5 Arthrites Microcristallines
5 Arthrites Microcristallines
5 Arthrites Microcristallines
Goutte et pseudogoutte
Les arthrites microcristallines constituent un groupe d’arthrite secondaire à la déposition de cristaux
intra-articulaires. Les formes les plus fréquentes sont la goutte (cristaux d’urate monosodique), la
pseudogoutte (cristaux de pyrophosphate de calcium dihydraté, CPPD). D’autres formes beaucoup plus
rares sont celles associées aux phosphates de calcium (cristaux d’hydroxyapatite), d’oxalate de calcium
(ne survient presqu’uniquement en présence d’insuffisance rénale chronique sévère) et les cristaux de
cholestérol (dans l’hypercholestérolémie familiale).
La goutte
La goutte est la maladie inflammatoire articulaire la plus fréquente chez les hommes de plus de
40 ans. La goutte résulte de la précipitation de cristaux d’urate monosodique dans les tissus, généralement intra-
articulaires ou périarticulaires. Extrêmement rare avant l’âge de 40 ans, elle est bien sûr l’arthrite microcristalline la plus
courante. Les hommes sont beaucoup plus à risque; les femmes étant rarement touchées avant la ménopause.
Plus l’hyperuricémie est importante et durable, plus la probabilité de goutte est grande et les symptômes sont
sévères. Le taux d’acide urique est élevé dans la plupart des cas en raison d’une diminution de l’élimination (90 % des
cas) et (dans 10 % des cas) d’une augmentation de la production. On ignore pourquoi certain patient ayant un taux d’acide
urique élevé ne présente jamais de symptômes.
Prise de médicaments : diurétique, ASA à faible dose; médicaments cytotoxiques, acide nicotinique,
Facteurs cyclosporine, éthambutol, pyrazinamide;
pouvant être Consommation d’alcool (bière plus que le vin), prise abondante de nourriture riche en purine ou en fructose;
précipitants Insuffisance rénale;
Traumatisme aigu, période postopératoire.
Crise aiguë
La forme aiguë est typiquement mono-articulaire, soit dans
plus de 85 % des cas. L’installation est brutale en quelques heures, souvent la
nuit. Les signes inflammatoires sont intenses, l’aspect peut même suggérer
une cellulite. Il y a parfois présence d’un peu de fièvre et de leucocytoses sur la
formule sanguine. Une desquamation de la peau peut survenir dans les
semaines après l’épisode aigu.
er
Les articulations les plus touchées sont le 1 MTP (podagre) dans environ 50
% des cas, le tarse, la cheville et le genou. L’atteinte des articulations des
membres supérieurs est rare dans la forme aiguë. Les bourses olécraniennes La ponction articulaire constitue un
et prépatellaires ainsi que les tendons d’Achille peuvent être affectés. La élément crucial dans le diagnostic des
résolution se fait entre 3 à 10 jours en général. 60 % des patients présenteront arthrites microcristallines. Les éléments
une récidive dans la première année et 80 % dans les deux premières années. essentiels sont :
Le tableau clinique dans les formes aiguës est souvent très suggestif. Le Aspect du liquide : trouble, peu
diagnostic différentiel de la podagre est principalement la pseudogoutte. sembler presque purulent;
L’arthrose, l’arthrite psoriasique ou l’arthrite infectieuse doivent aussi Décompte leucocytaire : très
être envisagées. inflammatoire, plus de 2000 cellules
par mm³ souvent 20 à 40 000 cellules,
L’absence d’hyperuricémie n’exclut pas le diagnostic. Le diagnostic devrait être parfois plus;
idéalement confirmé par l’analyse du liquide synovial (cristaux d’urate Examen direct (après la coloration
monosodique intracellulaire durant une crise). Il faut refaire la ponction par le Gram) et la culture;
articulaire quand il existe un doute diagnostique lors des épisodes récurrents. Recherche de cristaux.
