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11 Cas de Stratégie

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PRÉSENTATION DES AUTEURS

in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages V à VI
ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-V.htm
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INTRODUCTION

Isabelle Calmé, Marion Polge


in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 1 à 4
ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-1.htm
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Introduction

L a stratégie d’entreprise a été définie par les plus grands auteurs (Chandler, 1962,
Ansoff, 1965, Porter, 1982 et plus récemment, Meier, 2011). Retenons, pour
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aborder la discipline d’un point de vue pratique que la stratégie se structure autour
de trois dimensions principales : la décision, la finalité et le temps.
La stratégie consiste en premier lieu à faire des choix dans un contexte donné. Le
dirigeant procède à des arbitrages en fonction de son système de représentation du
potentiel en ressources de son entreprise et du contexte environnemental. En second
lieu, la stratégie vise à poursuivre une certaine finalité ou raison d’être de l’entre-
prise. Celle-ci se situe généralement dans la recherche de pérennité, mais plus lar-
gement dans le sens donné au projet d’entreprise. De façon plus pragmatique, la
finalité se décline en un ensemble d’objectifs hiérarchisés qui profilent la trajectoire
stratégique. Enfin, la stratégie est adossée à la notion de temporalité que beaucoup
projettent vers le long terme. Selon l’entreprise considérée, selon la volatilité de
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l’environnement ou encore l’instabilité technologique, la projection temporelle peut


considérablement se réduire. Retenons toutefois que la stratégie suppose une projec-
tion temporelle considérée comme suffisamment éloignée par l’équipe dirigeante.
Les études de cas occupent aujourd’hui un rôle essentiel dans la conduite d’un
cours de stratégie d’entreprise. Elles n’apportent pas seulement une illustration d’un
concept ou d’un outil, mais elles conditionnent leur compréhension dans une disci-
pline à l’interface entre des enjeux académiques puissants et un enracinement prag-
matique vital. C’est bien là l’esprit de cet ouvrage : éclairer les outils mobilisés en
management stratégique en leur donnant vie dans des situations réelles.
Les secteurs d’activité étudiés dans cet ouvrage montrent une grande diversité. Les
étudiants pourront ainsi se confronter tout autant à des mécanismes d’analyse relati-
vement classiques qu’à des activités nouvelles exercées dans des domaines

1
11 cas de stratégie

émergents, puisque les auteurs ont sélectionné des entreprises de toute petite taille et
des groupes d’envergure internationale. Une attention particulière est portée à la
représentation de la variété du paysage économique français, ayant des conséquences
sur l’utilisation des outils. Cela se traduit par une application parfois directe, mais le
plus souvent adaptée de la démarche générique proposée dans les modèles. Le regard
critique de l’étudiant est sollicité dans chaque cas afin de dépasser le cadre purement
pédagogique pour se projeter dans une simulation de situation professionnelle.
Les cas s’ordonnent en trois temps qui décomposent la démarche stratégique de
l’entreprise : l’analyse stratégique, les dynamiques de compétitivité et les stratégies
de développement.
L’analyse stratégique présente des entreprises pour lesquelles se pose un problème
de modèle économique durable. Certaines situations s’avèrent suffisamment déli-
cates pour nécessiter une remise à plat de l’ensemble du modèle. C’est le cas de
l’entreprise Rizome, dont le dirigeant s’interroge sur les fondements de son projet.
Isabelle Calmé y expose l’enthousiasme affaibli d’un créateur après plusieurs
années d’effort pour parvenir à stabiliser son activité sur un positionnement straté-
gique discutable. Dans une autre optique, la situation de La Ruche qui dit oui, pré-
sentée par Typhaine Lebègue et Angéla Altes-Mathieu, montre toute la difficulté de
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concilier les impératifs de performance économique avec les valeurs prônées par une
plateforme de l’économie sociale et solidaire. Puis, un cas réalisé par Catherine
Peyroux et Marion Polge décrit un problème tout à fait différent, celui d’un petit
événement devenu international à l’aide d’un système de financement essentielle-
ment institutionnel. En pleine croissance, le Festival International des Sports
Extrêmes se trouve confronté à une situation ambivalente entre sa légitimité acquise
et ses ambitions mondiales.
Le deuxième temps s’attache à explorer des situations d’entreprises ayant acquis
de solides bases de compétitivité mais qui se trouvent confrontées à un changement
situationnel. La première d’entre elles, la ferronnerie Vidal, entreprise artisanale
familiale, a acquis une reconnaissance internationale grâce aux compétences de son
dirigeant. Néanmoins, la multitude de perspectives possibles poussent cette toute
petite structure aux limites de son potentiel. À la lecture du cas présenté par Marion
Polge, le lecteur comprend qu’il est l’heure pour ce dirigeant d’arbitrer en se pro-
jetant vers l’avenir. Le cas suivant, Ethiquable s’attache à étudier la pérennisation
d’un modèle économique bâti dans une SCOP (Société coopérative ouvrière de
production) où est exercée une activité fortement concurrencée. Leïla Temri pré-
sente ici les fragilités naissantes du potentiel de compétitivité lorsque se croisent
deux mondes tendant vers des valeurs dissonantes. Dans un autre domaine, le cas
de la Caisse d’Épargne pointe les mutations de compétitivité dans le secteur ban-
caire. À l’ère d’Internet, Emmanuelle Reynaud et Aurélie Walas s’interrogent sur
la participation des parties prenantes dans la stratégie d’innovation de l’entreprise.
Pour clore cette partie, le cas AB InBev aborde la situation d’un groupe d’envergure
internationale : comment consolider les activités de l’entreprise engagée dans une

2
Introduction

croissance externe de grande ampleur  ? Christophe Leyronas décompose les


moyens de rentabilisation des opérations d’acquisition qui ont conduit à la perfor-
mance du groupe.
Le dernier temps de l’ouvrage est consacré aux stratégies de développement des
entreprises. Face aux contextes internationalisés voire globalisés qui appellent des
comportements de croissance visant la taille critique de marché, apparaissent
d’autres types d’enjeux de développement, comme l’innovation ou encore la culture
pour défendre un développement responsable. Les cas que nous vous proposons
déclinent ces différents aspects. Hervé Thermique appuie son cas sur un système de
management participatif. Cette entreprise présentée par Élise Bonneveux porte une
attention prononcée à la valorisation culturelle pour mobiliser chacun autour des
objectifs de tous  : le développement de l’entreprise. Dans le cas suivant, Pascale
Borel et Richard Soparnot observent l’opportunité de développement par stratégie
de diversification  : le cas i-Biseness pose la question des enjeux sous-jacents aux
différentes formes de diversifications (concentriques ou conglomérales). Les deux
derniers cas déclinent les problèmes posés par les deux premiers thèmes de cette
partie : en alliant diversification, offre globale et internationalisation, les cas Ramsay
(Christophe Leyronas) et Orchestra-Prémaman (Marion Polge et Catherine Peyroux)
interrogent sur l’envergure à donner à des groupes installés sur des marchés forte-
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ment concurrencés. Jusqu’où peut-on poursuivre la marche en avant vers la crois-
sance ?

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11 cas de stratégie

  Tableau synoptique des outils et concepts mobilisés

Cas 11 : ORCHESTRA-PRÉMAMAN


Cas 2 : LA RUCHE QUI DIT OUI

Cas 4 : FERRONNERIE VIDAL

Cas 8 : HERVÉ THERMIQUE


Cas 6 : CAISSE D’ÉPARGNE
Cas 5 : ETHIQUABLE

Cas 9 : I-BISENESS

Cas 10 : RAMSAY


Cas 7 : AB INBEV
Cas 1 : RIZOME

Cas 3 : FISE


Analyse du secteur
★★ ★ ★★ ★★★ ★
d’activité
Analyse
concurrentielle ★★ ★ ★ ★ ★★
et marchés
Réseaux
Coopération ★★ ★ ★ ★★★ ★★
Territoire
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Capacités
★★ ★ ★★★
stratégiques
Analyse
★★ ★★★
organisationnelle
Business model ★ ★★★ ★★★ ★★ ★★

Gouvernement
d’entreprise ★★★ ★★★ ★★★
Parties prenantes
Ethique et RSE ★★★
Intention stratégique ★★★ ★★
Culture et stratégie ★★ ★ ★★★
Diversification ★★ ★★★ ★ ★★★

Innovation
★★★ ★★ ★★★
Changement
Croissance et
★★ ★★★ ★★★ ★★ ★★★
internationalisation

★ : Concept évoqué dans le cas – outil pouvant être sollicité pour aborder le cas.
★★ : Concept abordé avec précision – outil souhaitable pour traiter le cas.
★★★  : Concept indispensable à la compréhension du problème posé – outil à
maîtriser.

