Gestion de Portefeuilles Institutionnels
Gestion de Portefeuilles Institutionnels
Gestion de Portefeuilles Institutionnels
GESTION DE
PORTEFEUILLES
INSTITUTIONNELS
Une approche non conventionnelle
de la gestion de portefeuilles institutionnels
c t i o n
Tradu ouvelle e
e l a n icain
d a m ér
d i t i o n
é a
ated d
nd
Upd y revise
full
http://fribok.blogspot.com/
http://fribok.blogspot.com/
Après avoir travaillé dix ans à Wall Street, notamment chez Salomon Brothers,
David F. Swensen est aujourd’hui Chief Investment Office à l’Université de Yale
où, avec son équipe d’une vingtaine de collaborateurs, il gère plus de 20 milliards
de dollars d’actifs dans le cadre du Fonds de réserve de l’Université.
Membre de l’ American Academy of Arts and Sciences , Docteur en économie de
l’Université de Yale, il enseigne au Yale College ainsi qu’à la F aculté de gestion
depuis plus de 25 ans.
À Tory, qui excelle dans ses études et brille comme écri vain, embrassant la vie a vec une empathie et une sensibilité
qui enrichissent tous ceux qui la connaissent.
À Alex, qui programme les ordinateurs (sans y être asservi), répare les voitures (sans être un dingue de mécanique)
et est un exemple de courage pour tous ceux qui l’approchent.
À Tim, qui pratique avec ferveur toute sorte de sports, supporte tout aussi ardemment les bulldogs de Yale, et dont
l’enthousiasme contagieux galvanise ses coéquipiers tout autant que les spectateurs.
À mes parents, qui n’ont eu de cesse de me montrer le bon chemin, même si je n’ai pas toujours su le suivre.
Infos/nouveautés/catalogue : www.maxima.fr
Titre original : Pioneering P ortofolio Mana gement, An Uncon ventional appr oach to institutional
Investment. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sophie Deste. © MM et MMIX by David F. Swensen.
All Rigths Reserved. Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
This edition published by arrangement with the original publisher Free Press, a Division of Simon and
Schuster, Inc., New York.
http://fribok.blogspot.com/
Table des matières
1. Introduction..................................................................... 21
Les institutions par rapport aux particuliers ............................. 22
Le monde de la gestion des fonds de réserve............................ 23
Un cadre d’investissement rigoureux........................................ 25
Le problème des intermédiaires ................................................ 26
Les difficultés de la gestion act ve ............................................ 28
http://fribok.blogspot.com/
4 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Table des matières 5
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la deuxième édition
C onsidéré de plus en plus lar gement et à juste titre comme le meilleur li vre
jamais écrit sur la gestion des portefeuilles d’investissement institutionnels, le livre
de David Swensen présente dans un lang age simple la somme de connaissance et
l’expertise que son auteur a acquises en trente ans de recherche approfondie et
d’expériences rigoureuses, tout par ticulièrement durant les vingt-trois der nières
années pendant lesquelles il a produit, avec son équipe de l’Université de Yale, des
résultats récur rents époustouf ants. Swensen a donné la preuv e qu’il est l’un des
plus grands investisseurs professionnels.
Voici quelques-unes des conséquences les plus évidentes de cette réussite
(veuillez attacher vos ceintures) :
• L’Université de Yale a prof té avec bonheur des résultats remar quablement
bons de Swensen en matière d’investissement. Les fonds versés à l’Université
ont augmenté ces vingt dernières années de presque trois millions de dollars
par jour.
• Le fonds de réser ve1 qui soutient le b udget croissant de fonctionnement de
l’Université de Yale a augmenté. Ses revenus couvraient 10 % des dépenses de
l’Université en 1985, ils v ont couvrir en 2009 45 % d’un total de dépenses
beaucoup plus élevé.
• Swensen a contribué au f nancement de son université préférée, en termes de
pouvoir d’achat déf ni par l’e xcès de perfor mance par rappor t au résultat
1. À défaut d’un équivalent parfait, nous rendons par « fonds de réserve » le terme endow-
ment qui signifie la totalité des donations conditionnelles stipulant que le capital ne doi
pas être dépensé mais in vesti, et que seuls les rendements de ce capital doi vent servir aux
dépenses de l’institution (NdT).
http://fribok.blogspot.com/
8 Gestion de portefeuilles institutionnels
moyen des autres uni versités américaines, de nombreuses fois plus que le
plus généreux des donateurs de Yale1.
• Durant les vingt-trois dernières années, la v aleur ajoutée par David Swensen,
Dean Takahashi et leurs collègues (c’est-à-dire la part de leur contribution qui
dépasse le résultat moyen de leurs confrères) s’est éle vée à la somme impres-
sionnante de 16,5 milliards de dollars.
• Sous la direction avisée et entreprenante de son président, Richard C. Levin,
l’Université de Yale a utilisé cette puissance f nancière pour se positionner en
tant que leader parmi les g randes universités du monde, pour le plus grand
bien de tous. Les anciens élèves et les amis de Yale, encouragés par les perfor-
mances des investissements de Sw ensen et l’orientation de Le vin, s e sont
montrés remar quablement généreux dans leurs dons pour leur uni versité et
son avenir.
La gestion des investissements de Yale se distingue par sept aspects principaux :
• Les rendements sur de longues périodes sont exceptionnels.
• La régularité de ces rendements est remarquable.
• La solidité str ucturelle du por tefeuille a démontré sa résistance dans des
marchés difficiles. Aussi stupéf ants qu’aient été les résultats, la priorité a
toujours été donnée à la préserv ation active du capital : préservation par la
structure du por tefeuille, préservation par la sélection des gestionnaires , et
préservation par la qualité des relations avec les gestionnaires.
• La recherche pionnière et affi mée d’opportunités de rendements supérieurs,
aussi bien parmi les classes d’actifs que parmi les gestionnaires, y est exem-
plaire.
• La relation entre la gestion du fonds de réserve et la gestion f nancière globale
de l’Université de Yale continue d’être innovante, constructive et prudente.
• L’efficacité et le tr vail d’équipe démontrés par le Département des Investis-
sements de Yale est admirable.
• Les excellentes relations de travail entre le Département des Investissements
de Yale et ses nombreux gestionnaires externes, apportent au fonds de réserve
de Yale un certain nombre d’avantages, notamment la possibilité d’identif er
de nouveaux gestionnaires. Ces a vantages ont un ef fet « boule de neige »
positif pour le fonds de réserve et, donc, pour l’Université de Yale et son rôle
de service public.
1. Seul Kim Abdullah d’Arabie Saoudite, qui a récemment financé la nou elle Université
des Sciences et Technologies du roi Abdullah à hauteur de 20 milliards de dollars, a f ait
plus pour une université que n’importe qui d’autre dans le monde.
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la deuxième édition 9
http://fribok.blogspot.com/
10 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la deuxième édition 11
utilisés dans la mise en œuvre ef fective de la stratégie durant la sélection des ges-
tionnaires externes et l’allocation des capitaux, protégeant ces der niers contre les
mouvements de marché adv erses en recherchant toutes les dif ficultés potentielle
dans un but défensif affi mé et préventif.
La sélection de gestionnaires e xternes spécialisés ajoute une sécurité ef ficace
et a joué un rôle important dans les rendements supérieurs obtenus à Yale. Il existe
deux types de risque dans la sélection des gestionnaires externes : les engager suite
à leurs meilleures performances historiques, ou bien eng ager des gestionnaires en
fin de course et au creux de la ague. Yale évite soigneusement les relations à court
terme et favorise de manière appuyée les engagements à long terme dans une relation
« maritale » avec des gestionnaires triés sur le v olet, les sélectionnant souv ent au
début de leur car rière, alors que les conditions du contrat peuv ent être négociées
afin de aire correspondre la rémunération du gestionnaire a vec les intérêts à long
terme de Yale. Le résultat en est que les additifs aux mandats des gestionnaires sont
fréquents, alors que le turnover dans les relations de Yale avec ses gestionnaires est
très faible.
Le processus de sélection des gestionnaires en vigueur à Yale est exceptionnel-
lement rigoureux, d’une part parce que les professionnels de l’équipe de Sw ensen
ont de l’expérience et sont en contact étroit a vec les marchés, d’autre part parce que
des enquêtes approfondies sont effectuées, et enf n parce que Yale ne sélectionne que
les gestionnaires qui démontrent des qualités hors du commun sur la base de plu-
sieurs critères : compétence en investissement, cohérence dans l’organisation de leur
entreprise, clarté dans la stratégie entrepreneuriale, modes de rémunération adaptés
et, ce qui est le plus important, intégrité personnelle et professionnelle.
Les gestionnaires qui excellent savent que Yale travaille en étroite collaboration
avec chacun d’eux, et que l’Université est un client à la fois difficile et idéal. En étan
financièrement en agée sur tous les marchés, et en disposant d’un personnel e xcep-
tionnellement eff cace au niveau de la prise de décision, Yale s’est organisée pour
pouvoir effectuer rapidement une évaluation rigoureuse de toute nouvelle opportu-
nité. Les gestionnaires sa vent qu’ils vont obtenir une év aluation sérieuse de leurs
idées et de leurs stratégies d’in vestissement, de l’organisation et de la gouv ernance
de leur entreprise ainsi que de leur système de rémunération, et qu’une décision
rapide sera prise. L’un des résultats les plus a vantageux de cette manière de f aire est
que Yale est souvent l’un des premiers clients à f aire travailler les meilleurs gestion-
naires émergents. Revers de la médaille, les critères éle vés et la sélectivité de Yale
signifient que, chaque année, de nombreux gestionnaires se oient opposer un refus
à cause de la rigueur imperturbable du processus de décision.
http://fribok.blogspot.com/
12 Gestion de portefeuilles institutionnels
Chaque nouv eau par tenaire fait l’objet d’une synthèse formelle qui récapitule
tous les détails de l’enquête approfondie effectuée à son sujet. Cette synthèse com-
mente la performance passée du gestionnaire, sa philosophie d’investissement, son
processus de prise de décision, les points forts et les faiblesses de son mode d’organi-
sation, et fournit la bio graphie personnelle et professionnelle de chacun des diri-
geants. Chacune de ces synthèses très poussées (habituellement de quinze à vingt
pages) est étudiée par le Comité d’In vestissement en amont de la réunion trimes-
trielle au cours de laquelle toutes les questions sont discutées ouvertement avec les
spécialistes de l’équipe avant qu’une décision f nale ne soit prise.
Les réunions du Comité ressemb lent beaucoup à un séminaire a vancé sur la
théorie et la pratique de l’investissement, animé par deux diplômés de Yale : Rick
Levin et David Swensen. David Swensen et Richard Levin ont développé une rela-
tion très originale basée sur le langage et les concepts de la gestion institutionnelle,
dans laquelle ils ont tous deux obtenus leur doctorat, sur leur amour du spor t et
sur la fer veur bienveillante avec laquelle leurs équipes respecti ves se mesurent
chaque année dans une compétition de base-ball. Cette for te dimension af fective
peut demeurer cachée à l’obser vateur superf ciel car l’un et l’autre s’ef forcent de
conserver une pensée rigoureuse en ce qui concer ne l’investissement. Les membres
du Comité sont choisis pour leur dévouement à l’Université de Yale, leur facilité à
travailler exceptionnellement bien en groupe restreint, leur e xpertise dans la gestion
des investissements et, plus particulièrement, leur capacité à super viser efficacemen
et à collaborer en bonne intelligence avec les professionnels de l’investissement.
Le plus important pour la préser vation du capital est bien entendu d’éviter les
erreurs fatales, mais l’élimination des petites erreurs par la discipline d’une pensée
rigoureuse et par l’attention aux détails peut également s’avérer très bénéf que. La
performance régulière d’une entreprise d’in vestissement dépend en tout premier
lieu des gens qui effectuent le travail le plus important, et Yale dispose d’une équipe
remarquable de professionnels hautement compétents, chacun possédant son propre
domaine de prédilection et d’e xpertise, le sens de l’objecti vité quand il s’agit de
prendre des décisions qualitatives, une engagement continu dans le travail d’équipe,
une ténacité dans la recherche et l’entretien de relations constructives avec les ges-
tionnaires, et un goût marqué pour offrir à l’Université le meilleur service possible.
Bien que David Swensen partage et explique avec transparence et sans retenue
(et aussi très généreusement) sa philosophie d’in vestissement dans cet ouvrage
magnif que, et bien que tous les lecteurs seront cer tainement reconnaissants d’avoir
accès à cette mine d’or d’expertise remarquablement utile et élégamment présentée
par les explications typiquement rigoureuses et f aciles à comprendre de Swensen,
je me sens ob ligé, après toutes ces années bienheureuses où je me suis trouvé au
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la deuxième édition 13
premier rang des gradins devant la piste des 100 mètres, contemplant le déploiement
de performances hallucinantes, d’avertir les lecteurs sérieux que, malg ré sa sincérité
et son ouverture, David est trop modeste pour révéler cer tains ingrédients essentiels
de sa « potion magique », que seul un observateur perspicace saura discerner comme
étant indispensables à la réussite de Yale. Ils sont trop précieux pour rester secrets,
alors les voici.
Premièrement, comme je l’ai déjà obser vé, bien que tout l’intérêt soit centré sur
les rendements époustouf ants dont Yale a bénéf cié, la principale fondation sous-
jacente aux décisions si créati ves et innovantes d’investissements audacieux dans
des catégories d’actifs non conventionnelles, comme le fait de conf er des millions
de dollars à des gestionnaires peu connus et souv ent nouv eaux dans le métier ,
repose sur une structure de portefeuille et un processus de prise de décision éprouvés
avec rigueur et clairement défensifs.
Deuxièmement, la réalité la plus remar quable concer nant le Dépar tement
d’Investissement de Yale (à moins bien sûr que vous ne teniez encore en plus haute
estime les perfor mances d’investissement e xtraordinaires réalisées) est la riche
culture de respect professionnel et d’affection personnelle qui relie de si nombreux
individus talentueux et eng agés au sein d’une équipe superbement ef ficace don
l’effort collectif rayonne l’excellence. Si vous passez un certain temps avec le noyau
de l’équipe du Département d’Investissement de Yale (surtout si vous avez fréquenté
d’autres entreprises d’investissement de différents types dans différents pays, comme
j’ai pu le faire durant ma longue car rière), vous serez émerveillé par la manière dont
ces « vedettes » de la performance f nancière savent combiner la rigueur et l’objec-
tivité avec la chaleur humaine et la conf ance qui évitent les intrigues ou la compéti-
tion, et mettent l’accent sur l’écoute et la compréhension véritables au quotidien.
Troisièmement, ces liens de respect professionnel et d’amitié personnelle
s’étendent aux centaines d’intervenants-clés qui œuvrent chez les nombreux parte-
naires de Yale, et leur prof tent de multiples manières, à la fois dans leur propre
travail en tant que gestionnaires de fonds et dans les idées et perspectives nouvelles
qu’ils apportent à la manière de faire de Yale.
Quatrièmement, « Swensen & Co » sont extraordinairement attentifs et dévoués à
leur client, l’Université de Yale. Conscients de l’apport toujours plus conséquent du
fonds de réserve au budget annuel de fonctionnement de l’Uni versité, et de l’impor-
tance de la stabilité de cet apport (le budget étant par nature tourné v ers l’humain,
il a donc besoin d’un afflux régulier), ils ont récemment initié une nou elle augmen-
tation d e l a p art d e l a performance destinée aux dépenses de l’Uni versité, ainsi
qu’une modif cation de la str ucture du por tefeuille af n d’accroître sa stabilité.
Embrassant une vision très lar ge de leurs responsabilités à long terme, ils ont pris
http://fribok.blogspot.com/
14 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la deuxième édition 15
admirent beaucoup David Swensen. Ils désirent donc travailler avec lui et avec son
équipe. C’est pour quoi, malg ré ses critères de sélection très éle vés et rigoureux,
Yale attire une telle quantité de gestionnaires de fonds doués et créatifs qui surper-
forment régulièrement. Et il y a de g randes chances pour que la plupar t des ges-
tionnaires fassent de leur mieux pour Yale parce que Sw ensen &Co s’appliquent
sincèrement à les aider et à les encourager.
Encore un dernier secret : David Swensen est presque unique dans sa manière
de déf nir son activité. Certes, il est le directeur f nancier de Yale ; certes, il est un
leader par mi les professionnels de l’in vestissement ; et cer tes, il est moti vé par
l’excellence. Mais il conserve les qualités humaines d’un gentilhomme dans sa vie
privée comme dans sa carrière universitaire, tout en déf nissant sa vie professionnelle
comme un ef fort pour découvrir la meilleure manière de gérer non seulement le
fonds de réserve de Yale, mais aussi tous les fonds de réserve, en partageant généreu-
sement à travers ce livre les concepts et les savoir-faire développés tout au long de
nombreuses années de créati vité et de discipline, en s’ef forçant d’améliorer les
pratiques de la profession, en intégrant la gestion du fonds de réserve et la gestion
financière de l’Un versité dans un tout cohérent, en encourageant les autres à réaliser
leur épanouissement personnel et professionnel par le choix d’une vie a yant du sens
et le dév ouement à un métier de création de richesse au ser vice des institutions
éducatives et philanthropiques de notre monde.
Ainsi, David Swensen a fait plus pour renforcer nos institutions éducati ves et
culturelles que n’importe qui d’autre sur cette planète, et il continue de développer
et de partager ses meilleures idées avec tous d’une manière géniale et inspirante, à
la façon d’un véritable homme de bien. Pas mal, David, pas mal !
Charles D. Ellis
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la première édition
16
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la première édition 17
l’université). Enf n, avec son collègue et futur doyen Bill Brainard, Jim Tobin a recom-
mandé David Swensen à l’administration de Yale et convaincu ce der nier d’aban-
donner sa car rière prometteuse à Wall Street pour prendre en char ge la gestion du
fonds de réserve de Yale. Cela a conduit Swensen à concevoir l’architecture du porte-
feuille global, à f xer des objectifs d’investissement et des règles propres à chaque
composante, puis à sélectionner et super viser des dizaines de gestionnaires de fonds
ayant pour tâche d’appliquer les stratégies d’investissement du fonds de réserve.
Le fonds de réser ve de Yale s’élevait à un peu plus d’un milliard de dollars
lorsque David Swensen ar riva en 1985 ; il s’élèv e maintenant à plus 7 milliards.
Durant les quinze années qui s’écoulèrent entre-temps, au sein d’une str ucture de
portefeuille au risque rigoureusement contrôlé qui comprenait très peu d’obligations,
faisait massivement appel aux gestionnaires externes et, pendant le marché actions
haussier le plus long et le plus puissant de l’histoire américaine, a été délibérément
et fortement sous-investie en actions cotées américaines, David Swensen et son équipe
ont réalisé sur le fonds de réserve de Yale une performance annualisée supérieure à
celle de 96 % des fonds de réserve, et supérieure à celle de 98 % de l’ensemble des
fonds institutionnels tels que les fonds de pension.
L’intérêt du public se por te naturellement sur les e xcellents résultats de Da vid
Swensen. Les obser vateurs citent habituellement la str ucture non conventionnelle
du portefeuille et les rendements exceptionnels obtenus, mais perdent de vue la perti-
nence des systèmes de contrôle à court et à long terme utilisés pour éviter, réduire
et gérer le risque.
Ceux qui sont plus proches de Yale reconnaissent que la structure de contrôle
de risque du por tefeuille global et la discipline constante de Da vid Swensen ont
permis au fonds de réserv e de fournir de plus en plus de liquidités au pro gramme
pédagogique de Yale. Le fonds de réserve de Yale ne s’est pas contenté de croître à
merveille en valeur, mais a également donné la possibilité à l’administration de Yale
d’augmenter avec prudence son niveau de dépenses annuel à deux reprises grâce à
la force et à la résilience structurelles de son portefeuille. Pour tout dire, l’afflux d
liquidités provenant chaque année du fonds de réser ve vers l’université durant les
quinze années de gestion de Swensen, est passé de 45 à 280 millions de dollars.
Le timing ne pouv ait être meilleur : Yale est en train de vi vre une for midable
renaissance sous la direction éclairée de son président Richard C. Le vin et de ses
extraordinaires collègues. Et comme le sa vaient si bien les Médicis, toute renais-
sance est coûteuse.
La plupart des g randes institutions culturelles et d’enseignement occidentales
(universités, lycées, bibliothèques, musées et fondations) dépendent, à des de grés
divers, de leurs fonds de réserve et des rendements qu’ils produisent. Habituellement,
http://fribok.blogspot.com/
18 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Préface à la première édition 19
http://fribok.blogspot.com/
20 Gestion de portefeuilles institutionnels
d’autre part, il insiste avec une certaine raideur sur la nécessaire intégrité des gestion-
naires et des investissements auxquels Yale participe. Il est signif catif de constater
que sa « boussole morale » lui a per mis de discer ner et de prendre des décisions
d’investissement originales qui se sont avérées bénéf ques pour l’université.
Enfin, D vid Swensen se fait un plaisir de tra vailler aux investissements de Yale,
recrutant une équipe de jeunes diplômés de Yale au talent exceptionnel qui, pour leur
premier emploi, se trouvent confrontés d’emblée au monde de l’investissement, aux
responsabilités inhérentes aux enquêtes, aux analyses et aux décisions, et à un travail
d’équipe exemplaire en collaboration très étroite. Les « anciens élèves » de David
Swensen sont partis occuper des postes importants de gestion de fonds de réserve
dans les fondations Carne gie et Rockefeller, ainsi qu’aux uni versités de Duke et
de Princeton. Comme Churchill le f aisait obser ver : « Les gens aiment beaucoup
gagner ». En partageant les joies de la victoire et la discipline indispensable au main-
tien de performances exceptionnelles, David Swensen infuse tout le processus d’inves-
tissement d’un sens aigu de la mission qui consiste à permettre à l’université de Yale,
à ses étudiants et à son administration de briguer le plus haut accomplissement.
David Swensen était réticent à écrire ce li vre lorsque l’idée lui a été proposée
pour la première fois. Son raisonnement d’alors illustre la remarquable intégrité de
cet homme. Tout d’abord, il s’inquiétait que cet écrit attire l’attention sur sa propre
personne plutôt que sur son équipe, par ticulièrement son collègue de longue date et
ami Dean Takahashi. Il s’inquiétait également qu’un « manuel d’instructions » fasse
paraître tout cela comme étant « très facile ». Il redoutait que des institutions (surtout
celles qui possédaient des fonds de réser ve moins importants) soient attirées par les
résultats impressionnants obtenus ces dernières années par Yale, mais ne possèdent
pas les ressources humaines ou la structure interne et la discipline exigées pour tenir
leurs engagements dans les marchés chahutés qu’elles ne manqueraient pas de ren-
contrer à l’avenir. Il sait mieux que tout autre à quel point un engagement soutenu est
nécessaire à la réussite d’une structure de portefeuille s’éloignant des sentiers battus.
Heureusement, David Swensen était persuadé d’aller de l’avant avec ce livre. Il
a beaucoup de choses à nous montrer , et nous a vons beaucoup à apprendre de ce
partage des leçons enseignées par son expérience.
Considérez ceci : au-delà des rendements sur in vestissement eng rangés par
le fonds de réserve américain moyen, les résultats obtenus par Da vid Swensen et
son équipe ont ajouté plus de 2 milliards de dollars au fonds de réserve de Yale et plus
de 100 millions à son dernier budget annuel. Combien peuvent aspirer à contribuer
aussi brillamment à une institution de premier ordre comme le fait David Swensen
dans son travail à forte valeur ajoutée pour Yale ?
Charles D. Ellis
http://fribok.blogspot.com/
1
Introduction
L orsque j’ai écrit l’introduction à la première édition de cet ouvrage, début 1999,
la stratégie originale d’in vestissement de Yale avait produit d’e xcellents résultats,
aussi bien en termes relatifs qu’absolus, mais n’avait pas encore subi l’épreuve de
conditions de marché adverses. Le rendement annualisé du fonds de réserve pendant
la dizaine d’années se terminant le 30 juin 1998 s’élevait à 15,5 % par an, soit plus
de trois points de moins que l’indice S&P 500, dont le rendement avait été de 18,6 %
sur la même période. Cette sous-perfor mance par rapport aux actions américaines
qui culminaient alors au sommet de leur perfor mance historique, fournissait aux
détracteurs l’occasion de remettre en question la sagesse consistant à entreprendre
la tâche ardue de créer un portefeuille largement diversifié
Les années qui ont suivi la publication de la première édition de cet ouvrage ont
prouvé la valeur de l’allocation d’actifs innovante de Yale. La poursuite du marché
haussier en 1999 et au déb ut de l’an 2000 a généré des résultats formidab les pour
Yale, atteignant 41 % de rendement pour l’année se ter minant le 30 juin 2000, un
résultat qui tranchait sur le rendement moyen de 13 % du fonds de réserve. Mais le
vrai test pour l’approche de Yale eut lieu en 2001 et 2002, quand la b ulle spéculative
des valeurs internet et des actifs cotés éclata. Yale a annoncé des rendements positifs
de 9,2 % en 2001 et de 0,7 % en 2002, alors que la mo yenne des fonds de réserve
américains af fichait des pe tes de respecti vement 3,6 % et 6 %. P our résumer ,
l’orientation sur les actions a continué à produire des résultats solides pour Yale, et la
diversification des actifs a joué son rôle de prése vation des capitaux de l’Université.
Du point de vue du marché, notre situation en ce début de l’année 2008 diffère
considérablement de celle du début de l’année 1999. Pour les dix ans se terminant
le 30 juin 2007, le rendement de 17,8 % l’an obtenu par Yale dépasse de très loin
les 7,1 % du S&P 500. Les résultats sur vingt ans vont également dans ce sens, les
21
http://fribok.blogspot.com/
22 Gestion de portefeuilles institutionnels
15,6 % par an obtenus par Yale dominant les 10,8 % du S&P 500. En fait, la réussite
manifeste de Yale a attiré l’attention de nombreux in vestisseurs, faisant passer la
stratégie de l’Université pour moins radicale et plus sensée, moins inno vante et plus
banale qu’elle ne l’était en réalité.
En dépit de multiples imitations de sa philosophie de gestion de por tefeuille,
l’Université de Yale a pub lié des rendements étonnants par rappor t à ceux de ses
consoeurs. Pour l’année se ter minant le 30 juin 2007, Yale a publié un rendement
de 28 % qui a dépassé celui de toutes les institutions d’enseignement a yant participé
à l’Annual Analysis of College and University Pool Returns réalisée par Cambridge
Associates. Plus signif catif encore, les résultats de Yale ont devancé le peloton des
autres sur cinq, dix et vingt ans. La gestion de por tefeuille innovante de Yale fonc-
tionne donc en théorie et en pratique.
La mesure la plus importante du succès de la gestion du fonds de réser ve de Yale
réside dans sa capacité à soutenir la mission pédagogique de l’Université. Lorsque
je suis ar rivé à Yale en 1985, le fonds de réserv e contribuait pour 45 millions de
dollars au budget de l’Université, soit 10 % des revenus de celle-ci, ce qui était la
contribution la plus basse du siècle. Pour l’année f scale 2009, en grande partie grâce
à des rendements d’investissement extraordinaires, le fonds de réserve va contribuer
au budget de l’Université à hauteur d’environ 1 150 millions de dollars, soit près de
45 % de ses revenus. Une gestion de qualité fait toute la différence !
Quand j’ai écrit mon second li vre, Unconventional Success 1, j’ai déf ni son
message comme « un cadre d’in vestissement intelligent pour les par ticuliers », par
opposition à la dimension institutionnelle de La Gestion de Portefeuilles institution-
nels. Mais je me suis trompé dans la défnition de mon lectorat. En fait, j’en suis venu
à penser que la distinction la plus importante dans le monde de l’investissement n’est
pas la séparation entre particuliers et institutions, mais celle qui existe entre les inves-
tisseurs qui ont la capacité de prendre les meilleures décisions dans le cadre d’une
gestion active et ceux qui ne possèdent pas d’expertise dans ce domaine. Peu d’insti-
tutions (et peu d’indi vidus) démontrent cette capacité et eng agent les ressources
nécessaires à la production de rendements ajustés au risque exceptionnels.
http://fribok.blogspot.com/
Introduction 23
1. Nous rendons par « performance absolue » l’expression absolute return qui qualifie un
classe alter native d’actifs se distinguant par l’absence de lien à tout indice de référence
(NdT).
2. Les colleges américains correspondent au premier cycle universitaire (NdT).
http://fribok.blogspot.com/
24 Gestion de portefeuilles institutionnels
servent en fait les intérêts des intermédiaires fnanciers. Découvrir cette poignée de
pépites au sein de tonnes de déchets minéraux constitue donc une activité intellec-
tuellement stimulante pour les gestionnaires de portefeuilles de fonds de réserve.
La base de connaissances qui sous-tend utilement les décisions d’in vestissement
ne connaît pas de frontières. Une compréhension profonde de la psycholo gie
humaine, une étude rationnelle des théories f nancières, une conscience claire des
processus historiques et le plus large accès possible aux questions d’actualité sont
autant de facteurs qui contrib uent au dév eloppement de stratégies de por tefeuille
pertinentes. Beaucoup de professionnels de haut niveau avouent qu’ils travailleraient
gratuitement dans cette activité totalement fascinante qu’est la gestion de capitaux.
Le livre commence par dépeindre les grandes lignes de la gestion d’un fonds de
réserve, étudiant la raison d’être de ces fonds et e xaminant les objectifs des porte-
feuilles institutionnels. La formulation d’une philosophie d’in vestissement fournit
les idées sous-jacentes au dév eloppement d’une stratégie d’allocation d’actifs,
c’est-à-dire aux décisions fondamentales concernant la part du portefeuille consa-
crée à chaque catégorie de produits f nanciers.
Après avoir établi un cadre pour la construction du portefeuille, le livre analyse
les détails pratiques de l’application d’un pro gramme d’in vestissement réussi.
L’étude des problèmes qui accompagnent la gestion d’un por tefeuille permet d’exa-
miner les situations dans lesquelles les frictions de la réalité concrète pour raient
empêcher la réalisation des objectifs de gestion. Les chapitres concer nant les caté-
gories d’actifs traditionnelles et alter natives donnent un aperçu sur les caractéris-
tiques de l’investissement et les opportunités qui s’ouvrent à la gestion active. Ils sont
suivis par une mise en exergue des problèmes inhérents à la gestion des différentes
catégories d’actifs. Le livre se termine par des réf exions sur la str ucturation d’un
processus de prise de décision efficace
La linéarité inévitab le de l’e xposition du processus d’in vestissement cache la
complexité du déf que constitue la gestion d’un por tefeuille. Par exemple, l’alloca-
tion d’actifs repose sur la combinaison d’une évaluation top-down des caractéris-
tiques de chaque catégorie d’actifs et d’une év aluation bottom-up des opportunités
présentes dans chaque catégorie. Comme les projections quantitatives de rendement,
de risque et de cor rélation ne traduisent qu’un aspect du tab leau, les investisseurs
de haut niveau complètent ce panorama statistique par une connaissance approfondie
de chaque type d’investissement. Puisque les résultats de l’approche bottom-up des
opportunités d’investissement fournissent des infor mations importantes pour l’éva-
luation de l’attractivité d’une catégorie d’actifs, les in vestisseurs efficaces consi-
dèrent à la fois les f acteurs top-down et bottom-up lorsqu’ils évaluent les différentes
alternatives de constr uction d’un por tefeuille. En commençant par l’anal yse des
http://fribok.blogspot.com/
Introduction 25
grandes questions concernant le cadre d’allocation des actifs puis en traitant des
sujets en rapport avec la gestion de por tefeuilles d’investissement spécif ques, ce
livre suit une progression limpide du macro au micro, ignorant par là-même la simul-
tanéité complexe du processus de gestion de capitaux.
Trois thèmes af fleurent régulièrement dans ce l vre. Le premier est centré sur
l’importance d’agir dans un cadre analytique rigoureux, appliqué avec discipline et
sous-tendu par une étude approfondie des opportunités spécif ques. Lorsque l’on a
affaire à tout l’év entail des décisions possib les d’investissement, depuis les grandes
lignes de l’allocation d’actifs jusqu’à la sélection précise et documentée de tel ou
tel outil f nancier, la réussite exige que l’on tienne fermement des positions rendues
parfois inconfortables par leur di vergence avec l’opinion commune. Des engage-
ments banals conduisent à des revers tout aussi banals, exposant les gestionnaires de
portefeuilles à ces turb ulences destructrices de capital qui consistent à acheter au
plus haut et à v endre au plus bas. Seule la conf ance générée par un processus de
décision solide permet aux in vestisseurs de vendre lors des e xcès d’enthousiasme
et d’acheter lorsque que tout le monde a perdu espoir.
Etablir un cadre anal ytique rigoureux e xige un e xamen pointilleux des déf s
rencontrés par l’institution dans le domaine de l’in vestissement, évalués dans le
contexte des caractéristiques spécif ques de l’organisation en question. Trop souvent,
les investisseurs ne tiennent pas compte des besoins par ticuliers d’une institution
en termes de règles d‘investissement, et choisissent d’adopter une structure de porte-
feuille semblable à celle d’institutions comparables. Dans d’autres cas, lors de l’éva-
luation de stratégies d’in vestissement particulières, les in vestisseurs s’engagent sur
des supports d’investissement parce que ceux-ci ont attiré d’autres investisseurs de
renom, et non à cause de leurs mérites. Sui vre les autres peut conduire à une e xpo-
sition des capitaux à un risque substantiel.
L’application rigoureuse des décisions d’investissement garantit en revanche aux
investisseurs qui les prennent de bénéf cier des a vantages et de supporter les coûts
associés aux règles d’investissement adoptées par l’institution concer née. Beaucoup
d’activités importantes dans le domaine de l’in vestissement exigent une attention
soutenue, mais le respect des objectifs en ter mes d’allocation d’actifs est l’une des
plus essentielles. Beaucoup trop d’in vestisseurs dépensent en ef fet des quantités
pharamineuses de temps et d’éner gie à mettre au point des règles de constr uction
http://fribok.blogspot.com/
26 Gestion de portefeuilles institutionnels
de portefeuille qu’ils laissent ensuite déri ver au g ré des caprices du marché, une
fois leurs actifs distrib ués. Le processus de rééquilibrage e xige alors une bonne
dose d’activité puisque cela nécessite d’acheter et de v endre constamment af n de
recentrer sur leur objectif les différentes catégories d’actifs sur ou sous-pondérées.
Sans un respect rigoureux des objectifs et des règles, les gestionnaires ne parviennent
pas à réaliser un portefeuille dont les caractéristiques correspondent à l’institution
concernée.
Le fait de prendre des décisions fondées sur une analyse approfondie constitue le
fondement de la mise en œuvre d’un pro gramme d’investissement solide. La nature
extrêmement compétitive de la gestion de capitaux vient de la prédominance en son
sein des jeux à somme nulle : ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres.
Des décisions soigneusement réf échies constituent donc la seule base intelligente
pour des activités d’investissement prof tables, allant du choix des règles générales
aux paris ponctuels qui consistent à sélectionner tel ou tel instrument f nancier.
Un deuxième thème concerne l’impor tance des problèmes rencontrés avec les
intermédiaires f nanciers, qui interfèrent a vec la poursuite des objectifs de l’institu-
tion. Presque chaque aspect de la gestion de capitaux souffre de décisions prises dans
l’intérêt exclusif des intermédiaires, au détriment de l’intérêt de leurs clients. Cela va
des conseillers qui tentent d’inf uencer le comité d’investissement durant leur mandat,
aux membres du personnel recherchant a vant tout la sécurité de leur emploi, en
passant par les gestionnaires de por tefeuille préférant des primes de rendement
régulières à la performance de l’investissement et les chefs d’entreprise détournant
les fonds pour leur usage personnel. Les di vergences d’intérêt entre les détenteurs
des capitaux et ceux qui sont chargés d’en assurer la gestion génèrent des distorsions
potentiellement coûteuses entre ce qui aurait dû être fait et ce qui est fait en réalité.
La divergence entre les objectifs des fonds et le comportement des intermédiaires
financiers pose des pro lèmes jusqu’au plus haut niveau de gouvernance, conduisant
à l’incapacité de servir les intérêts d’un fonds de réserve destiné à exister sans limite
de temps. Les indi vidus cherchent une gratification immédiate, ce qui les mène
donner trop d’importance à des actifs f nanciers dont ils attendent un rendement à
relativement court terme. Dans le même temps, les intermédiaires espèrent retenir
les fonds de leurs clients en évitant toute contro verse, et se limitent à des idées
d’investissement conventionnelles. En opérant dans le sens du courant général insti-
tutionnel à court terme, et en saisissant des opportunités d’investissement acceptables
http://fribok.blogspot.com/
Introduction 27
par tous, les membres du comité et du personnel assurent un résultat banal mais pas-
sent à côté de paris contrariens potentiellement plus rémunérateurs à long terme.
Les relations avec les gestionnaires externes fournissent quant à elles un terrain
fertile en conf its d’intérêt. Les institutions recherchent des investissements à hauts
rendements ajustés au risque, alors que les gestionnaires e xternes recherchent des
flux sta les et substantiels de commissions. Des conf its surgissent donc inévitable-
ment, car les opportunités d’investissement les plus attractives ne sont pas celles qui
génèrent des rendements stables et prévisibles. Afin de créer des ux de rémunération
plus sûrs, les sociétés de gestion collectent souv ent trop de capitaux, sui vent des
stratégies de portefeuille collant aux indices, et diluent leurs efforts de gestion sur
une quantité considérable de supports d’investissement différents. Comme les inter-
médiaires f nanciers tentent de réduire les conf its avec les conseillers d’investis-
sement en créant des arrangements f nanciers intéressants pour eux, les intérêts des
conseillers divergent de ceux des apporteurs de capitaux, même dans les structures
de négociation les mieux pensées.
La plupart des catégories d’actifs comprennent des suppor ts d’investissement
qui induisent un certain niveau de risque, les obligations du secteur privé représentant
un cas e xtrême dans la mesure où des prob lèmes structurels les rendent désespéré-
ment impropres à la construction d’un por tefeuille. Les intérêts des actionnaires,
auxquels la direction de l’entreprise s’identif e généralement, divergent si spectacu-
lairement des objectifs des détenteurs d’obligations que les prêteurs doivent s’attendre
à se retrouver lésés presque à chaque fois qu’un confit d’intérêt éclate. Mais même
dans les holdings, où les dirigeants n’ont que peu d’intérêts communs avec les action-
naires externes, des problèmes contingents génèrent des oppositions entre les deux
catégories d’acteurs économiques. Dans tous les types d’entreprises, pub liques ou
privées, les dirigeants, au moins occasionnellement, poursui vent des activités leur
apportant un bénéf ce strictement personnel et nuisant directement aux intérêts des
actionnaires. Pour pallier le problème, les investisseurs recherchent des dirigeants
centrés sur les intérêts des actionnaires, et évitent les entreprises considérées comme
des tirelires par les individus qui en ont la charge.
Chaque aspect du processus d’in vestissement contient des possibilités de conf it
bien réelles entre les intérêts des capitaux de l’institution et ceux des inter médiaires
engagés pour gérer les actifs du por tefeuille. La conscience de l’étendue et de la
gravité des problèmes liés aux intermédiaires constitue à cet ég ard la première ligne
de défense des gestionnaires de fonds. En adoptant une position de scepticisme a
priori pour évaluer chaque participant impliqué dans les activités d’investissement,
les gestionnaires augmentent la probabilité d’éviter ou de réduire les conf its les
plus sérieux entre intermédiaires et propriétaires des fonds.
http://fribok.blogspot.com/
28 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Introduction 29
http://fribok.blogspot.com/
2
Les objectifs d’un fonds de réserve
31
http://fribok.blogspot.com/
32 Gestion de portefeuilles institutionnels
RESTER INDÉPENDANT
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 33
des subsides. De la même manière, les colleges qui dépendent de donations pour
leurs dépenses courantes observent que les bienfaiteurs exigent d’avoir leur mot à dire
dans les activités de l’institution. Même les institutions pédago giques qui dépendent
lourdement des frais d’inscription peuv ent se trouver contraintes par cette dépen-
dance, par exemple en suivant les tendances et les modes actuelles af n d’attirer un
nombre suffisant d’étudiants pour assurer leur nancement. Plus une institution
accroît ses besoins en termes de re venus, plus elle s’e xpose à un de gré éle vé
d’influence xterne.
Les établissements d’enseignement doivent bien sûr respecter les lois du gouver-
nement, e t prendre en considération les souhaits des donateurs et des étudiants.
Toutefois, à certains moments, de telles inf uences altèrent la capacité des dirigeants
de l’institution à poursuivre des objectifs institutionnels bien pensés. L’accumulation
de réserves permet en revanche aux établissements de rendre des comptes à leurs
interlocuteurs sans pour autant en devenir les otages.
Les donateurs aux fonds de réserve assortissent leurs dons de restrictions signi-
ficat ves, stipulant que les fonds doivent fournir un soutien permanent à des objectifs
clairement désignés. Occasionnellement, ces e xigences entrent en conf it avec les
objectifs de l’institution, comme ce pourrait être le cas lorsqu’un fonds soutient un
domaine d’étude abandonné depuis longtemps par le cor ps enseignant. Mais, le
plus souvent, les contributions au fonds sont destinées au f nancement d’activités qui
se trouvent au cœur des aspirations de l’or ganisation, comme l’allocation de bourse
d’études et la mission d’enseignement en général. Même si les donateurs e xercent
une inf uence considérable en précisant les conditions initiales de leur contribution
au fonds, après l’apport des sommes d’argent, leur inf uence diminue.
Dépendre de sources de revenus à court terme exige donc des institutions qu’elles
répondent à une combinaison de pressions e xplicites ou implicites. En revanche, les
institutions qui jouissent d’un f ux de revenus stable provenant des rendements du
fonds de réser ve ont une plus g rande chance de conserv er leur indépendance par
rapport aux pressions externes. L’apport du fonds de réserve au financement du udget
opérationnel favorise la liberté académique et permet une gouvernance indépendante.
Yale et le Connecticut
La sur vie de la toute nouv elle Université de Yale au début du XVIIIe siècle a
dépendu du soutien législatif et f nancier de la Colonie du Connecticut. En
octobre 1701, l’Assemb lée Générale de la Colonie du Connecticut approuv a la
proposition mise en a vant par cinq ministres du Connecticut de créer un collège
« où la jeunesse puisse être instruite dans les Arts et les Sciences qui, avec la béné-
http://fribok.blogspot.com/
34 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Brooks Mather Kelley, Yale: A History, New Haven, Yale University Press, 1974.
2. Des représentants de l’État allaient continuer de siéger au Conseil de Yale, même si, par
la suite, ils ne participeraient plus activement à la gestion de l’Université.
3. Merle Curti and Roderick Nash, Philanthropy in the Shaping of American Higher Edu-
cation, Ne w Br unswick, NJ ., Rutgers Uni versity Press, 1965 ; F rederick Rudolph, The
American College and University: A History, Athens, University of Georgia Press, 1962.
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 35
1. Hugh Davis Graham and Nancy Diamond, The Rise of American Research Universities,
Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1997.
2. Ibid.
3. Howard R. Bowen, The Costs of Higher Education: How Much Do Colleges and Univer-
sities Spend per Student and Ho w Much Should They Spend?, New York, McGraw Hill,
1980. Voir également Graham and Diamond, op cit., p. 97.
http://fribok.blogspot.com/
36 Gestion de portefeuilles institutionnels
L’Université de Bridgeport
Au début des années 1990, des déboires f nanciers d’envergure ont contraint
l’Université de Bridgeport à perdre son indépendance après un combat désespéré
pour sa sur vie. D’un plus haut de 9 000 étudiants dans les années 70 à moins de
4 000 en 1991, un recrutement en déclin a créé un véritab le traumatisme budgétaire,
forçant l’Université à envisager des mesures radicales. En dépit de ses dif ficultés
l’Université de Bridgeport a refusé, en octobre 1991, une of fre de 50 millions de
dollars de la Professors World Peace Academy, une émanation de la secte Moon.
Préférant conserver son indépendance, le conseil de l’Université prit la difficile déci
sion de supprimer presque le tiers de son programme pédagogique, tout en sollicitant
d’un juge qu’il autorise une ponction sur le fonds de réser ve pour pouvoir faire face
aux charges salariales.
Après avoir épuisé toutes ses ressources, en avril 1992, le conseil de l’Université
fit machine a rière, cédant le contrôle de l’institution à la Professors World Peace
Academy en échange d’un apport de plus de 50 millions de dollars sur cinq ans.
Dès le moment où des membres du conseil affiliés à l’Église de l’Uni cation prirent
son contrôle, l’Uni versité, vieille de 65 ans, reçut une nouv elle mission, à sa voir
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 37
APPORTER DE LA STABILITÉ
1. Denise LaVoie, “School Year Begins with New Unification Church Affiliation”, Associated
Press, 28 August 1992.
2. New York Times.
3. Joseph Berger, “University of Bridgepor t Honors Re verend Moon, F iscal Savior”, New
York Times, 8 September 1995.
http://fribok.blogspot.com/
38 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Lynde Phelps Wheeler, Josiah Willard Gibbs, New Haven, Yale University Press, 1951,
91–92.
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 39
L’Université de Stanford
Les rendements du fonds de réserve servent parfois à fournir plus que la stabilité
opérationnelle des dépenses annuelles. Durant des périodes de g raves difficulté
économiques, les institutions qui disposent d’un fonds solide utilisent les plus-values
exceptionnelles pour tenir bon dans la tourmente, alors que celles dont les ressources
régulières sont plus f aibles sont plus directement confrontées aux conséquences
des gros traumatismes f nanciers.
En 1991, Stanford a perdu une grande par tie du soutien f nancier du gouverne-
ment fédéral à cause d’une controverse portant sur une demande faite par l’Université
à l’État de lui rembourser des surcoûts dus aux activités de recherche qu’il sponso-
risait. Stanford aurait alors surf acturé le gouv ernement, pour couvrir des char ges
écrasantes associées aux dépenses de fonctionnement du yacht de 22 mètres Victoria,
à l’achat d’une commode italienne du XIXe siècle en merisier, et à un séjour or ga-
nisé au bord du Lac Tahoe pour les conseillers de l’Uni versité1. Principalement à
cause de l’impact régulier de ses litiges avec le gouvernement fédéral, l’Université
a annoncé un déf cit opérationnel de plus de 32,5 millions de dollars en 1992,
représentant presque 3 % de ses revenus.
Confrontée à un déf cit projeté de 125 millions sur trois ans, l’Uni versité de
Stanford chercha à f nancer les pertes prévues tout en appliquant des programmes de
réduction des dépenses. Une composante essentielle du plan de fnancement impli-
quait d’augmenter les ponctions sur le fonds de réser ve de 4,75 à 6,75 % en 1993
et 1994, et le déblocage progressif de 58 millions de dollars pour soutenir les dépenses
opérationnelles pendant la période d’adaptation de Stanford à la nouvelle donne.
La combinaison de retraits accr us sur le fonds de réserv e, de réduction des
dépenses, et d’emprunts progressifs permit de redresser les f nances de l’Université.
En 1995, puisant dans son bénéf ce opérationnel, Stanford abaissa les ponctions
sur le fonds de réserve à 5,25 %, revenant presque « au taux habituel de 4,75 % »2.
L’augmentation e xceptionnelle du taux de prélèv ement sur le fonds fournit un
1. Leonard Cur ry, “Cong ressional Hearing Puts Stanford Of ficials on Hot Seat”, The
Orange County Register, 14 March 1991.
2. L’augmentation de 0,5 % étant destinée à « soutenir la réno vation des bâtiments et
infrastructures du campus ». Cf. Stanford University Annual Financial Report, 1995.
http://fribok.blogspot.com/
40 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les fonds produisent des ressources f nancières qui per mettent à une institution
de poser les bases d’un en vironnement pédagogique de meilleure qualité. Consé-
quemment, les rendements du fonds attirent de meilleurs professeurs, contrib uent à
l’amélioration du matériel et f nancent les recherches de pointe. Alors que les res-
sources financières ordinaires peinent à se traduire directement en termes d’excel-
lence pédagogique, l’augmentation régulière du capital fournit au corps enseignant,
à l’administration et aux conseillers les moyens de développer une institution édu-
cative solide.
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 41
1. L’enquête, non publiée, sur le lien entre la taille des fonds de réserve des universités et la
qualité de la recherche est fondée sur les tra vaux du Dépar tement des Investissements de
Yale.
http://fribok.blogspot.com/
42 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 43
http://fribok.blogspot.com/
44 Gestion de portefeuilles institutionnels
Le niveau du fonds de réserve par étudiant montre la même chose. Les univer-
sités du premier quartile disposent d’en viron 530 000 dollars par étudiant à plein
temps. Après un déclin spectaculaire à 190 000 dollars par étudiant pour le deuxième
quartile, et un peu plus de 61 000 pour le troisième quartile, les institutions du
dernier quartile n’affichent que 43 000 dollars par étudiant. La taille du fonds est
donc clairement et fortement corrélée à la qualité de l’institution.
La contribution du rendement de l’investissement aux budgets de recherche de
l’institution v arie aussi spectaculairement. Comme l’indique le tab leau 2.2, les
capitaux investis des uni versités du premier quartile produisent 19,1 % de leurs
revenus. À l’opposé, les institutions du dernier quartile ne reçoivent du rendement
de leurs capitaux qu’environ un tiers de ce soutien, les investissements ne contribuant
que pour 6,8 % de leurs revenus.
Comme les institutions de haute qualité ont tendance à être plus g randes, les
niveaux relatifs des revenus d’investissement se traduisent par des sommes en dollars
beaucoup plus élevées. Les institutions du premier quartile fonctionnent grâce à un
retrait sur fonds annuel moyen de 274 millions de dollars, alors que les universités
du dernier quartile ne reçoivent par cette voie que 17 millions de dollars.
Les frais d’inscription des étudiants four nissent le complément des re venus
d’investissement. À mesure que la qualité des institutions augmente, la dépendance
budgétaire aux frais d’inscription des étudiants décroît. Ces frais d’inscription
constituent 24,5 % des revenus des institutions du premier quar tile, alors qu’elles
représentent 64,5 % des revenus de celles du dernier quartile, ce qui signif e un écart
de 40 %.Les intuitions de moins bonne qualité dépendent lourdement des frais
d’inscription de leurs étudiants. Cependant, envisagées par étudiant, les frais d’ins-
cription montrent une similitude remar quable d’un quar tile à l’autre, s’étalant de
26 800 dollars pour le premier quartile à 19 400 pour le dernier. Les universités qui
disposent d’un fonds de réserve plus conséquent utilisent leur puissance f nancière
pour créer un environnement éducatif plus riche.
Les subventions et les contrats af fichent une fo te cor rélation avec la qualité
institutionnelle, fournissant presque 38 % des revenus des institutions du premier
quartile, et déclinant régulièrement jusqu’à un peu au-dessus de 16 % des revenus
pour les universités du dernier quartile. Comme pour les revenus de l’investissement,
la combinaison des gros budgets et des proportions plus impor tantes des institutions
de premier rang se traduit par des revenus de subventions et de contrats pour l’acti-
vité de recherche plus substantiels en faveur des grandes universités de qualité.
Les chiffres des dons annuels se tiennent à l’intérieur d’une bande étroite allant
de 6.9 à 9 % des revenus, et ne démontrent aucune orientation par ticulière. Même
si les universités du premier quartile reçoivent un plus faible pourcentage de revenus
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 45
Revenu Frais
Subventions/ Revenus
Institution total d’incription Dons Autres
contrats d’investissement
moyen des étudiants
Trois Harvard
premières Princeton 1 736 19,7 % 23,5 % 6,0 % 31,2 % 8,6 %
Yale
1er quartile Brown MIT
Cal Tech Northwestern
Columbia Princeton
Corneli Stanford
1 463 24,5 % 37,7 % 8,4 % 19,1 % 8,1 %
Dartmouth Penn
Duke Washington
Harvard Univ.
Johns Hopkins Yale
2e quartile Boston College NYU
Brandeis Rice
Carnegie Mellon Tufts
Case Western Chicago
733 45,2 % 25,9 % 9,0 % 14,5 % 5,4 %
Emory Rochester
Georgetown USC
Lehigh Vanderbilt
Note Dame Wake Forest
3e quartile RPI St. Louis
Baylor University
Baylor Stevens
BU Institute Tech.
Clark Syracuse
422 58,9 % 19,0 % 6,9 % 9,4 % 5,8 %
Fordham Tulane
George Miami
Washington WPI
Pepperdine Yeshiva
SMU
4e quartile American TCU
Catholic Univ. Univ.
or America of Denver
Drexel Univ. of Tulsa
Howard Univ.
271 64,5 % 16,2 % 8,1 % 8,8 % 4,3 %
Illinois Institute of Dayton
of Tech. Univ. of
Loyola the Pacifi
Marquette USD
Northeastern USF
Moyenne 722 48,2 % 24,7 % 8,1 % 12,5 % 5,9 %
http://fribok.blogspot.com/
46 Gestion de portefeuilles institutionnels
par les dons, les sommes données à ces institutions dépassent en dollars celles de
toutes les autres institutions réunies.
Bien que la taille du fonds de réser ve soit clairement cor rélée à la qualité de
l’institution, le sens de la relation de cause à ef fet reste mystérieux. Est-ce que les
institutions de meilleure qualité attirent des sommes plus importantes pour leur fonds
de réserve, créant un cercle v ertueux qui s’auto-alimente ? Ou bien est-ce que les
fonds plus conséquents fournissent les ressources e xigées pour bâtir des institutions
de meilleure qualité, facilitant ainsi une réserve d’excellence ? Quel que soit le sens
de cette causalité, des ressources f nancières plus abondantes sont corrélées à des
environnements éducatifs de meilleure qualité.
CONCLUSION
Les fonds de réserve servent à quantités d’objectifs pour les institutions d’ensei-
gnement, leur per mettant une plus g rande indépendance, leur fournissant une meil-
leure stabilité, et facilitant l’e xcellence pédago gique. Les institutions de qualité
servent mieux la société en tant que lieux de rencontre pour la recherche libre et
ouverte, et promeuvent l’indépendance de la pensée sans égard pour les conventions
ni crainte des controverses. Les conditions attachées à des sources externes de soutien
financier créent la possibilité de rendre l’institution vulnéra le, limitant ainsi la
franchise des débats et la liberté de recherche.
Pour les institutions bien établies, les fonds de réserve améliorent l’indépendance
opérationnelle et la stabilité budgétaire. Des réserves conséquentes de revenus per-
manents permettent aux conseillers de résister à l’ingérence du gouvernement et aux
exigences ir rationnelles de certains donateurs. Des fonds de réser ve impor tants
rendent les administrateurs capables d’amortir les chocs f nanciers, protégeant les
opérations courantes de toute force extérieure perturbatrice.
Pour les institutions moins solides, les fonds de réser ve font parfois la différence
entre la survie et l’échec. Durant la décennie se ter minant en juin 2007, plus de cent
institutions diplômantes ont fermé leurs por tes, soit environ 3 % du nombre total
d’institutions américaines de cette catégorie 1. Les institutions bien nanties jouissent
d’un soutien f nancier qui résorbe plus f acilement les prob lèmes comptab les et
opérationnels. Même des fonds de taille modeste font une différence signif cative.
1. The National Center for Education and Statistics, Directory of Post Secondary Institu-
tions, 1987–1997, vol. 1.
http://fribok.blogspot.com/
Les objectifs d’un fonds de réserve 47
Les fonds fournissent les moyens de bâtir une réserve d’excellence. Les institu-
tions aux fonds les plus importants jouissent d’une source régulière de ressources
disponibles pour leur croissance af n de créer un en vironnement pédagogique de
qualité supérieure. En contribuant à l’excellence des meilleures colleges et univer-
sités, les fonds de réserve jouent un rôle important dans le monde des études supé-
rieures.
Comprendre les objectifs qui motivent la création et l’augmentation d’un fonds
de réser ve est un premier pas important dans la str ucturation d’un portefeuille
d’investissement. En déf nissant les raisons d’être des fonds de réser ve, les gestion-
naires posent les fondations de la for mulation d’objectifs spécif ques d’investis-
sement, modelant de façon fondamentale le processus et les règles d’investissement.
http://fribok.blogspot.com/
3
L’investissement
et les objectifs budgétaires
49
http://fribok.blogspot.com/
50 Gestion de portefeuilles institutionnels
préservation à long ter me du capital e xige de rechercher des rendements éle vés,
en acceptant le risque fondamental et la volatilité de marché qui les accompagnent.
Quant au soutien régulier des opérations courantes, il constitue un objectif à
moyen terme, ref étant les exigences d’un cycle de planif cation budgétaire à plus
court terme. Comme il est très dif ficile de réduire un pr gramme universitaire,
les institutions comptent sur des f ux f nanciers prévisibles provenant du fonds de
réserve af n de soutenir les opérations courantes. Fournir à cet effet des rendements
réguliers exige de limiter la volatilité du portefeuille, ce qui implique des ni veaux
de risque fondamental moins élevés, accompagnés de rendements espérés plus faibles.
La stratégie d’investissement haut risque/haut rendement qui correspond le mieux
à la préser vation des capitaux entre donc en conf it avec l’approche risque f aible/
rendement faible plus susceptible d’apporter des revenus stables au budget opéra-
tionnel. Les règles de prélèv ement sur le capital encadrent ce conf it, en partie en
réduisant l’impact de la v olatilité du portefeuille sur les revenus destinés au b udget.
De plus, en spécif ant les préférences de l’institution concer nant le compromis entre
la préser vation du pouv oir d’achat des capitaux et la stabilité des f ux financier
dirigés vers les opérations courantes, les objectifs budgétaires déterminent le degré
d’adossement du fonds de réserve aux besoins des générations actuelles et futures.
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 51
Les prélèv ements ainsi déf nis signif ent en principe que le fonds de
réserve peut continuer de soutenir à l’avenir le même ensemble d’activités
qu‘aujourd’hui. Cette règle veut que les prélèvements actuels ne doivent pas
compter sur de futurs dons éventuels au fonds. Les prélèvements réguliers
doivent augmenter af n d’élargir le champ d’activités après que les dons
en capital accroissent le fonds de réserve, et non avant. »1
Le concept d’intergénérationalité du capital de Tobin s’accorde aux objectifs de
préservation du pouvoir d’achat et de soutien régulier du b udget opérationnel. En
préservant les fonds de réserve contre l’inf ation, l’institution conserve sa capacité
à « soutenir à l’avenir le même ensemble d’activités qu’aujourd’hui ». En fournis-
sant un f ux de re venus stables aux dépenses opérationnelles, le fonds de réser ve
apporte un soutien continu permettant d’éviter les perturbations dans le f nancement
des programmes pédagogiques.
http://fribok.blogspot.com/
52 Gestion de portefeuilles institutionnels
d’un don 1, si l’on v eut qu’il four nisse un soutien équi valent, il faut conser ver la
valeur ajustée à l’inf ation de ce don.
En affi mant explicitement que les nouveaux dons doivent permettre à une ins-
titution d’élargir le ra yon de ses acti vités, Tobin reconnaît un principe impor tant
pour les bénéf ciaires du fonds de réserve. Certaines institutions inscrivent les dons
dans des considérations budgétaires, ciblant un niveau de prélèvement égal au rende-
ment attendu du por tefeuille plus les nouveaux dons. L’Université de Har vard, en
fixant ses objectifs udgétaires de 1974, a pris pour base que « la croissance de ses
dépenses dépasserait de deux points le taux d’inf ation à long terme »2. Mais bien
que le taux de réin vestissement prévu de cette institution par vienne à ef facer
l’inflation, il ne réussit pas à é aler le taux de croissance plus éle vé des dépenses
de l’Université. De toute évidence, le fait de pouvoir soutenir « le même ensemble
d’activités » e xigeait d’accompagner le rythme de croissance des dépenses de
l’Université, et non seulement celui de l’inf ation. Faillir à cela n’a fait que rendre
le taux de réin vestissement inadapté à ses objectifs. P our conser ver le pouv oir
d’achat du fonds, Harvard a formulé un objectif de collecte de nouveaux dons pour
compenser la différence entre le taux d’inf ation et la croissance de ses dépenses.
Ce faisant, l’Université a clairement employé les nouveaux dons à pallier les pertes
dues à l’inf ation3.
Utiliser les nouveaux dons pour amortir une partie de l’impact de l’inf ation sur
la valeur du capital ne signif e pas « élargir l’ensemble des activités » soutenues par
le fonds. Si un fonds destiné à soutenir f nancièrement la chaire d’économie perd
de son pouvoir d’achat, mettre en place une nouvelle chaire de droit ne compensera
en rien les per tes de la chaire d’économie. D’un point de vue « bottom-up », les
donateurs ont le droit d’exiger que chaque fonds conserve son pouvoir d’achat au f l
du temps.
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 53
Les gestionnaires de fonds qui n’ont en char ge que la préser vation du pouvoir
d’achat du portefeuille se trouvent face à une tâche simple à accomplir . L’accumula-
tion dans le portefeuille de titres du Trésor indexés sur l’inf ation (TIPS en amé-
ricain) leur permet de générer des rendements ajustés à l’inf ation garantis par le
gouvernement. Malheureusement, il se peut que la croissance des frais de fonction-
nement de l’université, dépassant celle de l’inf ation, engloutisse les rendements de
ces Notes du Trésor, ne fournissant plus à l’institution aucun revenu supplémentaire.
Une concentration étroite sur la préservation du capital ne peut répondre aux besoins
d’une institution, car la construction d’un por tefeuille constitué d’actifs destinés à
stabiliser le pouvoir d’achat n’apporte que peu de revenus (voire aucun) à l’insti-
tution pédagogique.
Les fonds de réserve profitent aux éta lissements d’enseignement principalement
en générant des revenus substantiels pour les opérations courantes. Les gestionnaires
de fonds centrés exclusivement sur la production généreuse de revenus prévisibles
n’ont que peu de prob lèmes, surtout s’ils opèrent sur un horizon de placement à
moyen terme. En détenant des actifs qui promettent de faibles niveaux de volatilité,
ces gestionnaires créent un portefeuille stab le qui per met aux planif cateurs de
budgets d’anticiper des revenus avec une certitude confortable. Malheureusement,
les portefeuilles d’investissement peu risqués génèrent des rendements insuffisant
à la fois pour faire f ace à des dépenses importantes et pour préserv er le pouv oir
d’achat. La recherche e xclusive d’un soutien f nancier régulier fa vorise donc la
génération actuelle d’universitaires au détriment des générations futures.
Une contradiction claire et directe e xiste entre la préservation des capitaux et
le soutien f nancier des opérations courantes. Dans la mesure où les gestionnaires
privilégient le maintien du pouv oir d’achat des fonds de réser ve, une v olatilité
importante inf uence le f ux des ressources apportées au budget opérationnel. Et si
les gestionnaires mettent l’accent sur l’apport de revenus stables et conséquents au
budget opérationnel, alors c’est le pouv oir d’achat des fonds de réserv e qui subit
l’influence d’une olatilité importante.
Considérez deux politiques extrêmes pour déterminer les prélèvements annuels
sur un fonds de réserve. À l’une des extrémités, le fait de placer la conservation du
pouvoir d’achat du capital au centre des préoccupations e xige de ne prélever chaque
année que le rendement net généré par le por tefeuille. Supposons qu’une année
donnée, le retour sur in vestissement soit de 10 % et que l’inf ation s’élève à 4 %.
Le prélèvement de 6 % des capitaux au prof t des opérations courantes leur apporte
un soutien important, alors que le réinvestissement des 4 % restants dans le fonds
http://fribok.blogspot.com/
54 Gestion de portefeuilles institutionnels
efface l’impact de l’inf ation et maintient le pouv oir d’achat. L’année suivante, dans
un environnement où le retour sur investissement s’élève à 2 % et l’inf ation à 7 %,
l’institution est confrontée à un grave problème. La compensation de l’inf ation exige
un réinvestissement de 7 % dans le fonds, mais les fonds n’ont rappor té que 2 %.
Le gestionnaire du fonds ne peut demander à l’administration de lui donner les 5 %
manquants af n de maintenir le pouv oir d’achat du por tefeuille. Au mieux, l’insti-
tution peut se passer de prélèvement, espérant générer un retour sur investissement
réellement positif durant les années qui suivent afin de rattraper la perte de pou oir
d’achat et, si possible, de bénéf cier d’un soutien opérationnel. Du point de vue du
budget opérationnel, une politique d’in vestissement qui poursuit a vant tout le
maintien du pouvoir d’achat s’avère être inacceptable.
À l’autre extrémité, le fait de chercher à générer un f ux de ressources parf aite-
ment stable pour le budget opérationnel exige de prélever chaque année des sommes
plus importantes af n de compenser l’érosion monétaire due à l’inf ation. À cour t
terme, cette politique conduit à des prélèv ements stables sur le fonds, inde xés sur
l’inflation au pro t du budget opérationnel. Bien que dans des conditions de marché
normales une telle politique puisse ne pas nuire au fonds, des dégâts sérieux sur-
viennent lorsque l’environnement f nancier devient hostile. Dans une période d’inf a-
tion forte et d’investissement sur des marchés baissiers, prélever un montant indépen-
dant du niveau du capital crée la possibilité de porter déf nitivement atteinte au fonds.
Les politiques de prélèvement spécif ent la relation entre la protection des fonds
de réserve pour l’avenir de l’institution et l’apport d’un soutien f nancier à ses acti-
vités actuelles. Des règles judicieusement étab lies pour déter miner les prélèv e-
ments annuels sur le fonds de réserve réduisent la tension entre les objectifs de sta-
bilité budgétaire et la préservation des capitaux, augmentant ainsi la probabilité de
répondre aux besoins à la fois des générations actuelles et des générations futures.
LA POLITIQUE DE PRÉLÈVEMENT
Les politiques de prélèvement résolvent le conf it entre ces deux objectifs concur-
rents que sont la préservation du capital et la stabilité b udgétaire. Des règles sensées
impliquent que le prélèv ement de l’année en cours soit en relation à la fois a vec
celui de l’année précédente et a vec la valeur actuelle du fonds, le premier f acteur
fournissant une base sur laquelle les planif cateurs peuvent s’appuyer, et le second
introduisant la sensibilité aux inf uences des marchés.
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 55
Basée sur une structure créée par les économistes James Tobin, William Brainard,
Richard Cooper et William Nordhaus, la politique de Yale met en relation les dépenses
de l’année en cours avec à la fois le niveau précédent de prélèvement sur le fonds et
le rendement du fonds au cours de l’année écoulée. Selon les règles en vigueur à
Yale, le prélèvement d’une année donnée est ég al à 80 % de celui de l’année précé-
dente plus 20 % du taux de prélèvement à long terme, pourcentages appliqués à la
performance, appréciée en v aleur de marché, du fonds à la f n de l’année fiscal
précédente. Le chiffre résultant est ramené à l’année en cours en l’ajustant à l’in f a-
tion. Comme les ni veaux de prélèv ement précédents dépendaient de la v aleur de
marché du fonds à leur époque, le prélèv ement actuel peut être exprimé en termes
de v aleurs du fonds lissées dans le temps. Le résultat du processus d’ajustement
prend donc en compte une moyenne des valeurs de marché passées dans laquelle
le poids des chiffres les plus anciens décroît de façon exponentielle.
Le schéma 3.1 montre la pondération appliquée aux v aleurs du fonds des
années précédentes sans tenir compte de l’ajustement à l’inf ation. En multipliant
les différentes pondérations par les valeurs du fonds pour les années respectives, et en
additionnant les résultats, on déter mine le prélèv ement de l’année en cours. Notez
que les années les plus éloignées dans le temps ont moins d’infuence sur le calcul
que les années les plus récentes. À l’in verse, une moyenne mobile simple sur quatre
20%
15 %
10 %
5%
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Année
http://fribok.blogspot.com/
56 Gestion de portefeuilles institutionnels
Durant la plus grande partie du XXe siècle, les institutions ont suivi une politique
de prélèvement exclusif du rendement généré par les intérêts, les dividendes et les
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 57
rentes. Yale, qui a commencé en 1965 à prélever une part prudente de l’augmentation
de la valeur de marché, a observé deux raisons d’adopter la nouvelle politique :
« Tout d’abord, ce n’est que par coïncidence que le rendement va se trouver
en équilibre entre le présent et l’a venir… Ensuite, lorsque le rendement
devient la seule mesure de ce qui peut être prélevé pour les besoins actuels,
la situation qui consiste à augmenter chaque année les besoins, comme
cela a été le cas depuis de nombreuses années et sera probablement le cas
pour de nombreuses autres, contraint la politique d’in vestissement à
chercher d’améliorer le rendement actuel. Mais ceci, en retour , dans les
conditions de marché qui prévalent depuis la Seconde Guer re mondiale,
ne peut être fait que par l’abandon de gains potentiels. »1
La crainte de pertes en capital sous-tend indubitablement les politiques budgé-
taires des institutions qui basent les prélèv ements sur le rendement généré par un
portefeuille. Comme Yale l’a constaté, la relation entre le rendement actuel et
l’appréciation du capital peut très f acilement être modif ée dans le b ut de four nir
une fondation saine à la politique de prélèvement.
Considérez les implications sur la politique de prélèv ements de la détention
d’obligations décotées, au prix nominal ou plus coûteuses, ayant des niveaux com-
parables de sensibilité aux changements de taux d’intérêt, comme le montre le
tableau 3.1. Bien que ces ob ligations affichent des caractéristiques d’i vestissement
remarquablement similaires, leur rendement dif fère spectaculairement pour une
institution appliquant une politique de prélèv ement de la totalité du rendement
actuel. L’obligation à coupon zéro ne produit aucun f ux de trésorerie, l’obligation
à parité génère un rendement de 6 %, et l’ob ligation chère rappor te un taux bien
1. Yale University, Report of the Treasurer, 1965–66, ser. 62, no. 19 (New Haven: 1966), 6–7.
http://fribok.blogspot.com/
58 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 59
Le taux de prélèv ement ciblé joue un rôle essentiel dans la déter mination du
niveau intergénérationnel des capitaux propres. Les prélèvements qui ne tiennent pas
compte des rendements de l’investissement diminuent ou augmentent le niveau futur
du fonds de réserve. Trop de prélèvement aujourd’hui provoque la chute du niveau
futur de du fonds, au bénéf ce de l’institution actuelle ; un prélèvement trop faible
provoque une augmentation du ni veau futur du fonds, au bénéf ce de l’institution
de demain. Choisir un taux de prélèvement approprié équilibre donc les exigences
d’aujourd’hui et les responsabilités par rapport à l’avenir.
Les taux de prélèv ement cib lés au sein des institutions possédant un fonds,
s’étalent de 0,1 % (un taux étonnamment bas) à 15,5 % (insoutenable à long terme).
Plus de 70 % des institutions appliquent des taux cib lés allant de 4 à 6 %, et une
sur six applique un taux de 5 %1. Le taux de prélèv ement approprié dépend des
caractéristiques du rapport rendement/risque du portefeuille d’in vestissement, de la
structure des règles de prélèv ement et des préférences e xprimées par les conseillers
en ce qui concerne le compromis entre le soutien régulier du b udget et la préser-
vation du capital.
