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Jacquillat - Les 100 Mots de La Finance - 1

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Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.

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À lire également en
Que sais-je ?

COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT

Jean-Paul Betbèze, Les 100 mots de l’économie, no 3731.


Georges Pauget, Jean-Paul Betbèze, Les 100 mots de la banque, no 3792.
Yves Simon, Les 100 mots des marchés dérivés, no 3840.
Frank Mordacq, Les Finances publiques, no 3908.
Bruno Moschetto, Bruno-Laurent Moschetto, Crises financières et régulations bancaires, no 4082.
Primavera De Filippi, Blockchain et cryptomonnaies, no 4141.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
ISBN 978-2-7154-0907-1
ISSN 0768-0066

Dépôt légal – 1re édition : 2006

8e édition : 2021, novembre

© Presses Universitaires de France / Humensis, 2021


170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
Introduction

La finance est le poumon de l’économie. Elle a à la fois un côté très


pratique, dans la mesure où la plupart des individus s’insèrent dans une
économie financiarisée, et un côté ésotérique, car certains mécanismes
financiers peuvent paraître complexes, et certains le sont effectivement. Elle
a un côté sensationnel à l’occasion de scandales dont la dimension
financière est importante. Elle a rarement bonne presse dans la mesure où
d’aucuns la considèrent comme un ensemble de mécanismes parasites
empêchant ou freinant le développement de l’économie réelle. Finance,
culture et politique ont toujours fait mauvais ménage en France. Encore
aujourd’hui et comme au Moyen Âge, il n’y a pas de demi-mesure, il vous
faut choisir entre la Bourse – le mal, le vice, le péché, l’injustice – et la vie
– le bien, la vertu, la bonne action, la justice. Certains prédicateurs
modernes nous replacent devant le choix cornélien, entre la finance et
toutes les activités autres que le commerce de l’argent regroupées sous
l’appellation générique « d’économie réelle » par opposition à ce qui serait
virtuel, inutile, parasite… Qu’une fraction significative des responsables de
la nation cultive cette attitude de défiance à l’égard de la finance souligne
que la condamnation politique renvoie à l’excommunication religieuse.
Le paradoxe veut que la France, en dépit de ce mouvement de
dénigrement de la finance, ait joué un rôle important dans le développement
de la science financière. La Finance a en effet un statut épistémologique qui
est scientifique. Elle est une branche de l’économie avec un fort contenu
mathématique à laquelle la contribution de notre pays a été exceptionnelle
depuis trois siècles (citons pêle-mêle le chevalier de Méré, Pascal, Fermat,
Kaplan, Poisson, Bienaymé, Levy ou encore Bachelier). Par ailleurs, un
nombre significatif d’universitaires en finance a obtenu le prix Nobel
d’économie. Elle a établi de multiples passerelles avec le monde des
praticiens, si bien que l’alliance entre la pratique et la théorie a donné lieu à
une quantité impressionnante d’innovations financières en termes de
produits et de marchés. Celles-ci, fondées sur des modèles financiers
inventés au sein des universités et des institutions financières élargissent la
palette des services financiers offerts aux agents économiques pour financer
leurs projets ou couvrir leurs risques. Aussi la finance constitue-t-elle, dans
la boîte à outils de l’économie, l’un des plus efficaces pour préparer
l’avenir. C’est davantage de finance dont le monde a besoin, à condition de
ne pas perdre de vue les objectifs et de contenir les excès. La France a un
atout majeur avec la finance, la puissance de ses banques est rarement
discutée tout comme leur résilience, et l’aura de ses chercheurs est
incontestable. Ces compétences sont précieuses pour l’avenir. Alors cessons
de tirer à boulets rouges sur la finance et sortons de l’obscurantisme avec la
lecture de ces 100 mots de la finance.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
CHAPITRE PREMIER

L’économie malade de la finance ?

La finance a mauvaise presse : elle serait déconnectée de l’industrie et


la gênerait plus qu’elle ne lui apporterait son appui ; elle se jouerait des
diverses parties prenantes dans les opérations de restructuration, et mettrait
en danger l’économie nationale et même mondiale. La finance serait
comme une sangsue plaquée sur les forces vives et provoquerait la
spéculation. Elle enrichirait les gens pendant qu’ils dorment, l’argent allant
à l’argent. Toute chose a son mauvais côté, toute institution ses abus, tout
avantage traîne avec soi ses inconvénients. Et pourtant !

1. – Finance
La finance a pour mission d’assurer, à la fois dans l’espace et à travers
le temps, l’équilibre dans l’économie entre les besoins et les excédents de
financement. Dans les économies décentralisées, elle assume ce rôle via un
système de prix des actifs financiers, et son objet d’investigation est donc
leur valorisation. La méthodologie de valorisation en finance consiste à
raisonner soit par arbitrage (→ 7) 1 en utilisant des proches substituts pour
valoriser les contrats et instruments financiers, soit par équilibre entre
l’offre et la demande de titres comme dans le MEDAF (→ 19). Cette
méthodologie est appliquée pour évaluer des instruments financiers
(actions, obligations, options…) dont les caractéristiques sont scandées
dans le futur (l’actualisation, → 25) et dont les paiements dépendent de la
résolution de l’incertitude au fur et à mesure du passage du temps. L’étude
de la finance est enrichie par le fait que son activité génère une multitude de
données financières qui permettent de structurer la compréhension des
phénomènes financiers.
Une distinction est parfois effectuée entre finance de marché et finance
d’entreprise. Pour être commode, notamment au niveau de la classification
des enseignements universitaires de finance, cette distinction, voire cette
opposition, n’en est pas moins artificielle. En effet, le financier d’entreprise
doit parfaitement connaître les rouages et les mécanismes de la finance de
marché. Celle-ci est en effet au cœur de la valorisation de tous les
instruments dont il a besoin – en matière de placement, de financement ou
de couverture de ses risques.

2. – Rentabilité
À la fin de chaque année, les principaux hebdomadaires consacrent leur
une aux placements, et font parler des experts sur les perspectives de
l’année suivante.
Qu’en est-il en réalité ? Est-il rémunérateur de placer son épargne en
Bourse, d’investir dans des actions et dans des sociétés ? Est-ce plus ou
moins rémunérateur que d’investir en obligations ou en œuvres d’art ou
dans l’immobilier ?
La sentence est sans appel : ni l’immobilier ni les actifs de collection
tels que les grands vins, les violons signés Guarneri ou Stradivarius, l’or,
etc., n’ont eu une performance annuelle de long terme arrivant à la cheville
de celle des obligations et surtout de celles des actions. Sur le marché
américain, pour lequel les statistiques sont les plus complètes, un placement
en actions effectué en 1872 aurait rapporté à fin 2010 un taux de rentabilité
annuel de 9 % (avec coupons réinvestis). Ce taux de rentabilité annuel n’est
que de 5,4 % pour les obligations et de 4,7 % pour les bons du Trésor. Ces
taux sont nominaux, mais les taux de rentabilité réels (taux nominaux
déflatés du taux d’inflation) sont tous positifs dans la mesure où le taux
d’inflation était de 3 % sur la période. Ces résultats sont universels. Par
exemple, la rentabilité nominale annuelle d’un placement diversifié en
actions françaises a été au cours du XXe siècle de 12,1 % et de 3,8 % en
termes réels.
Mais les différentes formes de placement ne peuvent être hiérarchisées
en référence au seul critère du taux de rentabilité. Certes, les actions
procurent en moyenne la rentabilité la plus élevée, mais c’est aussi le
placement le plus risqué. Même si, sur le long terme, la valeur des actions
progresse plus que la valeur de n’importe quel autre placement, des pertes
de valeur sont ponctuellement plus fréquentes et plus importantes.

3. – Risque
Qu’est-ce qui distingue ce qu’il est convenu d’appeler les Temps
modernes de la longue marche de l’histoire humaine ? La réponse n’est pas
uniquement dans le progrès scientifique, la technologie, le capitalisme ou la
démocratie, mais dans la formalisation du risque, comme l’argumente avec
humour Peter Bernstein 2 :
« Les Temps anciens sont peuplés de scientifiques, de mathématiciens,
d’inventeurs de toutes sortes, d’une multitude d’ingénieurs anonymes et de
géants de la philosophie, qui se voulait mère de toutes les “disciplines”.
Bien avant la naissance du Christ, la carte de l’univers avait été dessinée, la
grande bibliothèque d’Alexandrie construite, et il y a belle lurette que la
géométrie euclidienne était enseignée. Le charbon et le fer étaient déjà au
service de l’homme et le voyageur historien avait marqué les débuts de la
civilisation.
« Non, l’idée révolutionnaire qui marque la frontière entre les mondes
anciens et le monde nouveau, la naissance de la modernité, c’est la
domination et la maîtrise du risque : l’idée que l’avenir est autre chose
qu’un produit du caprice des dieux, et que les hommes ne sont pas
totalement démunis face à la nature. Avant que les hommes n’eussent
découvert le chemin pour franchir cette frontière, le futur n’était que le
miroir du passé, le domaine trouble des oracles ou des diseuses de bonne
aventure qui avaient le monopole de la prédiction du futur.
« La connaissance, la maîtrise et la gestion du risque sont dues à
quelques brillants esprits qui ont jalonné les siècles. En posant une “colle” à
Pascal, le chevalier de Méré permit à celui-ci, allié à Pierre de Fermat, de
jeter les bases de la théorie des probabilités, tandis qu’un peu plus tard,
Nicolas Bernouilli inventait la loi des grands nombres et les méthodes
d’échantillonnage statistique. En 1730, Abraham de Moivre avait l’intuition
de la structure de la loi normale formalisée par Gauss, alors qu’à peu près
au même moment, Daniel Bernouilli, le neveu du précédent, jetait les bases
de la théorie rationnelle des choix en situation d’incertitude pour les deux
cent cinquante années suivantes, et apportait ainsi l’explication des
malheurs du roi Midas, et de l’aversion des individus au risque : la
satisfaction qu’apporte un léger accroissement de richesse est inversement
proportionnelle au niveau qu’elle a atteint (utilité marginale décroissante).
« Au début du XIXe siècle, Bayes, un prêtre anglican, fit une percée
conceptuelle dans le domaine de la statistique en démontrant comment
prendre de meilleures décisions en mélangeant informations nouvelles et
passées.
« La plupart des instruments utilisés aujourd’hui dans le domaine de la
gestion des risques et de la prise de décision en situation d’incertitude sont
issus de ces percées conceptuelles intervenues entre 1654 et 1760, à
quelques exceptions près, dont l’invention en 1875 par Francis Galton,
cousin germain de Charles Darwin, du concept de retour à la moyenne,
traduction statistique de l’idiome de bon sens qu’en cas de tensions
extrêmes, les choses ont tendance à revenir à la normale, et la
démonstration mathématique de Harry Markowitz en 1952 dans sa thèse de
doctorat, qu’il ne fallait pas mettre ses œufs (sa fortune) dans le même
panier (une seule action) » (→ 78).

4. – Assurance
Il existe aujourd’hui un grand nombre de moyens pour se prémunir
contre un risque, dont l’assurance traditionnelle offerte par les compagnies
d’assurance. Historiquement, le marché de l’assurance comportait trois
étages : les compagnies d’assurance traditionnelles, qui proposent des
produits de base (assurance-auto, habitation, complément santé…) et qui
mutualisent des risques individuels ou d’entreprises ; des compagnies de
réassurance qui sont spécialisées sur des risques difficilement diversifiables,
comme les risques extrêmes ou les facteurs communs de risque, appelés
« risques macro » ; et des assureurs en dernier ressort qui sont souvent des
États. Mais de plus en plus de produits d’assurance passent par un nouvel
étage, celui des marchés financiers.
Les assureurs acceptent de courir des risques à condition que la
personne ou l’entreprise qui s’assure n’ait pas intérêt au sinistre. Il y aurait
alors « antisélection » (adverse selection). Il ne faut pas non plus que, après
s’être assurée, cette même entité prenne des décisions qui l’exposent
davantage au risque contre lequel elle s’est assurée ; il y aurait dans ce cas
risque moral (moral hazard).
Il faut donc d’abord chercher l’« information cachée » sur l’entité,
l’individu ou l’entreprise, qui cherche à s’assurer. Ensuite, il faut suivre le
contrat pour empêcher l’« action cachée » (l’assuré qui, par négligence ou
malveillance, provoquerait lui-même le sinistre). Sinon, le risque aurait une
probabilité plus grande de se matérialiser et le contractant plus de chance de
« bénéficier » de l’assurance.
Si l’assurance n’existait pas, il faudrait que l’entreprise s’autoassure.
Pour faire face aux sinistres, elle devrait choisir soit des activités plus
risquées et conserver une forte encaisse liquide, soit des activités moins
risquées. Dans l’un et l’autre cas, sa croissance serait plus faible. Ainsi en
va-t-il au niveau macro-économique. Pas de croissance sans assurance.

5. – Bourse
La Bourse organise la rencontre entre l’offre et la demande de capitaux :

sur le marché primaire, à l’occasion d’introductions en Bourse de


sociétés (→ 90) ou de nouvelles émissions : la demande de capitaux est
le fait des entreprises mais aussi de l’État et des collectivités locales
ayant des besoins de financement, tandis que l’offre de capitaux émane
des investisseurs institutionnels et des particuliers qui peuvent mobiliser
une capacité d’épargne ;
sur le marché secondaire grâce à la liquidité (→ 21) qu’elle procure, et
aux mécanismes de transfert des risques qu’elle permet.

La Bourse assure aussi une fonction d’allocation de ressources dans


l’économie tout aussi importante :
en fournissant des signaux (→ 46) et des informations permettant
d’éclairer les entreprises dans leurs stratégies et leurs pratiques
financières ;
en facilitant le contrôle, la discipline, les incitations et, via les OPA
(→ 55), la sanction des équipes dirigeantes défaillantes.

Comment donc fonctionnerait l’économie si l’on suivait l’anathème de


Vincent Auriol, président de la IVe République française : « La bourse je la
ferme et les boursiers, je les enferme » ? Il aurait du mal à les fermer
aujourd’hui, car les bourses, lieux physiques de cotation des titres, comme
la Bourse de Paris, place de la Bourse dans le 2e arrondissement, ont disparu
et se sont transformées en entreprises de marché (→ 96) qui fonctionnent en
réseaux numériques.

6. – Théorie financière
L’histoire des idées qui ont forgé la finance moderne est due à un petit
groupe d’universitaires qui étaient loin du cœur du monde de la finance, et
dont les recherches et la pensée constituèrent les fondations de cette
révolution financière 3. Ils incluent un mathématicien français du début du
e
XX siècle, Louis Bachelier, devenu célèbre post mortem, dont la thèse de

doctorat consacrée à l’imprévisibilité des cours boursiers, anticipait les


travaux d’Einstein sur la relativité, un statisticien amateur, Alfred Cowles,
qui démontra que les professionnels de l’investissement étaient incapables
de sélectionner les valeurs sous-évaluées et un professeur de l’École navale
américaine, M. F. M. Osborne, spécialiste d’astronomie, qui prouva que les
cours boursiers évoluaient, comme les molécules, selon un processus
aléatoire.
Leurs idées furent approfondies à partir des travaux de
Harry Markowitz (1952), étudiant en doctorat, dont la théorie sur la
diversification, révolutionnaire à l’époque, le qualifiait alors tout juste pour
un doctorat en économie à l’université de Chicago, ce qui ne l’empêcha pas
d’obtenir le prix Nobel dans cette discipline en 1990. Toute une cohorte de
lauréats du prix Nobel d’économie, incluant William Sharpe (1990),
Franco Modigliani (1985), James Tobin (1981), Paul Samuelson (1970),
Merton Miller (1990), Robert Merton (1997) et Myron Scholes (1997), Lars
Peter Hansen (2013), Eugene Fama (2013), Robert Shiller (2013), Richard
Thaler (2017) et d’autres économistes précurseurs structurèrent cette
nouvelle théorie financière.
De même, la pratique financière n’a accouché d’une véritable industrie
financière qu’il y a seulement quelques décennies. Celle-ci s’est développée
parallèlement aux programmes de recherche en finance et à l’éclosion de
nombreux modèles financiers (→ 74). C’est la manifestation d’un fait
extrêmement rare en économie où recherche universitaire et professionnelle
d’une part, et pratiques financières d’autre part, se nourrissent l’une l’autre :
les salles de marché des banques d’investissement (→ 89) sont les
premières consommatrices de modèles développés par les chercheurs,
tandis que ces derniers se nourrissent des problèmes et des questions
soulevés par les professionnels pour progresser dans leur compréhension
des marchés financiers (« de la toge à la ville » mais aussi « de la ville à la
toge »).
En schématisant, on peut résumer l’évolution de la théorie financière au
cours des cinquante dernières années en quatre vagues :

les années 1950 et 1960 sont celles de la théorie des choix de


portefeuille. C’est à cette époque qu’émergent la formalisation de la
relation rentabilité/risque, le concept de diversification (→ 78) et les
premiers modèles d’équilibre des marchés financiers (MEDAF)
(→ 19) ;
dans les années 1960 et 1970, les notions d’efficience (→ 12) et
d’arbitrage (→ 7) émergent et deviennent la clé de voûte du modèle
d’évaluation d’options (→ 65, 66, 67) et d’analyse de la dette dans la
structure financière des entreprises (→ 48) ;
les années 1980 voient converger la théorie financière et la théorie des
organisations. L’entreprise n’est plus considérée comme une boîte noire,
et on s’interroge sur les effets des asymétries d’information, avec
l’émergence de la théorie de l’agence (→ 41) et de la théorie des
signaux (→ 46) ;
avec le développement de l’informatique, la très forte diminution de son
coût d’utilisation et la multiplication des bases de données financières et
de marché, se développent à la fois l’étude de la microstructure des
marchés financiers (→ 91) dans les années 1990 et le développement de
la finance comportementale (→ 15).

7. – Arbitrage
L’arbitrage constitue la réalisation d’un ensemble de transactions
simultanées, de sorte que le risque global des positions ainsi constituées est
quasiment nul, en vue d’en tirer un bénéfice. L’arbitrage financier le plus
élémentaire porte sur deux actifs financiers totalement identiques dont les
prix diffèrent. On parle alors d’arbitrage sans risque, consistant
simultanément à vendre le plus cher et à acheter le moins cher.
C’est la recherche de telles opportunités d’arbitrage par l’ensemble des
opérateurs sur les marchés qui conduit à l’absence d’opportunités
d’arbitrage (AOA) et à l’efficience des marchés financiers (→ 12),
fondement de la théorie de l’évaluation en finance. L’une des nombreuses
illustrations de cette théorie concerne la finance internationale, avec la
théorie de la parité couverte des taux d’intérêt, selon laquelle le différentiel
de taux d’intérêt sur une même échéance (un mois, trois mois…) entre deux
devises (le dollar et l’euro par exemple) doit être égal au différentiel relatif
de change à terme par rapport au cours du change comptant constaté entre
les deux monnaies. Les mouvements internationaux de capitaux mettent en
jeu des sommes considérables. Une analyse simpliste explique l’ampleur de
ces transferts par des motivations spéculatives, alors que la plupart du
temps, ces mouvements de capitaux procèdent de l’arbitrage et sont induits
par des variations des taux d’intérêt qui affectent les marchés monétaires
des différentes places financières.
L’arbitrage peut avoir des aspects moins anodins que cette relation
d’arbitrage international bien connue. Par exemple, il existe une stratégie de
pur arbitrage reliant les prix sur les marchés monétaires, d’actions et
d’options. Il est en effet possible de construire un bon du Trésor synthétique
qui réplique exactement un placement sans risque avec l’achat d’un put
(option de vente) sur une action, la vente d’un call (option d’achat) sur la
même action avec la même échéance à maturité pour les deux options
(→ 66) et l’achat de l’action elle-même dans des proportions adéquates. Si
une telle position rapporte plus que le placement sans risque, il sera possible
de construire une position d’arbitrage consistant à financer par emprunt une
telle position, gagnante dans tous les cas de figure, nécessitant très peu de
capital.
Mais on a vite fait de passer de l’arbitrage au quasi-arbitrage, avec les
risques que cela peut comporter comme on l’a vu en 1998 avec le sauvetage
du fonds LTCM. Ce hedge fund (→ 83) avait des positions dont la valeur
était plus de 30 fois supérieure à son capital (effet de levier financier, → 38)
et pariait sur la convergence des taux des obligations allemandes et des
obligations d’Europe du Nord. Mais avant de converger effectivement, ces
taux ont commencé par diverger, mettant LTCM en faillite virtuelle.
8. – Spéculation
Voilà un horrible mot que beaucoup d’imprécateurs voudraient extirper
de la réalité. « La spéculation, ce sida de nos économies », ainsi la décrivait
Jacques Chirac en 2007. Un prix Nobel d’économie français, Maurice
Allais, avait même suggéré de ne coter les titres financiers (→ 62) qu’une
seule fois par jour, ce qui selon lui aurait été amplement suffisant.
D’autres voient dans la spéculation, consistant à acheter des valeurs
financières dans l’espoir de les revendre avec profit, un mécanisme
parfaitement sain, et dans les spéculateurs qui font leur miel de leur capacité
à prévoir le futur, l’expression d’un comportement normal, qui tout à la fois
prévoit, prend des précautions et achète (ou vend) en calculant ses risques.
Les économistes justifient l’existence des spéculateurs par leur fonction
régulatrice. Grâce à leurs anticipations, ils contribuent à réduire l’amplitude
des variations de prix (à moins qu’ils ne les exacerbent selon d’autres). Leur
présence vivifie les marchés des contrats à terme (→ 68), car la seule
existence d’opérateurs désirant se couvrir ne permettrait pas d’assurer leur
fonctionnement.
Et puis tout le monde n’est-il pas un peu spéculateur, à l’instar de
l’exportateur qu’on vient de payer en devises étrangères et qui tarde à les
convertir en escomptant une hausse de leur cours, ou qui les convertit
immédiatement de peur de leur baisse ?
Émile Zola n’a-t-il pas raison lorsqu’il décrit les mécanismes de la
Bourse et la spéculation dans le 18e volume des Rougon-Macquart ? Il y
oppose la richesse d’hier, celle des fortunes domaniales représentant la
« stagnation même de l’argent », à l’« argent moderne de la spéculation »,
l’« argent liquide qui coule, qui pénètre partout », « empoisonneur et
destructeur », mais aussi « ferment de toute végétation sociale ».
9. – Bulle financière
On peut définir une bulle comme une hausse très importante du prix
d’un actif financier en général ou d’un ensemble d’actifs selon un processus
quasi continu, avec la hausse initiale qui génère des anticipations de hausses
ultérieures, par un mécanisme auto-entretenu, et qui, ce faisant, attire de
nouveaux acheteurs, davantage intéressés par les profits qu’ils retireront de
la revente de l’actif, plutôt que par sa capacité bénéficiaire intrinsèque. La
bulle peut donc résulter d’un processus rationnel. Mais, la bulle est suivie
d’un retournement des anticipations et donc d’une chute brutale (krach), et
en tout cas importante, des prix qui peut déboucher sur une crise financière
(→ 10).
La bulle boursière de la « nouvelle économie » et des valeurs Internet
(1998-2000) a montré comment un tel processus pouvait naître et se
développer de même que la bulle immobilière survenue aux États-Unis à
partir de 2005, et qui a provoqué la crise financière puis économique
de 2007-2009, la plus grave depuis la grande dépression de 1929. Mais les
bulles ont une longue histoire, dont les plus notables furent la bulle du
Mississippi à Paris en 1719-1720 provoquée par John Law, fondateur de la
Banque générale et de la Banque royale ou celle des actions de la
Compagnie des Indes, ou encore celle des tulipes hollandaises au
e
XVII siècle fraîchement arrivées de Turquie via Vienne.

