Du Pape Et Du Concile 000001177
Du Pape Et Du Concile 000001177
Du Pape Et Du Concile 000001177
DU C O N C I L E
OU DOCTRINE COMPLETE
DE S. ALPHONSE DE LIGUORI
SUR CE DOUBLE SUJET.
TRAITES TRADUITS, CLASSÉ» E T ANNOTES
4f»f
PA R IS LEIPZIG
P. M. X A R O C H E, L IB R A IR E -G É R A N T , L. A. K ÏT T L E H , C O M M IS S IO N N A IR E ,
R ue B onaparte, 66. v Ü u e rstra sse , 34,
VVBH. CASTERMAN
T O U R N A I.
I8«9
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© Bibliothèque Saint Libère 2014.
Toute reproduction à but non lucratif est autorisée.
DU P A P E
ET
DU C O N C IL E .
TOUS DROITS RE.SKRVI23.
Nihil in iis censura dignum repertum fuit. — Il ne se trouve dans
ses ouvrages rien qui soit digne de censure. (Décret de la Sacrée Congrès
galion des Rites, 48 mai 4808, approuvé et confirmé par Pie VII sous la
date du 24 septembre de la même année.)
ii
X INTRODUCTION DU TRADUCTEUR.
I
IMPORTANCE ET ACTUALITÉ DU SU JE T.
Il
DOCTRINE, SENTIM ENTS E T AUTORITÉ DE SAINT ALPHONSE SUR CE S U JE T .
III.
NOTIONS E T REFLEXIONS SUR CE VOLUME.
LE
SUPRÊME PONTIFICAT
CONSIDÈRE
1
PRÉFACE DU TRADUCTEUR.
CHAPITRE I.
DE LA NÉCESSITÉ d ’ü N CHEF SUPRÊME DANS l ’ÉGLISE
POUR M AINTENIR l ’ ü NITE DE DOCTRINE. — SAINT PIE R R E
FU T CE CHEF SU PR ÊM E.
ARTICLE I.
NOTIONS PRÉLIM IN A IRES.
ARTICLE I.
PREUVES DE CETTE PROPOSITION.
I
Jésus-Christ a fondé son Eglise avec l'intention de la faire
durer jusqu’à la fin des temps, et c’est pourquoi il lui a promis
qu’il ne l’abandonnerait point jusqu'à la consommation des siè
cles : Ego vobiscum sum ... usque ad consummationem sœculi.1
Or, cette promesse aurait été vaine et le Seigneur aurait mon
tré peu de sollicitude pour son Eglise, s'il n’avait pas établi que
le pouvoir suprême qui fut accordé à Saint Pierre en qualité de
chef visible de son Eglise et qui était indispensable au bon gou
vernement de cette Eglise, ainsi que nous l'avons vu ci-dessus,
passerait aux successeurs de cet Apôtre et ne finirait point avec
sa vie. Les privilèges de ce Siège, écrivait le pape Nicolas I à
l’empereur Michel, sont perpétuels; ils sont plantés et enracinés
par une main divine; on peut les ébranler, mais on ne saurait
les arracher. Ils ont existé avant votre empire, ils existent pré
sentement, grâce au ciel! dans leur intégrité, ils existeront
encore après vous, et ils ne cesseront d'exister aussi longtemps
que le nom chrétien sera prêché : * Privilegia istius Sedis per
ii) Matth. 28. 20.
I*) Nous ferons remarquer ici, une fois pour toutes, qu'en faisant passer dans
notre langue, pour la facilité d’un plus grand nombre de lecteurs, les nombreux
20 I6r TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
petua sunt; divinitus radicata atque plantata sunt; trahi
possunty evelli non possunt. Quœ ante imperium vestrum fue
runt y et permanent, Deo gratias, hactenus illibata , mane-
buntque post vos, et quousque Christianum nomen praedicatum
fuerit , illa subsistere non cessabunt. Aussi le Concile général
de Constance dit-il que lorsqu’il s’élève des doutes sur les dog
mes du christianisme, nous avons à notre disposition une règle
certaine pour découvrir la vérité : c’est de nous en référer à la
décision de l’Eglise où se conserve la succession des Apôtres,
parce que là aussi se conserve, sans nul doute, la véritable doc
trine des Apôtres.
Notre-Seigneur a déclaré autrefois que les Portes de l’enfer
ne prévaudraient jamais contre l’Eglise fondée sur la pierre;
or, depuis longtemps elles auraient prévalu, si cette promesse
du Rédempteur ne s’était pas également réalisée à propos des
successeurs de Pierre. Mais nous ne devons avoir aucun doute
à ce sujet, dit Saint Optât de Miiêve, parce que Saint Pierre a
reçu de Jésus-Christ les Clefs du royaume des cieux, non-seu
lement pour lui-même, mais aussi pour tous les Pontifes, ses
successeurs, à qui il devait les transmettre : Beatus Petrus ...
praeferri Apostolis omnibus meruit, et Claves regni coelorum
communicandas cœteris solus accepit. 1
ÏI
Dieu nous a donc donné une règle pour connaître la véritable
Eglise, et cette Eglise n’est autre que celle dont le chef descend,
par une légitime succession, de l’Apôtre Saint Pierre.
Voici comment les S aints P è r e s nous dépeignent la vérita
ble Eglise de Jésus-Christ : L’Eglise Romaine, dit Saint Iréuée,
possède une tradition qu’elle tient des Apôtres, et une foi qui est
annoncée partout et qui est parvenue jusqu’à nous par la succes-
(1) De Schism. Donatist. adv. Parmenian. I. 7. c. &
passages des Conciles, des Papes et des Saints Pères, qui seront cités jusqu'à la lin
de cet ouvrage , nous avons respecté autant que possible le texte des citations
latines, préférant, en ce point, l'exactitude à l’élégance, et nous tenant mémo à
la lettre, pour autant que nous y autorise le génie des langues.
Le traducteur.
CH. II. LES PAPES, SUCCESSEURS DE SAINT PIERRE. ART. I. 2 1
sion des évêques : Romœ fundata... Ecclesia habet ab Apo
stolis traditionem , et annunciatam hominibus fidem per suc
cessiones episcoporum pervenientem usque ad nos.1
S$int Ambroise2 et Saint Jérôme3 disent la même chose.
Ecoutons Saint Optât de Milêve, exprimant la même vérité
avec encore plus de précision: Vous ne pouvez nier, dit-il à
Parménien, un fait que vous connaissez très-bien : c’est que la
chaire épiscopale érigée dans la ville de Rome, a été occupée
d’abord par Pierre, et qu’il s’y est assis comme chef de tous les
Apôtres ; Lin a succédé à Pierre, Clément a succédé à Lin, et
ainsi de suite : Negare non potes scire te in urbe Romœ Petro
primo cathedram episcopalem esse collâtam, in qua sederit
omnium Apostolorum caput Petrus...; Petro successit Linus ,
Lino Clemens, etc.4
Saint Àthanase écrit en ces termes au pape Saint Marc : Nous
désirons recevoir par l’autorité du Siège sacré de votre Eglise,
laquelle est la mère et la tête de toutes les Eglises, ce qui a rap
port à la correction et au soulagement des fidèles : Optamus ut
a vestrœ Sanctœ Sedis Ecclesiœ auctoritate, quœ est mater
et caput omnium Ecclesiarum , ea ad correctionem et recrea
tionem fidelium percipere, etc. 5
Quelle consolation pour nous, dit Bossuet, de pouvoir remon
ter du Pontife actuel jusqu’à Saint Pierre, qui a été établi par
Jésus-Christ !
Ecoutons encore ce que l’empereur Valentinien écrivait à
Théodose : Il appartient au très-saint Evêque de Rome, à qui
l’antiquité a attribué la principauté du sacerdoce,* de décider
les questions qui concernent la foi et les prêtres : Beatissimus
romanœ civitatis Episcopus, cui principatum sacerdotii super
(1) Adv. Hœrcs. I. 5. c.
(2) Orat, funeb. de obit. Satyr. n. 8.
(3) Apolog. adv. Rufln. l. i.
(4) De Schtsm. Donatist. adv. Parmen. I. 2. c. 2.
(5) Epist. ad Mare. pap.
(*} Saint François de Sales emploie la même expression dans une lettre qu'il
adressa, sous la date du 4 février 1597, au pape Clément VIII : « Nous reconnais
sons dans Votre Béatitude la principauté du sacerdoce, etc. * I*e traducteur.
22 I#p TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
omnes antiquitas contulit, locum habeat de fide et sacerdotibus
judicare .1
Et avant cet empereur, Constantin le Grand avait dit, comme
le constatent les Actes du Concile de Nicée, que c’est à Rome
que l’Empereur céleste avait établi la principauté du sacerdoce
et la tête de la religion : Romœ principatum sacerdotum et
religionis caput ab Imperatore coelesti constitutum esse.
III
Mais écoutons maintenant ce que disent les C onciles , et voyons
quelle idée ils ont du Siège Apostolique.
Dans le IVe Concile de Constantinople, nous lisons ces paroles :
Désirant ne nous écarter en aucune manière de la doctrine et de
la foi de ce Siège Apostolique, et suivant en tout les Constitutions
des Pères et surtout des Saints Pontifes de ce même Siège
Apostolique, nous anathématisons toutes les hérésies, etc. :
Ab hujus ergo Sedis Apostolicœ fide atque doctrina separari
minime cupientes, et Patrum ac prœcipue Sanctorum Sedis
Apostolicœ prœsulum sequentes in omnibus constitutay anathe
matizamus omnes hœreses. 2 Et à propos du même Siège Apos
tolique, le Concile ajoute un peu plus bas : C’est en lui que se
trouve l’entière et véritable solidité de la religion chrétienne :
In qua (Sede) est integra et vera christianœ religionis soli
ditas.3
Dans le 1® Concile de Nicée, nous lisons ces paroles : Celui
qui occupe le Siège de Rome, est le chef et le prince de tous
les Patriarches; car il tient le premier rang comme Saint
Pierre, à qui a été donnée la puissance sur tous les princes
chrétiens et sur tous leurs peuples, de sorte qu’il est le Vicaire
de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour régir tous les peuples et
toute l’Eglise Chrétienne; et quiconque soutient le contraire, est
excommunié par le Concile : llle qui tenet Sedem Romœ, caput
est et princeps omnium Patriarcharum , quandoquidem ipse est
primus sicut Petrus , cui data est potestas in omnes principes
(1 )Inter præamJ). Cone. Chalcedon, n. 5 5 . Edit. Labb.
(2) Act. I. (Coli. reg. t. 53'.) (3) Ibid.
CH. ir. LES PAPES, SUCCESSEURS DE SAINT PIERRE. ART. I. 2 3
Christianos et omnes populos eorum, ut qui sit Vicarius Christi
Domini nostri super cunctos populos et universam Ecclesiam
Christianam ; et quicumque contradixerit, a Synodo excom
municatur?
Ét dans le Concile de Rome, tenu sous Adrien II, il est dit :
Dans les temps passes, tandis que les hérésies et les crimes se
multipliaient, les successeurs de Pierre dans le Siège Apostoli
que ont constamment extirpé ces plaptes nuisibles et cette perni
cieuse ivraie : Rétro olimque semper, cum hœreses et scelera
pullularent, noxias illas herbas et zizania Apostolicce Sedis
(.Romance) successores extirparunt .*
Et dans le Concile de Florence, on lit ces paroles : Nous
définissons également que le Saint Siège Apostolique et le Pon
tife Romain sont investis de la primauté sur le monde entier;
que ce même Pontife Romain est le successeur du Bienheureux
Pierre, prince des Apôtres ; qu’il est véritablement le Vicaire
du Christ et le Chef de toute l’Eglise ; qu’il a reçu de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, dans la personne du Bienheureux Pierre,
le plein pouvoir de paître, régir, et gouverner l’Eglise univer
selle : Item definimus Sanctam Apostolicam Sedem et Roma
num Pontificem in universum orbem tenere primatum, et
ipsum Pontificem Romanum successorem esse Beati Petri ,
principis Apostolorum, et verum Christi Vicarium totiusque
Ecclesiae c a p u t e t ipsi in Beato Petro pascendi, regendi,
et gubernandi universalem Ecclesiam a Domino nostro Jesu
Christo plenam potestatem traditam esse?
De plus, dans le Concile de Constance,3 on condamna la pro
position 37e de Wicleff, laquelle était ainsi conçue : Le Pape
n'est pas le Vicaire immédiat et prochain de Jésus-Christ : Papa
non est immediatus et proximus Vicarius Christi. Ce Concile
fi) Can. 59. {Coll. reg. t. 2.)
(2) Sess. ult. Def. — Làbb. p. 2. col. 22. (3) Sess. 8.
(*) Il parait assez probable que ces paroles ne sont pas proprement celles du
Concile de Rome tenu sous Adrien II. Mais le sens de cette phrase se trouve
dans la lettre que Saint Ignace de Constantinople écrivit à Adrien, et qui fut lue au
IVe Concile de Constantinople, ou Ville œcuménique, Acte 3e. (Voir Collect. Reg.
t. 23. p. 188 ) Au reste, ce Concile de Rome n'existe plus qu’en substance.
Le traducteur.
24 1er TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
approuva en outre la lettre de Martin V, par laquelle il prescri
vait d’interroger les gens suspects d’hérésie, en leur demandant
« s’ils croyaient que le Pape est le successeur de Pierre, avec
l’autorité suprême dans l’Eglise de Dieu : »» Utrum credant quod
Papa sit successor Petri, habens supremam auctoritatetin in
Ecclesia Dei.1 On voit par là que le Pontife Romain a toujours
été reconnu pour successeur de Saint Pierre, et, par conséquent,
pour Vicaire de Jésus-Christ et Chef suprême de l’Eglise.*
Or, qui pourrait s’imaginer que, dès les premiers temps, les
(1) Sess. 45. B ulla « Inter cunctas. « (Coll. reg. t. 29.)
(*) Ou pourrait compléter cette série de témoignages émanant des Conciles, en
citant quelques-unes des paroles du saint Concile de Trente, le dernier œcuméni
que : il considère le Pape comme le Vicaire de Dieu môme sur la terre : Ipsius Dei
in terris Vicarius (Sess. VI. De Reform. cap. 1) ; — comme possédant l’autorité du
Siège suprême : Supremœ Sedis auctoritate, etc. (ibid.) ; — comme étant chargé de
l'administration de l'Eglise universelle : Cum universalis Ecclesiœ administratio
nitatur, etc. (Sess. X X V . cap. I ) ; — comme investi du pouvoir suprême dans
l'Eglise universelle : Pro suprema potestate si&i in Ecclesia universa tradita
(Sess. X IV . De Pœnit. cap. 7) ; — comme le Pontife suprême à qui tous les Patriar
ches, Primats, Archevêques, Evêques, doivent la promesse et la profession d'une
vraie obéissance : Vercm, obedientiam Summo Romano Pontifici spondeant et pro
fiteantur (Sess. X X V . De Reform. cap. 2).
On connaît les pages aussi attrayantes que solides qu’un des auteurs les plus
justement renommés de ces derniers temps, l'illustre comte Joseph de Maistre, a
écrites sur la suprématie pontificale (DuPape, liv. I. ch. 6 et suiv.). Il fournit, en
faveur de la suprématie romaine, non-seulement les témoignages unanimes des
Eglises d'Orieut et d'Occident, mais encore les témoignages particuliers de l'Eglise
gallicane, du parti janséniste, du protestantisme, de l'Eglise russe et de l'Eglise
gfrecque; et à cette occasion, il cite quelques noms propres qu’il est bon de relever,
tels que ceux, de Bossuet, Fleury, Pascal, Luther, Calvin, Mélanchthon, Grotius,
Müller, Bonnet, etc. Nous ne résistons pas au plaisir de citer ici quelques lignes de
l’éminent défenseur du Pape. Voici comment il s’exprime, dès le début, sur la
suprématie du Souverain Pontife : «■Rien dans toute l’histoire ecclésiastique n’est
aussi invinciblement démontré, pour la conscience surtout qui ne dispute jamais,
que la suprématie monarchique du Souverain Pontife. ■ » (Chap. 6 ) — « Pour nous,
la primatie du Souverain Pontife est précisément ce que le système de Copernic est
pour les astronomes : c’est un point fixe dont nous partons ; qui balance sur ce point,
n’entend rien au Christianisme. « (Ibid.) — Et après avoir cité un bon nombre de
témoignages, il ajoute : » Cette suite d’autorités, dont je ne présente que la fleur,
est bien propre sans doute à produire la conviction ; néanmoins, il y a quelque chose
peut-être de plus frappant encore : c’est le sentiment général qui résulte d’une lec
ture attentive de l’histoire ecclésiastique. On y sent, s’il est permis de s’exprimer
ainsi, on y sent je ne sais quelle présence réelle du Souverain Pontife sur tous les
points du inonde chrétien. Il est partout, il se mêle de tout, il regarde tout, comme
de tous côtés on le regarde.* (Chap. S.) Enfin, disons avec l’illustre auteur (chap. 6.)
et le grand évêque de Genève (Lettres spirit. liv. VII. Let. 57. Lyon, 1634.) :
» L’Eglise et le Pape, c’est tout un ! « Le traducteur.
CH. II. LES PAPES, SUCCESSEURS DE SAINT PIERRE. ART. II. 2 5
évêques, les princes, les Saints Pères, les docteurs de l’Eglise,
et les autres fidèles (excepté les hérétiques, qui ont toujours
cherché à se soustraire à l’obéissance du Pape), aient été aveuglés
au point de consentir, pendant tant de siècles, à se soumettre à
l’Evêque de Rome, qu’ils ont vénéré comme chef de l’Eglise, et
à se faire une obligation de tenir ses décisions pour des oracles,
s’ils n’avaient été assurés par la doctrine de Jésus-Christ, que
les Pontifes Romains sont les vrais successeurs de Saint Pierre
dans la primauté et la suprême puissance qu’ils ont sur l’Eglise ?
Tous, en effet, ont regardé l’Eyêque de Rome comme le chef de
l’Eglise. Aussi les Pontifes Romains ont-ils toujours continué,
après la mort de Saint Pierre, à ordonner des évêques dans
d’autres Eglises, ainsi que nous le lisons de Saint Lin, qui en a
ordonné quinze, tandis qu’ils en ont déposé d’autres qui gouver
naient mal leur troupeau. Ainsi Bellarmin1 rapporte notamment
que huit Patriarches furent déposés par les Souverains Pontifes
dans la seule Eglise de Constantinople.* C’est également un fait
notoire, constaté par tout le Corps du Droit canonique, que les
évêques recouraient aux Pontifes Romains dans leurs doutes, et
que leurs réponses étaient considérées comme des lois. En outre,
il est bien certain, ainsi que nous le verrons ci-après au Chapi
tre IVe, que, dès le principe, ces mêmes Pontifes condamnèrent
différentes hérésies dans l’espace de plusieurs siècles, pendant
lesquels il ne se tint aucun Concile.
ARTICLE II.
REPONSES AUX OBJECTIONS.
ARTICLE I.
NOTIONS PRÉLIM INAIRES.
I
1° Cette vérité se prouve premièrement par ces paroles que
Jésus-Christ a adressées à Saint Pierre : Yous êtes Pierre, et
sur cette pierre je bâtirai mon Eglise : Tu es Petrus , et super
(1) Institut. l. 4. c. 7.
(2) Tract. de Auctorit. Ecoles. et Concil. gener. c. /.
(3) De modis uniendi ac reform. Ecoles. (4) Sess. 2 et 5.
(5) Contra impngn. rclig. c. 4. (6) In Sent. 4. dist. 19.
(7) Summa , p. 3. tit. 2$. c. 3. § 3.
(8) De Papœ et Concil. Auct. p. 2. n. 3 t. (9) De Obed. c. 42.
(10) Doctr. antiquit. fidei. I. 2. a. 3. c. 32.
(II; P . 3. q. 40. m. 2.
(12) Ad Ephes. Concil. epist. c. 2 t. schol. et c. i!7 . schol.
(13) Annal, ad Ann. 53. n. 19. et seq., 908 et 100!.
(14) De Concil. et Eccl. i. 2. c. 47.
(15) De Auctorit. Pctpæ et Concil. tr. t. c. € et 7.
(16) Desupr. Rom. Pontif. Potest, p. 4. q. 8.
(17 )Nottt. Concilior. Concil. Basil, n, 5 et 4. — Conc. Tricl. n. 95.
(18) Theolog. Deloc. theolog. q. 3. dul>. 6*. § 2. — Colloq. class. 2.
coll. 1. — De vera Chr. Ecoles. t. 2. p. 4. a. 4.
CH. I I I . SU P É R IO R IT É DU PAPE SU R L E S CONCILES. A R T . I I . 33
hanc petram œdificàbo Ecclesiam meam.1 Ces paroles ne
s’appliquent qu’à Pierre seul, puisque c’est sur Pierre seul que
l’édifice de l’Eglise est bâti. — Nullement, dit le père Noël
Alexandre : 8 le mot petram ne s’entend pas de Pierre, mais
de Jésus-Christ; et la raison se trouve dans la déclaration expri
mée par Saint Pierre, lorsqu’il a dit : Vous êtes le Christ, le
Fils du Dieu vivant : Tu es Christus, Filius Dei vivi.3 — Or,
cette explication de Noël Alexandre est contraire à l’opinion
commune des Pères. Il est vrai qu’elle fut admise par Saint
Augustin dans l’endroit cité par cet auteur; toutefois, le Saint
Docteur donne à ce texte, dans plusieurs passages de ses écrits,
une interprétation conforme à celle des autres Pères, lesquels
entendent le mot petram comme s’appliquant à Saint Pierre.*
En effet, Saint Jérôme prétend que c’est ainsi qu’on doit enten
dre, dans son sens littéral, le texte en question : « Vous êtes
Pierre, etc. » Et le Saint Docteur allègue pour raison que Jésus-
Christ a parlé en syriaque, et que, dans cette langue, cephas est
la même chose que petra , de sorte qu’en résumé Notre-Seigneur
a dit : Vous êtes pierre, et sur cette pierre, je bâtirai, etc. : Tu
es p e t r a , et super hanc petr a m , etc.«Voici, du reste, les paroles
du Saint : Pierre ne signifie pas autre chose que Céphas ; mais
ce que nous appelons pierre en latin et en grec, le rapport des
langues fait qu’on l’appelle cephas en hébreu et en syriaque :
(1) Matth. 46. 48. (2) Sœc. X V et X V Itfiss. 4. a. 4. n. 42.
(3) Matth. 46. 46.
(I) Il est à propos de confronter les endroits suivants des ouvrages de rimraortel
évêque d’Hippone : In Joan. tract. 27; Retract. I. 1. c. 21; Serm. de Cathed.
Pétri; Serm. 16. de Sanctis. On peut aussi consulter sur ce point, les excellents
commentaires de Cornelius A-Lapide [In Matth. 16. 18.), qui traite assez longue*
ment l’objection présentée ici par Saint Alphonse. — Au surplus, il faut faire ici
une distinction : c'est que Jésus-Christ est la pierre essentielle, et Simon la pierre
instituée; Jésus-Christ est pierre par sa propre puissance, et Simon est pierre par
une puissance communiquée. Cette distinction est savamment et lucidement énoncée
dans cette phrase par laquelle le savant Capellari, devenu Grégoire XVI, résume
sa pensée dans la table analytique de son excellent ouvrage ; Triomphe du Saint-
Siège et de l'Eglise : * C’est Jésus-Christ et non Pierre qui est la pierre essentielle;
mais il faut distinguer Yessence de l’Eglise (dont Jésus-Christ est le chef), de son
ministère visible, dont les Apôtres sont le fondement, mais dont Pierre est le fon
dement principal (ch. II. n. 5 et 6.); « ce qui est conforme à la pensée de Saint
Alphonse, exprimée ci-desus (page 9) Le traducteur.
3
34 1er T R A IT É . — L E SU PR ÊM E PO N TIFICA T, ETC.
IV
Mais voyons la r a i s o n i n t r i n s è q u e pour laquelle le Pape e s t
supérieur aux Conciles : cette raison, c’est que le gouvernement
de l’Eglise est purement monarchique, et que, par conséquent,
le chef de cette Eglise n’a ni supérieur, ni égal.
On sait qu’il y a trois espèces de gouvernements : le gouver
nement démocratique, où la puissance suprême appartient au
peuple; le gouvernement aristocratique, où le pouvoir est
exercé par des ministres élus ; le gouvernement monarchique^
où la souveraine puissance réside uniquement dans le chef.
Tous conviennent que le gouvernement monarchique est le plus
parfait. Le meilleur régime, dit Saint Thomas, est celui où le
peuple est gouverné par un seul ; car, ajoute-t-il, tout gouver
nant a pour fin la paix et l’unité des sujets; or, un gouvernant
unique contribue plus efficacement à l’unité que plusieurs :
Optimum regimen multitudinis est, ut regatur per unum;
paco enim et unitas subditorum est finis regentis; unitatis
autem congruentior causa est unus quam m ulti . Puis le Saint
Docteur conclut en ces termes : Il arrive qu’il s’élève des con
testations touchant les choses de la foi; or, l’Eglise resterait
divisée par la divergence des opinions, si elle n’était maintenue
dans l’unité par l’opinion d’un seul : Circa ea quœ fidei sunty
contingit quœstiones moveri; per diversitatem autem sen
tentiarum divideretur Ecclesia , nisi in unitate per unius
sententiam conservaretur;l raison qui prouve à l’évidence la
suprême autorité du Pape.
Les hérétiques s’accordent unanimement à dénier la puissance
suprême au Pontife Romain, parce que, s’ils la lui concédaient,
il ne leur resterait plus aucun moyen de défense, quand le Pape
condamne leurs erreurs. C’est pourquoi certains hérétiques, tels
que les Centuriateurs de Magdebourg, attribuent la puissance
suprême en premier lieu au peuple, et en second lieu à l’assem
blée dos anciens; Calvin et d’autres soutiennent qu’elle appar
tient exclusivement aux anciens, avec l’évêque pour chef; les
(1) Contr. Gent* I. 4. c. 76.
CH. III. SUPÉRIORITÉ DU PAPE SUR LES CONCILES. ART. II. 5 5
Arminiens l’attribuent entièrement au peuple ; d’autres enfin ,
la confèrent uniquement aux laïques, à l’exclusion des évêques.
Les catholiques, au contraire, affirment unanimement que
Jésus-Christ, en quittant ce monde, a confié le pouvoir suprême
dans l’Eglise à Saint Pierre, et par lui à tous ses successeurs :
ainsi l’enseigne Saint Thomas, à lendroit cité plus haut,1 où,
après avoir déclaré que le gouvernement monarchique est le
meilleur de tous, il ajoute : C'est pourquoi le Christ a dit : Il n’y
aura qu’un troupeau et qu’un pasteur : Un de Christus d ixit:
« E t fiet unum ovile et unus pastor. 8 »
Saint Antonin3 parle dans le même sens, lorsqu’il dit que
Jésus-Christ, en constituant le Pape son Vicaire, a établi dans
l’Eglise le pouvoir monarchique. Tous les auteurs catholiques
s’expriment de même.
Jean Gerson déclare hérétique celui qui nierait avec obstina
tion le pouvoir monarchique du Pape : La dignité papale, dit-il,
a été instituée immédiatement et surnaturellement par Jésus-
Christ, avec une primauté monarchique et royale dans la hiérar
chie ecclésiastique : dignité unique et suprême, suivant laquelle
l’Eglise militante est appelée une sous son Chef, qui est le
Christ. Oser attaquer cette primauté, ou la diminuer, ou l’égaler
à une autre dignité ecclésiastique en particulier, supposé qu’on
Je fasse avec obstination, c’est être hérétique, sehismatique,
impie, et sacrilège ; car on tomberait par là dans une hérésie
qui a été bien des fois condamnée expressément depuis la nais
sance de l’Eglise jusqu’à nos jours, soit en vertu de la supré
matie instituée par Jésus-Christ en faveur de Saint Pierre sur
les autres Apôtres, soit par la tradition de toute l’Eglise, tradi
tion consignée dans ses sacrés oracles et dans ses Conciles géné
raux : Status papalis institutus est a Christo supernaturaliter
et immediate, tanquam primatum habens monarchicum et re
galem in ecclesiastica hierarchia, secundum quem statum uni
cum et supremum Ecclesia militans dicitur una sub Christo ;
quem primatum quisquis impugnare, vel diminuere, vel alicui
(1) Contr. Gent. I. 4. c. 76. (2) Joan. 40. 46.
(3) Summa, p. 3. Ut. 22. c. 2. § 3.
56 1er TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC*
ecclesiastico statui particulari cocequare prassumit%si hoc per
tinaciter faciat , haereticus est, schismaticus, impius, atqm
sacrilegus ; cadit enim in hceresim toties eccpresse damnatam
a principio nascentis Ecclesiœ usque hodie, tam per institu
tionem Christi de principatu Petri super alios Apostolos,
quam per traditionem totius Ecclesiœ in sacris eloquiis suis
et generalibus Conciliis.**
Quant aux évêques, ils ont, en leur qualité de successeurs des
Apôtres, le gouvernement de leurs diocèses, et ils en sont les
vrais princes, en vertu de la puissance qui leur a été conférée
par Notre-Seigneur en personne; mais toute leur autorité est
subordonnée au Souverain Pontife, qui est investi de la pléni
tude du pouvoir suprême sur tous les autres, conformément â
ces paroles du IIe Concile œcuménique de Lyon : La Sainte
.Eglise Romaine possède la primauté sur toute l’Eglise, primauté
qu’elle reconnaît avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, de
Notre-Seigneur même, dans la personne du Bienheureux Pierre,
dont le Pontife Romain est le successeur : Ipsa quoque Sancta
Romana Ecclesia ... principatum super Ecclesiam universam
obtinet, quem se ab ipso Domino in Beato Petro, cujus Roma-
(1) Destatib. eccles. superstat. summ. Pontif. consta. 4
(*) Ce témoignage a d'autant plus de valeur, que cet auteur, comme on sait,
ne peut être soupçonné d’avoir été trop favorable au pouvoir pontifical. C’est
ainsi, par exemple, qu’au fameux Concile de Constance, auquel il assista comme
délégué de France, il prononça un discours en faveur de la supériorité des Coneiles
sur le Pape ; et dans un de ses ouvrages cité ci-dessus (page 3%), il énonce la
môme proposition. Aussi ses écrits ne peuvent-ils être consultés, sur cette matière,
qu’avec une extrême circonspection, non plus que ses opinions ne peuvent faire 16i.
Toutefois, il s’est exprimé, dans certains endroits, en termes absolus et formels sur
l’autorité, la juridiction, et la primauté du Pape dans l'Eglise universelle. C’est
pourquoi nous nous plaisons à corroborer la citation que nous fournit Saint
Alphonse, par cet autre passage du même auteur, dont le nom, certes, est illustre
à juste titre, mais dont on a malheureusement trop abusé pour discréditer l’autorité
du Saint-Siège. La plénitude de la puissance ecclésiastique, dit-il, ne peut exister
formellement et subjectivement que dans le Souverain Pontife : Plenitud&potdstatis
çcclesiaslicœ... non potest esse... nisi a summo Pontifice formaliter et subjective.
{De Potest, eccles. et Orig. jur. concl. 3.) — Il enseigne ailleurs que l'Eglise a été
fondée par Jésus-Christ sur un seul monarque suprême : Ecclesia .. M unû
monarcha supremo per universum fundata est a Christo. {De auferribil. Papœ.
consid. 8.) — Du reste, nous retrouverons plusieurs fois le môme auteur dans les
traités suivants et à propos du môme sujet, notamment dans le traité qui a pour
titre : Défense du pouvoir suprême du Souverain Pontife. De traducteur.
CH. III. SUPÉRIORITÉ DU PAPE SUR LES CONCILES. ART. II. 5 7
nus Pontifex est successor, cum potestatis plenitudine, rece
pisse. .. recognoscit. 1
Or, si le Pape est investi du pleiri pouvoir sur toute l’Eglise,
comment le Concile peut-il lui être supérieur? C’est pourquoi
Saint Thomas dit que les décrets du Concile tirent toute leur
autorité de l’autorité du Pape : Sancti Patres in Conciliis
congregati nihil statuere possunt nisi auctoritate Romani
Pontificis interveniente . 2 Le Saint Docteur infère de là que là
sentence du Concile a besoin d’être confirmée par le Pape, et
qu’on peut bien appeler du Concile au Pape, mais non du Pape
au Concile : De même, dit-il, qu’un Concile postérieur a le pou
voir d’interpréter le Symbole dressé par un Concile antérieur,
de même aussi le Pontife Romain le peut en vertu de son auto
rité ; c’est uniquement par son autorité que le Concile peut s’as
sembler, c’est par lui que la sentence de ce Concile est confir
mée, et c’est à lui qu’on appelle du Concile : Sicut posterior
Synodus potestatem habet interpretandi Symbolum a priore
Synodo conditum, ita etiam Romanus Pontifex hoc sua
auctoritate potest; cujus auctoritate sola Synodus congregari
potest, et a quo sententia Synodi confirmatur, et ad ipsum
a Synodo appellatur ,3
Saint Bona venture 4 est d’accord avec Saint Thomas, et dans
l’explication de la Règle des Frères-Mineurs, il dit : Honorius
est évêque, non point évêque de quelque partie du monde, mais
de l’univers entier ; si un seul n’exerçait pas la juridiction sur
tous, qu’en serait-il de l’Eglise? Honorius episcopus, episcopus
utique non alicujus partis, sed totius universitatis; quod si
unus non esset qui in omnes exercere posset jurisdictionem,
ubi maneret status Ecclesiœf* Et ailleurs6 il déclare que le
Pape n’est soumis qu’au jugement de Dieu.
Saint Jean de Capistran, à son tour, s’exprime ainsi : Il est
(1) Epist. Mich. imper. ad Greg. X.
(2) Contr. impugn. relig. c . 4.
(3) Quœst. disp. de Potent, q. 40. a. 4. ad 4$.
(4) In Sentent. 4. dist. 49. (5) Expos. Régal. Minor. tnit.
(6) In Sentent. 4. dist. 49. éxpos. text. dub. 6.
58 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
évident que le Pape a juridiction en tout sur le Concile, et que
celui-ci, fût-il même œcuménique, est soumis au Pape : Patet
Papam supra Concilium jurisdictionem in omnibus obtinere,
et Concilium, quantumlibet œcumenicum, Papœ subjici.1
Saint Antonin écrit de même : Le Pape est supérieur à tout
Concile, et tout ce qui s’y traite, n’a de valeur que pour autant
qu’il est confirmé par l’autorité du Pontife Romain : Papa omni
Concilio superior est, nec robur habet quidquid agitur , nisi
auctoritate Romani Pontificis roboretur.2
François Sylvestre (Ferrariensis) écrit dans le même sens,
lorsqu’il dit : Il est manifeste que l’opinion qui affirme la supé
riorité du Concile et de l’Eglise sur le Pape est dénuée de tout
fondement : Eœ prœdictis constat vanam esse opinionem dicen
tium Concilium et Ecclesiam esse supra Papam.9
Tel est aussi le sentiment de Saint Laurent Justinien,4 du
cardinal Turrécrémata (De Torquemadd),'5 de Thomas Netter
( Waldensis),6 du cardinal Nicolas de Cusa,7 de François Phi-
lelphe,* de Jérôme Savonarole, de Gennade (Scholarius),9 de
Gaétan,10 de Sylvestre,11 de Jean-Laurent B erti;1* ce dernier
affirme que l’opinion contraire est tout à fait fausse.
Le père Noël Alexandre13 cite plusieurs docteurs en faveur
de son opinion; mais le père Roncaglia fait voir, dans ses
Remarques14 sur l’Histoire du père Noël, que parmi les auteurs
cités par ce dernier, les uns tiennent plutôt pour le Pape; que
les autres parlent d’une manière obscure, et ne peuvent être
considérés comme des partisans décidés du Concile; que d’au
tres enfin, en traitant cette matière, ont parlé trop humainement.
Du reste, je le dis en vérité, je ne reviens pas de mon éton
(1) De Papœ et Concil. Auctorit. partis 2** princip. pars 5. n. 95.
(2) Summa, p. 5. tit. 25. c. 5 § 5. (3) In contr. Cent. l. 4. c. 76.
(4) De Obed. c. 42. (5) De Summi Pontif. potest. — Resp. ad Basil.
(fl) Doctr. /îdei. I. 2. a. 5. c. 52.
(7) Apud August. Patrit, Summ. Conc. Basil, c. 448.
(8) Epist. adPogg. I. 40.
(9) Eœposit. pro Conc. Flor. c. 5.sect. 9 et 46.
(10) De Auctorit. Papœ et Concil. tr. 4.c. 6 et 7.
(11) Summ. verbo Concil. n. 8. (12) De Theol.dise. t. 47. c. '5.
(13) Sœc. X V et XVI. diss. 4. (14) In loc. cit.animadv. § XI.
CH. III. SUPÉRIORITÉ DU PAPE SUR LES CONCILES. ART. II. 5 9
nement en voyant que des hommes savants et érudits, en dépit
de déclarations si nombreuses des Conciles, des Canons, et des
Saints Pères, en dépit des censures fulminées tant de fois par
les Pontifes à ce sujet, osent dénier au Pape l’autorité sur les
Conciles et prétendre que ceux-ci sont supérieurs au Pape, et
que, par conséquent, il est permis d’appeler du Pape à un Con
cile futur. Les anciens docteurs de France admettent eux-mêmes
cette vérité, que le Pape ne peut être jugé par personne : dans
le Synode assemblé à Rome pour traiter la cause du pape
Léon III, les évêques de France firent la déclaration suivante :
Nous n’osons point juger le Siège Apostolique, qui est le chef
de toutes les Eglises de Dieu; car ce Siège n’est jugé par per
sonne, conformément à l’ancienne coutume : Nos Sedem Apo-
stolicam, quœ est caput omnium Dei Ecclesiarum, judicare non
audemus;... ipsa a nemine judicatur, quemadmodum et anti
quitus mos fu it.1 Ceci est conforme au récit d’Anastase dans Ia
Vie de Léon III,2 à celui d’Emile parlant de Charlemagne,3 et
enfin à celui de Henri de Sponde.4 Ces auteurs ajoutent que
ce serait une chose inouïe de voir le Pontife Romain compa
raître comme accusé dans un Concile, lui qui n’a jamais eu
d’autre juge que lui-même. — Saint Ives de Chartres, cet illus
tre docteur de France, dit que les jugements de l’Eglise Romaine
sont irréformables : Judicia Romanœ Ecclesiœ a nemine
retractari posse.5 — Saint Bernard dit également en parlant
au Pape: Je recours à celui à qui appartient le jugement de
toutes les causes : Recurro ad eum cui datum est judicare de
universis.8
Nos adversaires prétendent que bien des fois on a appelé du
Pape au Concile. — Oui, mais ces appellations ne pouvaient
assurément pas être considérées comme étant adressées à un
Concile opposé au Pape ; car un tel Concile n’aurait pas été légi
time. Elles étaient donc censées adressées à un Concile légitimé
par l’autorité du Pape, dans le but de rendre celui-ci mieux
(1) Labb. t. 7. coll. 4456. (2) Ibld. coll. 4082.
(3) De rebus gestis Francor. I. S. (4) Annal, ad ann. 800. n. 2.
(5) Epist. 459. (6) Epist. 24$. Edit. Ben.
60 1er TRAITE. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
informé. Du reste, comment l’appellation faite du Pape au Con
cile peut-elle être réalisable? l’appellation se fait d’un juge infé
rieur à un juge supérieur qui existe réellement et qui est cer
tain ; mais comment pcut-on appeler à un juge qui n’existe pas
encore, et qui peut-être n’existera jamais? et en attendant qu’il
existe, comment remédier aux dommages causés par ceux qui
propagent leurs erreurs? Aussi écoutons en quels termes Rudol-
pbe de Rudesheim, internonce du Pape Pie II, en 1461, reprit
Diéthêre, archevêque de Mayence, qui avait appelé au Concifô
futur : A quel juge, dit-il, avez-vous appelé? Vous avez appelé,
dites-vous, au Concile futur. Où est-il le Concile futur? Où
giége-t-il? Où trouvons-nous son tribunal? On appelle à tin
juge qui n’existe nulle part. Dans l’assemblée de Mantoue, on a
porté contre cette mauvaise action une loi qui inflige à celui qui
appelle au futur Concile, la même peine que celle qui châtie les
criminels de lèse-majesté et les fauteurs d’hérésie : Quem appela
laiti judicem ? Futurum Concilium, dicis, appellavi. Ubi est
futurum Concilium? Ubi sedet? Ubi tribunal ejus requirimus?
Is judex appellatur qui nusquam reperitur. In Mantuano con
ventu adversus hanc nequitiam lex edita est, quœ appellanti
ad futurum Concilium eam irrogat pœnam, qua rei majestatis
et fautores hœreticorum plectuntur . 1 Diéthère, confondu par
ce reproche, retira et réprouva son appellation.
Voici, en outre, une raison évidente qu’apporte Saint Anlonin
pour montrer qu’on ne peut appeler du Pape au Concile : c’est
que, dit le saint auteur, l’Eglise tient son unité de l’unité du
chef; c’est pourquoi Notre-Seigneur dit qu’il n’y aura qu’un seul
troupeau et un seul pasteur ; mais s’il était permis d’appeler du
Pape à un autre juge, le Pape ne serait plus le chef de l’Eglise,
ou bien celle-ci en aurait deux : Quia Ecclesia habet unitatem
ex unitate capitis ; unde dicit Christus : « Fiet unum ovile et
unus pastor ;2 *» sed si licitum esset appellare a Papa , Papa
non esset caput, vel essent duo capita .3
J’ai pris à tâche de lire attentivement tous les arguments que
(1J Apud Georg. Christian, Joan. Rerum Moguntin. t. &
(2) Joan. 40. 46. (3) Summa, p. $. tit. 23. c. 3. § 3.
CH. Iir. SUPÉRIORITÉ DU PAPE SUR LES CONCILES. ART. II. 61
le père Noël Alexandre a tirés des Conciles en faveur de la
supériorité du Concile sur le Pape, et qu’il a réunis dans une
des dissertations de son Histoire ecclésiastique. Or, je le dis en
toute vérité, j ’ai été grandement étonné de voir qu’un homme
si distingué ait pu s’a ppuyer sur des raisons si faibles. Quicon
que le lira, n’aura pas de peine à découvrir la pauvreté des
arguments auxquels il s’accroche, et à reconnaître, par consé
quent, la mauvaise cause qu’il a entrepris de défendre. Du
reste, je répondrai à ces arguments dans la suite de ce Chapi
tre;* pour le moment, je me borne à opposer une simple répli
que à tous les arguments formulés par le père Noël Alexandre,
arguments auxquels ont victorieusement répondu le père Ron-
cagiia1 et plus nettement encore le cardinal Orsi, dans son
savant ouvrage sur cette matière : cette réplique consiste à dire
que les Conciles généraux n’ont jamais été nécessaires pour
donner de la valeur .et de la consistance aux définitions du
Pape, mais- qu’ils ont simplement concouru à rendre plus évi
dentes les vérités définies par les Pontifes Romains, et à pré
venir plus sûrement le peuple de se tenir en garde contre les
erreurs condamnées par eux, comme aussi à hâter l’exécution
des décrets déjà portés.
Nos contradicteurs objectent que toutes les décisions portées
par les Souverains Pontifes eux-mêmes et alléguées par nous
en faveur de leur supériorité surles Conciles, ne prouvent abso
lument rien, par la raison qu elles sont prononcées par la partie
intéressée.** — Mais, leur répondrai-je, faut-il donc accorder
plus de valeur à l’autorité d’un Maimbourg, d’un Dupin, d’un
de Launoy, qu’à celle de tant de Pontifes Romains, que les Con
ciles eux-mêmes ont regardés de nom et de fait comme les suc
cesseurs de Pierre, les Vicaires du Christ, les organes du Saint-
Esprit, les chefs et les docteurs du monde chrétien, investis de
la pleine et suprême puissance sur l’Eglise universelle ? Mais
(1) In Natal. Aleæ. animadv. § XI,
(*) Art. III. § IV.
(**) Nous avons déjà rencontré cette objection ci-dessus (page 51} à propos des
définitions pontificales. Le traducteur.
62 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
si les décisions des Souverains Pontifes sont sans valeur, et si
le Pape n’est pas supérieur au Concile, qui décidera de ce point?
Et si un Concile décidait le contraire, les Souverains pontifes, à
leur tour, pourraient dire pareillement que la décision du Con
cile n’est pas valable, par la raison qu’elle est portée par la
partie intéressée. Du reste, à moins de vouloir bouleverser les
fondements de la religion chrétienne, quelle valeur pourrait-on
accorder à cette décision portée par un Concile qui ne peut être
appelé ni légitime, ni œcuménique, par cela même qu’il est
séparé du Pape qui est en charge (supposé que celui-ci ne soit
ni douteux, ni hérétique), et parce qu’il est dépourvu de l’auto
rité pontificale? caries Conciles empruntent toute leur force de
l’autorité et de la ratification du Pontife Romain, et eux-mêmes
reconnaissent qu’on ne peut point changer les définitions du
Pape, non plus qu’on ne peut appeler de ces définitions à un
autre supérieur. On lit les paroles suivantes dans le IYÔConcile
de Constantinople, ainsi que nous l’avons remarqué plus haut :
Nous ne pouvons rien changer à la sentence prononcée anté
rieurement par le pape Nicolas : Sententiam,... jam olim a
sanctissimo Nicolao pronunciatam , quam nequaquam pos
sumus immutare . 1
Et dansle IIIe Concile de Latran, tenu en 1179 sous Alexan
dre III, on lit ce qui suit (ainsi qu’il résulte du chapitre Licet) :
S’il se présente quelque doute, * le jugement du supérieur pourra
décider; mais dans l’Eglise Romaine, quelque chose de spécial
est établi, parce qu’il n’y a pas de supérieur (notez bien) auquel
on puisse avoir recours contre elle : Quod in eis dubium venerit,
superioris poterit judicio definiri; in Romana vero Ecclesia
speciale aliquid constituitur, quia non poterit ad superiorem
recursus haberi.%
De plus, dans le Concile général de Sardique, tenu en 347
sous Jules Ier et célébré par trois cent soixante-seize évêques, il
est dit que ceux qui sont condamnés par un Synode, peuvent
(1) Sess. 5. (2) Cap. Licet. 6. de Elect.
(*) Suppléez, d’après le texte original, ces paroles qui complètent le sens : - dans
les autres Eglises, au sujet de l’élection du Pontife. « Le traducteur.
CH. III. SUPÉRIORITÉ DU PAPE SUR LES CONCILES. ART. II. 6 3
appeler au Siège de Rome et sfen remettre à son arbitrage,
soit qu’il veuille prendre lui-même connaissance de la cause, soit
qu’il préfère déléguer des juges : A Synodo condemnatos posse
Romanam Sedem appellare, hujusque arbitrio sedere, velit
ipsa causam cognoscere, an judices in partibus delegaret
En outre, les Pères du Concile de Rome, tenu sous le pape
Symmaque, proclamèrent que le Pape est le Pasteur suprême,
qui, en dehors du cas d’hérésie, n’est soumis au jugement de
personne : Papam esse summum Pastorem, nullius, extra
casum hœresis, judicio subjectum.
Saint Thomas dit également : C’est par la seule autorité du
Pontife Romain que la sentence du Concile est confirmée ; c’est
à lui qu’on appelle du Concile : ces propositions, continue-t-il,
sont évidentes par les Actes du Concile de Chalcédoine : Roma
nus Pontifex ... cujus auctoritate sola sententia Synodi con
firmatur , et ad ipsum a Synodo appellatur : quœ omnia patent
ex gestis Chalcedonensis Synodi.2*
De plus, le pape Saint Gélase écrit en ces termes aux évêques
de Dardanie, comme nous le voyons dans le Canon Cuncta :
L’Eglise entière, répandue dans tout l’univers, sait très-bien que
la Sainte Eglise Romaine a le droit de juger toutes les causes,
tandis qu’il n’est permis à personne dejuger son jugement; car,
de toutes les parties du monde, on peut appeler à son tribunal,
mais personne ne peut se permettre d’en appeler : Cuncta per
mundum novit Ecclesia quod sacrosancta Romana Ecclesia
fas de omnibus habeat judicandi, neque cuiquam de ejus liceat
judicare judicio , siquidem ad illam de qualibet mundi parte
appellandum est, ah illa autem nemo sit appellare permissus.3
Et en parlant de Saint Léon, le même Pape nous dit : Le Siège
Apostolique a condamné Dioseore de sa propre autorité, et a
(1) Can. S et 7. (2) Quœst. dtsp de Potent, q. 10. a. 4. ad 4S.
(3) Can. Cuncta 47. causa 9. q. S.
(*) A la suite de cette citatiori. Saint Alphonse ajoute ces paroles : Tertio, quod
a Papa ad Synodum non appellatur ut habetur ex gestis Concilii Ephesint : On ne
peut pas appeler du Pape au Concile, comme il résulte des Actes du Concile
d’Ephèse. — Mais nous ne trouvons pas cette phrase dans l’ouvrage indiqué du
Saint Docteur. Le traducteur.
64 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
dissous un Concile impie en refusant son oonsentement ; de
plus, lui seul a décidé que le Concile de Chalcédoiue aurait
lieu. Comme ce que le premier Siège de l’Eglise n’avait pas
approuvé, n’a pas eu de consistance, de mênje ce qu’il a cru
devoir décider, a été reçu de toute l’Eglise : Dioscorum sua
auctoritate damnavit Sedes Apostolica, et impiam Synodum
non consentiendo submovit ; ac pro veritate ut Synodus Chal-
cedonensis fieret, sola decrevit.... Sicut id quod prima Sedes
non probaverat, constare non potuit , sic quod illa censuit
judicandum , Ecclesia tota suscepit. 1— Et dans le Canon Ipsi%
on lit ces paroles du même Pontife : Ce sont les Canons mêmes
qui ont voulu que les appellations de l’Eglise universelle fussent
.soumisesà l’examen du Siège Apostolique; mais ils n’ont statué
nulle part qu’on dut appeler de lui à un autre supérieur : Jpsi
sunt Canones qui appellationes totius Ecclesiœ ad hyjus Sedis
examen voluere deferri ; ab ipsa vero nusquam prorsus appel
lari debere sanxerunt,2
Nicolas II (comme on le voit dans le Canon Omnes) s’exprime
ainsi : Celui-là viole la foi, qui agit contre l’Eglise Romaine,
laquelle est la mère de la foi ; et il est déclaré rebelle à celui que
nous savons avoir élevé cette Eglise au-dessus de toutes les
autres : Fidem quippe violat, qui adversus illam (Romanam
Ecclesiam) agit, quce mater est fidei; et illi contumax inve
nitur , qui eam cunctis Ecclesiis prœtulisse cognoscitur.3
Pie II, dans sa Constitution Execràbilis, qualifie l’appel du
Pape à un autre supérieur d’abus exécrable et inouï dans les
temps anciens; aussi, dans cette Bulle dressée à l’assemblée de
Mantoue, de l’avis des cardinaux, des prélats, et autres savants,
le Pape s’exprime ainsi : Nous condamnons ces sortes d’appels,
et les réprouvons comme erronés et détestables. Nous ordon
nons qu’à l’avenir personne ne soit assez téméraire, sous quel
que prétexte que ce soit, d’interjeter de semblables appels
d’aucune de nos décisions ou ordonnances, soit de nous, soit de
nos successeurs, non plus que d’adhérer à ceux qui seraient
(1) Ldbü. Epist. 13, ad Episc. Eardan, (2) Can. Ipsi, 16. causa 9. q. 3.
