Le Courage de L'audace 12 Parcours Dentrepreneurs de La French Tech (Pierre Aussure) (Z-Library)
Le Courage de L'audace 12 Parcours Dentrepreneurs de La French Tech (Pierre Aussure) (Z-Library)
Le Courage de L'audace 12 Parcours Dentrepreneurs de La French Tech (Pierre Aussure) (Z-Library)
© Dunod, 2021
11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN : 978-2-10083-591-1
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Audaces fortuna juvat
Virgile, Enéide.
à ma famille,
disparue, présente et à venir
Sommaire
Préface
Parcours d’entrepreneurs de la French Tech
C
e livre d’entretiens avec douze finalistes emblématiques et
représentatifs chacun à leur façon du développement de la
French Tech, publié à l’occasion du 20e anniversaire du Prix
IVY du Jeune Dirigeant, témoigne de l’attrait de
l’entrepreneuriat pour les jeunes depuis maintenant une génération.
La vague entrepreneuriale de la French Tech est illustrée par cette série
de conversations avec des personnalités aux profils variés. Avec audace et
courage, ces jeunes entrepreneurs ont développé de nouveaux concepts
qui contribuent à changer le monde et des formes de management qui
sont devenues des sources d’inspiration pour toutes les entreprises.
Le succès des nouvelles approches managériales explique la perte-
d’attractivité des entreprises classiques pour de nombreux jeunes
diplômés qui, même s’ils n’ont pas vocation à créer leur entreprise, font le
choix de la start-up : environnement de travail agile, fonctionnement en
réseau, travail collaboratif facilité. Il est plus facile d’exprimer son
potentiel dans une start-up que dans un grand Groupe.
Aujourd’hui, avec une moyenne d’âge de 35 ans, ces douze jeunes
dirigeants, sélectionnés parmi les finalistes du Prix IVY des dernières
années, ont acquis une expérience sans comparaison avec celle d’une
carrière classique.
Retour en arrière. Comment et sur quels critères ces jeunes diplômés
ont-ils été choisis ? Âgés dans leur majorité de moins de 30 ans à l’époque
de leur participation au Prix, ils devaient avoir finalisé le produit ou le
service de leur start-up et afficher un historique de croissance de
quelques années. Pas de prime au concept comme c’est souvent le cas en
Californie, mais la recherche par les membres du jury, tous dirigeants de
sociétés bien établies dans le secteur de la Tech, des qualités requises de
leurs collaborateurs et de leurs futurs successeurs. Des personnalités hors
du commun, capables de faire la différence dans tout environnement. Le
pari a été de penser qu’il était possible de déceler en tout début de
carrière des profils exceptionnels. Pari tenu. Il ne s’agissait pas de se
substituer aux fonds et de sélectionner le meilleur investissement, mais
de se concentrer sur les personnalités, ce qui bien sûr n’est pas
contradictoire. Jean-Baptiste Rudelle a été sélectionné en 2004, avant
même de créer Critéo. Pierre Kosciusko-Morizet a été Lauréat la même
année, Price Minister n’était pas encore un carton gagnant. Plus
récemment, Jean-Charles Samuelian, fondateur d’Alan, a été retenu par le
jury à un moment où le succès de la licorne d’aujourd’hui n’était encore
qu’une possibilité.
Les personnalités, les raisons de l’entrée en entrepreneuriat, l’ambition et
la volonté, les premiers échecs, la recherche de sortie d’un cadre
prédéfini, l’idéal apparaissent bien à la lecture des entretiens. Il ne s’agit
pas de dessiner le portrait-robot de l’entrepreneur, mais bien de
comprendre les motivations et les parcours de toute une génération.
• LA PASSION DE CRÉER
L’entrepreneuriat est un état d’esprit qui prend sa source dans une soif de
liberté expliquant le rejet d’une carrière de salarié. Il permet de
surmonter les défis, de prendre des décisions et d’assumer des
responsabilités. C’est un besoin constant d’améliorer ses compétences et
d’apprendre de ses erreurs. Avoir une idée innovante pour lancer une
entreprise n’est pas suffisant. Encore faut-il savoir l’exploiter à bon
escient.
Avant même de créer son entreprise, le startuper multiplie les
expériences quasi entrepreneuriales pendant ses études, bien souvent dès
le lycée. Ismael Ould, fondateur de Wynd, normalien, a quitté la faculté
de médecine après 8 ans d’études car il n’a pas voulu devenir un pion
dans le système hospitalier : Président du BDE de son école pendant cinq
ans, Ismaël a développé une plateforme pour de l’événementiel et a
monté des projets associatifs pour des fonds humanitaires avec une
approche business. Même dynamisme et effervescence entrepreneuriale
chez Jean Canzoneri qui, avant ses études à GEM, passionné de musique
hip-hop, produit des albums et développe une activité de street
marketing, puis, pendant ses études, produit un album gratuit téléchargé
des dizaines de milliers de fois, Jiggabourg, reprenant des extraits de
Gainsbourg et de Jay-Z.
Les startupers ont la passion de créer. L’entrepreneuriat requiert de la
créativité, ce qui implique d’avoir une idée qui sorte des sentiers battus,
afin de la mettre en œuvre et construire un business prospère.
Concernant la génération de l’idée, deux approches sont possibles,
bottom up, adoptée par Gary Anssens lors de la création d’Alltricks, ou
top down choisie par Lucien Besse en créant Shippeo en dernière année
de Sciences Po. D’autres start-up ont une approche intermédiaire.
Gary, grand amateur de vélo, était confronté à des besoins de matériel
d’entretien que les magasins ou les sites d’e-commerce de l’époque ne
pouvaient satisfaire en raison de leur offre très limitée et de la longueur
des délais pour mettre les articles à la disposition du client. C’est un
besoin non satisfait qui est l’origine de la start-up. Alltricks démarre avec
une liste de références rapidement étoffée et atteignant aujourd’hui 70
000 articles, avec la promesse de livraison le lendemain à 9 heures de
toute commande passée avant 18 heures la veille. L’offre de services s’est
étoffée avec le temps, et de nouvelles verticales se sont ajoutées : la
course à pied et l’outdoor. Aujourd’hui, la société est devenue une maison
distribuant plus de 600 marques. Tout cela, à partir d’un besoin ressenti
par le fondateur.
Lucien, avant de créer Shippeo, n’avait aucune connaissance particulière
du transport routier ou de la supply chain. À la base de processus de
création, se trouve sa volonté de transformer un secteur. Une approche
macro et analytique lui permet d’identifier le marché du transport routier
en raison de sa taille et une fonction de place de marché mettant en
contact offre et demande de transport. Très vite Lucien comprend grâce
à ses contacts avec les grands donneurs d’ordre que le processus d’achat
de transport est déjà bien au point et que les intervenants sur le marché
n’ont pas besoin de la plateforme qu’il avait envisagé de créer. En
revanche, il déduit de ses conversations que le suivi en temps réel des
expéditions n’existe pas, et qu’aucune solution de tracking n’est-
disponible. Le concept de Shippeo était né !
Jean Canzoneri ne s’est appuyé ni sur une expérience personnelle ni sur
une approche macroéconomique d’un marché. C’est son excellente
connaissance du marché de la vidéo publicitaire et du ciblage qui a
permis la création de deux superbes start-up, l’une à la suite de l’autre. Il
a créé Beezik devenue BeeAd à une époque où la publicité sur internet se
résumait aux bannières. Son idée a été de mettre en place un système
demandant à l’utilisateur de visionner une vidéo publicitaire pour
télécharger un titre de musique gratuitement et légalement. Le succès a
été immédiat : 4 millions d’inscrits en deux ans. Même créativité cinq ans
plus tard avec la création d’Ogury, plateforme technologique de ciblage
publicitaire sur mobile. Ogury permet de cibler avec précision une
audience sans recours à des données personnelles et garantit le respect
de la vie privée des consommateurs. Aujourd’hui, Ogury fait près de
150 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie près de 400 personnes
après avoir levé environ 100 millions de dollars de fonds. Beaucoup des
caractéristiques pouvant conduire prochainement à une introduction en
bourse.
Cette créativité s’accompagne d’une souplesse permettant d’ajuster le
concept en fonction des réactions du marché. Loïc Soubeyrand a créé
Swile pour en faire initialement une plateforme de commande de repas
en groupe, sans penser à l’importance des tickets restaurants. Il décide
alors de pivoter sur la dématérialisation des tickets restaurants, puis
d’élargir son marché à celui des avantages aux salariés. Il a l’ambition
aujourd’hui de capitaliser son succès actuel pour étendre le rayon
d’action de Swile à l’ensemble de l’expérience employé : « from hire to
retire ».
Jonathan Benhamou, en créant Novapost, voulait digitaliser la boîte à
lettres physique en permettant de recevoir dans un espace sécurisé toutes
les factures des fournisseurs de gaz, électricité ou télécoms. Il a vite
constaté que le marché n’était pas mûr et a pivoté sur la dématérialisation
du bulletin de salaire, étape avant de transformer Novapost, rebaptisée
Peopledoc, en portail collaboratif DRH/salariés et finalement devenir le
leader du HR Service Delivery.
papernest, solution permettant au particulier de gérer gratuitement tous
ses contrats, de les souscrire, les résilier, les transférer à tout moment a
été créée par Philippe de la Chevasnerie en se limitant à l’origine au
moment du déménagement, ce qui a permis d’atteindre la masse critique
et de lever des fonds. En l’occurrence, il s’agit plus d’un détour
stratégique que d’un pivot car Philippe avait dès le début la vision de la
plateforme telle qu’elle existe aujourd’hui.
La passion de créer s’inscrit en général au sein d’un collectif. Qu’il s’agisse
de la famille, des amis mais aussi des mentors et des premiers
employeurs, l’appui de l’entourage joue un rôle décisif dans la capacité
d’un entrepreneur à développer une start-up. Dans le cas de Jonathan
Benhamou, fondateur de Peopledoc, c’est Pierre Kosciusko-Morizet,
fondateur de Price Minister, qui a été son premier coach et mentor. Dans
celui de Jean Canzoneri, des business angels ont joué un rôle important
au début de l’aventure, apportant les capitaux initiaux, ainsi que les
conseils opérationnels indispensables à un jeune entrepreneur. Le rôle de
l’entourage peut être plus diffus : Ismael Ould aime s’imprégner et
s’imbiber d’une multitude de conseils et sources d’information. Il n’a pas
un ou deux mentors, mais il discute en permanence avec un petit groupe
de personnes, sans cesse renouvelées. De même, Jean-Charles Samuelian,
fondateur de Alan, essaye d’échanger avec des responsables ayant des
parcours variés et des expériences interdisciplinaires. La création d’une
start-up n’est pas un exercice solitaire.
• TESTER ET AJUSTER
Les start-up ne craignent pas de tester de multiples idées et décident de
ne pas aller de l’avant en cas de fausse route. Elles opèrent par essais et
tentatives, privilégiant l’expérimentation sur les plans préconçus. Elles
n’hésitent pas à écarter les premières pistes envisagées, après avoir
recueilli les réactions et retours des clients, procédant à des ajustements
de leurs produits de façon continue. Une fois les retours des clients
obtenus, les équipes se concentrent sur l’amélioration du produit. Cette
interaction avec les acheteurs potentiels contribue aussi à générer des
idées nouvelles. Chez papernest, par exemple, cette culture du lean
management est très forte. Depuis l’origine, les idées de développement
sont systématiquement testées, et tous les salariés sont invités à proposer
de nouvelles idées. Cette méthode réduit considérablement le risque
d’investir temps et argent dans des produits qui, in fine, ne
rencontreraient pas la demande escomptée.
Le feedback clients est plus important que le secret et la confidentialité.
Pour Benjamin Gaignault, peu importe de perdre l’exclusivité d’une idée.
Il n’y a aucun doute. Il faut itérer, lancer des MVP (minimum viable
product) et faire évoluer le concept ou le produit en fonction du retour de
l’utilisateur. Mieux vaut avoir les réactions des clients potentiels, afin
d’améliorer le produit ou le service, que d’élaborer une version bêta en
interne qui sera de meilleure qualité, mais arrivera trop tard sur le
marché. La proximité avec le consommateur permet un gain de temps et
d’argent et finalement le time to market est amélioré grâce à la souplesse
et à la réactivité des équipes.
Multiplier les tests en acceptant de souvent échouer permet d’identifier
les meilleures opportunités. Il y a peu à perdre et beaucoup à gagner.
Mieux vaut faire preuve de créativité et d’imagination et tester des idées
qui se révèlent mauvaises, plutôt que faire preuve de retenue en craignant
des ratés. Fany Péchiodat, fondatrice de MyLittleParis, a systématisé cette
pratique en mettant en place des bonus calculés sur le nombre d’idées
proposées ayant abouti à des échecs, partant du principe qu’il vaut mieux
libérer les énergies et la créativité.
À l’opposé de la démarche des grands Groupes qui exposent les
prototypes aux clients lors de tests bêta encadrés et orchestrés, les start-
up vont ainsi à la rencontre de l’ensemble des acteurs destinataires du
produit (utilisateurs, acheteurs…) pour recueillir leur avis sur tous les
éléments du business model. Leur développement agile se fait de façon
constante et incrémentale, réduisant les pertes de temps et de ressources.
• APPRENDRE À RECRUTER
Le recrutement est devenu aujourd’hui la priorité des start-up car c’est la
condition sine qua non d’une croissance rapide.