De nouvelles bulles peuvent-elles se produire et de nouvelles crises


survenir ? Oui, selon l’économiste historien Kindleberger, tant qu’il y aura
des chocs technologiques qui changent les règles du jeu et les anticipations
de profit. L’histoire montre qu’il existe un cycle financier que l’on peut
certes atténuer, mais que l’on ne peut pas éradiquer. Joseph Schumpeter,
avec sa thèse de la destruction créatrice inhérente au capitalisme, va plus
loin : de telles bulles sont même souhaitables.
10. – Crise financière 4
Les crises financières, remarquablement analysées par Kindleberger
dans son ouvrage majeur Manias, Panics and Crashes 5 commencent
toujours par une période de « manie spéculative » (Mania) où un
phénomène d’aveuglement collectif se produit autour d’un objet de
spéculation, qu’il s’agisse d’actions Internet (2000), de chemins de fer
(1870), d’immobilier (2007), et s’achève par un événement qui brutalement
change la perspective et renverse la tendance. Cette phase est toujours
accompagnée par une expansion monétaire et débouche immanquablement
sur des abus, des fraudes (Ponzi, Madoff) et autres pratiques douteuses.
La crise financière de 2007 a eu pour origine les excès des prêts
immobiliers à des personnes insolvables aux États-Unis. Elle s’est
prolongée en crise bancaire, qui a contaminé l’économie réelle entraînant la
plupart des grands pays dans la récession, selon le mécanisme suivant : les
fonds propres des banques s’étant fortement dépréciés à la suite de la
dévalorisation de leurs actifs (toxiques), leur structure financière est
devenue trop endettée, ce qui les amenait à ne plus respecter leurs ratios
prudentiels. Les banques ont dû faire appel à leurs actionnaires pour
renforcer leurs fonds propres, mais en quantité insuffisante pour compenser
les provisions pour dépréciation de leurs actifs. Ce manque de fonds
propres conduit les banques à vendre des actifs à bas prix. Ceci contribue à
la poursuite de la dépréciation de leurs propres actifs et à la détérioration
des bilans bancaires, conduisant par voie de conséquence à des restrictions
de crédit (credit crunch), à la fois aux entreprises, ce qui n’est pas favorable
à l’investissement, et aux ménages, ce qui nuit à la consommation, à l’achat
de logements et aux autres formes d’investissement en biens durables par
les ménages. Ces courroies de transmission, et ce ne sont pas les seules,
entre secteur financier et secteur réel, affectent les entreprises et leurs
perspectives de bénéfices, ce qui provoque la baisse boursière, dans un
monde par ailleurs globalisé, où d’autres pays sont en récession, ce qui
affecte le troisième poste de croissance, les exportations.

11. – Capitalisme financier


L’existence d’une industrie financière puissante au sein d’un pays
favorise-t-elle ou non sa croissance économique ?
Le monde académique a porté une attention particulière à cette
question, qui n’est que la résurgence d’un vieux débat illustré sur le plan
politique par la fameuse phrase prononcée par le général de Gaulle lors
d’une conférence de presse en 1961 « La politique de la France ne se fait
pas à la corbeille », idée qu’Édith Cresson, Premier ministre en 1992, avait
exprimée de manière plus brutale par un : « La Bourse, je n’en ai rien à
cirer. »
Un débat plus feutré sur le rôle de la finance avait opposé
Joan Robinson, une économiste marxiste de l’université de Cambridge, en
Angleterre, collègue et amie de John Maynard Keynes, à
Joseph Schumpeter, économiste d’origine autrichienne, professeur à
Harvard dans l’autre Cambridge, aux États-Unis. Selon Joan Robinson,
When industry leads, finance follows, autrement dit, ce qui compte c’est
l’industrie, la finance n’est bonne qu’à mettre de l’huile dans les rouages de
l’industrie pour la faire fonctionner, mais elle n’est pas essentielle.
Joseph Schumpeter, quant à lui, écrit que « les services que rendent les
intermédiaires financiers sont essentiels pour provoquer, faciliter,
accompagner les innovations technologiques et le développement
économique ».
Cette opposition entre l’industrie d’un côté et la finance de l’autre est à
la source de la proposition de taxe sur les transactions financières. Selon les
avocats d’une telle mesure, celle-ci introduirait suffisamment de « grains de
sable dans les rouages », pour faire disparaître les intérêts purement
spéculatifs des marchés financiers, rendus à leur mission de financement de
l’économie réelle. Mais séparer le bon grain (la bonne allocation des
ressources dans l’économie réelle) de l’ivraie (l’excès de flux financiers)
n’est pas simple. Et si l’ivraie était nécessaire à l’obtention du bon grain ?
De fait, les recherches académiques récentes montrent qu’il existe un
parallélisme certain entre la croissance économique des pays et le niveau de
développement de leur système financier (→ 87).
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
CHAPITRE II

Que nous disent les marchés ?

Dans la mesure où ils sont « efficients », les marchés financiers


véhiculent énormément d’informations et envoient de nombreux signaux
sur beaucoup de grandeurs macrofinancières : taux d’intérêt actuels et
futurs (→ 23), primes de risque (→ 18), spread de crédit (→ 24), volatilités
(→ 16), etc., sur la base des anticipations de dizaine de milliers
d’opérateurs qui s’échangent une multitude de titres financiers. Ces signaux
aident les particuliers, comme les entreprises, les institutions financières et
l’État dans leurs décisions d’investissement 1.

12. – Efficience des marchés financiers


Il est une théorie généralement bien acceptée, celle de l’efficience
informationnelle des marchés financiers, selon laquelle un marché de titres
financiers sera efficient si l’ensemble des informations pertinentes à leur
évaluation se trouve rapidement reflété dans leurs cours.
De quelles informations s’agit-il ? De toutes les informations qui
peuvent influer sur la valorisation des actifs. Si l’on prend le cas particulier
des actions, il s’agit d’informations générales sur l’environnement
économique, monétaire et géopolitique dans lequel s’inscrivent leurs
activités, de portée nationale, internationale, voire mondiale. Il s’agit
également d’informations plus spécifiques à l’entreprise, ses marchés et
l’évolution de ses parts de marché, de ses marges, de ses processus de
production, de ses coûts, salariaux et autres, il peut s’agir aussi
d’informations liées à son activité boursière, ses volumes de transaction, ses
cours passés…
Selon la théorie de l’efficience, les marchés financiers incorporent donc
les conséquences des événements passés et reflètent précisément les
anticipations exprimées sur les événements futurs. Il serait donc vain de
chercher à prévoir leurs variations futures, puisque tous les événements
connus ou anticipés sont déjà intégrés dans le cours actuel ; seul un
événement imprévisible ou non prévu pourra le modifier. Puisqu’en toute
logique, prévoir l’imprévisible est impossible, la prévision des cours est
illusoire. Cette théorie a été validée par des milliers de tests empiriques
effectués sur tous les marchés financiers du monde.
Cependant, deux séries de phénomènes ont redonné une actualité
certaine à ce thème en suscitant de nouvelles controverses. D’abord, la mise
en évidence de certaines anomalies boursières (→ 14). Par ailleurs, et à la
suite de la bulle Internet de la fin du XXe siècle, un certain nombre
d’économistes ont mis en doute la rationalité du comportement des
investisseurs, et la capacité des marchés financiers à évaluer correctement
les actifs qui y sont cotés.
Il n’en demeure pas moins que le concept du marché efficient reste le
fondement de toute la théorie financière moderne. Et comment pourrait-il
en être autrement ? Comme le soulignait Paul Samuelson, prix Nobel
d’économie en 1970 : « L’impossibilité de prévoir les prix futurs à partir
des prix présents et passés est le signe, non pas de l’échec des lois
économiques, mais de leur triomphe après que la concurrence a fait sa
besogne. »
13. – Délit d’initié
Que quelqu’un détienne une information dont la connaissance par le
public est susceptible d’affecter la valeur d’une entreprise cotée n’est pas en
soi un délit, il est même souhaitable que les dirigeants d’entreprise soient
dans cette situation. Ce qui est en revanche répréhensible, et est qualifié de
délit d’initié, c’est l’utilisation de ladite information pour réaliser un profit
personnel. Ainsi, un journaliste ou un analyste financier qui, lors d’un
contact avec un dirigeant d’entreprise, obtient une information sensible est
en position d’initié. Dans ce cas, la règle de conduite doit être claire : ne pas
acheter ou vendre en Bourse (directement ou indirectement) avant que
l’information détenue ne soit rendue publique.
D’aucuns estiment qu’il ne faudrait pas réprimer le délit d’initié parce
qu’il permettrait d’incorporer plus rapidement les nouvelles informations
dans les cours, rendant ainsi les marchés plus efficients. Certes, mais les
délits d’initié ont des effets évidents et destructeurs sur le fonctionnement
des marchés : plus ils sont perçus comme probables, plus ils détournent les
investisseurs des marchés, et ceux qui restent, tout en étant honnêtes,
exigeront une prime de risque (→ 18) supplémentaire pour les compenser
des inconvénients qu’ils redoutent ou soupçonnent. C’est l’équilibre du
marché, à travers sa crédibilité, qui s’en trouve affecté.

14. – Anomalies boursières


De très nombreux travaux universitaires de nature empirique, dont les
premiers sont apparus au début des années 1980, font état d’anomalies
boursières au regard de l’hypothèse d’efficience des marchés financiers.
Ces anomalies, qu’on a pu chiffrer à plusieurs centaines, ont, pour la
plupart, disparu et ne sont plus qu’anecdotiques, ou bien ont fait l’objet
d’explications rationnelles.
Mentionnons-en quelques-unes :

l’effet taille selon lequel la rentabilité boursière annuelle, avant frais de


transaction, des sociétés de petite taille est en moyenne supérieure à
celle des sociétés de grande taille. Mais ce phénomène s’explique
rationnellement du fait que les coûts de transaction (→ 93) sont
significativement plus élevés pour les sociétés de petite taille ;
l’effet lundi selon lequel les rentabilités boursières le lundi sont plus
faibles que celles des autres jours de la semaine. Aussi, dans le même
ordre d’idées, les rentabilités la veille d’une fête et le dernier jour du
mois sont en moyenne plus élevées que celles des autres jours. On
observe aussi certaines constantes en cours même de séance de Bourse
avec l’essentiel de la rentabilité, en moyenne positive, se produisant en
début et en fin de séance de Bourse ;
la saisonnalité la plus célèbre, sinon la plus étrange, est celle du mois de
janvier dans les pays où l’exercice fiscal des sociétés correspond à
l’année civile. Il a été constaté par le passé que les taux de rentabilité au
mois de janvier étaient plus élevés que ceux des autres mois. Mais cette
anomalie a disparu au fil du temps et de la connaissance qu’en avaient
les opérateurs. Ceux-ci, anticipant l’effet janvier, prenaient des positions
à l’achat dès le mois de décembre pour en profiter. L’effet janvier est
devenu alors un effet décembre, puis un effet novembre… de sorte que
tout effet mensuel a aujourd’hui pratiquement disparu, même celui du
mois de mai… malgré ce qu’écrivait Mark Twain « Sell in may and go
away » ;
l’effet beau temps : les cours ont davantage tendance à monter les jours
cléments.
En fin de compte, il semble douteux qu’un investisseur, quel qu’il soit,
particulier ou institutionnel, puisse profiter de telles anomalies. Celles-ci
sont en effet fondées sur des observations, qui, pour être statistiquement
significatives, portent sur de très nombreuses années du passé. On les
constate donc a posteriori, mais personne ne les connaissait en temps réel.
Et la technologie (base de données informatique très rapide et peu coûteuse)
n’existait pas au moment où elles se produisaient. Enfin, comme on l’a
évoqué avec l’effet janvier, la découverte même d’anomalies, si elles
existent, les fait disparaître du fait de l’action des opérateurs qui essaient de
les mettre à profit.
Il n’empêche que les chercheurs en finance continuent à découvrir
d’autres anomalies qui donnent naissance à un nouveau paradigme, la
finance comportementale. Celles-ci redonnent un certain lustre à l’analyse
technique (chartisme) qui consiste à acheter ou à vendre des actions à partir
de l’observation de configurations particulières dans l’évolution passée de
leurs cours.

15. – Finance comportementale


Loin d’être taillées à l’équerre, les courbes de la Bourse offrent depuis
toujours des profils en dents de scie. Ces évolutions torturées ont donné
l’intuition à de nombreux chercheurs que le comportement des marchés
intégrait en permanence une part de psychologie, loin de l’univers financier
pur et parfait décrit par les théoriciens de l’efficience des marchés
financiers, où la courbe de l’évolution des cours devrait avoir l’aspect de
marches d’escalier, chaque marche (ascendante ou descendante)
correspondant à l’incorporation d’une nouvelle information (positive ou
négative) dans les cours.
Les chercheurs en finance comportementale ont voulu aller plus loin en
tentant de démontrer la récurrence de certains biais psychologiques, comme
notamment l’effet momentum, les biais cognitifs et les biais émotionnels, ou
le phénomène d’aversion au regret, mis en évidence par des chercheurs en
psychologie cognitive comme Daniel Kahneman à qui fut décerné le prix
Nobel d’économie en 2002.
Le symptôme le plus étudié est celui de l’effet momentum, selon lequel,
par exemple, une action qui s’est déjà significativement appréciée a
tendance à poursuivre sur sa lancée. L’effet est entièrement psychologique
dans la mesure où aucun élément rationnel ne permet de s’appuyer sur les
performances passées d’une société pour prévoir ses performances futures.
La tendance grégaire de chaque investisseur de calquer son comportement
sur celui de son voisin explique largement la dynamique de l’effet
momentum. Ce qui se constate en matière de mode vestimentaire serait
aussi vrai sur les marchés financiers où le comportement moutonnier
permet au professionnel de réduire son anxiété d’être le seul à devoir
afficher une contre-performance. Car c’est une constante : chacun trouve
toujours plus confortable de faire ce que les autres font déjà, plutôt que de
se singulariser.
Les voies de l’inconscient ont été réparties en deux catégories par les
psychologues, les biais cognitifs, dus à de mauvais raisonnements et les
biais émotionnels où les émotions prennent le pas sur le raisonnement et
amènent l’investisseur à agir de manière irrationnelle. Dans la première
catégorie, le biais le plus important est dit de « représentativité ». Il consiste
à surestimer l’importance d’une information, en estimant qu’un détail est
représentatif de l’ensemble. Appartient à la seconde le fait d’aller chercher
en priorité les informations confirmant son premier choix, un acheteur du
titre Orange par exemple va avoir tendance à ne prendre en compte que les
informations ou opinions favorables à ce titre.
Le phénomène d’aversion au regret, ou effet de disposition, se traduit
par le fait que les investisseurs sont beaucoup plus prompts à vendre un titre
(trop tôt ?) pour enregistrer une plus-value que pour matérialiser (trop
tard ?) une perte. Ni les anomalies boursières ni les biais des investisseurs
qui sont à l’origine de la finance comportementale n’ont pu à ce jour être
mis à profit de manière systématique par les professionnels de la gestion de
portefeuille.

16. – Volatilité
L’expérience est là pour montrer que de nombreuses menaces pèsent sur
la rentabilité d’un investissement. Celles-ci lui confèrent son caractère
risqué et se traduisent notamment par une certaine volatilité des cours. La
volatilité est une mesure statistique de la propension d’un actif financier à
fluctuer.
Par définition, un actif sans risque (→ 76) ne présente aucun risque et
n’a donc aucune volatilité : du fait de la qualité de la signature, son
remboursement est certain et le montant du remboursement est connu à
l’avance. Et même si les taux fluctuent à la hausse ou à la baisse sur le
marché, les fluctuations n’auront aucun impact sur la valeur du bon du
Trésor dont l’échéance de remboursement est très proche. Il n’en est pas
ainsi de toutes les obligations (→ 62). La volatilité d’une obligation est très
dépendante de sa durée de vie. Les prix auxquels s’échangent des
obligations à trois, cinq, dix, vingt, trente, voire plus, même si leur valeur
de remboursement est certaine parce que connue à l’avance et d’une très
grande qualité de signature (notation AAA par les agences de rating, → 58),
sont très sensibles à une fluctuation des taux d’intérêt, même légère.
Les actions constituent un titre financier (→ 62) plus risqué que les
obligations, dans la mesure où les revenus qu’elles procurent (les
dividendes) sont incertains, qu’elles n’ont pas de valeur de remboursement,
et que leur durée de vie est en principe infinie. Ainsi, les actions sont plus
risquées que les obligations, lesquelles sont plus risquées que les bons du
Trésor.
In fine, les sources financières de la volatilité sont triples : une variation
des flux anticipés (ce facteur jouant principalement pour les actions), une
variation des taux d’intérêt, une variation de la perception du risque. Une
variation, même légère, d’un seul de ces facteurs peut engendrer une
variation violente des valeurs, surtout celles des titres dont la durée de vie
est longue. D’où la volatilité constatée en Bourse.
La volatilité elle-même est volatile, selon que les marchés et les
opérateurs sont calmes ou nerveux, et a son propre indicateur, notamment le
VIX du marché américain, aussi appelé indice de la peur. Il est établi
quotidiennement par le Chicago Board Options Exchange (CBOE) à partir
des volatilités implicites des contrats d’options sur l’indice S&P 500.

17. – Aversion au risque


Aucun investisseur (ou très peu d’entre eux) ne prend ses décisions sur
la base du seul critère de l’espérance de gain ou de rentabilité. L’aversion
pour le risque est une attitude presque unanimement partagée, et le monde
paraît divisé entre les « riscophiles » minoritaires et les « riscophobes »
beaucoup plus nombreux, mais « De gustibus non est disputandum ». Aussi,
une règle de décision conforme aux comportements observés des
investisseurs consiste en la maximisation de l’espérance d’utilité, celle-ci
étant définie à partir d’une fonction donnant une règle de transformation (ou
de conversion) entre la richesse et la satisfaction (ou l’utilité).
L’investisseur est supposé avoir un comportement remarquable sur deux
points. D’abord, il est insatiable : une augmentation de sa consommation ne
peut réduire sa satisfaction, même si la seconde augmente de façon
décroissante avec l’augmentation de la première. Ensuite, il est hostile au
risque : à espoir de gain identique, il préfère l’investissement de moindre
risque.

18. – Prime de risque


L’aversion qu’il a à l’égard du risque justifie que l’investisseur demande
une compensation pour placer l’épargne qu’il gère sur un support plus
risqué que le livret A (ou son équivalent). Cette compensation est la prime
de risque. La prime de risque s’exprime sous forme d’un taux
en pourcentage qu’un investisseur requiert en sus du taux sans risque pour
investir dans un actif financier risqué.
Hormis les obligations émises par quelques États souverains dont la
France, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, qui, dans l’histoire
contemporaine, n’ont jamais fait défaut sur leur dette, ou celles de quelques
grandes entreprises très solides, tout actif financier est risqué. Ainsi, la dette
de la plupart des émetteurs, même ceux qui ont la notation AAA ou Aaa des
grandes agences de notation (→ 58), commande un surcroît de taux de
rentabilité sous forme de spread ou marge de crédit (→ 24), par rapport au
taux sans risque.
Sur le marché des actions, la prime de risque s’exprime de la même
façon sous la forme d’un différentiel de taux entre le taux de rentabilité
requis sur l’ensemble du marché des actions et le taux de l’actif sans risque
(→ 76). C’est la prime de risque de marché.
La prime de risque de marché ne se décrète pas. Représentant un
surcroît de taux de rentabilité exigé ou anticipé, elle ne peut être
qu’estimée, avec une certaine marge d’erreur. De plus, elle fluctue dans le
temps, son niveau n’est pas immuable, du fait que l’aversion au risque des
investisseurs est plus ou moins marquée selon leur humeur. Au plus haut de
la bulle technologique de la fin du siècle dernier ou avant que ne se
produise la crise financière à l’été 2007, elle était faible, de même qu’à la
veille du krach du 19 octobre 1987, où elle n’était que de 1,50 % en France,
alors qu’elle était très élevée, supérieure à 9 % en mars 2009, au plus fort de
la crise financière, selon Associés en Finance. Elle se situe plus
généralement dans une fourchette de 4 % à 6 %.

19. – MEDAF et bêta


Le modèle d’équilibre des actifs financiers (MEDAF), ou Capital Asset
Pricing Model (CAPM), est la finalisation dans une expression simple d’un
processus qui amène le marché des titres financiers à l’équilibre. Selon le
MEDAF, la rentabilité exigée par un investisseur est égale au taux sans
risque majoré d’une prime de risque. C’est le fameux couple
rentabilité/risque. La prime de risque d’une action particulière (prime de
risque spécifique) est le produit de la prime de risque de marché par le bêta
de l’action.
Toutes les actions doivent offrir la même rentabilité ajustée pour leur
risque, mais pas tout leur risque. Seul le risque systématique, mesuré par le
coefficient bêta, est rémunéré. Le coefficient bêta d’une action mesure son
risque relatif par rapport à la moyenne du marché. Par construction, la
moyenne des bêtas de tous les titres est de 1, et la plupart des bêtas des
actions individuelles se situent dans une fourchette dont les bornes sont 0,5
et 2. En pratique, le bêta mesure le coefficient d’amplification des
variations du cours d’une action par rapport aux variations du marché.
Toutes choses égales par ailleurs, une action dont le bêta est de 2 variera
de ± 10 % face à une variation du marché de ± 5 %, tandis que la variation
du cours d’une action de bêta de 0,5 ne sera que de ± 2,5 % dans de telles
circonstances ; ainsi, les variations en Bourse de la première amplifient les
mouvements du marché, tandis que celles de la seconde les atténuent.
Le MEDAF offre de nombreuses utilisations pratiques en gestion de
portefeuille et pour la valorisation des entreprises et de leurs actifs.

20. – Capitalisation boursière


La capitalisation boursière d’une société cotée à un instant donné est le
produit de son cours par le nombre d’actions qui composent son capital. La
capitalisation boursière d’un pays ou d’une place boursière est la somme
des capitalisations boursières de toutes les actions qui y sont cotées.
La capitalisation boursière de la place de Paris était en 1970 inférieure
de moitié à celle de la seule société IBM, la plus grosse capitalisation
boursière de l’époque. Elle est en 2018 le double de celle d’Apple, la plus
grande société mondiale par sa taille boursière. Entre 1970 et 2013, la
capitalisation boursière totale des actions françaises cotées a été multipliée
par plus de 50 sous l’influence conjuguée de trois facteurs : les
privatisations depuis 1986, le mouvement de cotation de sociétés de taille
intermédiaire et surtout la progression des cours.
En 2018, la capitalisation boursière des actions françaises s’élève à 3 %
de la capitalisation boursière mondiale et celle d’Euronext, qui regroupe
notamment les Bourses d’actions de Paris, Bruxelles, Amsterdam, Lisbonne
et Dublin, 4 %. Les deux premiers marchés d’actions américains, le NYSE
et le NASDAQ, représentent 33 % de la capitalisation boursière mondiale
en 2018 et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), plus de
15 %.
21. – Liquidité
Selon la définition qu’en a donnée Keynes, la liquidité est la possibilité
de vendre (acheter) très rapidement une grande quantité de titres sans
modification de valeur par rapport au dernier cours affiché. À
l’automne 2008, au plus fort de la crise financière (→ 10), la liquidité au
sein de l’ensemble du système interbancaire s’est totalement grippée, les
banques refusant de se prêter entre elles. Au niveau microéconomique, de
même que la rentabilité d’un actif financier est proportionnelle à son risque,
la rentabilité constatée sur les actifs financiers est aussi, mais dans une
moindre mesure, proportionnelle à son degré d’illiquidité. Cette relation
constatée ex post existe aussi ex ante sous forme d’une prime (→ 22) : on
est en droit d’attendre une rentabilité plus élevée des sociétés de moindre
liquidité, du seul fait que les coûts de transaction pour les acheter et pour les
vendre sont plus élevés.
La liquidité est par ailleurs l’une des justifications de l’existence d’un
marché financier à travers sa fonction de marché secondaire. Aucune
fortune privée n’aurait pu financer le développement des Microsoft, Total,
LVMH ou autres BNP Paribas. Il a fallu faire appel à des actionnaires
extérieurs. Mais on n’attire pas des mouches avec du vinaigre. Pour inciter
des actionnaires minoritaires à investir, il faut au moins leur donner
l’assurance qu’ils pourront acheter et vendre leurs titres quand bon leur
semblera et dans des conditions satisfaisantes. C’est la fonction essentielle
du marché financier que d’assurer une telle liquidité.