L’analyse des politiques de prélèvement et d’investissement mène à la conclusion
que les taux de prélèv ement des institutions d’enseignement dépassent en général
la capacité de rendement des fonds de réser ve. Selon une série de simulations
effectuées par le Département des Investissements de Yale, le fonds de réserve moyen
est confronté à une probabilité de presque 20 % de réduction brutale du soutien au
budget opérationnel à moyen terme. Plus troublante est leur probabilité de presque
40 % de perdre la moitié du pouvoir d’achat du fonds à long terme2. De fortes pro-
babilités de volatilité du prélèvement à moyen terme et de déclin du pouvoir d’achat
à long ter me indiquent une incohérence entre les rendements espérés des por te-
feuilles et les taux de prélèvements prévus. Les institutions confrontées à une telle
probabilité d’échec à atteindre les objectifs primordiaux de la gestion du fonds
doivent réf échir à diminuer leurs niveaux de prélèvement ou à augmenter les rende-
ments espérés de leurs portefeuilles.
1. Dans l’enquête NACUBO 2006, 335 institutions ont déclaré utiliser des taux de prélève-
ment ciblés.
2. Les simulations supposent des rendements en accord avec la cible d’allocation moyenne
du fonds telle que rapportée dans le 2006 NACUBO Endowment Study, utilisant un taux de
prélèvement de 5 % appliqué à une moyenne mobile de cinq ans des v aleurs du fonds. Le
déclin des prélèvements à moyen terme représente une baisse réelle de 25 % sur cinq ans.
L’horizon de temps pour l’évaluation de la préservation du pouvoir d’achat est de 50 ans.
http://fribok.blogspot.com/
60 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 61
Aux États-Unis, l’indice des prix dans l’enseignement supérieur ( Higher Edu-
cation Price Index , HEPI) mesure les coûts spécif ques aux institutions d’ensei-
gnement. Lourdement pondéré en ter mes de charges salariales et autres coûts liés
au personnel, il a augmenté d’en viron 1,4 % par an durant ses quarante-six ans
d’existence, c’est-à-dire plus que l’indice des matières premières. Le manque de
gains de productivité dans l’enseignement est responsable de l’inf ation plus élevée
des charges dans ce secteur. Demandant beaucoup de travail, l’enseignement ne peut
pas être rendu plus ef ficient sans altérer le processus pédag gique. Par exemple,
utiliser les techniques de vidéo-conférence pour remplacer les cours traditionnels
améliore la productivité de façon superf cielle, mais altère l’expérience pédagogique.
De la même manière, augmenter le nombre d’élèves par classe améliore la produc-
tivité mais réduit indubitablement la qualité de l’enseignement. Tant que les gains
de productivité s’accroîtront disproportionnellement dans le reste de l’économie,
on doit s’attendre à ce que les coûts dans l’enseignement supérieur augmentent à
un rythme plus élevé que le niveau général de l’inf ation.
Le schéma 3.2 illustre l’év olution du pouv oir d’achat du fonds de réserv e de
Yale entre 1950 et 2006. L’analyse débute en 1950 car avant cette date l’Université
manque de données f ables concernant les dons, les prélèv ements et la performance
des investissements. Tout au long de la plus grande par tie du XXe siècle, les états
financiers n’inscr vaient que la v aleur comptab le des actifs, four nissant ainsi peu
d’information à ceux qui étudient les marchés. La comptabilité par compar timents,
qui permet aux institutions de distinguer les dif férentes sources de re venus et de
dépenses, ne s’est répandue largement qu’au début des années 70, ce qui fait que les
données antérieures ne peuvent être dépouillées qu’avec la plus grande difficulté
L’analyse du pouvoir d’achat débute avec la valeur du fonds de réserve en 1950
et les taux d’inf ation correspondants. En augmentant la v aleur du por tefeuille de
1950 du taux d’inf ation de chaque année postérieure, on crée une suite de cib les en
termes de pouvoir d’achat. Comme les dons « élargissent le champ des activités »
soutenues par le fonds, le pouv oir d’achat ciblé augmente chaque année du montant
des nouveaux dons, qui subissent les années sui vantes une inde xation similaire à
l’inflation
Notez l’importance des nouv eaux dons au fonds de réserv e, avec presque les
trois quarts de la valeur ciblée de 2006 venant des dons effectués depuis 1950. En
http://fribok.blogspot.com/
62 Gestion de portefeuilles institutionnels
$16
$14
$12 Valeur réelle du fonds de réserve
$10
$8
$6
$4 Pouvoir d’achat ciblé
$2
$0
1950 1954 1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006
Dons au fonds de réserve après 1950, indexés sur l’inflation
Fonds de réserve de 1950 indexé sur l’inflation
Valeur de marché du fonds de réserve
d’autres termes, en l’absence de nouv eaux dons durant les cinquante-cinq der nières
années, le fonds de réserv e actuel de Yale ne totaliserait probablement qu’environ
un quart de sa valeur.
Une comparaison des valeurs réelles du fonds de réserv e avec les niveaux ciblés
illustre le degré de réussite dans le respect des objectifs de préservation du pouvoir
d’achat. En se basant sur la différence entre la valeur de marché de 18 milliards de
dollars constatée au 30 juin 2006 et l’objectif initial de pouvoir d’achat de 6,7 mil-
liards, on peut dire que Yale a réussi admirab lement à accroître la v aleur de son
capital1. Mais cette réussite passe par des périodes durant lesquelles le tab leau
paraissait beaucoup moins réjouissant.
Les années 50 ont été témoins d’un équilibre approximatif entre la croissance du
fonds de réserve et la préservation du pouvoir d’achat, avec un excédent d’environ
17 % constaté en 1959. Après avoir conservé ce rythme pendant la plus grande partie
des années 60, le fonds de réserv e a commencé à pâtir des pressions inf ationnistes
croissantes, se préparant à de sérieux prob lèmes. Durant les années 70, des marchés
1. En fait, une par t significat ve de l’augmentation du pouv oir d’achat de Yale vient de la
valeur ajoutée au processus d’in vestissement. Durant les deux der nières décennies, le por te-
feuille de Yale a augmenté d’environ 12,4 milliards de dollars par rapport au résultat moyen
réalisé par les facultés et les universités.
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 63
désastreux pour les actifs f nanciers et une inf ation galopante ont fait que le fonds
de réserve a terminé la décennie à 56 % en dessous de son ni veau ciblé. En 1982,
le fonds de réserve de Yale a atteint un point bas, les capitaux ne représentant plus
que 42 % du pouvoir d’achat initialement ciblé. Heureusement, le marché haussier
des années 80 a renversé la vapeur, permettant f nalement au fonds de réserv e de
réaliser, en 1994, le niveau ciblé en 1950, indexé sur l’inf ation et ajusté aux dons.
Des plus-values exceptionnelles dues aux marchés ont propulsé le fonds de réserve
au 30 juin 2006 vers un excédent s’élevant à 170 % au-dessus de la cible.
La croissance récente spectaculaire du pouv oir d’achat du fonds de réserv e
pousse certains à se poser la question de savoir si, en accumulant des capitaux, les
gestionnaires de Yale ne favorisent pas les générations futures aux dépens des généra-
tions actuelles. Bien que le sujet du juste ni veau de prélèv ement ait soule vé des
débats houleux, l’augmentation actuelle des capitaux résulte d’une combinaison de
marchés favorables et de règles de prélèvement raisonnables, créant ainsi une réserve
dans laquelle puiser dans les temps difficiles à enir.
Les variations importantes du pouvoir d’achat par rapport aux ni veaux ciblés ne
surprennent aucunement les observ ateurs expérimentés des marchés. En 1982, le
fonds de réserve de Yale a enregistré un déf cit de près de 60 % par rapport au niveau
désiré. Vingt-quatre ans plus tard , le por tefeuille affiche un xcédent de 170 %.
Même si les v ariations du marché font que les institutions se sentent tour à tour
riches et pauvres, les gestionnaires de portefeuille intelligents fondent leurs décisions
d’investissement et de prélèv ement sur des considérations prenant en compte les
caractéristiques à long terme des marchés de capitaux. Év aluer la préservation du
pouvoir d’achat e xige de soupeser les conséquences positi ves et nég atives de la
volatilité des marchés, envisagée dans le cadre d’une durée passablement étendue.
La nature humaine réagit à des rendements positifs inattendus en cherchant toutes
sortes de manières de dépenser cette nouv elle richesse. Mais réagir à une hausse
des marchés en augmentant le taux de prélèvement crée la possibilité de dommages
à long terme pour le fonds de réserv e. Tout d’abord, les augmentations de taux de
prélèvement à la suite de rendements d’investissement exceptionnels mettent l’ins-
titution en danger de dépenser une partie du matelas destiné à la protéger d’un avenir
moins positif. Ensuite, les augmentations de prélèv ement deviennent rapidement
partie intégrante de l’assiette permanente des dépenses d’une institution, réduisant
ainsi la f exibilité opérationnelle. Si le taux de prélèv ement augmente en période
faste, une institution confrontée à une période dif ficile perd l’ vantage d’un matelas
et supporte le fardeau d’une base budgétaire accrue.
Les taux de prélèvement ciblés sont au centre de la discipline comptable, condui-
sant les administrateurs responsables à ne modif er les taux de prélèv ement qu’avec
http://fribok.blogspot.com/
64 Gestion de portefeuilles institutionnels
une g rande réticence. Au lieu d’en visager les bonnes performances récentes
comme un encouragement à augmenter les prélèvements, les gestionnaires sceptiques
s’interrogent sur la durabilité des périodes f astes et se préparent à la possibilité d’un
avenir moins facile. Seules des améliorations fondamentales des politiques d’in ves-
tissement et de prélèvement d’une institution justif ent une modif cation des taux de
prélèvement ciblés.
Évaluer la conser vation du pouvoir d’achat exige un horizon d’investissement
extrêmement long. Réagir à une décennie de per tes désastreuses en réduisant les
formules mathématiques qui calculent les prélèvements, ou à une décennie de rende-
ments extraordinaires en augmentant les taux de prélèv ement peut mettre en péril
l’institution d’enseignement. Les réductions de pro grammes pédagogiques motivées
par des marchés baissiers et les accroissements de l’of fre induits par des marchés
financiers haussiers ballottent inutilement l’institution, empêchant le fonds d
réserve de répondre à sa mission de protection des acti vités de l’uni versité par
rapport à la volatilité des marchés f nanciers. Les administrateurs responsab les
regardent au-delà des inévitables variations à court terme du fonds de réserve dues
aux aléas des marchés, et maintiennent résolument leur attention f xée sur la préser-
vation à long terme du pouvoir d’achat du capital.
L’ÉVALUATION DE L’ADÉQUATION
À LONG TERME DU TAUX DE PRÉLÈVEMENT
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 65
Une anal yse à long ter me des prélèv ements, présentée dans le schéma 3.3,
reflète l’é aluation du pouvoir d’achat illustrée plus haut. Déb utant sur la base du
prélèvement de 1950, les niveaux de prélèvement ciblés augmentent chaque année
à cause de l’inf ation et à cause des nouv eaux dons. Pour les besoins de l’analyse,
4,5 % représente le taux de prélèvement supposé sur les nouveaux dons, un niveau
cohérent avec le schéma de prélèvement de Yale sur le long terme.
Durant les cinquante-six ans couv erts par l’analyse, Yale a réussi, bon an mal
an, à maintenir ou augmenter la v aleur nominale du prélèvement. Le prélèvement
indexé sur l’inf ation ne peut pas se v anter d’en avoir fait autant. Après avoir main-
tenu le cap par rappor t à l’inf ation dans les années 50 et 60, les prélèvements de
Yale ne sont pas par venus à rattraper l’inf ation galopante des années 70. À partir
du milieu des années 80, les prélèvements ont cru rapidement, affichant des ains
conséquents et comblant le fossé existant entre les prélèvements réels et les objectifs
$600
$500
En m ards de do ars
Prélèvement réel
400
$300
$200
Prélèvement ciblé
$100
$0
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Prélèvement de 1950 indexé sur l’inflation
Prélèvement de 1950 ajusté aux dons qui ont suivi
indexés sur l’inflation
Prélèvement réel
http://fribok.blogspot.com/
66 Gestion de portefeuilles institutionnels
de prélèv ement inde xés sur l’inf ation. En dépit d’une croissance e xtraordinaire
dans les années 80 et 90, ce n’est pas avant 1996 que les prélèvements de Yale sur
le fonds de réserve ont pu rattraper leur cible indexée sur l’inf ation.
Le retard de deux ans entre le rattrapage en 1994 du niveau du pouvoir d’achat
de 1950 ajusté aux dons et l’atteinte du même objectif par les prélèv ements en
1996, vient principalement de l’effet-tampon des mécanismes de lissage des règles
de prélèvement. Comme la v aleur du fonds de réserv e a cr u rapidement au déb ut
des années 80 et tout au long des années 90, le processus de lissage de la règle de
prélèvement a empêché les prélèvements de s’ajuster parfaitement à l’appréciation
de la valeur de marché du fonds de réserve.
Une preuve supplémentaire de l’impact du mécanisme de lissage est appor tée
par le ni veau de prélèv ement de 2006. Même si l’application stricte du taux de
prélèvement de 5,25 % ciblé sur un fonds de réserv e valant 15,2 milliards de dollars
au 30 juin 2005 nous donne un prélèvement de 799 millions (sans compter l’indexa-
tion sur l’inf ation), le niveau de prélèvement réel pour l’année f scale 2006 s’élève
à seulement 618 millions. Le temps passant, la règle de prélèv ement pousse le
prélèvement réel à s’approcher du ni veau ciblé, ce qui implique que, si Yale conser-
vait un fonds de 15,2 milliards de dollars, les prélèv ements s’élèveraient jusqu’à
799 millions au bout de quelques années.
Bien que les bénéf ciaires actuels des prélèv ements sur le fonds se plaignent
parfois du retard entre la croissance du fonds et l’augmentation des prélèv ements, le
mécanisme de lissage joue un rôle nécessaire d’amor tissement dans la transmission
de la volatilité des valeurs du fonds de réserve au flux des prélè ements. Les règles
de Yale amortissent efficacement la olatilité, comme le prouve le fait que, durant les
cinquante-six dernières années, l’écart moyen en pourcentage des valeurs annuelles du
fonds de réserve (une déviation standard de 12,4 %) dépasse de loin l’écart moyen
des niveaux de prélèvement (une déviation standard de 6,9 %). Des règles de pré-
lèvement efficientes pe mettent un risque plus éle vé sur l’in vestissement, sans
pour autant transmettre la volatilité correspondante aux obligations budgétaires.
À certains moments, même l’ensemble de règles le plus efficace n’appo te que peu
de protection contre les turbulences des marchés f nanciers. L’échec le plus cuisant
dans l’appor t d’un soutien b udgétaire régulier s’est produit dans les années 70.
Opérant dans un environnement où le taux d’inf ation dépassait les rendements des
obligations et des actions américaines, les gestionnaires du fonds de réserve étaient
confrontés à un choix difficile. Mal ré un début de décennie a vec un prélèvement
réel dépassant confortablement le niveau ciblé indexé sur l’inf ation depuis 1950,
le prélèvement réel en 1980 s’éle vait à moins de la moitié de son objectif inde xé
sur l’inf ation. Face aux conditions de marché hostiles des années 70 et 80, l’Univer-
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 67
Les fondations par tagent certaines caractéristiques avec les institutions d’ensei-
gnement. Tout comme leurs confrères des colleges et des universités, les conseillers
en in vestissement des fondations ignorent souv ent les cer titudes de Benjamin
Franklin par rappor t à l’e xistence, jouissant d’un statut f scal privilégié et opérant
dans le cadre d’un horizon d’investissement « éternel ». Pour de nombreuses fonda-
tions, toutefois, la pérennité constitue un choix et non une obligation. Si une fon-
dation poursuit sa mission a vec un sens par ticulier de l’ur gence, par e xemple en
finançan la recherche pour la guérison d’une terrible maladie virale, les conseillers
peuvent décider de dépenser toutes les ressources disponibles pour tenter d’atteindre
cet objectif le plus rapidement possib le. Même sans assumer une mission pressante ,
le fait de prélever sur les fonds de la fondation à un r ythme conçu pour les réduire
constitue une option envisageable pour les conseillers.
Un certain nombre de caractéristiques séparent les institutions d’enseignement
des fondations. Les gestionnaires de fonds de réser ve des colleges et des universités
contrôlent à la fois la gestion des capitaux, en déter minant l’allocation du porte-
http://fribok.blogspot.com/
68 Gestion de portefeuilles institutionnels
feuille, et la spécif cité des eng agements f nanciers, en déf nissant la politique de
prélèvement. L’absence de contraintes concernant l’investissement et les stratégies
de prélèvement apporte beaucoup de f exibilité aux gestionnaires, augmentant la
probabilité d’atteindre les objectifs de l’institution.
Les fondations e xercent un contrôle total sur les règles d’allocation d’actifs,
similaire en cela à la f exibilité dont jouissent les institutions d’enseignement. Du
côté des prélèv ements, toutefois, les fondations doi vent respecter un minimum
annuel de 5 % pour soutenir des œuvres caritatives pour éviter des pénalités f scales.
Ce niveau obligé de prélèvement fait que les fondations sont confrontées à un pro-
blème d’investissement matériellement différent du déf proposé aux gestionnaires
de fonds de réserve dans le secteur de l’éducation.
Bien que les institutions d’enseignement bénéf cient énormément d’un niveau
de soutien élevé de la part des fonds de réserve, dans l’éventualité d’une perturbation
sérieuse de ce soutien, d’autres sources de re venu jouent un rôle compensateur dans
leur budget. Les prélèv ements sur le fonds de réserv e ne soutiennent en général
qu’une petite par tie du budget opérationnel des institutions d’enseignement, les
grandes universités dédiées à la recherche se reposant sur les prélèv ements du fonds
de réserve pour f nancer en moyenne 12,5 % de leurs dépenses. Pour la plupart de
ces institutions, une réduction signif cative des prélèvements sur le fonds de réserv e
pose des problèmes importants mais ne menace pas la viabilité de l’institution1.
Les fondations dépendent presque exclusivement des rendements de l’investis-
sement pour leur b udget opérationnel. En 2006, huit des dix plus g randes fonda-
tions caritatives tiraient pratiquement 100 % de leurs revenus de leurs portefeuilles
d’investissement. Même si les pro grammes d’aide humanitaire s’étof fent et se
réduisent plus facilement que les activités d’enseignement, les fondations ont besoin
de flux de capitaux relat vement stab les afin d’éviter les pe turbations, sur tout
lorsque leurs activités impliquent des engagements sur plusieurs années. La grande
dépendance des fondations vis-à-vis des prélèv ements sur les capitaux in vestis
demande donc une structuration de portefeuilles entraînant un risque moins élevé.
Les colleges et les uni versités bénéf cient de la générosité d’anciens élèv es et
d’autres contributeurs dont les dons fournissent une source importante de soutien
aux programmes pédagogiques. Durant les périodes dif ficiles, les ersements des
donateurs servent à combler les manques de soutien du fonds de réserve au budget
opérationnel. Et pendant les années f astes, les dons per mettent aux institutions
d’enseignement d’étendre le champ de leurs acti vités. Dans la durée, l’impact
cumulé des dons constitue un énorme avantage pour les facultés et les universités.
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 69
http://fribok.blogspot.com/
70 Gestion de portefeuilles institutionnels
continu. Bien que les fonds de réserve et les fondations partagent certaines caracté-
ristiques communes importantes, des dissemblances entre les deux types de fonds
conduisent à formuler des règles de fonctionnement et des objectifs différents. Le fait
que les objectifs d’in vestissement d’organisations aussi semb lables diffèrent tant
souligne l’importance d’une réf exion approfondie sur la relation entre les fonds
investis et les objectifs de l’or ganisation. La compréhension de la raison d’être d’un
fonds et l’expression des aspirations de l’institution concernant ce fonds servent de
point de départ essentiel au processus de gestion du fonds.
Dans une communauté universitaire saine, les controverses abondent. Dans le cas
des fonds de réser ve, le débat tour ne autour des questions inter générationnelles,
certains bénéf ciaires actuels suggérant que les ni veaux de prélèvement sur le fonds
de réserve ne fournissent qu’un soutien f nancier insuffisant aux frais opérationnel
de l’université.
Henry Hansmann, professeur émérite à la f aculté de Droit de Yale, remet en
question la pertinence de l’accroissement du capital du fonds de réserve, soulevant
des questions qui vont bien au-delà du problème des taux de prélèvement. Dans une
interview du 2 août 1998 au New York Times, Hansmann suggère « qu’un étranger
venant de la planète Mars qui obser verait les universités privées dirait probablement
qu’il s’agit d’institutions dont la principale acti vité est de gérer des fonds d’inves-
tissement importants et que, accessoirement, elles entreprennent des acti vités péda-
gogiques qui peuvent s’étendre ou se contracter en f aisant office de tampons pour
les fonds d’investissement »1. Hansmann suggère que les conseillers poursui vent un
« objectif réel » d’accroissement d’un fonds de réser ve le plus important possible,
percevant les activités d’enseignement comme une gêne pour l’accumulation sans
entrave de capital. Les administrateurs et les enseignants attendent du fonds de
réserve qu’il leur assure la sécurité de l’emploi et une char ge de travail allégée, ainsi
qu’un environnement matériel agréable, alors que les anciens élèves sont focalisés
sur la réputation de l’étab lissement, espérant capitaliser sur la gloire ra yonnante
d’une institution d’enseignement prospère.
1. Karen W. Arenson, “Q&A. Modest Proposal. An Economist Asks, Does Harvard Really
Need $15 Billion?”, New York Times, 2 August 1998.
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 71
1. Henry Hansmann, “Wh y Do Uni versities Have Endowments?”, PONPO Working Paper
no. 109, Program on Non-Profit O ganizations, Institution for Social and P olicy Studies,
Yale University. January 1986, 21.
2. Ibid., 23.
http://fribok.blogspot.com/
72 Gestion de portefeuilles institutionnels
revenus. Les taux de prélèv ement allant de 3,8 à 4,4 % appliqués dans les années
50, 60, 80 et 90 cor respondent à des en vironnements opérationnels relati vement
stables. À l’inverse, les années 70, minées par le déf cit, ont vu appliquer le prélè-
vement record de 7,4 % en 1971. Sans cela, les dif ficultés opérationnelles de Yale
auraient été beaucoup plus impor tantes, causant peut-être sur le long ter me des
dommages à l’institution.
Non seulement l’expérience suggère que Yale a utilisé les capitaux du fonds de
réserve pour protéger les programmes pédagogiques du stress économique, mais la
nature même de la politique de prélèv ement de l’Université place la stabilité b ud-
gétaire en priorité. Chaque année, Yale prélève 80 % du prélèv ement de l’année
précédente indexé sur l’inf ation plus 20 % du taux de prélèvement ciblé à long terme
appliqué à la v aleur de marché du fonds de réser ve en fin d’année précédente
indexée sur l’inf ation. En mettant l’accent sur la stabilité b udgétaire, l’Université
exprime une préférence forte pour une utilisation du fonds de réser ve ser vant à
réduire l’impact des chocs f nanciers.
L’examen des décisions de prélèv ement de Yale entre les deux e xtrêmes d’une
politique de prélèvement, à savoir favoriser la stabilité budgétaire ou la préservation
du fonds de réser ve, souligne le penchant important de l’Uni versité pour un soutien
fia le à ses activités. Si les universités traitaient les activités d’enseignement comme
étant secondaires par rapport à la croissance du fonds de réserve, les prélèvements
correspondraient à des niveaux compatibles avec la préservation du pouvoir d’achat
du capital. Dans le cas le plus extrême, les institutions ne prélèveraient que les rende-
ments excédant l’inf ation, plaçant ainsi la préserv ation des capitaux in vestis au-
dessus même d’un minimum de stabilité dans le soutien aux pro grammes pédagogi-
ques. À l’autre e xtrême, si les uni versités ne recherchaient que des prélèv ements
réguliers sur le fonds de réserv e, ceux-ci augmenteraient a vec l’inf ation, suivant
un schéma indépendant des f uctuations de la valeur de marché du fonds de réserve.
Le schéma 3.4A illustre les modes de prélèvement résultant des deux extrêmes
d’une politique de prélèvement dans le contexte des rendements du marché préva-
lant lors des années 60 et 70. Le premier g raphique montre les f ux continus qui
résulteraient d’une politique de prélèvement destinée à maintenir un soutien régulier
indexé sur l’inf ation, alors que le deuxième montre la v olatilité des f ux résultant
de la préser vation des valeurs du fonds de réserv e indexées sur l’inf ation. Notez
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 73
140
120
100
80
60
40
20
0
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Année
La simulation d’une politique de fonds de réserve stable
protège ses valeurs indexées sur l’inflation
Valeur du fonds de réserve de 1960 à 1979
Prélèvement du seul rendement excédant l’inflation
180
160
Va eur de marché
140
120
100
80
60
40
20
0
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Année
La politique de prélèvement de Yale favorise le soutien budgétaire
au détriment de la préservation du fonds de réserve
Valeur du fonds de réserve de 1960 à 1979
Politique réelle de Yale
180
160
Va eur de marché
140
120
100
80
60
40
20
0
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Année
Schéma 3.4B La comparaison des valeurs du fonds de réserve illustre
l’impact de politiques extrêmes
Note : Les données sont indexées sur l’inflation. Le po tefeuille de simulation a une valeur
de départ de 1 000 dollars et il est réajusté chaque année pour détenir 60 % d’actions et 40 %
d’obligations. La situation réelle de Yale comprend des dons nouv eaux alors que ce n’est
pas le cas pour la simulation.
http://fribok.blogspot.com/
74 Gestion de portefeuilles institutionnels
120
100
80
60
40
20
0
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Année
120
100
80
60
40
20
0
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Année
La politique de prélèvement de Yale génère un soutien budgétaire stable
Prélèvements de 1960 à 1979
Politique réelle de Yale
180
160
140
Pré èvement
120
100
80
60
40
20
0
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Année
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 75
http://fribok.blogspot.com/
76 Gestion de portefeuilles institutionnels
stable beaucoup plus f dèlement que celle du fonds de réser ve stable. De la même
manière que d’autres institutions dotées d’un fonds de réserve, Yale a subi dans les
années 70 un déclin for midable du pouv oir d’achat de son fonds de réser ve car
l’institution a puisé des fonds pour soutenir la mission d’enseignement de l’Université.
En prélevant à des taux impossibles à tenir sur le long terme, le pouvoir d’achat des
capitaux a décliné spectaculairement, baissant de plus de 40 % dans les années 70.
Le compor tement de Yale dément la suggestion de Hansmann selon laquelle la
préservation du fonds de réserve domine la stratégie de l’institution.
CONCLUSION
http://fribok.blogspot.com/
L’investissement et les objectifs budgétaires 77
très dépendantes des ressources humaines, ne parviennent pas à réaliser des gains de
productivité, ce qui accroît les dif ficultés à maintenir le pou oir d’achat d’un fonds
de réserve. Les dons nouveaux ne parviennent pas à soulager la pression exercée sur
la préservation de la v aleur du capital, car les contrib utions au fonds de réserv e
servent à étendre l’ensemble des activités f nancées par l’institution et ils accroissent
la taille du portefeuille à préserver.
Le processus qui consiste à déf nir et à formuler les objectifs bénéf cie à tous les
gestionnaires, car il mène à des conclusions différentes en fonction des investisseurs.
Dans le cas d’institutions aussi proches que les fonds de réser ve et les fondations,
les différences de caractéristiques des organisations font différer les objectifs. Les
dissemblances d’en vironnements opérationnels conduisent à f xer des objectifs
d’investissement différents qui s’adaptent aux possibilités et aux contraintes spé-
cifiques d’une institution donnée
En fournissant le critère déf nitif à par tir duquel mesurer l’intérêt de di verses
règles d’investissement et de prélèvement, les objectifs d’investissement servent de
fondement au processus de gestion des capitaux. Ces objectifs infuencent la philo-
sophie qui sous-tend la création des por tefeuilles, fournissant une aide précieuse
aux gestionnaires des fonds. Les in vestisseurs évaluent différentes combinaisons
d’allocations d’actifs et de règles de prélèv ement en fonction de leur capacité à
atteindre les objectifs de l’institution, plaçant la for mulation des objectifs d’inves-
tissement au cœur du processus d’investissement.
http://fribok.blogspot.com/
4
La philosophie d’investissement
79
http://fribok.blogspot.com/
80 Gestion de portefeuilles institutionnels
Un gestionnaire de fonds qui déter mine que les actions sont temporairement bon
marché et les obligations temporairement surévaluées pourrait opter pour une tactique
de pondération du portefeuille à 60 % d’actions et 40 % d’obligations. Le rendement
résultant de la surpondération des actions et de la sous-pondération des obligations
constitue la plus-value attribuée au market timing.
La sélection des véhicules d’investissement est le résultat de la gestion acti ve de
chaque classe d’actifs. Si un gestionnaire crée un por tefeuille qui reproduit f dèle-
ment les marchés (gestion passive), il ne fait aucun pari actif. Dans la mesure où un
portefeuille diffère de la composition générale du marché, la gestion active compte
pour une par tie des résultats de l’in vestissement. Par exemple, le rendement prove-
nant de la sélection des véhicules pour les actions américaines serait égal à la dif-
férence entre le rendement du portefeuille d’actions américaines et le rendement
global du marché domestique lui-même déf ni par un indice tel que le Wilshire 5000.
De nombreux investisseurs croient qu’une loi de la f nance impose que les déci-
sions concernant les règles d’allocation dominent le rendement du por tefeuille,
reléguant le market timing et la sélection des véhicules d’in vestissement à un rôle
secondaire1. Dans une étude de l’an 2000, Roger Ibbotson et Paul Kaplan ont étudié
un certain nombre d’articles sur la contribution de l’allocation d’actifs au rendement
de l’investissement. Les auteurs observent que « en moyenne, les règles d’allocation
comptent pour un peu plus de la totalité des rendements », impliquant que la sélec-
tion des véhicules et le market timing n’apportent aucune contribution effective au
rendement. Dans une autre allusion au rôle central des décisions concernant l’allo-
cation d’actifs, Ibbotson et Kaplan concluent que « … environ 90 % de la variabilité
des rendements d’un fonds dans le durée sont imputables à la variabilité des règles
d’allocation »2.
Les investisseurs traitent souvent le rôle central de l’allocation d’actifs dans la
détermination du rendement d’un portefeuille comme un truisme. Mais ce n’en est
pas un. L’étude d’Ibbotson et de Kaplan décrit le compor tement de l’investisseur,
et non une théorie f nancière. Imaginez un portefeuille (par ticulièrement original)
exclusivement constitué d’une seule action achetée pour le long terme : son rendement
1. Roger G. Ibbotson and Paul D. Kaplan, “Does Asset Allocation Policy Explain 40, 90, or
100 Percent of Performance?”, Financial Analysts Journal 56, no. 1 (2000): 32.
2. Ibid., 29.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 81
http://fribok.blogspot.com/
82 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Charles D. Ellis, Winning the Loser’s Game - Timeless Strategies for Successful In ves-
ting, 3d ed. New York, McGraw Hill, 1998, 11.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 83
Dans des marchés ef ficients, la gestion act ve de por tefeuille, tout comme le
market timing, a tendance à diminuer la perfor mance globale de l’investissement.
En termes de performance relative, la sélection de titres constitue un jeu à somme
nulle. Dans la mesure où IBM, de même que toute autre action cotée, représente une
part définie et mesura le de la valeur globale du marché américain, un investisseur
donné ne peut détenir une position surpondérée sur IBM que si d’autres investisseurs
détiennent une position sous-pondérée correspondante sur cette v aleur. Le gestion-
naire actif qui surpondère IBM dans son portefeuille impacte le marché et supporte
des coûts de transaction en modif ant sa position ; simultanément, d’autres gestion-
naires actifs sous-pondèrent IBM, supportant les mêmes coûts et impactant le marché
dans la même proportion. Un seul de ces engagements va s’avérer juste au regard de
la performance future d’IBM. Mesuré par le changement de prix d’IBM par rappor t
au marché, le montant engrangé par les g agnants est égal à celui que les perdants
déboursent. Comme les gestionnaires actifs payent le prix fort pour pouvoir jouer à
ce jeu, la globalité des investisseurs actifs va perdre le montant des frais de gestion,
des coûts de transaction et de l’impact de leurs engagements sur le marché.
Dans des marchés moins efficients, la gestion act ve produit des rendements non
négligeables. En fait, la reproduction passive de rendements types s’avère impossible
en dehors des marchés boursiers tels que les actifs non cotés, les opérations de rachat
d’entreprise a vec ef fet de le vier ( leverage b uy out : LBO), l’immobilier et les
matières premières. Et même si c’était possible, les investisseurs préféreraient certai-
nement avoir une approche plus sélecti ve. Lorsqu’on les e xamine sur de longues
périodes, les catégories d’actifs non liquides produisent dans l’ensemb le des rende-
ments médiocres si on les compare aux titres cotés moins risqués.
Une relation inverse existe entre l’efficience dans l’estimation de la aleur des
titres et le degré approprié de gestion active. La gestion passive convient à des marchés
hautement efficients, comme les o ligations d’État où les rendements du marché
conditionnent le résultat de l’in vestissement et où la gestion acti ve n’apporte que
peu ou pas du tout de valeur ajoutée. Les stratégies de gestion active conviennent aux
marchés inefficients tels que les participations pr vées, où les rendements du marché
ne contribuent que peu aux résultats f naux de l’investissement, et où la sélection
des titres fournit la principale source de rendement.
Les participants aux marchés enclins à accepter l’illiquidité obtiennent un a van-
tage signif catif dans la recherche de rendements éle vés ajustés au risque. Comme
les inter venants sur les marchés paient par habitude le prix for t pour obtenir la
http://fribok.blogspot.com/
84 Gestion de portefeuilles institutionnels
liquidité, les in vestisseurs sérieux tirent prof t du f ait d’éviter les titres liquides
survalorisés et d’accepter des alternatives moins liquides.
La poursuite de stratégies orientées sur la valeur améliore les chances de réussite
en matière de sélection des titres. La valeur peut être recherchée soit en identif ant
des titres sous-évalués, soit en apportant des compétences nouv elles à l’entreprise
visée. Ceux qui investissent dans la valeur opèrent avec une marge de sécurité que
n’ont pas les investisseurs moins conservateurs.
Le niveau d’oppor tunités de gestion acti ve au sein de dif férentes catégories
d’actifs fournit une information importante pour le processus de gestion de por te-
feuille. Mettre en relation des catégories d’actifs inef ficacement é alués avec des
opportunités intéressantes de gestion acti ve augmente les chances de réussir dans
l’investissement. Une acceptation intelligente de l’illiquidité et une orientation sur la
valeur constituent une approche sensée et conservatrice de la gestion de portefeuille.
En structurant un portefeuille, les investisseurs effectuent des choix, explicites
ou implicites, concernant les rôles respectifs de l’allocation d’actifs, du market
timing et de la sélection de titres. Un cadre de gestion de portefeuille solide dépend
des décisions d’allocation et intègre une tendance à privilégier les actions associée
à un ni veau de di versification approprié. Comme les tentat ves de market timing
s’avèrent en général perdantes, et entraînent toujours une déviation des por tefeuilles
par rapport à leurs caractéristiques souhaitées, les in vestisseurs sérieux évitent le
market timing. La sélection des titres, bien qu’extrêmement difficile à faire vec un
succès régulier, est une possibilité d’ajouter de la v aleur aux rendements du porte-
feuille. Les investisseurs améliorent leurs chances de battre le marché en recherchant
les rendements supérieurs là où la quantité d’oppor tunités paraît la plus élevée, en
acceptant des ni veaux raisonnables d’illiquidité et en conserv ant une orientation
sur la valeur.
L’ALLOCATION D’ACTIFS
Les investisseurs sensés approchent les marchés avec un penchant très net pour
les actions, car le risque qu’ils prennent en les détenant est compensé par des rende-
ments plus élevés à long ter me. Des rendements éle vés contribuent for tement à
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 85
Inflatio 11 fois
Notes du Trésor 18 fois
Obligations du trésor 71 fois
Obligations privées 100 fois
Actions de grandes capitalisations 2 658 fois
Actions de petites capitalisations 13 706 fois
Source : Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills and Inflation, 2006 Year Book.
Tableau 4.1 Les actions génèrent des rendements supérieurs sur le long terme.
Multiples d’enrichissement des actifs américains et de l’inflatio
(décembre 1925 – décembre 2005).
La preuve historique
Les données montrent qu’un dollar in vesti en bons du Trésor à la f n de 1925,
revenus réinvestis, aurait été multiplié par dix-huit au 31 décembre 2005. À première
vue, le fait d’a voir multiplié par 18 l’in vestissement original paraît satisf aisant.
Toutefois, étant donné que 60 % de cette croissance auraient été perdus à cause de
l’inflation, le résultat perd de son lustre. Le aible rendement des bons du Trésor
n’est pas une surprise. Sur au moins deux points, les bons du Trésor se sont révélés
presque dénuées de risque. Les in vestisseurs ne prennent pratiquement aucun risque
d’insolvabilité, le gouv ernement américain représentant peut-être l’entité la plus
solvable du monde. De plus, les bons du Trésor ont four ni une couv erture contre
l’inflation, râce à des rendements qui suivent de près l’augmentation des prix. Le
prix à payer pour ces caractéristiques attracti ves a été un rendement e xtrêmement
faible. Ainsi, avec le recul, on s’aperçoit que les bons du Trésor n’auraient pas été
http://fribok.blogspot.com/
86 Gestion de portefeuilles institutionnels
un investissement approprié pour une institution qui recherche des rendements net-
tement supérieurs à l’inf ation.
En remontant un peu plus haut sur l’échelle du risque, le même dollar in vesti
en obligations à long terme du Trésor à la f n de 1925 aurait été multiplié par 71
à la fin de 2005. Les o ligations du Trésor partagent avec les bons du Trésor un très
haut niveau de solvabilité. Mais contrairement à des instr uments à plus cour t terme,
les obligations démontrent un rendement réel très incer tain. Les obligations à vingt
ans, qui sont utilisées dans l’anal yse d’Ibbotson-Sinquef eld, tra versent deux
décennies de taux d’inf ation inconnus et imprévisibles au moment de l’achat. Non
seulement les rendements réels varient énormément, mais les rendements nominaux
fluctuent é alement sur des périodes de détention plus cour tes que l’échéance à
maturité. Ce risque plus éle vé des ob ligations à long ter me a été récompensé par
des rendements plus conséquents mais qui ne parviendraient cependant pas à fournir
un soutien signif catif à une institution qui ne dépense que les retours sur in vestis-
sement supérieurs à l’inf ation.
Les obligations du secteur pri vé sont une alter native à l’investissement dans des
titres de créance de l’État. Sur la période de quatre-vingt ans considérée, les ob liga-
tions privées ont four ni un multiple de 100, dépassant le multiple de 71 des ob liga-
tions d’État dépourvues de risque. Ce rendement supérieur correspond à la rémuné-
ration pour le risque de crédit et le risque d’appel liés aux obligations privées1. Par
nature, les obligations privées qui ont des notes de crédit élevées sont des instruments
financiers ybrides, combinant des caractéristiques ob ligataires avec le risque des
actions et une part d’optionalité.
Le multiple de 18 attaché à l’in vestissement en bons du Trésor, celui de 71 pour
des obligations du Trésor et le multiple de 100 pour des ob ligations privées repré-
sentent les rémunérations de prêts à long ter me. Ces prêts sont des actifs à risque
relativement faible. Dans le cas des obligations du Trésor, la bonne foi et la solvabilité
du gouvernement américain sont engagées dans le paiement des intérêts et le rem-
boursement f nal en bonne et due forme. Dans le cas des ob ligations privées, elles
comprennent un droit de préemption sérieux sur les biens de l’entreprise qui les émet.
C’est-à-dire que les remboursements obligataires ont la priorité sur les di videndes
versés aux propriétaires de l’entreprise que sont les actionnaires.
1. Le risque d’appel est la possibilité qu’un émetteur rembourse les ob ligations par antici-
pation à un prix fi e avant leur maturité. Les détenteurs d’obligations sont en général péna-
lisés lorsque les émetteurs remboursent les obligations, car ces remboursements ont lieu dans
un contexte de baisse des taux d’intérêt.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 87
De toute évidence, en tant que créanciers non prioritaires, les détenteurs d’actions
courent un risque plus grand que les détenteurs d’obligations. Dans les cas extrêmes,
lorsque les entreprises échouent à respecter leurs obligations, les actionnaires peuvent
tout perdre. À cause de ce risque, les actions américaines ont très lar gement surper-
formé les obligations sur de longues périodes.
Un dollar investi sur le marché actions ordinaire à la f n de 1925 aurait été multi-
plié par 2 658 au bout de quatre-vingt ans. Il existe donc une différence énorme entre
le rendement espéré d’un in vestissement conservateur en instr uments monétaires
(18 fois) ou en obligations d’État (71 fois) et celui d’un investissement plus risqué
en actions (2 658 fois).
Les avantages à long terme de la détention d’actions augmentent à mesure que
l’on monte sur l’échelle du risque. Lorsque les in vestisseurs assument le risque
représenté par un investissement dans les petites capitalisations, le même dollar de
1925 est multiplié par 13 706 pendant la période, ce qui constitue un montant stupé-
f ant par rappor t aux autres catégories d’actifs. Bien que cer taines controverses
entourent la méthodolo gie des mesures de rendements ef fectuées par Ibbotson-
Sinquef eld pour les petites capitalisations, leur tra vail donne une idée des rende-
ments à long terme provenant de l’acceptation d’un risque plus élevé.
Quoique les données sur quatre-vingt ans d’Ibbotson-Sinquef eld montrent des
résultats convaincants, des périodes plus longues four nissent des conclusions encore
plus spectaculaires. Jeremy Siegel, professeur à Wharton, examine dans son li vre
Stocks for the Long Run les retours sur investissement de 1802 à 2001. En utilisant
les données récentes d’Ibbotson-Sinquef eld pour compléter les statistiques de Siegel
afin d’obtenir l’ana yse d’une période de plus de deux siècles, un dollar investi sur
le marché actions équi vaut à la somme de 10,3 millions de dollars à la f n de la
période. Sur la même durée, les rendements monétaires ont généré un multiple de
seulement 4 800. Le pouv oir de rentabilité des in vestissements en actions sur de
longues périodes domine les multiples obtenus par les investissements en Notes et
en obligations, comme le montre le tableau 4.2.
Accessoirement, les fans de l’or seront déçus d’apprendre que la valeur de leur
métal précieux n’a été multipliée que par 27, loin der rière les rendements à f aible
risque des obligations d’État et ne dépassant l’inf ation que de 16 modestes points.
Ces découvertes suggèrent que les investisseurs à long terme tirent le maximum
de leur capital en investissant dans des actifs à risque fort et rendement élevé plutôt
que dans les instr uments de créance des gouv ernements et des entreprises. Mais
comme toutes les généralisations, cette conclusion apparemment évidente exige un
examen plus attentif.
http://fribok.blogspot.com/
88 Gestion de portefeuilles institutionnels
Inflatio 16 fois
Notes du trésor 4,8 mille fois
Obligations du Trésor 19,5 mille fois
Actions des grosses capitalisations 10,3 million fois
Source : Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills and Inflation, 2006 Year Book ; Jeremy
Siegel, Stocks for the Long Run, New York 2002, Bloomberg. ]
Tableau 4.2 Les actions produisent des résultats stupéfiants sur le long te me.
Multiples d’enrichissement des catégories d’actifs américains et de l’inflatio
(décembre 1802 – décembre 2005).
Les études des marchés qui ne se focalisent que sur les rendements des titres
américains passent à côté d’informations importantes. Un travail universitaire récent
de Will Goetzmann et Philippe Jorion sur l’histoire de l’investissement dans d’autres
pays réduit la conf ance dans la supériorité à long ter me de l’in vestissement en
actions1. En effet, une déformation apparaît lorsque les données excluent des marchés
(ou des fonds de placement ou des titres indi viduels) qui ont disparu. Comme les
véhicules d’investissement à risque éle vé et haut rendement ont tendance à f aillir
beaucoup plus souvent que leurs homologues à risque et rendement faibles, l’échan-
tillon des survivants surestime les rendements réels et sous-estime le risque réel.
Au début du XXe siècle, des marchés actions actifs existaient en Russie, en France,
en Allemagne et en Argentine. Tous ont connu des interruptions pour de multiples
raisons telles que les troub les politiques, la guer re et l’h yper-inflation. De tout
évidence, ces marchés ont appor té une contribution inexistante aux études sur les
marchés f nanciers. Même les marchés qui ont connu une continuité sans f aille,
comme ceux des États-Unis et de la Grande-Bretagne, ont été fermés durant plusieurs
mois pendant la Première Guerre mondiale 2. Des études sur les rendements à long
terme aux États-Unis ignorent le f ait que les investisseurs sur des marchés étrangers
ont obtenu des résultats moins favorables, avec parfois des rendements spectaculai-
rement inférieurs.
1. William N . Goetzmann and Philippe Jorion, “Global Stock Mark ets in the Twentieth
Century”, Journal of Finance, 54, no. 3, 1999.
2. Stephen J. Brown, William N. Goetzmann, and Stephen A. Ross, “Survival”, Journal of
Finance 50, no. 3 (1995): 855.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 89
Outre le fait que l’enthousiasme pour les actions peut être fondé sur une pré-
férence subjective, la défor mation décrite plus haut 1 e xagère la perception des
rendements historiques. Une étude suggère que le retour annuel réel de 5 % sur
investissement en actions américaines est e xceptionnel, d’autres marchés obtenant
habituellement u n rendement inférieur de 3 %. Si l’on accepte cette conclusion
concernant les rendements espérés des actions sur le long terme, ce type d’investis-
sement devient considérablement moins attractif.
Au final, l’a gument qui défend le penchant pour les actions dans le cas d’un
investissement à long terme ne repose pas tant sur l’expérience statistique. La théorie
financière enseigne vec bon sens que l’acceptation d’un risque plus éle vé s’accom-
pagne d’une espérance de g ains plus conséquents. Bien que les rendements du
marché américain des actions puissent ne pas être aussi élevés qu’ils l’ont été dans le
passé, les investisseurs à long terme tireront prof t d’une préférence pour les actions.
La diversificatio
Si les études sur les rendements des marchés actions indiquent que des niveaux
élevés d’exposition prof tent aux in vestisseurs à long terme, les risques associés
apparaissent moins clairement. Une concentration signifcative sur une seule caté-
gorie d’actifs met en grand péril les capitaux d’un por tefeuille. Heureusement, la
diversification fou nit aux in vestisseurs un outil puissant de gestion du risque. En
combinant des actifs dont les réactions aux forces qui dirigent les marchés sont
différentes, les investisseurs créent des portefeuilles plus efficients. our un niveau
de risque donné, des portefeuilles cor rectement diversifiés produisent des rendement
plus élevés que des portefeuilles moins bien diversifiés. À l’i verse, par une diver-
sification appropriée, un certain n veau de rendement peut être atteint avec un risque
moins élevé. Har ry Markowitz, pionnier de la théorie moder ne de por tefeuille,
affi me que la di versification du po tefeuille apporte un bonus aux in vestisseurs,
car le risque peut être réduit sans sacrif er le rendement espéré.
1. Le biais dû aux sur vivants apparaît lorsque les données e xcluent certains marchés (ou
certains fonds d’investissement ou certains titres) qui, de ce fait, disparaissent. Comme les
marchés (ou les fonds d’investissement ou les titres) au rendement plus faib le et au risque
plus important ont tendance à échouer plus fréquemment que leurs pairs au rendement plus
élevé et au risque plus f aible, l’échantillon de sur vivants reflète un e vironnement qui
surestime le rendement réellement atteint et sous-estime le risque réellement encouru.
http://fribok.blogspot.com/
90 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 91
1. C’est ainsi qu’on a vait nommé une cinquantaine de v aleurs de croissance de qualité,
parce qu’elles avaient attiré la f aveur quasi fanatique des analystes et des investisseurs au
début des années 70. Les investisseurs croyaient que ces titres possédaient des perspectives
si extraordinaires que certains d’entre eux les appelaient des « one-decision stocks » : des
actions que l’on décidait d’acheter et qu’il est hors de question de vendre un jour.
http://fribok.blogspot.com/
92 Gestion de portefeuilles institutionnels
Date Multiple
Source : Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills and Inflation, 2006 Year Book.
Tableau 4.3 Les actifs très risqués traversent parfois des trous d’air.
Les multiples de croissance des petites capitalisations de novembre 1928 à juin 1935.
Selon les données du tab leau 4.3, les prix des petites capitalisations ont connu
un sommet en no vembre 1928. Un dollar in vesti lors de ce sommet aurait perdu
54 % de sa valeur en décembre 1929, 38 % de plus en décembre 1930, 50 % de plus
en décembre 1931 et f nalement 32 % de plus en juin 1932. De no vembre 1928
à juin 1932, l’action des marchés a presque réduit à néant l’investissement de départ.
Aucun investisseur privé ou institutionnel ne pour rait supporter un tel traumatisme .
Comme les forces du marché transformaient les dollars en centimes, les investisseurs
vendirent les petites caps, placèrent ce qui leur restait sur des bons du Trésor, et
jurèrent de ne jamais plus investir sur le marché actions. Bien sûr, vendre des actions
en juin 1932 était précisément une réaction erronée. Dix centimes investis dans des
petites capitalisations au plus bas de la Grande Dépression auraient été multipliés
par 137 000 au 31 décembre 2005.
Le scepticisme avec lequel les in vestisseurs envisageaient les actions dans les
années 30 transparaît dans l’article de Rober t Lovett « Gilt-Edged Insecurity », paru
le 3 avril 1937 dans le Saturday Evening Post. Lovett commence son anal yse des
rendements historiques des marchés en suggérant que ses lecteurs « réfléchissent
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 93
http://fribok.blogspot.com/
94 Gestion de portefeuilles institutionnels
pays exacerbe les conséquences de cette dépendance aux actions domestiques. Des
taux d’intérêt en hausse provoquent un déclin de la valeur des obligations, et peuvent
également provoquer celui des actions, anéantissant ou réduisant l’espoir placé dans
les effets de la diversification. Le même raisonnement s’applique aussi à la situatio
inverse. Dans de nombreuses circonstances, l’institution d’enseignement moyenne
possède plus des quatre cinquièmes de son por tefeuille en valeurs portées dans la
même direction par les mêmes facteurs économiques.
En identif ant des catégories d’actifs qui montrent peu de cor rélation avec les
instruments f nanciers domestiques, les in vestisseurs engagent une di versificatio
sans pour autant sacrif er les oppor tunités de plus-values en investissant dans des
titres à rendement f xe. La stratégie de di versification la plus courante pour u
investisseur américain consiste à ajouter des actions étrangères à son por tefeuille.
D’autres options incluent également les participations privées au capital d’entreprises
non cotées, les opérations de rachat d’entreprise a vec effet de levier, l’immobilier,
les matières premières et les placements recherchant une perfor mance absolue. Si
ces catégories d’actifs fournissent des rendements aussi élevés que les actions mais
d’une manière qui dif fère de la catégorie d’actifs principale d’un por tefeuille (les
actions américaines), les in vestisseurs créent ainsi des portefeuilles qui of frent à la
fois des rendements élevés et une bonne diversification. Bien qu’en ce qui conce ne
une catégorie spécif que d’actifs, l’espérance de rendements plus élevés est au prix
d’une volatilité plus grande, le manque de corrélation entre des catégories d’actifs
individuellement risquées réduit en f ait le risque global du portefeuille. La di versifi
cation représente un « bonus » qui per met aux in vestisseurs de réduire le risque
sans sacrif er les rendements.
La combinaison d’une préférence pour les actions et d’une diversification appro
priée donne une base solide à l’étab lissement d’une politique d’allocation d’actifs .
Pour répondre aux exigences du penchant pour les actions et à celles de la diversi-
fication, les institutions sensées identi ent toute une variété de catégories d’actifs à
haut rendement qui tirent leurs plus-v alues de façons fondamentalement dif férentes
les unes des autres. En répartissant les capitaux sur une palette variée de catégories
d’actifs, les investisseurs diminuent le risque de dégâts impor tants causés par une
exposition non di versifiée à un seul marché, et améliorent la probabilité qu’un
exposition bien diversifiée à des marchés di férents génère des rendements éle vés
avec un niveau de risque plus bas.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 95
LE MARKET TIMING
1. John Ma ynard K eynes, “Memorandum for the Estates Committee, King’ s Colle ge”,
Cambridge, Ma y 8, 1938, in Charles D . Ellis, ed., Classics: An Investor’s Antholo gy,
Homewood, Ill., Business One Irwin in association with the Institute of Char tered Finan-
cial Analysts, 1989, 79–82.
http://fribok.blogspot.com/
96 Gestion de portefeuilles institutionnels
les bonnes obligations »1. Lorsque les di videndes des actions dépassaient lar gement
ceux des obligations, les investisseurs trouvaient les actions attractives, surpondérant
celles-ci par rapport aux obligations. À l’inverse, lorsque les rendements obligataires
se rapprochaient des dividendes des actions, les investisseurs favorisaient les obli-
gations. L’historique a four ni un fondement solide à cette stratégie. « Les actions
n’ont rapporté moins que les obligations que durant de courtes périodes, en 1929,
1930 et 1933. »2 Cette technique fondée sur la valorisation a donc bien fonctionné
jusqu’en 1958, lorsque les dividendes des actions ont dépassé pour la dernière fois
les rendements obligataires. À la f n des années 50 et au début des années 60, quand
les rendements obligataires ont commencé à dépasser durablement ceux des actions,
les market timers devinrent plus lourdement investis en obligations qu’en actions.
Bien sûr, ces investisseurs subirent alors un manque à gagner tout en attendant inuti-
lement que les dividendes des actions donnent un signal d’achat. Au final, l’éche
de la technique de market timing basée sur les rendements relatifs a contraint ses
défenseurs à changer de métier.
Une version moderne et plus sophistiquée du jeu des rendements relatifs des
années 50, l’allocation d’actifs tactique (AAT), modif e les pondérations des instru-
ments f nanciers au sein du portefeuille en se basant sur les recommandations d’un
modèle quantitatif sophistiqué. Après avoir gagné la faveur des institutions grâce à
sa performance pendant le krach de 1987, son attracti vité s’affaiblit dans les années
qui suivirent, les réussites de la f n des années 80 s’estompant dans la mémoire des
intervenants. Bien que les recommandations de l’AA T soient tirées de disciplines
quantitatives apparemment sensées, le système souf fre des défauts des autres
mécanismes de market timing.
Un problème notable découlant de la triple manière habituelle d’envisager l’allo-
cation d’actifs (actions, obligations, liquidités) a trait à la résorption des « anomalies
de prix » identif ées par des modèles. Les modèles de l’AAT ont tendance à préférer
les liquidités lorsque les taux d’intérêt à cour t terme égalent ou dépassent les taux
à long ter me, c’est-à-dire dans les en vironnements de courbe des taux plate ou
inversée3. Lorsque l’AAT détient des quantités importantes de liquidités, les inves-
1. Gilbert Burck, “A New Kind of Stock Mark et”, Bank Credit Analyst, April 1998, 22.
Initialement publié dans Fortune, March 1959.
2. Ibid.
3. Les courbes de taux représentent g raphiquement la relation entre le rendement et
l’échéance à maturité des ob ligations de même qualité. Des courbes de taux nor males se
redressent car des rendements plus éle vés accompagnent les maturités plus longues. Des
courbes de taux plates reflètent des rendements constants, indépendants de la maturité. De
courbes de taux inversées décrivent des environnements où les taux à cour t terme dépassent
les taux à long terme.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 97
tisseurs prof tent d’une protection signif cative dans des en vironnements où les
taux d’intérêt augmentent. L’augmentation des taux provoque le déclin du prix des
obligations, et peut également provoquer celui des actions (bien que la relation entre
les actions et les obligations soit complexe, des taux d’intérêt plus élevés conduisent
en général à une baisse des actions). En détenant des liquidités, les praticiens de
l’AAT protègent les capitaux des portefeuilles de pertes dues au déclin des prix des
obligations et des actions induit par l’augmentation des taux d’intérêt.
À l’inverse, si les in vestisseurs détiennent des liquidités lorsque la courbe des
taux décline fortement, les portefeuilles peuvent subir un manque à gagner irréver-
sible. Les déclins soutenus de la courbe des taux résultent de hausses brutales du prix
des obligations, ce qui a en général pour ef fet de provoquer une hausse des actions .
Les partisans de l’AAT, coincés dans des positions importantes de liquidités, reçoivent
des rendements modestes alors que les ob ligations et les actions enre gistrent des
gains substantiels. Dans ce cas, les per tes sont irréversibles dans le sens que, bien
que les liquidités soient originellement apparues comme étant la catégorie d’actifs la
moins chère, un fort déclin des taux d’intérêt transforme cette attractivité en manque à
gagner pour ceux qui les détiennent. Dans un en vironnement de taux d’intérêt
déclinants, les plus-values engrangées par les détenteurs d’obligations et d’actions
rendent la pilule des pâles performances des liquidités bien amère à avaler pour les
partisans de l’AAT.
Comme les liquidités représentent une catégorie d’actifs médiocre pour les
investisseurs à long terme, les stratégies de market timing les employant mettent en
grand danger les capitaux des fonds de réser ve. Si les investisseurs surpondèrent par
erreur les liquidités et sous-pondèrent les actifs à plus haut rendement, les hausses
à long terme de ces derniers actifs peuvent provoquer des manques à gagner irré-
versibles et dommageables au capital. Alors que des dégâts moins sévères peuvent
résulter d’erreurs de timing entre deux catégories d’actifs à haut rendement, leurs
conséquences f nales dépendent des réactions contrariennes disciplinées appliquées
aux per tes initiales dues au market timing . Une telle discipline est grandement
attendue de ceux qui se sont engagés a priori dans le market timing.
http://fribok.blogspot.com/
98 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Les chif fres concer nant l’allocation des actifs dans les fonds de réser ve viennent de
Cambridge Associates, une société de conseil spécialisée dans les or ganisations non com-
merciales.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 99
http://fribok.blogspot.com/
100 Gestion de portefeuilles institutionnels
Tout au long du marché haussier des années 90, le public a perçu chaque petite
baisse du cours des actions comme une opportunité d’en acheter « au rabais ». Les
investisseurs ont-ils appris une importante leçon de rééquilibrage du krach du marché
actions de 1987, ou bien est-ce que le rebond relati vement rapide des cours leur a
indiqué une mauvaise direction ?
Tirer des conclusions du krach de 1987 sur les prof ts faciles venus de l’achat
dans les creux de marché paraît peu fondé tant les circonstances entourant le krach
d’octobre constituent un cas unique. La baisse de 23 % du S&P 500 en une seule
journée correspond à un événement de déviation standard de f acteur 25, un fait si
rare pour une v ariable normalement distribuée qu’il dépasse l’imagination 1. Fonder
leur comportement futur sur le krach de 1987 et le rebond qui l’a sui vi expose les
investisseurs au danger que des baisses moins spectaculaires contiennent beaucoup
moins d’informations concernant le compor tement des cours à v enir. Bien que la
profitabilité à cou t terme de l’achat d’actions après un krach soit un aspect positif
de l’activité de rééquilibrage, les in vestisseurs sont confrontés à la possibilité de
confondre la fonction de rééquilibrage si impor tante pour le contrôle du risque a vec
l’activité incertaine et cupide qui consiste à « acheter dans les creux ».
La volatilité excessive
L’économiste de Yale Robert Schiller pense que les marchés sont d’une v olatilité
excessive2. C’est-à-dire que les cours ont tendance à fuctuer plus qu’il n’est néces-
saire dans leur réaction aux facteurs fondamentaux tels que les bénéfces des entre-
prises ou les taux d’intérêt, qui déter minent la valeur intrinsèque du marché. En
d’autres termes, « si les mouvements de prix étaient réduits… de telle façon qu’ils
soient moins variables, les cours anticiperaient mieux les fondamentaux. » « L’accu-
sation controversée » de Schiller, telle qu’il l’a lui-même appelée, donne « la preuve
d’un échec du modèle d’efficience des marchés »3. Quiconque essaie de comprendre
le krach d’octobre d’un point de vue fondamental, perçoit la valeur de l’opinion de
Schiller.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 101
http://fribok.blogspot.com/
102 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 103
sement. Pourtant, peu importe la fréquence des rééquilibrages, la f délité aux allo-
cations d’actifs ciblées s’avère être un moyen important de contrôler le risque et un
outil précieux d’amélioration du rendement. Les investisseurs sérieux utilisent des
stratégies de rééquilibrage pour s’en tenir aux objectifs de la politique d’allocation
d’actifs.
Les investisseurs espérant prof ter à court terme des transactions de rééquilibrage
sont presque cer tains de subir une déception sur le long ter me. Sur de longues
périodes, les portefeuilles qu’on autorise à dériver au gré des rendements des marchés
ont tendance à contenir un nombre toujours plus éle vé d’actifs risqués, car leurs
rendements plus élevés font que les positions les plus risquées dépassent peu à peu
en taille les autres catégories d’actifs. Le b ut fondamental du rééquilibrage réside
dans le contrôle du risque, et non dans l’amélioration du rendement. Les transactions
de rééquilibrage maintiennent les portefeuilles f xés sur les objectifs de la politique
à long terme en rétablissant les déviations résultant de la différence de performance
entre les dif férentes catégories d’actifs. Le rééquilibrage discipliné e xige des nerfs
solides et beaucoup de constance. Dans le conte xte d’un marché baissier, le réé-
quilibrage paraît être une stratégie perdante car les investisseurs engagent alors des
fonds sur des actifs démontrant une faiblesse relative persistante.
Comparez l’expérience positive de rééquilibrage des investisseurs en 1987, ou
celle de Yale en 2003, a vec le destin subi par les in vestisseurs pendant le marché
baissier de 1973 et 1974. La baisse des cours e xigeait l’achat d’actions, sui vi par
une nouvelle baisse qui entamait la valeur du capital, et conduisait à son tour à de
nouveaux achats. Les pertes subies sur les transactions de rééquilibrage se sont
avérées particulièrement douloureuses à mesure que les in vestisseurs appliquaient
le sage principe consistant à acheter lors d’un marché baissier . Pour les investisseurs
recherchant la préserv ation des objectifs d’allocation à long ter me au début des
années 70, deux années de détérioration presque ininter rompue des cours ont
généré des pertes continues impitoyables.
Une hausse du cours des actions produit un ensemb le de difficultés similaires
Dans un marché haussier soutenu, le rééquilibrage fait figure de stratégie perdant
car les in vestisseurs vendent alors constamment des actifs qui af fichent une pro-
gression continue de leur cours. Les années passent sans que l’on n’obtienne aucune
récompense d’avoir agi ainsi, sauf celle de sa voir que le por tefeuille ref ète les
caractéristiques désirées en termes de rapport rendement/risque.
Le choix de ne pas rééquilibrer le portefeuille suivant la politique d’allocation
à long terme force les gestionnaires à s’engager dans une stratégie délicate de market
timing du suivi de tendance. Comme beaucoup de stratégies contrariennes, le réé-
quilibrage semble souvent stupide alors que les inter venants prof tant du momen-
http://fribok.blogspot.com/
104 Gestion de portefeuilles institutionnels
tum engrangent les gains en suivant la tendance. Sans crainte pour les conséquen-
ces éventuelles sur leur réputation, les in vestisseurs sérieux maintiennent le prof l
de risque de leur portefeuille grâce à des règles de rééquilibrage suivies avec disci-
pline, évitant la tentation parfois forte de suivre les forces directrices du marché.
Burton Malkiel, dans son li vre Managing Risk in an Uncertain Er a, écrit :
« Nous sommes particulièrement opposés au fait qu’une université essaie d’entrer
et de sortir du marché actions selon sa capacité à anticiper les tendances. Les investis-
seurs qui souhaitent jouer au jeu du market timing doivent posséder un degré excep-
tionnel de prescience concernant la direction que prendra l’économie en général , les
bénéfices des entreprises, les taux d’intérêt, et aussi tout l’ensem le des dév elop-
pements internationaux économiques, politiques et sociaux qui affectent les marchés.
Une telle omniscience est, c’est le moins qu’on puisse dire, dif ficile à dénicher »1.
Un conseil plus succinct à ceux qui souhaitent prédire le marché nous vient d’un
trader sur le coton du XIXe siècle : « Certains pensent que le marché v a monter.
D’autres qu’il va baisser. Moi aussi. Quoi que v ous fassiez, vous aurez tort. Agissez
tout de suite ».
Le market timing fait volontairement dévier le portefeuille des objectifs de sa
politique à long terme, exposant l’institution à des risques qu’elle pourrait facilement
éviter. Comme la politique d’allocation des actifs constitue le principal moyen par
lequel les investisseurs expriment leurs préférences concer nant le risque et le ren-
dement, les gestionnaires sérieux tentent de minimiser les déviations par rappor t à
ces objectifs. Pour s’assurer que le portefeuille ref ète les caractéristiques de risque
et de rendement désirées, évitez le market timing et adoptez le rééquilibrage pour
maintenir les différentes catégories d’actifs dans les proportions ciblées.
L’efficience du march
Les investisseurs qui souhaitent battre le marché en gérant acti vement des porte-
feuilles sont confrontés à des obstacles de taille. Bien qu’aucun marché ne cote en
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 105
permanence les titres à leur juste v aleur, la plupar t des marchés cotent presque
toujours les titres avec une efficience raisonna le, fournissant peu d’opportunités
de gains f aciles. De plus, les coûts générés par la gestion acti ve augmentent les
obstacles à la réussite car les investisseurs actifs paient des frais de gestion, subissent
des coûts de transaction et impactent le marché en leur déf aveur. Les investisseurs
intelligents approchent les stratégies actives avec une bonne dose de scepticisme.
Les gestionnaires actifs sensés se tour nent vers les marchés dont les cotations
manquent d’efficience, et évitent ceux qui sont correctement cotés. Malheureuse
ment, il n’existe aucune mesure de l’efficience des cours. En ait, les économistes
financiers sont depuis toujours en agés dans un débat concernant l’efficience, ce tains
croyant impossible de trouver des sources supplémentaires de plus-values ajustées
au risque, d’autres pensant que les comportements humains génèrent tout un éventail
d’opportunités pour la gestion active.
Le niveau d’opportunité
En l’absence de mesures directes de l’efficience des marchés, le comportemen
des gestionnaires actifs fournit des indices sur le niveau d’opportunité de différents
marchés. Sur les marchés présentant peu d’opportunités pour les gestionnaires actifs,
ceux-ci dévient rarement du benchmark, ce qui donne des rendements proches de
ceux du marché concerné. Pourquoi les gestionnaires qui travaillent sur des marchés
efficients ont-ils tendance à coller au benchmark? Dans un monde de titres correc-
tement cotés, imaginez les conséquences f nancières du fait de détenir un porte-
feuille différant de façon marquée. Des déviations importantes par rapport au marché
font que les résultats du portefeuille d’un gestionnaire s’éloignent spectaculaire-
ment du benchmark. Les gestionnaires qui sous-perfor ment perdent des clients et
des capitaux. Bien que ceux qui surperfor ment attirent temporairement des clients
et des capitaux (ainsi que l’adulation du pub lic), comme les marchés ef ficients n
présentent pas d’anomalies e xploitables par les gestionnaires actifs, la surperfor-
mance provient de la chance et non du talent. Le succès apparent s’a vère être fugitif
pour les gestionnaires actifs qui tra vaillent sur des marchés ef ficients. Le temp
passant, il en résulte que les gestionnaires opérant sur les marchés efficients ravitent
autour du benchmark, structurant des por tefeuilles ne comportant que de faib les
variations par rapport au marché, leur garantissant à la fois la médiocrité et la survie.
À l’inverse, les gestionnaires actifs sur des marchés moins ef ficients a fichen
des résultats beaucoup plus variables. En fait, de nombreux marchés privés ne pos-
sèdent pas de benchmark auquel on pourrait coller, éliminant le problème du confor-
misme. Les inefficiences de prix permettent aux gestionnaires les plus talentueu
http://fribok.blogspot.com/
106 Gestion de portefeuilles institutionnels
de réussir brillamment, alors que les gestionnaires sans talent af fichent des résultat
désespérément médiocres. Le travail de fond et l’intelligence récoltent d’abondan-
tes plus-values dans un environnement où la meilleure infor mation et la réactivité
procurent un avantage.
Le compor tement des gestionnaires f ait que le ni veau d’oppor tunité pour la
gestion active est en relation étroite avec la distribution des performances dans une
catégorie d’actifs particulière. Toutes les mesures de dispersion des résultats four -
nissent un aperçu du de gré d’oppor tunité pour la gestion acti ve. Le tab leau 4.4
montre l’écart entre le premier et le troisième quartile des performances des porte-
feuilles activement gérés, illustrant la façon dont les actifs cotés avec plus d’efficienc
offrent moins d’opportunités pour les gestionnaires actifs, et les actifs moins
efficients plus d’opportunités.
Premier Troisième
Catégorie d’actifs Médiane Écart
quartile quartile
Source : Les données concernant les titres cotés viennent de Russel/Mellon. Pour les place-
ments à performance absolue, l’immobilier, les opérations de rachat d’entreprise avec effet de
levier et le capital-risque, les données viennent de Cambridge Associates. Les données de
l’immobilier, des opérations de rachat d’entreprise a vec effet de levier et du capital-risque
représentent les retours sur in vestissement des fonds collectés entre 1995 et 1999, à l’e xclu-
sion de fonds plus récents, de sorte que des investissements non matures ne tirent les résultats
vers le bas.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 107
stratégies d’anticipation des taux. Les paris originaux for tement rémunérateurs
étant absents des marchés de taux, les por tefeuilles institutionnels ont tendance à
afficher des sensibilités ou des maturités sensi lement identiques à celles du marché.
Le résultat en est que, les gestionnaires se limitant eux-mêmes dans leurs décisions
concernant la sélection des titres, les rendements de la plupar t des gestionnaires
actifs ref ètent ceux du benchmark. L’écart entre les résultats du premier et du troi-
sième quartile pour les gestionnaires actifs sur les marchés de taux af fiche le chi fre
étonnamment faible de 0,5 % par an pour la décennie se terminant le 30 juin 2005.
Les actions de grosses capitalisations représentent le barreau suivant sur l’échelle
de l’efficience, vec un écar t de 1,9 % entre le premier et le troisième quar tile.
Les actions sont plus difficiles à é aluer que les obligations. Au lieu d’effectuer
le décompte relativement facile des rendements f xes, la v alorisation des actions
implique la prise en compte des bénéfces futurs de l’entreprise, ce qui s’avère plus
périlleux. La volatilité plus élevée des marchés actions contribue également à l’écart
plus g rand entre les gestionnaires actifs. Le marché moins ef ficient des action
étrangères démontre un écart de 4 % par an entre le premier et le troisième quar tile,
le marché des petites capitalisations américaines affichant un éca t de 4,8 % sur la
décennie. La progression du niveau d’opportunité selon les catégories d’actifs cotés
se comprend intuitivement.