Le taux d’acide urique est normal dans 50 % des cas lors de la crise. Le meilleur moment pour mesurer le taux d’acide urique
e
est deux semaines après la crise. La plupart des laboratoires expriment les résultats en mettant le 95 percentile comme
limite supérieure (495 µmol /litre chez l’homme et 445 µmol /litre chez la femme). Des crises de gouttes peuvent survenir à partir
de 360 µmol /litre, mais sont extrêmement rares lorsque le taux est plus bas.
Traitement de la crise aiguë
Goutte chronique
La forme chronique survient tardivement (10 ans en moyenne)
après plusieurs poussées aiguës inflammatoires. Elle peut être symétrique ou
asymétrique. Le patient présente une atteinte polyarticulaire avec synovites subaiguës
persistantes. En plus des articulations habituelles, la goutte chronique peut affecter les
mains, les pieds, les poignets et les coudes. Il n’y a plus de période intercritique sans
douleur. Les crises sont plus fréquentes et durent plus longtemps.
Le diagnostic différentiel pour la goutte polyarticulaire doit principalement comprendre la
pseudogoutte, l’arthrite séronégative, la polyarthrite rhumatoïde. Une hyperuricémie est
présente dans 80 % des cas, dans la phase intercritique.
Les épaules et les hanches ne sont à peu près jamais touchées. Les tophus sont un des
éléments importants à rechercher à cette phase. Il faut regarder en particulier au niveau du La radiographie, dans
coude, du pavillon de l’oreille, autour des articulations touchées et au tendon d’Achille. Des des formes chroniques
érosions osseuses peuvent être visualisées sur les radiographies des articulations sévères, peut montrer
touchées. L’aspect de ces érosions peut suggérer un diagnostic de goutte. des érosions
caractéristiques.
Syndrome métabolique
Un taux d’acide urique inférieur à 360 µmol/litre est visé. Un traitement prophylactique (AINS ou colchicine) doit être
administré pendant trois à six mois jusqu’à ce que les taux d’acide urique se normalisent.
< 100 ml/min : Une dose élevée (300 mg) doit être évitée
Si clairance :
< 60 ml/min : 200 mg id est acceptable
Dose
< 40 ml/min : 150 mg id est acceptable
d’allopurinol
< 20 ml/min : 100 mg id est acceptable
Ces doses peuvent ne pas être suffisantes pour atteindre un taux d’urate sérique < 360 µmol /litre.
NÉPHROLITHIASES
Des lithiases d’acide urique surviennent chez 10 à 25 % des patients souffrant de goutte. L’incidence
est fortement corrélée au taux d’acide urique. Les épisodes de néphrolithiase dans 40 % des cas
surviennent avant les crises articulaires. À noter que les lithiases calciques sont 10 fois plus
fréquentes chez les patients goutteux que dans la population en général.
NÉPHROPATHIE CHRONIQUE
Une maladie tubulo-interstitielle chronique peut survenir dans un contexte d’hyperuricémie chronique secondairement au dépôt
des cristaux d’urate dans l’interstitium médullaire. Ce problème, autrefois fréquent, est devenu très rare avec le traitement de la
goutte. Elle était souvent associée à d’autres formes d’atteintes rénales secondaires à l’hypertension, au diabète ou à
l’athérosclérose.
NÉPHROPATHIE AIGUË
Dans de rares cas, les cristaux d’acide urique peuvent amener une néphrite tubulo-interstitielle aiguë. Il y a déposition des
cristaux dans la lumière des tubules rénaux et une insuffisance rénale aiguë oligurique ou anurique en résulte. Ce problème
survenait, en général, secondairement à une lyse tumorale lors d’un traitement d’un lymphome, d’une leucémie ou d’une autre
maladie myéloproliférative. Un traitement préventif est maintenant donné et cette problématique est devenue très rare.
La pseudogoutte Maladie aux dépôts de pyrophosphate de calcium (CPPD) souvent appelée pseudogoutte.
Cette arthrite est très rare avant l’âge de 60 ans et touche les femmes autant que les hommes. La pseudogoutte décrit
avec précision les poussées aiguës de synovite provoquées par les cristaux de CPPD, semblables sur le plan
clinique à une crise de goutte. Il existe des formes familiales.
