Commentaire Compose
Commentaire Compose
Commentaire Compose
COMMENTAIRE COMPOSE
Texte 1 : Une évoluée
N’Deye comme on l’appelait était jolie et savait qu’elle était la coqueluche des
garçons des environs. Avant la grève, elle fréquentait l’école normale de jeunes filles, ce
que lui donnait une nette supériorité sur les garçons mais en même temps faisait d’elle
l’écrivain public du quartier. En écrivain leurs lettres d’amour ou leurs requêtes, en
remplissant leurs feuilles d’impôts, elle se sentait de plus en plus éloignée de tous ceux
qui formaient son entourage. Elle vivait comme en marge d’eux ; ses lectures, les films
qu’elle voyait la maintenaient dans un univers où les siens n’avaient plus de place de
même qu’elle n’avait plus de place dans le leur. Elle traversait l’existence quotidienne
comme dans un rêve, un rêve où se trouvait le prince charmant des livres. N’Deye ne
savait exactement qui serait le Prince charmant, ni quelle serait la couleur de sa peau mais
elle savait qu’il viendrait un jour et qu’il lui apporterait l’amour. Dans les livres qu’elle
avait lus, l’amour s’accompagnait de fêtes, de bals, de vacances sur les yachts, de
présentation de couturiers ; là était la vraie vie et non dans ce quartier pouilleux où à
chaque pas, on rencontrait un lépreux, un éclopé, un avorton. Lorsque N’Deye sortait
d’un cinéma où elle avait un de ces chalets faite de neige, de plage où se bronzaient les
gens célèbres, des villes aux nuits éclaboussées de néons et qu’elle rentrait dans son
quartier, elle avait comme des nausées, la honte et la rage partageaient son cœur. En fait,
N’Deye Touti connait mieux l’Europe que l’Afrique, ce qui, lorsqu’elle était à l’école, lui
avait valu plusieurs fois le prix de géographie. Mais elle n’avait jamais lu un livre d’un
écrivain africain, elle était sûre d’avance qu’une telle lecture ne lui aurait rien apporté.
Ousmane Sembène, Les bouts de bois de Dieu, Ed. les presses de la cité, 1960.
COMMENTAIRE COMPOSE
Texte 2