Les start-up ont longtemps été désavantagées dans leurs recrutements
par rapport aux sociétés plus connues qui apportent aux jeunes diplômés
une « sécurité » et une « carrière » qu’une jeune pousse peut
difficilement offrir. Tout cela est de moins en moins vrai car les start-up
ont aujourd’hui le vent en poupe. Il reste néanmoins difficile d’attirer les
meilleurs lorsque la notoriété fait défaut et que les moyens financiers ne
permettent pas de proposer des salaires au niveau du marché. Au début,
il faut apprendre à fonctionner avec des profils inégaux comme le
souligne Benjamin Gaignault. Les premiers collaborateurs sont souvent
ceux qui acceptent d’entrer dans la start-up, pas toujours les têtes de la
short list des candidats finalistes.
Le recrutement, fonction souvent négligée dans les premiers mois
d’existence des start-up, se professionnalise progressivement, au fur et à
mesure que les mauvaises embauches se multiplient. La qualité des
recrutements est primordiale car elle conditionne celle des recrutements
suivants. Il faut faire entrer dans la start-up des collaborateurs non
seulement capables de devenir rapidement très bons dans leur fonction,
mais également susceptibles d’attirer d’autres talents et de recruter.
Les startupers reconnaissent avoir commis beaucoup d’erreurs au début,
puis structurer le recrutement dont ils font progressivement une fonction
prioritaire et organisée. Structurer le recrutement ne signifie pas recruter
comme un grand Groupe pour un poste précis avec la recherche d’une
compétence et d’une expérience pré-définies. Les start-up donnent la
priorité à la diversité des personnalités avec la nécessité absolue de-
recruter des personnes partageant les mêmes valeurs et pouvant bien-
s’intégrer à la culture de la société en croissance. Les recrutements sont
menés avec beaucoup d’échanges sur les comportements, sur ce qu’on
attend des futurs salariés, au-delà de leur expertise, de mises en situation,
tout en s’assurant qu’ils viennent d’horizons variés avec des personnalités
et des caractères différents. Diversité et compatibilité, tel semble être les
maîtres mots des profils recrutés dans les start-up.
Dans ce contexte, le diplôme est souvent un non-sujet. C’est le cas chez
Alltricks créée par Garry Anssens, lui-même autodidacte, qui privilégie
personnalité et compatibilité au diplôme ou même à l’expérience. C’est
également le cas pour des startupers issus des meilleures écoles. Jonathan
Benhamou, diplômé HEC, ne lit pas dans les CV ce qui concerne la
formation du candidat. Il recrute beaucoup au feeling et n’exclut pas des
candidats qui n’ont pas exactement le profil recherché. Fany Péchiodat,
diplômée ESCP Europe, a beaucoup recruté à contre-emploi, même
parfois pour des fonctions techniques. Elle a choisi comme office
manager une boulangère énergique et positive, comme CPO un ancien
médecin, comme directrice de la publicité une ancienne danseuse étoile.
Autant de paris osés – certains, non mentionnés, n’ont pas fonctionné ! –,
mais qui ont eu le mérite de créer une équipe atypique soudée qui avait la
volonté de se réinventer.
C’est l’approche également de Quentin Vacher chez Frichti. À la
recherche avant tout du talent, il a concentré ses recherches sur toutes
les intelligences : analytique, mais aussi comportementale et sociale, le
courage, l’esprit d’entreprise, plus que le CV ou l’expérience. Comme
Fany Péchiodat, il a recruté des talents plutôt qu’une compétence. La
technologie a été créée par une équipe dont le chef n’avait aucune
expérience en e-commerce. Pour monter les cuisines, il a fait appel à un
chef venant de la restauration étoilée, alors qu’en théorie une expérience
de traiteur aurait été plus adaptée.
À la différence de la plupart des sociétés déjà établies, les startupers
recrutent rarement sur des postes à pourvoir. Souvent les candidats ne
savent pas pour quel poste ils sont interviewés. C’est en écoutant le
candidat pendant l’entretien que Frichti envisage progressivement de
l’aiguiller vers tel ou tel poste. Procéder de la sorte permet d’éliminer les
candidats qui ont besoin de clarté ou de précisions impossibles à donner
en phase de démarrage. Dans une deuxième étape, le potentiel de
compétence du candidat est testé à travers des études de cas sur des
sujets a priori inconnus du candidat. Par exemple, une étude de cas de
logistique donnée à un cuisinier permet de bien tester sa créativité et sa
capacité à traiter l’inconnu, ce qui correspond bien aux qualités
nécessaires pour fonctionner dans un univers incertain et changeant.
C’est seulement dans une dernière étape que la fonction envisagée pour
le candidat est présentée et que son adéquation au poste est évaluée.
Chez Alan, Jean-Charles Samuelian cherche lui aussi des collaborateurs
excellents et hors du commun, sans trop d’ego, aimant le débat et
l’échange et ayant envie de grandir. Pour tous les candidats, les mêmes
questions sont posées à chaque étape, peu importe qui fait le
recrutement. L’objectif est d’avoir un panel d’interviewers le plus divers
possible et représentatif de l’entreprise. Tous les employés à tour de rôle
sont impliqués dans les recrutements. Hommes, femmes, non-binaires,
avec les formations les plus variées, tous participent aux recrutements.
La priorité est que le candidat soit placé dans un environnement sain et
égalitaire. Le processus, maintenant bien au point, passe par des
questions écrites, des épreuves, des tests techniques et des échanges sur
le parcours du candidat qui est mis en situation sur un projet pendant
une journée.
Fany Péchiodat qui n’aime pas l’exercice de l’entretien de recrutement et
le jeu de dupe auquel il conduit souvent – chacune des deux parties étant
incitée à survaloriser ce qu’elle est, apporte ou propose – est parvenue à
diviser par deux son taux d’échec en demandant aux candidats finalistes
de prendre trois jours de RTT et de venir travailler dans l’entreprise.
Cette mise en situation permet d’éviter de mauvaises surprises et aboutit
à de bons résultats.
Démarrer sa vie d’adulte par un grave accident et des mois d’hôpital peut changer le
cours d’une existence et vous faire voir la vie différemment : c’est ce qui est arrivé à
Gary Anssens. Après avoir appris « sur le tas » ce qu’était le e-commerce,
Gary Anssens a lancé Alltricks en 2008 qui est vite devenu un site de vente en
ligne incontournable pour les passionnés de vélo, puis de course à pied et
dorénavant d’outdoor.
Lauréat du Prix IVY 2015, Alltricks a fait appel à des levées de fonds, notamment
auprès de Partech Ventures, de l’ordre de 10 millions d’euros.
Gary a revendu Alltricks en 2019 au Groupe Decathlon et compte aujourd’hui plus de
260 collaborateurs avec un chiffre d’affaires de plus de 130 millions d’euros. 2021
s’annonce très prometteur avec un chiffre d’affaires prévisionnel de près de
190 millions d’euros.
Réalisant déjà 24 % de son activité à l’international, Alltricks est présent en Espagne,
Italie, Allemagne et au Royaume-Uni.
Gary a distillé toute sa passion et son engagement dans Alltricks et continue à faire
évoluer Alltricks en créant de nouvelles verticales et en ouvrant des points de vente
physiques en parallèle de l’activité en ligne.
1. 2 avril 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu et quel a été ton itinéraire avant de créer Alltricks ?
J’ai 37 ans, quatre enfants, quatre garçons pour être plus précis. Mon
parcours scolaire jusqu’au lycée est assez classique. J’ai obtenu un
baccalauréat ES, en conciliant ma scolarité avec une pratique sportive. Je
fais du vélo depuis mon plus jeune âge, jusqu’à un certain niveau en
compétition. À la sortie du bac, alors que j’entamais une première année
de fac pour me spécialiser en management dans le sport, j’ai eu un
accident de vélo : je suis tombé de quatre mètres sur la tête et me suis
fracturé trois cervicales et une dorsale. J’ai perdu à ce moment-là l’usage
de la marche et j’ai stoppé complètement mes études.
À vingt ans, cette épreuve marque une étape de résilience et de
construction personnelle incroyable, indispensable à la constitution de ce
que je suis aujourd’hui et du mental que j’ai depuis. Je regarde cet
accident avec un recul positif : j’ai eu énormément de chance, je
remarche, je vis, alors que les suites auraient pu être bien différentes…
C’est une expérience extraordinaire pour en apprendre très vite sur les
relations humaines, sur sa capacité à s’autogérer, à se redresser, à se
reconstruire, à se relever. Tu attends à ton chevet des gens qui ne
viendront jamais, tu accueilles des gens qui viennent et que tu n’attendais
absolument pas.
Mes parents m’ont toujours accompagné dans tous mes projets. Ils sont
également des entrepreneurs à leur manière : mon père est graphiste, ma
mère psychologue. Il y avait déjà une notion de challenge assez forte dans
ma famille : ma mère, comptable de formation, a décidé de devenir
psychologue à l’âge de quarante ans. Elle a suivi les cours du CNED, tout
en « gérant » ses deux enfants, ma sœur et moi.
À l’hôpital, j’ai découvert l’ordinateur parce qu’il fallait bien que j’occupe
mes journées ! En 2003, c’était encore le début du e-commerce. Ça me
tentait, j’avais envie d’entreprendre. J’avais trouvé une source qui me
permettait de racheter des iPod Nano à prix préférentiels que je
revendais en ligne. Cette affaire a duré un an et a été formatrice.
Néanmoins, je n’arrivais pas à trouver les volumes suffisants pour
accompagner la croissance. J’ai décidé de basculer sur un autre projet en
e-commerce pour répondre aux attentes d’un marché qui se structurait :
vendre des pièces détachées et accessoires pour motos et quads importés
d’Asie. Encore une fois, c’était une école très intéressante. Au bout d’un
an, l’entreprise fait plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires, avec une
rentabilité de 10 %. J’étais tout seul, j’accueillais des containers et je
m’organisais pour les faire décharger, ce qui était assez « énergisant » !
Mais en 2008, le marché commence à se compliquer et je décide de
revendre l’entreprise pour un autre projet : Alltricks.
À
vélo seul se sont ajoutés la course à pied et l’outdoor. À force, nous
sommes devenus une maison des marques, avec lesquelles nous
construisons une relation nationale et internationale très forte. Nous en
distribuons à présent 600 !
Et puis, nous avons développé les services. Aujourd’hui, nous sommes
capables de vendre des assurances, des garanties additionnelles, des
licences de la fédération française de cyclisme… Demain, nous pourrons
proposer (c’est en cours de développement) des stages et des voyages
sportifs. Nous avons tout ce qu’il faut pour « doctolibiser » Alltricks.
Nous pourrons fédérer tous les ateliers vélo indépendants de France, par
exemple, pour proposer les services de Alltricks, ceux de Decathlon, et
devenir une plateforme globale avec une offre à 360°. Aujourd’hui, notre
vision est d’être la plateforme à 360° mondiale sur ces trois verticales
sportives, avec un quadriptique qui est très fort. Premier pied : la
communauté. Le deuxième, c’est proposer une offre de produits avec ce
principe d’être une maison des marques : une offre experte, un prix juste,
une marque pertinente. Le troisième pied, c’est le service, dans lequel il y
a deux dimensions : le service adossé au produit (soit l’expérience de
service différenciante que je propose autour de la vente d’un produit par
rapport à la concurrence) et le service stand alone (les services que je
peux vendre sans forcément vendre un produit matériel à côté). Le
quatrième pied, et non des moindres, est notre présence omnicanale et le
développement de magasins en dur. C’est d’ailleurs un projet synergique
fort avec Décathlon. Nous sommes un pure player natif, nous avons des
produits qui valent parfois chers et qui sont souvent très techniques.
Chez Alltricks, nous disons que « rendre Alltricks accessible pour tous et
partout », c’est être disponible en mobile, online via le site et en magasin.
• MANAGEMENT
Comment as-tu recruté tes collaborateurs ?
Au début, de manière très start-up ! Le premier était un client, qui est
toujours chez nous. Il a d’ailleurs le matricule 001, parce qu’il a été salarié
avant moi ! Mes recrutements sont assez atypiques. Je suis un
autodidacte. Je laisse autant de chances à des parcours moins scolaires
qu’à des parcours scolaires. L’expérience professionnelle est le premier
critère chez nous, après la personnalité et la compatibilité avec
l’entreprise. Aujourd’hui, nous avons des profils très variés qui arrivent
parfois par des cabinets de recrutement, d’autres sur du feeling, suite à
une rencontre autour d’un déjeuner, d’autres par ma compagne qui est
DRH et m’accompagnait sur certains recrutements au tout début.
• AVENIR
Dans l’opération Decathlon, quels garde-fous as-tu pu placer
pour que Alltricks garde son originalité au sein d’un grand Groupe ?
Au risque de te surprendre, je n’ai même pas eu le temps de proposer les
garde-fous que j’ai pu avoir en tête. Nous sommes tout de suite tombés
d’accord sur la totale liberté qu’Alltricks conserverait. Chez Decathlon, la
décision est prise au plus proche du projet ou de la problématique locale,
c’est dans l’ADN.
Decathlon n’a aucun intérêt à toucher à la singularité d’Alltricks. Nous
sommes très complémentaires, même si la différence d’échelle des deux
sociétés est importante. Decathlon est un r etailer physique natif quand
Alltricks est un pure player natif. Nous avons beaucoup de choses à nous
apporter. Quand Decathlon veut rendre le sport accessible à tous,
Alltricks est davantage sur un positionnement de spécialiste. Nous
sommes très différents et complémentaires là-dessus. Enfin, le dernier
point porte sur l’offre elle-même, sur le produit. Decathlon, aujourd’hui,
est un formidable concepteur de ses propres produits et propres marques
quand Alltricks est un distributeur et un partenaire idéal pour les
marques nationales et internationales.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Estimes-tu avoir eu de la chance ?