La rupture radicale se situe entre les marchés pub lics et les oppor tunités privées
non liquides. Les fonds à performance absolue, l’immobilier, les opérations de rachat
d’entreprise avec effet de le vier et le capital-risque af fichent des dispersions d
performance spectaculairement plus étendues. Pour la même période de dix ans, les
fonds à perfor mance absolue af fichent un éca t de 7,1 % entre le premier et le
troisième quartile, alors que l’immobilier et les opérations de rachat d’entreprise
avec effet de levier montrent des écarts encore plus importants de respectivement
9,2 et 13,7 % par an. Le capital-risque obtient la médaille d’or de la dispersion
avec un écart époustouf ant de 43,2 % entre le premier et le troisième quartile.
Sélectionner des gestionnaires du premier quartile des marchés privés est beau-
coup plus rémunérateur que dans les marchés publics. Dans le cas le plus extrême,
choisir un gestionnaire ob ligataire du premier quartile ne rappor te qu’un maig re
0,3 % par an par rapport au résultat mo yen de la catégorie. À l’inverse, le premier
quartile du capital-risque dépasse la moyenne de 30,1 % par an, apportant une contri-
bution bien plus importante aux résultats du portefeuille. Ironiquement, l’identif -
cation d’un gestionnaire hors nor me sur les marchés pri vés relati vement moins
efficients s’ vère moins difficile que le même xercice effectué sur les marchés des
titres cotés, par nature plus efficients
http://fribok.blogspot.com/
108 Gestion de portefeuilles institutionnels
Source : Les données concer nant les frais viennent de Cambridge Associates Investment
Manager Database, et sont ar rondies au dixième de pourcent. Les indices de référence :
Lehman Brothers U.S. Government Credit Index pour les obligations américaines, l’indice
S&P 500 pour les actions américaines, et l’indice S&P 600 pour les petites capitalisations
américaines.
Les marchés actions américains donnent des résultats légèrement plus encou-
rageants. Tous frais déduits, le gestionnaire actif mo yen dépasse le benchmark de
0,5 % par an. Toutefois, un gestionnaire du premier quartile ajoute réellement de la
valeur en dépassant le benchmark de 1,4 % par an, tous frais déduits. Le gestionnaire
moyen sur le marché des petites capitalisations bat le marché d’un maig re 0,2 %
par an. À l’inverse, un gestionnaire du premier quartile ajoute 2,3 % par an, ref étant
un nombre d’opportunités plus élevé sur les titres cotés avec moins d’efficience
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 109
Dans le cas des titres cotés américains, la pro ximité des performances moyennes
avec le benchmark est à peu près la même pour les ob ligations, les actions et les
petites capitalisations. Évitez donc la gestion active, ou entreprenez-la avec la plus
grande prudence et des attentes réalistes.
Observez les marchés sur lesquels les différents titres sont cotés. Les titres obli-
gataires sont cotés sur un marché dominé par les institutions. Les perfor mances de
l’univers des gestionnaires actifs y représentent le résultat d’une lutte entre in ves-
tisseurs sophistiqués. Les interv enants n’obtiennent un a vantage qu’avec les plus
grandes difficultés. Les gestionnaires actifs a fichent donc des résultats qui tiennen
dans un mouchoir de poche, les gestionnaires mo yens perdant par rapport au bench-
mark, e t ceux du premier quartile af fichant des perfo mances le dépassant très
modestement. Le marché très efficient et compétitif des produits de taux se tient
l’une des extrémités du spectre de l’efficience
Les actions américaines s’échangent dans un en vironnement férocement compé-
titif, mais offrant un nombre d’opportunités plus éle vé. Comme on pour rait s’y
attendre dans ce jeu à somme nulle qu’est la gestion acti ve, le gestionnaire d’actions
américaines moyen performe d’une manière similaire au marché. Ceci dit, les ges-
tionnaires du premier quartile, à la fois pour les grandes et les petites capitalisations ,
semblent ajouter de la valeur, tous frais déduits, dans la mesure où les petites capitali-
sations cotées avec moins d’efficience o frent davantage d’opportunités.
Une plus g rande inefficience de l’e vironnement de marché peut très bien ne
pas signif er une réussite moyenne supérieure. Les marchés privés en fournissent un
exemple. Les performances moyennes du capital-risque et des opérations de rachat
d’entreprise avec ef fet de le vier sont à la traîne par rapport à celles des marchés
cotés, malgré le risque plus éle vé et la liquidité moins grande de l’in vestissement
privé. Durant la décennie se terminant le 30 juin 2005, le déf cit par rappor t au
S&P 500 s’est élevé à 11,3 % par an pour le capital-risque, et à 1,9 % par an pour
les opérations de rachat d’entreprise a vec effet de levier, et ces chiffres seraient plus
élevés si on les ajustait au risque. S’ils veulent justif er l’inclusion de participations
privées dans leur portefeuille, les conseillers doivent sélectionner des gestionnaires
du premier quartile. Tous les autres échouent à compenser le temps, les ef forts et
le risque inhérents à la recherche d’investissements non cotés.
http://fribok.blogspot.com/
110 Gestion de portefeuilles institutionnels
apparaît à la simple lecture des données. La sélection naturelle qui s’opère par mi
les gestionnaires actifs f ait apparaître ce g roupe comme ayant plus de succès que
ne l’indiquerait une image f dèle de la réalité, car les données disponibles sur leurs
performances ne concernent que celles des gestionnaires qui ont sur vécu, les per-
formances de ceux qui ont disparu a yant été effacées des tableaux statistiques de
résultats.
Ces erreurs statistiques biaisent les données sur les perfor mances des gestion-
naires, limitant l’utilité de ces rappor ts pour comprendre les performances des
gestionnaires actifs. Une première erreur apparaît lorsque des gestionnaires dispa-
raissent des statistiques sans laisser de trace, la seconde inter venant lorsque de nou-
veaux entrants contribuent aux performances historiques de la base de données.
Les compilations des données de perfor mance n’incluent en général que les
résultats des gestionnaires en activité au moment de l’étude. Les produits et les ges-
tionnaires ayant disparu sont effacés, colorant les données de performance d’un biais
optimiste. Si les résultats généralement médiocres de ceux qui n’ont pas sur vécu
étaient inclus dans la base de données, le déf qui consiste à battre le marché paraîtrait
encore plus écrasant.
Même si l’on entreprend d’inclure les résultats des gestionnaires qui ont
échoué, les chiffres ne peuvent donner une idée cor recte que si l’on considère les
performances sur une base annuelle. L ’horizon de temps le plus court produit les
données les plus optimistes, car le nombre de f aillites a tendance à être plus faible
sur des périodes plus courtes. Les prob lèmes les plus sérieux apparaissent lorsque
l’on examine les performances sur plusieurs années, car un nombre plus g rand de
gestionnaires disparaissent sur la période. Comme les gestionnaires ont tendance à
faire faillite après avoir affiché des résultats médiocres, les comparaisons sur plusieur
années souffrent d’une inf ation des performances due aux meilleurs résultats des
survivants.
D’autres erreurs apparaissent lorsque les données intègrent de nouvelles entre-
prises et leurs historiques de résultats. Comme les nouv eaux entrants af fichen
nécessairement de bons résultats pour attirer l’attention des institutionnels, l’ajout
des leurs résultats passés (que l’on appelle également le « backfill bias ») améliore,
rétrospectivement et de façon artificielle les perfo mances des gestionnaires actifs.
Une analyse des performances des investissements menée par Russell Investment
Group montre de façon lumineuse l’impact du biais dû aux f aillites sur les résultats.
Russell, une entreprise de consulting très en vue, compile et publie l’une des bases
de données les plus largement utilisées sur les performances d’investissement.
La base de données de Russell souffre d’un biais signif catif dû aux faillites de
gestionnaires. Observ ez les perfor mances du gestionnaire d’actions américaines
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 111
moyen telles qu’elles sont enregistrées dans le tableau 4.6. En 1996, selon Russell,
le gestionnaire d’actions américaines mo yen a obtenu un résultat de 22,4 % d’après
les rapports reçus d’un échantillon de 307 gestionnaires. Comme les gestionnaires
en faillite avaient été effacés et que les nouveaux entrants avaient été inclus dans la
base de données, les performances affichées pour 1996 étaient nettement améliorée .
En 2005, la performance du gestionnaire moyen en 1996 passe à 23,5 %, plus d’un
point de pourcentage au-dessus de la performance originellement enregistrée. Il est
frappant de constater que le rappor t de 2005 sur l’année 1996 n’inclut que 177 ges-
tionnaires, soit 130 de moins que le rapport de 1996.
Les données de Russell souffrent d’un double biais. Notez que de 1997 à 1998,
le nombre de gestionnaires augmente de 9, ce qui laisse supposer un certain niveau
de pollution des données (backfill bia ). Comme Russell ne fournit pas d’informa-
tion annuelle sur les retraits et les souscriptions, les obser vateurs ne possèdent pas
les éléments nécessaires pour estimer l’importance relative des sorties et des entrées.
Ceci dit, le déclin de plus de 40 % sur dix ans du nombre d’entreprises a yant parti-
cipé au rapport de 1996 indique que la prépondérance des départs de gestionnaires
en faillite.
Une estimation précise de l’impact de ce biais sur la base de données de Russell
s’avère impossible. Les performances médiocres des gestionnaires qui disparaissent
sont effacées. Et les performances brillantes des nouv eaux entrants apparaissent.
Cependant, une idée approximative de l’impact de ce biais nous est donnée par les
déviations enregistrées entre les résultats originellement af fichés et ceux, faussés
qui apparaissent plus tard. Les déviations, soulignées dans le tab leau 4.6, vont d’une
augmentation de la performance mo yenne de 4,3 points de pourcentage en l’an
2000 (ce qui a eu pour ef fet de transfor mer une per te de 3,1 % en gain moyen de
1,2 % enregistré a posteriori) à une stabilité de la performance mo yenne en 2005,
la dernière année étudiée. En moyenne, ce biais augmente les perfor mances généra-
les de 1,6 % par an.
Une estimation imparfaite de l’impact à plus long terme de ce biais, peut être
effectuée en reliant ou non les perfor mances moyennes annuelles à l’apparition/
disparition de gestionnaires. L’imperfection de cette mesure vient du f ait que les
performances moyennes calculées en tenant compte du biais ne représentent pas
(sauf coïncidence) l’expérience individuelle de chaque gestionnaire. Même si ces
performances ajustées ref étaient par hasard celle d’un gestionnaire, celui-ci ne
représenterait probablement pas la moyenne. Cependant, l’application de la technique
qui consiste à relier les moyennes à la fois aux données incluant le biais et aux données
l’excluant, fournit une estimation grossière de l’importance de l’impact.
http://fribok.blogspot.com/
112 Gestion de portefeuilles institutionnels
Année
en % 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
1996 22,4
1997 22,8 30,6
1998 23,3 31,5 23,0
Année de report
Différence
Année
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
1996 307
1997 303 326
1998 312 342 365
Année de report
Changement net
Nombre de gestionnaires.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 113
L’impact estimé du biais dû aux f aillites représente la différence entre : (a) les perfor mances
annuelles du gestionnaire mo yen reliées au biais dû aux f aillites ; et (b) les perfor mances
annuelles du gestionnaire moyen sans la prise en compte du biais.
Après avoir pris en compte le biais dû aux f aillites, l’avantage de 0,5 % net de
frais qu’affichent les gestionnaires d’actions américaines se mue en dé cit de 1,2 %
par an, changeant une vision optimiste en sombre tableau. Les stratégies simples et
peu coûteuses basées sur la f délité à un benchmark battent la plupar t des francs-
tireurs du marché actions.
Le biais dû aux faillites dans la distribution des performances des gestionnaires
actifs modif e fondamentalement l’attitude des investisseurs envers la gestion active.
Les données indiquant que la majorité des gestionnaires battent l’indice encouragent
les investisseurs à jouer le jeu de la gestion acti ve, alors que les chif fres montrant
que les gestionnaires échouent majoritairement à battre les perfor mances de l’indice
découragent de s’y intéresser . La défor mation positive introduite par les biais dû
aux faillites conduit sans aucun doute à une conf ance excessive dans les stratégies
de gestion active.
http://fribok.blogspot.com/
114 Gestion de portefeuilles institutionnels
Observez les chiffres que les investisseurs institutionnels utilisent pour évaluer
les gestionnaires actifs. Comme v ous pouvez le voir dans le tableau 4.8, les chiffres
calculés avant les frais et gonf és par le biais dû aux f aillites favorisent les soi-disant
vainqueurs du marché. La gestion acti ve sur les produits de taux y paraît être une
stratégie gagnante, avec presque les trois quarts des gestionnaires f aisant mieux que
le benchmark. Les ajustements dus aux frais et à la cor rection du biais montrent
l’envers du décor et réduisent la proportion des gagnants à moins d’un cinquième.
Une comparaison superf cielle montre que 80 % des gestionnaires de fonds actions
américaines battent le marché, mais les ajustements réduisent la propor tion des
gagnants à moins d’un quart. Dans l’ensemble, les gestionnaires qui collectent des
frais de gestion les engrangent aux dépens des in vestisseurs institutionnels qui les
payent.
Rang du
Catégorie Performance Rang du Benchmark
Benchmark benchmark
d’actifs moyenne benchmark ajusté
ajusté
Obligations
américaines 7,1 % 6,9 % 74 % 7,5 % 18 %
Actions
américaines 11,2 % 9,9 % 80 % 12,4 % 23 %
Benchmarks : Lehman Brothers U.S. Government Credit Index pour les obligations amé-
ricaines, l’indice S&P 500 pour les actions américaines.
Note : Les benchmarks ajustés incluent les estimations de frais et le biais dû aux faillites.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 115
http://fribok.blogspot.com/
116 Gestion de portefeuilles institutionnels
La liquidité
Les gestionnaires sérieux qui tentent d’identif er des inef ficiences ravitent
souvent autour de marchés relativement peu liquides, car les investissements les plus
lucratifs ont tendance à se situer dans les zones d’ombre et non sous le feu despro-
jecteurs. Ces opportunités originales et cachées attirent peu l’attention deWall Street,
qui opère sur des marchés générant de gros volumes de transactions.
Les intervenants recherchent des positions liquides qui permettent de récupérer
les fonds investis sur le perdant d’hier et de les placer rapidement sur le g agnant
éventuel d’aujourd’hui. Les spéculateurs et les gestionnaires de fonds paient une
prime pour la liquidité, attendant des marchés qu’ils f acilitent le ren versement
immédiat d’une transaction avec pas ou peu d’impact sur les cours.
L’illiquidité induit un comportement à long terme. Plutôt que de se reposer sur un
marché liquide pour sortir rapidement d’une transaction perdante, les in vestisseurs
sur des titres illiquides s’eng agent dans des ar rangements à long terme, achetant
une part importante d’une entreprise avec laquelle ils vont faire un bout de chemin.
En conséquence, la minutie, la profondeur d’analyse et la discipline sont les signes
distinctifs des investisseurs qui réussissent sur les marchés les moins liquides.
En évitant les marchés liquides recherchés par les inter venants à cour t terme,
les investisseurs actifs sérieux se concentrent sur des in vestissements beaucoup plus
intéressants. En s’engageant sur des titres peu liquides, ils identif ent souvent des
opportunités d’ouvrir des positions bien en dessous de leur valeur réelle.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 117
http://fribok.blogspot.com/
118 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 119
1. L’opération d’arbitrage sur l’obligation Samsung exigeait la vente à découvert des obli-
gations relativement chères libellées en dollar. Les vendeurs à découvert doivent emprunter
des obligations pour pouvoir effectuer la transaction. L’un des risques de cet arbitrage con-
siste à perdre « l’emprunt », ce qui ob lige l’investisseur à déboucler sa position v endeuse
prématurément. Dans des marchés financiers fonctionnant bien, la conse vation de positions
de vente à découvert pose peu de problèmes ; mais dans ces marchés, des sources de rende-
ment identiques (comme les ob ligations Samsung libellées en dollar et celles en y ens) ne
s’échangent pas à des cours très différents.
http://fribok.blogspot.com/
120 Gestion de portefeuilles institutionnels
faire coïncider a vec les notions d’ef ficience des marchés. En 1991, le Con rès
américain autorisa la création d’une seule catégorie d’actions de Sallie Mae, éliminant
la différence et privant d’une opportunité de trading les arbitragistes prêts à opérer
sur des marchés moins liquides.
Illiquidité et information
On dispose de moins d’informations sur les titres illiquides, ce qui crée des
opportunités de plus-value pour ceux qui savent dénicher les nouvelles n’étant pas
reflétées dans le cours de l’action. Les randes capitalisations ultra-liquides sont
très largement couvertes par une multitude d’analystes, ce qui génère une quantité
pharamineuse d’informations disponibles au public. En 2006, Exxon Mobil, la plus
grosse capitalisation boursière de l’époque, était couverte par vingt-deux analystes
et fut mentionnée 659 fois dans leWall Street Journal. À l’inverse, Avistar Communi-
cations, la 5 000e entreprise en termes de capitalisation, ne possédait pas d’analyste
attitré et ne fut mentionnée que trois fois dans le Wall Street Journal.
À première vue, Exxon Mobil, qui pilote un grand nombre d’activités globales,
semble représenter une belle opportunité pour les gestionnaires actifs. Mais en fait,
les anal ystes actions ont les plus grandes dif ficultés à dé elopper un a vantage
« informatif » face à la concurrence des autres analystes, chacun bénéf ciant d’une
montagne d’infor mations disponib les au pub lic. Avec Avistar Communications,
l’analyste actions bottom-up trouv e une meilleure opportunité. Les infor mations
seront sans aucun doute plus difficiles à obteni , mais leur valeur sera décuplée par
leur caractère conf dentiel.
De toute évidence, les marchés de titres non cotés présentent un a vantage
« informatif » supplémentaire. Les analystes de Wall Street ne suivent pas les entre-
prises non cotées. La couv erture par la presse a tendance à être moins intense, en
partie parce que, à cause de l’absence d’ob ligations légales, moins d’informations
sont rendues pub lique. Le manque d’informations aisément disponib les sur les
entreprises non cotées pose une difficulté et crée une opportunité. Un meilleur ux
d’informations constitue le cœur de l’in vestissement privé, contribuant aux résultats
de tous les partenariats réussis.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 121
Nombre
moyen
Rang Capitalisation Nombre
de citations
Entreprises selon la moyenne moyen
dans le
capitalisation (milliards §) d’analystes
Wall Street
Journal
Exxon Mobil Corp
General Electric Co
Microsoft Corp 1-5 327,5 25 954
Citigroup Inc
Bank of America Corp
U S Bancorp
United Technologies Corp
Qualcomm Inc 50-54 62,2 24 119
Medtronic
Tyco International Ltd
Capital One Financial Corp
Halliburton Co
Kimberly-Clark Corp 100-104 31,0 22 90
Valero Energy Corp
Carnival Corp/Plc (Usa)
Navistar International Corp
Telefl x Inc
Dresser-Rand Group Inc 1000-1004 2,5 7 10
Aspen Insurance Holdings Ltd
Big Lots Inc
Avistar Communications Corp
Daily Journal Corp
Beverly National Corp 5000-5004 63,7 0 1
Antares Pharma Inc
JI Halsey Corp
http://fribok.blogspot.com/
122 Gestion de portefeuilles institutionnels
sier des cours. Sur les marchés des futures et des options, les teneurs de marchén’ont
alors pas joué un rôle signif catif… Les variations des cours et le volume des tran-
sactions étaient très er ratiques dès la f n de l’après-midi du lundi jusqu’à la majeure
partie de la séance du mardi 20 octobre, car les teneurs de marché étaient submergés
par les ventes… Devant la violence de la pression v endeuse sur les produits liés aux
actions, une progression raisonnable de la baisse n’était pas possib le. Les teneurs
de marché n’avaient ni les ressources ni la volonté d’absorber le volume extraordinaire
de ventes qui se manifestait »1. Au moment précis où les investisseurs en avaient le
plus besoin, la liquidité avait disparu.
John Maynard Keynes argumente, dans La Théorie Générale, que « de toutes
les maximes de la f nance orthodoxe, il n’en est aucune, à coup sûr , de plus anti-
sociale que le fétichisme de la liquidité, doctrine qui f ait un véritab le devoir aux
institutions de placement de concentrer leurs ressources sur des v aleurs « liquides ».
Une telle doctrine néglige le fait que pour la communauté dans son ensemble il n’y a
rien qui corresponde à la liquidité du placement. »2
Keynes a caressé l’idée de réduire la liquidité du marché pour augmenter la
prédominance de l’investissement à long terme. Il écrit : « Devant le spectacle des
marchés f nanciers modernes, nous avons parfois été tenté de croire que si, à l’instar
du mariage, les opérations d’investissement étaient rendues déf nitives et irrévocables,
hors le cas de mort ou d’autre raison grave, les maux de notre époque pourraient en
être utilement soulagés ; car les détenteurs de fonds à placer se trouveraient obligés
de porter leur attention sur les perspectives à long terme et sur celles-là seules. »3
Ce qui compte, c’est la réussite, pas la liquidité. Si des in vestissements hors
bourse, illiquides par nature, réussissent, la liquidité suivra quand les investisseurs
supplieront d’obtenir des actions lors de l’introduction en bourse de l’entreprise.
Sur les marchés cotés, lorsque des actions autrefois illiquides produisent des per-
formances solides, leur liquidité augmente car Wall Street sait reconnaître leur
progrès. À l’inverse, si des investissements en bourse, et donc liquides, échouent,
l’illiquidité suit car l’intérêt des investisseurs diminue. Les gestionnaires de porte-
feuille devraient craindre l’échec plutôt que l’illiquidité.
1. Brady Commission, Report of the Pr esidential Task F orce on Mar ket Mec hanisms,
January 1988, Washington, D.C., GPO, 1988, 53.
2. Keynes, The General Theory of Emplo yment, Interest and Mone y, New York, Harcourt
and Brace, 1964, 155 (traduction de Jean de Largenaye).
3. Ibid., 160.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 123
La marge de sécurité
Le célèbre in vestisseur Benjamin Graham résume la composante centrale de
l’investissement orienté sur la v aleur dans un seul et même concept, la mar ge de
1. Ibid., 151.
http://fribok.blogspot.com/
124 Gestion de portefeuilles institutionnels
sécurité, ce matelas créé en détenant des actions d’une entreprise dont les bénéf ces
attendus dépassent lar gement le taux actuel des ob ligations. Graham observ e :
« L’idée de marge de sécurité devient évidente lorsque nous l’appliquons au domaine
des titres sous-évalués ou au rabais. Nous obtenons ici, par déf nition, une différence
favorable entre le prix du marché et la valeur calculée ou estimée. Cette différence
constitue la marge de sécurité. Elle permet d’absorber les effets d’une erreur d’éva-
luation ou d’une malchance exceptionnelle. L’acheteur de titres au rabais met par-
ticulièrement l’accent sur la capacité de l’in vestissement à résister à des év olutions
contraires, bien qu’il n’ait dans la plupar t des cas aucun enthousiasme réel pour les
perspectives de l’entreprise. Il est certain que si ces perspecti ves sont déf nitivement
sombres, l’in vestisseur préférera éviter ce titre, peu impor te son prix. Mais le
domaine des titres sous-évalués comprend de nombreux cas, peut-être une majorité,
pour lesquels l’avenir n’apparaît ni clairement prometteur ni assurément sombre. Si
ces titres sont achetés au rabais, même une baisse modérée des bénéf ces n’affectera
pas forcément les bons résultats de l’investissement. La marge de sécurité aura alors
atteint son but »1.
Sur les marchés actions actuels très ef ficients, il xiste peu d’oppor tunités
d’acquérir des titres à meilleur marché que leur v aleur réelle. Même avec les meil-
leures infor mations disponib les, les in vestisseurs peuv ent ne pas sa voir si leurs
positions ont été achetées en dessous de leur v aleur intrinsèque. L’ajustement au
risque et l’évaluation de l’impact d’événements externes futurs, positifs ou nég atifs,
compliquent l’estimation de la décision d’achat initiale. À cause de la dif ficulté
prouver l’efficacité des stratégies d’i vestissement orientées sur la v aleur, les inves-
tisseurs admettent la validité de cette approche sur la base de la seule conf ance.
Peut-être que l’argument le plus séduisant pour les approches d’investissement
orientées sur la valeur réside dans les principes contrariens. Les marchés oscillent
fréquemment entre les extrêmes, les plus populaires étant fortement valorisés et ceux
qui sont tombés en disgrâce, faiblement valorisés. En recherchant des opportunités
parmi les titres négligés, les in vestisseurs contrariens augmentent la probabilité
d’identif er des investissements prof tables.
Cependant, l’investissement contrarien mal réf échi met les por tefeuilles en dan-
ger. Parfois, des entreprises à la mode méritent leur surcote. Et parfois, des entreprises
tombées en disg râce méritent leur f aible v alorisation. L’identif cation des titres
négligés sert de point de dépar t aux investisseurs sérieux, les menant v ers une ana-
lyse plus approfondie. C’est seulement si l’analyse attentive conf rme les espérances
de performances futures élevées que les investisseurs devraient acquérir les titres.
1. Benjamin Graham, The Intelligent Investor, New York, Harper Business, 1973, 279.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 125
Acheter les actions dont les rapports cours / bénéf ce sont faibles est une stratégie
naïve. Le fait de sélectionner les actions les moins chères, en ne tenant compte que
de leurs bénéf ces actuels ou de leur valeur comptable, néglige des facteurs impor-
tants comme la qualité du management et les perspectives de bénéf ces futurs.
Historiquement, les stratégies naïves basées sur la valeur ont obtenu des rende-
ments supérieurs, tout en exposant les investisseurs à un niveau relativement élevé
de risque fondamental1. Jeremy Grantham, de Grantham, Mayo & Van Otterloo, met
en garde contre la catastrophe e xceptionnelle qui peut réduire à néant des années
de plus-v alues eng rangées en achetant les actions les moins chères. La véritab le
valeur peut être acquise en achetant des titres en dessous de leur v aleur réelle, en
tenant compte des bénéf ces anticipés et de l’ajustement au niveau de risque.
Les investisseurs orientés sur la v aleur ne doi vent pas nécessairement limiter
leur choix à des entreprises à f aible croissance ou en difficulté. Même les secteur
à forte croissance contiennent des entreprises aux valorisations attractives. Un ges-
tionnaire de por tefeuille d’actions technolo giques, Sy Goldb latt de S Squared,
lorsqu’il assiste à des salons d’in vestissement, évite les salles de conférence re gor-
geant d’analystes cherchant « l’affaire du mois ». Au lieu de cela, se détachant de la
foule, il va à la rencontre d’entreprises qui ne peuvent pas attirer une large audience.
Bien que nombreux sont ceux qui trouvent que les concepts de valeur et de techno-
logie s’accordent mal, la rencontre des deux crée une combinaison perfor mante.
Les investisseurs orientés sur la valeur cherchent à acquérir des entreprises en dessous
de leur valeur réelle, et non à acheter a priori des titres à faib le croissance ou en
difficulté
Benjamin Graham a reconnu que des in vestisseurs attentifs peuvent identif er
la valeur dans des secteurs inhabituels. Il écrit : « … L’approche des valeurs de crois-
sance peut très bien fournir le matelas de sécurité qu’on trouv e dans l’in vestis-
sement ordinaire, pour autant que le calcul des bénéf ces futurs soit ef fectué de
façon prudente, et qu’il démontre une marge satisfaisante par rapport au prix payé.
Le danger, dans un programme d’achat de valeurs de croissance, réside justement
ici. Pour de tels titres en v ogue, le marché a tendance à f xer des prix qui ne v ont
pas être correctement protégés par une projection prudente des bénéf ces futurs. La
marge de sécurité dépend toujours du prix pa yé. Elle sera confortab le à un prix
donné, réduite à un prix plus éle vé, et inexistante à un prix plus éle vé encore. Si,
comme nous le suggérons, le ni veau de cours mo yen de la plupar t des valeurs de
1. Voir Eugene Fama and Kenneth French, “Size and Book-to-Mark et Factors in Earnings
and Returns”, Journal of Finance, 50, no. 1. (1995): 131–155, et Eugene F ama and Kenneth
French, “The Cross-Section of Expected Stock Retur ns,” Journal of F inance 47, no. 2
(1992): 427–465.
http://fribok.blogspot.com/
126 Gestion de portefeuilles institutionnels
croissance est trop élevé pour fournir une marge de sécurité cor recte à l’acheteur,
alors une simple technique d’achats diversifiés dans ce secteur peut ne pas fonctionne
de manière satisfaisante. Un de gré exceptionnel d’anticipation et de jugement v a
être nécessaire af n que des sélections individuelles avisées puissent surmonter les
risques inhérents au ni veau de v alorisation de ces titres dans leur ensemb le »1.
Bien que Graham reconnaisse la possibilité d’identif er occasionnellement des valeurs
de croissance démontrant une mar ge de sécurité, les in vestisseurs orientés sur la
valeur et recherchant des titres négligés par le marché se trouv ent face à un choix
plus vaste d’opportunités attractives.
L’investissement contrarien
De magnif ques opportunités d’achat de titres à des prix bien inférieurs à leur
valeur réelle se cachent dans les segments de marché profondément tombés en dis-
grâce. Dans les creux de marché, le consensus lar ge se détourne tellement de cer-
taines catégories d’instruments f nanciers que les investisseurs qui sont suffisammen
courageux pour s’engager sur ces actifs v oient leur santé mentale et leur sens des
responsabilités remis en question par leurs pairs. En f ait, Keynes écrit de l’in vestis-
seur contrarien que : « son attitude en ef fet doit nor malement le faire passer aux
yeux de l’opinion moyenne pour un esprit excentrique, subversif et inconsidéré. Cela
fait partie intégrante de son comportement d’être e xcentrique, non conventionnel
et téméraire aux y eux de l’opinion pub lique »2. Les gestionnaires qui cherchent des
opportunités parmi les titres mal aimés du marché ont de beaucoup plus g randes
chances de succès, accompagnées de moqueries et de critiques.
Le marché immobilier du déb ut des années 90 four nissait des occasions évi-
dentes d’acheter des dollars au rabais. En jan vier 1994, Yale participa à l’achat d’un
bien immobilier dont le bail promettait un rendement annuel de 14,8 %. À la f n du
bail, le rendement aurait rappor té plus que la totalité de l’in vestissement initial, et
laissé un bien immobilier de grande v aleur en possession des acquéreurs. Même
sans plus-value immobilière, le rendement locatif de presque 15 % excédait de loin
les rendements des obligations du Trésor qui s’élevaient alors à environ 5,75 %. En
se basant sur ces seuls éléments, on ne peut savoir si la transaction aurait été valable.
Peut-être que le risque d’insolvabilité du locataire justif ait l’écart énorme entre le
loyer et le rendement obligataire sans risque. Mais en réalité, la caution du gouver-
nement américain sur le paiement des lo yers appor tait à ce rendement locatif la
qualité de signature des bons du Trésor. Les investisseurs trouvent rarement de telles
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 127
occasions d’acheter des dollars au rabais. Ironiquement, cette oppor tunité d’achat
au rabais d’un f ux de liquidités sans risque venait d’une agence du gouvernement
américain, le Resolution Trust Corporation (RTC). Bien que le RTC soit plus connu
pour ses acti vités de conf scation de biens, des af faires attractives y apparaissent
parfois.
L’opportunité d’acquérir des biens immobiliers au rabais trouv ait ses racines
dans les excès commis à la f n des années 80. L’immobilier était alors l’actif préféré
des institutionnels, en tête de liste des catégories d’actifs attractives dans les études
sur l’allocation d’actifs. Les in vestisseurs considéraient les centres commerciaux
de province comme des actifs irremplaçables jouissant d’une position de monopoles,
et les achetaient même avec des rendements locatifs de moins de 5 %. Les immeubles
de bureaux en ville étaient traités avec une vénération similaire.
Au début des années 90, le panorama avait considérablement changé. Les excès
de construction, de crédit et de prix de la décennie précédente de vinrent manifestes,
et les prix de l’immobilier tombèrent en chute libre. Les centres commerciaux de
province étaient devenus des dinosaures menacés par la concurrence de nouv eaux
concepts dans la vente au détail. De même, les immeubles de bureaux en ville étaient
en voie d’extinction, car le travail à domicile était en train de remplacer les trajets
vers le lieu de travail en ville.
Les investisseurs orientés sur la valeur ont su reconnaître que les circonstances
n’étaient pas aussi favorables qu’elles paraissaient à la f n des années 80, et qu’elles
n’étaient pas aussi sombres qu’elles en a vaient l’air au déb ut des années 90. En
observant simplement la relation entre la v aleur de marché et le coût de remplace-
ment, un investisseur aurait été vendeur à la f n des années 80 et acheteur au début
des années 90. Acheter au plus bas et vendre au plus haut, il n’y a pas de meilleur
choix !
http://fribok.blogspot.com/
128 Gestion de portefeuilles institutionnels
Performance Performance
pondérée pondérée en
Catégorie en dollars valeur-temps Écart
Note : L’écart entre les chiffres arrondis peut ne pas correspondre à leur différence.
Source : Morningstar Fund Investor, juillet 2005, tome 13, numéro 11.
Tableau 4.10 Les investisseurs courent après la performance des fonds communs.
Performances sur dix ans au 30 avril 2005.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 129
Kinnel observe que la volatilité aggrave le problème. Les fonds de v aleurs tech-
nologiques montrent un écart stupéf ant de 13,4 % par an entre les performances des
fonds et celles des souscripteurs. Les fonds sectorisés spécialisés dans les communi-
cations, la santé et toutes les v aleurs de croissance sont ég alement en tête de liste
des véhicules d’investissement enclins à l’échec.
Bien que tous les g roupes démontrent des décisions médiocres de la par t des
investisseurs, les fonds les moins volatiles produisent des résultats moins épouvan-
tables. Le g roupe « allocation prudente » affiche les meilleurs résultats, c’est-à-dir
un écart de 0,3 %, ce qui reste décevant. D’autres produits peu volatiles sur lesquels
les investisseurs se comportent relativement bien sont les grosses valeurs de rende-
ment, les valeurs moyennes diverses et l’allocation modérée.
L’étude de Mor ningstar montre que les particuliers qui in vestissent affichen
avec une régularité impressionnante un compor tement de chasseurs de performance
dommageable aux résultats. L ’addition des ef fets d’allers-retours mal a visés aux
coûts de la gestion active, laisse peu de place à la réussite du particulier qui investit.
Malheureusement, il n’existe aucune donnée comparab le sur les souscriptions
et les retraits des fonds institutionnels par rappor t à la gestion acti ve. Ceci dit, les
éléments disponibles indiquent que les institutions souffrent du même problème de
chasse à la perfor mance que les par ticuliers. Observez le cas de Grantham, Ma yo
& Van Otterlo (GMO), une société de gestion de fonds extraordinaire basée à Boston.
Malgré un des historiques les plus 1performants à long terme au sein de l’industrie
de la gestion de fonds, les clients l’ont désertée en masse lorsqu’elle a traversé une
mauvaise passe.
Le style rationnel, systématiquement orientée sur la v aleur de GMO n’a pas
réussi à tenir le rythme du marché obsédé par les valeurs de croissance de la fn des
années 90. Les investisseurs ont paniqué. Entre 1998 et 1999, la surface financièr
de GMO s’est rétrécie de 30 à 20 milliards de dollars, alors même que le marché
actions s’en volait. Les in vestisseurs qui l’ont lâchée ont perdu sur trois plans :
d’une part, en vendant dans un creux, ensuite en allouant leurs fonds à des gestion-
naires positionnés sur les valeurs de croissance, donc destinés à subir for tement la
crise qui a suivi, et enf n en se privant de participer à la remontée de GMO. Comme
pour conf rmer les accusations visant la gestion active, les investisseurs qui avaient
été assez intelligents pour choisir GMO ont f ait preuve de stupidité en abandonnant
l’approche rigoureuse de cette société au moment où elle aurait été la plus intéres-
sante à suivre.
1. Douglas Appell, “GMO’s Grantham not worried about the bulls”, Pensions & Investments,
5 March 2007.
http://fribok.blogspot.com/
130 Gestion de portefeuilles institutionnels
Capitaux
Flux de sous
souscriptions gestion
(en millions (en millions
Année Performance Benchmark Écart de dollars) de dollars)
Source : GMO.
Note : Ces données n’incluent pas les comptes sur lesquels GMO pouvait appliquer à discré-
tion des stratégies multiples.
http://fribok.blogspot.com/
La philosophie d’investissement 131
continué, augmentant les capitaux sous gestion jusqu’à un sommet de 2,8 milliards
de dollars f n 1996. Les institutions, qu’on suppose raisonnables, se sont en fait livrées
à une chasse à la performance de GMO.
En 1997, après que la performance sur trois ans glissants soit devenue négative,
l’exode a commencé. Les retraits des clients ont f ait passer les capitaux du fonds
de 2,8 milliards de dollars en 1996 à 578 millions en 2002. La performance relati ve
médiocre de GMO de 1994 à 1999 a provoqué l’abandon d’une stratégie active sensée
par les clients volages.
Bien sûr, les clients ayant retiré leurs fonds n’ont pas pu bénéfcier de la remontée
spectaculaire de GMO. La raison étant revenue sur les marchés après l’effondrement
de la bulle inter net au début de l’an 2000, GMO a af fiché une perfo mance supé-
rieure à son benchmark de 9,5 % par an durant les cinq années qui ont suivi. Le fait
d’acheter au plus haut et de v endre au plus bas, comme de si nombreux clients de
GMO l’ont fait, fait des dégâts durables dans les portefeuilles.
Sur la période allant de 1993 à 2003, le fonds de GMO a battu le marché de 2,8%
par an. Les souscripteurs sont passés à côté du meilleur de cette perfor mance. En
se basant sur une pondération des résultats en dollars, les clients ont sous-performé
le marché de 2 % par an. Des eng agements et des retraits du fonds de GMO mal
réfléchis ont transfo mé un véhicule d’investissement gagnant en choix d’investis-
sement perdant.
Dans le monde fermé de l’investissement sur les titres cotés, la simple lo gique
veut que la majorité des capitaux ne par viennent pas à battre le marché, car l’impact
des frais de gestion et des coûts de transaction g arantit un résultat médiocre à la
plupart des participants. L’échec à grande échelle de la gestion active rend encore
plus précieuse la réussite e xtraordinaire d’un gestionnaire. Et lorsque les clients
stupides des gestionnaires de qualité détruisent leurs capitaux en réagissant de façon
perverse aux performances passées, la réalité de la gestion active devient plus dure
encore.
L’investissement orienté sur la valeur donne une fondation solide à la construction
d’un portefeuille, car l’acquisition de titres en dessous de leur valeur réelle fournit
une marge de sécurité. Dans de nombreux cas, l’in vestissement orienté sur la valeur
s’avère fondamentalement inconfor table, car les oppor tunités les plus attracti ves
résident dans des secteurs délaissés ou même ef frayants. En conséquence, beaucoup
d’investisseurs abandonnent les stratégies sensées pour par tir à la recherche de la
mode du jour. Si l’on s’y engage avec ténacité, les stratégies orientées sur la valeur
apportent une bonne dose de stabilité aux programmes d’investissement, réduisant
leur dépendance aux vicissitudes des marchés et leur servant à atténuer les risques
auxquels sont confrontés les gestionnaires de portefeuilles.
http://fribok.blogspot.com/
132 Gestion de portefeuilles institutionnels
CONCLUSION
http://fribok.blogspot.com/
5
L’allocation d’actifs
Les classes d’actifs a vec lesquelles les in vestisseurs constr uisent les porte-
feuilles changent selon la période. Des clichés du por tefeuille de Yale pris tout au
long des 150 dernières années donnent un aperçu de l’év olution de sa str ucture.
L’immobilier représentait presque la moitié du portefeuille en 1850, les obligations
133
http://fribok.blogspot.com/
134 Gestion de portefeuilles institutionnels
garanties par hypothèque et les actions constituant le reste. Au début du XXe siècle,
les classes d’actifs dominantes contenaient des h ypothèques, des ob ligations de
compagnies de chemin de fer et de l’immobilier, avec des proportions relativement
faibles d’actions et d’obligations privées diverses. Dans les années 50, l’Université
détenait des obligations et des actions américaines, des actions préférentielles et de
l’immobilier. Au début du XXIe siècle, le portefeuille bien diversifié deYale contenait
des ob ligations et des actions américaines, des actions étrangères, des fonds de
performance absolue, des actifs tangibles et des participations privées.
Exactement de la même manière que les styles v estimentaires, les modes vont
et viennent dans le domaine de l’in vestissement. Les obligations des compagnies de
chemin de fer attiraient tout spécialement l’attention dans les discussions sur l’alloca-
tion d’actifs à la f n du XIXe siècle et au début du XXe siècle, à cause du rôle dominant
que jouaient les chemins de fer dans le dév eloppement de l’économie américaine.
Les investisseurs étaient prêts à souscrire à des empr unts à échéance de cent ans
lancés par des compagnies de chemins de fer présentant tous les critères de sécurité ,
sachant que même si un prob lème particulier se posait, le seul droit d’utilisation
des voies ferrées fournirait un rendement inaliénable.
Imaginez la surprise du gestionnaire de portefeuille du milieu des années 1890
apprenant le destin des ob ligations de la compagnie Lehigh Valley Railroad à 4,5 %
échéance 1989. Offertes à 102,5 dollars en jan vier 1891 par le syndicat constitué
de Drexel, J.P. Morgan et Brown Brothers, ces obligations attirèrent très peu l’atten-
tion durant les quatre premières décennies car les coupons étaient régulièrement
versés en temps et en heure. La dépression économique générale des années 30
heurta de plein fouet Leligh Valley Railroad, la conduisant à se soulager de ses dettes
grâce au Plan d’Ajustement des Dettes de 1938. Mais les concessions initiales ne
parvenant pas à assurer la bonne marche f nancière de la compagnie, de nouvelles
négociations menèrent au Plan d’Ajustement des Dettes de 1949. F inalement, la
restructuration s’avéra incapable de résoudre les problèmes de Lehigh Valley, ce qui
provoqua le non versement du coupon du 1 er octobre 1970. Les détenteurs d’ob li-
gations, bénéf ciaires en premier ressort de 23 kilomètres de voie ferrée (13 kilo-
mètres entre Hazle Creek Junction à Hazleton en P ennsylvanie, et 10 kilomètres
entre Ashmore et Highland Junction, en Pennsylvanie également), ne recevaient que
peu de consolation du paiement des intérêts, les ob ligations elles-mêmes s’échan-
geant en 1972 à 5 % de leur valeur nominale. Bien que toutes les dettes des com-
pagnies de chemin de fer n’aient pas subi le même destin que les ob ligations de
Lehigh Valley, ce type de titres n’a en général pas répondu aux attentes1.
Les obligations des compagnies de chemin de fer ne constituent plus une classe
d’actifs à part entière, car l’industrie du chemin de fer s’est avérée moins durable-
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 135
ment robuste que les in vestisseurs des années 1890 ne le cro yaient. À cause de
cette lourde concentration de leurs portefeuilles sur la dette des chemins de fer, les
investisseurs de la f n du XIXe siècle n’allouèrent que peu de fonds aux actions
domestiques, manquant par là une oppor tunité de créer des portefeuilles aux rende-
ments potentiels lar gement supérieurs. Un re gard rétrospectif conforte les conclu-
sions concernant les sources de prof t du passé. La première dif ficulté pour le
investisseurs réside dans la construction de portefeuilles bien positionnés pour réussir
dans l’environnement futur.
Les investisseurs commencent par sélectionner des classes d’actifs et les com-
binent de manière à pouvoir atteindre les objectifs d’investissement fondamentaux.
Les portefeuilles institutionnels exigent des actifs susceptibles de générer des rende-
ments semblables à ceux des actions, comme les actions domestiques ou étrangères ,
les stratégies de performance absolue, les actifs tangibles et les participations privées.
Afin d’atténuer les risques spéci ques de chaque classe d’actifs, les in vestisseurs
diversifient à outrance, détenant des actifs dans des propo tions qui permettent à la
classe concernée de compter suffisamment, mais pas trop, dans le résultat global d
portefeuille. En comprenant et en for mulant le rôle joué par chaque classe d’actifs ,
les investisseurs jettent des bases solides pour un pro gramme d’investissement
institutionnel.
La pureté absolue dans la composition d’une classe d’actifs est un idéal rarement
atteint. Poussée à l’extrême, la recherche de pureté produit des dizaines de classes
d’actifs, créant une multiplicité ingérable d’alternatives. Bien que les intervenants ne
soient pas d’accord sur le bon nombre des classes d’actifs, celui-ci doit être suffisam
ment petit pour que les options de composition du portefeuille fassent une différence,
mais ég alement suf fisamment rand pour que ces options ne prennent pas trop
d’importance. Engager moins de 5 ou 10 % des capitaux d’un fonds sur un type
particulier d’investissement n’a pas grand sens, une allocation aussi réduite n’a yant
presque aucune chance d’inf uencer signif cativement la performance du portefeuille
global. À l’inverse, engager plus de 25 ou 30 % des fonds sur une classe d’actifs
présente le danger d’une concentration e xcessive. La plupart des portefeuilles fonc-
tionnent correctement avec environ une demi-douzaine de classes d’actifs.
1. Moody’s Investor Service, Moody’s Transportation Manual, New York, Moody’s Investor
Service, Inc., 1973, 358–370.
http://fribok.blogspot.com/
136 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 137
LES ANALYSES
QUANTITATIVES ET QUALITATIVES
Mettre en place les objectifs d’une politique d’allocation d’actifs e xige une
combinaison d’apports quantitatifs et qualitatifs. Les marchés f nanciers invitent à
la quantif cation. Le rendement, le risque et la corrélation se prêtent aux mesures
http://fribok.blogspot.com/
138 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 139
http://fribok.blogspot.com/
140 Gestion de portefeuilles institutionnels
élevés (ou faibles), des cor rélations négatives (ou positives) et de faib les (ou fortes)
variances. Ces titres sont, bien sûr , ceux qui sont le plus susceptib les de contenir
une mar ge impor tante d’er reur d’estimation »1. Bien que les commentaires de
Michaud concernent un portefeuille de titres, sa critique peut très bien s’appliquer
à un portefeuille de classes d’actifs.
Plusieurs problèmes fondamentaux limitent l’utilité de l’anal yse basée sur la
moindre variance. La réalité montre que les rendements des titres ne cor respondent
pas à une distrib ution nor male, les marchés générant plus d’événements e xtrêmes
que ne le v oudrait une distrib ution théorique à la courbe bien léchée. Richard
Bookstaber, auteur de A Demon of Our Own Design, affi me « qu’une règle générale
veut que chacun des marchés f nanciers génère chaque année une ou deux journées
dont les mouv ements de prix ég alent ou dépassent quatre déviations standard.
Et chaque année, il y a habituellement au moins un marché qui connaît une jour née
où les mouvements de prix dépassent dix déviations standard »2. Si des variations
de cours extrêmes apparaissent beaucoup plus fréquemment que ne le prédirait une
distribution normale3, alors l’analyse fondée sur la moindre v ariance passe à côté
d’informations très importantes. En fait, les in vestisseurs sont plus attentifs aux
situations e xtraordinaires situées aux e xtrémités de la distrib ution, comme par
exemple le krach de 1987, qu’aux résultats ordinaires représentés par la par tie
centrale de la distribution.
La façon dont les classes d’actifs sont liées les unes aux autres peut ne pas être
stable. Par exemple, les crises f nancières font souvent que des marchés distincts se
comportent de la même manière. En octobre 1987, les marchés actions du monde
entier se sont ef fondrés, décevant les gestionnaires de portefeuille qui espéraient
qu’une diversification à l’étranger servirait d’amo tisseur à une baisse brutale de leur
marché domestique. Bien que les corrélations entre les dif férents secteurs géo gra-
phiques avant et après 1987 étaient bien inférieures à 1, le compor tement hautement
corrélé des différents marchés durant la période qui a sui vi immédiatement le krach
de 1987 a ob ligé de nombreux investisseurs à se demander ce qui était arri vé aux
espérances por tées par la di versification. La plupa t des in vestisseurs se reposent
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 141
lourdement sur l’historique dans l’estimation des données qu’ils entrent dans le
modèle ; pourtant, l’évolution structurelle continue réduit la v aleur prédictive des
rendements, des risques et des corrélations historiques. Les modélisateurs quantitatifs
sont confrontés à la tâche écrasante qui consiste à assigner une pondération appro-
priée aux données historiques ainsi qu’aux projections intuitives bien réf échies.
L’optimisation à moindre variance déf nit la distribution des rendements entiè-
rement en termes de rendement/risque espéré. Le cadre ne parvient pas à inclure des
caractéristiques aussi importantes que la liquidité et la f aisabilité d’une introduction
sur le marché. En fait, l’inclusion d’actifs moins liquides dans un cadre à moindre
variance pose des prob lèmes. La plupar t du temps, l’optimisation à moindre
variance implique l’anal yse de données de marché annuelles, supposant implicite-
ment le rééquilibrage des allocations du portefeuille. C’est-à-dire que si les actions
sont montées au-dessus de leur objectif et que les ob ligations ont baissé, alors à la
date anniversaire choisie, les investisseurs vendent des actions et achètent des obli-
gations en quantité suffisante pour pou oir rétablir les allocations ciblées. En clair,
les actifs non négociab les comme les par ticipations pri vées et l’immobilier ne
peuvent pas être rééquilibrés de manière économique et ef ficiente. ’incapacité à
gérer des actifs illiquides de manière compatib le avec le modèle réduit la pertinence
de l’analyse basée sur la moindre variance.
Un autre prob lème de l’optimisation à moindre v ariance a trait à l’horizon
d’investissement. Dans de nombreux cas, les investisseurs se choisissent de multiples
objectifs s’étalant sur des horizons de temps dif férents. Par exemple, les gestion-
naires de fonds de réserv e cherchent la stabilité à mo yen terme des prélèvements,
même s’ils poursuivent simultanément l’objectif de préser vation du pouvoir d’achat
du capital à long terme. Une période de trois à cinq ans pour l’étude de la moindre
variance pourrait correspondre au critère de stabilité des prélèv ements, alors qu’une
période d’étude s’étalant sur plusieurs décennies pour rait être utile au critère de pré-
servation du pouv oir d’achat. La période annuelle presque uni versellement utilisée
ne peut servir aucun de ces deux objectifs. La rigidité de l’optimisation à moindre
variance ne s’adapte pas aux prob lèmes bien réels des gestionnaires de fonds de
réserve.
Au final, les défauts fondamentaux comme les vantages séduisants des méthodes
quantitatives découlent de leur capacité à réduire un v aste ensemb le de classes
d’actifs ayant des attrib uts variés à un g roupe compact ayant des caractéristiques
statistiques bien précises. Comme ce processus implique de simplif er des hypo-
thèses, les estimations d’allocations d’actifs produites par l’optimisation à moindre
variance laissée à elle-même ne constituent qu’un point de départ pour un travail plus
approfondi.
http://fribok.blogspot.com/
142 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les limites de l’analyse basée sur la moindre variance plaident pour la prise en
compte de considérations qualitati ves dans le processus d’allocation d’actifs. Le
jugement peut être incor poré en appliquant des contraintes raisonnab les aux allo-
cations de cer taines classes d’actifs. P ar exemple, un investisseur pourrait exprimer
sa préférence pour la diversification en limitant à 30 % du portefeuille le poids de
n’importe quelle classe. Une telle contrainte assure qu’aucune classe d’actifs ne
domine le portefeuille. De plus, les allocations prévues à des participations privées
pourraient logiquement être limitées à une augmentation modeste par rappor t à
l’allocation actuelle. Comme l’illiquidité et l’ir régularité des opportunités dans ce
domaine empêchent une expansion prudente des acquisitions, les changements par
étapes sont judicieux.
La progressivité en elle-même représente une v ertu. Une très g rande incertitude
entoure le processus d’allocation d’actifs. Les « forces secrètes du temps et de
l’ignorance », comme les appelle Keynes, voilent l’avenir, rendant caduques même
les estimations les mieux pensées concer nant les caractéristiques des marchés
financier 1. Décider d’ef fectuer des changements radicaux en se basant sur des
données incertaines, c’est poser un poids trop éle vé sur une fondation branlante.
La limitation des changements dans les propor tions d’allocation entre les classes
d’actifs représente une modif cation sensée du processus d’optimisation.
Toutefois, on doit prendre g arde d’éviter d’imposer des limites aux classes
d’actifs simplement pour donner une apparence raisonnable au portefeuille. En pous-
sant à l’extrême, le fait de faire peser trop de contraintes sur le processus d’optimi-
sation rend le modèle incapable de ref éter autre chose que les penchants ataviques
de l’investisseur, ce qui ne donne comme résultat que le fameux GIGO (Garbage In/
Garbage Out, « des données polluées produisent des résultats pollués ») bien connu
des informaticiens.
Les investisseurs devraient plutôt identif er des portefeuilles de qualité et raison-
nables en choisissant parmi un ensemble de propositions proches (mais pas forcé-
ment identiques) de la frontière d’ef ficience. En fait, à moins que le portefeuill
actuel ne se situe exactement sur la frontière d’efficience, un rand nombre d’alter-
1. Keynes, General Theory, 1964, 155. La citation complète de K eynes est la sui vante :
« L’expérience ne prouve nullement que la politique de placement qui présente une utilité
sociale coïncide avec celle qui rappor te le plus. Il f aut plus d’intelligence pour triompher
des forces secrètes du temps et de l’ignorance de l’a venir que pour “v oler le dépar t” »
(trad. de Jean de Largentaye).
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 143
natives promettent des rendements éle vés (au même ni veau de risque ou à un
niveau de risque inférieur) ou un risque plus faible (pour les mêmes rendements ou
des rendements plus éle vés). Cer taines de ces propositions v alables apparaissent
plus raisonnables que les portefeuilles qui se tiennent à la frontière, proposant aux
investisseurs un choix à la fois plus confortable et mieux performant.
La modélisation quantitative s’avère particulièrement utile lorsqu’elle concentre
l’attention de l’investisseur sur des changements d’allocation d’actifs potentiellement
lucratifs. En anal ysant le por tefeuille e xistant g râce à l’optimisation à moindre
variance, et en mesurant le niveau de préférence de l’optimiseur pour une direction
précise, les in vestisseurs comprennent l’attracti vité relative des modif cations de
portefeuille envisagées. Les classes d’actifs attractives mettront à rude épreuve les
contraintes, alors que les classes inattractives n’atteindront peut-être même pas les
niveaux d’allocation actuels. Le ni veau de préférence de l’optimiseur pour une
classe d’actifs particulière suggère d’accroître ou de diminuer les allocations, four -
nissant une base d’év aluation qualitative des conclusions quantitati ves. L’utilisation
avisée du jugement pour la modif cation et l’inter prétation des résultats de l’opti-
misation à moindre variance améliore le processus d’allocation d’actifs.
LES HYPOTHÈSES
CONCERNANT LES MARCHÉS FINANCIERS
http://fribok.blogspot.com/
144 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Jeremy Grantham. “Everything I Know about the Stock Market in 15 Minutes”, Internal
Memo.
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 145
1. Vijay Kumar Chopra and William T. Ziemba, “The Effect of Errors in Means, Variances,
and Covariances on Optimal Portfolio Choice”, Journal of Portfolio Management 19, no. 2
(1993): 6–11.
http://fribok.blogspot.com/
146 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Roger G. Ibbotson and Re x A. Sinquefiel , “Stocks, Bonds, Bills, and Inflation: Year-
by-Year Historical Returns (1926–1974)”, Journal of Business 49, no. 1, (1976): 11–47.
http://fribok.blogspot.com/
Obligations Actions Actions des Actions des Performance Participations Actifs
Liquidités
américaines américaines pays développés pays émergents absolue privées tangibles
Nombre d’observations 80 80 36 21 17 25 25 80
Rendement arithmétique 2,5 % 10,6 % 8,3 % 11,9 % 9,9 % 12,8 % 6,2 % 0,7 %
Déviation standard 6,8 % 22,4 % 22,1 % 30,0 % 8,2 % 23,1 % 6,8 % 40 %
Taux de croissance 2,3 % 8,2 % 6,1 % 8,1 % 9,6 % 10,9 % 6,0 % 0,6 %
L’allocation d’actifs
Tableau 5.1 Les données historiques des marchés financiers fou nissent une base à l’analyse quantitative.
(Les données historiques sont indexées sur l’inflation des prix dans l’éducation supérieu e)
Rendement attendu 2,0 6,0 8,0 8,0 6,0 12,0 6,0 0,0
Déviation standard 10,0 % 20,0 % 20,0 % 25,0 % 10,0 % 30,0 % 15,0 % 5,0 %
Croissance attendue 1,5 % 4,1 % 4,1 % 5,1 % 5,5 % 8,1 % 4,9 % –0,1 %
Tableau 5.2 Les données entrantes du modèle quantitatif reposent sur des hypothèses de rendement et de risque modifiées
(Les données historiques sont indexées sur l’inflation des prix dans l’éducation supérieu e)
147
http://fribok.blogspot.com/
148 Gestion de portefeuilles institutionnels
semble décliner sur le long terme, on justif e une h ypothèse d’un rendement réel
des actions américaines de 6 % avec une déviation standard de 20 %.
Regrouper géographiquement différents marchés actions pose des questions ana-
lytiques intéressantes. Les approches vont du marché global aux marchés régionaux,
et des marchés régionaux aux marchés nationaux. Une classe d’actifs globale ne
parvient pas à reconnaître la contribution essentielle des f uctuations des devises à
la performance de l’investissement, alors que les classes d’actifs nationales génèrent
trop de variables pour une analyse pertinente. Le fait de séparer les actions domes-
tiques des actions étrangères per met aux in vestisseurs de prendre en compte les
caractéristiques essentielles de leur marché domestique, par ticulièrement en relation
avec la de vise. Une autre distinction entre les g roupes de marchés dév eloppés et
émergents établit une importante différenciation entre leurs caractéristiques de rende-
ment et de risque.
Les économies développées ont tendance à partager des fondamentaux écono-
miques et structurels similaires. Sur le long terme, les marchés actions d’Allemagne,
du Japon et de Grande-Bretagne devraient générer des rendements semblables à ceux
des États-Unis, tout en exposant les investisseurs à des niveaux de risque identiques.
Des rendements attendus de 6 % sur les marchés actions étrangers, avec un risque
de 20 %, correspondent aux attentes sur les actions américaines.
Par rapport à d’autres actions cotées, les actions des pa ys émergents exposent
les investisseurs à des risques fondamentaux beaucoup plus élevés, ce qui fait que
les investisseurs sensés s’attendent à des rendements et à une volatilité plus élevés.
Des rendements attendus de 8 % récompensent les détenteurs d’actions des pa ys
émergents pour leur acceptation de hauts ni veaux de risque, représentés par une
déviation standard de 25 %.
Les classes d’actifs non traditionnelles posent des prob lèmes intéressants aux
concepteurs de modèles f nanciers. Contrairement aux titres traditionnels cotés, les
actifs alternatifs se trouv ent hors des marchés étab lis. Aucun benchmark ne peut
guider les investisseurs cherchant à modéliser les caractéristiques de ces actifs. Les
données passées, limitées dans leur étendue, décrivent en général les performances
des gestionnaires actifs, avec des résultats parfois surestimés à cause du biais dû aux
faillites. Sans informations historiques f ables sur lesquelles fonder leurs anticipa-
tions, les investisseurs doivent fournir des estimations de rendement et de risque en
considérant les classes d’actifs alternatifs d’un point de vue fondamental.
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 149
La performance absolue
L’investissement dans la perspective d’une performance absolue, identif é pour
la première fois comme une classe d’actifs par l’Université de Yale en 1990, repose
principalement sur la gestion active. Consacrés à l’exploitation des inefficiences d
cours des titres cotés, les gestionnaires à la recherche de performance absolue tentent
de générer des rendements semblables à ceux des actions, décor rélés des titres cotés
traditionnels, par des investissements dans des stratégies basées sur les événements
économiques ou la valeur. Les stratégies basées sur les événements économiques,
incluant l’arbitrage sur fusion-acquisition et l’investissement dans des titres dépréciés,
dépendent de la réalisation d’une transaction f nancière telle qu’une fusion ou
d’une restructuration d’entreprise. Les stratégies basées sur la v aleur utilisent des
positions acheteuses et v endeuses qui se neutralisent af n d’éliminer l’exposition au
risque de marché, se reposant sur l’identif cation d’anomalies de cours pour générer
des rendements. En général, les investisseurs en performance absolue prennent des
positions à relativement court terme, allant de quelques mois à un an ou deux.
Au vu de la f n des années 80, des observateurs pourraient conclure que l’inves-
tissement en performance absolue génère des rendements de 20 % par an. Les hedge
funds produisaient alors des résultats annuels impressionnants, affichant des rende-
ments élevés assortis d’un risque faible, et peu corrélés aux titres traditionnels cotés.
Pourtant, si les investisseurs ne prennent pas de risque, ils ne méritent que les taux
du marché monétaire. Dans un environnement où l’inf ation est de 4 %, des rende-
ments de 20 % pro venant d’un por tefeuille « market neutral » signif ent en fait
16 % ! Les rendements élevés observés viennent du biais dû aux faillites, la perfor-
mance passée mettant en e xergue les sociétés de gestion qui ont sur vécu et laissant
dans l’ombre celles qui ont sombré. Les données altérées par le biais dû aux f aillites
sont de peu de secours pour la production d’anticipations de marché.
L’évaluation bottom-up des in vestissements en performance absolue basés sur
la valeur conduit à une meilleure compréhension des perfor mances futures. Dans
les transactions basées sur la v aleur, les gestionnaires ouvrent souv ent des positions
acheteuses et vendeuses sur des titres cotés, éliminant ainsi l’impact des mouvements
de marché et créant deux opportunités de générer des rendements élevés. Supposons
qu’un gestionnaire d’actions domestiques du premier quartile produise une perfor-
mance de 2,6 points de pourcentage supérieure au marché 1. Si ce gestionnaire
http://fribok.blogspot.com/
150 Gestion de portefeuilles institutionnels
engrange ce rendement aussi bien sur les achats que sur les v entes, il obtient un
rendement br ut de 8,9 % résultant de l’addition des 3,7 % de rendement à court
terme avec les 2,6 % d’alpha sur les positions acheteuses et les 2,6 % d’alpha sur
les positions vendeuses. En se basant sur l’expérience passée, produire 2,6 points de
pourcentage de plus que le marché représente une véritab le réussite, ce qui suggère
que cette analyse repose sur des hypothèses de gestion agressive.
Après déduction des frais de gestion et de la prime de performance, l’investisseur
obtient environ 6,3 % nets. En se basant sur l’approche bottom-up, il est dif ficil
d’atteindre des rendements de 20 %. En fait, le gestionnaire long/short doit produire
des rendements de plus de 10 points de pourcentage supérieurs au marché sur ses
achats comme sur ses v entes pour obtenir un rendement net de 20 % pour les
investisseurs. Une telle performance sur le long terme propulserait un gestionnaire
tout en haut des classements.
Durant les premières années de mise sur le marché d’une classe d’actifs, les
données historiques pâtissent d’un biais dû aux f aillites extrêmement élevé, ce qui
fait que les hypothèses concernant l’avenir diffèrent spectaculairement des statis-
tiques passées. En 1997, les données de Yale concernant la perfor mance absolue,
qui ref étaient une combinaison d’e xpérience réelle et de rendements de marché,
affichaient une perfo mance hallucinante de 17,6 % avec une volatilité très faible
de 11,8 %. S’ils avaient été crédibles, ces chiffres de performance absolue auraient
indiqué des rendements presque doubles de ceux des actions domestiques avec un
niveau de risque inférieur de moitié. Yale a réagi en adoptant une approche conser-
vatrice dans la détermination des caractéristiques de la classe d’actifs dite de perfor -
mance absolue, supposant des rendements réels espérés de 7 % avec un risque de
15 %. Même après cet ajustement important, les chiffres suggéraient que les investis-
sements en performance absolue généreraient des rendements supérieurs à ceux de s
actions domestiques, avec un risque inférieur.
À mesure que les classes d’actifs deviennent matures, le problème du biais dû aux
faillites s’estompe. Les cabinets d’études collectent les perfor mances d’une ma sse
critique de participants, réduisant l’impact de quelques résultats spectaculaires. Avec
une base plus large de gestionnaires, les performances passées « gonf ées » des nou-
veaux entrants jouent un rôle moins impor tant. Le résultat en est que les h ypothèses
de Yale concernant la performance absolue correspondent plus étroitement à l’expé-
rience réelle, avec des rendements de 6 % semblables à ceux des actions, et un risque
de 10 % inférieur à celui des actions.
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 151
http://fribok.blogspot.com/
152 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 153
marché obligataire. Par exemple, les biens immobiliers accompagnés de baux à long
terme fournissent des liquidités régulières à la manière des coupons ob ligataires.
À l’inverse, certaines transactions immobilières ne reposent que sur la valeur du bien.
Par exemple les hôtels, en procurant des rendements quotidiens v ariables, possèdent
des caractéristiques ressemb lant à celles des actions. Mais la majeure par tie du
marché immobilier se tient entre ces deux extrêmes, contenant à la fois des éléments
des produits de taux et des caractéristiques des actions.
Les investissements dans le pétrole et le g az naturel vont des achats relativement
conservateurs de réserves pétrolifères aux paris plus risqués sur la prospection de
nouveaux sites de forage. Cette classe d’actifs tangibles est focalisée sur les acqui-
sitions de sites de production, car les rendements qui s’ensui vent garantissent une
sensibilité à l’inf ation. Les activités d’exploration, plus risquées, appartiennent au
domaine des participations privées, au moins jusqu’à ce que des champs pétroliers
soient (ou non) découverts.
Les réserves pétrolifères ou g azières génèrent des rendements e xtraordinaires
car la production vide les réser ves, ce qui fait que les in vestisseurs bénéf cient à la
fois de rendements sur le capital et de plus-values. Les rendements des champs pétro-
lifères montrent une très forte cor rélation avec le prix de l’énergie, bien que des dif-
férences d’origine et de qualité produisent des variations.
Les investissements forestiers complètent le trio des actifs tangib les. Bien que
l’exploitation forestière partage avec l’immobilier et l’énergie des caractéristiques de
sensibilité à l’inf ation, comme le bois joue un rôle moins impor tant dans l’éco-
nomie, son prix démontre une corrélation moins for te avec ceux des autres denrées .
Les propriétaires de forêts avisés gèrent leurs exploitations en visant le long terme,
n’effectuant des coupes que selon la proportion de bois produite chaque année par
la croissance biologique. Gérée ainsi, la capacité de production de la forêt demeure
intacte, préservant sa valeur pour les générations futures.
La gestion forestière durable exige de ne pas abattre sans réf échir la production
de bois d’une année. Si le prix du bois s’avère être relativement bas, le programme
de coupe peut être réduit, et l’on peut repor ter l’abattage aux années sui vantes.
En fait, le propriétaire de forêts reçoit un bonus sous la forme d’une année supplé-
mentaire de croissance biolo gique en récompense de sa patience. La patience
récompensée dans le domaine de l’exploitation forestière contraste avec la caracté-
ristique de raréfaction des investissements dans le pétrole et le gaz naturel.
On peut s’attendre à ce que les rendements des actifs tangib les se situent entre
ceux des rendements espérés des actions et ceux des obligations, ce qui correspond
à un niveau de risque ég alement intermédiaire entre celui des actions et celui des
obligations. En fait, les inefficiences dans les cours des actifs tangi les plaident en
http://fribok.blogspot.com/
154 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 155
puisse avoir des conséquences nég atives à cour t terme pour les actions, celles-ci
réagissent positivement à l’inf ation sur le long terme1. En cas d’inf ation inattendue,
la corrélation observée sur le long terme entre les actions et les obligations s’avère
faible, fournissant une opportunité importante de diversification du po tefeuille.
Dans un en vironnement déf ationniste, les actions sous-perfor ment car leurs
bénéfices subissent les di ficultés économiques. À l’i verse, les obligations génèrent
des rendements appréciés car les coupons f xes paraissent de plus en plus attractifs
à mesure que les prix déclinent. P endant les périodes de déf ation, une corrélation
faible ou négative entre les actions et les obligations rend possible une solide diver-
sification
Le compor tement fondamentalement dif férent des rendements des actions et
des obligations dans des environnements qui répondent ou non aux attentes concer -
nant l’inflation, est un vérita le casse-tête pour le concepteur de modèle f nancier.
Doit-il appliquer la corrélation de non diversification attendue, ou doit-il applique
la corrélation de diversification inattendue ? Le fait que les in vestisseurs soient plus
attentifs au rôle de diversification des o ligations dans des circonstances inattendues
(particulièrement en cas de déf ation) aggrave le dilemme.
Les techniques de spécif cation pour les modèles quantitatifs év oluent avec le
temps. Quand Yale a commencé à utiliser l’optimisation à moindre variance en 1986,
l’Université employait des données historiques non ajustées pour les hypothèses de
rendement, de risque et de cor rélation. Les rendements de l’année calendaire 1986
ont sonné l’heure du réveil. Lorsque les données historiques incorporèrent un ren-
dement de 18,5 % pour le S&P 500 et un rendement de 69,9 % pour les actions
étrangères et des pays émergents, les rendements historiques relatifs évoluèrent en
faveur des actions étrangères. Reconnaissant la per versité consistant à supposer que
ce qui avait brillé continuerait de le faire, le Département des Investissements modif a
en 1987 les données des rendements espérés pour créer un ensemb le cohérent
d’hypothèses sur les rendements. En 1988, les ni veaux de risque ont subi le même
type d e nettoyage qui a vait été appliqué l’année précédente aux données sur les
rendements. Enf n, en 1994, le Département des Investissements a ajusté la matrice
de corrélation af n de ref éter les jugements avisés de nos professionnels concer nant
les corrélations attendues. Le tableau 5.3 montre un ensemble de données historiques
non ajustées, et le tableau 5.4 décrit l’ensemble d’hypothèses de corrélation modif ées
par Yale. À mesure que les in vestisseurs accumulent de l’e xpérience dans la mise
en œuvre de modèles quantitatifs, le processus de vient plus intuitif, accroissant la
richesse de l’analyse et de ses conclusions.
1. Voir le chapitre 10 pour une étude plus complète des relations entre le rendement des
actions et l’inflatio .
http://fribok.blogspot.com/
156
Obligations Actions Actions des Actions des Performance Participations Actifs
Liquidités
américaines américaines pays développés pays émergents absolue privées tangibles
Tableau 5.3 La matrice de corrélation historique offre un point de départ à la définition de la relation entre classes d’actifs
(Matrice de corrélation historique)
http://fribok.blogspot.com/
Obligations Actions Actions des Actions des Performance Participations Actifs
Liquidités
américaines américaines pays développés pays émergents absolue privées tangibles
L’allocation d’actifs
Actions des pays émergents 0,60 0,20 075 1,00
Performance absolue 0,30 0,15 0,25 0,20 1,00
Participations privées 0,70 0,15 0,60 0,25 0,20 1,00
Actifs tangibles 0,20 0,20 0,10 0,15 0,15 0,30 1,00
Liquidités 0,10 0,50 0,00 0,00 0,35 0,00 0,30 1,00
Tableau 5.4 La matrice de corrélation reflète les ypothèses concernant les interrelations futures.