(3) Can. Omnes. dist, 22,
CH. III. SUPERIORITE DU PAPE SUR LES CONCILES. ART II. 65
interjetés par d’autres. Que si, deux mois après la publication
des présentes, quelqu’un contrevenait à cet ordre, de quelque
état ou condition qu’il soit, fût-il même revêtu de la dignité pon
tificale, il encourra par le fait même la sentence d’excommu
nication, dont il ne pourra être absous que par le Pontife
Romain et à l’article de la mort. Quant aux universités et collè
ges réfractaires, ils seront soumis à l’interdit ecclésiastique ; et
ces universités et collèges, aussi bien que les personnes susdites
et toute autre, encourront les mêmes peines et censures que les
criminels de lèse-majesté et les fauteurs d’hérésie : Hujusmodi
provocationes damnamus, et tanquam erroneas ac detestabiles
reprobamus...; praecipientes deinceps ut nemo audeat quovis
colore a sententiis sive mandatis nostris ac successorum talem
appellationem interponere, aut interpositas per alium adhae
rere Si quis autem contra fecerit, a die publicationis prae
sentium post duos menses y cujuscumque status , gradus
fuerit , etiamsi pontificali praefulgeat dignitate, ipso facto
sententiam execrationis incurrat, a qua nisi per Romanum
Pontificem et in mortis articulo absolvi non possit. Universitas
vero sive collegium ecclesiastico subjaceat interdicto; et nihilo
minus tam collegia et universitates quam praedictae et aliae
qucecumque personae eas pœnas ac censuras incurrant, quas
rei majestatis et haereticae pravitatis fautores incurrere digno
scuntur . 1
Sixte IV confirma dans la suite cette Constitution par une
autre datée du 13 juillet 1483, dans, laquelle il s’exprime ainsi :
Ce n’est pas l’homme qui a placé le Siège Apostolique et celui
qui l’occupe, au-dessus des Conciles généraux eux-mêmes,
lesquels, d’après les décrets des Saints Pères, empruntent de
lui toute leur force ; mais c’est Celui qui d’un seul mot a fait
le ciel et la terre. Et le pape Gélase dit pareillement : « Ce sont
les Canons mêmes qui ont voulu que les appellations de l’Eglise
universelle fussent soumises à l’examen du Siège Apostolique ;
mais nulle part ils n’ont statué qu’on dût appeler de lui à un
autre supérieur, etc. » La même vérité est attestée par les
(1) Bulla - Eœecràbilis, » § 2 et 3.
5
66 I01, T R A IT E . — LE SU PRÊM E PO N TIFICA T, ETC.
§ II.
RÉPONSES AUX OBJECTIONS TIRÉES DES CONCILES DE PISE ET DE CONSTANCE.
S IV.
RÉPONSES AUX AUTRES ARGUMENTS QU’A RECUEILLIS LE PPRE NOËL ALEXANDRE,
ET PAR LESQUELS NOS ADVERSAIRES PRÉTENDENT ÉTABLIR QUE LE CONCILE EST
AU-DESSUS DU PAPE.
ARTICLE I.
NOTIONS P R É L IM IN A IR E S ,
ARTICLE II.
PUEUVE3 DE L’iNFAILLIBILITE DU PAPE.
I.
Cette infaillibilité se prouve d’abord par les E critu res.
1° Jésus-Christ a dit à Saint Pierre : Tout ce que vous lierez
sur la terre, sera aussi lié dans le ciel : Quodcumque ligaveris
super terram , erit ligatum et in cœlis.1 Or, dans le langage
des Ecritures, lier signifie faire des lois, obliger; donc, Saint
Pierre reçut en ce moment le pouvoir général d’obliger toute
l’Eglise, indépendamment des Conciles. Le même pouvoir fut
conféré en même temps aux successeurs de Pierre, lesquels
devaient gouverner l’Eglise après sa mort,
2° Notre-Seigneur a dit en outre à Saint Pierre : Simon,
Simon, Satan a demandé à vous cribler tous, comme on crible
le froment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille
point; lors donc que tu auras été converti, affermis tes frères :
Simon, Simon , ecce Satanas expetivit vos ut cribraret sicut
triticum ; ego autem rogavi pro te ut non deficiat fides tua ; et
tu aliquando conversus confirma fratres tuos* Le Seigneur,
comme on voit, parle d’abord de tous les Apôtres : « Expetivit
vos ; » mais ensuite il s’adresse uniquement à Pierre, en disant :
J’ai prié pour toi : « Rogavi pro t e , » et non pour vous, « pro
v o b is ; « de là le privilège spécial accordé à Pierre de ne pas
faillir dans la foi. — A propos de ces paroles, Saint Léon
s’exprime ainsi : Le Seigneur prie proprement pour la foi de
Pierre, comme si le sort des autres dût être plus assuré, par
l à même que l’esprit du chef ne serait pas vaincu : Pro fide
Pétri proprie supplicatur, tamquam aliorum status certior sit
futurus , si mens principis victa non fuerit ,3
Le même privilège fut accordé également aux successeurs de
Pierre, puisque toutes les promesses faites à Pierre en qualité
de Chef de l’Eglise, doivent nécessairement s’entendre comme
(1) Matth. 46. 49. (2) Luc. 22. 34 et 32.
(3, In anniv. assumpt. suce, serm. 3.
CH. IV. INFAILLIBILITE DU PAPE. ART- II. 149
étant faites également à ses successeurs : c’est ainsi que l’a
compris le IIIe Concile de Constantinople,1 qui reçut avec éloge
le discours de Saint Agathon, discours dans lequel le Pape
exposait clairement le point en question. La raison en est
évidente ; en effet, ce privilège a été accordé à Saint Pierre pour
pouvoir triompher de tous les assauts que Satan livrerait à
l’Eglise ; or, cette raison s’applique également à tous ses succes
seurs. C’est ainsi que les Saints Pères ont généralement entendu
la chose : tels sont Saint Augustin,2 Saint Jean Chrysostome,3
Saint Léon,4 Saint Grégoire,5 Saint Bernard,6 et Saint Thomas.7
Notre divin Sauveur a ajouté : Lorsque tu auras été converti,
affermis tes frères : E t tu aliquando conversus confirma fra
tres tuos. Ici on voit1 plus manifestement que le Seigneur a
communiqué l’infaillibilité, non point aux membres, mais au
chef, qui était Saint Pierre, afin qu’il fût infaillible, même sans
les* membres. Si la foi de Pierre dépendait de la direction du
Concile, ce ne serait pas Pierre qui affermirait ses frères, mais
il serait lui-même affermi par eux.
De plus, Notre-Seigneur a employé le mot de « conversusf
converti. » Nos adversaires prétendent que ce mot s’applique à
l’Eglise; or, cette explication n’est pas soutenable, puisque
l’Eglise n’a jamais failli et qu’elle ne peut même faillir, de
manière à avoir besoin de se convertir. Mais ce mot doit néces
sairement s’entendre de Saint Pierre, qui, dans les prévisions du
Sauveur, devait faillir comme homme au moment de la Passion,
mais qui, comme pasteur universel, devait dans la suite affermir
les autres. Ce mot s’entend également de ses successeurs, puisque
l’Eglise doit avoir en tout temps un Pasteur qui la confirme
d’une manière infaillible dans la foi. Yoici ce que Saint Bernard
écrivait à Innocent II : Il convient, me semble-t-il, que les
dommages causés à la foi soient surtout réparés là où cette
même foi ne peut faillir. Or, telle est la prérogative du Siège
Apostolique. En effet, à quel autre ces paroles furent-elles jamais
(1) Act. 48, (2) De Con'ept, et Grat. c. 6 . (3) In Matth, hom. 8$.
(4) In anniv. assumpt. suæ, serm. S. (5J Epist. Z. 6. ep. o7.
(6; Epist. 490, ad Innoc. II, (7) Summ, 2, 2. q, /. a. /0,
150 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
adressées : « J ’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point. »
Cette prérogative de l’infaillibilité pontificale (qu’on remarque
bien ces paroles) est démontrée par la tradition constante et
permanente des Saints Pères : Dignum namque arbitror ibi
potissimum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire
defectum . Hœc quippe hujus praerogativa Sedis . Cui enim
alteri aliquando dictum est : « Ego pro te rogavi, ut non defi
ciat fides tua? » 1 Istam infallibilitatis pontificiae praerogati
vam constantissima perpetuaque Sanctorum Patrum traditio
commonstrat.
D’autres prétendent que, pour être infaillibles, les définitions
du Pape doivent être appuyées du consentement de l’Eglise.
Mais Gagliardi répond en ces termes à cette assertion : Com
ment se réalisera la promesse par laquelle Jésus-Christ nous a
garanti que la foi de Pierre ne défaillirait jamais et qu’il affer
mirait ses frères, si la foi de ce même Pierre est entièrement
soumise à la censure ou à l’approbation de ses frères, je veux
dire des évêques : Quo vero pacto stabit sponsio Christi de fide
Petri nunquam defectura, deque Petro fratres confirmaturo,
si Petri fides subjiciatur omnino fratrum , puta episcoporum,
censurae aut confirmationi. Un autre auteur remarque très-
judicieusement que, s’il en était ainsi, le Pape n’aurait aucune
prérogative de plus qu’un simple évêque, ni même qu’un docteur
privé, puisque l’opinion même de celui-ci deviendrait infaillible,
si toute l’Eglise l’approuvait; mais Jésus-Christ a voulu qu’il
n’appartînt qu’à Pierre d’affermir ses frères, puisque c’est sur lui
seul qu’il a bâti son Eglise.
3° Notre-Seigneur a dit encore à Saint Pierre : Simon, fils
de Jean, m’aimez-vous?.... Paissez donc mes brebis: Simon
Joannis, amas me?.... Pasce oves meas* Le mot paître veut
dire enseigner la saine doctrine, et non la fausse ; sans quoi, ce
ne serait pas paître les brebis, mais les tuer, en les conduisant
dans des pâturages empoisonnés. Saint Thomas infère de ce texte
que ce serait une grave erreur de nier l’obligation de se sou
mettre aux définitions des Souverains Pontifes. Voici comment
(1) Epist. 190, a d ln n o c. I I . prœf. (2) Joan. 2 t. 47.
CH IV . INFAILLIBILITÉ DU PAPE. ART. II. 15 1
s’exprime le Saint Docteur : Jésus-Christ a dit à Pierre : Paissez
mes brebis, etc. Or, ces paroles écartent l’erreur téméraire de
ceux qui tentent de se soustraire à la sujétion de Pierre, en
refusant de reconnaître son successeur, le Pontife Romain, pour
le Pasteur de l’Eglise universelle : Petro diæit (Christus) :
Pasce oves meas, etc. Per hoc autem excluditur quorumdam
pr cesumptuosus error, qui se subducere nituntur a subjectione
P e tr i, successorem ejus Romanum Pontificem universalis
Ecclesiœ Pastorem non recognoscentes
Le père Noël Alexandre prétend que les mots « Paissez mes
brebis » s’appliquent à l’Eglise, et non à Saint Pierre. — Donc,
lui répondrons-nous, c’est l’Eglise qui doit se paître elle-même?
c’est elle qui doit paître aussi Pierre? Si le Seigneur avait eu
en vue de s’adresser à l’Eglise, il aurait dit : « Mes chères bre
bis, si vous m’aimez, paissez Pierre, mon Yicaire ; paissez votre
Pasteur. » Mais le fait est qu’il s’est adressé à Pierre, et que
c’est à lui qu’il a imposé la charge de paître tous les fidèles,
qu’ils soient supérieurs ou sujets : Il paît les petits, dit Saint
Eucber, comme il paît les mères ; il gouverne les sujets comme
il gouverne les supérieurs : Pascit filios, pascit et matres ;
regit et, subditos et prœlatos? Saint Léon dit également : Pierre
seul est choisi pour être préposé à tous les autres, de sorte que,
bien qu’il y ait un grand nombre de pasteurs, c’est lui cepen
dant qui les gouverne tous : Unus Petrus eligitur qui omnibus
prœponatur, ut, quamvis multi sint pastores, omnes tamen
regat Petrus ,3
Quoique l’Evangile parle si clairement, les adversaires de
notre opinion prétendent que ce sont les brebis qui doivent paître
le Pasteur, que le fondement doit être soutenu par la maison,
le maître instruit par les écoliers, la tête dirigée par les mem
bres, Pierre confirmé par ses frères, en un mot, que tout doit
marcher à rebours.
(1) Contr. Cent. I. 4. c. 76. (2) In vtg. S. Pétri.
(3) In anniv. assumpt. suce, serm. J.
152 1er TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
II
Mais il n’est point de preuve plus propre à mettre en lumière
l’infaillibilité du Pape, que les décisions mêmes des Conciles
œcuméniques; c’est pourquoi il est nécessaire que nous répétions
ici plusieurs passages que nous avons déjà cités dans le chapitre
précédent.
Le Ier Concile de Nicée , tenu sous le pape Sylvestre ,
s’exprime ainsi : Celui qui occupe le Siège de Rome, est le Chef
à qui fut attribué le pouvoir sur tous les peuples, de sorte qu’il
est le Yicaire de Jésus-Christ pour régir toutes les nations et
toute l’Eglise Chrétienne. Quiconque soutient le contraire, est
excommunié par ce Concile : llle qui tenet Sedem Romœ, caput
est... cui data est potestas... in omnes populos, ut guisit Vica
rius Christi super cunctos populos et universam Ecclesiam
Christianam . Quicumgue contradixerit, a Synodo excom
municatur.1
Et dans le Concile de Chalcédoine, qui fut tenu en 451 sous
le pape Léon et auquel assistèrent six cent trente évêques, ainsi
que le rapporte Saint Thomas, nous lisons ces paroles : Que
toutes ses définitions (c’est-à-dire celles de Léon) soient consi
dérées comme émanant du Yicaire du trône Apostolique : Omnia
ab eo definita teneantur tamquam a Vicario Apostolici throni.2
Et après qu’on eut donné lecture de la lettre de Saint Léon, le
Concile ajouta : Nous croyons tous de même ; anathème à qui ne
croit pas de même ! C’est Pierre qui a parlé ainsi par la bouche
de Léon : Omnes ita credimus ; anathema ei gui non ita cre
dit! Petrus per Leonem ita locutus est.z
On lit également dans le même Concile, au rapport de Saint
Thomas : Ce n’est que par l’autorité du Pontife Romain que le
Concile peut être assemblé ; c’est par lui que les décisions du
Concile sont confirmées, et l’on peut appeler de celui-ci au Pape :
tout cela ressort évidemment des Actes du Concile de Chalcé
doine : Romanus Pontifex ... cujus auctoritate sola.,. Synodus
(1) Can. 89. (Coll. reg. t. 2.)
(2) Apud S. Thom. Contr. error. Graecor, c. 8%. (3) Act. %.
CH. IV. INFAILLIBILITÉ DU PAPE. ART. II. 153
congregari potest, et a quo sententia Synodi confirmatur ; et ad
ipsum a Synodo appellatur : quœ omnia patent eos gestis
Chalcedonensis Synodi.1
La même vérité avait déjà été établie par le Concile de Sardi-
que, qui fut tenij en 347 sous Jules Ier, et qui s’exprime ainsi :
Ceux qui sont condamnés par un Sjnode, peuvent appeler au
Siège de Rome et s’en remettre à son arbitrage, soit qu’il veuille
prendre lui-même connaissance de la cause, soit qu’il préfère
déléguer des juges : A Synodo condemnatos posse Romanam
Sedem appellare, hujusque arbitrio sedere, velit ipsa causam
cognoscere, an judices in partibus delegareA
Ces principes sont conformes à ce que nous lisons dans le
Ier Concile de Nicée au sujet du Siège Apostolique : C’est à sa
décision, dit le Concile, que l’autorité des Apôtres, de leurs
successeurs et des Canons, ont remis, d’ancienne date, toutes les
causes majeures de l’Eglise : Cujus dispositioni omnes majores
ecclesiasticas causas antiqua Apostolorum eorumqv,e successo
rum atque Canonum auctoritas reservavit.3
Ces principes sont également conformes à ce que nous trou
vons dans le IIIe Concile de Latran, qui, à propos des Eglises
particulières, déclare que les doutes peuvent être définis par le
jugement du supérieur, mais qui, à propos de l’Eglise Romaine,
s’exprime ainsi : Dans l’Eglise Romaine, au contraire, quelque
chose de spécial est établi, parce qu’il n’y a pas de supérieur
auquel *on puisse avoir recours contre elle : ln Romana vero
Ecclesia speciale aliquid constituitur , quia non poterit ad
superiorem recursui haberiA Or, s’il n’y a pas de recours
possible du Souverain Pontife à un autre supérieur, il faut
nécessairement le tenir pour infaillible dans ses définitions.
On trouve la même déclaration dans le Concile de Rome, tenu
sous le pape Symmaque : Le Pape, dit-il, est le Pasteur suprême,
qui, en dehors du cas d’hérésie, n’est soumis au jugement de
personne : Papam esse summum Pastorem , nullius , extra
casum hœresis, judicio subjectum.
(1) Quœst. disp. de Potest. q. 40. a. 4. ad 43". (2) Can. 3 et 7.
(3) Can. 48. [et Corp. Jur. %. q. 6. Omnes Episo.)
(4) Cap. Licet. 6. de Elect.
154 I er TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
De plus,dans le IIe Concile de Constantinople, tenu en 553
sous le pape Vigile, contre l’hérésie d’Origène et les Trois
Chapitres de Théodore, de Théodoret, et d’Ibas, nous lisons ces
mots : Nous suivons le Siège Apostolique, nous recevons à notre
communion ceux avec qui il communique, et nous condamnons
ceux qu’il condamne ; Nos Apostolicam Sedem sequimur, et
ipsius communicatores communicatores habemus, et condem
natos ab ipsa et nos condemnamus.1
Ecoutons aussi le III® Concile de Constantinople, tenu en 680
sous Saint Agathon : ce Pape avait écrit au Concile pour lui
prescrire ce qu’on devait tenir comme étant de foi contre les
Monothélites ; sa lettre fut bien accueillie par les Pères, qui
s’exprimèrent ainsi : Acceptant le contenu de la déclaration
,qui nous est adressée par Agathon et de celle qui a été faite par
le Concile soumis au Pape, nous opinons et croyons de même.
Pierre a parlé par Agathon : E t nos notionem accipientes
suggestionis directes ab Agathone , et alterius suggestionis
quœ facta est a subjacente ei Concilio, sic sapimus et credimus
Per Agathonem Petrus loquebatur,®
Et dans le IVe Concile de Constantinople, tenu en 869 sous
Adrien II, le pape Nicolas fut appelé « l’organe du Saint-Esprit ;4 »
en outre, les Pères s’énoncèrent en ces termes : Quant à nous,
nous ne portons pas une sentence nouvelle, 'mais nous adoptons
celle qui fut prononcée autrefois par le Très-Saint pape Nicolas,
et nous ne pouvons en aucune manière la changer : Neÿue nos
sane novam de illo judicio sententiam ferimus , sed jam olim a
Sanctissimo papa Nicolao pronuntiatam, quam nequaquam
possumus immutare. B Et après avoir souscrit au Concile, les
Pères ajoutèrent ces paroles remarquables : Suivant en toutes
choses la chaire Apostolique et observant tous ses décrets, ainsi
que nous l’avons déjà dit, nous espérons mériter d’être avec vous
dans une même communion, qui est celle que proclame le Siège
Apostolique, dans lequel réside l’entière et vraie solidité de la
Religion Chrétienne : Quoniam, sicut prœdiœimus, sequentes
(1; Act. 4. — Labb. t. 6. col. 64. {%) Act. 8. (3) Act. 48.
{4} Regitl. 2. (5) Sess. 5.
CH. IV . IN FAILLIBILITÉ DU PA PE. A RT. II. 155
in omnibus Apostolicam Sedem , et observantes ejus omnia
constituta , speramus ut in una communione, quam Sedes
Apostolica prcedicat, esse mereamur, in qua est integra et vera
Christianœ religionis soliditas.1
En outre, dans le IIe Concile de Lyon, tenu en 1274 sous Gré
goire X et composé de cinq cents évêques, nous lisons ce qui suit :
La Sainte Eglise Romaine possède la suprême et pleine primauté
et principauté sur l’Eglise universelle, primauté qu’elle reconnaît
en toute vérité et humilité avoir reçue, avec la plénitude du pou
voir, de Notre-Seigneur même dans la personne du Bienheureux
Pierre, dont le Pontife Romain est le successeur. Et de même
qu’il est tenu plus que tout autre de défendre la vérité de la
foi, de même les questions soulevées au sujet de cette même foi
doivent être définies par son jugement : Ipsa quoque Sancta
Romana Ecclesia summum et plenum primatum et prinGipatum
super universam Ecclesiam obtinet, quem se àb ipso Domino in
Beato Petro , cujus Romanus Pontifex est successor, cum pote
statis plenitudine, recepisse veraciter et humiliter recognoscit.
E t sicut prce cceteris tenetur fidei veritatem defendere, sic et
si quœ de fide subortœ fuerint quaestiones, suo debent judicio
definiri.* Or, si les questions de foi doivent être définies par le
Pape, il en résulte que toutes ses définitions doivent être tenues
pour dogmes de foi. — Nullement, dit Bossuet,3 en parlant préci
sément de ce texte du Concile : la Faculté de Paris définit égale
ment une foule de choses touchant la foi, et cependant elle ne
fait pas des dogmes. — Nous répondons : oui, la Faculté de
Paris définit bien des choses, mais personne ne soutient qu’elle
doive les définir, comme on le soutient à propos du Pape : Suo
debent judicio definiri. Autre chose est assurément qu’une
question soit définie par une Faculté, autre chose qu’un dogme
soit défini par le Pape, lui qui possède, comme on sait, la pri
mauté et la principauté sur l’Eglise universelle, et à qui incombe
l'obligation de défendre les vérités de la foi. Quand il les définit
comme Primat et Prince de l’Eglise, celle-ci est obligée de s’en
(1) Act. 4. Libell. Adrian. (2) Epist. Mtch. imper. ad Greg. X.
(3) Defens. Declarat. I. 7. c. 36.
156 I ep TRAITÉ. — LE SUPRÊM E PONTIFICAT, ETC.
tenir à ce qu’il définit ; d’autant plus que le Concile a déclaré lui-
même en quoi consiste la plénitude du pouvoir : Cette pléni
tude, dit-il, consiste en ce que le Pape admet les autres
Eglises à une partie de sa sollicitude, tout en conservant et en
maintenant toujours intacte sa prérogative, soit dans les Con
ciles généraux, soit dans les autres : Potestatis plenitudo
consistit) quod Ecclesias cceteras ad sollicitudinis partem
admittit,... sua tamen observata prœrogativa tum in genera-
libus Conciliis tum in aliquibus aliis semper salva.1 Enfin,
après qu’on eut donné lecture de la sentence, elle fut acceptée
par le Concile, qui fit la déclaration suivante : En souscrivant à
cette vérité de foi, telle qu’elle a été lue en son entier et fidèle
ment exposée, nous la reconnaissons et acceptons comme la foi
véritable, sainte, catholique et orthodoxe, et nous professons de
bouche et de cœur ce que tient, enseigne et prêche la Sainte
Eglise Romaine : Suprascripta fidei veritate, prout plene lecta
est et fideliter exposita, veram, sanctam, catholicam, et ortho
doxam fidem cognoscimus et acceptamus, et ore ac corde con
fitemur quod vere tenet, et fideliter docet, et praedicat Sancta
Romana EcclesiaA N y eût-il d’autre déclaration des Conciles
que celle-là, je ne sais comment on pourrait nier l’infaillibilité
du Pape et sa supériorité sur les Conciles.
De plus, dans le Concile général de Vienne, tenu sous Clé
ment V, on décida qu’il n’appartenait qu’au Siège Apostolique
de prononcer sur les doutes en matière de foi : Dubia fidei
declarare ad Sedem dumtaxat Âpostolicam pertinere A
Et dans le Concile de Constance, on approuva la lettre par
laquelle Martin V prescrivait d’interroger en ces termes‘ceux qui
étaient suspects d’hérésie : Croient-ils que le Pape est le succes
seur du Bienheureux Pierre, et qu’il est investi de la puissance
suprême dans l’Eglise de Dieu? Utrum credat quod Papa... sit
successor Beati Petri, habens supremam auctoritatem in Eccle
sia Dei?4 Or, la puissance suprême, comme dit très-bien Bellar
min,5 est celle à laquelle aucune autre n’est supérieure ni égale.
(1) Epist. Mich. imper. ad Greg. X. (2) lbid.
(3y Clement. Fidei cath. l. 4. tit. 4. de SSumm. Trin.
(4j Bulla **Inter cunctas. » (5) De Concil. et Eccl.l. S. c. 47.
CH. IV . INFAILLIBILITÉ DU PA PE. A RT. II. 157
En outre, le Concile de Florence s’est exprimé ainsi : Nous
définissons que le Pontife Romain est investi de la primauté sur
le monde entier; qu’il est le successeur du Bienheureux Pierre,
le Chef de toute l’Eglise, le Père et le Docteur de tous les chré
tiens; qu’il a reçu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans la
personne du Bienheureux Pierre, le plein pouvoir de gouverner
l’Eglise, ainsi que nous le voyons également par les Actes des
Conciles œcuméniques et par les Saints Canons : Definimus
Romanum Pontificem in universum orbem tenere primatum ,
et... successorem esse Beati Petri,... totiusque Ecclesiœ Caput,
et Christianorum Patrem et Doctorem eœistere, et ipsi in Beato
Petro... regendi Ecclesiam a Domino nostro Jesu Christo
plenam potestatem traditam esse, quemadmodum etiam in gestis
cecumenicorum Conciliorum et in sacris Canonibus continetur.1„
Or, s’il est certain que le Pape est le Docteur de toute l’Eglise,
on doit également tenir pour certain qu’il est infaillible dans
toutes ses définitions en matière de foi, afin que l’Eglise ne soit
pas induite en erreur par son propre maître. Aussi le Synode
de Paris, tenu en 1650 et composé de quatre-vingt-cinq évêques,
écrivait-il au Pape Innocent X : * C’est une coutume reçue et
autorisée dans l’Eglise, qu’on rapporte les causes majeures au
Saint-Siège Apostolique; et la foi de Pierre, laquelle ne faillit
jamais, réclame, comme c’est son droit, qu’on maintienne fidèle
ment cette coutume : Majores causas ad Sedem Apostolicam
referre solemnis Ecclesiœ mos, quem fides Petri nunquam
deficiens retineri pro jure suo postulat}
De Launoy et ceux qui, comme lui, combattent l’infaillibilité
du Pape, établissent une distinction entre le Siège Apostolique
ou Romain, par lequel ils entendent l’Eglise universelle, et entre
celui qui occupe ce Siège, c’est-à-dire le Souverain Pontife ; or,
ils prétendent que le premier est infaillible, mais qu’il n’en est pas
(!) Sess. ult. Def. — Labb. t. 1o, col. 1167.
(2) Epist. ad Innoc. X. — Actes du clergé de France, t. 1. c. 2.
(*J Ce Synode et cette lettre avaient pour objet le livre posthume (Augustinus)
de Corneille Jansénius et la censure de ses cinq propositions devenues tristement
célèbres. Le traducteur.
158 I eP TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
même du second. — La distinction est ingénieuse, mais elle
est fausse; car elle est contraire au sentiment commun des
Conciles, des Souverains Pontifes, et des Saints Pères, qui par
le Siège Apostolique ou Romain entendent généralement le Pon
tife de Rome. Ainsi, dans le Ier Concile de Nicée, il est dit :
Tous les évêques peuvent appeler au Siège Apostolique : Omnes
episcopi... Apostolicam appellent Sedem.1— Et dans celui de
Sardique : On peut appeler du Synode au Siège Romain : A
Synodo ... posse Romanam Sedem appellare.* — Et dans
celui de Vienne : C’est au Siège Apostolique qu’il appartient de
prononcer dans les doutes en matière de foi : Dubia fidei decla
rare ad Sedem ... Apostolicam pertinere .3 — Et dans le
II® de Constantinople : Nous suivons le Siège Apostolique, et
condamnons ceux qu’il condamne : Nos Apostolicam Sedem
sequimur,... et condemnatos ab ipsa et nos condemnamus. —
Et dans le IIe de Lyon : La Sainte Eglise Romaine possède la
principauté sur toute l’Eglise : Ipsa quoque Sancta Romana
Ecclesia... principatum super universam Ecclesiam obtinet.4
— Le pape Anaclet a dit : Ce Siège Apostolique est la tête de
toutes les Eglises : Hœc vero Âpostolica Sedes, caput omnium
Ecclesiarum , etc.* — Et Théodoret, dans sa lettre au pape
Léon, écrit ces mots : J’attends la sentence de votre Siège
Apostolique : Ego Apostolicœ vestrœ Sedis eæpecto sententiam .fl
— Les évêques mêmes du Synode de Paris écrivirent à Inno
cent X, ainsi que nous venons de le rapporter, que la foi de
Pierre, laquelle ne faillit point, réclame, conformément à son
droit, qu’on maintienne la coutume reçue dans l’Eglise de
rapporter au Siège Apostolique les causes majeures. — Donc,
on entend sous la dénomination de Siège, celui qui y est assis.
III
L’infaillibilité du Pape se prouve en outre par la T radition
apostolique, qui nous est attestée par les Saints Pères.
(1) Can. 48. (2) Can. 8. (3) Clement. Fid. cath.
(4) Epist. Mich. imper. ad Greg. X. (5) Can. Sacrosanct. %. rfist.
(6) Epist. 448.
CH. IV. INFAILLIBILITÉ DU PA PE. A RT. II. 159
Saint Ignace, martyr, a écrit ces paroles : Quiconque n’obéit
pas aux Pontifes Romains, est un athée et un impie achevé; il
méprise Jésus-Christ, et viole ses ordonnances : Qui igitur his
(scilicet Romanis Pontificibus) non obedierit, atheus prorsus et
impius est, Christum contemnit, et constitutionem ejus immi
nuit?*
Et Saint Irénée : Il est nécessaire que tous dépendent de
l’Eglise Romaine comme de la source et de la tête : Necesse
est... omnes ab ipsa (Romana Ecclesia) tanquam a fonte et
capite pendere ?*
Saint Jérôme, dans sa lettre à Saint Damase, réclame du
Pape une décision sur la question de savoir si l’on doit admet
tre une ou trois hypostases dans la Sainte Trinité ; voici comme
il s’exprime: Je sollicite comme brebis l’appui du Pasteur;
c’est au successeur du Pêcheur que je m'adresse.... Je sais que
sur cette pierre l’Eglise a été bâtie.... Je ne connais point Vital,
je repousse Mélèce, je méconnais Paulin.** Quiconque n’amasse
point avec vous, dissipe : A Pastore præsidium ovis flagito....
Cum successore Piscatoris loquor.... Super illam petram mdifi-
catam Ecclesiam scio.... Non novi Vitalem , Meletium respuo,
ignoro Paulinum. Quicumque tecum non colligit, spargit.
(1) Ad Trallian. c. 7. (2) Adv. Hœres. l. 3. c. 3.
(*) Ces paroles ne sont pas proprement de Saint Irénée : ce sont celles de Bellar
min (De Rom. Pontif. l. S. c. iS.) analysant la pensée de l’illustre évêque de Lyon.
Le traducteur.
(**) Il s'agit ici de la division qui régnait en Orient, ou plutôt à Antioche, au
sujet du mot Hypostase, auquel tous n’attribuaient pas la même signification. Trois
partis se trouvaient en présence : celui de Saint Mélèce, qui donnait & ce mot le
sens de personne, et dans ce cas on peut dire qu’il y a trois hypostases dans la
Trinit-ê ; — celui de Saint Paulin, qui prenait ce terme dans le sens de substance
ou nature, et alors on ne peut admettre dans la Trinité qu’une hypostase ; — celui
de Vital, qui finit par se ranger du côté des Apollinaristes, lesquels enseignaient
plusieurs erreurs patentes sur la Trinité et sur Jésus-Christ ; — on peut ajouter
un quatrième parti d'Ariens ayant pour chef Dorothée. Saint Jérôme, inquiet de
ces divisions, et harcelé par ces différents partis qui le sollicitaient de manifester
son opinion sur la question débattue, se décida & en référer au Pape par la lettre
qui se trouve ici mentionnée. Le Concile d’Alexandrie, tenu en 362, mit fin &ces
débats, et Saint Àthanase n’y contribua pas peu à amener ce résultat. Depuis lors,
la signification du mot hypostase a été définitivement fixée, et on ne donne plus à ce
terme que le sens de personne. — Saint Alphonse traite encore de cette ardente
controverse dans le Triomphe de l’Eglise. (Œuvres dogmatiques, tome V. ch. I.
5 1. n. II.) Le traducteur,
160 1er TRA ITÉ; — LE SUPRÊM E PO NTIFICA T, ETC,
Puis il conclut en ces termes : Je conjure donc Votre Béatitude
de me marquer par ses lettres si l’on est fondé à dire ou à ne
point dire * hypostases. » Décidez, je vous en supplie : je ne
craindrai pas de dire trois hypostases, si vous l’ordonnez :
Quamobrem obtestor Beatitudinem tuam, ut mihi epistolis tuis
sive tacendarum sive dicendarum hypostaseon detur aucto-
ritas. Discernite, si placet, obsecro : non timebo tres hypostases
dicere, si jubebis. 1
Et Saint Grégoire, dans une lettre aux évêques de France,
écrit que dans les questions de grande importance, on ait soin
de faire parvenir à sa connaissance une relation qui le mette à
même de prononcer une sentence convenable et éloignant tout
doute : Relatione sua ad nostram studeat producere notio
nem, quatenus a nobis valeat congrua sine dubio sententia
terminari. 2
Saint Àthanase écrit, de son côté, que l’Eglise Romaine con
serve toujours la vraie doctrine sur Dieu : Romanam Ecclesiam
semper conservare veram de Deo sententiam A — Et dans la
même lettre, il s’adresse en ces termes au Souverain Pontife :
Vous êtes le destructeur des hérésies sacrilèges et de tous ceux
qui attaquent et infestent l’Eglise; vous êtes Prince, Docteur,
et Chef, quant à la doctrine orthodoxe et à la foi inaltérable :
Tu profanarum hœresum atque impetitorum omniumque in
festantium depositor, Princeps, et Doctor, Caputque omnium
orthodoccœ doctrinae et immaculatae fidei eæistis. 4
Saint Cyprien écrit également : Dieu est un, le Christ est un,
l’Eglise est une, et la Chaire fondée sur Pierre d’après la parole
du Seigneur, est une. On ne peut élever d’autre autel que
l’autel unique, ni établir d’autre sacerdoce que le sacerdoce
unique. Quiconque amasse ailleurs, dissipe : Deus unus est, et
Christus unus, et una Ecclesia, et Cathedra una super Petrum
Domini voce fundata. Aliud altare constitui, aut sacerdotium
kovum fieri, praeter unum altare et unum sacerdotium non
potest. Quisquis alibi collegerit, spargit. 5 — Et ailleurs le
(D Epist. 44. Edit. Ben. (2) Epist. I. 4. ep. 52.
(3) Epist. ad Felic. pap. (4) Ibid.
(5) Epist. 40, adpleb. de 5 presb. schism.
CH. IV. INFAILLIBILITÉ DU PAPE. A RT. II. 161
même Saint nous dit : Celui qui abandonne la Chaire de Pierre,
sur laquelle est fondée l’Eglise, peut-il se flatter d’être dans
l’Eglise? Qui Cathedram Petri supra quam fundata est Eccle
sia, deserit, in Ecclesia se esse confidit ?1 — Et dans un autre
endroit, il dit à propcys des Pontifes Romains : Auprès d’eux,
la perfidie ne peut avoir accès : Ad quos perfidia habere non
possit accessum. 2
Saint Pierre Chrysologue, exhortant Eutychès à obéir au
Pape, lui dit : Le Bienheureux Pierre, qui vit encore sur son
propre Siège, où il préside, offre la vérité de la foi à ceux qui
la cherchent : Quoniam Beatus Petrus , qui in propria Sede
et vivit et praesidet^prœstat quœrentibus fidei veritatem
Et Théodoret s’exprime ainsi : J’attends la sentence de Votre
Siège Apostolique, et je supplie Votre Sainteté de me prêter
secours, à moi qui appelle à Votre jugement juste et droit : Ego
Apostolicœ Vestrœ Se dis expecto sententiam , et obsecro Ve
stram Sanctitatem ut mihi opem ferat, justum Vestrum et
rectum appellanti judicium .4
Et Saint Augustin : Les Rescrits du Pape ont mis fin à la
cause des Pélagiens : Inde etiam rescripta venerunt ; causa
finita est* — Et ailleurs : Comptez, dit-il, les prêtres qui ont
vécu depuis le règne même de Saint Pierre, et examinez à qui
chacun a succédé dans cette longue série de Pontifes : voilà la
pierre dont ne triomphent point les Portes superbes de l’enfer :
Numerate sacerdotes vel àb ipsa Petri Sede , et in ordine illo
Patrum quis cui successit videte : ipsa est petra quam non
vincunt superbce inferarum Portce.Q
Saint Bernard affirme que la prérogative de l'infaillibilité
pontificale est démontrée par la tradition constante et perma
nente des Saints Pères : Istam infallibilitatis pontifidce prae
rogativam constantissimaperpetuaque Sanctorum Patrum tra
ditio commonstrat.
Et Saint Thomas s’énonce comme suit : Une fois que les
(I) De Unit. Ecoles. c. 4. (2) Epist. 55, ad Cornel.
(3) Epist. ad Eutych. (4) Epist. 445, ad Léon.
(5J Serm. 434. Edit. Ben. (6) Psalm. contr. part. Donat.
II
162 I er TRAITÉ. — LE SUPRÊM E PONTIFICAT, ETC
choses ont été décidées par l’autorité de l’Eglise universelle,
celui qui refuserait opiniâtrément de se soumettre à cette déci
sion, serait censé hérétique; or, cette autorité de l’Eglise
réside principalement dans le Souverain Pontife : Postquam
essent auctoritate universalis Ecclesiœ . determinata, si quis
tali ordinationi pertinaciter repugnaret, haereticus censeretur ;
quœ quidem auctoritas principaliter residet in Summo Ponti
fice} — Et dans la question l re du même traité, il avait déjà
dit qu’il ne pouvait y avoir d’unité de foi dans l’Eglise, si les
questions qui s’élèvent en matière de foi, ne sont déterminées
par celui qui est à la tête de toute l’Eglise : Nisi quœstio de
fide eœorta determinetur per eum qui toti Ecclesiœ prœest}
Saint Bonaventure écrit dans le même sens : Le Pape, dit-il,
ne peut errer, supposé deux choses : premièrement, qu’il pro
nonce en tant que Pape, et non comme docteur privé ; deuxiè
mement, qu’il ait l’intention de faire un dogme de foi : Papa
non potest errare, suppositis duobus :primum, quod'determinet
quatenus Papa , non ut doctor particularis ; alterum, ut inten
dat facere dogma fidei}
Jansénius d’Ypres pense de même, lorsqu’après avoir déclaré
qu’il suit l’Eglise Romaine, le successeur de Pierre, il ajoute ces
paroles : Je sais que sur cette pierre est bâtie l’Eglise; qui
conque n’amasse pas avec lui, dissipe : Super illam Petram
œdificatam Ecclesiam scio ; quicumque cum ipso non colligit,
spargit}
IV
L’infaillibilité du Pape se prouve en outre par les saints
C anons .
Dans le Canon Sacrosancta, le pape Anaclet s’exprime ainsi :
Ce Siège Apostolique, qui est la tête de toutes les Eglises et
comme le gond sur lequel elles tournent, a été établi par le
Seigneur, et par personne d’autre; et de même que la porte se
dirige d’après le gond, de même toutes les Eglises sont dirigées
(1) 2. 2. q. 44 «• 2. ad S, {2j Ibid. q. 4, a. 40.
(3) Summa theol. q. 4. a. S. d. S.
(4) De Grat. prim. hom. Itb. procem, c. 29.
CH. IV. INFAILLIBILITE DU PAPK. ART. II. 163
par l’autorité de ce Saint Siège, parce quainsi en a disposé le
Seigneur : Hœe vero Âpostolica Se des, cardo et caput omnium
Ecclesiarum , a Domino et non ab alio est constituta ; et sicut
cardine ostium regitur , sic hujus Sanctœ Sedis auctoritate
omnes Ecclesiae, Domino disponente, reguntur.1
D’après le Canon Cunctay le pape Gélase écrivit en ces termes
aux évêques de Dardanie : L’Eglise répandue dans le monde
entier sait que le Siège du Bienheureux Pierre a le droit de
délier tout ce que les sentences des Pontifes ont lié, attendu
qu’il appartient à ce Siège de juger toute l’Eglise : Cuncta per
mundum novit Ecclesia quoniam quorumlibet sententiis ligata
Pontificum Sedes Beati Petri Apostoli jus habeat resolvendi,
utpote quœ de omni Ecclesia fas habeat judicandi *
Boniface VIII a dit : Nous déclarons, définissons, et pro
nonçons que toute créature humaine doit être soumise au Pon
tife Romain, et que cette soumission est absolument de nécessité
de salut : Porro subesse Romano Pontifici omnem humanam
creaturam declaramus, definimus, et pronunciamus omnino
esse de necessitate salutis,3 — Aussi le savant père Berti
affirme-t-il que l’opinion qui soutient l’appel de la sentence des
Pontifes aux Conciles, et qui fait dépendre de l’approbation des
autres évêques l’infaillibilité du Siège Apostolique et Romain,
est entièrement fausse, quoiqu’elle soit défendue par quelques
auteurs avec tant d’animosité et un si pompeux étalage d’argu
ments : Quorumdam sententia de appellatione a sententia Pon
tificum ad Concilia, et de infallibilitate Romance et Apostolicœ
Sedis dependenter ab aliorum episcoporum approbatione, licet
tanta animositate iantoque argumentorum apparatu a non-
nullis propugnetur yfalsissima est*
Chose étonnante! si quelque Pape a laissé échapper une parole
ambiguë à propos do l'autorité des Conciles, nos adversaires s’en
emparent pour l’interpréter d’après leur caprice, et l’exaltent
(I) Can. Sacrosancta. 2. dist. 22.
(2; Can. Cuncta. 48. caus. 9. Q. S.
(3j Esctrav. Comm. Unam sanct. c. 7.
A) De Theol. cUscipl. l . 77. c. S.
164 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
comme une proposition sacrée, tandis que tout ce qu’une foule
de Pontifes ont déclaré d’une manière expresse touchant l’auto
rité suprême et infaillible du Pape, n’a aucune valeur aux yeux
de nos contradicteurs, sous prétexte que ces Pontifes ont dé
fendu leur propre cause.* Mais nous pouvons, de notre côté, en
dire autant de ce que les Conciles ont déclaré au sujet de leur
propre autorité, et que nos adversaires ont soin de faire valoir.
Jésus-Christ aurait-il donc laissé subsister dans son Eglise ce
grand désordre, que si un Concile porte une décision opposée
à celle du Pape, nous ne sachions pas qui des deux nous devons
croire? Mais non, il n’en est rien ; les Conciles eux-mêmes ont
déclaré de la manière la plus expresse, ainsi que nous l’avons
vu plus haut, que le pouvoir du Pape est suprême et infaillible,
et qu’il préside, non-seulement à toutes les Eglises particulières,
mais même à l’Eglise universelle.
V
Mais passons aux arguments tirés de la raison.
Il est certain qu’il doit y avoir dans l’Eglise un juge qui soit
infaillible pour trancher les controverses en matière de foi;
sans quoi, comme les opinions des hommes, même parmi les
savants, sont différentes entre elles, une foule de dogmes reste
raient confus et incertains. Pour les décider, les Saintes Ecri
tures ne suffisent pas toujours, ainsi que nous l’avons dit ail
leurs,** parce que c’est souvent sur le sens même des Ecritures
que s’agitent les controverses. Bien moins encore le sentiment
privé que défendent les hérétiques, pourrait-il suffire à cette fin,
attendu qu’il est complètement incertain et incapable de consti
tuer une règle de foi; en outre, il varie tellement parmi les
hommes, que si l’on en faisait une règle de foi, il y aurait dans
le monde autant de croyances différentes qu’il y a de têtes.
D’autre part, les Conciles généraux ne peuvent pas toujours
s’assembler, soit à cause des guerres, soit à cause des dépenses
qu’ils exigent, soit par défaut de place convenable; du moins,
(*} Voir ei-dessus, page 51.
(**) Vérité de la Foi, part. III. ch, V I. § II. (Œ uvres dogmatiques, tome II.)
CH. IV. INFAILLIBILITE DU PAPE. ART. II. 165
ils ne peuvent s’assembler aussi promptement quil le faut pour
extirper les hérésies, qui répandent tout à coup leur contagion
avec la rapidité d’une peste envahissante.
Par conséquent, si Dieu n’avait pas réglé que les définitions
du Pape seraient infaillibles, mais s’il avait voulu que les ques
tions de foi fussent décidées par les Conciles généraux, il n’aurait
pas pourvu suffisamment au bien de son Eglise; car, vu les
nombreuses difficultés qui s’opposent à la convocation des Con
ciles généraux et que nous venons de signaler, l’Eglise aurait
été privée, pendant la plus grande partie des siècles, d’un juge
infaillible capable d’apporter un prompt remède aux schismes et
aux hérésies qui peuvent surgir en tout temps.*
Mais il n’en est pas ainsi : Jésus-Christ a établi sur la terre
un homme qui est son Vicaire et à qui il a promis son assis
tance, afin qu’il soit juge infaillible dans les doutes touchant la
foi, et qu’il puisse ainsi extirper au plus tôt les erreurs des
ennemis de l’Eglise. Et de fait, il résulte de la pratique cons
tante de l’Eglise, que les hérésies n’ont été condamnées que par
les Souverains Pontifes ; et une fois la définition du Pape pro
noncée, les Conciles ne se sont assemblés que quand la chose a
pu se faire commodément, et qu’on a reconnu qu’il était utile de
les convoquer pour éteindre plus complètement le feu de quelque
erreur qui se propageait.
Du reste, durant les premiers siècles, il ne s’est tenu aucun
Concile général, mais plusieurs hérésies ont été condamnées
uniquement par les Souverains Pontifes; et ceux qui y étaient
condamnés par le Pape, étaient considérés par l’Eglise univer
selle comme de vrais hérétiques. C’est ainsi que furent con
damnés, pendant les trois premiers siècles, les Nicolaïtes, les
Marcionites, les Montanistes, les Novatiens, les Tertullianistes,
(*) N ous ferons ici, avec le comte de M aistre, » une observation qui ne souflre
pas le moindre doute: c'est qu’une souveraineté périodique ou intermittente est une
contradiction dans les termes ; car la souveraineté doit toujours vivre, toujours
veiller, toujours agir. Il n'y a pour elle aucune différence entre le sommeil et la
mort. Or, les Couciles étant des pouvoirs interm ittents dans l’E glise, et non-seule
ment interm ittents, mais, de plus, extrêm em ent rares et purem ent accidentels, sans
aucun retour périodique et légal, le gouvernem ent de l’E glise ne saurait leur
appartenir. » (Du Pape, 1.1. c. 2.) Le traducteur.
166 Ier TRAITÉ. LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
les Origénistes, etc. Dans le IV6 siècle, les Papes condamnèrent
seuls les hérésies de Jovinien et de Priscillien, et dans le Ve,
celles de Pélage et de Vigilance, comme dans la suite Léon IX
condamna les erreurs de Bérenger, Eugène III celles de Gilbert
de la Porrée, Saint Pie V et Urbain VIII celles de Baïus.
Dès l’an 101, le pape Saint Anaclet donnait la prescription
suivante : Si des questions plus difficiles, ou des jugements con
cernant les évêques et les supérieurs, ou des causes majeures
viennent à se produire, qu’on en réfère au Siège Apostolique,
parce que les Apôtres en ont ainsi décidé par ordre du Sauveur :
Quod si difficiliores ortœ fuerint quœstiones, aut episcoporum
vel majorum judicia , aut majores causœ fuerint, ad Sedem
Apostolicam referantur, quoniam Apostoli hoc statuerunt jus
sione Salvatoris.1 Or, parmi les causes majeures, les premières
sans contredit sont celles qui concernent la foi.
C’est dans le même sens qu’écrivait, en 336, Saint Jules Ier :
Le droit de convoquer les Conciles, dit ce Pape, a été conféré au
premier Siège de l’Eglise par un privilège particulier et par les
lois évangéliques, apostoliques, et canoniques; car il a toujours
été prescrit par de nombreuses autorités de rapporter les causes
majeures au Siège Apostolique : ce point avait été décrété par
les Saints Apôtres et par leurs successeurs, et il a été pareille
ment établi par le Concile de Nicée : Primœ Sedis Ecclesiœ
convocandarum Synodorum jura, singulari privilegio, evange-
licis, et apostolicis, at que canonicis statut a sunt institutis ; quia
semper majores causœ ad Sedem Apostolicam multis auctorita
tibus referri prœceptœ sunt : id a Sanctis Apostolis et succes
soribus earum decretum fuerat; est etiam a Nicœna Synodo
statutum **
De plus, Saint Augustin rejette l’opinion par laquelle on pré
tend que le Concile est toujours nécessaire pour condamner une
hérésie, comme si, dit-il, aucune hérésie n’avait jamais été
condamnée autrefois que par un assemblée du Concile, tandis
(1) Epist. 4. n. 4, (2) Epist. increpatoria ad Episc. Orient.
(*) Nous rétablissons ici dans son intégrité le titre et le texte original de cette
lettre du Pape, & laquelle la date et les expressions donnent une grande valeur.
Le traducteur
CH. IV. INFAILLIBILITÉ DU PAPE. ART. III. 167
qu’il en est très-peu pour la condamnation desquelles cette néces
sité ait existé : Quasi nulla hœresis aliquando nisi Synodi
congregatione damnata sit, cum potius rarissimae inveniantur
propter quas damnandas necessitas talis exstiterit1 — Et dans
un autre endroit où il parle des décisions du Souverain Pontife,
il dit que c’est le comble de la folie que de ne vouloir pas s’y
soumettre : Eis repugnare insolentissima insania est.
Mais ce qui a surtout de la valeur, c’est ce que dit le VIIIe Con
cile général tenu à Rome, en 869, sous Adrien II : Dans les
temps passés, tandis que les hérésies et les crimes se multi
pliaient, les successeurs de Pierre dans le Siège Apostolique ont
constamment extirpé ces plantes nuisibles et cette pernicieuse
ivraie : Rétro olimque semper, cum hœreses et scelera pullula -
renty noxias illas herbas et zizania Apostolicœ Sedis Romanœ
successores extirparunt.2*
ARTICLE III.
RÉPONSES AUX OBJECTIONS.
,l
donensi, et sexta Constantinopolitana9 et septima Niccena, et
Romana sub Symmacho Synodis habitis earumque gestis. ..
manifeste colligitur Cette doctrine est conforme à ce que
Pascal II a écrit dans la lettre qu’il adressa à l’archevêque de
Païenne et que rapporte Baronius :2 On allègue qu’aucun Con
cile n’a établi le serment d’obéissance au Pape; comme si les
Conciles avaient jamais fait la loi à l’Eglise Romaine ; tandis
(1) B ulla « Pastor œtern. n — Labb. t. 14. col. 512. (2) A nn. 7 102. u. 5.
CH. IV. INFAILLIBILITÉ DU PAPE. ART. III. 169
que tous se sont tenus en vertu de l’autorité du Pontife Ro
main et ont reçu de lui toute leur force, et que son autorité
paraît manifestement dans tous leurs décrets : Aiunt in Con
ciliis statutum non inveniri (hoc juramentum); quasi Romance
Ecclesice legem Concilia ulla prœfixerint, cum omnia Concilia
per Romani Pontificis auctoritatem et facta sint , et rcîbur
acceperint, et in eorum statutis Romani Pontificis patenter
excipiatur auctoritas.1
Mais si les hérésies n’avaient pu être condamnées par une
décision infaillible des Souverains Pontifes, et s’il eût été néces
saire d’attendre un Concile, il est un grave inconvénient qu’on
n’aurait pu éviter : c’est le progrès que l’erreur aurait fait en
attendant qu’elle eût été condamnée par le Concile. D’autre
part, il faut bien faire attention que pour les hérétiques qui ne
veulent point se soumettre aux définitions du Pape, les Con
ciles restent pour la plupart du temps sans effet, attendu que les
prétextes ne leur font pas défaut pour mépriser également les
définitions du Concile, comme il arriva du temps de Luther. En
effet, les hérétiques ne manquent pas de dire que le Concile n’a
pas été libre, ou qu’il n’a pas été légitime, ou que les décrets
n’ont pas été portés après un examen suffisant, ou qu’ils n’ont
pas été votés par tous ceux qui devaient y prendre part, ou enfin
que les Actes du Concile ont été falsifiés. Quelqu’un a été jus
qu’à soutenir que le Concile doit admettre le concours, non-
seulement de^ous les évêques, mais encore de tous les curés,
prêtres, et diacres, et même des séculiers. Un certain auteur,
qui est partisan de cette opinion, écrit ces paroles : « Le Pape
et les évêques ne sont que les substituts et les délégués du peu
ple. Les Facultés, les différents corps, les particuliers mêmes
devraient s’unir pour l’intérêt commun.* »
(1) Cap. jSignificasti, de Mlect. c. 4.