La réponse est oui ! J’ai eu la chance d’avoir eu un accident. Je ne sais pas
si dans ce cas-là, la chance se provoque ! Je vais te raconter une anecdote.
Il y a trois ou quatre ans, j’étais à un dîner avec des business angels
d’Alltricks parmi lesquels Fabrice Besnard, un homme que j’apprécie
beaucoup. Il avait invité son fils qui a mon âge. Ce dernier me dit en plein
dîner : « je voulais te poser une question : est-ce que si tu pouvais réécrire
le jour où tu as eu ton accident, tu le réécrirais différemment ? ». J’ai
repris une gorgée de vin rouge. Après réflexion, je lui ai dit « non, jamais.
En fait si je pouvais réécrire les choses, je les écrirais dix fois de la même
manière ».
Si tu créais aujourd’hui Alltricks, que ferais-tu différemment ?
Je m’associerais peut-être avec des cofondateurs, plutôt que partir seul,
parce que c’est très énergivore et consommateur sur le plan personnel.
J’ai toujours eu une approche frugale dans ma croissance, et je garderais
cet aspect. Néanmoins, et les deux ne s’opposent pas, je pense que si
j’avais l’opportunité de lever des capitaux plus tôt, je le ferais pour gagner
du temps au démarrage.
L’équilibre entre la dilution et l’apport en capital, c’est de se donner une
bonne marche de manœuvre avant de perdre la majorité ! Mais, au-delà
du sujet capitalistique de la dilution, il y a celui du pacte d’actionnaires et
des règles du jeu. Quand on a les mains libres et que l’on dirige comme
on l’entend, il y a moins de sujets à traiter par rapport à la détention de
capital. Je préfère être un petit actionnaire d’un immense gâteau très
appétissant et partagé avec des gens supers que 100 % propriétaire d’un
biscuit sec et rassis !
• CONCLUSION
L’entrepreneuriat en France a-t ’il aujourd’hui atteint
un certain niveau de maturité ?
Je pense qu’on n’a jamais été aussi mature. Il y a beaucoup
d’entrepreneurs et il existe des aides que nous n’avions pas avant. Il y a
une approche de l’entrepreneuriat qui est positive, encouragée et
supportée. Nous n’avons jamais vu autant de levées significatives en
France que ces deux ou trois dernières années. On a désormais un
Président de la République qui tweete et poste sur LinkedIn au sujet des
nouvelles licornes ! Mais il y a encore énormément à faire, évidemment.
Je fais partie des 9 membres cofondateurs de la French Tech Paris-Saclay
et nous nous adressons à environ 500 start-up. Nous assurons cette
mission à côté de nos entreprises gérées au quotidien avec pour vocation
d’accompagner ces start-up, de les éclairer dans leurs premières levées de
fonds, d’organiser des recrutements, en un mot de les faire rayonner sur
le plan local, national et international. Je suis ravi du niveau auquel nous
sommes maintenant parvenus. Deux ans après la création de la French
Tech Paris Saclay, nous savons que nous pouvons aller encore bien plus
loin.
Un serial entrepreneur vit souvent plusieurs vies… C’est bien le cas de J onathan
Benhamou, Lauréat du Prix IVY 2011, qui a cofondé Novapost devenu
Peopledoc et revendu en 2018 à Ultimate Software (coté au Nasdaq).
Devenu le numéro un de la dématérialisation RH en Europe avec ce service cloud de
solutions RH, Jonathan est parti développer la start-up aux États-Unis après avoir
levé plus de 42 millions d’euros auprès de Eurazeo, Alven Capital, Kernel Capital
Partners et Accel Partners, ses partenaires historiques.
En revendant Peopledoc à Ultimate Software, il a continué à accompagner la
croissance de l’entité qui a réalisé en 2020 plus de 100 millions de dollars de chiffre
d’affaires avec 500 personnes.
La crise du Covid a bousculé les choses et Jonathan s’est investi pleinement dans un
nouveau projet : Resilience qui est un outil d’aide à la décision et de suivi des
patients pour les oncologues. Autre sujet, enjeux différents mais toujours
beaucoup de passion du côté de Jonathan qui vit désormais à Madrid…
1. 14 avril 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Je suis Jonathan, père de deux enfants et mari d’une femme-
exceptionnelle. Je vis à Madrid, je suis un entrepreneur avant tout. J’ai
tenté d’être investisseur mais ce n’est pas le métier de mes rêves en ce
moment.
• MANAGEMENT
On parle de l’importance de bien s’entourer :
comment as-tu recruté tes collaborateurs ?
Je ne regarde jamais les écoles. Une personne de cinquante ans qui me dit
qu’elle a fait HEC, je ne comprends pas. Je trouve que c’est une bonne
manière d’avoir ton premier travail mais ça n’a plus de sens après. Pour
les recrutements, je n’ai pas de technique. C’est au feeling. Je n’ai pas de
préjugés sur le parcours des gens. Ce n’est pas parce qu’un candidat a une
expérience un peu étonnante que je ne vais pas le voir. Des gens qui n’ont
pas forcément le profil que tu recherchais sont parfois les meilleurs. Je
m’appuis beaucoup sur les références. Pour moi, c’est important d’aller
chercher un peu plus loin. Je leur fais faire un petit jeu, pendant
l’entretien. J’aime bien voir la manière dont ils pensent. Par exemple, je
leur demande de m’expliquer les règles du foot en deux minutes comme
si j’étais un enfant de cinq ans. Tu vois bien ceux qui ont le cerveau bien
fait et d’autres qui se perdent complètement dans des détails. Il faut au
moins trois ou quatre entretiens avec plusieurs personnes de la société
pour que je prenne une décision. Mais je décide très vite. Je ne me suis
pas beaucoup trompé sur les recrutements. J’ai commis l’erreur de
recruter des personnes trop seniors trop tôt, qui ne mettaient pas les
mains dans le cambouis, ce qui peut porter préjudice à la boîte.
Pourtant il n’est pas naturel que dans une boîte de tech il y ait 50 %
de femmes puisque les promotions d’ingénieurs ne comprennent pas
plus de 15 % de femmes chaque année. Est-ce lié au rôle de Céline Lazorthes ou au
fait que Resilience a un objet médical ?
Il n’y a aucune explication rationnelle à tout ça. On ne se dit pas qu’il faut
recruter une femme ou un homme. Dans notre équipe de data scientists,
il y a trois femmes pour un homme. Mais ce sont les candidats qui nous
contactent ! Ce n’est pas le fruit d’une politique délibérée de notre part.
À
on avait un pot avec toute l’équipe. À la fin, il y avait 100 personnes
chaque jeudi en train de boire des coups ensemble et chaque année un off
site de trois jours avec tous les employés. On est allé à Ibiza, Faro, etc.
Trois jours où on ne travaillait pas mais où nous étions ensemble à faire
la fête. Chacun savait qu’il pouvait travailler de chez lui ou au bureau
comme il le voulait. Nous étions toujours très proches des employés. La
hiérarchie n’existait que lorsque les choses allaient mal, pas quand elles
allaient bien. On a prévu des stock-options pour tout le monde. Il n’y
avait que trois rangs hiérarchiques et l’assistante avait le même nombre
d’actions qu’un data scientist.
Chez Resilience, nous mettons en place le même mode de
fonctionnement. On ne travaille pas le vendredi après-midi. Les salariés
décident de l’activité qu’ils choisissent soit pour l’entreprise (un temps de
formation ou de recherche), soit pour eux-mêmes (sport, hobby, …).
Nous voulons être une entreprise bienveillante et que les employés se
sentent à l’aise. On n’est pas dans un système où la hiérarchie serait
pesante. Ceci étant, il faut qu’il y ait des gens qui décident. En revanche,
quand les gens se mettent d’accord entre eux et que tout va bien, ce n’est
pas la peine d’imposer une hiérarchie.
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ?
Pas très différent. Je suis très heureux dans ma vie. Si je peux être le
même dans cinq ans, en ayant fait un peu bouger les lignes dans le
monde du cancer et permis à quelques personnes de vivre mieux, avec
des personnes en bonne santé autour de moi et toujours la même femme
et les mêmes amis, je signe tout de suite. J’ai une chance inouïe. Je suis
heureux où je suis à Madrid, avec les gens qui m’entourent, dans le projet
que je mène. Il n’y a pas grand chose que j’aimerais changer. Je ne ferai
pas de crise de la quarantaine, je ne me sens pas enfermé dans un truc.
J’aimerais seulement qu’il n’y ait plus de Covid et voyager à nouveau.
Pourquoi as-tu choisi Madrid ?
C’est l’histoire de notre vie avec ma femme. Je m’entendais bien avec le
CEO d’Ultimate et je lui ai dit qu’il serait plus utile pour le Groupe que je
sois basé en Europe. Il me dit : « choisis n’importe quel pays et on ouvre
une filiale ». On avait le choix ! Nous sommes allés voir Londres, on a
essayé deux ou trois grandes villes. Nous ne voulions pas rentrer en
France. Et puis au dernier moment, un ami m’appelle. Il me dit : « c’est
génial Madrid, tu devrais y aller ». On s’est décidé avec ma femme.
Nous n’y étions jamais allés, si ce n’est quelques jours dans notre enfance.
New York d’ailleurs c’était la même chose. Ma femme n’y était jamais allé.
• RETOUR D’EXPERIENCE
Penses-tu avoir eu de la chance ?
Oui, mais au fur et à mesure des années, j’ai un petit peu changé ma
vision de la chance. Beaucoup de gens ont de la chance. La vraie
différence, c’est de savoir la saisir. Oui, j’ai eu plus de chance que d’autres,
mais je pense qu’on a su la saisir au bon moment et nous servir des
opportunités. C’est un mélange de chance et de courage. J’ai fait, à
certains moments, des rencontres extraordinaires qui ont changé la boîte.
Un de nos mentors m’a dit qu’il fallait que je parte aux États-Unis pour
que Novapost décolle. En sortant de ma conversation avec lui, je suis allé
sur un site web pour prendre des billets pour New York. C’est de la
chance de l’avoir rencontré certes, mais je pense que 90 % des gens ne
seraient pas partis à New York.
• CONCLUSION
L’entrepreneuriat en France a-t- il atteint un certain niveau
de maturité ?
Oui ! C’est une révolution, l’entrepreneuriat en France. Nous en sommes
arrivés à un stade où on est proches des États-Unis. Des boîtes lèvent 100
millions toutes les semaines, des entrepreneurs comprennent que
l’international est vraiment leur marché. On est sincèrement en train de
devenir une start-up nation.
Lorsqu’il était à Sciences Po, Lucien Besse ne devait pas se douter que le trajet d’un
camion entre une usine et un magasin deviendrait un sujet central dans sa vie…
Conscient que ce secteur manquait encore cruellement d’informations pertinentes sur
ce fameux trajet, Lucien Besse a cofondé en 2014 Shippeo qui est une solution
SaaS de visibilité de transport routier en temps réel. Aujourd’hui, avec plus de
100 clients actifs dans 72 pays et 8 bureaux en Europe, Shippeo compte plus de
200 salariés.
À la fois déterminé et calme, Lucien a mené de très belles levées de fonds dont la
dernière de 26 millions d’euros qui a été souscrite par Battery Ventures et ses
investisseurs historiques, notamment Partech. Shippeo a ainsi levé pas loin de
60 millions d’euros depuis sa création et a réalisé l’acquisition de Ophone en 2020 en
pleine crise du Covid…
Lauréat du Prix IVY 2018, Lucien Besse avance comme il nous l’avait annoncé à
l’époque avec toujours la même volonté de transformer son secteur.
1. 6 avril 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu et quel a été ton itinéraire avant de créer ton entreprise ?
J’ai toujours baigné dans l’entrepreneuriat par ma famille. J’aime que mon
destin soit principalement entre mes mains. Cela apparaît un peu control
freak, mais c’est la personne que je suis. J’aime à la fois faire confiance aux
gens avec lesquels je travaille et aussi me dire que ce que je ferai dans
quinze ans dépendra principalement de moi. Il y a bien sûr des obstacles
sur la route de l’entrepreneuriat. C’est la volonté d’être maître de mon
destin, transmise par mes parents qui m’a dirigé vers l’entrepreneuriat.
Mon père vient lui-même d’une famille d’entrepreneurs et m’a toujours
poussé à être libre de mes choix.
Est-ce que des mentors t’ont aidé dans le lancement de l’entreprise ? Jouent-ils
encore un rôle aujourd’hui ?
C’est une bonne question. On a eu des conseils qui venaient plutôt du
métier et moins de l’entrepreneuriat. Un de nos premiers business angel,
qu’on considère comme un cofondateur de l’entreprise, est un des anciens
dirigeants de Norbert Dentressangle, l’entreprise de transport routier,
rachetée par XPO. Il nous a beaucoup guidés au départ dans la
découverte du marché. Nous n’avons pas eu de mentors sur
l’entrepreneuriat. Je pense que c’est parce que nous n’en avons pas
rencontré. Est-ce une erreur ? Je ne sais pas. Est-ce que si c’était à refaire
je chercherais un mentor ? Peut-être. J’aurais été ravi d’en avoir un à
l’époque. Les premières personnes qui ont joué un peu ce rôle de mentor,
ou en tout cas de coach, étaient nos investisseurs. Ils ont joué et jouent
toujours un rôle très important pour nous. Ils nous apportent de la
confiance, tout en nous challengeant.
• MANAGEMENT
Comment as-tu choisi tes collaborateurs, quels ont été tes échecs
et tes réussites ?