La présentation sous forme de monoarthrite représente environ 50 % des cas. La
synovite a un aspect clinique très semblable à la goutte. La crise sans traitement dure
d’une à quatre semaines. Le genou est l’articulation la plus souvent touchée. L’atteinte
des poignets et des chevilles est assez fréquente. Le patient peut avoir des symptômes
systémiques : douleur diffuse et être subfébrile (38,5-39°C). Les anti-inflammatoires, les
corticostéroïdes per os ou en injection diminuent la douleur et raccourcissent l’épisode
douloureux.
Un autre mode de présentation est la forme oligoarticulaire, touchant le plus souvent, les
poignets, les genoux ou les chevilles de façon asymétrique ou non. Cette présentation
évolue sur plusieurs mois et peut être ponctuée de crise articulaire aiguë. La CPPD peut
se présenter sous une forme polyarticulaire persistante pouvant ressembler à une PAR.
La chondrocalcinose articulaire désigne la calcification
La calcification des ménisques du genou ou des
visible du cartilage articulaire hyalin à la radiographie. Les
ligaments triangulaires du carpe au poignet peut
ménisques et le ligament triangulaire du poignet sont les sites les constituer des indices d’une arthrite associée aux
plus courants. Elle peut être tout à fait asymptomatique et est très cristaux de pyrophosphate.
fréquente chez la personne de plus de 80 ans. La radiographie
peut aider au diagnostic de la pseudogoutte, mais l’élément
essentiel demeure la démonstration des cristaux de DIAGNOSTIC
pyrophosphate à la ponction articulaire.
Il nécessite l’identification, à la ponction articulaire,
Plusieurs patients ayant une chondrocalcinose radiologique de cristaux de pyrophosphate de calcium intra-
présentent une arthrose dégénérative polyarticulaire sévère cellulaire (les cristaux extracellulaires n’ont pas de
et progressive. C’est le cas d’environ 50 % des patients ayant
une pseudogoutte symptomatique. On doit soupçonner la M ALADIES POUVANT ÊTRE ASSOCIÉES
présence de cette maladie devant la découverte de
• Hypothyroïdie • Hyperparathyroïdie
phénomènes arthrosiques dégénératifs affectant des
articulations habituellement non touchées par l’arthrose • Hémochromatose • Hypercalcémie
telles que les poignets, les MCP et les épaules.
Traitement de Si une maladie métabolique sous-jacente est démontrée, elle sera traitée. Les AINS, la colchicine
la pseudogoutte et les infiltrations de stéroïdes sont utilisés dans les formes aiguës. La colchicine est parfois
essayée en prévention des crises. En présence de monoarthrite ou d’oligoarthrite persistante
malgré les infiltrations de stéroïdes, la synovectomie à l’Yttrium peut être une alternative intéressante.
Auteur : Dr Gilles Côté, M.D., omnipraticien, médecin-conseil, Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent.
Révision : Dre Isabelle Fortin, rhumatologue, CSSS de Rimouski-Neigette.
L’illustration du cœur à
Références : la page 2 est extraite de
l’Encyclopédie familiale
- BUDD, Ralph C., Gary S. FIRESTEIN, Mark C. GENOVESE, Edward D. HARRIS, Jr., Shaun RUDDY, John S. SERGENT de la santé © Les
et Clement B. SLEDGE, Kelley’s Texbook of Rheumatology, Volume I, Seventh Edition, Elsevier Saunders, 2005, 1 916 p. Éditions Québec
- COUTURE, François et Marc HALZELTINE, La goutte : Diagnostic et traitement, Le Rhumatologue, Association des Amérique inc., 2010.
Tous droits réservés.
médecins rhumatologues du Québec, juillet 2001, 1 p.
- TREMBLAY, Jean-Luc, L’examen musculosquelettique, Les Presses de l’Université de Montréal, 2009, 356 p.
- KLIPPEL John H., M.D. Primer on the Rheumatic Diseases, Arthritis Foundation, Edition13th, 2008.
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