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Droit Du Contrat CM

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TITRE 1 - LA THÉORIE GÉNÉRALE DU CONTRAT

Dans ce premier titre, nous allons étudier ce qu’est un contrat, comment les juristes le conçoivent. Puis nous
verrons les différents types de contrats qui existent. Après quoi, nous envisagerons d’où provient le droit du
contrat, quelles sont ses sources. Enfin nous nous interrogerons sur ses fondements et principes, rassemblés
au sein de la Théorie générale du contrat.
Le tout, en 4 sections :
Section 1 – La notion de contrat
Section 2 – La classification générale des contrats
Section 3 – Les sources du droit du contrat
Section 4 – L’évolution de la théorie générale du contrat

Section 1 – La notion de contrat


Première vue : il y a de nombreuses manières d’exprimer l’importance du contrat. Cette importance est tout à
la fois juridique, morale, sociale et aussi symbolique.
On peut dire que le contrat est un instrument juridique essentiel de la vie en société. Car c’est le support juri-
dique des échanges. C’est aussi l’expression juridique de l’engagement. C’est un accord de volontés.
II existe de nombreux contrats différents : contrat de vente, contrat de bail, contrat de prêt.... autrement dit
une pluralité de contrats spéciaux.
Mais par-delà leurs différences, tous les contrats présentent des traits communs et une évolution commune, si
bien qu’une définition unitaire du contrat est possible, tant dans la loi qu’en doctrine.
Le contrat est un « pilier du droit » (Jean Carbonnier) et une « grande notion du droit privé » (Judith
Rochefeld).
Pour aborder la notion de contrat, nous envisagerons successivement : - la définition du contrat
- et la conception du contrat

. La définition du contrat
On trouve la définition du contrat en doctrine, sous la plume des auteurs (B),
mais aussi dans le Code civil (A). Des propositions pour en élargir la notion ont
été faites (C).

A. La définition légale du contrat


B. La définition doctrinale du contrat
C. Les propositions d’élargisement de la notion de contrat

A. La définition légale du contrat


Cette définition inscrite dans le Code civil a changé, depuis l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l’or-
donnance du 10 février 2016, qui réforme le droit du contrat.

I. La définition légale d’origine


Le contrat était défini par l’ancien article 1101 du Code civil dans les termes suivants : « Le contrat est une
convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à
faire ou à ne pas faire quelque chose ».
Cette définition classique appelle 2 remarques :
- Elle place l’obligation au cœur du contrat (le verbe « s’obligent » dans l’article signifie littéralement
qu’elles créent entre elles des obligations) ;
- Elle est sous-tendue par la distinction entre le contrat et la convention.
Traditionnellement en effet, les juristes distinguent la convention, terme plus large et générique, et le contrat.
La convention est le genre, et le contrat est l’espèce. Autrement dit, le contrat est une sorte de convention.
Dans la finesse du langage juridique, les deux termes ne sont donc pas des synonymes.
La convention désigne tout accord qui produit des effets de droit. Tout comme le contrat elle peut créer des
obligations. Mais elle peut aussi en transférer ou les éteindre.
Ex : la convention de remise de dette éteint l’obligation de payer la dette.
Lorsqu’une convention crée des obligations, il s’agit d’un contrat. Le contrat est donc une sorte de conven-
tion.

Mais l’inverse n’est pas vrai. Ainsi les conventions qui transfèrent ou éteignent des obligations ne sont pas
des contrats, du moins dans cette perspective juridique traditionnelle.
La spécificité du contrat, dans cette distinction, c’est de donner naissance à des obligations.

II. La nouvelle définition légale du contrat


Il s’agit toujours de l’article 1101, la numérotation n’ayant pas changé pour ce texte-là.
Art. 1101 nouv. du Code civil : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes des-
tiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».
La définition fournie par le Code civil se trouve ainsi reformulée, avec trois changements notables :
- le contrat n’est plus défini par les obligations qu’il crée (obligation de donner, de faire ou de ne pas faire
quelque chose), comme c’était le cas dans l’ancien article 1101 ;
- Le contrat est défini comme un « accord de volontés », ce qui est la reprise de la définition doctrinale
usuelle ;
- Et surtout, il peut être destiné non seulement à créer des obligations, mais aussi à modifier, transmettre ou é-
teindre des obligations.
En d’autres termes, le contrat, dans cette nouvelle définition, a les mêmes fonctions que la convention.
C’est là une nouveauté qui élargit la notion de contrat.
Le Code civil ne fait donc désormais plus, depuis la réforme, la distinction classique entre Contrat et
Convention.
Les deux termes y sont donc implicitement compris comme des synonymes.
Certains auteurs se montrent critiques sur cette innovation qui fait perdre de sa finesse au langage juridique.

B. La définition doctrinale du contrat


Pour la doctrine, le contrat est un acte juridique.
Plus précisément, le contrat est un accord de volontés.
Il y est défini comme « une manifestation de volontés accomplie en vue de produire des effets de droit ».
À bien y regarder, on constate que cette définition comporte deux pôles, deux éléments.
1. Une « manifestation de volontés »...
Le contrat est l’expression de deux volontés qui se rencontrent. C’est un Accord.
C’est un Acte créateur, soumis à des conditions de validité, c’est processus créateur (même si celui-ci peut
être instantané).
2. ... « en vue de produire des effets de droit »
C’est le résultat de cet acte.
Les effets de droit, ce sont les obligations contractuelles nées du contrat, c’est la norme contractuelle qui
s’impose aux parties. On dit aussi qu’il est la « loi des parties ».
Obs. : le terme contrat désigne ainsi à la fois le processus de création et le résultat créé.

C. Une proposition d’élargissement de la notion de contrat


Elle a été faite par Suzanne Lequette dans un récent article intitulé « La notion de contrat » et publié à la Re-
vue trimestrielle de droit civil (RTDCiv.) 2018, p.541.
Cette auteure considère que la réforme du Code civil a bien élargi la notion de contrat, par ses effets, qui ne
se limitent plus à la seule création d’obligations, mais incluent désormais leur extinction, modification et
transmission.
Mais elle estime que la réforme n’est pas allée assez loin. Elle reprend selon elle l’analyse classique et réduc-
trice qui assimile le contrat aux obligations.
Cette vision lui semble dépassée.
Plus qu’un ensemble d’obligations, le contrat est une norme.
Elle propose donc une autre définition du contrat, comme « la norme juridique qui opère la rencontre des in-
térêts des parties ».

§. 2. L’évolution de la conception du contrat


Les développements de ce paragraphe sont issus d’un article intitulé « Libres propos sur la transformation du
droit des contrat », RTDCiv. 1997, p.357).
Nous sommes peu à peu passés d’une conception figée du contrat à une conception vivante et évolutive.

A. La conception classique du contrat comme un « bloc » et une « bulle »


Conçu traditionnellement comme un bloc intangible et cristallisé de droits et d’obligations, le contrat s’ana-
lysait comme un bloc fixé une fois pour toutes de droits et d’obligations, comme le « choc frontal de deux in-
térêts antagonistes » (Jacques Mestre) et constituait un « monde clos », imperméable aux influences exté-
rieures.
Il en découlait une intangibilité qui s’imposait non seulement aux parties, mais aussi au juge et au législateur.
Puisque le contrat était conçu comme un bloc intangible de droits et d’obligations,
- les parties ne pouvaient revenir sur leur engagement, - le juge qui ne pouvait pas le réviser,
- et le législateur ne pouvait, en principe, en modifier les effets futurs (cf la fameuse « survie de la loi an-
cienne » qui prévaut, pour le futur, sur la loi nouvelle).

B. la conception renouvelée du contrat comme « chose vivante »


Cette expression du contrat comme « chose vivante » nous vient de René DEMOGUE, un grand juriste du
XXè siècle.
Le contrat est alors appréhendé comme un « lien vivant » entre les parties, ce lien contractuel fait de leur rap-
port interpersonnel.
Au conflit d’intérêt, le droit tend à substituer une « union des intérêts », que l’on nomme de son petit nom la-
tin « affectio contractus ».
D’adversaires, les parties sont alors peu à peu conçues comme des partenaires.
Et le contrat devient plus souple, pus adaptable, moins « cassant ».
- Le voici donc susceptible d’être révisé en cas de changement de circonstances, donc modifié dans ses
termes par rapport à ses termes initiaux,

- Le voici aussi susceptible d’être régularisé, ou seulement partiellement annulé en cas d’irrégularité.

C. La conception proposée
Le contrat est à la fois UN et MULTIDIMENSIONNEL. Les deux sont vrais si l’on adopte une « pensée
complexe », au sens que lui donne Edgar MORIN, c’est-à- dire, entre autres choses, une pensée capable de
tenir ensemble les contraires : la notion de contrat est à la fois une et multiple.

1. Le contrat est un : c’est toujours un accord de volontés. C’est là une constante qui vaut pour tous les
contrats.
Même si on peut observer en se mettant à l’écoute de ce terme « accord » peut se dédoubler et revêtir deux
sens qui valent pour le contrat :
- l’accord compris comme le fait se mettre d’accord », qui renvoie au contrat comme un processus de créa-
tion
- l’accord entendu comme ce sur quoi l’on s’est mis d’accord, ce qui renvoie au contrat comme résultat créé,
une norme contractuelle applicable entre les parties.

2. Le contrat est multidimensionnel


Au sens où il peut se déployer dans de multiples dimensions distinctes.
. une dimension juridique, obligationnelle et normative : il est constitué d’un ensemble de droits et d’obliga-
tions, il crée une norme et il est une norme (contractuelle)
. une dimension morale aussi : il repose sur un engagement, sur la parole donnée . une dimension écono-
mique, en ce qu’il est un instrument d’échange
. une dimension temporelle, en ce qu’il est, couvent, un acte d’ « emprise sur l’avenir », un acte de prévision.
. une dimension relationnelle, en ce que le contrat est bien souvent un lien contractuel,
. une dimension patrimoniale, en ce que le contrat peut être un bien, et à ce titre être cessible, faire l’objet en
tant que tel d’une cession,
Etc.
Voyez-vous d’autres dimensions possibles du contrat ?

Section 2 – Les sources du droit du contrat


Comme le droit de la responsabilité, le droit du contrat a connu et connaît une considérable évolution de ses
sources.
Celle-ci suit le mouvement plus général d’évolution des sources du droit.
Et cette évolution se traduit par 3 tendances :
- une multiplication et une transformation des sources internes
- une européanisation des sources du droit des contrats
- une réforme du Code civil, qui a abouti en 2016, après un processus entamé en 2005.

§. 1. La multiplication et la transformation des sources internes du droit du contrat


À l’image des sources du droit en général, les sources du droit du contrat se sont multipliées de manière ex-
ponentielle, en une sorte de « Big bang des sources », pour reprendre l’expression d’un auteur.
- À l’origine, il y avait une source unique du moins très largement dominante, du droit du contrat : la loi, le
Code civil
C’était la source du droit commun des contrat, c’est-à-dire du droit applicable à tous les contrats.
Par la suite, plusieurs phénomènes concomitants (4) se sont produits :

1. La multiplication des lois postérieures


Certaines d’entre elles ont été incorporées au Code civil. Par ex., l’ancien article 1152 al.2 anc. sur la clause
pénale, modifié par une loi de 1975.
D’autres lois lui sont restées extérieures, ou bien ont intégré un autre code. Par ex. les lois sur les contrats de
consommation, contrats de crédit, ont été insérées dans le Code de la consommation.

