Coursgeoaff
Coursgeoaff
Coursgeoaff
Antoine Ducros
Cours de L3 dispensé à l’Université Paris 6
Introduction
L’objet de ce cours est ce qu’on appelle la géométrie élémentaire, c’est-
à-dire celle qui manipule des notions (points, droites, plans, distances, angles,
orthogonalité, parallélisme, etc.) dont on acquiert l’intuition de base très jeune
– ce qui ne veut pas dire, loin de là, que raisonner dessus soit toujours évident.
D’ailleurs, les mathématiciens s’intéressant à ces questions se sont vite rendus
compte que, si intuitifs que soient les objets manipulés, on peut assez rapidement
proférer de grosses bêtises à leur propos si l’on se contente de dire que l’on voit
bien ce que sont une droite, un plan, un angle, etc. ; et qu’il valait dès lors mieux
en donner des définitions extrêmement précises.
Ils ont donc été amenés à développer un formalisme rigoureux qui est tech-
niquement très pertinent mais peut sembler franchement déconnecté de l’idée
tangible que chacun se fait des concepts en jeu ; d’abord, parce qu’il repose sur
sur des définitions axiomatiques très abstraites (on étudie des ensembles munis
de lois satisfaisant telle ou telle propriété), ensuite parce qu’il procède à re-
bours du cheminement normal du cerveau ; précisons ce que j’entends par cette
dernière remarque.
Vous avez tous compris très tôt, et sans difficulté, ce qu’était un point ;
et seulement bien plus tard, et avec davantage d’efforts, ce qu’était le vecteur
joignant deux points donnés. Mais lorsqu’on établit proprement les fondements
de la géométrie, il s’avère plus simple d’inverser le processus : on introduit tout
d’abord les vecteurs, ou plus exactement les espaces vectoriels, que vous avez
abondamment pratiqués depuis que vous êtes à l’Université, et dont les éléments
sont appelés vecteurs ; et on ne définit qu’ensuite les espaces affines, dont les
éléments sont appelés points, et dans lesquels deux points définissent un vecteur
au sens des espaces vectoriels.
C’est à ces espaces affines, qui sont donc plus proches de l’intuition première
que les espaces vectoriels, que nous nous intéresserons pour commencer.
Leur définition, comme vous le verrez, consiste essentiellement à prendre
comme axiomes les propriétés usuelles des vecteurs définis par deux points,
comme par exemple la relation de Chasles.
1
Vous verrez aussi qu’ils ne sont pas si éloignés que ça des espaces vectoriels.
Plus précisément, une fois donné un espace affine E, on peut, en choisissant un
point O de E, voir de façon naturelle E comme un espace vectoriel dont l’origine
est O. Le point crucial est que O peut être choisi arbitrairement : contrairement
à un espace vectoriel dans lequel l’origine jouit de propriétés spécifiques (c’est
l’élément neutre de l’addition), un espace affine ne possède a priori aucun point
privilégié ; tous jouent le même rôle et ce n’est qu’occasionnellement, pour des
besoins précis (calculatoires ou géométriques) que l’on choisit d’en distinguer
un, adapté à la situation considérée, en en lui conférant le statut d’origine.
Notez que cela est tout à fait cohérent avec l’intuition que nous pouvons
avoir de notre espace ambiant : s’il peut être commode, dans certains cas, d’en
fixer une origine, il n’y a aucun point qui semble prédestiné à ce rôle.
L’exemple typique d’espace affine est le suivant : on se donne un espace
vectoriel E, un sous-espace vectoriel F de E, un vecteur v de E. Soit F le
translaté F + v de F par v, c’est-à-dire l’ensemble des éléments de E de la forme
f + v avec f ∈ F ; il admet une structure naturelle d’espace affine (notons que
si v ∈/ F , c’est-à-dire si F 6= F , alors F n’est pas un sous-espace vectoriel de
E, car il ne contient pas l’origine).
L’application f 7→ f − v permet d’identifier F à l’espace vectoriel F (avec
v qui correspond à l’origine). Mais ce n’est pas la seule : si w est un vecteur de
la forme v + f avec f ∈ F alors F est aussi égal à F + w, et l’on peut donc
également identifier F à F par l’application f 7→ f − w ; c’est cette fois-ci w
qui correspond à l’origine.
Si v ∈/ F il n’y a pas de vecteur privilégié parmi ceux qui sont de la forme
v + f avec f ∈ F , et il n’y a donc pas, parmi les différentes façons d’identifier
F à F que nous avons décrites (qui sont associées à différents choix d’origine)
une qui soit meilleure, ou plus naturelle, que les autres ; on retrouve bien le
phénomène évoqué ci-dessus.
2
- l’intersection de deux sous-espaces affines peut très bien être vide (pen-
sez à deux droites parallèles dans le plan, ou à un plan et une droite
parallèles dans l’espace), alors que l’intersection de deux sous-espaces vec-
toriels contient toujours l’origine ;
- une application affine peut très bien ne pas avoir de point fixe (pensez à
une translation, ou à la composée d’une rotation autour d’un axe et d’une
translation parallèle à l’axe en question), alors qu’une application linéaire
fixe toujours l’origine.
3
Dans un espace affine euclidien, on sait définir la distance entre deux points,
puis les applications affines qui conservent les distances ; ce sont les isométries
affines, que nous décrirons de façon assez vague en toutes dimensions, et très
précisément en dimensions 0, 1, 2, et 3.
On sait aussi dire ce que sont l’angle entre deux vecteurs (ou deux droites)
et sa mesure (ces notions n’ont rien de spécifiquement affine, existent déjà dans
les espaces vectoriels euclidiens et c’est à leur propos que nous y reviendrons),
mais on se heurte à leur sujet à deux difficultés : la première, c’est que les définir
rigoureusement est délicat – et il faut bien reconnaı̂tre que la façon dont on s’y
prend faute de mieux est un peu indigeste ; la seconde est liée aux problèmes
d’orientation, qui correspondent à des subtilités de la vraie vie. Par exemple,
essayez de répondre aux questions suivantes.
i ) Si deux roues tournent dans un même plan, cela a-t-il un sens de demander
si elles tournent toutes deux dans le même sens ?
ii) Si deux roues tournent dans l’espace (en position arbitraire l’une par
rapport à l’autre), cela a-t-il un sens de demander si elles tournent toutes deux
dans le même sens ?
iii) Pourquoi un miroir inverse-t-il la gauche et la droite mais pas le haut et
le bas ?
4
imagination en évoquant des espaces affines de dimension strictement supérieure
à 3 (ainsi, en dimension 4, deux plans peuvent très bien se couper en exactement
un point). Le but de ces petites échappées est de vous faire un peu voir du
pays mathématique ; mais si vous n’êtes pas très à l’aise, ne vous attardez pas
dessus !
x + (u + v) = (x + u) + v
5
(1.3.1) Soit E un k-espace vectoriel. Munissons-le de l’application E × E → E
qui envoie (x, y) sur xy−
→ := y − x (cette expression a bien un sens puisque E est
un espace vectoriel). Celle-ci fait de E un espace affine d’espace directeur égal
à lui-même.
En effet, E est non vide (il contient toujours au moins le vecteur nul) ; si x, y
et z sont trois points de E on a alors xy −
→ + yz
−
→ = (y −x) +(z −y) = z −x = xz −→ (on
−
→ sur E) ; et si u ∈ E
a utilisé deux fois la définition de l’application (x, y) 7→ xy
et x ∈ E alors pour tout y ∈ E on a xy −
→ = u si et seulement si y − x = y, donc
si et seulement si y = x + u : ainsi, il y a bien un et un seul y tel que xy−
→ = u.
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Un espace affine est de dimension 0 si et seulement si il est réduit à un point :
cela résulte du fait que si E est un espace affine d’espace directeur E alors pour
tout x ∈ E on a E = {x + u}u∈E . Si un espace affine est de dimension 1 (resp.
2), on dit que c’est une droite (resp. un plan).
7
immédiatement de ce qui précède et du fait correspondant pour les espaces
vectoriels.
(1.6.4) Exemples. L’espace E est lui-même un sous-espace affine de E : c’est
celui passant par n’importe lequel des points de E et dirigé par E. Si M est un
point de E alors {M } est le sous-espace affine de E passant par M et dirigé par
l’espace nul. Si F est un sous-espace affine de E et si G est un sous-ensemble de
F , il résulte immédiatement des définitions et de 1.6.3 que G est un sous-espace
affine de E si et seulement si c’est un sous-espace affine de F .
(1.6.5) Soit E un espace affine et soient F et G deux sous-espaces affines de
E ; notons F et G les sous-espaces directeurs respectifs de F et G . On dit que
F et G sont parallèles si F ⊂ G ou G ⊂ F ; notons que dans le cas où F et G
sont de même dimension finie, cela revient à demander que F soit égal à G.
Attention : si F est parallèle à G et si G est parallèle à un sous-espace
affine H de E (dont l’espace directeur est noté H) alors F n’est pas forcément
parallèle à H : on pourrait par exemple avoir F ⊂ G et H ⊂ G sans que F et
H soient comparables pour l’inclusion. Mais si l’on sait en plus que F , G et H
ont tous trois même dimension finie, on a F = G et G = H, d’où F : H ; et F
est alors parallèle à H .
Il découle aussitôt des définitions que les sous-espaces affines de l’espace
vectoriel E sont exactement les translatés de sous-espaces vectoriels de E, et
que la structure d’espace affine d’un tel sous-espace (telle que définie au 1.6.2)
coı̈ncide avec celle décrite au 1.3.2.
(1.7) Proposition. Soit E un espace affine sur k d’espace directeur E et soit
(Ei )i∈I une famille de sous-espaces affines de E (indexée parTun certain ensemble
de Ei alors Ei est ou bien vide,
I) ; si Ei désigne pour tout i l’espace directeur T
ou bien un sous-espace affine de E dirigé par Ei .
Démonstration. Supposons que Ei 6= ∅ et soit M ∈ Ei . Comme M ap-
T T
partient à chacun des Ei l’on a Ei = M + Ei pour tout i. Si N ∈ E on a
donc
−−→ −−→ \
\
N∈ Ei ⇐⇒ ∀i M N ∈ Ei ⇐⇒ M N ∈ Ei ,
d’où il découle que Ei = M + Ei , ce qui achève la démonstration.
T T
(1.8) On déduit de la proposition 1.7 ci-dessus que si P est une partie non
vide de E l’intersection de tous les sous-espaces affines de E contenant P est
un sous-espace affine de E (cette intersection est non vide puisqu’elle contient
P) ; on l’appelle le sous-espace affine de E engendré par P et on le note hPi.
Par construction, hPi est contenu dans tout sous-espace affine de E contenant
P ; c’est donc le plus petit sous-espace affine de E contenant hPi, et s’il est
de dimension finie d, c’est le seul sous-espace affine de E de dimension d qui
contienne P.
(1.9) Nous allons maintenant étudier plus précisément le sous-espace hPi dans
deux cas particuliers importants : celui où P est la réunion de deux sous-espaces
affines, et celui où P est un sous-ensemble fini de E .
(1.10) Commençons par le premier cas. Soit E un espace affine sur k, soient
F et G deux sous-espaces affines de E et soit H le sous-espace affine de E
engendré par F et G ; notons E, F, G et H les directions respectives de ces
quatre espaces affines.
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(1.11) Proposition. Soit x ∈ F et soit y ∈ G .
i) On a H = F + G + k.−
→
xy.
ii) On a les équivalences suivantes :
H = F + G ⇐⇒ −
→ ∈ F + G ⇐⇒ F ∩ G 6= ∅.
xy
iii) Si E est de dimension finie et si F ∩ G 6= ∅ alors
dim H = dim (F + G) + 1.
9
−
→ ∈ F + G semble dépendre de x et y, mais
De même, la propriété xy
comme elle est équivalente au fait que F ∩ G = ∅, il n’en est là encore rien.
(1.11.2) Si F + G = E alors − → ∈ F + G ; par conséquent si F + G = E les
xy
espaces F et G se rencontrent automatiquement. Ainsi si E est un plan et si
F et G sont deux droites telles que E = F ⊕ G (ce qui revient à demander
que F 6= G, ou encore que F ∩ G = {0}), alors F et G se rencontrent ; si E
est de dimension 3, si F est une droite et si G est un plan tel que E = F ⊕ G
(ce qui revient à demander que F ne soit pas contenu dans G, ou encore que
F ∩ G = {0}), alors F et G se rencontrent.
Notons par contre que si F +G 6= E on peut toujours trouver F et G comme
ci-dessus de sorte que F ∩ G = ∅ : pour ce faire, on prend x quelconque dans E
et l’on pose F = x + F ; puis l’on choisit u ∈ E tel que u ∈
/ F + G, et l’on pose
y = x + u ; enfin, on désigne par G le sous-espace affine y + G de E . Comme
−
→=u∈
xy / F + G, la proposition ci-dessus assure que F ∩ G = ∅.
(1.11.3) Lorsque F ∩ G est non vide, il résulte de iii) que la dimension de
H ne dépend que des dimensions de F , G et F ∩ G . Lorsque F ∩ G est vide,
c’est d’après iv) la dimension de l’espace vectoriel F + G qui intervient, et nous
verrons un peu plus bas sur des exemples que dim H ne peut pas s’exprimer
uniquement en fonction de dim F et dim G dans ce cas (cf. le commentaire
1.12.3).
(1.11.4) On s’aperçoit ainsi qu’aussi bien du point de vue des intersections
que de celui des espaces engendrés, la situation est un peu plus compliquée
en géométrie affine qu’en algèbre linéaire. Il existe une façon de remédier à ce
problème, en prenant en compte ce qui se passe à l’infini (par exemple, mora-
lement, deux droites parallèles du plan se rencontrent en fait, mais à l”infini) ;
c’est ce qu’on appelle la géométrie projective. C’est une théorie très élégante et
qui joue un rôle fondamental dans les mathématiques contemporaines, mais
qu’on ne peut malheureusement pas vous présenter au niveau L3 ; vous aurez
peut-être l’occasion de la rencontrer plus tard au cours de vos études.
(1.12) Nous allons maintenant donner quelques exemples d’applications de la
proposition ci-dessus. On se donne un espace affine E sur k et deux sous-espaces
affines F et G de E ; on note H le sous-espace affine de E engendré par F et
G , et E, F, G et H les espaces directeurs respectifs de ces espaces affines.
(1.12.1) Le cas de deux droites dans un plan. On suppose que dim E = 2 et
que dim F = dim G = 1.
• Si F = G (cas où les deux droites sont parallèles) alors
F + G = F ∩ G = F = G,
10
• Si F 6= G alors F ∩ G = {0} et F + G = E. Cette dernière égalité assure
que F ∩ G 6= ∅ ; cette intersection est donc un espace affine de direction
F ∩ G = {0}, c’est-à-dire un point : deux droites de directions différentes
dans le plan se coupent en un et un seul point ; on a
F + G = F ∩ G = F = G,
et H est dès lors un plan ; on retrouve le fait intuitif que deux droites
sécantes et non confondues de l’espace engendrent un plan.
si F ∩ G = ∅ l’on a alors dim H = dim (F + G) + 1 = 1 + 1 = 3 :
l’espace H coı̈ncide avec E . On retrouve le fait intuitif que deux droites
non sécantes et non parallèles de l’espace engendrent l’espace, c’est-à-
dire que leur réunion n’est contenue dans aucun plan.
(1.12.3) Commentaire. D’après ce qui précède, deux droites disjointes de
l’espace peuvent, selon les cas, engendrer un plan ou l’espace tout entier : la
dimension de l’espace engendré par deux sous-espaces affines disjoints ne dépend
donc pas que des dimensions de ces derniers.
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(1.14) Lemme. Soit i ∈ {0, . . . , n} ; le sous-espace affine hP0 , . . . , Pn i de E est
−−→
égal au sous-espace affine de E passant par Pi et de direction Vect {Pi Pj }j6=i ;
il est de dimension au plus égale à n.
