (1982) Phytocénose de l’écosystème urbain de Kisangani, thèse de doctorat,
inédite, Université de Kisangani, Kisangani, RD Congo, 418 p
227
Le bois à l’ordre du jour
OFAC (2007) Importance du bois d’oeuvre informel dans les villes de Kinshasa, Kisangani et
leurs environs, proposition de l’étude, Rapport d’atelier de validation des indicateurs,
Observatoire des Forêts d’Afrique Centrale (OFAC), Kinshasa, RD Congo, p 4
Yeboah K.A. (2008) Sciage artisanal, transformation et commerce du bois d’oeuvre du
Cameroun à destination de l’arc soudano-sahélien, 3 p, in L’étude de l’exploitation
informelle de bois d’oeuvre à Kisangani, Mukendi, B. (2009), Université de Kisangani
(Faculté des Sciences), Kisangani, RD Congo
228
Impact et aspects
écologiques
Crédits photo :
Résumé
La réhabilitation des routes en zones forestières induit des effets divers sur
l’environnement. En particulier, elle provoque de nombreuses perturbations dues à la
croissance non contrôlée de l’exploitation forestière artisanale. Nous examinons dans
ce travail les effets produits par la réhabilitation de la route Kisangani–Ubundu sur
l’exploitation forestière artisanale dans les forêts des communautés locales. L’approche
adoptée a consisté à observer directement les pratiques d’exploitation artisanale de bois
d’œuvre, et à enquêter auprès des populations et des exploitants artisanaux installés le
long de cette route.
Les données recueillies ont permis de noter une recrudescence de l’exploitation artisanale
de bois d’œuvre. Il en résulte une extension des superficies de forêts exploitées, une
population impliquée croissante, et un volume de production de bois de plus en plus
important. De manière générale, cette exploitation, généralement réputée illégale, est
menée par des habitants de la ville de Kisangani.
1 Université de Kisangani, Faculté des Sciences Agronomiques Gestion des Ressources Naturelles
2 Université de Kisangani, Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politiques/Sociologie
231
Le bois à l’ordre du jour
l’état de l’exploitation artisanale, les types de forêts exploitées, les moyens d’évacuation
des bois produits, et sur les difficultés de l’exploitation artisanale.
Mots clés : Exploitation forestière artisanale, réhabilitation des routes, forêts des
communautés locales, RD Congo
1. Introduction
Problématique
Le développement d’un secteur d’exploitation de bois à petite échelle pour
approvisionner les marchés nationaux est vital pour les économies rurales et urbaines
des pays, en l’occurrence ceux du bassin du Congo. Actuellement ce développement se
fait de manière informelle, et la production de bois du secteur n’apparait généralement
pas dans les statistiques officielles bien qu’elle donne lieu à une activité importante
(Lescuyer et al. 2009). En République Démocratique du Congo (RD Congo) l’exploitation
artisanale de bois d’œuvre est une pratique ancienne qui date de l’époque coloniale où
elle était destinée à satisfaire les besoins des populations autochtones, car l’exploitation
conventionnelle était principalement orientée vers l’exportation et la réalisation de
grands travaux par l’État colonial. Avec la dégradation de la situation socioéconomique
et politique dans les années 90, qui s’est accompagnée d’une détérioration très poussée
des infrastructures routières, de nombreux opérateurs du secteur du bois ont arrêté leur
activité en RD Congo, laissant ainsi la place aux petits exploitants locaux qui devaient
non seulement satisfaire la demande locale, mais aussi celle des pays voisins (Forests
Monitor, 2007 ; Umunay et Makana, 2009). Ainsi, et aussi grâce à l’introduction de la
tronçonneuse, l’exploitation artisanale de bois a-t-elle pris son un essor ces dernières
années. On estime aujourd’hui qu’elle produit plus de bois que l’exploitation industrielle,
particulièrement dans la partie orientale de la RD Congo (Makana 2006 ; Forests Monitor
2007). Un autre facteur qui joue un rôle majeur dans le développement de la filière en RD
Congo c’est l’accès aux marchés qui devient généralement plus accessible.
Le secteur informel joue un rôle au moins aussi important que le secteur formel mais,
par définition, les données et analyses qui le concernent sont rares. En 2006, il fournissait
entre 9.000 et 15.000 emplois permanents (Toirambe et al. 2006). Malgré son importance,
le secteur informel des produits forestiers reste peu connu et les données le concernant
sont parcellaires et incomplètes (Lescuyer et al. 2009). En 2003, les exploitants artisanaux
produisaient déjà entre 1,5 et 2,4 millions de m3, c’est-à-dire beaucoup plus que les
exploitants industriels (Djiré, 2003 ; Lescuyer et al. 2009). Or les moyens de subsistance de
la majorité des populations rurales et urbaines dans l’est de la RD Congo sont fortement
tributaires des produits forestiers (Makana, 2006). Il s’avère important et urgent de
comprendre le secteur de manière systémique afin de mieux orienter la prise de décision
efficace pour son organisation.
L’exploitation artisanale de bois d’œuvre en Ituri (une des régions forestières potentielles
de la province Orientale avec Kisangani et Ubundu) est aujourd’hui largement décriée
sans toutefois qu’une évaluation globale des flux ou des chiffres d’affaires générés ait
été réalisée. Elle alimente manifestement un volume important d’exportations de bois
vers les pays frontaliers, sans que l’État ou les populations locales bénéficient réellement
232
L’impact de la réhabilitation des routes sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
de cette activité (Lescuyer, 2010). La filière du bois d’œuvre génère beaucoup d’emplois
dans les villes comme dans les campagnes de la région de Kisangani, comme le
démontrent les résultats des enquêtes réalisées par Mukendi (2009) qui ont par exemple
dénombré 670 emplois uniquement dans la menuiserie, concentrés essentiellement
dans la commune de Mangobo.
Objectifs et hypothèses
La réhabilitation de la route Kisangani-Ubundu (K2) dans la province Orientale fut menée
par les entreprises Bego et Getraco sous la supervision de l’UNOPS, et s’est accompagnée
d’une reprise importante des échanges économiques entre les deux villes. L’entretien de
cette route a favorisé également le développement de l’exploitation artisanale de bois
d’œuvre qui s’exerce principalement dans les forêts des communautés locales. Le sciage
artisanal pratiqué sur cette route devrait créer des emplois et contribuer à la réduction
233
Le bois à l’ordre du jour
2. Définitions
Exploitation forestière : selon l’article 2 de l’arrêté 035 du 05 octobre 2006, elle s’entend
des activités d’abattage, de façonnage, de débardage, d’évacuation et de transport de
bois ou de tout produit ligneux, ainsi que de la récolte, dans un but commercial et à titre
professionnel, d’autres produits forestiers.
