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I.
Des inégalités multiformes et
cumulatives Les nombreuses sources d’inégalités au sein des sociétés contemporaines L’inégalité est une différence qui se traduit par une hiérarchisation entre les individus (avantage ou désavantage). Les inégalités débouchent sur la stratification sociale (représentation de la société sous forme de groupes sociaux hiérarchisés) qui découle de ce qui est socialement valorisé ou pas. Les inégalités économiques, en augmentation, sont multiples : o les inégalités de salaire (revenu du travail) dépendent de la valeur donnée au poste occupé et du rapport de force entre les salariés et les employeurs ; o Les différences de rémunération ne sont plus légitimées quand on regarde les évolutions : les plus hauts salaires continuent de beaucoup augmenter, alors que les autres ne connaissent qu’une faible évolution. o les inégalités de revenu (revenu du capital, aussi appelé revenu de la propriété ou du patrimoine) concernent les revenus des biens immobiliers, des investissements, de l’épargne ; o Les inégalités en termes de revenu du capital sont plus importantes qu’en termes de salaire. o les inégalités de patrimoine concernent le revenu accumulé au cours d’une vie (héritage, biens immobiliers, etc.). o Les inégalités de patrimoine sont plus importantes que les inégalités de revenu : si le revenu du capital augmente plus vite que le revenu du travail, le patrimoine de ceux qui détiennent des revenus du capital augmentera plus vite, que ceux qui n’ont que leur revenu du travail. o Les inégalités sociales et culturelles s’expriment par un avantage ou un désavantage dans l’accès aux ressources symboliques (le prestige, le pouvoir). On les constate à travers : o les pratiques des individus (pratiques culturelles, comportements de consommation) ; o l’école qui, malgré sa volonté d’égalité des chances, reste discriminante ; o la santé (accès au soins, rapport à la santé, espérance de vie) ; o l’emploi (inégalité devant le risque de chômage) ; o le genre (inégalités hommes/femmes notamment sur le marché du travail). o Les inégalités sont plurielles et multiformes. Des inégalités cumulatives, sources de pauvreté et d’exclusion sociale Les inégalités forment un système. Elles s’engendrent les unes les autres (interdépendance) et créent un processus cumulatif : o les inégalités économiques se cumulent : les inégalités en termes de revenu du travail entraînent ainsi des inégalités en termes de revenu du capital et du patrimoine ; o les inégalités économiques entraînent des inégalités sociales : les conditions d’emploi (précarité, chômage), les conditions de vie ou d’accès aux soins sont liées aux revenus des individus ; o les inégalités sociales se cumulent elles aussi et entraînent à leur tour des inégalités économiques. o Les inégalités économiques et sociales se reproduisent de génération en génération : Pierre Bourdieu a mis en avant ce phénomène de reproduction sociale à travers la dotation différenciée de familles en capitaux économiques, culturels et sociaux. La dotation différente en ces capitaux fait que les enfants des catégories défavorisées commencent l’école avec un désavantage. o Le cumul des inégalités est un vecteur de pauvreté et d’exclusion sociale. o D’après le sociologue Serge Paugam, trois facteurs ont une influence particulière sur la pauvreté : o la situation sur le marché du travail ; o le lien social ; o le niveau de protection sociale. o Serge Paugram détermine alors trois types de pauvreté : o la pauvreté intégrée (pays en développement) avec une large partie de la population considérée comme pauvre mais un lien social fort ; o la pauvreté marginale (pays développés au cours des Trente Glorieuses) avec une faible part de la population considérée comme pauvre ; o la pauvreté disqualifiante (sociétés modernes) avec une fragilisation du marché du travail et du lien social pouvant conduire à l’exclusion sociale. o Le processus de disqualification se fait en trois phases : o la fragilité (sentiment d’échec qui engendre des tensions et un repli sur soi) ; o la dépendance (nécessité d’être aidé par la société) ; o la rupture (marginalisation de l’individu suite à un cumul des difficultés). o Le phénomène d’exclusion sociale est le résultat d’un processus : l’exclusion n’est pas immédiate et la pauvreté peut apparaître comme un échelon de ce processus, car elle fragilise l’individu qui a de ce fait plus de risques de connaître des ruptures de liens. II. La mesure des inégalités économiques : une diversité d’outils Rappel sur les différents concepts de revenu Le revenu primaire est le revenu issu de l’apport de facteur de production. Il comprend o le revenu du travail(ex : salaire) ; o le revenu du capital ou de la propriété (ex : mise en location de biens immobiliers, dividendes) ; o le revenu mixte (rémunération des indépendants). o Le revenu de transfert comprend les revenus issus du mécanisme de la redistribution mis en place par l’État. o Le revenu disponible désigne le revenu dont dispose réellement le ménage pour consommer ou épargner : pour le calculer, on additionne le revenu primaire et le revenu de transfert, puis on soustrait les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales). o Le niveau de vie, ou l’unité de consommation, correspond au revenu disponible divisé par le nombre d’individus qui compose le ménage.