Un premier élément de contexte avant de répondre : on a créé l’entreprise
à six associés au départ. Nous sommes six cofondateurs. Quand on crée
l’entreprise à six, on a quasiment une petite équipe de volley ball en ordre
de marche pour travailler sur un projet. On n’a pas eu de besoin
immédiat dans les premiers mois car on avait essayé de réunir un peu
toutes les compétences dans notre équipe au départ.
Au quotidien, chacun conserve une grande responsabilité dans les
équipes au sein desquelles il travaille. Certains s’occupent des opérations,
d’autres de la Tech, d’autres du produit… Chacun a sa zone de
responsabilité propre.
Nous sommes aujourd’hui presque 200 personnes. Nos premiers
recrutements nous ont permis de construire le produit. C’était des
recrutements un peu vitaux… Nous n’avions pas de codeur informatique
pour développer la première plateforme. Les premiers recrutements ont
concerné des ingénieurs informatiques, des développeurs qui nous ont
aidés à construire le produit.
Si j’avais à refaire les recrutements d’une manière différente, on ferait
peut-être venir au sein de l’entreprise un peu plus tôt des gens avec une
expérience plus importante, pour nous aider à structurer les équipes. On
s’est retrouvés dans un schéma de pyramide inversée. On a commencé
par construire l’équipe et ensuite on s’est dit qu’on était beaucoup, qu’il
faudrait un manager pour cette équipe. Évidemment, parmi les recrutés,
certains sont devenus managers et ont évolué avec l’entreprise. Je pense
cependant qu’on aurait pu faire entrer encore plus de séniorité au départ.
Poser des bases solides aide à accélérer plus vite. Il y a éventuellement un
petit effet de ralentissement au départ, parce qu’il faut intégrer ces
personnes, qu’elles mettent en place les process avec lesquels elles ont
l’habitude de travailler. Mais une fois tout ça mis en place, on dispose
d’une machine à délivrer qui est beaucoup plus efficace.
La deuxième chose qu’on aurait pu faire différemment, c’est structurer
une équipe commerciale plus rapidement. On a peut-être perdu un peu
de temps. Ce rôle de commercial est malheureusement un peu sous-
estimé en France, notamment dans le monde de la Tech, alors que c’est
en vérité un rôle clé.
Quels sont tes critères de choix quand tu fais appel à des fonds ?
Le fonds que tu choisis est évidemment important et il doit être le reflet
de l’ambition que tu as pour ta société. Des fonds comme Partech,
Battery Ventures, ou d’autres fonds qui sont aujourd’hui à notre capital
nous aident à faire rayonner Shippeo. L’entreprise rayonne par ses
collaborateurs, mais aussi par ses investisseurs ! Beaucoup de critères
sont importants dans le choix : la personnalité de nos futurs board
members, la qualité de l’accompagnement, ou la capacité à nous suivre
sur le long terme. Je pense que sur ces critères, on a fait de bons choix.
On en est en tout cas très contents.
Le deuxième point porte sur la stratégie capitalistique et d’ownership au
sein de Shippeo. On a toujours essayé de mesurer notre capacité à rester
indépendants dans la prise de décision.
Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir des investisseurs qui sont des
soutiens sur l’ensemble de nos décisions tout en nous orientant grâce à
leur expérience.
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ? Et Shippeo ?
Je commence par Shippeo car mon avenir est forcément lié à celui de
Shippeo, et pas l’inverse ! Du moins je l’espère ! On a toujours voulu, à
tort ou à raison, développer une très grosse entreprise. Je pense qu’on a le
droit d’avoir cette ambition-là. Notamment, par rapport à la taille du
marché sur lequel on évolue, celui du transport routier de marchandises.
C’est quasiment 300 milliards d’euros en Europe ! C’est un marché sur
lequel, même en te concentrant uniquement sur l’Europe, tu as de quoi
faire une licorne, de très loin. On n’est pas du tout dans un calcul court-
termiste. Dans cinq ans, Shippeo doit être le leader, le référent sur notre
marché en Europe, voire au-delà.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Estimes-tu avoir eu de la chance ?
Oui, depuis que je suis né, je pense. Mais rien ne va jamais seul, il faut
toujours du travail et des efforts. J’ai eu la chance d’avoir une famille qui
m’a poussé vers l’entrepreneuriat, de faire de belles études, de rencontrer
le bon associé au démarrage de l’entreprise, de nous positionner sur le
marché de la supply chain. On a fait quelques bons choix mais oui, je
pense qu’on a eu de la chance. Par contre si la question était « est-ce que
tu es arrivé là par chance » ? Je dirais non. Mais est-ce qu’on a eu de la
chance ? La réponse est oui.
J’ai rencontré Mathilde à San Francisco, trois mois après son arrivée en 2015. Elle
m’a été présentée par Yseulys Costes, Présidente Fondatrice de Millemercis /
Namely et finaliste du Prix Ivy 2006.
Son potentiel et son énergie étaient évidents.
Ma conjointe gère le customer success de Front en Europe. Elle connaît le
monde des start-up et le monde de l’entrepreneuriat. Même si elle n’a pas
été elle-même entrepreneuse, elle a vécu ces années intenses de forte
croissance. Elle comprend par où je passe, ce que je fais. C’est sûr qu’il est
impossible de dissocier vie privée et professionnelle, en tout cas lors des
premières années. Si on a l’intention de se donner à fond, c’est
impossible.
• CONCLUSION
Dis-moi quelque chose sur toi qui me surprendrait ?
Je suis très prévisible.
Jean Canzoneri, Finaliste du Prix IVY 2015, fait partie des grandes réussites de la
French Tech. Sous son impulsion, deux très belles start-up ont vu le jour et se sont
développées au point de devenir la référence de leur secteur.
Quand Jean Canzoneri cofonde Beezik, devenu BeeAd, il a l’idée de permettre de
charger un titre de musique gratuitement et légalement en visionnant un
spot publicitaire. Cette idée devient un véritable succès et ils se vendent en 2012 à
Ebuzzing qui deviendra Teads donnant ainsi naissance au spécialiste de la diffusion
de formats premium sur les sites medias qui vise une entrée en Bourse à
5 milliards de dollars à Wall Street à l’été 2021.
Repartir sur un autre projet après un tel résultat demande du flair et de l’audace. Jean
et son associé n’en ont pas manqué et ont tout de suite vu grand en créant peu après
Ogury qui permet à des annonceurs de déployer des campagnes publicitaires
sur mobile, en ajustant la campagne au profil des utilisateurs d’une application,
sans utiliser de données personnelles. La licorne Ogury est née et après avoir levé
près de 90 millions d’euros, c’est aujourd’hui 400 personnes qui travaillent chez Ogury
dans 18 bureaux répartis dans le monde et réalisant un chiffre d’affaires de
150 millions d’euros.
Le Sunday Times ne s’est pas trompé et a placé dès 2019 Ogury à la 26e place mondiale
de son classement des sociétés en croissance. En 2020 Ogury était déjà monté à la
16e place… Quand on dit que les idées de Jean deviennent vite des références…
1. 23 avril 2020.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Je me définirais comme quelqu’un d’assez créatif. Depuis tout petit, j’ai
beaucoup d’idées. J’adore construire des choses. Quel que soit le
problème, j’ai une approche différente des autres. Si je vois un obstacle, je
vais être celui qui essaiera de le surmonter quand d’autres taperont
dedans. Je vois tout de suite si on peut faire un échafaudage, monter
dessus, redescendre, faire un trou dans la pierre pour passer ! Il existe
différents styles d’entrepreneurs. Mes qualités sont essentiellement la
créativité et une espèce de vision sur les choses que les autres n’ont pas
forcément.
À
Beezik, pivoté vers BeeAd. À l’époque sur internet il n’y avait que des
bannières. Je me suis dit que pour regarder ou télécharger un titre de
musique, on pourrait aussi regarder une pub vidéo. C’est parti comme ça.
J’ai pensé qu’il fallait mettre de la pub vidéo, que ça rapporterait
beaucoup plus que la bannière. Nous sommes allés voir toutes les
maisons de disque en leur disant : « donnez-nous vos titres quasiment
gratuitement et nous allons mettre de la pub dedans et partager les
revenus ». Le principe est simple : un spot publicitaire, choisi par
l’utilisateur, doit être visionné pour télécharger un titre de musique
gratuitement et légalement.
Thomas Pasquet et moi démissionnons. Notre premier business angel,
via sa SSII, nous permet de développer notre plateforme technique.
Parallèlement, nous négocions avec les maisons de disques et achètons
leurs titres à quelques centimes par download, là où iTunes les achète
0,70 centimes. Après un an de négociations, nous parvenons à un
accord… mais il faut trouver 2,7 millions d’euros pour lancer Beezik.
Nous voyons quasiment tous les fonds parisiens qui refusent, sauf un : un
family office, Axcel Loisirs, géré par Medhi El Glaoui et feu Thierry de La
Brosse.
En 2010, Beezik naît… C’est un gros succès d’audience : 4 millions
d’inscrits en 2 ans. Nous faisons plus de téléchargements que iTunes et
réalisons 2 millions de chiffre d’affaires la première année, mais nous
sommes dépendants des maisons de disque que nous trouvons
capricieuses. Nous décidons alors de proposer notre système de
monétisation de la musique à tous les producteurs de contenu premium.
Je lève à nouveau 2,4 millions d’euros avec un des fonds qui nous suivra
ensuite : Covent Partners. En 2011, la seconde année, nous faisons
6 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est également cette année-là que
je participe à la création de Surikate (rebrandée Mozoo), spécialisée dans
le marketing mobile.
Début 2012, sur un trend de 12 millions d’euros avec 40 employés, nous
sommes approchés par Ebuzzing qui nous propose 30 millions de dollars
et des parts du nouveau groupe pour le rachat de BeeAd / Beezik. L’envie
de continuer seuls est grande mais nous nous sentons prêts pour recréer
d’autres start-up. Nous acceptons donc l’offre. Nous avons beaucoup
hésité avec Thomas, parce qu’on était sur une trajectoire très ascendante.
Mais on avait 27 ans, il y avait plusieurs millions d’euros à la clé. On se dit
« vendons et regrettons ». Ça a changé notre vie et celle de notre famille,
ça nous a mis à l’abri. Ils switcheront tout leur business sur notre modèle
de publicité video sur des sites premium. Ça a très rapidement bien
marché.
Ebuzzing nous demande d’ouvrir dans trois pays dans l’année. Nous
embauchons une quarantaine de personnes. Le chiffre d’affaires double
et passe à 25 millions d’euros. Ensuite, ils ont racheté Teads pour adapter
le modèle au programmatique et ont décidé de renommer le groupe
Teads. Ce sont encore en partie nos fondamentaux qui font la valeur de
Teads aujourd’hui.
• MANAGEMENT
On parle beaucoup de l’importance du recrutement des collaborateurs.
Je me suis raffiné avec le temps. Si je dois parler honnêtement, au départ,
je recrutais au feeling. Au début, ce n’était que ça. Ça ne suffit pas,
maintenant je l’admets. Ensuite, sont venues rapidement dans le process
les prises de références. En creusant, on comprend qu’une petite critique
ou un bémol dans la bouche de l’interlocuteur était souvent à amplifier,
parce que les gens ont de façon naturelle un filtre. Si j’ai un doute
maintenant, je ne recrute pas. Enfin, on a raffiné les process de
recrutement, avec plus de jeux de rôle, des tests métiers, des tests
psychologiques. Aujourd’hui, nous disposons d’un framework de
recrutement qui marche bien.
• AVENIR
Quels sont les différents scénarios pour Ogury ?
C’est un scénario stand alone avec éventuellement une IPO.
On a la sensation d’être en train d’arriver à quelque chose de très solide
pour pouvoir construire dessus. On a vraiment bâti la colonne vertébrale
qui nous permettra d’accélérer et d’être encore plus fort demain. On va
continuer d’accélérer sur notre marché qui est la pub branding pour les
grosses marques. On va pouvoir lancer des offres pour adresser de plus
petites marques et des développeurs d’applications mobiles.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Sur le plan business, estimes-tu avoir eu de la chance ?
Bien sûr qu’il faut de la chance. Si tu ne te bouges pas pour qu’elle vienne,
tu ne la saisis jamais et parfois elle met à rude épreuve ta résilience. Il y a
des alignements d’astres. L’entrepreneur qui te dira qu’il a tout réussi sans
chance est un gros menteur.
• CONCLUSION
Selon toi l’entrepreneuriat en France a-t-il atteint
une certaine maturité ?
Franchement, je ne vois pas de différence entre 2008 quand j’ai créé
BeeAd et aujourd’hui où on parle beaucoup de la start-up nation.
En France, les levées de fonds atteignent quand même 5 milliards d’euros…
Il y a peut-être plus de facilité d’accès aux fonds, c’est vrai… C’est plus
facile de lever. Mais à part ça, l’effort de réussite est le même, ce n’est pas
plus simple qu’hier.
Chercher à simplifier la vie des gens est souvent une source d’inspiration pour créer
une start-up. C’est le cas de Philippe de la Chevasnerie, cofondateur de
papernest, plateforme de simplification administrative qui permet de
déléguer ses formalités de déménagement et ses abonnements de manière
gratuite.
Créée en 2015 à l’issue de ses études à l’X et HEC, Philippe a construit une solution
recommandée par plus de 8 000 agences immobilières partenaires et adoptée par
plus de 700 000 utilisateurs. En levant 10 millions d’euros auprès de Partech Partners,
Index Ventures et Kima Ventures, papernest s’est développée en Espagne, en Italie et
au Royaume-Uni.
