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TSANGA Blanchard

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Drapeaux et armoiries des pays issus de la décolonisation

de l’Afrique équatoriale française et de l’Afrique


occidentale française. Un marqueur d’indépendance ?
Jean-Christophe Blanchard

To cite this version:


Jean-Christophe Blanchard. Drapeaux et armoiries des pays issus de la décolonisation de l’Afrique
équatoriale française et de l’Afrique occidentale française. Un marqueur d’indépendance ?. 2019.
�hal-02778524�

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https://hal.univ-lorraine.fr/hal-02778524
Preprint submitted on 4 Jun 2020

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DRAPEAUX ET ARMOIRIES DES PAYS ISSUS DE LA
DECOLONISATION DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE FRANÇAISE ET DE
L’AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE.
UN MARQUEUR D’INDEPENDANCE ?
Jean-Christophe Blanchard

Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire (CRULH-EA3945) – Université de Lorraine

Dès les premiers temps de l’indépendance les anciennes colonies françaises de de l’Afrique
équatoriale française (AEF) et de l’Afrique occidentale française (AOF) intègrent l’ONU et rejoignent
le concert des nations1. Cette participation nécessite l’adoption d’emblèmes représentant
symboliquement le pays et lui conférant une identité propre qui peut être sonore (hymne nationale,
devise) ou visuelle (armoiries, drapeaux, sceaux). Parmi ces emblèmes, les armoiries et les drapeaux
sont en couleurs et rentrent donc pleinement dans le champ des analyses propres à la recherche
développée dans le cadre de TSANGA2.
Nés dans l’Europe médiévale et moderne, les armoiries, puis les drapeaux, représentaient les
puissances colonisatrices et ont ainsi été diffusés dans leurs empires coloniaux3. Les armoiries des
rois du Portugal étaient notamment représentées sur les padrãoes laissés par les explorateurs
lusitaniens4. Le Manikongo Afonso I (1506-1543) fut lui-même doté d’armoiries après sa conversion
au catholicisme5. En ce qui concerne la présence vexillaire sur le continent africain, on peut signaler
la représentation de la visite du prince de Joinville sur l’île de Gorée en 1842 peinte par Edouard-
Auguste Nousveaux où l’on voit nettement flotter le drapeau bleu, blanc, rouge 6. Ce drapeau de la
métropole représenta les colonies de l’AEF et de l’AOF jusqu’à la fin des années 1950 et l’adoption
de symboles inédits au début des années 1960.
Comment les drapeaux et les armoiries de ces nouvelles nations ont-ils été choisis ? Comment ont-
ils évolué, ou évoluent-ils encore ? Sont-ils, malgré leurs origines européennes, un réel marqueur
d’indépendance ? Ont-ils été adoptés par l’ensemble des populations ou restent-ils l’expression
d’élites occidentalisées ou plutôt désormais, d’élites mondialisées ? C’est dans la perspective des
travaux de Michel Pastoureau et de Pascal Ory sur la place des drapeaux (et des armoiries) dans les
politiques symboliques, en tant qu’historien donc, que je tenterai de répondre à ces questions. Une
approche ethnologique et sociopolitique affinerait les données de notre enquête largement menée
grâce aux ressources en ligne qui agissent sans doute comme un prisme déformant que seules des
études sur le terrain pourraient corriger. Malgré cette réserve, les anciennes colonies de l’AEF et de
l’AOF paraissent un terrain particulièrement intéressant pour observer les enjeux de ces politiques
symboliques dans un temps relativement court, des années 1960 à nos jours, mais aux évolutions
rapides à l’échelle mondiale du fait notamment de l’accélération de la circulation des images, des
informations et des idées via le Web7.

1. LES NOUVEAUX EMBLEMES : DRAPEAUX ET ARMOIRIES

Les emblèmes étudiés sont ceux des anciennes colonies de l’AEF (Tchad, Oubangui-Chari (actuel
Centrafrique), Cameroun, Congo, Gabon) et de l’AOF (Niger, Soudan français/République soudanaise

1
Guinée [12/12/1958, rés. 1325 (XIII)] ; Cameroun, Dahomey (actuel Bénin), Niger, Haute-Volta (actuel Burkina-Faso), Côte
d’Ivoire, Tchad, Congo, Gabon, Centrafrique [20/09/1960, rés. 1476, 1481, 1482, 1483, 1484, 1485, 1486, 1487, 1488 (XV)] ;
Sénégal, Mali [28/09/1960, rés. 1490, 1491] ; Mauritanie [27/10/1961, rés. 1631 (XVI)]. Sur l’importance des drapeaux des
Nations Unies : Endrst, E. B. (1992).
2
Transmission des savoirs, Appropriation Numérique des Générations Africaines (Couleurs dans les pays du Sud) :
https://couleur-tsanga.event.univ-lorraine.fr/ (consulté le 17/01/2020).
3
Il convient de définir rapidement les termes suivants, l’héraldique est la science qui a pour objet les armoiries. Ces dernières
sont « des emblèmes en couleur propres à un individu, à une famille ou à une collectivité et soumis dans leur composition et leur
représentation à des règles particulières qui sont celles du blason » (Rémy Mathieu, cité par Pastoureau, M. (2008), p. 13). La
vexillologie étudie les drapeaux qui sont des « pièce[s] d'étoffe portant les couleurs, les emblèmes d'une nation, d'un
gouvernement, d'un groupe ou d'un chef et qui est attachée à une hampe de manière qu'elle puisse se déployer et flotter pour
servir de signe de ralliement, de symbole » (https://www.cnrtl.fr/definition/drapeau [consulté le 17/01/2020]).
4
Dos Santos Alves, J. (1994), p. 23-34 ; Mudimbe-Boyi, E., (2006), p. 18, n. 1.
5
Cailleaud, L. (2019), p. 4; António Godinho, Livro da nobreza e da perfeição das armas… (Lisbonne, Institut des Archives
nationales-Torre do Tombo, Casa Real, Cartório da Nobreza, liv. 20, fol. 7r).
6
Versailles, Musée du château de Versailles et de Trianon, MV 6976 ; INV 6992 ; LP 6716 :
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/joconde/000PE012228 (consulté le 17/01/2020).
7
En 2017, l’Afrique enregistrait la plus forte progression en terme d’accès à Internet (+ 20%), soit 435 millions d’utilisateurs sur
1,272 milliard de personnes : Sy, K. (2018). Le numérique africain a besoin d’un écosystème globalisé. Le Monde, 7 décembre
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/07/le-numerique-africain-a-besoin-d-un-ecosysteme-
globalise_5394011_3212.html (consulté le 17/01/2020).

1
(actuel Mali), Mauritanie, Sénégal, Guinée, Haute-Volta (actuel Burkina-Faso), Côte d’Ivoire et
Dahomey (actuel Bénin). Ils ont souvent été adoptés dans les premiers temps de l’accession à
l’indépendance et sont pour la plupart inscrits dans les textes fondateurs des nouveaux États
(Constitution, décrets, lois) mais leur histoire n’est pas uniforme8.