2. Le développement de la jurisprudence
La jurisprudence a joué un rôle considérable pour adapter les textes du Code civil originaire aux besoins nou-
veaux de la société.
En atteste le développement jurisprudentiel des vices du consentement, ou encore l’assouplissement jurispru-
dentiel des règles du Code civil sur l’objet, notamment sur la détermination du prix (que nous étudierons plus
tard).
Cependant, le rôle de la jp n’a pas été aussi spectaculairement constructeur en droit du contrat qu’il l’a été en
droit de la responsabilité civile. Mais le juge a tout de même pris une part grandissante à la vie du contrat au
fil du XXè siècle.

3) La montée en puissance de la doctrine


La doctrine n’est pas une source de droit positif, au sens où elle ne crée pas directement des règles de droit.
Mais elle est une source d’inspiration du droit.
C’est par ex. la doctrine qui a pris l’initiative des premières propositions de réforme du Code civil, dans la
foulée du Bicentenaire du Code civil (V. le rapport Catala, de 2005).
C’est aussi elle qui œuvre en droit européen, comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant.

4) L’apparition des sources de droit souple


Une des sources de droit souple en droit du contrat réside dans les recommandations de la Commission des
Clauses Abusives (CCA). Dénuées de force obligatoire, elles sont cependant dotées d’une relative force nor-
mative d’influence sur la pratique qu’elles cherchent à orienter et à moraliser.

§. 2. L’européanisation des sources du droit du contrat


Un aspect de cette européanisation réside dans l’influence des directives européennes sur notre Droit du
contrat.
Le cas le plus notable est celui de la directive du 5 avril 1993 (93/13) sur les clauses abusives, qui a été trans-
posée en droit français par la loi du 1er février 1995.
Mais l’aspect qui est le plus frappant, c’est le fort mouvement doctrinal qui s’est dessiné en Europe en faveur
de textes de référence destinés à harmoniser les droits des États membres de l’Union européenne.

On dénombre 4 sources principales de ce point de vue :

1) Les « PEDC » élaborés par la Commission LANDO


Dès la fin des années 1970, cette commission, présidée par le professeur danois Olé Lando, et constituée de
professeurs des États membres de l’Union européenne, a élaboré les « Principes du droit européen du contrat
» (dits PEDC). Ils ont été publiés à partir de 1995.
Et sont conçus sur un modèle proche des Principes d’UNIDROIT qui, quant à eux, concernent les échanges
internationaux.
En eux-mêmes, les PEDC sont dépourvus de force obligatoire et de force contraignante. Mais les parties à un
contrat peuvent s’y référer volontairement. En ce cas, ils deviennent alors obligatoires, empruntant la force
obligatoire du contrat qui y renvoie.
Ils constituent ainsi une norme facultative, à la disposition des parties.

2) Le « Code européen des contrats - Avant-projet », élaboré par l’Académie de Pavie


Créée en 1992, elle a publié en 200, le livre 1er de ce code, et en 2004, l’ensemble. Sous l’impulsion du pro-
fesseur Gandolfi.

3) Un projet de Code civil européen


Ce groupe d’étude a pris le relais de la Commission Lando, tout en dépassant ses ambitions. Il s’agit non plus
seulement d’un projet concernant seulement les contrats, mais tout le droit civil.

4) Le Cadre Commun de Référence (CCR)


Les institutions européennes ont repris à leur compte l’idée d’une harmonisation du droit privé eu Europe,
idée qui s’est traduite par la volonté de développer un CCR pour le droit européen des contrats.
Il s’agit de fournir à l’Union européenne un instrument de référence non contraignant (c’est-à-dire un instru-
ment de droit souple).
Le projet est paru en 2008.
L’idée est de promouvoir un code optionnel auquel les parties pourront se référer. Il s’agit là aussi d’une
norme facultative.

Obs. : Pour la plupart, il s’agit là de sources privées, doctrinales, d’origine savante. Toutes sont des sources
de droit souple, donc dépourvues, en tant que telles, de force obligatoire et contraignante. Ce sont des
sources de normes proposées (et non pas imposées).

§.3. La réforme du Code civil


Le Code civil vient d’être réformé, notamment dans ses articles concernant le droit du contrat, par l’ordon-
nance du 10 février 2016, puis ratifié et modifié par la loi du 20 avril 2018.
Cet aboutissement est le fruit d’un processus de plusieurs années qui a « préparé le terrain ».

A. Les précédentes tentatives de réforme


Elles se sont étalées sur près d’une dizaine d’années.
1) La première tentative est celle initiée par Pierre CATALA. Il l’a lancée à l’occasion du Bicentenaire
du CC en 2004 donc, réunissant autour de lui 37 universitaires et hauts magistrats.
Ce groupe a rédigé un rapport remis au Ministre de la justice, le 22 septembre 2005.
Ce rapport est intitulé « Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription ».
Il est d’inspiration libérale, assez conservatrice, avec une confiance dans la toute puissance de la volonté des
parties, et une défiance envers le juge.
Plutôt orienté vers le droit national, il ambitionne de refaire du Code civil « la matrice du droit commun des
contrats», en y intégrant les solutions jurisprudentielles. En une actualisation qui en fasse un juste reflet du
droit positif.

B. La genèse de la réforme du droit du contrat


3 grandes étapes
- Habilitation. Le 28 janvier 2015, un projet de loi d’habilitation a définitivement été voté par l’Assemblée
nationale, qui a habilité le Gouvernement à réformer le Code civil par voie d’ordonnance.
- Art. 8 : « Afin de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit
commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique
et l’efficacité de la norme ».
Cette habilitation a été donnée pour une période de 12 mois (art. 27.3°).
Durant cette période, un calendrier a été prévu, incluant une consultation publique.
. Ordonnance. L’ordonnance datée du 10 février 2016 est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
. Ratification. Elle a ensuite été ratifiée par une loi n°2018-287 du 20 avril 2018, qui a mis un terme au pro-
cessus de réforme du droit du contrat.
Cette loi de ratification est entrée en vigueur le 1er octobre 2018.
Elle ne se borne pas à ratifier l’ordonnance de 2016.
Elle y apporte aussi des modifications. Deux séries d’articles y sont distinguées.
1. Les articles modifiés par la loi de ratification qui s’appliquent aux contrats conclus à compte de l’entrée en
vigueur de la loi :
Art. 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327 et 1343-3.
2. Les autres modifications ont un caractère interprétatif. Cela signifie qu’elles rétroagissent à la date
d’entrée en vigueur de l’ordonnance.
Elles sont donc applicables aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 (ordonnance) et le 1er octobre
2018 (loi de ratification).
Art. 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6, 1352-4.
3. En outre, quelques dispositions ont été qualifiées de supplétives, ce qui signifie qu’il est possible d’y déro-
ger par convention/clause contraire.
Art. 1304-4, 1124 al.2, 1123, 1195 (ce dernier article est relatif notamment à l’imprévision pour im-
prévision).

C. Le contenu de la réforme
Sur le plan de la forme, nous avons vu que la réforme a changé la numérotation de la plupart des articles des
3 titres du livre III du Code civil.
Sur le fond, qui nous intéresse ici, il s’agit de modifications de leur rédaction et/ou d’intégration de solutions
jurisprudentielles.

Par conséquent, l’essentiel du droit positif ne se trouve pas bouleversé par la réforme.
Cependant, cette réforme contient aussi des innovations importantes.
En voici quelques-unes :
- L’assimilation de l’abus de l’état de dépendance à la violence,
- Le remplacement de m’objet et de la cause par le « contenu du contrat » (art. 1108 anc., 1128 nouv.)
- La lutte contre les clauses abusives, admise dans les contrats d’adhésion, entre dans le Code civil.
- L’admission de la révision du contrat par le juge en cas d’imprévision (art. 1195).
Au total, ce sont 353 nouveaux articles que l’ordonnance a inséré dans le Code civil.

Section 4 – L'évolution de la théorie générale du contrat


La théorie générale comprend notamment toute la réflexion de la doctrine sur les fondements d'une matière.
C'est par là que nous commencerons.

§. 1- L'évolution des fondements de la théorie générale du contrat


A l'image de l'évolution de la théorie générale de la Responsabilité civile, la théorie générale du contrat a
d'abord été dominée par un fondement unique et subjectif, désigné par la doctrine sous le nom d' « autonomie
de la volonté ».
Ce fondement a été remis en cause, ce qui a ouvert la voie à la proposition de nouveaux fondements, pour
tenter de s'y substituer.
Mais comme en droit de la RC, les différents fondements se sont plutôt accumulés que remplacés les uns les
autres.

A. Le fondement classique de l'autonomie de la volonté (AV)


Ce fondement a longtemps dominé le droit du contrat et, plus largement le droit civil.
-Au XIXè siècle, il est idéologiquement présent, mais non nommé. On peut dire qu'il joue alors comme un
paradigme puissant, mais inconscient.
-L’expression émerge à la toute fin du XIXè siècle, en 1899, sous la plume de François GENY ; et en 1912,
Emmanuel GOUNOT la systématise dans sa thèse, pour pouvoir la critiquer.
-De nos jours, l'autonomie de la volonté (AV) est critiquée et remise en cause. Cela se perçoit dans le voca-
bulaire critique de certains auteurs qui, au lieu de parler de
« fondement de l'AV » (expression neutre), évoquent le « dogme de l'AV » (fondement posé comme une
vérité indisucutable) ou le « mythe de l'AV » (expression de Boris STARCK).

I. L’exposé de la doctrine de l’autonomie de la volonté


Sens de l'expression. Du grec auto-nomos, elle désigne le pouvoir qu'a la volonté de se donner sa propre loi,
de se fixer ses propres normes.
Dans la doctrine de l'AV, la volonté est ainsi considérée comme toute puissante, comme créatrice de droit,
c'est qui crée les droits et obligations nées du contrat.
Origine philosophique : l'individualisme philosophique (au sens de prévalence de l'individu, pas en un sens
de jugement moral). L'AV plonge ses racines dans la philosophie individualiste des droits naturels de
l'homme, et repose donc sur les idées de la philosophie des Lumières et de la Révolution.
Elle est sous-tendue par un double postulat :
. le postulat de la liberté naturelle de l'homme ; et si l'homme est libre, alors sa volonté est toute-puissante.
. le postulat d'une égalité entre les hommes, et donc entre les co-contractants.
C'est là une conception abstraite et jusnaturaliste (ancrée dans le droit naturel) de l'humain.
Origine économique : le libéralisme. Sous sa forme la plus pure, il s'agit d'une doctrine économique selon la-
quelle l'Etat doit « laisser faire, laisser passer », ce non- interventionnisme étatique devant permettre d'abou-
tir aux rapports les plus justes.
Cette doctrine a été transposée au droit du contrat, et y a engendré le postulat suivant : si l'on permet aux
hommes d'aménager librement leurs échanges, l'équilibre des contrats qu'ils vont conclure se réalisera auto-
matiquement.
Dans cette perspective, une obligation librement acceptée par un contractant ne saurait être injuste. C'est ce
que signifie la fameuse formule d'Alfred FOUILLEE, demeurée célèbre : « Qui dit contractuel dit juste ».
Pour résumer, l'idéal révolutionnaire et le libéralisme ont engendré une conception strictement volontariste
du contrat, qui s'est exprimée dans la théorie de l'autonomie de la volonté.