22. – Prime d’illiquidité


Les sociétés cotées en Bourse ont des tailles très différentes en termes
de taille de bilan, de chiffre d’affaires, et aussi de capitalisation boursière.
Mais toute la capitalisation boursière d’une société n’est pas disponible
aux actionnaires minoritaires. Ainsi en va-t-il des participations détenues
par l’État (Orange, EDF ou ADP par exemple), de participations détenues
par des familles qui contrôlent le capital (Bouygues, Hermès…), de pactes
d’actionnaires ou des noyaux durs lors des privatisations de 1987-1988 en
France. Le flottant est la partie de la capitalisation boursière disponible pour
les transactions boursières.
Plus le flottant d’une société cotée est important et plus grande est sa
liquidité : le critère du flottant permet de cerner la liquidité structurelle
d’une société cotée. Une notion plus conjoncturelle de la liquidité peut être
fournie par la fourchette (bid ask spread) des meilleures limites à l’achat ou
à la vente dans le carnet d’ordres (→ 92) des intermédiaires, ou par les
volumes de transactions constatés au cours d’un passé récent.
L’illiquidité relative d’un titre coté est un élément caché, mais
significatif, des coûts de transaction, qui se matérialise sous forme de
market impact. Celui-ci traduit le fait qu’un ordre important est susceptible
de faire bouger les cours, et que l’ordre sera exécuté à un cours plus
important, à l’achat, que la meilleure limite affichée sur l’écran d’ordinateur
qui reproduit le carnet d’ordres au moment où l’ordre est passé, et à
l’inverse, à un cours moins important s’il s’agit d’un ordre de vente.
De ce fait, les investisseurs auront des exigences de rentabilité plus
élevées sur des titres dont la liquidité est plus faible, sous la forme d’une
prime d’illiquidité. Comme la prime de risque, celle-ci fluctue dans le
temps compte tenu d’un certain nombre de facteurs, dans une fourchette
comprise généralement entre 0,5 % et 2 % 2.

23. – Structure par terme des taux d’intérêt


La structure par terme des taux d’intérêt désigne l’expression du taux
d’intérêt en fonction de l’échéance : taux au jour le jour, taux à trois mois, à
un an, à dix ans, à trente ans, etc. On peut représenter la structure par terme
des taux d’intérêt, à un instant donné, grâce à une courbe appelée courbe
des taux, qui se construit à partir de l’observation des rendements à
l’échéance d’obligations coupon zéro (obligations sans coupon avec
remboursement in fine incluant les intérêts non payés) de différentes
maturités. En faisant varier l’échéance du coupon zéro, on décrit la courbe
des taux.
Cette courbe présente l’une des trois formes suivantes : ascendante,
plate ou descendante. À chacune de ces courbes peut correspondre un
marché à l’équilibre, compte tenu notamment des anticipations des
opérateurs sur les perspectives de croissance et d’inflation.
C’est en ce sens qu’Alan Greenspan avait parlé de conundrum (énigme)
en observant en 2005-2006 l’allure descendante de la courbe des taux des
obligations d’État américaines, ce qui traduisait le fait que le niveau des
taux courts était plus élevé que celui des taux longs. Une telle courbe des
taux descendante implique que les opérateurs et les marchés s’attendent à ce
que, dans le futur, les taux courts soient à un niveau plus bas que celui
observé aujourd’hui, ce qui signifie soit des taux d’inflation plus faibles soit
une économie en récession. D’où le terme d’énigme que Greenspan
employa puisque rien ne lui permettait de prévoir, ni une diminution de
l’inflation, déjà faible, ni une récession. Et pourtant celle-ci survint, mais
plus tard, en 2008-2009.

24. – Marge (spread) de crédit


Le spread est la marge de crédit qui, ajoutée à un taux de référence,
donne le taux d’intérêt dû au prêteur. Les références sont notamment
relatives à l’emprunteur (OAT pour l’État, LIBOR ou EURIBOR pour les
banques), à la durée (EONIA pour un jour, EURIBOR pour trois ou six
mois…), à la devise (EURIBOR pour l’euro, LIBOR pour le dollar ou pour
la livre sterling).
Le resserrement des spreads est la marque du sentiment que les risques
sont en baisse, leur élargissement indique au contraire une plus forte
incertitude. La crise des dettes souveraines et les tensions dans la zone euro
à partir de 2010 ont poussé les spreads de certains pays, comme la Grèce ou
l’Irlande, à des niveaux très élevés, plus de 35 % pour la Grèce en
avril 2012.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
CHAPITRE III

Valoriser et créer de la valeur

Sur les marchés financiers s’échangent un grand nombre de titres


financiers (→ 62) avec leurs prix affichés pour la plupart en continu. Ceux
qui font particulièrement la une des journaux spécialisés de la presse écrite
et télévisuelle sont les actions. Ce sont les mêmes méthodes qui permettent
la valorisation de celles-ci et des projets d’investissement des entreprises.
La valorisation ne résulte pas du savoir-faire d’un croupier comme auraient
tendance à le croire ceux qui assimilent la Bourse à un casino. Il y a en effet
une très forte correspondance entre les stratégies et politiques des
entreprises et l’interprétation qu’en donnent les marchés financiers par la
valorisation qu’ils font de celles-ci. Ainsi, les marchés financiers évaluent
les performances des entreprises et signalent celles qui créent (détruisent)
de la valeur.

25. – Actualisation et capitalisation


La finance, c’est d’abord du temps et du risque.
« Le temps, c’est de l’argent » ou « un tiens vaut mieux que deux tu
l’auras », dit le dicton populaire, qui traduit le principe qu’une somme
d’argent perçue aujourd’hui vaut plus que la même somme reçue dans le
futur, pour la simple raison que la première peut porter intérêt et être
capitalisée jusqu’à la date à laquelle sera perçue la seconde.
Capitaliser une somme, c’est renoncer à la consommer immédiatement
et la placer pour qu’elle puisse se projeter en une valeur future supérieure
compte tenu du taux auquel elle est placée. Avec le simple passage du
temps, les effets de la capitalisation sont impressionnants.
La technique de l’actualisation procède de la démarche inverse : elle
permet de calculer la valeur d’aujourd’hui, appelée valeur actuelle, d’une
somme reçue dans le futur, en utilisant un taux d’actualisation approprié.
L’actualisation ainsi permet de rendre comparables des flux qui ne sont pas
perçus à la même date.
Actualisation et capitalisation sont les deux faces d’un même
phénomène : le prix du temps, mais aussi celui du risque. Ainsi, le taux qui
sera utilisé pour actualiser une somme reçue dans le futur, pour obtenir sa
valeur aujourd’hui, ou pour capitaliser une somme aujourd’hui et calculer
sa valeur future, dépend du risque du placement. Plus le risque perçu est
élevé, plus élevé sera le taux utilisé.

26. – Flux de trésorerie


Cash is king ! Les flux de trésorerie (les cash-flows) sont l’alpha et
l’oméga de la finance. Un flux est un mouvement de trésorerie :
encaissement de liquidités – ce qui rentre dans la caisse – ou décaissement
de liquidités – ce qui en sort. C’est le fondement même de la finance,
puisque tout actif financier est évalué compte tenu des flux de trésorerie
(coupon d’intérêt, dividendes, etc.) qu’il génère. Au sein des entreprises, la
fonction trésorerie s’intéresse aux décaissements et aux encaissements,
c’est-à-dire aux flux financiers et à leur articulation avec les comptes de
trésorerie : encaisses et comptes bancaires. La gestion de trésorerie est une
fonction financière centralisée pour optimiser celle-ci, notamment au sein
des entreprises ayant un grand nombre de filiales opérant dans de nombreux
pays et au contact de multiples banques, c’est le cash pooling. La
dimension internationale de la gestion de trésorerie ajoute un facteur
supplémentaire à la fonction : la prise en compte de flux en différentes
monnaies et donc l’existence d’un risque de change (→ 64) à gérer.
La gestion de trésorerie est une fonction clé dans l’entreprise qui peut
lui faire gagner ou économiser beaucoup d’argent. À éviter surtout, la crise
de trésorerie, début de l’enchaînement de multiples difficultés pour
l’entreprise qui y est confrontée !

27. – Besoin en fonds de roulement (BFR)


Le besoin en fonds de roulement (d’exploitation), BFR, d’une
entreprise, représente le solde des emplois et des ressources d’exploitation
(stocks + créances clients – dettes fournisseurs).
Le BFR, lorsqu’il est positif, ce qui est généralement le cas, correspond
aux ressources investies par l’entreprise pour financer un cycle
d’exploitation. Dans certains cas, le BFR d’exploitation peut être négatif,
c’est-à-dire sécréter des ressources. C’est notamment le cas dans le secteur
de la grande distribution où les clients paient leurs achats immédiatement à
la caisse, où les stocks tournent très vite, et où les fournisseurs sont payés à
quatre-vingt-dix jours, c’est le crédit interentreprises, qui est l’une des
manifestations les plus visibles des rapports de force entre clients et
fournisseurs. À activité constante, et notamment en l’absence de
saisonnalité des ventes, le niveau de BFR est relativement stable, d’où la
notion de permanence du besoin en fonds de roulement. Sa maîtrise est
fondamentale pour les entreprises à forte croissance, pour lesquelles le
besoin en fonds de roulement progresse souvent plus vite que le chiffre
d’affaires, si elles ne veulent pas être confrontées à une crise de trésorerie.
En cas de croissance de l’activité, l’augmentation du besoin en fonds de
roulement constitue un véritable emploi de fonds, au même titre que les
investissements en immobilisations ; il convient donc de l’analyser, de le
prévoir avec précision, de tenter de le limiter, autant que faire se peut et
qu’opportun, et de maîtriser sa trop forte augmentation.

28. – Coût du capital


Le coût du capital, c’est comme une glace sans tain. D’un côté de la
glace est celui qui reçoit les fonds, de l’autre celui qui les lui confie, sous
forme de prêt ou d’apport en fonds propres. Pour celui qui reçoit les fonds,
ces derniers ont un coût, pour celui qui les apporte, ceux-ci doivent procurer
une certaine rentabilité. Ce qui est rentabilité pour l’un est coût pour l’autre,
aux frictions près que sont les frais d’intermédiation qui rémunèrent celui
qui met face à face les deux parties.
Une entreprise dont les sources principales de financement sont la dette
(→ 48) et les capitaux propres encourt donc un coût de la dette et un coût
des fonds propres. Le coût de la dette pour l’entreprise est la rémunération
du prêteur (banque s’il s’agit d’un crédit bancaire, investisseur s’il s’agit
d’une obligation). Le coût des capitaux propres pour l’entreprise est la
rentabilité exigée par les actionnaires.
Pour une entreprise qui s’endette, le coût de la dette est le taux d’intérêt
nominal sans risque (→ 76) auquel s’ajoute un spread ou marge de crédit
(→ 24). Pour ce qui concerne les capitaux propres s’ajoute au taux sans
risque la prime de risque spécifique (→ 19), qui s’impose à l’entreprise à un
moment donné sur le marché des actions.
En définitive, le coût du capital d’une entreprise est le coût moyen
pondéré du capital (CMPC, Weighted Average Cost of Capital [WACC] en
anglais), c’est-à-dire de l’ensemble de ces deux grandes catégories de
financement, les pondérations attachées à chacune de ces sources de
financement étant leur valeur relative de marché.
L’exercice se complique lorsque l’on cherche à estimer précisément le
coût du capital d’une entreprise. L’imprécision qui entoure son estimation
arrange les nombreux utilisateurs du concept, notamment ceux engagés
dans les opérations d’achat/vente d’entreprises. Le vendeur justifiera le prix
élevé demandé aux acquéreurs potentiels, en faisant état d’un faible taux
d’actualisation des flux futurs tels qu’ils résultent du business plan de
l’entreprise vendue, et vice versa pour l’acheteur.

29. – VAN et TRI


La théorie et la pratique du choix des investissements sont constituées
d’une série de techniques qui s’efforcent d’optimiser l’allocation des
ressources financières d’une entreprise, au premier rang desquelles figurent
des méthodes et des critères d’évaluation précis fondés sur le principe de
l’actualisation : la valeur actuelle nette (VAN) et le taux de rentabilité
interne (TRI).
La VAN d’un investissement est égale à la différence année après année
entre les flux de trésorerie générés par cet investissement, et les dépenses
qu’il entraîne, actualisés à un taux donné.
C’est le critère roi de la finance et de l’évaluation parce qu’il est sans
biais puisqu’il ne prend en compte que la réalité des flux financiers, les flux
de trésorerie, ceux qui sortent comme ceux qui rentrent. Il est seulement
tributaire du taux d’actualisation retenu pour la calculer.
En matière d’allocation de ressources dans l’entreprise, l’entreprise ne
doit investir que lorsque la VAN est positive. La VAN traduit donc la
création de valeur si elle est positive, ou la destruction de valeur si elle est
négative, dégagée par le processus d’allocation des ressources.
L’interprétation économique de la VAN est simple : tout projet dont la VAN
est positive présente une rentabilité supérieure au taux retenu pour la
calculer, lequel correspond au coût du capital (→ 28) et donc est créateur de
valeur (→ 39). La méthode du taux de rentabilité interne (TRI) procède de
manière analogue mais à l’envers. Le TRI des projets est le taux qui ramène
à zéro la valeur actuelle nette des flux de trésorerie. Ce taux sera ensuite
comparé au coût du capital. S’il lui est supérieur, le projet sera adopté, et
écarté s’il lui est inférieur.
Si la technique est simple dans son principe, son application nécessite
l’estimation des flux de trésorerie et le choix d’un taux pour les actualiser.
Beaucoup reconnaissent que le critère de la VAN est insuffisant pour
prendre une décision d’investissement, dès lors que celui-ci ne tient pas
compte des effets induits (difficilement quantifiables) de nouveaux
investissements sur les autres activités de l’entreprise d’une part, et tend à
minimiser l’attractivité d’un investissement dès lors que celui-ci incorpore
des options réelles, d’autre part.

30. – Options réelles


L’industriel n’est pas toujours démuni contre les risques, dans un certain
nombre de cas, il a une certaine maîtrise des événements et est en mesure de
réagir à leur survenance. Dans de telles circonstances, il lui est permis de
moduler le montant de ses investissements, en les accroissant (option
d’expansion) ou en les limitant, voire en les revendant (option d’abandon).
Cette flexibilité a bien une valeur, même si elle ne se matérialise pas par
un titre financier : on parle dans ce cas d’options réelles.
Celles-ci sont propres aux investissements industriels. Elles offrent le
droit, mais non l’obligation de modifier un projet d’investissement. Pour
qu’un projet d’investissement incorpore effectivement des options réelles, il
faut qu’il comporte une part d’incertitude, que les décideurs acquièrent un
surcroît d’information avec le passage du temps et enfin qu’une fois ces
nouvelles informations obtenues, il soit possible d’engager une
modification significative et irréversible du projet.
L’option de lancer un nouveau projet correspond à une option d’achat
d’une nouvelle activité dont le prix d’exercice est constitué par le montant
des investissements de lancement. L’option de développer une activité
existante est comparable au lancement d’un nouveau projet. L’option de
réduire l’activité est la symétrique de la précédente. Est aussi une option
réelle, l’option de différer l’exécution d’un projet.
Lorsque l’entreprise dispose d’un portefeuille d’options réelles attaché à
un projet d’investissement, utiliser le critère de la VAN (→ 29) revient à
considérer qu’on les exerce immédiatement, ce qui n’est pas optimal et, en
les ignorant, à biaiser à la baisse l’attrait du projet.

31. – Évaluation d’entreprise


L’évaluation d’entreprise a pour objet d’estimer la valeur de ses actions,
c’est-à-dire celle de ses capitaux propres.
Deux approches sont généralement utilisées pour évaluer les capitaux
propres d’une entreprise :

une approche fondamentale d’actualisation des flux : il s’agit soit des


flux de trésorerie disponibles, actualisés au coût moyen pondéré du
capital, desquels on retranche la valeur de l’endettement net, soit des
dividendes actualisés au taux de rentabilité exigé par l’actionnaire
(méthode DDM) ;
une approche analogique fondée sur la comparaison de l’entreprise avec
des entreprises de même nature (méthode des comparables). Cette
méthode indirecte consiste à appliquer un multiple des résultats
financiers (→ 32) de plusieurs entreprises comparables à ceux de
l’entreprise à évaluer. Pour obtenir la valeur des capitaux propres, on
retranche de cette valeur d’entreprise celle de l’endettement net.

Ces méthodes font directement ou indirectement appel à des critères de


marché et donc implicitement ou explicitement à des prévisions de flux
futurs. Cela explique les différences de valorisation auxquelles aboutissent à
un même moment plusieurs évaluateurs, lesquels font des hypothèses
différentes quant aux conditions de marché ou quant aux prévisions de flux
futurs.

32. – Résultats financiers


Un certain nombre de soldes intermédiaires de gestion permettent
d’apprécier les résultats financiers d’une entreprise en examinant
notamment leur évolution dans le temps, ou en les rapportant à l’actif
économique pour dégager des ratios de rentabilité (→ 36, 37).
L’excédent brut d’exploitation (EBE) est le solde entre les produits
d’exploitation et les charges d’exploitation qui ont été consommées pour
obtenir ces produits. Il correspond donc au résultat du processus
d’exploitation. L’EBE est l’équivalent de l’EBITDA (Earnings before
Interest, Taxes, Depreciation and Amortization) anglo-saxon.
Le résultat d’exploitation est le résultat du processus d’exploitation et
d’investissement de l’exercice. Il traduit l’accroissement de richesse dégagé
par l’activité industrielle et commerciale de l’entreprise. À la différence de
l’EBE, qui se concentre uniquement sur le cycle d’exploitation, le résultat
d’exploitation prend également en compte le processus d’investissement par
le biais de charges dites « calculées », c’est-à-dire estimées par l’entreprise,
comme les dotations aux amortissements et les provisions. Le concept de
résultat d’exploitation est très voisin de l’EBIT (Earnings before Interest
and Taxes) anglo-saxon.
Le résultat net traduit l’enrichissement ou l’appauvrissement de
l’entreprise au cours de l’exercice. Il s’agit en fait de la part du résultat
d’exploitation revenant aux actionnaires après que les créanciers bancaires
ou obligataires ont perçu leur part sous forme d’intérêt et l’État sous forme
d’impôts. Le résultat net peut donc être distribué sous forme de dividendes,
ou mis en réserve, augmentant ainsi les capitaux propres de l’entreprise.

33. – Bénéfice par action (BPA)


Le BPA est le rapport des résultats de l’entreprise (après déduction des
impôts sur les bénéfices) au nombre d’actions.
La progression du BPA n’est pas toujours synonyme de création de
valeur (ni son recul forcément de destruction de valeur). Croire que toute
décision financière qui tend à faire croître le bénéfice par action augmente
la valeur est une profonde méprise. Cela suppose que le PER (→ 34) reste
constant avant et après la décision financière, alors que dans bien des cas,
cette hypothèse est erronée, par exemple quand les capitaux engagés et les
risques pris se sont modifiés.
En fait, le critère de la progression du BPA d’un exercice à l’autre ne
peut être un indicateur pertinent de création de valeur que si le risque de
l’actif économique de l’entreprise et sa structure financière sont invariants
d’un exercice à l’autre.

34. – PER (Price Earning Ratio)


Le PER, ou Price Earning Ratio d’une action, appelé aussi multiple ou
taux de capitalisation des bénéfices, est le rapport du cours de l’action au
BPA.
Il dépend essentiellement de trois facteurs : les anticipations de
croissance future des bénéfices, le risque associé à ces prévisions et le
niveau des taux d’intérêt. Plus la croissance escomptée est importante et
plus grande est la certitude de cette croissance (et donc le risque moindre),
plus le PER est élevé.
Si les actions de deux sociétés ont des PER différents, cela peut donc
s’expliquer soit par des espérances de rentabilité différentes de la part des
investisseurs, ce qui se justifie par des appréciations différentes de leur
risque, soit par des opportunités de croissance et de développement
rentables qui ne sont pas les mêmes dans les deux sociétés. En soi, un faible
niveau de PER ne permet donc pas de repérer une valeur sous-évaluée et
maltraitée par le marché (et qu’il faudrait donc acheter). Mutatis mutandis,
un fort PER n’implique pas qu’une valeur est surévaluée.

35. – Dilution
Le terme dilution revêt deux acceptions, voisines mais distinctes, selon
qu’il concerne l’ensemble des actionnaires ou seulement une partie d’entre
eux.
On parle de dilution lorsqu’une modification de la structure financière
de l’entreprise (un recours accru à l’endettement ou une opération de
fusion/acquisition) provoque une baisse (hausse) du BPA. On dit alors que
cette modification de la structure financière a sur le BPA un effet dilutif
(relutif).
La dilution peut également caractériser la réduction du pourcentage que
détient un actionnaire ou un groupe d’actionnaires dans le capital d’une
société suite à une augmentation de capital réservée à d’autres.

36. – Ratios financiers


Naguère, le premier cas de finance dans le MBA d’Harvard s’intitulait
The Case of Unidentified Industries. Il tenait sur une seule page et se
présentait sous forme d’un tableau à double entrée avec huit colonnes,
chacune représentant anonymement une industrie particulière et huit lignes,
chacune correspondant à un ratio financier. À l’intersection de chaque
ligne/colonne, il y avait un chiffre donnant la valeur de tel ratio pour telle
industrie. En fonction de la valeur des huit ratios de chaque industrie,
l’étudiant devait reconnaître de laquelle il s’agissait. Cet exemple souligne à
la fois qu’une batterie de quelques ratios bien choisis permet de caractériser
un type d’entreprise et, corrélativement, à quel point la valeur de certains
ratios peut être très différente entre entreprises de secteurs différents.
Le ratio du chiffre d’affaires à l’actif économique était l’un de ces huit
ratios. L’actif économique devant être financé au passif par des capitaux
d’emprunt et/ou des capitaux propres, ce ratio exprime le montant de capital
nécessaire pour générer du chiffre d’affaires. Si le ratio est de 1, cela veut
dire qu’il faut un euro d’actif (ou de capitaux employés) pour réaliser un
euro de chiffre d’affaires. Plus le ratio est élevé et plus la société peut faire
du chiffre d’affaires avec un euro de capital.
Les sociétés ont tout intérêt à avoir un ratio du chiffre d’affaires à l’actif
économique élevé (ou, ce qui revient au même, une intensité capitalistique
faible). Il serait cependant abusif d’assimiler un ratio de rotation élevé à une
bonne gestion (et inversement), et de comparer la performance de sociétés
appartenant à des secteurs différents sur la base de la valeur de ce seul
coefficient.
Ainsi, le ratio de rotation d’une bijouterie de luxe est très faible, tandis
que celui d’un hypermarché de la grande distribution est très élevé. Il serait
erroné d’en conclure que la bijouterie est mal gérée, au contraire de
l’hypermarché. La bijouterie doit avoir un stock de produits chers à montrer
aux clients, qui ne se vendent pas comme des petits pains. L’hypermarché,
surtout s’il est concentré sur les produits alimentaires, doit faire tourner son
stock, qui représente l’essentiel de son actif, rapidement. Donc on ne peut
comparer des entreprises sur la base de ce seul ratio. Il en est de même du
ratio de marge, c’est-à-dire le rapport du résultat d’exploitation au chiffre
d’affaires. Il est très élevé dans la bijouterie et particulièrement bas dans la
grande distribution. Pas de comparaison définitive ni de conclusion hâtive
non plus sur la base de ce seul ratio. En revanche, comparer deux
entreprises sur la base du produit des deux, la rentabilité de l’actif
économique, a un sens.

37. – Rentabilité économique (ROCE)


et rentabilité des capitaux propres (ROE)
La rentabilité économique et la rentabilité des capitaux propres sont
deux indicateurs précieux d’analyse des performances d’une entreprise. Le
premier fait intervenir l’actif économique de l’entreprise qui correspond à la
somme de ses actifs immobilisés et de son besoin en fonds de roulement
(→ 27). On l’appelle aussi parfois actif opérationnel ou capitaux employés,
par référence à la terminologie anglo-saxonne, Operating assets et Capital
employed. La rentabilité de l’actif économique (ROCE, Return on Capital
Employed ou ROACE, Return on Average Capital Employed dans la
terminologie anglo-saxonne) est égale au rapport du résultat d’exploitation
après impôt à l’actif économique. Ce taux est lui-même le produit de deux
ratios, la marge d’exploitation et le taux de rotation de l’actif économique.
Le ratio du chiffre d’affaires à l’actif économique (taux de rotation de l’actif
économique) est l’inverse du coefficient d’intensité capitalistique.
Le ROCE est un ratio fondamental pour l’évaluation d’entreprise, car il est
indépendant de la structure financière de celle-ci.
La rentabilité des capitaux propres (encore appelée rentabilité
financière), c’est le Return on Equity (ROE) des Anglo-Saxons. Celle-ci se
mesure par le rapport du résultat net aux capitaux propres. Le ROE est lié à
la rentabilité de l’actif économique par l’effet de levier (→ 38), magnifiée si
le ROCE est supérieur au coût de la dette, et au contraire écrasée, voire
négative, dans le cas inverse. L’analyse de la rentabilité économique doit
donc séparer nettement ces deux composantes.