N ous croyons que l’auteur dont il est ici question, est le trop fameux Edmond
R icher, dont on connaît les audacieux principes et les théories anarchiques. D ans
le Tome IV des Œuvres dogmatiques de Saint Alphonse, que nous avons éditées en
français, nous sommes entré dans quelques détails sur la vie et les doctrines de ce
triste Syndic de la Faculté de P aris : ces doctrines ont été principalem ent exposées
dans l’ouvrage intitulé : De ecclesiastica et politica Potestate, qui a été solidement
réfuté par André Duval, célèbre docteur de la Sorbonne. Le traducteur
170 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
C’est là un abus qui est entièrement opposé à la pratique des
premiers Conciles de l’Eglise et à l’enseignement des Saints
Peres, tels que Saint Cyprien,1 Saint Hilaire,2 Saint Ambroise,3
et Saint Athanase,4qui soutiennent qu’il appartient exclusivement
aux évêques de donner leur vote dans le Concile en qualité de
juges. L’empereur Théodose le Jeune écrit dans le même sens
au Concile d’Ephèse, lorsqu’il dit : Il n’est pas permis à celui qui
n’est pas compté au nombre des évêques, de s’immiscer dans les
affaires ecclésiastiques : Nefas est enim qui sanctorum episco
porum catalogo aâscriptus non est, illum ecclesiasticis negotiis
se immiscere. 5 La faculté d’émettre un vote conjointement avec
les évêques n’est accordée qu’aux cardinaux, aux abbés, et aux
généraux des Ordres réguliers, en considération de la juridic
tion quasi-épiscopale qu’ils exercent, comme l’écrit le pape
Benoit XIV.6
En outre, les hérétiques opiniâtres allégueront toujours que le
Concile n’a pas été universel et légitime, sous prétexte qu’eux-
mêmes, qui s’estiment la partie îa plus saine de l’Eglise, n’y sont
pas intervenus, ou qu’ils y ont fait opposition. Il résulte de là
que, l’infaillibilité du Pape une fois mise de côté, il n’y a plus
moyen de convaincre les hérétiques. Et c’est pourquoi Saint
Thomas observe très-judicieusement, ainsi que nous l’avons fait
remarquer ci-dessus,* que l’unité de foi ne pourrait se mainte
nir, si les questions qui concernent la foi, n’étaient déterminées
par celui qui est à la tête de toute l’Eglise, de sorte que son sen
timent soit tenu inébranlablement par l’Eglise entière : Una
fides débet esse... ; quod servari nonposset, nisi quœstio de fide
exorta determinetur per eum qui toti Ecclesiœ prœest, ut sic
ejus sententia a tota Ecclesia firmiter teneatur?
Voici comment les choses se sont passées à propos de l’hérésie
de Luther : Luther appela d’abord du Pape mal informé au Pape
mieux informé; puis, du Pape au Concile futur; puis, du Concile
(lj E pist. ad Jubajan. (2) Lib. de Synodis.
(3) Epist. 32. ad Vaient in. (4) Epist. ad solit. vit. agent.
(5) Labb. t. 3. col. 444. (6; De Synod. X. 43. c. 2. n. 3.
(7, 2. 2. q. 4. a . 40.
<*} Page 142.
CH. IV. INFAILLIBILITÉ DU PAPE. ART. III. 171
de Trente, qui était déjà constitué, à la Sainte Ecriture ; enfin, de
l’Ecriture au sentiment privé, c’est-à-dire à sa cervelle dérangée.
Plus tard, il composa un livre où il cherchait à établir qu’on n’a
nul besoin des Conciles : Nihil opus esse Conciliis; il en vint
même jusqu’à appeler le Concile de Nicée « du foin et de la
paille : Fœnum et stramen . »
Mais comment se fait-il, disent nos contradicteurs, que plu
sieurs Souverains Pontifes aient erré en définissant des questions
de foi. — L’application constante des ennemis de l’autorité des
Souverains Pontifes s’est toujours exercée à trouver des erreurs
dans leurs définitions ; mais jamais ils n’ont pu découvrir aucune
erreur contre les dogmes, qui ait été énoncée par aucun Pontife
en tant que Pontife et Docteur de l’Eglise. Ds prétendent qu’à
l’époque des Conciles de Rimini et de Sirmium, le pape Libère
tomba dans Terreur Arienne en souscrivant la formule de foi que
tenaient les Ariens. Or, d’après Saint Athanase,1 Saint Hilaire,2
Saint Jérôme,3 Sulpice-Sévère,4 et Théodoret,5* voici propre
ment le fait : on présenta à souscrire à Libère et aux autres
évêques catholiques la formule de foi dans laquelle on disait que
le Fils n’était pas une créature comme les autres, mais qu’il était
d’une substance semblable à celle du Père ; or, il y manquait
l’expression du Concile de Nicée, à savoir, qu’il est vrai Dieu
comme le Père et consubstantiel au Père. Grâce à cette super
cherie, Valens, chef des Ariens, parvint à faire signer Libère, lui
promettant, du reste, qu’on ajouterait ensuite à la formule tous
les mots nécessaires ; le Pape et les évêques abusés par cette
promesse et désireux de se délivrer en même temps de la per
sécution des Ariens et de l’empereur Constance, souscrivirent la
formule en question. — D’autres prétendent avec Tournély6 que
Libère ne souscrivit point cette formule, qui était la troisième
et qui fut proposée par les Pères du Concile de Sirmium, en 359;
(1) Ad solit. vit. agent. (2) Adv. Constant. — Fragm. 6. n. 6.
(3) JHalog. adv. Luciferian. (4) B ist. 1. 2. (5) H ist. I. 2. c. 46 et 47.
(6) Prcelect. theol. de T rin it. q. 4. a . 2. seet. 4.
{*) On peut aussi consulter sur ce point le cardinal Bellarm in (De Rom. Pontif.
. 4. c. 9.). Le traducteur.
172 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
or, à cette époque, Libère était de retour de l’exil depuis l’année
précédente et avait déjà recouvré son Siège, ainsi que le rap
porte Saint Athanase; mais, d’après eux, il souscrivit la pre
mière formule, laquelle fut interprétée par Saint Hilaire dans le
sens catholique. — En résumé, que Libère ait souscrit la pre
mière ou la troisième formule, et quelle que soit sa faute, on ne
peut pas dire néanmoins qu’il ait jamais approuvé l’hérésie
Arienne ; d’autant plus que ce Pape ayant reconnu dans la suite
sa faute, protesta par un manifeste public qu’il n’avait jamais eu
l’intention de s’écarter de la foi de Nicée, et retira formellement
sa souscription.*
En outre, nos adversaires reprochent au pape Vigile de s’être
contredit à propos de la condamnation des écrits et des person
nes d’Ibas, de Théodore, et de Théodoret. — On pourrait don
ner ici une réponse plus ou moins étendue ; mais, en substance,
elle se résume à dire qu’il y eut à ce sujet deux Conciles géné
raux, celui de Chalcédoine et le deuxième de Constantinople :
dans le premier, on condamna les écrits d’Ibas, qui excusaient
les erreurs de Nestorius, mais on n’y condamna point la per
(*) Il ne manque pas d’auteurs érudits qui nient expressément la chute du pape
Libère. Qu’il nous suffise de signaler ici les suivants, avec l’indication de leurs
ouvrages : Le docteur Gorgne [Dissertation sur le pape Libère) ; G&llund [Biblioth.
veter. Pair. t. £.),* P. Stilting (Bolland. Acta Sanctor. 23 sept.); Antoine Zacca-
ria (Lissert. de commentitio Lïberîl ïapsu). Et parmi les auteurs plus récents,
citons : Rohrbacher (Hist. unîv. de VEgl. cathol. 1. 33) ; les Annales de philosophie
chrétienne (tome 45); Bèchillon (Dissertation sur ta prétendue chute du pape
Libère, 1855); Constant (Sist. et tnfaillib. des Papes, tome I. 1859); Darras
(Hist. gènêr. de VEgl. tome 9. ch. 6. § 5. 1867). Signalons encore un travail tout
récent qui a paru dans une nouvelle publication périodique (Revue des questions
historiq. Ire livraison, 1866) et dans lequel l’auteur, M. Edouard Dumont, qui s’est
distingué dans ces derniers temps par ses travaux d'érudition sur les questions
de science historique, prend &tâche de démontrer la complète innocence du pape
Libère. Enfin, le savant docteur Bouix, dans son récent ouvrage intitulé : Trac-
tatus de Papa, ubi et de Concilio œcumenico (part. 2, sect. 5. c. 2.), discute soli
dement ce point de controverse. — Quoi qu’il en soit de Cette chute réelle ou pré
tendue du pape Libère, qui, du reste, est honoré comme Saint dans les plus anciens
martyrologes latins, grecs, et cophtes (au nombre de seize), il suffit dans la ques
tion présente, que la conclusion énoncée par Saint Alphonse reste debout, à savoir,
que le Pape n’a pas approuvé l’hérésie, et qu’il n’a point erré dans une définition de
foi. — Dans le Triomphe de l’Eglise (Œuvres dogmatiques, tome III. ch. IV.
§ 3. n. 7 à 13, et § IV. n. 4.), notre Saint Auteur traite plus au long la même
question ; il y revient également ci-après, Traité III (§ 1. n. III.). Le traducteur.
CH. IV. INFAILLIBILITÉ DU PAPE. ART. IIL 173
sonne de Fauteur ; dans le second, au contraire, on condamna
la personne aussi bien que les écrits d’Ibas. Vigile adhéra
d abord au Concile de Chalcédoine, et plus tard à celui de
Constantinople : et voilà d’où vient qu’on l’accuse d’avoir erré
dans des questions de foi. — Nous répondons que si l’on accuse
Vigile de ce chef, on doit accuser également un des deux
Conciles d’avoir erré en matière de foi. Mais la réponse directe
à l’objection, c’est que le Concile de Chalcédoine, en excusant
les personnes, a cru réellement qu’Ibas et les deux autres
avaient écrit de bonne foi, tandis que le Concile de Constanti
nople, en condamnant les personnes mêmes, était persuadé que
les auteurs avaient écrit de mauvaise foi. Du reste, il ne fut
positivement question, dans cette affaire, d’aucun dogme de foi,
comme l’a très-bien déclaré Saint Grégoire en ces termes : Je
tiens à ce que vous sachiez que, dans ce Concile (de Chalcé
doine), on n’a traité qu’une question de personnes, et nullement
une question de foi : Scire vos volo quia in ea de personis tan
tummodo, non autem de fide aliquid gestum est? — On peut
recourir, du reste, à ce que nous avons dit sur cette question
dans le chapitre précédent.*
En vain objecterait-on une certaine lettre du pape Vigile,
par laquelle il semble avoir approuvé l’hérésie d’Eutychês; en
effet, cette lettre est rejetée à bon droit comme fausse par
Baronius,2 par Bellarmin,3 et par le VIe Concile général.4 Si
toutefois quelqu’un persistait à la tenir pour authentique, on ne
doit pas perdre de vue qu’elle est considérée comme ayant été
écrite par Vigile lorsque le vrai pape Silvère était encore
vivant; mais, celui-ci étant mort, Vigile renonça au pontificat;
c’est alors qu’il fut élu Pape par un consentement unanime du
clergé, et dans la suite il détesta ouvertement Fhérésie Euty-
chéenne. Ajoutons que la lettre supposée a été évidemment
écrite par Vigile comme homme privé et avec la condition qu’il
(I) Epist. l. S. ep. 37. (2) Ann. 35f8. n. 43.
(3) De Rom. Pontif. 1.4. c. 40. (4) A et. 44.
(*) Page 124 et suiv. — Voir aussi ci-après, Traité III. § I. et Annales de Phi
losophie chrétienne (année 1852), qui présentent une complète justification du pape
Vigile. Le traducteur.
174 Ier TRAITÉ. — LE SUPRÊME PONTIFICAT, ETC.
n’en serait donné connaissance à personne : Il faut donc, y est-il
dit, que personne ne connaisse ce que je vous écris ; Oportet
ergo ut hœc quœ vuMs scribo, nullus agnoscat,x — Ainsi donc,
alors même que cette lettre serait authentique, on ne pourrait
encore en tirer aucun argument contre les définitions pontificales
prononcées eæ cathedra, définitions qui, pour avoir force de loi,
doivent être publiques, et non privées.
Nos adversaires accusent également le pape Honorius d’avoir
adhéré dans ses lettres au sentiment de Sergius, chef des Mono-
thélites, lequel propageait cette erreur, qu’il n’y a eu en Jésus-
Christ qu’une seule volonté et une seule opération. — Mais Saint
Maxime2 et Jean IV 3 ont justifié Honorius en disant que ses
lettres pouvaient très-bien s’expliquer dans un sens catholique.
Le fait est qu’Honorius tenait réellement l’opinion orthodoxe, à
savoir, qu’il y avait en Jésus-Christ deux volontés et deux opé
rations ; mais l’erreur de Sergius étant venue à se produire,
Honorius, pour éteindre le schisme et en même temps pour ne
pas provoquer le soupçon qu’il adhérait, soit au sentiment des
Eutychiens, qui n’admettaient qu’une seule nature en Jésus-
Christ, soit à celui des Nestoriens, qui reconnaissaient en lui
deux personnes, Honorius, dis-je, signifia par lettre à Sergius
qu’on ne parlât ni d’une ni de deux opérations. Yoici, du reste,
ses paroles : Repoussant donc, comme nous l’avons dit, le scan
dale de l’invention nouvelle, nous ne devons proclamer ni une
ni deux opérations ; mais, au lieu d’une opération, comme disent
quelques-uns, nous devons confesser en toute sincérité un seul
Seigneur opérant dans l’une et l’autre nature; et au lieu de deux
opérations, il faut plutôt proclamer avec nous, en laissant de
côté l’expression de deux opérations, que les deux natures, c’est-
à-dire celle de la divinité et celle de l’humanité, dans la seule
personne du Fils unique de Dieu, opèrent sans confusion, sans
division, et sans altération, chacune ce qui lui est propre :
Auferentes ergo, sicut diximus, scandalum novellœ adinven-
(1) Epist. Vigil, ad Theodoram aug. (2) Disput. cum Pyrrho.
(3) Epist. ad Constantin, imper.
CH. TV. INFAILLIBILITÉ DU PAPE. ART. III. 175
,l
entretenue par sa négligence : Flammam hœretici dogmatis
non, ut decuit Apostolicam auctoritatem , incipientem exstin
xit , sed negligendo confovit 11 devait, dès le principe, retran
cher l’erreur, et c’est sous ce rapport qu’il a manqué.*
Nos adversaires allèguent en outre que Nicolas Ier aurait admis
la validité du Baptême conféré au nom de Jésus-Christ, sans
qu’on fît mention des trois personnes divines.2 — Nous répon
drons que Nicolas Ier ne fut pas interrogé sur la forme du Bap
tême, mais sur la validité de ce Sacrement conféré par un païen
ou par un juif. Le Pape répondit affirmativement, et c’est la
seule chose qu’il ait définie en cette circonstance au sujet de la
validité du Baptême, tandis qu’il n’a parlé qu’incidemment de
(1) E pist. ad Episc. H îsp.
(2) Can. A quodam. %4. de Consecr. dist. 4,
(*) On peut également consulter ce que dit notre Saint Auteur sur la même ma
tière dans le Triomphe de l'Eglise (Œuvres dogmatiques, tome III. ch. VII. art. II.
et tome Y. ch. IX.1 et dans sa Dissertation sur l’Autorité du Souverai?i Pontife,
ci-après, Traité III. § 1. — Aux apologistes d’Honorius déjà cités, joignons quel
ques auteurs récents d’une incontestable autorité : l’abbé Constant (Histoire et
Infaillibilité des Papes) ; le savant Cappellari, plus tard Grégoire XVI [Triomphe
du Saint-Siège et de l’Eglise, ch. XVI, n. 4 et 5.) ; l'illustre comte de Maistre, bien
connu par la vigueur et la précision de sa logique [Du Fape, 1.1. c. 15.J ; le cardinal
Litta [Lettre 23e sur les quatre Articles) ; l’abbé Rohrbacher [Hist. univers, de l’Egl,
Cathol. 1. 50.) ; Edouard Dumont {Les huit premiers Conciles, dans les Annales de
Philos. chrét. tom. 47 et 48.) ; Mgr Gerbet [Esquisse de Rome chrétienne, ch. 5.),
qui rapporte les inscriptions funéraires consacrées à la mémoire du pape Hopo-
rius ; enfin, M. le docteur Bouix, dans son récent ouvrage intitulé : Tractatus de
Papa, ubtet de Concilio cecumenico [part. 2. sect. 5. c. 3 Le traducteur.
180 lor TRAITÉ. — LE SUPRÊM E PO N TIFICA T, ETC.
la forme. On ne nie pas, du reste, que le Pape ne puisse errer
dans les choses qu’il prononce par occasion, mais sans les
définir expressément.
Ils allèguent encore que Grégoire X III permit à un mari dont
la femme était infirme, d’en épouser une autre.1 — Nous répon
drons que, dans le cas présent, cette femme était atteinte d’une
impuissance permanente résultant de son infirmité, et que cette
impuissance étant antérieure au mariage, celui-ci était, par
conséquent, incontestablement nul.*
Ils objectent encore que le pape Innocent III était d’avis que
les chrétiens sont astreints à la loi Mosaïque.8 — On répond
que le Pape allègue dans ce texte les lois de l’Ancien Testament,
non pas comme des préceptes obligatoires, mais comme des
modèles d’après lesquels on doit observer certains rites plus
récemment institués dans le Nouveau Testament.
Ils objectent enfin qu’Etienne VII déclara nuls les Actes
du pape Formose, et prescrivit que ceux qui avaient reçu
les saints Ordres de celui-ci, fussent ordonnés de nouveau.
Mais Jean IX prétendit le contraire, déclarant que Formose
avait été Pape légitime. Vint ensuite Sergius III, qui le dé
clara de rechef illégitime. Donc, concluent nos adversaires,
Jean IX ou les deux autres Papes sont dans l’erreur. — Le
cardinal Bellarmin3 répond que, bien que Formose ait été
dégradé avant son pontificat, il n’en fut pas moins dans la
suite véritablement Pape, et que les Ordres conférés par lui
furent valides; par conséquent, Etienne et Sergius se sont
trompés; toutefois, leur erreur ne portait pas sur une loi, mais
sur un simple fait.
(1) Cap. Quod proposuisti. caus. 32. q. 7.
(2) Cap. Per venerabil. tit. Qui fLlii, etc.
(3) De Rom. Pontîf. I. 4. s. 42.
(*J On sait, en effet, que c’est là précisément un des cas qui constituent un empê
chement dirtonant, déterminé par les principes ordinaires de la Théologie morale.
Le traducteur.
CH. IV . INFAILLIBILITE DU PAPE. AUT. III. 181
On peut opposer la même réponse à certaines objections du
même genre que présentent nos adversaires, en leur répliquant
que si tel ou tel Pape a failli, alors de deux choses l’une : ou
bien il n’a point parlé eas cathedra, ou bien son erreur a été une
pure erreur de fait.
DEUXIÈME TRAITE.
M *
DÉFENSE
DU POUVOIR SUPRÊME
DU SOUVERAIN PONTIFE
DU POUVOIR SUPREME
DU SOUVERAIN PONTIFE.*
BUT DE L’OUVRAGE.
I
Après que Notre-Seigneur Jésus-Christ eut accompli l’œuvre
de notre Rédemption, il promit à l’Eglise son assistance et celle
du Saint-Esprit jusqu’à la fin des siècles, lorsqu’il prononça ces
paroles ; E t ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad
consummationem sœcüli:1Voici que je suis avec vous tous les
jours jusqu’à la consommation des siècles ; — Cum autem vene
rit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem:2 Quand
l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité.
Il a promis en outre que les hérésies et les hérésiarques, qui
sont désignés sous la dénomination de « Portes de l’enfer, »
suivant l’explication de Saint Epiphane,3 ne pourraient jamais
prévaloir contre l’Eglise : E t Portce inferi non praevalebunt
adversus eam.i
Mais comme notre divin Rédempteur, Chef, Pasteur, et Fon-
(1) Matth. 28. 20. (2) Joan. 46. 45.
(3) Ancorat. c. 9, et Hæres. 74. n. 44. (4) Matth. 46. 48.
(*) Nous avons cru prévenir le désir d'un bon nombre de lecteurs en reproduisant
À la fin de ce volume, sous forme d'Âppendice, le texte original de ce Traité, qui a
été écrit en latin ; par lé, nous avons eu également en vue de rendre ce volume
utile, du moins en grande partie, & ceux qui ne sont pas familiarisés avec notre
langue, ou qui lui sont même complètement étrangers, d'autant plus que nous
avons adopté la même mesure pour les deux Traités suivants ; de la sorte, ces trois
opuscules latins donneront une idee à peu près complète de la doctrine de notre
Saint sur l'importante matière qui fait l'objet de ce volume. Le traducteur.
188 IIe TRA ITE. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
dateur principal de l’Eglise, devait quitter ce inonde, il était
nécessaire qu’il laissât dans l’Eglise un chef visible et un juge
suprême qui, tenant sa place, définît par un jugement infaillible
les questions de foi et de mœurs, afin que l’unité de croyance fût
constamment maintenue et que les fidèles ne flottassent pas con
tinuellement dans le doute à défaut d’une autorité légitime qui
pût mettre un terme aux controverses par une décision certaine
et obligatoire pour tous ; sans quoi, il y avait à craindre que les
contestations et les schismes ne vinssent à agiter fréquemment
le monde chrétien, si l’Eglise manquait d’un chef et d’un gou
verneur unique, par qui tout doit être réglé.
Tout le monde reconnaît cette nécessité d’un pouvoir suprême
qui sache maintenir parmi tous les hommes une croyance uni
forme et prévenir les différends. Mais des doutes s’élèvent sur
la question de savoir à qui Jésus-Christ a confié cette puissance
suprême et ce jugement infaillible. Leb Gallicans modernes
soutiennent que ce privilège appartient à l’Eglise assemblée au
nom de Jésus-Christ, c’est-à-dire à un Concile œcuménique légi
timement constitué. Cependant, d’après le témoignage du cardi
nal Bellarmin1 et du pape Benoît XIV2 cité par Billuart,3 toutes
les nations, la France exceptée, embrassent notre sentiment, à
savoir, que le Pontife Romain est le Chef suprême de VEglise y
et queypar conséquent, son jugement est infaillible.
J ’ai dit « les Gallicans modernes ; » car leurs devanciers ont
pensé différemment. En effet, Raynaud,4 écrivain français,
affirme qu’autrefois ils enseignaient unanimement que les défi
nitions du Pontife Romain, même en dehors du Concile, sont
infaillibles. De plus, nous trouvons dans Mauclerc,5 qu’en 1530,
la Faculté de Paris condamna comme hérétiques les articles de
Marsile de Padoue, qui prétendait que le Pape est faillible.
Cette Faculté proscrivit, en 1534, la même erreur soutenue par
Jean Morand.6 Elle condamna également comme hérétique
(1) De Rom. Ponfif. I. 4. c. 2.
(2) Epist. ad Inqutsit. gener. Dispan. 43. jul. 4 748.
(3) In 2. 2. De Regulis fidei, dissert. 4. a. 5. § 4.
(4) Corona aurea Rom. Pontificis, subnot. 2. verit. 7.
(5) Part. 4.1. 8. c. 6. (6) Ibid.
BUT DE L’OUVRAGE. 189
II
Fébronius1* associe à l'Eglise gallicane l'Eglise grecque,
qu’il affirme n'avoir jamais voulu reconnaître, lors du Concile
de Florence, que le Pontife Romain fût supérieur aux Conciles
et infaillible dans ses définitions. Or, il ressort évidemment de
l’histoire, qu'il s’éleva dans cette assemblée une grande discus
sion sur ce point. En effet, les Grecs prétendaient que leurs
appels ne pouvaient être reçus du Siège de Rome sans le con
sentement des Patriarches ; mais Basile Bessarion, archevêque
de Nicée, trouva un moyen de concilier les partis, en proposant
d’introduire les mots suivants dans le décret synodal : « Salvis
privilegiis omnibus et juribus Grœcorum :2 Sauf tous les privi
lèges et droits des Grecs ; » et de fait, le mot « privilèges »
impliquait l'idée d’une concession spéciale faite aux Grecs,
laquelle ne portait aucun préjudice au Siège Apostolique.
L’expédient fut donc adopté, et l’accord confirmé.
Au reste, on déclara dans ce même Concile, que le Pontife
Romain est le Chef et le Docteur de toute l'Eglise, et qu'il a
reçu de Notre-Seigneur Jésus-Christ le plein pouvoir de gou
verner l’Eglise universelle : Definimus... Romanum Pontifi
cem... totius Ecclesiœ *Caput ... et Doctorem existerez et ipsi.,,
regendi... universalem Ecclesiam a Domino nostro Jesu Chri
_
II
Fébronius1 commence par expliquer les textes de l'Ecriture
que nous employons habituellement, nous autres adulateurs du
Pape, pour établir la suprême puissance du Pontife Romain. Et
d'abord il parle du fameux texte de Saint Matthieu, où notre
divin Sauveur, s'adressant à ses disciples, leur demande ce qu’on
dit qu'est le Fils de l'homme : Quem dicunt homines esse
Filium hominis ? Pierre ayant répondu : Vous êtes le Christ, le
Fils du Dieu vivant : Tu es Christus, Filius Dei vivi, Jésus lui
dit : Vous êtes heureux, Simon, fils de Jean; car ce n’est ni la
chair ni le sang qui vous ont révélé ceci, mais mon Père, qui
est dans les cieux. Et moi je vous dis que vous êtes Pierre, et
que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les Portes de l’enfer
ne prévaudront point contre elle : Beatus es, Simon Bar-Jona ,
quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus, qui
in cœlis est. Et ego dico tibi quia tu es Petrus , et super
hanc petram œdificabo Ecclesiam meam , et Portae inferi non
prœvalebunt adversus eam?
A ce propos, Fébronius dit : Les Romains et leurs fauteurs
concluent de ces paroles, que Pierre seul et ses successeurs dans
le Siège de Rome sont les pierres fondamentales de l’Eglise ; que
c’est à Pierre seul que les Clefs de l’Eglise ont été immédiate
ment données par Jésus-Christ ; que c’est par lui que toute auto
rité sacrée a été transmise aux autres Apôtres, et par ses suc
cesseurs à tous les évêques; ce qui est très-peu conforme au
sentiment des Pères et même de l’Eglise universelle, comme
nous le verrons bientôt : Unde Romani eorumque fautores
concludunt solum Sanctum Petrum, ejusque in Romana Sede
successores, esse lapides fundamentales Ecclesiœ; soli Petro
immediate a Christo datas esse Claves Ecclesiœ ; ac per hunc
in reliquos Apostolos, per ejus successores in omnes episcopos
omnem sacram auctoritatem dimanare; quod quam parum
Patrum , imo universalis Ecclesiœ sensui conveniat, mox
videbimus?
(1) De Statu Bcclesiœ , etc . c. 4 .§ 2. (2) M atth. 46. 43-49.
(3) Loc . cit. c. 7. § 2.
214 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
Fébronius ajoute ensuite que ce texte est interprété de diffé
rentes manières par les Saints Pères : par la pierre , les uns
entendent la profession de Saint Pierre touchant la divinité de
Jésus-Christ, profession qui était faite également au nom des
autres Apôtres ; les autres entendent le Sauveur lui-même, qui
est la pierre angulaire et le véritable fondement de l’Eglise,
suivant ces paroles : Ad quem accedentes lapidem vivum , etc.,1
et ces autres de l’Apôtre Saint Paul : Fundamentum enim aliud
nemo potest ponere, praeter id quod positum est, quod est Chri
stus Jésus. 2 Et en faveur de cette interprétation, Fébronius cite
ce passage de Saint Augustin : Super hanc ergo, inquit, petram,
quam confessus es, aedificabo Ecclesiam meam; petra enim
erat Christus, etc. :3 C’est donc sur cette pierre, au sujet de
laquelle vous venez de faire une profession de foi, que je bâtirai
mon Eglise ; car cette pierre, c’était Jésus-Christ.
Or, que ces paroles de Jésus-Christ « super hanc petram »
doivent s’entendre de Pierre, c’est l’opinion commune des Saints
Pères, dont nous allons citer ici les oracles en propres termes :
Saint Cyprien dit : Deus unus est, et Christus unus, et una
Ecclesia, et Cathedra una super Petrum Domini voce fundata .
Aliud altare constitui, aut sacerdotium, novum fieri, praeter
unum altare et unum sacerdotium, non potest. Quisquis alibi
collegerit, spargit :4 Dieu est un, le Christ est un, l’Eglise est
une, et la Chaire fondée sur Pierre d’après la parole du Seigneur,
est une. On ne peut élever d’autre autel que l’autel unique, ni
établir d’autre sacerdoce que le sacerdoce unique. Celui qui
amasse ailleurs, dissipe. — Et dans un autre endroit, il dit :
Petrus, quem primum Dominus elegit, et super quem aedifi
cavit Ecclesiam suam ;5 Le Seigneur a choisi Pierre pour être
le premier, et c’est sur lui qu’il a bâti son Eglise.
Saint Maxime dit à son tour : Per Christum Petrus factus
est petra, dicente ei Domino : « Tu es Petrus , et super hanc
petram , etc. » ;6 Pierre a été fait pierre par Jésus-Christ,
(1) J. P etr . $. 4. (2) 7. Cor. S. 44. (3) In Joan. tr. 424. n. 5.
(4) Epist. 40, adpleb.de quinq. presb. schism.
(5) Epist . 74, ad Quint. (6) In Natal . B . Pétri et P auli , serm. 4.
CH. I. PREUVES TIREES DES ECRITURES. 215
lorsque Notre-Seigneur lui a dit : Yous êtes Pierre, et sur cette
pierre je bâtirai mon Eglise, etc.
’Et Saint Grégoire de Nysse : Dei vero Ecclesia in ipso
(Petro) solidatur; hic enim juxtaprœrogativam sibi a Domino
concessam, firma et solidissima petra estt super quam Salvator
Ecclesiam aedificavit L’Eglise de Dieu a sa solidité dans
Pierre; car c’est lui qui, d’après la prérogative qui lui a été
accordée par le Seigneur, est la pierre ferme et très-solide sur
laquelle le Sauveur a bâti l’Eglise.
Et Saint Grégoire de Nazianze : Vides quemadmodum ex
Christi discipulis, magnis utique omnibus et excelsis, atque
electione dignis, hic petra vocetur9atque Ecclesiæ fundamenta
in fidem suam accipiat:2 Vous voyez que parmi les disciples
du Christ, qui tous assurément sont grands, éminents, et dignes
d’être choisis, c’est lui (Pierre) qui est appelé pierre, et c’est
sur sa foi que reposent les fondements de l’Eglise.
Et Saint Epiphane : Princeps Apostolorum Petrus ... solidae
petrce instar nobis institit, cui velut fundamento Domini fides
innititur, supra quam Ecclesia modis omnibus exstructa est ;3
Pierre, le prince des Apôtres, a été pour nous la pierre solide,
sur laquelle la foi du Seigneur repose comme sur son fondement,
et sur laquelle a été bâtie tout entière l’Eglise du Seigneur. — Le
même Saint Père ajoute encore, au même endroit, ces mémo
rables paroles : Ille quoque firmissimus structurœ lapis ac
divinœ domus fundamentum fuit ;4 Pierre fut aussi la pierre
très-ferme de l’édifice et le fondement de la maison de Dieu. —
Et ailleurs il dit encore : Dominus constituit Petrum primum
Apostolorum , petram firm am , super quam Ecclesia Dei
aedificata est :5 Le Seigneur a fait de Pierre le premier des
Apôtres, la pierre ferme sur laquelle est bâtie l’Eglise de Dieu.
Saint Jean Clirysostome appelle également Pierre la base de
l’Eglise : Basis Ecclesiæ ,6
(1) Laudat . 2. in S . Stephan . cire . tin.
(2) Orat. 26. De Moderat, in disput. serv . n. 18. E dit. Ben.
(3) Hœres. 69. c. 7. n. 7. Edit. Petav.
(4) lbid. n. 8. (5) Ancorat. c. 9.
(6) In illud: « Vtdi Domtn. » homil. 4. n. S. E dit . B en .
216 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
Saint Basile écrit de son côté : Quoniam (Petrus) fideprœsta-
bat9 Ecclesiœ... œdificationem in seipsum suscepit :1 Comme
Pierre l’emportait sur les autres par sa foi, il fut constitué le
soutien de l’Eglise.
Passons maintenant à d’autres Saints Pères.
Saint Augustin a écrit : Petrum itaque fundamentum Eccle
siœ Dominus nominavit, et ideo digne fundamentum hoc
Ecclesia colit, supra quod ecclesiastici œdificii altitudo con
surgit Le Seigneur a désigné Pierre pour être le fondement
de l’Eglise, et, par conséquent, c’est à bon droit que celle-ci
vénère ce fondement, sur lequel s’élève le majestueux édifice de
l’Eglise. — Et ailleurs le Saint Docteur écrit : Numerate sacer
dotes ve\ db ipsa Pétri Se de... : ipsa est petra quam non
vincunt superbœ inferorum Portœ :3 Comptez les prêtres qui
ont vécu depuis le règne même de Saint Pierre : voilà la pierre
dont ne triomphent point les Portes superbes de l'enfer.
Origène s’exprime ainsi : Vide magno Üli Ecclesiœ funda
mento et petrœ solidissimœ, super quam Christus œdificavit
Ecclesiam , quid dicatur a Domino : « Modicœ fidei, quare
dubitasti? »4 Ecoutez ce que dit le Seigneur à celui* qui est le
fondement et la pierre solide sur laquelle le Christ a bâti l’Eglise :
» Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté? » — Et
ailleurs le même Origène énonce cette proposition pleine de
substance : Si praevalerent (inferi) adversus petram in qua
Ecclesia fundata est, etiam adversus Ecclesiam prœvalerent :5
Si les enfers prévalaient contre la pierre sur laquelle l’Eglise est
fondée, ils prévaudraient aussi contre l’Eglise. — Dans ce
passage, le mot « pierre « doit nécessairement s’entendre de la
personne de Pierre ; car, si par là Origène avait entendu l’Eglise,
il aurait tenu un langage tout à fait absurde, qui reviendrait à
dire que si l’enfer prévalait contre l’Eglise, sur laquelle est
fondée l’Eglise, il prévaudrait aussi contre l’Eglise.
{1) Adv. Eunom . I. 2. n. 4. (2) Serm . 490. Edit. Ben .
(3) Psalm . contr. part . Bonat . (4) In Eœod. homil . 5. n. 4.
(5) ln Matth. 46.48, et apud Bellarm. JDe Rom . Pontif. 1.4. c. 3.
CH. I. PREUVES TIRÉES DES ÉCRITURES. 217
§ I.
I
Dans le même chapitre seizième de Saint Matthieu, nous lisons
encore que Jésus-Christ a adressé à Pierre les paroles suivantes :
E t tibi dabo Claves regni cœlorum; et quodcumque ligaveris
super terram , erit ligatum et in coelis ; et quodcumque solve
ris super terram , erit solutum et in coelis : 1 Je vous donnerai
les Clefs du royaume des cieux ; et tout ce que vous lierez sur
la terre, sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que vous délie
rez sur la terre, sera délié aussi dans les cieux. — Or, Fébro-
nius2 soutient que le pouvoir des Clefs n’a pas été accordé à
Pierre et à ses successeurs, mais au corps entier de l’Eglise, de
sorte que ce pouvoir est exercé par le Souverain Pontife comme
par les autres ministres de l’Eglise, chacun pour sa part; et
il cite en sa faveur le Concile de Trente, où il est dit : Si quis
dixerit Claves Ecclesiœ esse datas tantum ad solvendum, non
etiam ad ligandum , et pr opterea sacerdotes, dum imponunt
pœnas confitentibus, agere contra finem Clavium et contra
institutionem Christi,... anathema sit :3 Si quelqu’un dit que
(1) Matth. 46. 49. (2) Loc. cit. c. 4. § 6.
(3) Sess. 44. De Pœnit. Sacram, can. 46.
CH. II. AUTRES PREUVES TIRÉES DE l ’ÉORITURE. § I. 237
les Clefs n’ont été données à l’Eglise que pour lier, et non aussi
pour délier, et que pour cela les prêtres agissent contre la des
tination des Clefs et contre l’institution de Jésus-Christ lors
qu’ils imposent des pénitences à ceux qui se confessent, qu’il
soit anathème. — Il est donc faux, dit Fébronius, que les Clefs
de l’Eglise aient été confiées spécialement à Pierre ; en effet, les
évêques se sont toujours regardés comme les ministres de
l’Eglise dans l’usage de ces Clefs.
Mais Tertullien, Saint Grégoire, Saint Basile, Saint Paschase,
etc., sont contraires à Fébronius, et à bon droit; car, quoique
l’Eglise participe au pouvoir de lier et de délier, attendu que les
Clefs ont été transmises à Pierre pour l’avantage de cette même
Eglise, cependant on ne peut nier que ce ne soit Pierre princi
palement qui les a reçues de Jésus-Christ, et qu’il ne les ait
reçues en tant que chargé de gouverner l’Eglise universelle,
dont le soin lui a été confié, et de communiquer ensuite aux
autres Eglises le même pouvoir des Clefs.
C’est dans ce sens que Saint Grégoire a écrit : Ecce Claves
regni eœlestis accepit Petrus; potestas ei ligandi et solvendi
tribuitur, cura ei totius Ecclesiœ et principatus committitur : 1
Pierre a reçu les Clefs du royaume céleste ; le pouvoir de lier et
de délier lui est conféré, et le soin de toute l’Eglise lui est confié
avec la principauté. — Ailleurs il dit de lui-même, qu’il est
chargé du soin de toutes les Eglises : Curœ nobis fuit , quœ uni
versis Ecclesiis a nobis impenditur, etc?
Saint Paschase Radbert a écrit dans le même sens : Jure
igitur (Petrus) in meritis primus œstimatur, per quem et in
quo ad alios dona transmittuntur ; accipiunt autem reliqui in
eo omnes Claves regni coelorum, cum ei a Domino specialius
committuntur, etc. : 3 C’est donc a bon droit que Pierre est
regardé comme le premier en mérite, lui par qui et en qui les
dons sont transmis aux autres ; c’est dans sa personne que ces
derniers reçoivent toutes les Clefs du royaume des cieux, attendu
qu’elles lui ont été confiées plus spécialement par le Sei-
(1) Epist. I. 5. epist. 20. [alias l. 4. ep. 32.) (2) Ibid. epist. 43.
(3) In Matth. I. 6.
238 IIe TRA ITE. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
gneur. — Notons ces paroles : « Per quem ad alios dona
transmittuntur . »
Saint Basile avait déjà écrit la même chose : Beatus ille
Petrus , omnibus discipulis prcelatus, cui soli majora data
quam aliis sunt testimonia, qui prœdicatus est beatus, cui
Claves regni coelorum concreditae sunt :l Le bienheureux
Pierre a été mis à la tête des autres disciples ; lui seul a reçu
de plus grands témoignages que les autres, il a été proclamé
bienheureux, et c’est à lui que les Clefs du royaume des cieux
ont été confiées.
Et avant tous les autres, Tertullien s’était expliqué plus clai
rement encore : Si adhuc clausum putas cœlum, memento
Claves ejus Dominum Petro, et per eum Ecclesiae reliquisse :2
Si vous pensez que le ciel est encore 'fermé, rappeliez-vous que
le Seigneur en a remis les Clefs à Pierre, et par lui à l’Eglise.
Le pouvoir des Clefs est donc communiqué par Pierre aux
autres ministres de l’Eglise ; et c’est dans ce sens qu’il faut enten
dre le Canon du Concile de Trente que nous avons cité plus haut,
et l’anathème qu’il renferme : Si quis dixerit Claves Ecclesiæ
esse datas, etc. En effet, tous les ministres de l’Eglise reçoivent
les Clefs, mais c’est plus spécialement à Pierre qu’elles sont
confiées, afin d’être transmises par lui aux autres.
II
On objecte que, d’après un autre endroit de l’Evangile, Jésus-
Christ a aussi remis les Clefs aux autres Apôtres, en disant :
Amen dico vobis, quœcumque alligaveritis super terram,
erunt Ugata et in cœlo ; et quœcumque solveritis super terram,
erunt soluta et in cœlo : 3 En vérité, je vous le dis, tout ce que
vous lierez sur la terre, sera lié aussi dans le ciel* et tout ce
que vous défierez sur la terre, sera délié aussi dans le ciel. —
Mais quelle difficulté y a-t-il en cela? nous avons déjà dit plus
haut que les Apôtres, en leur qualité de premiers fondateurs de
l’Evangile, ont reçu immédiatement du Christ une puissance
égale à celle de Pierre, mais qu’ils furent tous subordonnés à
(1) BeJudic. Dei, procem. (2) Scorpiac. c. 40. (3) Matth. 48. 48.
CH. ir. AUTRES PREUVES TIREES DE L'ÉCRITU R E. § I. 239
Pierre comme à leur chef et à leur prince, conformément aux
titres que lui décernent tous les Saints Pères. Ainsi, Saint Gré
goire de Nysse dit que le Seigneur a désigné Pierre pour être
le prince du chœur apostolique : Ille (Petrus) quem Dominus
apostolici chori principem designavit;1 et Saint Ephrem, qu’il
est le prince et la tête des Apôtres : Princeps et vertex Aposto
lorum Petrus;2 et Saint Basile, qu’il a été mis à la tête de tous
,
les disciples : Beatus ille Petrus omnibus discipulis praelatus ; 3
et Saint Grégoire de Nazianze, qu’il est le prince des Apôtres :
Petrus Apostolorum princeps. 4 Un grand nombre d’autres
Pères s’expriment de même. Aussi le Concile d’Ephèse a-t-il dit :
Beatissimus Petrus, Apostolorum princeps et caput, fideique
columna, et Ecclesiœ Catholicœ fundamentum, a Domino no
stro Jesu Christo... Claves regni accepit :5 Le bienheureux
Pierre, prince et chef des Apôtres, la colonne de la foi, et le
fondement de l'Eglise Catholique, a reçu de Notre-Seigneur
Jésus-Christ les Clefs du royaume des cieux.
Il faut remarquer en outre, comme nous l’avons indiqué plus
haut, que cette égalité de puissance fut accordée aux Apôtres en
vertu à’un privilège spécial, et que, par conséquent, cette puis
sance s’est éteinte avec eux. Il est donc faux que les évêques, en
qualité de successeurs des Apôtres, soient égaux au Souverain
Pontife quant au pouvoir des Clefs. Ils sont reconnus, à la vérité,
pour les successeurs des Apôtres quant à l’ordre et au caractère,
mais non quant au pouvoir et à la juridiction qu’avaient les
Apôtres. Il est vrai encore que les évêques ont été établis par le
Saint-Esprit pour gouverner l’Eglise, regere Ecclesiam Dei,
comme il est dit dans les Actes des Apôtres;6 mais ils la gou
vernent en qualité de membres, selon la part qui est assignée à
chacun, tandis que le Pape la gouverne en qualité de chef, auquel
la direction de toute l’Eglise a été confiée. — Mais nous éclair
cirons davantage cette question dans la suite de ce Traité.*
(I) Laudat. 2. in S. Stephan.
(*2j De Cumpunct. serm. 4. (3) De Judic. Dei, proœm.
(4) Poemat. I. 2. sect. 4. n. 42. de setpso et episc. vers. 222.
(5) Act. 5. — Labb. t. 5. col. 626. (6) Act. 20. 28.
(*) Chap. VII.
240 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
III
Un partisan de Fébronius objecte que Jésus-Christ n’a pas dit
à Pierre : « Je vous donne, » mais : « Je vous donnerai » les
Clefs du royaume des cieux. Il infère de là que ces Clefs ont
été seulement promises à Pierre, tandis qu’après sa résurrection,
le Sauveur a dit à tous les Apôtres : « Quœcumque alligaveritis
super terram , erunt ligata et in cœlo ; et qucecumque solveritis
super terram , erunt soluta et in cœlo : 1 Tout ce que vous lierez
sur la terre, sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez
sur la terre, sera délié aussi dans le ciel. » Par conséquent, dit-il,
les Clefs n’ont pas été remises à Pierre seul, mais à toute l’Eglise.
— Nous répondons qu’il ne convenait point que Jésus-Christ,
étant encore vivant sur cette terre et chef visible de l’Eglise,
remît les Clefs à Pierre et le constituât son vicaire ici-bas ; mais
que cela devait se réaliser lorsque Notre-Seigneur serait déjà
monté au ciel et devenu invisible au monde ; c’est pourquoi il
a dit à Pierre : « Je vous donnerai, » et non « je vous donne »
les Clefs du royaume des cieux. Au reste, ceci ne peut être
révoqué en doute ; de même que cette profession -de Pierre :
« Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant : Tu es Christus,
Filius Dei vivi, * a été purement personnelle, de même la pro
messe des Clefs lui a été faite personnellement, Jésus-Christ
voulant récompenser par le don des Clefs cette profession indivi
duelle de Pierre, comme l’ont déclaré les Saints Pères que nous
avons cités plus haut,* et auxquels il faut joindre Saint Augustin,
qui s’exprime en ces termes : Petrus Apostolus, qui, ubi diœit :
« Tu es Christus, Filius Dei vivi, » tam beatus a Domino
appellatus est, ut Claves regni coelorum accipere mereretur ;2
Lorsque l’Apôtre Pierre eut dit : « Vous êtes le Christ, Fils du
Dieu vivant, » il fut proclamé bienheureux par le Seigneur, au
point qu’il mérita de recevoir les Clefs du royaume des cieux.
Nous devons bien peser ici ces paroles écrites par Saint
François de Sales dans un de ses discours : ** Les ministres (des
(1) Matth . 48. 48. {?) Contr. Gaudent. Donat. I. t. c. SU
(*) Page 214 et suiv.
CH. II. AUTRES PREUVES TIREES DE L’ÉCRITU RE. § II. 241
hérétiques) tâchent tant qu’ils peuvent de troubler si finement la
claire fontaine de l’Evangile, que Saint Pierre n’y puisse plus
trouver ses Clefs, et font leur possible pour nous dégoûter d’y
boire l’eau de la sainte obéissance qu’on doit au Vicaire de
Notre-Seigneur. Mais qu’ont-ils fait? Ils se sont avisés de dire
que Saint Pierre avait reçu cette promesse de Notre-Seigneur
au nom de toute l’Eglise, sans qu’il ait reçu aucun privilège
particulier en sa personne. Or, si ceci n’est pas violer l’Ecriture,
jamais homme ne la violera.1 » De plus, le Saint remarque très-
judicieusement que Notre-Seigneur venait immédiatement de
parler de l’Eglise, en disant : Les Portes de l’enfer ne prévau
dront pas contre elle : Portœ inferi non praevalebunt adversus
eam; par conséquent, conclut-il, « s’il eût voulu donner les Clefs
à toute l’Eglise immédiatement, qui l’eût empêché d’ajouter :
E t dabo illi Claves regni? Il ne dit pas illi, mais dabo tibi.* »
C’est donc à Pierre principalement qu’il a remis les Clefs, afin
que ce pouvoir fût ensuite communiqué aux autres ministres de
l’Eglise.
§ il
DEUXIÈME TEXTE : » ROGÀVI PRO TE, ETC. »
I
Nous trouvons dans l’Evangile de Saint Lue un autre texte qui
prouve l’infaillibilité du Pontife Romain, d’après le témoignage
de plusieurs Saints Pères : Simon , Simon, ecce Satanas expe
tivit vos, ut cribraret sicut triticum ; ego autem rogavi pro te,
ut non deficiat fides tua ; et tu aliquando conversus confirma
fratres tuos;* Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler
tous, comme on crible le froment; mais j’ai prié pour toi, afin
que ta foi ne défaille point; lors donc que tu auras été converti,
affermis tes frères.
Nous soutenons que, dans ce passage, Jésus-Christ a prié
pour Pierre, afin que la foi ne vînt jamais à défaillir en lui ou
dans les Pontifes, ses successeurs. Mais Fébronius prétend que,
(1) Controverserses, dise. 32. (2) lbid. (3) Luc. 22. Si et 82.
16
212 IIe TRAITE. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
dans cette circonstance, le Sauveur n’a pas prié pour Pierre
en tant que chef de l’Eglise, mais en tant que personne privée,
afin qu’il ne perdît point la foi dans le scandale commun auquel
allaient être exposés les autres disciples;1 aussi arriva-t-il que
Pierre conserva la foi dans le cœur, quoiqu’il eût extérieure
ment renié le Seigneur de bouche.
Mais le sentiment de Saint Bernard et d’autres Peres est que
Jésus-Christ a véritablement prié dans ce moment pour Pierre
et pour ses successeurs, afin qu’ils fussent toujours infailli
bles dans l’enseignement de la foi. Voici les paroles du Saint
Docteur : Dignum namque arbitror ibi potissimum resarciri
damna fidei, ubi non possit fides sentire defectum ... Haec quippe
hujus praerogativa Seclis. Cui enim alteri aliquando dictum
est ; « Ego pro te rogavi, ut non deficiat fides tua ? « 2 Istam
infallibilitatis pontificiae praerogativam constantissima perpe-
tuaque Sanctorum Patrum traditio commonstrat : II convient,
me semble-t-il, que les dommages causés à la foi soient surtout
réparés là où cette même foi ne peut faillir. Or, telle est la
prérogative du Siège Apostolique. En effet, à quel autre ces
paroles furent-elles jamais adressées : « J ’ai prié pour toi, afin
que ta foi ne défaille point? » Cette prérogative de rinfaiilibilité
pontificale est démontrée par la tradition constante et perma
nente des Saints Pères.
Saint Lucius, pape et martyr, s’était déjà exprimé dans le
même sens : Hœc sancta et apostolica mater omnium Ecclesia
rum , quœ a tramite apostolicœ traditionis nunquam errasse
probatur, secundum ipsius Domini pollicitationem , qui fatus
est : « Ego pro te rogavi ut non deficiat fides tua» ;3 L’Eglise
Romaine, sainte et apostolique, est la mère de toutes les Eglises,
et il est constaté qu’elle ne s’est jamais écartée du sentier de la
tradition apostolique, conformément à cette promesse que le
Seigneur lui-même lui a faite, en disant : « J’ai prié pour toi,
afin que ta foi ne défaille point. »
Saint Agathon, dans une lettre adressée à l’empereur Con
(1) Matth. 26. 5t» (2) Epist. 490, adlnnoc. IL preef.
(3j Ad Episc. Gail. et Hisp. n, 6.
CH. II. AUTRES PREUVES TIRÉES DE L’ÉCRITU RE. § II. 243
stantin et approuvée au VI® Concile œcuménique, s’exprime en
ces termes, après avoir cité les paroles. « Ego autem rogavi pro
te, etc. » : (Dominus) fidem Petri non defecturam promisit, et
confirmare eum fratres suos admonuit, quod Apostolicos Ponti
fices, mece exiguitatis praedecessores, confidenter fecisse semper
cunctis est cognitum :1 Le Seigneur a promis que la foi de
Pierre ne défaillirait point, et il l’a chargé d’affermir ses frères;
or, il est à la connaissance de tout le monde que c’est là ce
qu’ont toujours pratiqué avec assurance les Pontifes Romains,
dont je suis, malgré ma bassesse, le successeur.
