7HP06TE0123 Seance6
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Introduction
« Le grand Meccano de l’espace » : c’est par cette expression qu’est souvent désignée la Station Spatiale
Internationale (International Space Station, ISS), qui tourne autour de la Terre depuis maintenant vingt-deux
ans. Une expression appropriée pour décrire le mode de construction du plus grand objet artificiel mise en
orbite par l’Humanité, mais aussi le principe de coopération internationale qui a présidé à son élaboration
et à sa réalisation, caractérisée par l’apport successif et coordonné de modules construits par les agences
spatiales nationales. Les stations orbitales constituent aujourd’hui l’étape la plus avancée des vols habités
dans l’espace. Nées dans le contexte de la guerre froide, elles en ont en partie récupéré l’héritage, tout en
essayant de se distinguer de certains de ses enjeux géopolitiques, pour s’inscrire dans une logique de
coopération entre agences spatiales. En la matière, le poids des puissances américaine et russe reste
considérable : ce sont elles qui ont mis en place les premiers projets, avant de s’investir lourdement dans
celui de l’ISS – piloté et dominé par les États-Unis. Ce pays pèse encore largement sur ce projet aux
enjeux politiques et économiques aussi importants, sinon plus, que ne le sont ses intérêts scientifiques,
censés légitimer son maintien dans l’espace malgré un coût exorbitant. Un objet de coopération
internationale dont les enjeux sont aujourd’hui renouvelés par la reconfiguration de la « course à
l’espace » : entre émergence de nouvelles puissances et développement du secteur privé, c’est toute une
logique encore balbutiante de coopération internationale qui est remise en question par le regain d’intérêt
pour la conquête spatiale.
Assemblage d’un vaisseau Soyouz avec la station orbitale Saliout 7 (Source : Larousse)
Dans cette décennie, la NASA, elle, ne lance qu’une seule station (Skylab) et elle n’est occupée que neuf
mois (mai 1973-février 1974) avant d’être abandonnée. Ses débris retombent sur Terre en 1979. Les
Russes poursuivent le perfectionnement de leur programme et acquièrent une expérience unique en la
Exercice 1
Jean-Loup Chrétien, symbole de la coopération spatiale internationale ?
« Premier Français à [être allé] dans l'espace, Jean-Loup Jacques Marie Chrétien naît le 28 août
1938 à La Rochelle (Charente-Maritime). Après des études au collège Saint-Charles de Saint-
Brieuc puis au lycée de Morlaix, il entre en 1959 à l'École de l'air de Salon-de-Provence, où il
obtient en 1961 le titre d'ingénieur, ainsi qu'une maîtrise en génie aéronautique. Il est alors affecté
comme lieutenant à la cinquième escadrille de chasse, à Orange, où il est breveté pilote en 1962
Jean-Loup Chrétien est le pionnier d’un mouvement de coopération international qui prend de plus en
plus d’ampleur après la mise en orbite de la station Mir. Entre 1986 et 2000, celle-ci accueille des
membres de douze pays, essentiellement occidentaux (États-Unis, Japon) et surtout européens
(Allemagne, Autriche, France, Royaume-Uni, Slovaquie), mais aussi du Moyen Orient (Syrie, Afghanistan)
ou d’Asie centrale (Kazakhstan). Ils représentent près d’un cinquième (25 sur 105) des membres des
trente équipages qui s’y sont succédé. Parmi eux, cinq Français mènent des missions au nom du CNES :
Jean-Loup Chrétien sera ainsi suivi par Michel Tognini (1992), Jean-Pierre Haigneré (1993, 1999), Claudie
Haigneré (première française dans l’espace, en 1996) et Léopold Eyharts (1998). Pour les Russes, il s’agit
certes de favoriser leur désenclavement international, mais aussi de trouver les moyens financiers pour
maintenir une station qui apparaît comme de plus en plus coûteuse dans le contexte de crise économique
qui suit l’effondrement de l’URSS. Ainsi les agences spatiales étrangères doivent-elles régler à leur
homologue russe (RKA, dans les années 1990) un loyer pour que leurs astronautes séjournent sur Mir :
120 millions de francs, soit 18 millions d’euros, pour Jean-Pierre Haigneré, par exemple, en 1998. Un
contrat « donnant-donnant » : s’il permet à RKA de maintenir la station quelques années de plus, il
favorise aussi, pour le CNES, l’acquisition d’un savoir-faire qu’il pourra ensuite utiliser dans son futur
laboratoire au sein de la Station Spatiale Internationale – alors en cours d’élaboration.