(Matrice de corrélation modifié )
157
http://fribok.blogspot.com/
158 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 159
selon lequel les fonds de pension devraient atteindre des allocations vers l’immo-
bilier se situant entre 15 et 20 % »1.
L’optimiseur à moindre variance favorisait l’immobilier à cause de ses rendements
passés élevés, de son ni veau de risque historiquement f aible et de sa cor rélation
traditionnelle minime a vec les autres classes d’actifs. Le rendement espéré de
l’immobilier dépassait celui des actions de 4,2 points de pourcentage. Bien que les
niveaux de risque historiques de l’immobilier ne s’éle vaient qu’à une déviation
standard de 2,6 % par rappor t aux rendements, F irstenberg utilisa un modèle de
valorisation pour justif er une augmentation des niveaux de risque jusqu’à 11,3 %,
soit légèrement moins que la volatilité supposée des obligations d’État. Les données
immobilières historiques retenues par l’auteur montraient une corrélation négative
à la fois avec les actions domestiques (–0,26 %) et les obligations d’État (–0,38 %).
Lorsque la classe d’actifs aux rendements les plus élevés démontre le risque le plus
faible et une corrélation négative avec les autres classes d’actifs, les optimiseurs
à moindre variance tirent des conclusions évidentes.
La principale faille de l’étude de F irstenberg vient d’un manque d’e xamen
critique des hypothèses concernant le marché de l’immobilier. Pourquoi l’immobilier
devrait-il laisser espérer des rendements supérieurs à ceux des actions et des ob liga-
tions ? Pourquoi devrait-il offrir un risque moins élevé que les actions et les obliga-
tions ? Et pour quoi l’immobilier devrait-il afficher une co rélation négative avec les
actions et les ob ligations ? L’immobilier par tage des caractéristiques aussi bien
avec les actions qu’a vec les produits de taux. Le f ux des loyers contractuels res-
semble à du rendement f xe, et la valeur des biens eux-mêmes démontre des particu-
larités semblables à celles des actions. Donc les attentes en termes de rendement et
de risque découlent de celles des actions et des obligations, et se situent à mi-chemin
entre elles.
Comme des facteurs similaires entraînent la v alorisation de l’immobilier et celle
des titres cotés traditionnels, on peut conclure qu’il f aut s’attendre à des corrélations
positives, même si elles restent inférieures à 1. Plutôt que se concentrer uniqueme nt
sur l’ajustement des niveaux de risque de l’immobilier, Firstenberg et ses collègues
auraient dû également ajuster les rendements et les corrélations.
Si un investisseur avait écouté le conseil de Firstenberg et surpondéré l’immo-
bilier en 1988, les résultats de son por tefeuille auraient été décevants car les actions
1. Paul M. Firstenberg, Stephen A. Ross, and Randall C. Zisler . “Real Estate: The Whole
Story,” Journal of Portfolio Management 24, no. 3 (1988): 31. Apparemment, cet ar ticle
continue d’être très apprécié car il figure dans l’édition datée de 1997 de Streetwise. The Best
of the J ournal of P ortfolio Management, Peter L. Ber nstein & F rank J. Fabozzi, editors,
Princeton University Press.
http://fribok.blogspot.com/
160 Gestion de portefeuilles institutionnels
et les obligations ont considérablement surperformé l’immobilier dans les années qui
ont suivi. De 1988 à 1997, l’immobilier a produit un rendement annualisé de 4, 4 %,
les actions et les obligations générant une performance annuelle de respectivement
18 et 8,3 %. Lorsque l’on se repose sur les données historiques, après une hausse
spectaculaire du marché, certaines classes d’actifs semb lent les plus attractives alors
même que leurs perspectives futures sont les plus sombres.
Les investisseurs qui se fondent sur les données historiques des marchés cycliques
s’exposent à des contrariétés systématiques. Au début des années 90, après une
période de performance désastreuse pour l’immobilier, ces actifs paraissaient moins
intéressants car les performances médiocres avaient été incorporées dans les données
historiques. Les in vestisseurs utilisant l’approche de F irstenberg auraient augmenté
leur portefeuille immobilier à la f n des années 80 et auraient évité ce secteur au
début des années 90, ce qui serait revenu à acheter au plus haut et vendre au plus bas.
Sur le marché profondément c yclique de l’immobilier, les données historiques sug-
gèrent des allocations élevées lors des sommets de marché (lorsque les rendements
ont été solides et le risque faible) et des allocations réduites dans les creux (lorsque
les rendements ont été faibles et le risque élevé). Les rendements passés procurent
des signaux pervers aux investisseurs qui regardent en arrière.
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 161
vation du pouv oir d’achat et l’apport d’un soutien conséquent et régulier aux
dépenses opérationnelles. Pour évaluer la capacité d’un portefeuille à atteindre ces
objectifs, les modéliseurs créatifs procèdent à des tests de mesures.
La préservation du pouvoir d’achat est un objectif à long terme. Les institutions
dotées d’un fonds de réserv e promettent aux donateurs que leurs dons à ce fonds
vont éternellement servir à des f ns précises. L’évaluation du succès ou de l’échec à
atteindre l’objectif de préservation du fonds de réserv e exige des mesures de long
terme s’étendant sur plusieurs générations. Par exemple, Yale mesure l’échec à main-
tenir la valeur du fonds de réserve par une perte de la moitié du pouvoir d’achat sur
cinquante ans.
L’apport d’un soutien stable au budget opérationnel est quant à lui un objectif à
moyen terme. Comme les activités de l’Université exigent des sources de re venus
stables, il est dif ficile de faire ace à des chutes spectaculaires des rendements du
fonds à court terme. Yale déf nit le niveau de « traumatisme » maximum des prélève-
ments à 10 % de réduction sur cinq ans.
Les descriptions quantitati ves de l’échec à maintenir le pouv oir d’achat et de
l’échec à fournir la stabilité du soutien f nancier varient forcément d’une institution à
l’autre. Elles peuvent même changer au f l du temps. À la f n des années 80, lorsque
Yale a commencé à utiliser des outils quantitatifs pour évaluer l’efficience des po te-
feuilles, le fonds de réserve fournissait environ 10 % des revenus. À cette époque,
Yale déf nissait le « traumatisme » maximum des prélèv ements à 25 % de baisse
sur cinq ans. À mesure qu’augmentait l’importance de la contribution du fonds de
réserve dans le budget, les conséquences d’un déclin des prélèvements sur le fonds
s’aggravaient proportionnellement. En 2001, alors que le fonds de réserve fournissait
environ le tiers des revenus, l’Université a redéf ni le « traumatisme » maximal des
prélèvements à une baisse de 10 % des revenus sur cinq ans.
Malheureusement, il e xiste un conf it clair et direct entre la préser vation du
pouvoir d’achat et l’apport d’un soutien f nancier stable au budget opérationnel.
Bien que des difficultés évidentes xcluent de trouver des mesures précises identiques
à l’échec dans la préserv ation des capitaux du fonds de réser ve et à l’échec dans
l’apport d’un soutien f nancier stable au budget opérationnel, obtenir une équivalence
approximative entre les deux mesures s’avère utile à l’évaluation des compromis à
effectuer pour atteindre ces deux objectifs. La dif ficulté, pour les administrateurs
réside dans la sélection du portefeuille le mieux adapté pour satisf aire, autant que
faire se peut, les deux exigences. Des tests quantitatifs de performance facilitent le
choix de ce portefeuille.
http://fribok.blogspot.com/
162 Gestion de portefeuilles institutionnels
La simulation de l’avenir
Une fois que les objectifs ont été formulés et quantif és, les simulations statis-
tiques four nissent un mécanisme d’év aluation des politiques d’in vestissement et
de prélèvement. Les investisseurs commencent par une politique de prélèv ement,
en spécif ant un taux ciblé et un processus de lissage. Cette politique de prélèvement
demeure constante à mesure que différents portefeuilles d’investissement subissent
le processus de simulation1.
Les simulations utilisent les hypothèses concernant les marchés f nanciers déve-
loppées à par tir de l’optimisation à moindre v ariance. Les rendements pour cha-
que classe d’actifs, basés sur des performances, des risques et des corrélations sup-
posés, ainsi que sur les ni veaux de prélèv ement spécif és, déter minent la
performance du portefeuille sur la période initiale.
La politique de prélèvement f xe le montant prélevé sur le fonds de réserv e, le
reste des ressources étant à in vestir au cours de la période sui vante. Après avoir
rééquilibré le portefeuille pour l’ajuster aux pondérations indiquées dans la politique
à long terme, on répète le processus de génération de rendements et on obtient des
données sur la v aleur du fonds de réserv e pour l’année sui vante. Le processus
continue, créant une série de valeurs pour le fonds de réserve et les prélèvements.
Le processus de simulation décrit ci-dessus permet une première évaluation, un
test encore incomplet des caractéristiques du portefeuille. Pour accroître le contenu
informatif du test, les anal ystes mènent littéralement des milliers de simulations,
qui fournissent un déluge de données sur les niveaux futurs du fonds de réserve et
des prélèvements. L’ensemble des résultats donne une image vivante de l’avenir, per-
mettant le calcul de probabilités d’échec dans la préser vation des capitaux et dans
l’apport d’un soutien stable au budget.
L’interprétation des résultats de la simulation exige une combinaison de discerne-
ment quantitatif et qualitatif. Certains portefeuilles sont écartés au prof t de ceux qui
affichent des probabilités plus aibles d’échec dans l’atteinte de chacun des objectifs.
D’autres portefeuilles échouent car ils penchent trop v ers la satisfaction d’un des
deux objectifs au détriment de l’autre. Une fois que les in vestisseurs ont éliminé les
portefeuilles les moins intéressants, les décideurs év aluent les compromis qualitatifs
entre la réduction du risque sur une des mesures et son augmentation sur une autre.
1. Ce processus de simulation s’a vère également utile pour l’év aluation des politiques de
prélèvement. En maintenant constant le por tefeuille d’investissement, différents taux de
prélèvement et différents paramètres de lissage pourraient être testés
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 163
Durant l’analyse finale, la sélection d’un portefeuille implique une é aluation sub-
jective attentive des compromis entre objectifs contradictoires.
Un bénéf ce impor tant à tirer des simulations réside dans le lien direct entre
l’analyse quantitative et les objectifs formulés pour la gestion du fonds de réserve.
L’optimisation à moindre variance, conduite isolément, fournit un ensemble de porte-
feuilles eff cients. Le gestionnaire de fonds, confronté à une série de combinaisons
efficientes d’actifs, choisit parmi elles sans voir une idée trop précise du portefeuille
qui peut le mieux correspondre aux besoins du fonds de réserve. Dans le schéma 5.1,
comment les in vestisseurs pour raient-ils choisir entre le portefeuille A au rende-
ment espéré de 5,75 % avec une déviation standard de 10 % et le portefeuille B au
rendement espéré de 7,1 % avec une déviation standard de 14,5 % ? Les économistes
pourraient suggérer qu’une fonction d’utilité soit emplo yée pour identif er l’alloca-
tion d’actifs appropriée. Mais comme très peu d’intervenants sur les marchés ont une
quelconque idée de la manière dont ils pourraient formuler une telle fonction, cette
technique s’avère particulièrement inadaptée.
7,5 %
Rendement espéré (minimum)
7,0 %
Portefeuille A
Rendement espéré = 5,75 %
6,5 % Déviation standard = 10 % Portefeuille B
Rendement espéré = 7,1 %
6,0 % Déviation standard = 14,5 %
5,5 %
5,0 %
9,0 % 10,0 % 11,0 % 12,0 % 13,0 % 14,0 % 15,0 % 16,0 %
Déviation standard
http://fribok.blogspot.com/
164 Gestion de portefeuilles institutionnels
30,0 %
Probab té de Ba sse Perturbatr ce
29,5 %
des Pré èvements (BPP)
29,0 %
28,5 % Portefeuille B
Probabilité de BPP = 24,9 %
28,0 %
Probabilité d’APA = 27 %
Portefeuille A
27,5 % Probabilité de BPP = 28,4 %
Probabilité d’APA = 29,6 %
27,0 %
26,5 %
23,0 % 25,0 % 27,0 % 29,0 % 31,0 % 16,0 %
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 165
30,0 %
réserve diminue de moitié en cinquante ans
Probabilité que la valeur réelle du fonds de
85
29,5 %
90
28,5 %
28,0 %
95
27,5 % 05 00
26,5 %
20 % 25 % 30 % 35 % 40 %
Probabilité d’une baisse de 10% des prélèvements réels sur cinq ans
http://fribok.blogspot.com/
166
Moyenne Moyenne
Yale Harvard Princeton Stanford
des quatre des universités
Actions américaines 12 % 15 % 12 % 20 % 15 % 42 %
Obligations américaines 4 21 7 12 11 20
Tableau 5.5 Les fonds de réserve des grandes universités suivent des approches d’investissement plus diversifiées
(L’allocation d’actifs ciblée, les rendements espérés et la déviation standard des universités de Yale, Harvard, Princeton et Stanford,
comparés à la moyenne des universités, au 30 juin 2006)
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 167
Les fonds de réserve des plus grandes universités suivent des stratégies d’allo-
cation d’actifs extrêmement différentes de celles des autres institutions d’enseigne-
ment. Yale, Harvard, Princeton et Stanford af fichent une d versification beaucou
plus large que celle du fonds de réserve moyen. Les actions domestiques dominent
la plupart des portefeuilles de fonds de réserv e, s’élevant en moyenne à 42 % des
capitaux, alors que les portefeuilles mieux di versifiés des randes institutions
n’engagent que 15 % de leurs avoirs sur les actions domestiques. Celles-ci comptent
pour 20 % du por tefeuille du fonds de réserv e moyen au lieu d’une allocation de
11 % pour Yale, Harvard, Princeton et Stanford. Les participations privées, incluant
le capital-risque, les LBO, l’immobilier, l’exploitation forestière, le pétrole et le g az
naturel, qui sont à peine représentées dans le v aste groupe des institutions d’ensei-
gnement e t n e comptent que pour moins de 10 % des capitaux, jouent un rôle
important dans les fonds de réserv e de premier plan a vec une allocation de 40 %.
Les techniques de modélisation quantitati ve appliquées avec discipline encouragent
les investisseurs à créer des portefeuilles diversifiés
Les fonds de réserve des plus grandes universités poursuivent des stratégies de
rendements plus élevés, ce qui fait que les rendements espérés des fonds dépassent
de 1,1 % la moyenne, une différence importante par rapport aux rendements espérés
du groupe plus étendu. Bien qu’elles produisent des rendements espérés plus élevés,
les niveaux de risque des portefeuilles des g randes universités sont inférieurs à ceux
des fonds de réserve moins diversifiés. ’utilisation d’une analyse quantitative rigou-
reuse du portefeuille contribue à la construction de portefeuilles à rendement élevé
diversifiés
CONCLUSION
http://fribok.blogspot.com/
168 Gestion de portefeuilles institutionnels
identif ent des portefeuilles optimums en spécif ant une fonction d’utilité à l’insti-
tution qui produit un point de tangence a vec la frontière d’efficience. Même dans l
cas improbable où l’approche théorique s’a vérerait utile, les décideurs se demande-
raient comment le portefeuille choisi interagirait avec la politique de prélèv ement
de l’institution.
Un bon nombre de problèmes inhérents à la plupart des applications de l’analyse
de moindre variance limitent sa capacité à év aluer les por tefeuilles. L’incorporation
de considérations qualitatives sensées dans le processus d’allocation d’actifs repré-
sente un facteur essentiel à la formulation de conclusions pertinentes. Le jugement
avisé joue un rôle important dans la sélection et la déf nition des classes d’actifs,
aussi bien que dans la construction d’un ensemb le d’hypothèses concer nant les
marchés f nanciers. La combinaison d’outils quantitatifs ef ficaces et de décision
qualitatives sensées fournit un point de départ pour les décisions d’allocation d’actifs.
L’utilisation de simulations pour tester les portefeuilles créés par l’optimisation
à moindre variance permet une évaluation de l’efficience des politiques d’i vestis-
sement et de prélèvement sur des horizons de temps appropriés. En emplo yant les
mêmes hypothèses concer nant les marchés f nanciers utilisées dans l’anal yse de
moindre variance, les simulations permettent l’observation de périodes plus étendues
et celle de l’interaction entre les politiques d’in vestissement et de prélèv ement,
ainsi que la traduction des caractéristiques des marchés et du por tefeuille en critères
quantitatifs pertinents pour les décideurs.
L’incapacité à atteindre les objectifs d’investissement déf nit le niveau de risque
du portefeuille de la façon la plus fondamentale. Les objectifs, et les risques qui en
découlent, doivent être décrits d’une manière qui per mette aux administrateurs de
comprendre les avantages et les inconvénients des différents portefeuilles. En évaluant
les portefeuilles en termes de probabilités de maintenir le pouvoir d’achat et l’apport
d’un f ux financier sta le au budget, les administrateurs comprennent et choisissent
entre des alter natives définies par un ensem le de critères directement en relation
avec les objectifs de l’institution.
Les portefeuilles générés par une combinaison d’optimisation à moindre variance
et de simulation tournée v ers l’avenir souffrent d’un cer tain nombre de limites.
Les résultats dépendent d’hypothèses concernant les rendements futurs, les risques
encourus et les corrélations. Comme des estimations précises des rendements sont
à peu près sûres de s’a vérer fausses, le plus g rand avantage de l’analyse vient de
l’évaluation plus facile des inter relations. Si la qualité des h ypothèses concernant
les rendements et les risques associés aux marchés représentait la seule dif ficulté
les conclusions proposées par l’analyse quantitative seraient alors solides.
http://fribok.blogspot.com/
L’allocation d’actifs 169
Mais des prob lèmes plus sérieux viennent de l’instabilité des caractéristiques
de risque et de cor rélation des classes d’actifs. La tendance des actifs risqués à se
mouvoir dans la même direction durant les périodes de crise diminue l’avantage de
la diversification, au moins à court te me. Les questions concernant la nature de la
distribution des rendements des titres et la stabilité des relations entre les classes
d’actifs posent de grandes difficultés à la modélisation quantitat ve de l’allocation
d’actifs. Néanmoins, le processus de quantif cation de l’analyse d’un por tefeuille
apporte la discipline qui manque à des approches moins rigoureuses de la constr uc-
tion de portefeuille.
Un processus de construction systématique et quantitative du portefeuille se situe
au cœur de l’activité de gestion de portefeuille, fournissant un cadre et une discipline
au sein desquels les jugements qualitatifs viennent améliorer les décisions. En recon-
naissant e t e n a ff rmant le rôle central des objectifs de la politique d’allocation
d’actifs, les gestionnaires de fonds se tournent vers l’outil de gestion le plus puissant.
Enfin, un tr vail bien pensé d’allocation d’actifs four nit la base de la construction
d’un programme d’investissement réussi.
http://fribok.blogspot.com/
6
La gestion de l’allocation d’actifs
171
http://fribok.blogspot.com/
172 Gestion de portefeuilles institutionnels
levier explicite ou implicite font que la perfor mance réelle dif fère des rendements
théoriques associés à la politique d’investissement.
Les classes d’actifs moins liquides introduisent une probabilité de déviationpar
rapport aux ni veaux d’allocation cib lés. Le manque ou le sur plus de par ticipations
non cotées induisent un déséquilibre avec la détention d’actifs plus liquides, éloignant
les caractéristiques du portefeuille des ni veaux désirés. Comme, par leur nature
même, les participations non cotées exigent beaucoup de temps pour pouv oir être
achetées ou v endues dans de bonnes conditions, les allocations des por tefeuilles
qui en contiennent présentent des dysfonctionnements. La confrontation aux surou
sous-pondérations résultant de la détention d’actifs illiquides crée des difficultés aux
investisseurs sérieux.
Même lorsque les allocations ef fectives du por tefeuille cor respondent aux
objectifs à long terme, les techniques de gestion active font que les rendements des
classes d’actifs diffèrent de ceux de leurs indices de référence. Si des inefficience
apparaissent dans les cours de cer tains titres, les interv enants peuv ent prof ter
d’opportunités d’investissement produisant des plus-v alues supplémentaires pour
un niveau de risque identique. Les gestionnaires de portefeuille acceptent bien volon-
tiers le risque inhérent à la gestion acti ve, espérant que leur talent v a finalemen
rapporter. Mais comme ces opportunités se déclarent de manière inattendue, la classe
d’actifs gérée acti vement peut subir une sous-perfor mance passagère, af fichant u
écart entre une réalité déce vante et un résultat espéré meilleur g râce à la gestion
active.
L’effet de levier, implicite ou e xplicite, pose un autre prob lème à l’application
fidèle des objectifs de l’allocation d’actifs. En ampli ant les résultats des investis-
sements, en positif comme en nég atif, l’effet de levier modif e fondamentalement
les caractéristiques de rendement et de risque des por tefeuilles d’investissement.
Si les administrateurs ne sont pas suf fisamment attentifs aux act vités d’investis-
sement, l’effet de levier peut exposer les fonds à des mésaventures inattendues. Le
levier implicite, qu’on trouve souvent dans les positions sur les produits déri vés,
se tapit dans de nombreux portefeuilles, n’étant révélé qu’à l’occasion d’un désastre
financie . Le levier explicite, tel que celui qu’on trouve dans les programmes de prêt
de titres, contient la possibilité d’altérer les caractéristiques de risque du por tefeuille
de façon inopportune. La compréhension et le contrôle de l’ef fet de le vier inclus
dans certaines stratégies permettent aux investisseurs de façonner des portefeuilles
correspondant à leur niveau de tolérance au risque.
De nombreux intervenants gèrent le risque avec une certaine légèreté. Les ges-
tionnaires de portefeuille dépensent des quantités énormes de temps, d’énergie et de
ressources sur des recherches d’allocation d’actifs, appliquent les recommandations
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 173
qui en découlent, puis laissent les por tefeuilles dériver au gré des marchés. Certains
investisseurs suivent des pro grammes de gestion acti ve en amalg amant plusieurs
gestionnaires spécialisés, sans comprendre les déséquilibres sectoriels, d’allocation
ou de style de gestion créés par ce processus de constr uction de por tefeuille plus
ou moins aléatoire. D’autres intervenants engagent des gestionnaires sur la base de
leurs bonnes performances passées, oubliant d’évaluer leur programme d’investis-
sement, inconscients de l’effet de levier caché susceptible de générer de la v olatilité
dans les perfor mances. Un processus de gestion de por tefeuille bien pensé assure
que les fonds ne subissent que les risques prévus par les objectifs d’allocation d’actifs,
et laissent espérer des rendements suffisants
L’auteur grec Palladas avait peut-être en tête la gestion de portefeuille lorsqu’il
écrivit qu’il « y a loin de la coupe aux lèvres ». La dérive de l’allocation d’actifs et
les risques inhérents à la gestion active rendent possibles des résultats signif cative-
ment différents des attentes basées sur la politique d’allocation d’actifs du por te-
feuille. De plus, l’e xposition implicite ou e xplicite à l’ef fet de le vier entraîne les
portefeuilles vers des ni veaux de risque considérab lement différents de ceux qui
étaient prévus, modif ant spectaculairement les résultats de l’investissement. L’appli-
cation disciplinée de la politique d’allocation d’actifs évite de modif er le prof l de
rendement et de risque d’un por tefeuille, permettant aux investisseurs de n’accepter
que les risques de gestion active supposés apporter de la valeur ajoutée.
La préoccupation concernant le risque fait par tie intég rante du processus de
gestion du portefeuille, exigeant une surveillance attentive du portefeuille global et
des proportions entre les classes d’actifs et entre les gestionnaires. La compréhension
des risques inhérents à l’in vestissement augmente les chances qu’un pro gramme
d’investissement atteigne ses objectifs.
LE RÉÉQUILIBRAGE
http://fribok.blogspot.com/
174 Gestion de portefeuilles institutionnels
La psychologie du rééquilibrage
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 175
Dans le monde des investissements, l’échec sème les graines de la réussite future.
La stratégie d’achat à bon marché d’actifs tombés en disg râce procure des rende-
ments espérés bien plus éle vés que l’acquisition d’actifs à la mode for tement
valorisés. Le rabais appliqué aux actifs mal aimés améliore les rendements espérés ,
alors que la prime appliquée aux actifs recherchés réduit les plus-values anticipées.
La plupart des investisseurs trouvent plus confortables les positions approuvées
par le plus g rand nombre ; elles leur donnent un sentiment de sécurité. Les attitudes
et les actions de la majorité créent le consensus. P ar définition, seule une minorit
d’investisseurs se retrouv e dans la situation inconfortab le qui consiste à opérer à
contre-courant du mouv ement général. Une fois que la majorité des inter venants
adopte une position jusque là contrarienne, le point de vue de la minorité devient le
plus largement partagé. Seuls quelques-uns prennent position en complet désaccord
avec l’opinion communément admise.
Initier et conserver des positions non-conventionnelles exige une forte conviction
et beaucoup de courage. Les amis et les relations en visagent des pro grammes
d’investissement fondamentalement différents. Les médias entretiennent une vision
du monde entièrement di vergente. Les cour tiers exhortent à la v ente des perdants
d’hier et à l’achat des bonnes affaires du jour. Les annonces publicitaires décrètent
un nouveau paradigme. Face à un consensus apparemment accab lant, les investis-
seurs contrariens qui réussissent font la sourde oreille aux clameurs de la multitude.
Initier une position contrarienne ne constitue que la moitié de la bataille. L’échec
guette l’investisseur contrarien s’il craque nerveusement. Supposez qu’un investis-
seur commence par éviter l’actif à la mode. Les mois de viennent pour lui des tri-
mestres, et les trimestres des années. Finalement, le contrarien trop faible capitule,
adoptant le raisonnement de la masse. Bien sûr, sa conversion a lieu exactement au
sommet de l’euphorie, résultant dans un échec douloureux sans espérance de retour .
Prendre une position contrarienne sans être capab le de persévérer conduit à des
résultats médiocres.
Le rééquilibrage traduit un comportement supérieurement rationnel. Maintenir
les objectifs du portefeuille face aux mouv ements du marché e xige de v endre des
actifs a yant sur performé et d’acheter ceux qui ont relati vement mal perfor mé.
Autrement dit, l’in vestisseur discipliné qui rééquilibre son por tefeuille vend ce qui
est à la mode et achète ce qui ne l’est pas. Dans des circonstances normales, le réé-
quilibrage demande un certain degré de conviction. Mais lorsque les marchés attei-
gnent des extrêmes, cela exige une dose peu commune de courage.
http://fribok.blogspot.com/
176 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 177
Le rééquilibrage et l’illiquidité
Les détenteurs de participations non cotées sont confrontés à une dif ficulté pa ti-
culière dans leur acti vité de rééquilibrage. À tout moment, les par ticipations non
cotées et les actifs tangibles sont susceptibles de ne pas respecter les ni veaux d’allo-
cation ciblés. Une quantité d’actifs équi valente au manque ou au sur plus constaté
dans la totalité du portefeuille illiquide doit alors être in vestie ou retirée du porte-
feuille constitué d’actifs liquides. Les participations non cotées susceptibles d’être
retenues pour investir dans cette classe d’actifs en situation de sous-allocation doivent
donc être des eng agements de cour te durée et peu risqués, car les fonds doi vent
pouvoir être retirés rapidement et réinvestis af n de ramener le portefeuille de partici-
pations non cotées aux niveaux d’allocation souhaités. Les liquidités, les obligations
et les fonds de performance absolue constituent des alter natives acceptables pour
pallier la sous-allocation des actifs non cotés.
La stratégie qui consiste à investir les sous-allocations d’actifs non cotés dans des
titres cotés apparemment similaires est superf ciellement séduisante. P ar e xemple,
lorsque l’on essaie de construire un por tefeuille de capital-risque, les sous-allocations
pourraient être investies dans des actions de petites sociétés de haute technolo gie.
Malheureusement, cette stratégie expose les investisseurs au risque de voir les capital-
risqueurs effectuer un appel de fonds quand les actions technologiques sont au plus
bas, obligeant à vendre au plus mauvais moment. Enf n, les participations non cotées
constituent une classe d’actifs à part car elles se comportent d’une manière fonda-
mentalement différente de celle des titres cotés, f aisant de la dépendance à court
terme envers une corrélation entre les marchés non cotés et ouv erts au public une
stratégie incohérente et potentiellement dangereuse.
Lorsque les fonds alloués aux actifs non cotés dépassent les niveaux ciblés, ce qui
peut être le cas lorsque les cours des titres cotés déclinent par rappor t à la v aleur
des participations non cotées, les investisseurs sont confrontés à un problème délicat.
Réduire les allocations des titres cotés les plus risqués et se reposer sur des corréla-
tions hypothétiques entre les marché pri vés et publics présente des risques impor -
tants. Cependant, la réduction des allocations consenties à des actifs moins risqués
pour pallier une augmentation des ni veaux excessifs de par ticipations non cotées
accroît un niveau de risque déjà élevé du portefeuille global. Af n de choisir la solu-
tion la moins mauvaise, les investisseurs devraient dans ce cas pallier la sur-allocation
aux actifs privés en réduisant les eng agements sur les titres cotés risqués, maîtrisant
ainsi le niveau de risque global du portefeuille.
L’utilisation d’actifs à court terme peu risqués en substitution à des actifs privés
en général plus rémunérateurs diminue le rendement espéré du portefeuille ainsi que
http://fribok.blogspot.com/
178 Gestion de portefeuilles institutionnels
le niveau de risque, alors qu’on obtient le résultat opposé en réduisant les positions
des titres cotés pour compenser une surpondération des participations non cotées.
Comme les différences entre les caractéristiques du por tefeuille idéal et celles du
portefeuille réel peuv ent s’avérer impor tantes, les in vestisseurs doivent analyser
sérieusement les implications des allocations cib lées et des allocations ef fectives
en termes d’investissement et de prélèvement.
La possibilité qu’il apparaisse des dif férences entre l’allocation d’actifs ciblée et
l’allocation effective plaide pour la prudence lorsque l’on modif e les niveaux ciblés
au prof t de classe d’actifs illiquides. Maintenir la réalité aussi proche que possible
des objectifs facilite l’anal yse des alter natives acceptables de politique de prélèv e-
ment ou de gestion d’actifs. Le fait d’éviter les différences importantes entre les allo-
cations ciblées et les allocations effectives réduit la taille des déséquilibres éventuels
qui exigent un placement dans un véhicule d’in vestissement alternatif, limitant ainsi
l’impact d’une décision toujours génératrice de problèmes.
Le rééquilibrage aide les investisseurs à maintenir le prof l de rendement et de
risque incarné dans la politique d’allocation d’actifs du por tefeuille. Les institutions
qui ne sui vent aucune politique précise de rééquilibrage s’eng agent de fait dans
une sorte de market timing. En permettant aux allocations du portefeuille de déri ver
au gré des marchés, les caractéristiques de rendement et de risque changent de façon
imprévisible, introduisant un trouble supplémentaire dans un processus déjà dominé
par l’incertitude. En fait, sur de longues périodes, les allocations non rééquilibrées
penchent vers les actifs aux rendements les plus éle vés, accroissant le ni veau de
risque global du portefeuille. Enf n, le rééquilibrage discipliné procure un contrôle
efficace du risque, augmentant pour les i vestisseurs leurs probabilités d’atteindre
les objectifs d’investissement.
LA GESTION ACTIVE
Après avoir établi la politique d’allocation d’actifs, les in vestisseurs sont con-
frontés à des prob lèmes concernant la gestion de chaque classe d’actifs. Dans le
domaine des titres cotés, des véhicules d’investissement passifs procurent la quasi
certitude que les résultats de l’investissement ref éteront l’activité du marché. Dans
la mesure où les investisseurs suivent des stratégies de gestion active, les résultats
effectifs vont probablement différer de ceux du marché, ce qui va entraîner une dif-
férence entre les caractéristiques d’une classe d’actifs et celles de son marché de
référence. Dans la classe des actifs alter natifs, l’absence de véhicules d’in vestis-
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 179
sement passifs fait que les résultats d’une gestion par nature active varient inévita-
blement, et parfois spectaculairement, des attentes en termes de rendement.
L’investissement dans des véhicules gérés passivement qui représentent des classes
particulières d’actifs élimine efficacement toute ariance par rapport aux résultats
des marchés. Les fonds indiciels ne coûtent pas cher à mettre en œuvre, présentent
beaucoup moins de problèmes de gestion que les portefeuilles gérés activement, et
garantissent une réplique f dèle du marché concerné. Qu’est-ce qui explique alors que
si peu de por tefeuilles institutionnels utilisent e xclusivement la gestion passi ve ?
Très certainement, le jeu de la gestion acti ve incite les in vestisseurs à par ticiper,
offrant souvent le faux espoir de rendements supérieurs. P eut-être que ceux qui sont
assez malins pour reconnaître que la gestion passi ve est le meilleur choix, se croient
aussi suffisamment malins pour pou oir battre les marchés. Dans tous les cas, les
écarts par rapport aux performances du benchmark constituent une source importante
de risque pour le portefeuille.
Les investisseurs qui s’embarquent dans des stratégies de gestion acti ve intro-
duisent des déformations dans leur portefeuille, v olontairement ou non. Parmi les
différentes manières dont les classes d’actifs peuvent différer de leurs benchmarks,
on peut citer la taille, le secteur et le style de gestion. La taille f ait référence à la
capitalisation des titres détenus, le secteur à la nature des acti vités de l’entreprise,
et le style à l’approche choisie par tel ou tel gestionnaire actif (orienté sur la valeur
ou sur la croissance, par exemple).
Des modif cations délibérées du portefeuille créent un potentiel signif catif de
valeur ajoutée. Par exemple, un investisseur pourrait penser que les stratégies basées
sur la valeur sont supérieures à celles qui se basent sur la croissance, ne sélectionnant
ainsi consciemment que des gestionnaires orientés sur la v aleur. D’autres pensent
que les actions des petites capitalisations of frent plus d’oppor tunités de sélection
de titres, et orientent leurs portefeuilles vers une surpondération évidente en titres de
petites entreprises. Des paris stratégiques bien pensés peuv ent générer des rende-
ments ajustés au risque supérieurs pour le portefeuille.
Les modif cations du portefeuille s’accompagnent de coûts potentiels. S’engager
avec des gestionnaires spécialisés dans des se gments de marché particuliers altère
parfois énormément les caractéristiques du portefeuille. En conséquence, les admi-
nistrateurs sont confrontés à la possibilité de sous-performances signif catives lorsque
les coûts à court terme (une performance relative médiocre des petites capitalisations)
dominent les opportunités à long terme (une valorisation moins efficiente des titre
des petites capitalisations). Les modif cations stratégiques d’un portefeuille n’ajoutent
de la valeur que lorsqu’elles sont appliquées avec discipline, après mûre réf exion,
et sur un horizon d’investissement suffisamment long
http://fribok.blogspot.com/
180 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les outils de gestion de l’in vestissement des portefeuilles nor maux et des fonds
complémentaires permettent aux gestionnaires d’évaluer et de contrôler les déforma-
tions d’un portefeuille. Un portefeuille normal circonscrit l’univers de titres au sein
duquel un gestionnaire sélectionne ses achats. En tant que tel, un portefeuille normal
représente un indice de référence acceptab le pour év aluer la mesure de la perfor-
mance du gestionnaire. Si l’ensemble des portefeuilles normaux d’une classe d’actifs
correspond à la taille, aux secteurs et au style de cette classe, c’est que le porte-
feuille qui en résulte ne contient aucun pari délibéré relatif à la taille des entreprises ,
à leurs secteurs ou au style de gestion appliqué. Les paris résultant des décisions
d’un gestionnaire actif inf uencent toujours les rendements du portefeuille, mais ils
sont les bienvenus en tant que parties intégrantes d’une stratégie de gestion active.
Si l’ensemble des por tefeuilles normaux au sein d’une classe d’actifs ne cor-
respond pas à cer taines caractéristiques importantes de cette classe, c’est que les
gestionnaires de portefeuille ont introduit une modif cation. Une manière de neu-
traliser les modif cations introduites par inadv ertance est l’utilisation des fonds
complémentaires. Un fonds complémentaire représente simplement le portefeuille
de titres qui, venant s’ajouter au portefeuille normal d’une classe d’actifs, assure la
correspondance du nouvel ensemble avec les caractéristiques de la classe d’actifs
concernée.
En comblant les lacunes du portefeuille normal, le fonds complémentaire fait que
le rendement du portefeuille est produit par un choix délibéré, et non par un risque
supplémentaire inconsciemment subi. Un danger de l’utilisation des fonds complé-
mentaires réside dans l’imprécision inhérente à l’identif cation des por tefeuilles
normaux. Des por tefeuilles nor maux mal déf nis conduisent à des fonds complé-
mentaires mal structurés, qui ne v ont pas comb ler les lacunes non identif ées du
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 181
portefeuille, ou bien peuv ent neutraliser des paris délibérés ef fectués lors de la
sélection des titres.
Comme les déviations par rapport aux caractéristiques des classes d’actifs font
diverger la perfor mance de celle du marché, les gestionnaires de fonds doi vent
s’assurer que ce sont des choix délibérés qui moti vent la structure du portefeuille,
et non des décisions aléatoires. Les portefeuilles normaux et les fonds complémen-
taires aident les investisseurs dans la gestion des classes d’actifs, mais l’utilisationpré-
cise de ces outils relève plus d’un objectif théorique que d’une réalité pratique.
L’EFFET DE LEVIER
http://fribok.blogspot.com/
182 Gestion de portefeuilles institutionnels
et pour cinq autres dollars de liquidités, l’effet de levier implicite qui en résulte fait
que la position est cinq fois plus sensible aux f uctuations du marché.
Les produits dérivés ne sont pas générateurs de risque par eux-mêmes, car ils
peuvent être utilisés pour réduire le risque, pour simplement répliquer des positions
fermes, ou pour augmenter le risque. Pour continuer avec l’exemple des contrats à
terme sur le S&P 500, la vente de contrats simultanée à la détention d’actions réduit
le risque associé à l’e xposition au marché actions. D’autre par t, la combinaison
appropriée de liquidités et de contrats à ter me crée une réplique à risque ég al de
positions fer mes ouvertes sur le marché. Enf n, la détention de contrats sans les
liquidités associées permettant d’en neutraliser partiellement le risque augmente
l’exposition au marché. Les gestionnaires responsab les comprennent et maîtrisent
l’utilisation des produits dérivés dans leurs activités d’investissement.
L’effet de levier amplif e les résultats du portefeuille, ayant ainsi le potentiel de
profiter aux capitaux ou de leur porter préjudice. Dans les cas xtrêmes, l’incohé-
rence entre le prof l de risque des caractéristiques de la classe d’actifs et l’acti vité
d’investissement conduit à des pertes lourdes. Dans les cas moins e xtrêmes, les
déviations relatives au prof l de risque entraînent les caractéristiques du por tefeuille
dans des variations importantes par rapport aux niveaux ciblés, et conduisent à des
dérives l’éloignant des objectifs de la politique d’investissement. Les investisseurs
sensés utilisent l’effet de levier avec la plus grande prudence, se gardant d’introduire
un risque supplémentaire dans les caractéristiques du portefeuille.
L’Université de Harvard
Le fonds de réserve de l’Université de Harvard utilise l’effet de levier de multiples
manières. Obser vons le por tefeuille de l’Uni versité en juin 2005. En f xant une
allocation inhabituelle aux liquidités égale à –5 %, l’Université espère visiblement
améliorer les performances du portefeuille en générant des plus-values supérieures
aux frais d’empr unt. Sur de longues périodes, la stratégie d’empr unt de Har vard
promet des résultats supérieurs car les plus-v alues du portefeuille devraient excéder
les coûts du levier représentés par le rendement des liquidités, la classe d’actifs la
moins rémunératrice. Bien sûr, si les plus-values sont inférieures au coût du levier,
les résultats d’une mauvaise année seront amplif és. Dans le cas de l’allocation néga-
tive de Harvard aux liquidités, une analyse attentive et rigoureuse des éléments du
portefeuille a conduit à l’utilisation de l’effet de levier.
La deuxième forme de levier explicite utilisée par Harvard implique l’emprunt
de quantités considérables de capitaux af n d’exploiter les anomalies de cours entre
différents titres. Au 30 juin 2005, le fonds d’in vestissement de 29,4 milliards de
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 183
Sowood Capital
Harvard a subi les conséquences d’un effet de levier excessif lors de l’effondre-
ment de Sowood Capital en juillet 2007. Géré par Jeff Larson, un ancien associé de
la Harvard Management Company, Sowood a démarré ses activités en juillet 2004
avec quatorze employés et 700 millions de dollars appartenant à Harvard. Le dépliant
de promotion de l’entreprise promettait aux in vestisseurs un portefeuille d’arbitrage
quantitatif fondé sur l’arbitrage d’opérations spéciales (« event-driven ») et orienté
sur la valeur, strictement non directionnel par rappor t au marché 2. D’après le Wall
Street Journal, Sowood « gagna environ 10 % par an durant ses trois premières années
d’activité, souvent grâce à des paris prudents sur des produits de taux », tenant les
promesses faites aux investisseurs et augmentant les fonds sous gestion à hauteur
de 3 milliards de dollars3.
Au début de 2007, le portefeuille de Jeff Larson détenait une position importante
portant sur la valeur relative d’obligations d’entreprises de premier plan et de titres
d’entreprises moins matures. Il était acheteur sur les premières et vendeur des titres
1. Linda Sandler, “Endowments at Top Schools Br uised in Mark et”, Wall Street Journal.
13 October 1998.
2. Sowood Capital Management: Sowood Alpha Fund (pitch book), 2004.
3. Gregory Zuck erman and Craig Kar min, “So wood’s Shor t, Hot Summer”, Wall Str eet
Journal, 27 October 2007.
http://fribok.blogspot.com/
184 Gestion de portefeuilles institutionnels
plus risqués des petites entreprises, établissant ainsi ce qu’il croyait être une couver-
ture contre d’éventuelles conditions de marché adverses.
Si Sowood avait seulement tenté d’exploiter la différence de prix entre les titres
d’entreprises matures et de sociétés plus jeunes, il n’aurait pas tant attiré l’attentio n
du Wall Street Journal et du New York Times. Mais comme la seule différence de prix
n’était pas suffisamment rémunératrice, S wood a appliqué un effet de levier « allant
jusqu’à six pour un » sur le portefeuille, espérant transformer un léger écart de prix
en plus-values substantielles 1. Cet ef fet de le vier transférait le risque de So wood
vers ses banquiers.
En juin, les premières f ailles apparurent, le fonds perdant 5 % durant le mois.
Afin de tirer pa ti d’opportunités devenues alors plus attractives, toujours selon le
Wall Street Journal, Sowood doubla l’effet de levier et l’augmenta à douze pour un.
En juillet, à mesure que les marchés ob ligataires devenaient plus instables, les
positions de So wood auraient dû s’a vérer payantes, les positions acheteuses plus
sûres conservant leur valeur et les positions v endeuses plus risquées perdant la leur .
Au lieu de cela, les forces perv erses du marché provoquèrent une baisse de la valeur
des positions acheteuses de So wood sans que les positions v endeuses n’apportent
un gain suffisant pour compenser ces pertes
Dans une lettre du 30 juillet aux investisseurs, Jeff Larson décrivit ainsi les forces
qui avaient eu raison de son fonds de placement :
« … Étant donné l’e xtrême volatilité des marchés, nos partenaires f nan-
ciers ont commencé à réviser fortement à la baisse les dépôts de garantie
du fonds. De plus, la liquidité de la par tie obligataire de notre portefeuille
s’est considérablement réduite, rendant dif ficile le débouclage des posi
tions. Nous en sommes donc arrivés ce week-end à la conclusion que, af n
de préserver le capital de nos clients, il était préférab le de liquider notre
portefeuille. »2
Les forces combinées de l’effet de levier et d’un marché hostile ont provoqué la
faillite de Sowood Capital.
Sowood avait débuté le mois de juillet a vec plus de 3 milliards de dollars sous
gestion. Après avoir subi des pertes de plus de 50 %, la société f nit ce même mois
avec environ 1,5 milliard. Dans les derniers jours mouvementés de la vie de Sowood,
la société demanda l’aide de Har vard Management Compan y. Har vard refusa.
Sowood Capital (capitalisée par Harvard, dont le personnel était issu de Harvard, et
1. Ibid.
2. Sowood, lettre aux actionnaires, 30 juillet 2007.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 185
qui fut f nalement abandonnée à son sort par Harvard) apprit à l’Université une leçon
sur les dangers de l’effet de levier, leçon qui lui coûta 350 millions de dollars.
Granite Capital
David Askin, de Granite Capital, subit des per tes dévastatrices en suivant une
stratégie apparemment sophistiquée d’identif cation, de couverture et de levier sur
les anomalies de cours de produits dérivés de titres adossés à des hypothèques. En
se basant sur des historiques de résultats d’en viron 15 % par an a vec une faib le
variabilité, Askin attira les fonds d’une liste impressionnante d’investisseurs parmi
lesquels la Rockefeller Foundation et McKinsey & Co. Malheureusement, l’effet de
levier explicite et implicite provoqua la perte totale du portefeuille de 600 millions
de dollars de la société de gestion en quelques semaines.
Askin investissait dans des produits déri vés d’obligations adossés à des h ypo-
thèques aux noms aussi e xotiques que « super inverse interest only strips ». Mais
aussi intimidantes que pouv aient en être les appellations, ces titres constituaient
essentiellement des rassemblements de crédits immobiliers ordinaires. En leur com-
binant des titres censés réagir de f açon opposée aux mouvements des taux d’intérêt,
Askin espérait se couvrir : en cas de mouvement de taux, les prof ts d’une partie du
portefeuille compenseraient plus ou moins les pertes de l’autre partie. Si Askin savait
identif er cor rectement les anomalies de prix, les prof ts dépasseraient les pertes
d’un montant égal à celui de l’anomalie de prix détectée.
Comme les anomalies de prix sur les marchés de taux ont tendance à être de faible
amplitude, les investisseurs utilisent fréquemment l’ef fet de le vier pour amplif er
l’impact de leurs transactions sur le portefeuille. Au moment de son effondrement,
Askin utilisait un le vier d’environ deux et demi pour un, gérant des positions de
2 milliards de dollars avec des fonds de 600 millions.
Le portefeuille d’Askin ne parvint pas à sur monter le traumatisme créé par la
décision de la Réserve Fédérale d’augmenter les taux d’intérêt au début de l’année
1994. Ce qui semb lait être des postions cor rectement couvertes dans un environ-
nement paisible au niveau des taux d’intérêt, s’avéra catastrophique dans un marché
obligataire baissier. À mesure que le portefeuille d’Askin accumulait les pertes, les
banques qui avaient prêté l’ar gent nécessaire à l’ouv erture des positions saisirent
les obligations, vendant ces positions pour couvrir leur exposition. La combinaison
d’une structure de portefeuille défaillante et de l’effet de levier a conduit Askin à la
faillite.
Askin a subi de lourdes pertes car ses couv ertures n’ont pas joué leur rôle. Mais
s’il n’avait pas utilisé d’effet de levier, il aurait très probablement survécu à la débâcle
http://fribok.blogspot.com/
186 Gestion de portefeuilles institutionnels
des taux d’intérêt de 1994. Des pertes de 30 % sur un portefeuille de 600 millions de
dollars sans effet de levier auraient diminué les capitaux de 180 millions. C’est certes
douloureux, mais pas au point d’empêcher tout redressement futur. En fait, à la suite
de la faillite d’Askin, les cours des obligations liquidées se sont gentiment redressés.
Mais alors, Askin n’était plus de la partie1.
1. Même si l’on peut af fi mer que sans ef fet de le vier, Askin n’aurait pas été éliminé du
marché, on peut aussi dire que sans ef fet de levier, il ne serait jamais entré sur le marché.
L’effet de levier stimulait les rendements de sa stratégie jusqu’à 15 % par an, ce qui lui était
indispensable pour pouvoir attirer des capitaux.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 187
vetage venant de Wall Street atténua quelque peu les dégâts, les pertes en capitaux
furent énormes. Dans son désormais classique When Genius Failed, Roger Lowenstein
décrit ainsi l’hécatombe :
« Jusqu’à avril 1998, chaque dollar in vesti dans LTCM avait quadruplé
et valait 4,11 dollars. Au moment de la tentative de sauvetage, seulement
cinq mois plus tard, il ne restait plus que 33 % de ce total. Après déduction
des frais de gestion, les résultats étaient encore plus désastreux : chaque
dollar investi, après a voir caracolé à 2,85 dollars, ne v alait plus que la
maigre somme de 23 cents. En solde net, le plus grand fonds a yant
jamais existé (en tout cas celui dont le QI était le plus éle vé) avait perdu
77 % de ses capitaux dans le même temps que l’in vestisseur moyen sur
le marché actions avait plus que doublé sa mise. »1
LTCM avait construit un portefeuille de positions en général très bien réf échies.
L’erreur stratégique qui fut f atale à l’entreprise venait d’un effet de levier presque
inimaginable. L’effet de levier massif amplif ait à la fois les résultats positifs et les
résultats négatifs. À l’opposé de LTCM, les investisseurs sensés utilisent l’effet de
levier avec prudence, se gardant d’un niveau de risque pouvant menacer la viabilité
d’un programme d’investissement.
Le prêt de titres
Certains types de le vier, comme les liquidités nég atives et l’empr unt explicite
de capitaux pour augmenter des positions, sont clairement visib les. Les employés
des entreprises d’investissement peuvent préparer des documents dont v ont discuter
les comités d’investissement en toute conscience de la nature générale et de la taille
de l’emprunt effectué. Mais d’autres formes de le vier restent occultées jusqu’à ce
que les ennuis sur viennent, provoquant des dégâts dans le portefeuille bien a vant
qu’une quelconque action correctrice n’ait pu être envisagée.
La plupart des grands investisseurs institutionnels participent à des pro grammes
de prêt de titres qui impliquent de prêter des actions et des ob ligations à des tiers,
procurant ainsi à l’investisseur un revenu supplémentaire modeste. Les empr unteurs
de titres, généralement des structures appar tenant à Wall Street, demandent ces
prêts pour initier des positions de vente à découvert ou pour couvrir des opérations
perdantes. Le prêteur de titres reçoit des liquidités cor respondant à la g arantie du
prêt, ce qui rend cet aspect de la transaction tout à fait sûr. Il paie également sur ces
1. Roger Lowenstein, When Genius Failed. The Rise and Fall of Long-Term Capital Mana-
gement, New York, Random House, 2001, 224–25.
http://fribok.blogspot.com/
188 Gestion de portefeuilles institutionnels
Le Common Fund
Le Common Fund, une organisation fournissant des ser vices d’investissement
aux institutions d’enseignement, a appris en 1995 que son pro gramme de prêt de
titres géré par First Capital Strategists avait subi des pertes estimées à 128 millions
de dollars 1. Les e xactions d’un trader véreux, K ent Ahrens, avaient provoqué ces
pertes qu’un calcul postérieur estima proches de 138 millions. Selon Ahrens,
250 000 dollars furent perdus sur une transaction « d’arbitrage » sur indice d’actions.
Au lieu de déboucler la position, il essaya de combler la perte en initiant des positions
spéculatives. Après plus de trois années de tromperie et de fraude, les pertes cumulées
d’Ahrens atteignaient un montant hallucinant.
1. John R. Dorfman, “Report on Common Fund Cites Warning Signs,” Wall Street Journal,
17 January 1996, C1.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 189
http://fribok.blogspot.com/
190 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 191
http://fribok.blogspot.com/
192 Gestion de portefeuilles institutionnels
CONCLUSION
http://fribok.blogspot.com/
La gestion de l’allocation d’actifs 193
du por tefeuille global dévient des ni veaux désirés, créant des dif ficultés pou
l’activité de rééquilibrage.
La recherche d’une gestion active introduit des frictions entre les performances
de l’investissement et celles du benchmark. Les in vestisseurs sensés prennent bien
soin d’identif er les déséquilibres du portefeuille, s’assurant que les di vergences
résultent de choix délibérés et non d’anomalies intervenues lors de la construction
du portefeuille. Les portefeuilles normaux et les fonds complémentaires aident les
gestionnaires à comprendre et à contrôler les partis pris de la gestion active.
Bien que les programmes de gestion active réussis f nissent par créer de la valeur,
les investisseurs peuvent traverser entre-temps des périodes de sous-perfor mance.
De nombreuses stratégies d’in vestissement bien pensées e xigent des horizons de
placement de trois à cinq ans, ce qui présente la possibilité que même des décisions
intelligentes paraissent ir responsables à cour t terme. Lorsque les mouv ements de
marché vont à l’encontre de positions déjà initiées, les investisseurs aux reins solides
en ajoutent d’autres, augmentant le prof t issu de la gestion active. À l’opposé, les
investisseurs sensés coupent les positions g agnantes, évitant ainsi une e xposition
excessive aux stratégies a yant récemment sur performé. Le rééquilibrage permanent
s’avère être une mesure de contrôle du risque efficace
L’effet de le vier contient la potentialité d’ajouter de la v aleur ou de faire des
dégâts, créant un danger particulier pour les investisseurs appliquant des stratégies
à long terme. Keynes nous avertit que « … celui qui veut investir sans se préoccuper
des fluctuations momentanées du marché a besoin pour sa sécurité de ressource
plus importantes et ne peut donc, au moins avec de l’argent emprunté, opérer sur une
échelle aussi considérable »1. Les administrateurs s’efforcent d’identif er et d’évaluer
les sources explicites et implicites de le vier du por tefeuille, cherchant à s’assurer
que l’effet de levier inf uence le portefeuille dans des limites acceptables.
De nombreux désastres f nanciers de ces dernières années sont dus à un effet de
levier rampant sous les caractéristiques apparentes du por tefeuille. Le Common
Fund a fait un usage explicite de l’effet de levier dans ses programmes risqués de prêt
de titres, exposant les capitaux des institutions d’enseignement à un haut niveau de
risque en échange de rendements espérés très modestes. Da vid Askin a utilisé un
effet de levier explicite supplémentaire au levier implicite inhérent à ses positions sur
les produits dérivés de titres h ypothécaires, transformant ainsi une per te importante
en f aillite complète. Éviter les désastres f nanciers qui font la Une des jour naux
exige une compréhension approfondie des sources et de l’ampleur de l’e xposition
à l’effet de levier.
http://fribok.blogspot.com/
194 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
7
Les classes d’actifs traditionnelles
L a définition d’une classe d’actifs utilise à la fois l’a t et la science pour essayer
de regrouper des instr uments f nanciers de nature similaire, cherchant au f nal à
constituer un év entail relati vement homo gène d’oppor tunités d’in vestissement.
Des classes d’actifs correctement déf nies incluent des groupes de positions qui four-
nissent collectivement une contribution cohérente au portefeuille d’un investisseur.
Les classes d’actifs traditionnelles partagent un certain nombre de caractéris-
tiques essentielles. Tout d’abord, elles appor tent des caractéristiques de base,
précieuses e t bien différenciées, à un portefeuille d’in vestissement. Ensuite, les
actifs traditionnels reposent fondamentalement sur des perfor mances générées par
le marché et non sur une gestion active des portefeuilles. Enf n, les classes d’actifs
traditionnelles sont issues de marchés vastes, liquides et cotés en continu.
Les caractéristiques de base, précieuses et bien dif férenciées apportées par les
classes d’actifs traditionnelles v ont de la production de rendements espérés subs-
tantiels à la protection contre les crises f nancières. Les investisseurs attentifs déf -
nissent les différentes expositions de leur portefeuille aux classes d’actifs de façon
suffisamment précise pour pou oir s’assurer que le véhicule d’investissement joue
correctement son rôle, mais ég alement suffisamment la ge pour pouvoir y inclure
une quantité d’actifs suffisante
Les classes d’actifs traditionnelles reposent fondamentalement sur des perfor-
mances générées par le marché, appor tant la certitude que les différentes compo-
santes du portefeuille remplissent la mission qui leur est assignée. Dans les cas où la
gestion active s’avère essentielle à la performance d’une classe d’actifs par ticulière,
l’investisseur compte sur un talent exceptionnel ou sur la chance pour produire des
résultats. Si un gestionnaire actif démontre un talent médiocre ou de la malchance,
l’investisseur subit l’incapacité de la classe d’actifs concernée à atteindre ses objectifs.
195
http://fribok.blogspot.com/
196 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 197
Les actions domestiques jouent un rôle central dans les portefeuilles d’investis-
sement pour d’excellentes raisons théoriques et pratiques. Les caractéristiques des
rendements espérés des actions correspondent bien au besoin de générer une crois-
sance substantielle du portefeuille avec le temps. Pour autant que l’histoire puisse
servir de guide, les rendements à long terme encouragent les investisseurs à détenir
des actions. Les données sur 203 ans de Jerem y Siegel montrent que les actions
américaines ont rapporté 8,4 % par an, alors que les 80 ans de données rassemblées
par Roger Ibbotson montrent un rendement annuel de 11,1 %1. Aucune autre classe
d’actifs ne possède un historique de performance à long terme aussi impressionnant.
Le succès des por tefeuilles à dominante actions sur le long ter me répond aux
attentes formulées par les principes f nanciers fondamentaux. Les investissements
en actions promettent des rendements plus éle vés que les investissements en obli-
gations, quoiqu’à court ter me l’espérance de rendements plus éle vés soit parfois
déçue. Sans surprise aucune, les données historiques des rendements en général élevés
des marchés actions comprennent quelques périodes assez longues qui rappellent
aux investisseurs l’inconvénient de la détention d’actions. Dans la structure du capital
d’une entreprise, les actions représentent un actif dont les droits ne peuv ent être
réclamés qu’après satisf action de tous les autres créanciers. Le risque plus éle vé
associé aux actions conduit les investisseurs rationnels à en exiger des rendements
espérés supérieurs.
Les actions démontrent un certain nombre de caractéristiques attracti ves qui
aiguisent l’intérêt des investisseurs. Les intérêts des actionnaires et des dirigeants
de l’entreprise ont tendance à con verger, ce qui per met aux actionnaires e xternes
d’être réconfortés par le fait que les acti vités de l’entreprise v ont prof ter à la fois à
ses actionnaires et à ses dirigeants. Les actions fournissent en général une protection
contre les accès inattendus d’inf ation, bien que cette protection s’avère être notoire-
ment problématique sur le court terme. Enf n, les actions s’échangent sur des marchés
vastes et liquides, of frant aux in vestisseurs l’accès à un év entail impressionnant
d’opportunités. L’investissement dans les actions mérite une étude sérieuse, car elles
fi ent à beaucoup d’ég ards la référence à partir de laquelle les observ ateurs des
marchés évaluent d’autres choix d’investissement.
1. Ces 203 ans correspondent aux 200 ans de données du livre de Siegel Stocks for the Long
Run, plus les rendements des trois années sui vantes tels que décrits dans la série de données
d’Ibbotson.
http://fribok.blogspot.com/
198 Gestion de portefeuilles institutionnels
La prime de risque des actions, déf nie comme étant le rendement supplémen-
taire revenant aux détenteurs d’actions en échange de leur acceptation du risque
supérieur à celui des investissements obligataires, représente l’une des variables les
plus importantes du monde de l’investissement. Comme toutes les mesures anticipa-
trices, la prime de risque reste enveloppée des incertitudes de l’avenir. Pour obtenir
des indices sur ce que l’avenir leur réserve, les investisseurs sérieux examinent les
caractéristiques du passé.
Le professeur Ro ger Ibbotson, de la Yale School of Management, four nit un
ensemble de statistiques des marchés fnanciers largement utilisé qui ref ète un ren-
dement annuel dif férentiel de 5,7 % entre les actions et les ob ligations sur une
période de 80 années1. Les données sur 203 ans de Jerem y Siegel, professeur à
Wharton, montrent une prime de risque de 3 % par an2. Peu importe le chiffre exact,
les primes de risque historiques indiquent que les détenteurs d’actions ont prof té
de rendements supérieurs à ceux des détenteurs d’obligations3.
Le montant de la prime de risque est très impor tant pour la décision d’allocation
d’actifs. Bien que les données passées puissent ser vir de guide en la matière, les
investisseurs attentifs les interprètent avec prudence. Une étude de Philippe Jorion
et William Goetzmann sur le biais dû aux faillites met en évidence la nature originale
du marché actions américain. Les auteurs étudient le compor tement de trente-cinq
marchés différents sur une période de plus de 75 ans, observant que « des pertur-
bations majeures ont touché presque tous les marchés étudiés, à l’e xception de
quelques-uns dont le marché américain » 4.
L’activité plus ou moins ininterrompue du marché actions américain durant les
e e
XIX et XX siècles contribua à ses résultats supérieurs à ceux des autres marchés.
Jorion et Goetzmann montrent que le marché américain a généré 4,3 % de plus-value
réelle par an de 1921 à 1996. À l’inverse, les autres pays, dont la plupart ont subi des
traumatismes économiques ou militaires, ont af fiché une plus- alue moyenne de
1. Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills, and Inflation 2006 Yearbook, Chicago, Ibbotson
Associates, 2003 : 27–28.
2. Jeremy Siegel, Stocks for the Long Run, New York, McGraw Hill, 2002, 6.
3. Voir les pages 55–58 pour les données sur les rendements des actions et des ob ligations
d’Ibbotson’s et de Siegel.
4. William N . Goetzmann and Philippe Jorion, “ A Centur y of Global Stock Mark ets”,
NBER Working Paper Series, Working Paper 5901, National Bureau of Economic Research,
1997, 16.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 199
seulement 0,8 % par an. Les observateurs sérieux replacent le comportement excep-
tionnel du marché actions américain dans un contexte plus large et moins brillant.
Même si les investisseurs acceptent les données historiques telles qu’elles sont
présentées, il existe des raisons de douter de la valeur du passé comme guide pour
l’avenir. Observez la performance du marché actions durant les deux siècles écou-
lés. Les rendements sont constitués d’une combinaison de di videndes, d’inf ation,
de croissance réelle des di videndes et d’une appréciation des ni veaux de valorisa-
tion. D’après une étude de Rober t Arnott datant d’avril 2003, intitulée très juste-
ment « Dividends and the Three Dwarfs » (« Les dividendes et les trois nains »),
les di videndes produisent la plus grande par t des rendements à long terme des
actions. Des 7,9 % de rendement annuel produits durant les cent ans couv erts par
l’étude d’Arnott, 5 points de pourcentage viennent des dividendes. L’inflation entr
en compte pour 1,4 point de pourcentage, la croissance réelle des di videndes pour
0,8 et l’appréciation des ni veaux de valorisation pour 0,6. Arnott met l’accent sur
le fait que l’impor tance écrasante des di videndes dans les rendements historiques
« est en désaccord complet a vec l’opinion conventionnelle qui suggère que… les
actions apportent tout d’abord de la plus-value et ensuite des revenus »1.
Arnott utilise ses observations historiques pour en tirer des conclusions quant à
l’avenir. Il conclut que, a vec des dividendes inférieurs à 2 % (en avril 2003), et à
moins que la croissance réelle des dividendes n’accélère ou que la valorisation des
actions n’augmente, les in vestisseurs seront confrontés à un a venir beaucoup
moins rémunérateur que le passé. Notez que le di vidende du S&P 500 s’élevait à
1,75 % en août 2007. L’observation des dividendes réels ne démontre aucune crois-
sance de 1965 à 2002. Arnott ne place pas beaucoup d’espoir dans le f ait qu’une
augmentation des dividendes stimule les rendements futurs des actions. Le choix
de se reposer sur une croissance des v alorisations venant des bénéf ces pour une
croissance future du marché actions représente un ar gument bien léger sur lequel
construire un portefeuille.
Une simple extrapolation des rendements passés suppose implicitement que les
changements dans les valorisations observés dans le passé vont persister à l’avenir.
Dans le cas spécif que du marché actions américain, s’attendre à ce que les don-
nées historiques puissent servir de guide signif e que les dividendes vont croître à
un rythme jamais encore observé, ou que des v alorisations toujours plus éle vées
vont être attribuées aux bénéf ces des entreprises. Les investisseurs se reposant sur
de telles anticipations sont soumis non seulement à la capacité des entreprises à
1. Robert Arnott, “Dividends and the Three Dwarfs,” Financial Analysts Journal 59, no. 2,
2003, 4.
http://fribok.blogspot.com/
200 Gestion de portefeuilles institutionnels
générer des bénéf ces, mais également à la volonté persévérante du marché d’aug-
menter le prix accordé aux prof ts des entreprises.
Aussi illogique que cela puisse paraître, un li vre populaire sur les marchés haus-
siers, publié en 1999, épousait le point de vue selon lequel la valorisation des actions
continuerait de croître sans interruption, plaidant pour une prime de risque égale à
zéro. S’appuyant sur la notion selon laquelle les actions surperforment toujours les
obligations sur de longues périodes, James Glassman et Kevin Hassett, dans leur livre
Dow 36 000 : The New Strategy for Profiting f om the Coming Rise in the Stoc k
Market, concluent que les actions ne présentent pas plus de risque que les obligations1.
Les auteurs ignorent les différences intrinsèques entre les actions et les obligations,
différences qui mettent clairement en évidence un risque plus éle vé pour les actions.
Ils ne prennent pas en compte les compor tements des marchés actions étrangers, qui
ont parfois cessé toute activité pendant certaines périodes, remettant en question la
certitude d’obtenir des performances supérieures en in vestissant dans les actions.
Mais le plus important est peut-être que les auteurs ont surestimé le nombre des
investisseurs dont l’horizon de placement est de vingt ou trente ans, et sous-estimé le
nombre de ceux qui abandonnent la partie lorsque les marchés actions chancellent.
La théorie f nancière et l’histoire des marchés f nanciers fournissent un soutien
analytique et pratique à la notion de prime de risque. Sans l’espoir de rendements
supérieurs pour les actifs risqués, tout le monde de la f nance serait sens dessus
dessous. En l’absence de rendements espérés plus éle vés pour des actifs fonda-
mentalement plus risqués, les intervenants fuiraient les actions. Par exemple, dans
un monde où les actions et les obligations procureraient les mêmes rendements, les
investisseurs rationnels opteraient pour les ob ligations dont le risque est plus f ai-
ble. Aucun investisseur ne détiendrait des actions, dont les rendements seraient
identiques pour un risque plus éle vé. La prime de risque doit e xister af n que les
marchés fonctionnent de manière efficiente
Bien qu’une prime de risque s’a vère nécessaire au bon fonctionnement des
marchés, Jorion et Goetzmann soulignent l’inf uence du biais dû aux faillites sur la
perception du niveau de la prime de risque. L’analyse des rendements des actions et
des tendances historiques faite par Arnott suggère un rendement espéré des actions
en diminution par rapport à celui des obligations. Quel que soit l’avenir de la prime
de risque, les investisseurs sensés se préparent à un futur qui différera du passé, la
diversification procurant la meilleure protection contre les e reurs d’anticipation
des caractéristiques des classes d’actifs.
1. James K. Glassman and K evin A. Hassett, Dow 36,000: The New Strategy for Profitin
from the Coming Rise in the Stock Market, New York, Random House, 1999.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 201
Les actions ont tendance à offrir une protection à long terme contre l’augmen-
tation des prix. Un moyen simple et cependant élégant de comprendre le cours des
actions, développé par le prix Nobel James Tobin, compare le coût de remplace-
ment des actifs d’une entreprise à la v aleur de marché de ces actifs. À l’équilibre,
Tobin affi mait que le ratio du coût de remplacement sur la valeur de marché, qu’il
appelait « q », devrait être égal à 1. Si le coût de remplacement dépasse la v aleur
de marché, les acteurs économiques trouvent moins cher d’acheter les actifs sur le
marché que dans l’économie réelle. À l’in verse, si la valeur de marché dépasse le
coût de remplacement, les acteurs économiques génèrent des prof ts en créant des
entreprises et en vendant leurs actions sur le marché. En clair, dans des marchés au
comportement rationnel, la valeur des actifs d’une entreprise sur le marché devrait
égaler le coût de remplacement de ces mêmes actifs dans l’économie réelle.
Dans la mesure où l’augmentation générale des prix (l’inf ation) accroît le coût
de remplacement des actifs des entreprises, cette infation devrait se ref éter dans le
cours des actions. Si l’inf ation n’avait pas pour ef fet d’augmenter le cours des
actions, le coût de remplacement nouv ellement augmenté dépasserait la v aleur de
marché, permettant aux investisseurs d’acheter sur le marché des entreprises à un
prix inférieur à leur valeur intrinsèque. Tant que le cours des actions ne ref ète pas
l’inflation, les entreprises cotées sont des denrées endues au rabais.
En dépit du lien théorique limpide entre le cours des actions et l’inf ation, le
marché actions présente un tableau mitigé de cette incorporation de l’inf ation dans
le cours des actions. Les années 70 fournissent notamment un e xemple spectacu-
laire de l’échec du marché actions à ref éter l’augmentation des prix. En 1973 et
1974, l’inf ation a érodé le pouvoir d’achat de 37 %, et le cours des actions a baissé
de 22 %, frappant les actionnaires des deux côtés en leur inf igeant des per tes
indexées sur l’inf ation s’élevant à 51 %.
Jeremy Siegel observe que le cours des actions « procure une excellente protection
à long terme contre l’inf ation » et une faible protection à court terme contre l’aug-
mentation des prix 1. La relation positi ve à long ter me entre l’inf ation et le cours
des actions vient probablement d’un comportement rationnel, car les interv enants
soupèsent le coût d’acquisition des actifs dans l’économie réelle par rappor t au
coût d’acquisition des mêmes actifs sur les marchés fnanciers. Et la relation négative
à court terme entre l’inf ation et le cours des actions doit résulter d’un comportement
irrationnel, les investisseurs réagissant à une inf ation inattendue en augmentant le
http://fribok.blogspot.com/
202 Gestion de portefeuilles institutionnels
rabais appliqué aux bénéf ces futurs sans les inde xer sur l’inf ation. Bien que l’his-
toire des marchés f nanciers soutienne l’observation de Siegel, la différence entre
les réactions à court terme et à long terme du cours des actions à l’inf ation crée un
paradoxe. Comme le long terme n’est qu’une succession de courtes périodes, aucune
théorie n’explique à la fois la performance médiocre à court terme et la bonne per-
formance à long ter me des actions en tant que protection contre l’inf ation. Dans
tous les cas, les in vestisseurs recherchant un abri à cour t terme contre l’inf ation
ont pris l’habitude de ne pas choisir la détention d’actions cotées.
La convergence d’intérêts
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 203
1. Geraldine Fabrikant and Da vid Cay Johnston, “G.E. P erks Raise Issues About Taxes“,
New York Times, 9 September 2002.
2. “Jack’s Booty,” editorial, Wall Street Journal, 10 September 2002.