Communautés locales : selon le code forestier congolais du 29 août 2002, c’est une
population traditionnellement organisée sur la base de la coutume et unie par des liens
de solidarité clanique ou parentale, qui fondent sa cohésion interne. Elle est caractérisée
en outre par son attachement à un terroir déterminé.
Forêts des communautés locales : ce sont des forêts dont la gestion est transférée
aux communautés locales. Dans le contexte de notre étude, il s’agit des forêts dont la
gestion de bois d’œuvre se fait directement et principalement par les communautés
locales dans la catégorie des forêts protégées congolaises, bien qu’aucune mesure
d’application régissant clairement ces dernières n’ait encore été prise en RD Congo. Ces
forêts devraient faire objet d’une « gestion communautaire » qui peut être considérée
comme une dévolution, dans la mesure où elle repose sur le transfert de gestion à des
communautés locales (Méral et al. 2008). Les forêts protégées font partie du domaine
privé de l’État et constituent le « domaine forestier protégé ».
234
L’impact de la réhabilitation des routes sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
235
Le bois à l’ordre du jour
Notre zone d’étude se caractérise par une grande diversité ethnique. Les ethnies
majoritaires sont les Kumu, les Mbole, les Lengola et les Topoke. Ces ethnies parlent
chacune une langue différente, mais c’est le swahili qu’utilisent les personnes d’ethnies
différentes pour communiquer. Les ressortissants de certaines ethnies, principalement
les Topoke, utilisent davantage le lingala comme langue de communication transversale.
236
L’impact de la réhabilitation des routes sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
4. Résultats
4.1 Description des exploitants artisanaux de bois d’œuvre
Comme nous l’avons expliqué, nous avons enquêté sur deux groupes d’acteurs : les
exploitants forestiers et les communautés locales. Les exploitants ont été questionnés
individuellement, à la différence des communautés locales où nous avons questionné
des groupes cibles considérant les ménages comme des variables d’enquêtes.
237
Le bois à l’ordre du jour
L’exploitation artisanale de bois d’œuvre sur la route K2 est pratiquée à 100% par des
hommes. Il est tout à fait probable que c’est la force physique nécessaire pour ce genre
de travail qui détermine ce résultat.
La distribution en classe d’âges des interviewés montre que la majorité de ces exploitants,
soit 46% sur les trois classes enregistrées, ont une tranche d’âge variant de 40 à 53 ans.
15
10
0
2009 mai 2010 oct 2010 déc 2010
Périodes
Figure 2. Histogramme de l’évolution du nombre d’exploitants forestiers artisanaux de bois d’œuvre
interviewés sur la route K2.
238
L’impact de la réhabilitation des routes sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
que pour qu’un exploitant artisanal opérant sur cet axe routier achemine ses produits
jusqu’aux grands centres de consommation, il doit tenir compte du coût de la traversée
du fleuve Congo.
Les exploitants préfèrent les forêts primaires, dans lesquelles les sous-bois ne sont pas
envahissants, car l’exploitation y est plus facile. Cette préférence des forêts primaires est
aussi due à la recherche d’essences de bois de qualité qui répondent prioritairement
à la demande du marché domestique de bois d’œuvre. Dans la forêt primaire et/ou
secondaire, la négociation d’achat de l’arbre se fait avec des représentants du clan
propriétaire de la forêt dans laquelle se trouvent les essences ciblées par les exploitants.
Ceux qui préfèrent exploiter le bois dans les jachères négocient le prix d’achat de
l’essence ciblée directement avec les propriétaires de la forêt. Les jachères appartiennent
aux personnes privées qui pratiquent l’agriculture dans ces forêts. La négociation est plus
facile avec elles qu’avec les chefs coutumiers. Cela réduit les ennuis ou conflits afférents à
l’achat d’arbres. D’autres facteurs étudiés ailleurs peuvent aussi expliquer cette situation.
Périodes d’exploitation
Les résultats concernant les périodes d’exploitation artisanale de bois d’œuvre sur la
route K2 se résument dans la figure 3 ci-dessous.
239
Le bois à l’ordre du jour
60
50
Pourcentage 40
30
20
10
0
Saison sèche Saison sèche Saison de Pluie
et de Pluie
Période active
Figure 3. Répartition en pourcentage des périodes d’exploitation de bois d’œuvre.
On y voit que 57% des exploitants artisanaux de bois d’œuvre préfèrent travailler
uniquement pendant la saison sèche. 43% exploitent pendant les deux saisons. La
préférence pour la saison sèche s’explique par le fait que l’évacuation du bois pendant
cette saison est plus facile. Par contre, d’autres préfèrent exploiter indistinctement
pendant la saison sèche et pendant la saison de pluie de manière à stabiliser ou couvrir
leur activité par leur présence permanente sur le marché local de bois d’œuvre. D’autres
facteurs internes et/ou externes peuvent néanmoins contribuer à expliquer ces pratiques.
25
20
Pourcentage
15
10
0
Afrormosia Liboyo Iroko Sipo Bois rouge
Essences de bois d’œuvre
240
L’impact de la réhabilitation des routes sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
40
30
Pourcentage
20
10
0
≤ 50 m 51 - 500 m 5001 - 1000 m 1001 - 2000m > 2000 m
Distance
Figure 5. Distances depuis la route K2 et les points d’exploitation, par exploitant (%).
La distance à la route que préfèrent les exploitants interviewés apparaît sur la figure
suivante.
Parmi eux, 46%, soit une majorité de 5 exploitants, opèrent dans un rayon de ± 1 km de
la route, suivis de 3 exploitants installés à une distance supérieure à 2 km. La préférence
c’est en effet la proximité de la route (quoiqu’il faille aussi tenir compte de la disponibilité
en forêt pour choisir un site d’exploitation), pour réduire le coût et les difficultés de
débardage des bois sciés jusqu’au point de transport vers le marché. Les distances
enregistrées inférieures ou égales à 500 m indiquent que certains exploitants artisanaux
commencent à scier les bois qui ont été coupés pendant les travaux de la réhabilitation.
241
Le bois à l’ordre du jour
Tableau 5. Répartition des opinions des exploitants sur la facilité d’évacuation du bois
d’œuvre.
Facilité Exploitants %
Moyens de transport disponibles 2 20
Route réhabilitée et donc praticable 7 60
Autres 2 20
Total 11 100
60% des exploitants forestiers artisanaux interviewés indiquent donc que la réhabilitation
de la route K2 joue un rôle prédominant pour faciliter le transport de leurs produits. Alors
que 20% pensent que c’est l’abondance de moyens de transport, et 20% parlent d’autres
raisons qu’ils n’ont pas élucidées.