38. – Levier financier


Le terme de levier financier (leverage) exprime le fait que l’importance
de la dette par rapport aux capitaux propres au bilan d’une entreprise joue
comme un levier sur la rentabilité de ceux-ci.
Supposons que la rentabilité de l’actif économique d’une entreprise soit
de 10 %. Si ceux-ci sont intégralement financés sous forme de capitaux
propres, le ROE sera aussi de 10 %. En revanche, si l’actif économique est
financé moitié par capitaux propres et moitié par endettement et que le coût
de ce dernier est de 5 %, le ROE sera alors de 15 %
(10 % = 1/2 × 5 % + 1/2 × ROE, d’où ROE = 15 %).
Le recours à l’emprunt économise donc du capital et permet de mieux le
rentabiliser. Certes, mais à condition que le coût de la dette soit inférieur à
la rentabilité de l’actif économique. Dans le cas contraire, l’effet de levier
est négatif et risque de mettre l’entreprise en difficulté, voire en faillite, car
la rentabilité de l’actif ne permet plus de payer les intérêts.
Si, grâce à la dette, le ROE s’améliore, la valeur de l’entreprise devrait
augmenter. Deux économistes réputés ont obtenu le prix Nobel d’économie
en démontrant qu’il n’en était rien à cause de l’accroissement du risque
qu’entraîne le levier financier, c’est l’un des deux fameux théorèmes de
Modigliani et de Miller : la valeur de la firme est indépendante de sa
structure financière.
La démonstration est exacte, mais elle repose sur des hypothèses peu
réalistes, notamment celle de l’absence d’impact de la structure financière
sur les cash-flows de l’actif économique. L’endettement est très pénalisant
pour la réputation et la carrière des dirigeants en cas de levier financier
négatif. Aussi surveilleront-ils avec une attention particulière, comme le lait
sur le feu si celle-ci est très endettée, la bonne marche de l’entreprise. Il y a
sans doute un optimum d’endettement qu’il n’est pas facile cependant de
déterminer avec précision et qui n’est certainement pas le même pour
chaque entreprise.

39. – Création de valeur actionnariale


Il y a création (destruction) de valeur actionnariale lorsque la valeur de
marché de l’actif économique est supérieure (inférieure) à sa valeur
comptable. Pour ce faire, il suffit que la rentabilité économique soit
supérieure (inférieure) au coût moyen pondéré des capitaux finançant l’actif
économique. D’un point de vue dynamique, c’est-à-dire de date à date, il y
a création de valeur lorsque la valeur de marché de l’actif économique s’est
appréciée. Les indicateurs de création de valeur actionnariale sont
notamment l’EVA® (Economic Value Added) et la MVA® (Market Value
Added). L’EVA® est la différence entre les résultats dégagés par l’entreprise
et le coût en euros des ressources. La MVA mesure l’écart entre la valeur de
marché des capitaux propres et de la dette d’une part, et la valeur comptable
de l’actif économique d’autre part.
La politique financière de l’entreprise consiste à mettre en œuvre des
décisions visant à maximiser la création de valeur pour les pourvoyeurs de
fonds et tout particulièrement pour les actionnaires. La popularité du thème
de la création de valeur correspond à un retour à la racine du pacte social de
l’entreprise et au respect qu’ont les dirigeants pour les actionnaires qui ont
confié des fonds à l’entreprise.
Affirmer que la défense des intérêts des actionnaires définit l’objectif
des entreprises ne signifie pas que ces derniers peuvent exercer une
dictature au détriment de l’intérêt des autres parties prenantes de
l’entreprise. Bien au contraire. Ce sont souvent les mêmes entreprises qui
ne cessent à la fois d’innover, d’investir, de croître, d’embaucher et
d’entretenir de bonnes relations avec le personnel, les clients, les banques et
les fournisseurs, et qui créent de la valeur pour leurs actionnaires.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
CHAPITRE IV

Organiser les contre-pouvoirs financiers


de l’entreprise

L’entreprise n’est plus aujourd’hui traitée comme une boîte noire par la
théorie économique au travers d’une fonction de production, comme ce fut
le cas pendant longtemps. Au contraire, et l’un des éléments, et non des
moindres, de ce changement de paradigme est la reconnaissance de
l’existence d’une plus ou moins forte asymétrie d’information entre les
insiders (en l’occurrence les dirigeants et les actionnaires majoritaires qui
peuvent être les mêmes dans certains cas) et les outsiders, les actionnaires
minoritaires, les créanciers et les banquiers. C’est la raison d’être de la
gouvernance financière des entreprises.

40. – Gouvernance financière de l’entreprise


La gouvernance d’entreprise est l’ensemble des règles, législatives et
réglementaires, jurisprudentielles et contractuelles qui définissent les
modalités du fonctionnement de l’entreprise. La gouvernance d’entreprise
est donc un mélange d’institutions, de procédures, de réglementations, de
mécanismes juridiques et d’autorégulation qui encadrent les relations des
entreprises et leurs dirigeants avec les marchés financiers (actionnaires et
créanciers) d’une part, et avec les autres partenaires de l’entreprise (salariés,
clients, fournisseurs, etc.) d’autre part.
Un certain nombre de mécanismes (internes et externes) concourent à la
dimension financière de la gouvernance d’entreprise. Parmi les mécanismes
internes, citons l’organisation du contrôle interne de l’entreprise, le choix
d’un niveau de dette (→ 48), la politique de dividendes (→ 47) et de rachat
d’actions notamment, et parmi les mécanismes externes le marché du
contrôle avec les OPA/OPE (→ 55) et les LBO (→ 57). En outre, un certain
nombre d’acteurs financiers externes à l’entreprise exercent indirectement
des fonctions de gouvernance, les analystes financiers (→ 59) et les agences
de notation (→ 58) en particulier.

41. – Agence (relation d’)


La théorie de l’agence a émergé à partir des années 1970 lorsque fut
abandonnée l’une des hypothèses fondamentales de la théorie économique,
celle de l’information parfaite et gratuite à laquelle tout un chacun aurait
pareillement accès.
La relation d’agence désigne la relation qui existe entre deux agents
économiques par laquelle l’un d’entre eux délègue une partie de ses
attributions à l’autre. Par manque d’information ou de compétence et de
temps, les agents peuvent être conduits à confier la gestion de certains de
leurs intérêts à des tiers qui pourront s’acquitter avec plus ou moins de
sérieux de leur mission. L’analyse des relations entre le mandant (qualifié
de « principal ») et le mandataire (dénommé « agent ») ainsi que la
détermination des modalités optimales de rémunération du mandataire
constituent, du point de vue du mandant, les problématiques essentielles de
la théorie de l’agence.
Les exemples de relation d’agence sont très nombreux : par exemple
entre les actionnaires d’une société et ses dirigeants ou bien entre le
souscripteur d’une SICAV et son gérant.
Une implication de la relation d’agence est celle relative au contrôle du
mandataire (monitoring). Afin que ce dernier défende les intérêts de son
mandant de préférence aux siens, le principal doit mettre en place des
mesures incitatives et de contrôle qui entraînent des coûts, ce sont les coûts
d’agence. En tout état de cause, l’ensemble des mécanismes de
gouvernance des entreprises est une réponse à la relation d’agence qui
existe entre les divers partenaires au sein de l’entreprise, et aux conflits qui
peuvent en résulter.

42. – Actionnaire
L’actionnaire est celui qui détient une part de capital de l’entreprise (les
actions). C’est un copropriétaire qui court les risques de l’entreprise (le
créancier est rémunéré avant lui, l’actionnaire peut ne pas recevoir de
dividendes et en cas de liquidation, il sera désintéressé après les créanciers).
Dans la terminologie anglo-saxonne, les actionnaires sont des shareholders
que l’on oppose souvent aux autres parties prenantes de l’entreprise, les
stakeholders, que sont les créanciers (debtholders) les employés, les clients,
les fournisseurs, etc.
Dans la mesure où l’actionnaire est ce qu’il est convenu d’appeler un
« créancier résiduel », car il est le dernier servi en cas de difficultés de
l’entreprise (et n’est servi de rien en cas de faillite), le droit des sociétés,
dans la plupart des pays, assigne au conseil d’administration le devoir de
surveiller et de contrôler les dirigeants pour protéger les intérêts des
actionnaires, dans le cadre de procédures de contrôle interne.
Dans la théorie classique de la firme et dans la pratique des affaires,
l’entreprise doit s’efforcer de créer de la valeur pour l’actionnaire (→ 39).
Celui-ci a donc des droits financiers en échange des risques qu’il prend. Il
détient aussi des droits de vote (→ 45).

43. – Actionnariat
Des Cassandre, au premier rang desquels deux publicistes américains,
Berle et Means, et Schumpeter, avaient formulé dans les années 1930 de
sombres prédictions sur l’avenir du capitalisme. Ils voyaient croître les
grandes entreprises, qui, du fait de leur développement, atteignaient une
taille telle que leur actionnariat, familial à l’origine, devenait de plus en
plus dispersé. En même temps se créait une nouvelle classe, celle des
managers qui poursuivaient leurs propres objectifs, éventuellement très
éloignés de ceux des actionnaires, lesquels, de ce fait, deviendraient de plus
en plus réticents à confier leur épargne aux entreprises, d’où la sombre
prédiction qu’ils firent de la disparition du capitalisme.
Mais encore aujourd’hui, la dispersion de l’actionnariat n’est pas le
phénomène le plus répandu dans le monde. Seuls quelques pays ont un
actionnariat dispersé, comme l’Australie, le Japon, la Grande-Bretagne, les
États-Unis et la Suisse. Dans les autres pays, la structure de l’actionnariat
est autre (contrôle familial, étatique ou financier) et des problèmes de
gouvernance y subsistent, liés à la structure duale de l’actionnariat entre les
familles qui contrôlent les entreprises par les actions qu’elles y détiennent
ou les emplois de dirigeants qu’elles y occupent d’une part, et les
investisseurs extérieurs d’autre part. Les actionnaires de contrôle exercent
parfois celui-ci bien au-delà de leurs droits financiers soit par le biais de
structures pyramidales en cascade, soit par le biais d’un rôle de direction et
de management, voire les deux. D’où l’importance des mécanismes de
gouvernance, que l’actionnariat soit dispersé ou concentré.

44. – Droits de propriété


Le concept de droit de propriété est un concept clé d’organisation de la
société puisqu’il définit la frontière entre les économies collectivistes et les
autres. La définition des droits de propriété des actionnaires, et notamment
des actionnaires minoritaires, est clairement un préalable à la mise en place
d’un marché financier.
Le droit joue (ou doit jouer) un rôle fondamental dans la protection des
actionnaires minoritaires, à la fois vis-à-vis des dirigeants de l’entreprise
concernée et/ou des grands actionnaires de contrôle. Si un groupe
d’actionnaires (insiders) tire du contrôle de l’entreprise des avantages
financiers et obtient ainsi un partage des richesses générées par l’entreprise
non proportionnel à sa participation au capital, on parle de capture de
bénéfices ou de prise d’intérêts. Cette expropriation peut prendre différentes
formes : une cession d’actif, à un prix sous-évalué, à une entité juridique
totalement contrôlée par les insiders ; un achat de biens et services
surfacturé par une entité contrôlée par les insiders (peut-être une des
holdings de tête dans une construction pyramidale) ; la rémunération de
personnes non qualifiées ou la surrémunération de personnes compétentes,
dans les deux cas proches des insiders ; le surinvestissement dans des
projets ne maximisant pas la richesse de l’ensemble des actionnaires, etc.

45. – Droits de vote


L’action donne deux types de droit à son détenteur, des droits financiers
au travers notamment des dividendes et des droits de contrôle au travers des
droits de vote qu’il peut exercer.
Exercé lors des assemblées générales d’une société, le droit de vote
attaché à une action permet à son détenteur de voter les résolutions
soumises par le conseil d’administration à l’assemblée générale, et ainsi de
participer à certaines des principales décisions de l’entreprise. Dans les
sociétés qui émettent à la fois des actions à droit de vote et des actions sans
droit de vote, les secondes se négocient avec une décote par rapport aux
premières.
Avec les scandales apparus au sein de certaines entreprises au moment
du dégonflement de la bulle Internet au début du XXIe siècle et les progrès
intervenus dans le domaine de la gouvernance d’entreprise à la suite de
nouvelles dispositions législatives en matière de régulation économique (loi
Sarbanes-Oxley aux États-Unis et loi NRE en France), le contrôle exercé
sur les dirigeants s’est accru pour que les intérêts des investisseurs soient
mieux protégés.
Sous l’expression Anti-director rights, les Anglo-Saxons recensent
diverses dispositions visant à offrir des protections légales contre les
tentatives d’expropriation des actionnaires minoritaires par les dirigeants ou
par les actionnaires majoritaires. Ces dispositions concernent notamment les
conditions d’exercice des droits de vote ainsi que les possibilités de recours
contre les décisions des dirigeants. Le droit des sociétés doit être conçu de
manière à protéger les droits des actionnaires minoritaires, et ce, de telle
façon que la meilleure des protections pour les dirigeants de l’entreprise soit
la qualité de leur gestion.

46. – Signal (théorie du)


Comme l’asymétrie d’information ou la relation d’agence, la théorie du
signal n’est pas propre à la finance, même si elle y trouve d’importantes
applications.
Dans la théorie du signal, c’est la partie informée qui s’efforce de
transmettre son information à la partie sous-informée. Deux décisions
financières sont considérées comme véhiculant un signal des dirigeants
informés dans l’entreprise à des personnes externes qui peuvent être les
actionnaires ou leurs prescripteurs tels que les analystes financiers : les
dividendes (→ 47) et le niveau de dette (→ 48) au bilan dans la structure
financière.
Les entreprises et leurs actionnaires répugnent à indexer l’évolution des
dividendes sur celle des bénéfices, car en cas de baisse de ces derniers d’un
exercice sur l’autre, il leur faudrait baisser le montant des dividendes, ce
qu’ils cherchent à éviter par-dessus tout. Dans cet esprit, si les dirigeants
décident d’une hausse des dividendes, c’est qu’ils estiment qu’ils n’auront
pas en principe à le baisser par la suite. L’augmentation du dividende est
donc un signal de confiance que les dirigeants transmettent sur les
perspectives futures de l’entreprise.
Pour qu’un tel signal soit crédible, encore faut-il qu’un faux signal soit
pénalisant pour l’entreprise. Ce qui est effectivement le cas avec les
dividendes dans la mesure où les entreprises qui enverraient des signaux
erronés, en augmentant leurs dividendes sans que les perspectives puis la
réalité des bénéfices ne soient bonnes, risqueraient d’entamer gravement
leur réputation et donc leur valeur boursière le jour où elles seraient
amenées à les baisser, sans compter qu’elles se priveraient des ressources
nécessaires pour financer des restructurations, des nouveaux
investissements, etc.
De même, le levier d’endettement peut aussi exprimer un signal positif.
Seules peuvent l’augmenter, au-delà d’un certain seuil, les entreprises
saines qui ne risquent pas d’être confrontées à des difficultés financières.
47. – Dividendes
Modigliani et Miller (MM) ont connu la notoriété avec le prix Nobel
d’économie qui leur fut décerné, notamment pour leur contribution selon
laquelle les dividendes distribués n’avaient aucun impact sur la valeur des
entreprises qui les avaient versés.
Et pourtant, les entreprises françaises ont consacré près de 50 milliards
d’euros en 2018 à verser des dividendes à leurs actionnaires et à procéder
au rachat de leurs propres actions. Certes, c’est beaucoup, mais pas
tellement par rapport à leur valeur, à peine 3 %. Mais à quoi bon, si l’on
suit MM ? C’est que les hypothèses très restrictives sur lesquelles est bâtie
la démonstration de MM sont trop éloignées de la réalité.
Même si le dividende est faible par rapport à la capitalisation boursière
des entreprises, il joue un rôle important, comme signal (→ 46), dans un
monde d’asymétrie d’information entre les dirigeants et les actionnaires. Il
constitue aussi un outil de résolution des conflits d’agence (→ 41) en tant
qu’instrument de contrôle des dirigeants par le marché puisqu’il prive
l’entreprise d’une partie de ses liquidités, que ceux-ci auraient pu investir à
leur gré, sans aucun contrôle d’opportunité. Si les dirigeants souhaitent
néanmoins investir le montant des liquidités qu’ils ont distribuées, il leur
faudra alors recourir à l’endettement, et le système bancaire (ou le marché
obligataire) exercera alors cette fonction de contrôle, comme de temps en
temps les actionnaires, lorsque les dirigeants feront appel à eux pour lever
des capitaux propres.
Certaines entreprises, qui n’ont plus de projets d’investissement
suffisamment rentables, préfèrent rendre à leurs actionnaires les excédents
de trésorerie et leur laisser le choix de les affecter dans d’autres entreprises
ou de satisfaire leurs besoins de consommation. D’aucuns critiquent ces
« largesses » et voudraient réserver un traitement fiscal différencié aux
bénéfices distribués, plus lourdement imposés, et aux bénéfices réinvestis.
Les entreprises qui rendent des capitaux propres au marché au lieu de les
réinvestir, quelle que soit la forme de cette distribution, dividendes en
espèces ou rachat d’actions, seraient de « mauvais citoyens ». Certes,
l’investissement est un facteur essentiel de la croissance, mais la
distribution des dividendes et le rachat d’actions contribuent à faire circuler
le capital pour qu’il puisse s’orienter là où il sera utilisé de la manière la
plus efficace.

48. – Dette
La dette d’une entreprise représente l’argent que les créanciers mettent à
sa disposition. On distingue les dettes d’exploitation et les dettes
financières. Les dettes d’exploitation (les dettes fournisseurs notamment)
sont généralement à court terme.
Les dettes financières (bancaires et obligataires) ont presque toujours
une échéance de remboursement, même lointaine, à la différence des
capitaux propres… et des rentes perpétuelles. Ainsi, Coca-Cola a émis
en 2005 un emprunt à cent ans. La rémunération des dettes financières, un
coût pour l’entreprise, peut être soit fixe, soit variable (auquel cas elle est
fonction d’un taux d’intérêt de référence). Elle est déterminée
contractuellement et de manière indépendante des résultats de l’entreprise.
En cas de liquidation de l’entreprise, les créanciers sont remboursés de
manière subordonnée par rapport à d’autres créanciers de l’entreprise
(Sécurité sociale pour les charges sociales ou l’État pour la TVA à payer),
mais prioritairement aux actionnaires ; en contrepartie, ils ne profitent pas
de la croissance ou de la rentabilité de l’entreprise lorsque celle-ci va bien.
Une hiérarchie de plus en plus fine se dessine au sein même de
l’endettement d’une entreprise, avec des dettes subordonnées les unes par
rapport aux autres et donc un ordre de priorité de remboursement des
créanciers en cas de difficultés de l’entreprise. Cette hiérarchie est
particulièrement sophistiquée dans les financements de LBO (→ 57).
Enfin, l’endettement net d’une entreprise, ou dette financière nette, est
la différence entre ses dettes financières d’une part, et ses disponibilités en
espèces et ses placements financiers d’autre part. C’est cette différence qui
est utilisée dans le calcul de l’effet de levier (→ 38).

49. – Stock options


Pour atténuer les éventuels conflits d’intérêts entre dirigeants et
actionnaires, une parade a été trouvée qui consiste à offrir aux cadres
dirigeants et à une frange de salariés des rémunérations incitatives. Celles-ci
peuvent prendre plusieurs formes, dont celles des stock options et autres
management packages.
Les stock options représentent pour leurs bénéficiaires la possibilité,
mais non l’obligation, d’acquérir des actions de la société dans des
conditions précises et à un horizon de temps donné. Dans la mesure où elles
seront exercées quelques années plus tard, elles contribueront à accroître le
nombre d’actions émises et à diluer (→ 35) le BPA (→ 33). L’idée sous-
jacente est que cette augmentation du nombre des actions (le dénominateur
pour le calcul du BPA) sera plus que compensée par l’accroissement des
bénéfices (le numérateur) en raison du caractère incitatif de cette forme de
rémunération et des efforts supplémentaires que feront leurs bénéficiaires,
dirigeants et salariés, pour améliorer les performances de l’entreprise.
Ainsi, tous les actionnaires s’y retrouvent, qu’ils soient ou non salariés de la
société.
L’idée d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires (la
valorisation boursière de l’entreprise) est certes judicieuse, mais trop d’abus
ayant été commis, elle est aujourd’hui remise en cause, d’abord par les
gouvernements qui ont durci la fiscalité les concernant. Par ailleurs,
l’attribution de stock options est de plus en plus soumise à des conditions
strictes de performance. Dans cet esprit, des stock options ne seraient
attribuées que dans la mesure où les performances de l’entreprise auraient
été au moins égales à celles d’un échantillon d’autres entreprises exerçant
des activités voisines ou appartenant au même secteur, c’est-à-dire que
l’entreprise aurait créé de la richesse spécifique.
Dorénavant, les stock options accordées dans les entreprises figurent
comme une charge en comptabilité même si d’aucuns se seraient satisfaits
que cette information continue à figurer en tout petits caractères dans une
obscure annexe du rapport annuel. Mais l’argumentation de l’investisseur
milliardaire américain, Warren Buffett, a fini par convaincre : « Si les stock
options ne sont pas une forme de rémunération, que sont-elles ? Si les
rémunérations ne sont pas une charge (au sens comptable) que sont-elles
donc ? Si les charges ne doivent pas figurer au compte de résultat, où diable
les faire figurer ? »

50. – Comptabilité « créative »


Les scandales financiers apparus aux États-Unis après le dégonflement
de la bulle Internet en 2000 et la débâcle de la société Enron, et à un
moindre degré en Europe, ont mis les systèmes comptables sur la sellette.
Certes, la comptabilité n’a jamais prétendu être une discipline joyeuse, mais
elle avait au moins la réputation d’être sérieuse. C’est peu de dire que cette
image a été écornée par tous les artifices de comptabilité créative utilisés
par certaines entreprises, qui consistent pour l’essentiel à gonfler
artificiellement les profits et à camoufler les dettes.
Rien de plus simple apparemment qu’un compte de résultat – d’un côté
les recettes, de l’autre les charges – et peu de difficultés pour comprendre
un bilan – à gauche l’actif, à droite le passif. En fait, même les concepts
apparemment les plus simples – le chiffre d’affaires, l’endettement – ne
traduisent pas des réalités « objectives ». Les conventions nécessaires pour
« passer » ces écritures sont extraordinairement nombreuses et complexes,
comme l’illustrent ces trois exemples :

élément immatériel : en 2001, la société Worldcom est déclarée


coupable de fraudes monumentales pour avoir dégagé des profits
inexistants ; l’origine comptable de la manipulation tient à ce que des
dépenses liées à l’acquisition de nouveaux clients ont été traitées
comme des investissements. Indépendamment de ce cas où la tromperie
est manifeste, la question que soulève cette pratique est la
comptabilisation de certaines dépenses soit en charges, soit en actifs.
Pour y répondre, il faut connaître le succès de l’opération, donc le
futur… Si celui-ci se confirme, l’acquisition des clients constitue un
investissement amorti sur plusieurs exercices, mais en cas d’échec, c’est
une charge d’exploitation de l’exercice ;
évaluation des actifs du bilan : c’est l’un des sujets les plus difficiles.
Évaluer les actifs à leur coût historique, comme on le faisait
traditionnellement, constitue une référence apparemment objective mais
trompeuse. Qu’il s’agisse d’un bien matériel ou d’un titre financier,
l’idée de « mieux » mesurer la contribution de cet actif à la richesse de
l’entreprise s’impose assez naturellement. C’est ce que l’on appelle la
fair value (→ 51). Mais c’est en inventant des transactions quasi fictives
avec des filiales cachées qu’Enron est parvenu à gonfler la valeur de
certains de ses actifs peu productifs ;
engagement hors bilan : c’est un sujet qui a été mis en pleine lumière
par la débâcle d’Enron avec l’utilisation frauduleuse que faisait cette
société de véhicules dénommés Special Purpose Vehicles (SPV, → 71),
dont le but était de dissimuler ses dettes. En fait, la règle est simple : si
une société porte une dette, celle-ci doit figurer au bilan, et les SPV
doivent être consolidés dans celui-ci avec leurs engagements.