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CAS 1. RIZOME

Isabelle Calmé
in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 5 à 29
ISBN 9782100726721
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Cas

1 Rizome

Isabelle Calmé
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 Présentation du cas
Problématique
Comment faire évoluer son modèle économique  ? Comment optimiser les res-
sources tout en préservant sa volonté de rester seul à bord ?
Résumé
Créée en 2006, l’entreprise Rizome est spécialisée dans la conception et la fabrica-
tion de vêtements destinés aux professionnels (métiers des espaces verts essentiel-
lement). L’entreprise s’est développée en s’appuyant sur différents partenaires
permettant à son dirigeant d’être seul à bord et de proposer à ses clients sa propre
marque de vêtement professionnel alliant confort, esthétisme et technicité.
L’entreprise propose également quelques marques haut de gamme de chaussures et
de vêtements de chasse. Après quelques années d’existence (6 à 7 ans après la
création), la situation de l’entreprise semble mitigée ou délicate. Le dirigeant se
questionne sur l’évolution future de son entreprise.
La question porte sur la pertinence du modèle d’affaires de l’entreprise dans les
premières années d’existence. Le dirigeant se questionne sur la manière de le faire

11 cas de stratégie


évoluer. Compte tenu du contexte de l’entreprise, il s’agit de savoir comment opti-
miser ses ressources tout en préservant la volonté du dirigeant de rester seul à bord.
Objectifs
Le cas permet :
––de comprendre la logique de développement d’une PME dans un secteur en
mutation ;
––d’étudier la pertinence du positionnement de l’entreprise à la création puis dans
les premières années de démarrage au regard de l’évolution du secteur, des
ressources, de leur évolution et de la capacité stratégique de l’entreprise ;
––d’analyser la pertinence de l’organisation en réseau.
Outils mobilisés
••Les outils de l’analyse externe (PESTEL, forces de Porter, FCS).
••L’approche RBV (Ressource-based view) pour analyser la capacité stratégique de
l’entreprise.
••Le concept de firme réseau et la question liée à l’externalisation de la chaîne de
valeur.
••Les concepts de coûts de transaction et de dépendance du sentier.
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1  Au commencement… une simple observation
et une bonne dose de curiosité intellectuelle

Frédéric ne connaissait pas particulièrement le secteur du textile et rien dans son


parcours professionnel ne le prédestinait à créer une entreprise de fabrication de
vêtements pour des métiers et activités extérieurs. Tout est parti d’une observation
anodine  : un soir, à la tombée de la nuit, alors qu’il circule en voiture dans une
agglomération proche de chez lui, trois employés de la ville travaillant sur un rond-
point attirent son attention. Ces hommes sont vêtus de combinaisons sombres, sans
signe distinctif, et sont peu visibles. Il s’étonne tout d’abord de ce manque de visi-
bilité, songeant d’ailleurs que ces hommes encourent des risques. Puis une somme
de questions lui vient à l’esprit : « Est-ce un fait isolé ? Est-ce bien réglementaire ?
Y a-t-il un marché ? Qui sont les acteurs ?… ». Par curiosité, il commence à s’infor-
mer, d’abord auprès d’amis jardiniers professionnels et amateurs qui d’ailleurs le
conduiront rapidement vers ses propres clients (les LISA1). Responsable de vente
dans un groupe leader de l’agrofourniture, Frédéric côtoie régulièrement ces mêmes

1.  Les LISA (magasins de Libre Service Agricole) ont été créés dans les années 1970 par des coopérateurs agri-
coles afin de répondre aux besoins des agriculteurs. Ces magasins se sont ensuite fédérés autour d’enseignes. Il
existe différentes marques d’enseigne comme Gamm Vert, Comptoir du Village autour du distributeur InVivo, Point
Vert, Magasin Vert autour de la centrale d’achat Coopagri Bretagne, Natur’em autour du groupement Garem. La
plupart de ces enseignes sont implantées en zones rurales.

6
Rizome  ■  Cas 1

LISA mais pas pour le même type de produit. Il s’aperçoit ainsi que pour leur tenue
vestimentaire, jardiniers amateurs ou professionnels n’ont d’autres possibilités que
de s’adresser à ces distributeurs… C’est alors qu’il va pousser un peu plus loin ses
investigations. Peu à peu, son idée de projet germe  : il imagine la confection de
vêtements spécifiques au jardinage, adaptés aux besoins de leurs utilisateurs, esthé-
tiques et personnalisables. À partir de 2005, tout s’accélère. Il saisit l’opportunité de
suivre une formation en master 2 « Création et management des PME » à l’IAE de
Tours. Avec le soutien de ses professeurs, l’appui d’étudiants en Master 1 « Sciences
du management » et les conseils de bonnes connaissances dans le secteur du textile,
il décide de mener une étude plus approfondie sur son projet. Il consacre alors son
mémoire de fin d’études à la rédaction de son business plan. En 2006, un an après
avoir obtenu son diplôme, il crée la société Rizome, une SARL au capital de
18 000 euros. Il en est le seul maître à bord et semble satisfait d’avoir atteint son
objectif.

2  La phase de création et de lancement de l’entreprise


(années 2004-2006)
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Au départ, Frédéric projetait de créer une ligne de vêtements de jardinage destinée
à la fois au grand public (amateurs de jardinage) et aux professionnels (collectivités
locales, entreprises de création d’espaces verts, propriétaires privés de parcs et jar-
dins, horticulteurs, maraîchers, viticulteurs…). Les différentes investigations (études
de marché, conseils d’amis et rencontres de professionnels) le conduiront aux
constats suivants.

2.1  La situation en 2004-2006 sur le marché B2B du vêtement


professionnel
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■■  Les catégories de marchés et les types de produits


Il existe différentes catégories de produits sur le marché des vêtements profession-
nels. On distingue :
––le vêtement de travail, qui protège les vêtements du salarié ;
––le vêtement de protection, qui protège le salarié lui-même ;
––le vêtement d’image ou de représentation, qui permet d’identifier l’entreprise.

Ces différentes catégories sont regroupées au sein d’un même marché – le marché
des EPI (Équipements de protection individuelle) – soumis à la directive européenne
89/656 et l’article R 233-1 du Code du travail français (cf. Annexe 2). Bien qu’il soit
méconnu, le marché français des EPI est un marché dynamique en progression

7
11 cas de stratégie

régulière (cf. Annexe  1). En 2005-2006, il représente plus de 13  500 emplois en
France, répartis entre fabricants (49 %) et distributeurs (51 %) et réalise 760 millions
d’euros de chiffre d’affaires.
Pour les professionnels des espaces verts, les pépiniéristes, les agriculteurs et
autres activités extérieures, il n’existe pas de ligne de vêtement « jardinage » en tant
que telle. Les principaux produits offerts pour les activités et les métiers d’extérieur
sont notamment des combinaisons, des cottes à bretelles, des vestes et des pantalons.
Le vêtement destiné au jardinage est assimilé à un vêtement de travail. Le tradition-
nel bleu de travail y fait en quelque sorte figure d’image d’Épinal. La forme des
vêtements est très basique, les coloris, le design et les matières utilisées sans grande
originalité. Sur ce marché, on se trouve face à une offre peu innovante. Il ressort
d’ailleurs des études que le vêtement de travail est plutôt perçu, tant par les
employeurs que par les employés, comme un vêtement obligatoire et peu seyant. Le
prix reste un critère important sur cette catégorie de marché.
Sur les deux autres catégories, le vêtement de protection et le vêtement d’appa-
rence, on observe des tendances différentes :
––sur le vêtement d’apparence, la personnalisation des vêtements, le choix des cou-
leurs, le design sont des critères qui ont de plus en plus d’importance pour les
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professionnels. L’uniforme est de plus en plus utilisé comme un vecteur de com-
munication. D’ailleurs, un certain nombre d’entreprises comme Air France, la
RATP ou encore la SCNF ont su revaloriser leur image en redessinant les uni-
formes pour leurs employés ;
––sur le marché des vêtements de protection, compte tenu de l’existence d’une régle-
mentation plus stricte, les professionnels ont pris conscience que les efforts en
matière d’innovation, de recherche et de développement sont importants et les
attentes des utilisateurs, en termes de design et de confort sont plus affirmées.

■■  Le sondage effectué par Frédéric auprès des professionnels visés


Dans ses premières démarches, Frédéric est allé à la rencontre d’entreprises pay-
sagistes de taille supérieure à 50 salariés. Il s’agissait de les questionner sur leur
tenue vestimentaire, le lieu où ils achètent leur tenue ou encore les attentes qu’ils ont
vis-à-vis de ces produits. De ces échanges, il est ressorti que ces entreprises n’étaient
pas démarchées directement. Elles ne représentaient pas un potentiel attractif pour
les gros leaders du secteur. Elles se fournissaient principalement auprès des LISA
ou par catalogues. Pour ce type de clientèle, le critère qualité/prix restait certes un
critère de choix, confirmant ainsi les tendances mentionnées plus haut, cependant
elle n’était pas insensible à l’idée d’une personnalisation de leurs vêtements ou d’un
meilleur confort. Ces premiers retours laissaient présager, pour Frédéric, que le
marché du vêtement de travail pourrait à terme pénétrer l’univers des deux autres
catégories de marché, les vêtements de protection et les vêtements d’image
(cf. Annexe 2).

8
Rizome  ■  Cas 1

Frédéric s’est également renseigné auprès des collectivités locales. Sur cette caté-
gorie d’acteurs (en l’occurrence les mairies, et notamment les mairies de taille
moyenne), le marché lui semblait particulièrement intéressant. Il a découvert que les
collectivités locales peuvent consacrer jusqu’à 60  % de leurs dépenses au budget
« personnel et assimilés ». Les collectivités locales de proximité semblent en outre
assez à l’écoute des services pouvant être apportés en matière d’équipement de pro-
tection (par exemple, possibilité de commander des petites quantités, avec un renou-
vellement non pas annuel mais à l’unité en fonction de l’usure des équipements).
Elles sont aussi sensibles à une offre standard pouvant être adaptée à l’ensemble des
services techniques.
Autre élément et non des moindres : ces marchés fonctionnent selon des cahiers
des charges précis dans le cadre d’appels d’offres. Ce type de marché est quasiment
inaccessible pour une entreprise qui démarre… à moins de passer en sous-traitance.
Pour autant, Frédéric était convaincu que ce marché restait porteur à moyen et long
termes.

■■  Les concurrents sur le marché B2B du vêtement professionnel


Côté offre, sur le marché du vêtement de travail, on trouvait, parmi les principaux
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leaders des vêtements professionnels, essentiellement les marques Bragard1, Mul-
liez, Flory Lafont2, Vetro. Ces grands groupes ont subi, au même titre que les autres
fabricants du secteur du textile, la concurrence asiatique. Aujourd’hui, leur produc-
tion est largement délocalisée vers l’Asie, puis distribuée au niveau national par des
grossistes ou des détaillants. Outre cette concurrence, le secteur est fortement péna-
lisé par l’envol des prix des matières premières comme le coton, les fibres synthé-
tiques issues du pétrole et les contraintes de fabrication qui nécessitent de pouvoir
anticiper six mois à l’avance le lancement d’une production. La compétitivité passe
essentiellement par des prix bas et la maîtrise des coûts. Ces dernières sont des pré-
occupations constantes. Dans ce contexte, ces grands groupes produisent des séries
uniques, simples, en grande quantité et à bas prix. Les niveaux de prix constatés sur
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les produits d’appel sont de 15 à 20 euros pour un pantalon et 20 à 25 euros pour


une veste.