1.1. Histoire et évolution

Ainsi, parmi les anciennes colonies de l’AEF, seul le drapeau du Tchad (« bleu, or, rouge à bandes
verticales et à dimensions égales ») défini par les lois no 8 et 13 du 6 novembre 1959, n’a subi
aucune modification et demeure aujourd’hui inchangé (Titre I, art. 8 de la Constitution du 4 mai
2018)9. L’article 10 du titre I de la Constitution de 2018 déclare que « les sceaux et les armoiries de
la République sont déterminés par la loi. » Elles ont été adoptées en 1970 et créées par l’héraldiste
Hervé Pinoteau10. Il s’agit d’un fascé ondé vivré d’or et d’azur de huit pièces, timbré d’un soleil
naissant de quatorze rayons de gueules et tenu par une chèvre et un lion d’or, chargé d’un chevron
pal de gueules sur l’épaule.
Le drapeau de la Centrafrique (« quatre bandes horizontales (bleu, blanc, vert, jaune) barrées
perpendiculairement, en leur milieu, par une bande d'égale largeur de couleur rouge, frappé dans
l'angle supérieur interne par une étoile à cinq branches de couleur jaune ») adopté par la Constitution
de la République centrafricaine du 16 février 1959 (Titre I, art. 1), est lui-aussi resté identique malgré
la parenthèse ouverte par Jean-Bedel Bokassa de 1976 à 1979. On le retrouve identique dans la
Constitution du 18 juillet 2013 (Titre II, art. 19). Le même article affirme que « les sceaux de l’État
et les armoiries de la République sont définis par la loi. » Les armoiries sont un écartelé, au 1 : de
sinople à la tête d’éléphant d’argent ; au 2 : d’argent au baobab de sinople ; au 3 : d’or à trois étoiles
à quatre branches de sable percée d’argent ; au 4 : d’azur à la main de sable pointant le coin
supérieur à dextre ; sur le tout : de gueules au besant d’argent à la silhouette d’Afrique de sable
surchargée d’une étoile d’or, mais la loi les fixant n’a pu être retrouvée. La présence au quatrième
quartier de la main noire du MESAN (Mouvement pour l’évolution sociale de l’Afrique noire), devenu
parti unique par la loi 62.365 du 21 décembre 1962, suggère une création légèrement postérieure à
cette date.
Le drapeau du Cameroun a d’abord été « vert, rouge, jaune à trois bandes verticales d’égales
dimensions » (Titre I, art. 1 de la Constitution du 21 février 1960), puis, après la création de la
République fédérale du Cameroun, la bande verte a été chargée de deux étoiles d’or (Titre I, art. 1
de la Constitution du 1er septembre 1961) et enfin, depuis 1972, une seule étoile d’or orne le centre
de la bande rouge (Titre I, art. 1.5 de la Constitution du 2 juin 1972)11. Les armoiries, attestées dès
les années 1960, sont décrites à l’article 7 de la Constitution de 1972 :
« Les armoiries de la République du Cameroun sont constituées par un écu chapé surmonté côté chef par
l'inscription « République du Cameroun », et supporté par un double faisceau de licteurs entrecroisés avec
la devise : « Paix - Travail - Patrie », côté pointe.
L'écu est composé d'une étoile d'or sur fond de sinople et d'un triangle de gueules, chargé de la carte
géographique du Cameroun d'azur, et frappé du glaive de la balance de justice de sable. »

Le drapeau du Congo est fixé par la loi constitutionnelle du 18 août 1959 : « de format rectangulaire,
est composé de deux triangles rectangles de couleur verte et rouge, séparés par une bande jaune
en diagonale, le vert étant du côté de la hampe. » Eclipsé en 1969 par le drapeau rouge de la
République populaire du Congo (rouge, avec étoile, marteau et daba), le drapeau tricolore est
restauré avec les autres symboles de la République en 1991 (Acte n° 002-91-PCN-RG)12. Les
armoiries, créées par l’héraldiste suisse Louis Mühlemann en 1963 et adoptées par le décret n° 63-
262 du 12 août 1963 sont : d'or à la fasce ondée de sinople, au lion de gueules, armé et lampassé
de sinople, brochant, tenant un flambeau de sable allumé de gueules. L’écu, timbré d’une « couronne
forestière spéciale », est supporté par deux éléphants de sable, défendus d'or, mouvant des flancs
de l'écu et soutenu par un tronc d'arbres de gueules.

8
Sur les aspects juridiques de l’adoption des emblèmes nationaux et plus particulièrement des drapeaux : voir les travaux d’Élodie
Derdaele et sa communication dans ce présent ouvrage.
9
On peut consulter certaines constitutions dans la digithèque de matériaux juridiques et politiques : https://mjp.univ-
perp.fr/constit/constitintro.htm (consulté le 17/10/2020). La Constitution tchadienne de 2008 est consultable en ligne :
https://www.presidence.td/fr-page-86-La_Constitution.html (consulté le 17/01/2020).
10
Je n’ai pas retrouvé la loi promulguant leur adoption mais l’année est attestée dans : Éducation civique et électorale. Vote.
Manuel de formation des formateurs, EISA Institut Electoral pour une Démocratie Durable en Afrique, 2011, p. 29 :
https://www.eisa.org.za/pdf/eh2011cha4.pdf (consulté le 17/01/2020). La création des armoiries est bien attribuée à Hervé
Pinoteau sur la page Web qui lui est consacrée par l’Académie des Sciences morales, des Lettres et des Arts de Versailles et d’Île-
de-France : http://www.academiedeversailles.com/_218877 (consulté le 17/01/2020).
11
Mbarga, G. (2014).
12
http://www.congopage.com/forums/viewtopic.php?f=39&t=14632 (consulté le 17/01/2020).