Saint Léon IX s’est exprimé dans le même sens : Nimirum
solus est pro quo, ne deficeret ejus fides, Dominus et Salvator
asserit se rogasse, dicens : « Rogavi pro te, etc. » ; quce vene
rabilis et efficax oratio obtinuit quod hactenus fides Petri non
defecit, nec defectura creditur in throno illius :2 Pierre est le
seul pour lequel notre Seigneur et Sauveur affirme avoir prié,
afin que sa foi ne défaille point : « J ’ai prié pour toi, etc. ; » et
cette prière auguste et efficace a obtenu que jusqu’ici la foi de
Pierre ne défaillît pas, et l’on est persuadé qu’elle ne défaillira
jamais dans le Siège de Pierre.
C’est pour cela qu’innocent III a écrit dans la suite : Majores
Ecclesiae causas, praesertim articulos fidei contingentes, ad
Petri Sedem referendas intelligit, qui notabit pro eo Dominum
exorasse, ne deficiat fides ejus ; 3 Si l’on considère que le Sei
gneur a prié pour Pierre, afin que sa foi ne défaille point, on
comprend que les causes majeures de l’Eglise, surtout celles
qui touchent à la foi, doivent être déférées au Siège de Pierre.
II
Un autre auteur du camp de nos adversaires prétend que lors
que Jésus-Christ a prononcé ces paroles: « Rogavi pro te, etc., »»
il n’a pas prié pour Pierre seul, mais pour toute l’Eglise, et que
c’est à elle qu’il s’adressait dans la personne de Pierre. A lappui
(1) Epist. ad Constantin. lecta in Concil. œcum. VI. act. 4. et appro
bata act. 8.
(2) Epist. ad Petr. Antioch. (3) Epist. ad Archiepisc. Arelat.
'2 4 4 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DTJ POUVOIR SUPRÊME, ETC.
de cette interprétation, il allègue ce passage de Saint Augustin :
Manifestum est omnes in Petro contineri ; rogans enim pro
Petro, pro omnibus rogasse dignoscitur :* II est évident que
tous étaient renfermés dans Pierre ; car, en priant pour Pierre,
Notre-Seigneur est censé avoir prié pour tous.
Il est hors de doute, répondrons-nous, qu’en priant pour
Pierre, premier pasteur et docteur de l’Eglise, Jésus-Christ a
prié aussi pour tous les fidèles, qui devaient être instruits par
Pierre dans la foi. Néanmoins, il est bien clair que, dans cette
occasion, Notre-Seigneur a prié pour Pierre seul, attendu que
c’est à lui personnellement qu’il a dit : Simon, Simon , etc. ; et,
après avoir donné cet avis aux autres : « Satan a demandé à
vous cribler, Satanas expetivit vos, « c’est à Pierre seul qu’il
s’adresse, en disant : « J ’ai prié pour toi, afin que ta foi ne
défaille point : Ego rogavi pro t e , ut non deficiat fides tua ; »
mais il ne dit pas : « J ’ai prié pour vous, pro vobis. » *
Cette explication ressort plus clairement encore des paroles
qui suivent : Lorsque tu auras été converti, affermis tes frères :
E t tu aliquando conversus confirma fratres tuos. En effet,
d’après l’explication de Théopbylacte, ces paroles ont été adres
sées à Pierre en qualité de prince des Apôtres et de fondement
de l’Eglise : Quia te habeo ut principem discipulorum, con
firma cœteros; hoc enim te decet, qui post me Ecclesiæ petra es
et fundamentum* — Telle est aussi l’interprétation de Saint
Augustin : « Rogavi pro te, ut non deficiat fides tua , » hoc est,
ne auferatur ex ore tuo verbum veritatis usque valde ;3 J ’ai
prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, » c’est-à-dire afin
que la parole de la vérité ne soit jamais ôtée de ta bouche. —
Et auparavant déjà, Saint Jean Chrysostome avait écrit : Quam
(1) Quaestiones Vet. et Nov. Testant. q. 7$, inter opera S. Aug. t. 8.
append. Edit. Ben.
(2) In Luc. 22. 82. (3) In Psalm. 448. serm. 48. n. 3.
(*) On peut ajouter ici que le texte allégué de Saint Augustin n’est pas du Saint
Docteur, non plus que l’ouvrage d’où ce passage est extrait : c’est ce que démon
trent les savants éditeurs de Saint Augustin, qui, d’accord avec la plupart des éru
dits, attribuent plutôt cet ouvrage au diacre Hilaire, auteur des Commentarii in
Apostolum, publiés sous le nom d’Ambroise. -— Voir l’introduction des Bénédic
tins, en tôte de l’ouvrage citô plus haut. Le traducteur.
CH. II. AUTRES PREUVES TIRÉES DE L’É C R ITU R E. § II . 245
est fervidus! quam agnovit creditum a Christo gregem 1quam
in hoc choro princeps est!... Merito primus omnium aucto
ritatem usurpat in negotio, ut qui omnes habeat in manu;
ad hunc enim dixit Christus .* « E t tu aliquando conversus
confirma fratres tuos » :l Pierre est l’Apôtre ardent, à qui la
garde du troupeau a été confiée par Jésus-Christ, et qui est
le prince du chœur des Apôtres. C’est à bon droit qu’il prend
dans cette affaire* la principale autorité, parce que le soin de
tous lui a été confié; en effet, c’est à lui que Jésus-Christ a
dit : « Quand tu auras été converti, affermis tes frères. »
Conformément à cette doctrine, Saint Pierre lui-même, sachant
bien qu’il avait été choisi de Dieu pour enseigner et gouver
ner l’Eglise, s’est exprimé en ces termes dans le Ier Concile de
Jérusalem : Viri fratres, vos scitis quoniam àb antiquis diebus
Deus in nobis elegit per os meum audire gentes verbum Evan -
gelii, et credere :2 Mes frères, vous savez que depuis longtemps
Dieu m’a choisi parmi vous, afin que les Gentils entendissent
par ma bouche la parole de l’Evangile, et qu’ils crussent. —
Pierre a donc été personnellement choisi, non-seulement pour
que les Gentils l’entendissent, mais encore pour qu’ils crus
sent. C’est pourquoi Saint Cyprien a écrit dans la suite : Ad
quos (Romanos Pontifices) perfidia habere non potest acces
sum ;3 Auprès des Pontifes Romains, la perfidie ne peut avoir
accès. — Saint Fulgence a dit également: Quod... Romana
tenet et docet Ecclesia totusque cum ea Christianus orbis,...
nihil hœsitans, credit :4 Ce que l’Eglise Romaine tient et ensei
gne, le monde chrétien tout entier le croit sans la moindre
hésitation. — Et les Pères du VIe Concile œcuménique ont
reconnu qu’aucune erreur n’a jamais existé et n’existera jamais
dans la Chaire de Rome, et que les successeurs de Pierre, pour
lequel Jésus-Christ a prié tout particulièrement, ne dévieront
jamais du sentier de la foi : Nullum errorem in Cathedra
(1) In Act. Apost. homil. &. n. 4 et 5. (2) Act. 45. 7.
(3) Epist. 55, ad Cornel.
(4) De Incam. et Grat. Christi, c. 44. (alias epist. 47.)
(*) C’est-à-dire l’élection d'un douzième Apôtre en remplacement du traître Judas.
Le traducteur.
246 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
Romana unquam fuisse, nec futurum , successoresque Pétri ,
pro quo tam particulariter rogavit Christus, nunquam a
fidei semita deviaturos. 1
Mais passons à un autre texte de l’Evangile qui est encore
plus pressant et plus convaincant en faveur de la suprême auto
rité du Pontife Romain.
(1) Act. 4. — Labb. t. 6. co}. 6&5.
CHAPITRE III,
LE POUVOIR SUPRÊME DU PAPE PROUVE PAR CET
AUTRE TEXTE : « PASCE OVES MEAS. »
I
On lit dans l’Evangile selon Saint Jean, que Notre-Seigneur
Jésus-Christ interrogea Pierre une première fois en ces termes :
Simon Joannis, amas me plus his? Simon, fils de Jean, m’ai
mez-vous plus que ne le font ceux-ci? — à quoi Pierre répon
dit : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime : Etiam ,
Domine, tu sois quia amo te. Alors le Seigneur réitéra sa
demande, et Pierre y fit la même réponse; après quoi, le Sau
veur lui dit : Paissez mes agneaux : Pasce agnos meos. Ensuite
il l'interrogea une troisième fois : Simon, fils de Jean, m aimez-
vous? Simon Joannis, amas mef puis il ajouta : Paissez mes
brebis : Pasce oves meas. 1 — Par le mot « paître , » il faut
entendre tout ce que comprend l’office pastoral, c’est-à-dire, non-
seulement fournir la nourriture, mais encore guider, comman
der, corriger, et punir. Or, il ressort manifestement de tout le
contexte, que l'office de paître les agneaux et les brebis a été
assigné principalement à Pierre.
Fébronius avoue que les Pères se sont fondés sur ce texte de
Saint Jean pour établir qu’une certaine prééminence avait été
attribuée à Pierre sur les autres Apôtres, à cause de son amour
pour Jésus-Christ, prééminence qui n’est autre que la primauté
dans l’Eglise. Il est donc bien constaté, continue-t-il, que le droit
de présider les assemblées de l’Eglise a été conféré à cet Apôtre ;
Unde magis declaratur Ecclesiœ coetibus prœsidendi jus fuisse
(1) Joan, Si. iS .
248 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
huic Apostolo concessum.1 Toutefois, ajoute Fébronius, quoique
ce même Apôtre soit la première pierre parmi celles qui servent
à l’édifice, il n’est cependant, comme les autres Apôtres, qu’une
des pierres vivantes, et sa doctrine n’est pas plus certaine que
celle des autres; et sauf la prééminence de Pierre, le soin des
brebis a été aussi confié immédiatement par Jésus-Christ aux
autres Apôtres et à leurs successeurs, les évêques, qui ont dans
l’Eglise la qualité commune de pasteurs aussi bien que le Pape,
ainsi que Pierre lui-même l’a écrit à ses prêtres : « Paissez le
troupeau de Dieu qui vous est confié : Pascite qui in vobis est
gregem Dei.»*—Fébronius ajoute: Contineat de reliquo verbum
«pascendi » Petro (suppone etiam soli) dictum quantamcumque
auctoritatem et potestatem, non repugno ; hoc contendo, nullam
verbo « pascendi » inesse quœ non œque, imo amplius, conti
neatur illis Christi dictis ad omnes Apostolos : « Sicut misit
me Pater , ita ego mitto vos » ; 3 item his : « Euntes ergo docete
omnes gentes:A »5 Au reste, que le mot « paître» adressé à
Pierre (supposez même que ce soit à lui seul,) implique une
autorité et une puissance aussi grande que vous le voudrez, je
ne me refuse pas à l’admettre ; mais ce que je prétends, c’est que
ce mot « paître » n’implique pas une puissance qui ne soit ren
fermée au même degré, et même davantage, dans ces paroles
adressées par Jésus-Christ à tous les Apôtres : « Comme mon
Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie; » et dans ces autres
paroles : « Allez donc, et enseignez toutes les nations. »
Mais ces assertions de Fébronius ne s’accordent nullement
avec le texte de Saint Jean. En effet :
1° Je ferai d’abord remarquer que les autres disciples étaient
présents en même temps que Pierre; pourquoi donc le Seigneur
dit-il à Pierre : « Pais mes brebis : Pasce oves meas, » et non à
tous : « Paissez mes brebis : Pascite oves meas ? »
2° Je ferai observer en second lieu que Jésus-Christ avait dit :
« Simon, fils de Jean, m’aimez-vous plus que ne le font ceux-ci?
Simon Joannis, amas me plus his? »
(1) Loc. cit. c. 2. § 4. (2) I. Petr. 5. 2.
(3) Joan. 20. 21. (4) Matth. 28. 49. (5) Loc. cit. c. 4. § S.
CH. III. AUTRES PREUVES TIRÉES DE L’ÉCRITURE. 249
Donc le mot « paître » n’est pas adresse à tous les Apôtres,
mais à Pierre seul.
3° De plus, le mot « paître « implique que Pierre a été con
stitué dès lors le premier pasteur du troupeau de Jésus-Christ,
de sorte que lorsque le Sauveur a dit aux disciples dans une
autre circonstance : « Je vous envoie,... allez, et enseignez:
Ego mitto vos,... euntes docete, etc., » ces paroles doivent
s’entendre dans ce sens, que les disciples restent soumis au
premier et principal pasteur. C’est dans le même sens qu’il faut
entendre cet autre passage : « Paissez le troupeau qui vous a
été confié : Pascite qui in vobis est g re g e m » e’est-à-dire avec
subordination au premier pasteur Pierre et à ses successeurs.
En effet, quoiqu’il y ait plusieurs pasteurs et plusieurs trou
peaux, ils ne forment cependant tous ensemble qu’un seul bercail
soumis au premier pasteur, qui est le Pontife Romain. Tous les
évêques, il est vrai, sont pasteurs, et tous sont chargés du soin
de paître les agneaux du Christ; mais les brebis comme les
agneaux, c’est-à-dire les évêques et lés fidèles, sont soumis à un
seul pasteur.
Notre adversaire Fébronius rit de cette distinction, qu’il appelle
imaginaire et nouvellement inventée : Imaginaria et noviter
adinventa;2 mais elle est enseignée par Saint Eucher, Saint
Bernard et Saint Ambroise.
Saint Eucher a écrit : Prius agnos, deinde oves commisit ei,
quia non solum pastorem , sed pastorum pastorem eum consti
tuit. Pascit igitur Petrus agnos, pascit et oves ; pascit filios;
pascit et matres; regit et subditos et praelatos. Omnium igitur
pastor est, quia praeter agnos et oves in Ecclesia nihil est : 3
Jésus-Christ confia d’abord à Pierre les agneaux, puis les brebis,
parce qu’il l’a constitué, non-seulement pasteur, mais pasteur
des pasteurs. Pierre paît donc les agneaux, comme il paît les
brebis ; il paît les petits, comme il paît les mères ; il gouverne
supérieurs et sujets. Il est donc le pasteur de tous, puisqu’aprês
les agneaux et les brebis, il n’y a plus rien dans l’Eglise. — Les
(1) I. Petr. 5. 2. (2) Loc. cit. c. 4. § S.
(3) Serm. in Y igil. S. Pétri.
250 IIe TRAITÉ. — DEFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
évêques sont les pasteurs de troupeaux particuliers, chacun du
sien ; c’est dans ce sens que Saint Pierre a écrit : Paissez le
troupeau qui vous a été confié : Pascite qui in vobis est gregem ; 1
mais 3e Pape est pasteur de toute l’Eglise.
Ecoutons maintenant Saint Bernard, écrivant en ces termes
au pape Eugène III : Sunt et alii gregum pastores; habent illi
sibi assignatos greges, singuli singulos ; tibi universi crediti,
uni unus ; nec modo ovium, sed et pastorum ; tu unus omnium
pastor Il y a encore d’autres pasteurs de troupeaux : pasteurs
particuliers pour des troupeaux particuliers, ils ont chacun des
brebis qui leur sont assignées ; mais c’est à vous, pastgur unique
pour un troupeau unique, que tous les troupeaux sont confiés ;
vous êtes, vous seul, le pasteur universel, non-seulement de
toutes les brebis, mais de tous les pasteurs. — Saint Bernard
ajoute au même endroit : Cui, non dico episcoporum, sed etiam
Apostolorum, sic absolute totce commisses sunt ovesî « Si amas
me, Petre , pasce oves meas. » Quasi illius vel illius populos
civitatis, aut regionis ? » Oves meas, » inquit : nihil excipitur,
ubi distinguitur nihil :z A qui, je ne dis pas d’entre les évê
ques, mais d’entre les Apôtres, les brebis ont-elles été confiées
aussi absolument qu’à vous? « Pierre, si tu m'aimes,pais mes
brebis. » Lesquelles? est-ce peut-être le peuple de telle ou telle
ville, de telle ou telle contrée ? Mes brebis, dit-il ; où rien n’est
distingué, rien n’est excepté.
Saint Ambroise a exprimé la même pensée, lorsqu’il a dit :
E tjam non agnos, ut primo quodam lacte vescendos, nec
oviculas, ut secundo, sed oves pascere jubetur, perfectiores ut
perfectior gubernaret :4 Jésus-Christ n’ordonne pas seulement
de nourrir de lait, en quelque sorte, les agneaux, comme il
l’avait dit en premier lieu, ni les jeunes brebis comme il l’avait
dit en second lieu, mais encore les brebis déjà formées, afin
que le plus parfait gouvernât les plus parfaits.
Plusieurs autres Pères sont du même sentiment. Ainsi Saint
Epiphane a écrit : Hic est qui audivit: « Pasce oves meas, *
(1)7. Petr. J. 2. (2) Pe Consider. I. 2. c. 8. n. 43.
(3) Ibid. t4) In Luc. c. 24. I. 40. n. 176.
CH. III. AUTRES PREUVES TIRÉES DE L’ÉCRITURE. 251
cui concreditum est ovile:1 C’est à celui qui a entendu ces
paroles : « Pais mes agneaux, » que le bercail a été confié.
Saint Jean Chrysostome a dit à propos du même passage
de l’Evangile : A lits omissis, Petrum affatur,... fratrum ei
curam committit C’est à Pierre que Jésus-Christ s’adresse,
en négligeant les autres Apôtres ; c’est à lui qu’il confie le soin
de ses frères. — Et plus bas, il ajoute : Cum magna Dominus
Petro communicasset, orbis terrarum curam demandasset,
etc.:* Comme le Seigneur avait annoncé de grandes choses
à Pierre, et qu’il l’avait chargé du soin de tout Punivers, etc.
Saint Maxime dit à son tour : Hic est Petrus, cui Christus
pascendas oviculas suas agnosque commendat ;4 C’est Pierre
que Jésus-Christ charge de paître ses brebis et ses agneaux.
Et Saint Augustin : Non enim inter discipulos solus meruit
pascere dominicas oves ; sed quando Christus ad unum loqui
tur, unitas commendatur ;5 Pierre n’a pas mérité seul, parmi
les disciples, de paître les brebis du Seigneur; mais quand
Jésus-Christ parle à un seul, l'unité est recommandée. — Et
ailleurs, il dit pareillement : In ipso Petro unitatem commen
davit; multi erant Apostoli, et uni dicitur : « Pasce oves
meas : » 6 Jésus-Christ a recommandé l’unité dans la personne
même de Pierre; il y avait plusieurs Apôtres, et cependant
c’est à un seul qu’il est dit : « Pais mes brebis. » — Ce texte
nous viendra fort à propos dans le chapitre VII de ce Traité,
pour expliquer la pensée de Saint Augustin.
Saint Léon, pape, écrit de son côté : Cui cum prœ cœteris
solvendi et ligandi tradita sit potestas, pascendarum tamen
ovium cura specialius mandata est :7 Comme le pouvoir de lier
et de délier a été conféré à Pierre de préférence aux autres, c’est
à lui que le soin de paître les brebis a été spécialement confié.
— Et dans un autre endroit, il dit : De toto mundo unus Petrus
eligitur..., ut, quamvis in populum Dei multi sacerdotes sint
(1) Ancorat. c. 9. (2)In Joan. homil. 88. n. 4.
(3) Ibid. n. 2. (4)In Natal. BB. Petri et Pauli, ser?n. 4.
(5 ,Serm. 293 c. 4. Edit. Ben. (6 ) Serm. 46. c. 43 Edit. Ben.
(7) Epist. 40. c 2. ad episc. prov. Vienn. Edit. Ballerin.
252 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SU PR ÊM E, ETC.
multique pastores, omnes tamen proprie regat Petrus quos
principaliter regit et Christus : 1 Pierre seul est choisi dans le
monde entier, de sorte que, malgré le grand nombre de prêtres
et de pasteurs préposés au peuple de Dieu, c’est cependant Pierre
qui gouverne proprement tous ceux que Jésus-Christ même
gouverne comme supérieur en chef.
Théophylacte dit également : Ovium totius mundi ovile Petro
commendabat; non autem aliis, sed huic tradidit Jésus-
Christ a confié à Pierre le bercail du monde entier : c’est à lui,
et non aux autres, qu’il l’a remis.
Saint Cyrille et Saint Augustin disent la même chose dans
leurs commentaires sur le passage en question de Saint Jean.
Saint Thomas a écrit dans le même sens : Petro et ejus suc
cessoribus (Christus) plenissime (potestatem) commisit, et nulli
alii quam Petro quod suum est plenum , sed ipsi soli dedit :3
Jésus-Christ a confié à Pierre et à ses successeurs'la puissance la
plus pleine, et à nul autre qu’à Pierre il n’a communiqué le plein
pouvoir qui lui appartient. — Le Saint Docteur infère de là que
ce serait une erreur téméraire de soutenir que les fidèles ne sont
point tenus de se soumettre aux définitions du Pape. Voici
comme il s’exprime : Petro dixit : « Pasce oves meas, etc. ; »
per hoc autem excluditur quorumdam prœsumptuosus error
qui se subducere nituntur a subjectione Petri, successorem ejus
Romanum Pontificem universalis Ecclesiae pastorem non reco
gnoscentes :4 Jésus-Christ a dit à Pierre : « Paissez mes brebis,
etc.; » or, ces paroles écartent l’erreur téméraire de ceux qui
tentent de se soustraire à la sujétion de Pierre, en refusant de
reconnaître son successeur, le Pontife Romain, pour le pasteur
de l’Eglise universelle.
II
On voit évidemment par là dans quelle erreur tombe Fébro
nius, quand il prétend que le mot pasce n’a pas été adressé à
Pierre, mais à l’Eglise ; — que lorsque l’Eglise est assemblée en
(1) In anniv. assumpt. suce, serm. 3. (2) In Joan, c. ult.
(3j Opusc. contr. errores Grœcor. ch. Z%. [Ex S. Cyril, in Tàesaur.)
(4) Contr. Cent. X. 4. c. 76.
CH. III. AUTRES PREUVES TIRÉES DE L’ÉCRITU RE. 253
Concile œcuménique, le Pape lui est inférieur; — que lors
qu’elle n’est pas assemblée, mais dispersée, le Pape est, |à la vé
rité, le chef de l’Eglise, mais chef purement ministériel, et que,
par conséquent, il ne possède pas de plus grandes attributions
dans ce corps aristocratique que les autres évêques, qui ont un
pouvoir égal au sien, tant pour ce qui regarde l’ordre que la
juridiction; car, en qualité de successeurs des Apôtres, ils sont
les pasteurs du bercail de Jésus-Christ aussi bien que le Pape.
Or, toutes ces assertions de Fébronius sont erronées. Il
prétend que ce n’est pas à Pierre, mais à l’Eglise, qu’il a été
dit : « Pais mes brebis. » Jésus-Christ aurait donc prescrit à
l’Eglise de se paître elle-même ? il aurait prescrit au bercail de
paître le pasteur? Mais, je le demande, l’Eglise n’est-elle pas
elle-même le bercail de Jésus-Christ? et si Jésus-Christ a enjoint
à Pierre de paître son bercail, comment peut-il se faire que le
bercail ne soit pas subordonné à Pierre, mais qu’il soit supé
rieur à Pierre?
Quant aux évêques, ils sont, il est vrai, les pasteurs des bre
bis de Jésus-Christ, et sont appelés à partager la sollicitude du
gouvernement; mais c’est au Pontife Romain, comme au pre
mier pasteur de tout le bercail, que le soin principal du troupeau
a été confié ; par conséquent, tous les évêques sont tenus de se
soumettre à lui comme au chef suprême.
L'Eglise même, dit Fébronius, possède donc originairement
et radicalement le pouvoir des Clefs, qui dérive d’elle pour se
transmettre à tous ses ministres et au Souverain Pontife lui-
même, et est communiqué à chacun d’eux selon la part qui lui
revient : Itaque Ecclesia ipsa principaliter et radicaliter obtinet
potestatem Clavium , quœ ab illa in omnes ejus ministros
ipsumque Summum Pontificem derivatur, et singulis quibusque
pro sua portione communicatur. 1
Mais Saint Léon nous donne un autre enseignement, lorsqu'il
dit : Quibus (sacerdotibus) cum dignitas sit communis, non est
tamen ordo generalis ; quoniam et inter ... Apostolos in simili
tudine honoris fuit quosdam distinctio potestatis ; et cum
(1) Loc. cit. c. 1. § 6. n. 3.
254 IIe T U \U 'E - ---- DEFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
omnium par esset electio, uni tamen datum est ut cœteris
praeemineret...; de qua forma episcoporum quoque est orta
distinctio..., ne omnes sibi omnia vindicarent..., per quos ad
unam Petri Sedem universalis Ecclesiæ cura conflueret:1
Bien que la même dignité soit commune à tous les prêtres, le
rang n’est cependant pas le même pour tous; car, parmi les
Apôtres mêmes, il y eut, avec le même degré d’honneur, une
différence dans le pouvoir; et quoiqu’il y eût égalité dans l’élec
tion, c’est cependant à un seul qu’il a été donné d’avoir la préé
minence sur les autres. C’est d’après cette disposition qu’un
ordre distinct a été également assigné aux évêques, afin qu’ils
ne pussent point s’arroger tous les droits, et que par eux le soin
de l’Eglise universelle eût son centre dans le Siège de Pierre.
De plus, Saint Grégoire a écrit : Se dicit S edi Apostolicœ
subjici : si qua cülpa in episcopis invenitur , nescio quis ei epi
scopus subjectus non sit; cum vero culpa non exigit, omnes
secundum rationem humilitatis œquales sunt : * Il se dit soumis
au Siège Apostolique : si quelque faute se rencontre dans les
évêques, je ne sais lequel d’entre eux n’est pas soumis à ce Siège ;
s’il y a, au contraire, absence de faute, ils sont tous égaux au
point de vue de leur bassesse.
C’est d’après ces idées que le pape Zozyme a qualifié de
« confusion impie » les empiétements d’un évêque sur la circon
scription d’un autre : Nous vous avertissons tous, dit ce Pontife,
que chacun doit se borner à son territoire ; car c’est une confu
sion révoltante et impie que d’empiéter sur celui des autres :
Omnes admonemus, ut quique territoriis suis contenti sint ;
nam barbara et impia ista confusio est aliena prœsumere. 3 —
Voyez ce que nous disons sur ce point dans notre chapitre VII.
Mais, quoique le gouvernement des évêques leur soit parti
culier par rapport à leurs troupeaux particuliers, cependant, si
un évêque voyait surgir une hérésie dans une autre Eglise,
il serait tenu de réparer lui-même le mal autant que cela serait
en lui, par la raison que tous les évêques sont obligés de veil-
(1) Epist. 44. c. 44. Edit. Ballerin.
(2J Epist. I. 7. indict. 2. epist. 67. (3) Epist. ad Episc. Gail.
CH. III. AUTRES PREUVES TIREES DE l ’ÉCRITURE. 255
1er au bien de l’Eglise universelle. Si un homme possédait
un nombreux troupeau, il en confierait la garde à un seul
pasteur, mais il désignerait en même temps d’autres pasteurs
inférieurs, dont chacun garderait une portion du troupeau.
Cependant, si quelqu’un d’entre eux venait à remarquer que les
loups guettent le troupeau particulier d’un de ses compagnons,
il serait tenu assurément de prévenir le danger. De même les
évêques, qui tous sont pasteurs du même bercail de Jésus-Christ,
sont tenus selon leur pouvoir et pour autant que cette tâche leur
incombe, de protéger l’Eglise universelle et de réparer tout
dommage qui lui serait causé.
C’est bien dans ce sens que Saint Augustin et Saint Cyprien
ont écrit, et c’est en vain que Fébronius nous les oppose. Voici
les paroles de Saint Augustin : Cum communis sit omnibus
nobis, qui fungimur episcopatus officio,... specula pastoralis,
facio quod p o s s u m u t pestilentibus eorum smptis
medentia et munientia scripta praetendam : 1 Comme la vigi
lance pastorale est commune à nous tous, qui sommes chargés
de l’épiscopat, je fais ce que je puis pour opposer à leurs funes
tes écrits (ceux des Pélagiens), d’autres écrits qui soient à la fois
un remède et un préservatif. — Et Saint Cyprien dit de son
côté : Copiosum corpus est sacerdotum unitatis vinculo
copulatum, ut si quis ex collegio nostro.... gregem Christi...
vastare tentaverit, subveniant cceteri;... nam , etsi pastores
multi sumus, unum tamen gregem pascimus : 3 La nombreuse
Corporation des évêques est rattachée ensemble par le lien de
l’unité, en sorte que si l’un d’entre nous tentait de dévaster le
troupeau de Jésus-Christ, les autres devraient courir au secours;
car, bien que nous soyons beaucoup de pasteurs, nous paissons
tous cependant un même troupeau.
Or, il ne résulte point de ces paroles ce que Fébronius en
infère, à savoir, que tous les évêques, en leur qualité de pas
teurs du bercail de Jésus-Christ, sont égaux en puissance au
Souverain Pontife, et indépendants de lui ; mais il en résulte
(1) Contr. ditas epist• Pelag. I. 4. c. 4.
(2) Epist. 67 [alias 6$), ad Stephan. n. 3 et 4.
256 I I e TRAITÉ. — DEFENSE DU POUVOIR SU PRÊM E, ETC.
simplement que quand un loup tente de dévaster le bercail de
Jésus-Christ (comme parle Saint Cyprien), et qu’il n’y a personne
d’autre pour réparer le dommage, tout évêque est tenu de
s’employer à prévenir le mal.
Il faut distinguer deux pouvoirs dans les évêques : le pouvoir
d'ordre, qui est intrinsèque à l’épiscopat, et en vertu duquel
l’évêque peut contërer les Ordres, consacrer des églises, admi
nistrer le Sacrement de Confirmation, et autres choses sem
blables ; — le pouvoir de juridiction , qui a rapport à l’extérieur,
c’est-à-dire au gouvernement du troupeau.
Quant au pouvoir d'ordre, tous les évêques sont sans nul
doute égaux au Souverain Pontife, attendu que les évêques
aussi bien que le Pape tiennent immédiatement ce pouvoir de
Jésus-Christ; mais il n’en est pas de même du pouvoir de juri
diction. La question de savoir si ce pouvoir de juridiction dont
jouissent les évêques, leur vient immédiatement de Jésus-Christ
ou leur est communiqué par le Pape, est une pure question de
mots ; car, alors même qu’ils le recevraient immédiatement de
Dieu, et non du Pape, il reste toujours vrai qu’ils le reçoivent
en tant que subordonnés à l’autorité suprême que Jésus-Christ
a conférée au Pape sur toute l’Eglise. Supposé donc que les
évêques tiennent immédiatement de Dieu leur pouvoir, cela
n’empêche nullement qu’ils ne soient soumis au Pape, comme
ils le sont en réalité. C’est pourquoi les Souverains Pontifes ont
eu pour pratique, dès les premiers temps, de se réserver les
dispenses des irrégularités, des empêchements dirimants de
mariage, comme aussi de plusieurs vœux, ainsi que l’absolution
d’un bon nombre de cas, et cela en vertu de leur suprême auto
rité, conformément à la déclaration du Concile de Trente :
Pontifices Maximi, pro suprema potestate sibi in Ecclesia
universa tradita^ causas aliquas criminum graviores suo potue
runt peculiari judicio reservare j Pesez bien ces derniers
mots : « Suo potuerunt peculiari judicio reservare : Ils ont pu
réserver certaines causes graves à leur jugement particulier. »
(1J Sess. 44. de Pœttft» cap. 7.
CH. III. AUTRES PREUVES TIRÉES DE L’ÉCR ITU RE. 257
C’est d'après cela qu’en 1554, la Faculté de Paris a prononcé,
à l’unanimité des suffrages, le décret suivant : Omnes et singuli
magistri nostri ... ipsum Romanum Pontificem ut summum
Jesu Christi Vicarium et universalem Ecclesiæ Pastorem , cui
plenitudo potestatis a Christo data sit,... fideliter et libenter
agnoscunt et confitentur :1 Tous nos docteurs, et chacun d’eux
en particulier, reconnaissent et professent que le Pontife Romain
est le suprême Vicaire de Jésus-Christ et le Pasteur universel
de l’Eglise, auquel la plénitude du pouvoir a été conférée par
Jésus-Christ. — Gamaches,* professeur royal de la même
Faculté, distinguait également dans les évêques le pouvoir
d’ordre du pouvoir de juridiction : Les plus illustres théologiens,
dit-il, affirment que les évêques tiennent immédiatement de
Jésus-Christ le pouvoir d’ordre, mais non celui de juridiction,
qu’ils reçoivent plutôt du Souverain Pontife : Clarissimi theo
logi sustinent episcopos, etiamsi habeant potestatem caracteris
immediate a Christo, non tamen potestatem jurisdictionis, sed
hanc potius a Summo Pontifice accipere* — Innocent Ier avait
déjà écrit la même chose, en 404, aux évêques d’Afrique :
L’épiscopat même, leur dit-il, avec toute l’autorité attachée à ce
titre, émane de Pierre : A quo (Petro) ipse episcopatus et tota
httjus nominis auctoritas emersit,3
III
Un autre auteur qui figure parmi nos adversaires, objecte
que Jésus-Christ n’a point dit à Pierre : « Pais tes brebis, Pasce
oves tuas, » mais bien : « Pais mes brebis, Pasce oves meas; »
et il infère de là, que Jésus-Christ est le pasteur absolu du trou
peau, tandis que Pierre et les Apôtres n’en sont que les pasteurs
ministériels.
Nous répondons que tant que notre Sauveur vécut ici-bas, il
(1) Apud Maucler. De Monarchia, p. 4. I, 8. c. G.
(2) De Sacram. Ordinis, c. 9. (3) Epist, 24. Re script, ad Episc. A fric.
(*) Ce docteur, né en 1568, se distingua p ar l’ardeur avec laquelle il soutint
R icher. Sans l’appeler un grand homme, on peut dire que Gam aches était un bon
scolastique, — Telle est l’appréciation de Feller. [Dtctlonn. hislonq.).
Le traducteur,
17
258 II® TRA ITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SU PRÊM E, ETC.
ne fut pas seulement pasteur invisible et intérieur, mais encore
pasteur et chef visible de l’Eglise, et c’est pourquoi il a dit :
« Pais mes brebis, » et non « tes brebis. » Lorsqu’ensuite il
monta au ciel, il resta lui-même pasteur invisible et intérieur de
l’Eglise, qu’il continua à gouverner par les influences de sa grâce
et ses lumières intérieures ; mais à son troupeau visible il laissa
Pierre en qualité de pasteur extérieur et visible, avec pouvoir de
définir visiblement les doutes en matière de foi ; s’il en était au
trement, et le pape, et les évêques, et les prêtres seraient super
flus dans l’Eglise. Pierre n’est donc relativement à Jésus-Christ,
pasteur invisible, qu’un des membres de son troupeau, et c’est là
précisément ce qu’a dit Saint Augustin (dont notre adversaire
nous oppose l’autorité), lorsqu’il a écrit que Jésus-Christ est le
Pasteur des Pasteurs : Pastorum Pastorem; mais, relativement
à l'Eglise et à son gouvernement extérieur, Pierre est le pasteur
suprême et visible. Qui ne comprend que pour gouverner un
royaume visible, il faut un chef visible?
Le même auteur poursuit en disant que les successeurs de
Pierre n’ont d’autre autorité que celle qui leur est accordée par
le troupeau, attendu que c’est à celui-ci que le pouvoir d’élire le
Pontife a été conféré : Successores Petri alia auctoritate non
gaudent, nisi illa quam grex illis impertitur , cum gregi coi-
lata sit facultas eligendi Pontificem. — Mais je pose ici une
question : nos adversaires ne nient pas que le Pape ne possède
du moins la primauté dans l’Eglise ; or, les cardinaux ont-ils la
primauté? nullement; comment donc peuvent-ils conférer au
Pape une suprématie qu’ils n’ont p’as ? Ils ont, il est vrai, le
pouvoir d’élire le Pape ; mais c’est de Dieu, et non pas d’eux,
que le Pape élu reçoit son autorité. Aussi, dans le conciliabule
de Bâle, où le pouvoir pontifical a été si déprimé, s’est-on expri
mé en ces termes dans le discours adressé aux Pères : Hœc
potestas et prœsulatus auctoritas Petro tribut a fuit , non ab
hominibus, sed a Christo Salvatore :l Le pouvoir et l’autorité
de la prééminence ont été accordés à Pierre, non par les hom
(1) Orat. ad Patres habita ab archiep. Tarent. — Labb. t. 4%. col. 886.
CH. III. AUTRES PREUVES TIRÉES DE L E C R IT U R B . 259
mes, mais par notre Sauveur Jésus-Christ. — Et le pape Saint
G-élase, s’adressant aux Pères du Concile de Rome, leur dit :
Romana Ecclesia nullis synodicis constitutis cæteris Ecclesiis
praelata est, sed evangelica voce Domini primatum obtinuit :l
L’Eglise Romaine n’a été préposée aux autres Eglises par
aucune constitution synodique, mais elle a obtenu la primauté
en vertu de la parole de Notre-Seigneur consignée dans
l’Evangile.
(1) Orat. ad Patres Concil Roman. ann. 494.
CHAPITRE IV.
LE POUVOIR SUPRÊME OU MONARCHIQUE DU PONTIFE ROMAIN
PROUVE PAR LES CONCILES ŒCUMÉNIQUES.
§ I.
PRUUrjUK T1RBKS DBS CONCILES M ÉM BS.
§ II.
PREUVES TIRÉES DR DEUX RAISONS PARTICULIÈRES.
I
Saint Thomas enseigne que le gouvernement monarchique
est le plus parfait de tous. Le meilleur régime, dit-il, est celui
où le peuple est gouverné par un seul ; car tout gouvernant a
pour fin la paix et l'unité des sujets; or, un gouvernant unique
contribue plus efficacement à l’unité que plusieurs : Optimum
regimen multitudinis est, ut regatur per unum; paco enim et
unitas subditorum est finis regentis ; unitatis autem congruen-
tior causa est unus quam multi.1 Platon avait déjà écrit dans
le même sens : La souveraineté d’un seul, pourvue de bonnes
lois, est la meilleure de toutes les lois, tandis que nous devons
regarder comme tenant le milieu le gouvernement où quelques-
uns commandent, et comme faible sous tous rapports celui où la
multitude gouverne : Unius dominatio, bonis instructa legibus,
lex illarum omnium optima est; gubernationem vero eam in
qua non multi imperant, mediam censere debemus; cœterum
multorum administrationem omnibus in rebus debilem. 2 De
même, Aristote, après avoir exposé les trois formes du gouver
nement, dit que le meilleur est la monarchie : Harum optima
regnum . 3 Plutarque a dit également : Si on a le choix, on ne
doit adopter que le pouvoir monarchique : Si optio eligendi
concessa fuerit, non aliud deligat quam unius potestatem}
(1) Contr. Gent. I. 4. c. 76, (2) De Regno.
(3) Ethic. I. 8. c, 10, (4) De Monarchia.
300 IIe TRAITÉ. ----- DÉFENSE DU POUVOIR SU PRÊM E, ETC.
Euripide,1 Isocrate,2 Stobée,3 et d’autres philosophes païens se
sont exprimés dans le même sens.
Or, Saint Thomas, parlant plus particulièrement des questions
de foi, dit que dans le cas où il s’élèverait des contestations à
ce sujet, l’Eglise resterait divisée par la divergence des opinions,
si elle n’était maintenue dans l’unité par l’opinion d’un seul :
Circa ea quœ fidei sunt, contingit quœstiones moveri; per
diversitatem autem sententiarum divideretur Ecclesia, nisi in
unitate per unius sententiam conservaretur? Par ces paroles,
le Docteur Angélique établit que la constitution de l’Eglise est
tout à fait monarchique.
Avant lui, Saint Cyprien avait enseigné la même chose:
Dieu, dit-il, est l’unique maître de toutes choses, et nous pou
vons emprunter à la terre même des exemples de cet empire
divin : il n’y a qu’une reine parmi les abeilles, qu’un berger
pour un troupeau, qu’un conducteur pour les bêtes de somme :
Unius omnium Dominus est Deus...; ad divinum imperium
etiam de terris mutuemur exemplum rex unus est apibus,
et dux unus in gregibus, et in armentis rector unus?
Saint Jean Chrysostome écrit dans le même sens, lorsque,
parlant de l’anarchie, c’est-à-dire de l’absence de toute autorité
supérieure, il dit qu’elle est une occasion de bouleversement :
Argumentum subversionis; après quoi, il représente en ces
termes la nécessité d’un chef unique : Si a navigio ademeris
gubernatorem, navem demerges ; si a grege pastorem, omnia
evertisti ;6 Si vous enlevez à un navire son pilote, vous englou
tissez le bâtiment dans les eaux ; si vous ôtez à un troupeau son
pasteur, vous y mettez tout en désordre.
La raison pour laquelle le gouvernement monarchique est
préférable aux autres, c’est que la monarchie, qui dépend d’un
seul, peut plus difficilement se diviser et se détruire que l’aristo
cratie, qui dépend de plusieurs ; car, ce qui est un, se prête moins
à la division que ce qui est multiple, quand même il y aurait,
(1) In Phænicis, vers. 808-806. (2) Nicocles.
(3) Sentent, serm. 48. (4) Contr. Cent. I. 4. c. 76.
(5) De Idolor. Vanit. n . 8. (6) In Jffebr. homil. 84.
CH* VI. PREUVES TIRÉES DE LA RAISON. 301
dans ce dernier cas, tendance à l'union. Et, de fait, tous les sym
boles sous lesquels l'Eglise est représentée dans les Ecritures,
tels que ceux de royaume, de vaisseau, d’arche, de bercail, de
maison, d'armée rangée en bataille, etc., indiquent tous la néces
sité d’un chef unique.
L'histoire démontre également que lè régime monarchique
fut toujours le meilleur, tandis que le gouvernement aristo
cratique a été fréquemment une source de dissensions, et parfois
même la cause de la ruine des empires.
Or, le corps mystique de l'Eglise ne peut être un, s’il n’a à sa
tête un chef visible qui soit également un, et par lequel le corps
entier soit gouverné. Dans la Loi ancienne, Dieu donna le précepte
suivant : Àmarias, votre prêtre et pontife, présidera dans les
choses qui regardent Dieu, et Zabadias, fils d’Ismaël, chef de la
maison de Juda, présidera dans les affaires qui regardent le roi :
Amarias autem , sacerdos et pontifeoo vester, in his quœ ad
Deum pertinet, præsidebit ; poi*ro Zabadias , films Ismael, qui
est dux in domo Jacob, super ea opera erit, quœ ad regis offi
cium pertinent. 1 Or, si dans la Loi ancienne un seul prêtre
devait présider aux choses divines, à combien plus forte raison
doit-il en être ainsi dans la Loi nouvelle, qui est la perfection
et le complément de l’ancienne? Aussi les docteurs, tels que
Saint Thomas,2 Gerson,3 Belîarmin,4 Duval,5 Gretser, San-
derus,6 Charlas,7 et autres, qui ne sont pas même contredits
par Dupin8 et Richer,9 enseignent communément que le gouver
nement de l’Eglise est monarchique, mais toutefois avec cette
double différence qui le distingue d’un gouvernement monar
chique temporel : premièrement, les évêques, bien que subor
donnés au Pape, ne sont cependant pas ses vicaires, mais gou
vernent leurs Eglises avec le pouvoir qui leur est propre;
(I) IX, Parai. 19. 11. (2) Contr. Gent. I. 4. c. 76.
(3) De Statib. ecclesiast. sup. stat. Summ. Pont, consid. 1.
(4) De Rom. Pontif. I. 1. c. 9.
(5) De supr. Rom. Pontif. Potest, p. 1. q. (6) De visîb. Monarch. I. o.
(7) De Libertatib. Eccl. Gallic. X. 1%. passim.
(8) De antiq. Eccl. discipl. diss. 4. c. %. § Z.
(9) De eccl. et polît. Potesti c. 3.
302 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
deuxièmement, ni le Pape, ni les évêques, n’acquièrent leurs
dignités par droit héréditaire, à la manière des rois, mais ils sont
choisis parmi toutes les classes des fidèles.
Nous soutenons donc d’une manière absolue avec Saint Tho
mas , 1 Saint Antonin, 8 et beaucoup d’autres, que le gouver
nement de l’Eglise est monarchique. Parmi ces nombreuses
autorités, nous n’en citerons qu’une seule, qui tiendra lieu de
toutes les autres, celle de Jean Gerson, qui va jusqu’à affirmer
que celui-là serait hérétique, qui nierait obstinément le pouvoir
monarchique du Souverain Pontife. Voici ses propres paroles :
Status papalis institutus est a Christo supernaturaliter et
immediate, tamquam primatum hàbens monarehicum et rega
lem in ecclesiastica hierarchia, secundum quem statum uni
cum et supremum Ecclesia militans dicitur una sub Christo ;
quem primatum quisquis impugnare, vel diminuere, vel alicui
ecclesiastico statui particulari coaequare praesumit, si hoc per
tinaciter faciat, haereticus est, schismaticus, impius, atque
sacrilegus. Cadit enim in hœresim toties expresse damnatam
a principio nascentis Ecclesiæ usque hodie, tam per institu
tionem Christi de principatu Petri super alios Apostolos,
quam per traditionem totius Ecclesiae in sacris eloquiis suis
et generalibus Conciliis :3 La dignité papale a été instituée sur-
naturellement et immédiatement par Jésus-Christ, avec une pri
mauté monarchique et royale dans la hiérarchie ecclésiastique :
dignité unique et suprême, suivant laquelle l’Eglise militante
est appelée une sous son chef, qui est le Christ. Oser attaquer
cette primauté, ou la diminuer, ou l’égaler à une autre dignité
ecclésiastique en particulier, supposé qu’on le fasse avec obsti
nation, c’est être hérétique, schismatique, impie, et sacrilège;
car on tomberait par là dans une hérésie qui a été bien des fois
condamnée expressément depuis la naissance de l’Eglise jusqu’à
nos jours, soit en vertu de la suprématie instituée par Jésus-
Christ en faveur de Saint Pierre sur les autres Apôtres, soit par
la tradition de toute l’Eglise, tradition consignée dans ses sacrés
oracles et dans ses Conciles généraux.
(1) Loc. cit, (2) Summa, p. tit, c. 3. § S.
(3) De Statià. eccl, super stat. Summ, Pontif. consid. •/.
CH. VI. PREUVES TIRÉES DE LA RAISON. 303
Ainsi, d’après Gerson, c’est en vertu de l’institution de Jésus-
Christ aussi bien que de la tradition de l’Eglise, qu’il faut noter
d’hérésie celui qui nierait que le pouvoir pontifical soit monar
chique. En effet, comme Pierre a été désigné par Jésus-Christ
pour être le fondement de l’Eglise et le pasteur du bercail tout
entier, on est en droit de conclure que le pouvoir suprême a été
transmis à cet Apôtre et à ses successeurs. Cette fameuse sen
tence de Gerson, appuyée sur une raison si solide, est des plus
puissantes pour tenir en respect ceux qui nient que le gouver
nement du Pape soit monarchique.
Ces considérations sont d’autant plus vraies, que ni le Pape
ni aucun monarque temporel ne possèdent de telle façon le pou
voir suprême, qu’il leur soit permis d’exécuter arbitrairement
toutes leurs volontés; en effet, le pouvoir suprême dont ils sont
investis, est en quelque manière un pouvoir moral, en vertu
duquel ils peuvent réellement tout faire sans dépendance do
l’assentiment d’autrui, mais ils ne peuvent cependant poser que
des actes qui soient conformes à la raison. De plus, quoique
tout monarque puisse toujours dispenser des lois de son royaume,,
il doit cependant prendre pour règle, généralement parlant, de
s’y conformer lui-même. En outre, il convient que le prince
prenne conseil des personnes sages, et qu’il suive leur avis ; et
c’est ce que le Pape en particulier est dans l’usage de faire, en
consultant les cardinaux et d’autres prélats dans les affaires d’une
importance majeure. Cependant, c’est un principe faux et per
nicieux qu’émet Gerson, lorsqu’il avance que le monarque peut
être légitimement jugé par la nation, sous prétexte que la nation
constitue le tout relativement au prince, qui n’est que la partie,
et que, par conséquent, c’est dans la nation que réside l’autorité
suprême. Ce principe, dis-je est faux et des plus funestes aux
Etats ; car, s’il était fondé, il donnerait lieu aux sujets de pro
voquer des soulèvements contre le prince, toutes les fois qu’ils
s’imagineraient que celui-ci leur prescrit des choses injustes.
304 n® TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
Il
Quant à Fébronius, il pose en principe que c’est l’Eglise qui
est en possession du pouvoir suprême, et il n'attribue au Souve
rain Pontife qu’une primauté en vertu de laquelle il peut sim
plement, en qualité de chef ministériel du corps de FEglise,
c’est-à-dire de ministre de l’Eglise, porter certaines lois géné
rales dans le cas où le Concile ne peut s’assembler sans grande
difficulté ; mais ces lois n’ont aucune force, si elles n ont été
reçues du commun consentement des autres. Il peut également,
selon lui, prononcer des définitions spéciales dans les contro
verses relatives à la foi, aux mœurs, ou à la discipline; et,
d’après Gerson, on doit se soumettre provisoirement à ces lois,
et ne pas enseigner de doctrine contraire ; toutefois, elles ne sont
pas irréfragables, et si l’Eglise réclame, elles n’obligent point.
— Fébronius dit encore que les causes majeures doivent être
déférées au Souverain Pontife, non pas toutefois pour qu’il
tranche les questions par son jugement, mais seulement afin
que les Eglises éloignées puissent s’accorder dans un même
sentiment et pourvoir au bien commun. — Il ajoute que la
sollicitude des Eglises est annexée à la charge du Souverain
Pontife, afin que les Canons soient partout observés, que l’inté
grité de la foi soit sauvegardée, que les rits substantiels soient
employés dans l’administration des sacrements, et que tous pro
fessent une même et saine doctrine. — Il prétend d’ailleurs que
la primauté du Pape n’est pas une primauté de pouvoir et de
juridiction sur les autres Eglises, mais seulement de direction
et de surveillance ; d’où il infère que le Souverain Pontife ne
peut porter des lois qui soient obligatoires pour toute l’Eglise,
et que ses réponses n’emportent pas une stricte obligation ; en’
conséquence, il blâme les évêques qui se soumettent au Pontife
avec une obéissance absolue.
Mais ces opinions de Fébronius ne s’accordent ni avec les
décisions des Conciles, comme nous l’avons vu, ni avec les sen
tences des Pères, ni même avec les sentiments de l’Eglise
Gallicane. En effet, en 1617, la Faculté de Paris condamna
comme hérétique la proposition par laquelle Marc-Antoine de
CH. VI. PREUVES TIRÉES DE LA RAISON. 305
I
Fébronius intitule comme suit un des chapitres de son
ouvrage : Episcopatus in Ecclesia unus est, et omnibus epi
scopis certo modo communis : 1 L’épiscopat est un dans l’Eglise,
et, d’une certaine manière, commun à tous les évêques. — Puis
il écrit que Jésus-Christ a confié aux Apôtres le soin de pour
suivre l’œuvre de notre salut, qu’il avait lui-même commencée;
et c’est pourquoi, ajoute-t-il, il leur a départi une autorité égale
à celle qu’il a conférée à Pierre, avec le pouvoir de s’associer,
pour achever cette œuvre, d’autres ministres pourvus d’une
semblable autorité. Il tire de là cette conséquence, qu’en vertu
de leur institution, qui prévaut sur toute disposition humaine,
tous les évêques sont égaux en pouvoir dans le gouvernement
de l’Eglise, non-seulement pour ce qui est du pouvoir d’ordre,
mais encore de celui de juridiction, en tant que les choses qui
s’y rapportent, concernent le gouvernement de l’Eglise ; car,
ajoute-t-il, il est évident que le successeur hérite des droits de
son prédécesseur, à moins qu’il ne soit démontré que ces droits
ont été légitimement restreints dans le successeur : E x his
consequens est omnes episcopos in sua institutione, praeve
niendo omnem humanam ordinationem, esse in potestate
gubernandi Ecclesiam aequales, non tantum quoad ea quae
(1) Loc. a t. c. § /.