2.2  La situation sur le marché B2C : le marché du « jardinier amateur »


Le marché de jardinage se portait relativement bien. Il était soutenu essentielle-
ment par les produits et les activités extérieures du jardin (accessoires de protection,
arrosage, mobilier de jardin, etc.). Cela représentait 72 % du CA global du secteur.
Comme sur le marché professionnel, il n’existait pas réellement de ligne de

1.  Rachetée ensuite par Kwintet.


2.  Rachetée ensuite par Kwintet.

9
11 cas de stratégie

vêtement spécifique au jardinage. On retrouvait également un marché couvert majo-


ritairement par les LISA avec une offre basique et de fabrication chinoise. Chez ce
type de distributeurs, seule la marque Aigle était bien implantée, mais elle offrait
davantage une ligne de produits « loisirs et détente ». Il existait cependant, via des
magasins spécialisés ou des franchises, des offres positionnées sur du haut de
gamme (ex. : la marque Le Prince jardinier…) mais elles étaient peu adaptées au
travail du jardinier amateur. Dans ce type de distribution, les vêtements proposés
étaient plutôt orientés pour des activités de loisir, de randonnées ou pour des activi-
tés spécifiques comme les activités équestres ou de chasse.
Au final, il existait peu de choix pour le consommateur en dehors d’une offre pre-
mier prix. D’ailleurs, pour compléter les tendances évoquées précédemment, les
distributeurs et notamment les LISA ont préféré investir ces dernières années sur des
produits accessoires plutôt que sur des lignes de vêtements. Le marché des acces-
soires se prête mieux à l’innovation et permet du turnover dans les rayons.

■■  Les résultats de l’étude de marché sur le marché B2C


Afin de mieux cerner les besoins des jardiniers amateurs en matière de tenue ves-
timentaire, une étude de marché a été menée avec le soutien d’étudiants auprès d’un
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échantillon de 300 personnes comprenant aussi bien des hommes que des femmes,
de 35 à 60 ans et plus, toutes CSP confondues. L’étude révèle que le concept est
plutôt bien perçu mais que certains freins à l’achat demeurent. Les personnes inter-
rogées déclarent en effet être majoritairement favorables au lancement d’une ligne
de vêtements modulables. Néanmoins, elles ne sont pas toutes prêtes à l’acheter et
déclarent qu’elles l’utiliseraient volontiers si elles se le faisaient offrir en cadeau…
L’étude n’a en outre pas permis de fixer un prix psychologique pour les produits
proposés. Les résultats ont en effet révélé des écarts de prix trop importants…

2.3  La création de l’entreprise Rizome en 2006 : les choix de départ


En 2006, pour démarrer son activité, Frédéric choisit de s’adresser d’abord aux
professionnels – les paysagistes, les horticulteurs, les pépiniéristes, les personnels
des parcs et jardins. Les collectivités locales seraient visées à moyen terme, lorsque
les conditions pour l’entreprise seraient réunies. Son ambition est d’imposer sur le
marché des professionnels sa marque Rizome. Son offre s’appuie sur le principe
d’un uniforme constitué d’une veste et d’un pantalon déclinés en deux modèles
d’hiver et d’été, avec des coloris différents et des accessoires variés (poches, élé-
ments de signalisation, broderies). Sa volonté est de mettre en avant l’originalité de
sa marque au travers de la technicité des tissus choisis, de la praticité des vêtements
conçus et de l’esthétisme en misant sur le marquage et la personnalisation des pro-
duits. Ces services peuvent facilement multiplier par trois le prix d’un vêtement. Il
fait alors le choix de positionner sa gamme de produit sur un niveau de prix

10
Rizome  ■  Cas 1

« intermédiaire plus », se démarquant ainsi du marché bas de gamme investi par les
LISA et la GDB et se rapprochant du marché « haut de gamme » occupé par des
détaillants spécialisés ou par des franchises dans le vêtement outdoor et de loisir/
détente (marque Aigle, par exemple). Conscient que la distribution risque d’être
gourmande en marge, dans un secteur déjà contraint par des délais longs d’approvi-
sionnement et de fabrication, il opte pour des circuits courts de distribution, tels les
salons professionnels agricoles ou encore les salons des horticulteurs ou de la jardi-
nerie.
Pour développer son offre, Frédéric bénéficie du soutien de deux gérants de
société. D’un côté, Benjamin, gérant de TDS (Touraine Design Studio) située sur la
commune de Loches en Indre-et-Loire. En tant que designer et styliste, il dispose
d’un réel savoir-faire en développement de nouveaux produits. De l’autre, Patrick
est gérant de la société SPLIT, située à Châtillon-sur-Indre. SPLIT est l’une des
dernières entreprises textiles de la région Centre, reconnue pour son savoir-faire
dans la confection et son travail de qualité. Elle doit sa survie au fait qu’elle a su
anticiper les mutations du secteur en développant un savoir-faire en sourcing (achat
de matières premières – suivi de commande – logistique).
Outre le fait qu’ils se connaissent personnellement, une réelle confiance s’est ins-
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tallée entre eux. Patrick et Benjamin ont régulièrement conseillé Frédéric, et se sont
rapidement pris au jeu de la réflexion qu’il a menée pour développer son concept.
Le projet peut apporter un volume d’affaires intéressant, sur des marchés nouveaux.
Confrontés à un ralentissement important dans leurs activités respectives, ils sont
tout à fait prêts à relever le challenge. Pour Frédéric, la collaboration avec Patrick et
Benjamin lui permet de partir avec de faibles charges, conscient qu’un atout majeur
de la réussite de son projet est de rechercher à optimiser ses coûts.
C’est donc tout naturellement que Frédéric établit son siège social à proximité de
ses deux partenaires, à Fléré-la-Rivière, une zone en outre classée ZRR1. Il s’installe
alors dans une des dépendances de sa résidence principale.
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La collaboration entre les trois sociétés s’établit de la manière suivante :


––TDS est en charge d’élaborer la ligne produit ;
––la société SPLIT est en charge de la confection et de la logistique ;
––l’entreprise Rizome, par l’intermédiaire de Frédéric, est en charge de toute la par-
tie commerciale, à savoir la prospection avec une forte présence sur les salons, la
gestion en directe d’un portefeuille de clientèle, en développant une écoute, une
réactivité, une adaptabilité…

1.  Les ZRR (Zones de revitalisation rurale) sont des territoires ruraux de développement prioritaire. Ce sont des
zones qui connaissent des difficultés de développement. Une entreprise qui se crée en ZZR peut bénéficier d’un
certain nombre d’exonérations fiscales (exonération d’impôt sur les bénéfices les 4 premières années, exonération
de la taxe foncière, exonération de charges sociales et patronales, etc.).

11
11 cas de stratégie

3  L’entreprise Rizome au cours des cinq premières années :


le développement de l’activité et les premiers questionnements

Pour promouvoir sa gamme de produits, Frédéric passe une large partie de son
temps dans les salons professionnels que fréquente sa clientèle. Les débuts sont bien
sûr difficiles, car il faut du temps pour faire connaître la marque. Le côté marquage
séduit beaucoup et fait gagner des clients. Très rapidement, Frédéric collabore avec
une petite entreprise de broderie située dans l’Orléanais, capable de lui fournir des
petites quantités, puis une seconde spécialisée dans la sérigraphie industrielle. Il
décide aussi de passer par deux agents commerciaux, payés à la commission pour
démarcher les pépiniéristes, les horticulteurs et pour approcher les collectivités
locales. Il développe en parallèle un site Internet qui est un site vitrine pour faire
connaître Rizome. Le concept est de mieux en mieux accueilli dans les salons. Fré-
déric reste à l’écoute de ses clients et fait évoluer ses produits en incorporant des
membranes polyuréthanes sur les vestes ou pantalons qu’il conçoit (membranes en
gore-tex, bandes réfléchissantes, etc.) afin de proposer des gammes de produits plus
résistants et adaptés au travail en extérieur tout en continuant à veiller à l’esthétisme
de ses produits. La marque commence alors à percer autour d’une gamme qui tend
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à s’élargir pour répondre aux exigences des clients (blousons d’été, d’hiver, tee-
shirts de différents coloris à manches courtes ou longues, etc.)… mais c’est sans
compter les contraintes d’approvisionnement qui commencent peu à peu à devenir
pesantes. À partir des années 2008-2009, une certaine concentration s’amorce du
côté des tisseurs. Il devient alors de plus en plus difficile de négocier de petites
quantités de tissus à prix compétitif pour l’entreprise. Alors qu’il était possible, au
démarrage de l’activité, de commander 100 mètres de tissus avec une répercussion
de la hausse du prix lié à cette quantité de l’ordre de 15 à 20 %, deux ans plus tard,
la donne est complètement différente et les conditions se durcissent. La quantité
minimum à acheter double, entraînant des problèmes de trésorerie, de coûts de stoc-
kage et au final, des problèmes de rentabilité.
C’est alors que Frédéric décide de se lancer dans la commercialisation de vête-
ments outdoor haut de gamme pour le compte d’autres marques – d’abord pour
Jumfil puis pour Dubarry. Cette nouvelle activité donne naissance à l’Atelier
Rizome, un magasin situé dans les locaux de l’entreprise. Pour cette activité, tout est
parti des salons professionnels. Jumfil est un fabricant français de vêtements outdoor
et de vêtements de chasse. Il est plutôt implanté dans la région lyonnaise avec peu
de boutiques en propre. Il est présent sur quelques salons pour vendre ses produits
en direct, mais cela reste limité. Frédéric, connaissant bien la marque, lui propose
de la commercialiser dans d’autres régions. Le partenariat débute ainsi et va
s’étendre ensuite à d’autres marques détenues par Jumfil, comme Dubarry. Plus tard,
Frédéric n’hésite pas à investir le marché des goodies en proposant des gadgets et
objets personnalisés à différentes entreprises de l’agrofourniture. Au départ, il avait
fait appel à ses anciens contacts professionnels pour équiper ses propres vêtements,