II. La remise en cause de la doctrine de l'autonomie de la volonté


C'est le développement de conceptions plus « sociales » du droit qui ont contribué à cette remise en cause.

a) Critique philosophique
Cette critique a remis en cause le postulat de toute-puissance de la volonté, et plus précisément d'une puis-
sance créatrice de droit qui mettrait la volonté sur un pied d'égalité avec la loi.

On a reproché à l'autonomie de la volonté d'avoir surestimé le pouvoir de la volonté et le degré de liberté de


l'individu.
On a souligné que la volonté individuelle n'équivaut pas à la loi, et qu'elle est soumise à des valeurs supé-
rieures, telles que l'intérêt général et la justice.
Enjeu de cette critique : si la volonté individuelle, celle des contractants, n'a pas cette toute-puissance, elle
peut alors être contrôlée par le législateur et le juge. Ces derniers apparaissent comme de possibles garants de
l'intérêt général et de la justice contractuelle.

b) Critique sociale
Cette critique a remis en cause le postulat de la doctrine de l'autonomie de la volonté selon lequel la liberté
conduit aux rapports les plus justes.
Elle a conduit à deux prises de conscience :

1- La liberté absolue engendre l'inégalité


Dans une liberté contractuelle sans entraves, les contractants les plus forts peuvent facilement imposer leurs
conditions aux plus faibles, sans que la négociation soit possible. Et c'est donc une source d'inégalité entre
les parties au contrat.

2- La liberté doit être conciliée avec l'exigence d'une égalité réelle.


Le législateur est donc intervenu afin de protéger les catégorie de contractants les plus faibles : locataires, sa-
lariés, consommateurs....
Toutes ces critiques ont conduit la plupart des auteurs a abandonné le fondement de l'autonomie de la volon-
té. Selon le Pr MALAURIE, « ce n'est plus une notion philosophiquement admise », et selon Boris
STARCK, elle est un « mythe dépassé ».
Observation terminologique :
Il faut soigneusement distinguer « autonomie de la volonté » et « volonté ».
Ce qui est remis en cause en doctrine, c'est l'autonomie de la volonté, c'est-à-dire l'idée que la volonté est au-
tonome et toute puissante.
La volonté quant à elle, la nécessité de la volonté des parties demeure requise pour former le contrat. Celui-ci
étant défini, on l'a vu, comme un « accord de volontés ». La volonté elle-même n'est donc pas remise en
cause, elle est même le critère du contrat, selon le Pr Ghestin.

B. Les autres fondements de la théorie générale du contrat


Il a fallu attendre le dernier tiers du XXè siècle pour que des auteurs proposent d'autres fondements. Les voi-
ci selon leur ordre chronologique d'apparition en doctrine.

I. Le positivisme contractuel
C'est un fondement légaliste, donc objectif.
Son promoteur est le professeur Georges ROUHETTE. Il l'a développé dans sa thèse, intitulée « Contribu-
tion à l'étude de la notion de contrat », qu'il a souteue en 1965.
Son objectif est de démystifier le rôle de volonté dans le contrat. Selon cet auteur, ce n'est plus la volonté qui
domine le droit du contrat ; c'est la loi. Et c'est donc la loi qui fonde la force obligatoire du contrat.
Dans cette approche du positivisme contractuel, le contrat est analysé comme une norme, plus précisément
comme un acte juridique normatif.

2. observations
– Avec la proposition de ce fondement du positivisme contractuel, on assiste à
un mouvement de balancier : du volontarisme (porté par le fondement classique de l'autonomie de la volon-
té), au légalisme.
– Ce fondement du positivisme contractuel est peu représenté en doctrine, ce qui est propre au Droit du
contrat. Car, de manière plus générale, ce fondement du positivisme est au contraire très représenté en doc-
trine, tout du moins en France.

II. L'utilité et la justice contractuelles (UJ)


Cette proposition de fondement vient du professeur Jacques GHESTIN. Il l'a présentée dans une chronique
intitulée « L'utile et le juste », publiée au Recueil Dalloz en 1982. Il s'agit pour cet auteur de principes fonda-
mentaux du droit du contrat.
Certes, ces notions d'utilité et de justice contractuelles ne sont pas nouvelles. Mais le mérite de cet auteur est
d'avoir proposé autre chose, à la place du fondement de l'autonomie de la volonté, critiqué de toutes
parts ;d'avoir revisité tout le droit du contrat, notamment son régime, avec la grille de lecture de ces deux
fondements (dans son traité publié à la LGDJ).

Ce double fondement, plutôt objectif, concerne la théorie générale du contrat dans son ensemble et la force
obligatoire du contrat en particulier.
Selon le professeur GHESTIN qui partage sur ce point l'avis du professeur ROUHETTE, ce n'est pas l'auto-
nomie de la volonté qui explique que le contrat soit obligatoire. Mais à la différence de Georges ROU-
HETTE, il estime que ce n'est pas seulement la loi non plus.
Selon Jacques GHESTIN, la loi ne donne au contrat sa force obligatoire que parce qu'il est utile et à la condi-
tion qu'il soit juste.
Il en découle pour lui 2 propositions :
– 1ère proposition : le contrat est obligatoire parce qu'il est utile. En cela, il doit
d'abord présenter une utilité particulière pour chacune des parties à l'acte,
ainsi qu'une utilité sociale.
– 2ème proposition: le contrat n'est obligatoire que s'il est juste. Il s'agit là d'une
justice commutative, qui commande que chacune des parties reçoivent l'équivalent de ce qu'elle fournit.
Observations :
– Objet du fondement : Quand on emploie le mot « fondement » en matière
contractuelle, ce peut être au sens large de « fondement du droit du contrat » ou au sens étroit de « fonde-
ment de la force obligatoire du contrat ». L'AV et l'UJ ambitionnent de fonder les deux.
– Nature du fondement : l'autonomie de la volonté est un fondement volontariste, faisant référence à la
volonté des parties au contrat, des sujets de droit, c'est donc un fondement de nature subjective. Les fonde-
ments de l'utile et du juste sont plutôt des fondements objectifs (avec des nuances cpdt).

III. Le solidarisme contractuel (SC)


Au tournant des années 2000 s'est déployé un courant soucieux d'éthique et de solidarité entre les contrac-
tants.
Ce courant a eu ses précurseurs, dans les personnes d'Emmanuel GOUNOT (thèse de 1912) et de René
DEMOGUE.
Dans la doctrine contemporaine, il a eu plusieurs ambassadeurs, préoccupés de solidarité dans les rapports
contractuels (Ch. Jamin, C. Thibierge, D. Mazeaud, S. Cordier...)
Un petit courant vigoureux et audacieux, soutenu par des évolutions jurisprudentielles, qui a suscité des ré-
sistances dans la doctrine classique.
Nous envisagerons successivement la base idéologique et la consistance technique du solidarisme contrac-
tuel.

a. La base idéologique du solidarisme contractuel


A l'époque contemporaine, elle a été exprimée principalement par le professeur Christophe JAMIN, dans
deux articles de 1998 et 2001. Selon cet auteur, « le solidarisme contractuel exprime une philosophie qui se
situe à mi-chemin entre une conception dirigiste et une vision purement libérale du contrat » (1998).
Il a ensuite développé sa pensée dans un « Plaidoyer pour le solidarisme
contractuel », article paru dans les mélanges dédiés au pr Ghestin, intitulés « Le contrat au début du XXIè siè-
cle ».
Dans cet article, le pr JAMIN montre que ce courant d'idée du solidarisme est né à la fin du XXè siècle, avec
la remise en cause de la conception individualiste du droit, par des théories plus sociales.
Il y montre aussi que ce courant se manifeste en droit positif, « dans certains développements actuels du droit
des contrats propres à favoriser la coopération entre les parties ».
Pas plus que les autres auteurs soutenant d'autres fondements, il ne donne de définition du solidarisme
contractuel.

b) La consistance technique du solidarisme contractuel : « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle


devise contractuelle ? »
Ce titre est celui d'un article du pr Denis MAZEAUD paru dans les Mélanges dédiés au pr François TERRE,
en 1999.
Cet auteur y propose de « repenser le contrat autrement », avec une lecture moins égoïste, moins individua-
liste (celle du chacun pour soi qui a prédominé jusque-là), au profit d'une vision plus altruiste, plus huma-
niste des rapports contractuels.
Il se rallie ainsi à la doctrine du solidarisme contractuel.
Contrairement aux articles du pr JAMIN qui relèvent de la théorie générale du droit du contrat, celui du pr
MAZEAUD sur le plan du droit positif, notamment sur des solutions jurisprudentielles retenues en droit du
contrat.
Il légitime le rôle du juge, son intervention dans le contrat.
Son article présente l'intérêt de donner une consistance concrète à l'éthique contractuelle, faite de transpa-
rence, de tolérance, de cohérence, de coopération et d'altruisme.

IV.Le volontarisme social


C'est le fondement le plus récemment proposé en matière contractuelle. Il l'a été par les prs Jean-Luc AU-
BERT et Eric SAVAUX, à partir de l'an 2000.
C'est un fondement qu'on peut qualifier de doublement mixte :
– à la fois subjectif et objectif, autrement dit volontariste et légaliste,
– et individuel et social
Il tente de combiner plusieurs des fondements précédents.
Sa tonalité première est cependant explicitement volontariste : c'est la volonté qui demeure le fondement de
la force obligatoire du contrat selon ces deux auteurs. Ce fondement se veut donc respectueux des volontés
individuelles.
Ce fondement se distingue cpdt de celui de l'autonmie de la volonté, car la volonté n'y est pas comprise
comme un pouvoir autonome, mais comme un pouvoir délégué par la loi et reglémenté par elle.
En résumé, la volonté a bien un pouvoir créateur, mais c'est un pouvoir encadré et délégué par la loi. La pri-
mauté de la loi, qui doit être respectée par les volontés individuelles, y est aussi clairement affirmée.
Et à la base de la loi, se trouvent les considérations d'utilité et de justice, mises en exergue deux décennies
auparavant par le pr GHESTIN.
Ce fondement du volontarisme social est ainsi un fondement synchrétique qui assemble des fondements
précédents et les mixe.

L'enjeu est le suivant : il concerne le contrôle que le juge est autorisé à exercer au nom de l'utilité et de la jus-
tice contractuelle. Dans la perspective du fondement du volontarisme social, ce contrôle ne peut intervenir
qu'à la marge (alors qu'il est essentiel dans la pensée du pr GHESTIN).
Plus largement, ce qui distingue tous ces fondement entre eux, c'est le rôle qu'ils concèdent au juge.
Pour synthétiser, on pourrait dire que
– plus le fondement est libéral (AV, VS), et plus le rôle du juge sur le contrat est
limité ;
– et plus le fondement est « social », solidaire, (UJ, SC), et plus le juge a un rôle
important, plus il peut exercer un contrôle sur le contrat.