Exercice 2
Le rapprochement américano-russe dans l’espace après 1991
Question
En vous appuyant sur le texte, montrez que la fin de la guerre froide se traduit par un changement radical
de perspective entre les deux superpuissances.
Exercice 3
L’accord de création de la Station Spatiale Internationale (1998)
Questions
1. Présentez le document et son contexte.
2. Pourquoi l’ISS est-elle un projet de coopération internationale ?
3. Que prévoit l’accord en matière d’utilisation de la station ?
4. La coopération internationale se fait-elle de manière égalitaire ?
5. Quels éléments montrent que l’ISS hérite son organisation de la guerre froide ?
6. Que signifient les deux derniers paragraphes ?
L’explosion de la navette Columbia (2003) freine toutefois la construction de l’ISS. Elle gêne aussi son
fonctionnement : alors qu’elle est occupée de manière permanente depuis 2000, elle perd dès lors pour
plusieurs mois son principal système de ravitaillement, le programme de navette étant gelé. Les vols de
navette reprennent en 2005, peu avant que la NASA n’annonce leur suspension définitive à l’horizon 2011.
Les problèmes logistiques qui en résultent seront résolus par le recours aux vaisseaux Soyouz, puis aux
entreprises privées par l’intermédiaire du programme COTS. Par ailleurs, le coût de la station s’avérant de
plus en plus élevé, de nombreux modules prévus à l’ajout sont in fine abandonnés, que ce soit par les
États-Unis (module d’habitation, 2006 ; module de propulsion pour rehausser la station) ou par la Russie
(laboratoire spatial, 2007).
Questions
1. Montrez que l’ISS est une construction complexe.
2. Pourquoi sa construction et son assemblage ont-ils été si difficiles ?
3. En quoi l’organisation spatiale de l’ISS souligne-t-elle la coopération internationale ?
Prévue initialement pour un volume habitable de 1200 M3, l’ISS a finalement été amoindrie par les coupes
budgétaires qui ont affecté les cinq agences contributives. Elle n’en reste pas moins le plus grand objet
artificiel placé en orbite (330-420 km) : 420 tonnes d’éléments, sur 110 m. de longueur, 74 de largeur et
30 de hauteur. Un volume d'espace pressurisé de 900 m3 – dont 400 habitables, occupés en permanence
depuis vingt ans par un équipage de six membres qui se renouvelle régulièrement. Jusqu’en 2011, il existe
deux moyens de s’y rendre : soit en utilisant la navette américaine, soit à bord d’un vaisseau Soyouz. Après
le retrait du véhicule américain, l’ISS n’est accessible que par Soyouz, Roscosmos continuant seule à
transporter astronautes, cosmonautes et spationautes. Si ce fait montre la réalité de la coopération
internationale, il en souligne aussi les limites : l’explosion de Columbia a, pendant un temps, hypothéqué
l’avenir de la station, montrant la dépendance de celle-ci au soutien financier des États-Unis. Les
partenaires ont été obligés de trouver d’autres alternatives, telle la mise au point d’un accord permettant
de lancer le vaisseau Soyouz depuis la base spatiale de Kourou, en Guyane, l’utilisation de la fusée Ariane
5 et de l’ATV pour approvisionner l’ISS – ou le recours, pour les États-Unis, à des sociétés privées.
Exercice 5
Le module Columbus, de l’ESA
Question
Quels éléments soulignent la dimension internationale de Colombus ?
Source : Wikipédia
Exercice 7
Quels enjeux pour la station spatiale chinoise ?
« La Chine a dévoilé mardi une réplique de sa première grande station spatiale, symbole des
hautes ambitions du pays dans l'espace, et qui devrait être lancée à partir de 2022 avec pour
objectif de succéder à l'ISS.