12
Rizome  ■  Cas 1

faire des vêtements spécifiques ou se démarquer des catalogues publicitaires. Puis


très rapidement, il a eu accès à leur portefeuille, leur boutique de gadgets. C’est
alors que Frédéric a commencé à démarcher des firmes de l’agrofourniture et des
produits phytosanitaires (qu’il connaît bien pour y avoir travaillé auparavant). Il les
a surtout orientées dans le choix de leurs goodies vers le vêtement EPI, les équipe-
ments individuels, en les convainquant qu’il était plus utile d’offrir aux agriculteurs
et aux techniciens des gants ou des lunettes de protections à l’effigie de leur marque
que des crayons ou des porte-clés. Sa collaboration avec l’entreprise de sérigraphie
industrielle, entamée quelques années plus tôt, lui permet d’avoir un rendu de très
bonne qualité sur l’impression des logos… Cette activité de goodies a rencontré
rapidement un franc succès. Elle est devenue très rémunératrice pour l’entreprise
Rizome, même si elle nécessite une trésorerie importante à chaque fois.
Alors, quel bilan tirer depuis la création ? Même si Frédéric est passionné par ce
qu’il fait, il a le sentiment que son activité devient de plus en plus compliquée. Sur les
vêtements professionnels, les contraintes d’approvisionnement sont toujours présentes
avec des quantités à la commande qui augmentent chaque année. Il lui est impossible
de répercuter ces contraintes sur les prix de ses produits, déjà élevés. Sans compter le
stock que cela génère, avec les différents modèles et matières qu’il propose. Il faudrait
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aussi qu’il vende plus, soit en passant par d’autres agents commerciaux, soit en recru-
tant en interne. Mais la situation n’est pas simple, car il s’est aperçu qu’il était difficile
de recruter de bons agents commerciaux. Ces derniers temps, il a dû se résoudre à
remplacer un agent. Recruter en interne lui semble pour l’instant trop risqué financiè-
rement. Côté réglementation, cela n’évolue pas non plus dans le bon sens selon lui, car
la loi oblige aujourd’hui l’employeur à fournir des vêtements professionnels à ses
employés et à les fournir propres. Certains acteurs, qui n’étaient pas fortement pré-
sents jusqu’ici sur le secteur, comme les loueurs de linge, s’intéressent de plus en plus
au marché en proposant des vêtements de base avec des services de nettoyage…
Certes, Rizome n’est pas en concurrence directe, mais cette évolution le laisse per-
plexe. Côté collectivités locales, Rizome a su décrocher quelques marchés après trois
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ans d’existence, mais là aussi les règles évoluent. Les moyennes et grandes collectivi-
tés réorganisent toutes leur service achat. Alors qu’auparavant, chaque service avait
son propre budget, la tendance est aujourd’hui à la centralisation des achats. Ainsi, du
stylo aux chaussures en passant par les vêtements de travail, tout passe par le même
acheteur, laissant ainsi la part belle aux grands groupes. Enfin, Frédéric remarque
depuis peu que certains partenaires dont il commercialise la marque de vêtements
outdoor commencent à vendre en direct sur les mêmes places que lui… Enfin, son
partenaire d’origine, l’entreprise SPLIT, voit son activité repartir à la hausse. Il est
donc moins réactif qu’avant, ce qui entraîne des délais de livraison de marchandises
plus longs sur les produits les plus demandés…
Frédéric est conscient que les marchés évoluent et que son entreprise doit en
permanence chercher à s’y adapter. Mais aujourd’hui, toutes ces évolutions ne le
satisfont pas pleinement.

13
11 cas de stratégie

Questions
1 ■ Vousanalyserez la pertinence du positionnement choisi en 2006 au regard de
l’évolution du marché du vêtement de travail et de la capacité stratégique
construite.
2 ■ Vous préciserez la situation de l’entreprise cinq ans après sa création. Quels
sont selon vous les facteurs déterminants qui expliquent la situation dans
laquelle se trouve l’entreprise ?
3 ■ Quels sont les avantages et les limites du modèle organisationnel choisi ?

Annexe 1
Les éléments majeurs sur le secteur des vêtements de travail

1.  Le secteur des vêtements de travail en 2004


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Vêtements Vêtements
de travail sur mesure Autres
4% 5 % vêtements et
Vêtements accessoires
de dessus 10 %
pour
femmes et Vêtements
fillettes de dessus
pour
hommes et
garçonnets
17 %

Vêtements
de dessous
23 %

Source : SESSI, EAE, données 2004.


Figure 1.1 – La répartition du CA par secteur d’activité de la filière habillement

En 2004, le secteur de la fabrication de vêtements en textile générait un chiffre d’af-


faires de 10  048,7  millions d’euros. Il regroupait 817 entreprises et avait un taux
d’exportation de 31,8 %. La fabrication de vêtements de travail représentait 4 % de
la filière avec un CA de 415,2 millions d’euros. Elle regroupait 45 entreprises de 20
salariés et plus et était peu exportatrice (son taux s’élevait à 7,8 %) en comparaison
avec les autres secteurs de l’habillement textile.

14
Rizome  ■  Cas 1

2.  La tendance sur l’offre du secteur des vêtements de travail


Période 2000-2006
Entre 1998 et 2006, l’activité du secteur a progressé de 16 % environ en valeur. Entre
2000 et 2005, cette progression s’est faite à un rythme soutenu de l’ordre de 2 à 3 %
par an avec une croissance exceptionnelle en 2005 (+ 5 %). Cette dernière est portée
en partie par le marché de la construction, porteur en termes d’emplois (+ 2 %) mais
surtout par le dynamisme des exportations, notamment à destination de l’Allemagne
(+ 170 %), engagée depuis 2005 dans des travaux de rénovation colossaux en vue de
la Coupe du monde de football de 2006. Sur la même période, la production du sec-
teur a chuté de 50 %. En 2004, le secteur de la fabrication de vêtements de travail ne
comptait plus que 45 entreprises de 20 salariés et plus contre plus de 68 dix ans plus
tôt. Face à la concurrence étrangère à bas prix, certains fabricants français ont redé-
ployé leur outil de production à l’étranger, dans les pays du Maghreb notamment, ne
conservant en France que leur activité de recherche. La production de vêtements de
travail nécessite en effet une main-d’œuvre importante et peu qualifiée.
Après 2006
Après une année exceptionnelle en 2005, la tendance du secteur est revenue à son
niveau de croissance antérieur à 2005, autour de 2,5 à 3,5 %. Cette croissance soute-
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nue s’explique en grande partie par la volonté des institutions publiques de sécuriser
les employés sur leur lieu de travail. De manière générale, on observe une impor-
tance croissante accordée à la prévention dans le monde du travail. Côté pouvoir
public, le gouvernement a mis en place à partir de 2004 trois principaux pôles de
compétitivité (Up-Tex à Lille, Fibres naturelles Grand-Est à Strasbourg et Techtera
à Lyon) afin de soutenir l’innovation dans le secteur et permettre aux acteurs de la
filière de faire face à la concurrence des pays à bas prix.

3.  La demande des vêtements de travail


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Les vêtements de travail concernent tous les secteurs de l’économie. Toutefois, ils
sont principalement destinés à l’industrie et au marché du BTP. L’évolution du mar-
ché des vêtements de travail est fortement corrélée à celle du marché de l’emploi.
Les prévisions d’emploi sur ces deux marchés restaient incertaines pour les années
2006-2007. La construction présente certains signes d’essoufflement laissant penser
que les créations de postes seront amenées à ralentir. Quant à l’industrie, la création
d’emplois poursuit sa chute, conséquence des modifications structurelles de l’éco-
nomie française favorables à un développement des activités de service. Pour les
années 2006-2007, la croissance de la demande de vêtements de travail reste cepen-
dant soutenue autour de + 2,5 % à + 3,5 % en valeur.1

1.  Source : Xerfi 2005.

15
11 cas de stratégie

4.  La distribution des vêtements de travail


Selon le type de vêtements, la distribution peut différer. La vente directe est géné-
ralement préférée pour le vêtement d’image. En revanche, pour les vêtements tech-
niques (notamment les vêtements de travail classiques tels les bleus de travail), les
grands groupes passent par les négociants généralistes ou spécialistes. Ces derniers
peuvent en effet garantir de grandes quantités à prix réduits. Enfin, depuis quelques
années, les loueurs de vêtements tendent à jouer un rôle croissant dans la distribution
de vêtements de travail. En plus de la location, ils prennent en charge l’entretien et le
nettoyage pour le compte de leurs clients.

Annexe 2
La réglementation dans le secteur des fabricants de vêtements de travail

La fin des quotas d’importation en 2005


L’accord Textile-Vêtement (ATV) a progressivement mis fin à l’accord Multi-Fibre
(AMF) mis en place par le GATT1 en 1974 protégeant les industries locales des
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importations massives en provenant de Chine. Le calendrier de cet accord s’est étalé
sur une dizaine d’années, libéralisant progressivement le commerce textile-habille-
ment. Au 1er janvier 2005, cette libéralisation est totale. Concernant les vêtements
de travail, cette libéralisation a été totale dès 2002, entraînant une forte hausse des
importations chinoises.

Les EPI définis selon le type de protection et les risques encourus


La directive n° 89/686/CEE définit trois catégories de produits en fonction du risque
encouru. Chaque type de produit doit répondre à des normes strictes et faire l’objet
d’une certification spécifique. Au cours des années, cette directive a évolué vers plus
d’exigences et de rigueur.

1.  General Agreement on Tariffs and Trade (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce).

16
Rizome  ■  Cas 1

Risques Produits Procédure de certification

Catégorie 1 Mineurs. Gants de jardinage, Le fabricant certifie lui-même


vêtements de protection. ses produits.

Catégorie 2 Intermédiaires. Gants, lunettes de Nécessité pour le fabricant de


protection. demander un examen CE auprès
d’un organisme agréé.

Catégorie 3 Graves, Équipements contre la Nécessité pour le fabricant de


irréversibles. chaleur, les risques de demander un examen CE auprès
chutes. d’un organisme agréé.
Il doit entrer dans un système
d’assurance qualité CE avec
surveillance.

Source : IFTH (Institut français du textile et de l’habillement).