Titre 2 – LA FORMATION DU CONTRAT


Selon la doctrine, le contrat se définit comme un « accord de volontés en vue de créer des effets de droit et
auquel le droit objectif fait produire des effets de droit ». Formulation doctrinale reprise et enrichie par le
nouvel article 1101 du Code civil issu de la réforme de 2016.
En tant qu’acte juridique, comme accord de volontés, il est soumis à des conditions de formation (chap.1) à
respecter sous peine de sanction (chap.2).

Chapitre 1 – Les conditions de formation du contrat


C’est l’article 1128nouv. du Code civil qui énonce les conditions requises pour former valablement un
contrat.
Cet article dispose
« Sont nécessaires à la validité d’un contrat :
1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain ».
Si ces conditions ou l’une d’elles ne sont pas remplies, le contrat ne sera pas valable, et pourra être annulé.À
ces conditions s’en ajoutent deux autres :
- La conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs (art.6 Code civil)
- Les conditions de forme, pour certains contrats.
Il est intéressant de comparer le texte nouveau de l’article 1128, à l’ancien article 1108 qui, quant à lui,
énumérait 4 conditions. Outre plusieurs modifications rédactionnelles (que vous découvrirez en juxtaposant
ces deux articles), cette comparaison révèle aussi une modification de fond : le nouvel article 1128 énumère
3 conditions (au lieu de 4 pour l’ancien 1108). Les deux premières sont maintenues, mais la troisième re-
groupe les conditions 3 et 4 de l’ancien article. Au lieu d’un objet certain et d’une cause licite, c’est désor-
mais « un contenu licite et certain » qui est exigé. Les conditions de l’objet et de la cause ont disparu en tant
que telles de la liste des conditions de validité du contrat.
Ces conditions peuvent se regrouper en deux catégories : certaines concernent les parties contractantes (sous-
chap.1), alors que les autres intéressent le contrat lui-même (sous-chap.2).

Sous-chap.1 – Les conditions relatives aux contractants


À leur sujet, deux questions se posent :
. les parties sont-elles aptes à conclure le contrat, à s’engager. C’est la question de la qualité pour contracter
(Section 2).
. les parties ont-elles voulu s’engager? C’est la question de la volonté de contracter (Section 1)
Pour bien suivre l’avancement des thèmes de séances de TD, nous privilégierons la section 1.

Section 1 – La volonté de contracter


Nous avons vu précédemment que le contrat se définit comme un accord de volontés (art. 1101 nouv.).Cet
accord de volontés (au pluriel) suppose donc une volonté de contracter de la part de chacune des parties.
Cette volonté s’exprime par leur consentement, par la rencontre de leurs volontés.
C’est d’ailleurs la condition que l’article 1108 a placée en premier de la liste des conditions de validité du
contrat.Autrement dit, l’accord des volontés suppose un échange des consentements de la part des parties.
Techniquement, et quand l’acte fait l’objet d’un écrit, ce consentement s’exprime par la signature des parties
(art. 1367nouv.).
Sur le fond,il se manifeste par l’émission d’une offre que rencontre une acceptat° (sous-section 1).
Il est nécessaire que la volonté de chacune des parties s’exprime. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut aussi
que cette volonté soit libre et saine, c’est-à-dire non viciée (sous-section 2).
Sous-section 1 – L’accord des volontés - ou l’échange des consentements -
Selon les circonstances de conclusion du contrat, l’accord des volontés peut être instantané (§.1) ou progres-
sif (§.2).

§. 1. L’accord immédiat des volontés


C’est le cas de figure le plus simple et le plus fréquent : faire ses courses, prendre les transports, faire le plein
d’essence, toutes ces actions quotidiennes sont sous- tendues par un contrat (de vente, de transport) dans le-
quel l’accord est immédiat.
Mais au-delà de l’apparence de simplicité, ces actes sont l’aboutissement d’un processus juridique. En effet,
l’accord des volontés n’est possible que lorsque l’une des parties a d’abord émis une offre de contracter, et
qu’ensuite l’autre l’a acceptée.
L’article 1113 nouv. du Code civil formule ainsi ce mécanisme de rencontre des volontés : « Le contrat est
formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de
s’engager ».
La conclusion d’un contrat suppose une offre (A) et une acceptation (B).

A. L’OFFRE
Deux questions de droit se posent au juriste concernant l’offre :
- qu’est-ce qu’une offre, à quelles conditions y a-t-il une offre ? C’est la question de la notion d’offre (I).
- quels effets produit-elle ? C’est la question de la valeur de l’offre (II).
I. La notion d’offre
L’article 1114nouv. dispose : « L’offre faite à personne déterminée ou indéterminée comprend les éléments
essentiels du contrat envisagés et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».
Nous envisagerons pour commencer les caractères exigés de l’offre (a), puis les formes qu’elle peut prendre
(b).

a) Les caractères de l’offre


Au sens courant du terme, l’offre est une proposition.
Au sens juridique, elle se définit plus précisément comme la proposition précise
et ferme de conclure un contrat. On l’appelle aussi du nom plus savant de « pollicitation », et l’offrant, le
pollicitant.

1°) L’offre est une proposition précise


Pour avoir la précision requise, l’offre doit indiquer tous les éléments essentiels du contrat (art. 1114 C.civ).
Par exemple, s’il s’agit d’un contrat de vente, elle doit préciser la chose à vendre et son prix. Il ne suffirait
pas d’indiquer qu’on vend «à des conditions avantageuses » pour qu’il y ait une offre. Cette formulation est
trop floue, manque de la précision requise.
Cette exigence de précision désormais inscrite dans le Code civil, présente deux intérêts :
- elle permet de considérer l’offre comme la manifestation du consentement de son auteur
- et elle permet que l’acceptation suffise pour parfaire le contrat. C’est pour cela que l’offre doit être à la fois
précise et complète.
A défaut de précision, il ne s’agirait pas d’une offre mais de diminutifs. Ainsi, ne constituent pas une offre :
- l’invitation à entrer en pourparlers (114 in fine)
- Ex : une annonce n’indiquant pas de prix, ou « prix à débattre ».
- l’appel d’offres, dans lequel l’auteur laisse aux intéressés le soin de préciser eux- mêmes les conditions.Ex :
une annonce de vendre tel objet au plus offrant.

2°) L’offre est une proposition ferme


Cela signifie que l’offre doit exprimer une volonté nette de conclure le contrat si elle est acceptée.
Par conséquent, si la proposition comporte des réserves, il ne s’agit pas d’une offre mais d’une invitation à
négocier, à engager des pourparlers.
- La réserve peut d’une part porter sur la personne du futur contractant, sur ses qualités.
Ainsi l’employeur qui passe une annonce pour recruter un salarié ses réserve-t-il implicitement la possibilité
de refuser de conclure? Son annonce ne constitue dons pas une « offre », au sens juridique du terme.
- La réserve peut aussi concerner les conditions du contrat.
Par ex. le fait de proposer la vente de marchandises à un certain prix en réservant la possibilité d’une
modification ultérieure du tarif.
Ou bien de proposer un contrat « sous réserve d’acceptation du dossier ».

b) Les formes de l’offre


Nous avons vu que le contrat se forme par l’accord des volontés.
Pour que les volontés des parties s’accordent, elles doivent s’extérioriser, il est nécessaire qu’elles se mani-
festent. Et ces manifestations peuvent prendre des formes variables (art. 1113 al.1nouv)

1°) L’offre peut être expresse ou tacite


Ce que prévoit désormais explicitement l’article 1113 al.2 nouv.
La frontière entre ces deux types d’offre varie selon la définition que l’on retient de l’offre expresse.
- L’offre est incontestablement expresse lorsqu’elle prend la forme d’une déclaration orale ou écrite. Ce sont
les ses formes normales (la parole, l’écriture). - La solution prête davantage à la discussion lorsque l’offre ré-
sulte d’une attitude ou d’une action purement matérielle.
Par ex. le fait pour un chauffeur de taxi d’être en attente avec son véhicule à la station de taxi.
Ou encore le fait d’exposer des marchandises en vitrine ou sur un étalage.
Pour certains auteurs, il s’agit d’une offre tacite.
D’autres y voient une offre expresse car accomplie spécialement en vue de porter la proposition à la connais-
sance d’autrui.
Un critère de qualification peut résider dans l’absence totale d’équivoque.
Ainsi, il y aurait bien offre expresse dans l’exemple du taxi en station.
En revanche, l’offre ne serait que tacite dans l’exemple du taxi qui roule à vide car, en ce cas, le doute est
permis.
L’article 1113al.2 retient ce critère de l’absence d’équivoque.
- Enfin, est certainement une offre tacite toute action ou attitude qui n’est pas spécialement destinées à faire
connaître une volonté de contracter, mais qui peut la laisser supposer.
Par ex. le locataire qui reste dans le lieu loué après l’expiration du bail offre, par là-même, de renouveler le
contrat.

2°) L’offre à personne déterminée et l’offre au public


Ce sont là deux modalités possibles de l’offre : elle peut être adressée à une personne déterminée ou, au
contraire, être faite au public, par exemple par voie d’annonce, d’affichette ou d’étalage avec prix marqué.
Principe. Le droit français analyse l’offre à personne indéterminée (ou au public) comme une véritable polli-
citation.
Aussi la Cour de cassation a-t-elle affirmé, dans un arrêt important Cass. Civ. 3è du 28 novembre 1968 que«
l’offre fait au public lie le pollicitant à l’égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l’offre
faite à personne déterminée ».
En principe donc, des ceux types d’offres produisent les mêmes effets (cf art. 1114nouv.)
Atténuation. Cependant, lorsqu’elle concerne un contrat qui doit être conclu intuitu personae (en considéra-
tion de la personne du cocontractant), l’offre au public se transforme en une simple invitation à entrer en né-
gociation.
Ainsi, ce qu’on appelle une «offre d’embauche» dans le langage courant comporte une réserve
d’agrément qui lui ôte le caractère de fermeté nécessaire à la qualification d’offre.

II. Les effets de l’offre


Le premier effet de l’offre qui vient à l’esprit est qu’elle rend possible la conclusion du contrat dès lors
qu’elle aura été acceptée. C’est la rencontre de l’offre avec l’acceptation qui forme le contrat.
Mais la question des effets de l’offre peut être comprise de manière plus spécifique à l’offre : s’interroger sur
les effets de l’offre revient alors à se demander quels effets elle produit en tant que telle, à elle seule.
C’est-à-dire quels sont les effets de l’offre avant son acceptation ? Quelle est saforce, sa valeur juridique
lorsqu’elle est connue de son/ses destinataires(s), mais pas encore acceptée ou refusée ?
L’offrant peut-il la retirer, la révoquer ? Et qu’adviendra-t-il de l’offre s’il décède entre-temps ? Sera-t-elle
caduque ?
La révocabilité de l’offre (a) et la caducité de l’offre (b), tels sont les deux effets à envisager ici.

a) La révocabilité de l’offre
L’interrogation est la suivante : l’offrant est-il obligé de maintenir son offre pendant un certain temps ? Et si
oui, pourquoi ?
Traduite juridiquement, c’est la question de l’obligation de maintien de l’offre.
Bien sûr, tant que l’annonce n’est pas publiée, la lettre pas envoyée, il est toujours possible à l’offrant poten-
tiel de changer d’avis. La question relève alors de son libre-arbitre, et non du droit.
C’est cette libre rétractation initiale qui est prévue par le nouvel article 1115 issu de la réforme :
« Elle (l’offre) peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ».
En revanche, une fois l’annonce publiée, la lettre ou le mail envoyé, l’offrant se trouve en situation d’attente.
Le problème de droit est alors le suivant : l’offrant peut-il mettre fin de lui-même à cette attente en changeant
d’avis et en retirant son offre ?
Nous envisagerons successivement les réponses de la doctrine, de la jurisprudence et celles de la loi.