2
Le drapeau gabonais (« vert, jaune, bleu à trois bande horizontales, d'égale dimension ») est adopté
par la loi constitutionnelle du 14 novembre 196013 et est toujours le même aujourd’hui. Mais il fut
dans un premier temps conçu différemment, le président Léon Mba aurait en effet souhaité y voir
figurer le drapeau tricolore français ; ce qui fut refusé par Jacques Foccart, alors représentant de la
France14. Les armoiries du Gabon (D'or, à la nef de sable équipée du même, au pavillon du Gabon,
tiercé en fasce de sinople, d'or et d'azur, navigant sur une mer d'azur ; au chef de sinople, chargé
de trois besants d'or, l’écu est posé devant un okoumé et tenu par deux panthères de sable) ne sont
pas inscrites dans la Constitution, on sait cependant qu’elles furent créées par Louis Mühlemann et
adoptées le 15 juillet 196315.
En ce qui concerne les pays issus de la décolonisation de l’AOF, trois pays ont des
drapeaux « stables » depuis les origines, il s’agit de la Guinée, du Niger et de la Côte d’Ivoire. Le
drapeau de la Guinée (« rouge, jaune et vert, disposés verticalement et d'égales dimensions ») est
inscrit dans la Constitution du 10 novembre 1958 (Titre I, art. 1) et reste le même dans celle du 7
mai 2010. La Guinée a utilisé successivement trois armoiries différentes. Les premières (parti de
gueules et de sinople, à l’éléphant d’or, timbré d’une colombe d’argent portant en son bec un rameau
d’olivier de sinople) furent portées de 1958 au coup d’État de Lansana Conté en 1984. Dans les
deuxièmes, le rameau d’olivier, devenu d’or, prend la place de l’éléphant et est chargé d’une épée
et d’un fusil en sautoir. Enfin, le 23 décembre 1993, les troisièmes armoiries sont adoptées, le parti
de gueules et de sinople est remplacé par un champ d’argent et l’épée et le fusil disparaissent 16.
Au Niger, le « drapeau tricolore composé de trois bandes horizontales, rectangulaires et égales dont
les couleurs sont disposées de haut en bas dans l'ordre suivant : orange, blanc et vert. La bande
blanche médiane porte en son milieu un disque de couleur orange », décrit dans l’actuelle constitution
de la VIIe République du 25 novembre 2010 (Titre I, art. 1), a, selon le site officiel de la Présidence,
été adopté le 23 novembre 1959 ; les armoiries (de sinople au soleil d’or, accompagné en chef à
dextre par deux épées passées en sautoir et une lance, à senestre par trois épis de millet, et en
pointe par une tête de buffle du même) l’ont été le 1er décembre 196317.
La Cote d’Ivoire a, quant à elle, opté pour un « drapeau tricolore orange, blanc, vert en bandes
verticales », dans sa Constitution du 3 novembre 1960 (Titre I, art. 1) ; il est inchangé dans celle du
23 juillet 2000 (Titre II, art. 29). Les premières armoiries de la Côte d’Ivoire sont adoptées par le
décret n° 60-78 du 8 février 1960 (d'azur à une tête d'éléphant coupée d'argent) et modifiées par
celui n° 64-237 du 26 juin 1964 (de sinople à une tête d’éléphant d’argent, timbré d’un soleil naissant
d’or et soutenu par deux palmiers du même).
Le Sénégal, après le référendum du 28 septembre 1958, choisit dans un premier temps un drapeau
vert avec, en son centre, une étoile à cinq branches jaune. Le 3 avril 1959, le Sénégal et le Soudan
français deviennent la Fédération du Mali, cette dernière se dote alors d’un drapeau tricolore à trois
bandes verticales et égales verte, jaune et rouge, avec un kanaga (masque cérémoniel dogon) en
son centre. Le Sénégal quitte la Fédération en août 1960 et une nouvelle Constitution est promulguée
le 26 août 1960, au titre I, article 1, le drapeau est ainsi défini : « composé de trois bandes verticales
et égales, de couleur verte, or et rouge. Il porte en vert, au centre de la bande or, une étoile à 5
branches ». Il représente toujours le Sénégal aujourd’hui 18. Les armoiries (parti, au 1 : de gueule
au lion d’or ; au 2 : d’or à un baobab au naturel accompagné en pointe d’une face ondée de sinople,
timbré d’une étoile de sinople et soutenu par deux palmes d’argent) créées par l’héraldiste française
Suzanne Gauthier, ne sont pas inscrites dans la Constitution mais ont été adoptées par le décret n°
65-906 du 23 décembre 196519.
L’éphémère République soudanaise (septembre 1958-avril 1959) conserve le drapeau du Soudan
français (tricolore bleu, blanc, rouge, avec un kanaga en son centre) puis intègre la Fédération du
Mali, avec le Sénégal, avant de devenir la République du Mali et d’adopter le drapeau à trois bandes

13
http://www.assemblee-nationale.ga/30-historique/32-l-histoire-de-l-assemblee-nationale-du-gabon/
(consulté le 17/07/2020).
14
Goma, Y.-L. (2010). Léon Mba, le président qui ne voulait pas l’indépendance du Gabon : http://www.rfi.fr/afrique/20100816-
leon-mba-le-president-voulait-pas-independance-gabon (consulté le 17/01/2020).
15
https://presidence.ga/symboles-nationaux/ (consulté le 17/01/2020).
16
Les armoiries de la Guinée sont « codifiées par voie réglementaire » (Constitution du 7 mai 2010, Titre I, art. 1). En l’absence
desdits règlements, les informations les plus complètes proviennent de la page Wikipédia qui leur est consacrée qui ne fournit
malheureusement pas ses sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Armoiries_de_la_Guinée (consulté le 17/07/2020) à l’exception
du site Flags of the World : https://fotw.info/flags/gn.html (consulté le 17/01/2020).
17
https://www.presidence.ne/les-symboles (consulté le 17/01/2020).
18
Article d’Oumar Diagne, secrétaire général du Rassemblement pour la Vérité, Le Sénégal, une équation inavouée ! Le Quotidien,
22 août 2017 : https://www.lequotidien.sn/le-senegal-une-equation-inavouee/ (consulté le 17/07/2020) ; Fall, I. M. (2007) ;
voir aussi l’article Notre drapeau national, sur le site de l’École du Patrimoine Africain : http://www.epa-
prema.net/mfas/drapeau.htm (consulté le 17/01/2020). L’article très critique d’Oumar Diagne affirme que le premier drapeau
(1958) « avait copié celui de l’Union progressiste sénégalaise (actuel parti socialiste) avec la seule différence de la couleur de
l’étoile qui était rouge pour le parti. »
19
http://mobile.sudonline.sn/la-symbolique-de-la-republique_m_13202.htm (consulté le 17/01/2020).

3
verticales et égales de couleurs vert, or et rouge, le 20 janvier 1961 (loi n° 61-26)20. Les armoiries
apparaissent dans la documentation officielle en 1973 (Ordonnance n° 56 CMLN du 20 octobre) où
elles sont ainsi décrites :
« Les armoiries de la République du Mali sont de forme circulaire. Elles portent sur un fond bleu-ciel :
a) Au centre : la Mosquée de Djenné en gris-argile ;
b) Au-dessus de la Mosquée : le Vautour légendaire en vol plané en gris-foncé ;
c) Au-dessous : le soleil levant, en jaune d’or ;
d) Devant le Soleil : deux arcs opposés tendus par leurs flèches en noir ;
e) Sur le pourtour : en haut "République du Mali", en bas "Un Peuple, Un But, une Foi" en lettres d’imprimerie
noires. »

Cet emblème n’a d’armoiries que le nom tant par sa forme que par sa description qui n’emprunte
rien à la langue du Blason21.
Le drapeau actuel du Bénin « tricolore vert, jaune et rouge. En partant de la hampe, une bande verte
sur toute la hauteur et sur les deux cinquièmes de sa longueur, deux bandes horizontales égales : la
supérieure jaune, l'inférieure rouge » (Constitution du 11 décembre 1990, titre I, art. 1) a été adopté
le 16 novembre 1959 par la République du Dahomey (1959-1975). Cette dernière devenue
République populaire du Bénin en 1975 se dota d’un drapeau vert à une étoile rouge qui fut
abandonné au profit du précédent en 199022. Les armoiries du Bénin sont également inscrites dans
la Constitution de 1990 (Titre I, art. 1) :
« Les armes du Bénin sont :
- Écartelé au premier quartier d'un château Somba d'or ;
- Au deuxième d'argent à l'Étoile du Bénin au naturel c'est-à-dire une croix à huit pointes d'azur anglées
de rayons d'argent et de sable en abîme;
- Au troisième d'argent palmier de sinople chargé d'un fruit de gueule ;
- Au quatrième d'argent au navire de sable voguant sur une mer d'azur avec en brochant sur la ligne de
l'écartelé un losange de gueule ;
- Supports : deux panthères d'or tachetées ;
- Timbre : deux cornes d'abondance de sable d'où sortent des épis de maïs ;
- Devises : Fraternité-Justice-Travail en caractère de sable sur une banderole. »