Surmontée d'un mannequin en tenue de cosmonaute et floquée de drapeaux chinois rouge et
jaune, l'engin de couleur blanche était une des principales attractions du Salon d'aéronautique et
d'aérospatiale de Zhuhai, dans le sud du pays.
La station spatiale chinoise (CSS), également appelée Tiangong ("Palais céleste") comprendra
trois parties: un module principal long de près de 17 mètres (lieu de vie et de travail) présenté
mardi, et deux modules annexes (pour les expériences scientifiques).
Trois astronautes pourront vivre en permanence à bord de l'engin, d'un poids total d'au moins 60
tonnes et équipé de panneaux solaires. Ils pourront effectuer des recherches en matière de
science, de biologie ou de micropesanteur.
La CSS devrait commencer à être assemblée "autour de 2022". Sa durée de vie est estimée à 10
ans.
Elle devrait ainsi devenir la seule station à évoluer dans l'espace après la retraite programmée en
2024 de la station spatiale internationale (ISS) - qui associe Etats-Unis, Russie, Europe, Japon et
Canada. Elle sera cependant nettement plus petite.
La Chine a par ailleurs annoncé en mai avec le Bureau des affaires spatiales de l'ONU que sa
station serait ouverte "à tous les pays" afin d'y mener des expériences scientifiques.
Instituts, universités et entreprises publiques et privées ont été invitées à déposer des projets. La
Chine en a reçu 40 de 27 pays et régions, des propositions qui doivent encore faire l'objet d'une
sélection, a indiqué en octobre la télévision d'Etat CCTV.
L'agence spatiale européenne (ASE) envoie déjà des astronautes suivre des formations en Chine,
avec l'objectif qu'ils volent un jour à bord de la station chinoise.
Pékin investit des milliards d'euros dans son programme spatial, coordonné par l'armée. Elle
place notamment des satellites en orbite, pour son compte (observation de la Terre,
télécommunications, système de géolocalisation Beidou) ou pour d'autres pays. Elle espère
également envoyer un robot sur Mars et des humains sur la Lune. »
Dépêche AFP, citée par Sciences et avenir, 6 novembre 2018
Philippe Grangereau – [En 2024], date à laquelle l’ISS doit être mise à la retraite, il se pourrait que les
Chinois soient les seuls à disposer d'une station permanente. Faut-il s'en inquiéter ?
Isabelle Sourbès-Verger – Cette perspective, qui était encore d'actualité il y a peu, est en train de
s'éloigner. Les Russes auraient désormais l'intention de poursuivre un programme de station. Ils
veulent conserver leurs modules, y adapter des systèmes d'amarrage et installer de nouveaux
modules. Si les Chinois ou les Indiens veulent les rejoindre, ils se disent prêts à en discuter. […].
Isabelle Sourbès-Verger – Leurs colliers d'amarrage étant similaires à ceux des Russes, au point de
vue technique, rien n'empêcherait les Chinois d'équiper l'ISS de modules à eux. Ils pourraient aussi
s'associer à une station spatiale qui serait reconstituée à partir de certains des modules russes et qui
pourrait alors être sino-russe. En négociant bien, ils pourraient même devenir des partenaires à parts
égales avec les Russes. Quoi de mieux, en termes de prestige, que de remplacer les Américains ?
Seul obstacle : un manque d'intérêt affiché par les Chinois et les Russes pour construire un projet de
coopération de ce type sur le long terme. En attendant, les Chinois poursuivent leur acquisition
progressive de compétences en vue de développer une station autonome. Le lancement, en
septembre dernier, de Tiangong-2 marque la première étape d'un programme complet d'occupation
permanente : lancement d'un véhicule habité fin octobre, amarrage à Tiangong-2, séjour
d'astronautes de deux semaines, puis ravitaillement au printemps par un vaisseau automatique.
Philippe Grangereau – Washington, qui met son veto à l'entrée des Chinois dans l'ISS, n'aurait-il pas
son mot à dire ?
Isabelle Sourbès-Verger – Si les Américains quittent comme prévu l'ISS en 2025, celle-ci mourra de
toute façon. A priori, chacun pourra alors reprendre ses billes même si le démontage du Meccano ne
semble pas devoir être chose facile...