1°) La doctrine
De deux choses l’une :
. soit l’on considère que l’offrant est maître de sa proposition et qu’il peut la révoquer comme bon lui
semble. C’est la solution de la libre révocabilité de l’offre, admise par la doctrine classique (XIXè et XXè
siècles), et cela même quand un délai a été laissé au destinataire pour accepter. C’est ici la liberté de l’offrant
qui prévaut.
. soit, au contraire, on estime que celui qui reçoit une offre doit disposer d’un délai normal pour l’examiner et
y réfléchir : faire les démarches nécessaires,
demander des devis, procéder à une étude de marché, etc. En ce cas, on fait prévaloir le respect du destina-
taire.
Nombreux sont les auteurs contemporains qui se rallient à cette seconde solution, en la nuançant, comme le
fait la jp.

2°) La jurisprudence
Les juges admettent généralement que l’offre doit être maintenue pendant un certain temps. Mais ils
nuancent cependant la solution selon qu’un délai a été ou non prévu dans l’offre.
Il y a donc deux cas qui sont distingués :
1er cas : L’offre est formulée avec un délai pour accepter.
En ce cas, la Cour de cassation affirme que l’offrant a l’obligation de maintenir son offre pendant le délai pré-
vu. Il doit aussi tenir parole. (article 1116 nouv. in limine).
2ème cas : l’offre ne précise aucun délai pour accepter.
On distingue alors deux hypothèses
- s’il s’agit d’une offre au public, la jp la déclare librement révocable.
- s’il s’agit d’une offre à personne déterminée, elle doit être maintenue pendant un « délai raisonnable ». Ce
délai est fixé par les juges, d’après les circonstances et les usages professionnels.
Ce délai raisonnable est celui qui est nécessaire à l’examen de la proposition, et à la réflexion sur son accep-
tation.
La révocation de l’offre, aussi hâtive soit-elle, n’est cpdt jamais sanctionnée par la conclusion forcée du
contrat, mais seulement par les dommages-intérêts.
Telles sont les solutions de la jp sur l’obligation de maintien de l’offre.

3°) La loi
- En droit commun
L’obligation de maintien de l’offre pendant un temps résulte de l’article 1116nouv. Et la révocation de l’offre
n’est donc pas possible pendant ce temps. « (L’offre) ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé
par son auteur ou à défaut, l’issue d’un délai raisonnable ».
Ce texte reprend les solutions jurisprudentielles.
- En droit de la consommation
L’obligation de maintien de l’offre y est également prévue.
Et la durée pendant laquelle l’offrant doit maintenir son offre varie selon la nature du contrat envisagé.
. Ce délai de maintien de l’offre est de 15 jours minium pour une offre de contrat de crédit à la consomma-
tion (art. L.312-18 al.2 C. conso)
. Ce délai est de 30 jours minimum pour une offre de contrat de crédit immobilier. (art. L.313-34 al.1 C.
conso)
Ces textes ont été modifiés par l’ordonnance du 4 oct.2017, entrée en vigueur le 1er avril 2018.
Obs. : le point de départ du délai varie lui aussi :
- pour le contrat de crédit à la consommation, il court à compter de la remise ou de l’envoi de l’offre.
- pour le contrat de crédit immobilier, il court à compter de sa réception par l’emprunteur.
Le législateur réglemente l’offre en détail en droit de la consommation. Par exemple, l’article L.313-25 pré-
cise en une énumération en 9 points (1°, 2°...9°), tout ce que l’offre de crédit immobilier doit contenir et
préciser.C’est là une manière de protéger le consommateur.Le second effet attaché à l’offre concerne sa
caducité.

b) La caducité de l’offre
L’offre est caduque lorsqu’elle est privée d’effet par une circonstance postérieure et indépendante de la vo-
lonté de l’offrant.
D’une offre « caduque », on dit qu’elle « tombe d’elle-même ».
La différence avec la révocation est une différence d’origine :
La révocation émane de la volonté de l’offrant.
Deux circonstances conduisent à s’interroger sur la caducité de l’offre : le temps et la mort.
Elles sont désormais envisagées par le Code civil depuis l’ordonnance de 2016.

1°) L’écoulement du temps


Deux circonstances avaient été distinguées par la jurisprudence qui sont reprises par le nouvel article 1117
du Code civil :
1117 al.1 : « L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai
raisonnable ».
Une fois ce délai écoulé, l’offre ne peut plus faire ‘objet d’une acceptation. 2°) Le décès de l’offrant (ou du
destinataire de l’offre)
Voici la question de droit qui est posée :
Une offre de contracter devient-elle caduque du seul fait du décès l’offrant ? Cette question a suscité la ré-
flexion doctrinale et des hésitations jurisprudentielles. Elle a été réglée par la réforme de 2016.
Doctrine. La conception que l’on retient de l’offre exerce une influence sur la réponse. Deux conceptions
sont possibles :
- une conception objective, selon laquelle l’offre une fois extériorisée, manifestée, se détache de son auteur.
Elle lui survit donc. D’où l’absence de caducité de cette offre à son décès.
- une conception subjective et volontariste, selon laquelle l’offre reste attachée à son auteur. D’où la caducité
de l’offre lors du décès de celui-ci.
Jurisprudence. Plusieurs solutions sont possibles pour répondre à ce problème de droit, et la Cour de cassa-
tion les explorées, en une succession de revirements de jurisprudence.
- La solution classique était la caducité de l’offre en cas de décès de l’offrant (ou de son destinataire si celui-
ci était déterminé).
Les critiques doctrinales à l’encontre de cette solution ont fini par susciter un premier revirement de jp :
Dans un arrêt du 9 novembre 1983, la 3è chambre civile de la Cour de cassation décide qu’une offre de
contracter n’est pas frappée de caducité du seul fait du décès de l’offrant.
Puis un nouveau revirement a rétabli la solution antérieure, en posant que l’offre devient caduque par le
décès de son auteur. (Cass. Civ. 3è, 10 mai 1989).
Mais, dans une décision ultérieure du 10 décembre, la même 3è chambre civile de la Cour de cassation af-
firme que le décès du promettant n’avait pu rendre son offre caduque. Elle semble ainsi revenir à la solution
antérieure.
Loi : La solution apportée par la réforme.
L’ordonnance du 10 février 2016 met fin aux hésitations de la doctrine et de la
jurisprudence. Le nouvel article 1117 (qui n’avait pas de pendant antérieurement dans le Code civil) prévoit
dans son alinéa 2 que l’offre est caduque en cas de décès de son auteur.
La solution est désormais unique, uniforme. Il n’y a donc pas lieu de distinguer selon les circonstances.
C’est la conception subjective de l’offre qui prévaut ici, et cela met un terme aux hésitations jurispruden-
tielles.
Obs : cet article 1117 al.2 a été enrichi par la loi de ratification n°2018-287 du 20 avril 2018 qui y a ajouté la
caducité aussi en cas de décès du destinataire de l’offre (offre à personne déterminée).

B. L’ACCEPTATION
Trois points retiendront notre attention: la notion d’acception (I), ses manifestations (II) et ses effets (III).

I. La notion d’acceptation
La notion peut être cernée à la fois positivement et directement, mais aussi par contraste avec des notions
voisines mais distinctes.
Juridiquement, « L’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être liée dans les termes de
l’offre ». C’est l’art. 1118 al. 1 qui la définit ainsi. Plus prosaïquement, l’acceptation est tout simplement le «
oui » donné à l’offre. Etant précisé qu’il doit s’agir d’un « oui franc et sans conditions ».
Autrement dit, le « oui mais... » ne constitue pas une acceptation. Ne sont donc pas des acceptations les trois
réponses suivantes : a) La contre-proposition
Le destinataire accepter l’offre mais en modifie un de ses éléments.
Par exemple, en situation de marchandage : d’accord, j’achète, mais
à moitié prix.
La contre-proposition s’analyse juridiquement en une nouvelle offre susceptible de former le contrat si le
partenaire l’accepte à son tour, telle qu’elle est.
Les offres successives en forme de contre-propositions correspondent au
marchandage, et plus largement s’inscrivent dans la phase de négociation contractuelle.
Art. 1118 al.3nouv : « L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre
nouvelle ».
2è réponse possible...

b) L’accord de principe
Le destinataire de l’offre accepte certains éléments essentiels du contrat mais des modalités restent en négo-
ciation.
Par exemple, il accepte d’acheter tel bien à tel prix, mais alors que le vendeur souhaite un paiement au comp-
tant, l’acheteur voudrait un paiement échelonné.
La jurisprudence estime qu’un tel accord ne suffit pas à former le contrat, du moins lorsque les modalités à
discuter ne sont pas. purement accessoires, secondaires.
Troisième réponse possible...

c) L’accord partiel
C’est un « oui, mais pas pour tout ».
L’offre concernait plusieurs éléments et seuls certains d’entre eux sont acceptés.
Par exemple, un particulier vend un ordinateur et une imprimante.
Tout dépend du caractère de l’offre.
- Si l’offre est indivisible dans l’esprit de l’offrant (il vend le tout, ou rien), alors l’accord partiel ne produira
aucun effet.
- En revanche, si l’offre est divisible, l’accord partiel forme le contrat pour la chose sur laquelle il porte.
On peut déduire de ces comparaisons avec des notions voisines, plusieurs caractères de l’acceptation :
Elle doit tout d’abord être pure et simple, concordante, c’est-à-dire se superposer parfaitement à l’offre.
Et pour cela, elle doit être complète, c’est-à-dire porter sur l’ensemble de l’offre.
L’article 1118 al.3 évoque indirectement, par a contrario que l’acceptation doit être conforme à l’offre :
«L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une nouvelle offre ».

II. Les manifestations de l’acceptation


En principe, la forme de l’acceptation est libre.
Une seule condition est nécessaire : elle doit exprimer la volonté d’accepter. (Art. 1118 al.1).
Une telle volonté ne fait pas de doute lorsqu’elle se manifeste par un comportement actif : tel est le cas de
l’acceptation expresse ou tacite.
La question est plus subtile au cas de comportement passif, c’est-à-dire de silence. Le code civil aborde cette
dernière question dans l’article 1120nouv.

a) L’acceptation expresse ou tacite


Les auteurs ne sont pas tous unanimes sur le critère de distinction entre ces deux types d’acceptation : cer-
tains distinguent selon les moyens utilisés (critère objectif), d’autres selon le but essentiel poursuivi, de faire
connaître sa volonté à l’offrant (critère subjectif).

1°) Est certainement une acceptation expresse,celle qui s’exprime par le langage.
- Celui-ci peut être écrit ; l’acceptation pourra prendre la forme d’une lettre, d’un mail, ou d’une simple si-
gnature.
Dans la pratique, la signature est souvent précédée d’une formule usuelle, telle que « lu et approuvé » ou «
Bon pour... ». Même si la Cour de cassation considère que cette inscription usuelle de « lu et approuvé » est
une formalité dépourvue de toute portée (Cass. Civ. 1ère 27 janvier 1993, et 30 octobre 2008).
Cette solution est parfaitement conforme au droit positif, car le Code civil n’impose nullement l’apposition
d’une telle formule. Cependant la pratique est contraire, avec une conviction des acteurs de la valeur de cette
mention.
- Le langage de l’acceptation peut aussi être oral.
Un contrat peut très bien être formé par un simple échange de paroles. En vertu du principe du consensua-
lisme.