Démonstration. L’espace hP0 , . . . , Pn i contient Pi ; comme il contient chacun
−−→
des Pj pour j 6= i, son espace directeur contient Vect {Pi Pj }j6=i ; par conséquent,
−−→
hP0 , . . . , Pn i contient Pi + Vect {Pi Pj }j6=i .
−−→
Réciproquement, Pi + Vect {Pi Pj }j6=i est un sous-espace affine de E ; il
−−→
contient Pi et il contient aussi, pour tout j 6= i, le point Pi + Pi Pj = Pj . Par
−−→
conséquent, Pi + Vect {Pi Pj }j6=i contient {P0 , . . . , Pn } et donc hP0 , . . . , Pn i. Par
conséquent, on a bien
−−→
hP0 , . . . , Pn i = Pi + Vect {Pi Pj }j6=i .
−−→
L’espace vectoriel Vect {Pi Pj }j6=i étant engendré par n vecteurs, il est au plus
de dimension n ; de ce fait, dim hP0 , . . . , Pn i 6 n.
−−→
(1.15) Commentaire. Le sous-espace affine Pi + Vect {Pi Pj }j6=i de E semble
a priori dépendre de i ; il n’en est en réalité rien, puisque le lemme ci-dessus
−−→
assure qu’il coı̈ncide avec hP0 , . . . , Pn i. Son espace directeur Vect {Pi Pj }j6=i est
donc lui aussi indépendant de i.
Nous allons maintenant introduire une notion qui est l’analogue affine de
celle de famille libre.
(1.16) Proposition et définition. Les assertions suivantes sont équivalentes :
i) le sous-espace affine hP0 , . . . , Pi i de E est de dimension n ;
−−→
ii) il existe i tel que Vect {Pi Pj }j6=i soit de dimension n, c’est-à-dire tel que
−−→
(Pi Pj )j6=i soit une famille libre ;
−−→
iii) quelque soit i, l’espace Vect {Pi Pj }j6=i est de dimension n, ce qui revient
−−→
à dire que la famille (Pi Pj )j6=i est libre.
Lorsque ces conditions sont vérifiées, l’on dit que les n + 1 points P0 , . . . , Pn
sont affinement indépendants.
−−→
Démonstration. Comme l’espace Vect {Pi Pj }j6=i ne dépend pas de i (cf. 1.15
ci-dessus), les assertions ii) et iii) sont équivalentes. L’équivalence de i) et iii)
résulte du fait qu’en vertu du lemme 1.14, l’espace directeur de hP0 , . . . , Pi i est
−−→
égal à Vect {Pi Pj }j6=i pour tout i.
(1.17) Exemples Si P ∈ E alors hP i = {P } et {P } est affinement indépendant ;
si A et B sont deux points de E ils sont affinement indépendants si et seulement
−−→
si AB 6= 0, c’est-à-dire si et seulement si A 6= B ; l’espace qu’ils engendrent est
alors une droite, notée (AB) ; c’est la seule droite contenant A et B.
Si A, B et C sont trois points de E ils sont affinement indépendants si et
−−→ −→
seulement si (AB, AC) est libre. L’espace qu’ils engendrent est alors un plan,
qui est le seul plan qui contienne A, B et C.
(1.18) Soit (P0 , . . . , Pn ) est une famille de n + 1 points de E . Si E est de
dimension 6 n − 1, les Pi ne peuvent pas être affinement indépendants (l’espace
qu’ils engendrent étant nécessairement de dimension 6 n − 1).
Supposons maintenant que E est de dimension > n. Dire que les Pi ne sont
pas affinement indépendants revient à dire qu’il existe un sous-espace affine de
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E de dimension au plus n − 1 qui les contient tous ; il en existe alors dans ce
cas un qui est exactement de dimension n − 1 (tout sous-espace affine de E de
dimension 6 n − 1 étant contenu dans un sous-espace affine de E de dimension
n − 1, en vertu de l’assertion analogue en théorie des espaces vectoriels).
Ainsi, dire que deux points d’un espace affine E de dimension > 1 ne sont pas
affinement indépendants, c’est dire qu’ils sont confondus ; dire que trois points
d’un espace affine E de dimension > 2 ne sont pas affinement indépendants, c’est
dire qu’ils sont alignés, c ’est-à-dire qu’il existe une droite qui les contient ; dire
que quatre points d’un espace affine E de dimension > 3 ne sont pas affinement
indépendants, c’est dire qu’ils sont coplanaires, c ’est-à-dire qu’il existe un plan
qui les contient.
(1.19) Si (P0 , . . . , Pn ) sont n + 1 points affinement indépendants de E alors
pour tout sous-ensemble non vide I de {0, . . . , n}, les points Pi où i parcourt
I sont affinement indépendants. En effet, soit I un tel ensemble ; choisissons
−−−→
i0 ∈ I. Comme P0 , . . . , Pn sont affinement indépendants, la famille (Pi0 Pj j6=i
−−−→
est libre. Il en va a fortiori de même de la famille Pi0 Pj j∈I,j6=i0 , et les Pi pour
i parcourant I sont donc affinement indépendants.
(1.20) Si P0 , . . . , Pn sont n + 1 points affinement indépendants de E et si
Pn+1 ∈ E alors P0 , . . . , Pn , Pn+1 sont affinement indépendants si et seulement
si Pn+1 n’appartient pas au sous-espace affine engendré par P0 , P1 , . . . , Pn . En
effet, supposons que P0 , . . . , Pn , Pn+1 soient affinement indépendants. Dans ce
cas, il n’existe pas d’espace de dimension n les contenant tous, et Pn+1 ne peut
donc appartenir à hP0 , . . . , Pn i.
Réciproquement, si Pn+1 ∈ / hP0 , . . . , Pn i l’espace hP0 , . . . , Pn+1 i contient
strictement l’espace hP0 , . . . , Pn i (puisqu’il contient Pn+1 ) et est donc de di-
mension au moins égale à n + 1. Par ailleurs, on sait que sa dimension vaut
au plus n + 1 ; elle vaut donc exactement n + 1, et P0 , . . . , Pn , Pn+1 sont donc
affinement indépendants.
(1.21) Venons-en maintenant à une notion qui est l’analogue affine de celle de
base. Soit E un espace affine de dimension finie n. Si (P0 , . . . , Pd ) est une famille
de points affinement indépendants de E alors d 6 n ; lorsque d = n on dit que
cette famille est un repère affine de E .
Si (P0 , . . . , Pn ) est une famille de n + 1 points de E alors en vertu de la
proposition 1.16 les assertions suivantes sont équivalentes :
i) (P0 , . . . , Pn ) est un repère affine de E ;
ii) le sous-espace affine de E engendré par les Pj est égal à E ;
−−→
iii) il existe i tel que Vect {Pi Pj }j6=i soit égal à E, c’est-à-dire tel que la
−−→
famille (Pi Pj )j6=i soit une base de E ;
−−→
iv) quelque soit i, l’espace Vect {Pi Pj }j6=i est égal à E, ce qui revient à dire
−−→
que la famille (Pi Pj )j6=i est une base de E.
(1.22) Pour construire un repère affine de E , il suffit de choisir un point O de
E et une base (e1 , . . . , en ) de E : la famille (O, O + e1 , . . . , O + en ) est alors un
repère affine de E (utiliser la caractérisation iii) ci-dessus).
Un (n + 1)-uplet de la forme (O, e1 , . . . , en ) où (e1 , . . . en ) est une base
de E sera appelé un repère cartésien, dont on dira que O est l’origine. On
a vu ci-dessus comment associer à un repère cartésien de E un repère affine.
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Réciproquement, si (P0 , . . . , Pn ) est un repère affine de E alors pour tout i le
−−→ −−−−→−−−−→ −−−→
(n + 1)-uplet (Pi , Pi P0 , . . . , Pi Pi−1 Pi Pi+1 , . . . , Pi Pn ) est un repère cartésien de
E (utiliser la caractérisation iii) ci-dessus) d’origine Pi .
Si R := (O, e1 , . . . , en ) est un repère cartésien de E alors comme (e1 , . . . , en )
est une base de E il existe pour tout point M de E une unique famille (λj ) de sca-
−−→ P
laires telle que OM = λj ej . Les λj sont appelés les coordonnées (cartésiennes)
de M dans le repère R. Elles sont nulles pour M = O.
Si x et y sont deux points de E de coordonnées P respectives (xi ) et (yi ) dans
R alors un calcul immédiat montre que y = x + (yi − xi )ei ; par conséquent ;
−
→ = P(yi − xi )ei .
xy
(1.23) Nous verrons plus tard que l’on peut, un repère affine étant donné, asso-
cier à un point M un système de coordonnées dans ce repère (elles seront dites
barycentriques) qui ne requiert pas le choix d’une origine et a ainsi l’avantage
(esthétique, et parfois calculatoire) de faire jouer exactement le même rôle à
tous les points du repère, préservant par là une certaine symétrie.
2 Applications affines
Nous allons maintenant aborder l’analogue affine de la notion d’application
linéaire.
pour x ∈ E et u ∈ E.
Si f est une application de E dans F elle est constante si et seulement si elle
→
−
est affine et si f est l’application nulle : cela découle du fait que f est constante
si et seulement si f (x + u) = f (x) pour tout x ∈ E et tout u ∈ E.
(2.2.2) Considérons les espaces vectoriels E et F comme des espaces affines,
et soit ` : E → F une application linéaire. Pour tout couple (x, u) d’éléments
de E on a `(x + u) = `(x) + `(u), ce qui montre que ` est affine d’application
linaire associée elle-même ; on a par ailleurs `(0) = 0.
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Réciproquement, soit f une application affine de E dans F envoyant 0 sur
→
− →
−
0. On a alors pour tout u ∈ E l’égalité f (0 + u) = f (u) = f (0) + f (u) = f (u)
→
−
puisque f (0) = 0 ; par conséquent, f = f et f est linéaire.
(2.2.3) Si v ∈ E, l’on appelle translation de vecteur v, et l’on note tv , l’applica-
tion de E dans E qui envoie un point M sur M + v. Le vecteur v est uniquement
déterminé par l’application tv , et même par l’image de n’importe quel point de
−−−−−→
E par tv : si M ∈ E , on retrouve v en calculant M tv (M )).
2
On a tv+w = tv ◦ tw pour tout (v, w) ∈ E et t0 = IdE . Si v ∈ E alors tv est
une bijection de réciproque t−v .
Pour tout v ∈ E, la translation tv est une application affine de E dans E
d’application linéaire associée l’identité de E : on a en effet pour tout x ∈ E et
tout u ∈ E les égalités tv (x + u) = (x + u) + v = x + (u + v) = x + (v + u) =
(x + v) + u = tv (x) + u.
→
−
Réciproquement, soit f : E → E une application affine telle que f = IdE ;
l’application f est alors une translation. En effet, soit x ∈ E et soit v l’élément
de E tel que f (x) = x + v. On a alors pour tout u ∈ E les égalités
f (x + u) = f (x) + u = x + v + u
= (x + u) + v = tv (x + u) ;
par conséquent, f = tv .
(2.3) Comportement vis-à-vis de la composition. Si E , F et G sont trois
espaces affines sur k d’espaces directeurs respectifs E, F et G et si f (resp. g)
est une application affine de E dans F (resp. F dans G ) alors g ◦ f est une
−−→ − → −
application affine de E dans G , et g ◦ f = →g ◦ f . En effet, soit x ∈ E et soit
u ∈ E. On a alors
→
− →
−
g ◦ f (x + u) = g(f (x + u)) = g(f (x) + f (u)) = g(f (x)) + →
−
g ( f (u))
→
−
= g ◦ f (x) + →
−
g ◦ f (u),
ce qu’il fallait démontrer.
(2.4) Expliquons comment ce qui précède permet de décrire toutes les appli-
cations affines entre deux k-espaces vectoriels E et F . Si v ∈ F et si ` est une
application linéaire de E dans F alors comme ` et tv sont affines, la composée
tv ◦ f est encore affine. Réciproquement, soit f une application affine de E dans
F , et soit v l’élément f (0) de F . La composée ` := t−v ◦ f est une application
affine qui envoie 0 sur v − v = 0 ; c’est donc une application linéaire (2.2.2), et
l’égalité ` = t−v ◦ f peut se récrire f = tv ◦ `.
Ainsi les applications affines de E dans F sont exactement les applications
de la forme tv ◦ ` avec v ∈ F et ` linéaire. Si f est une application affine de E
dans F , son écriture sous la forme tv ◦` est unique : on voit aussitôt que dans une
telle écriture, v est nécessairement égal à f (0) (et est donc nul si et seulement
→
− →
−
si f est linéaire), et ` est nécessairement égale à f (puisque tv = IdE ).
(2.5) Décrivons maintenant l’effet d’une application affine sur un sous-espace
affine, par image directe et image réciproque. On se donne deux espaces affines
E et F sur k, d’espaces directeurs respectifs E et F , et une application affine
f de E dans F .
15
(2.5.1) En ce qui concerne l’image directe, tout se passe bien : si E 0 est un
sous-espace affine de E , d’espace directeur E 0 , son image f (E 0 ) est alors un
→
−
sous-espace affine de F , dirigé par f (E 0 ). En effet, E 0 est de la forme M + E 0
→
−
pour un certain M . Si u ∈ E 0 alors f (M + u) = f (M ) + f (u). Il s’ensuit
que si v ∈ F alors f (M ) + v ∈ f (E 0 ) si et seulement si v est de la forme
→
− →
−
f (u) avec u ∈ E 0 , c’est-à-dire si et seulement si v ∈ f (E 0 ) ; par conséquent,
→
−
f (E 0 ) = f (M ) + f (E 0 ), d’où notre assertion.
(2.5.2) En ce qui concerne l’image réciproque, il faut faire un tout petit peu
attention : si F 0 est un sous-espace affine de F d’espace directeur F 0 alors
→
− −1
f −1 (F 0 ) est ou bien vide, ou bien un sous-espace affine de E dirigé par f (F 0 ).
Pour le voir, on suppose que f −1 (F 0 ) est non vide et l’on choisit un point
M ∈ f −1 (F 0 ). On a f (M ) ∈ F 0 , et F 0 est dès lors égal à f (M ) + F 0 . Si
→
−
u ∈ E alors f (M + u) = f (M ) + f (u) ; ce dernier appartient à f (M ) + F 0 si et
→
− →
− −1
seulement si f (u) ∈ F 0 , c’est-à-dire si et seulement si u ∈ f (F 0 ), d’où notre
assertion.
→
−
(2.5.3) En particulier, f (E ) est dirigé par f (E) ; par conséquent, f (E ) = F
→
−
si et seulement si f (E) = F ; autrement dit, f est surjective si et seulement si
→
−
f est surjective.
(2.5.4) Si x ∈ f (F ) alors comme {x} est un sous-espace affine dirigé par
l’espace nul, f −1 (x) (qui est non vide par choix de x) est un sous-espace affine
→
− →
−
de E dirigé par Ker f . Il est donc réduit à un élément si et seulement si Ker f
→
−
est trivial ; on en déduit que f est injective si et seulement si f est injective.
→
−
(2.5.5) Il s’ensuit : que f est bijective si et seulement si f est bijective ; et que
si E et F sont de même dimension finie alors l’injectivité, la surjectivité, et la
bijectivité de f sont équivalentes.
(2.6) Soient E et F deux k-espaces affines d’espaces directeurs respectifs E
et F , et soit f : E → F une application affine bijective, ce qui équivaut à
→
−
demander, par ce qui précède, que f soit bijective. Son application réciproque
−− −→ →
−
f −1 est alors affine, et (f −1 ) = ( f )−1 .
En effet, soit x ∈ F et soit u ∈ F . Soit y le point f −1 (x), et soit v le vecteur
→
− −1 →
−
( f ) (u). On a f (y + v) = f (y) + f (v) = x + u, et donc
→
−
f −1 (x + u) = y + v = f −1 (x) + ( f )−1 (u),
16
(2.7.2) Existence. On définit f par la formule ci-dessus, à savoir f (M + u) =
N + `(u) pour tout u ∈ E. Il reste à s’assurer que f est affine d’application
linéaire associée égale à `. Soit donc x ∈ E et v ∈ E. Posons u = x − M . On a
alors
f (x + v) = f (M + u + v) = N + `(u + v) = N + `(u) + `(v)
= f (M + u) + `(v) = f (x) + `(v),
ce qu’il fallait démontrer.