CH. VII. SUITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 31&
ordinis sunt, sed et quœ jurisdictionis, in quantum hœc ad
Ecclesiœ regimen spectant ; constat etenim successorem injura
sui prœdecessoris succedere, nisi ostendatur hœc in successore
legitime restricta esse.1
Il poursuit ensuite sa thèse en disant que les évêques n'ont
point hérité des Apôtres quant aux faveurs qui leur étaient
propres en tant qu’Apôtres, tels que les dons des langues, des
miracles, et autres choses semblables, mais bien quant à celles
qui leur appartenaient en tant qu’évêques ; d'où il conclut quo
chaque évêque a une part égale dans le soin du corps entier des
fidèles, et que l’épiscopat est un seul et même tout, géré par
plusieurs; car, dit-il, le pouvoir des Clefs a été transmis au
corps de l'Eglise, pour être exercé par ses ministres selon la
part propre à chacun; et parmi ces derniers se trouve le Souve
rain Pontife : Clavium potestas universitati Ecclesiœ ita
transcripta est, ut illa per ejus ministros pro sua cujusque
portione, ac inter hos per Summum Pontificem , exerceatur?
Ensuite, dans son chapitre septième,3 il dit qu’après la divi
sion des diocèses (division qu’il fait remonter aux temps des
Apôtres), cette sollicitude et cette obligation des premiers pas
teurs sont restées solidaires, mais sans préjudice des droits des
autres évêques dans les diocèses qui leur sont assignés.
Dans le même chapitre, il affirme encore que si un troupeau
déterminé est assigné aux évêques, cela n’empêche nullement
qu’ils ne soient appelés à exercer sur tous les fidèles leur charge
pastorale, dès que le salut du peuple l’exige : Adscriptio episco
porum ad certum populum non impedit quominus Udem voca
ri censeantur ad impendendam omnibus fidelibus pastoralem
curam, dum id salus populi exigit? Et à ce propos, il allègue
ce texte de Saint Cyprien : Episcopatus unus est, cujus a
singulis in solidum pars tenetur : 5 L’épiscopat est un seul corps
dont chaque évêque possède solidairement une partie. — S’ap
puyant sur cette parole, Fébronius, ce nouveau modérateur de
l’Eglise, prétend que les évêques et le Pape n’exercent dans
(1) Loc. cit. c. 7. § L (2) Loc . cit. c. i. § 6. init. (3) § 3.
(4) Ibid. ch. 7. § i. n. 4. (5) Le Unit. Eccl. c. o.
320 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
toute la chrétienté qu’un seul et même épiscopat, chacun pour
sa part. Il nous faut donc peser attentivement le témoignage de
Saint Cyprien, pour saisir le véritable sentiment du Saint Doc
teur, sentiment qui est bien éloigné de celui que lui attribue
Fébronius, comme nous allons le voir.
Dans son célèbre ouvrage De Unitate Ecclesiœ, Saint Cyprien
écrit que c’est Satan qui a inventé les hérésies et les schismes
pour bouleverser la foi et rompre l’unité : Hœreses invenit et
schismata, quibus subverteret fid e m sc in d e re t unitatem.1
Or, d’après le Saint Docteur, ces hérésies et ces schismes pro
viennent de ce qu’on ne remonte pas à la source de la vérité et
qu’on n’en cherche pas la tête : Hoc eo fit,... dum ad veritatis
originem non reditur, nec caput quœritur 2 Donc, pour écarter
les hérésies et les schismes, il faut remonter à l’origine ou à la
tête de la puissance ecclésiastique. Or, quelle est cette origine,
quelle est cette tête? Ecoutons le même Saint Cyprien, qui nous
l’enseigne : Le Seigneur dit à Pierre : « Je te dis que tu es
Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les Portes de
l’enfer ne triompheront point d’elle ; je te donnerai les Clefs du
royaume des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié
aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre, sera
délié aussi dans les cieux. » Et [après sa résurrection, il lui dit
de nouveau : « Pais mes brebis. » C’est sur lui seul qu’il bâtit
son Eglise ; c’est lui qu’il charge de paître ses brebis. Et quoique,
après sa résurrection, il donne à tous les Apôtres une puissance
égale et qu’il dise : « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi
je vous envoie ; recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis
à celui à qui vous les remettrez, et seront retenus à celui à qui
vous les retiendrez, « cependant, pour manifester l’unité, il
établit une Chaire unique, et par son autorité, il fait descen
dre d’un seul l’origine de l’unité. Les autres Apôtres étaient ce
qu’était Pierre; ils avaient une part égale d’honneur et de
puissance ; mais le commencement dérive de l’unité. La primauté
est conférée à Pierre, pour montrer qu’il n’y a qu’une seule
Eglise et qu’une seule Chaire : Loquitur Dominus ad Petrum :
(1) De Unit. Eccl. c. 5. (2) Ibid.
CH. VII. SUITE. ---- POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 321
« Ego tïbi dico quia tu es Petrus, et super hanc petram aedifi
cabo Ecclesiam meam , et Portae inferorum non vincent eam ;
et tibi dabo Claves regni coelorum, et quœ ligaveris super
terram , erunt ligata et in coelis, et qucecumque solveris super
terram , erunt soluta et in cœlis.1 » E t iterum eidem post
resurrectionem suam dicit : « Pasce oves meas.2 » Super illum
unum aedificat Ecclesiam suam , et illi pascendas mandat oves
suas. E t quamvis Apostolis omnibus, post resurrectionem
suam9parem potestatem tribuat, et dicat : « Sicut misit me
Pater , et ego mitto vos ; accipite Spiritum Sanctum ; si cujus
remiseritis peccata, remittentur illi ; si cujus tenueritis, tene
buntur,3 » tameny ut unitatem manifestaret, unam'Cathedram
constituit, unitatis ejusdem originem ab uno incipientem sua
auctoritate disposuit. Hoc erant utique et cceteri Apostoli
quod fuit PetruSy pari consortio prcediti et honoris et potesta
tis, sed exordium ab unitate proficiscitur, et primatus Petro
datur y ut una Christi Ecclesia et Cathedra una monstretur, 4
Ainsi porte l’édition des œuvres de Saint Cyprien publiée par
Paul Manuce, en 1563; et le même texte se retrouve dans le
Décret de Gratien,5 sauf quelques mots retranchés.
Saint Cyprien déclare donc dans ce passage, que pour rendre
visible l'unité de l’Eglise, le Seigneur a voulu que le principe
(c’est-à-dire le principe du pouvoir ecclésiastique) partît ou
dérivât de l’unité (par opposition à la pluralité) ou d’une seule
tête; car, s’il dérivait de la pluralité, c’est-à-dire de plusieurs
têtes, l’Eglise ne serait plus une, mais multiple et divisée, et
son unité ne pourrait plus être maintenue. L’unité de l’Eglise
dépend donc de l’unité de principe ou de tête ; et c’est pourquoi,
dans le même endroit de ses œuvres, Saint Cyprien6 compare
le principe de l’unité de l’Eglise à la lumière unique du soleil,
de laquelle émanent des rayons multiples ; à une racine unique,
d’où sortent plusieurs rameaux; à une source unique, d’où
découlent plusieurs ruisseaux; de sorte que toute la vigueur
(1) Matth. 16. 18 et 19. (2) Joan. 21. 17.
(3) lu a. 20. 21, 22, et 23. (4) De JJnit. Eccl. c. 4.
(5) Causa 24. q. 1. can . 18. (6) De Unit Eccl. c. 6'.
n
322 IIe TRVITË. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
des rayons, des rameaux, et des ruisseaux, dérive d’un seul
soleil, d’une seule racine, et d'une seule source.
Cette vérité est certaine ; mais on demande quel est ce prin
cipe de l’unité de l’Eglise, ou cette tête à laquelle le suprême
pouvoir a été conféré. Fébronius prétend qu'il a été transmis
au corps entier de l’Eglise; et c’est ce qui lui fait dire que
l’Eglise possède originairement et radicalement le pouvoir des
Clefs, qui dérive d’elle pour se transmettre à ses ministres et
au Souverain Pontife lui-même, et est communiqué à chacun
d’eux selon la part qui lui revient : Cum itaque Ecclesia ipsa
principaliter et radicaliter obtineat potestatem Clavium, quœ
ab illa in omnes ejus ministros ipsumque Summum Pontificem
, .1
derivatur, et singulis quibusque pro sua portione communi
catur etc II infère de là que chaque évêque a de plein droit
la charge de veiller sur l’Eglise universelle, et il déduit cette
conclusion d'un passage de Saint Cyprien* que nous avons déjà
cité : De là, dit-il, cette idée bien connue de Saint Cyprien :
« L’épiscopat est un seul corps dont chaque évêque possède
solidairement une partie : » Inde nata pervulgata illa apud
Cyprianum notio : « Episcopatus unus est, cujus a singulis in
solidum pars tenetur. *»3
Mais Saint Cyprien enseigne évidemment le contraire, à l’en
droit que nous avons rapporté plus haut : il déclare, en effet,
que c’est Pierre, et non l’Eglise, qui a été établi par Jésus-
Christ pour être le principe de l’unité sur lequel l’Eglise a été
bâtie: Super unum illum (Petrum) œdificat Ecclesiam, etcA
— Il ajoute que, bien que le Seigneur ait donné à tous les
Apôtres une puissance égale, cependant, pôur rendre visible
l’unité de l’Eglise, il n’a établi que le Siège de Pierre, afin que
l’origine de cette unité commençât par un seul, c’est-à-dire par
Pierre: Quamvis Apostolis omnibus... parem potestatem tri
buat,... tamen, ut unitatem manifestaret, unam Cathedram
(doctrinæ tenendæ) constituit, unitatis ejusdem originem ab
uno incipientem sua auctoritate disposuit?5— Il ajoute ensuite :
(1) Loc. cit. c. /. § 6. n. 5. (2) De Unit. Eccl. c. 5.
(3) Loc. cit. c. o. § 4. n. 2. (4) De Unit. Eccl. c. 4. (5) Ibid.
CH. V II. S U IT E . POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC, 323
Hoc erant utique et cæteri Apostoli quod fuit Petrus , pari con
sortio præditi et honoris et potestatis, sed exordium ah unitate
proficiscitur, et primatus Petro datur , ut una Christi Ecclesia
et Cathedra una monstretur.1Quoi de plus clair que ces paroles ?
La primauté de pouvoir a donc été donnée à Pierre, afin que
de ce principe unique, le pouvoir fut communiqué aux autres
ministres de l'Eglise, et qu’il fût démontré par là qu’il n’y a
qu’une Eglise et qu’une Chaire. Ainsi, l’unité de l’Eglise dérive
de l’unité de la Chaire de Pierre ; et c’est à ce propos que Bel
larmin nous dit : Saint Cyprien compare le Siège de Pierre à
une tête, à une racine, et à une source ; or, de même que dans
tout le corps la vigueur des membres dérive de la tête, que
dans tout arbre la vigueur des rameaux provient de la racine,
et que dans tout ruisseau l’eau découle de la source, de même
aussi, dans l’Eglise, tout évêque dépend du Pape, qui est la tête,
la racine et la source du pouvoir : Sanctus Cyprianus Sedem
Petri comparat capiti, radici, et fonti : in omni corpore virtus
membrorum derivatur a capite, in omni arbore virtus ramo
rum oritur ex radice, in omnibus rivis aqua fluit a fonte . s
— C’est aussi à ce propos que Saint Bernard a écrit, en parlant
des évêques : L’Eglise Romaine peut abaisser les uns et élever
les autres, de sorte qu’il lui est permis de faire d’un évêque un
archevêque, et vice versa : Romana Ecclesia potest alios (epi
scopos) deprimere, alios sublimare, ita ut de episcopis creare
archiepiscopos liceat, et e converso. 3
II
La nature de l’unité demande qu’il n’y ait qu’une Eglise, dont
toutes les autres doivent dépendre sous le rapport de la doctrine,
afin que la même foi se conserve en permanence dans toutes les
Eglises. Or, 'cette Eglise unique de laquelle procède l’unité
ecclésiastique, est incontestablement l’Eglise Romaine, comme
l’affirme Saint Cyprien, qui l’appelle l’Eglise principale : Ad
Petri Cathedram, atque ad Ecclesiam p r i n c i p a l e m , unde
(1) Ibid. (2) De Rom.Pontif• l. 4. c. 24.
(3) Epist. lo i, ad Mediolanens.
324 IIe TRAITE. DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
unitas sacerdotalis escorta est.1 C’est pourquoi Saint Irénée
a dit, en parlant de l’Eglise Romaine : Il est nécessaire que
toute l’Eglise, c’est-a-dire tous les fidèles de tous les pays,
se réunisse à l’Eglise Romaine à cause de sa principauté
suréminente : Ad hanc enim Ecclesiam propter potentio-
rem (ou, selon d’autres leçons, potiorem) p r i n c i p a l i t a t e m ,
necesse est omnem convenire Ecclcsictm, hoc est eos qui sunt
undique fideles. 2 Notons bien ces paroles : * Propter potentio-
rem principalitatem ; « donc l’Eglise Romaine n’a pas seule
ment une certaine prééminence, comme le prétend Fébronius,
mais la prééminence principale, à laquelle « il est nécessaire que
toute l’Eglise se réunisse : Ad quam necesse est omnem conve
nire Ecclesiam; « et remarquons bien qu’on ne dit pas que cela
est expédient ou convenable, mais n é c e s s a i r e : necesse est.
C’est pour cela que l’Eglise Romaine est appelée le centre de
l'unitéy titre que Fébronius lui-même admet avec nous : Aucun
catholique, dit-il, ne nie que le Siège de Rome ne soit la tête des
autres Eglises et le centre de l’unité : Hanc (Sedem Romanam)
caput esse aliarum Ecclesiarum et centrum unitatis, nemo
catholicorum negat.3 Que signifient ces paroles : « centre de
l'unité? » elles signifient que, comme tous les rayons d’une circon
férence se réunissent au centre, de même toutes les Eglises se
réunissent et trouvent la paix dans le jugement de l’Eglise
Romaine. C’est pourquoi Saint Cyprien dit que les hérésies
naissent de ce qu’on se sépare de la Chaire de Pierre, qu’il
appelle l a t ê t e e t l a s o u r c e d e l a v é r i t é : E t cum hœreses
et schismata postmodum nata sint , dum conventicula sïbï
diversa constituunt y v e r i t a t i s c a p u t atque o r ig in e m relique
runt.* Et ailleurs il dit que celui qui abandonne la Chaire de
Pierre, n’est pas dans l’Eglise : Qui Cathedram Petri deserit
in Ecclesia se esse c o n fid it Et plus tard Saint Léon a écrit
que Jésus-Christ a bâti l’Eglise sur Pierre, afin que la construc
tion du temple éternel reposât sur la solidité de ce même Pierre ;
c’est ainsi, ajoute-t-il, qu’il a affermi son Eglise, pour que les
(1) Epist. JJ, ad Corneh (2) Adv. Hœres. I. S. c. 3f.
(3j Loc. cit. c. o. § 8. n. 2. {i} De Unit. Eccl. c. 12. (5) lbid. c. 4.
CH. V II. SUITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 325
Portes de l’enfer ne prévalent point contre elle : Ut œtemi
templi aedificatio... in Petri soliditate consisteret, hac Eccle
siam suam fimnitate corroborans,... ne Portae contra illam
in feri praevalerent.1
Ainsi donc, c est pour conserver dans toute l’Eglise l’unité de
doctrine et de foi, que le Seigneur a établi dans le seul Pontife
Romain la tête de la vérité , d’après l’expression de Saint
Cyprien, afin qu’il gouverne l’Eglise universelle, et que tous les
fidèles et les évêques dépendent de lui et trouvent en lui la paix.
Mais Fébronius revient avec insistance sur cette proposition
de Saint Cyprien : L’épiscopat est un seul corps, dont chaque
évêque possède solidairement une partie : Episcopatus unus est,
cujus a singulis in solidam pars tenetur 2 Que signifie, dit-il,
cette expression : « posséder solidairement, » sinon que chaque
membre do lepiscopat est chargé du soin de l’Eglise? — Telle
est Tinterprétation que Fébronius donne à ce passage, mais ce
n’est pas celle de Belîarmin,3 du père Mamachi,4 et de la géné
ralité des auteurs, sans excepter même le père Noël Alexandre.5
Saint Cyprien dit que chaque évêque possède solidairement une
partie de l’épiscopat, mais il ne dit pas que chacun le possède
solidairement d’une manière égale : le Saint Docteur a simplement
voulu dire que tous les évêques forment un seul corps par lequel
l’Eglise universelle est gouvernée, de telle sorte que tous réunis
exercent le gouvernement épiscopal dans son ensemble, mais
chacun en particulier pour sa part. En effet, si Saint Cyprien
avait pensé que chaque évêque est chargé du soin de l’Eglise
universelle, il aurait dit que l’épiscopat est un corps que chaque
évêque possède solidairement dans son entier, tandis qu’il a
simplement dit que chacun en possède solidairement une partie :
Cujus a singulis in solidum pars tenetur. Tous les évêques
réunis constituent donc un seul épiscopat dans son entier, mais
chacun l’exerce pour sa part; tous dépendent d’un seul et même
(1) Epist. 40, ad Epis c. prov. Vienn. Edit. Ballerini.
(2) De Unit. Eccl. c. 5. (3) De Rom. Pontif. t. 2. c. 46.
(4) Originum christianar. I. 4. p. 2. c. 4. § 5. n. 4.
(5) Sœc. I. diss. 4. § 5. obj. 7.
326 IIe TRA ITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SU PRÊM E, ETC-
chef, comme tous les rayons émanent d’un seul et môme soleil,
afin que par ce moyen l’unité de l’Eglise et de la foi soit sau
vegardée.
Saint Cyprien emploie l’expression de « solidairement, in soli
dum, » parce que, bien que chaque évêque soit particulièrement
chargé du soin de sa part, il est solidairement responsable de
celles de tous les autres, en ce sens que chaque évêque doit être
tellement rattaché aux autres par le lien d une union mutuelle
(mais non toutefois d’une obligation expresse), qu’il est tenu de
pourvoir au bien des autres parties du troupeau, lorsque c’est
nécessaire, ou même de tout le bercail, quand il le peut; car
c’est une obligation naturelle pour tous les membres d’une
corporation quelconque, de concourir à empêcher le dommage
qui pourrait être causé à un autre membre, et à plus forte raison
au corps tout entier, dès qu’on ne peut remédier autrement à ce
dommage.
C’est ce que Saint Cyprien lui-même exprime dans une de ses
lettres, où il dit : Copiosum corpus est sacerdotum concordiae
mutuae glutino atque unitatis vinculo copulatum, ut si quis ex
collegio nostro hœresim facere et gregem Christi lacerare et
vastare tentaverit, subveniant cœteri Nam, etsi pastores
multi sumus, unüm tamen gregem pascimus, et oves universas
quas Christus Sanguine suo et Passione quaesivit, colligere et
fovere debemus : 1 La nombreuse corporation des évêques est
rattachée ensemble par le ciment d’une concorde mutuelle et par
le lien de l’unité, en sorte que si l’un d’entre nous tentait de
créer une hérésie, de déchirer et de dévaster Je troupeau de
Jésus-Christ, les autres devraient courir au secours ; car, bien
que nous soyons beaucoup de pasteurs, nous paissons tous
cependant un même troupeau, et nous devons rassembler et
soigner toutes les brebis que Jésus-Christ s’est acquises par son
Sang et par sa Passion. — Saint Augustin a exprimé la même
pensée, lorsqu’il a écrit : Cum communis sit omnibus nobis, qui
fungimur episcopatus officio [quamvis Ipse in eo praeeminens
celsiore fastigio), specula pastoralis, facio quod possum pro
(1) Epist. 67 [alias 68', ad Stephan. n. S et 4.
CH. VII. SUITE. ---- POOTOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 327
mei particula muneris, quantum mihi Dominus, adjuvantibus
orationibus Tuis, dare dignatur, ut pestilentibus et insidianti-
bus eorum scriptis medentia et munientia scripta praetendam :l
Comme la vigilance pastorale est commune à nous tous, qui
sommes chargés de l’épiscopat, quoique Vous ayez Vous-même
(le pape Boniface I) la prééminence au sommet que Vous occu
pez, je fais ce que je puis pour la petite part de ma charge,
autant que le Seigneur daigne me l’accorder par le secours de
Vos prières, afin d’opposer à leurs écrits funestes et perfides (ceux
des Pélagiens) d’autres écrits qui soient à la fois un remède et
un préservatif.
C’est ainsi que Saint-Cyprien et Saint Augustin expliquent
comment chaque évêque est tenu, dès qu’il en est besoin, de
réparer tout dommage causé à la fo i, et de sauvegarder
l’unité cle l’Eglise. C’est encore ce que Saint Cyprien déclare
assez clairement à l’endroit où il énonce cette proposition que
nous avons rapportée plus haut et que Fébronius allègue à
plusieurs reprises : « L’épiscopat est un corps dont chaque
évêque possède solidairement une partie. » En effet, le Saint
Docteur veut prouver dans cet endroit, que l’Eglise est une,
parce que tous sont tenus de professer et de défendre la même
foi ; c’est pourquoi il dit : Hanc Ecclesiœ unitatem qui non
tenet, tenere se fidem credit?... quando et Beatus Apostolus
Paulus hoc idem doceat et sacramentum unitatis ostendat,
dicens : « Unum corpus et unus spiritus, una spes vocationis
vestrœ, unus Dominus, una fides , unum baptisma , unus
Deus.%» Quam unitatem firmiter tenere et vindicare debemus,
maxime episcopi, qui in Ecclesia prœsidemus, ut episcopatum
quoque ipsum unum atque indivisum probemus.... Episcopatus
unus est, cujus a singulis in solidum pars tenetur. Ecclesia
quoque una est, quœ in multitudinem latius incremento fœcun-
ditatis extenditur . Quomodo solis multi radii , sed lumen
unum, et rami arboris multi, sed robur unum tenaci radice
fundatum, et cum de fonte uno rivi plurimi defluunt,... unitas
tamen servatur in origine;... sic et Ecclesia Domini, luce
(1) Contr. duas epist. Peiag. I. i. c. 4. (2) Ephes. 4 4-6.
328 II® TRAITE. — DÉPENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
perfusaper orbem totum radios suos porrigit;... unum tamen
caput est et origo una :1 Celui qui ne maintient pas cette unité
de l’Eglise, pense-t-il maintenir l’unité de la foi? tandis que le
bienheureux Paul enseigne précisément la même chose, et nous
montre le mystère de l’unité en disant ': « Il n’y a qu’un corps et
qu’un esprit; nous n’avons été appelés qu’à une même espérance ;
il n’y a qu’un Seigneur, qu’une foi, qu’un baptême, qu’un Dieu. »
Cette unité, nous devons la tenir fermement et la protéger,
surtout nous autres évêques, qui présidons à l’Eglise, afin de
montrer que l’épiscopat aussi est un et indivisible. L’épiscopat
est un corps dont chaque évêque possède solidairement une par
tie. L’Eglise aussi est une, et elle s’étend au loin par l’accrois
sement de sa fécondité pour former une grande multitude, de
même que le soleil a plusieurs rayons, mais une lumière uni
que ; de même que l'arbre a plusieurs branches, mais une racine
unique qui fait toute sa force ; de même qu’une source donne
naissance à plusieurs ruisseaux, et reste cependant une source
unique. C’est ainsi que l’Eglise du Seigneur, répandant partout
sa lumière, étend ses rayons à toute la terre, et cependant il
n’y a qu’une tête, il n’y a qu’une source.
Il est donc évident que dans ce passage, Saint Cyprien veut
uniquement indiquer que tous les fidèles, et surtout les évêques,
sont tenus de protéger et de garder l’unité de foi et de doctrine,
afin de maintenir l’unité de l’Eglise ; et c’est pourquoi tous doi
vent dépendre du Pontife Romain comme de la tête et de la
source de l’unité.
III
J’attire ici l’attention du lecteur sur ces expressions de Fébro
nius : Diximus (cap. I. § I.) .Claves a Christi non uni Apostolo
sed corpori Ecclesiœ datas esse, primario gerendas per Apo
stolos, quibus omnibus et singulis Dominus eas tradidit imme
diate, ita ut quilibet horum œqualem in eis partem habuisse
credatur, non quidem quoad externum et politicum regimen,
sed primam et essentialem religionis partem christianœt vide-
i(l) De Unit. Eccl. c. 4 et 5.
CH. V II. SU ITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 329
licet fidei seu doctrinœ propagationem et conservationem:1
Nous avons dit précédemment que les Clefs n’ont pas été données
par Jésus-Christ à un seul Apôtre, mais au corps de l’Eglise, et
que les Apôtres devaient en être les premiers dépositaires, puis
que Jésus-Christ les a remises immédiatement à eux tous et à
chacun en particulier; de telle sorte que chacun d’eux doit être
considéré comme y ayant une part égale, non pas toutefois (remar
quons bien ces paroles) quant au gouvernement extérieur et
politique, mais quant à la partie principale et essentielle de la
religion chrétienne, c’est-à-dire la propagation et la conserva
tion de la foi ou de la doctrine. — Donc, d’après Fébronius,
les Apôtres n’avaient pas une part égale dans te gouvernement
extérieur de l’Eglise. Comment a-t-il pu dire ailleurs, ainsi que
nous l’avons fait remarquer au commencement de ce chapitre,
que les évêques, en leur qualité de successeurs des Apôtres,
sont égaux au Souverain Pontife dans le pouvoir de gouverner
l’Eglise, non-seulement pour ce qui est du pouvoir d’ordre, mais
encore de celui de juridiction, en tant que les choses qui s’y
rapportent, concernent le gouvernement de l’Eglise : Omnes
episcopos... esse in potestate gubernandi Ecclesiam œquales
(Pontifici), non tantum quoad, ea quœ ordinis sunt, sed et quœ
jurisdictionis y in quantum hœc ad Ecclesiæ regimen spectant f2
Voilà comment Fébronius est forcé parfois de se contredire lüi-
même dans son faux système ! C’est ce qui arrive à tous ceux
qui se basent sur de faux principes : ils tombent aisément dans
d’étranges contradictions.
Mais qu’il se figure et détermine comme il le voudra l’état et
le gouvernement de l’Eglise, il ne parviendra jamais à dénaturer
cette vérité qu’enseignent les Conciles et les Pères, à savoir,
que le pouvoir suprême dans l’Eglise a été conféré à Pierre (et
à ses successeurs), qui est la tête, la racine, et la source d’où
découle ce pouvoir pour être ensuite transmis aux autres
évêques. Tel est, avons-nous vu, l’enseignement de Saint
Cyprien, qui l’énonce clairement dans l’endroit que nous avons
cité, et qui le confirme et l’explique plus clairement encore dans
(1) Loc. cit. c. S. § 1. init. (2) Loc. cit. c. 7. § 1.
330 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
plusieurs autres. Ainsi, dans sa lettre à Jubajanus, il s’exprime
en ces termes : Nos... Ecclesiæ unius caput et radicem tene
mus ;... nam Petro primum Dominus, super quem aedificavit
Ecclesiam, et unde (id est a quo Petro) unitatis originem insti
tuit et ostendit, potestatem istam dediti1 Quant à nous, nous
ne reconnaissons qu’une tête et qu’une racine à l’Eglise une;
car c’est en premier lieu à Pierre, sur qui il a bâti son Eglise et
en qui il a établi et montré la source de l’unité, qu’il a accordé
ce pouvoir. — Donc, toute la puissance ecclésiastique a été con
férée à Pierre, source de l’unité de l’Eglise, et c’est par lui
qu’elle est communiquée aux autres.
Ailleurs il dit : Ad Petri Cathedram atque ad Ecclesiam
principalem, unde unitas sacerdotalis eœorta est C’est de la
Chaire de Pierre et de l’Eglise principale qu’est sortie l’unité
sacerdotale. — Et ailleurs : Ecclesia, quœ una.est, super unum
qui et Claves ejus accepit Domini voce, fundata est ; 3 L’Eglise
est une, et elle est fondée sur un seul homme, qui, d’après la
parole du Seigneur, en a reçu les Clefs. — Et ailleurs : Qui
Petri Cathedram deserit, in Ecclesia se esse confidit?* Celui
qui abandonne la Chaire de Pierre, peut-il se flatter d’être dans
l’Eglise? — Et dans un autre endroit, où il expose clairement
le pouvoir suprême et l’infaillibilité du Souverain Pontife, il
dit : Deus unus est, et Christus unus, et una Ecclesia, et Cathe
dra una super Petrum Domini voce fundata ; aliud altare
constitui, aut sacerdotium novum fieri, prœter unum altare
et unum sacerdotium, non potest :5 Dieu est un, le Christ est
un, l’Eglise est une, et la Chaire fondée sur Pierre d’après la
parole du Seigneur, est une; on ne peut élever d’autre autel que
l’autel unique, ni établir d’autre sacerdoce que le sacerdoce
unique. — Il termine en disant que celui qui amasse ailleurs ,
dissipe : Quisquis alibi collegerit, spargit.
Ainsi, d’après Saint Cyprien, toute l’Eglise dépend de la
Chaire de Pierre, et est régie par elle; car, de même qu’il n’y
(1) Epist. 73. n. % et 7. (2) Epist. 55, ad Cornel. n. 14.
(3) Epist. 73, ad Jubajan. n. 40. (4) De Unit. Eccles. c. 4.
(6) Epist. 40, adpleb. de quinq. presb. schism. n. 5.
CH. V II. SUITE- — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 331
.l
Merito Pontifices Maximi, pro suprema potestate sibi in Eccle
sia universa tradita , causas aliquas criminum graviores suo
potuerunt peculiari judicio reservare Et à l’appui de cette
proposition, le Concile cite plusieurs Canons, notamment les
suivants : Cap. Ita quorumdam , de Judœis ; cap. Conquesti,
de sent. excomm .; cap. Quicumque, eodem Ut. in 6 .
Fébronius allègue un autre passage de Saint Augustin, où le
Saint Docteur, parlant en général de la puissance ecclésiastique,
s’exprime ainsi : Unus pro omnibus dicit : « Tu es Filius Dei
vivif » et propter hoc Claves cum omnibus, tamquam personam
gerens Ecclesiœ, accepit; ideo unus pro omnibus quia unitas
in omnibus ; 3 Un seul dit pour tous les autres : « Vous êtes le
Fils du Dieu vivant, » et c’est pour cela qu’il a reçu les Clefs
avec tous les autres, comme représentant la personne de l'Eglise ;
ainsi, un pour tous, parce que l’unité les renferme tous.* — Mais
qu’est-ce donc que Fébronius peut inférer de ces paroles? Le
Saint Docteur dit que Pierre a reçu les Clefs avec tous les
autres : Claves cum omnibus accepit ; » sans doute ; car lui seul
ne pouvait gouverner l’Eglise universelle sans le ministère des
autres. Saint Augustin ajoute que « l’unité les renferme tous :
Unitas in omnibus; » certainement, puisque l’unité de l’Eglise
consiste dans l’union des membres avec la tête, pourvu qu’on
(1) Sess. 44. cap. 7. (2) Matth. 46. 46. (3) InJoan. tr. 448. n. 4.
(*) Saint Alphonse cite et discute ce passage d’après l’analyse qu’en donne
Fébronius; nous croyons opportun de m ettre sous les yeux du lecteur le texte
complet et original du Saint Docteur, tel que nous le lisons dans ses œuvres : Cum
et illud (c’est à-dire ces paroles : « Tu es Christus, Filius Del rie i ») unus pro
omnibus diccertt, et hoc (c’est-à-dire ces autres paroles : » Tibi dabo Claves regni
cœlorum ») cum omnibus tamquam personam gerens ipsius imitatis acceperit, ideo
unus pro omnibus, quia unitas in omnibus. Le traducteur.
CH. V II. S U IT E . POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 335
maintienne toujours la soumission que les membres sont tenus
de témoigner à la tête, attendu que c’est d’elle qu’ils reçoivent
toute leur vertu. Toutefois, Saint Augustin n’a nullement entendu
affirmer par cette proposition, que les membres sont égaux à la
tête en fait de pouvoir, et bien moins encore que la tête est
subordonnée aux membres quand ces derniers se trouvent réu
nis. En effet, dans plusieurs passages que nous avons rapportés
ci-dessus, le Saint Docteur a suffisamment énoncé le pouvoir
suprême que possède le Pape sur l’Eglise universelle. Dans un
endroit, il dit que la principauté de la Chaire Apostolique a
toujours été en vigueur dans l’Eglise Romaine : In qua (Romana
Ecclesia) semper Apostolicœ Cathedrœ viguit principatus.1
Dans un autre endroit, il dit encore : Comptez les prêtres qui
ont vécu depuis le règne même de Saint Pierre, ai examinez à
qui chacun a succédé dans cette longue série de Pontifes : voilà
la pierre dont ne triomphent point les Portes superbes de l’enfer :
Numerate sacerdotes vel ad ipsa Petri Sede, et in ordine illo
Patrum quis cui successit videte : ipsa est petra quam non
vincunt superbœ inferorum Portœ . 2 Voilà certes une exposition
bien claire de l’infaillibilité du Siège de Rome, infaillibilité qui
doit être nécessairement unie au pouvoir suprême.
Ailleurs, il confirme expressément cette doctrine en disant :
In his verbis Apostolicœ Sedis, tam antiqua atque fundata ,
certa et clara est catholica fides, ut nefas sit de illa dubitare
Christiano ; 3 Dans ces paroles du Siège Apostolique,* la foi
catholique est si ancienne et si bien fondée, si certaine et si
claire, que ce serait un crime pour un chrétien de douter de
cette foi.
II fait ailleurs la même déclaration, en donnant pour exemple
la condamnation des Pélagiens ; voici, en effet, ses expressions :
Inde (a Sede Apostolica) rescripta venerunt ; causa (Pelagiano-
rum ) finita est ; * toto orbe Christiano damnati sunt . 5 Le
(I) Epist. 43. n. 7. Edit. Ben. (2)Psalm, contr. part. Donat.
(3) Epist. 490. c. 6. n. 23. Edit. Ben.
(4) Serm. 434. Edit. Ben. (5) Epist. 490. Edit. Ben.
(*) Il s’agit iei d’une citation que le Saint Docteur avait empruntée au pape
Zozyme. Le traducteur.
336 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
Rescrit du Siège Apostolique a mis fin à la cause des Péla-
giens; ils sont condamnés dans le monde entier. Litteris Inno
centa de hac re dubitatio tota sublata est : 1 Tout doute à ce
sujet a été enlevé par les lettres d’innocent. — Notons ces
ces paroles : « Litteris Innocenta ; » c’est donc la condamnation
prononcée par le Souverain Pontife qui a enlevé tout doute.
C’est d’après cela que le pape Saint Pélage, s’appuyant sur
Saint Augustin, a qualifié de schisme toute opinion qui s’écarte
de la doctrine du Siège Apostolique : Contra Apostolicam Sedem
temere credentes, pessima divisit opinio ; quod schisma specia
liter esse beatus denuntiat Augustinus.2
Fébronius3 nous oppose également le témoignage du véné
rable Bêde, qui a émis cette proposition : C’est comme représen
tant de l’unité même que Pierre a reçu les Clefs du royaume des
cieux : Claves regni cœlorum Petrus , tamquam personam
gerens ipsius unitatis , accepit .* — En effet, répondrons-nous,
Pierre, en sa qualité de chef de l’Eglise, représentait l’unité de
cette Eglise, c’est-à-dire toute l’Eglise unie, de la même manière
qu’un roi représente tout son royaume; Saint Augustin a écrit
dans le même sens : Pierre, dit-il, a mérité d’entendre ces paro
les : « Je te donnerai les Clefs du royaume des cieux, etc., »
parce qu’il représentait seul toute PEglise : Petrus ... propter
ipsam personam quam totius Ecclesiæ solus gestabat, audire
meruit : « Tibi dabo Claves, etc. » 4
Fébronius se trompe avec Louis Dupin, lorsqu’il affirme,
d’après les paroles citées de Bède et de Saint Augustin, que le
pouvoir suprême se trouve entre les mains de l’Eglise, et est
communiqué par elle au Souverain Pontife. Il se trompe, dis-je;
car Saint Augustin ne regardait pas Pierre comme un simple
(1) Contr. duas epist. Pelag. l. 2. c. 5.
(2) Can. Schism. caus. 24. g. 4. (3) Loc. cit. c. 4. § 6. n. 2.
(4) Serm. 293. c. 2. Edit. Ben.
(*) Nous n’avons pas trouvé ce texte dans les œuvres du vénérable Bède. Il e-t
à croire que Fébronius s’est trompé en lui attribuant ce passage, que nous croyons
être de Saint Augustin, comme on peut le constater par les paroles que nous avons
citées plus haut du Saint Docteur (page 331, note). Le traducteur
CH. VII. SUITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 337
ministre de l’Eglise, mais comme le prince et le chef de cette
même Eglise, qu’il représentait comme un roi représente tous ses
sujets. Voici en quels termes le Saint Docteur expose cette vérité
clans un de ses ouvrages, où il dit que Pierre représente l’Eglise
en tant qu’il y possède la primauté : Quœdam dicuntur quœ ad
Apostolum Petrum proprie pertinere videantur, nec tamen ha
bent illustrem intellectum, nisi cum referuntur ad Ecclesiam,
.ml
cujus ille agnoscitur in figura gestasse personam propter pri
matum quem in discipulis habuit, sicuti est: « Tibi dabo Claves,
etc. » II est des propositions qui semblent regarder propre
ment l’Apôtre Pierre, et qui cependant n’ont un sens véritable
ment clair que pour autant qu’on les applique à l’Eglise, que cet
Apôtre représentait d’une manière figurée à cause du pouvoir
suprême dont il était investi parmi les autres disciples ; ainsi
en est-il, par exemple, de ces paroles : « Je te donnerai les Clefs
du royaume des cieux, etc. » — Voilà comment le Saint Docteur
allie la suprématie de Pierre sur les disciples avec son titre de
réprésentant de l’Eglise. En effet, si Pierre représentait l’Eglise,
c’était parce que toute la puissance de l’Eglise résidait en lui,
puissance qui consistait dans la primauté.
Aussi, le père Noël Alexandre, qui cependant est un des plus
grands ennemis du pouvoir pontifical, admet que telle est réelle
ment l’opinion de Saint Augustin, c’est-à-dire que les Clefs n’ont
pas été remises à Pierre en sa qualité de mandataire de l’Eglise,
tel qu’un ambassadeur royal qui reçoit les clefs d’une ville au
nom de son roi, mais en sa qualité de directeur et de chef de
cette même Eglise, tel qu’un prince qui reçoit une épée au nom
du peuple, dont il est obligé de prendre la défense. Voici, au
reste, les propres paroles du père Noël : Petro non sunt collatœ
Claves nisi nomine Ecclesiœ, id est, ut Ecclesiœ legato, nego ;
id est, ut Ecclesiœ supremo post Christum et sub Christo rectori
ac moderatori, concedo, Illius itaque propositionis duplex
potest esse sensus : primus, quod Sanctus Petrus Ecclesiœ
nomine Claves accepmt, quemadmodum regius orator, nomine
regis, alicujus civitatis claves accipit, in quam propterea nui-
(1) In Psalm , 408, n. i.
22
338 IIe T R A IT É . DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
lam habet potestatem ; at nequaquam ita est. Secundus, quod
Ecclesiae nomine Claves acceperit ut illius rector et gubernator,
quomodo princeps, populi nomine, gladium accipit, et ad ejus
tuitionem totum regni splendorem convertere tenetur , gwo
sensu iSanctum Petrum Claves nomine Ecclesiae accepisse dixit
Sanctus Augustinus ;* Les Clefs n’ont été données à Saint Pierre
qu’au nom de l’Eglise : si l’on entend par là qu’elles lui ont été
données en sa qualité de légat de l’Eglise, je le nie; en sa qua
lité de chef et de gouverneur suprême de l’Eglise (remarquons
ce mot de suprême) après Jésus-Christ et sous la dépendance de
Jésus-Christ, je l'accorde. Cette proposition peut donc avoir
deux sens : le premier, c’est que Saint Pierre a reçu les Clefs
au nom de l’Eglise, de la même manière qu’un ambassadeur
royal reçoit au nom du roi les clefs d’une ville, sur laquelle, par
conséquent, il n’a lui-même aucun pouvoir; or, ce sens n’est
nullement admissible. Le second sens peut être que Saint
Pierre a reçu les Clefs au nom de l’Eglise, en qualité de chef et
de gouverneur de cette Eglise, de la même manière qu’un prince
reçoit, au nom du peuple, une épée qu’il est tenu de consacrer
à la défense et à la gloire du royaume : c’est dans ce sens,
d’après Saint Augustin, que Saint Pierre a reçu les Clefs au nom
de l'Eglise. — Tel est le langage du père Noël Alexandre. On voit
que nos adversaires eux-mêmes ne peuvent s’empêcher parfois
de dévoiler la vérité. Aussi un savant auteur moderne, parlant de
l’opinion de Dupin, qui prétend que le pouvoir dans l’Eglise est
communiqué d’une manière égale aux évêques et au Souverain
Pontife, dit que ces assertions sentent l’hérésie et le schisme :
Hœresim porro et schisma sapiunt assertiones istee* C’est de la
tète que la vigueur est transmise aux membres, et non des mem
bres à la tête; c’est pourquoi Tertullien a écrit : Si adhuc
clausum putas cœlum, memento Claves ejus Dominum Petro ,
et per eum Ecclesiœ, reliquisse : 2 Si vous pensez que le ciel est
encore fermé, rappelez-vous que le Seigneur en a remis les Clefs
à Pierre, et par lui à l’Eglise.
(1) Scec. 1. dtss. 4. § 5» obj. 4. (2) Scorpiac. c. 40.
(*) D’après un autre endroit des Œuvres de notre Saint, ces paroles sont de
Charles Gagliardi. Le traducteur.
CH. VIT. SU ITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 339
Mais Fébronius insiste, en alléguant que le Concile de Trente
enseigne, à propos des Indulgences, que le pouvoir a été remis
à l’Eglise : Cum potestas... Ecclesiæ concessa sit , etc.1— Mais,
demanderai-je, qu’est-ce que l’Eglise? Saint Cyprien établit ce
principe : L’Eglise, c’est le peuple uni au prêtre, c’est le trou
peau attaché à son pasteur : Ecclesia plebs sacerdoti adunata ,
et pastori suo grex adhærens? L’Eglise est un corps composé
de tous les fidèles unis ensemble et adhérant à leur tête, le
Souverain Pontife, dont le siège est comme le centre où toutes
les autres Eglises doivent se réunir, d’après l’expression de
René Massuet, que cite Fébronius3 et qui conclut en ces termes :
Hœc (Ecclesia Romana) cæterarum caput, cui arclissime
adhærere tenentur omnes :4 L’Eglise Romaine est la tête des
autres, et toutes doivent s’y attacher étroitement. — Ceci est
d’autant plus vrai, que si Jésus-Christ a conféré à Pierre le
pouvoir des Clefs, c’est surtout pour qu’il le transmît ensuite aux
autres et les en rendît participants, afin de conserver l’unité de
l’Eglise, comme nous l’apprend Saint Thomas : Dominus soli
Petro prom isit: « Tibi dabo Claves regni ; » ...ut ostende
retur potestas Clavium per eum ad alios derivanda ad conser
vandam Ecclesiæ unitatem*
Et avant lui, Saint Optat de Milève avait écrit ; Pour le bien
de l’unité, le Bienheureux Pierre a mérité d’être mis à 3a tête de
tous les Apôtres, et il a reçu seul les Clefs du royaume des
cieux pour les communiquer aux autres : Bono unitatis Beatus
Petrus ... præferri Apostolis omnibus meruit, et Claves regni
cœlorum communicandas cœteris solus accepit. 6 II dit « com
municandas, pour être communiquées, » non pas immédiatement
par Jésus-Christ, comme le prétend Fébronius, mais par le
Bienheureux Pierre; car le même Saint Père a dit ailleurs,
comme nous l’avons remarqué ci-dessus,* que le Seigneur a donné
à Pierre, comme chef de l’Eglise, une Chaire spéciale, afin que
(1) Sess. 23. cap. 24. contin. (2) Epist, 69, ad Florent.
(3) Loc. cit. o. 2. § 3. n. 2. (4) In S. Ircen. cîiss. 3. a 4. n. 30.
(5) Contr. Cent. 1. 4. c. 76.
(6) De Schism. Donati&t. adv. Parmenian. L 7. c. 3.
(*) Page 331.
340 IIa TRA ITE. ---- DÉPENSE DU POUVOIR SU PRÊM E, ETC.
l’unité de la doctrine et de l’Eglise pût y être conservée, de telle
sorte que celui qui tenterait d’élever une autre Chaire contre
celle de Pierre, devrait être tenu pour schismatique et impie.
Saint Optât est donc d’avis que le pouvoir des Clefs doit être
transmis aux autres par Saint Pierre , et c'est ce que Ter-
tullien, cité plus haut, avait écrit longtemps auparavant :
Le Seigneur, dit-il, a laissé les Clefs à Pierre, et par lui à
l’Eglise : Claves cœli Dominum Petro , et per eum Ecclesiœ
reliquisse. 1
C’est dans le même sens qu’innocent Ier a écrit, en 404, aux
évêques d’Afrique réunis dans le IIIe Concile de Carthage : A
quo (Petro) ipse episcopatus et tota auctoritas nominis hujus
emersit ;2 L’épiscopat même, avec toute l’autorité attachée à ce
titre, émane de Pierre.
C’est encore dans le même sens que Saint Léon a écrit :
Dicitur Beatissimo Petro : « Tibi dabo Claves, etc. » Transivit
quidem etiam in alios Apostolos ju s * potestatis istius, et ad
omnes Ecclesiœ principes hujus decreti constitutio commeavit ;
sed non frustra uni commendatur quod omnibus intimatur ;
Petro enim ideo hoc singulariter creditur, quia cunctis Eccle
siœ rectoribus forma prœponitur : 3 II a été dit au Bienheureux
Pierre : « Je vous donnerai les Clefs du royaume des cieux,
etc. » Le droit de cette puissance a passé aussi, il est vrai, dans
les autres Apôtres, et l’arrêt de cette sentence a été transmis à
tous les princes de l’Eglise ; mais ce n’est pas inutilement que ce
qui est intimé à tous, est confié à un seul ; car c’est à Pierre
en particulier que ce pouvoir a été remis, parce qu’il est proposé
comme modèle à tous ceux qui gouvernent l’Eglise. — Remar
quez ces expressions : « Transivit, commeavit. »
Dans le même sermon, Saint Léon ajoute : In Petro ergo om-
(1) Scorpfac. c . 40.
(2) Bescrfpt. ad Concil. Carthag. (et inter oper. S. Aug. epist. 184.
Edit. Ben.)
(3) In annivers. assumpt. suce, serm. 3. c. 3.
(*) Dans la même citation reproduite ailleurs (ci-dessus, page 223}, Saint
Alphonse écrit Dis au lieu de jus : en effet, les manuscrits portent l’une et l’autre
leçon (Confer. edit. Baüerin.). Le traducteur.
CH. VII. SCITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC- 341
nium fortitudo munitur^... ici firmitas quœ... Petro tribuitur,
per Petrum Apostolis conferatur ;* C est donc dans Pierre que
réside la force de tous les autres, de sorte que la fermeté qui est
donnée à Pierre, est communiquée par Pierre aux Apôtres. —
Et dans une de ses lettres, il a écrit que c’est principalement
dans Pierre que le Seigneur a placé la primauté, afin que ses
dons émanent de lui comme de la tête pour se répandre dans
tout le corps : Ut in Beatissimo Petro principaliter (primatum)
collocaret, ut ab ipso quasi quodam capite dona sua velut in
corpus omne diffunderet.2 Aussi, lorsque le Pape crée des
évêques, il dit d’après une coutume ancienne : Nous nommons
N ... à l’Eglise de N ..., et le plaçons en qualité d’évêque à la tête
de cette Eglise, dont nous lui confions l’administration tempo
relle et spirituelle : Providemus Ecclesiœ N... de persona 2V...,
et praeficimus eum in episcopum ejusdem Ecclesiœ, commit
tentes ei administrationem in temporalibus et spiritualibus.
C’est dans le même sens que Duval a écrit dans la suite : Petrus
Claves accepit a Christo \quia ab illo in reliquos Ecclesiœ pa
stores, tamquam e fonte, capite, et radice, erant derivandœ :3
Pierre a reçu les Clefs de Jésus-Christ, parce que c’est de lui
qu’elles devaient émaner comme de la source, de la tête, et de
la racine, pour être communiquées aux autres.
V
En présence de ces témoignages, Gerson a été forcé de recon
naître, comme nous l’avons fait observer plus haut,* qu’en vertu
de l’institution même de Jésus-Christ, aussi bien que de la tradi
tion des Conciles généraux et de l’Eglise entière, le pouvoir
pontifical est suprême et monarchique ; et à ce propos, il ajoute :
Oser attaquer cette primauté avec obstination, c’est être héré
tique : Quem primatum quisque impugnare ... prœsumit. ..
pertinaciter, hœreticus est.4 Et dans un autre endroit, le même
(1) In annivers. assumpt. suœ, serm. S. c. 8.
(2) Epist. 89, ad eptsc. prov. Vienn. Edit. Raynald.
(3) De suprem. Rom. Pont. Potest, p. 7. q. S.
(4) De Statib. eccles. super stat. Summ Pont, consid. 1.
(*) Page 302.
342 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
auteur déclare que la plénitude de la puissance ecclésiastique ne
peut, d après une loi prescrite, exister formellement et subjecti»
.x
vement que dans le Souverain Pontife : Plenitudo potestatis
ecclesiasticae... non potest esse, de lege ordinata, nisi in Summo
Pontifice for malit er et subjective Or, si, d’une part, la pléni
tude de la loi, qui est la même chose que la plénitude du pou
voir, se trouve dans le Souverain Pontife, et si, d’autre part,
c’est une erreur d’affirmer que l’Eglise a plusieurs chefs, le
Souverain Pontife est donc le chef unique en qui réside le pou
voir plein, suprême, et indépendant. Mais comment Gerson,
après avoir établi de tels principes, a-t-il pu soutenir que le Pape
est subordonné au Concile ? c’est ce que, pour ma part, je ne
saurais comprendre.
Dans l’assemblée de 1682, le clergé de France a émis quatre
propositions devenues célèbres, dont la dernière est ainsi conçue :
In fidei quoque quaestionibus praecipuas Summi Pontificis esse
partes, ejusque decreta ad omnes et singulas Ecclesias perti
nere ; nec tamen irreformabile esse judicium, nisi Ecclesiæ
consensus accesserit : %Le Souverain Pontife a la part principale
dans les questions de foi, et ses décrets regardent toutes les
Eglises et chacune d’elles en particulier; cependant son juge
ment n’est pas irréformable, à moins que le consentement de
l’Eglise n’intervienne.*— Mais, demanderons-nous, comment ce
consentement doit-il intervenir? Les uns disent que les défini
tions pontificales deviennent irréformables, lorsque le consente
ment de tous les fidèles intervient; les autres exigent du moins
le consentement de tous les évêques ; d’autres pensent qu’il suffit
du consentement d’une province; d’autres enfin requièrent le
consentement de la majeure partie des évêques qui vivent dans
l’univers chrétien. Mais cette dernière opinion n’est pas du goût
de Fébronius, qui prétend que le consentement de la majeure
partie des évêques n’est pas suffisant, quoique ce soit la pratique
(1} De Potest, eccles. et Orig. jur. concl. 2.
(2) Declarat, in comit, ann. 4682. prop. 4.
(*) La question de la Déclaration de 1682 est exposée avec plus d'étendue dans
le Traité suivant; à cette occasion, nous donnerons quelques détails sur des tra
vaux récents concernant cette matière. Le traducteur.