Ceci nous amène aux difficultés que rencontrent les exploitants forestiers artisanaux
dans leur métier.
40
Pourcentage
30
20
10
0
Tracasseries Techniques Coût élevé Autres
administratives du transport
Difficultés
Figure 6. La répartition en pourcentage des difficultés que rencontrent les exploitants forestiers
artisanaux.
La lecture de cette figure montre que 43% des exploitants artisanaux estiment que le
coût élevé du transport reste leur principal problème, alors que 31% trouvent que c’est le
manque de techniques appropriées (d’abattage, de débardage, etc.) ou de compétence
(habileté, maîtrise, instruction professionnelle). Enfin, 15% d’entre eux désignent les
tracasseries administratives en tout genre. Cette constatation dénote que, quel que
soit l’état de la route, le coût du transport du bois jusqu’au centre de consommation
reste une charge préoccupante. Même si ce coût dépend aussi de la distance entre le
site d’exploitation et le lieu de vente. Les problèmes liés aux techniques artisanales
d’exploitation du bois d’œuvre sont également un réel souci pour les exploitants. Et ces
problèmes doivent avoir des conséquences en termes de revenus.
242
L’impact de la réhabilitation des routes sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
5. Discussion
L’offre de bois par les exploitants industriels sur le marché local étant très insuffisante,
il s’ensuit un développement du secteur artisanal. Cette situation est similaire à celle
du Cameroun où Koffi (2005) a trouvé que la demande intérieure de bois est alimentée
principalement par le sciage artisanal.
Comme sites d’exploitation, les artisans de l’axe Kisangani-Udunbu préfèrent d’abord les
forêts primaires, puis les forêts secondaires et les jachères. Nos résultats ne rejoignent pas
ceux de Bugale (2009), qui indiquent que les forêts secondaires sont les plus sollicitées
pour l’exploitation artisanale de bois d’œuvre dans la région de Kisangani. La préférence
pour les jachères est aussi signalée au Cameroun, où le sciage artisanal est produit dans
la majorité des cas hors du domaine forestier permanent, dans la zone agroforestière.
Il s’agit le plus souvent de la gestion des arbres des exploitations agricoles ou plus
récemment de ceux de la gestion des forêts communautaires (Plouvier et al. 2003).
Cerutti et Lescuyer (2010) indiquent eux aussi qu’au Cameroun l’essentiel du sciage
artisanal s’effectue dans des zones déjà largement engagées dans un cycle agricole de
jachères, puis de forêt secondaire devant être de nouveau défrichée.
243
Le bois à l’ordre du jour
La saison sèche est la période préférée par les exploitants artisanaux de bois d’œuvre
car elle rend leur activité plus facile et plus rapide : à cette saison-là l’état de la route
et des pistes d’évacuation est bon. Un petit nombre d’exploitants artisanaux travaille
indistinctement pendant les deux saisons : ils aspirent à la professionnalisation de leur
activité par la permanence de leur offre sur le marché local. Nkoy (2007) indique que sur le
territoire de Mambasa, les exploitants forestiers artisanaux travaillent même nuit et jour,
non seulement pour l’abattage des arbres mais aussi pour le sciage et le transport du bois.
244
L’impact de la réhabilitation des routes sur l’exploitation artisanale de bois d’œuvre
6. Conclusion
La présente étude avait comme objectif d’évaluer l’impact de la réhabilitation de la
route K2 sur les activités de l’exploitation artisanale de bois d’œuvre dans les forêts
des communautés locales. Elle a démontré que la réhabilitation de la route favorise
le développement de cette exploitation. Mais d’autres facteurs agissent aussi sur la
condition des exploitants artisanaux. Ce sont :
• Des coûts de transport élevés qui constituent un élément important dans la
valeur marchande du bois d’œuvre ;
• Un manque de maîtrise des techniques d’exploitation ;
• Une insuffisance de matériels appropriés ;
• Des tracasseries administratives et fiscales ;
• L’alternance saisonnière (pluies/ saison sèche) ;
• Les distances séparant les lieux d’exploitation de la route d’évacuation.
245
Le bois à l’ordre du jour
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247
L’exploitation artisanale du bois
et des chenilles comestibles par les
habitants de la ville de Kisangani et
ses environs
Janvier Lisingo Wa Lisingo1,2, Faustin Lokinda Litalema1,
Jean Lambert Wetsi2 et Honorine Ntahobavuka2
1. Problématique
La reconnaissance du rôle des produits forestiers non ligneux (PFNL) dans la sécurité
alimentaire a fortement augmenté ces dernières décennies (Bikoue et al. 2007). En
République Démocratique du Congo (RD Congo), le commerce et la consommation de
ces produits contribuent à l’économie et à la sécurité alimentaire des populations vivant
autour des massifs forestiers (Cunningham 1996, Tabuna 1999, Liengola 2002 et Kahindo
2007). Cependant, les gestionnaires des forêts accordent peu d’intérêt au potentiel
alimentaire et socio-économique des PFNL (Bikoue et al. 2007).
Les produits forestiers non ligneux animaux et végétaux que l’on trouve à l’état naturel
et qui sont consommés et commercialisés par l’homme jouent un rôle substantiel
dans l’alimentation des communautés locales et des économies péri-urbaines. Parmi
ces ressources, on consomme et commercialise les chenilles comestibles (Mbinzo en
lingala) ; et les arbres dont elles se nourrissent sont exploités pour divers usages par les
communautés locales et les exploitants forestiers.
248
L’exploitation artisanale du bois et des chenilles comestibles par les habitants de la ville de Kisangani et ses environs
Ces usages multiples, associés à l’agriculture itinérante sur brûlis et à la mauvaise pratique
d’abattage des petits arbres lors de la collecte des chenilles, soulèvent la question
de la durabilité de ces ressources ; car lorsque la valeur et l’intensité de l’exploitation
des ressources biologiques s’accroissent, celles-ci risquent vite d’être surexploitées et
menacées d’extinction locale.
Dans cet article notre réflexion démarre d’une observation personnelle selon laquelle
l’exploitation des chenilles comestibles est une activité qui préoccupe les populations
de la ville de Kisangani et ses environs.
Pour cerner les causes de cette préoccupation, notre étude va s’articuler autour des
questions suivantes :
• Quelles sont les espèces de chenilles comestibles et celles de leurs arbres
nourriciers (plantes-hôtes) exploitées par les communautés locales et la filière
artisanale du bois de Kisangani ?