(2.7.3) Nous allons donner une conséquence de ce qui précède : si f et g sont
→
−
deux applications affines de E vers F alors f = → −
g si et seulement si il existe
v ∈ F tel que f = tv ◦ g, et si c’est le cas un tel v est unique.
→
− →
− −
En effet, si f = tv ◦g pour un certain v ∈ F alors f = tv ◦ → g = IdF ◦ →
−
g =→ −
g.
→
− →
−
Supposons, réciproquement, que f = g et soit M un point quelconque de
−−−−−−−→
E . Posons v = g(M )f (M ) ; l’application tv ◦ g a alors par ce qui précède pour
→
−
application linéaire associée →
−
g , c’est -à-dire f , et sa valeur en M est égale à
g(M ) + v = f (M ) ; par conséquent, elle est égale à f en vertu de 2.7 et sq. Si
w est un vecteur de F tel que f = tw ◦ g on a alors f (M ) = g(M ) + w et donc
−−−−−−−→
w = f (M )g(M ) = v, d’où l’unicité annoncée.
(2.8) Soit E un espace affine sur k d’espace directeur E. Notons GA(E ) l’en-
semble des bijections affines de E dans lui-même. Il résulte de 2.3 et 2.6 que
GA(E ) est stable par composition, et que celle-ci en fait un groupe ; on l’appelle
→
−
le groupe affine de E . Si f ∈ GA(E ) alors f appartient d’après 2.6 au groupe
linéaire de E, c’est-à-dire au groupe des bijections linéaires de E dans lui-même.
→
−
Il résulte de 2.3 que f 7→ f définit un morphisme de groupes de GA(E ) dans
GL(E).
En vertu du 2.2.3, le noyau de ce morphisme est le groupe des translations.
Quant à son image, c’est GL(E) tout entier : en effet, si ` ∈ GL(E), le 2.7 assure
→
−
l’existence d’une application affine f de E dans lui-même telle que f = ` (on
→
−
peut même fixer l’image d’un point donné par f ). Comme f = ` est bijective,
f ∈ GA(E ) (2.6).
(2.9) Soit E un k-espace affine et soit E son espace directeur, que l’on voit
également comme espace affine. Soit O ∈ E et soit f l’application de E dans E
qui envoie u sur O + u.
(2.9.1) L’application f est une bijection affine. Le caractère bijectif de f est
−−→
clair (sa réciproque est M 7→ OM ). Vérifions que f est affine : si u ∈ E et si
v ∈ E alors f (u + v) = O + (u + v) = (O + u) + v = f (u) + v. Par conséquent,
f est affine et son application linéaire associée est l’identité de E.
→
−
(2.9.2) Attention ! Bien que f soit l’identité de E, l’application f n’est pas
une translation... pour la bonne et simple raison que ce n’est pas une application
d’un espace affine dans lui-même, mais d’un espace affine, à savoir E, vers un
autre, à savoir E . Il se trouve néanmoins que les deux espaces en jeu ont tous
→
−
deux E comme espace directeur, ce qui fait que f est bien, quant à elle, une
17
application d’un espace vectoriel dans lui-même (en l’occurrence, c’est même
l’identité).
(2.10) Soit E un k- espace affine d’espace directeur E. Supposons que E est
de dimension finie n, soit R := (O, e1 , . . . , en ) un repère cartésien de E et soit
f l’application de k n dans E qui à (λ1 , . . . , λn ) associe O + λi ei .
P
L’application f est une bijection affine. Le caractère bijectif de f est clair
(sa réciproque envoie un point M sur le n-uplet (λ1 , . . . , λn ) des coordonnées
de M dans R).
Vérifions que f est affine. Soient (λ1 , . . . , λn ) et (µ1 , . . . , µn ) deux éléments
de k n . On a :
X
f ((λ1 , . . . , λn ) + (µ1 , . . . , µn )) = f (λ1 + µ1 , . . . , λn + µn ) = O + (λi + µi )ei
X X X
= (O + λ i ei ) + µi ei = f (λ1 , . . . , λn ) + µi ei .
Par conséquent P l’application f est affine et son application linéaire associée est
(µ1 , . . . , µn ) 7→ µi ei .
(2.11) Une remarque générale à propos des bijections affines. Si E et F
sont deux k-espaces affines, une bijection affine f : E → F permet d’identifier
E et F , c’est-à-dire de penser à un élément de E comme à un élément de F
(son image par f ), ou vice-versa (il faut alors considérer l’image par f −1 ).
(2.11.1) Exemples. La bijection de 2.9 permet d’identifier E et son espace
directeur E, l’origine correspondant à O, et donc de penser à E comme à un
espace vectoriel d’origine O ; on l’appelle parfois pour cette raison la vecto-
18
Un exemple. Si ϕ est la translation de vecteur u pour un certain u ∈ E, alors
ψ = f ◦ tu ◦ f −1 . Soit x ∈ F ; on a
→
− →
−
ψ(x) = f (tu (f −1 (x))) = f (f −1 (x) + u) = f (f −1 (x)) + f (u) = x + f (u).
→
−
Par conséquent, ψ est la translation de vecteur f (u).
(2.11.3) Remarque informelle. En identifiant E et F , la bijection f permet, en
un sens, d’avoir deux points de vue différents sur le même objet ; et les formules
du type bab−1 , comme celle que l’on vient d’établir, interviennent justement
en mathématiques à chaque fois que, d’une façon ou d’une autre, on change
de point de vue sur objet fixé : pensez par exemple au changement de base en
algèbre linéaire.
(2.12) Applications affines à point fixe. Soit E un espace affine d’espace
directeur E, et soit ` une application linéaire de E dans E. Soit O un point de E .
En vertu de 2.7, il existe une unique application affine f de E dans E telle que
→
− −−→
f (O) = O et telle que f = ` ; elle est décrite par la formule M 7→ O + `(OM ) ;
−−−−−→ −−→
si l’on préfère, on peut écrire que Of (M ) = `(OM ) pour tout M ∈ E .
Soit g la vectorialisation de E en O. L’application de E dans E qui corres-
pond à f via la bijection g est g −1 ◦ f ◦ g ; c’est une application affine qui fixe
le point de E correspondant à O, à savoir 0E ; elle est donc linéaire, c’est-à-dire
qu’elle coı̈ncide avec son application linéaire associée, qui n’est autre que `.
Autrement dit, si une application affine f de E dans lui-même a un point fixe
O, la vectorialisation de E en O permet d’identifier f à son application linéaire
associée. Dit autrement, et de façon un peu imprécise, on peut considérer f
comme coı̈ncidant avec son application linéaire associée, centrée en O ; cette
→
− −−→
description est tout à fait cohérente avec la formule M 7→ O + f (OM ).
Une application affine à point fixe est ainsi relativement aisée à appréhender,
dans la mesure où l’on peut, pour l’étudier, se ramener par le procédé décrit
ci-dessus au cas d’une application linéaire.
(2.13) Il existe des applications affines d’un espace affine dans lui-même n’ad-
mettant pas de points fixes : pensez par exemple à une translation de vecteur
non nul. Cela dit, si f est une application affine d’un k-espace affine E dans
lui-même et si M ∈ E , il existe un unique couple (v, g) formé d’un vecteur v de
l’espace directeur E de E et d’une application affine g de E dans E fixant M tel
−−−−−→
que f = tv ◦ g (on a alors nécessairement v = M f (M )) : la preuve est mutatis
mutandis la même qu’au 2.4 ; on pourrait d’ailleurs également se ramener au
cas traité au 2.4 par vectorialisation en M .
Ainsi, toute application affine de E dans lui-même admet une écriture de la
forme tv ◦ g où v ∈ E et où g est une application affine de E dans E admettant
un point fixe. Cette décomposition est loin d’être unique : elle dépend du choix
de M fait plus haut, a priori arbitraire. Mais il arrive qu’il existe, parmi toutes
ces décompositions possibles, certaines qui soient meilleures que d’autres ; nous
verrons cela un peu plus loin.
19
se fait en algèbre linéaire, sur la théorie des matrices. La seule différence est
que les matrices des applications affines ont, à dimensions fixées des espaces de
départ et d’arrivée, une ligne et une colonne de plus que celles des applications
linéaires : c’est le prix à payer pour la prise en compte des termes constants.
(2.14) Soient E et F deux espaces affines de dimensions respectives m et n et
d’espaces directeurs respectifs E et F ; soit R = (O, e1 , . . . , em ) un repère de E
et soit S = (Ω, f1 , . . . , fn ) un repère de F .
(2.14.1) On sait qu’une application ` : E → F est linéaire si et seulement si
elle est donnée, en coordonnées dans P les basesP
(e1 , . . . , em ) P
et (f1 , . . . , fn ), par
une formule du type (x1 , . . . , xm ) 7→ ( a1j xj , a2j xj , . . . , anj xj ) où les aij
sont des scalaires. Le cas échéant, les aij sont uniquement déterminés, la matrice
(aij ) est appelée la matrice de ` dans les bases ((e1 , . . . , em ) et (f1 , . . . , fn ), et
elle est notée Mat(e1 ,...,em ),(f1 ,...,fn ) `.
(2.14.2) On sait par ailleurs qu’une application f de E dans F est affine si
et seulement si il existe une application linéaire ` de E dans F et un point M
de F tel que f (O + u) = M + `(u) pour tout u ∈ E ; si c’est le cas, on a alors
→
−
M = f (O) et ` = f (2.7).
Par conséquent, si f est une application affine de E dans F , si
X X X
(x1 , . . . , xm ) 7→ ( a1j xj , a2j xj , . . . , anj xj )
→
−
désigne la formule donnant f en coordonnées dans les bases (e1 , . . . , em ) et
(f1 , . . . , fn ), et si (b1 , . . . , bn ) désignent les coordonnées de f (O) dans S alors
f est donnée, en coordonnées dans les repères R et S , par la formule
X X X
(x1 , . . . , xm ) 7→ ( a1j xj + b1 , a2j xj + b2 , . . . , anj xj + bn ).
alors f est affine, f (O) a pour coordonnées (b1 , . . . , bn ) dans S (ce qui montre
→
−
que les bi sont uniquement déterminés) et f est donnée, en coordonnées dans
les bases (e1 , . . . , em ) et (f1 , . . . , fn ), par la formule
X X X
(x1 , . . . , xm ) 7→ ( a1j xj , a2j xj , . . . , anj xj ),
ce qui montre que les aij sont uniquement déterminés : ce sont les coefficients
→
−
de la matrice de f dans les bases (e1 , . . . , em ) et (f1 , . . . , fn ).
(2.14.3) Écriture matricielle. Elle repose sur une remarque très simple :
l’égalité
X X X
(y1 , . . . , yn ) = ( a1j xj + b1 , a2j xj + b2 , . . . , anj xj + bn )
20
peut se récrire
y1 x1
b1
. .
.
. .
A .
. = . ,
.
. .
bn
yn xm
0 . . 0 1
1 1
où A est la matrice de terme général (aij ). Il résulte de ce qui précède qu’une
application f : E → F est affine si et seulement si il existe une matrice A de
taille n × m et n scalaires (b1 , . . . , bn ) tels pour tout point M de E l’on ait, si
l’on note (x1 , . . . , xm ) ses coordonnées dans R et (y1 , . . . , yn ) les coordonnées
de f (M ) dans S , l’égalité
y1 x1
. b 1 .
.
.
.
. =
A .
. .
.
.
.
yn
bn
xm
0 . . 0 1
1 1
→
−
La matrice A est alors uniquement déterminée, c’est celle de f dans les bases
(e1 , . . . , em ) et (f1 , . . . , fn ) ; et les bi sont uniquement déterminés : ce sont les
coordonnées de f (O) dans S .
On dit que
b1
.
A .
.
bn
0 . . 0 1
est la matrice de f dans les repères R et S , et on la note MatR,S f . Remarquons
que MatR,R IdE = In+1
(2.14.4) Remarque. Soit f : E → F une application affine. La matrice
MatR,S f est la seule matrice B de taille (n + 1) × (m + 1) telle que
y1 x1
. .
. .
. = B. .
. .
yn xm
1 1
21
suffit pour s’en convaincre de s’assurer que l’ensemble des vecteurs de la forme
(x1 , . . . , xm , 1) contient une base de k m+1 , ce qui est facile : il suffit de prendre
22
la matrice
o01
.
0
P .
P :=
.
o0n
0 . . 0 1
où P est la matrice de passage de (e1 , . . . , em ) à (e01 , . . . , e0m ) (elle est de
0
composée f ◦ ga pour matrice dans R le produit (MatR f ).(MatR g), à savoir
La
4 −11 5
7 −16 15 . Cela signifie que f ◦ g est donnée par la formule
0 0 1
Soit maintenant R 0 le repère ((1, 2), (2, −1), (5, −3)) de R2 (là encore, le
premier couple est vu comme un point, les deux autres sont vus comme des
vecteurs). La matrice de passage P de R à R 0 est égale à
2 5 1
−1 −3 2 ,
0 0 1
23
et son inverse P −1 (que l’on peut calculer au moyen du pivot de Gauß, ou à
l’aide de la formule mettant en jeu la comatrice) à
3 5 −13
−1 −2 5 .
0 0 1
On a alors
10 11 49
MatR0 f = P −1 MatR f P = −3 −2 −19 ,
0 0 1
ce qui signifie que f est donnée en coordonnées dans le repère R 0 par la formule
(x, y) 7→ (10x + 11y + 49, −3x − 2y − 19).
F = {M ∈ E , ϕ1 (M ) = ϕ2 (M ) = . . . = ϕd (M ) = 0}
F = {M ∈ E , ϕ1 (M ) = λ1 et ϕ2 (M ) = λ2 et . . . et ϕd (M ) = λd }
24
u 7→ (→
−ϕ 1 (u), . . . , →
−
ϕ d (u)). Comme les →
−ϕ i sont linéairement indépendantes, cette
dernière application est surjective (son rang est exactement d). Il s’ensuit que
Φ est surjective. Dès lors, Φ−1 (λ1 , . . . , λd ), qui n’est autre que F , est non vide,
→
−
et c’est plus précisément un sous-espace affine de E dirigé par Ker Φ . Comme
→
−
E est de dimension n et comme l’image de Φ est égale à k d , la formule du rang
→
−
assure que Ker Φ est de dimension n − d ; par conséquent, F est de dimension
n − d.
Preuve de iii)⇒i). Supposons que iii) soit vraie et soit F l’espace directeur de
F ; on a donc F = M + F pour un certainM ∈ E . Comme F est de dimension
n−d, il résulte du cours d’algèbre linéaire qu’il existe d formes linéaires `1 , . . . , `d
sur E qui sont linéairement indépendantes et telles que F soit l’ensemble des
vecteurs en lesquels toutes les `i s’annulent. Pour tout i, soit ϕi la forme affine
sur E telle que → −
ϕ = `i et telle que ϕi (M ) = 0. Si N ∈ E alors N ∈ F si et
−−→ i −−→
seulement si M N ∈ F , c’est-à-dire si et seulement si `i (M N ) = 0 pour tout i.
→
−
Comme `i = ϕi , cela revient à demander que ϕi (N ) = ϕi (M ) = 0 pour tout i,
et i) est donc vérifiée.
(2.21.1) Remarque. Lorsque i) ou ii) est satisfaite, l’espace directeur de F est
le sous-espace vectoriel de E défini comme l’ensemble des vecteurs u tels que
→
−
ϕi (u) = 0 pour tout i : on l’a établi au cours de la preuve de ii⇒iii).
(2.21.2) Exemple. Soit F le sous-ensemble de R3 défini comme l’ensemble des
triplets (x, y, z) tels que
2x − y + z = 7 et x − 5y + 11z = 8.