En janvier 2021, papernest a signé une alliance avec la plateforme Tink, leader
européen de l’open banking, afin de simplifier l’usage et renforcer l’expérience client.
Philippe, Finaliste du Prix IVY 2018, est aujourd’hui le CEO d’une société qui
compte 900 personnes, en bonne place dans le classement French Tech 120.
1. 30 avril 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Je suis Philippe de la Chevasnerie, un des deux cofondateurs de
papernest. J’ai passé toute mon enfance à la Rochelle. J’ai fait mes études
supérieures à Polytechnique, puis à HEC. J’ai un peu travaillé chez
Goldman Sachs en M&A et dans le conseil en stratégie chez McKinsey.
En 2015, avec mon cofondateur Benoit Fabre, nous avions vraiment à
cœur de créer un business. On a créé papernest qui aujourd’hui compte
un peu plus de 900 collaborateurs, opérant en France, en Espagne, au
Royaume-Uni et nous sommes en train d’ouvrir dans d’autres pays.
• MANAGEMENT
Comment as-tu recruté tes collaborateurs ?
La qualité des premiers recrutements est primordiale car elle va
conditionner celle des recrutements suivants et la création de la culture
d’entreprise. Si on recrute des gens de grande valeur, ils vont eux-mêmes
recruter des gens de très bon niveau par la suite. Inversement, si on
recrute des gens plutôt moyens, ils vont avoir du mal à attirer de
nouveaux talents dans leurs équipes et la qualité va en pâtir.
Les recrutements du début sont très durs : l’entreprise n’est pas connue,
on est peu ou pas attractifs et on n’a pas de produit sophistiqué. C’est
plus un risque qu’autre chose que de venir travailler dans une start-up.
Mais paradoxalement, c’est néanmoins un des moments où le
recrutement est le plus important parce que toute la suite en dépend.
C’est primordial, en rejoignant papernest, d’être à la fois très bon
techniquement mais aussi d’être un bon recruteur. Quand la boîte double
de taille chaque année, chaque manager doit faire monter en gamme son
équipe.
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ?
Quels sont les différents scénarios ?
On a l’ambition de porter papernest à des dizaines, voire des centaines de
millions d’utilisateurs. Dans cinq ans, on se voit toujours à la tête de
papernest qui opérera partout en Europe et sur d’autres continents, en
proposant un service chaque jour meilleur, un service qui puisse apporter
beaucoup de valeur aux utilisateurs. Nous pensons accomplir ce projet en
stand alone avec éventuellement une IPO.
C’est une belle opportunité d’apprentissage et de croissance puisque la
boîte change de dimension chaque année. Cette ambition est exigeante
mais elle permet de se projeter.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Penses-tu avoir eu de la chance dans la vie ?
Évidemment, oui. Ce serait vraiment mentir que de dire que la chance n’a
pas un impact majeur dans l’entrepreneuriat. Pour avoir fréquenté mes
pairs, je vois des gens excellents qui malheureusement échouent et
d’autres sur lesquels je n’aurais pas parié qui réussissent bien. Il y a un
facteur chance qui est fort et il ne faut pas se le cacher. Entreprendre
demande beaucoup de travail. Sans travailler dur, il ne se passe rien. Il
faut un minimum de capacités, mais la chance reste un facteur majeur.
L’entrepreneuriat consiste à se donner l’opportunité de s’exposer à la
chance. Dans le pire des cas, on perd quelques années de sa vie et ses
économies du moment. C’est un privilège que tout le monde ne peut pas
s’offrir cependant. Il faut savoir itérer, changer son approche et retenter
régulièrement, même au sein de la même boîte. C’est ce qu’on fait : on
teste énormément, on a une approche extrêmement lean. La boîte
aujourd’hui n’est pas celle d’il y a trois ans, tout simplement parce qu’on a
fait énormément de tests. La plupart de nos idées ont lamentablement
échoué. Quelques-unes ont permis de faire exploser la boîte et c’est
comme ça qu’on continuera à croître. Se donner la possibilité de faire
beaucoup de tests et d’échouer, de s’exposer à l’éventualité d’avoir
beaucoup de chance. Il y a un énorme upside potentiel et un downside
relativement faible si on fait les tests de manière correcte. Nous sommes
une société où la culture du lean start-up est très forte. On estime qu’on a
peu à perdre à tester mais beaucoup à gagner.
• CONCLUSION
Selon toi, l’entrepreneuriat en France a-t-il atteint un certain niveau de maturité ?
Oui, je le crois. Encore une fois, je n’entreprends que depuis six ans. Je
n’ai pas une vision qui s’étalerait sur dix ou vingt ans. Ce qui semble se
dire en tout cas, c’est que l’entrepreneuriat a énormément changé. Les
capitaux sont là. Il y a encore cinq ans, les valorisations françaises étaient
deux à cinq fois inférieures, pour les mêmes montants levés, aux
valorisations anglosaxonnes. Aujourd’hui, ça doit être encore un peu
inférieur mais c’est sans doute moins le cas. Par ailleurs, il y a aujourd’hui
un vivier de personnes dans le digital et dans la tech bien plus important
qu’auparavant. Il faut quand même savoir que les start-up génèrent 10 %
des CDI signés en France chaque année ! Ce n’est plus anecdotique. Les
boîtes ont de plus en plus d’ambitions. Il y a encore cinq ans, un exit à
200 millions était tenu pour miraculeux. Désormais, mécaniquement, pas
mal de start-up sont sur cette voie… Les investisseurs prennent plus de
risques, investissent plus. Il y a un effet très vertueux, une sorte de cluster
est en train de se créer, avec beaucoup de talents, d’ambition et des fonds
qui permettent de les financer. Auparavant, le cursus honorum consistait
à aller dans la finance et le conseil. Aujourd’hui, les talents vont en start-
up. Il y a eu un vrai shift durant les dix ou vingt dernières années. C’est
pour le meilleur car cela participe à la création de beaucoup d’emplois.
S’attaquer au secteur des auto-écoles, qui avait connu très peu d’évolution, s’est avéré
une véritable croisade pour Benjamin Gaignault qui a cofondé Ornikar en 2013.
L’examen du permis de conduire est l’examen le plus passé en France. En le
rendant plus flexible et plus accessible, Ornikar a formé des centaines de milliers
d’élèves mais également mené de nombreuses batailles juridiques…
Ornikar compte aujourd’hui 200 salariés (contre encore 120 en juin 2020) et a levé au
total près de 150 millions d’euros dont une levée de fonds très remarquée de
100 millions d’euros en 2021 auprès notamment de KKR, Idinvest, Elaia et Bpifrance
via son fonds Large Venture.
Au-delà du permis de conduire, Ornikar a développé une offre d’assurance auto en
ligne et s’est étendu en Espagne et en Allemagne. Finaliste du Prix IVY 2018,
Benjamin a permis à Ornikar de figurer dans le classement French Tech 120 depuis
2019.
En faisant évoluer le débat sur la réforme des professions réglementées et en
rejoignant le Board de France Digitale avec un fort engagement vis-à-vis de
l’écosystème français des start-up, Benjamin a bien montré qu’il faisait partie des voix
qu’on n’a pas fini d’entendre dans la French Tech…
1. 30 mars 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu et quel a été ton itinéraire avant de créer Ornikar ?
Je suis fils d’agriculteur. Je suis né et j’ai grandi à côté de Châteauroux où
j’ai étudié jusqu’à la seconde, avant d’être envoyé en pension à Paris
pendant trois ans à La Salle-Passy Buzenval à Rueil-Malmaison. Mes
parents estimaient que le niveau d’études était peut-être plus qualitatif en
Ile-de-France. Puis j’ai fait un BTS commerce international à Boulogne
pendant deux ans, puis trois ans d’école de commerce à Marseille. Je
n’étais pas submergé de boulot. C’est pourquoi j’ai décidé de finir mes
deux dernières années d’études en apprentissage. J’ai fait deux ans
d’alternance chez SFR en tant que chef de secteur. J’ai eu beaucoup de
chance car on m’a confié pas mal de responsabilités rapidement, suite au
congé maladie d’un chef de secteur. J’avais mon secteur, mon budget, ma
voiture. A 21 ans, je devais animer des espaces SFR et m’assurer que le
niveau des ventes était celui qu’on attendait, accorder des budgets pour
faire des promotions sur tel ou tel forfait, m’assurer de la qualité de
l’ensemble des vendeurs de mon réseau… C’était passionnant, surtout à
cet âge-là. Il y avait plein de challenges comme expliquer leur métier à
des vendeurs de quarante ou cinquante ans alors que vous en avez vingt,
que vous êtes encore étudiant ! C’était un peu compliqué, mais un bon
exercice. Et cela m’a permis d’avoir un pouvoir d’achat bien supérieur à
celui de mes copains d’école de commerce car en apprentissage, vous êtes
payés et ne payez pas non plus votre école. J’ai pu partir pendant six mois
à l’issue de mes études et de mon apprentissage avec sac-à-dos en Asie du
Sud-Est et en Australie, accompagné d’un ami et de ma copine,
entretemps devenue ma femme. Ensuite, j’ai bossé pendant quatorze
mois dans une start-up parisienne en tant que commercial. C’était une
boîte qui installait des réseaux de fibre optique pour relier des sièges
sociaux avec des data centers. Quelque chose de très techos, pas du tout
pour moi. Après quatorze mois où je ne comprenais toujours pas le
produit que je vendais, j’ai décidé en 2015 de monter Ornikar avec mon
premier associé.
Est-ce que des mentors t’ont aidé dans la création de l’entreprise ? Jouent-ils
encore un rôle aujourd’hui ?
Des mentors, pas vraiment. On a des premiers investisseurs qui sont
arrivés huit mois après la création d’Ornikar et qui ont investi alors qu’on
n’avait toujours pas l’autorisation d’être une auto-école. Ils nous ont fait
confiance et ont passé encore plus de deux ans dans une boîte qui n’avait
pas ses autorisations, qui perdait de l’argent et qui était dans une
situation critique. Aujourd’hui, ces investisseurs sont toujours autour de
la table et on l’apprécie, parce qu’ils nous ont beaucoup aidés dans ces
moments difficiles.
• MANAGEMENT
Comment as-tu recruté tes premiers collaborateurs ?
Sur quels critères et principes ?
Les premiers collaborateurs sont ceux qui veulent bien venir avec vous !
Quand vous êtes tout petits et vous avez 20 m2 de bureau au fond d’une
cour un peu glauque dans le 20e, ça n’attire pas toujours. Vous faites
beaucoup d’erreurs, parce que vous recrutez par opportunité, surtout
faute de mieux. Donc, on a fait beaucoup d’erreurs de recrutement !… On
essaie de communiquer et de faire un peu rêver les talents sur notre idée.
Mais c’est très compliqué : vous ne pouvez pas bien payer les gens. Nous
sommes une auto-école, on a déjà vu plus sexy comme secteur ! On a eu
des difficultés d’attractivité. Au début, on apprend à faire avec des profils
très inégaux. Le premier salarié qui est devenu mon associé par la suite
est le meilleur recrutement qu’Ornikar a jamais fait. Il venait d’un fonds
d’investissement qui a travaillé sur la première levée de fonds et a rejoint
ensuite la direction d’Ornikar. Ça a été évidemment un recrutement
formidable, mais on a fait beaucoup d’erreurs à côté.
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ?
Il y a comment je me vois et savoir si j’y parviendrai.
Comment je me vois dans cinq ans ? C’est, évidemment, en train de
diriger avec mon associé une société qui fait un milliard de chiffre
d’affaires avec 2 000 salariés, qui rayonne dans une dizaine de pays et qui
lead la partie éducation routière et prévention, avec l’assurance dans les
pays où nous sommes implantés.
On arrive à engendrer beaucoup de croissance sur l’activité auto-école, à
disrupter un nouveau marché qui est énorme, celui de l’assurance. On le
fait en France et on le réplique en Espagne. On a pour volonté de se
développer très vite à l’international. Ça va à toute vitesse, on adore ça et
pour rien au monde je voudrais manquer ça. Néanmoins, je suis très
vigilant sur un aspect particulier. Ce ne sont plus les bonnes personnes
qui vous aideront à passer la borne de 5 à 50 millions de chiffre d’affaires,
comme ce ne seront pas les mêmes personnes qui vous permettront de
passer de 50 millions à 300 millions… Au bout d’un moment, ce ne sont
plus les bonnes personnes au bon endroit et au bon moment et il faut se
séparer de personnes qui vous ont aidé depuis le début… C’est très
difficile, car il y a forcément de l’affect. Évidemment, il est normal que la
société aille souvent plus vite que les personnes. Ma crainte, ce à quoi je
porte beaucoup d’attention, c’est qu’il n’y a aucune raison pour laquelle ce
principe s’appliquerait pour les salariés et non pour les entrepreneurs. Il y
a un jour où je ne serai plus la personne la plus adaptée. Et il faudra que
j’apprenne à finalement laisser ma place. Un jour ou l’autre, il faudra être
à l’aise avec le fait qu’il faudra recruter des gens meilleurs que nous sur
nos postes actuels.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Est-ce que tu estimes avoir eu de la chance ?
Forcément. Tout d’abord qu’Emmanuel Macron fasse voter une loi sur les
professions réglementées en 2015. J’ai eu de la chance que ce même
ministre deviennent Président de la République parce que, il a plutôt de
« l’affection » pour les modèles comme les nôtres. J’ai eu de la chance de
trouver mon associé en 2015, de trouver les fonds… Si on regarde
maintenant sept ans en arrière, la lucarne était vraiment toute petite pour
arriver là où on en est. On a su prendre les bonnes décisions mais, pour
certaines, on jetait une pièce en l’air. Typiquement, l’assurance auto c’est
un super shift, mais il y a un peu de bol. On aurait pu aller vers la
distribution de véhicules, vers des sujets de financements bancaires…
Aujourd’hui, l’assurance auto cartonne, et voilà !…
• CONCLUSION
Considères-tu que l’entrepreneuriat en France a atteint
un certain niveau de maturité qui manquait auparavant ?