Aujourd’hui, les disruptions technologiques bouleversent les conditions


réelles et financières de l’activité avec l’importance grandissante, voire
prépondérante, de l’immatériel et du virtuel. Les concepts anciens sont
devenus inadaptés pour retracer des éléments immatériels qui prennent une
place croissante dans la vie de l’entreprise ou pour valoriser les nouveaux
instruments financiers auxquels elle peut faire appel. Ce qui peut rendre
tentant le recours à la comptabilité créative…

51. – Normes IFRS


La scène comptable mondiale, jusque-là fragmentée en une mosaïque de
réglementations nationales, a été bouleversée par l’émergence de normes
internationales. Initialement apparu comme un travail d’experts piloté par
l’IASB (International Accounting Standards Board), son impact a été
considérablement amplifié après que l’Union européenne a donné
l’injonction aux entreprises européennes d’adopter dès 2005 ces normes en
question, les normes IFRS.
L’établissement de ces normes répond à plusieurs constatations.
D’abord, et dès lors qu’elle devient l’instrument de communication
principal sur l’activité et les performances présentes et futures de
l’entreprise, la comptabilité doit pouvoir être rapprochée des indicateurs de
gestion extracomptables qui servent directement à mesurer l’activité, les
résultats et leurs perspectives. Aussi, la mondialisation des marchés de
capitaux met en question l’existence de systèmes comptables nationaux et
met à l’ordre du jour la question d’un standard comptable international à
des fins de comparabilité.
Les objectifs affichés par l’IASB sont a priori indiscutables. Il s’agit de
mettre au point un référentiel qui rassemble le meilleur des normes
mondiales, de les rationaliser et de les compléter dans une perspective de
convergence avec les normes américaines, de manière à garantir la
comparabilité des données d’entreprise quel que soit leur pays d’origine.
Un exemple crucial permet de mesurer l’enjeu, celui de la fair value des
normes IFRS 37 et 39 pour la comptabilisation des instruments financiers
(mark to market). Évidemment, personne – et en particulier pas un
économiste – ne peut être hostile à cette idée dans son principe. Mais son
application dogmatique a des conséquences redoutables. Si la fair value est
la valeur de marché instantanée, on traduit le point de vue de l’opérateur de
marché ; mais ce faisant, on trahit les besoins de la communauté des
utilisateurs pour qui la valeur d’une entreprise ne se réduit pas à cette valeur
instantanée. On peut donc raisonnablement contester l’idée suivant laquelle
la valeur de marché donnerait en toutes circonstances une image « exacte et
fidèle » de l’entreprise. D’ailleurs, la comptabilisation des titres financiers
en valeur de marché ayant été accusée d’amplifier la détérioration des
bilans bancaires et la crise financière survenue à partir de l’été 2007, le
réexamen de certaines normes IFRS est en cours, avec une remise en cause
dans certaines circonstances de la comptabilisation des instruments
financiers en mark to market. Aux États-Unis, le FASB a reconnu que le
mode de comptabilisation (en fair value, au coût historique) dépendait du
type d’actif et de la nature de l’activité. Le bon sens est revenu, et l’on peut
désormais entrevoir une convergence des normes mondiales.

52. – Audit financier


L’audit financier consiste à vérifier et à contrôler la conformité des
comptes financiers d’une entreprise avec des normes établies sous l’égide
des professions comptables et des autorités de régulation appropriées.
Sur un plan général, l’audit est un processus par lequel une équipe de
professionnels indépendants et externes à l’entreprise examine et évalue un
ensemble d’informations en vue d’exprimer sur celles-ci une opinion par
référence à des normes. Cette certification accroît la crédibilité de ces
informations et leur transparence. L’auditeur formule une opinion
indépendante susceptible d’engager sa responsabilité, sur un plan civil et
aussi dans certains cas sur un plan pénal. Ainsi, Arthur Andersen, l’un des
plus grands cabinets d’audit américain, a disparu en 2002 à la suite des très
graves négligences qu’il avait commises dans la certification des comptes
de la société Enron.
Le développement économique, la mondialisation des échanges, la très
grande complexité des organisations et l’importance de plus en plus
prépondérante des marchés financiers ont accru les besoins de transparence
de l’information financière et ont conforté le rôle des auditeurs. Mais la
crise financière n’a pas épargné les grands cabinets d’audit et les autorités
de Bruxelles essaient d’introduire un coin dans l’oligopole mondial qu’ils
exercent sur la certification des comptes.

53. – Investisseurs institutionnels


Ce terme désigne le plus souvent la filiale d’une banque ou d’une
compagnie d’assurance ou des fonds de pension, dont l’activité est la
gestion d’actifs (→ 75).
On les appelait jadis les zinzins. C’était l’époque où tous les titres cotés
se négociaient en un lieu physique bien identifié, le Palais Brongniart à
Paris, la City à Londres ou Wall Street à New York (→ 5). C’était aussi
l’époque où il suffisait d’un coup de téléphone du ministère des Finances à
quelques zinzins, la Caisse des dépôts et consignations notamment, pour
leur enjoindre d’acheter, lorsqu’il jugeait que les cours avaient trop baissé,
ou de vendre lorsqu’il jugeait le niveau des cours trop élevé, et ainsi
« calmer le jeu ».
Aujourd’hui, les investisseurs institutionnels sont beaucoup plus
nombreux et indépendants des pouvoirs publics (sauf peut-être les fonds
souverains, → 84), la part de l’actionnariat institutionnel dans l’actionnariat
des sociétés est devenue souvent prépondérante, au détriment de
l’actionnariat individuel. Ils gèrent in fine l’épargne des ménages et
représentent donc des épargnants, sous toutes ses formes : l’actionnariat
salarié ou retraité lorsqu’il s’agit de fonds de pension, l’actionnariat assuré,
garanti ou pensionné lorsqu’il s’agit des portefeuilles des compagnies
d’assurances ou des mutuelles, l’actionnariat des épargnants lorsqu’il s’agit
des SICAV et autres fonds communs de placement (FCP).
Les investisseurs institutionnels incluent aujourd’hui une catégorie
particulière que sont les hedge funds (→ 83). Ceux-ci n’ont pas bonne
presse, surtout auprès des dirigeants de sociétés, car ils seraient peu
préoccupés de l’intérêt social des entreprises que ces dirigeants pensent
mieux représenter. Et leur comportement serait de ce fait plus primesautier,
ils ne resteraient pas très longtemps actionnaires d’une entreprise, ils
seraient « court termistes ».
D’autres pensent au contraire que les investisseurs institutionnels actifs
(→ 82) sont essentiels dans la mesure où ils agissent comme un aiguillon
pour les dirigeants d’entreprise, en les forçant à se concentrer sur ce
pourquoi ils sont rémunérés : créer de la valeur pour les actionnaires.

54. – Conglomérat
Le conglomérat est une entreprise constituée sous forme de groupe
ayant des activités industrielles et/ou de services disparates et organisée de
manière plus ou moins autonome.
Le conglomérat répondrait à une logique financière, dans la mesure où
il constitue un marché interne du capital. En effet, entre la « holding de
tête » que constituent le conglomérat et les différentes unités productives
qui en dépendent, les relations sont essentiellement de type financier : les
ressources dégagées par les différentes unités sont centralisées par la
holding qui les réalloue en fonction des perspectives des diverses activités.
Le conglomérat faciliterait l’évaluation et le financement des projets
d’investissement mieux que ne peut le faire le marché financier.
Le conglomérat est aussi parfois justifié par l’existence de synergies
financières. En effet, dans la mesure où les différentes activités du
conglomérat ne sont pas corrélées, la diversification des activités est un
facteur de réduction des risques, ce qui conduit à une diminution de la
variabilité des résultats, et donc à valoriser le conglomérat à un prix
supérieur à la somme des prix auxquels les investisseurs auraient valorisé
les différentes unités concernées prises isolément.
Mais, en bonne logique financière, il n’y a aucune raison que les
marchés financiers rémunèrent une diversification (→ 78) que les
investisseurs pourraient réaliser eux-mêmes, de manière volontaire et moins
coûteuse. De fait, les marchés ont tendance à sous-valoriser les titres des
groupes trop hétérogènes dans leurs activités, c’est la décote de holding, car
plus une firme est diversifiée, plus ses actionnaires éprouvent de difficultés
à maîtriser une information de plus en plus complexe sur l’entreprise. Pour
les actionnaires, les coûts de surveillance des décisions des dirigeants et de
leurs conséquences deviennent trop importants, et ils délaissent les titres de
ces sociétés. Bien que certaines entreprises soient encore, mais de moins en
moins, des conglomérats – General Electric et Siemens en sont
l’archétype – cette forme d’organisation est passée de mode, alors que l’on
parle plus souvent de recentrage sur son cœur de métier (core business)
d’une entreprise aux activités auparavant diversifiées.
55. – OPA / OPE
Une offre publique consiste en une proposition faite aux actionnaires
d’une société cible cotée d’acquérir leurs titres. Elle est exprimée par un ou
plusieurs actionnaires agissant de concert. L’offre peut être en numéraire
(OPA, offre publique d’achat) ou bien prendre la forme d’un échange
d’actions (OPE, offre publique d’échange), ou encore être une offre mixte.
Les offres publiques sont en France réglementées par l’Autorité des
marchés financiers (AMF, → 98), dans le cadre d’une loi qui procède de la
transcription en droit français d’une directive européenne.
Il est courant de distinguer les offres amicales des offres hostiles.
L’offre est dite hostile si elle est faite sans l’accord préalable des dirigeants
de la société cible. Depuis la première OPE française hostile de BSN sur
Saint-Gobain en 1968, les dirigeants des cibles comme les initiateurs
exposent leurs arguments à grand renfort de publicité, comme ce fut le cas
en 2006 avec la prise de contrôle d’Arcelor par Mittal Steel.
Les offres publiques relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler le
marché du contrôle des entreprises et constituent l’un des principaux
moyens de leur croissance externe. En principe, le grand avantage des
offres publiques est la réallocation des ressources de manière plus efficace
grâce aux synergies de coûts, aux synergies commerciales et géographiques
(cas de l’OPA amicale d’un consortium franco-chinois sur la société Club
Méditerranée en mai 2013), etc., et dans le cas des offres hostiles, la
sanction d’équipes dirigeantes défaillantes. Mais ce n’est pas toujours le
cas. Les OPA/OPE globalement et en moyenne créent de la valeur en ce
sens que la valeur des deux entités rassemblées est supérieure à la somme
des deux séparées, mais cette création de valeur profite essentiellement aux
actionnaires de la société cible.
Les dispositifs anti-OPA protègent les actionnaires majoritaires et les
équipes dirigeantes, souvent au détriment des intérêts des actionnaires
minoritaires. De même, certains textes réglementaires et légaux peuvent
paradoxalement aider les actionnaires majoritaires (insiders) à se protéger
avec les fameuses pilules empoisonnées (poison pills). Celles-ci sont des
opérations financières ou industrielles (augmentation de capital massive en
numéraire, vente d’actifs stratégiques, etc.) auxquelles peut recourir une
société cible dans le but d’inciter l’initiateur de l’offre publique à y
renoncer.

56. – Private Equity


Le Capital Investissement ou Private Equity définit l’investissement
dans des entreprises qui, en principe, ne sont pas cotées en Bourse. On
distingue plusieurs formes de Private Equity selon le niveau de
développement de l’entreprise : le capital d’amorçage, le capital-risque, le
capital-développement, le capital-transmission et le capital-retournement.
Les opérateurs de Private Equity sont à la fois des apporteurs en
capitaux propres, des arrangeurs en ingénierie financière (pour trouver
auprès d’autres intermédiaires les financements autres que les capitaux
propres qu’ils apportent eux-mêmes), des actionnaires impliqués et des
conseils aux équipes de direction des entreprises dans lesquelles ils ont
investi.
Avant que la crise financière n’éclate en 2007, les montants levés par les
grands fonds entamant une nouvelle phase d’investissements pouvaient
atteindre dix milliards d’euros, ce qui leur permettait de s’intéresser à des
entreprises de taille de plus en plus grande.
L’industrie du Private Equity occupe une place aujourd’hui abandonnée,
qui était celle autrefois des banques d’affaires en France, des merchant
banks en Grande-Bretagne, des grandes banques commerciales en
Allemagne qui avaient des participations en capital nombreuses et
significatives dans des entreprises industrielles, ou encore les zabaitsu au
Japon.
En 2007, un certain nombre de sociétés ou fonds de Private Equity ont
décidé de se faire coter en Bourse. Ce n’est pas un des moindres paradoxes
des entreprises de cette industrie que de retirer de la cote des sociétés
industrielles ou de services et de s’introduire elles-mêmes en Bourse en leur
lieu et place.

57. – LBO
Le LBO (Leverage Buy-out) représente le rachat d’une entreprise avec
effet de levier et prend la forme d’un achat d’une société par un ou plusieurs
fonds d’investissement spécialisés de Private Equity.
Le LBO constitue une forme de gouvernance pratiquement inconnue il
y a une vingtaine d’années, qui a pris un essor remarquable s’expliquant par
plusieurs facteurs.
La cause première de l’afflux de capitaux dans cette forme
d’investissement, c’est la rentabilité observée sur le passé des fonds de
LBO, supérieure à celle constatée sur les grands indices d’actions cotées.
Certes, les actions cotées ont procuré aux investisseurs depuis trente ans
une rentabilité annuelle de l’ordre de 10 % l’an, mais la performance
annuelle des fonds de LBO a été supérieure. Dans ces conditions, il est
naturel que de plus en plus de capitaux se soient dirigés vers les fonds de
LBO.
Mais comment ces performances remarquables ont-elles pu être
obtenues ? Il y a certes des facteurs conjoncturels, comme les taux d’intérêt
très bas, qui amplifient l’effet de levier sur les performances opérationnelles
de ces entreprises, dont la première caractéristique est d’être très endettées
(environ 70 % à 80 % des fonds propres contre 30 sur 40 % pour une
société cotée en Bourse). Dans un contexte de taux d’intérêt bas, les
entreprises disposent donc d’un financement très peu coûteux, surtout après
fiscalité.
Mais la création de valeur engendrée par les entreprises ayant fait
l’objet d’un LBO provient surtout du fait que les équipes de direction à la
tête de ces entreprises améliorent significativement la gestion et donc la
rentabilité de l’actif économique dont elles ont la charge, et ce, de plusieurs
manières : amélioration du volume d’activité, rationalisation de la gestion et
donc croissance des marges, recentrage et extension des activités,
optimisation des capitaux employés, etc. Selon une jolie expression, le LBO
c’est parfois l’« atelier de réparation des entreprises ».
Enfin, les sociétés sous LBO réussissent mieux que les autres à
améliorer leurs performances économiques grâce à un système de
gouvernance d’entreprise particulièrement motivant. L’endettement de ces
entreprises engendrant une vigilance accrue, leurs dirigeants comme ceux
des fonds qui les financent surveillent la marche de leurs affaires comme le
lait sur le feu, avec des systèmes de suivi opérationnel et de contrôle très
rigoureux. Voilà pour les incitations négatives. Mais l’essentiel repose sur
l’alignement d’intérêts investisseurs/dirigeants puisque les fonds de LBO,
dont les dirigeants sont eux-mêmes investisseurs dans les entreprises qu’ils
contrôlent, demandent aux dirigeants de ces dernières d’y co-investir aussi
de manière significative.

58. – Agences de notation


Trois grandes agences de notation (rating), représentant plus de 80 %
du marché mondial du rating, Standard & Poor’s, Moody’s Investor Service
et Fitch Rating, émettent régulièrement des opinions sur la capacité d’un
emprunteur à faire face, à bonne date, aux échéances de remboursement en
intérêts et capital de la dette qu’il a contractée. Il peut aussi bien s’agir
d’endettement de type bancaire ou obligataire, d’émissions de billets de
trésorerie (commercial paper) ou de tout type d’instruments financiers
portant intérêt, et notamment les véhicules de titrisation des financements
structurés des banques (prêts acquéreurs de logement, cartes de crédit,
crédit automobile, etc.).
L’emprunteur, quant à lui, peut être un pays, une collectivité locale, une
société financière, banque ou compagnie d’assurance, ou une société
industrielle. Sa capacité à faire face à ses engagements, aussi dénommée
« qualité de crédit », s’exprime selon une échelle de notation qui comprend
pour chacune des trois agences, dont les notations sont très voisines, une
gamme de 21 à 23 notes, de la plus élevée (AAA pour Standard & Poor’s et
Fitch Rating et Aaa pour Moody’s) à la plus basse (D pour les deux
premières et C pour la dernière).
Les agences de notation, qui ont connu un rôle grandissant à partir des
années 1980, sont devenues aujourd’hui incontournables, tant pour les
émetteurs que pour les investisseurs. Rares sont aujourd’hui
les emprunteurs qui ne sollicitent pas une « notation » auprès d’une, deux,
voire trois agences de notation.
Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. D’abord la
« désintermédiation » : la recherche de capitaux par un canal direct, de
l’emprunteur à l’investisseur, aboutit à affaiblir le rôle des banques en tant
qu’intermédiaires. La mondialisation ensuite, qui pousse les grands
émetteurs à rechercher des investisseurs à l’échelle mondiale, lesquels ont
besoin d’une grille d’analyse homogène. La multiplication et la
complexification des produits s’avèrent également l’un des facteurs de la
dynamique de croissance des agences de notation qui a sans doute atteint
ses limites à la suite de la crise financière de l’été 2007 et de la dépréciation
de crédits titrisés pourvus des meilleures notations de la part des grandes
agences de rating.
Le niveau de rating revêt une grande importance pour l’émetteur, à la
fois en termes de volume et de prix d’émission. Plus la notation est élevée
et plus large est la base d’investisseurs potentiels, dans la mesure où
certains investisseurs se voient imposer des planchers de notation en deçà
desquels il leur est interdit d’investir. Le niveau de notation a également un
impact direct sur le coût du financement par le spread de crédit (→ 24).
Plus la notation est élevée et moindre est le coût du crédit.
Un abaissement de la note d’un émetteur peut avoir des conséquences
négatives parfois importantes : remboursement anticipé de l’obligation
(clause trigger), renchérissement du coût du crédit, par ricochet baisse du
cours de l’action, etc. On comprend l’ire de certains émetteurs quand ils se
trouvent déclassés dans l’échelle des notations !

59. – Analyse financière


L’analyse financière d’une société (equity research) constitue le
préalable à la décision d’y investir. Elle comporte trois étapes principales.
La première consiste à récolter l’information la plus complète sur
l’émetteur au travers de différents canaux : communiqués de presse,
publications de résultats, rapports annuels, déclarations, études diverses,
revues professionnelles, participation à des conférences téléphoniques et à
des réunions d’analystes, consacrées à la stratégie, aux plans d’action, aux
facteurs clés des activités de l’émetteur et de celles de ses concurrents
(structures des coûts, variables internes et externes, degré de sensibilité à
ces variables), contacts directs.
La deuxième étape consiste à analyser ces informations, à les combiner
avec sa propre appréciation des variations conjoncturelles ou structurelles et
à les synthétiser en établissant des prévisions chiffrées.
La troisième étape, à partir de ces informations, de leur traitement et de
leur restitution, consiste pour l’analyste à se forger une opinion, voire
émettre une recommandation d’investissement.
Les opinions exprimées par les analystes doivent toutefois répondre aux
critères de rigueur, de prudence et d’impartialité. Mais leur opinion est de
nature prospective, et un pronostic comporte toujours une marge d’erreur,
car une analyse financière n’est pas une certitude basée sur des données
scientifiques, mais une opinion résultant d’informations de nature diverse.
Les analystes financiers se regroupent dans des sociétés professionnelles, en
général nationales, comme la Société française des analystes financiers
(SFAF), et sont tenus à des règles déontologiques très strictes dans
l’exercice de leur profession.

60. – Information et communication financière


L’information est au cœur de la finance moderne et la communication
financière des sociétés cotées revêt une importance grandissante.
L’information financière correspond aux informations précises que
l’entreprise doit donner, à des moments et dans des formes définies,
notamment selon la législation du pays où elles se trouvent et compte tenu
des marchés où elles sont cotées. La publication des données comptables
telles que les bilans et comptes de résultats, ou le franchissement de certains
seuils de participation en sont un exemple.
La communication financière englobe toutes les formes d’informations
données volontairement par l’entreprise en direction d’acteurs bien
identifiés qui sont des prescripteurs d’opinion et des décideurs : analystes
financiers et investisseurs notamment.
Pour s’adresser à ces différents publics, l’entreprise met en œuvre des
outils et moyens de communication variés : avis financiers, documents de
référence, rapports annuels, lettres aux actionnaires, réunions d’analystes,
publicité financière, site Internet, rencontres avec les investisseurs (road
shows) dont les fameux one on one (ou entretiens en tête à tête) dont sont
très friands les plus puissants d’entre eux…
Aujourd’hui, la communication financière est devenue pour les
entreprises cotées, et surtout les plus grandes, une activité de première
importance. Les présidents et la direction financière des sociétés du
CAC 40, secondés par leur département de communication financière et de
relations investisseurs, leur banque et leur agence de communication
financière, passent une partie significative de leur temps à la
communication financière, alors que cette activité était naguère marginale.
Même si le seul savoir-faire ne suffit plus, le faire-savoir n’occupe-t-il pas
aujourd’hui une place trop importante ?
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
CHAPITRE V

Comment repasser le mistigri du risque

Comment repasser le mistigri du risque est au cœur de la finance


moderne, le sang du système financier et la cause profonde des
innombrables innovations financières survenues depuis le début des
années 1970. Celles-ci ont concerné notamment le contrôle et la gestion des
risques financiers, mais aussi et surtout leur transfert en repassant le
mistigri des risques de toute nature à ceux en principe le mieux à même de
les assumer 1.

61. – Innovations financières


Les innovations financières prennent la forme in fine de titres et de
produits financiers. Ceux-ci sont échangés soit sur des marchés financiers,
soit de gré à gré, c’est-à-dire en général entre institutions financières et
entreprises industrielles ou commerciales. Les raisons pour lesquelles les
innovations financières se sont multipliées depuis plus de trente ans
incluent la modification des réglementations, notamment de nature fiscale,
les progrès technologiques, et la volatilité des principales grandeurs
macrofinancières – taux d’intérêt, taux de change, indices boursiers – la
déréglementation et la mondialisation. De fait, et à la suite des institutions
financières, les sociétés industrielles ont réalisé que leur valeur était sujette
à des risques financiers qui peuvent s’ajouter aux risques opérationnels
inhérents à la nature de leurs activités.
La gestion des risques financiers peut se faire à travers des opérations
de bilan. Par exemple, une société exposée à un risque de change résultant
d’opérations effectuées avec l’étranger peut s’en protéger en empruntant
dans la devise étrangère correspondante, voire en délocalisant sa
production. Une telle gestion des risques par des opérations bilantielles
manque souvent de flexibilité. Les risques financiers peuvent être
alternativement ou conjointement gérés à travers des opérations hors bilan,
telles que les contrats à terme de type forward ou de type futures (→ 68),
les swaps (→ 69) ou les options (→ 66) et bien d’autres instruments, aux
noms souvent exotiques, qui représentent une combinaison de ces derniers.
Une bonne partie de ces innovations financières a donné naissance à des
produits structurés qui permettent une décomposition du risque global en
une série de risques élémentaires donnant la possibilité de les gérer
indépendamment les uns des autres. D’aucuns s’inquiètent de la complexité
de certaines innovations financières récentes et s’interrogent sur la
contribution de la finance à l’économie réelle.