Les formes linéaires (x, y) 7→ 2x−y +z et (x, y) 7→ x−5y +11z étant visiblement
linéairement indépendantes, F est un sous-espace affine de R3 de dimension
3 − 2 = 1 ; son espace directeur est l’ensemble des triplets (x, y, z) tels que
2x − y + z = 0 et x − 5y + 11z = 0.
25
(2.23) Les projections affines. Donnons-nous deux sous-espaces vectoriels
F et G de E tels que E = F ⊕ G et soit π la projection de E sur G parallèlement
à F ; rappelons que π est l’application linéaire de E dans lui-même qui envoie
un vecteur u = uF + uG sur uG . On peut caractériser F comme le noyau de
|{z} |{z}
∈F ∈G
π, et G comme son image, mais aussi comme son sous-espace propre associé à
la valeur propre 1.
Soit O ∈ E et soit G le sous-espace affine O+G de E . Si M ∈ E , l’intersection
de G et de M + F est un singleton {p(M )} : en effet comme F + G = E cette
intersection est non vide, et est donc un sous-espace affine de E dirigé par
F ∩ G = {0}, c’est-à-dire un singleton.
L’application p est l’application affine fixant O et d’application linéaire as-
−−→
sociée π. En effet, soit M ∈ E ; écrivons OM = uF + uG avec uF ∈ F et
−−→
uG ∈ G. Si N désigne le point O + uG on a ON = uG ∈ G, et donc N ∈ G ; et
−−→
N M = uF ∈ F , et donc N ∈ M + F ; par conséquent, N = p(M ). Autrement
−−→
dit, p(M ) = O + uG = O + π(uF + uG ) = O + π(OM ), d’où notre assertion.
On dit que p est la projection sur G parallèlement à F . L’ensemble des points
fixes de p coı̈ncide par sa définition même avec G .
(2.24) Les symétries affines. On suppose, pour ce paragraphe, que k est de
caractéristique différente de 2. Donnons-nous deux sous-espaces vectoriels F et
G de E tels que E = F ⊕G et soit σ la symétrie par rapport à G et parallèlement
à F ; rappelons que σ est l’application linéaire de E dans lui-même qui envoie
un vecteur u = uF + uG sur −uF + uG . On peut caractériser F (resp. G)
|{z} |{z}
∈F ∈G
comme le sous-espace propre de σ associé à la valeur propre −1 (resp. 1).
(2.25) Nous avons signalé plus haut l’intérêt de travailler avec des applications
affines admettant un point fixe. La proposition ci-dessous, après avoir donné une
description générale de l’ensemble F des points fixes d’une application affine
26
f d’un espace affine E de dimension finie dans lui-même, donne une condition
suffisante pour que F soit non vide : lorsque E est de dimension finie, c’est le
→
−
cas dès que 1 n’est pas valeur propre de f , et F est alors un singleton.
(2.26) Proposition. Soit E un k-espace affine d’espace directeur E, soit f :
E → E une application affine, et soit F l’ensemble de ses points fixes.
i) L’ensemble F est ou bien vide, ou bien un sous-espace affine de E dirigé
→
−
par Ker ( f − Id).
→
−
ii) Si f − Id est surjective, alors F 6= ∅.
→
−
iii) Si f − Id est bijective, alors F est un singleton.
Si E est de dimension finie, l’hypothèse de iii) est équivalente à celle de ii),
→
−
et revient à demander que 1 ne soit pas valeur propre de f .
→
−
Démonstration. Soit g l’application de E dans E qui envoie un point x sur
−−−→
xf (x) = f (x) − x ; l’ensemble F est alors égal à g −1 (0). Si x ∈ E et si u ∈ E
on a
→
− →
−
g(x + u) = f (x + u) − (x + u) = f (x) − x + f (u) − u = g(x) + ( f − Id)(u).
→
−
Par conséquent, g est affine d’application linéaire associée f − Id.
Il s’ensuit que F est ou bien vide, ou bien un sous-espace affine de E dirigé
→
−
par Ker → −g = Ker ( f − Id), d’où i).
→
−
Si →−
g = f − Id est surjective, alors g est surjective et F = g −1 (0) est dès
→
−
lors non vide, d’où ii). Et si →
−
g = f − Id est bijective, alors g est bijective et
F = g (0) est dès lors un singleton, d’où iii).
−1
27
strictement positive : s’il y a un point fixe, il y en a donc beaucoup (une infinité
si le corps k lui-même est infini).
(2.28) Une application de cette proposition. Soit E un k-espace affine et soit
→
−
f une application affine de E dans E telle que f soit égale à λId où λ est un
→
−
scalaire non nul et différent de 1. L’application f −Id étant égale à (λ−1)Id, elle
est bijective ; par conséquent, f a un unique point fixe O, et est donc l’homothétie
de centre O et de rapport λ.
Appliquons ceci à l’étude de la composée de deux homothéties h et h0 de E
−−−→ → − → −
de centres et rapports respectifs O, λ, O0 et λ0 . Comme h ◦ h0 = h ◦ h0 = λλ0 Id,
deux cas se présentent.
(2.28.1) Le cas où λλ0 6= 1. La composée h0 ◦ h est alors, en vertu de ce qui
précède, une homothétie de rapport λλ0 , et le centre Ω de h ◦ h0 est son unique
point fixe. On a donc h(h0 (Ω)) = Ω, soit encore
−→ −−−−→ −−→ −−−−−→ −−→ −−−→
OΩ = λOh0 (Ω) = λ(OO0 + O0 h0 (Ω)) = λ(OO0 + λ0 O0 Ω)
−−→ −−→ −→
= λ(OO0 + λ0 O0 O + λ0 OΩ).
On a donc −−→
−→
(1 − λλ0 )OΩ = λ(1 − λ0 )OO0 ,
c’est-à-dire
−→ λ(1 − λ0 ) −−→0
OΩ = OO .
1 − λλ0
On vérifie que Ω = O (resp. Ω = O0 ) si et seulement si O = O0 ou λ0 = 1 (resp.
O = O0 ou λ = 1) ; en général, Ω est situé sur la droite (OO0 ).
−−−→
(2.28.2) Le cas où λλ0 = 1. La composée h ◦ h0 est alors l’identité et h ◦ h0 est
donc une translation ; son vecteur se calcule à partir de l’image de n’importe
−−→
quel point ; en considérant celle de O0 , on voit qu’il est égal à (λ − 1)OO0 ; il est
donc non nul si et seulement si λ 6= 1 et O 6= O0 .
(2.29) Le théorème suivant peut sembler un peu mystérieux, notamment à
cause du caractère très technique de son hypothèse principale ; son intérêt de-
viendra clair lorsque nous étudierons, un peu plus tard, les isométries d’un espace
affine euclidien.
(2.30) Théorème. Soit E un espace affine, soit E son espace directeur et soit
f une application affine de E dans E . Supposons que
→
− →
−
E = Ker ( f − Id) ⊕ Im ( f − Id).
→
−
Il existe alors un unique couple (u, g) où u ∈ Ker ( f − Id) et où g est une
application affine de E dans E ayant un point fixe tel que f = tu ◦ g ; de plus,
on a alors g ◦ tu = tu ◦ g = f .
Démonstration. Commençons par l’unicité. Soit donc (u, g) un couple solu-
→
−
tion du problème ; on a alors →
−
g = f . Soit O un point fixe de g (il en existe un
par hypothèse) et choisissons un point M dans E . On a les égalités
−−→ →
− −−→
f (M ) = g(M ) + u = O + →
−
g (OM ) + u = O + f (OM ) + u,
28
−−−−−→ → − −−→
soit encore Of (M ) = f (OM ) + u, c’est-à-dire
−−−−−→ → − −−→ −−→ →
− −−→
M f (M ) = f (OM ) − OM + u = ( f − Id)(OM ) + u.
→
− →
− −−→ →
−
Or u ∈ Ker ( f − Id) et ( f − Id)(OM ) ∈ Im ( f − Id). Par conséquent, u
−−−−−→ →
−
est nécessairement la projection de M f (M ) sur Ker ( f − Id) parallèlement à
→
−
Im ( f − Id), ce qui montre l’unicité de u ; celle de g s’en déduit via la formule
g = t−u ◦ f .
Montrons maintenant l’existence de (u, g) ; on va pour ce faire s’inspirer de ce
qui a été fait pour en prouver l’unicité. On part donc d’un point M quelconque
−−−−−→ →
−
de E , et l’on appelle u le projeté de M f (M ) sur Ker ( f − Id) parallèlement à
→
− →
−
Im ( f − Id) ; c’est un élément de Ker ( f − Id). On pose g = t−u ◦ f , et l’on a
donc f = tu ◦ g ; il suffit maintenant de s’assurer que g a un point fixe.
−−−−−→ →
−
Par définition de u, il existe un vecteur v tel que M f (M ) = ( f − Id)(v) + u.
En s’inspirant encore de la preuve de l’unicité, au cours de laquelle on avait une
−−→
égalité de ce type avec v = OM , on pose O = M − v, et l’on va vérifier que
g(O) = O.
On a
→
−
g(O) = t−u (f (O)) = −u + f (M − v) = −u + f (M ) − f (v).
−−−−−→ →
−
Par ailleurs, l’égalité M f (M ) = ( f − Id)(v) + u assure que
→
−
f (v) = f (M ) − M + v − u,
et l’on a donc
g(O) = −u + f (M ) − f (M ) + M − v + u = M − v = O,
29
ii) il existe un supplémentaire S de Ker ` dans E qui est stable par `.
De plus si ii) est vérifiée alors S est nécessairement égal à Im `.
Démonstration. Si i) est vraie alors ii) est vraie avec S = Im `. Supposons
maintenant que ii) est vraie ; nous allons montrer que S = Im `, ce qui permettra
de conclure.
Soit u ∈ E ; écrivons u = v + w avec v ∈ Ker ` et w ∈ S. On a alors
`(u) = `(v) + `(w) = `(w) (puisque v ∈ Ker `). Comme S est stable sous `, le
vecteur `(w) appartient à S. On a donc `(u) ∈ S pour tout u ∈ E ; autrement
dit, Im ` ⊂ S.
L’espace E est de dimension finie ; on a donc d’une part
et d’autre part dim Im ` = dim E − dim Ker ` par le théorème du rang. Les
espaces Im ` et S ont ainsi même dimension, et l’inclusion Im ` ⊂ S entraı̂ne
dès lors l’égalité Im ` = S.
Démonstration. Soit u ∈ E et M ∈ E . On a
X
ϕ(M + u) = αi (Ai − (M + u))
X X −−−→ X
= αi (Ai − M − u) = αi (M Ai) − ( αi )u.
30
Par conséquent, ϕ est affine et →− P
ϕ (qui va de E dans E) est égale à (− αi )IdE .
αi = 0 alors →
−
P
Si ϕ est nulle P et ϕ est constante, d’où 1).
Supposons maintenant que αi 6= 0. L’application →
−
ϕ est alors bijective, et
ϕ l’est par conséquent aussi ; il s’ensuit que 0 a un unique antécédent par ϕ, que
l’on note G. Si M ∈ E alors
−−→ −−→ −−→
ϕ(M ) = ϕ(G) + → −
X X
ϕ (GM ) = 0 − ( αi )GM = ( αi )M G,
On utilisera très souvent cette remarque, par exemple pour se ramener au cas
où la sommes des αi vaut 1, qui présente un intérêt particulier (cf. 3.3.4 infra).
(3.3.3) Associativité du barycentre. Soient I et J deuxP sous-ensembles
P disjoints
de {1, . . . , n} tels que {1, . . . , n} = I ∪ J et tels que αi 6= 0 et αi 6= 0 ;
i∈I i∈J
soit GI (resp.
GJ ) le barycentre de ((Ai , αi ))i∈I (resp. ((Ai , αi ))i∈J ) ; on a alors
P P
G = Bar (GI , αi ), (GJ , αi ) . En effet, on a
i∈I i∈J
X −−→ X −−−→
( αi )GGI + ( αi )GGJ
i∈I i∈J
X −−→ X −−→
= αi GAi + αi GAi
i∈I i∈J
31
P P
En particulier,
P si αi = 1 on a G = αi Ai .
αi Ai même lorsque E
P
Lorsque αi = 1, l’on s’autorisera à écrire G =
n’est pas un espace vectoriel, la remarque précédente garantissant que cet abus
sera sans conséquence.P P
Mais attention : si αi 6= 1 la notation αi Ai dans le cadre de la géométrie
affine peut être source de graves confusions et est de ce fait à proscrire.
(3.3.5) Modulo l’abus de notation évoqué au P 3.3.4 ci-dessus, l’associativité du
barycentre peut se Précrire commePsuit lorsque αi = 1 : si β (resp. γ) désigne
le scalaire non nul αi (resp. αi ) alors β + γ = 1 et
i∈I i∈J
X αi X αi
G=β Ai + γ Ai .
β γ
i∈I i∈J
n n
X −−−→ X −−−→
⇐⇒ ( αi )M A0 + α i A0 Ai = 0
i=0 i=1
| {z }
=1
n
−−−→ X −−−→
⇐⇒ A0 M = αi A0 Ai .
i=1
32
(3.5) Corollaire. Soit E un k-espace affine, soit n un entier et soit (A0 , . . . , An )
une famille de points de E . Le sous-espace affine hA0 , . . . , An i de E est l’en-
semble des points de la forme Bar ((A0 , α0 ), . . . , (An , αn )), où (αi ) est une fa-
mille de scalaires de somme non nulle.
Démonstration. Soit M ∈ E . Si M ∈ h(A0 , α0 ), . . . , (An , αn )i il existe une
n
−−−→ P −−−→
famille (α1 , . . . , αn ) de scalaires telle que A0 M = αi A0 Ai .
i=1
n
P n
P
Posons α0 = 1 − αi ; on a αi = 1, et l’on déduit alors du lemme 3.4
i=1 i=0
ci-dessus l’égalité M = Bar ((A0 , α0 ), . . . , (An , αn )).
Réciproquement, supposons que M = Bar ((A0 , α0 ), . . . , (An , αn )) pour une
certaine famille (αi ) de scalaires de somme non nulle. Quitte à les diviser tous
P P −−−→
par αi , on peut supposer que αi = 1 ; le lemme 3.4 assure alors que A0 M
n
P −−−→
est égal à αi A0 Ai et M appartient donc bien à hA0 , . . . , An i.
i=1
33
L’on a
1 1 1 2 1 1 1 2 1
G= A+ B+ = A+ B + C = C 0 + C.
3 3 C 3 2 2 3 3 3
Ainsi G s’exprime-t-il comme un barycentre de C et C 0 ; il est donc situé sur
le sous-espace affine qu’ils engendrent, à savoir la droite (CC 0 ) ; de même, G
est situé sur (AA0 ) et (BB 0 ) ; il en résulte que les médianes du triangle (ABC)
concourent en G.
Plus généralement, on montre le résultat suivant, exactement de la même
manière : soit n un entier tel que n et n + 1 soient non nuls dans k, et soit
(A0 , . . . , An ) une famille de points affinement indépendants de E . Soit G leur
isobarycentre ; pour tout i, notons Bi l’isobarycentre de la famille (Aj )j6=i . Les
1 n
droites (Ai Bi ) concourent alors en G ; pour tout i, l’on a G = n+1 Ai + n+1 Bi .
(3.8) Attention. L’hypothèse que n + 1 est non nul dans k est indispensable
pour parler de l’isobarycentre de n + 1 points ; dans le cas contraire, l’isobary-
centre n’est pas défini. Par exemple, supposons que k soit de caractéristique 2
et soient A et B deux points distincts de E . Pour tout point M de E , l’on a
−−→ −−→ −−→ −−→ −−→ −−→ −−→
M A + M B = M A − M B (puisque 1 = −1 dans k), et donc M A + M B = AB ;
−−→ −−→
par conséquent, M A + M B n’est jamais nul et l’on voit ainsi directement (sans
avoir à utiliser la théorie générale du barycentre) qu’il n’existe pas de milieu de
(AB) dans ce cas.