2°) Est une acceptation expresse ou tacite,celle qui résulte d’un simple geste.
Pour certains auteurs, il s’agit d’une manifestation expresse, puisqu’elle utilise un langage, c’est-à-dire un
procédé destiné à faire communiquer avec autrui.
En ce sens, ils soulignent que le langage gestuel des sourds et muets a la même portée que la langue écrite ou
parlée.
Pour d’autres auteurs, le geste ne constitue qu’une manifestation tacite de volonté.
Cette discussion doctrinale est d’ordre académique, mais sans portée pratique, car expresse ou tacite, l’accep-
tation reste une acceptation.
Ex : le fait de lever la main dans une vente aux enchères.
3°) Est une acceptation tacite
celle qui résulte d’un simple comportement, d’une attitude,
Comme le fait de monter dans un autobus Ou d’ouvrir la portière d’un taxi.
Ou pour un assureur, d’encaisser la prime.

b) Le silence vaut-il acceptation ?


Le silence quant à lui est un comportement purement passif. Il ne se matérialise par aucune attitude. Il n’a
pas d’extériorité.
Il y a donc silence lorsque le destinataire de l’offre n’a rien répondu, rien écrit, rien dit, rien fait.
Quelle est la valeur juridique du silence ? Tel est la question de droit.
Jusqu’à la réforme du Code civil, cette question était réglée par la jurisprudence.
Elle l’est désormais par la loi…

1°) En principe, le silence ne vaut pas acceptation


Principe. Le proverbe ne s’applique donc pas au droit. En principe en droit en effet, « qui ne dit mot, ne
consent pas ».
Ce principe est affirmé par l’article 1120 : « Le silence ne vaut pas acceptation ».
Ce principe est ancien. Il a été posé par la Cour de cassation dans un arrêt du 25 mai 1870, et a fait ensuite
l’objet d’une jp constante depuis (C. cass. 8 février et 16 avril 2015).
Justification. Voici la justification de ce principe : le silence est doté d’une signification équivoque. Il est
donc difficile d’en déduire une certitude.
Or le consentement est une condition de validité du contrat. Il doit donc être
établi de manière certaine, indiscutable.

2°) Exceptionnellement, le silence peut valoir acceptation


Mais il ne s’agit pas de n’importe quel silence.
Pour qu’il vaille acceptation, le silence doit être circonstancié, entouré de circonstances qui rendent l’accep-
tation certaine. Le silence est alors dépourvu d’équivoque, et la justification du principe tombe alors.
Quatre circonstances ont été admises à titre d’exception.
L’article 1120nouv. énonce le principe et 4 possibilités d’exception.
« Le silence ne vaut pas acceptation (principe), à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des
relations d’affaires ou de circonstances particulières ».
- La première exception est d’origine légale.
C’est le cas où une disposition de la loi accorde au silence lavaleur d’une acceptation.
Ex: Dans le contrat d’assurance, lorsqu’un assuré a fait une
proposition de renouvellement ou de modification du contrat, par lettre recommandée, le silence gardé par
l’assureur pendant 10 jours vaut acceptation de cette proposition. (art. L.112-2 a.5 Code des assurances).
- La deuxième exception concerne l’existence d’un usage, plus précisément un usage professionnel selon le-
quel le silence vaut acceptation.
Si un tel usage existe, le silence se trouve alors dépourvu d’ambiguïté.
Le destinataire de l’offre doit alors exprimer son refus s’il ne souhaite pas conclure le contrat.
EX : en matière commerciale, la jp tend à admettre qu’il est d’usage que le silence gardé à la réception d’une
lettre de confirmation vaut acceptation.
- La troisième exception porte sur les relations d’affaires, plus exactemen l’existence de relations d’affaires
antérieures entre les parties, c’est-à-dire la conclusion répétée de contrats de même nature.
Ex: le silence du fournisseur habituel d’un commerçant vaut acceptation de la commande de ce dernier.
-La quatrième exception évoquée par l’art.1120nouv évoque des « circonstances particulières»
C’est une formulation large et accueillante. C’est au juge qu’il revient d’apprécier ces circonstances particu-
lières qui enlèvent au silence son caractère équivoque. La jp antérieure est très clairsemée et discutée en doc-
trine.
III. Les effets de l’acceptation
Là aussi, il y a un principe assorti d’atténuations.

a) Le principe : l’acceptation entraîne la conclusion du contrat


L’acceptation entraîne la formation duc ontrat, et c’est là son effet essentiel. Grâce à elle, la volonté de l’of-
frant et de l’acceptant se rejoignent. Art. 1113nouv.
L’accord des volontés se trouve ainsi scellé.
A la condition toutefois que l’acceptation ait bien eu lieu dans le délai indiqué ou dans un délai raisonnable.
Cet effet principal a pour corollaire un effet second : l’acceptation rend aussi l’offre irrévocable. L’offrant ne
peut plus en principe la révoquer.

b) Les atténuations : acceptations retardées ou rétractées


La loi tempère le principe selon lequel l’acceptation entraîne la conclusion du contrat, et cela dans. le but de
porétéger certains acceptants contre des acceptations irréfléchies.
- D’une part, en retardant le moment de l’acceptation (donc AVANT qu’elle ne soit donnée). De nombreuses
lois imposent en effet un délai de réflexion au destinataire de l’offre. Et durant ce délai, l’acceptation ne peut
pas avoir lieu.
L’article 1122nouv. in limine intègre ce délai dans le droit commun du contrat, et en donne la définition.

- D’autre part, en permettant de revenir sur l’acceptation (donc APRES qu’elle ait été donnée.
D’autres lois donnent à l’acceptant un délai de rétractation, pendant lequel ce dernier dispose de la faculté de
se rétracter, donc de changer d’avis et ainsi revenir sur son consentement.
L’article 1122 in fine intègre ce délai dans le droit commun et en donne la définition.
Obs : ces règles existaient déjà en droit de la consommation. Il s’agissait alors de règles spéciales, propres à
cette matière et aux contrats de consommation. Avec la réforme du Code civil, ces règles sont maintenant in-
corporées au Code civil, elles sont donc désormais générales et de droit commun, donc potentiellement appli-
cable à tout contrat.

- C’est d’abord en droit de la consommation que ces modifications ont été apportées par des lois protectrices
des consommateurs édictées à partir des années 1970, et qui ont ensuite, en 1993, été rassemblées dans le
Code de la consommation.
Il s’agit de modifications concernant l’offre, et dans une plus large mesure l’acceptation.
Dans le Code de la consommation elles visent des contrats particuliers, comme les contrats de crédit par
exemple.
- La réforme du droit du contrat dans le Code civil, entrée en vigueur au 1er octobre 2016, a généralisé ces
possibilités de modifications en les intégrant au droit commun du contrat.
Elle manifeste ainsi l’influence du droit de la consommation sur le droit civil. Le droit de la consommation a,
en quelque sorte, fourni un laboratoire d’expérience.
L’article 1122nouv. concerne ces délais qui modifient le processus de la rencontre des volontés. Non pas en
imposant le respect de ces délais comme le fait le droit de la consommation, mais en permettant au législa-
teur et aux parties au contrat de prévoir de tels délais.

1°) Les modifications concernant l’offre


L’obligation de maintien de l’offre existait déjà en jurisprudence, qu’il s’agisse du maintien dans le délai fixé
dans l’offre, ou dans un « délai raisonnable », apprécié par le juge, selon les circonstances de la cause.
- En droit de la consommation
Depuis de nombreuses années, la loi a modifié ces obligations dans le but de protéger le consommateur.
Ainsi, quand l’offre émane d’un professionnel envers un consommateur, elle est soumise à des règles plus
exigeantes. Elle doit obligatoirement préciser les caractéristiques essentielles du bien ou du service offert, et
doit comporter des mentions obligatoires, imposées légalement, par la réglementation de l’étiquetage et de
l’affichage.
Par ex., pour le contrat de crédit à la consommation, l’article L.312-18 al.2 du Code de la consommation pré-
voit une obligation de maintenir son offre, pour le prêteur, pendant une durée minimale de 15 jours.
- En droit commun du contrat
La solution dégagée par la jp a été conservée par la réforme du Code civil, à l’article 1116 al.1 nouv. :
« (L’offre) ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai
raisonnable ».
C’est la consécration légale des solutions jurisprudentielles concernant l’obligation de maintien de l’offre.

2°) Les modifications concernant l’acceptation


Elles sont plus nombreuses que pour l’offre et prennent la forme de délais de réflexion et de rétractation.Le
nouvel article 1122 du Code civil dispose que « la loi ou le contrat peuvent prévoir » ce type de délais.Et il
en donne les définitions.
- Le délai de réflexion
Il est désormais défini, dans l’article 1122 comme « le délai avant l’expiration duquel le destinataire de
l’offre ne peut manifester son acceptation ».
Il produit un double effet paradoxal : celui de limiter le pouvoir de la volonté (de l’acceptation), impuissante
à former immédiatement le contrat, et celui de renforcer la qualité de la volonté, donc de l’acceptation, en
obligeant le destinataire de l’offre à la réflexion.
- Le délai de rétractation
Il est lui aussi défini désormais par le Code civil, à l’article 1122nouv in fine comme « le délai avant l’expi-
ration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement ». C’est une possibilité pour l’acceptant de
changer d’avis.
Il existe dans de nombreux contrats :
- le contrat d’assurance-vie
- les contrats de crédit, à la consommation et immobiliers
- les contrats conclus à distance suite à un démarchage téléphonique.

§. 2. La rencontre progressive des volontés


En principe, le contrat est conclu au moment où l’offre et l’acceptation concordent (art. 1113nouv. C.civ).
Mais la question se pose de manière particulière pour les contrats conclus à distance, lorsque les deux parties
ne sont pas en présence l’une de l’autre.
Il peut alors s’écouler un temps entre le moment où l‘une des parties a émis son acceptation, et celui où
l’autre partie l’a reçue, en a pris connaissance.
Sur la base de ce constat factuel, deux théories ont été proposées par la doctrine pour déterminer le moment
précis de formation du contrat.
- La théorie de l’émission, selon laquelle le contrat est formé dès l’émission de l’acceptation par le destina-
taire de l’offre,
- Et la théorie de la réception, selon laquelle le contrat ne se forme que quand l’offrant a reçu l’acceptation,
qu’il en a pris connaissance.
La jurisprudence avait tranché dans le sens de la théorie de l’émission.
Mais la réforme du Droit du contrat a fait le choix du moment de la réception.