Comme le drapeau, elles furent éclipsées de 1975 à 1990 au profit d’un emblème en adéquation
avec l’idéologie du nouveau régime (dans une couronne d’épis de maïs, posés sur un fond vert, un
engrenage gris en bas et une étoile rouge en haut)23.
Le Burkina-Faso issu de la révolution socialiste et populaire dirigée par Thomas Sankara, porte
aujourd’hui encore un « drapeau tricolore de forme rectangulaire et horizontale, rouge et vert avec,
en son centre, une étoile jaune-or à cinq branches » (Constitution du 11 juin 1991, titre II, art. 34)
qui remplaça celui de l’ancienne Haute-Volta (1960-1984) (« tricolore : noir, blanc et rouge à bandes
horizontales d'égales dimensions », Constitution du 13 décembre 1977, titre I, art. 2). Les armoiries
actuelles (loi N°20/97/11/AN du 1er Août 1997) sont :
« Un (1) écu portant au chef, sur une banderole d’argent le nom du Pays: “BURKINA FASO ” ;
au cœur un écusson à deux (2) bandes en fasce frappé de l’emblème national et brochant sur deux (2)
lances croisées ;
deux (2) étalons d’argent redressés supportant de part et d’autre l’écusson ;
en pointe, un livre ouvert ;
en-dessous, deux (2) tiges de mil à trois paires de feuilles vertes en demi-lune à partir du bas et à
équidistance de la verticale passant par les pointes de l’écusson et de la branche supérieure de l’étoile de
l’emblème croisées et reliées à leur base par une flamme portant la devise du pays “Unité – Progrès –
Justice”. »

Elles sont calquées sur le drapeau de 1984 et reprennent une partie des anciennes armoiries de la
Haute-Volta (l’écu portant les couleurs du drapeau chargées des lettres RHV, est posé sur deux
lances en sautoir et tenu par deux chevaux cabrés d’argent ; à sa pointe, un épi de mil est accosté
de deux dabas24) et de l’emblème utilisé de 1984 à 1991 (dans un engrenage rouge entouré de deux

20
Sissoko, Y. (2017). Rétrospective. 20 janvier 1961 : une date, une histoire, Mali7 (23/01/2017):
https://mali7.net/2017/01/23/retrospective-20-janvier-1961-une-date-une-histoire/ (consulté le 17/01/2020). Voir aussi la
Constitution du 25 février 1992 (Titre II, art. 25).
21
Les éléments de cet emblème sont attestés sous une autre forme sur des timbres postaux de 1961 et le site Wikipédia qui leur
est consacré propose une chronologie qui ne me semble pas conforme aux textes officiels maliens
https://fr.wikipedia.org/wiki/Emblème_du_Mali (consulté le 17/01/2020).
22
https://www.presidence.bj/home/le-benin/les-symboles/le-drapeau/ (consulté le 17/01/2020).
23
Les armoiries attribuées à l’ancienne République du Dahomey (1958-1964) composent dans la Constitution de 1990 l’avers du
sceau de l’État (« une pirogue chargée de six étoiles à cinq rais voguant sur des ondes, accompagnée au chef d'un arc avec une
flèche en palme soutenu de deux récades en sautoir »).
24
La daba est un instrument aratoire traditionnel ressemblant par sa forme à l’herminette.

4
épis de mil, posés sur un fond jaune, une étoile rouge, un fusil et une daba en sautoir, au-dessus
d’un livre ouvert blanc)25.
Enfin, preuve de l’inachèvement des choix emblématiques de ces nations relativement récentes, le
drapeau mauritanien a été modifié par le référendum du 15 août 2017. Le drapeau « portant un
croissant et une étoile d'or sur fond vert », adopté dès les premiers temps de l’indépendance
(Constitution du 22 mars 1959, titre I, art. 5), porte désormais deux bandes horizontales rouges, en
haut et en bas. La République islamique de Mauritanie utilise un « sceau » rond au fond vert chargé
d’un croissant et d’une étoile d’or chargé d’un palmier et d’un épi de mil blancs, depuis le référendum
de 2017, les légendes inscrites sur le pourtour (République islamique de Mauritanie et ‫اإلسالمية الجمهورية‬
‫ )الموريتانية‬le sont sur un fond rouge qui évoque les deux bandes rouges ajoutées au drapeau26.

1.2. Quels modèles, quelles influences ?

Dans l’ensemble, les drapeaux et les armoiries concernées constituent une panoplie emblématique
assez homogène, notamment grâce à l’utilisation des mêmes couleurs, voire d’une même structure
et des mêmes couleurs (Burkina-Faso, Mauritanie). Ceci justifie pleinement l’étude de ces deux
emblèmes en résonnance mais il faut malgré tout distinguer les logiques de construction et les
modèles ou influences des uns et des autres.

1.2.1. Le cas des drapeaux

Avant l’indépendance, l’ensemble des colonies françaises partage le drapeau tricolore bleu, blanc,
rouge, puis les nations naissantes se dotent d’un drapeau différent qui doit les individualiser et qui
devrait, si possible, les distinguer de l’ancienne métropole et affirmer leur nouveau statut. Mais qu’en
est-il vraiment ? Globalement, il convient de constater qu’en terme de couleurs, l’impression
d’ensemble est plutôt celle d’un affranchissement net par rapport au « modèle » français. Seul le
drapeau tchadien paraît être un calque, le blanc ayant été remplacé par du jaune. Mais selon Pascal
Ory, le drapeau tchadien a été choisi par le dernier gouverneur français Émile Biasini, ce qui explique
donc cette très grande proximité27. Certains se sont d’ailleurs récemment posés la question du
changement28. On notera qu’au Gabon, Jacques Foccart s’opposait à l’adjonction d’un drapeau
français sur le nouveau drapeau du pays. Mais il y a un écart symbolique et politique, entre opter
pour un drapeau quasi similaire et ajouter le drapeau de l’ancien colonisateur sur le sien. D’ailleurs,
si l’on ne tient plus compte des seules couleurs, force est de constater que les drapeaux de six pays
sur les treize étudiés ont une structure identique à celle du drapeau français : trois bandes verticales
d’égales dimensions. Parmi ceux-ci, on trouve celui du Cameroun, or il convient de dire que la
Constitution de 1960 a été rédigée par deux coopérants français, Jacques Rousseau et Paul Audat 29.
Ont-ils participé à la création du nouveau drapeau ? Faut-il voir dans l’adoption de cette structure à
trois bandes verticales une volonté pour la France de maintenir un lien symbolique ? Il est difficile
de l’affirmer mais c’est possible. Le refus d’une allusion trop directe (cf. le cas gabonais) et les
exemples camerounais et tchadien, malgré le manque de subtilité de ce dernier, plaideraient en ce
sens.
Pourtant, il faut sans doute davantage insister sur un autre phénomène : celui de l’adoption, dès
l’origine, des couleurs panafricaines (le vert, le jaune et le rouge du drapeau éthiopien) par six des
treize nations observées30. La Guinée en 1958, le Bénin/Dahomey et le Congo en 1959, le Sénégal
et le Mali, dès 1959, alors qu’ils sont unis dans la Fédération du Mali, et enfin le Cameroun en 1960.
Concernant ce dernier pays, si l’hypothèse émise plus haut d’une influence française dans le choix
du drapeau est vraie, il y a une forme de paradoxe qui voit fusionner la structure du drapeau tricolore
français et les couleurs panafricaines. Mais peut-être était-ce là une stratégie pour faire croire à une
prise de distance par rapport à la France. On peut encore ajouter à cette liste, le drapeau de la
République centrafricaine (1959) qui revendique les couleurs panafricaines et enfin celui du Burkina-
Faso de Thomas Sankara (1984)31. En revanche, les bandes rouges ajoutées récemment au drapeau