Le vêtement de travail est régi par le Code du travail (décret 93-41) Art R 233.1 qui
stipule que le chef d’entreprise doit mettre gratuitement à disposition des travailleurs
les équipements de travail nécessaires en vue de préserver leur santé et leur sécurité.
Deux autres articles L.233-5-1 et L.231-2 du Code du travail précisent que les équi-
pements de travail doivent être choisis en fonction des conditions et des caractéris-
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tiques particulières de travail à l’aide d’une analyse et d’une évaluation des risques
préalables.

Annexe 3
La mondialisation dans le secteur du textile
Après l’internationalisation de l’industrie de l’habillement dans les années 1960
et 1970, c’est au tour du secteur textile de se mondialiser. Cette mondialisation a
entraîné une chute de la production dans l’hexagone et de ce fait, une chute de l’em-
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ploi dans le secteur. Face aux avantages comparatifs des pays émergents (notam-
ment les coûts salariaux plus bas), la délocalisation de production est devenue la
seule issue possible pour les entreprises du textile. La réduction de la production
a toutefois touché plus particulièrement la production de produits bas et moyen de
gamme. Le secteur du textile-habillement se caractérise par une intégration faible
et un recours à la sous-traitance particulièrement fort. Ces conditions ont favorisé
la délocalisation de la production dans le textile. Elle s’est alors traduite par une
réorganisation de la production au niveau mondial et a modifié les rapports entre les
acteurs de la filière.
Au cours des années 1990, période de délocalisation de l’habillement, les don-
neurs d’ordre ont délocalisé leur production en faisant appel à des confectionneurs
implantés dans des pays proches pour abaisser leurs coûts de production. La pro-
duction de textile a pu ainsi être préservée jusqu’en 2003-2004. Progressivement,

17
11 cas de stratégie

la sous-traitance à fait place à la cotraitance. Cette nouvelle organisation de la pro-


duction confère au façonnier non seulement la fabrication du vêtement, mais aussi la
responsabilité de l’achat du tissu. Cette cotraitance est moins marquée en France que
dans d’autres pays comme l’Allemagne ou les pays de l’Europe du Nord. Elle devient
cependant le principal mode d’approvisionnement de la distribution. En France, elle
représente en moyenne 58 % des approvisionnements des distributeurs et se pratique
surtout avec les confectionneurs asiatiques. Ainsi, progressivement, les cotraitants
hors Europe travaillent de plus en plus en relation avec les tisseurs locaux. Au début
du processus de délocalisation de l’habillement, la quasi-totalité des confectionneurs
asiatiques importaient leurs tissus d’Europe. Depuis, l’activité de tissage s’est déve-
loppée à proximité des cotraitants. Une concurrence certaine s’est alors établie en
termes de prix, de réactivité et de qualité entre les tisseurs européens et les tisseurs
hors Europe. La concurrence provenant des pays à bas salaires concerne surtout les
activités textiles traditionnelles liées à la laine, au coton et aux matériaux naturels.
Ces activités sont en outre pénalisées par une volatilité des cours des produits et par
leur éloignement des lieux de production. Les entreprises présentes dans ces activités
trouvent alors de plus en plus difficilement leur place et les fermetures se succèdent.
Dans ce contexte, le créneau des textiles techniques constitue une opportunité pour
l’industrie française. Ces textiles répondent à des exigences techniques et qualita-
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tives élevées en matière de résistance mécanique et thermique et de durabilité. Ils
offrent en outre de nombreux débouchés à l’industrie textile du bâtiment, du génie
civil, de la santé ou encore du sport. Dans ce contexte, le maintien d’une industrie
française repose sur le développement du créneau des textiles techniques permettant
de fidéliser les clients sur la qualité, la sécurité et le développement durable. Le
maintien d’une industrie française passe également par le recentrage des activités
des entreprises du textile sur une activité de bureau d’études autour de la conception
et du marketing. Ceci est d’autant plus nécessaire que la production des entreprises
est délocalisée et que les réajustements de production se révèlent plus difficiles et
plus coûteux.

Annexe 4
Des références d’articles sur l’évolution du secteur du vêtement
de travail après 2006-2007
« Vêtements professionnels et de protection », www.passcreamode.com
L’article chiffre le marché mondial du vêtement professionnel en 2011 à 7 milliards
d’euros alors que le chiffre d’affaires du marché français du vêtement professionnel
avoisine les 600 millions d’euros, dont la moitié est générée par les vêtements de
protection (EPI). Le secteur du vêtement professionnel en France est très fragmenté :
il compte de nombreux acteurs, fournisseurs et donneurs d’ordres et de nombreux
segments distincts. Sa distribution est multiforme.

18
Rizome  ■  Cas 1

L’article souligne en outre que le vêtement de travail permet dans beaucoup de cas de
distinguer les professions entre elles. Son port s’est étendu à d’autres secteurs d’acti-
vité pour répondre à leurs nouveaux besoins : représentation d’une image d’entre-
prise ou de marque, valorisation du salarié et reconnaissance de son appartenance à
l’entreprise.
« Le vêtement de travail, Avoir le costume de l’emploi », BBI n° 94, novembre
2011
www.baselopresse.fr/les-vetements-de-travail-1-5-1490.html#debut_article
L’article souligne que le marché du vêtement de travail tend à quitter l’univers de la
contrainte. Les employeurs commencent en effet à prendre conscience qu’un équi-
pement confortable, adapté à la morphologie de l’usager et à son environnement
favorise la performance. L’article pointe ainsi que les gammes se spécialisent en
fonction des métiers et se rapprochent de plus en plus du vêtement de protection. Le
recours à des matériaux techniques permet aux professionnels de travailler dans des
conditions optimales.
Étude sectorielle sur le textile-habillement menée par BPI France, 2013
www.bpifrance.fr/actualites/publications_etudes/syntheses_sectorielles
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L’étude souligne que l’industrie textile française a réussi à stabiliser son chiffre d’af-
faires en 2013, malgré un contexte macroéconomique peu porteur avec un recul de la
consommation dans l’habillement de 2 % en valeur. L’industrie textile face à la mon-
dialisation montre actuellement une meilleure capacité de résistance que d’autres
secteurs industriels. Les industriels, de l’amont à l’aval de la filière, continuent de
saisir des opportunités pour développer des produits à forte valeur ajoutée.
En 2013, le secteur des textiles techniques est toujours le secteur le plus soutenu et
est même en progression. Quatre domaines d’applications se détachent : protection
individuelle, sport et loisirs, transports, et santé. Les industriels investissent en R&D
pour conférer aux textiles de nouvelles propriétés, les combiner, améliorer leur dura-
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bilité, tout en respectant les exigences environnementales…

19
11 cas de stratégie

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

1.  Vous analyserez la pertinence du positionnement choisi en 2006


au regard de l’évolution du marché du vêtement de travail
et de la capacité stratégique construite.
L’entreprise Rizome propose des vêtements de travail pour jardiniers et pépinié-
ristes. Il n’existe pas à proprement parler de marché du vêtement de jardin pour
professionnels. Ce dernier est apparenté au vêtement de travail basique de type
bleu de travail, dit vêtement technique. L’analyse se focalise donc plus particuliè-
rement sur ce type de marché. Il s’agit, pour apprécier le positionnement choisi en
2006 par le dirigeant, d’effectuer un diagnostic :
––de l’évolution des tendances du marché du vêtement de travail et de l’état de la
concurrence sur ce marché ;
––de la capacité stratégique de l’entreprise étudiée.
L’étude repose sur les données du marché de 2006 ou antérieur à 2006.
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L’analyse du marché du vêtement de travail s’appuie à la fois sur une analyse
des tendances significatives qui structurent ce marché (analyse PESTEL) et sur
l’analyse des forces concurrentielles (modèle de Porter, 1986) qui pèsent alors
sur le secteur de la fabrication de vêtements de travail. Ces deux niveaux d’ana-
lyse permettront dans un premier temps de déceler les enjeux qui se profilent
dans l’activité de fabrication de vêtements de travail et les facteurs clés de
succès à maîtriser dans cette activité. L’analyse s’appuie également sur les
investigations menées par le dirigeant lors de la phase de création de son entre-
prise. L’analyse de la capacité stratégique de Rizome, dans un second temps,
menée à partir du concept de chaîne de valeur et de l’analyse des ressources et
des compétences permet alors d’étudier si le modèle d’affaires développé per-
met de dégager un avantage concurrentiel sur le marché du vêtement de travail.
Cette analyse nous conduit enfin à proposer une synthèse de ce diagnostic en
termes de forces, faiblesses, opportunités et menaces.
L’analyse du macro-environnement du marché du vêtement de travail
(avec une orientation sur le vêtement destiné aux activités du jardinage)
L’analyse du macro-environnement permet de faire ressortir plusieurs éléments :
• Le marché du vêtement de travail affiche une évolution positive portée par le
marché du travail. Certes, deux secteurs semblent être plus directement liés à la
croissance du marché étudié – la construction et l’industrie – mais le vêtement
de travail tend à se généraliser dans de nombreuses activités.

20
Rizome  ■  Cas 1

Tableau 1.1 – L’analyse PESTEL du marché du vêtement de travail


Tendances
Opportunités Menaces
structurelles
Politiques Les conditions de travail deviennent un La fin des quotas d’importation en
enjeu politique étant donné que les 2005 dans le secteur du textile habillement
salariés vont travailler plus longtemps (cf. (cf. Annexe 2).
texte principal et Annexe 1).
Économiques Un marché du vêtement de travail porté essentiellement par le marché du travail
(cf. Annexe 1).
Le marché du jardinage est en pleine expansion (texte principal).
Coût de la main-d’œuvre des pays asiatiques
(cf. texte principal et Annexe 3).
Volatilité des cours de certaines matières
(coton, etc.) (cf. Annexe 3).

Socioculturelles Le vêtement de travail est de plus en plus Le vêtement de travail est cependant
perçu par les professionnels comme un considéré encore dans certains secteurs
outil de performance (protection de comme une contrainte.
l’homme au travail, objectif de faire Les produits souffrent d’idées reçues (cf.
baisser le nombre d’accidents du travail texte principal).
(cf. texte principal).
Technologiques Innovations très nombreuses, notamment
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pour le vêtement EPI alliant technicité,
confort et protection (cf. Annexe 1 et
texte principal).
Écologiques Volonté de protéger l’homme au travail, Utilisation de matières naturelles (laine,
de faire diminuer le nombre d’accidents soie, lin, coton, chanvre…) et artificielles
du travail… (polyamide, acrylique) fabriquées à base de
produits extraits du pétrole qui restent
polluants et difficiles à recycler.
Légales Normes strictes aussi bien au niveau technique qu’au niveau de la sécurité du salarié et
qui font l’objet d’une certification spécifique. Au cours des années, cette directive a
évolué vers plus d’exigences et de rigueur (cf. Annexe 2).