I. La solution jurisprudentielle, en faveur de l’émission


Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, la solution retenue par le droit positif était que le contrat était
formé au moment de l’émission de l’acceptation.
Cette solution a été affirmée une première fois par un ancien arrêt de la Cour de cassation (Cass. Req. 21
mars 1932, DP 1933.1.65) qui affirme que le contrat est parfait dès que l’acceptation a eu lieu.
La doctrine a minimisé la portée de cette solution, mais la Cour de cassation l’a réitérée (Cass. Com ; 7 jan-
vier 1981). La solution est clairement énoncée : faute de stipulation contraire, le contrat est formé par l’émis-
sion de l’acceptation (par le destinataire), et non par sa réception (par l’offrant).
Cependant, un arrêt postérieur a adopté le système de la réception (Cass. Civ. 3è 16 juin 2011).
Obs. La règle posée par la jp était une règle supplétive. Par conséquent, les parties étaient libres de prévoir
une autre solution.
La doctrine civiliste (J. GJESITN, G. CORNU) se montrait critique par rapport à cette jp, estimant qu’au
contraire, la formation du contrat devrait être retardée le plus possible, afin de laisser plus longtemps une
possibilité de révocation de l’offre à l’offrant.

II. La solution légale, en faveur de la réception


Cette préférence doctrinale s’est manifestée dans l’Avant-projet CATALA (art. 1107) et dans le Projet TER-
RÉ (art. 21), qui, tous deux, avaient retenu la solution de la réception.
L’ordonnance du 10 février 2016 va dans ce même sens.
Art. 1121nouv. : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant ».
Cette solution est-elle supplétive ?
L’article 1121 ne le précise pas.
Mais ce qui est certain, c’est que la solution jurisprudentielle se trouve démentie par la réforme sur cette
question précise.

III. La solution pour les contrats conclus sous forme électronique


Ces contrats sont régis par des dispositions qui leur sont propres. Leur formation est soumise à des règles
particulières que le Code civil contient désormais à l’article 1127-2nouv. qui correspond à l’ancien article
1369-5 (modifié dans sa rédaction, mais non sur le fond). Ce texte fixe les conditions de l’acceptation par
voie électronique.
Art. 1127-2 al.1 « Le contrat n’est valablement conclu que si le destinataire de l’offre a eu la possibilité de
vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d’éventuelles erreurs avant de confirmer
celle-ci pour exprimer son acceptation définitivement ».
C’est le système dit du « double-clic » qui se trouve consacré ici.
-Un premier clic pour acter le contenu de la commande (ap avoir vérifié le contenu du « panier »)
- et un second clic pour confirmer, après vérification éventuelle.
C’est ce second clic qui vaut acceptation au sens juridique du terme pour entraîner la formation du contrat.
A première vue, c’est le mécanisme de l’émission qui est retenu ici.
Mais la loi ajoute dans l’alinéa 2 du même texte que « l’auteur de l’offre doit accuser réception... par voie é-
lectronique de la commande qui a été ainsi adressée ».
Ce qui ressemble plus à la théorie de la réception.
Cela a fait dire à certains auteurs que les rôles d’offrant et d’acceptant se trouvaient ainsi inversés.
Par exemple, lorsque l’acheteur passe une commande sur le site d’un commerçant en ligne, ce dernier doit
accepter sa commande (son offre) en renvoyant une confirmation à l’internaute-client.
C’est donc le client qui devient l’offrant, et le professionnel l’acceptant, ce qui inverse les rôles définis par le
droit de la consommation.
En revanche, les règles concernant l’offre et l’acceptation sont celles du droit commun que nous avons
étudiées précédemment : précision, complétude et absence de réserves.

§. 3. La capacité de contracter
- Si une personne souhaite contracter pour son propre compte, elle doit en avoir la CAPACITÉ,
- Si elle entend contracter pour le compte d’une autre personne, elle doit en avoir le POUVOIR.
Ce thème de la capacité est développé de manière générale en Droit des personnes.
Le principe est posé par l’article 1145nouv. du Code civil :
« Toute personne physique peut contracter, sauf en cas d’incapacité prévue par la loi ».
La capacité de contracter, de conclure des contrats, est donc la règle. Elle est en principe reconnue à tous.
Et corrélativement, les incapacités de conclure un contrat sont exceptionnelles. Elles dérogent à la règle de
principe.

a) Étendue de l’incapacité
L’incapacité est dite générale lorsqu’elle s’applique à tous les actes juridiques
Elle est spéciale lorsqu’elle ne concerne que certains actes.

b) Nature de l’incapacité
On distingue
- l’incapacité de jouissance :
Elle prive du droit de conclure tel contrat. Elle est toujours spéciale, et est fondée . soit sur l’idée de sanction
Ex : les condamnés à une peine de prison perpétuelle sont frappés d’une incapacité de disposer et de recevoir
à titre gratuit (comme faire et recevoir des donations)
. soit sur l’idée de défiance vis-à-vis de l’incapable et de protection des autres Ex : le tuteur ne peut acquérir
le bien de son pupille.
- l’incapacité d’exercice :
L’individu qui en est frappé est bien titulaire du droit de contracter, mais il ne peut l’exercer lui-même, ou du
moins pas librement (pas seul).
Elle est fondée sur l’idée de protection de l’incapable, estimé inapte à défendre ses intérêts.
Ex : le mineur non émancipé est un incapable qui doit être représenté par son représentant légal (générale-
ment les père et mère), à l’exception des actes de la vie courante qu’il peut accomplir seul, en fonction de
son âge.
c) La sanction du défaut de capacité
La règle est posée par l’article 1147nouv. : « L’incapacité de contracter est une cause de nullité relative ».
Cette sanction concerne les actes conclus par des personnes considérées comme incapables de contracter, par
la loi, à savoir :
- les mineurs non émancipés
- les majeurs protégés (en tutelle ou en curatelle (art. 1146)
Atténuations posées par l’article 1148 : « Toute personne incapable de contracter peut néanmoins accomplir
seule les actes courants autorisées par la loi ou par l’usage (...) ».

Sous-section 2. Les vices du consentement


Le nouvel article 1129 du Code civil énonce désormais que « (...) il faut être sain d’esprit pour consentir va-
lablement à un contrat ».
Pour permettre la conclusion d’un contrat valable, le consentement de chacune des parties doit revêtir deux
qualités :
- Il doit être éclairé, c’est-à-dire être donné en connaissance de cause, dans la lucidité, avec une appréciation
exacte de la réalité.
Tel n’est pas le cas dans deux hypothèses :
Si l’une des parties s’est trompée lors de la conclusion du contrat,
autrement dit, si elle a commis une erreur.
Si l’une des parties a été trompée, c’est-à-dire si elle a été victime d’un dol.
- En plus d’être éclairé, le consentement au contrat doit aussi être libre.
Tel n’est pas le cas, si ce consentement a été donné à la suite d’une pression,
c’est-à-dire s’il a été obtenu par la violence.
Ces 3 circonstances – l’erreur, le dol et la violence – sont des vices du consentement énumérés désormais par
l’art.1130CC, qui débute ainsi : « L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement... ».
A certaines conditions, chacun de ces vices peut être sanctionné par l’annulation du contrat et/ou par des
dommages-intérêts.
L’art. 1131 dispose : « Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat ».
Nous allons approfondir ces trois vices du consentement.
§. 1 – L’erreur
L’erreur est le fait de se tromper sur la portée de son engagement en matière d’acte juridique. C’est une
fausse appréciation de la réalité, une croyance fausse portant sur l’un des éléments du contrat.
Toutes les erreurs ne produisent cpdt pas le même effet. Alors que certaines permettent d’obtenir la nullité du
contrat conclu, autrement dit son anéantissement, d’autres ne sont pas causes de nullité.
L’idée ici est de ne pas remettre trop facilement en question la validité des contrats, car cela serait source
d’insécurité juridique.
Cela explique que le Code civil se soit montré restrictif en matière d’erreur. Mais la jurisprudence a progres-
sivement élargi les cas d’erreur sources de nullité.
Quant à l’ordonnance, elle entérine cette évolution et distingue entre les causes nullité source de nullité et les
autres.
Pour qu’un contrat soit annulé pour erreur, il faut donc
- une erreur ayant vicié le consentement de l’une des parties (A)
- et que cette erreur soit admise comme étant une cause de nullité du contrat (B).

A. La notion d’erreur
Usuellement, on dit que l’’erreur est une croyance fausse.
Mais, par-delà cette simplicité apparente, pour les juristes, il est nécessaire de vérifier que l’erreur existe bien
(I), qu’elle présente certains caractères (II). Puis nous nous poserons la question de l’auteur de l’erreur (III).

I. L’existence de l’erreur
Qu’est-ce que l’erreur? C’est une fausse croyance, une conviction erronée. L’approfondissement de cette
question va d’abord retenir notre attention.
Puis nous nous interrogerons sur le moment où on doit l’apprécier (b).

a) L’erreur, une conviction erronée


L’existence d’une erreur, d’une conviction fausse s’apprécie par la confrontation de cette conviction avec la
réalité.
1°) La réalité
Deux cas de figure sont possibles :
- Soit la réalité est certaine
Quand la réalité est certaine, l’existence de l’erreur n’est pas douteuse non plus.
. L’acheteur croit acquérir des flambeaux (chandeliers) en argent massif, alors qu’ils ne sont qu’en bronze
argenté. C’est l’exemple donné par Pothier, grand inspirateur des codificateurs.
. L’acheteur croit acquérir une toile de maître alors qu’il s’agit en réalité d’une copie.
- Soit la réalité est douteuse
La question est alors plus complexe. Elle s’est posée dans la célèbre « affaire Poussin » du nom du peintre
Nicolas Poussin.
Les faits de cette affaire étaient les suivants :
Une famille était propriétaire d’un tableau que la tradition familiale – ancienne – attribuait à Nicolas Poussin.
Désireuse de le mettre en vente, elle le confie à un commissaire-priseur. Celui-ci détrompe les propriétaires
sur l’auteur de l’oeuvre, et l’attribue à l’ « Ecole des Carrache ». En conséquence de quoi, la toile est adjugée
pour une somme dérisoire à un célèbre marchand de tableaux. Mais la Réunion des Musées nationaux exerce
son droit de préemption. Autrement dit, elle se porte acquéreur à la place du marchand de tableaux. Et
quelques mois plus tard, le tableau se trouve exposé au Louvre et présenté comme une œuvre originale de
Poussin.
A la suite de quoi, les vendeurs ont exercé une action en nullité de la vente, action fondée sur l’erreur.
Les expertises n’ont cpdt pas permis d’établir avec certitude que le tableau était bien une œuvre de Nicolas
Poussin. Un doute subsistait sur son authenticité.
Il s’agissait donc bien d’une hypothèse où la réalité (ici l’authenticité du tableau) est douteuse.
Dans son arrêt du 2 février 1976, la Cour d’appel de Paris déboute la famille demanderesse de son action en
nullité, au motif que, s’il subsiste un doute sur l’authenticité de la toile, il ne peut y avoir d’erreur sur cette
authenticité. Autrement dit, il ne pourrait y avoir erreur là où il y a doute.
Mais dans ce raisonnement, la cour d’appel ne prend en compte que la réalité douteuse, elle ne tient pas
compte d’un second élément : la conviction de celui qui s’est trompé.