Vous pouvez vous demander ce qu’il advient des médianes d’un triangle si k
est de caractéristique 3 : elles sont en effet bien définies (les milieux des côtés
existent alors puisque 2 6= 0 dans k), mais l’isobarycentre du triangle, lui, ne
l’est pas. Vous pouvez regarder ce qui se passe sur un exemple explicite : vous
constaterez que les médianes sont alors ... parallèles ! . Moralement, cela corres-
pond à dire que l’isobarycentre d’un triangle en caractéristique 3 est rejeté à
l’infini, expression à laquelle on peut donner un sens précis dans le cadre de la
géométrie projective.
34
n
P
On en déduit, en utilisant à nouveau le lemme 3.4, que f (G) = αi f (Ai ).
i=0
Réciproquement, supposons que ii) soit vérifiée, et fixons M ∈ E . Soit `
l’application de E dans F qui envoie un vecteur u sur f (M + u) − f (M ), soient
u et v deux vecteurs de E et soit λ ∈ k. Soient N, N 0 et N 00 les points M +u, M +v
−−−→ −−→ −−−→
et M + u + λv. On a M N 00 = M N + λM N 0 . Comme (−λ) + 1 + λ = 1 il s’ensuit,
en vertu du lemme 3.4, que N 00 = −λM + N + λN 0 . En vertu de l’hypothèse 2),
on a alors f (N 00 ) = −λf (M ) + f (N ) + λf (N 0 ). À nouveau grâce au lemme 3.4,
il vient −−−−−−−−→ −−−−−−−−→
−−−−−−−→
f (M )f (N 00 ) = f (M )f (N ) + λf (M )f (N 0 ).
Par définition de `, cela signifie que `(u+λv) = `(u)+λ`(v). Ainsi, ` est linéaire,
et comme on a f (M + u) = f (M ) + `(u) pour tout u, l’application f est affine,
d’application linéaire associée `.
(3.10) Corollaire. Soient E et F deux k-espaces affines et soit f une appli-
cation affine de E dans F . Soit (A0 , . . . , An ) une famille finie de points de E .
L’image par f du sous-espace affine hA0 , . . . , An i de E est égale au sous-espace
affine hf (A0 ), . . . , f (An )i de F .
Démonstration. On sait que f (hA0 , . . . , An i) est un sous-espace affine de F ,
et il contient évidemment les f (Ai ) ; par conséquent,
35
(3.11.1) Définition.P Si M ∈ E et si (αP 0 , . . . , αi ) est l’unique (n + 1)-uplet
de scalaires tel que αi = 1 et M = αi Ai , on dira que les αi sont les
coordonnées barycentriques de M dans le repère (A0 , . . . , An ).
(3.11.2) Soit E un k-espace affine de dimension finie et soit (A0 , . . . , An ) un
repère affine de E . L’application qui envoie un point M sur la liste de ses co-
ordonnées barycentriques dans (A0 , . . . , An ) induit unePbijection de E sur le
sous-ensemble de k n+1 formé des P (α0 , . . . , αn ) tels que αi = 1 ; la bijection
réciproque est (α0 , . . . , αn ) 7→ αi Ai . Nous verrons un peu plus bas que cette
bijection est affine (3.14).
(3.11.3) Coordonnées barycentriques et coordonnées cartésiennes. Soit M ∈ E
et soit i ∈ {0, . . . , n}. Les faits suivants résultent du lemme 3.4 (et ont servi au
cours de la preuve de la proposition 3.11 ci-dessus avec i = 0) :
• si α0 , . . . , αn sont les coordonnées barycentriques de M dans (A0 , . . . , An ),
−−−→
ses coordonnées cartésiennes dans (Ai , Ai Aj )06j6n,j6=i sont les αj pour j 6= i ;
• si (λj )06j6n,j6=i est la famille des coordonnées cartésiennes de M dans
−−−→ P
(Ai , Ai Aj )06j6n,j6=i alors αj = λj pour tout j 6= i et αi = 1 − λj .
06j6n,j6=i
36
Il s’ensuit que si les (Ai ) forment un repère affine et si les λi sont non tous
nuls
alors les coordonnées
barycentriques de M dans le repère (A0 , . . . , An ) sont
λ
P ,..., P λ
λi .
0 n
λi
37
d’un point comme des coordonnées plus classiques ; ce sera très utile pour com-
prendre l’aspect que peuvent revêtir certaines formules ou certaines équations
en coordonnées barycentriques, puisque cela permettra pour ce faire se ramener
au cas de formules ou d’équations dans un contexte plus habituel.
(3.14) Soit E un espace affine de dimension finie sur k, soit E son espace
directeur et soit (A0 , . . . , An ) un repère affine de E . Pour tout i compris entre 0 et
1 , 0, . . . , 1) de k n+1 ; soit H l’hyperplan
n, notons Bi l’élément (0, 0, . . . , 0, |{z}
au rang i
de k n+1 d’équation xi = 1 ; notons que chacun des Bi appartient à H .
P
38
peut étendre cette application à k n+1 tout entier (avec la même définition) ; elle
prend alors ses valeurs dans k n+1 , et est toujours constante (puisque µj = 0).
P
Pour connaı̂tre sa valeur, il suffit donc de la tester en P = (0, . . . , 0) ; on trouve
X X X
µj f (Mj ) = ( µj λ1,j , . . . , µj λn,j ).
j j
P P
Le vecteur cherché est donc égal à ( µj λ1,j , . . . , µj λn,j ).
j j
P
Cette formule justifie l’abus de notation suivant : on écrira u = µj Mj .
Notons deux cas particuliers importants.
Le cas où m = 1, où µ0 = −1 et où µ1 = 1. Le vecteur u est alors égal à la
−−−→ −−−→ −−−−→
valeur constante de l’application N 7→ −N M0 + N M1 , soit à M0 M1 ; la notation
abusive que nous venons d’introduire consiste à écrire u = M1 − M0 ..., ce que
nous nous permettions déjà de faire depuis le début de ce cours.
P
Le cas où l’on prend m = n et Mi = Ai pour tout i. L’image de u = µi Ai
dans H n’est alors autre, d’après ce qui précède, que le (n+1)-uplet (µ0 , . . . , µn ).
Ainsi, l’identification entre E et H admet la descriptionP concrète suivante :
si (µ0 , . . . , µn ) ∈ H, le vecteur de E qui lui correspond est µi Ai , c’est-à-dire
P −−−→
la valeur constante de l’application M 7→ µi M Ai .
(3.14.3) Quelques exemples de mise en œuvre des formules qui précèdent. Soit
(A, B, C) un repère affine d’un plan affine P sur k dont on note P l’espace direc-
teur ; supposons que k est de caractéristique différente de 2 et 3. Soit A0 (resp. B 0 ,
resp. C 0 ) le point de coordonnées barycentriques (3, 2, −4) (resp. (1/2, 1/4, 1/4),
resp. (1/2, 1, −1/2)) dans le repère (A, B, C). Il existe une unique application
affine de P dans P envoyant A sur A0 , B sur B 0 et C sur C 0 . Si G désigne
l’isobarycentre de (A, B, C) alors G = 31 A + 13 B + 13 C ; par conséquent
1 0 1 0 1 0
f (G) = A + B + C.
3 3 3
Les coordonnées barycentriques de f (G) dans le repère (A, B, C) sont égales à
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11
.3 + . + . , .2 + . + , − .4 + . − ,
3 3 2 3 2 3 3 4 3 3 3 4 32
4 13 −17
soit à , , .
3 12 12
Le choix du repère barycentrique (ABC) induit une identification entre P et
l’ensemble des triplets (x, y, z) d’éléments de k tels que x + y + z = 0. Modulo
−−−→
cette identification, le vecteur A0 B 0 = B 0 − A0 est égal au triplet
1 1 1 −5 −7 17
− 3, − 2, + 4 = , , .
2 4 4 2 4 4
39
affine de k 3 d’équation x + y + z = 1, et H son espace directeur qui n’est autre
que le plan vectoriel de k 3 d’équation x+y +z = 0 ; on désigne par f la bijection
affine P ' H qui envoie xA + yB + zC (avec x + y + z = 1) sur (x, y, z). Nous
allons nous intéresser aux droites affines de H , puis rapatrierons nos résultat sur
P grâce à f . Dans tout ce qui suit, nous utiliserons implicitement la proposition
1.11, dans le cas très simple de la configuration de deux plans dans un espace
de dimension 3.
(3.15.1) Soit D une droite de H . Le sous-espace affine F de k 3 engendré
par D et le point (0, 0, 0) (lequel n’appartient pas à H ) est de dimension 2 et
son intersection avec H est égale à D ; notons que F est un plan vectoriel (il
contient l’origine), non parallèle à H puisqu’il l’intersecte.
Réciproquement, soit F un plan vectoriel de k 3 non parallèle à H . Son
intersection avec H est alors une droite D ; le sous-espace affine de k 3 engendré
par D et (0, 0, 0) est un plan, qui coı̈ncide nécessairement avec F .
Ainsi, F 7→ F ∩ H établit une bijection entre l’ensemble des plans vectoriels
de k 3 non parallèles à H et celui des droites affines de H ; la bijection réciproque
envoie une droite D sur le plan vectoriel engendré par D et l’origine. Si F est
un plan vectoriel de k 3 non parallèle à F , il coı̈ncide avec son propre espace
directeur ; l’espace directeur de la droite F ∩ H est donc égal à F ∩ H.
Se donner un plan vectoriel F de k 3 revient à se donner une forme linéaire
non nulle ϕ, à un scalaire non nul près, le lien entre les deux étant l’égalité
F = Ker ϕ ; un tel plan F est parallèle à H si et seulement si il coı̈ncide
avec H, donc si et seulement si la forme ϕ correspondante (qui n’est bien
déterminée qu’à un scalaire non nul près) est colinéaire à x + y + z.
Par conséquent, un sous-ensemble D de H en est une droite affine si et seule-
ment si il peut être défini, en tant que sous-ensemble de H , par une équation
de la forme ϕ = 0, où ϕ est une forme linéaire non colinéaire à x + y + z ; et
deux telles formes ϕ et ψ définissent la même droite de H si et seulement si
elles sont colinéaires.
Attention. C’est en tant que sous-ensemble de H qu’une droite D est définie
par une équation de la forme ϕ = 0, avec ϕ comme ci-dessus ; cela veut dire
que D est l’ensemble des points N de H tels que ϕ(N ) = 0 ; en tant que sous-
ensemble de k 3 , la droite D est donc définie par les deux équations ϕ = 0 et
x + y + z = 1.
Remarque. Si N ∈ H et si ϕ est une forme linéaire non nulle telle que
ϕ(N ) = 0 alors ϕ n’est pas colinéaire à x + y + z, puisque cette dernière vaut 1
en N par définition de H . Par conséquent, si P et P 0 sont deux points distincts
de H et si ϕ est une forme linéaire non nulle telle que ϕ(P ) = ϕ(P 0 ) = 0,
alors comme ϕ n’est pas colinéaire à x + y + z d’après ce qui précède, ϕ = 0 est
l’équation d’une droite de H , qui est nécessairement la droite (P P 0 ) puisqu’elle
contient P et P 0 .
(3.15.2) Position relative de deux droites de H . Soient D et D 0 deux droites
de H , définies, en tant que sous-ensembles de H , par les équations ϕ = 0 et
ϕ0 = 0, où ϕ = ax + by + cz et ϕ0 = a0 x + b0 y + c0 z sont deux formes linéaires
non colinéaires à x + y + z. Par ce qui précède, on sait que D et D 0 coı̈ncident
si et seulement si ϕ et ϕ0 sont colinéaires.
40
Étudions maintenant à quelles conditions sur ϕ et ϕ0 les droites D et D 0
sont parallèles. Soient F et F 0 les plans vectoriels de k 3 d’équations respectives
ϕ = 0 et ϕ0 = 0 ; on a F ∩ H = D, et F 0 ∩ H = D 0 . Posons D = F ∩ H, et
D0 = F 0 ∩ H ; notons que D et D0 sont des droites vectorielles du plan vectoriel
H ; ce sont les directions respectives de D et D 0 . L’intersection F ∩ F 0 ∩ H est
égale à D ∩ D0 ; elle est donc ou bien égale à {0} si D 6= D0 , ou bien à D (et à
D0 ) si D = D0 .
Les droites D et D 0 sont parallèles si et seulement elles ont même direction,
donc si et seulement si D = D0 ; cela se produit, par ce qui précède, si et
seulement si F ∩ F 0 ∩ H est non nul. Ces trois plans étant respectivement définis
par les équations ax + by + cz = 0, a0 x + b0 y + c0 z = 0, et x + y + z = 0, leur
intersection est non nulle si et seulement si la matrice
a b c
a0 b0 c0
1 1 1
ϕ, ϕ0 et ϕ00 sont deux à deux non colinéaires, les plans F, F 0 et F 00 sont deux
à deux distincts. Posons D = F ∩ H, D0 = F 0 ∩ H et D00 = F 00 ∩ H. Notons
que D, D0 et D00 sont des droites vectorielles du plan vectoriel H ; ce sont les
directions respectives de D, D 0 et D 00 .
Nous allons montrer que les droites D, D 0 et D 00 sont parallèles ou concou-
rantes si et seulement si
a b c
a0 b0 c0
a00 b00 c00
a un déterminant nul. Pour cela, notons que cette dernière condition revient
à dire que cette matrice a un noyau non nul, ou encore que l’intersection des
noyaux de ϕ, ϕ0 et ϕ00 est non nulle ; autrement dit, cela revient à demander
que F ∩ F 0 ∩ F 00 soit non nul ; si c’est le cas, c’est alors forcément une droite
vectorielle, puisque F, F 0 et F 00 sont deux à deux distincts.
Supposons que F ∩ F 0 ∩ F 00 est non nul. C’est alors une droite vectorielle ∆.
Si ∆ rencontre H alors ∆ ∩ H est un singleton {P }, et P appartient à
F ∩ F 0 ∩ F 00 ∩ H , c’est-à-dire à D ∩ D 0 ∩ D 00 : les trois droites D, D 0 et D 00 sont
donc concourantes.
Si ∆ ne rencontre pas H elle est parallèle à H , c’est-à-dire contenue dans
H. C’est donc une droite contenue dans F ∩ H = D, dans F 0 ∩ H = D0 et dans
F 00 ∩ H = D00 ; on a donc ∆ = D = D0 = D00 . Les trois droites D, D 0 et D 00 ont
dès lors même direction ; autrement dit, elles sont parallèles.
41
Supposons que D ∩ D 0 ∩ D 00 sont parallèles ou concourantes.
Si elles sont parallèles, on a D = D0 = D00 , et F ∩ F 0 ∩ F 00 contient donc la
droite D (= D0 , = D00 ), et est en particulier non nul.
Si elles sont concourantes, soit P leur point de concours ; il appartient à
F ∩ F 0 ∩ F 00 , lequel est alors non nul.
On a donc bien établi l’équivalence requise.
(3.15.4) Revenons au plan affine P muni de son repère affine (A, B, C). La
bijection affine P ' H permet de traduire tout ce que nous venons de faire
dans le langage des coordonnées barycentriques ; on obtient plus précisément les
énoncés qui suivent ; jusqu’au 3.16.3, les équations et familles de coordonnées
sont à comprendre au sens des coordonnées barycentriques dans (A, B, C).
1) Une partie D de P en est une droite si et seulement si elle est définie
par une équation de la forme ϕ = 0, où ϕ est une forme linéaire non colinéaire
à x + y + z ; si c’est le cas, ϕ est uniquement déterminée par D à un scalaire
non nul près. Quand on parlera d’une équation de droite dans la suite, il sera
toujours sous-entendu qu’elle est de ce type.
2) Si D est une droite de P d’équation ax + by + cz = 0 alors son espace
directeur D, vu comme un sous-espace vectoriel de H via l’identification P ' H,
est simplement le sous-espace vectoriel de H d’équation ax + by + cz = 0 ou
encore, si l’on préfère, le sous-espace vectoriel de k 3 d’équations
x + y + z = 0 et ax + by + cz = 0.