• Le marché, jusqu’ici dominé par le vêtement technique classique de type « bleu


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de travail  », tend à se rapprocher de plus en plus du marché du vêtement de


protection avec des exigences en termes de confort, de sécurité et d’esthétisme.
Cette tendance est une des tendances du marché les plus significatives et peut
constituer ainsi un véritable enjeu pour les entreprises du secteur. Cette tendance
est la résultante d’une combinaison de facteurs socioculturels, politico-légaux,
technologiques et écologiques. Elle implique pour les entreprises du secteur
qu’à terme, l’offre des produits évoluera vers des produits plus esthétiques, plus
confortables et porteurs de sens pour les entreprises clientes.
• Enfin, le marché du vêtement de travail se mondialise de plus en plus avec la levée
des quotas d’importations de la Chine qui est totale depuis 2002 pour ce marché.
Cette tendance n’est certes pas nouvelle en soi. La mondialisation a déjà touché le
secteur de l’habillement, ce qui s’est traduit par une délocalisation d’une grande
partie de la production dans les pays émergents à faibles coûts de main-d’œuvre.

21
11 cas de stratégie

Cette tendance s’observe également pour les entreprises présentes sur la fabrica-
tion des vêtements de travail. L’enjeu aujourd’hui provient surtout de la mondiali-
sation du textile qui peut entraîner à terme une modification des rapports de force
entre acteurs de la filière (donneurs d’ordres, façonniers et tisseurs), comme le
souligne l’annexe 3. Cela peut induire pour les entreprises du secteur des change-
ments de règles dans l’approvisionnement ou dans la production.
L’analyse des forces concurrentielles sur le marché du vêtement de travail
En 2005-2006, le marché du vêtement de travail dit technique (qui se différencie
du vêtement de protection) repose majoritairement sur des produits qui sont peu
mis en valeur au sein de l’entreprise et qui doivent répondre à des critères de prix
réduits. Ces produits sont en outre destinés à plusieurs corps de métier sans signe
distinctif. La concurrence sur le marché du vêtement de travail est donc principa-
lement fondée sur la recherche de prix bas et la maîtrise des coûts. La délocalisa-
tion, déjà amorcée depuis plusieurs années dans le secteur de l’habillement textile,
ne fait qu’entretenir cette concurrence. Dans ce contexte, la concurrence dans le
secteur du vêtement de travail technique (cf. figure 1.2) est portée principalement
par le pouvoir de négociation des grossistes et des distributeurs qui se répercute
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sur la concurrence interne au secteur et dans une moindre mesure, par les nou-
veaux entrants. Les autres forces, bien que réelles, restent moins pesantes.
Les fabricants passent très peu par la vente directe pour le vêtement de travail. Ils
ont recours aux grossistes qui, compte tenu du contexte de marché, commandent
en grande quantité et exigent des prix réduits.
Du côté des fabricants, le recours à la sous-traitance auprès de façonniers est par-
ticulièrement développé ; la recherche de prix bas passe essentiellement par une
délocalisation vers des pays à bas salaires. Ainsi, la concurrence interne joue éga-
lement un rôle important dans le secteur.
Les nouveaux entrants dans le secteur sont essentiellement des loueurs de linge qui
proposent, en plus de la location de linge, un service d’entretien. Généralement, ces
loueurs de linge sous-traitent la production des vêtements à des façonniers asiatiques.
Leur arrivée ne constitue pas en 2005 une menace très forte dans la mesure où les
professionnels hésitent à recourir à la prestation des loueurs, jugée trop coûteuse.
Du côté des fournisseurs, on trouve des façonniers sous-traitants des donneurs
d’ordres et des fabricants français ou asiatiques de tissus. Parfois, le façonnier
prend également en charge l’achat du tissu. Les façonniers français sont générale-
ment des entreprises de petite taille et subissent de plein fouet les effets de la
mondialisation du secteur. Ils ne constituent pas une menace réelle dans le secteur.
Du côté des tisseurs, en 2005, la menace n’est pas importante non plus. Les rela-
tions qui lient tisseurs, façonniers ou donneurs d’ordre ne sont pas régies par des
exigences fortes en matière de quantité ou de prix.

22
Rizome  ■  Cas 1

Les produits de substitution ne constituent pas non plus une menace forte dans le
secteur. Ces derniers peuvent être des vêtements de location fournis par les loueurs
ou des vêtements dits outdoor. Dans les deux cas, le rapport qualité/prix ne répond
pas aux besoins des clients professionnels dominants du secteur (grands groupes
de l’industrie de l’automobile ou du BTP, par exemple).
Nous pouvons conclure ici que jusqu’en 2005-2006, le marché du vêtement de
travail est dominé par une offre standardisée régie par la recherche de prix bas et la
maîtrise de coûts. Les facteurs clés de succès passent essentiellement par une pro-
duction délocalisée pouvant assurer des coûts bas et une gamme peu diversifiée.

Tendances politico-légales
La mondialisation du Plus de normes, des obligations
secteur du textile plus strictes de l’employeur sur le
Changement du rapport port de vêtement de travail, une
de force des acteurs Nouveaux entrants importance accrue des conditions
Loueurs de linges de travail...
Risque d’augmentation Menace plutôt faible Vers une
du pouvoir de certains Renforcement du
augmentation du
fournisseurs pouvoir de l’État pouvoir
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Pouvoir des Grands groupes Pouvoir des Client final
fournisseurs (Mulliez…) grossistes et des Professionnels
Façonniers (sous- distributeurs grandes
traitants) et tisseurs Concurrence plutôt forte quantités à prix Vêtements peu
fondée sur les prix et la réduits mis en valeur,
Menace plutôt faible maîtrise des coûts importance du prix
Pouvoir fort
Ouverture vers Vers une
d’autres augmentation du
positionnements pouvoir

Produits de substitution
Vêtements Outdoor
Vêtements personnalisés Tendances socio-cultuelles
Rapport qualité/prix faible
Le vêtement : un outil de performance
Menace peu élevée pour les employeurs, un outil de
reconnaissance pour les salariés.
Importance croissante des
critères de sécurité,
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Vers une
augmentation du d’esthétisme, d’image.
pouvoir

Figure 1.2 – L’intensité concurrentielle sur le marché du vêtement de travail dit


technique pour professionnels
Une offre dominante standardisée et à bas prix susceptible d’évoluer rapidement
sous l’influence des tendances structurelles qui s’affirment sur le marché.

En tenant compte à la fois des forces concurrentielles en présence et des enjeux


issus des tendances structurelles les plus significatives, différents facteurs clés de
succès peuvent ainsi être avancés.

23
11 cas de stratégie

Tableau 1.2 – Les forces concurrentielles et les facteurs clés de succès


de l’entreprise
Enjeux et forces concurrentielles Facteurs clés de succès
Concurrence interne Faire des offres à bas prix
Pouvoir des grossistes et distributeurs Faire des offres standardisées
Maîtriser les coûts
Recourir à la délocalisation de la production
Rapprochement du marché du vêtement de travail dit Développer de nouveaux segments de marché en
technique vers le vêtement EPI ou d’image proposant des vêtements de travail pour des
corps de métier spécifiques
Proposer des produits plus esthétiques, plus
confortables, adaptés aux besoins des salariés et
aux conditions de travail
Mondialisation du secteur du textile Recourir au sourcing
Multiplier les sources d’approvisionnements
et/ou de fabrication

Le positionnement choisi par Frédéric semble plutôt cohérent au regard des évo-
lutions et des enjeux du marché. C’est un positionnement de niche proposant une
offre de vêtement de travail personnalisée et adaptée à un corps de métier particu-
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lier tel que les jardiniers ou les horticulteurs. Son offre s’adresse particulièrement
à des PME de plus de 20 salariés en proposant des vêtements sur mesure, adaptés
aux exigences de leur métier, personnalisables et esthétiques. Par rapport aux
investigations menées par le dirigeant, l’offre semble correspondre à une attente
non satisfaite aujourd’hui. Il répond ainsi aux tendances du marché qui s’orientent
vers une offre plus différenciée, des besoins plus axés sur l’esthétisme et la per-
sonnalisation des produits. On peut noter que le lancement de vêtements de jardi-
nage pour la cible des particuliers est beaucoup plus risqué, compte tenu des
résultats de l’enquête menée par les étudiants. Sur cette cible, le concept proposé
ne répond pas à un besoin bien identifié. Le poids des substituts (vêtements
outdoor de la marque Aigle notamment, ou tout simplement vêtements usagés) est
beaucoup trop grand. Il était prudent de ne pas s’engager dans cette voie.

La capacité stratégique construite par le dirigeant


Elle peut s’analyser au regard du concept de la chaîne de valeur et/ou de l’ap-
proche par les ressources et compétences.
Pour proposer une offre de vêtements de travail à la cible choisie en tenant compte
des critères soulignés précédemment (possibilité de fabriquer des petites quantités
sur mesure), le dirigeant a choisi de bâtir son offre sur une chaîne de valeur très
externalisée (cf. figure  1.3). Cette chaîne de valeur est en outre calquée sur les
ressources et compétences du dirigeant. Ce dernier ne dispose pas de ressources
financières importantes pour démarrer son entreprise ; il dispose en revanche de
compétences commerciales et marketing certaines et d’un bon relationnel avec un

24
Rizome  ■  Cas 1

styliste, une entreprise de textile spécialiste en sourcing et en confection. Le


modèle économique est donc agencé autour de certaines fonctions maîtrisées par
le dirigeant et de ressources mobilisables par ce dernier (relations de proximité du
dirigeant avec des partenaires clés : styliste et confectionneur).