• Quels sont les autres usages de ces arbres nourriciers ?
• Existe-il un lien entre ces usages multiples et la raréfaction des chenilles
comestibles constatée ces dernières années ?
• Quels sont les circuits commerciaux et la rentabilité financière du marché de
l’exploitation des chenilles comestibles ?
2. Hypothèses
Étant donné les remarques faites ci-dessus, nous formulons les hypothèses suivantes :
• Qu’il existerait à la fois une diversité de chenilles comestibles et de leurs arbres
nourriciers dans la région de Kisangani ;
• Que les usages multiples de ces arbres, notamment l’exploitation artisanale du
bois pourraient être l’une des causes de la raréfaction des chenilles ;
• Que la rentabilité financière du commerce des chenilles aurait un impact
significatif dans la vie des ménages ;
3. Méthodologie
L’étude a porté sur les villages alignés sur les axes Kisangani-Ubundu (Kisesa au PK 25 et
Babogombe au PK 32), Kisangani-Isangi (Yelenge au PK 19, Yanonge au PK 59, Yangambi
au PK 98 et Isangi), Kisangani-ancienne route Buta (Masako au PK 14) et sur le marché
249
Le bois à l’ordre du jour
central de Kisangani qui est le plus grand centre du commerce des chenilles comestibles
de la province.
L’échantillon retenu pour cette étude est constitué de divers acteurs impliqués dans la
récolte et le commerce des chenilles comestibles, et de quelques exploitants artisanaux
de bois d’œuvre : 60 ramasseurs (ou récolteurs), 40 consommateurs, 10 détaillants et
10 exploitants artisanaux de bois d’œuvre, soit un total de 120 acteurs. Les exploitants
artisanaux ont bien sûr des exploitations privées.
4. Résultats
4.1 Liste des espèces ethniques de chenilles (ethnospecies), des arbres
nourriciers, des périodes et milieux de récolte
Tableau 1. Noms scientifiques et vernaculaires des chenilles et de leurs arbres nourriciers,
période et milieu de récolte.
Chenilles comestibles Arbres nourriciers
Noms scientifiques/ Période Habitat
Noms vernaculaires Noms scientifiques Noms vernaculaires
Familles
Anaphe panda Taku (lingala) Bridelia atroviridis Endjegu (Kumu) 7- 9 FS &Ja
Boisduval, 1847 Endjegu (Kumu) Bridelia ndellensis Endjegu (kumu)
Notodontidae Sterculia tragacanta -
Bunaea alcinoe Baisobilo (Topoke) Mangifera indica Manga (Lingala) 7- 8 FS, Ja, Jc
Stoll, 1780 Aisoalima (Mbole) Musanga cecropioides Tumbetumbe
Saturniidae (Lingala)
250
L’exploitation artisanale du bois et des chenilles comestibles par les habitants de la ville de Kisangani et ses environs
suite du tableau 1
Chenilles comestibles Arbres nourriciers
Noms scientifiques/ Période Habitat
Noms vernaculaires Noms scientifiques Noms vernaculaires
Familles
Cirina forda Bihomi (Ngando) Erytrophloeum suaveolens Bohomi (Ngando) 7-9 FS et FP
Westwood, 1849 Ndanda (lingala) Olanda (Mbole)
Saturniidae
Cymothoe caenis Drury, Twindi (topoke) Caloncoba crepiniana Lisende (Topoke) 6-9 Ja
1773 Tosake (Ngando) C. subtomentosa Bosake (Ngando)
Nymphalidae
Elaphrodes lactea Silele (lingala) Albizia adiantifolia Liamba (Topoke) 7-9 FS et FP
Gaede, 1932 Baikelebe (kumu) A. gummifera Kbanga (Kumu)
Notodontidae A. lebbeck Kbanga (Kumu)
Piptadeniastrum africanum Bokungu (Turumbu)
Scorodophloeus zenkeri Bofili (Topoke)
Gonimbrasia hecate Likokoloko (topoke) Petersianthus macrocarpus Osogo (Topoke) 7-9 FS, FP,
Rougeot, 1955 Bafakala (ngando) Uapaca guinensis Bosenge (Topoke) Ja, Jc
Saturniidae Ricinodendron heudelotii Lisongo (Topoke)
Piptadeniastrum africanum Olunda (Topoke)
Imbrasia epimethea Sogo (topoke) Petersianthus macrocarpus Osogo (Topoke) 6-8 FS et Jc
Drury, 1772 Bafoyo (kumu) Pycnanthus angolensis Angobe (Kumu)
Saturniidae Funtumia africana Odjombo (kumu)
F. elastica Bwembe (Topoke)
Ricinodendron heudelotii Bopolo (Ngando)
Imbrasia oyemensis Liboyo (lingala) Entandrophragma Liboyo (Commun) 7-9 FS et FP
Rougeot, 1955 Bihoyo (ngando) cylindricum
Saturniidae E. utile Liboyo (Commun)
Imbrasia truncata Commando (commun) Petersianthu macrocarpus Foyo (Kumu) 7-9 FS
Aurivillius, 1908 Bangondjo (ngando) Uapaca guinensis Bosenge (Topoke)
Saturniidae
Pseudanthera Bitombo (topoke) Maesopsis eminii - 7-8 FS
discrepans Sombotela (mbole) Canarium schweinfurthii Kasuku (Swahili)
Butler, 1878 Albizia ferruginea Kbanga (Kumu)
Saturniidae Pycnanthus angolensis Angobe (Kumu)
Buneaopsis sp Balalanga (ngando) Pycnanthus angolensis Angobe (Kumu) 4-6 FS et Jc
Saturniidae Cananga odorata -
Antheua insignata Bahihi (lingala) Milletia laurentii Milletia (Commun) 4-7 Jc et Ja
Gaede, 1928 Macaranga monandra Limuti (Turumbu)
Notodontidae
Antheua sp Tolombo (topoke) Hymenocardia ulmoides Olombo (Topoke) 6-8 Ja
Notodontidae
Notodontidae 1 Bamopisa (kumu) Ficus mucuso Apandenyoka 7-8 FS
Macaranga monandra (Swahili)
Légende : FS : forêt secondaire ; FP : forêt primaire ; Ja : jachère, Jc : jardin de case, 4 à 9 : avril à septembre
251
Le bois à l’ordre du jour
On voit donc que dans la région de Kisangani, on consomme quinze espèces de chenilles
(reconnues par les communautés locales et possédant une dénomination propre). Ces
chenilles appartiennent à 3 familles de Lépidoptères ; la primauté des Saturniidae est
confirmée. Trente deux espèces différentes d’arbres servent de nourriture à ces chenilles.