CH. V II. SUITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 343
des Conciles œcuméniques de définir les questions à la simple
majorité des suffrages. En présence de ces opinions, que faire
si le décret pontifical est accueilli par un nombre égal d’évêques
adhérants et opposants ? que faire, s’il ne réunit que la minorité,
comme cela est arrivé au IVe siècle, lorsque dix-huit évêques
orthodoxes seulement adhérèrent à la décision du pape Saint
Melchiade, tandis que quatre cents autres la rejetèrent, ainsi
que le rapporte Haunold dans son Introduction au Droit cano
nique. Dans des cas semblables, qui tranchera le différend, si
l'on ne reconnaît un juge suprême qui ait le pouvoir de décider
les questions en matière de foi?*
Au reste, c’est une erreur de dire que les évêques ne forment
un corps que lorsqu’ils sont réunis en Concile. Il est de foi,
écrit Duval, que l’Eglise ne peut errer, non-seulement quand
elle est assemblée en Concile général, mais encore quand elle se
trouve dispersée dans le monde entier : Est enim de fide Eccle
siam , non tantum ut congregatam in œcumenico Concilio, sed
(*) Voici quelques réflexions saillantes du comte de Maistre qui s'harmonisent
parfaitement avec celles de Saint Alphonse : « Pour mettre le comble à la confusion
et au paralogisme, les députés déclarent dans ce dernier article (la proposition IVe),
que les décrets du Saint-Siège ne sont irrêformables que lorsque le consentement de
l'Eglise vient s'y adjoindre- Mais de quel consentement veulent-ils parler ? de
l'exprès ou du tacite ! Cette seule question fait tomber l'article, qui n’a rien dit en
croyant dire beaucoup. S’ils entendent parler d’un consentement exprès, il faut donc
assembler un Concile œcuménique ; mais, en attendant, comment faudra-t-il agir ou
croire ï A qui appartiendra-t-il d’assembler le Concile ? Et si le Pape s’y oppose,
et si les princes même n’en veulent point, quidjuris (comme disent les juriscon
sultes) ? etc. Que si l’on a entendu parler d’un consentement tacite, les difficultés
augmentent; comment s’assurer de ce consentement? comment savoir que les
Eglises saventf et comment savoir quelles approuvent? Qui doit écrire? à, qui
faut-il écrire? La pluralité a-t-elle lieu dans ce cas? Comme prouve-t-on la plura
lité des silences f S’il y avait des Eglises opposantes, combien en faudrait-il pour
annuler le consentement? Comment prouve-t-on q u ’il n ’y a point d’opposition?
Comment distinguera-t-on le silence d’approbation, du silence d’ignorance et do
celui d’indifférence? Les évêques de Québec, de Baltimore, de Cusco, de Mexico,
du mont Liban, de Goa, de Luçon, de Canton, de Pékin, etc., ayant autant de
droits, dans l’Eglise Catholique, que ceux de Paris ou de Naples, qui se chargera
dans les moments de division, de mettre ces prélats en rapport et de connaître
leurs avis? etc., etc. » — Après cela, l’auteur ajoute en note : « Revenons à la
grande maxime : Si le Souverain Pontife a besoin du consentement de l’Eglise,
pour gouverner l'Eglise, il n’y a plus d'Eglise. * {De l’Eglise Gallicane dans son
rapport avec le Saint-Siège, l. 2. c. 4.) Le traducteur.
344 IIe TRAITE. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME, ETC.
ut diffusam per orbem, errare non posse.1 Et la Faculté de
Paris a rendu la déclaration suivante contre un livre intitulé :
Le Pacifique véritable : * Ces propositions sont téméraires,
injurieuses à l’Eglise et hérétiques, en tant qu’elles n’accordent
l’infaillibilité à l’Eglise universelle que lorsqu’elle se trouve
assemblée en Concile œcuménique : Hœ propositiones, in quan
tum infallibilitatem Ecclesiœ universali in nullo alto statu
quam in solo Concilio œcumenico congregatœ tribuunt,... teme
rariae sunt, ipsi Ecclesiœ injuriosœ, et hœreticœ.s Aussi est-il
bien certain, quoi qu’en dise Fébronius, que, soit en Concile,
soit en dehors du Concile, la décision de la majeure partie des
évêques adhérant au jugement du Souverain Pontife constitue
un dogme de foi. Or, si le consentement de la plus grande partie
des évêques suffit, nous devons croire évidemment que le Pape
est infaillible, dès qu’il décide par une définition un point con
cernant la foi ou les mœurs ; en effet, cette vérité est et a toujours
été admise, non-seulement par la majeure partie, mais par la
très-grande partie de l’Eglise, comme l’enseignent Belîarmin3
et le pape Benoit XIV,4 cité par Biliuart.5 La France seule fait
exception. Donc, il faut ou bien reconnaître l’infaillibilité du
Souverain Pontife, ou bien admettre que l’Eglise Catholique est
exclusivement restreinte à l’Eglise Gallicane.
Mais, dira-t-on, l’Eglise est le corps mystique de Jésus-Christ ;
par conséquent, de même que le corps ne peut subsister sans
tête, de même la tête ne peut subsister sans corps. — Nous
répondons : il est hors de doute que le corps ne peut subsister
sans tête, non plus que la tête sans corps ; mais cela ne fait
(1) De supr. Rom. Pontif. Potest, p. 8. q. 8.
(2) Anno 1644. (3) De Rom. Pontif. I. 4. c. 8.
(4) Epist. ad Inquisit. gener. H ispan, 4S jul. 1748.
(5) In. 8. 8. De regulis fidei, diss. 4. a. 5. § 7.
(*) L'auteur de cet ouvrage, dont voici le titre complet : Le Pacifique véritable
sur le débat de Vusage du Sacrement de Pénitence, est Théophile Brachet de la
Milletière. D'abord Calviniste et écrivain de sa secte, il fit son abjuration en 1645 ;
à dater de cette époque, il publia de nombreux ouvrages en faveur de la vérité
catholique, notamment celui dont il est ici question, mais il conserva toujours
certains principes erronés, qui étaient vraisemblablement le résultat de sa première
éducation religieuse. Le traducteur.
CH. V II. SU ITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 345
rien à la chose dans le cas présent ; car ici il ne s’agit pas de la
constitution ou de l’intégrité du corps de l’Eglise, mais seule
ment de son gouvernement : sans doute, la constitution ou
l’intégrité du corps implique nécessairement qu’il ne soit pas
sans tête, ni la tête sans corps ; mais le gouvernement du corps
de l’Eglise implique que celui-ci soit gouverné par le Pape,
qui en est la tête, de la même manière que le corps humain est
gouverné par l’esprit de l’homme. C’est donc l’office propre de
la tête, c’est-à-dire du Souverain Pontife, de gouverner et d’en
seigner, comme c’est l’office du corps, c’est-à-dire de l’Eglise,
d’écouter et d’obéir. C’est pourquoi le Concile de Florence a
déclaré que le Souverain Pontife est la tête et le docteur de
toute l’Eglise : Pontificem esse... totius Ecclesiæ caput et...
doctorem.1
Mais, dira-t-on encore, si les jugements du Souverain Pontife
sont infaillibles et si son autorité est suprême et indépendante,
à quoi servent donc les Conciles? — On répond qu’ils servent à
plusieurs fins des plus importantes : ils servent à ce que les
évêques s’appliquent plus énergiquement à étouffer les dissen
tions ; ils servent à réprimer les contumaces ; ils servent à met
tre les évêques plus à même d’instruire leur peuple ; ils servent
à donner partout de la publicité aux définitions pontificales ; ils
servent enfin à ce qu’on s’en tienne plus soigneusement aux
dogmes de foi, comme l’a écrit Vincent de Lérins : Quel résultat,
dit-il, l’Eglise a-t-elle réalisé par les décrets des Conciles, sinon
de faire admettre avec plus d’empressement ce qui d’abord ne
faisait l'objet que d’une simple croyance : Denique quid unquam
aliud (Ecclesia) Conciliorum Decretis enixa est, nisi ut quod
antea simpliciter credebatur, hoc idem postea diligentius cre
deretur ?2
Ajoutons que parfois les Souverains Pontifes convoquent des
Conciles afin d’être plus éclairés du Saint-Esprit par la dis
cussion engagée dans le Concile sur quelque doute en matière
(1) Sess. ult. Def. — Labb. t. 4S. col. 4167.
(2) Commonttor. c. 32.
346 IIe TRAITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊM E, ETC.
de foi; car, dit le cardinal Du Perron,1 l'infaillibilité du Pape ne
consiste pas en ce qu’il reçoive toujours du Saint-Esprit la
lumière nécessaire pour décider toutes les questions de foi, mais
en ce qu’il prononce un jugement exempt d’erreur sur les ques
tions dans lesquelles il se sent suffisamment éclairé de Dieu;
quant à celles pour lesquelles il ne se sent pas pourvu d’une
lumière suffisante , il les renvoie à la décision du Concile, afin
de prononcer ensuite son propre jugement.
Fébronius prétend que les Conciles sont d’une absolue néces
sité, à cause de l’irrécusable autorité qui leur est exclusive
ment propre dans les matières de foi : Propter indeclinabilem
in materiis fidei auctoritatem , illis solis inhaerentem* —
Or, les théologiens enseignent communément que les Conciles
sont assurément utiles, mais non nécessaires : tel est le senti
ment de Juénin,3 de Tournély,4 de Duval,5 et autres. La
Faculté de Paris a formellement déclaré la même chose en
1663; et nous constaterons ci-après* que la plupart des hérésies
ont été éteintes sans le concours du Concile, mais par les seules
décisions des Souverains Pontifes, décisions dont il est injuste
de révoquer en doute l’infaillibilité. Le cardinal d’Aguirre6 et
le père Petitdidier7 démontrent, en suivant la série des siècles,
que tous les auteurs chrétiens ont toujours combattu en faveur
de l’infaillibilité du Pontife Romain; bien plus, Charlas8 et le
père Serry9 écrivent que les évêques de France en particulier,
leurs Synodes, l’Université de Paris, et d’autres théologiens
français, ont toujours défendu avec zèle l’infaillibilité ponti-
(1) Apud Chrtstophor. Bu Puis: Perroniana,verbo « InfalUbilitas. »
(2) Loc. cit. c. 6 . § 7. init.
(3) Instit. theol. proleg. diss. 4. g. 3. c. 4. a. 5. concl. S.
(4j Prœlect. theolog. Be Beo, disp. præv. q. 4. Be Ecoles, quær. 6°, et
præsertim de Concil. quær. 8°.
(5) De supr. Rom. Pontif. Potest. p. 2. q. %. et p. 4. q. 4.
(6) Defensio Cathedrœ Pétri.
(7) Dissert, histor. et théol. etc. sur l’autor. du Pape et sou infaillib.
(8) De Ltbertatib. Ecoles. Gallie, i. 40. c. 10 et 41.
(9) De Rom. Pontif. dissert, dupless, append.
{*) Chapitre IX.
CH. V II. SU ITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 347
ficale. Citons encore parmi ceux qui ont écrit en sa faveur,
Louis Bail,1 le père Raynaud,2 Jean Jaubert de Barrault,
archevêque d’Arles,3 Nicolas Coeffeteau, évêque de Marseille,4
Michel Mauclerc,5 Thomassin,6 et autres.
Duval a écrit : Velint nolint adversarii, liquido constat
veteres Ecclesiæ Oallicanæ proceres hanc in Summis Ponti
ficibus infallibilitatem semper agnovisse, eosque qui veritatem
hanc impugnare conati sunt, a ducentis aut circiter annis,
quibus in Ecclesiam horrenda schismata irruerunt, coepisse :7
Que nos adversaires le veuillent ou ne le veuillent pas, il est
bien constaté que les personnages éminents de l’ancienne Eglise
de France ont toujours reconnu cette infaillibilité dans les Sou
verains Pontifes, et que ceux qui ont pris à tâche d’attaquer cette
vérité, datent de deux cents ans, ou à peu près (c’est-à-dire
depuis l’époque du Concile de Constance), alors que d’effroyables
schismes ont fait irruption dans l’Eglise. — Baluze, dans sa
Vie de Pierre de Marca ,8 et Antoine Charlas9 attestent que
cet auteur a démontré dans un de ses ouvrages, que l’opinion
contraire est seulement tolérée par l’Eglise : Ab Ecclesia tole
rari tantum .10
De plus, dans son assemblée du 20 janvier 1625, le clergé de
France a fait la déclaration suivante : « Les évêques respecte
ront aussi notre Saint Père le Pape, chef visible de l’Eglise
universelle, Vicaire de Dieu en terre,... en un mot, successeur
de Saint Pierre, auquel l’apostolat et l’épiscopat ont eu commen
cement, et sur lequel Jésus-Christ a fondé son Eglise, en lui
baillant (donnant) les Clefs du ciel avec l’infaillibilité de la foi.11 »
(1) Apparat, ad samm. Concilior. p. 3.
(2) Pontificiae. Corona aurea, Epilog. verit. 7 et 8.
(3) Clypeus cath. ftd.
(4) Pro sacra Monarch.Eccl. Cath. adv. rempub. M.A. de Dominis.
(5) De sacra Monarch. (6) Dissert, super Concil.
(7) De supr. Rom. Pontif. Potest. p. 2. q, 2.
(8 ) Num. 52. (9 ) De Libertatîb. Eccl. GalUc. I. 40. c. 40.
(10) Manuscrtpta, t. 2. n. 34.
(11) Avis de l'assemblée à MM. les Archev. et Evêq. du royaume, a. 137.
— Procès-verbaux des assembl. du clergé de France. Edit. de Paris, 1768.
t. 2. Pièces justificatives, p. 95.
348 IIe TRA ITÉ. — DÉFENSE DU POUVOIR SU PRÊM E, ETC.
— En outre, les évêques réunis dans rassemblée tenue à Paris
en 1653, adressèrent, entre autres, les paroles suivantes à Inno
cent X : Judicia pro sancienda regula fidei a Summis Ponti
ficibus lata,... divina.œque ac summaper universam Ecclesiam
auctoritate niti , cui Christiani omnes, eoo officio, ipsius quoque
mentis obsequium praestare tenentur :l Les jugements portés
par les Souverains Pontifes pour établir une règle de foi, sont
appuyés sur une autorité à la fois divine et suprême dans
l’Eglise universelle, autorité à laquelle les chrétiens sont tenus
par devoir de soumettre leur esprit même.
Ce n’est donc pas sans fondement que le marquis Maffei a
écrit dans son ouvrage intitulé : Osservazioni letterarie : « En
somme, on ne peut soutenir que, sur l’article de l'infaillibilité
du Pape et de sa supériorité sur le Concile, l’illustre nation
française ait universellement renoncé, de nos jours, aux senti
ments professés pendant tant de siècles par ses ancêtres, attendu
que nous voyons un si grand nombre de ses hommes les plus
marquants et de ses assemblées les plus vénérables, tenues de
nos jours, se montrer si favorables à l’ancienne opinion embras
sée à Rome. »
Enfin, si quelqu’un veut connaître jusqu’à quel point l’opinion
favorable à l’infaillibilité pontificale est ancienne et commune
parmi les Catholiques, il n’a qu’à parcourir l’ouvrage du père
Louis Jacob, publié à Lyon, en 1643, Sous le titre de Bibliothe
ca Pontificia *et à consulter le père Raynaud dans son opuscule
sur la même matière;3 Louis Andruzzi dans son écrit intitulé :
Vetus Graecia;4 François-Antoine Simeoni dans son traité sur
la Puissance du Pontife Romain ;5 Victor-Àmédée Soardi,
docteur de l’Université de Turin, dans louvrage qui a pour
titre : De Pontificis Auctoritate;6 l’ouvrage anonyme qui a
(1) Lettre du 15 juil. 1653. — Procès-verbaux des a3sembl. du clergé de
France, t. 4. Pièces justificatives.
(2) Biblioih. Pontif. cum catalog. auctor. etc.
(3) Opusc. de Infallib. Papœ.
(4) Vet. Gtrœc. de S. Roman. Sede prœclare sentiens.
(5) De Rom. Pontif. judiciaria Potest.
(6) De supr. Rom. Pontif. auctorit. hodierna Ecoles. Gallie, doctrina.
CH. V II. SU ITE. — POUVOIR DES ÉVÊQUES, ETC. 349
été mis au jour en 1682, sous le titre de : Doctrina quam de
Primatu, Auctoritate, ac Infaïlïbüitate Romani Pontificis
tradiderunt Lovanienses Sacrœ Theologice magistri ac pro
fessores, tam veteres quam recentiores
Mais il est curieux d’entendre Fébronius énoncer les conditions
dont un Concile doit être pourvu pour être véritablement légitime
et œcuménique. Il requiert à cet effet, qu’indépendamment des
évêques, non-seulement les clercs, mais encore les laïques assis
tent au Concile, parce que, dit-il, l’Eglise ne se compose pas
seulement des évêques, mais aussi des clercs et des laïques ;
or, ajoute-t-il, c’est le corps composé de laïques et de clercs qui
nous transmet dans son intégrité la foi qu’il garde comme un
dépôt inaltérable : Extra Concilium Ecclesia consistit non in
solis episcopis, sed in reliquis etiam clericis, imo laicis....
Corpus vero ex laicis clericisque compositum fidem, quam
tamquam fidele depositum servat, ad nos illibatam transmittit}
U exige en outre que le Souverain Pontife se reconnaisse
soumis aux décisions du Concile : Se ejusdem (Concilii) decisio
nibus agnoscat subjectum * Voilà donc le Concile légitime et
absolument nécessaire que réclame Fébronius ! un Concile com
posé d’évêques, de clercs, et de laïques ! un Concile aux décisions
duquel le Souverain Pontife doit reconnaître qu’il est subor
donné! Mais où trouver un Pape qui, traître à son Siège et à
ses droits, se soumette de plein gré aux décisions d’un Concile,
et d’un tel Concile, c’est-à-dire composé de clercs et de laïques ?
Tels sont les Conciles d’invention nouvelle, par lesquels Fébro
nius prétend réformer l’Eglise universelle.
fl) Loc. cit. c. 6. § 8. n. 4%. (2) Loc. cit. c. 9. §
[*) L’auteur de cet ouvrage est d'Aubermont, professeur à la Faculté de Théo
logie de Louvain. A la suite du titre transcrit par Saint Alphonse, on lit ces mots
qui précisent le but de l’auteur Declarationi Cleri Gallicani de ecclesiastica
Potestate nuper editœ opposita. * Ce but fut si bien atteint par la solidité de l’ou
vrage, que Bossuet s’en émut, comme on peut le constater par sa Défense de la
Déclaration (Gallia orthod. n. 29 et 70; Defens. Declar. I. 1 . sect. 1. c. 2 et
Append. I. 1. c. 12-18, l. 2. c. 13. etc.). On doit encore au môme auteur l’ouvrage
suivant : Mantissa celebrium in Belgio et Gallia Scriptorum, dans lequel il bat
également en brèche les doctrines nouvelles du Gallicanisme, en s’appuyant sur de
nombreux et puissants témoignages. Le traducteur.
CHAPITRE VIII.
RÉPONSES AUX OBJECTIONS DE FÉBRONIUS CONTRE LE POUVOIR
DU PONTIFE ROMAIN.
DISSERTATION
SUR
Cette Dissertation, qui a été écrite en latin, fut ajoutée par Saint
Alphonse lui-même à la fin de la première édition de sa Théologie
Morale, qui parut en 1748; plus tard, elle fut insérée dans le corps
même de l’ouvrage.1
Le Saint s y prononce d’une manière formelle sur deux questions
capitales qui partagent son travail, et qui sont mentionnées dans la
29e des trente et une propositions condamnées par Alexandre VIII
sous la date du 7 décembre 1690 : ces deux questions sont l’infailli
bilité du Pontife Suprême et sa supériorité sur le Concile œcumé
nique.
Après quelques considérations préliminaires qui précisent l’état de
la question, le Saint Auteur démontre solidement chacune de ses deux
thèses, en s’appuyant sur des témoignages irrécusables empruntés aux
Saintes Lettres, aux Conciles généraux, aux Saints Pères, à la raison,
aux Souverains Pontifes, aux grands maîtres de la Théologie, et â
1 Ecole Gallicane elle-même; après quoi, il réfute les principales
difficultés qu’on oppose à son sentiment.
Enfin, après avoir établi sa double proposition, il conclut avec les
docteurs les plus autorisés, que la première « est pour le moins
(1) Theol. moral. I. 4. tr. 2. c. 1. 410-155.
400 PREFACE DU TRADUCTEUR.
proxima fidei, tandis que l’opinion contraire est tout â fait erronée
et touchant de l’hérésie ; 1 » et à la suite de la seconde, il résume
son travail dans ces mots : « Il résulte de tout ce qui précède, qu’en
rapprochant le sens des Ecritures, les sentences des Souverains Pon
tifes, des Saints Peres, et des Conciles eux-mêmes, on arrive à recon
naître que notre opinion n’est pas tant la nôtre que celle de toute
l’Eglise, comme elle en est la régie et l’esprit. »
C’est dans cette Dissertation que Saint Alphonse s’énonce le plus
explicitement, dans différents endroits, sur la fameuse Déclaration de
1682. A ce propos, nous avons présenté quelques notions sur l’état
actuel de la question.
Nous avons tout lieu de croire que le public accueillera avec satis
faction cette Dissertation aussi intéressante en elle-même qu’actuelle
pour notre temps, d’autant plus quelle n’a jamais ôté publiée dans
notre langue et qu’elle se recommande à l’attention du lecteur sérieux
par la solidité des arguments sur lesquels elle se base, par la richesse
des témoignages quelle produit, par sa marche naturelle et métho
dique, et enfin par l’autorité personnelle de l’auteur.
(1) Voir § 1. n. V.
DISSERTATION
SU K
INTRODUCTION.
I.
REMARQUES PRÉLIMINAIRES.
§n.
DE L’AUTORITÉ DU PAPE SUR LE CONCILE.
I.
REMARQUES PRÉLIMINAIRES.
RÈGLES
A OBSERVER
1>— *—«---------
DE L ’A U T O R I T É
DES
CONCILES GÉNÉRAUX.
PRÉFACE DU TRADUCTEUR.
I.
NOTIONS PRÉLIM INAIRES TOUCHANT L’IN FAILLIBILITÉ DES CONCILES.
II.
PREUVES,
(d ’a p r è s LE PSAUME 79.)
33
Hic accedit, in modum appendicis, Tractatuum illorum adje
ctio qui latino sermone a Sancto Auctore exarati sunt; et hoc
quidem opportunum fore existimavimus in favorem eorum qui
gallici idiomatis vel minus expertes vel prorsus ignari sunt.
Attamen, ne forte prolixius hocce volumen protrahatur, plerisque
annotationibus supersedimus quse in versione gallica, hic inserta,
textui appositse sunt. Editor.
A P P E N D I X I.
»■ ------
VIN DICIÆ
PRO
F IN IS O P E R IS .
I
Postquam Christus Dominus opus nostrae Redemptionis complevit,
suam ac Sancti Spiritus assistentiam Ecclesiae pollicitus est usque ad
finem saeculorum, dicens : E t ecce ego vobiscum sum omnibus diebus,
usque ad consummationem saeculi,1 Cum autem venerit ille Spiritus
veritatis, docebit vos omnem veritatem.%Promisit insuper quod haere-
ses et hæresiarcæ (qui sub nomine portarum inferi indicantur, ut
explicat Sanctus Epiphanius,3) nunquam contra Ecclesiam praevalere
poterunt : E t portae inferi non praevalebunt adversus eam,4
Cum autem Redemptor noster principalis Ecclesiae fundator, caput,
et pastor, esset ex hoc mundo discessurus, necesse fuit ut aliquod
visibile caput et judicem supremum in Ecclesia relinqueret, qui ipsius
gerens vices, fidei ac morum quaestiones infallibili judicio definiret,
ut sic unitas fidei perpetuo servaretur, ne fideles semper in dubiis
fluctuarent, si legitima deesset auctoritas qua controversiae certa defi
nitione terminari possent, et cui omnes parere tenerentur, ne conten
tiones et schismata christianum orbem frequenter vexarent, si Eccle
sia careret uno capite et gubernatore uno, quo omnia regi debent.
Hanc necessitatem supremae potestatis, per quam eadem una fides
teneatur ab omnibus litesque avertantur, omnes agnoscunt. Sed
(1) Matth, 28. 20. (2) Joan. 46. 43.
(3) Ancorat. c. 9. et Eceres. 74. n. 44. (4) Matth. 46. 18.
518 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
dubium fit cuinam Christus hanc supremam potestatem et infallibile
judicium commiserit? Galli hodierni tenent eam commisisse Ecclesiae
nomine Christi congregatae, nempe legitimo Concilio oecumenico;
attamen, sola excepta Gallia, ut testantur cardinalis Bellarminus1 et
Benedictus papa XIV2 (ut refert Billuart3), cunctae nationes nostram
amplectuntur sententiam, nempe quod Romanus Pontifex est supre
mum Ecclesiæ caput, ac consequenter ejus judicium infallibile est,
Dixi hodierni Galli; nam antiqui diverse opinati fuerunt ; Raynal-
dus enim, scriptor gallus,4 asserit olim omnes unanimiter docuisse
Pontificis definitiones, adhuc extra Concilium, esse infallibiles. Prae
terea habetur apud Mauclerum5 quod Facultas Parisiensis, anno 1530,
tamquam haereticos damnavit articulos Marsilii Paduani, qui dicebat
Papam esse fallibilem. Eademque Facultas, anno 1534, proscripsit
eumdem errorem adversus Joannem Morandum.6 Item damnavit
Marcum Antonium de Dominis ut haereticum, quia auctoritatem Pon
tificis errori obnoxiam esse docebat.7 Praeterea habetur apud Bulæum*
eamdem Facultatem olim haec scripsisse : Certum est Episcopum
Romanum, tamquam Vicarium Christi, non habere superiorem, cum
Christus non habuerit, et Ecclesiam Catholicam a se et per se fun
datam Petro tamquam capiti tradidisse gubernandam. Duvallius
autem, doctor Sorbonicus, anno 1712, de hac re ita scripsit: Opinio
nem quae Romœ te n e tu r to tu s orbis, exceptis pauculis doctoribus,
amplectitur, et praeterea rationibus validissimis cum ex Scriptura,
Conciliis, et Patribus, tum ex principiis theologiae petitis confirma
tur.® Addidit : Nemo nunc est in Ecclesia, qui ita sentiat, praeter
Vigorium et Richerium (qui postea se retractavit), quorum si vera
esset sententia, toties orbis Christianus, qui contrarium sentit, in fide
turpiter erraret,10
(1) De Rom, Pontif, h 4, c. 2.
(2) Epist, ad Inquisit. gener, Hispan. 48 jul, 4748.
(3) In 2. 2, De regulis fidei, dissert, 4, a, 8. § 4,
(4) Corona aurea Rom, Pontif, subnot. 2, ver it, 7,
(5) De Monarchia, part. 4, l, 8, c, 6, (6) Ibid.
(7) Apud d'Argentrè, Collect. Judicior, t. 2, pag. 408,
(8) Hist, ühiversit, Paris, ann. 4896.
(9) De supr. Rom. Pontif. Potest, p. 4. q. 7. (10) Ibid.
FINIS OPERIS. 519
II
Fébronius1 Ecclesiæ gallicanse adjungit græcam, quam asserit in
Concilio Florentino nunquam agnoscere voluisse Romanum Pontificem
Conciliis superiorem, nec in suis definitionibus infallibilem. Sed ex
historia patet quod super hoc puncto magna in Concilio illo fuit
disceptatio ; Græci enim contendebant eorum appellationes sine pa
triarcharum consensu recipi a Romana Sede non posse ; verum Basi-
lius Bessarion, Niceæ archiepiscopus, medium invenit conveniendi,
nempe ut in decreto synodali diceretur : Salvis privilegiis omnibus
et juribus Grœcorum ; 2 nam verbum privilegiis peculiarem signifi
cabat concessionem Græcis impertitam, quse nullum Sedi Apostolica
praejudicium inferebat ; et ita factum est, atque concordia firmata.
Cæterum in eodem Concilio declaratum fuit, Pontificem Romanum
totius Ecclesiœ Caput... et Doctorem eæistere, et ipsi... regendi...
universalem Ecclesiam a Domino... plenam potestatem traditam esse,
etc* Quibus verbis sat aperte explanatum fuit supremam et infalli
bilem auctoritatem in Ecclesia, non alteri quam Romano Pontifici a
Christo fuisse collatam. De hoc decreto Concilii infra prolixior sermo
redibit.
Verum est quod Bessarion prius in Concilio contendit Papam Con
cilio subesse, sed postea se retractavit; unde a Marco Ephesino
proditor Ecclesiae suæ appellatus fuit. Miror autem interea Febro
nium gallicanæ Ecclesiæ adjungere voluisse græcam. Si attulisset
Ecclesiam græcam Basilii, Cyrilli, Chrysostomi, aliorumque Sancto
rum Patrum, utique recte argueret; sed quamnam Ecclesiam adducit?
Ecclesiam græcam schismaticam, quæ usque ab anno 800, cum se
a Romana Ecclesia sejunxit, plurimos errores adoptavit, et in aper
tum schisma lapsa est ; neque prius Romanæ Sedi bellum gerere desti
tit, ut ait Bellarminus, 1 quam a Turearum imperatore oppressa
religionem et dignitatem amisit.
Adjungit etiam Fébronius Ecclesiam africanam, tempore quo illa
auctoritate Sancti Cypriani innixa, noluit acquiescere sententiæ Ste-
(1) De Statu Eccl. et legit. Potest. Rom. Pont. lib. singul. c. i. § 40.
(2) Concil. Florent. Decret. Unionis.
(3) Sess. ult. Defin. — Labb. t. 43. coi. 4467.
(4) Prcefat. in libros de Summo Pontif.
520 ÀPPKNDÏX r. — VINOICIÆ, ETC
phani papæ, qui haereticorum rebaptizationem prohibuit. Sed huic
Sancti Cypriani historiae, quæ toties ab adversariis nobis objicitur,
plures a nostris responsiones redduntur, quas superfluum est hic
adducere; sufficit hic referre duas Sancti Augustini dictiones super
hac re ; ipse scripsit1 Cyprianum pœnituisse postea erroris et mutasse
sententiam, licet retractatio non inveniatur. Item scripsit : Hanc
culpam Cypriani falce martyrii fuisse facile purgatam ** Dixit facile,
quia Sanctus Augustinus culpam illam tantummodo venialem reputavit.
Pariter Sanctus Gregorius Nawanzenus Sanctum Cyprianum de errore
illo non excusat, dicens quod interdum morbus etiam præstantissimos
viros attigit.
Fébronius hoc modo adjungere potuisset etiam Ecclesiam asiaticam,
tempore quo restitit Victori papæ, præcipienti ut pascha non in
quartadecima luna, sed in subsequenti dominica celebraretur. Tamen
episcoporum aliquorum contumacia nequit probare Papam nec etiam
super Ecclesias particulares auctoritatem habere, dum ipsemefc pater
Natalis Alexander,3 unus ex maximis oppugnatoribus pontiflcice
,
potestatis, fatetur omnes christianos Romano Pontifici obtemperare
teneri.
Præterea in Concilio Nicæno I dictum fuit Pontifici datam esse
potestatem in omnes populos et super universam Ecclesiam . 4 Item
Concilium Florentinum declaravit ipsi regendi Ecclesiam plenam
potestatem traditam esse.5 Ex his nos papistæ, seu Papæ adulatores,
ad captandam Pontificis benevolentiam, ut ab adversariis calumniamur,
deducimus et recte (ut infra videbimus,) hane potestatem plenam
extendi ad Ecclesiam tam dispersam quam congregatam ; sed Febro-
nius adhuc super Ecclesiam dispersam vult Papam hae potestate
carere.
Adjungit quoque Ecclesiæ gallicanse Ecclesiam moguntinam, quæ
(1) Epist. 93. c. 10. n. 38. ad Vine. Rogatist. Edit. Ben.
{2) De Bapt. cm tr. Donat. I. 1. c. 18.
{3) Hist. sæc. X V et X VI. dissert. 4. (4) Can. 39. (Coli. reg. t. 2.)
(5) Sess. ult. Deftn. — Labb. t. 13. coi. 1167.
(*) Hæc verba non sunt proprie D. Augustini, qui tantum ait : Passionis falce
purgatum est (loc. cit ); ea tamen integra serravimus ob subsequens S. Alphonsi com
mentarium, quod huic Bellarmini sententiæ consouat : * Beatus Augustinas clara
docet Cyprianum venialiter solum peccasset et salva carVate, et ideo falce m artyrii
facile purgatum. » (De Rom. Pontif. i. 4. c. 7.) Edito**',
FINIS OPEKIS. 521
(ut ait constare ex actis) Basileensis Synodi decreta acceptavit. Hujus
modi acta ad me nunquam pervenere; cæterum, quidquid sit de
Ecclesia moguntina, certum est nullam aliam Ecclesiam præter
gaïïicanam -decreta Concilii Basileensis adversus pontificiam potesta
tem approbasse.
III
Cæterum errat Fébronius asserens Ecclesiam gallicanam semper
adhsesisse sententiæ, quod Papa subsit Concilio ; oppositum ostendunt
Cbarlas,1 cardinalis de Aguirre,2 et pater Serry.3 Episcopi Gallia? in
actu generalis conventus anni 1625, dixerunt : Episcopi reverebuntur
Papam, caput visibile universalis Ecclesiœ, supra quod Christus
Jesus Ecclesiam suam fundavit, tradendo ei Claves cœli cum infalli-
bilitate fidei, etc.** Et in conventu anni 1653, in causa Jansenii, 31
episcopi scripserant ad Innocentium X, inter alia verba, hæc : Judicia
,
pro sancienda regula fidei a Summis Pontificibus lata,... divina
ceque ac summa per universam Ecclesiam auctoritate n iti, cui
christiani omnes eoo officio ipsius quoque mentis obsequium prœstare
teneantur, 5 Unde Duvallius scripsit : Velint nolint adversarii liquido
constat veteres Ecclesiœ Gallicanœ proceres hanc in Summis Ponti
ficibus infallibilitatem semper agnovisse; eosque qui veritatem hanc
impugnare conati sunt, a ducentis aut circiter annis, quibus in
Ecclesiam horrenda schismata irruerunt, cœpisse.6 Item Balutius
in Vita Petri de Marea,7 testatur quod Petrus in ultimo suo opere
infallibilitatem Papæ strenue defendit.
Sed audiamus quid proferat doctissimus Melchior Canus in suo
celebri opere De Locis theologicis, de iis qui contra Papæ infallibili
tatem decertant : Nos autem communem catholicorum sententiam
sequamur,... [quam) Sacrarum etiam Litterarum testimonia confir
mant, Pontificum decreta finiunt,... Conciliorum Patres affirmant,
(1) De Libertatib. Eccles. Gctllic. 1. 8. c. 74,
(2) Defensio Cathedrœ Petri.
(3) De Rom. Pontif. dissert. duplex. — Append. de mente Eccl. Gallic.
(4) Monita conventus ad Dominos Archiepisc. et Episc. regni, n. 157.
(5) Epist. ISjuU 16531.
(6) Desupr. Rom. Pontif. Potest, p . 2. q. 2. (7) Nnm. 52.
{*) Hoc documentum galliee editum fuit, cujus textum vide supra, page 193.
Editor.
522 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
Apostolorum traditio probat, perpetuus Ecclesiæ usus observat. l Et
deinde hæc notabilia verba subdit : Sed quaeris : Eritne haereticum
asserere Romanam Ecclesiam degenerare quoque ut cæteras posse, et
Apostolicam etiam Sedem a fide posse Christi deficere?... Hierony
mus* profanum et perjurum dicit, qui... Romance Sedis fidem non
fuerit secutus.... Atque Cyprianus idem: « Qui Cathedram Petri,
inquit, supra quam fundata est Ecclesia, deserit, in Ecclesia esse
non confidat 3 » Concilium Constantiense illos esse hœreticos ju di
cavit, qui Romanœ Ecclesiæ fidei et doctrinœ refragarentur. Illud
postremo addam : cum ex traditionibus Apostolorum ad evincendam
hœresim argumentum fim um certumque trahatur, constet autem...
Romanos Episcopos Petro in... fidei magisterio successisse ab Apo
stolis esse traditum, cur non debebimus assertionem adversam tam
quam hœreticam condemnaret Sed... nolo Ecclesiæ judicium antever
tere Illud assero, ac fidenter quidem assero, pestem eos Ecclesiæ,
ac perniciem afferre, qui aut negant Romanum Pontificem Petro in
fidei doctrinœque auctoritate succedere, aut certe adstruunt summum
Ecclesiæ Pastorem, quicumque tandem ille sit, errare in fidei judicio
posse. TJtrumque scilicet hæretici faciunt; qui vero illis in utroque
repugnant, hi in Ecclesia catholici habenturA
Hucusque Canus, ©jusque dictis valde consonat famosa sententia
Sancti Cypriani : Neque enim aliunde hæreses obortæ sunt..., quam
inde quod sacerdoti Dei non obtemperatur, nec unus in Ecclesia ad
tempus sacerdos et ad tempus judex vice Christi cogitatur. 5 Idque
nimis verum est ; nam, sublata infallibilitate circa res fidei a Pontifice
Romano, nullum suppetit medium (ut infra videbimus,) ad haereticos
convincendos. Ac ideo illi qui pertinaciter Pontificum definitionibus
restiterunt, prius schismatici, postea haeretici effecti sunt.
Ait Fébronius quod suprema Pontificis potestas, qualem nos susti
nemus, tenet haereticos ne Catholicae Ecclesiae adhaereant. Sed errat;
non suprema Papae potestas, sed libertas conscientiae, sensuales dele
ctationes, divitiarum concupiscentia, et superbia, tenet eos a nostra
Ecclesia segregatos ; ipsi enim nihili faciunt auctoritatem tam Papae,
quam Synodorum, in quibus potestatem supremam residere Fébronius
adstruit. Præsertim Lutherus memorabile de hoc exemplum porrexit ;
(1) De Locis theol. 1. 6. c. 7. (2) De nomine Hypostasis ad Damas.
(3) De Unit. Eccles. c. 4. (4) De Locis theol. I. 6. c. 7.
(5) Epist. 55, ad Cornei.
FINIS OPERIS. 523
nam prius a sententia sibi contraria data a Facultate Sorbonica ipse
appellavit ad Papam; postea a Papa non bene instructo (ut aiebat)
appellavit ad Papam instructum ; postea a Papa instructo ad Conci
lium generale ; postea demum a Concilio ad seipsum. Et idem pluries
accidit quod hæretici, non acquiescendo pontificiis definitionibus, nec
decretis Conciliorum acquieverunt.
IV
Justinus Fébronius, qui Gallis arcte se conjunxit, plurima adversus
pontificiam potestatem eructat, ac plures qusestiones movet, et omnes
contra Pontificem resolvit ; sed, illis omissis, circa quas non deerit qui
Febronium confutabit, mea tantummodo refert supremam Papæ ab
ejus oppositionibus ac sophismis vindicare auctoritatem, quae neces
sario debet esse munita privilegio infallibilitatis ; minime enim supre
ma esse posset, nisi etiam infallibilis esset. Quapropter de hoc princi
pali puncto his agam ; nam, posito quod Pontificis auctoritas in
Ecclesia est suprema et infallibilis, omnes cessant quaestiones et
evanescunt.
CAPITULUM I.
1
Fébronius,1 per totum caput I et 2, totis viribus probare nititur
regimen Pontificis Romani nequaquam esse supremum sive monar-
ckicum, sed dumtaxat arisioc raticum, vel ad summum ex aristocratia
et monarchia conflatum. Hinc Papam episcoporum primum esse asse
rit, ut qui a Christo Domino constitutus est primas et caput mini-
steriale ad unitatem corporis aristocratici Ecclesiae servandam ; sed
non ideo, inquit, Papa in communi episcopatu majori auctoritate
pollet quam alii episcopi, qui æque ac Papa Ecclesise fundamenta,
ovium pastores, Christique vicarii existunt, quique non a Papa, sed
ab ipso Christo immediate et independenter a Pontifice, ad regendam
Ecclesiam plenam auctoritatem acceperunt in omnibus illis, sive
ordinis, sive jurisdictionis , quæ ad regimen Ecclesiæ spectant.
Proinde dicit Papam nullo gaudere privilegio infallibilitatis, quæ
tantum Ecclesise in nomine Christi congregatae, sive Concilio cecu-
menico, tradita est, cui Pontifex omnino subjicitur.
Ex his autem falsis principiis plura infert corollaria falsa :
Infert 1° Summum Pontificem non habere potestatem aut jurisdi
ctionem proprie talem supra alios episcopos, sed ipsum et omnes alios
episcopos subditos esse collegio, aut Concilio, ejusque decisionibus ;
et proinde nihil posse Papam in alienis episcopatibus ordinare.
2° Qualis est in senatu praesidens, talem esse Pontificem in collegio
Ecclesise ; postulat enim suffragia aliorum, qui ei non subsunt, nihil -
(1) Opere cit.
CAP. I. PROBVTUR KX SCRIPTURA. 525
que proprio arbitrio statuit; vigilat, monet, corrigit, sed ex sua
auctoritate non punit ; illorum caput est, inter ipsos primus, sed non
stricto sensu illis major.
3° Papam, tamquam primum in Ecclesia, vigilare debere ut Canones
observentur, illibatum custodiatur fidei depositum, et iidem sint
substantialiter ritus in administratione Sacramentorum ; atque ideo
potestatem habere cogendi eos qui in falsis doctrinis aut pravis
moribus duri sunt.
4° Etsi Pontifex, si solus sit, non habeat potestatem condendi
leges pro tota Ecclesia, posse tamen, quando difficile sit generale
Concilium convocare, leges condere easque Ecclesiæ proponere ; ita
vero, ut vim legis non habeant, nisi postquam sint communi consensu
receptae.
5° Licet Papa non sit omnium controversiarum judex, ejus tamen
judicio, quia primas habet partes in judicando, omnes stare teneri,
nec oppositum docere posse, donec Ecclesia non contradicat.
6° Si aliquod grave damnum Ecclesiæ immineret, quod solis
Apostolicæ Sedis curis non posset averti, posse Papam et debere
congregare Concilium generale.
7° In rebus gravioribus ad universam Ecclesiam spectantibus, tam
quoad fidem quam quoad disciplinam, Papæ consilium requiren
dum esse.
8° Pontificem dispensare posse a legibus, etiam a generalibus
Conciliis latis, casu quo ipsum Concilium dispensaret.
9° Pertinere ad Papam judicium ferre in causis appellationis, sed
cum certis conditionibus.
10° Romanum Pontificem, ratione sui primatus, jus habere expe
diendi vicarios et legatos, sed cum ea tantum auctoritate jurisdictio
nis, quæ illis a Concilio Tridentino concessa est.
110 Collationem quorumcumque beneficiorum originario jure ad
episcopos pertinere, sublatis provisionibus ad Sedem Romanam
devolutis.
12° Jus appellationum ex omnibus Ecclesiæ partibus de juro
Romano Pontifici non competere.
13° Abolendas prorsus esse annatas, nempe reservationes fructuum
unius anni beneficiorum aliquorum vacantium in favorem Cameræ
Apostolicæ.
14° Nullo jure posse Papam aliquorum casuum absolutionem nec
dispensationes sibi reservare.
526 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
15° Invalidum esse privilegium mendicantibus a Papa concessum
excipiendi confessiones in aliorum dioecesibus.
16° Abrogandam esse regularium exemptionem a jurisdictione
ordinariorum.
17° Episcopos immerito cardinalibus postponi.
18° Peragendam esse reductionem genuini juris canonici, cum sit
noxia Ecclesise potestas quam Papa post falsas decretales sibi
arrogavit.
19° Causas fidei non servari Pontifici, sed tantum cecumenicis Con
ciliis. Papam nil aliud posse extra Concilium, quam suo dissensu
impedire quominus aliquid dependens ab ordine Ecclesise universalis
perficiatur.
20° Confirmationem electionis episcoporum ad Synodum provincia
lem aut metropolitanam pertinere ; et idem dicendum de translatio
nibus episcoporum, eorumque resignationibus et depositionibus.
21° Erectionem novorum episcopatuum de jure a metropolitano, vel
particulari Concilio, fieri posse; idemque dicendum de novis metro
polibus et Ecclesiis primatialibus.
Omitto alia similia, quæ disperse in libro Febronii afferuntur. Sed
his tantum consideratis quæ supra hic notavimus, quis non cernit
quod si his perniciosis principiis et illationibus Febronii in Ecclesia
locus daretur, tota Ecclesia contentionibus et schismatibus irrepara-
biliter impleretur? Dicunt schismata reparari per Concilia; infra vide
bimus per manifesta momenta, quod Concilia respectu ad schismaticos
nullum vel fere nullum remedium porrigunt.
Nos autem propugnamus primatum Romani Pontificis non esse
solius directionis, consistentis in pura vigilantia, in exhortationibus,
admonitionibus, et a consensu Ecclesiae dependentem; sed esse pri
matum proprie potestatis et jurisdictionis, inseparabiliter ex divina
institutione præ se ferentem, praeter directionem, sequentia jura,
scilicet :
1° Judicium ferre in causis quæ majores dicuntur.
2° Sancire leges universam Ecclesiam obligantes, statim ac sint
sufficienter promulgatae.
3° Appellationes ex toto orbe christiano recipere, etiam in prima
instantia.
4° Habere superioritatem supra Concilia generalia, atque ordina •
riam et immediatam potestatem super omnes fideles.
CAP. I. PROBATUR EX SCRIPTURA. 527
II
Fébronius1 autem explicare incipit Scripturas quibus nos Papæ
adulatores communiter utimur ad adstruendam supremam Romani
Pontificis potestatem : et primo loquitur de laudato Matthæi textu
ubi Salvator noster, cum discipulos interrogasset : Quem dicunt
homines esse filium hominis? atque Petrus respondisset : Tu es
Christus, Filius Dei vivi, Jesus ipsi dixit : Beatus es Simon Bar-
Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus, qui
in coelis est; et ego dico tibi quia tu es Petrus, et super hanc
petram œdificabo Ecclesiam meam, et Portce inferi non praevalebunt
adversus eam.z
Ait Fébronius : Unde Romani eorumque fautores concludunt solum
Sanctum Petrum, qjusque in Romana Sede successores, esse lapides
fundamentales Ecclesiae; soli Petro immediate a Christo datas esse
Claves Ecclesiae; ac per hunc in reliquos Apostolos, per ejus succes
sores in omnes episcopos omnem sacram auctoritatem dimanare;
quod quam parum Patrum, imo universalis Ecclesiœ sensui conve
niat, mooo videbimus.3 Deinde dicit hunc textum variis modis a
Patribus interpretari : primo alii per illam petram intelligunt Petri
confessionem de Christi divinitate, nomine aliorum etiam Apostolo
rum peractam ; alii per petram intelligunt ipsum Salvatorem Jesum,
qui est Ecclesiæ lapis angularis verumque Ecclesiæ fundamentum,
juxta illud : Ad quem accedentes lapidem vivum, etc.,4 ac illud Divi
Pauli : Fundamentum enim aliud nemo potest ponere, praeter id
quod positum est, quod est Christus Jesus.* Atque pro hujusmodi
interpretatione citat Sanctum Augustinum dicentem : Super hanc
ergo, inquit, petram, quam confessus es, aedificabo Ecclesiam meam ;
petra enim erat Christus, etc.6
Cæterum, quod verba Christi « per hanc petram » de Petro intelli-
gantur, est communis sententia Sanctorum Patrum, quorum oracula
hic ipsorum verbis adnotabimus.
Sanctus Cyprianus ait : Deus unus est, et Christus unus, et una
Ecclesia, et Cathedra una super Petrum Domini voce fundata. Aliud
(1) Loc. cit. c. i. § 3. (2) Matth. 16. 13-19.
(3) Loc. cit. (4) I . Petr. 3. 4.
(5) 1. Cor. 3. 11. (6) In Joan. tr. 134. n. 5.
523 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
altare constitui, aut sacerdotium novam fieri, præter unum altare
et unum sacerdotium, non potest. Quisquis alibi collegerit, spargit.1
Et alibi : Petrus, quem primum Dominus elegit, et super quem
aedificavit Ecclesiam suam.*
Sanctus Maximus : Per Christum Petrus factus est petra, dicente
ei Domino : « Tu es Petrus, et super hanc petram, etc. «3
Sanctus Gregorius Nyssenus : Dei cero Ecclesia in ipso (Petro)
solidatur ; hic enim jaxta praerogativam sibi a Domino concessams
firma et solidissima petra est, super quam Salvator Ecclesiam
aedificavitA
Sanctus Gregorius Nazianzenus : Vides quemadmodum ex Christi
discipulis, magnis utique omnibus et excelsis, atque electione dignis,
hic petra vocetur, atque Ecclesiæ fundamenta in fidem suam accipiat.r>
Sanctus Epiphanius : Princeps Apostolorum Petrus... solidce petrae
instar nobis exstitit, cui velut fundamento Domini fides innititur,
supra quam Ecclesia modis omnibus exstructa est.5 Addidit idem
Sanctus Epiphanius eodem loco hæc memorabilia verba : Ille quoque
firmissimus structures lapis ac divinos domus fundamentum fuit.1
Et alibi idem Sanctus Epiphanius in Ancorato : Dominus constituit
Petrum primum Apostolorum, petram firmam, super quam Ecclesia
Dei œdificata est*
Pariter a Sancto Joanne Chrysostomo appellatur Petrus Basis
Ecclesiae,9
Sanctus Basilius scribit : Quoniam (Petrus) fide præstabat, Eccle
siæ... ædificationem in seipsum suscepit,10
Progrediamur ad alios Patres.
Sanctus Augustinus dixit : Petrum itaque fundamentum Ecclesiæ
Dominus nominavit, et ideo digne fundamentum hoc Ecclesia colit,
supra quod ecclesiastici ædificii altitudo consurgit.11 Alibi Sanctus
SI.
T e x t u s : « E t t ib i d a b o , ETC. •
I
Præterea, in eodem capite 16 Sancti Matthsei habetur quod Christus
dixit Petro : Et tibi dabo Claves regni cœlorum; et quodcumque liga
veris super terram, erit ligatum et in cœlis, et quodcumque solveris
super terram, erit solutum et in cœlis.1 Fébronius2 ait potestatem
Clavium non quidem Petro ejusque successoribus, sed universitati
Ecclesiæ traditam fuisse, ita ut illam tam per Summum Pontificem
quam per alios Ecclesiæ ministros, pro sua cujusque portione, exer
ceatur; citatque pro se Concilium Tridentinum in Sessione 14, ubi
dictum fuit : Si quis dixerit Claves Ecclesiæ esse datas tantum ad
solvendum, non etiam ad ligandum, et propterea sacerdotes, dum
imponunt pœnas confitentïbus, agere contra finem Clavium et contra
institutionem Christi,... anathema sit? Quapropter (inquit Febro-
nius) falsum est Claves Ecclesiæ specialiter Petro fuisse commis
sas; nam episcopi in usu Clavium semper Ecclesiæ ministros se
agnoverunt.
Sed obstant Febronio Tertullianus, Sanctus Gregorius, Sanctus
Basilius, Sanctus Paschasius, etc. Quamvis enim Ecclesia ligandi et
solvendi potestatem participet, cum in Ecclesiæ favorem Claves Petro
(1) Matth. 46. 49. (2) Loc. c. 4. § 6.
(3) Sess. 44. de Poenit. Sacram. can. 45.
538 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
traditæ fuerint, tamen negari nequit principaliter Petrum Claves a
Christo accepisse, tamquam Ecclesise rectorem, cui Ecclesiæ univer
salis cura commissa est, ut eadem Clavium potestas a Petro aliis
Ecclesiis postea communicaretur.
Sic scribit Sanctus Gregorius : Ecce Claves regni coelestis accepit
Petrus; potestas ei ligandi et solvendi tribuitur, cura ei totius Eccle
siœ et principatus committitur.1 Et deinde subdit : Curœ nobis fuit,
quœ universis Ecclesiis a nobis impenditur,2
Hinc Sanctus Paschasius Radbertus scripsit : Jure igitur (Petrus)
in meritis primus œstimatur, per quem et in quo ad alios dona
ÿ'ansmitticntur; accipiunt autem reliqui in eo omnes Claves regni
coelorum, cum ei a Domino specialius committuntur, etc.3 Nota:
Per quem ad alios dona transmittuntur.