L’entrepreneuriat est une voie qui fait beaucoup plus rêver les étudiants
qu’elle n’a pu le faire. Il y a des statuts d’étudiants-entrepreneurs qui ont
été créés. Beaucoup de choses ont permis l’émergence de
l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, c’est une part très importante des
étudiants qui déclarent avoir envie d’entreprendre à la sortie de leurs
études.
On a encore beaucoup de progrès à faire sur la peur de manquer de
financements. Cette crainte n’est pas fondée : il ne manque pas de
financement en France. Aujourd’hui, vous avez beaucoup de business
angels avec des systèmes fiscaux incitatifs, la BPI, des réseaux comme les
réseaux Entreprendre, des gens qui vous accompagnent dans le
financement de vos idées… Je connais peu de boîtes qui n’ont pas pu
véritablement tester leurs idées faute de financements. Arrivées à un
certain stade, elles peuvent ne plus en trouver parce que la croissance ne
suit pas la vision des entrepreneurs. Néanmoins, quand j’interviens
auprès des jeunes et des étudiants, dans des salons d’entrepreneuriat, c’est
encore la crainte. Je crois néanmoins qu’on peut gagner en maturité sur
les sujets de financements très early stage et pour les plutôt late stage
(levées supérieures à 100 millions), ce qui reste encore trop souvent des
exceptions. On a aussi un vrai sujet de rayonnement. En France, on
travaille sur un marché de 66 millions de personnes : il faut donc avoir un
prisme de développement international si on veut parvenir à faire des
boîtes françaises des leaders mondiaux. Aujourd’hui, on est un peu trop
français dans notre état d’esprit et on met trop de temps à se tourner vers
l’international.
À quel point faut-il que le produit ou le service soit développé avant d’en parler ou
de l’offrir à la clientèle ?
Il faut que le produit permette de développer un user case. Wynd est dans
le marché du BtoB avec une clientèle business, mais en l’occurrence,
l’approche est similaire au BtoC. Un user case trouvant un avantage, un
ROI etc., et voilà ! L’activité peut démarrer. Il faut que la plateforme
propose une feature ou un ensemble de features qui permette d’offrir un
bénéfice et de régler un problème. Il faut que ce problème soit
suffisamment lourd pour que le client investisse du temps à le traiter avec
la plateforme qui est proposée. Il y a huit ans, on a commencé avec le
click and collect. Les gens à l’époque ne comprenaient rien, ils disaient :
« Je ne comprends pas pourquoi si je commande sur internet, je vais
chercher en magasin ! », ce qui paraît aujourd’hui évident. Les gens à
l’époque ne comprenaient pas le modèle mais aujourd’hui, les réflexes
sont pris et le marché existe véritablement et durablement.
• MANAGEMENT
Comment as-tu recruté tes collaborateurs ?
C’est quand même la chose la plus compliquée au monde !… Le
recrutement concentre 98 % de mes échecs dans la boîte. Comment j’ai
recruté ? Tout dépend, il y a eu de tout : de l’instinct, des rencontres, du
réseau amical ou professionnel, du LinkedIn, des cabinets de
recrutement, de la cooptation…
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ? Et comment vois-tu Wynd ?
Je ne serai plus du tout opérationnel chez Wynd parce que c’est le sens de
l’Histoire. Je me vois plutôt Président, au niveau du board. C’est très
important vue la taille que Wynd atteindra à terme. Wynd sera le leader
européen sur l’encaissement et la logistique, une SAS omnicanale. Il n’y a
pas de leader aujourd’hui. Le secteur est éclaté. Je vise plus de
250 millions de chiffre d’affaires et le leadership en Europe. Nous
souhaitons devenir le leader du commerce unifié. C’est un marché qui
s’ouvre et c’est pour cela qu’on a commencé notre expansion
internationale. Sur la partie retail, tu as des acteurs en logistique, sur la
partie soft, un groupe de cinq entreprises qui font chacune environ
50 millions d’euros de chiffre d’affaires et auquel nous appartenons.
Personne ne fait plus de 100 millions. Aux États-Unis, certains font
750 millions… Quand Wynd aura atteint ce niveau, j’estimerai qu’on sera
devenu le leader. Le marché est là pour pouvoir réaliser cet objectif.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Estimes-tu avoir eu de la chance ?
Tous les jours ! Il en faut. Tout se joue à un détour de couloir, à des
rencontres. C’est l’alignement des planètes, qui a fait Wynd. Après, bien
sûr, il faut transformer les opportunités. Il faut qu’on te passe le ballon
pour marquer. Tu peux être le meilleur mais ce n’est pas possible de
marquer sans le ballon.
• CONCLUSION
Considères-tu que l’entrepreneuriat en France a acquis un certain niveau de
maturité ?
Non, je ne dirais pas ça. Je dirais qu’il y a un écosystème qui s’est créé
mais qu’il n’est pas encore mature. On ne prend pas plus de risques. On
n’a pas révolutionné les choses. Il y a un écosystème de gens qui vivent
autour des start-up et qui s’est structuré, mais je ne vois pas vraiment de
différence entre maintenant et il y a dix ans.
Aujourd’hui, des projets un peu moins bons sont aussi sélectionnés. On
assiste à un nivellement par le bas. Les bons projets hier et aujourd’hui
étaient et sont financés et le seront encore dans dix ans. Tu mets ton
argent à la banque, la rémunération est de 2 %. Un projet qui marche
rapporte plus de 100 %, alors que l’argent placé à la banque ne rapportera
jamais 100 % d’intérêts. La question, c’est : « Où va l’argent ? ». Est-il
investi dans des projets de qualité ?
Le problème en France, c’est le plafond. C’est génial les boîtes qui arrivent
déjà à 50 millions de chiffre d’affaires, comme nous, mais il faut
reconnaître qu’il n’y en a pas beaucoup. En SaaS entreprise c’est encore
plus compliqué. Mais mon objectif est bien plus ambitieux : ce que je vise
c’est 500 millions ou 1 milliard de chiffre d’affaires pour Wynd.
Pour y remédier, il faudrait que les gros industriels français achètent
français et arrêtent de donner la préférence aux étrangers. Il faudrait que
notre marché achète chez nous. Après, il serait plus facile de conquérir
les autres pays… Je suis encore en train de me battre contre Salesforce ou
Oracle toute la journée. C’est surréaliste.
Avoir du talent, c’est aussi savoir raconter une histoire et créer du rêve là où il y
en a peu. C’est bien ce talent combiné à la recherche du plaisir dans son travail qui a
permis à Fany Pechiodat de créer My Little Paris en 2009.
My Little Paris, c’est d’abord une newsletter déclinée suivant des thématiques (
wedding, kids, Lyon, Marseille, etc.) et qui a compté jusqu’à 5 millions d’abonnés
en 2016. Mais c’est aussi avec My Little Box, la vente par abonnement de box avec plus
de 200 000 abonnés en 2016.
Fany a fortement développé My Little Paris en doublant tous les ans le chiffre
d’affaires pour atteindre 50 M€ en 2016 et compter 150 collaborateurs avec la-
particularité de n’avoir pas mené de levées de fonds.
En revendant My Little Paris en 2013 à AuFeminin (Groupe Axel Springer), Fany a
continué à accompagner sa start-up mais a quitté l’entité au moment de la revente de
l’ensemble en 2017 à TF1.
Fany mène aujourd’hui plusieurs projets de front dont Seasonly, qui permet de
penser la beauté autrement. Le point commun de ces projets ? L’amélioration du bien-
être, cher à Fany, mais bien sûr avec une touche de poésie… Sans doute la « Fany’s
touch » qui avait déjà séduit le Jury lorsqu’elle a remporté le Prix IVY 2012.
1. 4 mai 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Je suis Fany. Je suis entrepreneuse. Je suis tombée dans l’entrepreneuriat
on va dire par accident. Une de mes passions, un projet personnel, est
finalement devenue une entreprise. J’y ai pris goût. Ce que j’aime dans la
vie, c’est bâtir, construire des projets, que ce soit des start-up, des lieux de
vie, des associations, etc. Je suis intéressée par tout ce qui tourne autour
du quotidien : la façon dont on mange, dont on voyage, dont on prend
soin de soi, dont on dort… Des sujets assez simples, mais qui me
passionnent. J’ai vendu ma société au Groupe Axel Springer qui l’a
ensuite revendue au Groupe TF1, il y a quatre ans. Depuis, je me lance
dans d’autres projets.
• MANAGEMENT
Comment as-tu recruté tes collaborateurs et collaboratrices ?
Ma philosophie est de penser que chaque rencontre est un entretien qui
s’ignore. J’ai recruté partout. Notre CTO était un ancien médecin. Notre
directrice de la publicité, une ancienne danseuse étoile. J’ai adoré recruter
à contre-emploi. Ça ne marche pas à tous les coups, je me suis plantée
une fois sur deux, mais en cas d’échec, les gens ne vous en veulent pas du
tout. Au contraire, ils vous remercient de leur avoir donné leur chance, ils
disent : « Merci de m’avoir donné cette opportunité, c’était finalement un
faux fantasme, je pensais être fait pour ça, mais en fait non ».
Recruter à contre-emploi peut donner des résultats extraordinaires
quand ça marche : la personne a une énergie illimitée et ré-invente le
métier parce qu’elle n’est pas formatée. C’est ce qui a fait que nous étions
une équipe très atypique avec une volonté perpétuelle de se réinventer.
Au début, je n’avais pas de budget car j’ai monté My Little Paris avec 5
000 euros. Je ne pouvais pas me payer les meilleurs journalistes et le
métier d’écriture était majeur dans ce métier. J’ai donc posté une petite
annonce qui disait « je recherche des littéraires frustrés. Vous êtes
comptable, avocate, etc. mais le soir quand vous rentrez, ce que vous
aimez faire, c’est écrire ? Alors c’est vous que je veux ! ». J’ai alors reçu
une centaine de réponses, en général de jeunes femmes. Au début, après
sélection d’une vingtaine de personnes, on a vraiment créé ce ton bien à
nous. Après, quand j’ai pu payer de vrais journalistes, ce n’était pas
forcément mieux. Je me suis rendu compte que les journalistes
professionnels sont très formatés. On avait une règle : faire du terrain,
pousser les portes et ne jamais lire les dossiers de presse.
Je n’ai jamais aimé l’exercice de l’entretien de recrutement. Je trouve que
ce n’est pas naturel, se retrouver avec quelqu’un qu’on ne connaît pas,
comme ça, pendant une demi-heure ou une heure et tout ce jeu…
D’ailleurs, je me suis pas mal plantée en entretien. C’est toujours délicat
quand on recrute quelqu’un et que la personne démissionne ou qu’on ne
prolonge pas la période d’essai, mais en même temps on ne peut pas se
permettre d’avoir des « moyens-bons » dans une start-up, contrairement
à une grosse boîte. Dans une start-up, il ne faut que des fusées au début.
On sait bien que les dix premiers employés font la boîte car ce sont eux
qui vont recruter derrière. Là-dessus, j’avais une vraie radicalité. Si la
personne n’était pas excellente, on arrêtait. Ce n’était pas des moments
faciles. Je me suis demandé comment faire pour moins me planter. On est
ensuite parti sur un format où on testait les gens sur trois jours, et ça a
tout changé. Il y avait une évidence à la fin, j’ai vraiment divisé par deux
mon taux d’échec.
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ? Quels sont les différents scénarios ?
Je ne me suis jamais projetée. Mon long terme se réduit à deux semaines,
jamais au-delà ! Dès que j’ai une idée, je l’explore. Si ça marche, j’accélère,
sinon j’arrête. Ça a toujours été ma façon d’avancer, ce qui fait que je ne
sais souvent pas où je vais, par définition, mais j’avance, c’est l’essentiel !
Ça permet d’être surprise par la vie, de voir là où elle vous mène.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Penses-tu avoir eu de la chance dans la vie ?
Oui, et je pense aussi que la chance ne sourit qu’aux audacieux. J’ai pris
des risques mais il y a quand même un paramètre chance dans toute
aventure entrepreneuriale et il faut être au bon endroit au bon moment
avec la bonne énergie.
Peut-on concilier famille et entrepreneuriat facilement et comment ?
On peut élargir la question à : « Peut-on mixer vie professionnelle et vie
personnelle ? ». Je pense que c’est assez « années 80 » de diviser, de dire
que « à 19 h, je ne pense plus à ma vie professionnelle et seulement à ma
vie personnelle ». Le bonheur est de tout mélanger, d’avoir une
intégration totale et de se dire « ce soir je vais aller au restaurant en
famille mais by the way ça va peut-être être un restaurant pour My Little
Paris ». Il ne faut surtout pas être dans un système binaire. La solution est
plus dans l’intégration que la division.
• CONCLUSION
Dis-moi quelque chose à ton sujet qui me surprendrait.
J’ai été jury du championnat d’Europe de pâté en croûte.
Aller vite, c’est une des caractéristiques de Jean-Charles Samuelian et il l’a prouvé
dans les deux start-up qu’il a créées.
Expliseat qu’il a cofondé en 2011 a permis de concevoir et de vendre des sièges
ultra légers pour avion en déposant 58 brevets internationaux et en équipant plus
de 90 cabines avec parmi ses clients Boeing, Bombardier, Airbus et des compagnies
aériennes. Jean-Charles a revendu ses parts en 2015 et a vite opté pour un nouveau
secteur.