L’analyse du tableau démontre le caractère polyphage de la plupart des chenilles
observées à l’exception des Cirina forda, Buneaopsis aurantiaca et Antheua sp.
Sur le terrain nous avons identifié quatre types d’habitat où les populations récoltent les
chenilles : la forêt secondaire (majoritaire), la forêt primaire, la jachère et le jardin de case.
La période d’apparition et de récolte des chenilles se situe en général entre le mois de
juin et celui de septembre.
Tableau 2. Divers usages des arbres nourriciers à chenilles par les habitants de Kisangani et
ses environs.
Usages
Espèces Familles bois briques
médicinale alimentaire charbon
d’œuvre cuites
Albizia adiantifolia Fabaceae + - +++ + +++
Albizia ferruginea Fabaceae + - ++ + +++
Albizia gummifera Fabaceae + - ++ + +++
Albizia lebbeck Fabaceae - - + + +++
Bridelia atroviridis Euphorbiaceae + - - - -
Bridelia ndellensis Euphorbiaceae - - - - -
Caloncoba crepiniana Flacourtiaceae ++ - - - -
Caloncoba subtomentosa Flacourtiaceae ++ - - - -
Canarium schweinfurthii Burseraceae - + + ++ -
Entandrophragma cylindricum Meliaceae - - ++ +++ -
Entandrophragma utile Meliaceae - - ++ +++ -
Erythrophloeum suaveolens Fabaceae - - +++ + ++
Ficus mucuso Moraceae - - - - ++
Funtumia africana Apocynaceae ++ - - - ++
Funtumia elastica Apocynaceae ++ - - - ++
Macaranga monandra Euphorbiaceae + - + - ++
Maesopsis eminii Rhamnaceae ++ - - - +
Mangifera indica Anacardiaceae + + ++ - +++
252
L’exploitation artisanale du bois et des chenilles comestibles par les habitants de la ville de Kisangani et ses environs
suite du tableau 2
Usages
Espèces Familles bois briques
médicinale alimentaire charbon
d’œuvre cuites
Milletia laurentii Fabaceae - - + +++ -
Musanga cecropioides Moraceae - - - - +++
Petersianthus macrocarpus Lecythidaceae + - +++ + +++
Piptadeniastrum africanum Fabaceae + - ++ + +
Pychnathus angolensis Myristicaceae + - +++ + +++
Ricinodendron heudelotii Moraceae + - - +++ ++
Scorodophloeus zenkeri Fabaceae + + ++ + +
Sterculia stragacanta Sterculiaceae - - + + +
Uapaca guinensis Euphorbiaceae + - +++ - ++
Légende : + usage faible et irrégulier ; ++ usage fort et irrégulier ; +++ usage fort et régulier ; - aucun usage
253
Le bois à l’ordre du jour
45
40
35
Frequence (%)
30
25
20
15
10
5
0
Charbon Cuisson Bois Culture
Abattage
de bois de briques d’œuvre itinérante
Causes de rareté
Kisangani District Tshopo
Par contre, ce sont uniquement les femmes qui assurent la revente des chenilles au
marché central, et pour elles également c’est une activité secondaire, car 34% des
revendeuses sont en même temps commerçantes de fruits et légumes, et 66% d’entre
elles, de viande de brousse (Bushmeat).
254
L’exploitation artisanale du bois et des chenilles comestibles par les habitants de la ville de Kisangani et ses environs
4000
3500
Quantités (Kg)
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
Ja Fe Ma Av Mai Ju Jul Ao Se Oct Nov Déc
Mois
2010 Fraîches 2010 Séchées 2007 Fraîches 2007 Séchées
2005 Fraîches 2005 séchées
16000
14000
12000
Quantités (kg)
10000
8000
6000
4000
2000
0
2005 2007 2010
Années
Fraiches Séchées
Figure 3. Quantités annuelles de chenilles vendues au marché central de Kisangani.
255
Le bois à l’ordre du jour
• Le circuit direct : la plupart des récolteurs vendent eux-mêmes leurs produits aux
consommateurs sur les marchés de la ville ou sur le lieu de collecte. Nous avons
observé cela notamment sur l’axe Kisangani-Masako où le lieu de collecte des
chenilles n’est pas très éloigné de la ville.
• Le circuit indirect : sur le lieu de collecte, les chenilles fraîches sont achetées par les
détaillants (circuit indirect court), ou par les ambulants à vélo qui les revendent
aux détaillants en ville (circuit indirect long). Le premier type de circuit indirect
s’observe surtout pour les chenilles fraîches sur les axes Kisangani-Ubundu (aux
environs de la réserve de Yoko, PK 25-32) et Kisangani-Opala (PK 21-40). Le second
type est fréquent pour les chenilles séchées en provenance des territoires d’Isangi,
Yahuma et Basoko.
Récolteur
Grossiste
Détaillant
Détaillant
Consommateur
Figure 4. Circuits de distribution des chenilles à Kisangani et ses environs.
4.4.4 Rentabilité de la vente de chenilles comestibles
Pour mieux apprécier la rentabilité de la vente de chenilles comestibles, nous avons établi
une esquisse de compte d’exploitation. Pour les revendeuses du marché central, outre le
temps, il y a aussi les frais de commercialisation relatifs au transport, à la restauration, à
la garde nocturne de leurs chenilles, et aux droits de plaçage sur le marché (Tableau 3).
256
L’exploitation artisanale du bois et des chenilles comestibles par les habitants de la ville de Kisangani et ses environs
Pour une revendeuse du marché central, les frais afférents à son commerce de chenilles
séchées s’élèvent à 18.700 FC par jour et représentent environ 73% de son chiffre
d’affaires, qui correspond à la vente journalière moyenne de 27 gobelets. La marge
bénéficiaire brute qu’elle dégage s’élève donc à 6.950 FC par journée de travail. Si elle
se consacre à cette activité durant toute la saison, elle fera un bénéfice brut mensuel de
180.700 FC (environ 200 USD).
5. Discussion
Notre étude a relevé au total 15 espèces de chenilles reconnues comestibles par les
communautés locales de Kisangani ; ces chenilles se nourrissent sur 33 espèces végétales
différentes.
Les populations riveraines ont parfaitement connaissance des arbres qui hébergent les
chenilles ; d’ailleurs, dans leurs dialectes, les noms des chenilles sont connus et souvent
construits à partir des noms de leur plante nourricière. Par exemple, « Bihomi », nom
vernaculaire des chenilles de Cirina forda, provient de « Bohomi », l’Erytrophloeum
suaveolens en dialecte Ngando, un des dialectes parlés dans le territoire de Yahuma,
dans le district de la Tshopo.