Gestion administrative et des approvisionnements


Offre sur
Bureau d’étude/conception mesure,
petites
Suivi quantités,
Logistique Fabrication Logistique Marketing clientèle prix compétitifs
entrante sortante &
Commercial
TDS

SPLIT

Sourcing
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Confection

Figure 1.3 – La chaîne de valeur de l’entreprise au démarrage

C’est ainsi qu’un certain nombre de fonctions est confié à des partenaires exté-
rieurs, comme la conception des modèles avec le styliste (entreprise TDS), la
partie logistique et confection (entreprise SPLIT). Le dirigeant se réserve les acti-
vités pour lesquelles il a une expérience, comme le marketing et le commercial.
Cette externalisation s’explique en raison de la forte spécialisation et technicité
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des activités demandées (confection, stylisme) et des ressources et compétences


propres du dirigeant.
La capacité stratégique ainsi construite permet-elle de conférer à l’entreprise un
avantage concurrentiel ?
Au regard du modèle VRIN (Valeur, Rareté, Inimitabilité et Non-substituabilité)
de Barney (1991), nous pouvons avancer que la capacité stratégique de Rizome
propose d’exploiter une opportunité environnementale en proposant une offre sur
mesure à une clientèle jusqu’ici peu satisfaite de l’offre existante. En ce sens, elle
semble en mesure de créer de la valeur sur le marché du vêtement de travail et pour
la cible visée (les horticulteurs, pépiniéristes…).
La rareté de la capacité stratégique de l’entreprise repose essentiellement sur le
bon relationnel du dirigeant (relation de confiance et de proximité avec des

25
11 cas de stratégie

partenaires clés qui confèrent de la valeur aux clients) et sur les compétences du
dirigeant (longue expérience dans des fonctions commerciales puis marketing
dans un grand groupe).
Toutefois, cette capacité stratégique reste imitable par les entreprises du secteur et
substituable par des concurrents indirects positionnés sur des vêtements outdoor
(par exemple, Aigle).
Si la capacité stratégique de l’entreprise présente certains atouts, la durabilité de
l’avantage concurrentiel reposera dans la maîtrise du dirigeant pour coordonner
l’ensemble des prestataires et les contrôler. Elle passera aussi par la construction
d’une marque et la fidélisation d’une clientèle.
Le tableau 1.3 retrace ainsi les menaces, opportunités, forces et faiblesses de
l’entreprise Rizome.

Tableau 1.3 – L’analyse SWOT de l’entreprise Rizome


Opportunités Menaces
–– Croissance du marché du jardinage. –– Secteur du textile en difficulté.
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–– Absence de ligne de vêtement spécifique aux –– Marché concurrentiel à faible coût de
métiers du jardinage. production.
–– Absence d’une offre segmentée. –– Risque d’imitation dans le secteur.
–– Marchés de niche délaissés par les leaders. –– Marché de substitution à ne pas négliger
–– Vêtement de travail de plus en plus perçu par les (concurrence indirecte d’Aigle).
professionnels comme un outil de performance et
qui se rapproche du vêtement d’image ou du
vêtement EPI.
–– Volonté de plus en plus forte de protéger l’homme
au travail.
Forces Faiblesses
–– Concept nouveau. –– Non-connaissance du milieu.
–– Positionnement choisi (qualité et prix compétitifs). –– Capacités financières limitées.
–– Savoir-faire reconnu des partenaires (design, –– Absence de personnel (ce qui nécessitera pour
confection et sourcing). le dirigeant de bien gérer son temps entre la
–– Expérience commerciale et marketing du dirigeant. gestion de l’entreprise et la présence sur le
–– Motivation du dirigeant et des partenaires. terrain).

2.  Vous préciserez la situation de l’entreprise cinq ans après


sa création. Quels sont selon vous les facteurs déterminants
qui expliquent la situation dans laquelle se trouve l’entreprise ?
Cinq ans après sa création, la situation de l’entreprise a évolué. Plusieurs éléments
peuvent être avancés :
• Certains rapports de force ont évolué entre partenaires. Les fournisseurs de tis-
sus ont augmenté leur pouvoir de négociation en exigeant des commandes plus

26
Rizome  ■  Cas 1

importantes. Cette situation s’est traduite par des problèmes de rentabilité pour
l’entreprise qui, associés à des délais de fabrication longs dans la profession, ont
entraîné des problèmes de trésorerie.
• Parallèlement, l’entreprise cherchant à satisfaire les besoins de ses clients, s’est
lancée dans la confection d’une gamme de produits un peu trop étendue, ce qui
a généré des stocks importants sur certaines catégories de produits, contribuant
à rendre la situation de trésorerie encore plus difficile.
• Pour faire face à ces problèmes, l’entreprise a cherché à s’adapter. Elle a tout
d’abord essayé de renforcer l’activité commerciale de l’entreprise, en recourant
à des agents indépendants payés à la commission et en se diversifiant sur des
activités nouvelles plus rentables et plus rémunératrices (vente pour le compte
de marques haut de gamme, vente de goodies).
L’entreprise a ainsi fait évoluer ses capacités commerciales et sa capacité à enri-
chir son offre (broderie, sérigraphie, développement de la marque Rizome, puis
développement de nouvelles prestations : goodies, vente pour le compte de grandes
marques) grâce aux compétences clés du dirigeant (expérience en marketing,
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capacités relationnelles).
Cependant, malgré ces efforts, l’entreprise se retrouve cinq ans plus tard dans une
situation très contraignante qui ne satisfait pas pleinement le dirigeant. Ce dernier
est de plus en plus dépendant de ses partenaires : les fournisseurs lui imposent des
quantités toujours plus importantes, les délais de fabrication sont de plus en plus
longs de la part de son principal partenaire, les agents commerciaux n’atteignent
pas toujours les objectifs escomptés, et enfin les partenaires commerciaux tels
Jumfil ou Dubarry, pour lesquels Rizome vend leur marque haut de gamme, ont
tendance à le concurrencer sur les mêmes salons que lui...
Quelles sont les principales raisons qui l’ont conduit à cette situation ?
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Certes, on ne peut pas occulter l’évolution de l’environnement et le rapport de


force qui a changé avec certains partenaires ; mais cette situation trouve en grande
partie son explication dans le choix de développement de l’entreprise. Le choix de
recourir à une externalisation poussée, qui s’est d’ailleurs accentuée avec le
recours à deux agents commerciaux pour commercialiser la marque Rizome, a
enfermé en quelque sorte l’entreprise dans une position dont elle a du mal à
s’extraire cinq ans plus tard.
Deux éléments théoriques peuvent venir enrichir les explications des difficultés
rencontrées par l’entreprise Rizome. C’est d’une part la théorie des coûts de tran-
saction de Williamson (1979) et d’autre part le concept de dépendance du sentier.
Pour Williamson, la décision d’externaliser ou non ne repose pas uniquement sur
des questions de capacité stratégique mais sur des questions de coûts de

27
11 cas de stratégie

transaction. Ces derniers peuvent s’élever selon le coût de l’opportunisme de cer-


tains prestataires. Ce coût peut annuler le bénéfice de l’externalisation.
Le risque d’opportunisme d’un prestataire signifie que celui-ci peut se révéler
défaillant ou fournir au final une prestation de qualité réduite. Il pourra aussi exi-
ger un prix plus élevé. Le risque d’opportunisme se traduit aussi par le fait que le
prestataire peut tirer avantage de la relation de dépendance. Le contrôle de l’op-
portunisme des prestataires est d’autant plus difficile que les prestataires sont peu
nombreux et surtout peu substituables et qu’ils détiennent une meilleure capacité
stratégique (capacités stratégiques relatives). Cet opportunisme peut être lié aussi
à la spécificité des actifs (forte spécialisation des partenaires, importance de la
localisation des actifs). L’entreprise Rizome a été confrontée à plusieurs reprises
à ces risques d’opportunisme avec les agents commerciaux (prestations médiocres),
les fabricants de vêtements de marque haut de gamme et dans une moindre
mesure, avec les partenaires de départ qui ont une forte spécialisation et technicité
dans la confection et le design et qui, implantés à proximité de l’entreprise
Rizome, lui permettent d’économiser des coûts de transports et de stockage.
De plus, le recours à l’externalisation poussée a progressivement enfermé l’entre-
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prise dans une dépendance qu’on peut qualifier ici de dépendance du sentier.
Comme le soulignent Johnson et al. (2013), la dépendance du sentier se traduit
« par un enfermement progressif sur des normes de comportements, de décisions »
qui ne sont pas remises en question et qui se répètent dans le temps. « La dépen-
dance de sentier joue alors le rôle de sillon » et il devient difficile d’en sortir.
Dans le cas de Rizome, les choix de départ fondés sur une externalisation poussée
ont permis au dirigeant d’opter pour une structure souple, flexible, avec peu de
charges. Cela lui a aussi permis de recourir à des prestataires très spécialisés. Par
la suite, cette externalisation s’est accentuée avec le recours à des agents indépen-
dants payés à la commission. Lorsque l’entreprise a dû chercher à développer son
activité pour faire face à des problèmes de rentabilité et de trésorerie, le dirigeant
s’est appuyé en quelque sorte sur le même modèle organisationnel. On s’aperçoit
qu’au bout du compte, les mêmes décisions, (volonté d’être seul, d’être un chef
d’orchestre entre plusieurs partenaires, d’avoir peu de charges…) ont eu les
mêmes effets : une dépendance accrue à l’égard des partenaires. C’est en ce sens
qu’on peut parler ici de dépendance de sentier. Afin de réduire ce risque, l’entre-
prise aurait peut-être dû envisager dès le départ des options d’intégration dans son
développement (recours à des apprentis pour la partie commerciale par exemple,
intégration d’une petite structure de confection ou de broderie…). À côté de cela,
d’autres préconisations peuvent être avancées, notamment un élagage de la
gamme Rizome pour pallier les problèmes de stocks sur certains produits qui se
vendent plus difficilement, mais sans doute aussi une réflexion plus globale sur le
portefeuille d’activités de l’entreprise…

28
Rizome  ■  Cas 1

3.  Quels sont les avantages et les limites du modèle organisationnel


choisi ?
Le modèle organisationnel choisi par le dirigeant est le modèle en réseau dont les
principaux avantages et limites peuvent être synthétisés ainsi (cf. tableau 1.4).