3. David Leonhardt, “Reining In the Imperial C.E.O .”, New York Times, 15 September
2002.
http://fribok.blogspot.com/
204 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les stock-options
L’utilisation des stock-options comme système de rémunération des managers
crée une déconnection subtile entre les intérêts des dirigeants et ceux des actionnai-
res. Les schémas de rémunération basés sur les stock-options fonctionnent ef ficace
ment lorsque le cours des actions est en hausse, car alors les dirigeants et les action-
naires engrangent tous des gains. Mais la convergence d’intérêts cesse quand les cours
baissent, car les dirigeants ne perdent alors que l’oppor tunité de bénéf cier d’une
hausse des cours. En f ait, les dirigeants ne souf frent aucunement car les conseils
d’administration mettent à jour le prix des options pour ref éter la nouvelle baisse
du cours des actions. À l’inverse de cette perte d’opportunité amortie de la part des
dirigeants, lorsque les cours des actions baissent, les actionnaires perdent tout
simplement de l’argent. Les schémas de rémunération basés sur les stock-options
sont un jeu où les dirigeants des entreprises cotées ne perdent jamais.
Microsoft fournit un e xemple frappant de l’utilisation des stock-options pour
protéger les employés d’une baisse du cours des actions. En a vril de l’an 2000, le
directeur général Ste ve Ballmer était confronté à une baisse du moral des
employés, inquiets des conséquences de l’activité anti-trust du Ministère américain
de la Justice, et d’un déclin du cours de l’action de 44 % en quatre mois. Afin d
stimuler les esprits, Ballmer distrib ua aux employés plus de 34 000 stock-options
valorisées au cours de l’époque. Il écri vit dans un e-mail adressé aux emplo yés :
« Nous sa vons que les stock-options constituent une par t impor tante de notre
rémunération ». Tout en affi mant que les options plus anciennes « prendraient de
la valeur avec le temps », Ballmer exprimait l’espoir que « ces nouvelles gratifica
tions apporteraient aux gens une plus-value beaucoup plus rapide »1. En donnant à
l’option un prix d’échéance proche d’un plus bas de 52 semaines, l’entreprise pro-
tégeait ses emplo yés du déclin spectaculaire des actions Microsoft. Elle n’a pas
apporté un semblable secours à ses actionnaires.
En réaction aux ab us de conf ance trop nombreux de la f n des années 90, de
nombreuses entreprises commencèrent à réviser leur point de vue sur les rémuné-
rations à base de stock-options. Dans un mouv ement particulièrement remarqua-
ble, en juillet 2003, Microsoft annonça son projet d’éliminer son pro gramme de
stock options et de lui substituer un pro gramme limité de distrib ution d’actions.
Contrairement aux stock-options, les actions produisent une con vergence d’inté-
rêts entre les dirigeants et les actionnaires, les uns et les autres prof tant ou pâtis-
1. Steve Lohr and Joel Brinkley, “Microsoft Management Tells Workers There Will Be No
Breakup”, New York Times, 26 April 2000.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 205
sant ensemble des mouv ements de cours. Comme l’a f ait remarquer le directeur
général Steve Ballmer : « Que ce soit par une politique de di videndes ou par la
valorisation de la prise de risque, il est toujours bon que les employés raisonnent le
plus possib le comme des actionnaires »1. Si un nombre important d’entreprises
suivent l’exemple de Microsoft, les dirigeants v ont probablement mieux respecter
les intérêts des actionnaires à l’avenir.
Malgré une con vergence générale d’intérêts entre les actionnaires et les diri-
geants d’entreprises, il existe encore trop d’abus. Les rémunérations excessives des
cadres supérieurs, soit sous la forme directe d’augmentations de salaires, soit sous
la forme indirecte d’avantages en nature, remplissent les poches des managers aux
dépens des actionnaires. Parfois, comme c’est le cas pour les rémunérations basées
sur les stock-options, une déconnection s’étab lit entre les actionnaires et les diri-
geants. La manière la plus sûre de réduire le conf it d’intérêts entre les détenteurs
d’actions et les dirigeants des entreprises implique que ces der niers détiennent
eux-mêmes des actions. Les in vestisseurs avisés recherchent les sociétés dont les
dirigeants détiennent de nombreuses actions.
1. Jathon Sapsford and K en Brown, “J.P. Morgan Rolls Dice on Microsoft Options”, Wall
Street Journal, 9 July 2003.
2. Le ratio cours/bénéfice mesure la alorisation en comparant le cours de l’action d’une
entreprise à son bénéfice par action
3. Le ratio cours/valeur comptable mesure la valorisation en comparant le cours de l’action
d’une entreprise à sa valeur comptable (actif moins passif) par action.
4. Source : Wilshire Associates.
http://fribok.blogspot.com/
206 Gestion de portefeuilles institutionnels
Résumé
LES OBLIGATIONS
DU TRÉSOR AMÉRICAIN
Les détenteurs d’obligations du Trésor américain sont propriétaires d’une par tie
de la dette du gouv ernement américain. La détention d’ob ligations d’État joue un
rôle prédominant dans les portefeuilles de produits de taux bien str ucturés, ref étant
les caractéristiques attractives de la garantie du gouvernement en termes de conf ance
et de crédit, ainsi que le volume signif catif de titres obligataires émis par l’État.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 207
1. Carole Gould, “Better Understanding of Bonds”, New York Times, 27 August 1995.
http://fribok.blogspot.com/
208 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Le terme « duration » fut utilisé pour la première fois en 1938 par Macaula y, qui déve-
loppa une for mule mathématique per mettant de mesurer le compor tement mo yen d’un
titre. La duration est une mo yenne pondérée des propor tions de la valeur actuelle des ren-
dements attendus par rapport au cours de l’obligation, chaque paiement de ces rendements
étant pondéré par la période à laquelle il est attendu.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 209
La panique de 1998
À la fin de l’été 1998, la crise nancière asiatique provoqua un recul mar qué
des marchés f nanciers. La forte baisse de juillet s’accéléra en août lorsque la déva-
luation et le défaut de crédit de la Russie amplifèrent les craintes des investisseurs.
L’effondrement du hedge fund LTCM en septembre, pris au piège d’un ef fet de
levier délirant, alimenta encore la tendance baissière, poussant les inter venants à
exiger immédiatement liquidité et sécurité.
http://fribok.blogspot.com/
210 Gestion de portefeuilles institutionnels
5%
0%
Rendements
5%
10 %
15 %
20 %
25 %
30 %
35 %
Actions des marchés
émergents
notées AAA
Obligations à haut
rendement
capitalisations américaines
étrangers développés
américaines confondues
capitalisations américaines
Toutes actions
américain
Bons du Trésor
Titres hypothécaires
Classes d’actifs
En plein tumulte des marchés, les obligations à long terme affichaient des ains
substantiels, avec des plus-values de 8 % et une surperformance par rapport à tou-
tes les autres classes d’actifs. Le risque de crédit et l’optionalité ont atténué la per-
formance des crédits h ypothécaires et des ob ligations d’entreprises de haute qua-
lité, limitant leurs plus-values respectives à 2 et 5 %. Les obligations pourries (junk
bonds) et la dette des pa ys émergents ont essuyé des pertes, ref étant ainsi le haut
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 211
http://fribok.blogspot.com/
212 Gestion de portefeuilles institutionnels
Lorsque les attentes en termes d’inf ation ne correspondent pas à la réalité, les
obligations ont tendance à ne pas se compor ter comme les autres actifs f nanciers.
Une inf ation inattendue fait baisser les obligations, alors qu’elle prof te finalemen
aux actions. Une déf ation inattendue fait monter le cours des obligations et nuit aux
actions. Les obligations procurent la meilleure diversification par rappo t aux actions
dans les cas où l’inf ation constatée diffère grandement de ses niveaux anticipés.
La convergence d’intérêts
Les intérêts des in vestisseurs en ob ligations d’État s’a vèrent plus proches de
ceux du gouvernement américain que les intérêts des in vestisseurs en obligations
d’entreprises ne le sont de ceux de leurs émetteurs. Le gouv ernement n’a aucune
raison de défavoriser les détenteurs d’obligations. Par nature, toute action entreprise
pour réduire la valeur des obligations d’État représente un transfert de capitaux des
détenteurs vers les non détenteurs. En f ait, si toute la dette était détenue par les rési-
dents américains, les a vantages ou les incon vénients des changements dans la
valeur des obligations revenant au gouvernement équilibreraient les avantages et les
inconvénients revenant aux détenteurs. Cela conduirait simplement à des transferts
de capitaux d’un groupe de citoyens (les contribuables ou les détenteurs d’obligations)
vers un autre groupe de citoyens (les détenteurs ou les contribuables). De plus, si le
gouvernement désavantageait les investisseurs en obligations, son accès futur aux
marchés de crédit en serait af faibli. L’inquiétude en ce qui concerne la di vergence
d’intérêts n’empêche donc décidément pas les détenteurs d’ob ligations d’État de
dormir tranquilles.
Les investisseurs en obligations d’État perçoivent en général le gouv ernement
comme un acteur neutre dans le processus de gestion de la dette. Contrairement
aux détenteurs d’obligations d’entreprises, qui n’ont pas leur mot à dire vis-à-vis
des émetteurs, les détenteurs d’obligations d’État sont bien traités. Pensez au fait que,
de 1975 à 1984, le Trésor américain a proposé une douzaine d’émissions obligataires
à trente ans qui comprenaient une possibilité de remboursement anticipé à prix fxe
durant les cinq dernières années de vie de l’émission. Pour des raisons économiques,
un émetteur rembourse une obligation lorsque le cours de celle-ci est supérieur à sa
valeur nominale. Cette procédure élimine une dette dont les intérêts sont chers par
rapport aux niveaux du marché, prof tant ainsi à l’émetteur et lésant l’investisseur.
À cause de la nature spéciale du rôle du gouv ernement sur le marché de la dette,
les intervenants se demandaient si le gouvernement procéderait au remboursement
anticipé pour des raisons de gestion de la dette ou bien pour se renf ouer économi-
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 213
quement. Si le gouv ernement utilisait la procédure pour gérer sa dette, alors les
détenteurs d’obligations étaient confrontés à un risque paradoxal qui pouvait aussi
bien déboucher sur un prof t que sur une perte. Si le gouvernement utilisait la procé-
dure dans le but de se renf ouer, alors les détenteurs d’obligations étaient confrontés à
un risque de perte financière
Les détenteurs d’obligations d’État reçurent la réponse à cette question sur le
comportement du Trésor le 14 janvier 2000, lorsque celui-ci annonça le rembour -
sement à parité des ob ligations d’État 2000-2005 à 8,25 % le 15 mai 2000 1. Le
gouvernement réagissait à des pressions économiques en remboursant une dette
aux intérêts élevés afin de diminuer ses cha ges financières
Lors des remboursements qui suivirent celui-ci, le Trésor américain a toujours
fait état de motifs économiques pour procéder ainsi. Dans l’ar ticle du Public Debt
Release du 15 janvier 2004 banalement titré : « Treasury Calls 9-1/8 P ercent Bonds
of 2004–09 » (« Le Trésor rembourse les ob ligations 2004-2009 à 9,125 % »),
le gouvernement observait que « ces obligations sont remboursées af n de réduire
les coûts de f nancement de la dette publique. Le taux d’intérêt de 9,125 % est net-
tement supérieur au coût actuel du crédit pouv ant assurer le bon fonctionnement
des finances de l’État pendant les cinq années précédant leur maturité. Dans le
conditions actuelles du marché, le Trésor estime que l’économie résultant du rem-
boursement de ces ob ligations et du ref nancement de la dette cor respondante
s’élèvera à environ 544 millions de dollars »2. En d’autres termes, la possibilité de
refinancer les coupons à 9,125 % à un taux d’intérêt de 3 à 4 % représentait une
économie substantielle pour le gouvernement.
Même si le gouv ernement a agi à la manière d’un agent économique en rem-
boursant par anticipation les ob ligations d’État 2004-2009 à 9,125 %, le fait que
les investisseurs se demandaient s’il le ferait pour faire des économies sur les intérêts
illustre la nature inhabituelle des relations du gouv ernement avec ses créanciers.
En f ait, le pro gramme d’obligations remboursables avant échéance dura à peine
dix ans, et n’impliqua qu’une part relati vement modeste de la totalité des émissions
du gouvernement. De plus, les remboursements par anticipation n’af fectaient que
les cinq dernières années d’obligations à trente ans, à l’in verse des remboursements
beaucoup plus agressifs des émissions obligataires à long terme des entreprises. Il
est probable que le Trésor américain a cessé de vendre des obligations remboursables
avant échéance af n de renforcer le caractère sécuritaire des produits proposés aux
1. Bureau of the Pub lic Debt, “T reasury Calls 8-1/4 P ercent Bonds of 2000–05”, http://
www.publicdebt.treas.gov/com/com114cl.htm.
2. Bureau of the Pub lic Debt, Press Release of Januar y 15, 2004: “T reasury Calls 9-1/8
Percent Bonds of 2004–09”.
http://fribok.blogspot.com/
214 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les liquidités
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 215
31 décembre 2006) s’élèv ent à peine à 3,7 % par an, ce qui donne un bien pâle
0,7 % une fois l’inf ation prise en compte.
Comme les in vestisseurs utilisent fréquemment un horizon d’un an lorsqu’ils
entreprennent une analyse de leur por tefeuille, les liquidités entrent naturellement
dans la matrice de calcul des rendements des marchés fnanciers, poussant de nom-
breux investisseurs à long terme à considérer, à tort, les liquidités comme des actifs
dénués de tout risque. Si les in vestisseurs entreprenaient leurs anal yses sur des
périodes cor respondant mieux à leur horizon de placement, les liquidités leur
paraîtraient plus risquées.
Certains investisseurs défendent l’idée selon laquelle les liquidités sont indispen-
sables aux portefeuilles de fonds de réserv e, sans tenir compte de la liquidité déjà
importante des portefeuilles institutionnels. Le versement des intérêts, des dividendes
et des lo yers four nit en ef fet des quantités importantes de liquidités, f avorisant la
capacité des fonds d’in vestissement à assumer les prélèv ements nécessaires au
budget de l’institution. Le turno ver naturel des actifs procure une autre source de
liquidités. Les obligations arrivent à maturité, les entreprises fusionnent et les partici-
pations privées deviennent liquides en s’introduisant en bourse, tout cela constituant
des sources supplémentaires de liquidités. Les décisions de retrait des fonds confés à
un gestionnaire créent encore une occasion de fournir des liquidités. Enf n, dans le
cas où les rendements f xes, le turnover naturel des actifs et l’abandon de cer tains
gestionnaires généreraient une quantité insuffisante de liquidités pour pou oir assumer
les prélèvements nécessaires, les investisseurs ont toujours la possibilité de vendre
directement des actifs. Les coûts de transaction modestes subis lors de cette v ente
pâlissent devant le manque à gagner formidable que constitue la détention per ma-
nente de liquidités dans un portefeuille institutionnel. Sur la base de leurs rende-
ments réels médiocres et de leur incapacité à ser vir d’actifs dénués de risque pour
les investisseurs à long terme, les liquidités ne peuv ent en aucun cas jouer un rôle
signif catif dans un portefeuille de fonds de réserve correctement constitué.
http://fribok.blogspot.com/
216 Gestion de portefeuilles institutionnels
Résumé
Les investissements sur les marchés actions des pa ys développés procurent les
mêmes rendements espérés que le marché actions américain. Mais les investissements
outre-mer présentent deux caractéristiques essentielles qui les dif férencient des
placements domestiques. Tout d’abord, les marchés de régions du monde dif férentes
réagissent à des forces économiques dif férentes, ce qui fait que les rendements se
comportent différemment d’une région à l’autre. Ensuite, l’in vestissement sur des
marchés extérieurs aux États-Unis e xpose les in vestisseurs américains aux f uctua-
tions des devises étrangères, ajoutant une variable supplémentaire à l’équation.
1. Le rendement à maturité est le taux de rendement prévu si l’on conser ve le titre jusqu’à
sa date de maturité.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 217
Les marchés actions des économies développées partagent des niveaux de rende-
ment similaires. La similitude des infrastr uctures économiques, des moteurs de per -
formance et de la libéralisation des f ux du travail, des biens et des services au-delà
des frontières se combinent pour faire espérer aux investisseurs des résultats à long
terme semblables pour les marchés actions des pa ys développés. Bien que l’enthou-
siasme des investisseurs pour tel ou tel pays aille et vienne au gré de ses performances
récentes, les investisseurs peuvent s’attendre, sur de longues périodes, à des rende-
ments comparables de la part des marchés nord-américain, européen et asiatique.
En fait, depuis la création en 1970 des indices Europe et Europe, Australie et
Extrême-Orient (EAFE) de Mor gan Stanle y Capital Inter national (MSCI), qui
retracent la performance des marchés actions hors États-Unis, ces pa ys ont généré
des performances de 10,8 % par an à comparer aux 11,2 % du S&P 500 américain.
Bien que les résultats des marchés domestique et étrangers soient voisins, les États-
Unis jouissent d’une légère marge de supériorité. Comme de telles comparaisons de
performances sont très sensibles aux dates de début et de f n de période d’analyse, la
conclusion la plus raisonnable soutient l’hypothèse d’une équivalence approximative
entre les rendements des actions domestiques et internationales.
http://fribok.blogspot.com/
218 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 219
La course à la performance
Les investisseurs ont tendance à rechercher une diversif cation lorsque les princi-
paux actifs de leur portefeuille les déçoivent, que ce soit en termes relatifs ou absolus.
Par exemple, de 1998 à 2003, une période durant laquelle les marchés étrangers ont
sous-performé, affichant un rendement global de –18,5 % à comparer aux – 6,4 %
du marché américain dans son ensemb le, les fonds de réserv e des colleges ont
conservé une allocation relativement stable aux marchés actions hors États-Unis.
Le f ait que les allocations aux actions étrangères aient été maintenues dans une
fourchette étroite de 12,5 à 13,8 % pendant cette période indique que les in vestis-
seurs pratiquaient une saine activité de rééquilibrage. Mais à l’inverse d’un rééqui-
librage rationnel face à une perfor mance relative médiocre, lorsque les marchés
étrangers décollèrent en 2004, les allocations à ces marchés augmentèrent ég ale-
ment. De 2004 à 2006, c’est-à-dire durant trois années, les marchés actions hors
États-Unis générèrent des rendements de 23,9 % par an et les marchés émergents, des
rendements de 35,8 %, dominant totalement les rendements de 13,1 % du marché
américain. En réaction, les gestionnaires de fonds de réser ve des colleges ont
entrepris une chasse à la performance, propulsant les allocations aux actions étran-
gères de 13,8 % en 2003 à 15,6 % en 2004, 17,4 % en 2005 et enf n 20,1 % en
2006. Les stratégies basées sur le momentum se terminent mal en général.
Une performance relative élevée des actions étrangères a poussé les gestionnaires
de fonds de réser ve à augmenter spectaculairement les placements actions hors
États-Unis, les investisseurs citant la di versification comme prét xte au boom des
allocations aux actions étrangères. Une performance décevante des actifs de diver-
sification peut faire que les i vestisseurs diminuent les allocations au plus mauvais
moment. Les investisseurs sensés recherchent la diversification en tant que politiqu
de réduction du risque, et non comme une tactique de chasse à la performance. En
suivant avec discipline une politique de conser vation d’un portefeuille correctement
diversifié, indépendamment des hauts et des bas des marchés, les i vestisseurs mettent
en place les conditions de leur réussite à long terme. En fait, en tenant compte des
conditions de marché, les investisseurs augmentent leurs chances de succès en se
http://fribok.blogspot.com/
220 Gestion de portefeuilles institutionnels
diversifiant dans des classes d’actifs qui ont subi des perfo mances médiocres.
Dans tous les cas, les actions étrangères représentent un outil impor tant de réduc-
tion du risque du portefeuille sans sacrif er pour autant les rendements espérés.
La convergence d’intérêts
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 221
Résumé
http://fribok.blogspot.com/
222 Gestion de portefeuilles institutionnels
LES ACTIONS
DES PAYS ÉMERGENTS
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 223
subi au moins une inter ruption majeure des négociations… due en général à des
nationalisations massives ou à la guer re ». Encore plus troublant pour les investis-
seurs qui croient en l’inéluctabilité du pro grès, sur les trente-six places de marché
opérationnelles en 1900, quinze sont restées catégorisées dans les marchés émer -
gents plus de 100 ans après. Un de ces marchés, situé à Belg rade en Serbie,
n’appartient même plus à la liste des marchés émer gents au XXIe siècle. Les
auteurs obser vent sans complaisance que « le ter me même de marché émer gent
contient la possibilité que ces marchés puissent disparaître »1.
Ces dernières années, les investisseurs ont pu investir dans un éventail toujours
plus large de marchés émergents. Morgan Stanley Capital International, le premier
développeur d’indices de marchés hors États-Unis, a commencé à suivre les marchés
émergents en 1988 avec un indice re groupant huit pa ys allant de la Jordanie au
Mexique, en passant par la Thaïlande. Cinq ans plus tard , leur nombre s’éle vait à
dix-neuf avec l’ajout remarquable de l’Inde, de la Corée et du Portugal. En 1998, le
total atteint vingt-huit car l’Afrique du Sud, la Russie et un certain nombre de pays
d’Europe Centrale ont rejoint l’ensemb le des pa ys couverts par MSCI. En 2001,
l’Égypte et le Maroc ont rejoint l’indice, alors que le Sri Lanka le quittait. À cause
d’un manque de liquidité et de restrictions en matière d’investissement, le Venezuela
quitta l’indice en 2006, ramenant le nombre des pays émergents à vingt-cinq.
De temps en temps, des pays passent du monde émergent au monde développé.
En 1997, le Portugal franchit ce cap, puis la Grèce en 2001. À mesure que les éco-
nomies émergentes progressent, de plus en plus de pa ys vont rejoindre les rangs des
pays développés.
Antoine van Agtmael, investisseur de longue date sur les marchés émer gents,
prévoit une orientation haussière des marchés émer gents dans son e xcellent livre
The Emerging Markets Century.
« Au moment où nous entrons dans le siècle des marchés émer gents, le
temps est venu de repenser ce que nous entendons par “risque”. Rétrospec-
tivement, nous a vons vu les marchés émer gents comme des marchés
volatils, enclins à subir des crises, désespérément pauvres, minuscules
1. Stephen J. Brown, William N. Goetzmann and Stephen A. Ross, “Sur vival”, Journal of
Finance 50, no. 3, 1995.
http://fribok.blogspot.com/
224 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Antoine van Agtmael, The Emerging Markets Century: How a New Breed of World Class
Companies is Overtaking the World, New York, Free Press, 2007, 307–8.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 225
Le lien entre l’inf ation aux États-Unis et les rendements des actions des pa ys
émergents souffre des mêmes prob lèmes que celui entre l’inf ation américaine et
les actions des pa ys développés. Ceci dit, les matières premières jouent un rôle
important dans nombre d’économies émergentes. Dans la mesure où les États-Unis
subissent des pressions inf ationnistes venant de l’augmentation du prix des matiè-
res premières, les investissements sur les marchés émergents peuvent procurer une
protection partielle contre l’inf ation.
La convergence d’intérêts
http://fribok.blogspot.com/
226 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs traditionnelles 227
rassemble un lar ge éventail de pa ys. L’Asie compte pour 53 % des capitaux pré-
sents sur les marchés actions émer gents, l’Amérique Latine pour 20 %, l’Europe
pour 16 %, et l’Afrique et le Moyen-Orient pour 12 %.
Les valorisations des marchés émergents font mieux que celle des États-Unis à
la fin de 2006 (au moins pour les i vestisseurs orientés sur la valeur). Le dividende
des marchés émergents s’élevait à 2,1 %, à comparer à 1,7 % pour les États-Unis.
Le PER s’élevait à 15,6, représentant un rabais substantiel par rapport aux 19,5 du
marché américain. Les marchés émer gents s’échangeaient à un ratio cours/v aleur
comptable de 2,5 identique à celui du marché américain.
Résumé
http://fribok.blogspot.com/
228 Gestion de portefeuilles institutionnels
CONCLUSION
http://fribok.blogspot.com/
8
Les classes d’actifs alternatives
229
http://fribok.blogspot.com/
230 Gestion de portefeuilles institutionnels
à long terme sont à la traîne des résultats des titres cotés, à la fois en termes absolus et
par rapport à un ajustement au risque. C’est seulement en générant des performances
dues à une gestion acti ve que les in vestisseurs tiennent la promesse contenue dans
l’investissement en actifs alternatifs.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 231
valeur ajoutée par les gestionnaires, les investisseurs perçoivent les rendements du
marché monétaire, c’est-à-dire une compensation cor respondant à la création de
positions n’impliquant pas d’exposition réelle au marché.
Les oppor tunités basées sur les opérations de marché (fusion et acquisition,
rachats sauvetage, restructuration, mise sous tutelle d’entreprises), existent à cause
de la comple xité inhérente aux réor ganisations et aux fusions d’entreprises. Les
gestionnaires de portefeuilles ordinaires reconnaissent que les composantes d’une
fusion-acquisition ou d’un sauv etage de faillite dif fèrent résolument des f acteurs
qui dominent la valorisation quotidienne des titres. L’environnement légal et régle-
mentaire change à l’annonce d’une fusion ou d’une restr ucturation, donnant au
spécialiste bien informé un avantage sur le généraliste. Des compétences supérieures
en matière d’analyse constituent un avantage signif catif pour les investisseurs actifs
orientés sur les opérations de marché.
L’opportunité exploitée par les investisseurs orientés sur les opérations de marché
vient en par tie des v entes de titres initiées par les in vestisseurs ne souhaitant pas
engager les ressources pouvant leur permettre d’acquérir une compréhension appro-
fondie des circonstances entourant les transactions complexes entre entreprises. Dans
le cas de titres tombés en disgrâce, la pression vendeuse vient des investisseurs inca-
pables de détenir des titres d’entreprises en situation de f aillite ou peu enclins à le
faire. L’offre parfois massive de titres de la part d’in vestisseurs mal à l’aise avec des
positions sur des titres d’entreprises tra versant des changements structurels, per met
1. Les stratégies de performance absolue qui neutralisent les positions acheteuses par des posi-
tions vendeuses (l’arbitrage sur fusion/acquisition et l’in vestissement long/short) engrangent
les rendements du marché monétaire en l’absence de v aleur ajoutée (ou retranchée) par le
gestionnaire. D’un côté du por tefeuille, supposez qu’un gestionnaire in vestisse les fonds
confiés sur des positions acheteuses. De l’autre côté du po tefeuille, supposez que ce gestion-
naire initie des ventes à découvert. Après la réalisation de la vente à découvert, le gestionnaire
perçoit les liquidités provenant de la transaction de v ente. Même si ces liquidités doivent
servir de collatéral vis-à-vis du prêteur de titres, le vendeur à découvert perçoit une rémunéra-
tion au taux du marché monétaire sur ces liquidités. Si les positions acheteuses et les positions
vendeuses suivent toutes deux fidèlement les mou ements du marché, les g ains (pertes) à
l’achat correspondent aux per tes (gains) à la v ente, éliminant de la perfor mance le risque
systémique de marché. Dans de telles circonstances, l’investisseur engrange une rémuné-
ration au taux du marché monétaire sur les capitaux investis.
http://fribok.blogspot.com/
232 Gestion de portefeuilles institutionnels
aux investisseurs orientés sur les opérations de marché de prendre des positions au
rendement potentiel attractif.
L’arbitrage sur fusion-acquisition est une stratégie typique de performance absolue
basée sur les opérations de marché, a vec des résultats liés à la capacité du gestion-
naire à prédire qu’un accord sera conclu, le timing vraisemblable de l’opération et
l’intérêt des in vestisseurs pour la transaction entre les deux entreprises. Lors de
l’annonce d’un échange d’actions entre entreprises, le cours de l’action de l’entre-
prise ciblée par l’achat augmente généralement v ers un niveau légèrement supérieur
à celui offert par l’acquéreur, créant une oppor tunité de prof t pour l’arbitragiste.
L’incertitude concer nant l’issue f nale de la transaction f ait que de nombreux
détenteurs préfèrent vendre leurs titres, motivés par l’inquiétude que les plus-values
générées par l’offre d’acquisition disparaissent pour une raison ou pour une autre.
Après une évaluation sérieuse des f acteurs intégrés dans la transaction, les in vestis-
seurs spécialisés dans l’arbitrage de fusion-acquisition achètent les actions de l’entre-
prise ciblée et vendent celles de l’entreprise acquéreuse, espérant prof ter de la dispa-
rition de l’écart lors de la clôture de la transaction. Comme l’arbitragiste détient des
positions acheteuses neutralisées par des positions vendeuses, la direction du marché
en général joue un rôle mineur dans la détermination des rendements de l’investis-
sement. Mais le résultat dépend de la capacité de l’arbitragiste à évaluer correctement
les facteurs liés à l’issue f nale de la transaction.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 233
100,0 %
90,0 %
Date de clôture
80,0 %
70,0 %
Date de l’annonce
60,0 %
40,0 %
10/12/98
10/12/98
12/21/98
1/4/99
1/18/99
2/1/99
2/15/99
3/1/99
3/15/99
110/26/98
11/9/98
11/23/98
Les ter mes de l’accord déf nitif prév oyaient un échange d’actions e xonéré
d’impôts dans lequel les actionnaires de Rubbermaid recevraient 0,7883 actions de
Newell à la date de clôture de la fusion, prévue début 1999. En achetant une action
Rubbermaid au cours de 31,81 dollars après l’annonce, et en v endant au même
moment 0,7883 action de Ne well à 43,25 dollars, les arbitragistes générèrent une
plus-value nette de 2,28 dollars par action. Si les entreprises concluaient la tran-
saction selon les termes de l’accord, les arbitragistes empochaient cette plus-value
à la clôture de la fusion. Au moment de la transaction, les arbitragistes débouclaient
leurs positions en li vrant les actions Ne well reçues en échange des actions Rubber -
maid af n de couvrir la vente à découvert initiée au départ sur les actions Newell.
Les calculs a posteriori illustrent les caractéristiques de rendement de la tran-
saction. Lorsque celle-ci fut clôturée, le 24 mars 1999, les arbitragistes ont empoché
l’écart de 2,28 dollars entre les deux actions après l’annonce, plus un léger rabais
de 0,57 dollar, soit un total d’environ 2,85 dollars. Les dividendes n’ont joué prati-
quement aucun rôle dans la transaction, ceux reçus sur l’action Rubber maid ayant
compensé ceux payés sur l’action Ne well. En se basant sur un eng agement initial
http://fribok.blogspot.com/
234 Gestion de portefeuilles institutionnels
de 31,81 dollars par action, la position a procuré une plus-v alue brute de 9 % sur
une période de cinq mois, ce qui donne un rendement annualisé de plus de 20 %1.
La fusion Newell-Rubbermaid s’est déroulée sans accroc, l’écart entre les deux
actions s’étant réduit semaine après semaine jusqu’à la clôture prévue. Mais tous
les arbitrages sur fusion-acquisition ne se déroulent pas aussi sereinement. La fusion
de septembre 1998 entre WorldCom et MCI Communications a commencé en
novembre 1996 par une proposition d’achat de MCI par BritishTelecommunications,
représentant la plus grosse transaction internationale jamais effectuée. Entre le début
des discussions concernant la fusion et sa réalisation f nale, les arbitragistes ont dû
batailler contre une pléiade de dif ficultés incluant les lois antitrust, les approbation
des autorités de régulation, les changements dans la stratégie de l’entreprise ciblée,
les difficultés opérationnelles créées par la fusion, les questions de politique inte -
nationale et la compétition entre acquéreurs concur rents2. Mais que la transaction
soit simple du déb ut à la f n ou qu’elle empr unte des chemins sinueux, les plus-
values empochées par les arbitragistes en fusion-acquisition dépendent beaucoup
plus de l’événement lui-même que de la direction du marché en général.
Dans le domaine des titres délaissés, les in vestisseurs orientés sur les opérations
de marché recherchent des oppor tunités sur les actions d’entreprises mettant en
œuvre leur restr ucturation. À cause de la comple xité des questions entourant la
faillite, de nombreux intervenants vendent leurs positions quel que soit le cours de
l’action, créant ainsi une opportunité de prof t pour les investisseurs plus courageux.
En évaluant le timing de sortie de crise de l’entreprise et en v alorisant le cours
espéré de l’action, les intervenants dans le domaine des actions délaissées génèrent
des plus-values dépendant davantage des événements liés au processus de f aillite
lui-même que du niveau global du marché.
Les stratégies basées sur les opérations de marché n’ont cependant pas le pouvoir
de protéger complètement les in vestisseurs des mouv ements de marché adv erses.
Dans le cas de l’arbitrage sur fusion-acquisition, des facteurs inf uençant le marché
1. Le montant du capital e xigé pour e xécuter la transaction sur Ne well Rubber maid v a
d’une valorisation agressive du cours de Rubbermaid moins la rémunération nette issue de
la vente à découvert de Newell (1313/16 - 2.28 = 11.5325), à une valorisation conservatrice
de la vente à découvert de Newell (.7883 x 43.26 = 34.10). Le choix de la valeur de l’action
Rubbermaid (3113/16) représente un positionnement intermédiaire.
2. L’histoire de la gestion de l’af faire MCI Communications/WorldCom par Farallon Capital
Management paraît dans Harvard Business Case N9-299-020, « Farallon Capital Manage-
ment: Risk Arbitrage », écrit par Rober t Howard et Andre Perold en février 1999. Le cas
d’étude décrit les ef forts finalement récompensés de Tom Ste yer, Da vid Cohen, et Bill
Duhamel dans leur navigation au sein des complications de cette extraordinaire transaction
de fusion/acquisition.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 235
http://fribok.blogspot.com/
236 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 237
http://fribok.blogspot.com/
238 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 239
Les gérants de fonds alternatifs 1 qui tentent de générer des rendements indé-
pendants des marchés se f xent généralement des objectifs modestes. Imaginez un
gestionnaire de fonds possédant un portefeuille constitué à mesure égale de positions
acheteuses et de positions vendeuses. Du point de vue du marché, les achats com-
pensent les v entes. Dans un marché haussier , les per tes sur les v entes à découv ert
sont équilibrées par les gains sur les achats. Dans un marché baissier, les pertes sur
les achats sont compensées par les gains sur les ventes à découvert. Un investissement
long/short bien équilibré échappe à la direction du marché.
La sélection des titres constitue la première source de plus-value pour les inves-
tisseurs long/short disciplinés. Dans la mesure où les gestionnaires identif ent des
positions acheteuses sous-évaluées et des postions vendeuses surévaluées, le porte-
feuille est prêt à bénéf cier de deux fois plus d’opportunités qu’a vec une gestion
classique strictement acheteuse.
Une deuxième source de plus-values pour les gestionnaires long/short vient des
revenus engrangés par les positions vendeuses. Les ventes à découvert rapportent des
liquidités qui sont rémunérées à un taux proche du marché monétaire. Bien que ce
rendement vienne s’ajouter aux plus-v alues de l’investisseur long/short, il s’avère
1. Nous rendons ici par « fonds alternatifs » l’expression « hedge funds » en rappelant au
lecteur que l’auteur écrit dans le cadre et la perspective des marchés américains (NdT).
http://fribok.blogspot.com/
240 Gestion de portefeuilles institutionnels
insuffisant pour justi er par lui-même l’application d’une stratégie d’in vestissement
long/short. Si un investisseur souhaite obtenir les rendements du marché monétaire ,
l’achat de parts d’un fonds monétaire fournit pour cela un mo yen plus direct, moins
coûteux et moins risqué.
Supposons que les gestionnaires de fonds long/short démontrent la même com-
pétence dans la sélection des titres que les gestionnaires traditionnels du premier
quartile de la classe des actions domestiques. Durant les dix années se terminant le
31 décembre 2006, l’uni vers du premier quartile des gestionnaires actifs af fich
une performance de 2,6 points de pourcentage supérieure à celle du marché1. Si un
gestionnaire long/short fournit des résultas identiques à ceux du premier quartile à
la fois sur la par tie acheteuse et sur la partie v endeuse de son por tefeuille, cette
sélection de titres procure une plus-value supérieure de 5,2 points de pourcentage
à celle du marché. L’ampleur des g ains supplémentaires attendus d’une sélection
judicieuse de titres est loin de dépasser les 10 points de pourcentage.
L’addition du taux d’intérêt à court terme rapporté par les ventes à découvert à
la valeur ajoutée par la sélection de titres donne le rendement brut de l’investissement
long/short. Sur la période de dix ans se ter minant le 31 décembre 2006, les taux
d’intérêt à cour t ter me ont rappor té en mo yenne 3,7 % par an. En combinant le
rendement supplémentaire de 5,2 points de pourcentage issu du premier quartile de
la sélection de titres avec celui du marché monétaire, on obtient un rendement total
de 8,9 % avant déduction des frais.
Les frais représentent une lourde char ge pour les gérants de fonds alter natifs.
Des frais de gestion de 1 % et une prime de performance de 20 % sur les prof ts
s’additionnent pour ôter 2,6 points de pourcentage au rendement br ut, donnant un
rendement net de 6,3 % pour l’investisseur2. Même avec une gestion active réussie
(comme on en trouve dans le premier quartile du classement des gestionnaires actifs),
les rendements nets re venant aux in vestisseurs d’un fonds alternatifs long/shor t
n’affichent qu’une légère supériorité par rappo t aux rendements du marché moné-
taire.
Dans le cas où des gestionnaires long/shor t démontrent des compétences
médiocres en matière de sélection de titres, les résultats sont déce vants. Observez
les performances des gestionnaires actions moyens. Pour les dix années se terminant
1. Russell/Mellon Analytical Ser vices four nit les données sur les gestionnaires utilisées
dans ce chapitre. L ’indice Russell 3000 représente le benchmark utilisé pour mesurer la
performance relative.
2. Commencez par un rendement brut de 8,9 %. Retirez-lui le 1,0 % de frais de gestion, ce
qui donne un rendement de 7,9 %. Prenez 20 % d’intéressement aux profits (0,2 x 7,9 = 1,6)
sur ce rendement, et vous obtenez un résultat net de 6,3 %.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 241
http://fribok.blogspot.com/
242 Gestion de portefeuilles institutionnels
ment/risque indique que les gestionnaires ont su exploiter avec fruit les anomalies
de marché1. Le pouvoir diversifiant du po tefeuille de fonds à performance absolue a
dépassé les attentes, ne démontrant pratiquement aucune cor rélation avec les actions
domestiques (0,02 par rapport à l’indice Wilshire 5000) ni a vec les ob ligations
domestiques (0,02 par rapport à l’indice Lehman Brothers Government Corporate).
1. Le ratio de Shar pe, une mesure du rendement généré par unité de risque, s’est éle vé à
1,8 pour le por tefeuille de fonds à perfor mance absolue de Yale durant les 17 ans de son
existence. En comparaison, les investissements passifs en actions et en obligations domes-
tiques ont affiché des ratios de Sha pe respectifs de 0,9 et 0,7 sur des périodes équivalentes.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 243
rachats d’entreprises avec effet de levier et de capital-risque parmi une liste relati ve-
ment bien déf nie d’alternatives acceptables, menant à une déf nition assez cohérente
du groupe de gestionnaires institutionnels en lice chaque année. Les véhicules d’inves-
tissement sur lesquels travaillent ces gestionnaires de participations non cotées écar-
tent toute possibilité de dég agement rapide. Les résultats des par ticipations non
cotées, bons ou mauvais, ne se révèlent qu’au terme du partenariat, indépendamment
du degré de conf ance des investisseurs envers les gestionnaires des fonds.
Les fonds ayant un objectif de performance absolue souf frent de formes particu-
lièrement aiguës de biais dus aux f aillites et aux nouveaux entrants, en plus d’une
instabilité élevée et d’un historique insuf fisant. Comme un nombre important d
nouveaux entrants (et aussi de moins nouv eaux) échoue, les sociétés aux perfor-
mances médiocres disparaissent. La jeunesse du secteur induit des f uctuations subs-
tantielles, car les gestionnaires affichant des perfo mances attractives entrent dans le
royaume de la reconnaissance par les institutionnels, ajoutant parfois des historiqu es
de résultats époustouf ants aux bases de données de les fonds a yant un objectif de
performance absolue. La liquidité de ce marché per met des entrées et des départs
rapides, générant l’instabilité de l’ensemble des données utilisées pour évaluer les
performances des gestionnaires.
Les statistiques des performances passées des fonds alternatifs n’enseignent
pas g rand-chose sur les caractéristiques de ce secteur relati vement nouv eau du
monde de l’investissement. Le biais dû aux faillites représente un problème multi-
forme pour les collecteurs de données historiques. Le f ait que les sociétés de ges-
tion aux résultats médiocres font plus souv ent faillite que celles dont les résultats
sont bons, conduit à surestimer les performances passées du secteur, car les com-
pilations de données du groupe de gestionnaires en acti vité à un moment donné
manquent inévitablement des informations provenant des sociétés de gestion ayant
fait faillite. Dans le monde bien établi et très documenté des titres cotés traditionnels,
le biais dû aux faillites est un prob lème signif catif mais mesurab le. Mais dans
l’univers beaucoup moins stable et documenté des fonds alternatifs, ce biais crée une
difficulté d’info mation plus grande.
Même lorsque les gestionnaires de bases de données essaient d’inclure les per-
formances de sociétés de gestion a yant fait faillite, l’historique des performances
reste incomplet. Comme la plupar t des compilateurs de données se reposent sur des
rapports de perfor mance venant des fonds alternatifs eux-mêmes, la f délité des
historiques dépend de l’intégrité de ces der niers. Comme les fonds alternatifs en
difficulté luttent pour rester dans le métie , la di vulgation des perfor mances à des
tiers fournisseurs de bases de données passe après les déf s quotidiens posés par la
gestion de la crise.
http://fribok.blogspot.com/
244 Gestion de portefeuilles institutionnels
Observez les rapports de LTCM, le fameux fonds alternatif qui faillit causer la
banqueroute du système f nancier international. D’après le New York Times, la base
de données de Tremont Capital Management, un des premiers four nisseurs de
bases de données concernant les fonds alternatifs, ne contient les performances de
LTCM que jusqu’à octobre 1997, presque un an avant son effondrement.
La performance de LTCM de son lancement à cette date (donc de mars 1994
à octobre 1997) s’éle vait à 32,4 % nets par an, ce qui représente un rendement
impressionnant pour des capitaux conséquents. De toute évidence, ces premières
performances de LTCM ont gonf é les résultats globaux de l’industrie des fonds
alternatifs. D’octobre 1997, qui constitue le dernier rapport de performance du fonds,
à octobre 1998, date de sa faillite, ses rendements (pour autant qu’on puisse encore
parler de rendements) furent de -91,8 %. Cette perte hallucinante n’apparaît nulle
part dans les précieuses données de Tremont.
L’abîme béant qui s’étend entre les 32,4 % par an rapportés par Tremont et les
-27 % par an ef fectifs produits par LTCM illustre le clivage existant entre la per -
ception et la réalité. L ’omission statistique de l’e xplosion de LTCM défor me les
historiques d’une manière qui trompe profondément les in vestisseurs en ce qui
concerne les caractéristiques de l’investissement dans les fonds alternatifs.
Les descriptions statistiques des rendements des fonds alternatifs souffrent souvent
non seulement du biais dû aux f aillites, mais également du biais dû aux nouv eaux
entrants et à leurs performances rétrospectives brillantes. Comme les fonds alternatifs
devenaient populaires dans les années 90, seuls les fonds démontrant des historiques
de performance satisfaisants se sont élevés au-dessus de la mêlée, attirant l’attention
des observateurs de marché et l’argent des investisseurs. Les fonds dont les perfor-
mances étaient médiocres se languissaient dans l’obscurité, ceux produisant des
rendements solides attiraient l’argent et les éloges, entrant dans l’univers des con-
seillers en investissement et propulsant les rendements de l’ensemble de l’industrie.
Dans de nombreux cas, les collecteurs de données ajoutèrent aux statistiques les per-
formances passées des champions récemment découverts, provoquant une améliora-
tion non représentative des performances passées de l’industrie dans son ensemble.
Ce biais rétrospectif f t que les données sur les performances des fonds alternatifs
surestimèrent la réalité de ce marché.
Les études universitaires qui analysent l’impact des biais dus aux f aillites et aux
nouveaux entrants en tirent des conclusions étonnantes. Dans une étude portant sur
3 500 fonds alternatifs et sur plus de dix ans, Ro ger Ibbotson, du Yale School of
Management, concluait que le biais dû aux faillites ajoutait 2,9 points de pourcentage
annuels aux rendements des fonds alternatifs, et que le biais dû aux nouveaux entrants
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 245
1. Roger G. Ibbotson and P eng Chen, “The A, B, Cs of Hedge Funds: Alphas, Betas, and
Costs”, Yale ICF Working Paper No. 06-10, Yale International Center for Finance, September
2006, 2.
2. Burton G. Malkiel and Atanu Saha, “Hedge Funds: Risk and Retur n”, Financial Analysts
Journal 61, no. 6 (2005): 82.
http://fribok.blogspot.com/
246 Gestion de portefeuilles institutionnels
existant entre le F actor Inde x et le HFRI, notant une cor rélation de 95 % entre
juin 2003 et juin 2006. Dans ses dépliants publicitaires, la banque d’investissement
suggère que le F actor Index procure une e xposition aux fonds alternatifs « d’une
manière moins coûteuse, plus transparente et plus liquide »1.
La notion d’investissement passif dans les fonds alternatifs met à mal la logique.
Le concept de fonds alternatif repose sur une tentative de neutralisation de l’exposi-
tion au marché. L’idée que les rendements des fonds alternatifs puissent être expliqués
et répliqués par un ensemb le passif d’indices de marché suggère que les gestion-
naires ne font pas leur travail et qu’ils trompent les investisseurs sur la marchandise.
Si les investisseurs veulent vraiment faire varier leur exposition aux composantes du
Factor Index de Merrill Lynch, ils n’ont qu’à modif er leurs allocations au S&P 500,
au Russell 2000, etc. Le succédané que constitue une exposition passive aux fonds
alternatifs ne peut en aucun cas entrer dans le portefeuille d’un investisseur sérieux.
Peut-être que l’e xemple le plus f agrant de l’e xposition des fonds alternatifs
aux forces qui dirigent le marché nous vient du gestionnaire traditionnel qui monte
simplement une structure de partenariat, la baptise « fonds alternatif », et se propose
de toucher une prime de performance de 20 %. Dans de telles situations, le gestion-
naire ne fait que recevoir 20 % des rendements du marché, une prime extrêmement
élevée pour un facteur sur lequel il ne peut e xercer aucun contrôle. Les structures
de rémunération équitables sont celles qui récompensent les gestionnaires pour avoir
ajouté de la valeur en manipulant des variables qui sont sous leur contrôle. Dans le
cas d’un fonds actions traditionnel pleinement in vesti, le gestionnaire ne devrait
être récompensé que de 20 % de la différence positive entre ses performances et celles
d’un benchmark tel que le S&P 500 pour un gestionnaire de grosses capitalisations
américaines, ou le EAFE pour un spécialiste des actions étrangères. Dansle cas où le
gestionnaire reçoit une partie des g ains qui dépassent un benchmark, il est récom-
pensé pour avoir ajouté de la v aleur. Malheureusement, les structures des fonds
alternatifs paient presque toujours les gestionnaires sur les plus-values brutes, ce qui
équivaut pour eux à une rente sans risque. Sans incitation à battre le marché, les
gestionnaires ne font que recevoir un pourcentage des gains générés automatiquement
par l’exposition au marché. La prime de performance substantielle imposée par les
structures de rémunération typiques des fonds alter natifs fait que la majorité écra-
sante de ces fonds ne sert pas les intérêts des investisseurs.
L’évaluation des rendements des fonds alter natifs exposés au marché pose des
problèmes presque insurmontables, déf ant même les investisseurs les plus sophis-
1. “Merrill Lynch Factor Index. An Alternative to Investable Hedge Fund Indices”, Merrill
Lynch, Global Markets and Investment Banking Group, September 2006.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 247
tiqués. Discerner l’impact des vents portants (ou contraires) du marché de l’infuence
de la compétence (ou du manque de compétence) dans la sélection des titres s’a vère
être incroyablement difficile, su tout dans le cas où le gestionnaire investit sur un large
éventail de marchés et ef fectue des ajustements fréquents de l’e xposition. Mais
quel que soit le niveau de discernement des investisseurs cherchant à se repérer dans
l’univers des fonds alter natifs exposés au marché, le gestionnaire appliquant les
normes de rémunération usuelles dans cette industrie reçoit une partie des rendements
générés par la seule acti vité du marché, ce qui représente une récompense injuste
pour des gains sur lesquels il n’exerce aucun contrôle.
La convergence d’intérêts
http://fribok.blogspot.com/
248 Gestion de portefeuilles institutionnels
Résumé
Les stratégies de performance absolue e xigent une gestion acti ve, car sans
accepter le risque de marché ni identif er des anomalies dans les cours des titres,
les investisseurs ne peuvent s’attendre qu’à des rendements monétaires. Comme la
définition des fonds yant un objectif de performance absolue repose sur une
absence de corrélation avec les titres cotés traditionnels, l’exploitation des anomalies
de certains titres for me la base de cette classe d’actifs. Les gestionnaires orientés
sur les opérations de marché génèrent des plus-v alues en menant des recherches
approfondies dans des domaines comple xes de l’ensemb le des oppor tunités
qu’offrent les marchés, des segments souvent négligés par la masse des anal ystes.
Les gestionnaires orientés sur la valeur essaient d’ajouter de la valeur en identif ant
des titres sur ou sous-évalués, créant ainsi des portefeuilles dont les positions ache-
teuses et vendeuses neutralisent l’exposition au marché. Les portefeuilles de fonds
1. Kevin Mirabile and Rosemarie Lak eman, Observations on the Rapid Gr owth of the
Hedge Fund Industry, Barclays Capital, 2004, 2.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 249
http://fribok.blogspot.com/
250 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les actifs réels sont des véhicules d’in vestissement qui démontrent une for te
corrélation a vec l’inf ation. De nombreux in vestisseurs, y compris des fonds de
réserve de l’enseignement supérieur, recherchent une protection contre l’inf ation
afin de stabiliser leurs act vités budgétaires sensibles à l’inf ation. Les actifs réels
incluent les obligations d’État indexées sur l’inf ation, l’immobilier, l’exploitation
forestière, ainsi que le pétrole et le gaz naturel.
Le niveau de protection contre l’inf ation varie selon le type d’actifs réels. Les
obligations d’État indexées sur l’inf ation (TIPS en américain) suivent avec précision
l’inflation, au moins telle qu’elle est mesurée par l’indice des prix à la consommatio .
Les réserves de pétrole et de gaz naturel sont valorisées en relation directe avec le
prix de l’énergie, qui représente une composante impor tante de la mesure de l’inf a-
tion. L’exploitation forestière entretient une relation similaire a vec l’indice des prix,
bien que le bois joue un rôle beaucoup moins important que l’énergie dans l’augmen-
tation générale des prix. Les biens immobiliers sont moins directement cor rélés à
l’inflation que des denrées telles que l’éne gie et le bois, mais lorsque les marchés
immobiliers sont à l’équilibre, un lien très fort existe entre l’immobilier et l’inf ation.
Mis à part le fait de protéger les portefeuilles contre l’inf ation, les actifs réels
procurent de hauts niveaux de cash f ow et (dans la plupart des cas) des rendements
espérés attractifs. Contrairement aux indices des matières premières, qui n’apportent
à l’investisseur qu’une e xposition aux f uctuations des cours, des in vestissements
en actifs réels bien structurés et cor rectement sélectionnés apportent cette même
exposition assortie d’un taux de rendement intrinsèque. Par exemple, les achats de
réserves de pétrole et de gaz naturel des deux dernières décennies ont généré des taux
de rendement à deux chiffres bien supérieurs à l’augmentation du prix de l’énergie
durant cette période. Le taux de rendement intrinsèque s’ajoute aux f uctuations de
cours.
À l’avenir, le choix d’actifs réels pourrait s’étendre au-delà des investissements
conservateurs dans les TIPS ou des investissements à haut rendement dans l’immo-
bilier, le pétrole et le g az, ou l’exploitation forestière. L’exposition aux seules varia-
tions de cours présente peu d’intérêt pour l’investisseur sensé, car les plus-values à
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 251
long ter me sont à peu près ég ales aux taux d’inf ation. Les TIPS procurent des
rendements semblables à l’inf ation avec beaucoup moins de risque que les investis-
sements en matières premières. Les achats de réserves de pétrole et de gaz, ainsi que
les investissements forestiers, procurent aux investisseurs une exposition aux cours
des matières premières et un taux de rendement intrinsèque, dépassant ainsi la seule
exposition aux f uctuations des cours. Si les marchés procurent à l’a venir d’autres
opportunités liées aux matières premières, per mettant à la fois de tirer parti de
l’exposition aux f uctuations de cours et de recevoir un taux de rendement intrinsèque,
alors ces actifs pourraient s’élever au rang d’alternatives intéressantes.
Les actifs réels jouent un rôle important dans les portefeuilles, particulièrement
pour les in vestisseurs qui sont aux prises a vec des contraintes de b udget liées à
l’inflation. Le pou oir de diversification enant de la corrélation avec l’inf ation et
le taux de rendement intrinsèque généré en plus de l’exposition aux f uctuations de
cours, plaide pour une allocation signif cative aux actifs réels.
http://fribok.blogspot.com/
252 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 253
La convergence d’intérêts
Les TIPS partagent avec les obligations ordinaires du Trésor un équilibre entre
les intérêts du débiteur et ceux des créanciers. Contrairement à la relation entre les
emprunteurs et les prêteurs du secteur privé, dans laquelle les emprunteurs cherchent
leur prof t au détriment des prêteurs, le gouv ernement essaie de mettre en place
une relation équitable entre les deux partenaires de la transaction.
En promouvant les TIPS, le Département du Trésor en souligne les avantages à
la fois pour le créancier et pour le débiteur. Du point de vue du créancier, les TIPS
apportent une contrib ution remarquable à tout por tefeuille diversifié. Et du poin
de vue du débiteur, les TIPS « permettent au Trésor d’élargir sa base d’investisseurs
et de diversifier ses risques de nancement »1. Cette approche équitable différencie
le gouvernement américain des emprunteurs pri vés qui cherchent à tout prix leur
profit xclusif.
http://fribok.blogspot.com/
254 Gestion de portefeuilles institutionnels
Résumé
Bien que les TIPS ne représentent que 17 % de la totalité des obligations du Trésor,
leur sensibilité à l’inf ation constitue un ajout attractif à l’ensemb le des outils dispo-
nibles aux investisseurs. Soutenus par la garantie absolue du gouvernement, les TIPS
servent de benchmark aux autres investissements sensibles à l’inf ation.
L’immobilier
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 255
http://fribok.blogspot.com/
256 Gestion de portefeuilles institutionnels
remplacement d’un actif. Si la valeur de marché d’un actif immobilier dépasse son
coût de remplacement, la mise en œuvre de la construction d’un tel produit se trouve
justifiée économiquement. En clai , dans de telles circonstances, le taux de rende-
ment e xprimé en pourcentage du coût d’un immeub le nouv ellement constr uit
dépasserait celui d’un immeub le existant au prix d’achat plus éle vé, créant ainsi
une incitation à construire des immeubles neufs aux rendements plus conséquents.
À l’inverse, si le coût de remplacement dépasse la v aleur de marché, la construction
de nouveaux immeubles n’a plus aucun sens. Dans une telle situation, le taux de
rendement par rapport au coût de constr uction est inférieur à celui d’immeub les
existants moins coûteux à l’achat. Au lieu de faire constr uire, les inter venants
rationnels achètent des biens e xistants, faisant ainsi monter les prix au-dessus du
coût de remplacement.
Le ratio « q » de Tobin s’avère particulièrement utile sur le marché immobilier,
car le coût de remplacement constitue une variable facile à déterminer. Bien que le
ratio « q » fournisse un aperçu sur la valorisation individuelle d’une entreprise, d’un
segment de marché plus large ou même de la totalité du marché actions, les difficulté
liées au calcul du coût de remplacement d’entreprises actuelles aux str uctures com-
plexes et étendues s’a vèrent insurmontables. À l’in verse, l’évaluation du coût de
construction d’un centre commercial de banlieue ou d’un immeuble de bureaux en
centre-ville s’avère beaucoup plus simple. En fait, de nombreux investisseurs expéri-
mentés évaluent le coût de remplacement d’un bien immobilier puis utilisent ce prix
comme critère d’investissement lorsqu’ils achètent des biens immobiliers.
1. Les REIT sont des fonds immobiliers cor respondant peu ou prou aux SCPI (sociétés
civiles de placement immobilier) de droit français (NdT).
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 257
immobiliers1. Les REIT servent de structure de transition dans laquelle les revenus
sont incor porés aux actions sans être taxés, puis transférés aux actionnaires qui
prennent sur eux la responsabilité de les déclarer à l’Administration f scale. Les
REIT existent aussi bien sur le marché public que sur le marché privé.
Même si les véhicules d’in vestissement immobilier échangés sur le marché
public et sur le marché pri vé exposent les investisseurs au marché immobilier, les
titres traités sur le marché public s’échangent souvent à des prix qui dévient de leur
valeur réelle. Green Street Advisors, un b ureau de recherches très en vue qui se
concentre sur les titres du secteur immobilier du marché pub lic, a pour habitude
d’étudier les anomalies entre le prix du marché et la v aleur réelle. Les résultats sont
époustouf ants pour les investisseurs. En 1990, selon l’estimation de Green Street,
les titres du secteur immobilier se traitaient à –36 % de leur valeur réelle. En 1993,
le marché actions s’est retourné, valorisant les titres du secteur immobilier à 28 %
de plus que leur valeur réelle. Le mouvement de yoyo a continué. Fin 1994, le rabais
atteignait 9 % tandis qu’en 1997, les in vestisseurs sur le marché actions pa yaient
une prime de 33 % par rapport à la valeur réelle. À la f n des années 90, un marché
médiocre pour les actions du secteur immobilier (qui coïncidait à un marché puis-
samment haussier pour toutes les autres actions) a conduit les v alorisations à –20 %
de la v aleur réelle, un ni veau atteint déb ut 2000. Et quand les autres secteurs du
marché actions sont entrés en territoire baissier, les titres du secteur immobilier ont
connu un rallye haussier qui les a menés à une prime de 22 % par rapport à la valeur
réelle début 2004. Fin 2006, ce segment de marché se tenait à peu près à l’équilibre ,
affichant une prime modeste de 2 % par rapport à la v aleur réelle 2. Les variations
importantes entre les cours et la valeur réelle sur les marchés publics a diminué la
corrélation entre les rendements des actifs échangés sur les marchés pub lics et
ceux des actifs détenus sur les marchés privés3.
Les anomalies entre les cours et la v aleur réelle per turbent les inter venants à
court terme, car la prime payée lors de l’achat et l’éventuel rabais consenti lors de
la vente détériorent les rendements. Pour les investisseurs avisés, les déviations entre
les cours et la valeur réelle permettent des achats à bon compte et des ventes sur les
plus hauts af n d’améliorer les performances du por tefeuille. Les in vestisseurs à
plus long ter me sont moins confrontés aux prob lèmes concernant les cours et la
1. National Association of Real Estate In vestment Trusts, “Forming and Operating a Real
Estate Investment Trust”, http://www.nareit.com/aboutreits/formingaREIT.cfm.
2. Marc Cardillo, Rober t Lang, Maggie P atton, and Andrew Heath, “U.S. Real Estate and
REIT Investing. Executive Summary”, Cambridge Associates, 2007.
3. Green Street Advisors, “REIT Share Price Premiums to Green Street N AV Estimates”,
http://www.greenstreetadvisors.com/premnav.html.
http://fribok.blogspot.com/
258 Gestion de portefeuilles institutionnels
valeur réelle, car sur un horizon d’in vestissement plus éloigné, les variations à court
terme comptent moins. Les in vestisseurs attentifs soit e xploitent les dif férences
entre les cours et la valeur réelle, soit moyennent à la baisse af n d’entrer et de sortir
du marché lorsque celui-ci dévie substantiellement de la valeur réelle.
Bien que des exceptions existent, les titres du secteur immobilier traités sur les
marchés publics procurent en général une exposition peu onéreuse à des ensembles
d’actifs immobiliers de relati vement bonne qualité. Les anomalies entre les cours
et la valeur réelle créent pour les investisseurs des opportunités de bâtir des porte-
feuilles en prof tant de prix attractifs. Lorsque les REIT tombent en déf aveur, les
analystes expliquent pourquoi les actions du secteur traitées sur les marchés pub lics
méritent un rabais par rapport aux actifs pri vés, avec des justif cations allant de
l’illiquidité à l’incompétence des dirigeants, en passant par les frais d’entrée prohi-
bitifs ou la rigidité structurelle des REIT . Lorsque les REIT sont très recherchés,
les mêmes anal ystes prétendent que les véhicules accessib les au pub lic méritent
une prime pour de bonnes raisons comme la liquidité (sic !), l’expertise du mana-
gement, les économies d’échelle et les a vantages de la structure juridique des REIT.
Indépendamment de la mode du moment, les investisseurs sensés favorisent les REIT
lorsqu’ils s’échangent avec un rabais par rapport à la valeur du marché privé, et les
évitent lorsque leurs actions sont vendues avec une prime.
La gestion active
Les inefficiences de prix créent des oppo tunités pour la gestion acti ve. Les
investisseurs augmentent les rendements et diminuent le risque en e xerçant un
jugement critique dans la sélection des actifs et en enquêtant sur la compétence des
gérants des biens immobiliers.
L’immobilier se prête à la gestion acti ve car les anomalies de prix créent pour
les investisseurs avisés des opportunités de prof ts. La tâche qui consiste à identi-
fier les biens sur ou sous-é alués n’est pas insurmontab le, car les v alorisations
dépendent de variables facilement observables. Le calcul du coût de remplacement
pour un actif fournit une information importante sur la valeur d’un immeuble bien
placé. Les infor mations sur les lo yers actuels, combinées aux projections sur les
loyers futurs et à une estimation de la valeur intrinsèque, fournissent un aperçu des
rendements facile à analyser. Les ventes de biens comparables fournissent des don-
nées f ables sur la v olonté des investisseurs d’acheter les murs ou d’encaisser les
loyers. Les décisions de gestion active pour l’immobilier sur la base des caractéris-
tiques fondamentales du coût de remplacement, des rendements enre gistrés et des
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 259
ventes d’actifs similaires, procurent des points de référence clairs dont on ne peut
pas disposer pour la plupart des autres classes d’actifs.
http://fribok.blogspot.com/
260 Gestion de portefeuilles institutionnels
par rapport au coût de remplacement, et qu’une forte demande du côté des locataires
présage de rendements futurs plus élevés que les bas rendements actuels, alors les
investisseurs contrarien proposent leurs immeubles à la vente.
L’exemple frappant de l’immeub le Sony, doté d’aménagements luxueux 1, pro-
mettait un rendement plus que satisf aisant accompagné de la protection d’un prix
d’achat très inférieur à son coût de remplacement.
En fait, Les caractéristiques attracti ves de l’achat de l’immeub le Sony se sont
traduites par des résultats d’in vestissement tout aussi attractifs. Quand Douglas
Emmett transforma les actifs immobiliers de sa société en REIT, en octobre 2006,
chaque actif fut l’objet d’une évaluation de la part d’un expert indépendant, af n de
valider la v alorisation des actions du REIT . En se basant sur la v aleur estimée,
l’immeuble Sony (qui s’appelle maintenant Studio Plaza) a généré un rendement de
plus de 20 % par an depuis son acquisition. Les clients de Douglas Emmett ont
engrangé de belles plus-v alues g râce à son instinct contrarien et à son e xpertise
dans la gestion immobilière.
1. Peter Guber et Jon P eters, les deux présidents de Son y Pictures à l’époque, a vaient fait
aménager somptueusement les deux derniers étages de l’immeuble pour un coût de plusieurs
centaines de dollars au mètre carré. Ces améliorations étaient incluses dans le prix d’achat.
Le risque limité de cette acquisition, accompagné de son potentiel de hausse, créait une
source de revenus intégrant des caractéristiques d’investissement extrêmement attractives.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 261
http://fribok.blogspot.com/
262 Gestion de portefeuilles institutionnels
La convergence d’intérêts
Dans le domaine des REIT échangés sur les marchés pub lics, les investisseurs
sont confrontés au même type de questions sur la convergence des intérêts que celles
qui s’appliquent aux autres actions cotées. Comme pour l’ensemb le du marché
actions, les intérêts des actionnaires et des dirigeants coïncident généralement,
mais imparfaitement.
Dans le monde des véhicules d’investissement privé dans l’immobilier, les inves-
tisseurs sont face à tout un éventail de structures d’investissement. À l’une des extré-
mités, les gestionnaires de qualité perçoivent des rémunérations f xes qui ref ètent les
coûts de gestion d’une société d’investissement, des primes de performance sur les
profits dépassant le l yer de l’ar gent, et in vestissent leurs capitaux aux côtés de
ceux de leurs clients. À l’autre e xtrémité, les gestionnaires moins intèg res facturent
des rémunérations f xes élevées, perçoivent des primes de performance calculées sur
la plus-value brute, et n’investissent que l’argent de leurs clients.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 263
Résumé
En termes de rendement et de risque, l’immobilier se trouv e entre les actions et
les obligations. La nature hybride des caractéristiques de cet investissement corres-
pond aux traits fondamentaux de l’immobilier. P ar nature sensib le à l’inf ation,
l’immobilier procure une diversification intéressante aux portefeuilles des i vestis-
seurs.
Les investisseurs dans le domaine de l’immobilier jouissent de la possibilité de
choisir entre les véhicules d’in vestissement privés ou échangés sur des marchés
publics. Bien que des opportunités intéressantes existent aussi bien dans le privé que
dans le public, les investisseurs attentifs sont très vigilants par rappor t aux systèmes
de rémunération et à la qualité du gestionnaire.
http://fribok.blogspot.com/
264 Gestion de portefeuilles institutionnels
La gestion active
Les acquisitions de réserves de pétrole et de gaz par des gestionnaires actifs de
talent procurent aux investisseurs l’opportunité de s’exposer au prix de l’énergie et
d’empocher un taux de rendement intéressant. Merit Ener gy Compan y, fondée
en 1989 par Bill Gayden, un ancien collègue de Ross Perot, a réussi à tenir la double
promesse de rendements éle vés issus de transactions ef fectuées avec discipline et
d’une large diversification du po tefeuille exposé au prix de l’énergie.
Merit acquiert habituellement des réserv es de pétrole et de g az à risque faib le
en se basant sur des hypothèses de rendement de 12 à 14 % par an sans tenir compte
des fluctuations du prix de l’éne gie. Par une remarquable similitude entre ses hypo-
thèses et la réalité des faits, de 1990 à 2005, Merit a procuré des rendements nets de
19,2 % par an, qui comprenaient 12,2 points de pourcentage v enant des dividendes,
2,1 points de l’amélioration de la gestion et du dév eloppement, et 4,9 points de
l’augmentation des prix de l’énergie.
Très probablement, les investisseurs sur les contrats à terme ref étant le prix de
l’énergie n’auraient obtenu qu’un rendement d’à peine 5 % par an dû à l’augmenta-
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 265
tion du prix. Ceux qui investissent dans les programmes d’acquisition de réserves per-
çoivent des rendements à deux chiffres allant bien au-delà des simples fuctuations de
prix, ce qui domine largement les résultats des investisseurs sur contrats à terme.
La convergence d’intérêts
Le vieux dicton selon lequel les in vestisseurs sensés ne prêtent aucune atten-
tion aux propositions de Wall Street dans le domaine de l’éner gie car toutes les
bonnes affaires viennent de Houston (Texas), contient une part de vérité. Les parte-
nariats de str ucture médiocre abondent dans le secteur du pétrole et du g az. Des
opérateurs sans scrupules prof tent de la naïv eté des investisseurs en exploitant la
complexité de concepts spécif ques à cette industrie tels que les primes sur perfor-
mance nette, les ro yalties anticipées, les re venus du capital, les intérêts sur le
revenu net, et les intérêts sur opérations. Ceci dit, en suivant des principes de négo-
ciation sains et sensés, incluant un haut ni veau d’investissement de la part du pro-
moteur, les investisseurs créent l’opportunité de jouir d’avantages signif catifs dans
leur participation aux réserves de production de pétrole et de gaz.
1. Matt Terrien, “Investing in Direct Energy: A Diversification Tool for Portfolios”, (Prepa-
red for Merit Energy Company) Ibbotson Associates, 11 October 1999.
http://fribok.blogspot.com/
266 Gestion de portefeuilles institutionnels
Résumé
Les investissements dans le domaine de l’énergie procurent une excellente diver-
sification pour les portefeuilles institutionnels, car le prix de l’éne gie démontre une
corrélation négative avec les titres traditionnels sur de longues périodes. La seule
exposition aux f uctuations de prix, telle qu’elle peut être obtenue par l’achat de
contrats à terme, se révèle coûteuse pour un rendement espéré assez faible. Les inves-
tisseurs sensés optent pour les pro grammes d’achat de réserv es qui proposent une
exposition aux f uctuations de prix (ce qui représente une di versification) et de
rendements à deux chiffres. Peut-être plus que dans n’importe quelle autre activité
d’investissement, les participants doivent se méf er des opérateurs véreux aux str uc-
tures de rémunération opaques et prohibitives.
L’exploitation forestière
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 267
http://fribok.blogspot.com/
268 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Estimé par Price waterhouse Coopers et Urban Land Institute en 2005. Le chif fre de
3 500 milliards de dollars exclut les résidences familiales occupées par leur propriétaire, de
même que les biens immobiliers appar tenant aux entreprises, aux or ganisations sans but
lucratif et aux instances gouvernementales.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 269
http://fribok.blogspot.com/
270 Gestion de portefeuilles institutionnels
conduit à une baisse de la demande pour le contreplaqué et les troncs épais qui
servent à le fabriquer.
La dynamique internationale affecte l’offre et la demande de bois, car les impor -
tations et les exportations de produits f nis jouent un rôle déterminant dans le cours
du bois. Bien qu’environ 11 % de l’abattage américain soit exporté, les importations,
principalement en provenance du Canada, représentent presque 25 % de la consom-
mation nationale en produits forestiers. Les f uctuations de cours du dollar canadien
par rapport au dollar américain inf uencent fortement l’exploitation forestière améri-
caine et le cours du bois.
La gestion active
Les investissements en exploitation forestière suivent deux principes qui sous-
tendent tous les investissements en actifs réels. Tout d’abord, les prix au rabais contri-
buent à des rendements ajustés au risque éle vés. Dans le cas du bois, les in vestis-
seurs recherchent des rabais substantiels au mètre cube de bois sur pied. Ensuite,
les opportunités de création de valeur indépendantes des f uctuations des cours des
marchés f nanciers ou des matières premières ajoutent encore à l’attracti vité des
investissements dans la forêt.