La période de collecte des chenilles à Kisangani et dans ses environs se situe entre juin
et septembre. Elle diffère de celles qu’ont signalées Malaisse (1997), qui va de mars à
mai pour le Katanga, et par Latham (2008), qui dure d’octobre à mai pour le Bas-Congo.
Ce caractère saisonnier de la récolte des chenilles comestibles explique leur caractère
secondaire aux yeux de leurs exploitants.
257
Le bois à l’ordre du jour
les espèces Ricinodendron heudelotii, Mangifera indica, Uapaca guinensis, Albizia spp,
Musanga cecropioides, Bridelia spp, qui toutes abritent les chenilles comestibles. Quant
à Mukendi (2009), dans son étude sur la filière du bois d’œuvre artisanal et sur son
incidence socio-économique à Kisangani et ses environs, il a pu établir 15 espèces
d’arbres utilisées dans cette filière, dont cinq sont des hôtes pour nos chenilles : le
Petersianthus macrocarpus, l’Entandrophragma utile, l’E. cylindricum, le Funtumia elastica
et le Canarium schweinfurthii. Du mois d’avril au mois d’août 2009, un peu plus de 200 m3
de ces 5 espèces ont été vendus comme bois d’œuvre à Kisangani et dans ses environs.
A cette allure Mukendi a pu estimer qu’annuellement 800 m3 de ces cinq espèces sont
exploités artisanalement à Kisangani, sur un volume total de 22.944 m3 pour les 15
espèces exploitées.
Nous avons pu aussi identifier quatre types d’acteurs impliqués dans cette filière. Il s’agit
des récolteurs, des grossistes « ambulants », des détaillants, et des consommateurs.
L’implication de tous ces acteurs dénote le caractère triangulaire du commerce des
chenilles dans la ville de Kisangani.
D’après nos enquêtes, les chenilles comestibles arrivent en deuxième position après le
gibier parmi les PFNL d’origine animale vendus au marché central de Kisangani. Le même
constat a été fait par Manirakiza et al. (2009) au Bandundu et dans l’Équateur. Dans ces
deux provinces, le revenu moyen tiré de la vente journalière des chenilles est évalué à
25,6 USD alors qu’à Kisangani il est évalué à +/- 8 USD. D’après les auteurs précités, cet
écart de revenus s’explique par l’influence des marchands kinois (i.e. de Kinshasa) dans
ces deux provinces.
258
L’exploitation artisanale du bois et des chenilles comestibles par les habitants de la ville de Kisangani et ses environs
6. Conclusion
Les enquêtes ethno-zoologiques et ethno-botaniques effectuées à Kisangani et ses
environs ont relevé une grande diversité de chenilles comestibles et de leurs arbres
nourriciers. Au total 15 espèces de chenilles sont reconnues comme comestibles par
les communautés locales de Kisangani, et ces chenilles se nourrissent sur 33 espèces
végétales différentes.
Les communautés de Kisangani utilisent de diverses manières les arbres nourriciers, qui
ont en plus un rôle écologique d’hébergement des chenilles ; elles reconnaissent en
même temps que ces usages multiples sont les causes de la diminution de la population
des chenilles observée ces dernières années.
Nos recherches ont permis d’identifier 5 usages principaux de ces arbres particuliers
par les communautés locales et les exploitants de bois d’œuvre. De ces cinq usages,
l’industrie de cuisson de la brique, la fabrication de charbon de bois, et l’exploitation
artisanale du bois sont les plus importants.
Dans cette étude, il a été difficile d’établir avec précision le lien entre l’exploitation
artisanale de bois et la diminution des chenilles comestibles constatée ces dernières
années. Les raisons en sont, entre autres, l’usage multiple dont font l’objet les arbres
nourriciers et le manque de données antérieures sur l’exploitation artisanale de bois,
ainsi que d’un protocole précis et reconnu pour ce genre d’investigations.
Notre étude a cependant permis de dégager des données générales sur l’exploitation
artisanale du bois et des chenilles comestibles ; aussi suggérons-nous que des recherches
supplémentaires sur la corrélation entre l’exploitation artisanale du bois d’œuvre et celle
des chenilles soient entreprises.
259
Le bois à l’ordre du jour
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L’exploitation artisanale du bois et des chenilles comestibles par les habitants de la ville de Kisangani et ses environs
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261
Discussion : Quelques éléments pour la révision du
cadre légal de l’exploitation artisanale de bois en
RD Congo
Charlotte Benneker, Alphonse Maindo, Guillaume Lescuyer, Dieu-Merci Assumani
Que retenir de ce livre sur l’exploitation artisanale du bois en RD Congo ? Dans les lignes
qui suivent il s’agit d’en discuter les résultats, notamment en explorant les préalables
d’une révision du cadre légal qui réponde aux exigences du processus FLEGT. La RD
Congo envisage en effet d’intégrer sa production de bois (tant pour le marché national
que pour l’international) dans le cadre de l’Accord de Partenariat Volontaire avec l’Union
Européenne. À cette fin le bois doit être produit légalement, la gouvernance des forêts
doit être rigoureuse et durable, un système de suivi des flux de bois doit être mis en
place et respecté pour garantir la traçabilité et la légalité de celui-ci.
Ce chapitre entend donc contribuer au débat sur l’élaboration d’un nouveau cadre légal
de l’exploitation artisanale du bois en RD Congo, sur la base des données disponibles.
Il aborde de manière critique des questions clés qui reviennent souvent dans les
discussions entre les parties prenantes. Mais rappelons d’abord les principaux résultats
des études rassemblées dans ce livre.
263
Le bois à l’ordre du jour
l’économie locale dans un pays où l’emploi salarié est rare. Elle est réalisée par des
particuliers et diverses petites entreprises forestières. Elle fournit du travail à de très
nombreuses personnes : exploitants et fournisseurs de nombreux services tels que le
transport, la transformation et la commercialisation du bois, la vente ou la location de
matériel, la restauration des travailleurs dans la forêt, etc.
Quand le cadre légal est réapproprié et réinterprété par les acteurs à tous les niveaux
L’exploitation artisanale est réglementée par la loi forestière de la RD Congo. Celle-ci est
complétée par des décrets d’application qui déterminent les modalités concrètes de
la gestion forestière, notamment l’arrêté 035 de 2006 relatif à l’exploitation forestière
et l’arrêté 105 de 2009 fixant le modèle des documents prévus1 pour une exploitation
conforme au code forestier. À part le permis de coupe artisanale, le dispositif légal prévoit
l’exploitation dans des bois privés (arrêté 035, 2006, section 4 : voir aussi Tegtmeyer et al.