62. – Titres financiers


Dans l’arc-en-ciel des titres financiers, où toutes les nuances sont
présentes, les couleurs de base sont : la régularité et le caractère obligatoire
ou non de leur rémunération ; la possibilité d’intervenir dans les décisions
de gestion de l’entreprise ; les conditions de remboursement du principal en
cas de difficultés financières, voire de disparition de l’entreprise ; et enfin la
durée de vie du titre.
Deux grands titres purs dominent et qui sont la base du financement des
entreprises : l’action et l’obligation à taux fixe. Ces deux types de titres
représentent toujours une part très importante de la valeur boursière de
l’ensemble des titres cotés.
Une obligation précise contractuellement les conditions de
rémunération. Dans le cas d’une obligation servant une rémunération fixe à
l’investisseur, le revenu (coupon) est régulier et prévisible, généralement
annuel. Une obligation peut aussi être à taux variable, le montant du
coupon sera alors calculé par référence au niveau d’un certain taux de
référence, généralement de court terme. Elle peut aussi être indexée sur
l’inflation comme les OATi. L’émetteur d’une obligation peut être privé,
une entreprise, ou public comme les États avec en France les obligations
assimilables du Trésor (OAT).
Même si la rémunération d’une obligation est fixée contractuellement,
avec un revenu régulier et prévisible, celui-ci n’est pas certain dans la
mesure où l’émetteur peut éprouver des difficultés financières, voire faire
faillite. L’obligation présente donc un risque, c’est le risque de crédit ou
risque de défaut. En conséquence, la rémunération de celle-ci est supérieure
à celle d’une obligation sans risque. Cette différence s’exprime sous la
forme d’une marge de crédit (→ 24).
Une action n’offre pas les mêmes certitudes quant à la rémunération de
l’actionnaire, le versement d’un dividende n’est pas obligatoire même dans
le cas d’une entreprise bénéficiaire, sa durée de vie n’est pas finie, comme
pour une obligation, elle n’a donc pas de valeur de remboursement ;
l’investisseur dispose en revanche du droit de vote (→ 45) qui accompagne
l’action, et qui lui permet d’intervenir dans les décisions stratégiques de
l’entreprise. Bien entendu, l’imagination financière a su créer des mélanges
de ces titres purs, appelés titres hybrides (par exemple, les obligations
convertibles, les OCEANE, les OBSAR, etc.).
63. – Ingénierie financière
L’ingénierie financière consiste à effectuer des montages financiers qui
satisfassent les objectifs financiers à la fois des entreprises et de leurs
dirigeants ou des États (la demande), et des investisseurs (l’offre). Ce sont
les intermédiaires financiers, les banques de financement et
d’investissement (BFI) ou les banques d’affaires (→ 89) qui organisent la
rencontre de l’offre et de la demande.
L’ingénierie financière se manifeste d’abord à l’occasion d’opérations
de marché : introduction en Bourse (→ 90), levée de fonds se traduisant par
des émissions de titres sous forme d’augmentation de capital et/ou
d’émissions obligataires ou crédits bancaires plus ou moins sophistiqués,
montages financiers à l’occasion d’opérations d’achat ou vente de gré à gré
de tout ou partie des activités d’une entreprise ou par voie d’offre publique
d’achat (OPA) ou d’échange (OPE) (→ 55).
Par ailleurs, l’ingénierie financière se manifeste pour répondre à des
soucis d’optimisation fiscale (auquel cas elle se trouve intimement liée au
droit des sociétés des pays concernés) ou pour mettre à disposition des
instruments financiers permettant une politique d’incitation et de motivation
des dirigeants (stock-options, émissions d’actions réservées aux cadres
dirigeants et aux salariés, → 49).
L’ingénierie financière se manifeste aussi dans le financement
spécifique de grands projets d’infrastructures (aéroports, viaducs,
complexes énergétiques et industriels). Elle se manifeste enfin dans la
reconfiguration (repackaging) de financements ou de produits financiers
portés à l’origine par des intermédiaires, en vue d’assurer leur revente à des
investisseurs institutionnels (→ 53). Ce sont les produits structurés émanant
de la titrisation (→ 71).
64. – Risque de change
Le risque de change naît de l’incertitude sur la variation du cours des
devises autres que celle qui sert d’unité de compte et de mesure du résultat
(monnaie de référence), et sur son impact sur la situation de l’entreprise.
Le risque de change d’une entreprise revêt trois formes. La plus connue
est la forme transactionnelle par laquelle une entreprise est exposée au
risque de change à l’occasion d’une transaction commerciale ou financière
effectuée dans une monnaie autre que celle de référence : le risque est de
voir le règlement de la transaction se réaliser à un taux de change différent
de celui prévalent au moment de l’accord initial. Le risque de change
comptable est un risque de conversion de la valeur des actifs. La valeur des
actifs d’une filiale étrangère peut ainsi être modifiée à chaque date de
clôture des comptes. Enfin, le risque de change économique correspond aux
conséquences des variations de change sur l’activité et la situation de
l’entreprise dans son environnement concurrentiel, notamment sur ses
ventes, ses marges et ses parts de marché. Les trois types de risques sont de
nature différente et requièrent des méthodes de couverture distinctes et
adaptées, notamment au moyen des instruments décrits ci-après.

65. – Produits dérivés


Dans la partie I de la Politique, Aristote présente une analyse
approfondie de l’accumulation de la richesse. Pour lui tout est philosophie,
y compris la finance et l’économie, même s’il considère ces deux
disciplines comme mineures. Il en veut pour preuve l’expérience du
philosophe Thalès de Milet, qui développa un instrument financier qui eut
des applications universelles par la suite. Les gens se moquaient de Thalès
parce qu’il était pauvre, ce qui, pour eux, illustrait le fait que la philosophie
menait à une impasse. Mais Thalès, qui avait un talent exceptionnel pour la
lecture des astres, leur prouva qu’ils avaient tort. Un certain hiver, la
configuration des astres qu’il observa lui fit prédire que la récolte d’olives
de l’automne suivant serait particulièrement abondante. Il amassa ses
quelques économies, rendit discrètement visite à tous les presseurs d’olives
de la région et déposa quelque argent auprès de chacun d’eux en échange de
la garantie d’obtenir, s’il le souhaitait, une utilisation prioritaire de leurs
pressoirs lorsque l’automne arriverait.
Lorsqu’arriva le temps de la récolte, effectivement abondante, et que les
presses furent toutes simultanément en forte demande, il revendit ses droits
d’utilisation à des prix beaucoup plus élevés que ceux auxquels il les avait
achetés et gagna ainsi une grosse somme d’argent. Il montra ainsi au monde
que les philosophes pouvaient être riches s’ils le souhaitaient, mais que leur
ambition était d’une tout autre nature.
L’anecdote d’Aristote sur Thalès et son instrument financier est la
première mention écrite d’un instrument aujourd’hui connu sous le nom
d’option. Le détenteur d’une option n’est pas obligé d’agir s’il ne le
souhaite pas. Si la récolte d’olives avait été décevante, Thalès aurait
abandonné ses options, qui seraient devenues sans valeur (et perdu les
avances qu’il avait faites).
Les produits dérivés qui sont d’une double nature, les options et les
contrats à terme, ont connu un développement tout à fait extraordinaire
depuis quarante ans même si, comme le prouve l’anecdote d’Aristote, leur
principe est très ancien. Les produits dérivés permettent de se couvrir contre
les risques, de faire des paris (spéculer, → 8) et d’entreprendre des
arbitrages entre produits dérivés, mais aussi par la combinaison de ces
derniers avec d’autres actifs.

66. – Options
Une option est un actif financier qui confère à son acheteur le droit,
mais non l’obligation, d’acheter (option d’achat ou call) ou de vendre
(option de vente ou put) une certaine quantité d’actif sous-jacent jusqu’à
une date future convenue, dite date d’exercice et à un certain prix, dit prix
d’exercice, fixé dès le début du contrat, en contrepartie du versement
immédiat d’une prime (premium). Si le cours du sous-jacent est supérieur
au prix d’exercice, l’option est dite in the money (en dedans), out of money
(en dehors) dans le cas inverse, et at the money (à parité) si les deux sont
voisins. On distingue par ailleurs les options américaines qui peuvent être
exercées à tout moment pendant la durée de vie des options, des options
européennes qui ne peuvent être exercées qu’à leur échéance.
Les options, qui avaient à l’origine pour sous-jacent les actions de
sociétés, se sont par la suite étendues à une multitude d’autres « actifs » :
indices boursiers, taux d’intérêt, taux de change, l’or et diverses matières
premières, etc. Les options simples sont négociées sur les marchés
financiers. D’autres options plus complexes permettent de mieux coller aux
profils de risque particuliers que présentent certaines entreprises. Appelées
options exotiques et négociées de gré à gré, celles-ci sont contractées auprès
des banques.
Les marchés d’options se sont formidablement développés à partir
de 1973 avec la création du premier marché d’options négociables à
Chicago et leur multiplication dans le monde entier, et notamment en
France à partir de 1987. Leur développement s’est fait parallèlement à celui
de la théorie de l’évaluation des options, au début des années 1970, avec le
modèle de Black et Scholes.

67. – Black-Scholes
Le modèle d’évaluation des options de Fisher Black et Myron Scholes
(auquel il convient d’accoler en toute justice le nom de Robert Merton),
universellement utilisé par les praticiens à travers le monde, est
relativement simple dans la mesure où il ne fait intervenir qu’un petit
nombre de variables : le cours et la volatilité de l’action, le prix d’exercice,
l’échéance de l’option, les dividendes versés s’il y a lieu, et le taux
d’intérêt. Par ailleurs, il est possible de quantifier l’impact sur le prix d’une
option des modifications des paramètres qui l’influencent. La valeur d’une
option se décompose en deux : sa valeur intrinsèque et sa valeur temps. La
valeur intrinsèque d’un contrat est la valeur de l’option si on l’exerce
immédiatement, soit la différence, positive, pour un call entre le cours et le
prix d’exercice (que l’acheteur du call verse au vendeur), et pour un put
entre le prix d’exercice (que le vendeur du put verse à l’acheteur) et le
cours. La valeur temps représente le supplément de prix dont il faut
s’acquitter pour un contrat dont l’échéance n’est pas immédiate. Black-
Scholes a la notoriété d’une grande marque dans les salles de marché où les
traders utilisent intensément leur modèle.

68. – Contrats à terme


Les premiers contrats à terme de l’ère moderne qui avaient pour sous-
jacent des produits agricoles (maïs puis blé et tabac) existent depuis 1860,
mais les contrats à terme d’instruments financiers sont d’apparition plus
récente. Les contrats à terme servent aux entreprises industrielles et
commerciales à se couvrir en anticipation d’opérations financières futures
en fixant dès la conclusion de tels contrats leurs conditions financières (taux
d’intérêt, taux de change, etc.).
Un contrat à terme constitue un engagement d’acheter pour l’acheteur,
et de vendre pour le vendeur, une certaine quantité de sous-jacent à une date
d’échéance future et à un prix spécifié au moment où le contrat est passé. Si
à la date d’échéance le prix du support au contrat est supérieur au prix
spécifié, l’acheteur du contrat réalise un profit, dans le cas contraire il
réalise une perte, et vice versa pour le vendeur du contrat.
Contrat à terme est la traduction française de deux termes anglo-saxons,
les contrats forward (en général ce sont des contrats de gré à gré) et les
contrats futures (dont les échanges se font sur des marchés organisés, les
marchés à terme). Les deux présentent un profil de gain (perte) analogue et
symétrique. Mais à l’inverse du contrat forward, le risque de défaut d’un
des deux contractants est éliminé dans le contrat future, grâce à deux
mécanismes spécifiques : le dépôt de garantie ou marge initiale et l’appel de
marge si le montant du dépôt de garantie atteint un niveau minimum appelé
marge de maintien, d’une part ; l’existence d’une Chambre de
compensation, d’autre part. Celle-ci s’intercale entre les acheteurs et les
vendeurs, et gère la solvabilité de l’ensemble du système en évitant les
conséquences d’une éventuelle défaillance des contreparties.
Les supports des contrats à terme se sont diversifiés : aux produits
agricoles et aux matières premières, or, pétrole, autres métaux précieux, se
sont ajoutés les contrats financiers, devises, taux d’intérêt, paniers
d’actions, et depuis peu les droits d’émission de CO2, l’électricité ou les
variations climatiques.

69. – Swaps
Un swap est un contrat entre deux parties qui s’engagent à un échange
périodique de flux financiers générés par deux actifs financiers différents.
En jargon swap, on appelle jambe (leg) chaque côté du swap.
Le swap de taux d’intérêt classique (taux fixe/taux variable) est un
instrument grâce auquel deux entités (industrielle et/ou financière) qui se
font contrepartie procèdent à des échanges de taux d’intérêt. Dans ce cas de
figure, les deux entités désirent échanger un taux fixe contre un taux
flottant, le différentiel donnant lieu à des versements périodiques (tous les
trois ou six mois) pendant toute la durée de vie de l’accord de swap. Le
calcul des flux financiers s’effectue en référence au nominal (notionnel) du
swap. Du fait de ce contrat, l’une des deux entités se prive du bénéfice
d’une évolution favorable des taux (d’une hausse s’il reçoit le taux fixe et
verse le taux flottant, d’une baisse dans le cas inverse).
Il existe plusieurs autres formes de swap : les deux contreparties
empruntent à taux fixe dans deux devises différentes et procèdent à des
échanges de capital et de taux d’intérêt ; ou elles empruntent à taux flottant
dans deux devises différentes ; ou encore une contrepartie emprunte à taux
fixe dans une devise, tandis que la seconde emprunte à taux flottant dans
une autre devise. Dans les trois cas de figure, les deux entreprises échangent
uniquement le solde des flux financiers.
En troquant du fixe pour du variable, ou de l’euro pour du dollar ou vice
versa, au lieu d’emprunter directement dans le titre final de leur choix, les
entreprises ne sont pas pour autant primesautières ou d’humeur changeante.
C’est que les entreprises ont des avantages comparatifs sur certains marchés
géographiques, un habitat préféré, pour l’une ou l’autre des formes
d’emprunt et en profitent par le biais des swaps pour, in fine, abaisser leurs
coûts de financement.
Depuis, les swaps se sont généralisés à de multiples opérations. Par
exemple, l’equity swap consiste à échanger la performance d’une action ou
d’un indice boursier (de secteur ou général) contre un taux d’intérêt, et un
swap de dividendes un dividende réel (inconnu au début du contrat) contre
un flux théorique. Il n’y a guère de limite à l’imagination financière !

70. – Dérivés de crédit


Les dérivés de crédit, qui permettent de déconnecter la gestion du risque
de crédit de sa détention, constituent l’innovation financière par excellence
des quinze dernières années puisque leurs encours dépassent la
capitalisation boursière (→ 20) de l’ensemble des obligations cotées dans le
monde.
L’instrument le plus classique est le Credit Default Swap (CDS) par
lequel l’acheteur de la protection, contre une défaillance d’une contrepartie,
paie à un tiers un flux régulier et reçoit de ce tiers un paiement défini dès
l’origine du contrat en cas de survenance de la défaillance. Le risque de
crédit est donc transféré de l’acheteur de la protection (une entreprise, un
investisseur, une banque) à un tiers qui peut être un investisseur, une
compagnie d’assurance… moyennant bien entendu rémunération.
Par ailleurs, il existe des produits dérivés sur marge de crédit (futures et
options) dont la nature des risques qu’ils couvrent est très similaire à ceux
des dérivés de taux ou de change : dans les trois cas, il s’agit de se couvrir
contre le risque d’une évolution défavorable, respectivement, de la marge
de crédit (spread), d’un taux d’intérêt et d’un taux de change.
Ce mécanisme de transfert de risque présente un double défi comme l’a
souligné la crise financière 2007-2009. D’une part, les dérivés de crédit
créent un risque de hasard moral dans la mesure où celui qui achète la
protection, étant celui qui a la relation commerciale avec l’emprunteur, sera
moins enclin à le gérer et le contrôler puisqu’il ne porte plus le risque de
défaut, alors que celui qui a vendu la protection ne connaît pas
l’emprunteur. Par ailleurs, les CDS, en suscitant l’engouement des
spéculateurs qui ne possédaient pas le crédit sous-jacent (CDS nus ou
naked), posent un problème éthique. C’est comme si un individu s’assurait
contre l’incendie, non pas de sa propre résidence, mais de celle d’un
autre… Des réglementations ont été introduites pour interdire les CDS nus.
71. – Titrisation
La technique de titrisation consiste à transformer les créances détenues
par des établissements de crédit (créances hypothécaires, prêts autos), des
sociétés financières (crédits à la consommation), ou des sociétés
commerciales (comptes clients) en titres négociables, via la création d’une
structure ad hoc, le Special Purpose Vehicle (SPV) ou fonds commun de
créances (FCC). Elle présente pour son initiateur de multiples avantages :
l’opportunité de diversifier les sources de financement, le transfert à des
tiers de la gestion de remboursements anticipés et donc du risque de taux de
refinancement, le respect des ratios de solvabilité bancaire (ratio Cooke,
→ 99), et la création d’un nouveau produit financier, devenu négociable sur
un marché. La titrisation constitue une innovation financière majeure dans
la mesure où cette technique représente la généralisation du transfert des
risques financiers à ceux qui, en principe, sont les mieux à même de les
assumer, ou du moins qui désirent le plus les détenir. Mais la complexité
des opérations de titrisation a fini par gangréner le système financier
(→ 87) mondial.

72. – Gestion actif / passif


La nécessité d’une gestion actif/passif (Asset/Liability Management –
ALM) s’impose notamment aux institutions financières, banques et
compagnies d’assurance.
La gestion des risques bancaires et financiers est une discipline aussi
ancienne que les banques, même si elle s’est profondément renouvelée
depuis une vingtaine d’années à la faveur des évolutions économiques, des
exigences réglementaires, de la sophistication croissante des opérations
bancaires et financières et de la crise financière.
Les différents risques auxquels une banque est exposée et auxquels
s’adresse directement la gestion actif/passif sont les suivants :

le risque de liquidité, qui est le risque pour une banque, de ne pas


pouvoir faire face, à un instant donné, à ses engagements ;
les risques de taux et de change, qui sont liés aux mouvements de taux
d’intérêt et de change et aux risques qu’ils font courir sur les résultats
présents et futurs de la banque ;
les risques optionnels statistiques ou comportementaux, qui sont cachés,
tels que les remboursements de prêt au gré de l’emprunteur, qui ne sont
pas connus au moment de la signature du contrat de prêt.

La banque encourt bien entendu d’autres risques, tels que le risque de


contrepartie, qui est le risque de défaut ou de dégradation de la solvabilité
d’une de ses contreparties, des risques de marché dus aux mouvements de la
valeur de marché des positions de la banque, des risques opérationnels,
réputationnels…
La gestion actif/passif désigne les techniques de maîtrise du risque de
liquidité, de taux et de change sur le périmètre des activités commerciales
d’un réseau bancaire dans sa fonction d’intermédiation consistant à
collecter l’épargne des clients épargnants et à financer les clients
emprunteurs, sans que ces derniers aient besoin de passer par un marché
financier. La gestion actif/passif peut par exemple s’efforcer de faire
correspondre les risques de l’actif avec ceux du passif, en termes de
monnaie d’exposition et surtout de duration (sorte de durée de vie
moyenne) de ses actifs et de ses passifs. De ces points de vue, la gestion
actif/passif est un pilotage à long terme des risques auxquels les institutions
financières peuvent avoir à faire face, alors que la gestion en Value at Risk
(VaR) est un pilotage à court terme.
73. – Value at Risk (VaR)
La finance contemporaine se caractérise par la très grande diversité des
interventions des institutions financières quant aux marchés et aux produits
ou titres financiers sur lesquels elles opèrent, et donc des risques qu’elles
prennent.
Le contrôle de ces risques est donc devenu une fonction centrale pour
ces institutions, fonction renforcée par les règles de prudence que leur
imposent les autorités nationales et internationales chargées de les
superviser.
La VaR a constitué jusqu’à présent le maître étalon du contrôle interne
des risques au sein des institutions financières en proposant une mesure
synthétique de leur appréciation.
Pour un portefeuille déterminé détenu pendant une durée donnée, la
VaR indique le niveau de perte qui ne devrait pas être dépassé avec une
probabilité choisie. Par exemple, une VaR dix jours, 95 % indique le niveau
de perte qui ne devrait pas être dépassé dans plus de 5 % des périodes de
dix jours consécutifs. En revanche, la VaR ne donne aucune indication sur
le niveau de pertes atteint dans 5 % des cas. Cette approche a connu un
grand succès, et elle est utilisée en permanence par toutes les banques pour
évaluer leur risque global, conformément aux accords de Bâle (→ 99) sur le
capital des banques.
La VaR est donc une mesure statistique synthétique de la perte qui peut
être attendue sur une position dans des conditions de marché « normales ».
C’est aussi une méthode qui permet de communiquer un chiffre « parlant »
à des non-spécialistes, décrivant l’« ordre de grandeur » du risque de perte
possible.
Pour calculer la VaR, on commence par une estimation des paramètres
de risque de chaque instrument. Dans une deuxième étape, on tient compte
des corrélations entre chaque source de risque pour calculer le risque global
de l’ensemble des positions. L’estimation des paramètres de risque et des
corrélations entre chaque source de risque se fait sur la base de données
historiques et suppose une distribution normale des fluctuations, hypothèses
qui ne seront pas nécessairement celles qui prévaudront dans le futur,
comme la crise financière l’a mis en lumière : les corrélations entre actifs
ont brutalement changé, de même que les rentabilités, extrêmes au-delà de
tout écart-type (jusqu’au 25 dans certains cas en 2008). On a ainsi
transformé des risques financiers en risques de modèle. Les modèles de
quantification du risque, comme tous les instruments de la boîte à outils
enseignés dans les grandes écoles et les universités, sont utiles, mais ils ne
sauraient se substituer ni au bon sens ni à l’imagination.

74. – Modélisation financière


Les choix de portefeuille d’actions ou d’obligations, l’évaluation des
instruments financiers, quels qu’ils soient, le calcul de la VaR, la gestion
actif/passif d’une banque utilisent des concepts et des outils mathématiques
qui leur sont inextricablement liés.
La notion de modèle mathématique nous vient directement de la
physique avec deux volets : l’objet et le modèle.
L’objet c’est un ensemble de phénomènes que l’on se propose d’étudier,
isolé plus ou moins arbitrairement dans une relation beaucoup plus vaste et
complexe. Par exemple, la formule d’évaluation d’options sur actions de
Black-Scholes (→ 67) ne prend en compte qu’un petit nombre de facteurs
et en néglige beaucoup d’autres : la qualité de l’émetteur, les coûts de
transactions, les fluctuations des taux, la liquidité du titre, les volumes de
transactions, les anticipations des opérations, la tendance du marché.
Le deuxième volet de la théorie est le modèle proprement dit. Il s’agit
d’une collection de variables mathématiques, censées représenter l’objet, et
liées par certaines relations constitutives. Les relations sont des équations
(parfois des inéquations) de type très divers, et font intervenir des
paramètres, c’est-à-dire des valeurs numériques qui sont à la disposition du
modélisateur et de l’utilisateur. Ces équations sont des processus qui font
intervenir le passage du temps et le risque, dont on a déjà souligné qu’ils
étaient les deux mamelles de la finance en situation d’incertitude :
processus de Markov, de Wiener, d’Ito, brownien géométrique, etc. Les
choix de portefeuille et les modèles d’équilibre en temps continu font ainsi
appel au contrôle optimal stochastique.
À la base de la modélisation financière, on ne trouve pas ces êtres
mathématiques que sont les particules élémentaires comme dans les
sciences physiques, mais des processus de décision dont on n’est pas sûr
qu’ils soient parfaitement modélisables, ni même rationnels, et au faîte, on
trouve, non pas des lois éternelles, mais des théories qui portent en elles-
mêmes les germes de leur propre destruction. Malgré tout, les produits de
l’école française de mathématiques, très recherchés dans les salles de
marché et les départements de recherche des institutions financières du
monde entier, ont encore de beaux jours devant eux !
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
CHAPITRE VI

Dis-moi comment tu gères ?

Les marchés financiers font l’interface entre les émetteurs d’une part –
les entreprises, les États, les collectivités publiques et locales – et les
investisseurs qui, de plus en plus, sont des investisseurs institutionnels
(→ 53) gérant l’épargne des particuliers. Les acteurs de ce système sont
multiples et leurs styles de gestion variés. Leur importance en quantité et
sophistication va grandissant, et le développement de leurs compétences
suit celui intervenu dans les banques de réseau et sur les marchés.

75. – Gestion d’actifs (Asset management)


Même si le vocable de « veuve de Carpentras », comme symbole et
illustration de l’actionnaire individuel, n’a pas tout à fait disparu, la gestion
d’actifs s’est fortement professionnalisée.
Du fait de la sophistication croissante des méthodes de gestion de
portefeuille, les épargnants individuels délèguent de plus en plus la gestion
de leur épargne à des sociétés de gestion. Par ailleurs, les évolutions
démographiques marquées par des populations de plus en plus vieillissantes
dans les grands pays industrialisés et l’évolution des systèmes de retraite
vers davantage de capitalisation (en lieu et place ou en complément des
systèmes de retraite par répartition) drainent une part croissante de
l’épargne individuelle vers la gestion collective auprès d’investisseurs
institutionnels (→ 53).
La croissance de l’industrie de la gestion d’actifs est l’un des
phénomènes les plus importants parmi les changements structurels ayant
transformé le système financier (→ 87). Il est dès lors important de
comprendre les stratégies de placement des gérants et leurs styles de gestion
de portefeuille, dont les trois principaux sont : la gestion passive ou
indicielle (→ 80), la gestion garantie (→ 81) et la gestion active (→ 82).
Les résultats financiers obtenus par ces gestions peuvent se comparer à un
certain nombre d’étalons dont le taux sans risque.