En complétant sa formation d’ingénieur Ponts & Chaussées / MBA Collège des
Ingénieurs avec l’Institut des Actuaires, il a pu cofonder en 2016, Alan, plateforme
dédiée à l’assurance santé et dorénavant partenaire santé de ses adhérents. En
à peine 5 ans, Alan compte 9 400 entreprises clientes représentant plus de 160
000 membres utilisateurs et réalise un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros
avec 350 salariés.
Alan est devenue une incontestable licorne, présente dans le classement Next 40 de
la French Tech, avec 310 millions d’euros levés dont la très remarquée dernière levée
de fonds de 185 millions d’euros en 2021 auprès notamment du fonds américain
Coatue Management.
Finaliste du Prix IVY 2017, la volonté de Jean-Charles est d’aller encore plus haut et
toujours aussi vite… un peu à l’image de ses avions allégés par Expliseat….
1. 17 mai 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Je suis le cofondateur et CEO d’Alan. Transformer la santé pour la rendre
plus accessible, plus personnalisée me passionne. Je suis aussi l’heureux
papa d’un petit garçon qui s’appelle Winston.
• MANAGEMENT
Comment as-tu recruté tes collaborateurs ?
C’est un process assez long et complexe chez Alan. Évidemment, on
réfléchit à comment réussir à avoir des gens extraordinaires et excellents.
Il y a des millions de façons de l’être. Mais ils ne doivent pas non plus
avoir trop d’ego et ils doivent aimer le débat, l’échange et avoir envie de
grandir. On a un processus de recrutement qui permet de tester ces
aptitudes, de la manière la moins biaisée possible. Cela passe par des
questions écrites, par des épreuves, des tests techniques, par des
échanges sur leur parcours. On essaye de déceler certains traits culturels
du candidat adaptés à la culture d’Alan et au poste à pourvoir. On les met
également en situation sur un projet pendant une journée.
Avant d’être embauché chez Alan, un candidat participe à sept ou huit
entretiens. Je ne vois plus tous les candidats avant le recrutement. Mais
entre mon cofondateur et les premiers Alaneurs, ce pool de cinq ou six
personnes avec qui je travaille depuis l’origine, au moins un d’entre eux
rencontre tout futur nouvel embauché.
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ?
J’espère être toujours la bonne personne pour guider Alan dans son
développement international. Alan sera devenu l’outil clé que les gens
utilisent pour accéder à leurs informations de santé, à la prévention et à
leurs soins, en digital et en physique. J’espère qu’on gèrera tout l’aspect
administratif et paiement à l’échelle européenne.
C’est difficile de prévoir les différents scénarios pour la société. On a un
business assez récurrent et prédictible. La question est de savoir quelle
sera la vitesse de notre croissance. Est-ce qu’on arrive à être vraiment
plus qu’une assurance ? Je pense qu’on l’a déjà prouvé, mais il faut
continuer à être encore davantage un vrai partenaire santé. Nous
souhaitons développer un service de conciergerie médicale, pour
permettre une interaction plus naturelle entre les utilisateurs et le corps
médical et donner la possibilité à tous les adhérents de faire un check-up
dès qu’ils s’abonnent à l’assurance Alan. Reste aussi à savoir à quel point
on accélère vite à l’international.
Je ne vois aucune raison susceptible de nous faire vendre la société.
Certes, il ne faut pas être dogmatique. Il y a trop de fondateurs qui l’ont
été à ce sujet, mais qui ont pourtant vendu leur boîte six mois après avoir
proclamé qu’ils ne le feraient jamais. Pourtant, je pense que les
conditions qui pourraient donner du sens à ce qu’Alan se fasse racheter
ne seront probablement jamais réunies. On préfèrera toujours le chemin
stand alone. Si un deal un jour valorise la boîte comme elle devrait l’être
dans cinq ans, nous donne le plein contrôle et des fonds illimités pour
construire et nous développer internationalement, on regardera bien sûr.
Mais il est peu probable que cela arrive !
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Penses-tu avoir eu de la chance ?
Beaucoup ! D’abord, être né dans une famille aimante, accompagnante,
donnant confiance, qui m’a permis de prendre du risque à titre personnel.
C’est déjà une chance infinie. Celle aussi de faire les bonnes rencontres.
À côté de cette chance initiale, je pense aussi qu’il y a beaucoup de
chance qui se génère, beaucoup d’opportunités qui se créent par le
travail. Beaucoup craignent de se donner une chance, par peur de l’échec,
alors qu’on peut augmenter le scope de la chance en prenant beaucoup de
risques.
Mais oui, j’ai énormément de chance d’être en bonne santé, d’avoir une
situation de famille stable, d’avoir grandi dans un milieu qui m’a permis
de prendre des risques. Je me considère comme très chanceux en effet.
Peux-tu exposer une décision que tu reconnais aujourd’hui comme ayant été une
grosse erreur ?
Je peux parler de la campagne TV qu’on a faite avec Alan. On a dépensé
un peu plus de deux millions d’euros sans retour sur investissement parce
qu’on a essayé de faire une campagne créative, très high level, mais les
gens n’ont pas compris ce qu’on faisait. Je pense qu’on n’a pas été assez
bons dans l’exécution. Mais on a appris à mesurer, à construire un plan
de communication, à faire attention à ne pas se faire dépasser par la
production. C’était un apprentissage.
Il y a aussi eu des erreurs sur le recrutement. On s’est menti à nous-
même sur certains profils. Il y aussi eu de mauvaises décisions produit.
Mais tant qu’elles sont apprenantes, ça reste excitant ! On apprend tout le
temps.
• CONCLUSION
Dis-moi quelque chose à ton sujet qui me surprendrait ?
J’aime beaucoup jouer aux cartes. Je suis notamment fan d’un jeu belge
qui s’appelle le Rikiki.
Créer de l’impact a toujours été une motivation forte pour Loic Soubeyrand…
Finaliste du Prix IVY 2015, Loic Soubeyrand savait-il en cofondant Teads en 2010
qu’il était en train de poser la première pierre du numéro 1 mondial de la
publicité vidéo sur internet ?
Présent dans plus de 20 pays après avoir fusionné avec Ebuzzing, la technologie
d’insertion de vidéo de Teads a attiré tous les grands annonceurs de la planète.
Soutenu dès le départ par Partech Ventures et Elaia Partners, Loic a réussi à convaincre
également de grandes banques internationales en levant au total plus de 70 millions
d’euros. Le chapitre Teads a été clos lors de sa revente à Altice en 2017.
Nouvel horizon pour Loic lorsqu’il fonde rapidement après cette vente, Swile, qui est
une carte de paiement et application mobile à destination des salariés qui
dématérialise le ticket-restaurant. Encore de nouvelles étoiles au classement des
start-up lorsqu’on sait que Swile compte aujourd’hui 500 salariés et a enregistré une
croissance de l’ordre de 200 % sur les 12 derniers mois de pleine crise sanitaire. Quatre
levées de fonds se sont vite enchaînées en quatre ans avec au total près de
115 millions d’euros auprès notamment d’Index Ventures permettant ainsi un
développement international qui a démarré avec le Brésil en 2021.
Déjà présent dans le classement French Tech 120, nul doute que les portes du
Next 40 sont en train de s’ouvrir.
1. 14 avril 21.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Je suis un jeune homme de trente-cinq ans. Né à Montpellier, j’ai fait mes
études en informatique et contrôle de gestion dans cette ville avant de me
lancer dans une première création entrepreneuriale avec Teads,
spécialisée dans la vidéo publicitaire. C’était une belle aventure puisque,
en six ans seulement, nous sommes passés de zéro à 600 employés
présents dans vingt-quatre pays différents, et de zéro à 300 millions de
chiffre d’affaires. Ce succès s’est soldé par une revente au groupe Altice
pour 300 millions d’euros.
• MANAGEMENT
On parle beaucoup de l’importance de bien s’entourer.
Comment as-tu recruté tes collaborateurs ?
Lors de la création de Teads, j’ai fait des erreurs à la pelle. Et puis, petit à
petit, cela s’est beaucoup structuré. Je cherche des personnalités
complémentaires de moi. Je chéris la diversité, pas seulement dans les
compétences mais aussi dans les caractères. Je cherche évidemment des
personnes meilleures que moi dans chacun des domaines qu’ils auront à
gérer mais surtout différentes en termes de caractère. Je vois bien la
richesse qu’apporte une équipe avec des sensibilités différentes. Je
recherche des caractères et des personnalités variées qui partagent des
valeurs communes. On met tout le temps en balance la diversité avec
cette nécessité absolue de partager les mêmes valeurs. Il y a différentes
manières d’arriver au même résultat. Les recrutements sont menés avec
beaucoup d’échanges autour de la manière de se comporter, de ce qu’on
attend des personnes en tant que telles, au-delà de leurs expertises, …
tout en s’assurant qu’elles viennent d’horizons variés et qu’elles aient des
caractères différents. C’est un moyen de s’assurer que lorsqu’on aura des
décisions fortes à prendre, on pourra d’abord écouter les sensibilités des
uns et des autres pour être sûrs de ne pas avoir manqué quelque chose.
• L’AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans et comment vois-tu Swile ?
J’aimerais que l’on ait réussi, ou que l’on soit en passe de réussir, notre
mission globale qui est de revoir l’expérience employé et d’aider les
entreprises à transformer leur culture. La plateforme de Swile permet
d’aider à gérer toute cette transformation culturelle et organisationnelle.
Swile est sur le marché des avantages aux salariés. Ta réponse semble impliquer
que tu envisages d’autres produits et services ?
Tout l’enjeu est de couvrir l’ensemble de l’expérience employé, from hire
to retire. On va consolider tout ça.
Le constat de base est de se dire qu’aujourd’hui l’expérience employé n’est
pas globale. Quand vous entrez dans une société, on vous donne, en tant
qu’employé, huit ou dix outils pour gérer votre quotidien. Il y a une
application pour faire vos notes de frais, une autre pour les projets, une
pour les tickets restaurant, etc… Bref, c’est une jungle qui n’est ni
structurée ni véritablement organisée. Dans votre vie de tous les jours,
vous utilisez un petit nombre d’applications bien adaptées. Mais dans la
vie professionnelle, c’est très différent et un peu vieillot ! Ce n’est plus
possible.
Nous sommes convaincus que la performance sociale est le moteur de la
performance économique. Du coup, on va donner aux sociétés tous les
moyens d’améliorer leur performance sociale. On a déjà mis en place un
module pour faire des sondages internes anonymes envoyés de manière
régulière au management des entreprises. On a des outils de performance
du management également qui permettent de simplifier la relation entre
le manager et le managé. Nous sommes en train de faire notre mue,
même si on est partis des avantages aux salariés. On tire le fil, jusqu’au
bout de l’expérience, de A à Z.
• CONCLUSION
Quelque chose à ton sujet qui va me surprendre ?
J’ai loupé dans les grandes largeurs ma math sup, à 17 ans. Premier échec
personnel, mais extrêmement formateur pour la suite.
La vie d’un dirigeant de start-up est loin d’être un long fleuve tranquille, mais on
apprend aussi beaucoup dans les épreuves. Bertrand Sylvestre-Boncheval,
Finaliste du Prix Ivy 2019 en a fait l’expérience.
Pendant ses études à HEC, Bertrand a créé sa première société, MyBee, qui était au
départ un site de courses en ligne pour les étudiants, puis plateforme d’articles
associatifs, puis billetterie en ligne, puis cagnotte en ligne, etc. Au moment de son
diplôme, il a décidé de la fermer et de garder le produit qui avait le plus de potentiel.
PayinTech est ainsi née : solution cashless facilitant les transactions et les flux
d’argent dans les secteurs du tourisme, de l’événementiel des loisirs et du
sport.
La solution a été revendue via des distributeurs tout autour de la planète au Brésil,
Maroc, Côte d’Ivoire avec en 2019 plus de 70 millions d’euros de flux gérés. Mais la
crise Covid est passée par là, mettant à l’arrêt l’activité de leurs clients. PayinTech a
souffert à ce moment-là de ne pas avoir été créée sur la base d’un écosystème et a été
revendue en 2021 à Merim Groupe.
Nul doute que la ténacité et la personnalité de Bertrand lui permettront de gagner
sereinement la prochaine rive.
1. 22 avril 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Vaste sujet ! Bertrand Sylvestre-Boncheval, trente-et-un ans, je suis père
de deux enfants. Je viens de Haute-Savoie.
Mon père était électricien et ma mère au foyer. J’ai un frère jumeau. On
adorait Paris. Nous y sommes allés la première fois à seize ans. On
connaissait la capitale par les livres de Balzac et de Hugo. On l’imaginait
comme la ville-monde du xix e siècle. Elle a peut-être un peu perdu de sa
superbe, mais on voulait absolument y aller. Pour cela, on avait raconté à
nos parents qu’on voulait faire une prépa HEC et que les meilleures
étaient à Paris, c’était le seul moyen… On s’est retrouvés dans la prépa à-
Franklin. Devant moi en classe, il y avait le fils du Premier ministre-
François Fillon, un peu plus devant, la fille d’Henri Proglio, PDG de
Véolia à l’époque… C’était un autre monde. En fait, pour être reçu à-
Franklin, on avait mis classiquement à la suite dans nos vœux les six
premières prépas du classement du magazine Challenges et on avait
obtenu celle-ci.
Entre le concept initial de PayinTech et la société juste avant la vente, quelle a été
l’évolution ?