25
https://www.presidencedufaso.bf/les-armoiries/ (consulté le 17/01/2020). L’existence et l’utilisation des anciennes
« armoiries » est attestée notamment par les timbres postaux.
26
http://primature.gov.mr/index.php?lang=fr (consulté le 17/01/2020). La Constitution de 1959 prévoyait : « Une loi fixera le
choix du sceau de l'État et de l'Hymne national », je ne l’ai pas retrouvé.
27
Ory, P. (2006), p. 400 ; Cailleaud, L. (2019-1), p. 27.
28
Wargoudou, B. (2012). Le Tchad doit-il changer de drapeau et de devise ? Tchad Actuel (30/10/2012) :
http://www.tchadactuel.com/?p=7408 (consulté le 17/01/2020).
29
Deltombe, T., Domergue, M., Tatsitsa, J. (2019), p. 500-505.
30
Sur l’adoption des emblèmes éthiopiens : Sohier, E. (2007).
31
Pour les revendications panafricaines de la Centrafrique : https://www.ambarca-paris.org/fr/la-rca/14/ses-symboles (consulté
le 17/01/2020).

5
mauritanien ne sont, a priori, pas là pour apporter à l’ensemble un aspect panafricain ; elles
symbolisent avant tout la gloire des martyrs du pays 32.
A côté de ces influences « majeures », on peut faire une place à deux autres plus discrètes mais tout
de même présentes, la première, religieuse, est celle de l’Islam. Incontestable pour le drapeau
mauritanien de couleur verte et au croissant, elle n’est pas revendiquée par le Sénégal, le Mali ou
encore le Niger, pays dont la population est majoritairement musulmane et dont les drapeaux portent
pourtant une bande verte33. La volonté d’affirmation de l’appartenance à une religion n’a donc pas
été prééminente dans le choix des différentes nations issues de la décolonisation de l’AEF et de l’AOF.
La seconde influence, politique, a marqué les choix, souvent temporaires, des nations qui se
revendiquèrent de l’idéologie marxiste, se placèrent dans l’orbite soviétique et adoptèrent un ou
plusieurs éléments de l’emblématique communiste (étoile, marteau, associé à la daba, couleur
rouge)34. Cette emblématisation particulière a concerné le Bénin et le Congo, jusqu’en 1990-1991
mais touche encore le Burkina-Faso qui a conservé son drapeau tout en renonçant lui-aussi au
communisme après l’effondrement du bloc soviétique.
Si ces deux dernières influences sont assez discrètes, on note l’impact indéniable des trois couleurs
panafricaines sur les choix faits par les treize états envisagés. Force est aussi de constater que si la
structure du drapeau tricolore français a été adoptée pour six des treize drapeaux de ce corpus, elle
a été ignorée par sept autres. On peut donc globalement conclure que les drapeaux des anciennes
colonies françaises se distinguent nettement de celui de l’ancien pays colonisateur.

1.2.1. Le cas des armoiries

Fortement liées aux drapeaux, les armoiries choisies par les treize pays étudiés peuvent être
réparties en deux groupes distincts : celui des armoiries composées par un héraldiste occidental et
celui des armoiries aux origines floues, souvent éloignées des normes de l’héraldique « classique »,
parfois difficiles à blasonner, parfois n’ayant même rien à voir avec d’authentiques armoiries35.
Ces armoiries, même quand elles sont l’œuvre d’un héraldiste occidental, me paraissent pleinement
traduire les réalités du continent qui les accueillent. Il paraît certain que la volonté des trois
spécialistes français et suisses qui sont intervenus, a été de tenir compte des spécificités des pays
pour lesquels ils créaient les armoiries. Cette attention particulière est clairement attestée pour celles
du Sénégal et du Gabon. Les armoiries du Sénégal sont empreintes de la personnalité de Léopold
Sédar Senghor, par ailleurs auteur de l’hymne national, Le Lion rouge36. L’intérêt d’Omar Bongo pour
les armoiries est perceptible dans la préface qu’il rédigea à la brochure Héraldique gabonaise
(Monaco : Paul Bory, 1968).
Au-delà de ces deux exemples, l’Afrique est symboliquement très présente dans les emblèmes
adoptés après l’indépendance. Le bestiaire choisi est significatif puisqu’on retrouve les animaux
emblématiques du continent : lion, éléphant, panthère, buffle et chèvre sahélienne du Tchad. La flore
a aussi sa place dans les armoiries ; baobab, okoumé, palmier et mil occupent une place non
négligeable dans cet ensemble. Les traditions et particularités des peuples nationaux sont elles aussi
évoquées. Les chevaux et les lances des armoiries du Burkina-Faso rappellent les guerriers soninkés
et la légende de la princesse amazone Yennenga ; les takoubas et allarhs (épées et lances) de celles
du Niger font partie de l’arsenal Touareg. Enfin les châteaux Somba du Bénin figurent au premier
quartier des armoiries nationales. Il est un autre symbole qui sert de dénominateur commun à quatre
pays sur les treize concernés : le soleil (Niger, Centrafrique, Côte d’Ivoire et Tchad).
Comme les drapeaux, les armoiries traduisent une identité propre construite, certes, en opposition
par rapport aux emblèmes des anciens colonisateurs mais sans véritable rejet du système héraldique
largement adopté par l’ensemble des nations.

2. UTILISATION SYMBOLIQUE, RECEPTION ET APPROPRIATION

Mais ces nouveaux emblèmes ne peuvent être considérés comme de réels marqueurs d’indépendance
que s’ils sont adoptés, compris et utilisés par une majeure partie de la population, s’ils suscitent
l’intérêt tant des élites que du peuple et de la société dans son ensemble, si leur utilisation est
performante et nourrit le débat démocratique et la vie politique de ces « jeunes » nations. Les
nouveaux emblèmes ont fait et font encore l’objet d’un discours officiel produit par le pouvoir. Ils

32
http://afrique.le360.ma/mauritanie/politique/2016/11/04/7208-mauritanie-un-referendum-pour-supprimer-le-senat-changer-
de-drapeau-et-dhymne-7208 (consulté le 17/01/2020).
33
Pastoureau, M. (2013), p. 46-49.
34
Pastoureau, M. (2016), p. 167-175.
35
Groupe 1 : Congo, Gabon, Sénégal et Tchad ; groupe 2 : Côte d’Ivoire, Niger (assez « classiques »), Bénin, Burkina-Faso,
Cameroun, Centrafrique, Guinée (peu conformes aux règles du blason) et enfin, Mali et Mauritanie qui n’ont rien à voir avec de
réelles armoiries.
36
http://www.seneplus.com/article/%C2%ABmbiin-diogoye%C2%BB-la-ou-senghor-invente-le-drapeau-du-senegal-et-ses-
symboles (consulté le 17/01/2020).