76. – Actif sans risque


Le taux sans risque est celui que rapporte l’actif sans risque. Mais l’actif
sans risque existe-t-il ? La première réaction est d’affirmer que oui, auquel
cas il devrait être unique. Et pourtant, on rencontre régulièrement des
propositions de placement ou d’emprunt à taux fixe sur un horizon de
placement donné, dont les taux peuvent être sensiblement différents.
Aussi, si l’on parle du taux sans risque, on suppose que le taux de ceux
qui empruntent est égal au taux de ceux qui prêtent, ce qui n’est pas
conforme à l’observation de la réalité. Le premier est généralement
supérieur au second. Par ailleurs, les taux affichés par les banques sont des
taux nominaux. L’hypothèse de rationalité des comportements suppose que
l’investisseur n’est pas trompé par l’inflation et qu’en conséquence, il
raisonne en termes réels, c’est-à-dire hors inflation. Le taux réel est obtenu
en retranchant le taux d’inflation du taux nominal (taux affiché). Mais le
taux d’inflation futur est inconnu : ainsi le taux réel est une variable
aléatoire, même si le taux nominal est fixe et constant. Exprimé en termes
de pouvoir d’achat, le taux nominal n’est donc pas tout à fait sans risque.
Cependant, depuis une trentaine d’années, le niveau des taux d’inflation est
modeste. De plus, un certain nombre d’États, dont l’État français, ont lancé
des obligations assimilables du Trésor protégées (capital et intérêt) contre
l’inflation : les OATi.
L’actif sans risque et le taux sans risque jouent un rôle central dans la
théorie du portefeuille, même si la crise financière a relativisé cette notion
en opérant une stricte sélection des actifs sans risque et en perturbant leur
niveau d’équilibre à la suite des politiques monétaires non conventionnelles
mises en place par les banques centrales.

77. – Portefeuille (théorie du)


La théorie du portefeuille est due à Markowitz (→ 6), à la suite de
l’observation qu’il fit que les portefeuilles des investisseurs n’étaient pas
constitués d’un seul titre, une seule action, celle dont ils pensaient qu’elle
devait s’apprécier le plus à un horizon de temps donné, mais d’un grand
nombre de titres différents. C’est ainsi que naquit chez lui l’idée qu’au
concept de rentabilité, il convenait d’adjoindre le concept de risque. Il
inventa l’analyse moyenne-variance et la notion de frontière des
portefeuilles efficients regroupant les portefeuilles qui, à un certain niveau
de rentabilité, ont le risque le plus faible, ou inversement, pour un certain
niveau de risque, ont la rentabilité la plus forte. Un programme
d’optimisation permet de construire de tels portefeuilles à partir des
rentabilités et risques de chaque titre et de leur degré de covariabilité. Plus
facile à dire (ou écrire) qu’à faire ! De là on peut déduire des notions
connexes de portefeuille de marché (le même que chaque investisseur
devrait détenir) et de diversification optimale (le nombre optimal de titres
différents à détenir). Selon le fameux théorème de séparation de Tobin, les
investisseurs devraient détenir les deux mêmes actifs, l’actif sans risque
d’une part et le portefeuille de marché (c’est-à-dire toutes les actions en
proportion de leur capitalisation boursière, → 20) d’autre part. Seules les
proportions investies entre ces deux actifs devraient varier selon le degré
d’aversion au risque (→ 17) de chaque investisseur.

78. – Diversification
« Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. » Ce vieux
dicton populaire a acquis ses lettres de noblesse scientifique avec
l’apparition de la théorie moderne du portefeuille et les travaux de
Markowitz et Sharpe.
Selon ce dernier, le risque que présentent les actifs financiers, et
notamment les actions, a deux composantes, le risque systématique et le
risque spécifique. Le premier est non diversifiable et correspond au risque
du marché multiplié par le coefficient bêta (→ 19) du titre.
Mais les actions, comme tous les titres, présentent aussi un risque
spécifique, encore appelé risque idiosyncratique, qui peut être éliminé par la
diversification, c’est-à-dire la constitution d’un portefeuille comprenant un
certain nombre de titres. Combien ? Pour qu’un portefeuille soit
correctement diversifié, il faut qu’il comprenne au moins une trentaine de
lignes de montant équivalent. Évidemment, la diversification réduira encore
davantage le risque du portefeuille si celui-ci est constitué à la fois
d’actions domestiques (de sociétés de la zone euro) et d’actions
internationales. De fait et en un temps normal, un portefeuille bien
diversifié internationalement est deux fois moins risqué qu’un portefeuille
bien diversifié au plan domestique.
Le concept de diversification de portefeuille s’applique aussi au plan de
l’entreprise qui peut opérer un portefeuille d’activités qui se comportent
différemment dans le cycle économique. Les holdings ou les conglomérats
sont les archétypes des entreprises diversifiées (→ 54).

79. – Indice boursier


Un indice boursier représente la valeur d’un groupe de titres,
généralement des actions, auquel cas l’on parle d’un indice d’actions. Un
indice est calculé et ne fait pas l’objet d’échange en tant que tel. Ce n’est
donc pas un titre à proprement parler, même s’il est coté sur un marché à
terme, auquel cas le dénouement du contrat se fait en espèces par différence
des prix à terme et comptant de l’indice boursier pendant la durée du
contrat.
Les indices d’actions ont pris progressivement de plus en plus
d’importance dans la mesure où ils (i) permettent de juger de l’évolution
d’un groupe de titres sur une période donnée ; (ii) servent d’étalon et
permettent, avec certaines précautions, d’apprécier la qualité de la
performance d’un placement ou d’une gestion, ou même d’une entreprise
cotée en Bourse ; (iii) servent de support à des titres dont les promoteurs
perçoivent des redevances. Les produits adossés à des indices sont les
contrats de futures et d’option sur indices, les fonds indiciels cotés (FIC),
dénommés trackers sur Euronext et ETF pour Exchange Traded Funds
(ETF) dans les pays anglo-saxons.
Le premier indice de la Bourse de Paris fut publié en 1969. Il s’agit de
l’indice de la Compagnie des agents de change, dont le successeur est le
fameux indice CAC 40, formé des 40 sociétés les plus actives sur Euronext-
Paris. Le premier indice d’actions connu fut publié à la fin du XIXe siècle
par une société privée, c’est le toujours célèbre Dow Jones Industrials
Average (DIJA). La fabrication d’indices est devenue une véritable
industrie, les principaux fabricants (y compris pour les indices européens)
étant des sociétés américaines : Standard & Poor’s, mais aussi Dow Jones,
Willshire, Russell ou bien encore Morgan Stanley Capital International
(MSCI).
Deux aspects sont particulièrement déterminants dans la fabrication
d’un indice de titres : les modalités de calcul (type de pondération) et la
détermination de leur composition (critères d’inclusion). Les indices
généralistes ont pour objet de refléter les évolutions boursières de
l’ensemble des titres cotés dans une zone géographique donnée. Les indices
spécialisés (indices sectoriels, valeurs moyennes, etc.) se sont multipliés
dans un passé récent.

80. – Gestion indicielle


La gestion indicielle (ou passive), est la reconnaissance de la théorie des
marchés financiers efficients par les investisseurs qui la mettent en pratique
en essayant de dupliquer la performance (→ 86) d’un indice de référence.
Elle a vécu des temps difficiles durant le cycle boursier 1999-2003. Au
début de la bulle Internet, les valeurs TMT (Technologie, Médias,
Télécommunications) ne représentaient que 8 % de la capitalisation
boursière de l’indice CAC 40 et plus de 25 % au moment de son
éclatement. Il est clair dans ces conditions qu’un portefeuille benchmarké à
l’indice CAC 40 comme indice de référence a connu de très mauvaises
performances en 2000-2002, car les cours de beaucoup de valeurs
technologiques ont dévissé de 50 % à 90 % par rapport à leurs plus hauts.
Un investisseur qui aurait pris en 1990 comme portefeuille de référence
le portefeuille mondial des actions (avec un portefeuille investi au prorata
des capitalisations boursières de chaque pays) aurait eu près de 50 % de son
portefeuille investi en valeurs japonaises (eh oui, la capitalisation boursière
des valeurs japonaises représentait à l’époque près de 50 % de la
capitalisation boursière mondiale des actions !). Évidemment, les
performances du portefeuille benchmarké indiciel de cet investisseur sont
bien médiocres puisque, près de trente ans plus tard, le niveau d’indice des
valeurs japonaises était inférieur de moitié à ce qu’il était en 1990, avant
que ne débute le krach lent du Japon.
La gestion passive représente au niveau mondial 20 % du total des actifs
gérés, tous types d’actifs confondus.

81. – Gestion garantie


La gestion garantie ou assurance de portefeuille appartient à la famille
des produits structurés. Elle propose à la fois une garantie en capital et une
participation à la hausse éventuelle des marchés financiers à un certain
horizon de temps défini entre le client et l’intermédiaire financier. Avec une
gestion garantie, le client retrouvera son capital initial dans un marché
baissier, mais la rémunération de son placement sera très faible, inférieure à
celle d’un placement sans risque. En cas de marché haussier, le client
obtiendra une participation à la hausse du marché ; sa rémunération sera
supérieure à celle d’un placement sans risque si le marché des actions a
suffisamment monté, mais inférieure à la hausse de l’indice de référence du
marché des actions.
Les produits structurés garantis apparaissent comme des produits
intermédiaires, d’une part, plus performants en moyenne, mais plus risqués
que les placements sans risque, et d’autre part, moins performants et aussi
moins risqués que les placements en actions.
Ce type de produit a connu un succès certain auprès d’une clientèle
d’épargnants qui détestent trop le risque pour oser exposer leur capital en
Bourse, mais qui souhaitent être intéressés à la hausse des marchés.
L’intérêt d’un tel placement hybride apparaît toutefois limité. Si l’horizon
de placement du client est court (moins d’un à deux ans) mieux vaut une
rémunération, certes faible, mais certaine. Si son horizon de placement est
plus long, il se prive d’une hausse significative dans la mesure où, à des
horizons suffisamment longs, le placement en actions est le plus
performant.
La technique de gestion utilisée par les gérants pour satisfaire au contrat
consiste à investir dans un mélange d’instruments financiers sans risque et
d’options ou futures. Lorsque ce type de gestion s’est développé au début
des années 1980, les marchés d’options étant insuffisamment développés,
les gérants procédaient alternativement à une gestion dynamique entre bons
du Trésor et actions. En cas de hausse des actions, ils renforçaient la partie
actions du portefeuille du client, et inversement ils l’allégeaient en cas de
baisse.
Mais il n’y a pas de repas gratuit (free lunch), c’est une gestion coûteuse
pour le client (qui paie une option implicite dans ce type de gestion) et qui
n’est garantie qu’au niveau des moyens techniques de gestion, mais pas
nécessairement à celui du résultat. Le krach de 1987, que d’aucuns
attribuent à ces techniques d’assurance de portefeuille, en a apporté la
démonstration.

82. – Gestion active


La gestion active est un peu comme la prose de Monsieur Jourdain, la
plupart des investisseurs, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, la
pratiquent hormis les gérants de gestion garantie ou indicielle.
La gestion active consiste pour le gérant à prendre des paris et à investir
dans des proportions autres que celles d’un indice ou à pratiquer des
pondérations de classes d’actifs en fonction des prévisions sur l’évolution
relative future de chacune d’elles. Il s’agit alors de market timing. Il peut
s’agir aussi de stock picking, c’est-à-dire de la sélection de titres considérés
comme sous-évalués.
Un nombre croissant d’investisseurs institutionnels (→ 53) pratiquent
une gestion active, voire activiste, vis-à-vis des dirigeants d’entreprise des
sociétés dans lesquelles ils ont investi. On disait autrefois que les gérants
votaient avec leurs pieds (en vendant les titres qu’ils n’aimaient plus plutôt
qu’en usant des droits de vote que leur conférait leur détention). De plus en
plus, les gérants utilisent les droits de vote des actions qu’ils possèdent pour
infléchir de manière significative les choix stratégiques des équipes
dirigeantes, voire pour les renverser.

83. – Hedge funds


Ils représentent l’archétype de la gestion active de portefeuille, mais,
contrairement à ce que leur nom laisserait pressentir (hedge veut dire
littéralement couverture donc absence de risque), les hedge funds ont en
général des politiques très agressives d’investissement.
Les hedge funds constituent un véhicule d’investissement dont les
contraintes de gestion relèvent d’un contrat proposé par le gestionnaire à
l’investisseur, avec très peu d’interférence réglementaire, et dont les
principales caractéristiques sont en règle générale les suivantes : ils
recherchent une performance absolue et non relative par rapport à un
benchmark ; ils ne sont pas réglementés par une autorité de marché dans la
mesure où ils ne font pas appel public à l’épargne ; ils utilisent, pour
certains d’entre eux, un fort effet de levier, c’est-à-dire qu’ils investissent
l’argent qui leur est confié mais aussi le produit des emprunts qu’ils
contractent auprès d’intermédiaires financiers ; ils peuvent investir dans
n’importe quelle classe d’actifs cotés ou non cotés et vendre à découvert ;
ils présentent une liquidité réduite pour leurs clients (retraits possibles à
dates données) afin de donner à leurs stratégies d’investissement le temps
nécessaire pour produire leurs effets ; les gérants y investissent eux-mêmes
des montants significatifs ; leur rémunération est élevée, et de surcroît
fortement indexée sur les performances qu’ils obtiennent.
Il y a lieu de distinguer deux grandes catégories de hedge funds : ceux
qui ont des stratégies neutres, c’est-à-dire qui sont simultanément acheteurs
et vendeurs dans la même catégorie de titres. Appartiennent à cette
catégorie les hedge funds Fixed Income Arbitrage (acheteur et vendeur
d’obligations libellées en devises différentes), Long Short Equities Hedge
(acheteur et vendeur simultanément d’actions), Merger Arbitrage (acheteur
de la société cible et vendeur de la société lançant une OPA), Convertibles
Arbitrage (achat et vente simultanément de titres du même émetteur).
À l’inverse, les hedge funds directionnels font des paris unilatéraux sur
l’évolution des prix de certains actifs financiers.
L’industrie des hedge funds est récente même si l’on date l’apparition
du premier d’entre eux à 1949. Leurs actifs sous gestion représentent près
de 3 000 milliards de dollars. Leur succès commercial est dû aux
performances qu’ils ont obtenues, supérieures à celles des gestions plus
classiques, du moins jusqu’à la dernière crise financière.
À l’évidence, à la fois leur taille et l’opacité de leur gestion inquiètent
les autorités de régulation qui, appréhendant qu’ils soient à la source d’un
risque systémique, comme cela faillit être le cas en 1998 avec LTCM,
voudraient encadrer davantage leur activité. Mais il ne faudrait pas jeter le
bébé avec l’eau du bain. Les hedge funds, qui ont été les victimes de la crise
mais n’en sont pas à l’origine, jouent en effet un rôle économique
indéniable en apportant davantage de liquidité aux marchés et en ramenant
en principe à leur valeur fondamentale les prix des actifs financiers sur
lesquels ils interviennent.
84. – Fonds souverains (SWF)
Les fonds souverains ou Sovereign Wealth Funds (SWF) sont des fonds
d’investissement publics qui investissent en actions et dont l’essor n’est que
le symptôme des déséquilibres réels et financiers de la planète. À cet égard,
les fonds souverains sont de vrais enfants du XXIe siècle dans la mesure où
ils s’alimentent au nouvel ordre du monde :

la rareté énergétique et son corollaire, la montée des prix du pétrole et


du gaz et partant l’accumulation des réserves de changes des grands
pays producteurs (Abou Dhabi, Koweït, Arabie Saoudite…, mais aussi
Norvège) ;
un mercantilisme de rattrapage par lequel les pays émergents, à bas
coûts de main-d’œuvre, et notamment la Chine, accumulent des
réserves de change en exportant massivement leurs produits vers les
pays développés.

Les fonds souverains sont, jusqu’à preuve du contraire, des


investisseurs financiers de long terme à la rationalité économique
clairement définie (diversification géographique, sectorielle et par classe
d’actifs, protection contre la volatilité financière, lissage et transmissions de
la rente aux générations futures). Mais, puissants du fait de leur taille,
mystérieux, opaques, bras armés de pays émergents en quête de revanche
économique, peut-être préparant un affrontement géostratégique, tous les
fantasmes se sont exprimés à leur égard.

85. – Investissement socialement responsable


(ISR)
La planète s’achemine vers un monde de ressources rares. Les opinions
publiques s’inquiètent du développement durable, du réchauffement
climatique, de l’émission de gaz CO2 à effet de serre, etc. Elles s’inquiètent
aussi de la mondialisation et répugnent aux délocalisations qu’effectueraient
certaines entreprises pour profiter d’un droit social peu contraignant, etc.
Derrière tous ces phénomènes, on peut identifier des entreprises qui
seraient particulièrement irresponsables d’un point de vue éthique, et au
contraire d’autres qui seraient à tout point de vue (ou presque) des
« entreprises citoyennes ».
Depuis quelques années se sont développés des fonds de gestion
collective, les fonds éthiques, qui investissent exclusivement dans de telles
entreprises et pratiquent donc l’investissement socialement responsable
(ISR). Des agences de notation sociale ont vu le jour qui, à l’instar des
agences de notation financière (→ 58), assurent aux entreprises une
notation sur la base d’une batterie de critères sociaux et éthiques. Leur
influence est grandissante, même s’il n’a pas été observé à ce jour de
différence incontestable de performance boursière entre fonds éthiques et
les autres.

86. – Mesure de performance


La mode est à la création de valeur, dans toutes les organisations quelles
qu’elles soient et notamment dans les entreprises industrielles et
financières. Il y a création de valeur lorsque les performances sont
supérieures à un benchmark.
La mesure de performance est un concept et un outil particulièrement
développé dans le domaine de la gestion institutionnelle et de l’épargne
collective, que celle-ci s’inscrive à l’intérieur de SICAV ou FCP, dans les
contrats d’assurance-vie, ou dans des fonds de pension ou de retraite.
Dans le cadre de la gestion institutionnelle de l’épargne, mesurer la
performance d’un portefeuille est un exercice difficile qui doit tenir compte
des objectifs de gestion et des risques pris. Une analyse de la performance
d’un portefeuille ou d’une gestion doit préciser la rentabilité réalisée sur la
période étudiée, mais aussi la performance par rapport au benchmark ou par
rapport à un ensemble de gérants ayant le même objectif de gestion. Il faut
aussi pouvoir décomposer cette performance selon les différentes sources
de rentabilité et expliquer l’importance des principales décisions de gestion
sur celle-ci. Enfin, il faut ajuster la performance au niveau de risque qui a
été choisi.
Beaucoup de professionnels et un grand nombre d’amateurs tentent de
« battre le marché », c’est donc une tâche bien difficile. En moyenne, la
profession ne peut que « sous-performer » les indices. En effet, ces
investisseurs, qui forment le marché, luttent les uns contre les autres. En
moyenne, ils ne peuvent réaliser que la performance moyenne du marché,
moins les frais qu’ils ont engagés (frais de transactions, salaires,
équipements informatiques, locaux, etc.) dans leur gestion.
Selon toutes les études et à toutes les périodes, quels que soient les
marchés, à peu près deux tiers des fonds de placement collectifs « sous-
performent » leurs indices de référence, et seulement un tiers les
« surperforment ». Mais ce sont rarement les mêmes d’une année sur
l’autre. Cela ne veut pas dire que certains gestionnaires ne battent pas
systématiquement les indices et donc leurs collègues, et certains d’entre eux
ont même acquis une célébrité de star pour la continuité de leur
surperformance. Mais ils sont fort peu nombreux…
La performance historique, le track record, est un argument commercial
important pour obtenir de nouveaux clients. Il est donc nécessaire de
mesurer la performance avec précision, d’autant que les frais de gestion
sont parfois liés à cette performance. Il est aussi nécessaire d’estimer le
risque encouru par le portefeuille qui pourrait expliquer une bonne
performance sur certaines périodes, mais provoquer des pertes importantes
lorsque le risque se matérialise. Il est recommandé par ailleurs de comparer
la performance du portefeuille au bon étalon correspondant au style de
gestion réel du fond : grandes valeurs/petites valeurs, valeurs de croissance
(growth)/valeurs de rendement (value), etc.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
CHAPITRE VII

Le cadre institutionnel

La finance, encadrée par des réglementations pour protéger les


opérateurs et leurs clients, se déploie au travers d’institutions et
d’organisations qui sont changeantes, même si les fonctions qu’elles
assument sont pérennes et assez similaires d’une zone géographique à une
autre.

87. – Système financier


Le rôle premier du système financier est de mettre en relation des agents
économiques qui ont des ressources excédentaires (les ménages
notamment) avec ceux qui en manquent, et sa fonction primordiale est de
faciliter l’allocation des ressources, à la fois dans le temps et dans l’espace.
Un système financier réunit à la fois des marchés financiers et des
intermédiaires financiers (banques, compagnies et mutuelles d’assurance)
pour assurer des fonctions essentielles : la compensation des opérations et
leur règlement, la mise en commun des ressources (pour financer les projets
de grande taille) et la subdivision du capital des entreprises (permettant aux
investisseurs de diversifier leurs investissements), le transfert des ressources
dans le temps et dans l’espace, la gestion et le contrôle des risques pour
garantir une certaine sécurité aux acteurs du système, et la transmission
d’une multitude d’informations.
La première caractéristique du système financier contemporain est
l’apparition de nouvelles institutions financières qui remplissent certaines
de ces fonctions, ce sont les fintechs, nées des disruptions technologiques.
La seconde caractéristique du système financier contemporain est
l’interpénétration étroite entre les banques et les marchés. Naguère
séparées, leurs activités se sont irrémédiablement mélangées. C’est ce qui
explique la spécificité, l’ampleur et la complexité de la crise financière
de 2007-2009 : c’est la première crise des banques dans les marchés.
Les réformes financières impulsées par le G20 ont eu pour objet de
renforcer la sécurité du système financier.

88. – Intermédiation / Désintermédiation


On mesure l’importance et la nature du système financier dans une
économie et dans le financement des entreprises par le niveau plus ou
moins élevé de deux ratios : le ratio des crédits à l’économie au PIB qui
caractérise le rôle du système bancaire et des institutions de crédit et le ratio
de la capitalisation boursière des entreprises cotées au PIB qui reflète la
place du marché financier dans l’économie.
Les proportions de ces deux ratios varient selon la nature des systèmes
financiers. Lorsque le premier domine l’autre, on dit que l’économie est
financièrement « intermédiée » (cas de l’Allemagne et du Japon
notamment), et dans le cas inverse « désintermédiée » (cas des États-Unis et
de la Grande-Bretagne).
La France se situe entre ces deux groupes de pays. Mais en France
comme dans le reste du monde, la tendance générale a été à la
désintermédiation du financement de l’économie, la part des financements
par les marchés financiers gagnant en importance relative par rapport à celle
des financements par le système bancaire et les organismes de crédit, ce qui
n’a pas été sans impact sur la nature et l’organisation de toute l’industrie
financière.

89. – Banques de financement et d’investissement


Les banques de financement et d’investissement (BFI) sont une bonne
illustration d’une certaine pérennité des fonctions financières même si les
institutions financières qui les assument changent.
Les BFI sont avec le Private Equity les successeurs des banques
d’affaires en France ou des merchant banks anglaises. Les banques
d’affaires tissaient un réseau de relations industrielles et financières par les
participations significatives qu’elles avaient dans des entreprises
industrielles et commerciales et accompagnaient leur développement en
s’occupant prioritairement de leur haut de bilan, du Corporate Finance
dirait-on aujourd’hui, c’est-à-dire de leurs émissions d’actions, de leurs
crédits, de leurs fusions/acquisitions avec d’autres entreprises. C’est
aujourd’hui l’activité de banque de financement et d’investissement des
banques françaises, qui assument pleinement cette fonction de Corporate
Finance, mais sans avoir de participations dans les entreprises qu’elles
conseillent. Les BFI ont par ailleurs une fonction importante de
sales/trading/research, c’est-à-dire de courtage en valeurs mobilières,
fonction assumée autrefois par les brokers/jobbers en Grande-Bretagne et
les agents de change en France. Le troisième volet de leur activité est la
gestion d’actifs (asset management) à l’égard de laquelle elles ont érigé une
véritable muraille de Chine en la filialisant. Avant la crise, certaines
banques de financement et d’investissement avaient développé une
importante activité de gestion pour compte propre, ce qui faisait dire que
certaines d’entre elles étaient devenues de gigantesques hedge funds
(→ 83). Les banques françaises ont adopté le modèle de la banque
universelle, avec une importante activité de banque de détail en plus des
activités de BFI.