Isabelle Sourbès-Verger – C'est une question qui mérite d'être posée. Le problème est qu'il y a trop
d'inconnues. Je doute que les Américains se retirent de l'ISS sans avoir prévu de projet alternatif. Je
ne crois donc pas à l'hypothèse du monopole chinois sur l'espace en 2025. Ce qui est sûr, c'est que
les expériences de vie dans l'espace conduites par les Chinois poussent les Russes à aller de l'avant.
Les Chinois feront leur petite station, et les Russes une base lunaire ; ou alors les Chinois
construiront une base lunaire, mais n'auront plus assez d'argent pour une station... Un vaste puzzle
est en train de se mettre en place, chaque joueur observant les pièces de l'autre.
Interview d’Isabelle Sourbès-Verger, directrice de recherche au CNRS, par le journaliste Philippe Grangereau, pour Politique internationale
Question
En quoi le programme Tiangong souligne-t-il les limites de la coopération internationale incarnée par la
station spatiale internationale ?
Cette dynamique favorise la montée en puissance des entreprises privées dans le domaine spatial, et n’est
qu’une étape dans la privatisation de l’ISS. Entamée sous la présidence de George W. Bush (2001-2009),
cette privatisation s’est accentuée sous celles de Barack Obama puis de Donald Trump, qui entend ainsi
trouver des acteurs privés capables de prendre le relais sur l’ISS. Rien de certain, toutefois, en la matière :
la rentabilité de ces entreprises est encore sujette à caution, et les repreneurs potentiels des activités de
la NASA ne se bousculent pas. La privatisation de l’ISS n’en est pas moins l’un de ses possibles avenirs,
moins d’ailleurs à des fins scientifiques que commerciales – ou touristiques. En la matière, les Américains
n’innovent pas. Dès le début du XXIe siècle, du fait des difficultés budgétaires qui ont suivi l’effondrement
du bloc soviétique, Roscosmos a offert ses services pour transporter des touristes dans l’espace. Le 28
avril 2001, l’homme d’affaires californien Denis Tito est ainsi devenu le premier « touriste spatial ». Après
avoir suivi un entraînement à la Cité des étoiles, il a effectué un vol à bord d’une mission Soyouz et a pu
s’arrimer à la station spatiale internationale, alors habitée depuis moins d’un an. Sept autres « touristes
spatiaux » lui ont succédé entre 2001 et 2009, dont le dernier est l’un des fondateurs du Cirque du Soleil,
Guy Laliberté. Ces touristes occupaient en général l’une des places attribuées à l’équipe russe, mais
Roscosmos a interrompu la pratique après le passage des expéditions à six membres. En 2019, la NASA a,
à son tour, relancé le projet de tourisme spatial pour faire face aux coûts que lui impose le maintien de
l’ISS.
« Vingt ans après la Russie, la NASA veut se faire rémunérer dès 2020 pour accueillir des touristes de
l'espace et des entreprises dans l’ISS, dont elle cherche à se désengager financièrement.