42
en coordonnées barycentriques est une forme un peu cachée), de donner un
sens rigoureux à ces affirmations. Notez qu’elles ont un certains sens physique :
deux rayons lumineux nous parvenant de la même source très lointaine nous
apparaissent parallèles ; c’est pour cela que lorsqu’on veut photographier un
objet un peu éloigné, on fait le plus souvent une mise au point à l’infini,
ce qui revient à régler les lentilles comme si les rayons parvenant de l’objet
arrivaient tous avec exactement la même direction.
(3.15.5) Un critère d’indépendance affine. Soient P0 , P1 , P2 trois points de P
de coordonnées respectives (x0 , y0 , z0 ), (x1 , y1 , z1 ) et (x2 , y2 , z2 ). Les trois points
P1 , P2 et P3 sont alors affinement indépendants si et seulement si
x0 x1 x2
y0 y1 y2 6= 0.
z0 z1 z2
En effet, dire qu’ils ne sont pas affinement indépendants équivaut à dire qu’ils
sont contenus dans une même droite, et donc (points 1) et 3) ci-dessus) qu’il
existe une forme linéaire ϕ non nulle telle que ϕ(xi , yi , zi ) = 0 pour tout i
appartenant à {0, 1, 2} ; mais cette dernière assertion est vraie si et seulement si
x0 x1 x2
y0 y1 y2 = 0,
z0 z1 z2
(3.16) Exemples.
(3.16.1) La droites menée par un sommet et parallèle au côté opposé. La droite
(BC) passe par B et C, dont les coordonnées sont (0, 1, 0) et (0, 0, 1). Comme
ces deux triplets vérifient l’équation x = 0, la droite d’équation x = 0 est égale
à (BC). De même, (AB) a pour équation z = 0, et (AC) a pour équation y = 0.
Soit DA la droite passant par A et parallèle à (BC) ; on définit de manière
analogue DB et DC . La droite DA possède une équation de la forme ax+by+cz =
0, où (a, b, c) est un triplet non colinéaire à (1, 1, 1), qui est bien déterminé à un
scalaire non nul près. En écrivant que A est sur la droite en question, on voit
que a = 0. Pour trouver b et c, on utilise le critère de parallélisme donné plus
haut : comme DA est parallèle à (BC) dont l’équation est x = 0, le déterminant
0 b c
1 0 0
1 1 1
doit être nul, ce qui signifie que b = c ; une équation de DA est donc y + z = 0.
De même, une équation de DB est x + z = 0, et une équation de DC est
x + y = 0. Il en résulte par un calcul immédiat que l’intersection de DA et DB
est un singleton {C 0 }, les coordonnées de C 0 étant (1, 1, −1) (rappelons que la
somme des coordonnées barycentriques d’un point est toujours être égale à 1).
De même, DA ∩ DC est un singleton B 0 , de coordonnées (1, −1, 1), et DB ∩ DC
est un singleton A0 , de coordonnées (−1, 1, 1).
43
Si la caractéristique de k est 2, les trois points A0 , B 0 et C 0 coı̈ncident (ils ont
tous pour coordonnées (1, 1, 1)) : les droites DA , DB et DC sont alors concou-
rantes.
Le déterminant
1
1 −1
1
−1 1
−1 1 1
est égal à -4 ; lorsque k est de caractéristique différente de 2, il est non nul et les
trois points A0 , B 0 et C 0 sont donc affinement indépendant et forment de ce fait
un vrai triangle, et l’on remarque que 21 B 0 + 12 C 0 a pour coordonnées (1, 0, 0)
et est donc égal à A ; autrement dit, A est le milieu de (B 0 C 0 ) ; de même, B est
le milieu de (A0 C 0 ) et C est le milieu de (A0 B 0 ) ; on retrouve ainsi avec très peu
de calculs un résultat classique.
(3.16.2) Médianes d’un triangle. On suppose que la caractéristique de k est
différente de 2. On désigne maintenant par A0 (resp. B 0 , resp. C 0 ) le milieu de
BC (resp. AC, resp. AB). La droite (AA0 ) passe par A et A0 de coordonnées
respectives (1, 0, 0) et (0, 1/2, 1/2). Comme ces deux points sont situés sur la
droite d’équation y − z = 0, celle-ci n’est autre que (AA0 ) ; de même, x − z = 0
est une équation de (BB 0 ), et x − y = 0 une équation de (CC 0 ). Comme le
déterminant formé à partir des équations des trois médianes, à savoir
1 −1 0
0 1 −1 ,
1 0 −1
Par conséquent, les droites (AA0 ), (BB 0 ) et (CC 0 ) sont parallèles ou concou-
rantes si et seulement si νB λC µA = µC νA λB .
44
Supposons que A0 ∈/ {B, C}, que B 0 ∈
/ {A, C} et que C 0 ∈
/ {A, B}. Dans ce
cas µA et νA sont non nuls, et l’on a
−−0→
νA AB
= − −−→ ,
µA A0 C
−−→ −−→
et deux autres égalités analogues : cela provient du fait que µA A0 B +νA A0 C = 0
(et des deux autres formules du même tonneau). On en déduit que les droites
(AA0 ), (BB 0 ) et (CC 0 ) sont parallèles ou concourantes si et seulement si
−−0→ −−0→ −−0→
AB BC CA
−−0→ . −−0→ . −−0→ = −1.
AC BA CB
45
• Inégalité triangulaire. Pour tout couple (x, y) d’éléments de E on a
kx + yk 6 kxk + kyk.
(4.4) Soit E un espace vectoriel réel et soit h.|.i un produit scalaire sur E. Si
H est un sous-espace vectoriel de E on appelle orthogonal de H, et l’on note
H ⊥ , l’ensemble des vecteurs x de E tels que hx|yi = 0 pour tout y ∈ H. On
vérifie que H ⊥ est un sous-espace vectoriel de E et que H ∩ H ⊥ = {0}.
(4.5) Définition. Un espace (vectoriel) euclidien est un espace vectoriel réel
de dimension finie muni d’un produit scalaire.
(4.5.1) Remarque. Le produit scalaire fait partie des données qui définissent un
espace euclidien, même s’il arrive qu’il soit, par abus, omis dans la notation : on
lira souvent soit E un espace euclidien au lieu de soit (E, h.|.i) un espace
euclidien .
(4.5.2) Exemples. L’espace Rn muni du produit scalaire défini au 4.3.1 est un
espace euclidien ; l’espace E du 4.3.2 n’en est pas un car il est de dimension
infinie.
(4.6) Soit E un espace euclidien.
(4.6.1) L’application linéaire x 7→ (y 7→ hx|yi) de E vers E ∗ est bijective (E ∗
désigne l’espace vectoriel dual de E, c’est-à-dire l’espace vectoriel des formes
linéaires sur E).
(4.6.2) Si H est un sous-espace vectoriel de E alors
E = H ⊕ H ⊥ et (H ⊥ )⊥ = H.
46
pour tout (x1 , . . . , xn , y1 , . . . , yn ) ∈ R2n .
(4.6.4) Si u est un endomorphisme de E, il existe un et un seul endomorphisme
u∗ de E tel que
hu(x)|yi = hx|u∗ (y)i
pour tout (x, y) ∈ E 2 . On dit que u∗ est l’adjoint de u.
Donnons quelques propriétés de l’adjonction. L’identité est son propre ad-
joint ; u 7→ u∗ est linéaire, et (u∗ )∗ = u pour tout endomorphisme u de E. Si
u et v sont deux endomorphismes de E alors (u ◦ v)∗ = v ∗ ◦ u∗ (attention au
renversement de l’ordre).
Soit u un endomorphisme de E. Il est bijectif si et seulement si u∗ est bijectif,
et dans ce cas l’on a (u∗ )−1 = (u−1 )∗ ; si B est une base orthonormée de E alors
MatB u∗ = t MatB u ; si H est un sous-espace vectoriel de E alors H est stable
par u si et seulement si H ⊥ est stable par u∗ .
(4.6.5) Soit u un endomorphisme de E ; les propositions suivantes sont équivalentes :
i) u∗ = u ;
ii) pour tout (x, y) ∈ E 2 on a hu(x)|yi = hx|u(y)i ;
iii) il existe une BON B de E telle que t MatB u soit symétrique ;
iv) pour toute BON B de E la matrice t MatB u est symétrique.
Lorsque ces propriétés sont satisfaites, on dit que u est auto-adjoint ou
symétrique. L’ensemble des endomorphismes symétriques de E est un sous-
espace vectoriel de End E ; si u est symétrique et si H est un sous-espace
vectoriel de E alors H est stable par u si et seulement si H ⊥ est stable par u.
(4.6.6) Tout endomorphisme symétrique de E est diagonalisable en base or-
thonormée.
(4.6.7) Soit u un endomorphisme de E ; les propositions suivantes sont équivalentes :
i) pour tout (x, y) ∈ E 2 on a hu(x)|u(y)i = hx|yi ;
ii) uu∗ = u∗ u = Id ;
iii) il existe une BON de E dans laquelle la matrice M de u vérifie
M t M =t M M = Id ;
47
Si u est une isométrie et si H est un sous-espace vectoriel de E alors H est
stable par u si et seulement si H ⊥ est stable par u.
Le déterminant d’une isométrie est égal à 1 ou −1. On dit qu’une isométrie
est directe si son déterminant est 1, et indirecte sinon. L’ensemble des isométries
directes est un sous-groupe de O(E) qui est noté SO(E).
Si E est de dimension strictement positive alors SO(E) 6= O(E) : en effet, si
l’on choisit une BON (e1 , . . . , en ) de E alors l’endomorphisme de E de matrice
diag(−1, 1, 1, . . . , 1) dans la base en question est une isométrie indirecte de E.
Si E = {0} alors SO(E) = O(E) = GL(E) = {Id} = {0} (en effet, sur
l’espace nul, l’identité coı̈ncide avec l’application nulle).
(4.6.9) Soient (e1 , . . . , en ) et (f1 , . . . , fn ) deux BON de E. L’unique endomor-
phisme u de E tel que u(ei ) = fi pour tout i est une isométrie. On dit que
(e1 , . . . , en ) et (f1 , . . . , fn ) ont même orientation si u est directe. La propriété
d’avoir même orientation définit une relation d’équivalence sur l’ensemble des
BON de E, dont les classes sont précisément appelées les orientations de E.
Si E est non nul, il possède exactement deux orientations ; l’espace nul a une
unique orientation (il a une unique base, à savoir la famille vide de vecteurs, et
elle est orthonormée).
Un espace euclidien E est dit orienté si l’on a choisi une orientation sur
E ; les BON appartenant à l’orientation correspondante sont alors qualifiées de
directes ; les autres sont dites indirectes.
(4.6.10) Si n ∈ N, on notera On (R) (resp. SOn (R)) l’ensemble des matrices
carrées réelles M de taille n telles que t M M = Id (resp. telles que t M M = Id
et det M = 1). Il découle de 4.6.7 et 4.6.8 : que On (R) est un sous-groupe de
GLn (R), que SOn (R) est un sous-groupe de On (R) ; et que si E est un espace
euclidien de dimension n et si B est une BON de E, alors u 7→ MatB u induit
deux isomorphismes O(E) ' SOn (R) et SO(E) ' SOn (R)
(4.7) Donnons un exemple important d’isométries : les symétries orthogonales.
Si F est un sous-espace vectoriel de E, on appelle symétrie orthogonale par
rapport à F la symétrie par rapport à F et parallèlement à F ⊥ ; lorsque F est
un hyperplan, c’est-à-dire de dimension dim E − 1, on parle aussi de réflexion
par rapport à F .
48
Cas des isométries indirectes. Si D est une droite de E, la réflexion par
rapport à D est une isométrie indirecte de E. Réciproquement, toute isométrie
indirecte de E est une réflexion.
Cas des isométries directes. Pour tout θ ∈ R, posons
cos θ − sin θ
Rθ = .
sin θ cos θ
On démontre que SO2 (R) = {Rθ }θ∈R . Pour tout (θ, θ0 ) ∈ R2 , on a Rθ = Rθ0 si et
seulement si θ = θ0 modulo 2π, et Rθ Rθ0 = Rθ0 Rθ = Rθ+θ0 ; le groupe SO2 (R) est
donc abélien. On peut reformuler ce qui précède en disant que θ 7→ Rθ induit
un isomorphisme entre les groupes R/2πZ et SO2 (R) .
Si u est un endomorphisme de E et si B est une BON de E il découle de ce
qui précède que u est une isométrie directe si et seulement si sa matrice dans B
est égale à Rθ pour un certain θ ∈ R. Supposons que ce soit le cas et soit B 0 une
(autre) BON de E. Si B 0 a même orientation (resp. n’a pas même orientation)
que B alors MatB0 u est égale à Rθ (resp. R−θ ).
Les isométries directes de E sont également appelées rotations. Si E est
orienté et si u est une rotation de E alors d’après ce qu’on a vu u a même
matrice dans toutes les BOND de E ; cette matrice est de la forme Rθ pour un
certain réel θ qui est uniquement déterminé modulo 2π et est appelé l’angle de
la rotation u. Si on change l’orientation de E, l’angle d’une rotation est changé
en son opposé.
Un calcul immédiat montre que si θ ∈ R alors le polynôme caractéristique
de Rθ est égal à X 2 − 2 cos θX + 1 = (X − eiθ )(X − e−iθ ) ; la matrice Rθ n’a
donc une valeur propre réelle que lors que θ = 0 (auquel cas Rθ = I2 , et 1 est
valeur propre double) et θ = π (auquel cas Rθ = −I2 , et (−1) est valeur propre
double).
(4.9) Lemme. Soit E un espace vectoriel réel de dimension finie non nulle et
soit u un endomorphisme de E. Il existe un sous-espace vectoriel F de E de
dimension 1 ou 2 qui est stable par u.
Démonstration. Si u a une valeur propre réelle λ et si e désigne un vecteur
propre de u relativement à λ alors Ru est une droite de E stable sous u. Suppo-
sons maintenant que u n’ait aucune
Q valeur propre réelle, et soit χ son polynôme
caractéristique ; écrivons χ = χi , où chaque χi est un polynôme irréductible
unitaire de R[X] (on n’impose pas que les χi soient deux à deux distincts). Le
théorème de Cayley-Hamilton assure que χ(u) = 0 ; comme E 6= {0}, l’endo-
morphisme
χ(u) = χ1 (u) ◦ χ2 (u) ◦ . . . ◦ χr (u)
n’est pas injectif, et il existe donc i0 tel que χi0 (u) ne soit pas injectif.
49
En tant que polynôme irréductible réel, χi0 est de degré 1 ou 2. Comme
u n’a pas de valeur propre réelle, χ n’a pas de racine réelle et χi0 ne peut
en conséquence être de degré 1 ; il s’écrit dès lors X 2 + aX + b avec a et b
réels (et a2 − 4b < 0, pour garantir son irréductibilité). Dire que χi0 (u) n’est
pas injectif signifie qu’il existe e 6= 0 dans E tel que u2 (e) + au(e) + be = 0 ;
soit P le plan Vect(e, u(e)). Le vecteur u(e) appartient à P par définition, et
u(u(e)) = u2 (e) étant égal à −au(e) − be, il appartient également à P . Comme
e et u(e) engendrent P , celui-ci est stable par u.
Or le sous-espace vectoriel P de E est un plan. En effet, il est engendré par
deux vecteurs, donc au plus de dimension 2 ; il est non nul puisque e est non
nul, et ne peut être de dimension 1 : sinon, on le fait que e 6= 0 entraı̂nerait que
u(e) est de la forme λe pour un certain λ ∈ R, qui serait donc une valeur propre
de u, en contradiction avec notre hypothèse. On a ainsi bien exhibé un plan de
E stable par u.
(4.10) Théorème. Soit E un espace euclidien et soit u un endomorphisme de
E. Les propositions suivantes sont équivalentes :
i) u est une isométrie ;
ii) il existe une BON de E dans laquelle la matrice de u est de la forme
1
.