90. – Introduction en Bourse


L’introduction en Bourse (Initial Public Offering ou IPO en anglais) se
fait à la demande des actionnaires de l’entreprise qui souhaitent voir leurs
titres cotés.
Elle permet aux actionnaires vendeurs de monétiser leur patrimoine par
les fonds qu’ils recueilleront de la vente de leurs titres, et de faciliter la
négociabilité des titres qu’ils conservent. Si c’est l’État qui est vendeur, il
s’agit de restaurer les finances publiques et de faciliter l’introduction de
méthodes de gestion plus efficaces. Pour l’entreprise, l’introduction en
Bourse permet de lever éventuellement des fonds (à l’occasion de
l’introduction en bourse ou plus tard), de favoriser les opérations de
croissance externe et d’accroître sa notoriété.
La procédure d’introduction permet de diffuser les titres dans le public
et organise la première cotation. La rencontre entre l’offre et la demande de
titres est faite dans des conditions particulières puisque la valeur d’échange
ne peut être estimée avec certitude. Le marché français offre une palette de
méthodes d’introduction particulièrement riche, et les émetteurs peuvent
choisir entre l’offre à prix ferme (OPF) dans laquelle le prix d’émission est
fixé et annoncé à l’avance et où les ordres des investisseurs ne comportent
que la quantité de titres qu’ils demandent ; l’offre à prix minimal (OPM),
qui représente une procédure d’enchères modifiée ; et l’offre à prix ouvert
(OPO), similaire au placement garanti avec bookbuilding (carnet d’ordres)
existant sur les marchés américains.
Sous la pression des grandes banques internationales, c’est l’OPO qui a
progressivement pris le dessus sur les autres procédures. Comme elle
garantit le placement aux vendeurs à un prix certain, cette procédure les
rassure. Pour les banques qui prélèvent à cette occasion de substantielles
commissions, c’est la plus « juteuse ». Lors de son introduction en bourse
sur NASDAQ en 2004, Google a créé la surprise (une de plus) en
choisissant la procédure de l’OPM, inusitée aux États-Unis, et en assignant
à ses banquiers-conseil un rôle secondaire.
On constate depuis le début du XXIe siècle une diminution du nombre de
sociétés cotées du fait de la réticence des sociétés à s’introduire en bourse,
qui trouvent ailleurs d’autres sources de financement comme le
cowdfunding ou le private equity (→ 56).

91. – Microstructure des marchés financiers


La microstructure des marchés financiers concerne l’étude des
processus qui conduisent à l’échange des titres financiers et les résultats
auxquels ils aboutissent, et analyse dans le détail dans quelle mesure les
processus d’échange affectent la formation des prix des titres, et donc les
coûts de transaction (→ 93).
La microstructure des marchés financiers recouvre un certain nombre de
notions :

le moment de l’échange, ce qui amène à distinguer les marchés dits de


fixing, pour lesquels la cotation et l’exécution des ordres ont lieu à
intervalles de temps réguliers, des marchés continus où la cotation et les
transactions s’effectuent en continu pendant les heures d’ouverture des
marchés ;
la contrepartie de l’échange, avec d’une part, les marchés gouvernés
par les ordres, où les ordres d’achat et de vente des investisseurs sont
directement confrontés dans un carnet d’ordres, et d’autre part, les
marchés gouvernés par les prix (ou marchés de contrepartie) où les
investisseurs doivent transmettre leurs ordres à un intermédiaire teneur
de marché (market maker). Celui-ci affiche continuellement un prix
d’achat (bid) et un prix de vente (ask), et assure la liquidité du marché
en servant les ordres d’achat et de vente ;
le lieu de l’échange, avec les marchés centralisés et les marchés
fragmentés. Un marché est centralisé lorsque tous les ordres pour un
titre doivent être transmis à un même lieu, ce lieu pouvant être un lieu
physique, le parquet où s’effectuent tous les échanges (autrefois le
Palais Brongniart à Paris), ou un ordinateur (c’est le cas du système
UTP d’Euronext). Au contraire, un marché est fragmenté dès lors que le
flux d’ordres pour un titre peut être distribué entre différents lieux. Les
sources de la fragmentation sont multiples : la multicotation ce qui est le
cas aux États-Unis où les titres inscrits sur le NYSE peuvent être
également négociés sur les bourses régionales (Boston, Chicago,
Cincinnati, Pacific, Philadelphie), sur le NASDAQ et même sur des
réseaux privés. La fragmentation se produit aussi dès lors que les
transactions hors marché sont autorisées (c’est souvent le cas pour des
transactions portant sur les blocs de titres). La fragmentation peut enfin
provenir de la structure du marché. Certains marchés ayant de multiples
contreparties sont par nature fragmentés, comme le NASDAQ aux
États-Unis pour les actions, et de nombreux marchés de gré à gré,
comme les marchés interbancaires ou de devises. Enfin la
réglementation, comme la directive européenne MiFID favorisant
l’émergence de plates formes de négociation alternatives aux marchés
organisés nationaux, a accru la fragmentation des marchés d’actions en
Europe.
Il existe d’autres aspects de différenciation dans l’organisation et la
microstructure des marchés financiers, qui concernent la diffusion de
l’information quant au déroulement des opérations et leur degré de
transparence (transactions passées, information sur l’état de l’offre et de
la demande à tout moment) avec divulgation de tout ou partie du carnet
d’ordres, les procédures de stabilisation des cours, le degré
d’automatisation du processus d’échange, la grille des prix
d’intervention (tick), etc.

Avec la globalisation, on constate une convergence des systèmes de


marché vers des marchés dirigés par les ordres (sans contrepartie et avec
confrontation directe des investisseurs) et vers des marchés continus.

92. – Cotation
Une cotation sur un marché financier consiste à fixer l’ensemble des
procédures permettant la production à intervalles donnés d’un prix pour un
titre financier.
Il convient de distinguer les meilleures limites (quotation prices)
figurant sur le carnet d’ordres des intermédiaires agréés des cours de
transactions (transaction prices). Les premières correspondent aux limites
de prix exprimées par les donneurs d’ordres. Les secondes résultent d’une
confrontation, entre l’offre et la demande qui se traduit par une transaction
sur le marché.
Entre l’investisseur final et le marché, des intermédiaires s’intercalent.
Sur un marché d’agence, ils exécutent les ordres de leurs clients ; sur un
marché dominé par les prix, les teneurs de marché affichent leurs prix
d’achat et de vente et sont eux-mêmes contrepartie de leurs clients.
Diverses procédures peuvent être utilisées pour permettre la
confrontation des ordres d’achat et de vente : la cotation à la criée, toujours
utilisée sur certains marchés (NYSE et CBOE), mais en voie de disparition
et remplacée par un logiciel comme le UTP (nouveau système de cotation)
sur Euronext. Les marchés financiers sont devenus des réseaux
informatiques reliant tous les intermédiaires à un système central de
cotation.

93. – Coûts de transaction


Sur le plan de l’économie des marchés financiers, les coûts de
transaction comprennent à la fois les frais de transaction proprement dits, la
fourchette (bid ask spread) et l’impact (éventuel) de l’ordre sur les cours
(market impact).
La fourchette représente une partie non négligeable des coûts de
transaction dans la mesure où l’achat se fait au ask et la vente au bid. Un
achat suivi d’une vente appauvrit donc le donneur d’ordre du montant des
frais facturés et de celui de la fourchette (différence entre le bid et le ask)
qui représente le prix de l’immédiateté. La partie explicite des frais de
transaction, celle facturée au client par son intermédiaire (broker) ainsi que
la fourchette n’ont cessé de diminuer avec le temps, ce qui a favorisé
l’émergence de nouveaux modes de gestion comme le très controversé High
Frequency Trading (HFT).
Pour un investisseur institutionnel, la mesure de l’impact de l’ordre sur
les conditions de l’échange est cruciale, c’est le market impact. Si la taille
de la transaction est importante relativement aux quantités de titres
habituellement échangées sur une valeur, il est probable que cette
transaction perturbe le prix affiché.
Le montant des coûts de transaction n’est pas indépendant de la façon
de libeller ses ordres : le donneur d’ordres « au marché » (qui n’a pas
d’exigence de prix) est demandeur de liquidité, il est pressé et privilégie la
rapidité d’exécution sur le prix. Le donneur d’ordres à cours limité place
son ordre en carnet, maîtrise le prix d’exécution mais prend le risque
d’attendre, voire de ne pas être exécuté. Il est offreur de liquidité.

94. – Blockchain
Les contrats, les transactions et leur enregistrement figurent parmi les
cadres déterminants de nos systèmes économiques, juridiques et politiques.
Ils protègent les actifs et fixent les frontières organisationnelles. Ils
définissent et contrôlent les identités et relatent les événements en détail. Ils
régissent les échanges entre les nations, les entreprises, les communautés et
les individus. Mais ces outils essentiels n’ont pas encore épousé la
transformation digitale et la promesse de la blockchain est d’y contribuer.
Cette technologie, au cœur du Bitcoin et d’autres monnaies virtuelles, est un
registre transparent et distribué de manière décentralisée, capable
d’enregistrer efficacement les transactions entre deux utilisateurs de
manière vérifiable, permanente et irréversible. La blockchain permet
d’imaginer un monde où les contrats seraient encodés numériquement et
stockés dans des bases de données transparentes, partagées, où ils se
trouveraient à l’abri de toute destruction, falsification ou modification. Les
individus, les entreprises, les machines pourraient profiter de cette
technologie disruptive capable de désintermédier les échanges de façon
sécurisée sans qu’il soit nécessaire de passer par des intermédiaires, tels que
des avocats, des notaires, des courtiers, des banquiers, etc. Voici l’immense
potentiel de la blockchain, susceptible d’entraîner une baisse substantielle
des coûts de transaction et d’intermédiation.

95. – Back office


Le back office représente toutes les activités de nature administrative
nécessaires à la bonne fin des opérations financières, qu’il s’agisse
d’opérations de crédit, de transfert de fonds ou de titres, etc., et notamment
la compensation et le règlement-livraison des titres boursiers, dont
l’organisation est à la fois très complexe et très sophistiquée.
La succession d’étapes élémentaires en matière boursière commence à
l’instant du passage de l’ordre d’achat (de vente) et s’achève au moment où,
d’une part, les valeurs achetées (vendues) sont effectivement transférées sur
(depuis) le compte titres de l’acheteur (vendeur), et d’autre part, le montant
correspondant à l’opération est prélevé depuis (transféré sur) son compte
bancaire. La dispersion géographique des opérateurs a conduit à la création
d’organismes de compensation et de règlement-livraison, garantissant la
bonne fin de chaque opération, et qui sont indispensables au
fonctionnement régulier et harmonieux de marchés qui ne sont pas localisés
dans un lieu déterminé.
En Europe, Euroclear et Clearstream offrent ces services de
conservation, compensation, règlement-livraison et prêt de titres sur tous les
actifs financiers négociés sur les marchés internationaux. Ces organismes
tiennent un rôle analogue à celui des gestionnaires des bagages dans le
transport aérien : chacun a ses valises au départ et doit les retrouver sur le
carrousel d’arrivée. Ils sont soit indépendants des bourses, qui dans ce cas,
assument seulement la fonction de transactions, comme Euronext en Europe
et le NYSE aux États-Unis, soit leur sont intégrés comme Clearstream dans
Deutsche Börse en Europe.
Dans les banques de financement et d’investissement (→ 89), le back
office coexiste, mais en principe avec des murailles de Chine, avec le
middle office (contrôle des risques) et le front office que sont les salles de
marchés où les opérateurs (les traders) passent leurs ordres.
Plus généralement, le back office fait partie des infrastructures de
marché dont l’objet est de sécuriser les transactions et l’ensemble du
système financier et qui sont à la fois organisationnelles, informationnelles
et de régulation : marchés organisés, chambre de compensation, dépôts de
garantie, appels de marge, autorités de surveillance et de régulation, etc.

96. – Entreprise de marché


Les bourses de valeurs sont mortes (ou presque). Vive les entreprises de
marché ! Les bourses, lieux physiques de cotation des actions et des
obligations, sont devenues des musées, des centres de conférences, des
lieux de réception et de cocktails professionnels, ou tout cela à la fois,
comme le Palais Brongniart à Paris.
À l’origine, les bourses se sont créées pour faciliter les transactions
financières au sein d’une ville ou d’une région. Pour beaucoup d’acteurs,
les coûts de transport et de communication étant trop importants pour s’y
rendre, les régions avoisinantes se mirent aussi à créer des bourses.
Avec la baisse progressive mais très significative des coûts de
transmission des ordres et de l’information du fait de l’apparition du
téléphone, du télégraphe ou du tickertape, les bourses régionales durent se
concentrer et se consolider autour de la principale bourse. Les progrès
continus des télécommunications ont fait passer le nombre de bourses
indépendantes aux États-Unis de plus d’une centaine à la fin du XIXe siècle
à 22 en 1985, et moins d’une dizaine aujourd’hui.
Jadis, les bourses étaient des mutuelles, ou des coopératives, dont les
membres, qui en étaient les courtiers (brokers), en avaient la propriété et le
contrôle. Puis, elles se transformèrent en sociétés de droit commercial à but
non lucratif, toujours détenues et contrôlées par leurs membres, et ensuite
en sociétés anonymes avec un actionnariat élargi aux sociétés cotées et aux
investisseurs institutionnels. Dans une quatrième phase, et pour une
proportion de plus en plus grande d’entre elles, les bourses devenues
entreprises de marché sont elles-mêmes cotées en bourse.
Le cycle de concentration est aujourd’hui en train de se répéter à
l’échelle de l’Europe, où il y a moins de vingt ans, chaque pays d’Europe
comptait une, voire plusieurs bourses (y compris celles négociant des
produits dérivés) qui prospéraient dans un univers très peu concurrentiel. La
concentration est aujourd’hui en cours. Euronext fédère les bourses de
Paris, Bruxelles, Amsterdam, Lisbonne et Dublin, avec des plates-formes de
négociations communes. Le paysage est loin d’être figé dans la mesure où
les pays d’Europe ont adopté la directive européenne (MiFID) dès 2007
pour susciter davantage de concurrence. Ceci a donné aux institutions
financières la possibilité de procéder à l’internalisation de leurs ordres au
lieu de devoir les négocier sur le marché central, et a favorisé l’apparition
de nouvelles plates-formes de transactions, comme BATS ou Chi-X.

97. – Place financière


Une place financière est une agrégation de ressources humaines, de
compétences, d’informations et de moyens techniques permettant un
développement harmonieux des échanges financiers. Dans une économie
développée, les transactions financières sont réparties sur l’ensemble du
territoire, même si l’on constate une concentration forte de celles-ci, à la
fois en nombre et en montants, en des lieux privilégiés. Une place
financière se reconnaît d’abord sur le terrain : la City de Londres, Wall
Street à New York, le quartier de la Bourse encore à Paris.
Il existe une similitude entre les fonctions économiques d’une place
financière et celles d’une bourse des valeurs, même s’il serait excessif de
les confondre. Si l’objet d’une bourse de valeurs est de réaliser des
transactions portant sur des instruments de marché, il existe beaucoup
d’autres opérations financières comme le crédit ou l’investissement direct
dans des entreprises industrielles qui ne relèvent pas des bourses. Il existe
bien entendu d’autres métiers financiers que celui de gérer les transactions
financières proprement dites.
Il n’empêche que la concordance entre place financière et bourse des
valeurs est une réalité historique. Les métiers de la finance n’échappent pas
au phénomène quasi universel de concentration (clustering) des acteurs
économiques en des lieux privilégiés. La proximité physique est source
pour chacun d’une meilleure efficacité exprimant ce que les économistes
appellent des externalités positives. La performance de chacun est
améliorée du fait de la présence et de l’activité des autres. Les externalités
sont de natures très variées : la proximité facilite la gestion et la circulation
de l’information sur les biens et sur les hommes et la constitution d’un
bassin d’emplois et de compétences au sein d’organisations variées :
agences de notation, courtiers, sociétés de gestion de portefeuille, banques
d’affaires, presse financière, sociétés de services informatiques, instituts de
recherche financière, universités et écoles de commerce, cabinets de conseil
et juridiques… L’intégration des marchés financiers mondiaux change la
nature des liens entre place financière et bourse de valeurs, elle ne les
supprime pas pour autant.

98. – Régulation financière


La régulation financière des marchés financiers, comme celle du
système financier (→ 87) dans son ensemble, a pour objet d’assurer à la
fois la protection des épargnants et le respect des règles de concurrence, la
spécificité du secteur, la stabilité du système financier et la prévention des
risques systémiques. C’est cette dernière caractéristique qui fait qu’aucun
secteur au monde n’est plus régulé que le système bancaire et financier.
Dans le secteur bancaire et financier, la régulation par les seuls
mécanismes du marché se heurte à deux principaux dysfonctionnements :
l’asymétrie d’information dont pourraient pâtir les épargnants et les
externalités négatives consécutives aux catastrophes financières.
Depuis la crise, les autorités de régulation bancaire et assurantielle,
autrefois fragmentées, ont été regroupées dans l’Autorité de contrôle
prudentiel et de résolution (ACPR), l’Autorité des marchés financiers
(AMF) étant chargée de la surveillance des marchés d’actions et de la
protection des investisseurs, et les autorités monétaires (Banque centrale
européenne notamment) surveillant le risque systémique.
À l’exception de la Grande-Bretagne, la plupart des pays connaissent
une multiplicité d’autorités de régulation.
Avec cette fragmentation de la régulation financière, le danger est de
voir chaque régulateur poursuivre l’objectif d’atténuer fortement sinon de
supprimer les risques du secteur dont il a la charge, sans trop se préoccuper
de qui va en hériter. Repasser le mistigri du risque n’est pas conforme à leur
rôle. Aussi depuis 2011 s’est engagé un processus d’harmonisation
européenne des autorités de régulation des pays de la zone euro, pour les
banques (EBA), pour les assurances (EIOPA) et pour les marchés financiers
(ESMA).
Il n’empêche que les autorités de régulation doivent naviguer entre deux
écueils, car, comme le rappelait Proudhon dans son Manuel du spéculateur à
la bourse, « l’abus est donc indissolublement lié au principe, à telle
enseigne que, pour atteindre l’abus, par toutes voies de prévention,
coalition, répression, interdiction, exception, on fait violence au principe ;
pour se guérir de la maladie, on se tue ».

99. – Bâle III et Solvency II


Dès le début des années 1980, un comité de supervision bancaire, dit
comité de Bâle, s’est penché sur l’harmonisation des réglementations
bancaires au sein de l’OCDE et notamment des pays européens, avec pour
objectif d’éviter que les pays ne s’engagent dans un dumping réglementaire.
Cela a donné lieu dès 1989 à Bâle I pour les risques de crédit, renforcé
en 1995 avec la prise en compte des risques de marché, et qui a été
généralisé avec Bâle II en incluant les risques opérationnels (McDonough).
Ces accords, transformés en directive européenne puis transposés dans
chaque réglementation nationale, ont pour socle le respect de ratios de
solvabilité bancaire, dits ratios Cooke. Les deux ratios Cooke (général et
Tier 1) obligent les banques à avoir des niveaux minima de fonds propres et
quasi-fonds propres compte tenu à la fois de leurs risques de crédit, de
marché et opérationnels. Ces accords, susceptibles d’évoluer à la suite des
travaux du G20, renforcent par ailleurs la supervision des autorités de
régulation sur les entreprises bancaires, et donnent un rôle accru à la
direction de la conformité (compliance) au sein des banques, en obligeant
celles-ci à renforcer leurs procédures de contrôle interne.
À la suite de la crise financière, ces réglementations ont été resserrées
pour les banques (Bâle III) et pour les compagnies d’assurances et les
mutuelles (Solvency II) visant au renforcement de leurs fonds propres et du
contrôle de leurs risques.
100. – Microfinance
Non, on ne prête pas qu’aux riches. La finance ne concerne pas que les
entreprises du CAC 40 et les grandes institutions financières, comme
pourrait le faire croire la lecture des 99 premiers mots de cet ouvrage,
même si la taille de celles-ci provoque et suscite des défis financiers plus
divers et plus complexes.
Le concept de microfinance est né de l’observation de la situation
économique des pays en voie de développement. Selon l’économiste
péruvien Hernando de Soto 1, du fait d’un système juridique de droits de
propriété totalement déficient et d’une grande frilosité de leur système
financier, les entrepreneurs de ces pays ne possèdent pas le minimum de
biens à hypothéquer pour obtenir un crédit bancaire, d’un montant aussi
faible soit-il. D’où le développement du microcrédit, mélange de bonnes
volontés et de financiers caritatifs qui détectent les projets (toujours de très
faible montant) et accordent des crédits qui permettent de mettre le pied
à l’étrier à de nouvelles couches d’entrepreneurs. Des dizaines de millions
de personnes dans le monde sont sorties de l’exclusion et de la misère grâce
au microcrédit. En France, des milliers d’entreprises ont été créées grâce à
des prêts ne dépassant pas 5 000 €. Le Bangladais Muhammad Yunus,
surnommé le banquier des pauvres, car inventeur du microcrédit pratiqué au
travers de la Grameen Bank qu’il a créée, a obtenu le prix Nobel de la paix
en 2006.
Ce qui vaut pour les pays en voie de développement vaut aussi pour les
pays développés. Les investissements de création d’entreprises dans ces
pays, même s’ils dépassent les quelques milliers d’euros, ne sont pas en
général d’un montant suffisamment important pour que le système financier
établi s’y intéresse. Certains pays ont officialisé le statut des business
angels en accordant des avantages fiscaux significatifs à ces individus
fortunés pour financer et materner la création et le lancement de ces
microentreprises.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
GLOSSAIRE

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Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
TABLE DES MATIÈRES
Introduction

Chapitre premier - L'économie malade de la finance ?

Chapitre II - Que nous disent les marchés ?

Chapitre III - Valoriser et créer de la valeur

Chapitre IV - Organiser les contre-pouvoirs financiers de l'entreprise

Chapitre V - Comment repasser le mistigri du risque

Chapitre VI - Dis-moi comment tu gères ?

Chapitre VII - Le cadre institutionnel

Glossaire
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
www.quesaisje.com

Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>


1. En fin d’ouvrage, on trouvera par ordre alphabétique la liste des 100 mots avec d’autres mots
qui leur sont liés (ici). Dans le corps de l’ouvrage, et pour leur meilleure compréhension,
certains mots-clés renvoient à d’autres mots-clés, avec indication de leur numéro.
2. Peter L. Bernstein, Against the Gods : The Remarkable Story of Risk, John Wiley, 1996 ;
trad. fr., Plus fort que les dieux, Paris, Flammarion, 1998.
3. Pour une histoire vivante de la théorie financière et de ses inventeurs, voir Peter L. Bernstein,
Capital Ideas, The Free Press, 1992 ; trad. fr., Des idées capitales, Paris, Puf, « Quadrige »,
2008, 2e éd.
4. Cf. Bertrand Jacquillat et Vivien Levy-Garboua, Les 100 mots de la crise financière, Paris,
Puf, « Que sais-je ? », 2013, 5e éd.
5. Traduit en français sous le titre Histoire mondiale de la spéculation financière, Hendaye,
Valor, 2004.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
1. Pour un approfondissement des concepts de ce chapitre et ceux du chapitre VI, voir
notamment Bertrand Jacquillat, Bruno Solnik et Christophe Perignon, Marchés financiers,
gestion de portefeuille et des risques, Paris, Dunod, 2014, 6e éd.
2. Source TRIVAL®, Associés en Finance.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
1. Pour un approfondissement des concepts de ce chapitre, voir notamment Delphine Lautier et
Yves Simon, Les 100 mots des marchés dérivés, Paris, Puf, « Que sais-je ? », 2014, 3e éd.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>
1. Hernando de Soto, The Mystery of Capital, Black Swan, 2000 ; trad. fr., Le Mystère du
capital, Paris, Flammarion, 2005.
Bernard AFOUGHE <afoughebernard2@gmail.com>

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