Le concept initial partait de l’idée qu’il y avait des moyens de paiement
alternatifs dans différents secteurs, notamment dans le tourisme. Par
exemple, le collier de perles du Club Med, les jetons dans les stades, les
tickets dans les festivals… On voulait prendre un sujet non numérique et
le digitaliser. On a choisi le sujet du paiement. Au lieu de se battre sur le
paiement classique, on s’est concentré sur les marchés niches comme-
l’événementiel, le tourisme, le sport, les loisirs, etc. Bref, là où il y avait
des systèmes de paiement alternatifs qui demandaient à être digitalisés.
C’était le concept initial. Le premier secteur était l’événementiel. C’était
assez facile à faire car le cycle de vente était court. Entre 2013 et fin 2020,
ce qui a changé, ce sont les secteurs et les géographies. Au début, nous
n’étions que sur l’événementiel en France. On a ajouté le tourisme, les
campings, les stades… On a fait un premier stade en Belgique, un
premier festival aux Philippines. En 2019, avant la crise, nous étions
présents sur une douzaine de pays. PayinTech s’est imposée comme l’un
des leaders sur le marché du paiement cashless, permettant de faciliter les
transactions et les flux d’argent particulièrement en vogue dans les
campings, les parcs d’attractions, les stades et les festivals. Si j’ai un regret
aujourd’hui c’est d’avoir au fil des années réduit notre offre pour se
focaliser uniquement sur la partie paiement et Fintech. D’autres sociétés
ont choisi de se positionner sur un secteur et d’avoir une approche plus
écosystémique. C’est un avantage marketing et stratégique d’être
multiproduits sur un seul secteur. Nous, nous étions mono-produit sur
plusieurs secteurs. Les start-up qui marchent le mieux aujourd’hui sont
« écosystème ». Comme par exemple Alan qui s’est lancé dans la
mutuelle, puis l’accompagnement santé, puis qui a lancé Alan Baby pour
les jeunes parents…, couvrant un écosystème complet, bien au-delà de
l’activité initiale.
• MANAGEMENT
Comment as-tu recruté tes collaborateurs ?
Les deux principaux rôles d’un dirigeant sont de trouver de l’argent pour
financer la croissance et de recruter les bons profils. Je pense que ce sont
les deux fonctions clés. On avait pas mal lu sur le sujet et on avait mis au
point des process fonctionnant bien et maintenant assez courants : un
premier rendez-vous découverte, type « expérience professionnelle », un
deuxième avec un cas concret à faire sous la supervision d’un directeur et
un troisième entretien mené par un fondateur. On ne s’intéressait pas
beaucoup aux compétences mais plutôt à l’état d’esprit. On donnait la
préférence à une personnalité polyvalente avec un état d’esprit combatif.
À l’inverse, on ne prenait pas quelqu’un de très compétent chez qui tu
sens au feeling dès le premier rendez-vous que ça va être compliqué, ou
que ses principaux points d’intérêt concernent les horaires ou le nombre
de tickets-restaurants ! On a recruté des personnes qui avaient un réel
désir d’apprendre.
Mais il nous a probablement manqué des profils seniors capables
d’apporter une dimension intergénérationnelle. Pendant longtemps nous
n’avions que deux ou trois profils seniors quand on aurait peut-être dû en
recruter cinq ou six.
• RETOUR D’EXPÉRIENCE
Peut-on concilier famille et entrepreneuriat ?
Oui, tout à fait. Pendant quatre ans, ma femme et mon fils habitaient
Perpignan tandis que je travaillais la semaine à Paris. Je faisais quatre
jours à Paris, puis trois à Perpignan avec le vendredi en télétravail. C’était
un rythme assez intéressant puisque les deux jours de week-end je
profitais à fond de ma famille et les quatre jours de travail je faisais des
amplitudes horaires de 8h30-22h30, sans autre occupation que
PayinTech.
Bref, peu importe le modèle, tu peux concilier les deux.
Avec l’âge, tu te rends compte que les activités autres que celles liées à
ton entreprise sont indispensables : lire, écouter des podcasts, faire du
sport, te ressourcer… Tout cela te rend d’ailleurs plus efficace au travail
• CONCLUSION
Estimes-tu que l’entrepreneuriat en France ait acquis
une certaine maturité ?
Oui. En 2021, tu disposes d’une masse énorme de connaissances qui fait
gagner beaucoup de temps aux entrepreneurs. Si toutes les boîtes
montées entre 2010 et 2015 étaient créées aujourd’hui avec le même
marché, le même paradigme, elles gagneraient facilement un ou deux
ans. Le savoir est tellement disponible qu’il y a une vraie maturité.
Il y a souvent une petite flamme qui anime un startuper, celle de Quentin Vacher est
proche d’un engagement pour le bien public puisque c’est le monde qu’il veut
changer…
À sa sortie d’HEC en 2011, Quentin cofonde Joli’Box et fait de cette start-up
spécialisée dans la vente par abonnement de box beauté, un joli succès qui,
après avoir racheté ses concurrents en UK et en Espagne lui permet de fusionner avec
Birchbox.
En 2015, avec sa compagne Julia Bijaoui, il cofonde Frichti qui devient vite la
plateforme incontournable de livraison de repas, puis de courses. D’abord à
Paris puis à Lyon, Lille et maintenant à l’international avec Bruxelles… C’est
actuellement une équipe de 350 personnes soucieuses du bien-manger de leurs
clients que Quentin dirige en tant que Co-CEO. Frichti a levé au total plus de
40 millions d’euros en trois tours de table qui incluent tous ses investisseurs
historiques Alven Capital et Idinvest Partners. Auxquels se sont ajoutés Verlinvvest et
Felix Capital lors de la dernière levée de fonds de 30 millions d’euros en 2017.
Lauréat du Prix IVY 2016 et classé parmi les pépites de la French Tech du Next 40
depuis 2019, nul doute qu’améliorer la façon de se nourrir de ses concitoyens apporte
de grandes satisfactions à Quentin.
1. 29 avril 2021.
• ORIGINE ET CRÉATION
Qui es-tu ?
Je suis clairement un entrepreneur au fond de moi, animé par une réelle
envie de changer le monde. Mes deux parents étaient entrepreneurs. Ils
étaient architectes, un métier peut-être un peu moins business que celui
que je fais. Je suis marié à une fille d’entrepreneurs. Ses parents ont
entrepris en couple, comme mes parents, ainsi que nous deux !
L’entrepreneuriat est au cœur de nos vies. Il ne s’agit pas tellement pour
nous d’un enjeu business mais plutôt d’un moyen de s’impliquer dans le
monde qui nous entoure et d’essayer de le faire tourner dans un sens qui
nous paraît le meilleur. Nous aurions pu prendre un engagement
politique ou humanitaire, notre motivation est bien d’essayer de faire
avancer les choses dans un sens qui nous paraît intéressant. C’est aussi
une forme de dépassement de soi. C’est très exigeant, on y gagne ce qu’on
y a investi. Mais on est aussi sanctionné : on n’a pas de barrières, nous ne
sommes pas protégés. J’avais besoin d’avoir une réponse rapide de mon
environnement à mon implication, à mes idées et à mes envies.
• MANAGEMENT
Peux-tu donner quelques chiffres ?
On a levé plus de soixante millions d’euros. Un peu plus, si l’on prend en
compte les aides d’État, même si ce n’est pas vraiment de l’equity mais,
disons, de la dette Covid. Nous sommes un peu plus de 400 employés et
avons créé un réseau d’emplois indirects qui doit être probablement de
l’ordre de 2 000 personnes. Nous ne divulguons pas notre chiffre
d’affaires.
• AVENIR
Comment te vois-tu dans cinq ans ? Quels sont les différents scénarios ?
Il y a un grand scénario et on va faire en sorte de ne pas s’en écarter trop.
Le scénario est d’être le supermarché du futur. Je dirais plutôt l’offre food
dominante du futur. Pourquoi parle-t-on d’offre food et pas de
supermarché ? C’est un endroit où avoir accès à tout ce qui concerne le
food : aliments, restauration, offre de cours, Notre hypothèse, c’est que
dans dix ans, 50 % de l’alimentaire sera online. C’est 5 % aujourd’hui et
notre objectif est d’être dans les top 3 des sociétés du secteur. On a le
potentiel pour être la juste réponse à ce que demandent les
consommateurs, entre la praticité et la qualité. Il y a encore beaucoup à
inventer pour redonner du goût et de la qualité aux choses.
• RETOUR D’EXPERIENCE
Penses-tu avoir eu de la chance dans la vie ?
Dans la vie, absolument. Quand on naît dans une famille qui vous permet
de vous instruire et vous donne de la liberté, on a eu de la chance. C’est
un avantage extraordinaire, et j’ai eu suffisamment confiance en moi pour
ne pas être stressé par quoi que ce soit, ni même par le regard des autres.
Il est plus facile de quitter son travail à 23 ans quand on est dans une
banque d’affaires, qu’on gagne bien sa vie et que ses parents sont
entrepreneurs. Pour toutes ces raisons, je pense avoir eu de la chance.
Mais dans mes aventures entrepreneuriales, je ne dois pas grand chose à
la chance. On a monté Frichti à un moment où tout le monde disait que
c’était complètement fou de faire un projet aussi ambitieux. Quand on a
lancé le supermarché, on nous a encore dit que nous étions fous, que
c’était un métier de plus, que ça n’allait pas. On a toujours été à contre-
courant. Ça fait seulement un an peut-être que, chez certains, il y a une
épiphanie. En fait, on nous dit qu’on est juste en train de régler toute la
chaîne de valeur. Frichti peut régler à peu près tous les problèmes de
l’alimentaire aujourd’hui : la transparence, la qualité, la praticité, le
fractionnement des achats et le rebut. On l’a fait alors que tout le monde
pensait le contraire. Mais nager à contre-courant vous fait les bras !
• CONCLUSION
L’entrepreneuriat en France a-t-il atteint un certain niveau
de maturité ?
Oui. Il y a quinze ans, entreprendre était jugé fou. Aujourd’hui c’est jugé
cool. Il est mieux vu d’entreprendre que d’aller chez McKinsey. Ce qui est
peut être exagéré : n’importe qui se faisant une carte de visite avec écrit
dessus CEO peut dire qu’il a entrepris. C’est déjà une identité en soi, ce
qui est un petit peu problématique !
Deuxièmement, il y a un écosystème qui est réceptif avec même des
excès. On peut être entrepreneur en cinq minutes et on va donner 1, 2 ou
3 millions d’euros à quelqu’un qui a préparé trois slides. Il y sans doute
quelques ajustements à opérer mais c’est globalement positif. Je pense
que l’entrepreneuriat est l’entreprise de demain, c’est le cours normal des
choses.
C
Philippe Cambriel, Président Europe, Méditerranée et CIS, Gemalto
Olivier Campenon, Président EMEA, BT
Alexandra Chabanne, CEO, MediaCom France et COO GroupM
Philippe Citroën, Directeur Général France, Sony
Jean Paul Cottet, Senior Executive Vice President, Orange
Alain Crozier, Président France et Vice President International,
Microsoft
D
Laurent Dechaux, Vice President ERP Western Europe, Oracle
Philippe Delahaye, Président France, Toshiba Systèmes
Pascale Dumas, Présidente France, HP
F
François Fleutiaux, Senior Vice President, Head of WEMEIA, Fujitsu
Emmanuel Fromont, Corporate VP, President EMEA, Acer
G
Laurent Giovachini, Directeur Général Adjoint, Sopra Steria
Bertrand Godinot, Country Director France, Apple
H
Christel Heydemann, Executive VP France, Schneider Electric
Olivier Huart, Président-Directeur Général, TDF
J
Philippe Jarre, Directeur Général France, IBM
Mari-Noëlle Jego-Laveissière, Directrice Exécutive, Orange
K
Joël Karecki, Président France et Maghreb, Philips
Gérald Karsenti, Président-Directeur Général France, SAP
Philippe Keryer, Directeur Général Adjoint, Thales
Pierre Kosciusko-Morizet, Président-Directeur Général,
Price Minister.com
L
Nathalie Leboucher, Senior Vice President WEMEA Kapsch
Nick Leeder, VP EMEA LCS Hub, Google
Lin Cheng, Président Europe de l’Ouest, ZTE
M
Hugues Meili, Président-Directeur Général, Niji
Benjamin Mestrallet, Founder & CEO, eXo Platform
Sébastien Missoffe, Vice President et Directeur Général France, Google
Elisabeth Moreno, President & General Manager France, Lenovo
O
Amelie Oudéa-Castéra, Directrice e-commerce, Data & Digital,
Carrefour
P
Thierry Petit, Senior Vice President & General Manager, Dell
Christian Poyau, Président-Directeur Général, Micropole
Carlo Purassanta, Président France, Microsoft
R
Jean-Pierre Remy, Président-Directeur Général, Solocal
Vincent Rouaix, Président-Directeur General, Inetum
Olivier Roussat, Président-Directeur Général, Bouygues Telecom
S
Nicolas Sekkaki, Président-Directeur Général France, IBM
Olivier Sevillia, Directeur Général Europe, Capgemini
Patrick Starck, Corporate SVP & Chairman Europe, CA
T
Yves de Talhouët, Président Europe HP
Jean-Marc Tasseto, Directeur Général France, Google
Gilles Thiebaut, Président-Directeur Général France, HPE
Stéphane Thirion, General Manager Enterprise Europe, Apple
Yves Tyrode, Directeur Général Digital, BPCE
V
Richard Viel, Directeur Général, Bouygues Telecom
Corinne Vigreux, Cofondatrice et Directrice Générale Consumer
Business, TomTom