2007). Les bois privés sont : (1) les bois autour des villages qui sont la propriété collective
du village ou de la personne à qui appartient le terrain convoité (code forestier article 9),
et (2) les propriétés privées boisées appelées concessions foncières ou agricoles.
Ce cadre légal n’est pas très détaillé, laissant ainsi une certaine latitude pour son
interprétation. C’est dans ce contexte que différentes autorités parviennent à satisfaire
les demandes de coupe de bois et à se servir de leur pouvoir pour octroyer divers types
d’autorisation plus ou moins légale moyennant paiement (Hirschman, 2011).
Régions
Cette étude, qui porte principalement sur la région de Kisangani et celle de Mambasa,
montre d’importantes disparités entre elles. La dynamique de l’exploitation artisanale
diffère considérablement dans ces deux régions de la province Orientale tant en termes
de débouchés qu’au niveau des financements. Autour de Mambasa, le bois est exploité
essentiellement pour l’exportation vers les pays voisins comme l’Ouganda, le Rwanda, le
Kenya et même la Tanzanie, voire au-delà. Dans la région de Kisangani par contre, le bois
est exploité principalement pour le marché local. S’agissant du financement de l’activité,
il provient des commerçants locaux. En revanche, à Mambasa, l’exportation artisanale est
pour une large part financée par des hommes d’affaires des pays voisins (Forests Monitor
2007). Par ailleurs, l’exploitation artisanale semble impliquer davantage d‘hommes de
pouvoir’ (politiciens, agents de l’État ou militaires) dans cette zone. Cette situation rend
plus difficiles les relations et négociations entre les communautés, les chefs coutumiers,
les exploitants et même les agents de l’État. Il en résulte un taux plus élevé de conflits
1 Le permis de coupe artisanale et l’acte d’agrément d’exploitant forestier artisanal.
264
Discussion : Quelques éléments pour la révision du cadre légal de l’exploitation artisanale de bois en RD Congo
que dans des régions où les communautés peuvent négocier avec des exploitants qui ne
disposent pas de ce genre de protection. Une situation similaire a été observée sur l’axe
d’Alibuku dans la région de Kisangani.
Les moyens de production ont eux aussi évolué. Presque tous les exploitants ont
désormais changé de technologie de production. À l’exception de petits exploitants aux
ressources financières réduites ou basés dans des zones rurales, qui continuent d’utiliser
encore des scies de long, la plupart recourent maintenant aux tronçonneuses. Par
ailleurs, dans les zones urbaines, une partie du bois produit par les exploitants artisanaux
passe par une deuxième étape de transformation avec des scies mobiles ou circulaires.
265
Le bois à l’ordre du jour
Cette situation trouve un terreau fertile entre autres dans l’imprécision du cadre légal,
l’ignorance des textes par ceux qui sont appelés à les appliquer, et les conditions
matérielles des fonctionnaires. Le gouvernement central ne rétrocède pas aux institutions
déconcentrées et décentralisées les ressources que prévoient les lois du pays. Quant à
l’imprécision du cadre légal, elle entraîne des conflits de compétence, d’une part entre
les différents agents et services de l’État, et d’autre part entre les divers niveaux la de
hiérarchie étatique.
La fiscalité forestière
La question des frais et taxes à payer par les exploitants artisanaux est soulevée dans
presque tous les articles de ce livre. Certains frais et taxes obéissent aux normes
classiques des finances publiques, d’autres s’en écartent complètement. Les discussions
sur l’exploitation artisanale du bois se focalisent souvent sur le fait que cette situation
266
Discussion : Quelques éléments pour la révision du cadre légal de l’exploitation artisanale de bois en RD Congo
Aucun auteur n’a réussi cependant à en fournir une liste exhaustive car cette parafiscalité
varie selon le contexte, mais de l’ensemble des articles, il apparaît clairement que la
charge fiscale est lourde (voir aussi Polepole 2008) et que le contrôle des services de
l’État sur le paiement de ces frais et taxes est généralement fort. Cette surtaxation ne
s’observe pas seulement pour l’exploitation artisanale, mais aussi pour les exploitants
industriels (Du Preez et Stuurman 2009) et d’autres secteurs productifs en RD Congo.
À de nombreuses reprises, la Fédération des Entreprises du Congo – le syndicat des
patrons congolais, a souligné la nécessité de revoir la nomenclature des taxes et impôts
qui pèsent sur les entrepreneurs dans le pays.
La gestion forestière
Les exploitants artisanaux ne gèrent pas la forêt. Leurs permis ne sont que des
autorisations pour couper des arbres. Le permis de coupe n’entraîne pas, pour les parties
concernées, des responsabilités autres que celle de payer des taxes et des frais aux
agents de l’État. Bien que la loi forestière (article 32 de l’arrêté 035) stipule que toute
exploitation des ressources forestières est subordonnée à l’observation des principes de
gestion durable, il n’existe pas un cadre de gestion forestière durable qui pourrait être
appliqué aux exploitants artisanaux.
Ces derniers n’ont pas de concessions forestières de longue durée mais des licences de
coupe valables pour une seule année, ce qui ne permet pas l’application de mesures
durables. En outre, les exploitants artisanaux coupent les arbres dans les forêts des
communautés locales qui leur en accorde l’accès selon leurs règles coutumières.
267
Le bois à l’ordre du jour
Une autre modalité encore en discussion c’est la possibilité de créer des concessions
forestières réduites que géreraient les exploitants artisanaux. Dans cette option les
exploitants s’engageraient eux-mêmes à la gestion de la forêt et leurs responsabilités
envers les propriétaires de la forêt seraient clairement établies dans des cahiers des
charges.
Il est important de bien informer les communautés sur les implications de ces modalités.
Il faut éviter que les communautés perdent leurs droits d’usage de la forêt. Aujourd’hui
elles préfèrent souvent vendre leur bois aux exploitants artisanaux plutôt qu’aux
entreprises forestières industrielles, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, en cas de
concessions industrielles, les communautés peuvent perdre une partie de leurs droits
d’usage. Ensuite, il est plus difficile de négocier des bénéfices directs pour la population
avec les entreprises industrielles qu’avec les exploitants artisanaux. Enfin, malgré
l’obligation qui leur est faite de signer des cahiers des charges, les exploitants industriels
n’en ont signé que très peu et n’en ont appliqué qu’un nombre encore plus réduit. Mais
le processus est en train de se mettre en place.