.
1
−1 0
.
,
.
0 −1
R θ1
.
.
Rθm
que l’on écrira également Diag (1, . . . , 1, −1, . . . , −1, Rθ1 , . . . , Rθm ).
Démonstration. L’implication ii)⇒i) est claire : elle provient du fait que si
une matrice M est de la forme décrite au 2) alors t M M = I2 , ce qui est une
conséquence immédiate du fait que t Rθ Rθ = I2 pour tout θ. Il reste à vérifier
que ii)⇒i). On se donne donc une isométrie u de E, et l’on cherche à montrer
l’existence d’une BON dans laquelle la matrice de u est de la forme requise.
On procède par récurrence sur la dimension de E. Si celle-ci est nulle, il
n’y a rien à démontrer. Supposons donc que dim E > 0, et que le résultat a
été établi en dimension strictement inférieure à celle de E. En vertu du lemme
4.9 ci-dessus, il existe un sous-espace vectoriel H de E qui est de dimension 1
ou 2 et est stable par u. L’orthogonal de H est lui aussi stable par u, et est de
dimension strictement inférieure à celle de E. D’après l’hypothèse de récurrence,
H ⊥ possède une base orthonormée B telle que MatB u soit de la forme requise.
Si H est de dimension 1, alors u|H est égale à IdH ou à −IdH (4.8.2) ; si l’on
` e de H on a donc u(e) = e ou u(e) = −e ; la matrice
choisit un vecteur unitaire
de u dans la BON {e} B est alors de la forme voulue.
50
Supposons maintenant H de dimension 2. Si u est indirecte, alors u est une
réflexion (4.8.3), et il existe donc une base orthonormée (e1 , e2 ) de H telle que
1 0
Mat(e1 ,e2 ) u = .
0 −1
51
1) Le réel θ est bien déterminé modulo 2π et au signe près, c’est-à-dire que
son cosinus est bien déterminé : en effet, on a Tr u = 1 + 2 cos θ, soit encore
cos θ = (1/2)(Tr u − 1). On ne peut espérer mieux que cette définition au signe
près : en effet on vérifie immédiatement que (−e1 , e3 , e2 ) est une BON de même
orientation que (e1 , e2 , e3 ), et dans laquelle la matrice de u est égale à
1 0 0
0 cos θ sin θ .
0 − sin θ cos θ
52
2) Le polynôme caractéristique de u est égal (X + 1)(X − eiθ )(X + eiθ )
(d’après la description du polynôme caractéristique de Rθ donnée au 4.8.3). Si
θ est différent de π modulo 2π alors (−1) est valeur propre simple de u ; comme
u(e1 ) = −e1 , il s’ensuit que la droite Re1 peut alors être caractérisée comme
le sous-espace propre de u associé à la valeur propre (−1) ; l’isométrie u est
composée d’une rotation d’axe Re1 et d’angle θ et de la réflexion par rapport à
(Re1 )⊥ .
Si θ est nul modulo π alors u = −Id , et c’est dans ce cas pour n’importe
quelle droite ∆ de E la composée du demi-tour d’axe ∆ et de la réflexion par
rapport à ∆⊥ .
Terminons ces généralités sur les isométries d’un espace euclidien par le
résultat suivant, qui sera crucial pour l’étude des isométries affines.
(4.11) Proposition. Soit E un espace euclidien et soit f une isométrie de E.
On a E = Ker (f − Id) ⊕ Im (f − Id).
Démonstration. Comme Ker (f − Id) est stable par f et comme f est une
isométrie, (Ker (f − Id))⊥ est stable par u, et donc par f − Id ; par conséquent,
Ker (f −Id) admet un supplémentaire stable par f −Id, et la proposition découle
alors du lemme 2.33.
(4.13) Ainsi pour tout couple (u, v) de vecteurs unitaires d’un plan euclidien
E, la rotation R(u,v) ne dépend que de (u,[ v), et pas du choix de u et v. On peut
donc définir sans ambiguı̈té une application de l’ensemble des angles orientés
de E vers le groupe des rotations de E par la formule (u, [ v) 7→ R(u,v) . Cette
application est une bijection, et il existe une unique loi de groupe sur l’ensemble
des angles orientés de E, loi que l’on notera +, telle que cette bijection soit un
isomorphisme de groupes.
(4.13.1) Donnons quelques propriétés de la loi + :
\
- son élément neutre est (u, u) (pour n’importe quel vecteur unitaire u de
E : cet angle ne dépend pas de u, est appelé angle nul, et est parfois noté 0) ;
[
- si u, v et w sont trois vecteurs unitaires de E alors (u, \
v) + (v, \
w) = (u, w) ;
-si u et v est un couple de vecteurs unitaires de E alors (v,[ [
u) = −(u, v).
53
(4.13.2) Mentionnons un autre angle remarquable : si u est un vecteur unitaire
\
alors (u, −u) ne dépend pas de u et est appelé l’angle plat ; pour tout vecteur
unitaire u on a
\
(u, \
−u) + (u, \
−u) = (u, \
−u) + (−u, \
u) = (u, u) = 0.
(4.14) La mesure d’un angle orienté. Soit E un plan euclidien que l’on
suppose orienté. On peut alors associer à chaque rotation de E son angle, bien
défini modulo 2π, et si u et v sont deux vecteurs unitaires de E on définit la
[
mesure Mes(u, [
v) de l’angle orienté (u, v) comme l’angle de la rotation R(u,v) (ro-
[
tation qui ne dépend que de (u, v), cf. 4.12.3). L’application (u,[ [
v) 7→ Mes(u, v)
induit un isomorphisme de groupes de l’ensemble des angles orientés de E vers
R/2πZ ; autrement dit, la mesure est additive.
La mesure de l’angle nul (resp. de l’angle plat) est égale à 0 (resp. π).
(4.15) Remarques. Pour définir les angles orientés et l’addition de ces derniers,
il n’est pas nécessaire besoin d’avoir orienté E. Il est par contre indispensable de
le faire pour parler de la mesure d’un angle orienté ; si l’on change l’orientation
de E, la mesure d’un angle orienté est changée en son opposé ; lorsque E est
non orienté, on peut donc considérer la mesure d’un angle orienté comme bien
définie au signe près.
Ces remarques traduisent les faits tangibles suivants : si vous observez deux
roues tourner dans un même plan, vous saurez dire si elles tournent ou non dans
le même sens, même si vous n’avez pas choisi une convention sur ce qu’est le
sens direct ; par contre, pour dire si une roue donnée tourne dans le sens positif
ou négatif, il vous faut évidemment avoir fixé une telle convention.
(4.16) Angles orientés de droites. Soit E un plan euclidien, et soit S la
relation sur l’ensemble des couples de droites vectorielles de E définie comme
suit : (D, ∆)S (D0 , ∆0 ) si et seulement si il existe une rotation r de E telle
que r(D) = D0 et r(∆) = ∆0 . La relation S est une relation d’équivalence, et
ses classes sont appelées angles orientés de droites. Si (D, ∆) est un couple de
\
droites de E, l’angle orienté de droites correspondant sera noté (D, ∆).
(4.16.1) Soient D, ∆, D0 , ∆0 quatre droites de E et soient u, v, u0 , v 0 quatre
vecteurs unitaires les dirigeant respectivement. On vérifie que (D, \ ∆) = (D \0 , ∆0 )
[
si et seulement si (u, v) = (u \ 0 , v 0 ) ou (u,
[ 0 , −v 0 ), ce qui peut se reformuler
v) = (u\
[
en disant que (u, \
v) − (u 0 , v 0 ) est ou bien nul, ou bien égal à l’angle plat.
(4.16.2) Comme le double de l’angle plat est égal à l’angle nul (voir plus haut),
l’ensemble Π constitué de l’angle nul et de l’angle plat est un sous-groupe de
l’ensemble des angles orientés de E. Par ce qui précède, l’ensemble des angles
orientés de droites de E s’identifie au quotient du groupe des angles orientés par
son sous-groupe Π ; on peut munir par ce biais l’ensemble des angles orientés de
droites de E d’une structure de groupe, pour laquelle on vérifie aussitôt que si
D, D0 et D00 sont trois droites de E alors :
\
• (D, D) est l’élément neutre (cet angle ne dépend pas de D et est aussi noté
0) ;
\
• (D, D0 ) + (D\ 0 , D 00 ) = (D,
\ D00 ) ;
54
\
• (D, D0 ) + (D
\ 0 , D) = 0.
(4.16.3) Supposons que E soit orienté. Comme la mesure de l’angle plat est
égale à π, il découle de ce qu’on vient de voir que l’on peut définir la mesure d’un
angle orienté de droites de E ; c’est un réel qui est bien déterminé modulo π (et
non modulo 2π) ; la mesure des angles orientés de droites est une application
additive.
55
Imaginez par exemple deux roues de fête foraine perpendiculaires l’une à
l’autre ; vous n’avez aucun critère absolu vous permettant de dire si elles tournent
ou non dans le même sens. Vous pourrez certes dire, par exemple, que l’une
tourne dans le sens des aiguilles d’une montre et pas l’autre, mais cette affir-
mation dépendra de là où vous êtes placé, et un observateur situé à un autre
endroit que vous pourra, dans le même contexte, prétendre au contraire que
toutes deux tournent dans le sens des aiguilles d’une montre.
Bien entendu, ni vous ni lui n’aurez tort, la contradiction apparente entre
vos déclarations reflètera simplement l’impossibilité mathématique de comparer
dans l’absolu le sens des deux mouvements.
(4.18.1) Soit E un espace euclidien de dimension > 3 et soient u, v, u0 , v 0 quatre
vecteurs unitaires de E. Les propositions suivantes sont équivalentes :
i) il existe une isométrie de E envoyant u sur u0 et v sur v 0 ;
ii) il existe une isométrie directe de E envoyant u sur u0 et v sur v 0 .
(4.18.2) Remarque. La condition ii) semble a priori nettement plus forte que
i), mais l’équivalence entre les deux assure qu’il n’en est rien ; le fait que la
dimension de E vaille au moins 3 donne une marge de manœuvre suffisante
pour fabriquer une isométrie directe envoyant u sur u0 et v sur v 0 , à partir d’une
isométrie indirecte ayant cette propriété (en dimension 2, on ne dispose pas de
cette marge de manœuvre – cf. 4.17.1 et 4.17.2).
(4.18.3) La relation S définie sur l’ensemble des couples de vecteurs unitaires
de E par la condition (u, v)S (u0 , v 0 ) si et seulement si les conditions i) et ii)
ci-dessus sont satisfaites est une relation d’équivalence, dont les classes sont
appelées angles non orientés, ou parfois simplement angles.
Si (u, v) est un couple de vecteurs unitaires de E, la mesure de leur angle
(non orienté) est un réel bien déterminé modulo 2π et au signe près, que l’on
peut définir de deux façons différentes : on peut ou bien dire que c’est la mesure
de l’angle non orienté (u, v) calculée dans n’importe quel plan vectoriel de E
contenant u et v, ou bien dire que c’est le réel θ (unique modulo 2π et au
signe près) tel que < u|v >= cos θ.
(4.19) Angles de vecteurs non unitaires. Les différentes notions d’angles
(orientés ou non) et de mesures de ces derniers s’étendent aux couples de vecteurs
non nuls, mais plus nécessairement unitaires : on se ramène à chaque fois au cas
unitaire en divisant chacun des vecteurs en jeu par sa norme.
Par exemple, si E est un plan euclidien et si u et v sont deux vecteurs non
[
nuls d’un plan euclidien E, on définit l’angle orienté (u, v) comme étant égal à
\
u v
, .
||u|| ||v||
Si u et v sont deux vecteurs non nuls d’un espace euclidien E de dimension
au moins 2 et si θ désigne la mesure (définie modulo 2π et au signe près) de
l’angle non orienté (u, v) alors < u|v >= ||u||.||v||. cos θ.
Attention : il n’existe aucune convention raisonnable permettant
de définir un angle entre un vecteur quelconque et le vecteur nul.
56
5 Espaces affines euclidiens
Nous allons maintenant aborder le cas des espaces affines euclidiens ; comme
vous le verrez, la plupart des démonstrations se font en se ramenant, avec un
peu de travail, au cas des espaces vectoriels euclidiens dont on a énoncé les
propriétés essentielles au chapitre précédent.
(5.1) Définition. On appelle espace affine euclidien tout espace affine réel E
dont l’espace directeur est de dimension finie et est muni d’un produit scalaire.
(5.2) Remarque. Le produit scalaire sur son espace directeur fait partie des
données qui définissent un espace affine euclidien, même si on omettra le plus
souvent de le mentionner explicitement. Il fait de l’espace directeur d’un tel
espace affine un espace vectoriel euclidien.
(5.3) Soit E un espace affine euclidien et soit E son espace directeur.
(5.3.1) Il découle immédiatement des propriétés de la norme euclidienne que
−−→
l’application (M, N ) 7→ ||M N || définit une distance sur E , lequel hérite ainsi
d’une structure naturelle d’espace métrique ; on dira que E est orienté si l’on a
orienté son espace directeur.
(5.3.2) On dira qu’une application affine f de E dans E est une isométrie
→
−
(affine) si f est une isométrie ; si c’est le cas, on dira que f est directe (resp.
→
−
indirecte) si f est directe (resp. indirecte). Toute isométrie affine est bijec-
tive, puisque son application linéaire associée est biective. La composée de deux
isométries (resp. de deux isométries directes) de E est une isométrie (resp. une
isométrie directe) de E , et la réciproque d’une isométrie (resp. d’une isométrie
directe) de E est une isométrie (resp. une isométrie directe) de E : ces faits se
déduisent des assertions correspondantes relatives aux isométries vectorielles.
Par conséquent, l’ensemble des isométries (resp. des isométries directes) de
E forme un sous-groupe de GA(E ), que l’on notera Isom E (resp. Isom+ E ).
(5.3.3) Exemples. Toute translation de E est une isométrie directe. Si G est
un sous-espace affine de E dont on note G l’espace directeur et si s désigne la
symétrie par rapport à G et parallèlement à G⊥ (également appelée symétrie
orthogonale par rapport à G ) est une isométrie ; son application linéaire associée
est la symétrie orthogonale de E par rapport à G. L’isométrie s est directe si G
est de codimension paire, et indirecte sinon.
(5.4) Le but de ce qui suit est de donner la description complète de toutes les
isométries affines en dimension inférieure ou égale à 3. Le principe va consister à
se ramener à la classification, déjà effectuée, des isométries vectorielles en petite
dimension ; l’outil qui va permettre de le faire est le théorème ci-dessous – c’est
lui qui a motivé l’énoncé, bien plus haut, du théorème 2.30, dont il est une
simple conséquence.
(5.5) Théorème. Soit E un espace affine euclidien et soit f une isométrie
→
−
de E . Il existe un unique couple (v, g) où v ∈ Ker ( f − Id) et où g est une
application affine à point fixe, tel que f = tv ◦g ; l’application g est une isométrie,
et l’on a aussi f = g ◦ tv .
57
Démonstration. D’après le lemme 4.11, on a E = Ker (f − Id) ⊕ Im (f − Id) ;
l’assertion voulue se déduit alors du théorème 2.30.
(5.6) Remarque. Avec les notations du théorème ci-dessus, v = 0 si et seulement
si f a un point fixe (2.31).
(5.7) Soit E un espace affine euclidien et soit E son espace directeur ; nous
nous proposons de décrire Isom E et Isom+ E lorsque E est de dimension 0, 1, 2
et 3.
(5.7.1) Le cas où E est de dimension nulle. Il est alors réduit à un point ;
comme on a alors O(E) = SO(E) = {Id} en vertu de 4.8.1, il vient Isom E =
Isom+ E = {Id}.
(5.7.2) Le cas où E est de dimension 1. On a alors, d’après l’étude faite
au 4.8.2 SO(E) = {Id} et O(E) = {Id, −Id}. Une application affine f de E dans
→
−
E est donc une isométrie directe si et seulement si f = Id, c’est-à-dire si et
seulement si f est une translation.