6
peuvent aussi participer à certains rites instaurés par ce même pouvoir. Les polémiques nées de ces
discours et rituels officiels sont une première preuve de leur réception dans la société. Mais il existe
aussi des manifestations plus positives de l’attachement aux symboles comme certaines
manifestations « populaires » et plus particulièrement lors des évènements sportifs, notamment
footballistiques.
Inscrits dans la Constitution ou fixés par décret ou par loi, les emblèmes nationaux (drapeaux et
armoiries) participent pleinement à la vie de la nation. Ils sont utilisés pour signaler les bâtiments
publics ou les sites Internet officiels, authentifier les actes et documents produits par les institutions
de l’État ; ils peuvent aussi servir à produire un discours national (et patriotique) tout autant que
des rituels ayant pour vocation de fortifier la nation. Face à ces manifestations officielles, des
réactions d’opposition peuvent à leur tour utiliser la panoplie emblématique nationale pour proposer
un discours alternatif, voire contestataire. Ces dialogues conflictuels et polémiques marquent
l’attachement du politique à ces emblèmes nationaux qui semblent parfaitement connus et dont les
enjeux symboliques sont parfaitement intégrés.

2.1. Quelques exemples

Les projets pro-français de Léon Mba ayant été abandonnés à la demande de la France par
l’intermédiaire de Jacques Foccart, le Gabon se dote du drapeau à trois bandes horizontales vert,
jaune, bleu, le 9 août 1960, soit huit jours avant la proclamation de son indépendance le 17 août.
C’est à cette date qu’est célébrée la fête nationale mais depuis le 5 novembre 2009, à la demande
du président Ali Bongo, une décision du Conseil des Ministres a entériné la création de la Journée
Nationale du Drapeau, au cours de laquelle les hautes autorités civiles et militaires doivent faire
allégeance au drapeau, qui depuis a lieu chaque 9 août. On notera que cette décision est prise dans
un contexte particulier puisqu’Omar Bongo meurt le 7 juin 2009 et que son fils Ali est élu président
le 30 août suivant. Cette journée du drapeau est une réaction à la crise de citoyenneté qui sévit dans
le pays ; le nouveau président invitait alors les Gabonais à « cultiver sans relâche l’esprit patriotique
et s’approprier plus que par le passé la symbolique du drapeau et partant de l’hymne national. Le
respect que nous imprimerons dorénavant à l’égard des valeurs et des symboles de la république
contribuera au renforcement de notre appartenance à un même pays, à la nation gabonaise. » C’est
aussi l’occasion de développer un discours symbolique sur les couleurs ; le vert, c’est la forêt
équatoriale ; le jaune, c’est l’or des richesses du pays, mais aussi le soleil ; enfin, le bleu c’est l’azur
de l’Océan Atlantique37. Ces décisions prises par le sommet du pouvoir suscitent des réactions dans
la communauté nationale. En novembre 2013, après avoir constaté des « irrévérences civiques »,
Franck Makosso, « un jeune gabonais », a proposé au président Bongo un Code du drapeau de la
République gabonaise38. En août 2015 : Anne Marie Dworaczec-Bendome, journaliste et bloggeuse
vivant en France, rejoint les préoccupations de son jeune concitoyen, prônant un discours résolument
patriotique, elle affirme que : « Le drapeau vert, jaune et bleu appartient à tous les Gabonais !39 »
Le 9 août 2019, lors de 10e journée nationale du drapeau, en l’absence du président Bongo, le rituel
du baiser au drapeau n’a pas eu lieu. Mais le ministre de la Culture Franck Nguéma prononça un
discours qui résonnait comme un véritable appel à « l’éthique républicaine » et plus encore à l’unité
nationale dans un contexte politique troublé après le coup d’État manqué du 7 janvier 2019. Le
drapeau est alors appelé à la rescousse et ses bandes égales de couleurs vert, jaune et bleu,
rappellent alors les 9 provinces et leurs peuples : « Le Vert, symbole des peuples de la forêt (…). Le
jaune, celui des peuples de la savane (…). Le bleu quant à lui est le symbole des peuples de la mer
(…)40 » Le lien très fort qui unit les discours symboliques et politiques est ici manifeste ; il vise à
développer le patriotisme et à renforcer les liens entre la population, la Nation et son dirigeant.
Ce même élan patriotique semble être aussi souhaité au Congo. Mais il émane vraisemblablement
d’abord des citoyens. Après la 3e élection du président Denis Sassou-Nguesso et son investiture (20
mars et 16 avril 2016), Victor Kissambou-Makango, citoyen congolais, éducateur en droits humains,
publie, le 3 mai suivant, une lettre ouverte qui est une « invite citoyenne au strict respect des
symboles de la République ». L’auteur dénonce deux irrégularités visibles sur le drapeau utilisé lors
de l’investiture. Le vert était trop clair et les drapelets agités par les parlementaires dans la salle du
Palais des congrès étaient mal disposés. Ce sont des détails en apparence mais Victor Kissambou-
Makango a rappelé en avant-propos que :
« Les symboles nationaux sont des signes, des figures, des mots propres à un État et qui permettent de
l’identifier parmi d’autres États. Ils ont une valeur de toute première importance, car ils représentent et

37
http://www.gaboneco.com/cinquantenaire-les-symboles-de-la-republique-gabonaise.html (consulté le 17/01/2020). Il
convient de noter que le code pénal gabonais (Loi n° 21/63) réprime les outrages faits au drapeau depuis le 31 mai 1963.
38
http://news.alibreville.com/h/7308.html (consulté le 17/01/2020).
39
https://blogs.mediapart.fr/amdb/blog/090815/gabon-le-drapeau-vert-jaune-et-bleu-appartient-tous-les-gabonais (consulté le
17/01/2020).
40
http://news.alibreville.com/h/90585.html (consulté le 17/01/2020).

7
symbolisent l’identité d’un peuple, sa souveraineté mais aussi son désir de vivre ensemble. Comme
expression de l’identité d’un État, ils permettent la mobilisation mentale des citoyens.41 »

Je ne sais si l’invite citoyenne de Monsieur Kissambou-Makango a été entendue mais en octobre