Idem prius jam scripsit Sanctus Basilius : Beatus ille Petrus,
omnibus discipulis praelatus, cui soli maiora data quam aliis sunt
testimonia, qui prœdicatus est beatus, cui Claves regni cœlorum
concreditœ suntJ
Et prior omnibus ac clarius id scripsit Tertullianus : Si adhuc
clausum putas cœlxtm, memento Claves ejus Dominum Petro, et per
eum Ecclesiœ reliquisse J
Potestas igitur Clavium per Petrum aliis Ecclesiæ ministris com
municatur. Sicque intelligitur ille Tridentini Canon, ubi damnatur
qui dixerit Claves Ecclesiœ datas tantum ad solvendum, etc. Acci
piunt quippe Claves omnes Ecclesiæ ministri, sed istae specialius
Petro committuntur, ut per ipsum aliis transmittantur.
II
Dicunt quod Christus etiam aliis Apostolis in’alio loco Claves tra
didit, dicens : Amen dico vobis, qucecumque alligaveritis super ter
ram, erunt ligata et in cœlo; et quœcumque solveritis super terram,
erunt soluta et in cœloJ Sed hoc quid obstat? Jam supra diximus
Apostolos immediate a Christo potestatem quidem aequalem ac Petrum
recepisse, tamquam primos Evangelii fundatores; sed omnes ipsos
fuisse Petro subjectos ut capiti et principi, prout cuncti Patres eum
(1) Epist. t. 3. epist. $0. (alias, t. 4. ep. 52.) (2) Ibid. epist. Io.
(3) In Matth. I. 6. (4) De Judic. Dei, procem.
^5) Scorpiac. c. 10. [Q) Matth. 48. 48.
CAP. II. PROBATUR EX ALIIS SCRIPTURIS. § I. 539
III
Objicit quidam Febronii socius Christum non dixisse Petro : Tibi
do Claves regni coelorum, sed tibi dabo. Unde infert quod Petro
Claves tantum promissae fuerint, sed omnibus Apostolis post resur
rectionem Salvator dixit : Quæcumque alligaveritis, etc.? ut supra:
unde ait Claves non soli Petro, sed toti Ecclesiæ fuisse traditas. —
At respondetur non decuisse quod Christus, dum adhuc vita hic fun
gebatur eratque visibile Ecclesiæ caput, Claves traderet Petro, eum-
que suum vicarium constitueret ; sed quod id effectum haberet, cum
Dominus jam ascendisset ad cœlos, et mundo invisibilis factus esset ;
et ideo dixit : Tibi dabo Claves, et non tibi do. Cæterum nequit in
(1) Laudat. 2. in S. Steph. (2) De Compunct. serm. 4.
(3j De Judic. Dei, proœm.
(4) Poemat. I. 2. sect. 1. n. 42. De seipso et episc. vers. 222.
(5) Act. 3. — Labb. t. 3. coi. 626. (6) Act. 20. 28.
(7) Matth. 48. 18.
(*) Cap. VII
540 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
dubium revocari quod sicut confessio Petri singularis fuit : Tu es
Christus Filius Dei vivi>ita pariter singularis fuit promissio Clavium
ipsi facta, volens Christus singularem illam Petri confessionem dono
Clavium remunerare, prout declararunt Patres supra relati.* Quibus
adde Sanctum Augustinum dicentem : Petrus Apostolus, qui, ubi
dixit : « Tu es Christus, Filius Dei vivi, » tam beatus a Domino
appellatus est, ut Claves regni cœlorum accipere mereretur
Maxime ponderanda sunt verba scripta a Sancto Francisco Salesio,
in quodam suo sermone : Haereticorum ministri omnem lapidem
movent ut nos avertant ab obedientia quœ debetur vicario Christi.
Dixerunt Sancto Petro promissionem a Domino factam nomine
totius Ecclesiœ, sic ut nullum privilegium peculiare concessum fuerit
ipsius personœ. Si hoc interpretandi modo non pervertatur Scriptura
nunquam ab aliquo in alienum sensum detorquebitur.% Praeterea
sapienter sanctus animadvertit quod Dominus immediate antea jam de
Ecclesia locutus fuerat, dicens : E t Portas inferi non praevalebunt
adversus eam. Unde arguit : Si Christus Ecclesiœ immediate Claves,
tradere volicisset, dixisset : « E t dabo illi Claves. » Sed dixit : « Dabo
tibi. » 3 Ergo principaliter Petro tradidit Claves, ut illarum potestas
aliis deinde Ecclesiæ ministris communicaretur.
5 II.
TEXTUS : » ROGAVI PRO TE, ETC. »
I
Adest in Evangelio Sancti Lucae alius textus, quo probatur infalli-
bilitas Romani Pontificis plurium Sanctorum Patrum auctoritate :
Simon, Simon, ecce Satanas expetivit vos, ut cribraret sicut triticum ;
ego autem rogavi pro te, ut non deficiat fides tua; et tu aliquando
conversus confirma fratres tuos*
Dicimus hoc loco Christum rogasse pro Petro, ne in ipso aut ejus
successoribus Pontificibus unquam fides deficeret. Fébronius ait
Salvatorem hic non rogasse pro Petro tamquam Ecclesiae rectore,
sed pro ejus particulari persona, ne in communi aliorum discipulorum
(1) Contr. Gaudent. Donat, l. t. c. 34. (2) Controverses, dise. 32.
(3) Ibid. (4)Lmc. 22.31 et $2.
{*) Cap. I , pag. 533 et seq.
CAP. II. PROBATUR EX ALIIS SCRIPTURIS. § II. 541
scandalo fidem perderet;1 unde accidit quod Petrus, quamvis Domi
num externe ore negasset, tamen fidem in corde servavit.
At Sanctus Bernardus et alii sentiunt Christum tunc vere orasse pro
Petro et ejus successoribus, ut in doctrina fidei semper essent infalli
biles ; en verba Sancti Doctoris : Dignum namque arbitror ibi potissi
mum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire defectum —
Sæ c quippe hujus praerogativa Sedis. Cui enim alteri aliquando
dictum est : « Ego pro te rogavi, ut non deficiat fides tua? » 8 Istam
infallibilitatis pontificiae praerogativam constantissima perpetuaque
Sanctorum Patrum traditio commonstrat.
Idem dixit prius Sanctus Lucius papa et martyr : Hœc sancta et
apostolica mater omnium Ecclesiarum, quœ a tramite apostolicœ
traditionis nunquam errasse probatur, secundum ipsius Domini
pollicitationem, qui fatus est : « Ego pro te rogavi, ut non deficiat
fides tua . » 3
Sanctus Agatho, in epistola ad Constantinum imperatorem, probata
in Synodo YI, post verba : Ego autem rogavi pro te, etc., scripsit:
Qui (Dominus) fidem Petri non defecturam promisit, et confirmare
eum fratres suos adm onuit, quod Apostolicos Pontifices, meœ
exiguitatis praedecessores, confidenter fecisse semper cunctis esi
cognitum ,4
Idem scripsit Sanctus Leo IX : Nimirum solus est pro quo, ne
deficeret ejus fides, Dominus et Salvator asserit se rogasse, dicens :
« Rogavi pro te, etc. ; » quœ venerabilis et efficax oratio obtinuit
quod hactenus fides Petri non defecit, nec defectura creditur in
throno illius . 5 Quamobrem Innocentius III deinde scripsit : Majores
Ecclesiœ causas, prœsertim articulos fidei contingentes, ad Petri
Sedem referendas intelligit, qui notabit pro eo Dominum exorasse,
ne deficiat fides ejus.**
II
Dicit autem alius auctor ex adversariis quod Christus cum dixit :
Rogavi pro te, etc., tunc non rogavit pro solo Petro, sed pro tota
Ecclesia, ipsamque in persona Petri allocutus est. Adducit pro. hac
sua interpretatione Sanctum Augustinum, qui dicit : Manifestum est
(1) Matth. 26. 51. (2 ) Epist. 190, a d Innoc. II. prasf.
(3) Ad Episc. Gall. et Eisp. n. 6. (4) Act. 4 et 8.
(5) Epist. ad Petv. Antioch. (6) Epist. ad Archieptsc. Arelat.
542 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
omnes in Petro contineri; rogans enim pro Petro , pro ominibus
rogasse dignoscitur.1
Respondetur : Nulli dubium quod Christus rogans pro Petro tam
quam primo pastore et Ecclesiæ doctore, etiam pro omnibus fidelibus
rogavit, qui a Petro in fide instruendi erant. Cæterum patet Domi
num in eo loco pro solo Petro exorasse, dum singulariter Petro
dixit : Simon , Simon; et postquam alios admonuit : Satanas expe
tivit vos, etc., soli Petro se vergens dixit : Ego autem rogavi pro
t e (non jam pro v o b is ) , ut non deficiat fides tua *
Idque ex sequentibus verbis magis clarescit : Et tu aliquando con
versus confirma fratres tuos . Hoc, ut explicat Theophylactus, Petro
dictum fuit tamquam Apostolorum principi Ecclesiseque fundamento :
Quia te habeo ut principem discipulorum , confirma casteros; hoc
enim te decet, qui post me Ecclesiæ petra es et fundamentum , 2 Et
sic etiam id interpretatur idem Sanctus Augustinus : Ego rogavi
pro te, ut non deficiat fides tua , » hoc est, ne auferatur ex ore tuo
verbum veritatis usque valde.3 Et prius id scripsit Sanctus Chryso-
stomus : Quam est fervidus! quam agnoscit creditum a Christo
gregem! quam in hoc choro princeps est!... Merito primus omnium
auctoritatem usurpat in negotio ** ut qui omnes habeat in manu ; ad
hunc enim dixit Christus : “ E t tu aliquando conversus confirma
fratres tuos. » 4
Ex hoc accidit quod Sanctus Petrus, sciens se a Deo electum pro
Ecclesiæ doctore et magistro, in primo Concilio Jerosolimitano dixit :
Viri fratres , vos scitis quoniam ab antiquis diebus Deus in nobis
elegit per os ■meum audire gentes verbum Evangelii, et credere.5
Itaque Petrus singulariter electus fuit, non tantum ut gentes eum
audirent, sed etiam ut ipsi crederent. Quapropter postmodum scripsit
(1) Qucestiones Vet. et Nov. Testam, q. 75. inter opera S. Aug. t. o.
append. Edit. Ben.
(2) In Luc. 22. $2. (3) In Psalm . 448. serm. io. n. o.
(4) In Act . Apost. homil. S. n. 4 et S. (5) Act 45. 7.
(*) Addi potest textum hic allegatum Saucto Augustino jure merito abjudicari,
sicut et opus ex quo excerptus e st; quod dilucide demonstrant Sancti Doctoris edi
tores e Congregatione Sancti M auri, qui cum plurim is eruditis librum illum eidem
auctori, nempe H iiario diacono, cui Commentarios in Apostolum, Ambrosii nomine
vulgatos, adscribunt. — Confer A dm onitionem P . P . Benedictinorum in praefatum
librum (Oper. S . Aug. t. 3. append ). E ditor .
{**) Id est, in electione duodecimi Apostoli, Judaa proditori suffecti. Editor.
CAP. II. PROBATUR £X ALIIS SCRIPTURIS. 543
Sanqtus Cyprianus : A d quos (Romanos Pontifices) perfidia habere
non potest accessumA Et Sanctus Fulgentius dixit : Quod... Romana
tenet et docet Ecclesia totusque cum ea Christianus orbis,.., nihil hae
sitans > credit.2 Patresque Synodi VI confessi sunt : Nullum errorem
in Cathedra Romana unquam fuisse, nec futurum , successoresque
Petri, pro quo tam particulariter rogavit Christus, numquam a
fidei semita deviaturos.3
Sed transeamus ad alium Evangelii textum magis urgentem et
convincentem pro suprema Pontificis auctoritate.
(1) Epist . 55, ad Cornei. pap.
(2) De Incarnat, et Grat. Christi, c. ii . (alias epist. i7.)
(3) Act. 4. — Labb. t. 6. coi. 635.
CAPITULUM III.
I
Habetur in Evangelio Joannis, quod Christus Dominus prius
interrogavit Petrum : Simon Joannis, amas me plus his Î Respondit
Petrus : E tiam , Domine, tu scis quia amo te. Dominus eatndem
replicavit interrogationem, et Petrus idem responsum dedit. Deinde
dixit Petro : Pasce agnos meos; et tertio eum interrogavit : Amas
me ? Denique dixit ei : Pasce oves meas.1 — Per verbum pasce intel-
ligitur omne officium pastorale, quod non solum est cibum prsebere,
sed ducere, preeesse, corrigere, et castigare. Ex toto autem verbo
rum contextu diserte apparet officium agnorum et ovium pascendarum
Petro præcipue fuisse collatum.
Fébronius fatetur quod Patres ex hoc textu Joannis agnoverint
præcipuum aliquid Petro præ reliquis Apostolis ob ejus charitatem
in Christum fuisse collatum, nempe primatum in Ecclesia : Unde
magis declaratur (sunt ejus verba) Ecclesiæ coetibus praesidendi jus
fuisse huic Apostolo concessum. 2 Verumtamen, quamvis Petrus (ait
Fébronius) sit primus lapis ex ministerialibus, tamen est sicut alii
Apostoli una ex vivis petris, nec doctrina ejus est certior quam reli
quorum. Et salva praeeminentia Petri, ovium cura seque immediate
reliquis discipulis a Christo tradita fuit, ejusque successoribus epi
scopis, qui communem pastoris, quam Papa, qualitatem in Ecclesia
habent, prout ipse Petrus ad presbyteros suos scripsit : Pascite qui
in vobis est gregem Dei.3 — Addit Fébronius : Contineat de reliquo
verbum « pascendi » Petro (suppone etiam soli) dictum quantam-
cumque auctoritatem et potestatem, non repugno; hoc contendo,
(1) Joan. $1. 48. (2) Loc. cit. c. %. § 4. (3) /. Petr. 8. S.
CAP. III. PROBATUR ITERUM EX SCRIPTURIS. 545
nullam verbo « pascendi » inesse quœ non œque, imo amplius, conti
neatur illis Christi dictis ad omnes Apostolos : « Sicut misit fhe
Pater, ita ego mitto vos;1 » item his : * Euntes ergo docete omnes
gentes ** 3
At quod dicit Fébronius, minime concordat cum textu Joannis.
Primo dico : una cum Petro ibi erant alii discipuli ; cur Dominus
dixit Petro : Pasce, et non aliis : Pascite oves meas ? — Secundo
adverto Christum ibi dixisse : Simon Joannis, amas me plus his £
Ergo illud pasce non omnibus Apostolis, sed soli Petro dictum est.
— Insuper verbum pasce importat Petrum tunc primum pastorem
ovilis Christi fuisse constitutum, ita ut cum alibi Christus aliis disci
pulis dixerit : Ego mitto vos, etc. Euntes docete, etc., hæc omnia
intelligenda ut ipsi primo et principali pastori subesse deberent. Et
sic pariter intelligendum illud : Pascite qui in vobis est gregem,4
nempe cum subordinatione primo pastori Petro et ejus successoribus ;
quamvis enim plures sint pastores et plures greges, omnes tamen
unum sunt ovile primo pastori subjectum, qualis est Romanus Pon
tifex. Sunt quidem pastores omnes episcopi et curam habent pascendi
agnos Christi, sed tam agni quam oves (scilicet fideles et episcopi)
uno pastori subjacent.
Noster Fébronius hanc distinctionem deridet, vocans eam imagina
riam et noviter adinventam,5 sed eam tradunt Sanctus Eucherius,
Sanctus Bemardus, Sanctus Ambrosius.
Sanctus Eucherius scripsit : Prius agnos, deinde oves commisit ei,
quia non solum pastorem, sed pastorum pastorem eum constituit.
Pascit igitur Petrus agnos, pascit et oves ; pascit filios, pascit et
matres; regit et subditos et prœlatos. Omnium igitur pastor est,
quiaprœter agnos et oves in Ecclesia nihil est.6 Episcopi particula
rium gregum pastores sunt, unusquisque sui, prout scripsit Sanctus
Petrus : Pascite qui in vobis est gregem;7 sed Papa est totius
Ecclesiae pastor.
Audi Sanctum Bernardum scribentem ad Eugenium III : Sunt et alii
gregum pastores; habent illi sibi assignatos greges, singuli singulos;
tibi universi crediti, uni unus; nec modo ovium, sed et pastorum;
(1) Joan . 20. 24. (2) Matth. 28. 49. (3) Zoc. cit. c. 4 . §o.
(4) I. Petr. 3. 2. (5) Loc. cit. c. 4. § 3.
(6) Serm. in Vigil. S. Petri. (7) I. Petr. 3. 2.
35
546 APPENDIX I. — VINDICTE, ETC.
tu unus omnium pastor.1 Eodem loco addit Sanctus Bernardus : Cui,
non dico episcoporum, sed etiam Apostolorum, sic absolute totœ com
missae sunt oves t « Si amas me, Petre, pasce oves meas. » Quas t
illius vel illius populos civitatis aut regionis? « Oves meas, » inquit ;
nihil excipitur, ubi distinguitur nihil. 2
Idem significavit Sanctus Ambrosius scribens : Et jam non agnos,
ut primo quodam lacte vescendos, nec oviculas, ut secundo, sed oves
pascere jubetur, perfectiores ut perfectior gubernaret 3
Idem sentit Sanctus Epiphanius : Hic est qui audivit : « Pasce oves
meas, » cui concreditum est ovile A
Sanctus Joannes Chrysostomus in hunc locum : Aliis omissis,
Petrum affatur,... fratrum ei curam committit.5 Et infra : Cum ma
gna Dominus Petro communicasset, orbis tewarum curam deman
dasse, etc.s
Sanctus Maximus : Hic est Petilus, cui Christus pascendas oviculas
suas agnosque commendat,7
Sanctus Augustinus : Non enim inter discipulos solus meruit
pascere dominicas oves; sed quando Christus ad unum loquitur,
unitas commendatur.8 Et alibi pariter dixit: In ipso Petro unitatem
commendavit ; multi erant Apostoli, et uni dicitur : « Pasce oves
meas. » 9 — Hic textus multum proderit in capite VII, ad explicandam
mentem Sancti Augustini.
Sanctus Leo papa : Cui cum prœ ceteris solvendi et ligandi tradita
sit potestas, pascendarum tamen ovium cura specialius mandata
est.10Et in alio loco: De toto mundo unus Petrus eligitur..., ut, quam
vis in populum Dei multi sacerdotes sint multique pastores, omnes
tamen proprie regat Petrus, quos principaliter regit et Christus.11
Theophylactus : Ovium totius mundi oxile Petro commendabat; non
autem aliis, sed huic tradidit.12
Et idem dicunt Sanctus Cyrillus et Sanctus Augustinus, in eodem
loco Joannis.
(!) De Consider. I. 2. c. 8. n. 15. (2) Ibid.
(3) In Luc. c. 24. l. 40. n. 476. 4) Ancorat. c. 9.
(5, In Joan. homil. 88. n. 4. (6) Ibid. n 2.
In Natal. BB. Petri et Pauli , serm. 4.
(8) Serm. 298. c. 4. Edit. Ben. (9) Serm. 46. c. 4$. Ed>t. Ben.
(10) Epist. 40. c. 2. adepisc. prov. Vienn. Edit. Ballerin,
(11) ln annivers. assumpt. suce, serm. S. (12) In Joan. c. ult.
CAP. III. PROBATUR ITERUM EX SCRIPTURIS. 547
rdem scripsit Sanctus Thomas : Petro et ejus successoribus (Chri
stus) plenissime (potestatem) commisit, et nulli alii quam Petro quod
suum est plenum, sed ipsi soli dedit.1 Hinc scripsit idem Sanctus
Doctor temere errare qui asserunt fideles definitionibus Papæ subesse
non teneri : Petro dixit : <* Pasce oves meas, etc. ; » per hoc autem
excluditur quorumdam pt'œsumptuosus error qui se subducere nitun
tur a subjectione P etri, successorem ejus Romanum Pontificem
universalis Ecclesiæ pastorem non recognoscentes.2
II
Hinc apparet quantum erret Fébronius dicens illud pasce dictum
fuisse non Petro, sed Ecclesiæ; quæ si est congregata in Synodo
oecumenica, ei subjacet Pontifex ; si autem non est congregata, sed
dispersa, Pontifex est quidem illius caput, sed caput tantum ministe-
riale, et ideo majorem in hoc corpore aristocratico partem non habet
quam alii episcopi, qui æqualem ac Papa potestatem habent, tam
quoad ea quæ sunt ordinis, quam jurisdictionis ; nam seque ac Papa
sunt ipsi pastores ovilis Christi tamquam Apostolorum successores.
Sed in omnibus his Fébronius errat. Ait, non Petro, sed Ecclesiæ
dictum fuisse : Pasce oves meas. Ergo Christus imposuit Ecclesiæ
ut seipsam pasceret ? Imposuit ovili ut pasceret pastorem ? Peto :
Ecclesia estne ovile Christi ? atque si Christus imposuit Petro pascere
suum ovile, quomodo ovile non subjacebit Petro, sed ovile præerit
Petro ?
Episcopi autem sunt quidem ovium Christi pastores, ad partem
sollicitudinis vocati, sed Pontifici tamquam primo totius ovilis pastori
principalis cura collata fuit ; unde ipsi tamquam supremo capiti omnes
episcopi subesse tenentur.
Fébronius dicit : Itaque Ecclesia ipsa principaliter et radicaliter
obtinet potestatem Clavium, quæ ab illa in omnes ejus ministros
ipsumque Summum Pontificem derivatur, et singulis quibusque
pro sua portione communicatur?
Sed aliter docet Sanctus Leo dicens : Quibus (sacerdotibus) cum
dignitas sit communis, non est tamen ordo generalis; quoniam et
inter... Apostolos in similitudine honoris fuit quœdam distinctio
(1) Opusc. contr. errores Grcecor. ch. 5%. (Ex S. Cyril.in Thesaur.)
(2) Contra Gent. U 4. c. 76. (3) Loc. ctt, c. /. § 6. n. 5.
548 APPENDIX I. — VINDICTE, ETC.
potestatis ; et cum omnium par esset electio, uni tamen datum est
ut cœteris prœemineret ;... de qua forma episcoporum quoque est orta
distinctio,... ne omnes sibi omnia v in d ic a r e n tp e r quos ad unam
Petri Sedem universalis Ecclesiœ cura conflueret
Praeterea scripsit Sanctus Gregorius : Se dicit Sedi Apostolicœ
subjici : si qua culpa in episcopis invenitur, nescio quis ei episcopus
subjectus non sit; cum vero culpa non exigit, omnes secundum ratio
nem humilitatis œquales sunt.2
Unde Zozymus impiam confusionem vocavit ut unus invadat fines
alterius episcopi : Omnes admonemus ut quique territoriis suis con
tenti sint; nam barbara et impia ista confusio est aliena praesu
mere.6 — Observa quae supra hoc puncto dicemus in capite YII.
Licet autem cura episcoporum particularis sit respectu ad suas
particulares greges, attamen, si aliquis episcopus oriri nosset haere-
sim aliquam in Ecclesia aliena, tenetur ipse quantum potest damnum
reparare, eo quod omnes episcopi tenentur quidem bono Ecclesiae
universalis incumbere. Si quis enim numerosum haberet gregem, iste
principalem curam illius uni committeret -pastori, sed alios quoque
pastores inferiores destinaret, quorum unusquisque portionem illius
gregis custodiret. Si autem aliquando eorum aliquis adverteret lupos
alienis portionibus insidias machinari, certe damno occurrere tene
retur. Eodem modo episcopi, cum omnes ejusdem ovilis Christi' pa
stores sint, tenentur, quoad possunt eorumque incumbentiæ convenit,
Ecclesiam universalem tueri et damnum reparare.
Et hoc utique est quod Sanctus Augustinus et Sanctus Cyprianus
scripserunt, ac frustra Fébronius nobis opponit. Sanctus Augustinus
dicebat : Cum communis sit omnibus nobis, qui fungimur episcopatus
officio, ... specula pastoralis, facio quod possum... ut pestilentibus...
eorum scriptis medcntia et munientia scripta prœtcndamA Et Sanctus
Cyprianus inquit : Copiosum corpus est sacerdotum... unitatis imi
cula copulatum, ut si quis ex collegio nostro... gregem Christi...
vastare tentaverit, subveniant cœteri;... nam, etsi pastores multi
sumus, unum tamen gregem pascimus. 5 Sed ex his dictis non
infertur quod Fébronius infert, nempe quod omnes episcopi, tam
(1) Epist. 44. c. 41. Edit. Ballerin.
(2) Epist. I. 7. indict. 2 . epist. 67. (3) Epist. ad Episc . Gall.
(4) Contr. duas epist. Pelag l. 4. c Î.
(5) Epist. 67 {alias 68), ad Stephan . n. 5 et 4.
CAP. III. PROBATUR ITERUM EX SCRIPTURIS. 549
quam ovilis Christi pastores, in potestate æquales sunt Pontifici et
ab eo indépendantes ; sed tantum infertur quod, ubi quidam lupus
gregem Christi vastare tentaverit (ut loquitur Sanctus Cyprianus)
et desit alius qui damnum reparet, quivis episcopus, ut damno occur
ratur, operam dare tenetur.
Distinguere autem oportet in episcopis potestatem ordinis, quæ ad
intrinsecum episcopatus pertinet, nempe quod episcopus valeat ordines
conferre, ecclesias consecrare, sacramentum Confirmationis mini
strare, et similia, a potestate jurisdictionis, quæ ad externum, scilicet
ad gregis gubernium, spectat.
Quoad potestatem ordinis, sine dubio omnes episcopi æquales sunt
Pontifici (eam enim tam Papa quam episcopi immediate a Christo
habuerunt) ; sed non quoad potestatem jurisdictionis. Quæstio autem
an potestas jurisdictionis quam habent episcopi, immediate a Christo
vel a Papa eis communicetur, est quæstio de mero nomine; nam,
etiamsi episcopi illam a Deo, non a Papa, immediate reciperent,
semper tamen recipiunt subjectam supremæ potestati quam Christus
Papa? contulit super cunctam Ecclesiam. Quamvis igitur episcopi
immediate a Deo haberent potestatem, hoc tamen non impedit ipsos
Pontifici subesse, ut revera subsunt. Et ideo Summi Pontifices ab
antiquis sibi reservare consueverunt dispensationes irregularitatum,
impedimentorum dirimentium matrimonia, sicut etiam plurium voto
rum, et absolutionem plurimorum casuum, virtute illius supremæ
potestatis, prout Tridentina Synodus declaravit ; Pontifices Maocimi,
pro suprema potestate sibi in Ecclesia universa tradita, causas ali
quas criminum graviores suo potuerunt peculiari judicio reservare.1
Perpende verba : Buo potuerunt peculiari judicio reservare.
Hinc Facultas Parisiensis, anno 1554, plenis votis sequens decre
tum prodidit : Omnes et singuli magistri nostri... ipsum Romanum
Pontificem ut summum Jesu Christi Vicarium et universalem
Ecclesiæ Pastorem, cui plenitudo potestatis a Christo data sit,...
fideliter et libenter agnoscunt et confitentur, 2 Gamachæus, ejusdem
Facultatis regius professor, distinguens jam in episcopis potestatem
earacteris a potestate jurisdictionis, scripsit : Clarissimi theologi su
stinent episcopos, etiamsi habeant potestatem earacteris immediate a
(1) Sess. 44. Pe Pœntt. cap. 7.
(2) Apud Maucler. Pe Monarch. p, 4. X. 8. c. 6.
550 APPENCrX I. — VINDICIÆ, ETC.
Christo, non tamen potestatem jurisdictionis, sed hanc potius a
Summo'Pontifice accipere, l Ac prius id scripsit Innocentius I, anno
404, ad episcopos africanos : A quo (Petro) ipse episcopatus et tota
hujus nominis auctoritas emersit 2
III
Objicit alius auctor ex adversariis Christum non dixisse Petro :
Pasce oves tuas, sed : Pasce oves meas; et ex hoc infert Christum esse
pastorem absolutum gregis, Petrum autem et Apostolos pastores
tantum ministeriales.
Respondetur : Salvator noster, dum hic vixit, non tantum invisi
bilis et internus, sed etiam visibilis pastor Ecclesiae et caput exstitit,
et ideo dixit : Oves meas, non tuas; cum vero postea in coelum
ascendit, mansit quidem ipse invisibilis et internus pastor Ecclesiæ,
prosequens suae gratiae influxibus ac internis illustrationibus eam
regere; sed illi suo visibili ovili visibilem et externum pastorem
reliquit Petrum, qui visibiliter dubia fidei definire posset ; alioquin
tam Papa quam episcopi et sacerdotes essent superfiui. Itaque Petrus,
respectu Christi pastoris invisibilis, non est nisi unus ex ejus grege ;
et hoc est quod Sanctus Augustinus dixit (et adversarius nobis
opponit) scribens Christum esse pastorum pastorem; sed, respectu
ad Ecclesiam et ejus externum regimen, est supremus et visibilis
pastor. Quis non videt ad regendum regnum visibile, visibili capite-
opus esse ?
Pergit idem auctor, et ait : Successores Petri alia auctoritate non
gaudere, nisi illa quam grex ipsis impertitur, cum gregi collata sit
facultas eligendi Pontificem. — Sed peto : adversarii non negant
Papam habere saltem primatum in Ecclesia ; cardinales autem habent
primatum ? minime ; quomodo igitur possunt cardinales Papæ conferre
primatum illum quem non habent? Habent quidem ipsi facultatem
eligendi Papam, sed Papa electus non jam ab ipsis, sed a Deo aucto
ritatem accipit. Hinc adhuc in conciliabulo Basileensi, ubi potestas
pontificia tam fuit depressa, in oratione ad Patres habita dictum fuit :
Hœc potestas et praesulatus auctoritas Petro tributa fuit, non ab
(1) De Sacram . Ordinis, c. 9.
(2) Epist. 24. Rescript. ad Episc. A fric.
CAP. III PROBATUR ITLRUM EX SCRIPTURIS. 55L
hominibus, sed a Christo Salvatore.l Et Sanctus Gelasius papa, allo-
quens Patres Concilii Romani, dixit : Romana Ecclesia nullis syno
ditis constitutis cæteris Ecclesiis prœlata est, sed evangelica vore
Domini primatum obtinuit.2
(1) Orat. ad Patres habita ab archiep. Tarent. — Labb. t. 12. coi. 886.
(2) Orat . ad Patres Concil Roman, ann . 494.
CAPITULUM IV.
§ I.
PROBATOR EX. IPSIS CONCILIIS.
§ II.
PROBATUR E i DUPLICI RATIONE.
37
CAPITULUM VI.
I
Docet Sanctus Thomas regimen monarchicum esse omnibus aliis
perfectius : Optimum regimen multitudinis est, ut regatur per
unum; pax enim et unitas subditorum est finis regentis; unitatis
autem congruentior causa est unus quam m ulti.1 Idem olim scripsit
Plato : Unius dominatio, bonis instructa legibus, lex illarum omnium
optima est; gubernationem vero eam in qua non multi imperant,
mediam censere debemus ; cceterum multorum administrationem om
nibus in rebus debilem,2 Aristoteles pariter, postquam tres gubernii
formas adduxerat, scribit : Harum optima regnum.3 Idem dixit
Plutarchus : Si optio eligendi concessa fuerit, non aliud deligat
quam unius potestatem,4 Et ita etiam Euripides,3 Isocrates,'’’ Sto-
beus,7 et alii philosophi gentiles locuti sunt.
Disserens autem Sanctus Thomas particulariter de rebus fidei,
dicit : Circa ea quae fidei sunt, contingit qucestiones moveri; per
diversitatem autem sententiarum divideretur Ecclesia, nisi in uni
tate per unius sententiam conservaretur.s Hinc angelicus Doctor
statum Ecclesiae omnino monarchicum existere fundat.
Idque prius docuit Sanctus Cyprianus : Unus omnium Dominus
est Deus;... ad divinum imperium etiam de terris mutuemur exem-
(1) Contr. Gent. I. 4. c. 76. (2) De Regno.
(3) Mthtc. I. 8. c. 40. (4) De Monarchia.
(5) In Phoenicis, vers. 505-506. (6) Nicocles.
(7) Sentent, serm. 45. (8) Loc. cit.
cap. v i. p l io b a t u r r Xt i o n b . 579
plum rex unies est apibus, et dux unus in gregibus, et in armentis
rector unus. 1
Idem scripsit Sanctus Joannes Chrysostomus ubi loquens prius de
anarcliia, id est de carentia principatus, dicit eam esse argumentum
subversionis ; deinde necessitatem unius rectoris sic describit : Si a
navigio (ait) ademeris gubernatorem, navem demerges; si a grege
pastorem, omnia evertisti
Ratio autem cur regimen monarchicum aliis præfertur, est quia
monarchia, quæ ab uno solo pendet, difficilius quam aristocratia
dependens a pluribus, dividi et destrui potest; difficilius enim sim
plex unitas dividitur quam multitudo, licet hæc ad unionem conspiret.
Et revera omnia symbola quibus in Scripturis denotatur Ecclesia,
nimirum regni, navis, arcae, ovilis, domus, aciei ordinatæ, omnia
necessitatem unius rectoris significant.
Ex historia autem patet regimen monarchicum omnibus aliis fuisse
melius; et aristocraticum ssepe dissentionum, imo aliquando exter
minii imperiorum causam extitisse.
Corpus quidem Ecclesiae mysticum nunquam potest esse unum,
nisi unum praesit visibile caput, a quo corpus Ecclesiæ regatur. In
antiqua Lege Dominus sic praecepit : Amarias autem, sacerdos et
pontifex vester, in his quee ad Deum pertinent, prœsidebit; porro
Zabadias, filius Ismael, qui est dux in domo Juda, super ea opera
erit, quee ad regis officium pertinent,3 Si ergo in Lege antiqua unus
sacerdos præesse debuit divinis rebus, quanto magis id locum habere
debet in Lege nova, quæ antiquae perfectio et complementum est ?
Hinc communiter docto res, ut Sanctus Thomas,4 Gerson,5 Bellarmi
nus,6 Duvallius,7 Gretserus, Sanderus,8 Charias,9 et alii (nec contra
dicunt Dupinus10 et Richerius n ), docent regimen Ecclesiæ esse monar
chicum, cum duplici tamen discrimine a gubernio monarchico tem
porali : primum, quia episcopi, licet Papae subjecti, non sunt tamen
(1) De Idolor. Vanit. n . 8. (2) In H e b r. homil. 34.
(3) II. Paral. 49. it. (4) Contr. Cent. I. 4. c 76.
(5) De Statib. ecclesiast. super Stat. Summ. Pontif. consid. f.
(6) De Rom. Pontif. I. 4. c. 9.
(7) De supr. Rom. Pontif. Potest, p. 4. q.%.
(8) De visîb. Monarch. I. 5.
(9) De Libertatib. Eccl. Gallic. I. t%. passim.
(10) De antiq. Eccl. discipl. diis. 4. c. S. §3.
(11) De eccl. et polit. Potest, c. 3.
580 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
ejus vicarii, sed ordinaria potestate suas regunt Ecclesias ; secundum,
quia nec Papa, nec episcopi, hæreditaria successione suas dignitates
acquirunt, ut reges, sed ex omni classe fidelium eliguntur.
Omnino igitur principatum Ecclesiæ monarchicum esse tuemur
cum Sancto Thoma, ut supra, et Sancto Antonino,1 et aliis pluribus,
inter quos pro omnibus valeat unus Joannes Gerson, qui pertingit ad
asserendum haereticum esse, qui Pontificis sfcatum pertinaciter nega
ret esse monarchicum. En ejus verba : Status papalis institutus est a
Christo supernaturaliter et immediate, tamquam primatum habens
monarchicum et regalem in ecclesiastica hierarchia, secundum quem
statum unicum et supremum Ecclesia militans dicitur una sub
Christo; quem primatum quisquis impugnare, vel diminuere, vel
alicui ecclesiastico statui particulari cocequare praesumit, si hoc
pertinaciter faciat, haereticus est, schismaticus, impius, atque sacri
legus. Cadit enim in hæresim toties expresse damnatam a principio
nascentis Ecclesiæ usque hodie, tam per institutionem Christi de
principatu Petri super alios Apostolos, quam per traditionem totius
Ecclesiæ in sacris eloquiis suis et generalibus C o n c iliis Inquit
igitur Gerson tam institutione Christi quam traditione Ecclesiæ de
hseresi notandum, qui statum papalem negat esse monarchicum; cum
enim Petrus Ecclesiæ fundamentum totiusque ovilis pastor a Christo
fuerit deputatus, merito infertur suprema potestas ipsi ejusque succes
soribus tradita fuisse. Hæc famosa Gersonis sententia, tam valida
ratione probata, ad compescendos negantes monarchicum Papae regi
men potissimum valet.
Tanto magis quod nec Papa, nec quivis temporalis monarcha, pote
statem supremam talem habet, ut quidquid velit ad libidinem agere
valeat; habent enim ipsi potestatem supremam, quodammodo mora
lem, qua possunt independenter quidem ab assensu aliorum facere
omnia, sed ea tantum quæ consona videntur rationi. Præterea quivis
monarcha, directive et ordinarie loquendo, legibus sui regni confor
mare se debet; potest tamen in illis semper dispensare. Præterea
convenit principi consilium a sapientibus exquirere et sequi; idque
praesertim Papa ordinarie in usu habet, cardinales aliosque praelatos
in negotiis majoris momenti consulendo. Yerumtamen falsum et per-
(1) Summa, p 3. ttt. 55. c. 5. § 3.
(2) De Statib. eccl. super Stat. Summ. Pontif. consid. 4.
CAP. VI. PROBATUR RATIONE. 581
niciosum principium illud Gersonis fiiit, nempe quod monarcha a sua
natione legitime judicari possit ; nam (ut ait), cum natio sit totum
respectu principis, qui tantum est pars, in natione suprema auctoritas
manet. Principium dixi falsum regnisque infestissimum; sic enim
subditis seditiones commovendi in principem occasio praeberetur,
semper ac ipsi principem injusta praecipere putarent.
II
Fébronius autem supremam potestatem apud Ecclesiam existere
adstruit; Pontifici tantum attribuit primatum, quo tamquam caput
ministeriale corporis Ecclesiæ, idest tamquam Ecclesiæ minister,
potest dumtaxat, casu quo Concilium sine magna difficultate congre
gari nequit, leges aliquas generales indicere; sed illae robur non
habent, nisi communi consensu aliorum recipiantur; potest etiam (ait)
in controversiis fidei, aut morum, aut disciplinae, suas definitiones
ferre ; et illis, juxta Gersonem, provisorie obtemperandum est, ad non
dogmatizandum oppositum ; tamen ipsæ non sunt irrefragabiles, nec
obligant, si Ecclesia reclamat. Dicit etiam causas majores referendas
esse ad Pontificem, sed non quidem ut quaestiones suo judicio termi
nentur, sed tantum ut sic Ecclesiæ dissitae conferre inter se communi
que bono consulere possint. Addit muneri Pontificis annexam esse
sollicitudinem, ut Canones ubique observentur, fidei integritas custo
diatur, ritus substantiales in Sacramentis ministrandis adhibeantur,
et unfim sanam doctrinam omnes profiteantur. Cæterum Fébronius
vult primatum Papæ non esse potestatis et jurisdictionis super alias
Ecclesias, sed directionis tantum et vigilantiae ; unde scribit non posse
Pontificem condere leges pro tota Ecclesia obligantes, nec responsa
ipsius obligationem strictam inducere ; et ideo reprehendit episcopos
qui omnimodæ obedientiæ Pontifici se subjiciunt.
Sed hujusmodi Febronii opiniones nec sententiis Conciliorum, ut
vidimus, nec dictis Patrum, nec ipsius Gallicanæ Ecclesiæ sensui
consonant; Facultas enim Parisiensis, anno 1617, .damnavit ut haere
ticam propositionem Marci Antonii de Dominis, qui dicebat Papam
non habere jurisdictionem de jure divino super alias Ecclesias ;1 et
jampridem eadem Facultas, anno 1543, sic declaraverat : Nec minas
certirm est unum esse jure divino summum in Ecclesia Christi
(1) Apud Duplessy d'Argentre, Collect. judicior . t . S. p. i OS.
582 APPENDIX I. — v in u ic iæ , e t c .
III
Sed antequam praesens capitulum terminemus, dicamus aliqua de
judiciaria Pontificis potestate, quam Fébronius (ut retulimus) fere
totaliter abolere nititur.
Asserit2 quod Papa primatum jurisdictionis, de quo nunc gaudet,
non obtinuit nisi per usurpationem, quæ usurpatio ex falsis Isido-
rianis Decretalibus causam habuit. — Ergo (dicemus) verum non est
quod Christus Ecclesiæ adsistit, ut pollicitus est, cum permiserit
quod Ecclesiæ gubernium subverteretur, sinens ut illa regeretur per
tam longum tempus ab eo qui vera regendi jurisdictione carebat ?
Sed vere Dominus Ecclesiæ suæ adest, et semper adfuit ; primatus
enim Pontificis impraesentiarum idem est ac olim ante Isidori
Decretales erat; et ideo a Concilio Lateranensi III Ecclesia Romana
appellata fuit Mater universorum fidelium.3 Quamvis autem Ecclesia
habeat quidem leges naturales et divinas, quibus utique uniformare
se debet, nihilominus etiam necessarium est ut, juxta circumstantias
rerum et temporum, pluries alias leges promulget quæ ad observan
tiam ipsarum divinarum legum conferunt. Ad servandam enim uni
tatem fidei et doctrinæ, duo requiruntur, ut scripsit Coelestinus papa,
dicens : Et quœ coercenda sunt, resecemus ; et quœ observanda sunt,
sanciamus,4 Atque ad hæc requiritur judiciaria potestas, qua usque
ab antiquis temporibus pollet Romanus Pontifex : Quatenus Beatis
simus Romanœ civitatis Episcopus, cui principatum sacerdotii super
omnes antiquitas contulit, locum habeat ac facultatem de fide et
(1) Epist. 85, ad Cornei. (2) Loc. cit. o. 3. § P. n alibi.
(3) Capitul. S. — Labb. f. 44. coi. 483.
(4) Ad episc. provinc. Vienn. et Narbon. init.
CAP. VI. PROBATUR RATIONE. 589
I
Fébronius hunc titulum præmittit : Episcopatus in Ecclesia unus
est, et omnibus episcopis certo modo communis.1 Deinde scripsit
Christum commisisse Apostolis ut opus nostrse salutis a se incoe
ptum ipsi prosequerentur, et ideo æqualem auctoritatem quam tradidit
Petro, eis quoque est impertitus cum potestate assumendi ad idem
opus perficiendum alios ministros simili auctoritate munitos. Hinc
sic ait : Eos his consequens est omnes episcopos in sua institutione,
praeveniendo omnem humanam ordinationem, esse in potestate guber
nandi Ecclesiam æquales, non tantum quoad ea quae ordinis sunt,
sed et quæ jurisdictionis, in quantum hæc ad Ecclesiæ regimen
spectant ; constat etenim successorem in jura sui praedecessoris suc
cedere, nisi ostendatur hæc in successore legitime restricta esse.2
Pergit deinde dicens episcopos, quoad ea quæ pertinebant ad Apo
stolos ut Apostolos, nempe ad dona linguarum, miraculorum, et simi
lia, eis non successisse ; successisse vero quoad ea quæ ipsis specta
bant ut episcopis; unde concludit quemlibet episcoporum æqualem
universi curam sustinere, et unum episcopatum a pluribus geri, cum
Clavium potestas (inquit) universitati Ecclesiæ ita transcripta sit, ut
illa per ejus ministros pro sua cujusque porticme, ac inter hos per
Summum Eontiflcem, exerceatur.3
Postmodum in capite YII* dicit quod, facta proinde dicecesum
(1) Loc. at. c. S. § 4. (2) Loc. at. c. 7. § 4.
(3) Loc. cit. c. L § 6. init. (4) § o.
CAP. VII. DE EPISCOPORUM POTESTATE, ETC. 591
divisione (quam asserit incœpisse usque ab Apostolis), mansit illa
solidaria sollicitudo et obligatio primorum pastorum ; aed sine prae
judicio jurium aliorum episcoporum in dioecesibus ipsis attributis.
Insuper inquit quod adscriptio episcoporum ad certum populum
non impedit quominus Udem vocari censeantur ad impendendam
omnibus fidelibus^ pastoralem curam, dum id salus populi exigit.1
Idque probat textu Sancti Cypriani : Episcopatus unus est, cujus a
singulis in solidum pars tenetur.2 Et hac sententia fretus, novus hic
Ecclesiæ moderator Fébronius vult quod episcopi et Papa unum
episcopatum in toto orbe christiano, unusquisque pro sua portione,
exerceant. Oportet igitur sedulo perpendere auctoritatem Sancti
Cypriani, ut verum Sancti Doctoris percipiamus sensum, qui longe
abest a sensu Febronii, ut videbimus.
Sanctus Cyprianus, in suo celebri opere De Unitate Ecclesiœ,
scribit quod Satanas hæreses invenit et schismata, quibus subverteret
fidem,... scinderet unitatem; 3 hæreses autem has et schismata dicit
oriri ex eo quod ad veritatis originem non reditur, nec caput quœ-
ritur.4 Ad removendas igitur hæreses et schismata, opus est perve
'nire ad originem sive caput ecclesiasticae potestatis ; qualis auteyn
sit hæc origo et caput, audiamus eumdem Sanctum Cyprianum sic
docentem : Loquitur Dominus ad Petrum : « Ego tibi dico quia tu
es Petrus, et super hanc petram œdificabo Ecclesiam meam, et Portœ
inferorum non vincent eam; et tibi dabo Claves regni coelorum,
et quœ ligaveris super terram, erunt ligata et in cœlis; et quœ-
cumque solveris super terram, erunt soluta et in cœlis * » Et iterum
eidem post resurrectionem suam dicit : « Pasce oves meas.3 « Super
illum unum œdificat Ecclesiam suam, et illi pascendas mandat oves
suas. E t quamvis Apostolis omnibus , post resurrectionem suam,
parem potestatem tribuat, et dicat : « Sicut misit me Pater, et ego
mitto vos ; accipite Spiritum Sanctum ; si cujus remiseritis peccata,
remittentur illi; si cujus tenueritis, tenebuntur;*1 » tamen, ut uni
tatem manifestaret, unam Cathedram constituit, unitatis ejusdem
originem ab uno incipientem sua auctoritate disposuit. Hoc erant
utique et cœteri Apostoli quod fuit Petrus, pari consortio prœditi ei
.2
nem veritatis, hæreses ortum habuerunt : Et cum hœreses et schi
smata postmodum nata sint, dum conventicula sibi diversa constituunt,
v e r i t a t i s c a p u t atque o rig in e m reliquerunt Et alibi dicit : Qui
Cathedram Petri deserit, in Ecclesia se esse confiditf 3 Ac proinde
scripsit Sanctus Leo Christum super Petrum Ecclesiam aedificasse, uf
ceterni templi aedificatio... in Petri soliditate consisteret, hac Eccle
siam suam firmitate corroborans,... ne Portae contra illam inferi
praevalerent.1
Ad unitatem igitur doctrinae et fidei in tota Ecclesia servandam,
unum Romanum Pontificem veritatis caput (juxta Sanctum Cypria
num) Dominus constituit, ut ipse universam regat Ecclesiam, omnes-
que fideles et episcopi ab ipso pendeant, ac in ejus judiciis quiescant.
Sed instat Fébronius: Sanctus Cyprianus ait: Episcopatus unus est,
cujus a singulis in solidum pars tenetur. 5 Quid denotat, inquit, illud
in solidum tenetur , nisi quod singuli totius episcopatus Ecclesiae
curam habent? — Sic intelligit Fébronius textum illum ; sed non sic
intelligunt cardinalis Bellarminus,6 pater Mamachius,7 et alii com
muniter, imo nec etiam pater Natalis Alexander. 8
Dixit Sanctus Cyprianus in solidum teneri, sed non dixit a singulis
in soRdum teneri aequaliter: Sanctus Doctor ibi non aliud dicere
voluit, quam omnes episcopos unum componere corpus, quo universa
regitur Ecclesia: ita ut omnes integrum episcopatum regunt, sed
unusquisque pro sua parte ; si enim Sanctus Cyprianus sentiret
quemque episcopum totius Ecclesiae curam habere, utique dixisset :
Episcopatus unus est, qui totus a singulis in solidum tenetur ; sed
dixit : Cujus a singulis in solidum pars tenetur . Omnes igitur tenent
(1) Loc. cit. c. o. § 8. «. $. (2) De Unit. Eccl . c. 42.
(3) Ibid. c. 4. (4) Epist. 40. ad episc. prov. Vienn. Edit. BalteHn.
(5) De Unit. Eccl. c . 5. (6) De Rom. Pontif. I. 2. c . 46.
(7) Origin. christianar. 1. 4. p . %. c. 4. § 3. n. 4.
(â) Sœc. I. diss. 4. § 3. obj. 7.
CAP. VII. DE EPISCOPORUM POTESTATE, ETC. 595
unum episcopatum in solidum, sed unusquisque illum pro sua portione
regit ; et omnes ab uno capite pendent, sicut omnes radii ab uno sol**
manant, ut sic Ecclesise et fidei unitas servetur.
Dicit autem in solidum ; quia, etsi unusquisque curam habet suæ
partis, tamen simul aliorum partes tenet in solidum, in quantum
quisque episcopus vinculo mutuæ unionis, non quidem obligationis,
cum aliis tam debet esse conjunctus, ut, ubi necessarium est, bono
aliarum partium et totius ovilis, cum possit, providere teneatur.
Omnibus enim cujuscumque corporis membris insita est obligatio, nt
unum occurrat ad impediendum damnum alterius, et tanto magis
totius corporis, ubi aliter detrimentum reparari non possit.
Hoc ipsemet Sanctus Cyprianus exprimit in sua epistola ad Stepha-
num, in qua scribit : Copiosum corpus est sacerdotum concordias
mutum glutino atque unitatis vinculo copulatum, ut si quis ex colle
gio nostro hceresim facere et gregem Christi lacerare et vastare ten-
taverit, subveniant cceteri Nam, etsi pastores multi sumus , unum
tamen gregem pascimus, et oves universas quas Christus sanguine
suo et Passione quaesivit, colligere et fovere debemus.1 Idem expressit
Sanctus Augustinus, ubi sic scribit : Cum communis sit omnibus no
bis, qui fungimur episcopatus officio {quamvis ipse in eo praeeminens
celsiore fastigio), specula pastm*alis, facio quod possum pro mei
particula muneris, quantum mihi Dominus, adjuvantibus orationi
bus tuis, dare dignatur, ut pestile?itibus et insidiantibus eorum
scriptis medentia et munientia scripta praetendam.3
Sic igitur Sanctus Cyprianus et Sanctus Augustinus explicant,
quemcumque episcopum teneri ad reparandum damnum.fidei, ubi
opus est, et ad tuendam unitatem Ecclesiæ. Hoc ipsum satis declarat
Sanctus Cyprianus eodem loco, ubi profert laudatam sententiam illam
(quæ pluries a Febronio affertur in medium) : Episcopatus unus est,
cujus a singulis in solidum pars tenetur. Ibi enim Sanctus Doctor
probare vult Ecclesiam esse unam,-quia unam fidem omnes profiteri
et defendere tenentur ; hinc ait: Hanc Ecclesiœ unitatem qui non
tenet, tenere se fldmn credit?... quando et Beatus Apostolus Paulus
hoc idem doceat et sacramentum unitatis ostendat dicens : « Unum
corpus et unus spiritus, una spes vocationis vestrœ, unus Dominus,
(1) Epist. 67 (altas 68), n. 3 et 4.
(2) Contr. duas epist. Pelag. I. 4. c. 4. ad Bontf. pap.