Une application affine f de E dans E est une isométrie indirecte si et seule-
→
−
ment si f = −Id ; une telle application a nécessairement un unique point fixe,
puisque 1 n’est pas valeur propre de −Id. Il en résulte que les isométries indi-
−−→
rectes de E sont exactement les applications de la forme M 7→ O − OM pour
un certain O ∈ E ; autrement dit, ce sont exactement les symétries centrales, ou
encore les isométries de rapport (−1).
(5.7.3) Le cas où E est de dimension 2.
Les isométries directes. Le groupe SO(E) des rotations de E a été décrit
au 4.8.3. Si B désigne une base orthonormée quelconque de E alors un endo-
morphisme de E appartient
à SO(E) si et seulement si sa matrice dans B est
cos θ − sin θ
de la forme Rθ := . Le réel 1 est valeur propre de Rθ si
sin θ cos θ
et seulement si θ est nul modulo 2π, donc si et seulement si elle est égale à
l’identité.
Il s’ensuit que si r est une rotation vectorielle qui n’est pas l’identité, toute
isométrie affine de E dont l’application linéaire associée est r a un unique point
fixe. Une isométrie f de E a donc r pour application linéaire associée si et
−−→
seulement si elle est de la forme M 7→ O + r(OM ) pour un certain O de E ; si
c’est le cas, O est bien déterminé : c’est l’unique point fixe de f ; on dira que
f est une rotation de centre O. Si E est orienté, l’angle de f sera par définition
l’angle de la rotation vectorielle r ; il est donc changé en son opposé si l’on
change l’orientation de E .
Si O ∈ E , on considèrera également l’identité comme une rotation de centre
−−→
O (et d’angle nul), puisqu’elle est donnée par la formule M 7→ O + r(OM )
pour r = Id ; mais attention : contrairement aux autres rotations, l’identité a
plusieurs centres, puisque tout point de E peut jouer ce rôle.
Il résulte de ce qui précède qu’une application affine de E dans lui-même est
une isométrie directe si et seulement si c’est ou bien une translation, ou bien
une rotation ; notons que l’identité est les deux à la fois : c’est aussi bien la
translation de vecteur nul que la rotation de n’importe quel centre et d’angle
nul.
58
Les isométries indirectes. On a vu au 4.8.3 que les isométries indirectes de
E sont exactement les symétries orthogonales par rapport aux droites.
Soit D une droite vectorielle de E ; si σ désigne la symétrie orthogonale par
rapport à D alors D = Ker (σ − Id). Une application affine s de E dans E est
une application à point fixe d’application linéaire associée s si et seulement si
c’est la symétrie orthogonale par rapport à une droite affine D de E d’espace
directeur D ; la droite D est uniquement déterminée par s, c’est l’ensemble de
ses points fixes.
Il s’ensuit, compte-tenu du théorème 5.5, qu’une application affine f de E
dans E est une isométrie indirecte si et seulement si il existe un couple (v, D)
où D est une droite de E , et v un vecteur appartenant à la direction de D, tels
que f = tv ◦ sD , la notation sD désignant la symétrie orthogonale par rapport
à D ; un tel couple est unique et l’on a aussi f = sD ◦ tv ; le vecteur v est nul si
et seulement si f a un point fixe.
Une telle application est appelée une symétrie glissée. Le terme glissée fait
bien entendu référence à la translation de vecteur v ; lorsque v = 0, on parle
simplement de symétrie (orthogonale).
(5.7.4) Interlude : composition de symétries. On suppose toujours que E
est de dimension 2, et l’on se propose d’appliquer ce qui précède à l’étude de la
composition de deux symétries orthogonales de E . Soient D et D 0 deux droites
de E , de directions respectives D et D0 ; soient s et s’ les symétries orthogonales
affines par rapport à D et D 0 , et σ et σ 0 les symétries orthogonales vectorielles
par rapport à D et D0 . L’application linéaire associée à s (resp. s0 ) est σ (resp.
σ 0 ).
Nous nous proposons de décrire la composée s ◦ s0 .
Le cas où D et D 0 sont parallèles. On a alors D = D0 . Soit M un point quel-
conque de D 0 ; son projeté orthogonal sur D est de la forme M +u avec u ∈ D⊥ ;
on peut caractériser u comme le seul vecteur de D⊥ tel que D = tu (D 0 ). Le
symétrique orthogonal de M par rapport à D est égal à M + 2u.
Comme D = D0 on a σ = σ 0 et donc σ ◦ σ 0 = Id ; par conséquent, s ◦ s0 est
une translation. Pour en déterminer le vecteur, on calcule s ◦ s0 (M ). C’est égal
à s(M ) (puisque M ∈ D 0 ) et donc à M + 2u. On a donc s ◦ s0 = t2u .
Le cas où D et D 0 ne sont pas parallèles. On a alors D 6= D0 ; l’intersection de
D et D 0 est un singleton {O}. Orientons E ; pour tout θ on désignera par rθ la
rotation vectorielle de E d’angle θ.
Comme σ et σ 0 sont deux symétries indirectes, leur composée est une isométrie
directe, donc de la forme rϕ pour un certain ϕ. Comme σ −1 = σ et comme σ 0 6= σ
(puisque Ker (σ − Id) = D 6= D0 = Ker (σ 0 − Id)), la rotation σ ◦ σ 0 n’est pas
l’identité ; autrement dit, ϕ 6= 0 [2π].
Il s’ensuit, d’après l’étude faite plus haut, que s ◦ s0 est une rotation affine
d’angle ϕ ; comme ϕ 6= 0 son centre est bien déterminé (c’est son unique point
fixe). Puisque s ◦ s0 (O) = s(O) = O, le point O est fixé par s ◦ s0 est est donc
son centre.
Il reste à déterminer ϕ. Pour ce faire, notons θ la mesure de l’angle orienté
de droites (D, \ D0 ) ; c’est un élément de R/πZ ; choisissons un vecteur unitaire
u dirigeant D ; le vecteur u := rθ (u0 ) est unitaire et dirige D.
0 0
Nous allons démontrer que σ(u0 ) = r2θ (u0 ). Pour cela, on remarque que
r−θ ◦σ est une isométrie indirecte de E ; c’est donc, d’après le cours, une symétrie
59
orthogonale ; on en déduit que (r−θ ◦ σ) ◦ (r−θ ◦ σ) = Id ; compte-tenu du fait
que σ −1 = σ, cette égalité peut se récrire
60
1) Si θ est non nul modulo 2π alors 1 n’est pas valeur propre de →−u . Il s’ensuit
→
− −−→
que u a un unique point fixe O, et on a alors u(M ) = M + u (OM ) pour tout
M ∈ E. Si D désigne la droite passant par O et dirigée par Re1 alors u est la
composée d’une rotation d’axe D et d’angle θ et d’une réflexion par rapport
au plan orthogonal à D et passant par O. Si θ est différent de π (modulo 2π)
la droite D est bien déterminée, c’est l’ensemble des points M de E tels que
−−−−→ −−→
Ou(M ) = −OM ; si θ = π modulo 2π alors u est la symétrie centrale de centre
O, et peut être décrite comme la composée, pour n’importe quelle droite D de
E passant par O, du demi-tour d’axe D et de la réflexion par rapport au plan
orthogonal à D et passant par O.
2) Si θ est nul modulo 2π, l’isométrie →
−
u est la réflexion par rapport au plan
P orthogonal à Re1 . Il existe alors en vertu du théorème 5.5 un unique couple
(e, P) où e est un vecteur de P et où P est un plan de E dirigé par P tel
que u = te ◦ sP , où sP est la réflexion par rapport à P, et l’on a également
u = sP ◦ te . On dit que u est une réflexion glissée et que e est son vecteur de
glissement ; la réflexion glissée u est une vraie réflexion si et seulement si son
vecteur de glissement est nul.
Récapitulation. Les isométries affines directes de E sont les translations et
les vissages (notons qu’on peut voir une translation comme un vissage d’angle
nul) ; les rotations sont les vissages de vecteur de glissement nul.
Les isométries affines indirectes de E sont d’une part les composées d’une
rotation et d’une réflexion par rapport à un plan orthogonal à l’axe de la rotation
(si l’angle de la rotation est non nul, l’intersection du plan en question et de
l’axe est l’unique point fixe de l’isométrie considérée), d’autre part les réflexions
glissées ; les symétries centrales appartiennent à la première catégorie (cas de
l’angle égal à π, l’axe de la rotation peut alors être choisi quelconque) ; les
réflexions appartiennent à la fois à la première catégorie (cas de l’angle nul) et
à la seconde (cas du vecteur de glissement nul).
Remarque. On peut démontrer qu’une isométrie u d’un espace affine euclidien
E est directe si et seulement si on peut passer continûment (dans un sens à
préciser, bien entendu) de u à l’identité en restant dans le groupe des isométries ;
pour cette raison, les isométries directes sont également appelées déplacements.
61
−−→2 −−→ X −−→ X −−→2
X
= αi M G + 2M G. ( αi GAi ) + αi GAi ,
| {z }
=0
−−→2
X
= αi M G + f (G).
Si λ est un réel et si M ∈ E , on a f (M ) = λ si et seulement si
−−→2 λ − f (G)
MG = P .
αi
Dès lors, le lieu des points M de E en lequel f (M ) vaut λ est : vide si λ−f
P (G) < 0 ;
αi
réduit au singleton {G} si λ = f (G) ; une sphère de centre G et de rayon
strictement positif si λ−f P (G) > 0.
αi
P
(6.1.2) Le cas où αi = 0. La fonction vectorielle de Leibnitz associée à
(Ai , αi ) est alors constante ; soit u sa valeur. Pour tout M ∈ E et tout v ∈ E il
vient X X −−−→
f (M + v) = αi (Ai − (M + v))2 = αi (M Ai − v)2
X −−−→2 −−−→
= αi (M Ai − 2M Ai .v + v 2 )
X −−−→2 X −−−→ X
= αi M Ai − 2 ( αi M Ai ) .v − ( αi ) v 2
| {z } | {z }
=u =0
= f (M ) − 2u.v.
Par conséquent, f est une forme affine, de forme linéaire associée v 7→ (−2u).v.
Si u = 0 l’application f est est constante, et pour tout λ ∈ R, le sous-
ensemble de E formé des points en lesquels f vaut λ est égal à E tout entier si
λ est la valeur constante de f , et à l’ensemble vide sinon.
Si u 6= 0 l’application f est surjective, et pour tout λ ∈ R le sous-ensemble
de E formé des points en lesquels f vaut λ est un hyperplan affine dirigé par
(Ru)⊥ .
(6.2) Un exemple important. Soit E un espace affine euclidien et soient A
et B deux points distincts de E . Soit λ un réel strictement positif et soit L
−−→ −−→
l’ensemble des points M de E tels que ||AM || = λ||BM || ; nous nous proposons
de décrire L , en utilisant ce que nous avons vu ci-dessus sur la fonction scalaire
de Leibnitz. Pour cela, on commence par remarquer que
−−→ −−→ −−→2 −−→2
||AM || = λ||BM || ⇐⇒ AM − λ2 BM = 0.
Il nous faut alors distinguer deux cas.
Le cas où 1 − λ2 = 0, c’est-à-dire celui où λ = 1 (puisque λ > 0). On cherche
−−→ −−→ −−→2 −−→2
l’ensemble des points M tels que ||AM || = ||BM ||, soit encore AM − BM = 0 ;
−−→ −−→ −−→ −−→
cela peut se récrire (AM − BM ).(AM + BM ) = 0, soit encore
−−→ −−→
BA.(2M I) = 0,
où I est le milieu de AB, c’est-à-dire le barycentre de ((A, 1); (B, 1)). Par
conséquent, L est l’hyperplan passant par I et orthogonal à (AB) ; on l’ap-
pelle l’hyperplan médiateur de AB ; lorsque E est un plan, on parle simplement
de la médiatrice de AB.
62
Le cas où 1 − λ2 6= 0, c’est-à-dire celui où λ 6= 1. Soit G le barycentre de
((A, 1); (B, −λ2 )) ; il est situé sur la droite (AB). La théorie assure que L est
ou bien vide, ou bien réduit à {G}, ou bien une sphère de centre G et de rayon
strictement positif. Si l’on trouve deux point distincts sur la droite (AB) qui
appartiennent à L , cela signifiera nécessairement qu’on est dans le dernier cas,
et ces deux points seront diamétralement opposés sur la sphère L .
Or si l’on appelle G+ et G− les barycentres respectifs de ((A, 1); (B, λ))
et ((A, 1); (B, −λ)) (notons que comme λ > 0 et λ 6= 1 ces barycentres sont
bien définis) alors G+ et G− sont deux points distincts de la droite (AB) qui
appartiennent à L . L’ensemble L est donc une sphère de centre G, de rayon
strictement positif, et dont [G− ; G+ ] est un diamètre. En calculant la distance
de G− à G+ et en divisant par 2, on trouve que le rayon de L est égal à
−−→ λ
||AB||. . On remarque que lorsque λ tend vers 1, ce rayon tend vers
|1 − λ2 |
l’infini : si λ est très proche de 1 alors L est une sphère de rayon très grand qui,
lorsqu’on se contente de la regarder au voisinage des points A et B, se confond
pratiquement avec l’hyperplan médiateur du segment.
(6.3) Soit E une droite affine de droite directrice E, et soit u un vecteur unitaire
de E (il y a deux choix possible pour u). Pour tout couple (A, B) de points de E ,
−−→
on note AB l’unique scalaire λ tel que AB = λu. On dit que AB est la mesure
−−→
algébrique de AB ; la valeur absolue de AB est égale à la norme de AB, son
−−→
signe en décrit l’orientation : elle est positive si AB est dans le même sens que
u, et négative dans le cas contraire.
−−→
(6.4) Soient A et B deux points distincts de E et soit M ∈ E . On a AM = AM u
−−→
et BM = BM u. Il vient
−−→ −−→
BM · AM − AM · BM = 0.
63
On démontre par ailleurs (exercice ! !) que si (u, v, w) sont trois vecteurs de
E alors
detB (u, v)w + detB (v, w)u + detB (w, u)v = 0.
Nous allons appliquer ces faits à l’étude des coordonnés barycentriques.
(6.6) Soit donc E un espace affine euclidien orienté, et soit (A, B, C) un repère
affine de E . Soit M ∈ E . Notons α (resp. β, resp. γ) l’aire orientée du triangle
(M BC) (resp. (M CA), resp. (M AB)) ; remarquons que α (resp. β, resp. γ) est
−−→ −−→
égale à la motié de l’aire orientée du parallélogramme construit sur M A et M B
−−→ −−→ −−→ −−→ −−→ −−→
(resp. M B et M C, resp. M C et M A), et donc à (1/2)detB (M A, M B) (resp.
−−→ −−→ −−→ −−→
(1/2)detB (M B, M C), resp. (1/2)detB (M C, M A) ).
En vertu de l’égalité précédente on a donc
−−→ −−→ −−→
2αM A + 2β M B + 2γ M C = 0
−−→ −−→ −−→
et donc αM A + β M B + γ M C = 0. Par ailleurs, α, β et γ ne sont pas tous
trois nuls, puisque M ne peut être à la fois sur les droites (BC), (AC) et (AB) ;
il s’ensuit, d’après 3.11.5, que α + β + γ 6= 0, et que M est le barycentre de
(A, α, ); (B, β); (C, γ)). Le triplet des coordonnées barycentriques de M dans le
repère (A, B, C) est donc
α β γ
, , .
α+β+γ α+β+γ α+β+γ
64
parallèle à (BC) et des deux autres droites analogues. C’est ce qu’on appelle
le triangle double de (ABC) : le point A est le milieu de [B 0 C 0 ], le point
B est le milieu de [A0 C 0 ], et le point C est le milieu de [A0 B 0 ] (cf. 3.16.1). Les
hauteurs de (ABC) sont dès lors les médiatrices de (A0 B 0 C 0 ) ; de ce fait, elles
sont concourantes en vertu de 2).
65