2016, lorsque le grand chancelier des ordres nationaux remettait les symboles de la République, ici
les armoiries et non le drapeau, à la nouvelle ministre de la Jeunesse et de l’Education civique, cette
dernière avait alors suivi avec beaucoup d’attention la lecture et la signification de l’emblème et des
armoiries du Congo, incarnation du pouvoir qui lui était confié par sa hiérarchie. Notons cependant
au passage que le vert du drapeau visible dans le bureau de la ministre semble toujours trop clair42.
Au Congo aussi, il existe un dialogue noué entre les élites politiques au pouvoir entre elles ou avec
des citoyens attentifs à l’importance et à la place des symboles nationaux dans la chose publique.
On retrouve des témoignages identiques en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou encore au Tchad.
En Côte d’Ivoire, les emblèmes de la République sont bien sûr utilisés officiellement comme sur le
site officiel de la Présidence ou lors de la célébration de la fête de l’Indépendance (le 6 août) mais
l’importance du symbolique dans le discours politique peut être perçue de manière plus évidente
encore grâce à des témoignages qui pourraient pourtant paraître anecdotiques, voire insignifiants ou
dérisoires43. Par exemple, le tweet de Mamadou Koulibaly du 7 février 2019, dans lequel ce dernier,
président du LIDER (Liberté et Démocratie pour la République), opposé à l’actuel président Alassane
Ouattara et maire d’Azaguié en Côte d’Ivoire, s’interroge sur le changement de position de la trompe
de l’éléphant des armoiries de la Côte d’Ivoire. Comment est-on passé d’un éléphant portant
fièrement sa trompe vers le haut sous le régime parlementaire à une « bête triste, tête baissée et
qui garde sa trompe entre les pattes ? 44 » Le premier des 80 commentaires qui furent faits (de la
date de publication jusqu’au 15 février suivant) était une réponse de Bruno Nabagné Koné, Ministre
de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, qui utilisait alors la zoologie pour contrer
l’argument symbolique : l’éléphant baisse sa trompe pour pouvoir utiliser ses défenses. Ce tweet est
d’autant plus révélateur de l’intérêt porté par son auteur aux emblèmes et aux enjeux qu’ils peuvent
avoir dans le débat national la mairie de sa commune d’Azaguié est peinte aux couleurs du drapeau
ivoirien45.
Le rôle de Léopold Sédar Senghor dans le choix des emblèmes du Sénégal a déjà été évoqué mais il
convient de préciser que certains affirment que ce sont les souvenirs de son enfance passée à Mbiin
Diogoye dans le village de Joal-Fadiouth qui seraient les fondements de la création par le président-
poète tant du drapeau national que des armoiries du Sénégal 46. Ce drapeau semble adopté par la
population, comme en témoigne son utilisation tant officielle qu’informelle. Ainsi, lors de la fête de
l’indépendance du 4 avril 2019 les drapeaux pavoisaient solennellement les rues empruntées par le
défilé47. Le même drapeau flotte librement au mat des petites embarcations amarrées au bord du lac
Rose, dont la coque elle-même est parfois peinte en vert, jaune et rouge. Mais au Sénégal aussi, le
discours emblématique et symbolique peut-être éminemment politique et contestataire. C’est le cas
dans un texte rédigé le 22 août 2017 par Oumar Diagne et intitulé « Le Sénégal, une équation
inavouée ! ». L’auteur, secrétaire général du Rassemblement pour la Vérité, dénonce les relents
coloniaux des emblèmes du pays, « Un pays ayant une histoire truffée de mensonges, une nation
non encore construite, un état sans identité propre et une population dressée pour aimer ses
bourreaux (…)48 » Au Tchad, le drapeau très « français » ne fait pas systématiquement l’unanimité
mais participe pourtant à l’identité du pays, au côté des armoiries, visibles sur le site officiel de la
présidence au côté d’Idriss Deby Itno et le drapeau flotte sur le palais présidentiel49. Le drapeau peut
aussi être mis en scène lors des spectacles présentés dans le cadre du Festival national des arts et
de la culture Dary, par exemple par le ballet Bleu-or-Rouge en 201950. Il est aussi connu et reconnu
à l’international, il fut brandi à Yaoundé avec celui du Cameroun lors d’une grande marche patriotique
qui eut lieu après l’intervention de l’armée tchadienne contre Boko Haram au Cameroun en 201551.

2.2. Les changements du drapeau mauritanien (2017)

41
http://congo-liberty.com/?p=15551 (consulté le 17/01/2020).
42
http://www.adiac-congo.com/content/education-civique-destinee-hermela-doukaga-recoit-les-symboles-de-la-republique-
56646 (consulté le 17/01/2020).
43
http://www.presidence.ci/ et https://news.abidjan.net/h/505165.html (consultés le 17/01/2020). Ce dernier article du 6 août
2014, intitulé : An 54 de la Côte d’Ivoire : chronique du drapeau tricolore ivoirien, revient sur les débats houleux ayant animé les
discussions qui ont porté sur la création du drapeau ivoirien.
44
https://twitter.com/m_koulibaly/status/1093389977701007361 (consulté le 17/01/2020). A cette date, le tweet a été aimé
378 fois et retweeté 192 fois.
45
https://lider-ci.org/category/mairie-dazaguie/ (consulté le 17/01/2020).
46
Cf. note 34.
47
https://thieydakar.net/retour-en-images-sur-le-defile-du-04-avril-2019/ (consulté le 17/01/2020).
48
Cf. note 18.
49
Cf. note 27 et https://www.presidence.td/fr.html (consulté le 17/01/2020).
50
http://annadjib.mondoblog.org/2019/01/03/tchad-festival-dary/ (consulté le 17/01/2020).
51
https://www.alwihdainfo.com/Grande-marche-patriotique-a-Yaounde-Un-geant-drapeau-tchadien-a-l-honneur_a15046.html
(consulté le 13/01/2020).

8
Dans ce tour d’horizon des usages emblématiques, il convient de réserver une place à part au cas
de la Mauritanie dont le drapeau a été modifié très récemment. Rappelons que l’actuel président
mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, est parvenu au pouvoir le 6 août 2008 à la suite d’un coup
d’État et qu’il a été élu démocratiquement le 18 juillet 2009, puis réélu le 21 juin 2014. Empêché par
la Constitution, il n’a pas brigué de troisième mandat et a cédé sa place à Mohamed Ould El-
Ghazouani qui lui a succédé le 1er août 2019. Mais ce dernier est perçu comme le « Medvedev
mauritanien ».
Pendant son deuxième mandat Mohamed Ould Abdel Aziz a souhaité une réforme de la constitution
visant la suppression du Sénat et, pour ce qui nous intéresse, une modification du drapeau par
l’adjonction de deux bandes horizontales de couleur rouge. Proposée lors des Assises du dialogue
inclusif tenues du 29 septembre au 20 octobre 2016, cette réforme devait, par décision du Conseil
des ministres du 3 novembre 2016, être soumise aux électeurs par référendum en janvier 2017.
Finalement, le 30 décembre 2016, il est décidé de recourir à la voie parlementaire. Le 9 mars 2017,
l’Assemblée vote oui mais le 11 mars, le Sénat vote non. Le 22 mars, la voie référendaire est à
nouveau envisagée et le 21 avril, la date du scrutin est fixée au 15 juillet. Au cours des mois d’avril
et mai 2017, l’opposition, rassemblée au sein du Forum National pour la Démocratie et l’Unité
(FNDU), se mobilise et manifeste contre ce référendum ; elle s’emblématise lors de ces évènements
des couleurs vert et jaune du drapeau national qu’il convient de défendre au même titre que les
institutions menacées par cette réforme52. Le 5 mai, l’ancien président Ely Ould Mohamed Vall s’était
exprimé contre cette réforme et avait eu des propos forts sur le principal emblème national : « le
drapeau n’est pas la bannière d’une période politique déterminée ou d’un régime particulier. C’est
une des constantes intouchables, sauf en cas de nécessité absolue et avec un consensus exprimé
par référendum, justifié par des arguments rationnels et organisé dans une totale transparence. »
Dans l’article d’où est tiré cette citation, il est cependant clairement dit que l’opposition craint en fait
« une manœuvre du président destinée à perpétuer sont pouvoir, soit directement, soit par le
truchement d’un homme de paille (…)53 » Le 8 juin, le scrutin est encore repoussé, il est reporté au
5 août. Il a finalement lieu, comme convenu, à cette date et les modifications proposées par la
réforme sont adoptées avec plus de 85% des suffrages, puis promulguée le 15 août. Le nouveau
drapeau est inauguré le jour de la fête nationale (28 novembre) 201754. L’opposition restait
cependant mobilisée et défilait encore dans les rues de Nouakchott le 16 décembre. Cinq
manifestants brandissant l’ancien drapeau furent arrêtés et condamnés dès le 21 décembre à trois
mois de prison avec sursis pour incitation à la rébellion55. Les inquiétudes avant tout politiques de
l’opposition mauritanienne qui craignait surtout une troisième candidature, malgré l’interdiction
constitutionnelle, de Mohamed Ould Abdel Aziz, se sont cristallisées autour d’une controverse
emblématique, celle de la modification du drapeau national. En février 2018, Mohamed Ould
Maouloud, président du FNDU et principal adversaire de l’ancien président, se disait rassuré par la
décision de Mohamed Ould Abdel Aziz de respecter la Constitution et de ne pas briguer un troisième
mandat mais le logo du FNDU restait, et reste encore, constitué des seules couleurs de l’ancien
drapeau vert et jaune56. Cette quête renouvelée d’une identité symbolique, conséquence d’une
stabilité politique relative, est ici révélatrice d’une construction démocratique encore imparfaite.