596 APPENDIX I, — VINDICIÆ, ETC.
tma fides , unum baptisma , unus Deus.1 » Quam unitatem firmiter
tenere et vindicare debemus, maxime episcopi, gwi tn Ecclesia prœ si
demus, ut episcopatum quoque ipsum unum atque indivisum probe
m us.... Episcopatus unus est, cujus a singulis in solidum pars tene
tur. Ecclesia quoque una est, quae in multitudinem latius incremento
fœcunditatis extenditur. Quomodo solis m ulti radii, sed lumen unum ,
et rami arboris multi, sed robur unum tenaci radice fundatum, et
cum de fonte uno rivi plurim i defluunt,... unitas tamen servatur
in origine;... sic et Ecclesia Domini, luce perfusa , per orbem totum
radios suos porrigit;... unum tamen caput est, et origo una . 2
Palet igitur, in hoc loco Sanctum Cyprianum nihil aliud significare
\elle, quam omnes fideles et maxime episcopos teneri ad tuendam ac
observandam unitatem fidei et doctrinæ, ut unitas Ecclesiæ servetur ;
ac propterea omnes a Romano Pontifice, tamquam capite et origine
unitatis, pendere debent.
III
Observo autem quod Fébronius sic scribit: Diximus (cap. i. Jj i.)
<'laves a Christo non uni Apostolo, sed corpori Ecclesiæ datas esse,
primario gerendas per Apostolos, quibus omnibus et singulis Domi-
nifs eas tradidit immediate, ita ut quilibet horum æqualem in eis
portem habuisse credatur, non quidem (nota) quoad externum et
politicum regimen, sed primam et essentialem religionis partem chri-
stianæ, videlicet fidei seu doctrinæ propagationem et conservationem A
Apostoli igitur, ut hic ait Fébronius, non habebant aequalem partem
quoad externum regimen Ecclesiæ; quomodo autem dicit alibi, ut
notavimus sub initio hujus capituli, quod episcopi, tamquam Aposto
lorum successores, sunt in potestate gubernandi Ecclesiam æquales
(Pontifici), non tantum quoad ea quæ ordinis sunt, sed et quœ juris-
dictionis, in quantum hæc ad Ecclesiæ regimen spectant?4 En quo
modo Fébronius in suo falso systemate cogitur quandoque sibimet
contradicere ! Sic evenit eis qui falsis principiis nituntur ; facile in
contradictiones incidunt.
Sed ipse sibi fingat et constituat sicut vult statum et regimen
Ecclesiae, nunquam inficere poterit veritatem quam Concilia et Patres
(1) Ephes. 4. 4- 6. (2) De Unit. Eccl. c. 4 et 5.
(3) Loc. cit. c 3. § 4. in it. (4) Loc. cit. c. 7. § 4.
CAP. VII. DE EPISCOPORUM POTESTATE, ETC. 597
IV
Opponit Fébronius auctoritatem Sancti Augustini in Sermone
■ubi scribit Christum non soli Petro, sed toti Ecclesiae Claves tradi
disse : Has enim Claves non homo unus,'sed unitas accepit Ecclesiae....
Audite in alio loco quid Dominus dicat Apostolis sitis : « Accipite
Spiritum Sanctum, » et continuo : « Si dimiseritis peccata, dimit
tentur, etc. — Eodem modo loquitur Beda : Omni igitur electorum
Ecclesiæ, juxta modum culparum vel pœnitentiæ, ligandi atque sol
vendi datur auctoritas.2 — Idem dicunt Sanctus Fulgentius et Sanctus
Cyrillus Alexandrinus apud Febronium.
Sed respondemus prselaudatos Patres ibi de absolvendi facultate
loqui ; et nulli dubium hanc facultatem non tantum ad Pontificem,
sed etiam ad omnes episcopos pertinere, tamquam eorum characteri
episcopali intrinsecam ; sed hæc eadem facultas est ac semper fuit
Pontifici subordinata, in quantum Pontifex potest eam limitare, sicut
a Trideutina Synodo expressum fuit : Merito Pontifices Maximi, pro
suprema potestate sibi in Ecclesia universa tradita, causas aliquas
'Criminum graviores suo potuerunt peculiari judicio reservare. 3 Et
ad hoc comprobandum plures Canones ibi citantur : cap. Ita quorum
dam, de Judæis ; cap. Conquesti, de sent. excomm. ; et alii.
39
CAPITULUM VIII.
,l
1° Objicit illud quod habetur in Sancto Matthæo : Si autem pec
caverit in te frater tuus, vade, et corripe eum .. quod si non au
dierit..,, dic Ecclesiœ En, dicit,3 quomodo Christus præcepit quod
ubi agitur de aliqua re gravi, ad Ecclesiam recursus, non vero ad
Papam habeatur.
Sed quis non videt textum praefatum non de alio loqui quam de
fraternae correptionis praecepto, quod non tantum Petro, sed omnibus
Apostolis et omnibus fidelibus intimatur? Per illud autem verbum
« dic Ecclesiœ, » peto quid nomine Ecclesiœ intelligitur ? Conciliumne
generale? nequaquam; generalia enim Concilia raro adunantur; unde
ineptum esset censere quod quotiescumque aliquis incorrigibilis
peccator denunciaudus esset, Concilium generale expectari deberet.
Nomine Ecclesiœ intelligitur praelatus Ecclesiae illius in qua peccator
degit, ut explicat Sanctus Joannes Chrysostomus : Dic Ecclesiœ, prœ-
sulibus scilicet ac prœsidentibns. 3 Sic etiam explicat Origenes hunc
(1) Act. 6. (Coi. reg. t. 48.) (2) Cone.Chalced. p.3. epist. 3%.
(3) Ibid. epist. %. (4) Can. 5. dist. 47.
(5) Hist. I. S. c. 8. (6) Cap. « Significasti, «■de Elect.
(7) Sess. ult. Def. — Labb. t. 43 coi. 4461.
(8) Loc. cit. c. 6. § S. (9) Hist. eccl. I. 6. c. 9.
(10) Act. 48. seryn. acclamat.
620 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
2° Asteerit secundo Fébronius1 quod nullus Pontificum ausus est
discutere definitiones Conciliorum pro generalibus habitorum ; sed,
■contra, Pontifices suas definitiones ad Concilia transmittebant, ut ab
illis confirmarentur.
At penitus in utroque errat.
а) Constat enim quod in primis Ecclesise saeculis hæreses, quâe iis
temporibus pullulaverant, Pontifices damnarunt, et ipsorum damna
tionibus omnes fideles acquievere; idque accidit, ut alibi notavimus,*
quoad hæreses Nicolaïtarum, Ebionistarum, Marcionistarum, Cerdio-
nistaruna, Novatianorum, Valentinianorum, Apellianistarum, Tertul-
lianistarum, Hermogenistarom, et aliorum.
Id testatur Sanctus Augustinus in libro contra duas epistolas
Pelagii, ubi reprobans qui dicebant omnino Concilia esse necessaria
ad hæreses damnandas, scribit : Quasi nulla haeresis aliquando nisi
Synodi congregatione damnata sit, cum potius rarissimae inveniantur
propter quàs damnandas necêssîtas talis exstiterit. 2 Insuper id testa
tus est etiam Concilium Romanum cecumenicum, anno 869, sub
Adriano II, ubi dictum fuit : Retro olimque semper, cum hæreses et
scelera pullularent, noxias illas herbas et zizania Apostolicœ Sedis
Romanae successores extirparunt. 3 Et adhuc in suhsequentibus sæculis,
plures aliæ hæreses a Pontificibus sine Concilio proscriptæ fuerunt,
nempe Joviniani, Priseilliani, Pelagii, Yigilantii, Berengarii, Gilberti
Porretani, et ultimo Baii et Jansenii.
б) Respondemus præterea quod, licet in sequentibus sæculis Ponti
fices curaverint quasdam eorum damnationes a Conciliis cecumenicis
confirmari, hujusmodi tamen confirmationes non quidem a Pontificibus
requisitae fuerunt ut ipsorum definitionès vim obligandi adipiscerent,
uti vult supponere Fébronius, sed ut judicium solemnius redderetur ;
— item, ut episcopi, res in Concilio discutiendo, plenius de verita
tibus fidei instruerentur, et sic melius postea suas dioeceses instrue
rent ; — item, ut sic ora occluderentur incredulorum, qui cum a solis
Pontificibus condemnantur, solent eos inculpare vel de ignorantia, vel
de omissa debita quaestionis discussione ; — ut demum populi ad se
tuendos a seductoribus cautiores fierent. Hæc sunt verse causæ ob quas
Pontifices, postquam errores damnaverunt, curarunt ut etiam a Con
(1) Loc. cit. c. 6. §. 6. (2) L . 4. c. 12.
(3) Act. 3. retat, in Conc. oecum. VIII. Act. 7.
(*) Cap. V I. pag. 584.
CAP. IX. VARIÆ FEBEONII ASSERTIONES. 621
ciliis damnarentur. Ac ideo Zozimus papa ad episcopos Carthaginenses
(ut refert Baronius1) scripsit : Quamvis Patrum traditio Apostolicœ
Sedi auctoritatem tantam tribuerit, ut de ejus judicio disceptare nullus
auderet, idqueper Canones semper.,. servaverit,... tamen, cum tan
tum nobis esset auctoritatis, ut nullus de nostra possit retractare
sententia, nihil egimus quod non ad vestram notitiam nostris ultro
litteris referremus ;... non quia (notetur) quid deberet fieri nescire
mus , aut faceremus aliquid quod contra utilitatem Ecclesiae veniens
displiceret, sed pariter vobiscum voluimus habere tractatum.
Cæterum Pontifices, post suas definitiones, minime quidem Conci
liorum confirmationes expectabant, ut illæ firmæ et irrefragabiles
evaderent; sed ipsi Conciliis normam praescribebant, quomodo ab eis
decreta formanda fuissent. In causa Nestorii, ab initio Sanctus Cyrillus
Alexandrinus, qui principaliter operam dedit ut error Nestorii proscri
beretur, scripsit Pontifici Coelestino : Digneris quid hic sentias
praescribere.... Port'o tuœ integritatis mens et super hac re sententia
piissimis totius Orientis antistitibus perspicue per litteras exponi
debet ; nam , cupientibus illis, ansam dabimus ut omnes uno animo
in una sententia persistant. 2En quomodo existimabat Sanctus Cyril
lus quod Cœlestini sententiæ omnes episcopi acquiescerent.
In Actis autem Concilii Ephesini (ut refert idem Fébronius 3) habe
tur quod Ccelestinus ad Sanctum Cyrillum Alexandrinum sic scripsit :
Auctoritate igitur tecum nostrae Sedis adscita, vice nostra usus, hanc
exequeris destricto rigore sententiam, ut infra decem dies (Nestorius)
pravas praedicationes suas condemnet, etc. Eadem scripsimus ad
sanctissimos fratres et coepiscopos nostros, Joannem, Rufum, etc.,
ut nota sit de eo nostra, imo Çhristi divina sententia, 4 Scripsit etiam
(ut habetur Acto 2) ad Patres Concilii : Direximus pro nostra sollici
tudine sanctissimos fratres (legatos)..., qui iis quae aguntur, inter
sint, et quœ a nobis ante statuta sunt, exequantur.5 — Scripsit simul
ad suos legatos : Auctoritatem Sedis Apostolicœ custodiri debere man
damus, siquidem et instructiones quœ vobis traditœ sunt, hæc
loquantur.6 Quapropter Patres in prolatione sententiæ contra Nesto-
(1) Annal, ann. 418. n. 8. — Coi. reg. t. 4. p. 413.
(2) Epist. ad Caelesttn. Cone. Ephes. p. 1. c . 14. (Coli, t . 8. p. 339.)
(3) Loc. cit. c. S. %4. n. 2. ex Collect. Harduin. t. 1. coi. 1323.
(4) In Cone. Ephes. p. 1. c. 18. (5) Coli. reg. t. 8. p. 898.
(6) Apud Baluz. Nova Collect. Concil. p. 381.
622 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
rium dixerant : Coacti per sacros Canones et epistolam sanctissimi
Patris nostri et comministri Cœlestini, Romayiœ Ecclesiœ Episcopi,
lacrymis perfusi ad lugubrem hanc contra eum sententiam necessario
venimus, etc,1 — Sed dicitur ibi coacti per Canones; » ergo non
per solam epistolam Cœlestini? — Equidem, quia Pontifices dubia
fidei non definiunt pro suo libito, sed juxta Scripturas Sacras et
Canones praecedentium Conciliorum vel Pontificum.
Accedit quod Arcadius, unus ex legatis, hæc protulit : Nos secuti
sanctiones ab initio traditas, etc,, necnon secuti formam Cœlestini
sanctissimi papœ , cognoscat Nestorius se episcopali dignitate exu
tum, etc,2
Accedit quod post sententiam latam a Concilio contra Nestorium,
pervenit ad Ephesum Philippus, alter legatus Papæ, qui, post exac
tam inquisitionem rerum gestarum, omnia executa juxta Papæ sen
tentiam invenit, et tunc Philippus et alii legati acta Concilii con
firmaverunt. Id Fébronius advertere debebat, dum scripsit3 esse
inauditum Pontifices unquam ad examen revocasse gesta ab aliquo
Concilio generali. Claudat os Febronii saltem pater Natalis Alexan
der, suus carissimus socius, qui scripsit : Prœfuit Ephesino Concilio
Gœlestinus per legatos ; et maxima ratio habita fuit ipsius sententiœ
ab eo latœ, ad eamque Patres decretum ac sententiam suam exe
gerunt, ut ex illius auctoritate sacrum illud Concilium factum Intel-
ligatur ac dicatur,4 Et antea scripsit etiam Gennadius Cœlestinum
decreta Synodi adversum supradictum Nestorium dictasse, efc.5
Prseterea Sanctus Leo, in sua epistola ad Patres Concilii Chalce-
donensis, scripsit : Fratres carissimi, rejecta penitus audacia dispu
tandi contra fidem divinitus inspiratam,,., nec liceat defendi quod
non licet credi, cum secundum evangelicas auctoritates,., apostoli-
camque doctrinam... lucidissime per litteras quas ad beatœ memoriœ
Flavianum episcopum misimus, fuerit declaratum quœ sit de sacra
mento Incarnationis Domini nostri... pia et sincera confessio.6
Præterea, in eodem Concilio Chalcedonensi (cujus nimis injuste
unus ex adversariis, auctor Instructionum, etc., dubitat an fuerit
cecumenicum) Patres dixerunt : Beatissimi Papœ urbis Romœ, quœ
e'it caput omnium Ecclesiarum, prœcepta habemus...; hoc nos obser
.9
terræ partibus, ab Italia, Gallia, Hispaniis, Britannia, Africa, Ægypto,
Syria, Thracia, Hungaria, et ab aliis regnis, ut Sanctus Athanasius
enarrat in sua secunda Apologia In Canone IV hujus Concilii dictum
fuit : Cum aliquis episcopus depositus fuerit eorum episcoporum
judicio qui in vicinis locis commorantur, et proclamaverit agendi sibi
negotium Romœ, alter episcopus in ejus Cathedra post appellationem
ejus qui videtur esse depositus, non ordinetur* nisi causa fuerit in
judicio episcopi Romani determinata.10 Atque in Canone III dictum
fuit : Si aliquis episcoporum judicatus fuerit..., et putet se bonam cau
sam habere, ut iterum Concilium renovetur,... scribatur... Romano
Episcopo ; et si judicaverit rmovandum esse judicium, renovetur, et det
judices.11 Adverte : * Si judicaverit rmovandum esse judicium, reno
di) Ibid. § io. (2) Quœst. clisp. De Potest, q. 40. a. 4 ad f3.
(3) L . fi. c. 7. in synopsi, n. 4 .
(4) Sœc. X V et X V I. diss. 4. a. 4. n. 56. (5) Ibid. n. 46.
(6) Loc. cit. c. fi. § 40. etc. (7) Hist. l .2.
(8) S u t. l. 2. c. 20. (9)Init.
10) Itabb, t. 2. col. 630. (II)Ibid. col.645.
CAP. IX. VARLE FEBRONII a SSKRTIONES. 629
vetur .« Hic Canon, scribit pater Natalis Alexander,1 satis ostendit
Papam non tantum jus habere revidendi causas, ut vult'Fébronius,2
sed etiam judicandi appellationes. Eodemque loco,3 pater Natalis
probat Petrum et ejus successores recepisse hanc potestatem, non a
Concilio (ut etiam contendit Fébronius4), sed a Christo, in sequela sui
primatus ; unde infertur Concilium Sardicense non jam instituisse,
sed confirmasse hoc privilegium Pontificis. Et deinde idem pater
Natalis plurima exempla appellationum ad Pontifices refert.
Sanctus Thomas scribit ex Conciliis Chalcedonensi et Ephesiho
haberi quod a Concilio appellari potest ad Papam, sed non a Papa ad
Concilium : Cujus (Romani Pontificis) auctoritate sola... sententia
Synodi confirmatur, et ad ipsum a Synodo appellatur : quæ omnia
patent esc gestis Chalcedonensis Synodi, 5 Idem jampridem scripsit
etiam Gelasius papa in sua epistola ad Faustum (quæ legitur apud
Gratianum6), dicens eosdem Canones statuisse quod appellationes totius
Ecclesiæ ad Sedem Romanam deferantur, a qua postmodum nulla
superest appellatio : Ipsi sunt Cancmes qui appellationes totius Eccle
siae ad hujus Sedis examen voluere deferri; ab ipsa vero nusquam
prorsus appellari debere sanxerunt. Et in epistola missa ab eodem
Gelasio ad episcopos Dardaniæ (de cujus authenticitate testantur
Facundus Hermianiensis7 ac Bàllerini,8 et habetur in Canone Cuncta9)
dixit : Cuncta per mundum novit Ecclesia quod sacrosancta Romana
Ecclesia fas de omnibus habeat judicandi; neque cuiquam de ejus
liceat judicare judicio, siquidem ad illam de qualibet mundi parte
appellandum est, ab illa autem nemo est appellare permissus.
Et de hoc in eadem epistola tria refert exempla : 1° Athanasii, qui,
injuste accusatus, fuit deinde a Julio papa tamquam innocens abso
lutus; unde ipse Julius scripsit : Cum igitur istiusmodi allega
rentur, et tot testes pro Athanasio starent, et ipse tam justa pro se
afferret, quid, quœso, nos oportuit facere? an non quod ecclesiastici
canonis est, hominemque proinde non condemnaremus, sed potius
Plura alia hic possem adjicere, sed nolo esse prolixior ; ab initio
enim duo mihi proposui : primo, ut hæc opella esset brevis, ut sic
facile et libenter ab aliis perlegi posset ; secundo, ut tantum illa duo
principaliter probarem, nimirum, Pontificem Romanum super univer
sam Ecclesiam supremam seu plenam habere potestatem, ejusque
judicia in rebus fidei esse infallibilia. Atque hæc sat explorate jam
probasse existimo ex ipsarum Synodorum generalium dictis et San
ctorum Patrum sententiis. Mihi permittatur ideo, pro conclusione
hujus libelli, prædictas Synodorum et Patrum auctoritates concinnatas
hic conjunctim repetere.
I. — Concilia quippe videntur supremam auctoritatem Papæ ejus
que infallibilitatem luculentius declarare non valuisse.
In Concilio enim Nicæno I dictum fuit : Cui (Pontifici) data est
potestas,... ut qui sit Vicarius Christi super cunctos populos et univer
salem Ecclesiam Christianam.1
In Concilio Chalcedonensi dictum fuit ; Omnia ab eo (scilicet Leone
papa) definita teneantur, tamquam a Vicario Apostolici Throni.2
In Concilio Lateranensi III dictum fuit : In Romana Ecclesia... non
potest ad superiorem recursus haberi.z
In Concilio Constantinopolitano IV, loquendo de sententia Ponti
ficis, dictum fuit : Neque nos sdne novam... sententiam ferimus, sed
jam olim a Sanctissimo papa Nicolao pronunciatam, quam nequaquam
possumus immutareA Sequentes in omnibus Apostolicam Sedem,... in
qua est integra et vera Christianos Religionis soliditas, etc.5
In Concilio Lugdunensi II dictum fuit : Romana Ecclesia summum
(1) Can. 39. {Coli. reg. t. 2.)
(2) Apud S. Tfiom. Contr. error. Groecor. c. 3%.
(3) Cap. Licet. 6. de Elect. (4) Sess. S.
(5) Act. I. Libell. Adrian.
CONCLUSIO. 635
et plenum... principatum super universam Ecclesiam obtinet... cum
potestatis plenitudine.1 Ac deinde : Si quae de fide subortce fuerint
quaestiones, suo debent judicio definiri *
In Concilio Viennensi, Clemens V, loquens de quæstionibua fidei,
dixit : A d quam (scilicet ad Sedem Apostolicam) dumtaxat hæc
declarare pertinet9... sacro approbante Concilio, declaramus, etc.3
In Concilio Constantiensi damnata fuit propositio Joannis Wiclefi :
Non est de necessitate salutis credere Romanam Ecclesiam esse
supremam inter alias Ecclesias A Ergo, credere Romanam Ecclesiam
esse supremam inter alias Ecclesias est de necessitate Salutis.
In Concilio Florentino dictum fuit : Definimus Romanum Pontifi
cem... totius Ecclesiae Caput et Christianorum Patrem et Dortorcm
existera, et ipsi in Beato Petro... regendi Ecclesiam a... Jesu Christo
plenam potestatem traditam esse.3
In Concilio Lateranensi V dictum fuit : Solum Romanum Pontifi
cem, tamquam auctoritatem super omnia Concilia habentem, tum
Conciliorum indicendorum, transferendorum, ac dissolvendorum,
plenum jus et potestatem habere, nedum ex Sacrce Scripturae testi
monio, dictis Sanctorum Patrum ,... sed propria etiam eorumdem
Conciliorum confessione manifeste constat.6
Demum in Concilio Trideütino dictum fuit : Pontifices Maximi,
pro suprema potestate sibi in Ecclesia universa tradita, etc.7 Dicere
autem quod Papa habet quidem supremam potestatem, sed Concilio
generali subjectam, non est explicare, sed omnino sensum et proprie
tatem verborum detorquere et corrumpere ; suprema enim potestas est
illa quæ nec superiorem nec æqualem habet.
II. — Idem quod docent Concilia, confirmant testimonia primorum
Sanctorum Patrum, quorum dicta jam retulimus.* Hic aliqua eorum
concinnamus.
Sanctus Ignatius, martyr, Romanam Ecclesiam appellat castissi-
(1) Epist. 43. n. 7. Edit. Ben. (2) Psalm. contr. part. Donat.
(3) Epist. 490. c. 6. n. %3. Edit. Ben.
(4) Matth. 46. 33. (5) Tract, in Ps. 434. n. 4.
(6) Homil. I. S. homil. 46. in Natal. SS. Petri et Pauli.
(7) Epist. ad Eutychet. ■ — Concil. Chalced. p. 4.
(8) De Ineam , et Grat. Christi, c. 44. (altas epist. 47.)
(9) Epist. I. 4. ep. 6$, adEpisc. Gall.
(10) %. %. q. 4. a. 40. (11) Contr. Gent. I. 4. c. 76.
638 APPENDIX I. — VINDICIÆ, ETC.
Idem scribit Sanctus Bonaventura : Papa non potest errare, suppo
sitis duobus,... alterum ut intendat facere dogma de fide.1
Duvallius, doctor gallus, loquens de opposita sententia, scribit :
.2
Nemo nunc est in Ecclesia qui ita sentiat , prceter Vigorium et
Richerium, quorum si vera esset sententia, totus orbis Christianus,
qui contrarium sentit, in fide turpiter erraret Cardinalis Bellar -
minus hinc concludit quod opposita sententia videtur omnino erronea
et hœresi proxima.3
Fébronius, sicut diximus, ad effectum declinandi ab his auctorita
tibus tam Conciliorum quam Sanctorum Patrum, dicit Concilia locuta
esse i n sæculis obscuris ignorantiæ, in quibus abditæ erant veritates,
et Sanctorum Patrum elocutiones fuisse figuratas aut ampullosas.**
Sed in istis non credo quemquam inveniri posse virum sa'næ mentis
qui Febronio consentiat, dicendo quod dicta Conciliorum per ignoran
tiam prolata fuerint, et quod Patrum testimonia fuerint figurata aut
ampullosa; sic enim eludi posset omnis vis traditionis; traditio enim
ex h i s tantum fontibus, nimirum Conciliorum et Sanctorum Patrum,
eruitur ; i n hoc enim puncto Concilia et Patres, non sine magno funda
m e n t o suas sententias porrexerunt, sed i n n i x i super testimonia Evan-
geliorum : Tu es Petrus, et super hanc petram, etc. Et tibi dabo cla
ves, etcA Pasce oves meas, etc.3 Hinc Sanctus Bernardus, ut mox
supra retulimus, dixit : Infallibilitatis pontificiae praerogativam con
stantissima perpetuaque Sanctorum Patrum traditio commonstrat.
Et Melchior Canus scripsit : Constat autem Romanos Episcopos
Petro in fidei magisterio successisse, ab Apostolis esse traditum .®
Ibique subdidit : Nos autem communem Catholicorum sententiam
sequamur..., (quam) Sacrarum etiam Litterarum testimonia confir
m ant,... Conciliorum Patres affirmant, Apostolorum traditio probat J
Et c o ti eludit : Pestem eos Ecclesiæ ac perniciem afferre , qui...
adstruunt summum Ecclesiæ Pastorem ... errare in fidei judicio
posse.3
DISSERTATIO
DE
41
DISSERTATIO
DE
INTRODUCTIO.
I.
PRÆ N O TA N D A .
II.
PRO B A TU R PR O P O S IT IO .
,
Idem aliquando docuit Gerson dicens : Tandem ex his dicere possu
mus quod plenitudo potestatis ecclesiasticœ... a Christo collata est
Petro sicut Vicario suo, pro se et suis successoribus. 10 Ita scripsit hic
doctor in praefato loco. Cæterum nulli dubitandum quod Gerson. ut ait
(1) De Unit. Eccl. c. 4. (2) Epist. 14. Edit. Ben.
(3) Epist. I. 2. ep. 69. Edit. Ben. (4) Serm. 151. Edit. Ben
(5) 2. 2. q. 1 1. a. 2. ad 5.
(6j Summ. theol. q. 1. a. 5. d. 5.
(7) Super Propos. 29. ab Alex. V III domn. Exerc. 19.
(8) Annal, ad ann. 1416. n. 16.
(9) Theol. Scot. t. 4. de Concord.
(10) Be Potest, ecclesiast. consid. 10.
650 APriCNDIX II. — DISSERTATIO DE ROM. PONTIF.
pater Victoria, per omnia fuit infestus auctoritati Summorum Po?i-
tificum, et multos aïios infecit suo veneno ; parum enim differt a
schismate qjus sententia de auctoritate Papce.1
Idem statuere conati sunt episcopi Gallicani antiqui, anno 1625.-
et in Concilio generali Lugdunensi II, ubi præ cæteris numerabantur
episcopi Galli, qui Graecorum confessionem acceperunt, scilicet, quod
Sancta Romana Ecclesia plenum principatum obtineret super univer
salem Ecclesiam, etc., ut infra referetur. Et quamvis Universitas
Sorbonica (ortum agnoscens a Roberto Sorbon, ex anno 1253, con-
fessario Sancti Ludo vi e i, erectaque , anno 1290, in Universita
tem), contrarise fuerit sententiæ, hoc tamen accidit tantum ex tem
pore Concilii Constantiensis opera Gersonis et Alraaini, qui, iu
eadem Universitate adscripti, ad comprimendum trium Pontificum
schisma, ad Concilium, tamquam ad judicem superiorem et in hujus
modi casu necessarium, causam deferendam existimarunt. Novissimi
vero Sorbonici, non attendentes quod ipsorum majores de Papa dubio
sint locuti, eorum innixi auctoritati, dixerunt judicium Romani Pon
tificis non esse infallibile, nisi Ecclesiæ, sive generalis Concilii,
consensus accedat.
Cseterum, ante Concilium Constantiense et Basileense, advertit
Raynaldus, scriptor Gallus,3 omnes theologos anteriores unanimiter
docuisse defiûitiones pontificias, etiam extra Concilia, rem facere
de fide. Imo habetur apud Mauclerum,4 quod Facultas Parisiensis,
anno 1530, damnavit tamquam hæreticos articulos Marsilii Padnani,
dicentis Romanum Pontificem esse fallibilem. Et anno 1534 (ut apud
eumdem Mauclerum5), damnavit eumdem errorem contra Joannem
Morandum.
Item Du vallius, doctor Gallus,6 qui scripsit circa annum 1712,
refert consuetudinem fuisse Facultatis Parisiensis, ut ab ea laureati
protestationem nunquam Ecclesiæ Romanae contradicendi praemitte
rent. Idem auctor refert ipsam Facultatem damnasse ut haereticum
Marcum Antonium de Dominis, quia docebat Pontificis auctoritatem
esse fallibilem. Ideo praefatus Duvallius, quamvis ejusdem Sorbonse
(1) Relect. theol. relect. 4. pr 4 .
(*2) Monita conventus ad Dominos Archiepisc. et Episc. regni, n. 137.
(3) Corona aurea Rom. Pontif. sübnot. 2. verit. 7.
(4) De Monarchia, p . 4. I. 8. c. 6 . (5) Ibid.
(6) Dcsupr. Rom. Pontif. Potest, p. 2. g. 1.
I. DE INFALLIBILITATE PAPÆ .
doctor, loco citato non dubitavit sic scribere : Opinio quœ Romœ
tenetur, vacat omni temeritate, cum totus orbis, exceptis pauculis
doctoribus, eam amplectatur, et præterea rationibus validissimis cum
ex Scriptura, Conciliis, et Patribus, tum ex principiis theologice
petitis, confirmetur.1 Et dicit : Nemo nunc est in Ecclesia qui ita
.2
sentiat, præter Vigorium et Richerium , quorum si vera esset sen
tentia, totus orbis Christianus, qui contrarium sentit, in fide turpiter
erraret Propterea addit quod opinio de praelatione Conciliorum
auctoritati Romani Pontificis, a temeritate iaobedientiœ vix potest
excusari; fovet enim ut plurimum inobedientiam, et dissidia multa
magnosqae tumultus semper in Ecclesia excitavit.^
Hinc videre est apud Troila4 et apud Milante5 quot Concilia pro
vincialia Gallicana plauserint Pontificis infallibilitati. Synodus ipsa
Parisiensis anni 1625 ecce quid sensit : Horiamur igitur episcopos
omnes ut Sanctam, Apostolicam Romanamque Ecclesiam, utpote
ex Dei sponsione infallibili,... Ecclesiarum matrem — 6 Et infra,
loquens de ipso Romano Pontifice : Is enim successor est Petri, super
quem Christus Jesus Ecclesiam fundavit ; quando illi Claves regni
coelorum et donum infallibilitatis in causis fidei reliquit
Valde autem notandum id quod episcopi Galliarum (ut refert Mi
lante,8) in obsequium Bullse ** quam Innocentius X emanavit in con
fixione jansenianarum thesium, ad ipsum scripserunt ; et inter cætera
verba haec : Beatissime Pater, optata pervenit ad nos tandem Consti
tutio illa qua Vestrœ Sanctitatis auctoritate quid sentiendum sit
de controversis quinque propositionibus excerptis e Cornelii Jans&tii,
Yprensis episcopi, libris, perspicue decernitur Hujus doctrinae
lucem ... pristino nitori restituit ... prolatum a Sanctitate Vestra,
postulantibus compluribus Galliarum episcopis, decretum. Quo in
negotio illud observatione dignum accidit, ut quemadynodum, ad
episcoporum Africœ relation em , Innocentius I Pelagianam hceresim
damnavit olim, sic, ad Gallicanorum episcoporum consultationem,
§ II.
DS AUCTORITATE PONTIFICIS SUPRA CONCILIUM.
I.
PRAENOTANDA.
II.
PRO B A TU R PR O PO SIT IO .
I. — Probatur ex S c r ip t u r is , et
10 Ex Luca : Simon, Simon, ecce Satanas expetivit vos ut cribraret
sicut triticum ; ego autem rogavi pro te, ut non deficiat fides tua ; et
tu aliquando conversus confirma fratres tuos.1 Observa q u o d Christus
Dominus pro solo Petro rogavit, qui solus fratres confirmare debebat.
Ergo, si fides Petri deficere potuisset, fratres non valuissent confir
mari a Petro.
Falsum est nonnullorum Parisiensium commentum, qui hoc loco
putant Christum orasse pro Ecclesia universali, sive pro Petro ut
totius Ecclesiae figuram gerente ; Dominus enim designavit unam
tantum personam : Simon, Simon; et cum coepisset loqui in plurali :
Satanas expetivit vos, ut cribraret, deinde mutavit loquendi formam :
Ego autem rogavi pro t e . Certe, si d e tota Ecclesia locutus fuisset,
multo rectius dixisset : Rogavi pro v o b is .
Yerba porro illa « confirma fratres tuos » manifeste evincunt
Christum non fuisse Ecclesiam allocutum; qui enim fingi possunt
Ecclesiæ universalis fratres ?
Nec audiendi sunt qui docent Christum orasse hoc loco pro perse
verantia Petri ; laborant namque ad interpretanda in eo sensu poste
riora illa verba « confirma fratres tuos. »
Est itaque habenda textus expositio, ut privilegium Petro et suc
cessoribus ejus Christus impetraverit, ne aliquid contra fidem possent
docere. Ita scripsit Agatho papa in epistola ad Constantinum impe
ratorem, quæ lecta est in VI Synodo et ibi ab omnibus probata : Haec
est verae fidei regula (verba epistolae) quam tenuit Apostolica Christi
Ecclesia, quœ, per Dei gratiam, a tramite apostolicœ traditionis nun
quam errasse probabitur,... secundum... divinam pollicitationem...
discipulorum principi : « Ego rogavi pro te, etc. » Dominus... fidem
Petri non defecturam promisit, confirmare eum fratres suos admo
nuit, quod Apostolicos Pontifices, meœ exiguitatis prœdecessores,
confidenter fecisse semper cunctis est cognitum.2
Ita elegantius Sanctus Leo etiam monuit : In Petro ergo omnium
(1) Luc 23. Si et 32. (2) Act. 4 et (t. — Labb. t. G. col. GSG.
§ II. DE AUCTORITATE PAPÆ SIÏPRA CONCILIUM. 669
fortitudo munitur, ut firmitas quœ Petro tribuitur , per Petrum
Apostolis conferatur.1
2“ Probatur ex Actibus Apostolorum ubi, Concilio inter Apostolos
inito, sic Petrus affatus est : Viri fratres, vos scitis quoniam ab
antiquis diebus Deus in nobis elegit per os meum audire gentes verbum
Evangelii et credere, 2 Quibus verbis sat diserte Petrus significavit
Deum tantum ipsi et successoribus suis potestatem docendi gentes,
quid debeant credere, tradidisse.
3° Probatur ex Joanne : Pasce agnos m eos;... pasce oves meas.*
Hinc Divus Cyprianus ait ; Ecclesia plebs sacerdoti adunata, et pa
stori suo grex adhaerensA Eusebius Emissenus dicit : Prius agnos,
deinde oves commisit ei, quia non solum pastorem, sed pastorum
pastorem eum constituit. 5 Sanctus Bernardus addit : Habent illi sibi
assignatos greges, singuli singulos; tibi unicersi crediti, uni unus.6
Sic loquuntur Patres.
Probent autem adversarii ubi in Scripturis habeatur quod oves
iu Concilio desinant esse oves subjectae suo pastori, imo quod oves ibi
in Pontificis pastorem commutentur. E contrario, in Scriptura legitur
quod Pontifex fuit positus ut pastor, non tantum ovium, sed totius
ovilis, quando Christus pronuntiavit : Flet unum ovile ct imus pastor.1
Nec obstat dicere quod Apostoli miserint Petrum una cum Joanne
in Samariam;8 nam non miserunt imperio, sed consilio tantum, prout
rex a suis ministris dicitur etiam ad bellum missus.
II. — Probatur ex C o n c il iis , et
1° Ex Concilio Nicaeno, ubi sancitur : Omnes episcopi... in gravio
ribus ... causis libere Apostolicam appellent Sedem,... cujus disposi
tioni omnes majores ... causas ... antiqua Apostolorum ... auctoritas
reservavit.9 De quo Canone Julius 110 memoratur; et Nicolaus 111
dicit quod Concilium sic non esset locutum, nisi infallibilem in Pon
tifice agnovisset potestatem.
(1) In annivers. assumpt. suce, serm. 5.
(2) Act. 45. 7. (3) Joan . $1. 16 ct 47.
(4) Epist. 69, ad Florent. (5) Serm. in Vigil. S. Petri.
(6j De Consider. I. %. c. 8.n . 45. (7) Joan. 40. 46. (8) Act. 8.44.
(9) Can. 48. — Labb. t . S. coi.487, et Corp. Ju r. causa %. q.6. c. 5.
Can. Omnes episc.
(10) Epist. S. contr. Orient, c. %. — Labb. ibid.
(ID Epist. 7. ad Mtch. imper. — Labb. t. 8. coi. %9i.
670 APPENDIX II. DISSERTATIO DE ROM. PONTIF.
Rursusque habetur in Canone-39 ejusdem Nicænæ Synodi (ut apud
Fagnanumx) : IUe qui tenet Sedem Romos, caput est ... omnium P atriarr
charum , quandoquidem ipse est prim us sicut P etru s,... ut qui sit
Vicarius Christi ... super... universam Ecclesiam Christianam. Si
ergo Papa est supra Ecclesiam, necessario supra Concilium erit, quod
Ecclesiam repraesentat, ut Constantiensis Synodus in relato decreto
quartae sessionis expressit.
2‘7 Ex Concilio Chalcedonensi habetur (ut legitur apud Divum Tho-
mam2) : Omnia ab eo (scilicet a Papa) definita teneantur, tamquam a
Vicario Apostolici Throni.
Refert insuper Bellarminus,3 ex Actione III ejusdem Concilii, ibi
damnatum fuisse Dioscorum, quia Romanum Pontificem ausit judi
care et damnare, etiamsi hoc .fecerit suffultus auctoritate Synodi
Ephesinae generaliter congregatae. Ergo, bene arguit Bellarminus,4
si Dioscorus cum generali Concilio Papam non valuit judicare, pro
fecto infertur Concilium non esse supra Papam.
3° Ex Concilio Constantinopolifano IV, ubi in sessione V sic ha
betur : Neque nos sane novam de illo judicio sententiam ferim us ,
sed jam olim a Sanctissimo papa Nicolao pronuntiatam , quam ne
quaquam possumus immutare.
Et in regula 2 : Itaque Beatissimum papam Nicolaum tamquam
organum Sancti Spiritus habentes, etc. Ergo hoc Concilium decla
ravit sententiam Pontificis esse immutabilem.
4° Ex Concilio Constantiensi, ubi, ut refert Bellarminus,5 appro
bata fuit epistola Martini V, in qua de hæresi suspectos sic interro
gare praecipiebatur : Utrum credant quod Papa sit successor P etri,
habens supremam auctoritatem in Ecclesia Dei?$ At certe potestas
suprema illa est (recte arguit Bellarminus}7) qua nulla est major et
cui nulla æqualis.
Deinde habetur quod idem Concilium Constantiense8 damnavit pro
positionem 37 Wiclefi, quse dicebat : Papa non est immediatus et
proximus Vicarius Christi; si ergo Papa est immediatus Christi
(1) Cap. Significasti, de Elect. n. 49.
(2) Contr. error. Grœcor. c. 32.
(3) JDe Concil. et Eccl. I. 2.c. 47. et de Rom. Pontif. I. 2. c. 26.
(4) Ibid. (5)
JDe Cone, et Eccl. I. 2. c. /7.
(6) In Bulla. «*Inter cunctas. >» (7)
Loc. cit.
(8) Sess. 8.
g II. DE AUCTORITATE PAPÆ SUPRA CONCILIUM. 671
Vicarius, necessario dicendus etiam superior Concilio; alias non
immediatus, sed vix mediatus Vicarius Christi dicit deberet.
5° Valde etiam nostram senteutiam confirmat Concilium Floren
tinum, prout relatum est supra in probatione primæ conclusionis,*
ubi Papa appellatur totius Ecclesiæ Caput, Doctor, et Pastor ; 1 caput
enim non pendet a membris, doctor non instruitur a discipulis, pastor
non regitur ab ovibus.
6° Maxime autem urget Concilium Lateranense V, sub Leone X,
in quo decretum Basileensis coneiliabuli fuit reprobatum, et solem-
niter recepta fuit Constitutio Leonis X » Pastor ceteimus, n in qua
perspicuis verbis fuit declaratum : Solum Romanum Pontificem ,
tamquam auctoritatem super omnia Concilia habentem , tum Conci
liorum indicendorum , transferendorum , ac dissolvendorum , plenum
ju s et potestatem habere , nedum ex Sacrœ Scripturos testimonio ,
dictis Sanctorum P atru m , ac aliorum Romanorum Pontificum , sed
propria etiam eorumdem Conciliorum confessione manifeste constat .2
Huic autem expressae definitioni potestatis Pontificiae supra Con
cilia duo tantum ait Bellarminus3 objici posse : primum, quod hoc
Concilium non fuerit generale, quia episcopi nec ad numerum cente
simum pervenerunt ; sed Bellarminus respondet hoc vix dici posse,
dum Concilium legitime convocatum fuit, omnibus patuit, et in eo
verus Pontifex præsedit; et ideo hoc Concilium ut certe legitimum
et œcumenicum communiter habetur, prout videre est apud Cabas-
sutium,4 Gravesonem,5 Baronium,6 Thomassinum, etc. — Alterum,
quod Concilium non fuerit ab omnibus receptum ; sed hoc parum
refert (addit Bellarminus) ; nam constat Conciliorum decreta appro
batione populi non indigere, cum non ab eo auctoritatem accipiant.
Et si decreta circa mores aliquando per desuetudinem derogari
valent, quia ex temporis diuturnitate praesumitur ipse Pontifex in
abrogationem consentire, hoc tamen nequit esse in decretis circa
fidem, quæ postquam sunt constituta, necessario immutabilia eva
dunt : Quod vero (subjungit Bellarminus,7) Concilium hoc rem istam
non definierit proprie ut decretum fide catholica tenendum , dubium
(1) Sess. ult. Defin. — Labb. t. 45. coi. 4167.
(2) Sess. 41. (3) De Concil. et Eccl. I. 2. c. 17.
(4) Notit. eccl. Concil. sæc. X V I. (5) Sæc. X VI. colloq. 4.
(6) Continuat. Spond. ann. 4514-1517. (7) Loc. cit.
(*} Pag. 648.
672 APPENDIX H . ---- DISSERTATIO DB ROM. PONTIF.
est ; et ideo non sunt proprie hmretici qui contrarium sentiunt , sed
a temeritate magna excusari non possunt . — Idemque tenent Ludo-
vicus Bail,1 et alii apud Milantem.2
ÜI, — Probatur ex definitionibus P o n tif ic u m (quos ideo novatores
ambitionis temeritatisque arguunt).
Quamvis enim non videtur probare definitio judicis illius qui an
judex sit in dubium revocatur, attamen negari non potest saltem
magnum pondus nostrae sententiae addere tot definitiones Pontificum,
qui juste existimantur quod non ita facile has* sanctiones émanassent,
nisi in Ecclesia sat universe hæc sententia esset recepta.
Infallibilia autem esse Romani Pontificis decreta definivit Ana-
cietus,3 Gelasius,4 et praecipue Paschalis II, qui ita decrevit : Cum
omnia Concilia per Romani Pontificis auctoritatem robur acceperint,
et in eorum statutis Romani Pontificis patenter excipiatur aucto-
ritas, efc.5
Bonifacius VIII, dicens : Porro subesse Romano Pontifici omnem
humanam creaturam declaramus, definimus, et pronunciamus om
nino esse de necessitate salutis .6
Leo IX , scribens ad Leonem Acridanum, dixit : Petrus et sui
successores liberum de omni Ecclesia habent judicium J7
Idem declaravit Innocentius I, in epistola ad Carthaginenses.8 Idem
Dionysius Papa.9 Idem Gregorius Magnus.10
Has quidem sanctiones, licet in causa propria, ut vocitant Galli,
editas, Gersoni tamen et quibuscumque aliis auctoribus praeferendas
esse constat.
Et quod potestas Romani Pontificis sit superior omni Concilio,
magis patet ex irritatione Canonis 28 Concilii Chalcedonensis, quam
decrevit Sanctus Leo papa contra privilegium primi loci post Roma
num Pontificem delatum a Concilio antistiti Constantinopolitano ad
versus episcopum Alexandrinum; sic enim Sanctus Pontifex scripsit
(1) Apparat, ad Summ. Concil. In Concil. Later . V.
(2) Super propos. 29 ab Alex . V III damn. Exerc. 19.
(3) Can. Sacrosancta, 2. dist. 22. — Can. Facta, 1$, caitsct. 9. q. 5.
(4) Can. Cuncta, 48. causa. 9. q. o.
(5) Can. Significasti, 4. deelect.
(6) Extra vag. commun. Unam sanet, c. /.
(7) Epist. ad Leon. Acridan . c. 52. (S) Epist. ad Carthag.Concil.
(9) Epist. ad Sever. (10) Epist. I. 4. ep. 52, ad Episc. Gall.
§ JI. DE AUCTORITATE l‘APÆ SÜPKA CONCILIUM. 073
ad Pulcheriam Augustam : Consensiones vero episcoporum, .9ancto
rum Canonum apud Niccenam conditorum regulis repugnantes, unita
nobiscum vestrœ fidei pietate, in irritum mittimus, et per auctori
tatem Beati Petri Apostoli, generali prorsus definitione cassamus.1
Si Concilia Pontifici superiora essent, quomodo Sanctus Leo bujus
Synodi Canonem irritare potuisset? Hinc Nicolaus I, ad ostenden
dum omnes Conciliorum sanctiones nullo robore pollere, nisi a
Romano Pontifice firmentur, sic scripsit de Sancto Leone, qui non
solum præfatum Canonem Chalcedonensem irritum fecit, sed etiam
Acta Epliesini Concilii rescidit, quamvis unanimi consensu omnes
Patres illa approbassent : Non ergo dicatis non eguisse vos, in causa,
pietatis Romance Ecclesiœ, quœ collecta Concilia sua auctoritate
ftm at ; unde quœdam eorum quœ consensum Romani Pontificis
non habuerunt, valeindinmn perdiderunt. Quomodo non egeat <juœ-
libet Synodus Romance Sedis, quando in Ephesino latrocinio, cunctis
prœsulibus prolabentibus, nisi magnus Leo, divinitus excitatas,
totum orbem et ipsos quoque Augustos concuteret, religio catholica
penitus corruisset V1
ni.
KESPO N D ETU ft O BJECTION IBU S.
CANONES
IN USU PONTIFICIORUM DECRETORUM SERVANDI.
44
CANONES
IN USU PONTIFICIORUM DECRETORUM SERVANDI.*
■«-----
F IN IS.
TABLE DES MATIÈRES.
Approbations.................................................................................................................v
Introduction du trad u cteu r...................................................................................ix
Préface du traducteur.................................................................................................3
Chap . I. De la nécessité d'un chef suprême dans l’Eglise pour main
tenir l’unité de doctrine. — Saint Pierre fut ce chef
suprême.................................................................................................5
A rt . I. Notions prélim inaires..........................................ib.
A rt. II. Preuves de notre proposition etréponses aux
ob jection s............................................................8
Chap. II. Les Pontifes Romains sont les successeurs de’Saint Pierre,
avec le même pouvoir que celui qui fut conféré à cet
A p ô tre ...............................................................................................19
A r t . I. Preuves de cette p ro p o s itio n ...........................ib.
A r t . II. Réponses aux objections. ,.................................25
C hap. III. De la supériorité du Pontife Romain sur les Conciles . . 29
A rt . I. Notions p ré lim in a ire s .......................................ib.
A rt . II. Preuves de notre p ro p o s itio n ...........................32
A rt . III. Réponses aux objections des adversaires . . . 73
§ I. Réponses aux objections générales. . . ib.
§ II. Réponses aux objections tirées des Con
ciles de Pise et de Constance. . . . 81
§ III. Réponses aux objections tirées du Concile
de B â le .....................................................99
698 TABLE DES MATIÈRES.
§ IV. Réponses aux autres arguments qu’a re
cueillis le père Noël Alexandre, et par
lesquels nos adversaires prétendent éta
blir que le Concile est au-dessus du
Pape...........................................................109
C h ap. IV. De l’infaillibilité du Pontife Romain dans la définition des
questions de foi et de mœurs.............................................* 140
A r t . I. Notions préliminaires...........................................ib.
A r t . II. Preuves de l’infaillibilité du Pape......................... 148
A r t . III. Réponses aux objections......................................... 167
DEUXIÈME TRAITÉ.
D ÉFENSE DU POUVOIR SUPRÊME DU SOUVERAIN PONTIFE
CONTRE JUSTIN FÉBRONIUS.
Préface du traducteur...........................................................185
But de l’ouvrage................................................................ 187
(Notice sur la vie et les doctrines de Fébronius) . . . 197
C hap. ï. Le pouvoir suprême du PontiCe Romain prouvé par les
Saintes Ecritures, et en particulier par le texte de
Saint Matthieu : Tu es P etrus, et super hanc petram ,
etc............................................................................................. 209
(Note sur la question des fausses Décrétales). . . . 228
C hap. II. Le pouvoir suprême du Pontife Romain prouvé par deux
autres textes ; E t tibi dabo Claves, etc., et : Rogavi
pro te, u t non deficiat fldes tu a , etc .........................236
§ I. Premier texte : E t tibi dabo, etc ..........................ib.
§ II. Deuxième texte : Rogavi pro te, etc ....................241
C hap. III. Le pouvoir suprême du Pape prouvé par cet autre texte :
Pasce oi>es meas..........................................................247
C hap. IV. Le pouvoir suprême ou monarchique du Pontife Romain
prouvé par les Conciles œcuméniques...................260
§1. Preuves tirées des Conciles mêmes . . . . . ib.
§ II. Preuves tirées de deux raisons particulières. . . 279
C hap. V. Le pouvoir suprême et, par conséquent, l'infaillibilité du
Pontife Romain prouvés par le témoignage commun
des Saints Pères..........................................................283
C hap. VI. Le pouvoir suprême du Pontife Romain prouvé par la
raison................................. 299
C hap. VII. Suite de la démonstration du pouvuir suprême du Sou
verain Pontife. — Il est faux que les évéques aient
dans l'Eglise un pouvoir égal à celui du Pape . . . 318
TABLE DES MATIÈRES. 699
Chap. VIII. Réponses aux objections de Fébronius contre le pouvoir
du Pontife Romain.......................................................... 350
Chap. IX. Assertions diverses que Fébronius ne prouve point, et
dont nous démontrons le contraire...............................361
Conclusion................................................................................................. 388
TROISIÈME TRAITÉ.
DISSERTATION SUR L AUTORITÉ DU PONTIFE ROMAIN, AU SUJET
DE LA 29d PROPOSITION CONDAMNÉE PAR ALEXANDRE V III.
QUATRIÈME TRAITÉ.
RÈGLES a OBSERVER DANS l ’e m p l o i DES DÉCRETS PONTIFICAUX.
Préface du traducteur.................................................................................477
Règles I-X V I............................................................................................479
CINQUIÈME TRAITÉ.
DE L’AUTORITE DES CONCILES GÉNÉRAUX.
Préface du traducteur...........................................................489
I. Notions préliminaires touchant l'infaillibilité des
Conciles......................................................................491
II. Preuves........................................................................... 494
III. Objections..................................................................... 497
P r iè r e pour le bien de la Sainte E g lis e ............................................... 509
700 TABLE DES MATIÈRES.
APPENDICES.
APPENDIX I.
VINDICIÆ PRO SUPREMA PONTIFICIS POTESTATE
ADVERSUS JUSTINUM FEBRONIUM .
APPENDIX II.
DISSERTATIO DE ROMANI PONTIFICIS AUCTORITATE SU PER
PROPOSITIONEM 29 DAMNATAM AB ALEXANDRO V III.
Introductio..................................................................................................643
§ I. De infallibilitate P a p s e ........................................................... ib.
I. Prænotanda ..................................................... ib.
II. Probatur propositio............................................... 646
III. Respondetur objectionibus.................................... 659
§ II. De auctoritate Pontificis supra Concilium . . . . 665
I. Prænotanda.............................................................ib.
II. Probatur propositio................................................668
III. Respondetur objectionibus.................................... 675
APPENDIX III.
CANONES IN USU PONTIFICIORUM DECRETORUM SERVANDI.
Canones I-XVI............................................................................................^9*