“La Nasa ouvre la Station spatiale internationale aux opportunités commerciales”, a annoncé Jeff DeWit, le
directeur financier de l'agence spatiale américaine, au Nasdaq à New York. “Elle autorisera jusqu'à
deux missions courtes d'astronautes privés par an”, a précisé Robyn Gatens, responsable de la Nasa
gérant l'ISS. Soit des séjours jusqu'à 30 jours, a précisé la Nasa. Potentiellement, jusqu'à une
douzaine de personnes pourraient ainsi séjourner à bord de l'ISS par an... Mais pas effectuer de
sortie, dans le vide spatial. Ils pourront être de n'importe quelle nationalité. Ces astronautes privés,
comme la Nasa préfère les appeler, devront être transportés exclusivement par les deux sociétés
américaines qui développent en ce moment des véhicules pour la Nasa : SpaceX, avec la capsule
Crew Dragon, et Boeing, qui construit la capsule Starliner. Ces sociétés choisiront les clients et leur
factureront le voyage, qui sera la partie la plus coûteuse de l'aventure : de l'ordre de 58 millions de
dollars par aller-retour, soit le tarif moyen facturé à la NASA par ces deux sociétés pour transporter
ses propres astronautes. Ni Dragon ni Starliner ne sont encore prêtes. En théorie, les capsules
concurrentes doivent être opérationnelles à la fin de 2019, mais le calendrier dépend encore de la
réussite de plusieurs tests. 2020 sera donc le plus tôt pour ces missions privées.Les touristes
paieront la Nasa pour le séjour en orbite: la nourriture, l'eau, les toilettes et tout le système de
support de la vie à bord, développé depuis des décennies par les contribuables américains. Le coût
facturé: environ 35.000 dollars par nuit et par astronaute, selon Jeff DeWit. L'internet ne sera pas
inclus: 50 dollars par gigaoctet. […]. Le changement de politique annoncé vendredi inclut aussi
l'ouverture des parties américaines de la station à des entreprises privées pour des "activités
commerciales et marketing". Cela inclut les start-ups qui développent la fabrication de matériaux en
apesanteur, par exemple. Les fibres optiques sont d'une qualité inégalée lorsqu'elles sont fabriquées
en apesanteur. La Nasa a publié une première grille de prix vendredi, par kilogramme de fret. L'idée
est de développer l'économie de l'espace dans l'espoir de voir le secteur privé reprendre un jour l'ISS,
que les États-Unis devraient arrêter de financer à la fin des années 2020. “Nous voulons devenir
locataire, et non plus propriétaire”, avait expliqué Jim Bridenstine, administrateur de la Nasa, en avril à
des journalistes. »
Conclusion
Née dans le contexte de la guerre froide, la station spatiale internationale (ISS) symbolise l’émergence
d’une logique de coopération internationale dans l’espace. En la matière, les stations Saliout et surtout
Mir ont constitué d’importants précédents historiques : dès le milieu des années 1980, les soviétiques ont
ainsi conviés des membres d’autres agences spatiales, notamment européens, à séjourner au sein de ces
stations qui consacraient alors un savoir-faire qu’ils étaient seuls à maîtriser. Dans les années 1980, les
États-Unis ont imité cette ouverture internationale, poussés d’ailleurs par une même logique financière
(mutualiser les coûts) : c’est dans cette perspective que le projet de station « Freedom » est devenu celui
de l’ISS, associant d’abord l’ESA, JAXA et le CSA à la NASA, avant que RKA/Roscosmos y soient invités à
partir de 1993. L’acte de naissance de l’ISS (accord de 1998), met en place les règles de la coopération
internationale, tout en héritant des logiques de pouvoir de la guerre froide : elle consacre la suprématie
américaine et la supériorité russe, reléguant les autres puissances à des places subalternes. De même la
mise en place et l’approvisionnement du « Meccano » de l’espace reflète-t-elle la hiérarchie des
puissances spatiales, et la dépendance du projet aux États-Unis, qui en sont les principaux propriétaires.
Une forme de coopération internationale dominée par la principale puissance mondiale, mais qui n’en
favorise pas moins l’essor d’une recherche scientifique placée sous les auspices de la coexistence et la
collaboration de chercheurs nationaux au sein de laboratoires qui sont autant d’espaces internationaux.
L’intérêt de cette recherche scientifique est toutefois âprement contesté, étant donné le coût faramineux
qu’elle impose aux budgets des États – autre critique récurrente du projet, qui dépasse aujourd’hui les 150
milliards de dollars. Cette situation a incité les États-Unis, dans un contexte de retour de projets de
stations nationales (Tiangong), à rechercher des alternatives lui permettant de maintenir l’ISS tout en s’en
Lexique
ASC : Asgence Spatiale Canadienne.
ASNC : Agence Spatiale Nationale Chinoise, agence spatiale chinoise.
Astronaute : nom donné aux États-Unis aux membres des vols spatiaux.
Budget spatial : financement alloué par un État à son agence spatiale.
CNES : Centre National d’Études Spatiales, agence spatiale française.
Coopération internationale : coopération de plusieurs pays dans un domaine donné.
Cosmonaute : nom donné en URSS aux membres des vols spatiaux.
ESA : European Spatial Agency, agence spatiale européenne.