La gestion active joue un rôle moins essentiel dans l’immobilier , l’énergie ou
l’exploitation forestière que dans le domaine des in vestissements illiquides dans les
opérations de rachat d’entreprise avec effet de levier ou du capital-risque. Comme
les actifs eux-mêmes motivent une part importante des rendements de l’immobilier,
de l’éner gie et de l’e xploitation forestière, les in vestisseurs perçoi vent des rende-
ments même en l’absence de gestion active experte. À l’inverse, sans cette expertise
dans la gestion active, les investissements en capital-risque n’ont aucun sens.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 271
finis peu ent dépasser la sensibilité de court terme à l’inf ation, décevant les investis-
seurs en forêts souhaitaient une protection contre l’inf ation.
La convergence d’intérêts
Les or ganisations de gestion de l’in vestissement en e xploitation forestière
(Timber Investment Management Organizations ou TIMO) fournissent un véhicule
par lequel les investisseurs peuvent s’exposer à ce marché. Dans les années 90, lorsque
les investisseurs institutionnels ont commencé à s’intéresser aux forêts, les TIMO
existantes avaient toutes sor tes de prob lèmes. Nombre d’entre elles étaient la pro-
priété de grandes banques ou de compagnies d’assurance, ce qui créait la possibilité
d’un conf it d’intérêts entre le conglomérat fnancier et l’investisseur institutionnel.
Limitant encore l’attracti vité du secteur , cer taines TIMO utilisaient des modèles
d’allocation peu attrayants, allouant les parcelles à des investisseurs spécif ques sur
une base « premier arrivé/premier servi », ou d’après une évaluation subjective des
besoins et des préférences du client. P eu de TIMO possédaient une structure
rationnelle.
Aujourd’hui, un certain nombre de TIMO cor respondent aux critères institu-
tionnels, avec des or ganisations indépendantes proposant des fonds communs de
placement bien structurés incluant des termes de négociation équitab les. Même
ainsi, les investisseurs doivent continuer à discerner et à éviter les déf cits structurels
qui plombaient l’industrie de la gestion forestière dans les années 90.
Résumé
L’exploitation forestière offre aux por tefeuilles institutionnels une oppor tunité
de réaliser des rendements ajustés au risque éle vés et une cer taine de protection
contre l’inf ation. Comme les investissements dans l’immobilier et l’énergie, la forêt
procure une protection contre l’inf ation sans pour autant être accompagnée des
coûts d’opportunité signif catifs que représente l’investissement dans les TIPS.
http://fribok.blogspot.com/
272 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les coupes claires dans les e xploitations forestières procurent un appor t subs-
tantiel de liquidités similaire aux caractéristiques de niveaux de revenus élevés des
autres actifs réels. Les inef ficiences du marché illiquide du bois créent pour le
gestionnaires actifs de talent des opportunités d’ajouter de la valeur. L’exploitation
forestière représente un aspect important et précieux des possibilités d’investissement
institutionnel.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 273
Malgré les différences entre l’orientation vers les hautes technologies affiché
par le capital-risque et la préférence pour les entreprises matures manifestée dans
le domaine des opérations de rachat d’entreprises a vec effet de le vier, les études
sur les participations non cotées incluent les deux. En plus de leurs caractéristiques
partagées d’illiquidité et de haut potentiel de rendement, ces deux for mes d’investis-
sement couvrent un éventail d’activités qui les rapprochent des titres cotés.
Les opérations de rachat d’entreprise a vec effet de levier réagissent à de nom-
breux facteurs identiques à ceux qui inf uencent les titres cotés. En f ait, dans les
transactions motivées par la seule ingénierie f nancière, les opérations de rachat
d’entreprise avec effet de levier représentent simplement des super-actions, l’effet
de levier amplif ant (pour le meilleur et pour le pire) les performances affichées pa
telle ou telle entreprise. P ar exemple, lorsque Warburg Pincus privatisa Bausch &
Lomb en 2007 lors d’une transaction de rachat d’entreprise a vec effet de levier, la
nature fondamentale de cette entreprise de production de biens de consommation
demeura la même. Bausch & Lomb continua à être, selon ses propres ter mes,
« une entreprise orientée sur la santé des y eux, consacrée au perfectionnement de
la vision et à l’amélioration de la vie des consommateurs du monde entier »1. La
valorisation de l’entreprise continua de réagir aux changements dans la demande
des consommateurs, au prix des matières premières, à l’efficacité dans la productio
et à la législation en vigueur . La similitude entre l’ancienne entreprise Bausch
& Lomb et la nouvelle entreprise non cotée Bausch & Lomb suggère que les inves-
tisseurs doivent s’attendre à un niveau élevé de corrélation entre les titres cotés et
les fonds spécialisés dans les opérations de rachat d’entreprise avec effet de levier.
Bien que les premières étapes du capital-risque démontrent peu de liens a vec
les titres cotés, les étapes suivantes de ce type d’investissement dépendent beaucoup
du marché actions. Ces dernières étapes four nissent des capitaux à des entreprises
proches d’être introduites en bourse ou d’être v endues, dans l’attente que le marché
soit prêt ou qu’un acheteur intéressant se manifeste. L’activité du marché inf uence
le prix auquel les capital-risqueurs entrent dans l’entreprise, et joue un rôle encore
plus essentiel dans le prix auquel ils vont pouvoir sortir de leur position.
Même les valorisations des premières étapes réagissent d’une manière ou d’une
autre aux conditions du marché actions. Lorsque des entrepreneurs démar rent une
entreprise dans un secteur industriel f avorisé par le marché actions, les capital-
risqueurs paient une prime pour pouv oir par ticiper. À l’in verse, des entreprises
opérant dans des secteurs moins à la mode reçoivent des valorisations moins élevées,
procurant aux investisseurs des points d’entrée plus attractifs. À mesure que l’entre-
1. “Warburg Pincus Completes Acquisition of Bausch & Lomb”, Bausch & Lomb
newsroom. www.bausch.com, 26 October 2007.
http://fribok.blogspot.com/
274 Gestion de portefeuilles institutionnels
prise mûrit, les conditions du marché actions inf uencent de plus en plus les valori-
sations du capital-risque.
Sous leur forme la plus simple, le capital-risque et les fonds spécialisés dansles
opérations de rachat d’entreprises avec effet de levier représentent une façon plus
risquée de s’exposer au marché actions. Le fort effet de levier inhérent aux rachats
d’entreprise avec effet de le vier et l’immaturité des entreprises concer nées par le
capital-risque font que les investisseurs encourent un plus grand risque fondamental
et exigent des rendements plus élevés.
De manière étrange, les performances historiques ne ref ètent pas cette espé-
rance de rendements plus élevés, alors que les mesures à la fois de la corrélation et
du risque sont inférieures aux attentes. Malheureusement, les rendements médiocres
des participations non cotées ref ètent probablement la réalité alors que la corrélation
et le risque inférieurs aux attentes ne constituent qu’un artifice statistique. ’illiquidité
masque la relation entre les facteurs fondamentaux de la valeur d’une entreprise et
sa valeur de marché, ce qui f ait paraître artificiellement él vé le pouvoir diversifian
des participations non cotées. Si deux entreprises identiques ne diffèrent que par la
forme de leur organisation (l’une non cotée et l’autre cotée sur un marché pub lic),
l’entreprise non cotée, moins souvent et moins agressivement valorisée, va sembler
beaucoup plus stable que l’entreprise cotée, particulièrement dans un monde où les
marchés actions af fichent une olatilité excessive. Même si les deux entreprises
réagissent de la manière identique aux facteurs fondamentaux de la valorisation d’une
société, l’entité non cotée, moins v olatile, paraît démontrer des caractéristiques de
risque plus intéressantes, uniquement sur la base de mesures imparfaites de la véri-
table volatilité sous-jacente de l’entreprise. Non seulement l’absence d’infor mations
quotidiennes sur la valorisation réduit le niveau de risque affiché, mais l’entrepris
non cotée manifeste de fausses caractéristiques de diversification à cause du manqu
de cor rélation entre ses f uctuations et celles de l’entreprise cotée plus souv ent
valorisée.
Bien qu’une bonne part de la « diversification » observée pour les par ticipations
non cotées vienne des v alorisations plus rares de cette classe d’actifs, un cer tain
manque de corrélation entre les actifs non cotés et les actifs cotés résulte desstraté-
gies orientées sur la valeur ajoutée suivies par les entreprises non cotées. Imaginez le
cas d’un garage f nancé par le capital-risque. À mesure que l’entreprise développe
ses produits, fait des v entes et de vient prof table, la création de v aleur s’effectue
indépendamment de l’activité du marché actions. Comme les perfor mances de la
création d’entreprise ont principalement trait à l’acti vité des sociétés en question,
les investissements en capital-risque procurent une relative diversification par rappo t
aux titres cotés traditionnels.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 275
http://fribok.blogspot.com/
276 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 277
Observez deux décennies de performances des fonds spécialisés dans les rachats
d’entreprise avec ef fet de le vier. Pour les fonds constitués à partir de 1985, les
investisseurs ont perçu un rendement moyen décevant de 7,3 % par an. En compa-
raison, le S&P 500 a affiché une perfo mance de 11,9 % par an. Les performances
du premier quartile des fonds spécialisés dans les rachats d’entreprise avec effet de
levier atteignent deux chif fres avec 16,1 % par an, alors que les performances du
troisième quartile sont de –1,4 %. Les perfor mances moyennes des opérations de
rachat d’entreprise avec effet de levier ne suppor tent pas la comparaison a vec les
titres cotés qui ont procuré des rendements plus élevés avec un risque inférieur1.
La recherche universitaire soutient cette notion selon laquelle les participations
non cotées produisent en général des perfor mances médiocres. Steven Kaplan, de
la Graduate School of Business de l’Uni versité de Chicago, et Antoinette Schoar,
de la Sloan School of Management du MIT, dans une étude datant d’août 2005 sur
la performance des participations non cotées, concluent que « les rendements nets
de frais des fonds de LBO sont légèrement inférieurs à ceux du S&P 500 »2. L’étude
couvre la période allant de 1980 à 2001. Les performances indiquées par l’étude de
Kaplan et Schoar de vraient décourager les in vestisseurs potentiels en participations
non cotées. Les auteurs ne tenant pas compte de l’effet de levier, l’échec des fonds
spécialisés dans les rachats d’entreprise avec effet de levier à battre le marché actions
ajoute l’insulte d’un risque plus élevé à la blessure d’une performance médiocre.
Les investisseurs en fonds spécialisés dans les rachats d’entreprise avec effet de
levier perçoi vent des rendements ajustés au risque misérab les depuis vingt ans.
Comme les seules différences matérielles entre les fonds spécialisés dans les rachats
d’entreprise avec effet de le vier et les entreprises cotées tiennent à la nature de
l’actionnariat (privé ou public) et à la structure capitalistique (effet de levier ou non),
la comparaison entre les rendements des fonds spécialisés dans les rachats d’entre-
prise avec effet de levier et du marché actions est per tinente, au moins comme point
de départ. Mais, comme les positions des fonds spécialisés dans les rachats d’entre-
prise avec effet de levier plus risquées devraient générer des rendements plus élevés,
les investisseurs sensés reculent devant le déf cit relatif de l’industrie des opérations
de rachat d’entreprises avec effet de levier par rapport aux marchés ouverts au public.
En ajustant les rendements au risque, les titres cotés rempor tent une victoire
écrasante.
1. 2006 In vestment Benc hmarks Report: Buyouts and Other Private Equity , Ne w York,
Thomson Financial, 2006.
2. Steven N. Kaplan and Antoinette Schoar, “Private Equity Performance: Returns, Persis-
tence, and Capital Flows”, Journal of Finance, no. 4 (August 2005): 1791.
http://fribok.blogspot.com/
278 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. L’échantillon utilisé pour cette étude révèle un très impor tant biais dû à la sur vie, car il
est constitué par les gestionnaires de LBO ayant approché Yale pour lui vendre leurs servi-
ces. Bien entendu, seuls ceux présentant d’e xcellents résultats ont effectué cette démarche
commerciale. Une source supplémentaire de biais vient de la seule prise en compte des
transactions débouclées, car ces transactions se liquident rapidement alors que les canards
boiteux traînent dans les portefeuilles de LBO pendant des années. Le manque de valorisa-
tions des entreprises non cotées restant sur les bras des par tenariats de par ticipations non
cotées limite forcément l’étude à ces investissements réussis qui ont abouti à une v ente ou
à une introduction en bourse, et à ceux qui ont fini par une aillite ou une liquidation.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 279
cière pure représente une sorte de matière première, facilement disponible aux inves-
tisseurs par le biais des comptes sur mar ge ou des marchés de futures. Les gestion-
naires de fonds spécialisés dans les rachats d’entreprise a vec effet de levier méritent
une rémunération modeste du f ait qu’ils ajoutent des dettes au bilan des entreprises .
En payant à ceux-ci 20 % sur tous les prof ts, les in vestisseurs les récompensent
pour des gains dus en g rande partie à l’effet de levier appliqué à des marchés sur
lesquels les gestionnaires n’ont aucun contrôle, g ains pour lesquels ils n’ont donc
aucun mérite. La g rande majorité des fonds spécialisés dans les rachats d’entreprise
avec effet de levier ne parviennent pas à ajouter suffisamment de aleur pour pouvoir
surmonter une structure de rémunération éminemment déraisonnable.
Une autre par tie du problème des perfor mances médiocres de ce secteur dans
son ensemble a trait à la disproportion des frais de gestion dans les fonds importants.
Les fonds spécialisés dans les rachats d’entreprise avec effet de levier débutent en
général avec des montants de fonds sous gestion relativement modestes, de l’ordre
de quelques centaines de millions de dollars. Les frais de gestion et les primes de
performance récompensent des rendements éle vés. Les fonds spécialisés dans les
rachats d’entreprise avec effet de levier qui réussissent voient presque invariablement
les fonds sous gestion augmenter , par e xemple de 250 millions de dollars pour le
fonds n ° 1 à 500 millions pour le fonds n° 2, 1 milliard pour le fonds n° 3,
2 milliards pour le fonds n° 4, etc. À mesure que les fonds augmentent, les frais de
gestion, représentant un pourcentage f xe des capitaux conf és, augmentent consi-
dérablement en v aleur absolue. Et ce changement transfor me la moti vation des
gestionnaires.
Les gestionnaires des fonds déb utants se concentrent principalement sur la
production de rendements sur in vestissement. Comme les frais de gestion modestes
ne couvrent que les dépenses courantes, des perfor mances élevées représentent la
seule manière de prospérer. Non seulement ces performances élevées génèrent des
primes de perfor mance conséquentes, mais elles per mettent aux gestionnaires de
lever une quantité toujours plus grande de capitaux.
Finalement, à mesure que les fonds augmentent, les frais de gestion de viennent
un centre de prof t par eux-mêmes. Les revenus fi es s’accroissant, le comportement
des gestionnaires change, se concentrant sur l’accroissement de la notoriété de la
société et la conservation du caractère régulier du fux des honoraires. Les fonds de
LBO plus conséquents recherchent des transactions moins risquées, et utilisent des
effets de le vier moins impor tants. Les très g ros fonds e xploitent souvent leur noto-
riété pour développer d’autres activités génératrices d’honoraires comme l’immo-
bilier, le crédit ou la gestion de fonds alternatifs. Les grands gestionnaires consacrent
plus de temps à culti ver les relations a vec leur clientèle, source de capitaux (et
http://fribok.blogspot.com/
280 Gestion de portefeuilles institutionnels
d’honoraires). Il reste donc moins de temps pour l’acti vité d’investissement pro-
prement dite, et les rendements en souffrent.
Les données passées soutiennent la thèse selon laquelle les fonds plus importants
génèrent des résultats inférieurs. Pour les dix années se terminant le 31 décembre 2005,
les fonds de LBO gérant plus de 1 milliard de dollars ont généré des rendements de
9,3 % par an, inférieurs à la fois au rendement moyen du secteur s’élevant à 9,7 %
et au rendement de 10,3 % des fonds gérant de 500 millions à 1milliard de dollars.
Les fonds spécialisés dans les rachats d’entreprise a vec effet de le vier gérant de
250 à 500 millions de dollars ont fait encore mieux, affichant des perfo mances de
11,4 % par an1. La grande taille est corrélée aux performances moins élevées.
Les études universitaires conf rment la relation négative entre la taille et la per-
formance. John Lerner, de la Harvard Business School, et Antoinette Schoar, de la
Sloan School du MIT, ont découvert « une relation étroite entre la croissance d’un
fonds et ses perfor mances : plus spectaculaire est la croissance, plus sévère est la
baisse de perfor mance. »2 La croissance d’un fonds prof te au gestionnaire aux
dépens de l’investisseur.
Des obser vateurs superf ciels pour raient en tirer la conclusion hâti ve selon
laquelle la clé de la réussite de l’investissement dans les fonds spécialisés dans les
opérations de rachat d’entreprises a vec effet de levier consisterait à n’investir que
dans les plus petits fonds. Bien que les fonds plus modestes of frent indubitablement
une convergence d’intérêts plus forte entre les gestionnaires et les in vestisseurs, la
politique qui consisterait à ne choisir que les petits fonds ne conduirait pas à des
résultats satisfaisants.
Premièrement, après ajustement des perfor mances des petits fonds spécialisés
dans les rachats d’entreprise a vec effet de le vier af n de tenir compte des risques
plus élevés, il se peut que les rendements supplémentaires disparaissent. Les petits
fonds spécialisés dans les rachats avec effet de levier investissent dans des entreprises
plus modestes, ce qui induit un ni veau de risque opérationnel plus éle vé. Le fait
d’ajouter un risque opérationnel plus éle vé à un risque f nancier supérieur crée
pour l’investisseur une dif ficulté de plus. Les i vestisseurs doivent recevoir une
compensation matérielle pour le risque plus élevé et l’illiquidité plus grande qu’ils
rencontrent en in vestissant dans des petites sociétés de fonds spécialisés dans les
rachats d’entreprise avec effet de levier. Deuxièmement, un investisseur s’engageant
dans un petit fonds spécialisé dans les rachats d’entreprise a vec effet de levier sur
la seule base des performances passées commet l’er reur d’investir en re gardant
1. 2006 Investment Benchmarks Report: Buyouts, New York, Thomson Financial, 2006.
2. Josh Lerner and Antoinette Schoar, 17 January 2008.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 281
dans le rétroviseur. Les rendements supérieurs à la moyenne, s’ils ne sont pas ajustés
au risque, attirent les f ux de capitaux. Comme les inter venants concluent que les
petits fonds spécialisés dans les rachats d’entreprise a vec effet de levier surper-
forment les gros, le marché réagit en suscitant un grand nombre de d’opérations de
taille moyenne. Et les rendements supérieurs ainsi engrangés sont menacés de dis-
paraître à cause de l’ar rivée de nouv eaux capitaux et de nouv eaux inter venants.
Méfiez- ous de la capacité du marché à éliminer les sources de rendements ajustés
au risque élevés.
http://fribok.blogspot.com/
282 Gestion de portefeuilles institutionnels
La gestion active
Aucun investisseur sensé ne gère passi vement les par ticipations non cotées.
Même si c’était possible, les investisseurs obtiendraient ainsi des résultats à coup sûr
décevants. Alourdis par des honoraires prohibitifs et caractérisés par des ni veaux de
risque largement supérieurs aux titres cotés, la majorité des fonds d’investissement
non cotés rapporteraient certainement des rendements incapables de compenser le
risque encour u. Les in vestisseurs ne peuv ent justif er l’inclusion de participations
non cotées dans un por tefeuille que par la sélection de gestionnaires de g rande
qualité suivant des stratégies d’ajout de valeur avec des structures de rémunération
appropriées.
L’enquête appr ofondie (Due Dilig ence). La personnalité des dirigeants d’un
fonds de participations non cotées constitue le critère le plus impor tant d’évaluation
de la qualité d’un in vestissement. Des indi vidus motivés, intelligents et possédant
une éthique solide, intégrés dans une équipe soudée, possèdent un avantage suscep-
tible de se traduire par des perfor mances supérieures. À l’in verse, des indi vidus
enclins à f aire des compromis, aussi bien sur le plan opérationnel qu’intellectuel
ou éthique, mettent en danger les capitaux et la réputation d’un investisseur.
L’importance primordiale de choisir des par tenaires d’investissement solides
donne un poids énorme au processus d’in vestigation approfondie. La conclusion
selon laquelle on a af faire à des indi vidus crédibles et professionnellement qualif és
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 283
http://fribok.blogspot.com/
284 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les eng agements à long terme . Les par ticipations non cotées cor respondent
bien à la notion de Keynes selon laquelle le métier d’investisseur serait mieux fait
si les décisions étaient « … à l’instar du mariage, /…/ déf nitives et ir révocables,
hors le cas de mor t ou d’autre raison gra ve… »1. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une
décision aussi importante que le mariage, l’apport de capitaux à une société de gestion
de participations non cotées représente un eng agement à long ter me. À l’in verse
d’une rupture de contrat avec un gestionnaire de titres cotés, où toute trace de relation
disparaît rapidement, la preuve de relations passées avec des fonds d’investissement
privé demeure dans les registres comptables pendant de longues années. Le fait de
savoir que les décisions dans le domaine de l’investissement privé représentent des
engagements à long terme, ob lige les in vestisseurs sensés à poser des e xigences
importantes avant d’initier des relations d’affaires.
La nature illiquide de l’investissement privé permet aux gestionnaires de prendre
les décisions à long terme nécessaires à la poursuite des meilleures stratégies
d’investissement. Les gestionnaires de titres cotés savent que les clients manquent
de patience face aux défauts de performance, prompts à « appuyer sur la gâchette »
lorsque les chiffres sont inférieurs aux attentes. En conséquence, les gestionnaires
actions apprennent à di versifier xagérément leurs portefeuilles, ne détenant que de
petites positions, autant pour éviter une év entuelle déception des clients que pour
générer des performances intéressantes. À l’inverse, les gestionnaires de fonds de
titres non cotées « bloquent » les capitaux pendant de longues périodes, les termes du
partenariat envisageant souvent une décennie ou plus. Bien que le processus de levée
des fonds, durant habituellement deux ou trois ans, puisse pousser les gestionnaires à
raccourcir l’horizon d’in vestissement proprement dit, les in vestisseurs acceptent
l’argument selon lequel « il est trop tôt pour juger de la réussite du fonds le plus
récent », permettant aux gestionnaires privés de prendre des décisions à long terme.
En fait, en évaluant des fonds de titres non cotées, les in vestisseurs n’ont d’autre
choix que de se focaliser sur les changements opérationnels de l’entreprise support
d’investissement, et non sur les f uctuations instantanées de la v aleur de marché.
En mettant l’accent sur la valeur intrinsèque d’un investissement, les investisseurs
évaluent des facteurs qui sont sous le contrôle du gestionnaire, libérant les dirigeants
de fonds de titres non cotées des jugements souv ent capricieux du marché actions
et leur permettant de poursuivre des stratégies d’investissement sensées.
Les sociétés d’investissement en titres non cotées solides utilisent l’horizon à
long terme pour mettre en œuvre des stratégies qui ajoutent de la valeur aux activités
de l’entreprise support d’in vestissement. Les gestionnaires de fonds ne f aisant
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 285
Clayton, Dubilier & Rice et WESCO. Clayton, Dubilier & Rice (CDR), une
société possédant un historique prestigieux, concentrait ses ef forts sur des transac-
tions diff ciles exigeant un haut ni veau d’intervention de la par t des gestionnaires
de fonds. La société applique sa stratégie d’ajout de v aleur en introduisant dans le
partenariat des individus à l’expertise conf rmée. Ces personnes apportent un point
de vue précieux pendant le processus d’analyse de l’entreprise pressentie, identif ant
les candidats à l’acquisition qui pourraient le mieux prof ter des compétences spé-
cifiques de la société d’i vestissement privé. Une fois que CDR acquiert une entre-
prise, ses associés opérationnels adoptent une approche active pour son amélioration
opérationnelle. Un type de transactions que CDR recherche implique l’autonomi-
sation de f liales. Très souvent, la f liale qui doit être autonomisée manque de str uc-
ture organisationnelle, s’étant reposée sur la maison-mère pour lui four nir toute une
variété de services essentiels à une entreprise. La création de valeur intervient lorsque
CDR utilise sa combinaison d’e xpertise financière et de s voir-faire opérationnel
pour faire de l’ancienne f liale une entreprise à part entière.
En février 1993, les dirigeants de CDR commencèrent à évaluer l’autonomisation
de WESCO, une branche de Westinghouse dédiée à la distribution d’équipements
électriques. Très rapidement, la société de LBO identif a plusieurs prob lèmes
opérationnels : 1) la transition du statut de fliale à celui d’entreprise possédant son
propre marché ; 2) l’amélioration de la gestion du stock et de la logistique ; et 3) la
réduction des frais généraux. Plus de la moitié des 250 succursales de WESCO affi
chèrent des pertes en 1993, contribuant à une perte globale de 3 millions de dollars
pour un chiffre d’affaires de 1,6 milliard.
http://fribok.blogspot.com/
286 Gestion de portefeuilles institutionnels
Le plus gros problème dont souffrait WESCO était la présence d’un management
assoupi qui laissait dériver l’entreprise. Elle avait besoin d’une équipe plus agressive
capable de lui insuffler le sens de sa mission, de remonter le moral des troupes, e
d’améliorer ses performances peu brillantes.
Après que Westinghouse eût rejeté la proposition initiale de CDR, la société a
continué de plancher sur le projet. L’associé opérationnel Chuck Ames conduisait le
processus, déf nissant un plan de redressement et se préparant à dirigerl’entreprise,
si nécessaire. En février 1994, quand Westinghouse revint v ers CDR, Ames avait
identif é un directeur général, Roy Haley, capable de créer et de diriger la nouvelle
entreprise.
Lorsque CDR f t l’acquisition de WESCO pour 330 millions de dollars, l’entre-
prise manquait des infrastructures opérationnelles de base. Le fait de créer à partir
de zéro des services de technologie informatique, de f nance et de contrôle interne
fournit le fondement indispensable à l’existence de l’entreprise. L’application du plan
opérationnel conçu avant l’acquisition créa une valeur supplémentaire importante,
changeant les pertes en gains signif catifs.
En 1997, quand un acheteur f t l’acquisition de WESCO, l’entreprise générait
90 millions de dollars de re venus opérationnels pour un chif fre d’af faires de
2,7 milliards. Ce revirement opérationnel rapporta gros à CDR. Les 83 millions de
dollars apportés par la société de LBO de vinrent 511 millions, procurant des ren-
dements annuels de presque 47 % à ses clients. Ces résultats e xtraordinaires pro-
viennent de la combinaison d’une dose d’ingénierie f nancière et de plusieurs doses
d’amélioration opérationnelle.
Peu de fonds spécialisés dans le rachat d’entreprises avec effet de levier pos-
sèdent l’ensemble de compétences nécessaire à la résolution des graves problèmes
opérationnels et des déf s de redressement rencontrés chez WESCO. En combinant
des compétences opérationnelles et f nancières, CDR illustre le potentiel e xistant
pour créer de la valeur de façon originale.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 287
tendue, les fonds spécialisés dans le rachat d’entreprise a vec effet de levier peuvent
performer mieux que des entreprises moins endettées dans des périodes inf ation-
nistes.
La convergence d’intérêts
Les investisseurs dans les fonds spécialisés dans le rachat d’entreprise a vec
effet de levier prof tent de forces structurelles qui servent la convergence d’intérêts
entre les dirigeants et les apporteurs de capital. Un fort effet de levier dans la compta-
bilité de l’entreprise oblige ses dirigeants à gérer les capitaux avec efficacité, tout
leur énergie étant concentrée sur la génération de liquidités permettant de satisfaire
le remboursement de la dette. Le char me des avantages matériels acquis sur le dos
des actionnaires pâlit devant le spectre du défaut de crédit et l’attrait de la parti-
cipation aux prof ts. Les opérations de rachat d’entreprise avec effet de levier ren-
forcent la convergence d’intérêts entre dirigeants et investisseurs.
Malheureusement, les investisseurs dans le domaine des fonds spécialisés dans
le rachat d’entreprise a vec effet de le vier sont confrontés au même ensemb le de
problèmes que dans tous les autres schémas où le gestionnaire perçoit une prime
de performance prélevée sur les prof ts. Les schémas de rémunération créent des
situations qui peuvent mener à un comportement prof tant au gestionnaire au détri-
ment des investisseurs. Afin d’atténuer ce pro lème, des niveaux d’investissement
importants de la part du gestionnaire créent une certaine symétrie en ce qui concerne
les pertes et les gains, ce qui permet de maintenir alignés les intérêts des différents
participants.
Dans l’idéal, les honoraires couvrent les frais généraux de la société de LBO ,
alors que la prime de performance procure une rémunération motivante. Mais dans
la réalité, des honoraires e xcessifs, un prob lème par ticulièrement aigu a vec les
fonds de grande envergure, introduisent une divergence entre les intérêts du gestion-
naire e t ceux des in vestisseurs. Les frais de transaction, que de nombreux fonds
facturent à la conclusion de l’affaire, sont un moyen scandaleux par lequel les ges-
tionnaires s’enrichissent aux dépens des investisseurs. La logique des frais de tran-
saction laisse perplexe l’investisseur qui réf échit. Puisque les investisseurs paient des
honoraires censés couvrir les frais de fonctionnement du gestionnaire, quel rôle
jouent donc les frais de transaction ? Les frais de sui vi représentent de la même
manière une char ge superf ue. Pourquoi les sociétés de LBO collectent-elles des
honoraires de suivi des investissements alors qu’elles perçoivent déjà des frais de
gestion plus que corrects ? En fait, les fonds spécialisés dans le rachat d’entreprise
avec effet de levier, surtout les gros qui perçoivent des millions de dollars d’hono-
http://fribok.blogspot.com/
288 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Andrew Metrick and Ayako Yasuda, “The Economics of Private Equity Funds”, Septem-
ber 9, 2007, Sw edish Institute for F inancial Research. Conference on The Economics of
the Private Equity Market.
2. Chiffres estimés d’après les données compilées par Cambridge Associates. L’expression
« capital sous contrôle » renvoie à la v aleur totale des actifs courants des fonds, plus la
totalité du capital non encore retiré. Toutes les données ne font référence qu’au seul marché
américain.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 289
Résumé
Les fonds spécialisés dans le rachat d’entreprise avec effet de levier constituent
un in vestissement sans g rand intérêt pour l’in vestisseur mo yen. Les entreprises
dans lesquelles sont in vestis les fonds spécialisés dans le rachat d’entreprise a vec
effet de levier ne diffèrent de leurs consœurs du marché public que par le niveau de
risque et la liquidité. La dette plus éle vée et la liquidité plus f aible des opérations
de rachat d’entreprise avec effet de levier exigent des rendements supérieurs pour
les investisseurs. Malheureusement pour eux, les fonds spécialisés dans le rachat
d’entreprise avec effet de le vier n’ont rappor té ces der nières décennies que des
rendements inférieurs aux titres cotés, même avant ajustement au risque.
Les honoraires constituent un obstacle de taille qui s’a vère extrêmement difficil
à surmonter pour les investisseurs en fonds spécialisés dans le rachat d’entreprise
avec effet de levier. Mis à part les frais annuels de fonctionnement, les fonds spécia-
lisés dans le rachat d’entreprise avec effet de levier entament une bonne partie des
profits, habituellement un cinquième. En outre, les gestionnaires fonds spécialisé
dans le rachat d’entreprise avec effet de levier facturent des honoraires de transaction
et souvent des frais de suivi. Cette corne d’abondance assure un véritable festin pour
le gestionnaire, alors que l’investisseur doit se contenter des miettes.
Comme pour les autres formes d’in vestissement qui dépendent d’une gestion
active experte, les investisseurs sensés envisagent les fonds spécialisés dans le rachat
d’entreprise avec ef fet de le vier avec le plus g rand scepticisme. À moins que les
investisseurs n’identif ent des gestionnaires du premier quartile, ou même du premier
décile, les performances ne pourront compenser le haut niveau de risque encouru.
Le capital-risque
http://fribok.blogspot.com/
290 Gestion de portefeuilles institutionnels
d’un risque limité et de possibilités de g ains substantiels crée une distrib ution
statistique favorable à l’investisseur.
Malheureusement pour les in vestisseurs, les promesses du capital-risque sur -
passent la réalité. Sur des périodes suf fisamment longues, le rendement global d
capital-risque correspond plus ou moins à celui des titres cotés, indiquant que les
apporteurs de capitaux ne parviennent pas à rece voir une compensation légitime
des risques importants inhérents à l’investissement dans des start-ups.
Mis à part le tableau peu brillant des performances passées, l’in vestisseur à long
terme en capital-risque est confronté à un prob lème de sélectivité. Les meilleures
sociétés de capital-risque refusent généralement d’accepter de nouv eaux investis-
seurs et limitent même l’apport de capitaux des clients e xistants. Les sociétés de
capital-risque qui acceptent de nouveaux capitaux proposent souvent des investis-
sements peu attractifs, de seconde catégorie (voire pire que cela).
Avant la bulle spéculative des nouvelles technologies, à la f n des années 90, les
investisseurs en capital-risque percevaient des rendements impropres à compenser
les risques encourus. Durant quelques années glorieuses, la folie d’inter net a permis
à ces investisseurs de se partager des f ots hallucinants de plus-values. Et pourtant,
cet enthousiasme pour l’in vestissement dans les start-ups technolo giques, issu de
la bulle spéculative, a f ait surgir un problème inattendu pour les in vestisseurs. La
demande dénuée de tout discernement a per mis aux gestionnaires des fonds de
capital-risque d’augmenter leurs frais de gestion et de préle ver une par t plus
importante des prof ts. Après l’éclatement de la bulle, les sociétés de capital-risque
ont conser vé leurs conditions de rémunération au détriment des in vestisseurs,
créant un obstacle supplémentaire à l’enrichissement de ces derniers.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 291
1. Randall E. Stross, eBoys: The First Inside Account of Venture Capitalists at Work, New
York, Ballantine Publishing Group, 2000, 182.
2. Ibid., XV.
http://fribok.blogspot.com/
292 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. 2006 In vestment Benc hmarks Report: Venture Capital , Ne w York, Thomson F inancial,
2006.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 293
http://fribok.blogspot.com/
294 Gestion de portefeuilles institutionnels
Le capital-risque et l’inflatio
Comme pour toute entreprise, l’investisseur en capital-risque s’attend à ce que
la valeur nominale des actifs de l’entreprise in vestie manifeste une cor rélation posi-
tive avec l’inf ation. Et comme pour d’autres actifs démontrant un lien a vec le cours
des actions cotées, la relation à court terme médiocre entre les titres cotés et l’inf ation
remet en question la protection qu’apporterait le capital-risque contre l’inf ation.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 295
La convergence d’intérêts
Les fonds de capital-risque partagent a vec les fonds spécialisés dans le rachat
d’entreprise avec effet de levier et les fonds alternatifs une même structure de rému-
nération basée sur la prime de perfor mance, ce qui représente une ambiguïté pour le
client. Un haut niveau de co-investissement de la part du gestionnaire est la manière
la plus sûre d’aligner ses intérêts a vec ceux des in vestisseurs, en créant une saine
symétrie dans l’attitude du premier vis-à-vis des g ains et des per tes. Malheureuse-
ment, dans le monde du capital-risque, ce co-investissement représente l’exception
et non la règle. Toutefois, il est intéressant de noter qu’un bon nombre de gestion-
naires appartenant à l’élite du capital-risque in vestissent des capitaux personnels
importants avec ceux de leurs clients.
Le succès de ce type d’investissement permet aux gestionnaires de modif er les
termes des contrats en leur faveur. La bulle des valeurs technologiques de la f n des
années 90 en donne un e xemple frappant. Inspirées par une demande énor me de la
part des investisseurs, les sociétés de capital-risque ont commencé à le ver des capi-
taux environ dix fois plus importants que durant la décennie précédente, la taille
moyenne d’un fonds en 1990, soit entre 100 et 150 millions de dollars, passant
en 2000 de 1 à 1,5 milliard de dollars. Accompagnant cet accroissement de la taille
des fonds, une augmentation des honoraires eut lieu, qui dépassa lar gement la crois-
sance de la masse salariale. Cette augmentation spectaculaire des revenus basés sur
les seuls capitaux in vestis transfor ma le statut des honoraires. D’un simple méca-
nisme de couverture des frais généraux, ils de vinrent un centre de prof t pour les
gestionnaires.
Encore plus déroutant pour les in vestisseurs, les sociétés de capital-risque ont
utilisé l’intérêt phénoménal des investisseurs pour tout ce qui touchait à la techno-
logie afin d’accroître leur prime de perfo mance. Avant la folie des nouvelles techno-
logies, les sociétés de capital-risque opéraient dans un cadre hiérarchique bien déf ni
au sein duquel la plupart d’entre elles touchaient des primes de 20 % sur les prof ts,
une poignée de sociétés aux performances régulièrement supérieures touchant 25 %,
et Kleiner, Perkins, Cauf els & Byers (le doyen de cette industrie), 30 %. Les sociétés
d’élite f rent donc coup double en créant des rendements supérieurs et en se rému-
nérant proportionnellement mieux.
Pendant la bulle inter net, l’avidité a prévalu. Une demande apparemment illi-
mitée en investissements de capital-risque permit au peloton d’augmenter sa prime
de performance de 20 à 25 %, et au groupe de tête, de la faire passer de 25 à 30 %.
Dans un acte extraordinaire d’abnégation et de générosité, Kleiner, Perkins, Cauf els
& Byers, qui aurait très bien pu augmenter sa prime de performance à 40 ou même
http://fribok.blogspot.com/
296 Gestion de portefeuilles institutionnels
Résumé
Les investissements en capital-risque attirent un lar ge éventail d’intervenants
motivés par les perspectives de pouvoir participer à un aspect fondamental du capi-
talisme, à l’aura de prestige qui entoure les star t-ups à la mode, et à des rendements
exceptionnels. Comme le montre le cas de eBay, l’investissement en capital-risque
produit parfois des résultats époustouf ants.
Malheureusement, la réussite entrepreneuriale et boursière de eBay est tout à fait
exceptionnelle par rapport aux résultats habituels rencontrés dans l’investissement
en capital-risque. Dans l’ensemble, les investisseurs en capital-risque perçoivent à
peu près les mêmes rendements que leurs pairs qui ont choisi d’in vestir sur les
titres cotés. Après ajustement au risque, la majorité écrasante des capital-risqueurs
ne parvient pas à produire des rendements ajustés au risque acceptables.
1. Chiffres estimés à partir des données rassemblées par Cambridge Associates. Le capital
contrôlé est défini comme étant la aleur nette actuelle de tous les partenariats réunis, plus
le capital non encore retiré. Toutes les données ne font référence qu’au marché américain.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 297
Le nouvel entrant dans le monde des par ticipations non cotées est confronté à
un obstacle bien différent de ceux qui entravent l’investissement dans d’autres classes
d’actifs. Le tiers supérieur des sociétés de capital-risque, pour la plupar t fermées
aux nouveaux capitaux, jouit d’un accès privilégié aux bonnes affaires, aux entrepre-
neurs et aux facilités bancaires. L’exclusion de l’élite du capital-risque désavantage
tous les in vestisseurs excepté ceux qui sont là depuis longtemps et ont déjà bien
prospéré.
CONCLUSION
Les classes d’actifs non traditionnelles four nissent des outils ef ficaces au
investisseurs qui cherchent à réduire le risque en constr uisant des por tefeuilles bien
diversifiés, et à augmenter les rendements en dénichant des oppotunités de gestion
active. Les stratégies de performance absolue et la détention d’actifs réels ajoutent
à la diversification d’un po tefeuille, alors que les participations non cotées amé-
liorent ses perspectives de rendement.
Les investissements dans les fonds a yant un objectif de performance absolue
sont constitués de stratégies basées sur les opérations de marché ou sur la valeur et
qui exploitent les anomalies de cours des titres cotés. En éliminant l’e xposition au
marché grâce à des couvertures, les investisseurs réduisent le risque systémique et
les résultats dépendent alors du seul talent du gestionnaire. Les positions basées sur
les opérations de marché reposent sur l’estimation de situations associées à des
fusions-acquisitions ou à des faillites, alors que celles qui sont basées sur la valeur
dépendent de l’identif cation de titres sous-év alués. Comme les stratégies de per -
formance absolue génèrent des rendements semb lables à ceux des actions, mais
indépendants des f uctuations du marché, cette classe d’actifs appor te aux por te-
feuilles des caractéristiques extrêmement attractives en termes de diversification e
de rendement.
Yale a joué un rôle de pionnier dans l’utilisation des fonds ayant un objectif de
performance absolue en tant que classe d’actifs, en les emplo yant dès 1990. Au
30 juin 2007, les rendements depuis l’origine s’élèv ent à 13,2 % par an, avec une
déviation standard de seulement 4,9 % (à comparer aux 11,2 % de l’indice
Wilshire 5000 et à sa déviation standard de 14 %). Les fonds ayant un objectif de
performance absolue ont rempli leur mission qui consistait à générer des rendements
décorrélés, démontrant des cor rélations mensuelles de 0,02 aussi bien a vec les
actions qu’avec les obligations.
http://fribok.blogspot.com/
298 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les actifs réels protègent les por tefeuilles contre des hausses inattendues de
l’inflation, les i vestisseurs payant un prix pour cette di versification en acceptan
des rendements espérés inférieurs à ceux des titres cotés. Dans des circonstances
normales, des niveaux de cash f ow élevés ont une inf uence stabilisatrice, réduisant
la volatilité du portefeuille. À la fois du point de vue du risque et de celui durende-
ment, le por tefeuille d’actifs réels de Yale a rempli sa mission, af fichant un rende
ment de 17,8 % par an depuis son origine en juillet 1978 jusqu’en juin 2007.
Les participations non cotées améliorent le rendement du por tefeuille au prix
d’un risque sensiblement accru, tout en démontrant un f aible pouvoir de diversifi
cation. L’historique d’investissement des deux dernières décennies ne correspond pas
aux attentes, car les fonds spécialisés ont généré des rendements inférieurs à ceux
des marchés actions, a vec un ni veau de risque supérieur . Alourdis par des frais
énormes se présentant sous la forme de primes de performance, les in vestisseurs
sont confrontés à la tâche ardue qui consiste à sélectionner les fonds du premier
décile af n de pouvoir réaliser les promesses de l’in vestissement en par ticipations
non cotées.
Une forte convergence d’intérêts marque la plupart des montages de participa-
tions non cotées, créant une motivation importante pour les gestionnaires de fonds.
Un co-investissement signif catif de la par t des gestionnaires de fonds spécialisés
dans le rachat d’entreprise a vec effet de levier ou de capital-risque place les déci-
sions d’investissement sur le terrain du rendement du capital, et non sur des consi-
dérations contingentes pouvant nuire aux investisseurs. L’engagement f nancier des
gestionnaires fait que tout le monde partage les g ains comme les pertes, obligeant
les décideurs à réf échir aux inconvénients (aussi bien qu’aux a vantages) de leurs
choix. La démonstration de conf ance inhérente au co-investissement du gestionnaire
émet un signal fort en direction des investisseurs potentiels.
Les stratégies qui permettent d’ajout de la v aleur aux entreprises sur le plan
opérationnel, font des participations non cotées une acti vité d’investissement inté-
ressante, créant la possibilité d’exploiter des environnements moins concurrentiels
et d’identif er des oppor tunités d’amélioration fonctionnelle des sociétés pressen-
ties. Dans la mesure où les gestionnaires de par ticipations non cotées augmentent
la valeur de l’entreprise investie de manière signif cative, les résultats de l’investis-
sement démontrent une certaine indépendance aux forces qui dirigent les marchés
boursiers C’est seulement en ajoutant de la valeur que les gestionnaires de partici-
pations non cotées commencent à engranger les primes extraordinaires associées aux
transactions. Une gestion active très présente (au niveau de l’investisseur, du fonds et
de l’entreprise investie) forme la base des pro grammes de par ticipations non cotées
qui réussissent.
http://fribok.blogspot.com/
Les classes d’actifs alternatives 299
En sélectionnant des gestionnaires de haut niveau qui suivent des stratégies d’ajout
de valeur, l’Université de Yale a obtenu des rendements supérieurs à 30 % par an
sur ses investissements en participations non cotées pendant les trente années allant
de 1978 à 2007, mettant en évidence la contrib ution potentielle d’un pro gramme
de par ticipations non cotées bien géré aux résultats du por tefeuille. Même après
ajustement au risque plus éle vé inhérent au capital-risque et aux fonds spécialisés
dans le rachat d’entreprise avec effet de levier, les résultats de Yale supportent bien
la comparaison avec d’autres choix d’investissement.
Les investisseurs qui réussissent dans les classes d’actifs non traditionnelles
s’engagent dans la gestion active, cherchant à identif er les meilleurs gestionnaires
de fonds. Dans la sélection des par tenaires, l’enquête approfondie est centrée sur
l’évaluation des compétences et de la personnalité des indi vidus responsables des
décisions d’investissement. Développer des partenariats avec des gens exceptionnels
est l’élément le plus important de la réussite en investissement alternatif.
http://fribok.blogspot.com/
9
La gestion des classes d’actifs
301
http://fribok.blogspot.com/
302 Gestion de portefeuilles institutionnels
dans la valorisation des actifs est un fardeau de poids sur les épaules du gestionnaire
actif qui promet des rendements ajustés au risque supérieurs. Ensuite, c’est seule-
ment lorsque la preuv e évidente a été faite qu’une stratégie donnée peut battre le
marché que l’investisseur peut se résoudre à abandonner la gestion passive.
Les gestionnaires actifs qui méritent l’attention possèdent des qualités person-
nelles permettant d’espérer raisonnab lement des perfor mances supérieures. Dans
leur sélection de gestionnaires externes, les investisseurs doivent identif er les indi-
vidus qui s’engagent à placer les objectifs de leurs clients institutionnels au-dessus
de leurs intérêts personnels. La con vergence d’intérêts apparaît le plus souv ent avec
des sociétés de gestion indépendantes dirigées de f açon dynamique par des entre-
preneurs énergiques, intelligents et à l’éthique solide. S’engager avec un gestionnaire
a des conséquences qui dépassent de loin les questions de rendement f nancier, car
les administrateurs mettent entre ses mains aussi bien les capitaux de l’institution
que sa réputation.
Même après avoir identif é une société de gestion prometteuse, il reste à négocier
des termes contractuels satisfaisants. L’objectif fondamental de ces contrats consiste
à aligner les intérêts af n d’encourager le gestionnaire à se compor ter comme un
apporteur de fonds. La di vergence entre ce que souhaite l’in vestisseur et ce que
réalise le gestionnaire impose des coûts substantiels aux institutions, réduisant ainsi
la probabilité d’atteindre leurs objectifs d’investissement.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 303
mène bien à des rendements espérés plus éle vés, et non simplement à une plus
grande satisfaction du gestionnaire dans son travail.
La tendance à croire qu’une perfor mance supérieure vient d’un dur tra vail
accompli avec intelligence, obscurcit la vision. Le monde de l’investissement voue un
véritable culte à la réussite, déif ant le dernier gourou du marché à la mode. Au lieu
de se demander si le gestionnaire du haut du classement n’a pas tout simplement
effectué une série de choix chanceux, les observateurs présument que ses bons résul-
tats viennent de son talent. À l’in verse, dans la perception du pub lic, des résultats
médiocres viennent d’un manque de capacité. Les intervenants se demandent rare-
ment si les performances brillantes ne sont pas dues à l’acceptation d’un risque plus
élevé que celui du marché en général, ou si les résultats médiocres viennent d’une
prise de risque moins importante. Le manque d’esprit critique de la communauté des
investisseurs concernant la source et les caractéristiques des perfor mances supé-
rieures fait que des individus originaux sont élevés au statut de gourou du marché.
Joe Granville
De tous les indi vidus qui ont ému le marché par leurs prédictions, il se peut
bien que Joe Gran ville soit par mi les plus étranges. À la f n des années 70 et au
début des années 80, cet anal yste technique f t une série de prédictions qui f rent
mouche. De manière frappante, le 21 avril 1980, alors que le marché touchait un
plus bas de deux ans à 759 points, Granville émit un signal d’achat, anticipant un
rallye haussier puissant qui mena l’indice au-delà de 1 000 points en moins de trois
mois. En janvier 1981, l’intervention suivante de Granville, un signal de v ente, pro-
voqua des vagues de cession qui f rent fortement baisser les marchés sur des volumes
record. Le jour sui vant, sa photo par ut à la Une du New York Times, alors que le
Washington P ost titrait : « Un pronostiqueur déclenche l’h ystérie ; les marchés
plongent à cause de v entes paniques ». Granville prédisait qu’il remporterait le
prix Nobel, prétendant « avoir percé le secret séculaire permettant de prévoir chaque
sommet et chaque creux de marché ».
Les pronostics de Granville, basés sur l’analyse technique, étaient entourés de
toute une mise en scène incluant costumes et accessoires. Il a vait l’habitude de se
déguiser en Moïse pour proclamer ses Dix Commandements sur l’in vestissement,
baissant son pantalon pour lire les cours de bourse inscrits sur son caleçon ou
apparaissant sur scène dans un cercueil rempli de serpentins.
De telles extravagances ne diminuaient en rien son impact sur ses disciples. Fin
1981, les marchés se sont effondrés dans le monde entier, parfois en réaction appa-
rente à des pronostics de Gran ville. Selon Rhoda Brammer de Barron’s : « Tandis
http://fribok.blogspot.com/
304 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Les informations concernant Granville sont tirées de Rhonda Brammer, “10 Years After
He Peaked, Will Joe Granville Rise Again?”, Barron’s, 24 August 1992.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 305
Jim Cramer
Jim Cramer mérite une place de choix dans le panthéon des anti-héros de
l’investissement. Formé à Harvard College et Harvard Law School, Cramer exploite
ses références et dispense sans la moindre honte ses conseils d’in vestissement
étonnamment inappropriés à une audience extrêmement crédule.
Cramer s’est fait un nom en tant que partisan enthousiaste des actions de nou-
velles technologies pendant la bulle internet. Il cautionnait l’achat de titres h yper-
valorisés en af fi mant que les professionnels de l’in vestissement « n’avaient rien
compris » et que le pub lic était « beaucoup, beaucoup plus malin qu’on ne
l’imaginait »1. Près du sommet de ce marché, en janvier 2000, Cramer formula six
règles « de bon sens » qui de vaient per mettre à « l’individu moyen » de « battre
systématiquement les professionnels ». Parmi ces règles, on trouv ait : « Achetez
des actions d’entreprises que v ous aimez bien », « achetez des actions chères » et
« achetez des actions dont les cours progressent par à-coups »2. Les règles ineptes
de Cramer s’avérèrent parfaitement au point pour inf iger le maximum de dégâts
aux portefeuilles de ses lecteurs.
1. James J. Cramer, “The Bull Case of the Individual Investor”, TheStreet.com, 28 January
2000.
2. Ibid.
http://fribok.blogspot.com/
306 Gestion de portefeuilles institutionnels
Cramer ne mâche jamais ses mots. Il décrit le clan des investisseurs qui se basent
sur le momentum et la croissance comme « préférant acheter des actions qui
démontrent à la fois une accélération des bénéf ces et des cours, sans égard pour leur
prix. En d’autres termes, peu importe leur prix, du moment que les cours montent »1.
Non content de promouv oir une stratégie de momentum irresponsab le au sein
d’une bulle spéculative, Cramer s’en prit aux gestionnaires orientés sur la v aleur.
Son mépris pour le clan des contrariens orientés sur la valeur était presque palpable
quand il prétendait que « la négation de l’évidence formait la base de la recherche
de valeur ». Il accusait les investisseurs orientés sur la valeur « d’aveuglement systé-
matique en ce qui concerne les nouvelles technologies », reprochant à Waren Buffett
sa préférence « ridicule » pour Coca Cola par rapport à Microsoft2.
En février 2000, Cramer écrivit un article sur l’arrogance des gestionnaires de
fonds orientés sur la v aleur, se lamentant que « non seulement ils ont le culot de
nous dire que nous avons tort de détenir des actions comme celles de Cisco ou de
Yahoo!, mais ils insistent également sur le fait qu’ils sont la seule autorité à pouv oir
décider de ce qu’il f aut acheter ». Cramer affi mait que les gestionnaires orientés
sur la valeur qui détenaient des actions de Philip Morris « devraient avoir à répondre
de leur négligence » et ajoutait que « les pires d’entre eux étaient ceux qui achetaient
des actions de Coca Cola et P epsi… ». Il continuait par un conseil aux in vestis-
seurs en fonds communs de placement dédiés à la recherche de valeur : « Reprenez
le contrôle. Virez ces types ! »3.
Bien sûr, le conseil de Cramer tombait complètement à côté de la plaque. Dans
l’année qui sui vit la pub lication de sa diatribe anti-v aleur, l’action de Coca Cola
progressa de 10 %, celle de P epsi de 36 %, et celle de Philip Mor ris de 171 %.
Pendant ce temps, les actions f avorites de Cramer s’ef fondrèrent, Cisco perdant
57 % de sa valeur et Yahoo! baissant de 84 %.
Si la préférence de Cramer pour Cisco et Yahoo! par rappor t à Coca Cola et
Philip Morris au début de l’an 2000 fit des dégâts fo midables dans les portefeuilles
de ses abonnés, son signal de v ente des actions de grande distrib ution détr uisit
encore un peu plus de v aleur. En février 2000, Cramer suggéra « qu’il se pourrait
bien que le glas sonne en ce moment pour l’in vestissement orienté sur la v aleur à
cause des innovations technologiques ». Il affi mait que le distrib uteur Albertson,
appartenant à l’ancienne économie, était « frappé de plein fouet par un changement
1. James J. Cramer, “Cramer the Contrarian Remains Unconvinced, Part 1”, TheStreet.com.
14 February 2000.
2. James J. Cramer, “Cramer the Contrarian Remains Unconvinced, Part 2”, TheStreet.com.
14 February 2000.
3. James J. Cramer, “Scrutinizing the Value Managers”, TheStreet.com. 11 February 2000.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 307
1. James J. Cramer, “Cramer the Contrarian Remains Unconvinced, Part 4”, TheStreet.com.
14 February 2000.
2. Bill Alpert, “Shorting Cramer”, Barron’s, 20 August 2007: 23–25.
http://fribok.blogspot.com/
308 Gestion de portefeuilles institutionnels
plus loin que « ça ne demande pas beaucoup de capitaux… ». Dans l’inter view,
il continue en décrivant quelques façons de manipuler les cours de certaines actions1.
Selon Barron’s, Cramer af fi ma plus tard qu’il n’a vait f ait que « bâtir des hypo-
thèses »2. Il est cer tain que Cramer, diplômé de Har vard et ancien rédacteur en chef
du Harvard Crimson, sait qu’il n’y a rien d’h ypothétique dans la phrase : « Alors
que j’étais vendeur pour mon fonds alternatif ». Jim Cramer a-t-il vraiment besoin
d’un cours sur le subjonctif ?
Joe Granville, les Beardstown Ladies et Jim Cramer fournissent la preuv e que
les intervenants sur le marché acceptent souvent des affi mations sans aucun esprit
critique, comme si elles étaient par elles-mêmes la preuv e d’une saine stratégie
d’investissement. La disgrâce subie par Joe Granville et les Beardstown Ladies (et
probablement celle que subira un jour Jim Cramer) devrait encourager les investis-
seurs à adopter une attitude plus sceptique lorsqu’ils év aluent des opportunités de
gestion active.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 309
1. Irving Fisher, The Rate of Interest. Its Nature, Determination and Relation to Economic
Phenomena, Macmillan Company, 1907, 217.
http://fribok.blogspot.com/
310 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. “Buffett’s Job Description: ‘The y Ma y Be Hard to Identify’ ”, Wall Str eet J ournal.
28 April, 2007.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 311
Même Warren Buffett s’inquiète de perdre un collègue qui par tirait pour saisir
une meilleure opportunité économique !
Une enquête approfondie sur les dirigeants des sociétés de gestion donne des
informations essentielles pour le processus de sélection des gestionnaires. P asser
du temps avec les candidats, aussi bien dans des en vironnements professionnels que
sociaux, permet d’estimer si le gestionnaire démontre les caractéristiques d’un par-
tenaire de qualité. Interroger les personnes citées la liste de références produite par
le candidat gestionnaire conf rme ou inf rme les impressions collectées durant le
processus d’enquête approfondie. Contacter des gens qui ne font pas partie de cette
liste de références, y compris d’anciens collègues ou des collaborateurs actuels, ou
bien encore des concur rents ou autres, fournit des occasions d’év aluer la qualité
entrepreneuriale et le niveau d’intégrité d’un gestionnaire pressenti.
Dans le domaine hautement concurrentiel de la gestion d’actifs, seul un f aible
pourcentage de gestionnaires surmonte l’obstacle énorme des frais et affichent de
performances supérieures à celles du marché. L ’identif cation des membres de ce
groupe restreint qui v ont sur performer, e xige une concentration intense sur les
caractéristiques personnelles. Seuls les tout meilleurs réussissent.
Les bonnes personnes ont tendance à créer de bonnes organisations, ce qui ren-
force l’aspect central de la sélection de par tenaires solides. Mais pour indispensable
que cela soit, trouver des gens formidables ne constitue que le point de départ dans
la recherche d’un gestionnaire d’actifs, car des gens for midables dans des or ganisa-
tions mal structurées affrontent les marchés avec un handicap inutile. Dans un monde
où le choix est étendu, f aire des compromis sur les questions str ucturelles est un
non-sens.
Les structures de gestion d’actifs attractives encouragent les décisions centrées
sur la création de plus-values d’investissement, et non sur la génération d’honoraires.
De telles sociétés de gestion centrées sur les actifs ont tendance à être de taille
modeste, réactives et indépendantes.
http://fribok.blogspot.com/
312 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 313
L’attitude entrepreneuriale
L’innovation
D’après Schumpeter, les innovateurs « voient des choses qui ne s’a vèrent vraies
qu’a posteriori »2. En élaborant un processus d’in vestissement qui favorise l’anti-
cipation, les gestionnaires posent le fondement de la réussite. Les rendements supé-
rieurs viennent des par tis pris originaux qui n’obtiennent la reconnaissance géné-
rale qu’a posteriori, en provoquant souvent la surprise des observateurs ordinaires.
En identif ant les conséquences inattendues avant qu’elles ne surviennent, les ges-
tionnaires qui réussissent obtiennent des rendements supérieurs en e xploitant des
1. Ces lignes sur le capitalisme entrepreneurial s’inspirent for tement de l’essai de G. Leo-
nard Baker, General Partner de Sutter Hill Ventures: “How Silicon Valley Works: Reflection
on 25 years in the Venture Capital Business”, 1997.
2. Joseph A. Schumpeter, The Theory of Economic De velopment, trad. de Redv ers Opie,
Cambridge, Harvard University Press, 1934, 66.
http://fribok.blogspot.com/
314 Gestion de portefeuilles institutionnels
La propriété
La propriété f nancière et morale conduit à des résultats supérieurs. Les sociétés
d’investissement solides récompensent f nancièrement les collaborateurs qui
s’engagent corps et âme. La propriété de l’entreprise, lorsqu’elle est répar tie sur
l’ensemble du personnel, améliore la stabilité de l’or ganisation, facilitant la vision
à long ter me. Des moti vations f nancières bien structurées suscitent des compor te-
ments adéquats de la part des collaborateurs, découragent les choix orientés sur les
honoraires et encouragent ceux qui contrib uent à la v alorisation du capital. L’aspect
psychologique de la propriété fournit un complément indispensab le aux avantages
financiers. En faisant pa ticiper les collaborateurs au processus de décision, les
intérêts du dirigeant et du client sont préservés.
L’adaptation
L’adaptation exige une sélection attentive amplif ant les points for ts et éliminant
les faiblesses. En choisissant un portefeuille de positions attracti ves dans un large
univers d’opportunités, les investisseurs qui réussissent expriment un discernement
original qui les distingue du troupeau. Des idées intéressantes demandentl’engage-
ment d’une par t importante des capitaux, amplif ant l’impact des con victions fortes
et éliminant les positionnements plus f aibles. Lorsque les circonstances changent,
les gestionnaires reconf gurent les por tefeuilles af n qu’ils ref ètent les nouv elles
conditions. Non seulement l’adaptation inf uence les tactiques de sélection des titres,
mais à mesure que les marchés évoluent, cette même adaptation peut conduire à de
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 315
http://fribok.blogspot.com/
316 Gestion de portefeuilles institutionnels
vont à l’encontre des préceptes qui sont à l’origine de leur création. À mesure que
l’organisation croît, la mutation « révolutionne de l’intérieur, et en permanence, la
structure économique, détruisant sans cesse l’ancienne et en créant continuellement
une nouvelle »1. La reconnaissance institutionnelle menace les caractéristiques mêmes
qui avaient rendu l’entreprise intéressante à l’origine. À mesure que le temps et la
croissance érodent l’enthousiasme entrepreneurial qui a f ait le succès initial de la
société, le dirigeant doit rejeter les anciens par tenaires et en rechercher de nouveaux
afin d’assumer les nou elles capacités en termes de gestion. Le processus de destruc-
tion créatrice, dont Schumpeter conclut qu’il est « un élément essentiel du
2
capitalisme » pose des problèmes aux sociétés de gestion d’actifs.
1. Joseph A. Schumpeter, Capitalism, Socialism, and Democr acy, Ne w York, Har per &
Brothers, 1950, 83.
2. Ibid.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 317
Des guérilleros ne peuv ent pas être intég rés dans une ar mée régulière
sans perdre en même temps ce qui les rend si ef ficaces. Tous les spécialis-
tes chez Blakeney ont autrefois été officiers dans l’a mée régulière et ont
déserté pour rejoindre la guérilla. C’est la pensée que v ous êtes v ous-
même un guérillero dans l’âme qui nous a f ait poursuivre les négociations
malgré les signaux d’alerte. Si nous nous posons la question de savoir en
quoi cette fusion va nous aider à travailler mieux et plus, et en quoi elle va
rendre notre vie plus intéressante et heureuse, nous ne trouv ons aucune
réponse. Tout montre la direction opposée. Il ne s’agit pas d’une critique
de votre entreprise ni des indi vidus formidables que nous y a vons ren-
contrés. Mais c’est la perspective de s’affilier à quelqu’un d’aussi gran
que vous. Même si nous ne devrons pas porter d’uniforme, nous aurons à
conduire nos affaires d’une manière qui corresponde aux règles qui vous
sont imposées et, lorsque nous allons fouiner à la recherche d’opportu-
nités, il va nous falloir respecter cette alliance. Nous sommes par essence
des voleurs de bétail, pas des bergers. Nous entreprenons des raids-éclairs
au Zimbabwe, au Ghana ou en Égypte alors que nos partenaires… tiennent
des réunions pour décider… de la manière dont ils vont pouvoir déployer
leurs troupes imposantes. En ar rivant sur place, nous espérons qu’ils
découvriront quelques têtes de bétail manquantes.
… J’espère que nous pourrons continuer à travailler ensemble. Tout cela
à commencé à cause du respect que j’ai pour vous en tant que personne.
J’accepte le reproche de ne pas a voir réalisé plus tôt les implications de
cette fusion. Peut-être qu’à la f n de l’histoire, nous aurions pu de venir
l’actionnaire principal et vous, l’actionnaire minoritaire, mais si une souris
majoritaire se couche dans le lit d’un éléphant minoritaire, ce n’est cer tai-
nement pas l’éléphant qui va finir transfo mé en crêpe. »
En sélectionnant des gestionnaires à l’orientation proacti ve, les in vestisseurs
améliorent leurs chances de réussite. Les grosses entreprises diversifiées et dont l
fonctionnement repose sur des procédures sont confrontées à la tâche décourageante
de devoir surmonter les obstacles bureaucratiques. Les petites sociétés indépendantes
et spécialisées, disposant d’un personnel compétent, sont beaucoup plus susceptibles
de pouv oir choisir le chemin contrarien qui mène à d’e xcellentes perfor mances
d’investissement.
http://fribok.blogspot.com/
318 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 319
http://fribok.blogspot.com/
320 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 321
http://fribok.blogspot.com/
322 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 323
éminemment haussière sur les marchés ; les gains de 22,5 milliards n’avaient que
légèrement dépassé les 21,1 milliards de retraits1.
Le 16 juin 2000, U AM jetait l’éponge, déb utant des négociations d’accord de
vente de l’entreprise à Old Mutual. Le Wall Str eet J ournal indiqua que le prix
d’achat, qui s’élevait à environ 1,2 % des capitaux sous gestion, se situait au bas de
« la fourchette habituelle de 1 à 5 % des capitaux sous gestion » dans ce genre de
transactions, ce qui ref était « l’important travail de restructuration à venir »2. Trevor
Moss, un anal yste basé à Londres, observ a qu’UAM avait « à peu près le même
niveau de capitaux sous gestion que cinq ans auparavant », un résultat décevant par
rapport à une multiplication par presque trois de la capitalisation du marché
actions pendant la même période3.
UAM échoua pour tout un ensemb le de raisons. La propriété e xterne de sociétés
de gestion modif e inévitablement la culture de l’or ganisation, diminuant l’esprit
d’entreprise si essentiel à la réussite des in vestissements. Lorsque les dirigeants
« tapent dans la caisse », la focalisation sur les performances s’évanouit, sapant la
vitalité de l’entreprise. Après la v ente de leur société, ses anciens dirigeants sont
confrontés à un avenir beaucoup moins attrayant. D’après les documents d’UAM,
seuls 50 à 70 % des revenus demeurent dans la société achetée lors d’une acquisition
ordinaire. Le détournement des ressources v ers des actionnaires e xternes passifs
réduit le butin à partager entre les employés de tout niveau, ce qui crée une instabilité
du personnel. Les emplo yés de sociétés de gestion détenues par des actionnaires
externes ont le choix de s’installer sur le trottoir d’en f ace, d’ouvrir leur propre
boutique et d’empocher une part plus grande des bénéf ces de la société de gestion
indépendante nouvellement formée.
En octobre 2007, Scott Powers, le président et directeur général de Old Mutual,
prit conscience des dif ficultés posées par la propriété xterne à l’entreprise,
observant : « Cela nous a pris du temps pour trouv er le juste équilibre entre les
motivations f nancières à court terme et à plus long terme ». Cinq ans après l’achat
d’UAM, Old Mutual a vait ter miné la transfor mation du processus d’accord de
partage des revenus en contrat de partage des prof ts, un pas vers la réduction de la
motivation à collecter de nouveaux capitaux. En 2007, Powers formula un objectif
à long terme : « remettre le capital entre les mains des f liales ». Bien que le fait de
remettre la propriété de leurs entreprises entre les mains des dirigeants des f liales
1. La cession d’une société associée réduisit les actifs sous gestion d’en viron 200 millions
de dollars.
2. Sara Calian and Laura Saunders Egodigw e, “Old Mutual Agrees to Acquire Asset-
Management Firm UAM”, Wall Street Journal, 20 June 2000.
3. Ibid.
http://fribok.blogspot.com/
324 Gestion de portefeuilles institutionnels
constitue un pas dans la bonne direction, ce par tage de capitaux n’est pas équivalent
aux caractéristiques de détention à 100 % d’un gestionnaire indépendant1.
La recherche de l’excellence en investissement dans le contexte d’un conglomérat
de gestionnaires de fonds s’avère vaine, car les objectifs des propriétaires externes
ne coïncident pas avec les aspirations des investisseurs. La collecte de capitaux détruit
les économies d’échelle favorables aux investisseurs, diminuant ainsi la possibilité de
réaliser des performances supérieures. La transfor mation de dirigeants en emplo yés
crée des changements dans la culture de l’entreprise, changements qui désavantagent
les investisseurs. Enf n, la rémunération d’actionnaires e xternes diminue la capacité
de la société de gestion à pa yer ses gestionnaires de fonds de manière attrayante par
rapport à la concurrence, ce qui conduit à un turnover important et met en danger les
capitaux des investisseurs. Des niveaux importants de propriété externe créent des
obstacles à la réussite des sociétés de gestion.
1. Douglas Appell, “Old Mutual Affiliates to Gain More Equity”, Pensions & Investments,
16 October 2007.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 325
qu’elle avait conseillé d’effectuer à l’un de ses clients les plus importants. »1 Fina-
lement, Goldman Sachs a remplacé Lehman en tant que conseiller et Lehman a
renégocié les termes de la transaction, obtenant de meilleures conditions pour son
financement. Les rôles de conseiller et de nancier sont toujours en conf it ; les
tensions de la crise de f nancement des opérations de rachat avec effet de levier mit
fortement en relief ce conf it.
Après la réalisation de la transaction, les banques d’in vestissement continuent
souvent de procurer des conseils et des ser vices f nanciers aux entreprises de leur
portefeuille. Dans l’un des rares ar ticles consacrés à la manne f nancière que consti-
tuent les fonds de par ticipations non cotées captifs, le Wall Str eet J ournal du
14 décembre 1990 détaille les honoraires générés au prof t de Morgan Stanley par
son investissement dans Burlington Industries.
1. Andrew Ross Sorkin and Michael J . de la Merced , “Home Depot Said to Cut Price of
Supply Unit by $2 Billion”, International Herald Tribune, 27 August 2007.
2. George Anders, “Capti ve Client: Mor gan Stanle y Found a Gold Mine of F ees”, Wall
Street Journal, 14 December 1990, sec. A.
http://fribok.blogspot.com/
326 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Ibid.
2. Wall Street Journal, 4 June 1991, 6.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 327
informations, cer tains d’entre eux se plaignant pub liquement et suggérant qu’ils
allaient réduire leurs activités de négociation passant par Goldman1.
Finalement, Tonka accepta l’of fre d’achat de Hasbro, créant un nouv eau pro-
blème pour Goldman. Le fonds Water Street détenait plus de la moitié des obliga-
tions de Tonka qu’il avait acquise à 50 % de sa valeur nominale2. Même si le conseil
d’administration de Tonka souhaitait vendre l’entreprise à Hasbro, Goldman durcit
le jeu en réclamant une prime pour la v ente de ces obligations. Bien que de telles
tactiques surprennent peu dans le monde impitoyable des obligations d’entreprises
en difficulté, ce tains clients virent les activités de Goldman dans cette affaire comme
incompatibles avec son vœu d’éviter toute participation à des OP A hostiles. Au
final, la tactique de la banque d’i vestissement fonctionna, augmentant le prix reçu
pour les obligations de Tonka en réduisant la v aleur pour les autres participants à
l’actionnariat de Tonka et de Hasbro. Ces rendements sur in vestissement coûtèrent
très cher à Goldman en ternissant la réputation qu’a vait cet établissement de pri-
vilégier l’intérêt de ses clients.
Un autre aspect du conf it a trait à l’acti vité de Goldman dans le domaine des
obligations pourries. Pour éviter toute concurrence, la société a limité son activité de
négoce sur les obligations à haut rendement à celles qui intéressaient le fonds Water
Street. Les clients de Goldman dans ce domaine de négoce, déjà préoccupés par les
avantages de la société en termes d’infor mations internes sur les entreprises, ont été
confrontés à des teneurs de marché moins capab les de les ser vir dans leurs négo-
ciations.