Conclusion
En parcourant les différents articles de ce livre et des rapports externes, trois problèmes
majeurs émergent dans la chaîne d’exploitation artisanale de bois : (1) l’abus de pouvoir
des autorités politiques et militaires vis-à-vis de la population rurale et des exploitants,
(2) les tracasseries qui réduisent la rentabilité de l’activité ainsi que sa contribution au
Trésor Public, et (3) le manque d’un système de gestion de la forêt qui garantisse la
durabilité de l’exploitation artisanale de bois.
268
Discussion : Quelques éléments pour la révision du cadre légal de l’exploitation artisanale de bois en RD Congo
Références
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269
Le bois à l’ordre du jour
270
Glossaire des termes de foresterie congolaise
271
Le bois à l’ordre du jour
Forêt secondaire Forêt qui a déjà fait l’objet d’une exploitation pour des activités
agricoles ou autres.
Forêts des Les forêts qui sont coutumièrement la propriété des
communautés communautés locales qui en disposent dans leur intérêt.
locales
Groupement Subdivision administrative d’un secteur, appelée aussi chefferie,
placée sous l'autorité d'un chef de groupement. Le secteur est
lui-même subdivisé en plusieurs villages.
Grume Tronc coupé, ébranché, et encore revêtu de son écorce.
Jachère Champ temporairement non cultivé pour permettre à la
végétation de se reconstituer.
Latte Débit du bois en madriers (ou plateaux d’encore moindre
épaisseur) mais dont la largeur ne dépasse pas 5 cm et l’épaisseur
3 cm ; sa longueur atteignant 5 m.
Lignée régnante C’est celle qui se trouve dotée du pouvoir de gestion coutumière.
Localité Subdivision administrative d’un village, gérée par un chef
de localité. La localité réunit des familles partageant une
même généalogie ancestrale. Elle est subdivisée en plusieurs
communautés. C’est généralement une agglomération de taille
plus modeste qu’un village. La localité a été remplacée par le
village dans la loi actuelle sur la décentralisation.
Madrier Un madrier est une planche épaisse généralement façonnée
dans un bois dur ; on l’utilise pour les gros travaux de menuiserie
et de construction. Ses dimensions courantes sont de 10 cm x 5
cm x 10 cm et plus.
Non ayant-droit Il s’agit d’un allochtone qui habite dans un village. Il peut y avoir
migré pour diverses raisons : économiques, socioculturelles,
politiques ou autres. Mais il ne jouit pas des droits reconnus
aux autochtones, quel que soit le temps qu’il aura passé dans
ce village.
Permis Licence accordée par l’administration pour l’exploitation de bois
d’exploitation dans la partie de la forêt spécifiée dans un permis de coupe.
Permis de coupe Autorisation accordée par l’administration aux exploitants de
bois pour couper les arbres qui y sont spécifiés.
Peuple autochtone Groupe de personnes partageant la même culture et disposant
(PA) du droit de propriété des forêts et terres où il vit et dont il est
originaire. Terme souvent utilisé comme synonyme de Pygmées
en République Démocratique Congo.
Plateaux Morceau de bois découpé en bloc, qui permet ensuite de
produire des planches.
Produits forestiers Les grumes, les houppiers, les branches, le bois de chauffage, les
ligneux rondins, les perches, les bois de mines, etc.
272
Glossaire des termes de foresterie congolaise
Produits forestiers Tous les autres produits forestiers, ne donnant pas de bois ;
non ligneux tels que les rotins, les écorces, les racines, les feuilles, les fruits,
les semences, les résines, les gommes, les latex, les plantes
médicinales, etc.
Radeau Assemblage de troncs et morceaux d’arbres liés entre eux en
vue de leur transport par flottage sur un cours d’eau (entraînés
par le courant ou par un hors-bord).
Secteur Subdivision administrative d’un territoire, au même niveau
hiérarchique que la chefferie). Entité décentralisée, gérée par un
chef de secteur désigné par les autorités politico-administratives
ou élu par les populations. Le secteur est un ensemble
généralement hétérogène de communautés traditionnelles
indépendantes, organisées sur base de la coutume. C’est
l’équivalent d’une chefferie avec la différence que les chefs dans
la chefferie ne sont pas élus mais désignés de par la coutume. Le
secteur est subdivisé en plusieurs groupements.
territoire Subdivision administrative d’un district, géré par un
administrateur du territoire. Subdivisé en plusieurs secteurs
ou chefferies. Le territoire, le groupement et le village font
partie des entités territoriales déconcentrées dépourvues de
personnalité juridique.
Tracasseries Ennuis provoqués par une personne ou une institution à propos
de choses insignifiantes. Il peut désigner à la fois la paperasserie
administrative, les pots-de-vin et autres prébendes imposés
à la population par des fonctionnaires corrompus. Il s’agit
également de problèmes causés à quelqu’un pour des actions
non conformes à la loi.
Village Subdivision administrative d’un groupement, gérée par le
chef du village. Le village réunit plusieurs clans, eux-mêmes
reliés par des liens ancestraux. C’est une entité administrative
déconcentrée. L’appellation ‘village’ a été préférée à celle de
localité dans la loi actuelle sur la décentralisation.
273
Le bois à l’ordre du jour
274
Présentation du comité de rédaction
275
Le bois à l’ordre du jour
276
Liste de contact des auteurs
277
Le bois à l’ordre du jour
278
Ce livre traite de l’exploitation artisanale de bois en RD Congo. Il contient les
contributions de 33 chercheurs auprès d’organisations et institutions nationales
et internationales diverses. Son objectif est d’explorer les préalables d’une
révision du cadre légal pour l’exploitation artisanale qui réponde aux exigences
du processus FLEGT. Nous faisons l’hypothèse que cette révision du cadre légal
bénéficierait pleinement d’une connaissance plus approfondie des pratiques de
l’exploitation sur le terrain. Ce livre traite donc de divers aspects : il recense les
acteurs engagés dans l’exploitation artisanale de bois, évalue l’implication des
communautés, les enjeux économiques et politiques, l’impact de l’exploitation sur
la forêt, tout comme l’effet des politiques internationales et les processus liés à
la gouvernance forestière au niveau régional. En parcourant les différents articles
de ce livre et certains rapports externes, trois problèmes majeurs émergent dans
la chaîne d’exploitation artisanale de bois : (1) l’abus de pouvoir des autorités
politiques et militaires vis-à-vis de la population rurale et des exploitants, (2) les
tracasseries qui réduisent la rentabilité de l’activité ainsi que sa contribution au
Trésor Public, et (3) le manque d’un système de gestion de la forêt qui garantisse
la durabilité de l’exploitation artisanale de bois.
RD Congo