JAXA : Japan Aerospace Exploration Agency, agence spatiale japonaise.
Laboratoire de recherche : lieu où sont installés et réunis les éléments caractéristiques de la recherche
scientifique (chercheurs, installations et dispositifs, financements), afin de favoriser ses progrès.
Lanceur : fusée utilisée pour envoyer une charge utile dans l’espace.
Mir : nom de la dernière station mise en orbite basse par les Russes.
NASA : National Aeronautics and Space Administration, agence spatiale étasunienne.
Navette : véhicule qui peut être lancé dans l’espace et revenir sur Terre afin d’être réutilisé.
Orbite : courbe fermée autour de la Terre par un objet artificiel lancé dans l’espace.
ROSCOMOS : agence spatiale russe.
Secteur privé : domaine de l’économie qui ne dépend pas directement de l’État, mais des entreprises, des
organisations ou des associations appartenant à des individus (privés).
Soyouz : nom du principal vaisseau spatial russe, qui peut s’amarrer à l’ISS.
Spationaute : nom donné en France aux membres des vols spatiaux.
Station orbitale : véhicule spatial mis en orbite ou assemblé dans l’espace afin de servir d’habitat et de
lieu de travail à des équipages, notamment à des fins scientifiques.
Tourisme spatial : pratique commerciale des agences spatiales ou d’entreprises privées reposant sur la
privatisation des véhicules spatiaux, dont l’ISS.
5. Quels éléments montrent que l’ISS hérite son organisation de la guerre froide ?
L’héritage de la guerre froide se lit dans la domination étasunienne d’abord, russe ensuite, du projet.
Cette double domination s’explique par leur apport matériel plus important : « [l’accord] confirme le
rôle de chef de file des États-Unis et de la NASA pour la gestion de la station et la coordination
d'ensemble. Il reconnaît la place essentielle des Russes en précisant que les éléments fondamentaux
de la station sont fournis par les États-Unis et la Russie : la station spatiale internationale repose donc
avant tout sur la coopération américano-russe. » L’ISS consacre donc leur supériorité technologique et
spatiale, attestée par d’autres articles, telle que la fourniture des principaux réseaux de communication
spatial et terrestre (article 13), ou encore la mise en œuvre d’une modalité spécifique d’entrée en
vigueur du projet dès lors qu’il a été ratifié par les deux puissances (article 26). Cela montre bien à quel
point la Russie devient le principal partenaire américain de l’ISS après 1993 : l’assemblage commence
dès 1998, alors que l’accord n’est pas encore ratifié par l’Europe.
4. Quel a été l’apport scientifique des recherches qui y ont été menées ?
L’article relativise l’apport scientifique de la mission. S’il reconnaît quelques résultats médicaux, il
souligne que les résultats en la matière sont finalement limités : « on n’évoque plus depuis longtemps
ni médicaments miracles, ni médecine du futur, ni matériaux de science-fiction. Il est vrai que, dans
l’espace, la chimie est instable, du fait des radiations émises par le Soleil et les étoiles. Les
médicaments emportés dans l’ISS se périment à vitesse grand V, alors y fabriquer de nouvelles
molécules… » Au total, selon lui, le principal résultat de ces expériences, qui pour beaucoup se sont
concentrées sur les effets de la microgravité sur le corps humain, serait d’avoir démontré
l’incompatibilité de l’espace et de notre organisme – ce qui, au total, remet là aussi en cause
l’existence même de l’ISS, apogée actuelle des vols habités puisqu’elle permet une présence spatiale
permanente.
5. Quel est ou quels sont, dès lors, l’intérêt ou les intérêts de l’ISS ?
Les intérêts de l’ISS sont peut-être moins scientifiques qu’économiques et politiques. Économiques,
parce que le projet a alimenté la demande industrielle et la recherche technologique depuis vingt ans,
permettant le perfectionnement et la montée en gamme des industries aérospatiales, qui constituent
aujourd’hui des secteurs de pointe pour les économies occidentales. Politiques, car l’ISS reste le
symbole d’une coopération internationale qui perdure en transcendant les clivages sinon les conflits
entre États – même lorsque ceux-ci se ravivent sur Terre.