Les troub les pro voqués par l’acti vité de conseil de Goldman sont allés bien
au-delà du cas de Tonka. D’après un article du Wall Street Journal du 4 juin 1991,
« neuf des vingt-et-une entreprises que le fonds Water Street a sélectionnées pour
les restructurer sont ou étaient des clients de Goldman »3. De plus en plus de gens
pensaient que Goldman in vestissait dans le fonds Water Street a vec un a vantage
injuste.
Confronté à une tourmente de contro verses, Goldman ferma le fonds en mai
1991, plusieurs années avant la date prévue. Même si le fonds Water Street a généré
des rendements signif catifs durant son existence abrégée, son legs le plus durable
pourrait bien être une moisson abondante de leçons sur les conf its d’intérêt.
1. Ibid.
2. Ibid.
3. Ibid.
http://fribok.blogspot.com/
328 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Jenny Strasburg and Katherine Bur ton, “Goldman Global Equity Fund Gets $3 Billion
in Capital”, Bloomberg.com, 13 August 2007.
2. Henny Sender, Kate Kelly and Gregory Zuckerman, “Goldman Wagers on Cash Infusion
to Show Resolve”, Wall Street Journal, 14 August 2007.
3. “GS—Goldman Sachs Conference Call, ” Thomson Street Ev ents, F inal Transcript,
13 August 2007: 4–5.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 329
Fund et du North American Equity Opportunities Fund ? David Viniar observa que
les gestionnaires des fonds réduisaient également le risque et l’effet de levier dans
le Global Alpha Fund et le North American Equity Opportunities Fund. P ourquoi
Global Equity Opportunities reçut-il un tel avantage de la part de Goldman sous la
forme d’une injection de liquidités de vant per mettre un abaissement du le vier à
moindre coût, alors que les autres fonds étaient confrontés aux coûts e xorbitants
issus de la vente d’actifs dans un environnement de marché hostile ?
Le timing de l’investissement de Goldman soulève la question de l’accès privi-
légié de la société à ce que ses dirigeants considéraient comme « une belle opportu-
nité d’investissement ». Au lieu de réser ver cette opportunité aux clients e xistants
du Global Equity Opportunities Fund, Goldman s’est taillé la part du lion en la par-
tageant avec un groupe d’investisseurs triés sur le volet, levant finalement 1 milliard
de dollars auprès de Eli Broad, C. V. Starr (Maurice « Hank » Greenberg) et Perry
Capital1. En tant que responsable envers les investisseurs du Global Equity Oppor-
tunities Fund, Goldman n’aurait-il pas dû en premier lieu leur of frir la chance de
participer à cette opportunité d’investissement ?
Envisagé d’un autre point de vue, l’investissement de Goldman dans le Global
Equity Opportunities Fund pourrait en fait nuire aux clients du fonds, au contraire
de ce que prétend Goldman. Goldman et les investisseurs qu’il a favorisés ont joui
de l’opportunité d’investir trois milliards de dollars dans le Global Equity Oppor -
tunities Fund au cours du jour de leur choix. Goldman faisait une bonne affaire. Si
les trois milliards de dollars a vaient été investis dans les titres appartenant au fonds ,
l’impact de cet achat sur le marché aurait sans aucun doute f ait monter les cours,
augmentant ainsi le prix d’achat pour Goldman. Au lieu de cela, en utilisant les
liquidités apportées pour diminuer l’effet de levier, Goldman a acquis des parts de
fonds pour un prix qu’il aurait été impossible d’atteindre sans cette condition. Les
clients existants ont de cette manière subi une dilution de leur exposition.
Enfin, Goldman Sachs a procuré aux i vestisseurs triés sur le volet de meilleures
conditions d’entrée qu’aux clients existants du Global Equity Opportunities Fund.
Dans une conférence téléphonique réser vée aux analystes, Gary Cohen, président et
co-directeur de Goldman Sachs, observa que cette injection de liquidités « mettait
la société à égalité avec les investisseurs existants ». En réalité, cet ar gent frais ne
payait pas d’honoraires, ses frais d’entrée étaient réduits à 10 %, et il bénéf ciait d’un
taux minimum de performance de 10 % a vant paiement de la prime. Comme
Goldman et les autres investisseurs privilégiés jouissaient de conditions préféren-
tielles, leurs activités désavantageaient à coup sûr les investisseurs existants.
http://fribok.blogspot.com/
330 Gestion de portefeuilles institutionnels
En tous cas, Goldman a choisi le meilleur moment pour investir dans le Global
Equity Opportunities Fund. Bloomberg a rapporté que, dans la semaine qui a suivi
l’injection de capitaux, le fonds a pro gressé de 12 %. Une note inter ne du
20 septembre disait que l’investissement de Goldman s’était apprécié de 16 % en un
peu plus d’un mois. Au moins à court terme, Goldman s’en est bien tiré. Les clients
du Global Equity Opportunities Fund ont partagé ce rebond mais, à cause de
l’apport de Goldman, de façon diluée. Confronté à une oppor tunité d’investissement
attractive, Goldman est de venu investisseur, faisant peu de cas des clients de son
fonds alternatif et s’enrichissant au passage.
Bien que les in vestisseurs ne puissent pas totalement éviter les conf its, des
divergences d’intérêt moins importantes apparaissent lorsqu’ils font af faire avec
des sociétés de gestion indépendantes. Le fait d’éviter les f liales des grosses sociétés
financières ne pr ve pas les investisseurs d’un grand choix d’opportunités.
LA STRUCTURE DE RÉMUNÉRATION
Une structure de rémunération appropriée joue un rôle impor tant dans la pro-
duction de résultats satisf aisants. Après a voir identif é une société de gestion
attractive, les in vestisseurs sont confrontés au prob lème de l’év aluation et de la
négociation d’un contrat de rémunération. Le degré d’efficacité de l’estimation d
cours des actifs détermine en grande partie la nature de la structure de rémunération,
la gestion passive de titres cotés e xigeant un traitement différent de l’exploitation
active d’anomalies de cours. Tous les aspects de la structure d’honoraires recèlent
un conf it potentiel entre les intérêts des in vestisseurs et des gestionnaires, ce qui
oblige les in vestisseurs à por ter une attention toute spéciale aux di verses primes
explicites et implicites contenues dans les mandats de gestion.
Le co-investissement
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 331
institutionnels exonérés d’impôts visant le très long terme d’autre part. Ceci dit, le
co-investissement diminue la tentation des gestionnaires de f aire des prof ts aux
dépens de leurs clients.
Bien que n’importe quel niveau de co-investissement encourage les gestionnaires
de fonds à se comporter comme des in vestisseurs, plus leur eng agement f nancier
personnel est conséquent, plus aiguë est l’attention qu’ils por tent à la production
de rendements supérieurs. Les gestionnaires cessent de tirer prof t de l’attraction de
nouveaux capitaux dès le moment où la diminution du rendement sur leurs fonds
personnels provoquée par l’augmentation des capitaux sous gestion dépasse le
manque à gagner sur les honoraires induit par une limitation des capitaux entrants.
Comme le montant f acilement mesurab le des honoraires perdus à cause d’une
limitation des fonds sous gestion éclipse l’estimation approximative de la baisse de
performance due à la taille, seuls les gestionnaires les plus prospères sont confrontés
à une situation fa vorisant la limitation de la croissance des capitaux sous gestion.
Même si les chiffres favorisaient des stratégies de croissance des capitaux sous ges-
tion pour la plupart des gestionnaires, des niveaux importants de co-investissement
envoient des signaux forts aux in vestisseurs en ce qui concerne l’orientation du
gestionnaire sur les performances. L ’idée selon laquelle un gestionnaire de fonds
croit suff samment dans son produit pour y in vestir lui-même des sommes impor -
tantes, suggère qu’il partage le point de vue des investisseurs.
L’investissement de capitaux personnels aux côtés des clients crée une for te
convergence d’intérêts. Bien que sa par ticipation aux prof ts por te l’attention du
gestionnaire sur la production de rendements chère aux investisseurs, une structure
de rémunération dans laquelle le gestionnaire ne par tage que les g ains crée la
possibilité d’encourager la prise de risque. En co-in vestissant massi vement, les
gestionnaires participent directement aux g ains et aux per tes, ce qui les conduit à
évaluer les oppor tunités d’investissement de manière plus équilibrée. P our produire
cet effet sur son compor tement, le co-in vestissement du gestionnaire doit por ter
sur une part importante de sa fortune personnelle, même si le montant peut paraître
modeste en termes absolus. En signant un chèque représentant une par t important
de ses avoirs, le gestionnaire se met dans la peau d’un investisseur.
Bien que le co-investissement améliore en général la situation des investisseurs
en alignant les intérêts, certaines dif férences d’objectifs doivent être examinées soi-
gneusement. Les gestionnaires soumis aux impôts et les in vestisseurs institution-
nels qui en sont exonérés sont confrontés à des scenarii différents en ce qui concerne
les bénéf ces après impôt. Les gestionnaires opèrent sur un horizon à plus court
terme que celui qui conviendrait aux fonds permanents d’une institution pérenne.
Les individus for tement investis exigent souvent une plus g rande diversificatio
http://fribok.blogspot.com/
332 Gestion de portefeuilles institutionnels
que ne le souhaitent la plupart des institutions, qui détiennent déjà un éventail d’actifs
bien diversifiés. Mais même si les di férences de statut f scal, d’horizon de placement
et de tolérance au risque créent une di vergence entre les intérêts des gestionnaires
et les objectifs des investisseurs institutionnels, les avantages d’un co-investissement
substantiel surpassent largement les inconvénients.
1. Barclays Global Investors estime que ces der nières années, 60 à 70 % des transactions
effectuées sur son fonds indiciel sui vant le S&P 500 étaient des transactions croisées. De
telles transactions inter nes n’ont aucun impact sur le marché et n’e xigent le paiement
d’aucune commission.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 333
1. Les tarifs de Barclays Global Investors pour le fonds suivant le S&P 500 commencent à
7 points de base pour les 50 premiers millions de dollars, puis 5 points de base sur les
50 millions suivants, et enfin 2 points de base au-dessus de 100 millions. Un point de base
est égal à un centième de pourcent.
http://fribok.blogspot.com/
334 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 335
http://fribok.blogspot.com/
336 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 337
les tarifs. Les ristournes en dessous de table pouvaient cesser d’exister. Malheureu-
sement pour les investisseurs, les gestionnaires de fonds réalisèrent que les pots de
vin transféraient des dépenses liées à la recherche depuis leur compte (les frais de
gestion) vers celui des in vestisseurs (les coûts de transaction). En conséquence,
l’industrie de la gestion d’actifs défendit avec enthousiasme les dessous de table.
Au lieu de bannir les pots de vin, le Cong rès américain les abrita en 1975 sous
le paragraphe 28(e) du Securities Exchange Act de 1934. En pervertissant un texte
législatif originellement conçu pour protéger la foule des investisseurs, le Congrès
cédait à la pression de Wall Street et autorisait e xplicitement les gestionnaires de
fonds à puiser dans les capitaux des in vestisseurs, légitimant ainsi les dessous de
table en demandant à la SEC d’en déf nir les modalités. Pourquoi les intervenants
tolèrent-ils ces anomalies que constitue le paiement de coûts de transaction e xagérés
puis la réception de ristournes sous la for me de biens et des services ? La réponse
gît dans le manque de transparence des procédures, qui per met aux gestionnaires
d’actifs de prof ter de l’opacité du système. Si les coûts des dessous de table étaient
aussi transparents que les frais de gestion, l’industrie de la gestion d’actifs n’en aurait
plus aucune utilité.
Lorsque la SEC e xamina la question des dessous de tab le au milieu des
années 80, non seulement elle manqua une occasion d’éliminer un f éau, mais elle
ne fit que répandre cette épidémie. Dans une prose ureaucratique exemplaire, la
SEC observa que sa directive de 1986 prenait en main « les difficultés de l’industri
de la gestion d’actifs à appliquer des critères rigoureux » pour l’usage des dessous
de table en « adoptant une déf nition plus large des termes ’’services de courtage et
de recherche’’ ». En d’autres ter mes, si les restrictions gênent, alors allégeons les
contraintes ! Les régulations de 1986 de la SEC concer nant les dessous de tab le
favorisaient les gestionnaires au détriment des investisseurs.
Arthur Levitt, le président de la SEC, décri vit ainsi les conf its générés par les
pots de vin dans un article du Wall Street Journal : « Les arrangements en dessous
de table peuvent créer des conf its d’intérêts importants entre un gestionnaire et ses
clients. Par exemple, les gestionnaires peuvent faire en sorte que leurs clients paient
des commissions de transaction e xagérées, ou eng ager un nombre trop grand de
transactions, simplement af n de satisfaire à la coutume des dessous de tab le. Les
arrangements en dessous de table peuvent aussi entraîner l’exécution de transactions
de qualité inférieure lorsque le gestionnaire traite avec un broker moins compétitif
mais qui lui propose des pots de vin plus intéressants »1.
1. Jeffrey Taylor, “SEC Wants Investment Managers to Tell Clients More About ‘Soft Dollar’
Services”, Wall Street Journal, 15 February 1997, 5, 21.
http://fribok.blogspot.com/
338 Gestion de portefeuilles institutionnels
Pour atténuer les conf its entourant l’acti vité de cour tage, la SEC proposa en
février 1995 une nouvelle règle intégrée à l’Investment Advisors Act de 1940, qui
demandait aux gestionnaires d’actifs de divulguer la liste des services dont ils pro-
fitaient au titre des commissions de cou tage. Ce rapport devait citer les vingt brokers
auxquels le gestionnaire avait versé le plus de commissions durant l’année écoulée,
les trois premiers brokers en termes d’exécution seule, la totalité des commissions
versées par le gestionnaire à chaque broker, et la commission moyenne payée à chaque
broker. Ce document devait permettre au client d’évaluer les coûts des services et
des avantages perçus par le gestionnaire en dessous de table et, en conséquence, de
savoir s’il devait limiter l’utilisation de tel ou tel brok er par le gestionnaire. Malheu-
reusement, aucune action ne résulta des propositions de la SEC en 1995.
Malgré les préoccupations pub liques du président Le vitt concernant les dessous
de table, la SEC faillit à protéger les investisseurs en fonds communs de placement
en 1998. L’Inspection Report du régulateur observe froidement « l’utilisation générale
des dessous de tab le, presque tous les gestionnaires obtenant des produits et des
services autres que la seule e xécution des transactions de la par t des brok ers, et
utilisant les commissions versées par leurs clients pour pa yer ces produits et ces
services ». Le rapport reconnaît que « les gestionnaires bénéf ciant des dessous de
table sont confrontés à un confit d’intérêts entre leurs besoins en termes de recherche
et l’intérêt de leurs clients à payer le moins de commissions possible et à obtenir la
meilleure e xécution de leurs transactions ». Le rappor t détaille, e xemple après
exemple, l’utilisation discutable et l’abus des dessous de table, y compris le paiement
« de la location de b ureaux et d’équipements, l’abonnement à des services de télé-
phonie mobile, le paiement de frais personnels, de salaires des employés, de dépenses
de marketing, de frais juridiques, de locations de voitures et de chambres d’hôtels ».
La déf nition du terme « recherche » par Wall Street correspond très peu à celle du
dictionnaire.
Malgré le conf it d’intérêts fondamental et ir réductible lié à l’utilisation des
dessous de table, et malgré la longue liste des ab us dans ce domaine, l’ Inspection
Report de 1998 conclut seulement que la SEC « devrait réitérer et compléter ses
directives, r éf échir à appliquer des e xigences de tenue de comptes, e xiger une
meilleure information et encourager les sociétés à adopter des mesures de contrôle
interne ». Au lieu de protéger les intérêts des in vestisseurs, la SEC défendait ceux
de Wall Street.
Bien que le contenu de l’ Inspection Report de 1998 proposait l’abolition des
dessous de table, la SEC se dégonf a. Confrontée à un véritab le lobby des par ties
intéressées, incluant les gestionnaires de fonds, les sociétés de Wall Street et l’asso-
ciation des analystes de recherche, ainsi qu’à un manque de pression de la part des
investisseurs, le soi-disant « défenseur » des investisseurs opta pour un renforcement
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 339
des régulations au lieu d’une éradication pure et simple. Un individu cynique pourrait
faire remarquer que la SEC n’agit que sur les problèmes de protection des investis-
seurs clairement visibles et faciles à comprendre, tout en permettant aux abus cachés
et plus difficiles à appréhender de perdure .
L’une des utilisations « légitimes » les plus scandaleuses des dessous de tab le
concerne les pots de vin v ersés par les gestionnaires aux sociétés char gées de les
classer par ordre de performance. D’après le rapport de 1998 de la SEC, les entre-
prises de ser vices de calcul de la performance constituent « une part signif cative
du total des commissions utilisées dans les transactions impliquant des dessous de
table »1. De toute évidence, tout gestionnaire compétent dév eloppe des capacités
internes de compréhension des sources de rendement, créant des mécanismes d’éva-
luation spécif ques à l’approche particulière des marchés de sa société. Acheter
littéralement des services d’attribution de performance à des consultants e xternes
ne sert qu’à remplir les poches de ces consultants au détriment des clients du ges-
tionnaire. Très probablement, la société de consulting rece vant le pot de vin place
la société de gestion dans une position favorable lorsqu’elle fait des recommandations
sur les gestionnaires. Bien que l’on puisse comprendre que les gestionnaires sou-
haitent améliorer leur positionnement en achetant des infor mations inutiles à des
sociétés de consulting, le fait d’utiliser l’argent de leurs clients à cet usage transforme
l’ineptie en ignominie.
Certains gestionnaires ont tant besoin d’aide dans l’év aluation de leurs perfor-
mances qu’ils achètent les services de nombreux consultants. L’étude de la SEC cite
un grand gestionnaire institutionnel qui « a payé 882 000 dollars de commissions
versées par ses clients pour 13 analyses de performance différentes ». Selon un article
paru dans Pensions and Investments, J&W Seligman & Co, une société de gestion
gérant 24,3 milliards de dollars de capitaux, a eng agé sept sociétés de consulting
pour lui fournir des rapports d’attribution de performance, utilisant l’argent de ses
clients pour payer cet achat par le biais des dessous de table2. En versant des sommes
importantes à Callan Associates (79 000 dollars), Evaluation Associates (100 000
dollars), Franck Russell (26 789 dollars), Madison Portfolio Cosultants (17 500 dol-
lars), SEI Corporation (10 000 dollars), Wellesley Group (52 500 dollars) et Yanni-
Bilkey Investment Consulting (25 000 dollars), J&W Seligman espère sans aucun
doute s’attirer un traitement privilégié lors de la prochaine recherche menée par les
consultants ainsi compromis. Les pots de vin déshonorent tous ceux qui y sont
impliqués.
1. Ibid.
2. Barry B . Bur r, “Soft Dollar Managers P ay”, (Chicago) P ensions and In vestments,
10 August 1998, Editorial section, 10.
http://fribok.blogspot.com/
340 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 341
1. Advisory Council on Emplo yee Welfare and Benefit Plans, Report of the Working
Groups on Soft Dollars/Commission Recapture, Washington D.C., 13 November 1997, 5, 21.
http://fribok.blogspot.com/
342 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Sec.gov, Christopher Cox, “Speech by SEC Chair man: Address to the National Italian-
American Foundation”, Washington, D.C., 31 May 2007.
2. Sec.gov, Christopher Co x, “Speech b y SEC Chair man: Address to the Mutual Fund
Directors Forum Seventh Annual Policy Conference”, New York City, 13 April 2007.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 343
http://fribok.blogspot.com/
344 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 345
Une str ucture de rémunération particulièrement e xagérée fait que les in vestis-
seurs paient une prime de performance aux gestionnaires de fonds a vant le retour
du capital investi. Selon certains arrangements en vigueur dans les participations non
cotées, le compte de l’investisseur est débité du montant des frais de gestion v ersés.
Si les « gains » sont calculés à partir de ce capital réduit, il se peut que les gestion-
naires perçoivent une prime de performance sur un fonds qui ne parvient pas à récu-
pérer le capital de l’investisseur. Pour le moins, les gestionnaires de vraient rendre
leur capital aux investisseurs avant de prélever des primes de performance.
La justice e xigerait que les in vestisseurs f xent un seuil minimum à atteindre
avant le partage des prof ts. Des seuils stricts représentent un pourcentage de plus-
value que les investisseurs reçoivent avant que les gestionnaires ne participent aux
gains, seuls les prof ts supérieurs au seuil f aisant l’objet d’un partage. Des seuils
souples, très populaires actuellement, per mettent aux gestionnaires de par tager
la totalité des gains une fois le seuil dépassé, ce qui est de peu d’intérêt pour les
investisseurs (sauf dans le cas où un gestionnaire produit des rendements vraiment
lamentables).
L’identif cation d’un seuil cor rect pose un prob lème difficile, car les marché
alternatifs ne possèdent pas d’indices de référence tout f aits comme le S&P 500
pour les actions domestiques. Dans le cas des stratégies de perfor mance absolue,
un coût des capitaux exprimé sous la forme de taux d’intérêt à un an, est un bon point
de départ. Comme les gestionnaires en perfor mance absolue prennent en général
des positions de courte durée, la mesure de la réussite de l’investissement par rapport
aux taux d’intérêt à court ter me est per tinente. Dans le cas d’actifs réels, où les
rendements espérés se situent entre les rendements ob ligataires (représentant une
mesure du coût d’opportunité des capitaux à risque f aible) et ceux des actions
(représentant une mesure du coût d’opportunité des capitaux à risque élevé), les ren-
dements des obligations à moyen terme augmentés d’une petite prime nous donnent
un seuil correct. À l’ouverture de nouveaux fonds d’investissement, les investisseurs
et les gestionnaires revoient la question du juste seuil au vu des nouvelles conditions
de marché. Par exemple, à mesure que les taux d’intérêt baissaient dans les années 90,
les seuils concernant les actifs tangibles ont baissé de 10 % à environ 5 %.
À l’in verse des str uctures de rémunération que les in vestisseurs rencontrent
parfois dans les stratégies de perfor mance absolue et les actifs réels, ceux qui
investissent dans le capital-risque et les fonds de rachat d’entreprise a vec effet de
levier sont en général confrontés à des ter mes de contrat inattractifs. Après rému-
nération des gestionnaires de par ticipations non cotées a vec 20, 25 ou 30 % des
plus-values générées sur le capital, les clauses de par tage des prof ts ne prennent pas
en compte le coût d’opportunité. Ce serait la moindre des choses que les gestionnaires
http://fribok.blogspot.com/
346 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 347
http://fribok.blogspot.com/
348 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 349
http://fribok.blogspot.com/
350 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Roger Lowenstein, Buffett: The Making of an American Capitalist, New York, Random
House, 1995, 62.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 351
1. Josh Lerner, “Discussion of ‘The Economics of Pri vate Equity Funds’ by Metrick and
Yasuda”, Harvard University and NBER.
http://fribok.blogspot.com/
352 Gestion de portefeuilles institutionnels
de ceux en vigueur dans le secteur. Le personnel de cette société pourrait très bien
s’en aller travailler pour un concurrent aux pratiques de rémunération injustes, aug-
mentant ainsi spectaculairement ses re venus. Le fonds de participations non cotées
innovant, proposant un contrat équitable, n’a pas la possibilité de retenir ses employés.
Les investisseurs trouvent que les clauses des contrats dans le secteur des parti-
cipations non cotées s’éloignent de plus en plus de l’équité. Les frais préle vés par
les fonds multi-milliardaires de LBO rapportent des dizaines de millions de dollars
par an, ce qui est de très loin supérieur aux montants nécessaires à la couv erture
des dépenses opérationnelles de l’entreprise. Les primes de performance des fonds
de LBO représentent 20 % des rendements produits par la hausse str ucturelle du
marché actions, sans mentionner les 20 % sur les rendements provenant de structures
de capital à fort effet de levier. Après ajustement aux frais, aux primes de performance
et au risque, il ne reste plus aucune plus-v alue pour un nombre écrasant d’in ves-
tisseurs.
Les investisseurs en capital-risque s’en tirent un peu mieux. Dans le passé, la
communauté du capital-risque était répar tie dans une str ucture à trois ni veaux,
Kleiner Perkins occupant le haut de la hiérarchie a vec une prime de performance de
30 %, une poignée d’excellentes sociétés percevant 25 %, et le restant empochant
20 % des gains. La folie internet de la f n des années 90 a transformé de nombreux
capital-risqueurs solides en génies du marché haussier , les poussant à e xiger une
augmentation de leur rémunération de 20 à 25 ou même 30%. Bien que très peu de
ceux-là méritent d’être inclus dans l’élite du secteur , la plupart d’entre eux disent
simplement : « C’est le marché » ou « Nous devons le faire pour des raisons de
concurrence ». De telles augmentations des rémunérations ont perduré lors de la
période sui vante, beaucoup moins f avorable au capital-risque, créant un schéma
d’adaptation des termes de contrat à sens unique en défaveur des investisseurs.
Une étude récente de deux enseignants de la Wharton School, Andrew Metrick
et Ayako Yasuda, a produit des résultats surprenants concernant la relation entre les
honoraires et les primes de perfor mance. Les auteurs ont e xaminé les données
détaillées de 238 fonds lancés entre 1992 et 2006. En se basant sur leur modélisation
des caractéristiques des partenariats, « environ 60 % des revenus espérés viennent
d’honoraires f xes insensibles à la perfor mance »1. La conclusion selon laquelle la
plus grande part de la rémunération des gestionnaires prend la forme d’honoraires,
remet en question la structure fondamentale des partenariats de par ticipations non
cotées.
1. Andrew Metrick and Ayako Yasuda, “The Economics of Private Equity Funds”, 9 Sep-
tember 2007, University of Pennsylvania, The Wharton School, Department of Finance.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 353
Michael Jensen, professeur émérite à Har vard Business School, a exprimé des
inquiétudes au sujet des structures de rémunération des sociétés de gestion de par-
ticipations non cotées. Dans une interview de septembre 2007 à Gretchen Morgenson
du New York Times. Jensen, l’homme que beaucoup considèrent comme étant le père
de l’investissement dans les participations non cotées, déplore les honoraires exagérés
que les sociétés de gestion de participations non cotées prélèv ent à leurs clients.
Jensen disait : « Je peux prédire sans l’ombre d’un doute que ces honoraires v ont
finir par diminuer la product vité du modèle. Et ils créent une di vergence supplé-
mentaire entre les gestionnaires et les investisseurs, ce qui est très grave. Les gestion-
naires font cela à cause d’une vision à court terme focalisée sur l’augmentation de
leurs revenus, sans égard pour ce qui fait la force du modèle »1. Les investisseurs en
participations non cotées s’en tirent beaucoup mieux avec des gestionnaires de fonds
plus modestes et plus dynamiques dont les prof ts proviennent davantage des primes
de performance que des honoraires.
Négocier le changement
Bien que des pratiques étab lies depuis longtemps limitent la possibilité pour
l’investisseur de négocier des conditions équitab les, le secteur de l’immobilier of frit
au début des années 90 l’oppor tunité d’une restr ucturation radicale. Après avoir
imprudemment investi des quantités pharamineuses de capitaux dans l’immobilier
durant les années 80, les institutions ont retiré pratiquement tous leurs avoirs de ce
marché après l’effondrement des prix qui marqua le tournant de la décennie. Le peu
d’investisseurs qui désiraient engager des fonds sur ce secteur étaient confrontés à une
foule d’investissements tous aussi peu attractifs les uns que les autres.
Les grands gestionnaires motivés par les honoraires dominaient l’activité immo-
bilière institutionnelle dans les années 80. Des sociétés comme AEW, Cople y,
Heitman, JMB, LaSalle, RREEF et TCW accumulaient des milliards de dollars de
capitaux sous gestion, motivés par le cash f ow régulier généré par les frais d’acquisi-
tion, les frais de gestion et les honoraires de suivi. La communauté des gestionnaires
du secteur immobilier se concentrait sans sur prise sur la création, la conserv ation
et l’augmentation de ces f ux de revenus, négligeant souvent de générer des retours
sur investissement pour leurs clients.
1. Gretchen Morgenson, “It’s Just a Matter of Equity”, New York Times, 16 September 2007.
http://fribok.blogspot.com/
354 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 355
1. Ibid.
http://fribok.blogspot.com/
356 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. “The 400 Richest Americans: #215 Neil Gary Bluhm”, Forbes.com: 21 September 2006.
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 357
CONCLUSION
L’efficience des marchés crée une di ficulté de taille pour les i vestisseurs qui
suivent des stratégies de gestion acti ve, provoquant l’échec de la plupart d’entre
eux à battre les indices. Bien que battre le marché s’avère être ardu et coûteux, les
investisseurs prennent souvent pour argent comptant les prétentions des gestionnaires
actifs, attribuant leur réussite à leur talent et non à la chance, et oublient d’ajuster les
rendements au risque encouru. Face aux obstacles qui se dressent devant la gestion
active, les inter venants réagissent à l’e xcitation provoquée par un jeu dans lequel
les scores s’affichent en millions, oire même en milliards de dollars, justif ant la
poursuite de stratégies actives par les investisseurs institutionnels.
Les investisseurs sérieux approchent les oppor tunités de gestion active avec le
plus grand scepticisme, en commençant par supposer a priori que les gestionnaires
ne démontrent aucun talent. Les chif fres des perfor mances historiques méritent
réfl xion, les observateurs les plus malins étant conscients de la par t de chance pré-
sente dans les meilleurs résultats. Les chances de gagner au jeu de la gestion active
augmentent lorsque l’on conf e des capitaux à des gestionnaires possédant un a van-
tage susceptible de produire une performance supérieure sur des marchés extrême-
ment concurrentiels.
Sélectionner le bon gestionnaire d’actifs pose les plus g randes difficultés au
investisseurs, car l’intégrité, l’intelligence et l’énergie inf uencent fondamentalement
les performances du portefeuille. Les activités des gestionnaires externes contribuent
non seulement à la performance mais également à la réputation de l’institution elle-
même et à sa perception par le public, obligeant ses administrateurs à adopter des
critères extrêmement exigeants dans la sélection des gestionnaires.
http://fribok.blogspot.com/
358 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
La gestion des classes d’actifs 359
http://fribok.blogspot.com/
10
Le processus d’investissement
361
http://fribok.blogspot.com/
362 Gestion de portefeuilles institutionnels
qui investit à long ter me et qui par là sert le mieux l’intérêt général est celui qui,
dans la pratique, encourra le plus de critiques, si les fonds à placer sont administrés
par des conseils, des comités et des banques. Son attitude en ef fet doit normalement
le faire passer aux yeux de l’opinion moyenne pour un esprit excentrique, subversif
et inconsidéré. S’il connaît d’heureux succès, là croyance générale à son imprudence
s’en trouvera fortifiée ; et, si, comme c’est très probab le, il subit des re vers momen-
tanés, rares sont ceux qui le plaindront. La sagesse uni verselle enseigne qu’il vaut
mieux pour sa réputation échouer avec, les conventions que réussir contre elles. »1.
Les difficultés auxquelles est confrontée une institution ess yant de structurer des
processus efficaces de gou ernance restent concentrées sur l’e xercice d’une per-
ception aiguë des nécessités administratives, tout en encourageant un compor tement
« excentrique, subversif et inconsidéré ».
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 363
d’investissement à des grandes classes d’actifs cotés gérés passivement, comme les
actions domestiques, les actions étrangères des pa ys développés, les actions des
pays émergents, les fonds d’investissement dans l’immobilier et les obligations du
Trésor, indexées ou non sur l’inf ation. Le monde e xtrêmement concur rentiel de
l’investissement sanctionne inéluctablement les tentatives de battre le marché, condui-
sant l’investisseur dont les ressources sont limitées à utiliser un ensemb le d’alter-
natives d’investissement passives à bon marché1.
Certaines classes d’actifs e xigent des talents de gestion acti ve si l’investisseur
espère obtenir un rendement ajusté au risque attractif. Ce sont les stratégies de per-
formance absolue, les actifs réels et les par ticipations non cotées. Dans chacun de
ces cas, les str uctures de rémunération (cette combinaison de frais préle vés sur le
capital conf é et de primes de performance) créent un obstacle important à la réussite
de l’investissement et sanctionnent durement les in vestisseurs qui échouent. En
grande par tie à cause de ces structures de rémunération, la mo yenne des perfor-
mances de ces classes d’actifs ne parvient pas à procurer aux investisseurs des rende-
ments ajustés au risque satisfaisants. Et l’identif cation des gestionnaires possédant
un potentiel important implique la possession d’un lar ge éventail de compétences
qualitatives et quantitatives. La réussite dans les domaines de ses stratégies de per-
formance absolue, des actifs réels et des participations non cotées dépend essentielle-
ment de la qualité des décisions de gestion active.
Mis à par t le f ait de per mettre aux investisseurs d’utiliser une lar ge palette de
classes d’actifs, une équipe de professionnels de grande qualité permet à une insti-
tution de rechercher des rendements supérieurs à ceux du marché dans le domaine
relativement efficient des titres cotés. Même si les choix de gestion pass ve bon
marché représentent une concurrence de taille pour les gestionnaires actifs, a vec
une sélection vigilante et un horizon d’in vestissement suffisamment éloigné, le
professionnels de haut ni veau sont confrontés à des perspecti ves de rendements
supérieurs grâce à la gestion active.
Le rôle de la gestion acti ve est central dans les délibérations concer nant la
structure de l’organisation chargée d’investir et la gouvernance du processus d’inves-
tissement. Les institutions qui créent des or ganisations dédiées à l’investissement de
grande qualité animées par des professionnels compétents et un comité d’investis-
sement inspiré, jouissent de la possibilité d’utiliser un éventail plus large de classes
d’actifs et peuvent exploiter tout un ensemble d’anomalies de cours. Les institutions
http://fribok.blogspot.com/
364 Gestion de portefeuilles institutionnels
aux ressources humaines insuffisantes su vent avec raison une stratégie limitée aux
portefeuilles gérés passivement. Le choix entre les approches acti ve et passive de
la gestion de portefeuille contient des implications pour presque chaque aspect du
processus d’investissement.
L’ENVIRONNEMENT OPÉRATIONNEL
Pour constr uire un por tefeuille de qualité géré acti vement, les str uctures de
gestion des investissements ont besoin d’un personnel compétent supervisé par un
comité d’investissement qui fonctionne cor rectement. Les comités d’in vestissement
efficaces appo tent une vision d’ensemble tout en faisant attention de ne pas empiéter
sur les responsabilités des salariés de la str ucture. La limitation des réunions du
comité à quatre par an évite que les conseillers ne soient trop impliqués dans les
décisions de gestion au jour le jour, tout en permettant au personnel de recevoir des
directives appropriées de la part du comité. Supposer que les initiati ves d’investis-
sement viennent du personnel et non des membres du comité, permet au département
de l’investissement d’assumer l’entière responsabilité de la nature et de la direction
du programme d’investissement. En bref, le comité d’in vestissement devrait jouer
le rôle de conseil d’administration pour les opérations de gestion du fonds.
Le comité d’investissement
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 365
Des professionnels solides doi vent diriger le processus de gestion du por te-
feuille. Qu’il s’agisse de questions générales liées à l’allocation d’actifs ou à la
politique de prélèvement, de problèmes spécif ques de gestion du portefeuille et de
sélection des gestionnaires, le personnel a besoin d’ar guments rigoureux et convain-
cants pour pouvoir adopter une ligne de conduite par ticulière. La défense de ses
convictions ne doit pas compromettre la transparence, car les faiblesses manifestes
ou potentielles doi vent être décrites et étudiées au g rand jour. La malhonnêteté
intellectuelle s’avère fatale au processus d’investissement.
http://fribok.blogspot.com/
366 Gestion de portefeuilles institutionnels
Sans une procédure rigoureuse de for mulation des recommandations d’in ves-
tissement, la prise de décision a tendance à de venir informelle, et même aléatoire.
Dans le cas de décisions d’allocation d’actifs, une analyse solide menée par le per-
sonnel dédié à l’investissement établit et formule un cadre intellectuel cohérent d’où
découlent des recommandations bien fondées. Dans le cas de décisions concernant
le choix d’un gestionnaire précis, une évaluation rigoureuse de tous les aspects de
l’opportunité d’investissement, y compris une enquête approfondie sur la personnalité
des dirigeants de la société de gestion, est une condition sine qua non à l’engagement
des capitaux du fonds.
Les recommandations écrites sont un moyen particulièrement utile de commu-
niquer les idées d’investissement. Le processus d’écriture met souvent en évidence
les imperfections logiques ou les lacunes. Le f ait de savoir qu’un g roupe critique
composé de collègues et de membres du comité v a lire la proposition d’in vestis-
sement stimule l’exposition logique et attenti ve des recommandations. Un traite-
ment par écrit le plus exhaustif possible des problèmes d’investissement rencontrés
fournit un arrière-plan commun au personnel et aux membres du comité, rehaussant
la qualité des discussions lors des réunions.
Des décisions plus pertinentes sor tent de petits g roupes de décideurs ne com-
prenant pas plus de trois ou quatre personnes. À mesure que s’accroît le nombre de
gens impliqués dans une décision, la probabilité augmente de v oir apparaître un
consensus conventionnel, truffé de compromis. De toute évidence, dans le cas où
le personnel est nombreux, il ne s’agit pas qu’un seul et même petit groupe prenne
toutes les décisions. Par exemple, différents groupes peuvent faire des recomman-
dations pour dif férentes classes d’actifs, préser vant ainsi le principe des petits
groupes de décideurs tout en permettant à l’organisation d’embaucher les ressources
humaines nécessaires à la gestion croissante de la comple xité du por tefeuille et à
l’augmentation des capitaux sous gestion.
Les organisations dédiées à l’in vestissement prof tent du renouv ellement per-
manent induit par l’arrivée de jeunes professionnels. Leur énergie, leur enthousiasme
et les perspecti ves nouv elles dont ils sont porteurs, empêchent la moisissure de
s’installer. Le processus d’apprentissage prof te aussi bien à l’apprenti qu’à son
formateur, car enseigner apprend autant à l’enseignant qu’à l’étudiant. Comme
l’a observé James Tobin, l’économiste de Yale : « J’apprends sans cesse, à la fois
des étudiants eux-mêmes et de la discipline e xigeant de leur présenter clairement
mes idées ». Dans une organisation bien structurée, les nouvelles embauches ont un
impact positif. La délég ation des responsabilités améliore la perfor mance et accroît
le plaisir de travailler.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 367
Les groupes de gestion d’in vestissement solides partagent un cer tain nombre
de caractéristiques communes, les individus remarquables en constituant l’élément
le plus impor tant. En octobre 1987, le Secrétaire au Trésor Henry Paulson, alors
cadre supérieur chez Goldman Sachs, s’adressa aux étudiants de la Yale School of
Management, for mulant le concept attractif selon lequel les indi vidus de qualité
gravitent autour des entités les plus perfor mantes adoptant une stratégie globale,
fournissant l’oppor tunité d’un mentorat spécialisé et encourageant l’acceptation
précoce de responsabilités importantes.
Les meilleures organisations choisissent parmi une lar ge palette d’oppor tunités.
En examinant des allocations d’actifs non traditionnels, les in vestisseurs améliorent
leurs chances de composer un portefeuille bien adapté aux besoins de l’institution.
En étudiant des alternatives originales, ils augmentent la possibilité de découvrir le
prochain actif en v ogue avant qu’il ne soit év enté. En év aluant des gestionnaires
qui ne présentent pas le traditionnel prof l pré-formaté, ils multiplient leurs chances
de rassembler un groupe motivé et séduisant de partenaires. Opérer à la périphérie
des normes institutionnelles ordinaires augmente les chances de réussite.
Une vision globale facilite la compréhension des alternatives d’investissement,
fournissant un contexte précieux même pour réf échir aux choix d’in vestissement
les plus ordinaires. Outre cette amélioration du cadre de prise de décision d’un inves-
tisseur, la vision globale augmente l’étendue du choix en matière d’investissement,
améliorant la probabilité d’identif er des oppor tunités intéressantes. Évidemment,
des possibilités plus nombreuses s’accompagnent d’un plus g rand risque d’échec.
Les engagements outre-mer, par exemple, ont des niveaux de risque plus élevés car
la disponibilité des informations et la profondeur d’anal yse sont presque in varia-
blement inférieures à celles que l’on trouve sur le marché américain.
Le mentorat spécialisé procure une formation essentielle aux nouvelles recrues
car les individus assimilent les principes de la gestion d’actifs surtout grâce à l’expé-
rience. Bien que la for mation universitaire four nisse les fondements nécessaires,
les aspirants investisseurs apprennent par l’apprentissage concret, prof tant d’une
exposition quotidienne aux réf exions et aux activités de leurs collègues plus expé-
rimentés.
Donner des responsabilités aux membres les plus jeunes de l’équipe four nit
l’opportunité à tous les autres de dif fuser leur savoir-faire dans toute l’or ganisation.
Transmettre les principes essentiels à des collègues plus jeunes en fait plus rapide-
ment des professionnels expérimentés, élargissant les capacités de l’organisation et
ses possibilités de réussite. Et comme avantage corollaire, le processus de formation
http://fribok.blogspot.com/
368 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 369
LA STRUCTURE ORGANISATIONNELLE
http://fribok.blogspot.com/
370 Gestion de portefeuilles institutionnels
réduits à leur plus simple e xpression, ne contenaient que quelques positions, per -
mettant d’en faire f acilement un tour d’horizon complet en quelques heures. Les
comités d’investissement, peuplés de « grosses pointures » du secteur, apportaient
souvent une connaissance directe et utile en ce qui concerne les titres à détenir.
Dans les années 60 et 70, la str ucture de por tefeuille standard impliquait une
poignée de gestionnaires externes qui suivaient habituellement des stratégies équi-
librées demandant peu de sui vi de la par t des administrateurs. Les prob lèmes de
gouvernance restaient semblables à ceux que rencontrait n’importe quel gestionnaire
pour compte de tiers. Au lieu de suivre des dizaines de titres, le comité d’investis-
sement vérif ait et évaluait un petit g roupe de gestionnaires e xternes. Comme ces
gestionnaires investissaient principalement dans des titres f amiliers sur les marchés
domestiques, le processus d’in vestissement s’a vérait être confor table aussi bien
pour les conseillers que pour le personnel de l’institution.
Durant les dernières décennies, les exigences placées sur les épaules du personnel
de gestion et sur celles des conseillers se sont multipliées au r ythme de l’augmen-
tation des classes d’actifs et de l’explosion simultanée du nombre de gestionnaires
spécialisés. Et même en traitant correctement cette comple xité toujours plus grande
du monde de l’investissement, les conseillers ont rencontré un nombre croissant de
problèmes liés aux institutions sans but lucratif, problèmes qui se sont avérés devenir
plus v astes et plus profonds. En conséquence, de nombreuses institutions ont
consacré plus de temps et d’attention à la gestion des investissements.
La structure des organisations dans le domaine de l’investissement ne parvient
souvent pas à sui vre le r ythme des changements qui s’ef fectuent dans le monde.
Dans de nombreux cas, les institutions sont restées enracinées dans le passé, consa-
crant des ressources insuffisantes au nancement de la gestion d’actifs. La gestion
de fonds de réser ve a souf fert des situations trop fréquentes où les décideurs ne
passaient qu’une partie minime de leur temps à superviser le destin de centaines de
millions de dollars. Ne pas embaucher suffisamment de personnel spécialisé, c’es
faire des économies de bouts de chandelle pour au f nal perdre gros. Pour chaque
point de pourcentage annuel ajouté aux rendements de l’in vestissement, un fonds de
réserve de 500 millions de dollars génère 5 millions de plus par an. Les coûts d’une
organisation de qualité pâlissent en comparaison de la v aleur ajoutée à la perfor -
mance.
Le fait d’attirer et de pa yer des professionnels de l’in vestissement talentueux
pose des difficultés aux institutions sans ut lucratif. Dans le secteur privé, les pro-
fessionnels des services f nanciers gagnent des sommes astronomiques. À l’in verse,
comme c’est le cas pour la plupar t des employés des organisations sans but lucratif,
les financiers y tr vaillant gagnent beaucoup moins que leurs confrères du secteur
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 371
privé. La combinaison d’une échelle de salaires plus basse dans les or ganisations
sans but lucratif et de rémunérations extraordinaires dans le secteur privé, crée des
tensions potentielles au sujet des rémunérations dans la communauté des organisa-
tions sans but lucratif.
Pour traiter ce prob lème des rémunérations, un certain nombre d’uni versités ont
mis sur pied des entreprises distinctes de gestion du fonds de réserve. Le problème
fondamental qu’on rencontre avec cette séparation organisationnelle (et dans certains
cas physique) concerne la tendance à traiter la société de gestion comme une simple
entité d’investissement. Une gestion appropriée du fonds de réser ve exige de consi-
dérer à la fois les politiques d’investissement et de prélèvement, avec une attention
toute particulière à la façon dont elles interagissent. Ce travail risque fort de ne pas
être bien fait si la société de gestion n’a en charge que les décisions d’investissement
pendant que d’autres personnes déterminent la politique de prélèvement.
En fait, la gestion du fonds de réserv e s’améliore lorsque les opérations d’inves-
tissement sont intég rées à l’institution elle-même. Plus le de gré d’interaction est
élevé entre les gestionnaires du fonds de réserve et le reste de l’organisation éduca-
tive, plus les professionnels de l’in vestissement sont crédibles lorsqu’ils discutent
et recommandent une politique de prélèvement. Dans les universités, les domaines
d’interaction comprennent l’enseignement universitaire donné par les gestionnaires ,
la recherche de conseils économiques auprès des enseignants, le tra vail avec le
département du développement, et la contribution à l’analyse des questions f nancières
indépendantes de l’investissement. Mise à part la contribution du dépar tement de
l’investissement à l’amélioration de l’organisation dans son ensemble, l’interaction
avec d’autres aspects de l’institution augmente la satisf action professionnelle du
personnel dédié à l’investissement.
Ironiquement, la mise en place d’entreprises de gestion distinctes af n de faciliter
une rémunération supérieure des f nanciers embauchés, exacerbe parfois le problème.
Une plus grande séparation conduit à une identif cation moins importante à l’ins-
titution, diminuant la gratif cation psycholo gique issue du soutien à la mission
humaine. Cette gratification perdue doit être remplacée par des espèces sonnante
et trébuchantes, diminuant un peu plus encore le lien entre la société de gestion et
le reste de l’institution.
http://fribok.blogspot.com/
372 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 373
moins comme une or ganisation sans but lucratif et da vantage comme une banque
d’investissement où la rémunération compte plus que tout, la Stanford Management
Company n’est pas parvenue à embaucher des employés qui s’identif aient à la mis-
sion institutionnelle de Stanford. Au lieu de dénicher des professionnels qui souhai-
taient un bon salaire et la reconnaissance d’une des plus grandes institutions éduca-
tives du monde, Stanford a attiré des décideurs qui n’étaient là que pour l’ar gent.
Inévitablement, les bas salaires offerts par l’organisation sans but lucratif menèrent
à un tur nover élevé par mi ces gens qui désiraient des rémunérations dignes de
Wall Street.
Une équipe stab le et cohérente donne une force considérab le au processus
d’investissement. Mis à part les avantages évidents de la continuité dans la gestion
du portefeuille, les professionnels de l’investissement qui s’identif ent à la mission
de l’organisation et qui deviennent partie prenante de sa culture, servent beaucoup
les besoins de l’institution. L’incapacité de la Stanford Management Company à créer
une culture interne cohérente avec la mission de l’Université a f nalement imposé des
coûts signif catifs à l’un des plus grands établissements d’enseignement du monde.
Les institutions n’ont pas besoin de mettre en place des sociétés de gestion
distinctes pour traiter les prob lèmes de rémunération. Des e xceptions peuvent être
faites par rapport aux grilles habituelles pour pouvoir payer des salaires raisonnables
et compétitifs, en y incluant des primes de perfor mance, sans pour autant provoquer
la fracture radicale induite par la création d’une entité juridique séparée. Même si
gérer ces négociations au sein de l’uni versité pose parfois des difficultés, elles n’on
pas l’ampleur des problèmes associés à la séparation complète de la société de gestion.
Bien que le désir de créer une échelle de salaire dif férente pour les profession-
nels s’occupant des investissements de l’université semble motiver la mise en place
d’une société de gestion distincte, la vision d’une amélioration de la gouv ernance
contribue également à la décision. À mesure que l’étendue et la comple xité des
alternatives d’investissement s’accroissent, le besoin en conseillers responsab les
de la supervision des opérations d’investissement augmente également. Le fait de
mettre en place une société de gestion distincte permet à l’institution de rechercher
au-delà du g roupe de conseillers e xistants, lors de la sélection d’administrateurs
chargés de superviser la gestion du fonds de réserve.
Pourtant, les prob lèmes de gouv ernance peuv ent être traités sans créer une
société de gestion distincte. Depuis sa création en 1975, le Comité d’In vestissement
de Yale s’est ouvert à des conseillers externes af n d’aider à la gouvernance. L’utili-
sation de conseillers e xternes, qui appor tent des inspirations et des perspecti ves
précieuses au processus d’investissement, évite d’avoir à créer une société de gestion
distincte pour pouv oir ag randir l’équipe char gée de la gouv ernance. Avantage
http://fribok.blogspot.com/
374 Gestion de portefeuilles institutionnels
L’UTILISATION D’INTERMÉDIAIRES
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 375
Les gestionnaires de fonds de fonds four nissent le service qui consiste à prendre
les décisions d’in vestissement à la place des administrateurs. En rassemb lant les
fonds d’investisseurs moins sophistiqués, les gestionnaires de fonds de fonds font
valoir que des économies d’échelle permettent à leur personnel de gérer les capitaux
à la manière des institutionnels. Les sociétés proposant des fonds de fonds sont des
créateurs multi-produits qui per mettent aux clients de choisir par mi des niches
spécialisées incluant presque toutes les classes d’actifs imaginables.
En fournissant des services de sélection et de sui vi des gestionnaires, les grands
fonds de fonds suggèrent qu’ils permettent aux petites organisations de prof ter de
stratégies d’investissement qu’elles ne pour raient autrement pas mettre en œuvre.
Les organisations plus g randes espèrent parfois prof ter de l’utilisation des fonds
de fonds pour avoir accès à des niches de marché inhabituelles.
Malgré les avantages supposés de l’utilisation de gestionnaires de fonds de fonds,
des risques importants naissent du fait d’imposer un f ltre entre le gestionnaire de
fonds et le client f nal. Indépendamment du ni veau d’information fourni par le ges-
tionnaire du fonds de fonds, la transparence dans la relation d’investissement décline
spectaculairement. Les clients incapables ou ne désirant pas comprendre les carac-
téristiques d’un gestionnaire sélectionné ne se reposent que sur la perfor mance pour
évaluer les stratégies d’investissement. Lorsque les résultats déçoi vent, les clients
ne s’interrogent pas seulement au sujet du gérant du fonds lui-même, mais également
sur les compétences du gestionnaire de fonds de fonds.
Confronté à des performances médiocres, le client perd les a vantages associés
à la délégation de ses responsabilités au gestionnaire de fonds de fonds. La compré-
hension des causes de résultats médiocres exige une investigation sérieuse des sociétés
de gestion concernées, tâche que les administrateurs espéraient éviter. Sans connais-
sance de première main des gestionnaires sélectionnés, les clients n’ont pas d’autre
alternative que de réagir aux chif fres, exposant leur por tefeuille à la perspecti ve
désastreuse qui consiste à vendre au plus bas après avoir acheté au plus haut.
Lorsqu’ils utilisent des gestionnaires de fonds de fonds, les in vestisseurs doivent
rechercher des sociétés dont les critères professionnels et éthiques sont compatib les
avec les leurs. La délég ation du pouv oir d’engager des gestionnaires e xternes est
d’une importance extrême. Même des gestionnaires réputés de gros de fonds de fonds
prennent de temps en temps des décisions extraordinairement inappropriées. Il y a
plusieurs années, un véhicule d’in vestissement dans les participations non cotées
fut lancé par un fonds multi-milliardaire. Ses dirigeants réf échissaient à engager une
personne qui devait gérer un programme d’investissement dans le pétrole et le gaz.
http://fribok.blogspot.com/
376 Gestion de portefeuilles institutionnels
Mis à part le fait que le CV de cette personne ne démontrait pas d’expérience suf-
fisante dans le domaine, un casier judiciaire char gé assombrissait son passé.
Convaincu de traf c de drogue, le gestionnaire pressenti avait également été arrêté
pour violence conjugale.
La plupart des investisseurs, confrontés à cet ensemble de faits, auraient éliminé
ce candidat. Même dans les meilleures circonstances, l’in vestissement représente
un déf de taille. Le fait d’embaucher un collaborateur inexpérimenté possédant un
casier judiciaire chargé, augmente considérablement les difficultés
Qu’est-ce qui a moti vé les dirigeants à soutenir cette candidature d’un gestion-
naire sous-qualif é à la personnalité douteuse ? Bien qu’il doive s’agir d’un ensemble
complexe de raisons, une réponse évidente apparaît. Les gestionnaires de fonds de
fonds justif ent leur existence en partie en effectuant des choix non conventionnels.
Embaucher un gestionnaire lambda produit moins de valeur ajoutée que dénicher des
gestionnaires émergents dont la plupart des acteurs du marché ignorent l’existence.
Finalement, le fonds de fonds décida d’ouvrir à l’ancien traf quant de dro gue
les por tes du métier d’in vestisseur dans le secteur de l’éner gie. Non contente de
simplement soutenir cet indi vidu comme elle l’aurait f ait pour tout gestionnaire
correspondant à ses critères, l’or ganisation décida de lui conf er la totalité de son
fonds Energie. La vie est trop courte pour perdre son temps à parier g ros sur un
individu au passé douteux, alors que le monde propose d’innombrables alternatives
de meilleure qualité.
Autre exemple extraordinaire, celui de Paloma Partners, un fonds de fonds multi-
milliardaire, qui engagea John Mulheren de Buffalo Partners af n qu’il gère un porte-
feuille d’arbitrage. Mulheren était de venu célèbre en février 1988 lorsqu’il s’était
procuré un fusil d’assaut israélien, un pistolet semi-automatique de calibre 9, un
pistolet Magnum et trois cents cartouches de munitions dans l’intention de descendre
Ivan Boesky. Alerté par l’épouse de Mulheren, la brig ade spéciale de l’État de
New Jersey l’arrêta, évitant ainsi une probable tragédie1.
Comme Paloma Partners refuse de dév oiler les noms des gestionnaires qu’il
engage, même à ses clients, la plupart de ceux-ci ignoraient cette relation. Apprenant
l’implication de Mulheren dans le fonds de fonds, un client potentiel accusa la société
en affi mant que cet investissement ne correspondait pas aux critères institutionnels.
Paloma Partners répondit : « Mulheren est un excellent gestionnaire quand il prend
son Valium ».
Ajouter un f ltre supplémentaire au processus de gestion en diminue la transpa-
rence, ce qui pose de sérieux problèmes aux investisseurs. Au lieu de se reposer sur
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 377
les décisions d’une autre personne concernant les investissements, l’investisseur doit
se fier à la décision de quelqu’un sur la capacité de quelqu’un d’autre à prendr les
décisions d’investissement ultimes. Bien que le fait de s’engager avec des traf quants
de drogue ou des assassins en puissance soit un exemple extrême de manque de dis-
cernement, ces incidents soulignent le risque inhérent à l’utilisation d’intermédiaires
dans la prise de décision. Plus nombreux sont les fltres, plus grande est la probabilité
que les résultats s’éloignent des préférences de l’investisseur.
Outre les problèmes de transparence et de délégation de l’autorité, les fonds de
fonds souffrent de str uctures de rémunération particulièrement lourdes. Dans le
monde de la gestion active, la majorité des capitaux ne parviennent pas à rapporter
des rendements ajustés au risque supérieurs à ceux du marché, car la cer titude des
frais de gestion et des coûts de transaction submerge la fausse promesse de succès.
Dit simplement, le gestionnaire du fonds de fonds ajoute encore une batterie d’hono-
raires à des charges déjà écrasantes, réduisant un peu plus les chances de réaliser
une performance supérieure à celle du marché.
En plus de ces frais supplémentaires, le fonds de fonds est confronté à des dif-
ficultés dans sa sélection des gestionnaires, ce qui limite encore son choix. Lesges-
tionnaires de fonds préfèrent lar gement avoir affaire directement aux apporteurs de
capitaux. Les fonds de fonds sont une source de f nancement qui manque de sou-
plesse et de f abilité, car ils ne contrôlent pas directement les capitaux qu’ils utilisent
pour s’eng ager. Comme les meilleurs gestionnaires jouissent d’une plus g rande
faculté de choisir leurs clients, les fonds de fonds livrent une bataille incertaine pour
pouvoir accéder aux sociétés de gestion les plus performantes.
La discrimination contre les fonds de fonds ne s’ef fectue pas ouvertement, car
les gestionnaires prudents pensent au jour où ils auront besoin de leur argent, aussi
instable qu’il soit. Prenant une position publique à ce sujet, fait rare dans le métier,
la société de capital-risque mondialement réputée Sequoia Capital élimina en 2006
tous les fonds de fonds de sa base de clientèle 1. En révélant pub liquement ce que
de nombreux gestionnaires pratiquent en privé, Sequoia Capital mit en évidence le
problème du choix proposé aux fonds de fonds.
Une preuve de la sous-performance des fonds de fonds nous vient de l’étude
faite en 2006 par Nacubo Endowment2. Les gros fonds de réserve (dont les capitaux
dépassent 1 milliard de dollars) ont fait état de rendements des fonds alternatifs de
11 % pour l’année se terminant le 30 juin 2006. Les petits fonds de réser ve (aux
capitaux compris entre 25 et 50 millions de dollars) ont fait état de rendements des
http://fribok.blogspot.com/
378 Gestion de portefeuilles institutionnels
fonds alternatifs de 8,2 %. Qu’est-ce qui fait la différence ? Les fonds de fonds ont
vraisemblablement participé à la perfor mance médiocre des petits fonds de réser ve.
D’après l’étude, seulement 2,7 % des g ros fonds de réser ve utilisaient des fonds
de fonds, au lieu de 47 % pour les petits. Apparemment, il existe une relation ente
l’utilisation des fonds de fonds et les performances médiocres.
Une preuv e supplémentaire de la performance médiocre des fonds de fonds
nous vient d’une étude réalisée par Josh Ler ner de Harvard, Antoinette Schoar du
MIT et Wan Wong de Harvard. Dans leur livre Smart Institutions, Foolish Choices?:
The Limited Partner Performance Puzzle, les auteurs e xaminent les performances
des fonds de par ticipations non cotées sélectionnés par dif férentes catégories
d’investisseurs. Les rendements des fonds sélectionnés par les fonds de réserve ont
produit « de loin la meilleure performance globale » avec un rendement moyen de
20 %. Les fonds de fonds ont échoué misérablement, sélectionnant des gestionnaires
au rendement mo yen nég atif de -2 %1. La recherche uni versitaire conf rme une
intuition a priori. Les investisseurs feraient bien d’éviter les fonds de fonds, en se
basant sur les problèmes de transparence, de discernement, d’honoraires et de limi-
tations dans le choix.
1. Josh Lerner, Antoinette Schoar, et Wan Wong, “Smart Institutions, Foolish Choices? The
Limited Partner Performance Puzzle”, Har vard University, National Bureau of Economic
Research, and MIT (2005): 15–16.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 379
http://fribok.blogspot.com/
380 Gestion de portefeuilles institutionnels
Les procédures intelligentes de prise de décision mettent l’accent sur les pro-
blèmes rencontrés par le comité d’in vestissement et le personnel dédié. Charle y
Ellis fournit une catégorisation pertinente des dif férentes décisions de gestion de
portefeuille. Les décisions en matière de politique d’investissement concernent les
questions à long terme, qui nour rissent le cadre structurel du processus d’investis-
sement. Les décisions stratégiques sont des acti vités à moyen terme conçues pour
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 381
adapter la politique à long terme aussi bien aux opportunités actuelles du marché
qu’aux réalités de l’institution. Les décisions tactiques cor respondent à l’application
à court terme de la politique d’investissement et des stratégies citées plus haut.
Dans son livre magnif que, Winning the Loser’s Game, Ellis déplore le fait que
les décideurs passent trop de temps sur les décisions relati vement passionnantes
concernant les tactiques et le trading aux dépens des décisions de politique
d’investissement, plus terre à terre mais plus importantes1. Un processus de prise
de décision centré sur l’élaboration de décisions de qualité en matière de politique
d’investissement augmente les chances de gain d’un investisseur.
1. Charles D. Ellis, Winning the Loser’s Game: Timeless Strategies for Successful Investing,
4e éd. Mc-Graw-Hill, 2002.
http://fribok.blogspot.com/
382 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 383
attractives1. En remettant en question les h ypothèses qui avaient été examinées lors
de la réunion annuelle de révision de la politique d’in vestissement, tenue seulement
quatre mois plus tôt, ces membres du comité exposaient Yale au risque d’un renver-
sement de stratégie particulièrement inapproprié.
Après beaucoup de Sturm und Drang2, Yale a maintenu ses objectifs de politi-
que d’investissement, engrangeant des plus-values intéressantes sur son achat post-
krach. Malgré la réussite de l’Uni versité, les discussions en coulisses illustrent le
danger potentiel qu’il y a à réviser trop souv ent la politique d’investissement, sur-
tout au beau milieu d’une crise du marché. Bien que le traumatisme issu du krach
du marché actions de 1987 ait poussé l’Université à transgresser sa règle de limiter
les discussions sur la politique d’investissement à une réunion par an, l’application
rigoureuse d’une politique sensée a f nalement contribué à la poursuite de stratégies
efficaces dans un e vironnement difficile
Quoique les activités du comité paraissent rétrospecti vement inoffensives, ses
prises de position auraient pu entraîner dans d’autres circonstances des conséquences
graves pour le personnel dédié aux in vestissements. En particulier , la note extra-
ordinaire de l’un des membres du comité contenant une critique très vive des objectifs
de la politique d’allocation, contenait des accents menaçants. Si le marché n’a vait
pas rebondi assez rapidement, les membres du personnel d’investissement impliqués
dans l’achat de rééquilibrage auraient pu en pâtir dans leur carrière.
Bien que la réunion du comité sur la politique d’allocation soit un point essentiel
du processus d’investissement, d’autres réunions traitent de questions stratégiques
importantes. Après la clôture de l’année f scale, une réunion consacrée à l’évaluation
du portefeuille étudie les caractéristiques et la performance du fonds de réserve ainsi
que de chaque classe d’actifs. Le rapport qui suit ce tour d’horizon du portefeuille
décrit en profondeur chaque classe d’actifs, replaçant ses résultats dans le contexte
des conditions de marché et identif ant les facteurs qui inf uencent les opportunités
d’investissement. Le positionnement d’une classe d’actifs par rappor t à son indice
de référence et en regard de ses caractéristiques fondamentales (comme la taille, le
1. Le krach du marché actions de 1987 représentait une déviation standard de 20. Les esti-
mations rétrospecti ves de la v olatilité augmenteraient naturellement pour des périodes
incluant les données extraordinaires d’octobre 1987.
2. En allemand dans le texte (NdT).
http://fribok.blogspot.com/
384 Gestion de portefeuilles institutionnels
secteur ou le style) met en évidence les paris effectués au sein du portefeuille et les
évaluent rétrospectivement et prospectivement. Les efforts de la gestion active sont
évalués sous la forme de rapports détaillés pour chaque gestionnaire. Les évaluations
de chaque gestionnaire n’incluent pas seulement sa perfor mance mais aussi des
informations sur sa communication, sa transparence, sa str ucture de rémunération
et son niveau de co-investissement. L’analyse des points forts et des faiblesses des
stratégies appliquées au sein du por tefeuille conduit à concevoir les futurs projets
d’amélioration de sa gestion. Par sa nature, la réunion d’évaluation du portefeuille
fournit un tour d’horizon rétrospectif et un plan stratégique pour l’avenir.
Les deux autres réunions trimestrielles sont généralement centrées sur des sujets
précis, impliquant souvent une analyse approfondie d’une classe d’actifs spécif que.
Les réunions centrées sur une classe d’actifs creusent en profondeur afn de fournir
une vision très détaillée, permettant ainsi aux membres du comité et au personnel
dédié à l’investissement d’évaluer sérieusement chaque aspect de la gestion de cette
classe d’actifs. Les évaluations concernant la prise de décision considèrent l’impact
des paris effectués par rapport à la taille, au secteur et au style. Un tra vail particuliè-
rement eff cace va bien au-delà de l’évaluation traditionnelle des performances, en
examinant les rendements des gestionnaires dont on s’est séparé. En év aluant la
performance des gestionnaires abandonnés par rapport à leur indice de référence et
aux résultats du portefeuille, les enquêteurs recueillent des informations sur la per-
tinence des ruptures de contrats, un sujet inconfortable souvent ignoré après l’accom-
plissement de la tâche difficile qui consiste à rompre une relation
Le tour d’horizon des classes d’actifs fournit une occasion pour les gestionnaires
externes d’engager avec le comité d’investissement et le personnel dédié une dis-
cussion sur les problèmes importants de marché. Bien que les in vestisseurs avisés
évitent le trop fréquent « concours de beauté » (durant lequel les gestionnaires font
une présentation de leur activité difficile à distinguer d’une mise en scène destiné
à séduire), les membres du comité d’in vestissement tirent un grand prof t d’une
discussion face à face avec les gestionnaires. La création d’un for um dédié à l’inter-
action vivante entre les gestionnaires et les membres du comité ajoute de la v aleur
au processus d’investissement. Mais, au lieu de permettre aux gestionnaires de pré-
senter des évaluations de portefeuille toutes faites, le personnel dédié doit str ucturer
le dialogue af n de stimuler la discussion ouverte sur l’approche spécif que de chaque
gestionnaire face aux pièges et aux opportunités de sa classe d’actifs.
Occasionnellement, les réunions du comité traitent des prob lèmes de marché
qui concernent toutes les classes d’actifs. P ar exemple, la débâcle de l’épar gne et
du crédit à la f n des années 80 a inf uencé fortement les participations non cotées,
l’immobilier et les stratégies de perfor mance absolue. À la f n des années 90, la
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 385
folie internet a affecté les investissements dans les titres cotés, dans les participations
non cotées et dans les stratégies de perfor mance absolue. La focalisation de l’atten-
tion sur les nombreuses implications d’un phénomène de marché particulier améliore
la capacité d’un département d’in vestissement à poursuivre des stratégies intéres-
santes et à identif er les risques cachés.
Les investisseurs efficaces restent concentrés sur les objectifs à long teme de la
politique d’investissement, faisant du tour d’horizon annuel de l’allocation d’actifs
la pièce maîtresse des préoccupations d’un fonds d’in vestissement. Consacrer la
réunion qui suit la clôture de l’année f scale à une revue approfondie des caracté-
ristiques et de la performance du por tefeuille permet d’établir un rappor t détaillé
du passé et une car te routière pour l’avenir. Les deux réunions intermédiaires per-
mettent l’examen approfondi d’une classe d’actifs par ticulière ou d’une opportunité
d’investissement intéressante. S’en tenir à un planning des réunions bien déf ni
procure une structure de prise de décision efficace et réduit le risque que le comit
et le personnel dédié n’agissent de manière indisciplinée.
http://fribok.blogspot.com/
386 Gestion de portefeuilles institutionnels
comme sur un manège. À mesure que les in vestisseurs exploitent avec succès une
inefficience à cou t terme, celle-ci doit être remplacée par une autre position, sui vie
par une autre, puis par une autre, et ceci jusqu’à l’infni. La création de plus-value par
une série d’investissements à court terme est un travail difficile et risqué. De plus
les gestionnaires espérant battre le marché chaque trimestre limitent spectaculaire-
ment leur univers d’investissement, ne poursuivant que les anomalies de cours sus-
ceptibles de se résorber rapidement. Les inter venants à cour t ter me créent des
opportunités pour les quelques investisseurs qui tentent de fonctionner sur la base
de considérations à long terme.
Le véritable investissement à long terme élargit énormément le champ d’opportu-
nités disponibles, permettant aux investisseurs de prof ter de l’irrationalité des inter-
venants à court terme. Cependant, comme l’investissement à long terme implique
un prof l de risque intrinsèquement plus éle vé, les sociétés de gestion qui v eulent
réussir doivent développer des mécanismes de compensation des risques associés
à cette activité.
Trop d’intervenants opèrent à court ter me. Il e xiste une multitude de preuv es
selon lesquelles de nombreux gestionnaires f avorisent les idées d’investissement qui
promettent de rapporter dans les trois à six mois. Dans le même temps, la peur de
l’échec pousse les gestionnaires de portefeuilles à s’accrocher à un indice de réfé-
rence af n d’éviter une descente jusqu’aux derniers rangs des classements annuels.
Il en résulte inévitab lement des perfor mances médiocres, car ces gestionnaires
subissent des coûts de transaction élevés en pourchassant des idées d’investissement
de second ordre au sein de portefeuilles quasi indiciels.
Des prob lèmes similaires e xistent dans le monde de la gestion de fonds de
réserve. Les comparaisons des performances d’investissement annuelles créent (ou
reflètent ?) une mentalité de joueur de tiercé. Toute une foule de conseillers, de
donateurs et d’universitaires attendent avec une grande impatience les résultats de
fin d’année, comparant leurs perfo mances à celles d’autres groupes similaires
avec lesquels l’institution est en compétition. Mis à part le fait de ne pas parvenir à
battre un éter nel rival au football, af ficher la meilleure performance annuelle e
termes d’investissement est l’une des toutes premières aspirations d’une institution
d’enseignement. Comme si les chiffres annuels n’étaient pas suffisamment obsédant
par leur focalisation sur le court ter me, la société de consulting Cambridge Asso-
ciates publie maintenant les résultats trimestriels des portefeuilles de fonds de réserve.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 387
De toute évidence, évaluer des fonds destinés au long terme en observant leurs per-
formances trimestrielles induit une for me de pensée er ronée, mettant l’accent sur
la prééminence des considérations à court terme.
Cette compétition pousse certaines institutions à af ficher des compo tements
bizarres, comme le gonf ement de la valeur de fonds de réserve publiée ou la publi-
cation de performances n’incluant pas les frais. Bien que le secret entourant la valeur
véritable d’un fonds de réserve empêche des mesures précises, un nombre étonnam-
ment grand d’institutions pratiquent l’affichage des résultats bruts. Dans le sonda e
le plus récent sur les performances des fonds de réserv e mené par Cambridge Asso-
ciates, 8 % des participants affichaient des résultats vant prélèvement des frais1. De
quelle utilité de tels chif fres peuvent-ils bien être ? D’un point de vue b udgétaire,
des rendements nets procurent des données utiles car les institutions dépensent les
revenus d’investissement après déduction des frais. Du point de vue de l’investis-
sement, les rendements nets permettent de mesurer la vraie valeur ajoutée par rapport
aux indices de référence. En l’absence d’explication rationnelle, il apparaît que les
institutions affichent des rendements bruts simplement dans l’intention d’obtenir u
avantage malhonnête dans la course annuelle aux performances.