2°) La conviction
La Cour de cassation, dans son arrêt du 22 février 1978, casse l’arrêt de la Cour d’appel qui n’a pas recher-
ché si la conviction erronée des vendeurs sur l’authenticité n’avait pas vicié leur consentement.
En effet, quand la réalité consiste en un doute, en une incertitude, comme c’était le cas ici au vu des exper-
tises, il y a bel et bien erreur à avoir une certitude, une conviction qui ne correspond pas à cette réalité dou-
teuse.
En revanche, si le risque d’erreur est accepté par les parties, s’il est intégré à la conviction et est entré dans le
champ contractuel, alors il n’y a pas de place pour l’erreur.
C’est le cas dans la fameuse affaire du « Verrou de Fragonard » (Cass. 24 mars 1987). Lors de la vente de
cette toile, l’attribution à Fragonard était considérée comme incertaine par les deux parties au contrat, qui
toutes deux avaient donc accepté cet aléa, ce risque. Celui que cette œuvre s’avère, par la suite, être une co-
pie ou bien l’original.
Dans un pareil cas, bien que la réalité soit douteuse lors de la conclusion, l’erreur est cpdt exclue.
L’article 1133 al. 3nouv. intègre cette solution jurisprudentielle dans le Code civil.

b) Le moment d’appréciation de l’erreur


L’erreur étant, nous venons de le voir, une conviction fausse par rapport à la réalité, la question de son appré-
ciation se dédouble :

1. La conviction, la croyance, s’apprécie à la date de la conclusion du contrat. C’est à


ce moment-là qu’on doit se replacer pour connaître l’état d’esprit du contractant qui dit s’être trompé.
2. Pour l’appréciation de la réalité, il est encore nécessaire de sous-distinguer :

- Si la réalité est certaine à la date de la conclusion du contrat, l’appréciation doit être faite à cette date.
- Si la réalité est douteuse au jour du contrat, mais qu’elle devient certaine ensuite on l’appréciera toujours au
jour de la conclusion du contrat, mais cette fois-ci en tenant compte des éclaircissements postérieurs.

II. Les caractères de l’erreur


Il s’agit ici des caractères exigés pour que l’erreur entraîne la nullité. L’erreur doit être à la fois déterminante
et excusable.

a) Le caractère déterminant de l’erreur


Pour pouvoir entraîner l’annulation du contrat, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement de la
partie qui l’a commise. Autrement dit, celle-ci doit démontrer que sans cette erreur, elle n’aurait pas conclu
le contrat. Si elle avait su, elle n’aurait pas conclu.
Avant la réforme, l’exigence de ce caractère déterminant de l’erreur était déduit de l’ancien article 1109. Au-
jourd’hui, il est explicitement affirmé par l’article 1130 al.1 et 2.
Par ex., l’acquéreur d’un tableau a cru acheter une toile de maître et découvre qu’il s’agit d’un faux. Il de-
mande l’annulation du contrat.
En théorie, deux appréciations sont possibles :
- Soit on considère que l’authenticité est une qualité déterminante pour tout un chacun de manière générale,
et on admet l’annulation de l’acte. On a alors procédé à une appréciation in abstracto.
- Soit on exige que l’authenticité ait été déterminante spécifiquement pour le contractant qui l’invoque. Et il
s’agit d’une appréciation in concreto.
En jurisprudence, c’est l’appréciation in concreto qui prévaut. Avec cette précision cpdt que la preuve du ca-
ractère déterminant de l’erreur sera d’autant plus facile à apporter si la qualité recherchée est aussi détermi-
nante dans l’opinion commune.
Dans le Code civil, cette jp a été consacrée par la réforme du droit du contrat à l’article 1130 al.2 qui fait le
choix de l’appréciation in concreto en ces termes :
«Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquels le consen-
tement a été donné ».

b) Le caractère excusable de l’erreur


La Cour de cassation a explicitement consacré ce principe dans un arrêt (Soc. 3 juillet 1990) selon lequel «
l’erreur n’est une cause de nullité que dans la mesure où elle est excusable ».
Cette exigence du caractère excusable de l’erreur résulte désormais de l’article 1132 nouv. du Code civil in-
terprété a contrario.
A défaut, lorsque l’erreur commise est trop grossière – et cela même si elle est déterminante, le juge refuse
de prononcer l’annulation du contrat, car il estime que l’errans (le contractant qui s’est trompé) a commis
une erreur qui aurait pu être évitée.
Le refus d’annulation vient alors sanctionner l’errans pour s’être trompé alors qu’il aurait pu, de lui-même,
connaître la réalité, et donc ne pas conclure le contrat.
La jp apprécie cette erreur inexcusable in concreto.

III. L’objet de l’erreur


Cette question est traitée à l’article 1133 al.2.
La question de l’objet répond à la question « quoi ». Sur « quoi » l’erreur porte-t-elle ?

a) L’erreur sur la contreprestation


Le plus souvent, la victime de l’erreur demande l’annulation pour s’être trompée sur la contreprestation at-
tendue de l’autre partie.
Par ex., le tableau acheté est un faux, ou le terrain acquis est inconstructible, ce que l’acheteur ignorait au
moment de l’achat.
Mais, plus rarement, c’est l’inverse.

b) L’erreur sur sa propre prestation


Il peut arriver que l’une des parties au contrat invoque l’erreur qu’elle a commise sur sa propre prestation.
Par ex, une personne a vendu des objets sélectionnés par un brocanteur dans son propre grenier, sans en
connaître la valeur artistique.
Dans l’affaire Poussin, cette question de savoir si l’on peut invoquer l’erreur sur sa propre prestation pour
demander l’annulation du contrat conclu a été vivement débattue.
Dans cette affaire en effet, ce sont les vendeurs du tableau
qui s’étaient trompés sur ce qu’ils vendaient, donc sur leur propre prestation.
Implicitement, la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère 22 février 1978) admet que les vendeurs puissent de-
mander l’annulation pour erreur sur leur propre prestation.
Et désormais le Code civil entérine cette solution jurisprudentielle (art. 1133 al.2).

B. Les variétés d’erreur


Elles se répartissent classiquement en deux catégories, selon leur effet en termes de validité du contrat : les
erreurs qui permettent d’obtenir l’annulation du contrat, et celles qui sont indifférentes.

I. Les erreurs causes de nullité


Les plus graves sont celles qui empêchent le consentement, car elles font obstacle à la formation du contrat.
Le Code civil n’en parle pas, mais la doctrine, quant à elle et cela depuis longtemps, les a baptisées les « er-
reurs-obstacle ». D’autres ne sont que de gravité moyenne, et ne font que vicier le consentement, ce qui est
tout de même suffisant pour permettre l’annulation du contrat conclu sous leur emprise.

a) L’erreur-obstacle
Il s’agit d’une erreur si grave qu’elle rend inconcevable la formation du contrat. A leur propos, Planiol
disait : « ce n’est pas un contrat, c’est un malentendu ».
Elle est très rare dans la pratique.
Un exemple jurisprudentiel tiré de l’arrêt de la Cour de cassation, Civ. 3è 18 mars 1980, où l’erreur de la
venderesse consistait à avoir cru qu’elle échangeait un immeuble contre un autre, alors que deux ventes
concomitantes étaient conclues. Il s’agissait là d’une erreur sur la nature du contrat conclu (un contrat de
vente et non un contrat d’échange).

b) L’erreur-vice du consentement
Elles sont, quant à elles, envisagées par le Code civil, sous deux modalités : - l’erreur sur la chose (objet du
contrat) – 1133 C.civ.
- l’erreur sur la personne (partie au contrat) – 1134 C.civ.

1°) L’erreur sur la chose


(erreur sur la substance, sur les qualité essentielles de la chose)
Nous l’envisagerons dans le code civil originaire, puis dans l’ordonnance qui l’a récemment réformé.
- Le Code civil de 1804, dans son article 1110 al.1er, prévoyait que « L’erreur n’est une cause de nullité de la
convention que qd elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ».
La jp a développé une compréhension large de la « substance » de la chose, comme désignant
- non seulement la matière même dont la chose est faite (sens littéral et objectif de l’expression)
- mais aussi et plus largement la « qualité substantielle » de la chose (sens élargi et subjectif), qui inclut la
matière mais va bien au-delà.
Sont donc des erreurs sur la substance l’erreur
- sur la matière de la chose
- sur l’origine de la chose (perles de culture et non perles fines naturelles)
- sur l’authenticité de la chose (copie et non original)
- sur la rentabilité de la chose
- sur les qualités juridiques de la choses (constructibilité ou non)
- L’ordonnance, quant à elle, a substitué à l’expression « substance de la chose » (art. 1110 al.1 anc.), la
formule « qualités essentielles de la prestation » (art. 1132nouv)
Pour permettre d’obtenir l’annulation, ces qualités doivent avoir été déterminantes du consentement, et la jp
les apprécie in concreto (1130 al.2).

2°) L’erreur sur la personne


Dans les contrats usuels, l’erreur n’est pas une cause de nullité du contrat.
Elle ne l’est que dans les contrats conclus intuitu personae., c’est-à-dire en considération de la personne (art.
1134C. civ.).
Par ex. une donation peut être annulée pour erreur sur la personne.
Les qualités essentielles sur lesquelles l’erreur peut porter sont variées. Il peut s’agir
- de la compétence professionnelle de la personne
- de son indépendance d’esprit (pour le choix d’un arbitre par ex.)
- de ses qualités morales (honnêteté, intégrité... pour le choix d’un expert par exemple.

II. Les erreurs indifférentes


Deux types d’erreur n’entrainent pas la nullité, et ont fait toutes les deux leur entrée dans le Code civil.
Il s’agit de l’erreur sur la valeur et de l’erreur sur les motifs

a) L’erreur sur la seule valeur


La jp refuse d’annuler un contrat quand une partie se plaint d’avoir commis une telle erreur.
Pour une raison de stabilité des contrats, donc de sécurité juridique.
L’art.1136 en donne une définition et indique la règle.
Obs. Une erreur sur l’authenticité de la chose peut tout à fait entraîner une erreur sur sa valeur. La croyant
authentique, l’acheteur a accepté de payer un prix élevé. En ce cas, la nullité peut être demandée et obtenue
pour erreur sur les qualités essentielles (et non pour l’erreur sur la valeur qui est seulement consécutive à
l’erreur sur la chose elle-même).

b) L’erreur sur un simple motif


Principe - Il s’agit plus précisément de l’erreur sur les motifs déterminants, c’est-
à-dire sur les motifs personnels autres que les qualités essentielles de la chose.
C’est le nouvel article 1135 qui en donne la définition et indique la règle à son propos. Ce n’est pas une
cause de nullité en principe.
C’est la reprise d’une solution jurisprudentielle antérieure.
Par ex. un fonctionnaire achète un appartement dans une ville où il doit être muté, et sa mutation n’intervient
pas.
Cette considération est déterminante pour lui, mais est extérieure au contrat, étrangère à la chose elle-même
faisant l’objet du contrat.
Il ne peut obtenir l’annulation... sauf...
Limite – L’erreur sur les motifs devient une cause de nullité si le motif a été incorporé dans le champ
contractuel par une stipulation expresse.

Conclusion du §.1 - En matière d’erreur, le juge est comme un équilibriste entre deux types d’intérêts antago-
nistes :
- s’assurer de la qualité du consentement donné et donc protéger l’errans si nécessaire. Cela va dans le sens
de l’annulation du contrat
- préserver les intérêts de l’autre partie et assurer la sécurité du contrat, ce qui s’oppose à l’annulation.
Ce second intérêt explique l’indifférence de certaines erreurs, sur la valeur ou sur les motifs personnels.

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