Ces exemples montrent tout l’intérêt porté aux symboles et l’appropriation qui en a été faite. Mais
cela semble émaner des sphères au pouvoir ou en capacité de le remettre en cause, et lié à leur
capacité de mobiliser et de fédérer des militants ou des sympathisants des parties en présence. La
question d’une adhésion moins politisée, plus large et populaire aux différents emblèmes nationaux
reste posée.

2.3. Le football et les emblèmes nationaux

On a vu la mairie d’Azaguié peinte aux couleurs de la Côte d’Ivoire, on a vu le ballet Bleu-or-Rouge


danser dans des costumes aux couleurs du Tchad, on a vu aussi les petites embarcations du lac Rose
aux couleurs du Sénégal mais ces témoignages de la présence et de l’imprégnation des couleurs
nationales dans les paysages et la vie quotidienne ne signifient pas forcément adhésion populaire,
d’autant plus qu’ils émanent, au moins pour les deux premiers exemples, du monde institutionnel. Il

52
http://afrique.le360.ma/mauritanie/politique/2017/04/11/10992-mauritanie-multiplication-des-manifestations-
antireferendum-constitutionnel-10992 (consulté le 17/01/2020).
53
https://www.jeuneafrique.com/mag/441826/politique/revision-constitutionnelle-mauritanie-controverse-de-nouakchott/
(consulté le 17/01/2020).
54
https://www.h24info.ma/monde/mauritanie-nouveau-drapeau-nouvel-hymne-fete-nationale/ (consulté le 17/01/2020).
55
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/22/en-mauritanie-brandir-l-ancien-drapeau-est-une-incitation-a-la-
rebellion_5233258_3212.html (consulté le 17/01/2020).
56
http://afrique.le360.ma/mauritanie/politique/2018/02/27/19370-mauritanie-le-fndu-salue-la-volonte-du-president-aziz-de-
respecter-la-constitution-19370 (consulté le 17/01/2020).

9
est en revanche un domaine où l’on peut sans doute percevoir cette adhésion. C’est celui du sport
et des manifestations sportives. On peut évoquer rapidement le cas des jeux olympiques où les
représentants des nations participantes défilent derrière leur drapeau. Mais c’est du côté du football,
un sport très largement démocratisé, que l’on saisit le mieux les liens qui peuvent unir un peuple à
son drapeau. Lorsque les équipes nationales jouent, le public manifeste son soutien aux joueurs en
brandissant le drapeau et parfois en se revêtant ou en se maquillant avec les couleurs nationales.
Quand en novembre 2018, les Mourabitounes se qualifient pour la Coupe d’Afrique des Nations 2019,
le nouveau drapeau mauritanien flotte en nombre dans les tribunes. Rien ne nous dit que les
supporters qui en font alors l’usage étaient à l’origine pour ou contre son adoption. Le stade n’est
pas forcément le lieu de démonstration politique. L’heure y est au rassemblement et à la solidarité
avec son équipe.
D’une manière générale, et ce n’est pas une surprise, il y a une parfaite adéquation entre le logo de
l’équipe nationale et le drapeau du pays dont, selon l’expression consacrée, elle défend les couleurs.
Les logos des treize équipes des pays ici étudiés sont composés des couleurs du drapeau national.
La tenue des joueurs portant elle-même, en tout ou partie, les mêmes couleurs. Les matchs des
équipes nationales sont donc toujours une mise en scène de ces dernières. Ce sont aussi des
moments de ferveur populaire et de cohésion d’une nation, des moments où les emblèmes nationaux
sont exhibés fièrement, d’autant plus quand elle gagne… Les images de la qualification de l’équipe
du Cameroun pour les quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2017 sont, à ce titre,
exemplaires57. Lors de cette importante manifestation sportive africaine, alors organisée par le
Gabon, la mascotte officielle était une panthère noire, une allusion directe au nom de l’équipe
nationale gabonaise, Les Panthères, et indirecte aux supports des armoiries gabonaises58. Les
compétitions internationales de football, c’est un phénomène universel, sont des moments de
communion populaire où les emblèmes nationaux sont mis en scène et font parfois corps dans le
sens le plus strict du terme avec les supporters qui s’en sont emparés et qui les utilisent pleinement.

Les anciennes colonies d’AEF et d’AOF ont bel et bien adopté des systèmes emblématiques
complémentaires (drapeaux et armoiries) aux origines occidentales en les adaptant à leurs réalités
propres, celles des mondes africains (couleurs panafricaines, utilisation de la faune, de la flore et des
traditions de l’Afrique). Bien sûr, les choix effectués dans les premiers temps de l’indépendance ont
été faits par les élites en place au moment de la décolonisation, puis ils ont été amendés quand il le
fallait ou plus simplement utilisés par leurs successeurs à des fins symboliques et surtout politiques,
se chargeant alors d’un sens nouveau. Certains opposants se sont emblématisés et s’emblématisent
encore en réaction contre le pouvoir en place que ces drapeaux et armoiries représentent. Des
discours sont dès lors produits autour de ces emblèmes et leur réception paraît bien réelle par les
populations comme en témoignent particulièrement les exemples du Gabon et de la Mauritanie.
Validé ou rejeté par le peuple, ce discours symbolico-politique est entendu et intégré à la vie politique
de ces nations.
Enfin, il semble que par le biais, des grandes cérémonies nationales qui les mettent en scène dans
un rituel plus ou moins strict et élaboré, et peut-être plus encore lors des grandes manifestations
sportives, on pense notamment aux matchs de football de la Coupe d’Afrique des Nations, les peuples
se sont appropriés et s’approprient encore pleinement les nouveaux symboles et leurs couleurs.
Malgré une histoire récente qui s’écrit encore largement sous nos yeux, malgré une identité
symbolique encore parfois encore en construction, il me semble que les drapeaux et les armoiries du
Niger, du Mali, de la Mauritanie, du Sénégal, de la Guinée, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du
Bénin, du Tchad, de la République centrafricaine, du Cameroun, du Congo et du Gabon, leur
permettent non seulement de dire et de vivre leur indépendance, mais encore de dire et de vivre
leur politique nationale et internationale.

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57
https://www.cnews.fr/foot/2017-02-02/can-2017-quelle-heure-et-sur-quelle-chaine-746283 (consulté le 17/01/2020).
58
Mais la politique se mêle aussi de sport et la couleur jaune du T-shirt de Samba posa problème car elle était aussi celle des
partisans de Jean Ping, vaincu par Ali Bongo aux élections présidentielles du 27 août 2016 : http://info241.com/samba-la-
mascotte-de-la-can-gabon-2017-bouderait-elle-la-couleur,2393 (consulté le 17/01/2020).

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