1. Cette information est tirée du sondage sur les rendements d’in vestissement, effectué en
2005 par Cambridge Associates.
http://fribok.blogspot.com/
388 Gestion de portefeuilles institutionnels
aide à déf nir le positionnement d’une institution par rappor t à la concur rence,
directement par le soutien f nancier ainsi procuré, et indirectement par la création
d’une bonne réputation. Si une politique d’in vestissement ostensiblement différente
de celle des autres fait baisser précipitamment le fonds de réserve d’une université,
il se peut que cette institution aille rejoindre un groupe moins prestigieux d’homo-
logues, perdant ainsi non seulement des capitaux mais ég alement la conf ance en
ses dirigeants. À l’in verse, une réussite e xtraordinaire en investissement améliore
les finances et la réputation d’une institution. Les conseillers, qui sont en général de
gens peu enclins au risque, peuv ent en venir à préférer un échec probab le avec un
portefeuille con ventionnel à une réussite incertaine g râce à une approche non
conventionnelle.
Toutefois, les préoccupations légitimes concer nant le compor tement des pairs
pourraient, si les personnes concernées donnent trop de poids au consensus dans
leurs délibérations sur l’allocation d’actifs, rendre les changements plus difficiles
décider. Dans les cas extrêmes, la peur d’être différent pousse chacun à regarder par-
dessus l’épaule de son voisin et à négliger d’être attentif à la str ucture fondamentale
de son portefeuille. Un processus de gestion de por tefeuille sensé encourage l’usage
de principes appropriés à la création d’un portefeuille adapté à l’institution, et non
la réplique irréfléchie d’autres allocations d’actifs institutionnelles
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 389
être soutenues par une analyse attentive de leurs fondamentaux. L’enquête sur une
opportunité contrarienne fournit à la fois des ar guments pour l’ouv erture d’une
position et la conviction nécessaire à la conservation de cette position face au scep-
ticisme environnant. N’espérez pas une gratification immédiate. En ait, aller contre
la foule va vraisemblablement paraître insensé à court terme car les actifs déjà bon
marché baissent encore, laissant le vrai contrarien en déphasage fondamental avec
les investisseurs qui suivent les modes du marché.
Ouvrir et conserver des positions contraires au courant général exige une prise
de décision par un groupe relati vement restreint. À mesure que la taille d’un g roupe
s’accroît, la pensée consensuelle domine le processus de prise de décision. Les études
comportementales ont montré qu’il existe une tendance à la « pensée collective ».
La plupart des gens désirent tant la confor mité qu’ils adoptent des attitudes de toute
évidence erronées af n d’éviter d’être à contre-courant de la foule.
L’investissement contrarien à long ter me pose des dif ficultés xtraordinaires,
même dans les meilleures circonstances. Dans un environnement institutionnel com-
prenant d u personnel, des membres de comité, un conseil d’administration, des
obstacles presque insurmontables apparaissent. La création d’un cadre de prise de
décision qui encourage la pensée non conventionnelle constitue un objectif essentiel
pour les gérants de fonds.
Malheureusement, le dépassement de cette tendance à suivre la foule, bien que
nécessaire, s’avère insuffisant à arantir la réussite en investissement. En poursuivant
des politiques d’investissement mal f celées, les intervenants exposent leurs porte-
feuilles à des risques inutiles et souv ent non récompensés. Bien que le courage de
choisir un chemin différent des autres accroisse les chances de réussite, les in ves-
tisseurs vont vers un échec probab le si un ensemb le de principes bien pensés ne
sous-tend pas ce courage.
http://fribok.blogspot.com/
390 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. New York University, New York University Financial Report, 1977–1997, 20 vols., New
York, New York University, 1977–1997 ; New York University, New York University Annual
Report, 1977–1985, 9 vols., New York University, New York University, 1977–1985.
2. Roger Lowenstein, “How Lar ry Tisch and NYU Missed the Bull Mark et’s Run”, Wall
Street Journal. 16 octobre 1997.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 391
que par 4,61. Si les résultats de cette institution avaient simplement ref été ceux de
la moyenne des colleges et des universités, le fonds de réserve de NYU aurait valu
en 1998 1 millliard de dollars de plus que le 1,3 milliard qu’il affichait
À la fin des années 90, NYU commença à réduire sa surallocation aux produits
de taux domestiques, faisant basculer des capitaux vers les actions domestiques et
étrangères et v ers les stratégies de performance absolue. Mais l’héritage du pari
malheureux sur les obligations perdure, car le portefeuille de NYU démontre en 2005
une exposition insuffisante aux classes d’actifs importantes que sont les participation
non cotées et les actifs réels. En ne comprenant pas la relation entre la nature perma-
nente des fonds de réserve et les investissements en actions, le fonds de réserve de
NYU a subi des dégâts durables, sinon permanents.
http://fribok.blogspot.com/
392 Gestion de portefeuilles institutionnels
diluer sa par ticipation en proposant des of fres pub liques d’achat. Même si une
émission d’actions leva pour 50 millions de dollars de fonds en 1992 et 1993, les
pertes de Seragen continuaient de dépasser ces apports. En 1996, les pertes cumulées
s’élevaient à 200 millions de dollars, poussant le docteur Murph y à se désengager
de Seragen, soi-disant pour des « problèmes commerciaux ».
Malgré quelques réussites sur le plan scientif que, les f nances de Seragen
vacillèrent, menant à son retrait du Nasdaq en septembre 1997. L’action, introduite
en avril 1992 au cours de 12 dollars et progressant jusqu’à 15 dollars en janvier 1993,
valait moins d’un dollar le jour de son retrait. À ce moment, la par t de capital de
l’Université de Boston s’élevait à un peu plus de 5 millions de dollars.
Dans une tentati ve désespérée pour sauv er Seragen, l’Uni versité de Boston
injecta 5 millions de dollars supplémentaires dans l’entreprise, achetant ainsi des actifs
perdant de l’argent et leur fournissant un soutien continu de la part du budget opé-
rationnel de l’Université. En gagnant ainsi du temps, l’institution réussit à or ganiser
sa sortie de l’entreprise problématique en vendant ses parts à Ligand Pharmaceuticals
en août 1998. Le 20 septembre 1998, le New York Times rapportait que la valeur de
la position de l’Uni versité de Boston s’éle vait au f nal à 8,4 millions de dollars,
représentant une perte de plus de 90 % sur le coût total de l’opération. Si la part de
l’Université dans Seragen avait été placée dans un portefeuille diversifié d’actions
le fonds de réser ve aurait évité la perte désastreuse sur Seragen et bénéf cié de
l’appréciation de dizaines de millions de dollars du portefeuille actions.
Ironiquement, l’évaluation positive de la recherche scientif que de Seragen par
Silber paraît bien fondée. Le principal médicament de cette société, Interleukin-2,
reçut l’approbation de la FDA1 en février 1999. Cependant, l’Université prof ta bien
peu du succès commercial de ce médicament car la par ticipation capitalistique de
l’Université de Boston avait grandement diminué suite à la reprise par Ligand. Les
progrès de Seragen arrivèrent trop tard et coûtèrent trop cher pour pouv oir renf ouer
les actionnaires de l’entreprise.
En « jouant aux dés » avec son fonds de réserv e, l’Université de Boston trans-
gressa les principes fondamentaux de l’in vestissement, desserv ant les acti vités
d’enseignement de l’institution. Hantée par le fait d’avoir laissé passer une oppor-
tunité d’investissement avec l’invention du téléphone par Graham Bell, l’Uni versité
s’était promis de ne pas répéter son erreur a vec Seragen. Malheureusement, les
réussites d’investissement spectaculaires ne se révèlent qu’après coup, ob ligeant les
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 393
L’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE
Une gestion efficace des relations entre le dépa tement d’investissement et les
gestionnaires ajoute une valeur supplémentaire au portefeuille. Des relations solides
basées sur la conf ance et la compréhension mutuelles per mettent aux gestionnaires
et aux clients de se comporter comme des contrariens bien infor més. En l’absence
de relations solides, les gestionnaires mettent en danger leur entreprise et les clients
courent le risque de prendre des décisions d’in vestissement malheureuses, nuisant
au portefeuille en achetant au plus haut et en vendant au plus bas.
Une gestion de por tefeuille réussie dépend de la compréhension du processus
de prise de décision du gestionnaire par le client. Sans une connaissance intime des
principes d’investissement de la société de gestion, les clients ne font que réagir aux
résultats, ce qui s’avère être une attitude perdante. Si les clients font la chasse à la
performance, apportant des fonds à un gestionnaire lorsqu’il sur performe, la décep-
tion suit inévitablement quand le vent favorable tourne. Lorsqu’une attitude contra-
rienne instincti ve pousse le client à soutenir un gestionnaire aux perfor mances
médiocres, des résultats médiocres s’ensuivent si le gestionnaire manque de talent.
Faire la distinction entre la chance et un jugement sûr e xige une compréhension
profonde de l’approche du gestionnaire en matière d’investissement.
http://fribok.blogspot.com/
394 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 395
Le transfert intergénérationnel
Bien qu’une planif cation intelligente de la part des sociétés de gestion aug-
mente la probabilité d’un transfer t de responsabilité réussi d’une génération à une
autre, le processus pose des problèmes importants, surtout dans les petites entreprises.
La nature originale des petites str uctures fait que les gens y sont beaucoup moins
interchangeables que dans les g rosses sociétés de gestion bureaucratiques. La per-
sonnalité des individus domine le processus d’investissement dans les petites sociétés,
ce qui produit une incertitude signif cative durant les périodes de transition généra-
tionnelle. Le transfert de responsabilité vers des collègues plus jeunes modif e iné-
vitablement la nature de l’entreprise car les nouv eaux décideurs e xpriment leur
approche individuelle des marchés. En bref, plus le gestionnaire est brillant, plus
le passage du relai est difficile
http://fribok.blogspot.com/
396 Gestion de portefeuilles institutionnels
L’indépendance de l’entreprise
La cession d’une entreprise de gestion exige une action immédiate de la par t des
clients. Dans une petite société indépendante, la prospérité des dirigeants dépend
directement de la réussite de l’entreprise. Les récompenses qui accompagnent les
performances solides, et les pénalités associées aux résultats médiocres, touchent
directement les associés. La cession de l’entreprise change considérablement la donne.
Après la cession, les nouveaux propriétaires préfèrent retenir les capitaux exis-
tants en modérant l’audace des paris ef fectués, augmenter les actifs sous gestion par
des campagnes de mark eting, et diversifier les r venus en multipliant les produits
proposés. La toute première préoccupation au sujet des changements inter venant
dans la stratégie de l’entreprise, est la disparition de l’eng agement personnel des
dirigeants. Les actionnaires qui vendent leur part prennent leur retraite et pensent à
autre chose. Les jeunes collaborateurs les plus talentueux quittent l’entreprise pour
créer la leur, suivant ainsi l’exemple de leurs mentors maintenant retraités. Ceux qui
restent sont ceux qui n’ont pas le choix. Les clients ne retirent donc aucun a vantage
d’une cession de l’entreprise.
Les cadres supérieurs des sociétés de gestion indépendantes sont confrontés à
un dilemme. D’un côté, la cession de l’entreprise rappor te un beau magot à ses
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 397
propriétaires, qui quittent souvent la table des transactions avec une petite for tune
en poche. D’un autre côté, la cession sonne le glas de l’entreprise.
En refusant de v endre l’entreprise, ses créateurs passent à côté d’une bonne
affaire. Dans ce qui constitue un geste à la fois intelligent et noble, les décideurs plus
jeunes peuvent parfois se v oir proposer d’acquérir des parts du capital à un prix
inférieur à leur valeur réelle, créant ainsi la possibilité pour l’entreprise de continuer
en tant qu’entité indépendante. Toutefois, cela ne constitue pas une garantie de longé-
vité, car les nouv eaux propriétaires de l’entreprise sont confrontés tôt ou tard au
même dilemme que leurs prédécesseurs.
L’approche de l’investissement
Les changements interv enant dans l’approche de l’in vestissement constituent
un signal d’alar me pour les in vestisseurs. L’augmentation des capitaux sous gestion
modif e en général les méthodes d’in vestissement. À mesure que les capitaux
s’accroissent, les gestionnaires de fonds actions de petites capitalisations achètent
des titres d’entreprises plus grosses, augmentant ainsi la di versification et diminuan
leur orientation initiale sur les petites capitalisations. Certains fonds alternatifs, au
début orientés sur le stock-picking, év oluent pour devenir de véritables usines à gaz
effectuant des paris macro-économiques, car l’augmentation de la taille du por te-
feuille implique d’intervenir sur des marchés plus vastes et plus liquides.
Les gestionnaires de toutes les catégories sont confrontés à la tentation de devenir
des suiveurs d’indices. Gérer un portefeuille identique au marché garantit des résultats
semblables à ceux du marché, réduisant le risque d’être abandonné à cause d’une
performance relative médiocre. Lorsque des gestionnaires orientés sur la v aleur
mettent en portefeuille des titres de croissance, les investisseurs avisés deviennent
sceptiques et se posent des questions.
Des résultats décevants poussent parfois les gestionnaires à modif er leur approche
de la gestion de portefeuille. Il se peut alors qu’ils prennent plus de risques, espérant
faire un g ros coup pour rattraper leurs mauv aises perfor mances. Dans les cas
extrêmes, l’acceptation de risques plus éle vés af n de remédier aux pertes passées
expose les capitaux à des pertes futures signif catives car les gestionnaires spéculent
dans une tentative désespérée pour remonter la pente.
Des résultats médiocres poussent parfois les gestionnaires à entreprendre des
changements radicaux, conduisant à des transfor mations bizar res. Les frères
Feshbach, Matt, Joe et Kurt, se sont fait une solide réputation dans les années 80,
basée sur des performances impressionnantes et sur des techniques de v ente à
découvert controversées. Utilisant la théorie de la Dianétique de Ron L. Hubbard
http://fribok.blogspot.com/
398 Gestion de portefeuilles institutionnels
en tant que partie intégrante de leur stratégie d’investissement, les frères Feshbach
se concentraient sur des entreprises sous-évaluées prêtes à s’effondrer. En utilisant
l’analyse de titres traditionnelle et des détectives privés afin de déceler des pratique
frauduleuses, ils a vaient la réputation de « descendre » les actions de leur porte-
feuille. Accusés de vendre à découvert de f açon illégale en ouvrant des positions
vendeuses impossibles à initier par des voies légitimes, les Feshbach furent entourés
de rumeurs inquiétantes. Fait surprenant, de nombreux investisseurs, y compris la
Franck Russell Trust Company, ignorèrent la controverse, furent impressionnés par
les performances solides des frères Feshbach et engagèrent des capitaux dans leurs
fonds, qui culminèrent à 1 milliard de dollars en 1990.
Au début des années 90, les frères Feshbach disparurent comme par magie, car
la stratégie consistant à v endre des actions à découv ert dans un marché haussier
produisait des résultats presque inévitablement désastreux. Après une série de tran-
sactions ratées, ayant perdu 55 % des capitaux qui leur avaient été conf és durant
la seule année 1991, les frères Feshbach se réinventèrent.
En 1993, selon les dires du v endeur à découv ert Da vid Rock er, les frères
Feshbach « désavouèrent publiquement leurs activités de vente à découvert… pour
se concentrer sur une stratégie d’achat de petites valeurs de croissance »1. Ce chan-
gement de stratégie, ef fectué par « les vendeurs à découv ert les plus réputés du
monde », semblable à un changement de camp au beau milieu d’une bataille, attira
plus l’intérêt de la presse spécialisée que celui des in vestisseurs. En 1998, la société
gérait 50 millions de dollars, principalement par des stratégies d’achat tradition-
nelles, ce qui représente moins de 5 % du point culminant historique des actifs sous
gestion. Apparemment, le temps n’a pas amélioré la chance des frères F eshbach.
Une recherche dans les bases de données des gestionnaires de capitaux n’a rien
produit sinon un document de la SEC concernant une situation proche de la faillite
pour la société MLF In vestments dirigée par Matt F eshbach. Les données au
31 décembre 2007 affichaient moins de 60 millions de dollars sous gestion.
Tous les changements d’approche ne sont pas néf astes aux gestionnaires de
portefeuille. Par exemple, un gestionnaire opérant sur un éventail d’opportunités assez
étroit subit des montagnes russes, réussissant à merv eille lorsque les opportunités
abondent et plongeant dans le rouge lorsque les occasions se tarissent. Les gestion-
naires sensés s’adaptent, modif ant leur stratégie pour exploiter toute la gamme des
opportunités que peut offrir leur domaine d’expertise. De nombreux gestionnaires de
performance absolue ont commencé leur carrière en se concentrant e xclusivement
1. David A. Rocker, “Refresher Course. Shor t Interest: No More Bullish Bello w”, Barron’s,
1er mai 1995, 43.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 399
http://fribok.blogspot.com/
400 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 401
Battre le marché, tel que le décrit un indice de référence bien choisi, est l’objectif
essentiel d’un gestionnaire. Les places de marché matures et liquides offrent toute une
palette d’indices bien structurés par mi lesquels on peut choisir . Par exemple, les
marchés actions américains présentent une v ariété d’indices lar ges incluant le
S&P 500, le Russell 3000 et le Wilshire 5000. L’indice représente l’alternati ve pas-
sive, un por tefeuille qui réplique f dèlement la performance d’une classe d’actifs.
Les gestionnaires actifs essaient de battre l’indice, après déduction des frais, en
s’efforçant d’ajouter de la valeur au processus de gestion du portefeuille.
Au contraire des titres cotés, les actifs illiquides possèdent des indices moins bien
définis et plus éloignés du marché dans leur mesure de sa perfomance. Les partici-
pations non cotées viennent de toute une v ariété de sources dif férentes, allant des
divisions d’entreprises cotées aux entreprises familiales, en passant par les entités en
faillite. Par leur nature même, les actifs illiquides se trouvent dans des marchés privés
d’indices car un indice sur lequel on peut in vestir exige des marchés liquides bien
établis.
Les in vestisseurs recherchant les oppor tunités of fertes par les par ticipations
non cotées utilisent des indices bricolés, en général déri vés d’un instr ument de
mesure des titres cotés, soit explicitement le S&P 500 plus 500 points de base, soit
implicitement 12 % de rendement (se basant peut-être sur les 7 % de rendement
réel des actions plus une prime de 500 points de base).
Les investisseurs établissent un indice de référence clair pour chaque gestion-
naire. Dans les marchés liquides, un indice équitable comprend toutes les opportu-
nités d’investissement par mi lesquelles un gestionnaire peut ef fectuer ses choix.
Les marchés les plus liquides présentent les indices les mieux défnis, l’ironie voulant
que cette mesure précise soit disponible sur les marchés les moins susceptib les de
produire quelque chose qui vaille la peine d’être mesuré. Les gestionnaires se concen-
trant sur des niches spécif ques et les investisseurs opérant sur des marchés moins
efficients sont confrontés à la di ficulté de trou er des indices pertinents. Au final
l’indice d’après lequel les clients mesurent sa perfor mance constitue la mesure
quantitative la plus importante pour un gestionnaire.
http://fribok.blogspot.com/
402 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Par exemple le Bloomberg Football Index qui suit les entreprises anglaises et irlandaises
propriétaires de clubs de football.
2. Données tirées de Russell Mellon and Bloomberg.
3. PIPER: P ensions & In vestments’ P erformance Ev aluation Repor t (PIPER), Managed
Accounts Report, December 31, 2007: Quarter End , Ne w York, P ensions & In vestments,
1997.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 403
Les investisseurs sérieux comparent les résultats d’un manager à son indice.
L’examen des performances des gestionnaires de petites capitalisations par rapport
au S&P 500 déforme la réalité. Le fait de comparer les résultats d’un gestionnaire
orienté sur la v aleur à un indice de marché plus lar ge voile la vérité. L’utilisation
d’indices spécialisés fournit une comparaison plus riche, per mettant une évaluation
plus directe des portefeuilles au style original. Dans l’utilisation des indices spécia-
lisés, une comparaison équitable exige la compréhension des dif férences de prof l
de risque entre le portefeuille actif et l’indice.
L’ajustement au risque
L’ajustement des rendements au risque joue au mieux un rôle secondaire dans
l’évaluation de la performance. Les gestionnaires ont tendance à éviter de parler du
risque, sauf pour justif er une performance relative médiocre, du style : « Nous avons
fait moins bien que le marché, mais a vec un risque plus faib le ». Peut-être que le
peu de mesure du risque fournie par les outils quantitatifs explique cette opacité.
La déviation standard des rendements (la volatilité), cette mesure de la dispersion
la plus couramment utilisée pour évaluer le risque, ne parvient pas à capter ce qui
préoccupe le plus les investisseurs. La seule compréhension de la volatilité historique
de la performance fournit peu d’information concernant l’efficacité d’une stratégi
d’investissement particulière. Ce qui importe le plus, c’est le risque fondamental
de l’investissement sous-jacent, et non les f uctuations de cours du titre coté. Dans
http://fribok.blogspot.com/
404 Gestion de portefeuilles institutionnels
un monde caractérisé par une volatilité excessive des cours, le prix des titres masque
le véritable risque inhérent à l’investissement. Malgré ses limites, la volatilité histo-
rique est la mesure quantitative du risque la plus largement employée.
Le prix Nobel William Sharpe a développé un outil analytique pour évaluer la
relation entre le risque et le rendement. En évaluant les rendements supérieurs (ou
inférieurs) au taux de placement sans risque, le ratio de Shar pe se focalise sur la
production des rendements par rapport à ce taux. En divisant ce rendement relatif par
sa déviation standard, on obtient un ratio décrivant la productivité du risque, quanti-
f ant le rendement généré par unité de risque encouru. Toutefois, le ratio de Sharpe
souffre des mêmes défauts évidents que les autres mesures de volatilité historique.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 405
http://fribok.blogspot.com/
406 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 407
http://fribok.blogspot.com/
408 Gestion de portefeuilles institutionnels
avaient été in vesties sur le S&P 500, l’IRR aurait été de 13,1 % par an. P endant la
durée de vie du portefeuille, les clients de RIEM ont perdu 1,3 % par an par rappor t
au marché, ce qui se traduit par un coût d’oppor tunité d’environ 500 millions de
dollars.
Dans l’évaluation de la performance des gestionnaires de titres cotés, la liaison
au temps et la pondération en dollars s’avèrent toutes deux utiles. Les rendements liés
au temps démontrent la perspicacité d’un gestionnaire. Les rendements pondérés
en dollars mettent en évidence le timing des décisions prises par les in vestisseurs
en ce qui concerne les liquidités. Lorsque l’on évalue la performance d’un gestion-
naire de participations non cotées, les rendements pondérés en dollars four nissent
l’outil de mesure le plus approprié, car les gestionnaires de par ticipations non cotées
contrôlent les décisions concernant les liquidités.
Une gestion de por tefeuille réussie combine l’art et la science, e xigeant une
évaluation aussi bien qualitative que quantitative des stratégies d’investissement. Bien
que les mesures quantitatives fournissent des données essentielles pour les décideurs,
les investisseurs sensés se gardent de donner trop de poids à des facteurs facilement
quantif ables aux dépens des f acteurs qualitatifs moins f acilement mesurables. Une
gestion des relations réussie e xige de placer les f acteurs qualitatifs au premier rang .
Les chiffres, bien qu’importants, ne jouent qu’un rôle de soutien.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 409
http://fribok.blogspot.com/
410 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 411
http://fribok.blogspot.com/
412 Gestion de portefeuilles institutionnels
que des changements font que celui-ci n’est plus adapté, la lettre de déseng agement
doit suivre immédiatement. En dernière analyse, les investisseurs attentifs doivent
se demander si le gestionnaire en question serait engagé aujourd’hui. Une réponse
négative implique la rupture.
LA STRUCTURE DE CONTRÔLE
Les opérations de back-of fice représentent une source de risque impo tante et
pourtant souv ent négligée. Les opérations de contrôle n’apparaissent pas sur le
tableau d’évaluation de la plupart des gestionnaires institutionnels, car les in vestis-
seurs préfèrent se concentrer sur les questions de stratégie de gestion du porte-
feuille avant de décider de s’engager avec un gestionnaire. Les investisseurs ignorent
les problèmes de str ucture de contrôle à leurs risques et périls ; une défaillance
opérationnelle majeure fait passer les questions de contrôle inter ne d’un arrière-plan
obscur à un rôle embarrassant sur le devant de la scène.
Les investisseurs d’un fonds de réserv e sont confrontés à des risques concer nant
le contrôle aussi bien e xterne qu’inter ne. Les risques de contrôle inter nes com-
prennent les e xpositions initiées par les décideurs dans le courant des acti vités
quotidiennes de gestion du portefeuille. Si tous les actifs étaient gérés en inter ne,
les investisseurs ne seraient confrontés qu’à des questions de contrôle inter ne. Les
procédures d’audit ordinaires sont centrées sur les pratiques inter nes, examinant
l’efficacité et l’inté rité des systèmes conçus pour soutenir les opérations d’in vestis-
sement. Les risques de contrôle e xternes comprennent les e xpositions initiées par
les gestionnaires e xternes. Les acti vités d’audit traditionnelles év aluent rarement
directement les systèmes de contrôle des gestionnaires externes, se reposant plutôt
sur le travail effectué par leurs confrères dans ce domaine. Mais comme une chaîne
n’est jamais plus solide que le plus faible de ses maillons, aussi bien les opérations
internes d’un fonds de réserve que les opérations de back-office d’un gestionnair
externe exigent l’examen et la supervision les plus attentifs.
Des str uctures de contrôle inappropriées sont un ter rain fer tile en prob lèmes
allant de la continuelle imposition de petits coûts di vers aux catastrophes soudaines
qui font la une des journaux. Les mo yens de contrôle mal conçus e xposent les
investisseurs à la possibilité de fraude et de malf açon. Si l’on v eut éviter de se
retrouver dans la détresse, il vaut mieux prévoir soigneusement. Malheureusement,
les institutions ont tendance à se concentrer sur les opérations de back-of fic
courantes seulement après avoir subi des pertes signif catives.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 413
Les audits spécialisés ef ficaces sont e fectués par des e xperts de haut ni veau
par le biais d’une révision générale, libre et indépendante des pratiques de contrôle .
En apportant une manière de v oir nouvelle au processus de supervision, l’équipe
d’enquêteurs pousse le personnel à remettre en question certaines hypothèses confor-
tables concernant les opérations internes, incitant les individus à améliorer les pro-
cédures existantes. Les meilleures pratiques professionnelles constituent un critère
grâce auquel on peut évaluer les activités actuelles et les efforts à fournir.
Depuis 1990, Yale a utilisé deux fois les services de PricewaterhouseCoopers et
une fois ceux de Deloitte & Touche af n d’entreprendre un e xamen de fond en
comble des opérations d’investissement de l’Université. Le premier bilan a fournit
une quantité importante de feedback très utile, soulignant les risques inhérents aux
activités de prêt de titres. Quelque peu réveillée par le rapport de Pricewaterhouse-
Coopers, l’Université a adopté une vision nouv elle de son pro gramme de prêt de
titres géré en interne, concluant que des changements str ucturels de marché a vait
http://fribok.blogspot.com/
414 Gestion de portefeuilles institutionnels
1. Le programme de prêt de titres de Yale, géré de manière beaucoup plus conser vatrice
que le Common Fund, poursuivait une stratégie “matched book”. Cela signifie que la matu
rité des prêts de titres cor respondait à celle des in vestissements, l’Université générant des
rendements en acceptant le risque de crédit sur le véhicule d’investissement. Poussée à exa-
miner le problème par l’étude de Pricewaterhouse Coopers, Yale en a conclu que l’écart de
taux était trop petit pour justifier son pr gramme de prêt de titres. Le Common Fund ,
motivé par la faiblesse des écarts, a pris des risques significat vement plus élevés pour pou-
voir générer un rendement intéressant. Voir chapitre 6.
http://fribok.blogspot.com/
Le processus d’investissement 415
CONCLUSION
http://fribok.blogspot.com/
416 Gestion de portefeuilles institutionnels
créent des portefeuilles susceptibles de tirer parti des opportunités générées par les
intervenants à court terme. Un environnement qui encourage les gestionnaires à faire
des investissements inconfortables sur des actifs délaissés, et qui tolère les inévitables
trébuchements, augmente la probabilité de la réussite en investissement.
La réussite à long terme e xige un compor tement contrarien individualiste fondé
sur de solides principes d’in vestissement. Un cadre de prise de décision ef ficac
surmonte les obstacles des groupes décisionnels trop lar ges et favorise la prise de
risque bien pensée. Un processus de gouvernance intelligent et de haut niveau sert
de base à un programme d’investissement réussi.
Les investisseurs sensés évaluent leurs relations avec les gestionnaires externes
grâce à un équilibre entre les caractéristiques qualitati ves et quantitati ves. Les
facteurs qualitatifs jouent un rôle central dans l’évaluation d’un gestionnaire, plaçant
les individus au cœur des décisions de str ucturation d’un portefeuille. P armi les
variables les plus essentielles se trouv ent la qualité des gestionnaires eux-mêmes,
la solidité de leur philosophie d’investissement, et le caractère de la structure orga-
nisationnelle. Des réunions régulières en f ace à face constituent l’outil de gestion
de la relation le plus important.
Les outils quantitatifs incluent les données de perfor mance de chaque porte-
feuille, les indices de référence et les différents univers d’investissement des gestion-
naires actifs. Se reposer trop sur la précision des chif fres conduit souv ent à des
décisions médiocres. Les investisseurs qui ne voient que les chiffres prennent le risque
d’acheter au plus haut et de vendre au plus bas, s’engageant auprès d’un gestionnaire
après ses bonnes performances et se désinvestissant après de mauvais résultats.
Les programmes d’investissement réussis exigent des relations ouvertes et hon-
nêtes entre les clients institutionnels et les gestionnaires externes. Une communication
directe et fréquente permet aux investisseurs de prof ter d’opportunités de marché.
Lorsqu’une baisse des cours permet l’achat d’actifs à des prix attractifs, les clients
de qualité appor tent des capitaux supplémentaires af n de pouv oir e xploiter
l’opportunité. À l’inverse, les gestionnaires sérieux qui rencontrent peu d’opportunités
retournent leurs capitaux aux clients. Une telle acti vité ne peut s’instaurer que
lorsqu’un degré élevé de conf ance existe entre les gestionnaires et les clients.
L’évaluation de la performance motive les décisions d’allocation, de même que
les conclusions concernant la compétence du gestionnaire inf uencent la conf ance
des investisseurs. Sous bien des aspects, l’in vestisseur se trouve face à une décision
binaire. Si la conf ance est là, les in vestisseurs ont le courage de se compor ter de
façon contrarienne, soutenant les gestionnaires tra versant une série de résultats
médiocres. Si un investisseur n’a pas suffisamment con ance pour augmenter son
exposition à un gestionnaire sous-performant, alors ils devraient s’en séparer.
http://fribok.blogspot.com/
Annexe
Les emprunts obligataires bâtards
L es produits de taux dominent tous ces se gments de marché qui ne peuv ent
jouer aucun rôle positif dans un portefeuille. Bien que les obligations du gouverne-
ment américain, absolument sûres et non remboursables avant échéance, jouent un
rôle essentiel et précieux dans un por tefeuille, les obligations du secteur privé, les
obligations à haut rendement, les ob ligations étrangères et les titres adossés à des
actifs ont des caractéristiques inattracti ves qui plaident contre leur participation à
un por tefeuille bien str ucturé. Les produits de taux secondaires représentent une
part importante des choix en matière d’investissement. De nombreux intervenants
allouent des capitaux aux ob ligations du secteur pri vé et aux titres adossés à des
hypothèques, espérant générer des rendements supplémentaires sans prendre plus
de risque. La compréhension des inconvénients de certains choix d’investissement
en produits de taux, surtout par rappor t à leur pertinence vis-à-vis des objectifs de
cette classe d’actifs, aide les investisseurs à prendre des décisions bien informées.
LES OBLIGATIONS
D’ENTREPRISES AMÉRICAINES
417
http://fribok.blogspot.com/
418 Gestion de portefeuilles institutionnels
Le risque de crédit
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 419
D’autres fois, les détenteurs sont confrontés à une détérioration continue et inter-
minable du crédit qui se termine par une descente aux enfers des obligations pourries.
De temps en temps, une obligation triple A se maintient telle quelle. Mais en aucun
cas elle ne peut s’améliorer.
IBM illustre le problème auquel sont confrontés les détenteurs d’obligations du
secteur privé. L’entreprise n’a jamais émis d’obligations à long terme avant la f n des
années 70 car avant cela, IBM a toujours généré un cash f ow suffisant. Anticipant un
besoin de f nancement externe, l’entreprise f t appel au marché f n 1979 par une
émission de 1 milliard de dollars, représentant le plus g ros emprunt obligataire de
tous les temps. IBM obtint un triple A et une valorisation très élevée de son émission,
ce qui eut pour résultat un écart infime vec les obligations du Trésor et (du point
de vue de l’investisseur) une sous-estimation des risques de crédit et de rembourse-
ment anticipé. Les investisseurs en obligations parlaient de « l’effet de rareté » des
obligations IBM, permettant à l’entreprise d’emprunter à un taux inférieur à celui
des obligations d’État en tenant compte de l’ajustement au risque. Sur le plan de la
qualité du crédit, la dette d’IBM ne pouvait qu’aller vers le bas. Vingt-huit ans plus
tard, la dette d’IBM n’obtenait qu’un simple A, ne parvenant pas à justif er à la fois
l’évaluation initiale des agences de notation et l’enthousiasme précoce des in ves-
tisseurs pour les obligations d’IBM.
Les investisseurs en obligations n’ont pas eu l’occasion de prêter à l’entreprise
IBM des années 60 et 70, qui croissait rapidement et générait un cash f ow extraor-
dinaire. Au lieu de cela, il leur a été laissé le choix d’appor ter des capitaux à l’entre-
prise IBM des années 80 et 90, qui avait besoin de quantités énormes de liquidités.
À mesure que l’entreprise mûrissait et que ses exigences en termes de f nancement
externe s’accroissaient, sa qualité de crédit s’éroda lentement.
Comparons cette lente érosion de la qualité de crédit d’IBM à des cas où cette
qualité décline br utalement. Début avril 2002, la dette de WorldCom affichait u
simple A de la par t de Moody’s, positionnant clairement les ob ligations de cette
entreprise de télécommunications dans le camp des in vestissements intéressants.
Le 23 a vril, Moody’s dég rada WorldCom à triple B , juste un peu au-dessus des
obligations pourries, car l’entreprise bataillait contre une demande moins g rande
de la part des consommateurs et des problèmes concernant sa comptabilité. Un peu
plus de deux semaines plus tard , après la démission le 9 mai de Ber nard Ebber,
directeur général, Moody’s abaissa la note de WorldCom à double B, c’est-à-dire au
statut d’obligation pourrie. D’après Bloomber g, l’entreprise obtint ainsi le titre dou-
teux de « plus gros emprunteur à avoir été dégradé au statut d’obligation pourrie »1.
http://fribok.blogspot.com/
420 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 421
http://fribok.blogspot.com/
422 Gestion de portefeuilles institutionnels
Microsoft car l’entreprise n’éprouve pas le besoin de faire appel au marché obliga-
taire pour son f nancement. Ils peuvent par contre acheter la dette de Ford, car l’entre-
prise a besoin de quantités énormes de f nancement externe. Si le groupe des émet-
teurs d’obligations exclut les entreprises à croissance forte, génératrices de cash f ow,
et inclut des entreprises plus matures, consommatrices de liquidités, les investisseurs
obligataires doi vent s’attendre à v oir plus de détériorations que d’améliorations
dans les crédits. Indépendamment de la cause, si le passé nous éclaire sur l’avenir,
les investisseurs en obligations du secteur privé peuvent s’attendre à des mauvaises
nouvelles plus nombreuses que les bonnes sur le plan des conditions de crédit.
La liquidité
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 423
taux supérieurs à ceux du marché, ref nançant l’émission à un taux plus bas, et
effectuant ainsi des économies sur le remboursement de leur dette.
Le détenteur d’obligations d’entreprise est confronté à une situation du type :
« Face, tu perds ; pile, je gagne ». Si les taux baissent, l’investisseur perd le coupon
devenu plus éle vé à cause du remboursement à prix f xe. Si les taux montent,
l’investisseur détient alors une obligation au coupon bas, et se retrouve perdant par
rapport au marché. Le manque de symétrie dans la réaction d’une ob ligation rem-
boursable aux mouv ements des taux d’intérêt f avorise l’entreprise émettrice au
détriment des détenteurs.
L’asymétrie implicite de la clause de remboursement anticipé des ob ligations
du secteur privé remet en question la force et la sophistication du marché. Pourquoi
de nombreuses obligations d’entreprise contiennent-elles des clauses de rembour -
sement anticipé ? Pourquoi le détenteur ne pour rait-il pas lui aussi se f aire rem-
bourser l’obligation à un prix f xe lorsque cela l’arrange ?1 Il est certain que si une
hausse des taux fait baisser le cours des ob ligations, les in vestisseurs aimeraient
pouvoir v endre à un prix f xe aux émetteurs leurs ob ligations dév alorisées. La
réponse au pourquoi de cette asymétrie réside dans une plus g rande sophistication
des émetteurs par rapport à celle des acheteurs d’obligations.
C’est un fait que les marchés ob ligataires attirent des analystes d’un niveau de
qualité et de sophistication inférieur à celui des analystes actions, même si la com-
plexité de la tâche à laquelle est confronté l’anal yste des produits de taux dépasse
largement la difficulté du tr vail de l’analyste actions. Les investisseurs en obliga-
tions d’entreprise doivent être familiers non seulement de la complexité des marchés
de taux, mais aussi des problèmes qu’implique la valorisation des actions. Comme
la compréhension du matelas four ni par la capitalisation d’une entreprise s’a vère
essentielle à l’évaluation de sa capacité de remboursement de sa dette, les anal ystes
obligataires doi vent év aluer précisément le cours des actions d’une entreprise.
Ironiquement, comme la rémunération des analystes actions talentueux dépasse de
loin celle des anal ystes tout aussi talentueux de produits de taux, le talent glisse
vers le travail plus simple d’analyse des actions.
1. Une option “put” per met à son détenteur de v endre un titre à un prix fixé d’ vance
durant une période définie. Si une émission o ligataire incluait une option “put”, son ache-
teur jouirait du droit de v endre l’obligation à l’émetteur à un prix fixé d’ vance durant la
période spécifiée dans le contrat synallagmatique
http://fribok.blogspot.com/
424 Gestion de portefeuilles institutionnels
La convergence d’intérêts
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 425
l’augmentation de son coût. Dans la mesure où les dirigeants d’entreprise servent les
intérêts des actionnaires, les détenteurs d’obligations doivent se tenir sur leur garde.
Observez la valeur d’entreprise d’une entité industrielle. Les analystes l’évaluent
en calculant à la fois le passif et l’actif des li vres comptables. L’actif contient des
valeurs difficiles à estime . Quel prix peut le mieux ref éter la v aleur de marché
exacte des divers équipements que possède Ford ? Que rapporte à Ford sa marque
mondialement connue ? Même les anal ystes les plus zélés reculent de vant l’idée
d’effectuer l’inventaire point par point de l’entreprise af n d’en évaluer l’actif global.
Le passif contient quant à lui des charges plus faciles à évaluer. L’addition de la
valeur de marché de la dette d’une entreprise et de la valeur de marché de son capi-
tal donne la v aleur d’entreprise d’une entité industrielle. La v aleur d’entreprise
représente le prix qu’un investisseur devrait payer pour l’acheter dans sa totalité. Si
tout le capital était acheté au prix du marché et si toute la dette et les autres charges
étaient achetées au prix du marché, l’acheteur serait propriétaire de l’entreprise
toute entière (libre de dette !).
De cette description de la situation de la dette et du capital d’une entreprise
découle le principe f nancier fondamental selon lequel la v aleur d’une entreprise
est indépendante de sa structure capitalistique. Comme un in vestisseur possède le
pouvoir de démanteler la structure capitalistique d’une entreprise et d’en créer
une autre, la valeur d’entreprise d’une entité industrielle est indépendante de son
financement. ar exemple, un investisseur pourrait neutraliser l’effet de levier des
comptes d’une entreprise en rachetant sa dette. À l’inverse, un investisseur pourrait
créer un ef fet de le vier en empr untant pour acheter les actions d’une entreprise.
Comme les in vestisseurs peuvent supprimer ou créer du le vier indépendamment
des activités de l’entreprise, la valeur d’entreprise est indépendante de la str ucture
du capital de la société. Si l’entreprise jouit d’un accès pri vilégié au f nancement
de sa dette, soit g râce à sa solv abilité soit g râce à des a vantages f scaux, alors la
valeur d’entreprise peut être améliorée par l’augmentation du levier comptable.
La déf nition de la v aleur d’entreprise souligne le conf it clair et direct entre
actionnaires et détenteurs d’ob ligations. La v aleur de l’entreprise réside dans la
somme de la v aleur de la dette et de la v aleur du capital. Dans la mesure où les
dirigeants d’une entreprise réduisent la v aleur de la position des prêteurs, les
propriétaires du capital en prof tent. Les actionnaires gagnent à imposer des pertes
aux détenteurs d’obligations.
Comme les intérêts des dirigeants d’entreprise sont alignés sur ceux des action-
naires, les détenteurs d’ob ligations se retrouv ent en position défa vorable. Recon-
naissant la vulnérabilité venant du fait de se reposer sur les dirigeants d’entreprise
pour protéger les intérêts des prêteurs, les in vestisseurs en ob ligations du secteur
http://fribok.blogspot.com/
426 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 427
Résumé
http://fribok.blogspot.com/
428 Gestion de portefeuilles institutionnels
biais négatif de la distrib ution des résultats, limitant le potentiel de hausse sans
pour autant atténuer la possibilité de baisse.
Leurs caractéristiques sécuritaires justif ent la présence des produits de taux
dans un por tefeuille bien diversifié. Malheureusement, dans les périodes di ficiles
le risque de crédit et l’optionalité sapent la capacité des obligations d’entreprise à pro-
téger les portefeuilles des inf uences des crises f nancières et de la défation. Durant
les périodes de troub le économique, la capacité d’une entreprise à assumer ses
obligations contractuelles diminue, provoquant la baisse des cours obligataires. Dans
des environnements de baisse des taux, qu’elle soit due à une fuite v ers la qualité
ou à une déf ation, l’option de remboursement anticipé est exercée par l’entreprise,
privant ainsi les détenteurs d’un coupon à haut rendement. Les investisseurs sensés
évitent la dette des entreprises car le risque de crédit et l’optionalité sabotent la
capacité de ces produits de taux à protéger les portefeuilles en cas de perturbations
économiques.
Les rendements historiques conf rment le fait que les in vestisseurs perçoivent
une compensation insuf fisante pour l’ensem le des risques inhérents à la dette
d’entreprise. Pour les dix ans se terminant le 31 décembre 2006, les rapports de
Lehman Brothers indiquaient des rendements annualisés de 6 % pour les obligations
du Trésor américain et de 6,5 % pour les ob ligations de qualité du secteur pri vé.
Bien que des différences de caractéristiques de marché et d’inf uençabilité selon la
période faussent un peu la comparaison, la dif férence de 0,5 % par an entre les
obligations d’État et celles des entreprises ne parvient pas à compenser le risque de
défaut, l’illiquidité et l’optionalité. Les ob ligations du gouv ernement américain
représentent une alternative bien plus intéressante.
LES OBLIGATIONS
À HAUT RENDEMENT
Les obligations à haut rendement sont des titres d’entreprises qui ne cor res-
pondent pas aux critères de qualité des g rosses sociétés, et donc reçoi vent des
notes inférieures de la part des agences de notation. La catégorie la plus élevée des
obligations pourries est notée double B, ce que Moody’s décrit comme comportant
« des éléments spéculatifs », et conduit à un avenir « ne pouvant pas être considéré
comme bien assuré ». Plus bas, les obligations notées simple B « ne possèdent pas
les caractéristiques d’un in vestissement souhaitable », les triple C ont « un statut
médiocre », les doub le C « sont spéculatives à un haut de gré », et la catégorie la
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 429
http://fribok.blogspot.com/
430 Gestion de portefeuilles institutionnels
contrat sur une longue période, était f aible »1. Les acheteurs de ces ob ligations
espéraient sans aucun doute un avenir meilleur grâce auquel la probabilité de respect
des termes du contrat serait plus élevée. Peut-être que les investisseurs anticipaient
une amélioration des fondamentaux de l’entreprise, un marché ob ligataire haussier,
ou les deux.
L’obligation à 9,625 % avril 2009 de PCA procura plus de 530 millions de dollars
à la société de participations privées Madison Dearborn pour son achat en LBO de
cette f liale emballages de Tenneco. La note simple B venait naturellement de l’effet
de levier très élevé inhérent à la transaction de LBO. Au moment de l’émission de
l’obligation, au deuxième trimestre 1999, PCA suppor tait une dette nette de
1,639 milliard de dollars, représentant un niveau d’endettement égal à 4,9 fois son
capital.
En janvier 2000, PCA proposa une partie de son capital lors d’une introduction
en bourse organisée au sommet d’un marché haussier de deux décennies. Garanties
par Goldman Sachs, les 46,25 millions d’actions proposées à 12 dollars ont le vé
555 millions de dollars pour l’entreprise. En ce qui concerne les créanciers, l’obli-
gation à 9,625 % avril 2009 conservait sa note simple B et un prix proche de la parité.
Peu après l’introduction en bourse de l’entreprise, l’amélioration de crédit tant
espérée de PCA eut lieu. Au deuxième trimestre 2000, la dette nette déclina à
1,271 milliard de dollars, ramenant le ratio dette/capital à 2,2. En a vril 2000,
Moody’s haussa la note de simple B3, le niveau le plus bas de la catégorie B, à B2,
le niveau moyen. De bonnes nouvelles ont suivi en septembre 2000, Moody’s haussant
la note de l’ob ligation à 9,625 % avril 2009 de PCA jusqu’à B1, le sommet de la
catégorie B. En à peine dix-huit mois, la qualité de ces titres démontra une amélio-
ration signif cative.
L’évolution positive de la situation f nancière de PCA continua. Au troisième
trimestre 2001, l’entreprise remboursa suf fisamment de sa dette pour ramener le
emprunts à 751 millions de dollars, portant le ratio dette/capital à 1,1. Moody’ s
Investor Service reconnut cette amélioration en donnant à la dette de PCA la note de
double B, menant les investisseurs de la « faible assurance » du simple B à la bien
meilleure « situation d’incertitude » qui caractérise les obligations notées double B.
Au deuxième trimestre 2003, les détenteurs d’obligations étaient dans une bien
meilleure situation qu’en jan vier 2000. Durant cette période, la dette nette a vait
décliné de 1,292 milliard de dollars à 607 millions. Le ratio dette/capital avait baissé
de 2,4 à 0,9. Les fondamentaux du crédit de l’entreprise avaient énormément changé
en faveur des investisseurs en obligations pourries de PCA.
1. Ibid.
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 431
Non seulement les obligations à 9,625 % avril 2009 de PCA avaient prof té de
la capacité de l’entreprise à rembourser sa dette, améliorant ainsi le statut des charges
restantes, mais les ob ligations avaient aussi prof té d’une baisse spectaculaire des
taux d’intérêt. En janvier 2000, les taux à dix ans du Trésor américain s’élevaient à
6,7 %. En juin 2003, ils a vaient diminué de moitié, ne promettant plus que 3,3 %
aux investisseurs. Le puissant rall ye haussier ob ligataire et l’amélioration spectacu-
laire du crédit de PCA se combinèrent pour faire monter le cours des obligations à
9,625 % avril 2009 de l’entreprise de la parité au début 2000 à environ 108 dollars
en juin 2003.
Malheureusement pour les détenteurs d’ob ligations, l’option de remboursement
anticipé diminuait le potentiel d’appréciation du titre. Le 1 er avril 2004, l’entreprise
profita de son droit de rachat de ces o ligations au prix f xe de 104,81 dollars. À cause
de l’amélioration de sa note de crédit et des taux d’intérêt plus bas, il était presque
certain que PCA e xercerait son droit de remboursement anticipé des ob ligations, et
refinancerait sa dette à des taux moins él vés. Les investisseurs évaluant ces obliga-
tions au milieu de l’année 2003 sa vaient qu’ils devraient très certainement les vendre
au prix de 104,81 dollars le 1 er avril 2004, et f xaient donc une limite à leur prix
d’achat.
En fait, les détenteurs de l’ob ligation à 9,625 % avril 2009 de PCA n’eurent pas
besoin d’attendre jusqu’en avril 2004 pour renoncer à leurs titres. Le 23 juin 2003,
l’entreprise annonça une offre préférentielle sur les titres au prix de 110,24 dollars,
soit une prime d’un peu plus de deux dollars par rapport au cours précédant l’annonce.
L’entreprise a opté pour un remboursement des ob ligations à 110,24 dollars le
21 juillet 2003 au lieu d’attendre de pa yer 104,81 dollars le 1 er avril 2004, car la
combinaison de l’amélioration de ses conditions de crédit et de la baisse des taux
d’intérêt rendait trop coûteuse pour PCA leur continuation. L ’offre fut un succès,
les détenteurs de 99,3 % des obligations les apportant à l’entreprise.
PCA émit de nouv elles obligations af n de ref nancer les anciennes à 9,625 %
avril 2009, payant un taux bien inférieur de 4,5 % pour la tranche à cinq ans et 5,9 %
pour la tranche à dix ans. La réduction spectaculaire des coupons f t économiser à
PCA des dizaines de millions de dollars d’intérêts jusqu’à l’échéance du fnancement
initial. Les deux nouv elles émissions échappèrent à l’option de remboursement
anticipé, car les in vestisseurs exigèrent fermement que l’entreprise ne se ménage
aucune porte de sortie.
Du point de vue de l’in vestisseur, l’acceptation de l’of fre préférentielle maxi-
misait le rendement. En se basant sur le coupon de l’obligation, le pris de l’offre et le
prix fi e du remboursement anticipé, si les investisseurs avaient conservé les titres
jusqu’à la date du remboursement anticipé, ils étaient confrontés à un rendement
http://fribok.blogspot.com/
432 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 433
Réfl xion faite, les rendements supérieurs des actionnaires de PCA ne constituent
pas une surprise. L’amélioration des fondamentaux de crédit d’une obligation pourrie
correspond obligatoirement à une augmentation du matelas capitalistique soutenant
les charges fi es de l’entreprise. Une hausse du cours de l’action est un des moyens
par lesquels on améliore ce soutien du fardeau de la dette d’une entreprise. Comme
l’amélioration des fondamentaux de crédit va souvent avec un rallye des actions, les
investisseurs ont de meilleures chances de gain en possédant des actions au potentiel
d’appréciation illimité que des obligations au potentiel restreint.
Dans le cas de la détérioration des fondamentaux de crédit, les investisseurs en
obligations pourries ont peu ou pas d’a vantages par rapport aux actionnaires. Sou-
venez-vous que l’obligation à 9,625 % avril 1999 de PCA est arrivée sur le marché
avec une note de simple B, ce qui la plaçait dans la situation précaire d’une «faible
assurance du respect des termes du contrat ». La détérioration du crédit aurait vrai-
semblablement nui autant aux investisseurs obligataires qu’aux actionnaires.
Les investisseurs en ob ligations pour ries ne peuv ent pas g agner. Lorsque les
fondamentaux s’améliorent, les rendements des actions dominent ceux des ob liga-
tions. Lorsque les taux baissent, les ob ligations non remboursab les procurent des
rendements ajustés au risque supérieurs. Lorsque les fondamentaux se détériorent,
les investisseurs en obligations pourries pâtissent au même titre que les actionnaires.
Les investisseurs bien informés évitent le marché perdant des ob ligations à haut
rendement.
La convergence d’intérêts
http://fribok.blogspot.com/
434 Gestion de portefeuilles institutionnels
levier, les détenteurs d’obligations sont face à des g roupes de dirigeants encore plus
motivés et inamicaux. Les ingénieurs fnanciers sophistiqués, orientés sur la valori-
sation du capital, possèdent de nombreux outils leur permettant d’augmenter subs-
tantiellement et rapidement la v aleur du capital. Comme les opérateurs f nanciers
travaillent à limiter le coût de la dette, les détenteurs d’ob ligations réalisent que la
réduction des coûts signif e la diminution de leurs rendements.
Résumé
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 435
seurs en ob ligations pourries aient pris des risques beaucoup plus éle vés pour un
rendement supplémentaire insignif ant apparaît clairement.
LES TITRES
ADOSSÉS À DES ACTIFS
Les titres adossés à des actifs sont en des produits de taux qui reposent sur une
grande v ariété d’actifs sous-jacents (leur adossement) af n de g arantir à leurs
détenteurs le cash f ow et l’assurance des paiements. Bien que l’actif le plus couram-
ment utilisé dans ce cas soit les hypothèques immobilières, les banquiers utilisent en
tant que collatéraux des actifs allant des créances sur car tes de crédit aux paiements
des baux commerciaux, en passant par le f nancement des achats de voitures.
Les transactions adossées à des actifs témoignent d’un haut degré de structuration
financière. Ce type d’émission étant mot vé par le désir de l’émetteur de f aire dis-
paraître certains actifs de sa comptabilité et d’obtenir des taux inférieurs pour son
financement, l’acheteur d’un de ces titres adossés à un actif se retrou e face à un
adversaire redoutable.
Dans le cas des titres h ypothécaires (ces instruments f nanciers qui transmettent
le paiement des crédits immobiliers du propriétaire au détenteur du titre), les inves-
tisseurs sont confrontés à un ensemble inattractif de réactions aux changements de
taux d’intérêt. Si les taux baissent, les propriétaires de biens immobiliers jouissent
de la faculté de rembourser leur prêt par anticipation et de ref nancer leur crédit.
Tout comme l’annulation d’un crédit à taux éle vé soulage l’empr unteur, elle nuit
au détenteur d’un titre hypothécaire en tarissant un f ux de revenus à haut rendement.
De la même manière, si les taux augmentent, les propriétaires de biens immobiliers
ont tendance à ne payer que le minimum de v ersement exigé en remboursement des
intérêts et du capital. Les détenteurs de titres h ypothécaires perdent des actifs à haut
rendement dans un environnement de taux bas, et conser vent des actifs à rendement
faible dans les environnements de taux élevés.
En échange de cette acceptation d’un titre dont la durée s’écour te quand les
investisseurs préféreraient qu’elle s’allonge, et s’allonge lorsqu’ils préféreraient
qu’elle raccourcisse, les détenteurs de titres h ypothécaires perçoivent un taux de
rendement supérieur. Il est très difficile de s voir si cette prime constitue une juste
compensation à cause des options e xtrêmement comple xes qui accompagnent les
titres hypothécaires. Les scientif ques de haut niveau qui opèrent à Wall Street uti-
lisent des modèles informatiques compliqués af n de rechercher la véritable valeur
http://fribok.blogspot.com/
436 Gestion de portefeuilles institutionnels
Dans une affaire célèbre du déb ut des années 90, Worth Bruntjen, un spécialiste
des produits de taux chez Piper Capital à Minneapolis, s’est bâti une réputation
formidable en tant que gestionnaire de titres hypothécaires. Sur la base de résultats
époustouf ants durant les premières années de la décennie, Bruntjen attira d’impor-
tants capitaux de la part d’investisseurs tant privés qu’institutionnels.
Bruntjen gérait le Piper Jaffrey American Government Securities Fund (AGF),
un fonds appar tenant au g roupe des véhicules d’in vestissement en ob ligations
hypothécaires pour les in vestisseurs pri vés. Stimulé par un marché ob ligataire
puissamment haussier et un portefeuille très sensib le aux taux d’intérêt, le fonds
rapporta 19,3 % par an pendant les cinq années se terminant le 31 décembre 1993,
ce qui représente un a vantage substantiel par rapport aux 11,2 % de rendement
annuel de l’indice Salomon Brothers Mor tgage. Les rendements e xceptionnels de
Bruntjen ont poussé Morningstar à faire de ce « grand visionnaire et force motrice »
l’un de ses favoris lors de sa compétition annuelle entre gestionnaires1.
Les infor mations pub liquement accessib les indiquent que Bruntjen comptait
l’État de Floride parmi ses clients institutionnels. En f ait, la Floride sui vait une
stratégie d’investissement perverse avec ses fonds opérationnels, retirant ses capitaux
des gestionnaires sous-performants et les donnant à ceux qui battaient le marché.
En conséquence des résultats e xceptionnels de Br untjen, le compte de l’État de
1. Andrew Bar y, “P aying the Piper”, Barron’s Chicopee 74, n° 15, 1994 ; Mor ningstar,
Morningstar Closed-End Funds 10, n° 7, mars 1994.
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 437
Floride chez Br untjen totalisait 430 millions de dollars en jan vier 1994, plus du
double de son concurrent le plus proche1.
Bruntjen expliquait ainsi sa stratégie : « Nous achetons des obligations garanties
par les agences gouvernementales ayant un taux d’intérêt plus élevé que les obliga-
tions du Trésor à trente ans, mais une durée de vie moyenne de trois à cinq ans »2.
Ce que le gestionnaire de fonds appelait « obligations » incluait des crédits h ypo-
thécaires et des dérivés de crédit nettement favorisés par la hausse du marché obli-
gataire. Néanmoins, l’explication succincte de Bruntjen concer nant son approche
d’investissement permettant soi-disant d’obtenir sans inconvénient des rendements
supérieurs, trouva une audience très récepti ve. Les fonds sous gestion augmentèrent
rapidement jusqu’au début de 1994.
Malheureusement pour les in vestisseurs en produits de taux, la f n de 1993
marqua le sommet du rallye obligataire. Les obligations du Trésor américain à dix
ans affichant un taux de 5,3 %, le plus bas depuis vingt-six ans. En quelques mois,
jusqu’en mai 1994, un déclin violent des cours ob ligataires poussa les rendements
à 7,4 %. Le Wall Street Journal décrivit ainsi l’effondrement du marché hypothécaire :
« Le massacre des produits dérivés hypothécaires n’en f nit pas, les investisseurs et
les brokers cherchant à sortir à tout prix de leurs positions, alimentant ainsi un cercle
vicieux de chute des prix et d’év aporation de la demande »3. Le marché baissier
qui bousculait les portefeuilles obligataires lamina le portefeuille de Bruntjen.
Durant l’année 1994, les in vestisseurs privés de l’A GF subirent une perte de
presque 29 %. En comparaison, le Salomon Brothers Mor tgage Index afficha un
perte modeste de 1,4 %. De janvier à septembre, le compte de l’État de Floride chez
Bruntjen subit des pertes de 90 millions de dollars, un résultat totalement inaccep-
table pour des fonds opérationnels supposément conservateurs. Frustrée par ce résultat
décevant, la Floride annonça qu’elle retirait presque 120 millions de ses fonds pré-
sents chez Bruntjen. Les investisseurs privés et institutionnels en pâtirent à égalité.
Le carnage du marché obligataire lamina la stratégie de Bruntjen. Lorsque les taux
d’intérêt augmentèrent, l’utilisation par le spécialiste du crédit « d’in vestissements
signif catifs dans des produits dérivés volatils comme les obligations à taux f ottant
inverse et les coupons à nominal e xclusif » a f ait que son fonds s’est comporté
comme les obligations à trente ans et non comme les obligations à court terme citées
http://fribok.blogspot.com/
438 Gestion de portefeuilles institutionnels
dans la description de sa stratégie 1. Une sensibilité très éle vée aux taux d’intérêt
dans un environnement de hausse des taux a ruiné les investisseurs de Bruntjen.
Worth Bruntjen, le « visionnaire » de Morningstar, n’a pas compris les risques
inhérents à sa stratégie, pas plus que ses supérieurs hiérarchiques de chez Piper
Capital ni les investisseurs institutionnels soi-disant sophistiqués de l’État de Floride.
Il en est de même de la société de consulting Morningstar. La complexité inhérente
à la compréhension et à l’évaluation des titres hypothécaires plaide pour l’abandon
de toute e xposition aux options potentiellement dangereuses comprises dans les
instruments hypothécaires.
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 439
par traiter le problème aigu du LGIP en page 11 a vec cette observation naïvement
optimiste : « Nous sommes heureux d’annoncer qu’aucun des portefeuilles à court
terme du SBA ne possède d’e xposition directe aux subprimes ». La distinction était
subtile mais juste. Comme les par ticipants au LGIP étaient sur le point de le décou-
vrir, une exposition indirecte a tout autant la possibilité de nuire qu’une exposition
directe.
Motivés par des préoccupations concer nant les investissements opérés sur des
instruments de dette dégradée ou défaillante, les participants commencèrent à quitter
le fonds en novembre, retirant au f nal 12 milliards de dollars, soit 46 % des actifs
du fonds. Fermant la porte de la sortie de secours après avoir perdu une grande partie
de ses fonds, l’État de Floride gela les retraits le 29 no vembre. Ce fonds, jadis le
plus gros et le plus rentable, se retrouvait dans le chaos1.
La Floride engagea Black Rock pour régler l’affaire. Black Rock sépara le fonds
en deux entités : un fonds A de qualité comprenant environ 12 milliards de dollars,
et un fonds B de moins bonne qualité comprenant en viron 2 milliards de dollars.
Le fonds B contenait toute une variété de déchets toxiques incluant des obligations
de finance st ucturée d’entreprise émises par le KKR Atlantic Fund Trust et le
KKR Pacific Fund Trust (sponsorisés par la société de LBO KKR), Axon Financial
Fund (sponsorisé par la société de LBO TPG), et Ottimo Fund (enregistré aux Îles
Cayman). En plus de ces obligations adossées à des actifs, le fonds B comprenait un
grand nombre de CD émis par Countrywide Bank, prêteur hypothécaire en difficult
dégradé par les agences de notation à cause du risque de crédit signifcatif sur les CD.
Le fonds A, avec ses actifs de qualité, autorisait des retraits limités dès la pre-
mière semaine suivant le gel des capitaux, le 6 décembre. Les par ticipants retirèrent
rapidement 2 milliards de dollars. L’État de Floride a entraîné dans la confusion
son fonds à court terme. Premièrement, comme dans l’affaire de Piper Capital, en
recherchant agressivement le rendement sans ég ard pour le risque encouru. Deuxiè-
mement, en autorisant les retraits paniques, versant 12 milliards de dollars de fonds
« propres » aux premiers sortants et laissant aux autres les actifs toxiques. La Floride
a besoin de repenser son approche de la gestion.
À l’évidence, de nombreux in vestisseurs n’ont pas la capacité de comprendre
les options incluses dans les titres hypothécaires. Du point de vue d’un portefeuille
plus global, les titres h ypothécaires liés au crédit et aux options tra vaillent contre
les investisseurs qui souhaitent utiliser les obligations pour se protéger de la déf ation
ou des crises f nancières. L’option de remboursement anticipé détenue par les
propriétaires de biens immobiliers fonctionne de la même manière que pour les
1. Ibid.
http://fribok.blogspot.com/
440 Gestion de portefeuilles institutionnels
entreprises émettrices. Si les taux baissent à cause d’une déf ation ou d’une crise
financière, le détenteur d’un titre ypothécaire peut perdre son investissement ainsi
que la protection qu’il représentait contre les circonstances déf avorables. De la
même manière, les défauts de crédit, plus fréquents en temps de crise économique,
sapent les caractéristiques protectrices des produits de taux.
La convergence d’intérêts
Les détenteurs de titres adossés à des actifs se retrouv ent dans le camp opposé
à celui de cer tains des ingénieurs f nanciers les plus sophistiqués de la planète.
Dans le meilleur des cas, les investisseurs en titres adossés à des actifs achetant des
titres nouv ellement créés de vraient anticiper des rendements f aibles à cause de
l’utilisation par l’émetteur d’une structure complexe lui permettant de générer une
dette au coût le plus bas possib le. Et dans le pire des cas, la comple xité des titres
adossés à des actifs conduit à une opacité qui empêche les in vestisseurs de com-
prendre les caractéristiques réelles de leur in vestissement. Dans des situations
extrêmes, la nature spéculati ve de ces montages pro voque des dégâts très sérieux
dans les portefeuilles des investisseurs.
Au 31 décembre 2006, la valeur de marché des titres adossés à des actifs totali-
sait 105 milliards de dollars. Le rendement à maturité s’éle vait à 5,3 %, avec une
maturité moyenne de 3,2 ans et une duration de 2,8 ans1.
Résumé
Les titres adossés à des actifs impliquent un haut degré d’ingénierie f nancière.
En règle générale, plus un produit issu de Wall Street est compliqué, plus les inves-
tisseurs doivent le fuir. Parfois, les créateurs et les émetteurs d’instr uments f nan-
ciers complexes ne comprennent pas eux-mêmes le compor tement possible de ces
instruments dans différentes circonstances. Comment l’investisseur moyen pourrait-
il le comprendre ?
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 441
http://fribok.blogspot.com/
442 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 443
n’ont aucune raison de désa vantager leurs cito yens. Si des in vestisseurs achètent
des obligations libellées en devises étrangères également détenues par des citoyens du
pays d’émission, ces investisseurs peuvent très bien bénéf cier d’une convergence
d’intérêt satisfaisante.
Toutefois, si la dette émise par un gouvernement se trouve principalement entre
les mains de détenteurs étrangers, la convergence d’intérêts est rompue. En fait, si
des considérations politiques biaisent les ob ligations contractuelles, les détenteurs
étrangers d’obligations d’un gouvernement peuvent subir des aléas bien pires que
ceux des détenteurs de dette d’entreprises en difficulté
Résumé
http://fribok.blogspot.com/
444 Gestion de portefeuilles institutionnels
Tableau A.1 Les obligations du Trésor font mieux que les alternatives plus risquées.
Les rendements sur dix ans des indices de produits de taux.
http://fribok.blogspot.com/
Les emprunts obligataires bâtards 445
de base par an pour la période de dix ans, tombant à 40 points de base en dessous du
rendement des obligations du Trésor. De la même manière, les titres adossés à des
actifs ont perdu 52 points de base par an, augmentant de 48 points de base leur
déficit par rappo t aux obligations du Trésor.
Une des leçons de la crise du crédit de 2007 concerne le fait que les investisseurs
en obligations possédant les caractéristiques inattractives d’illiquidité, de risque de
crédit et de risque de remboursement anticipé ont sous-performé les obligations du
Trésor pour l’année se terminant le 31 décembre 2007. Une autre leçon concer ne le
timing de la sous-performance à court terme spectaculaire des titres d’entreprise,
à haut rendement et adossés à des actifs durant la seconde moitié de l’année 2007.
C’est justement au moment où les investisseurs avaient le plus besoin de la protection
procurée par leurs positions obligataires que les obligations non gouvernementales
ont failli.
CONCLUSION
http://fribok.blogspot.com/
Remerciements
446
http://fribok.blogspot.com/
À propos de l’auteur
David Swensen, Chief Investment Office de Yale, gère les 23 milliards de dollars
d’actifs du fonds de réserve de l’Université. Sous sa direction, le fonds de réserve de
Yale a produit un rendement de près de 17 % par an, une performance inégalée par
les investisseurs institutionnels. M. Sw ensen, Docteur en économie de l’Uni versité
de Yale, dirige une équipe de 20 personnes dont les bureaux sont situés sur le
campus.
Avant de rejoindre Yale en 1985, M. Swensen a travaillé six ans à Wall Street
– trois ans chez Lehman Brothers and trois ans chez Salomon Brothers – où il a
développé de nouvelles technologies financières
Chez Salomon Brothers, il a super visé le premier swap, une transaction en
devises qui a impliqué IBM et la Banque mondiale. M. Sw ensen est l’auteur de
Pioneering Portfolio Management: An Unconventional Approach to Institutional
Investment et de Unconventional Success: A Fundamental Approach to Personal
Investment.
Admiré de ses pairs comme de ses concurrents, les témoignages sont nombreux
qui soulignent sa compétence. Jack Bo gle, fondateur de Vanguard : « Swensen fait
partie de la poignée de génies de l’in vestissement que compte la planète ». Jack
Meyer, ancien dirigeant de Harvard Management Company : « David est le meilleur
dans le domaine »). Barton Biggs, ancien responsab le de la stratégie d’in vestis-
sement chez Mor gan Stanle y : « Swensen est le Warren Buf fett de l’in vestis-
sement institutionnel ». Bur ton Malkiel, professeur à Princeton : « Swensen est
vraiment un leader dans le domaine de l’investissement ».
In 2007, M. Swensen a reçu la Mor y’s Cup qui récompense des ser vices
exceptionnels rendus à Yale et la Hopkins Medal pour sa lo yauté inégalée envers
la Hopkins School. L’Université du Wisconsin à River Falls, où il a commencé ses
études, l’a f ait Docteur Honoris Causa en 2008. Cette même année, il a été élu
à l’American Academy of Arts & Sciences.
447
http://fribok.blogspot.com/
448 Gestion de portefeuilles institutionnels
http://fribok.blogspot.com/
R
esponsable des investissements de Yale, David Swensen est parvenu à faire croître
le portefeuille de l'Université à un rythme de +16% l'an sur les vingt dernières
années. Reconnu par les plus grands pour la qualité de ses performances, il donne
ici les clés d’une gestion exceptionnelle.
Dans ce livre devenu un classique, il expose ses principes d'allocation et de sélection des
investissements. Sa stratégie, fort éloignée de la pratique de beaucoup d'investisseurs
professionnels, remet brillamment en cause le consensus qui imprègne souvent les
décisions d'investissement. Pour lui :
Les investisseurs doivent accorder une place de choix aux actifs réels (actions,
matières premières, placements non cotés) pour assurer une protection contre
l'inflation.
Il faut éviter d'accorder trop de poids aux facteurs quantitatifs : « Une gestion de portefeuille
réussie exige de placer les facteurs qualitatifs au premier rang. »
Seul le long terme compte : « Les comparaisons des performances d'investissement
annuelles créent (et reflètent) une mentalité de joueur de tiercé ».
Les produits structurés sont à éviter : « les investisseurs en produits structurés
devraient anticiper des rendements faibles à cause de l'utilisation par l'émetteur d'une
structure complexe lui permettant de générer une dette au coût le plus bas possible. »
La volatilité n'est pas une bonne mesure du risque : « Ce qui importe le plus, c'est le risque
fondamental de l'investissement, et non les fluctuations de cours du titre coté ».
Les performances élevées masquent souvent un recours excessif à l'ef fet de levier.
L'auteur invite les investisseurs à choisir des sociétés de gestion modestes, réactives et
indépendantes. Il met en garde contre les grandes sociétés qui appliquent des frais fixes
trop importants, font tourner les portefeuilles à l'excès et tirent avantage de leur notoriété
(et de la frilosité des investisseurs !) pour attirer des capitaux.
David F. Swensen est Chief Investment Officer à l’Université de Yale dont il gère
le f onds de r éserve v alorisé à quelque 20 m illiards de dolla rds. Membre de
l’American Academy of Arts and Sciences , Docteur en économ ie, il enseigne a u
Yale College ainsi qu’à la Faculté de gestion de l’Univ ersité de Y ale depuis plus
de 25 ans. Son livre est le plus connu des ouv rages de gestion institutionnelle.
infos/nouveautés/catalogue :
www.maxima.fr
http://fribok.blogspot.com/