Les outils statistiques de mesure des inégalités : des outils quantitatifs
et qualitatifs Parmi les outils quantitatifs, la comparaison de données peut se faire via : o la disparité, qui permet de mesurer les inégalités de salaires ou de revenus entre deux catégories ; o la dispersion, qui permet une analyse plus fine en s’intéressant aux inégalités à l’intérieur d’une catégorie de population (écart interquartile). o Parmi les outils quantitatifs, on trouve aussi des représentations graphiques : o la courbe de Lorenz met en évidence la concentration des données observées : plus la courbe est éloignée de la bissectrice, plus la concentration est forte, plus les inégalités sont fortes ; o le coefficient de Gini se calcule à partir de la courbe de Lorenz et mesure le niveau d’inégalité de la répartition d’une variable dans la population : plus le coefficient de Gini est proche de 1, plus les inégalités sont fortes. o Il existe aussi des indicateurs plus qualitatifs davantage rattachés au bien -être social : o le BIP 40 est un baromètre des inégalités et de la pauvreté qui prend en compte les aspects monétaires en ajoutant 6 autre dimensions : le travail, les revenus, le logement, l’éducation, la santé, la justice ; o l’indicateur de bien-être de l’OCDE est un indicateur du « vivre mieux » qui permet de comparer les pays selon différents critères considérés comme essentiels au bien-être. Cet indicateur met en évidence des inégalités verticales (disparités entre tous les membres de la société), des inégalités horizontales (inégalités entre catégories ayant des caractéristiques spécifiques) et un niveau de privation (proportion de personnes vivant en dessous d’un certain niveau de bien-être).
La dynamique des inégalités
Les outils de mesure des inégalités, qu’ils soient quantitatifs ou qualitatifs, permettent de mettre en évidence la dynamique des inégalités, c’est-à-dire leur transmission dans le temps. Durant les Trente Glorieuses, on note une réduction des inégalités et une homogénéisation des sociétés : on parle de moyennisation. Cette moyennisation s’explique par les crises économiques, les contestations sociales, la création de l’État-providence et processus de massification et de relative « démocratisation » de l’école Depuis les années 1980, on note une dégradation du marché du travail (chômage et précarisation) et des inégalités économiques qui se creusent de nouveau (inégalités face à l’emploi, évolution des revenus du patrimoine) et des inégalités sociales et culturelles qui perdurent mode de consommation, accès au soin et aux études, etc.). Par ailleurs, les inégalités ont tendance à se poursuivre de génération en génération. La « courbe de Gatsby » met en relation le coefficient de Gini (inégalité des revenus sur une génération) et l’élasticité intergénérationnelle des revenus (différence de revenus entre des générations différentes). Cette approche renvoie aux concepts de mobilité sociale et d’égalité des chances : une parfaite mobilité sociale implique une élasticité égale à 0. Or, en France, l’élasticité intergénérationnelle des revenus est forte (4), ce qui sous-entend que la mobilité sociale est relativement faible.
III. Pouvoirs publics et justice sociale
L’idéal démocratique et les différentes formes d’égalité L’égalité des droits désigne l’égalité juridique (égalité devant la loi). Les droits peuvent être sous forme : o de libertés (droits civils et droits politiques) ; o d’actions des pouvoirs publics (droits économiques et sociaux). o Pour Alexis de Tocqueville, la démocratie est caractérisée par trois éléments : o l’égalité des droits ; o la mobilité sociale ; o un esprit d’égalité. o Ces trois éléments peuvent être réunis dans le concept d’égalité des conditions ou égalité des chances. L’idéal démocratique se caractérise par une égalité des droits et des chances et veut tendre vers une égalité des situations (égalité réelle). o Avec l’avènement du système de protection sociale, les inégalités de situation ont eu tendance à se réduire jusque dans les années 1980, mais certaines inégalités augmentent de nouveau ces dernières années.
La recherche de justice sociale
Le concept de justice sociale (garantie des droits et mise en place d’une solidarité collective) est mis en application par l’État-providence, à travers un système de redistribution chargé de corriger les inégalités de situations. Il y a trois conceptions de l’État-providence : o le modèle corporatiste (redistribution horizontale, assurance contre les risques sociaux encourus par les travailleurs via des cotisations) ; o le modèle libéral (redistribution verticale, assistance des plus démunis contre la pauvreté) ; o le modèle universaliste (redistribution verticale, assistance des citoyens contre les inégalités). o La France a un modèle hybride : corporatiste par le système de sécurité sociale, libéral par le principe de l’impôt sur le revenu et universaliste par la couverture maladie universelle ou encore les services publics gratuits. o Il existe deux conceptions de la justice sociale : o l’une se fonde sur une redistribution égalitaire (principe d’universalité) : tous les citoyens doivent bénéficier du même traitement quelle que soit leur situation ; o l’autre se fonde sur une redistribution équitable (principe d’équité) : il s’agit de tenir compte des situations de chacun (ex : prestations sociales).
L’intervention des pouvoirs publics en France et leur efficacité
Les pouvoirs publics interviennent en faveur de la justice sociale par :
o la redistribution horizontale (cotisations) ou verticale (impôts) qui permet
notamment de générer des revenus de transfert ; o la mise en place des services publics gratuits ou présentant une tarification basse ; o la mise en place d’une discrimination positive (quotas). o Depuis quelques années, l’État-providence est remis en cause selon trois axes : o une crise d’efficacité, qui se traduit par l’incapacité de l’État à résoudre le problème du chômage de masse, des inégalités et de la pauvreté ; o une crise de financement (problématique de l’impôt par exemple) ; o une crise de légitimité avec l’idée que l’État créerait des trappes à pauvreté et à chômage.