Tableau 1.4 – Les avantages et les risques


Avantages Risques
Diminution des charges fixes et du poids des Contrôle difficile des entreprises indépendantes
investissements (matériels et immatériels). (partenaires du réseau).

Meilleure flexibilité (à court terme) qui permet une Opportunisme de certains membres du fait d’un
très grande réactivité. partenariat déséquilibré, d’un manque de
cohésion ou de motivation, d’une asymétrie dans
Synergies favorisées entre les membres du réseau qui l’accès à l’information, ou du fait de la position
permettent l’acquisition de savoirs et savoir-faire privilégiée d’un partenaire sur la chaîne de
sources de productivité. valeur.

La confiance mutuelle entre les partenaires et les conditions de partenariat préala-


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blement établies conditionnent aussi le bon fonctionnement du réseau. Un excès
d’externalisation peut conduire à terme à des faiblesses stratégiques. Les options
d’externalisation et d’internalisation doivent alors être réévaluées dans le temps.

29
CAS 2. LA RUCHE QUI DIT OUI !

Angéla Altes-Mathieu, Typhaine Lebègue


in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 31 à 47
ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-31.htm
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Cas

2
La Ruche
qui dit oui !

Angéla Altes-Mathieu et Typhaine Lebègue


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 Présentation du cas

Problématique
Quel modèle gagnant pour une plateforme collaborative ?
Résumé
Ce cas porte sur un nouveau type de business model, porté par des valeurs
citoyennes. Il a rencontré un franc succès auprès des consommateurs, qui
deviennent membres à part entière du projet. Il s’agit de comprendre et d’analyser
les enjeux et les spécificités de ce nouveau business model.
Objectifs
••Découvrir les nouvelles formes de business models.
••Développer une argumentation structurée en vue d’une analyse du business
model.
••Découvrir le milieu des entreprises qui se fondent sur de nouveaux modèles de
consommation plus collaborative.
Outils mobilisés
Le cas mobilise essentiellement le business model Canvas, méthode développée par
Alexander Osterwalder et Yves Pigneur.
11 cas de stratégie

C’est en septembre 2011 qu’a été créée la première « ruche » de l’entreprise La


Ruche qui dit oui. Cette société a pour objectif d’optimiser la vente directe en circuit
court, en proposant via un site web une plateforme qui permet à des consommateurs
de s’approvisionner directement auprès de producteurs locaux.
À la fois « Jeune entreprise innovante » (JEI) et bénéficiant de l’agrément « Entre-
prise sociale et solidaire » (ESS) délivré par le ministère du Travail, La Ruche qui
dit oui revendique cette double culture, à la fois « start-up » et « solidaire ».
En simplifiant la chaîne de distribution et en créant des communautés de « ruches »
sur tout le territoire, G. Chéron et M. D. Choukroun, les cofondateurs, ont « inventé »
un nouveau business model qui regroupe aujourd’hui plus de 100  000 membres
actifs. En moins de 5  ans, 700  ruches ont émergé en France, mais aussi dans six
autres pays européens, donnant à ce « circuit court, local, participatif et connecté »
un élan formidable et proposant à des consommateurs soucieux de leur alimentation
des fruits, des légumes, du pain, des fromages, de la viande, des boissons… Portée
par de nouvelles valeurs citoyennes, cette économie de la fonctionnalité et de la
collaboration (ou économie collaborative) offre ainsi une alternative aux modèles
« traditionnels ».
Mais quels sont les « ingrédients » de ce nouveau business model ? Quels en sont
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les fondamentaux, les spécificités, les enjeux ?
Guilhem Chéron passe en revue, dans cet entretien, les différentes facettes de La
Ruche qui dit oui et nous propose de comprendre la philosophie et la stratégie de son
entreprise.

1  De l’idée au lancement

Bonjour Guilhem, pourrais-tu nous raconter comment est née l’idée de La


Ruche qui dit oui ?
L’idée est venue après pas mal d’expériences personnelles. D’abord, je suis petit-
fils d’agriculteurs, j’aimais passer du temps pendant les vacances dans la ferme de
mon grand-père. Pendant mes études, j’ai acquis une formation de designer indus-
triel mais le sujet qui m’intéressait vraiment a toujours été l’alimentation comme
matière d’expérimentation.
Quand j’ai terminé mes études, je suis parti à Cuba. J’ai découvert l’île, et j’ai
voulu créer un collectif avec des étudiants de l’École de design de Cuba. Le projet
que j’ai identifié sur place et que j’ai donc proposé était un restaurant végétarien, en
économie circulaire. Il était construit au milieu des récoltes. Tout était produit sur
place, au sein d’un parc naturel : les produits du potager, les animaux de l’élevage,
tout était consommé dans le restaurant. Mon rôle était de gérer le design du restau-
rant. Cela a été mon premier contact avec l’alimentation.

32
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

Cette expérience autour de l’alimentation m’avait vraiment beaucoup plu et durant


les quinze années qui ont suivi mon retour en France, je n’ai fait que travailler sur
des « questions alimentaires ». J’ai par exemple fait du design industriel pour des
entreprises qui traitaient des sujets autour de l’alimentation, en concevant des objets
« alimentaires ».
Parallèlement, j’ai mené un travail plus personnel et associatif de recherche autour
de l’alimentation : j’aime cuisiner et j’ai développé pas mal de pédagogie autour de
la cuisine, pour les enfants, mais aussi autour du handicap. Par exemple, j’ai travaillé
avec le handicap mental pour l’autisme et j’ai donné un cours de cuisine par semaine
pendant six ans.
Bref, je cherchais, je m’intéressais au sujet dans toutes ses facettes. Finalement,
cela m’a conduit à déposer un brevet industriel après avoir conçu une cuillère sim-
plifiant le travail des infirmières pour donner à manger plus facilement aux per-
sonnes alitées. En 2009, j’ai vendu ce brevet à une entreprise qui s’appelle Les
Repas Santé. Cela m’a donné une liberté financière pendant un an. Depuis quinze
ans, je faisais du consulting, je vendais des idées, je n’avais jamais été salarié, je ne
voulais pas être salarié, ce n’était pas mon objectif.
Ce que je souhaitais à présent, c’était sortir de cette logique de vendre des idées à
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droite et à gauche  : j’avais vraiment envie de construire un projet qui prenne en
compte l’ensemble de ce dont j’avais pris conscience. En travaillant dans l’alimen-
tation, j’avais découvert toute la chaîne de création de valeur, tous les enjeux agri-
coles, la question de la distribution, des producteurs… Je m’étais fait une idée
personnelle des enjeux qu’il y avait autour de cette question d’agriculture et d’ali-
mentation.
Quand j’ai eu cette année pour réfléchir, je me suis naturellement orienté vers cette
question : « Comment peut-on à la fois bien manger et soutenir une autre façon de
produire ? »
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D’accord, et que s’est-il passé ensuite ?


À ce moment-là, je suis entré dans un incubateur avec ma question, mais pas vrai-
ment de projet défini. Je n’avais pas l’intention de créer une entreprise, je souhaitais
juste vivre une expérience dans un incubateur. J’ai eu la chance de trouver un incu-
bateur vraiment génial dans une école de commerce. Je viens du milieu de la créa-
tion, du design, et je ne me sentais pas forcément très proche de ce monde de
l’entreprise.
J’y ai passé six mois et après avoir vraiment exploré, construit, déconstruit mes
idées dans tous les sens, avec l’aide des personnes de l’incubateur, j’en suis arrivé
au modèle de La Ruche qui dit oui !
J’ai regardé il y a peu de temps des brouillons de ce que j’avais fait à cet instant
du projet, et ça ressemble quand même beaucoup à ce que c’est maintenant  : le

33
11 cas de stratégie

modèle organisationnel, le fait qu’il y ait une plateforme, les producteurs, tout est
là… Donc voilà, l’idée est venue d’un intérêt pour l’alimentation et d’un goût pour
l’innovation, à la fois innovation technologique et innovation sociale. Car il y a une
vision sociale derrière tout ça : c’est la capacité des gens à coopérer ensemble s’il y
a des outils efficaces, des missions claires et de la transparence.
C’est très ambitieux de se dire que les gens vont créer leur réseau d’approvision-
nement ensemble, car c’est un peu ça !

Quels sont les fondements de La Ruche qui dit oui ?


Le fondement de La Ruche qui dit oui est de créer un réseau d’approvisionnement
collectif mais sans spécialistes, et en passant par une plateforme. On arrive à faire
en sorte que les gens distribuent et commercialisent ensemble les produits alors qu’il
n’y a aucun spécialiste du commerce et de la distribution ! Les producteurs ne sont
pas des spécialistes de la distribution ; ce ne sont pas forcément tous de bons com-
merçants, d’ailleurs ! Les responsables des ruches ne sont pas du tout des spécia-
listes non plus. Cela fonctionne car il y a de bons outils de coopération, et dans ce
cas, ensemble, nous sommes capables de réaliser des fonctions complexes. La force
de ce projet, c’est de mettre en lumière cette capacité des gens à s’organiser entre
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eux.
Ce sont les règles de la coopération qui permettent de construire une vision com-
mune et d’avoir des outils afin d’échanger les informations de manière fluide.
On arrive à faire coopérer les gens s’il y a construction globale et si on fournit ces
outils de communication. Il y a de la confiance qui se crée et dans la confiance, on
va avoir aussi de la coopération. Nous, c’est ce qu’on fait. C’est une force extraor-
dinaire ! C’est fragile aussi mais c’est très puissant.

Comment s’est passé le lancement ?


En fait, il n’y a pas eu d’étude de marché. Il y a eu juste 6 mois passés à construire
et déconstruire des mécaniques et des propositions d’outils, et à un moment, j’ai
senti que c’était le bon : qu’il y avait tout ce qu’il fallait pour que ça marche, et je
ne me suis pas posé la question de savoir si ça marcherait ou pas. Donc la première
étape a été de rencontrer la personne qui pourrait fabriquer l’outil. J’ai rencontré
mon associé Marc-David Choukroun, qui était chef de projet, en octobre 2010. En
septembre 2011, on ouvrait la première ruche.
Le parcours du financement, c’est une autre histoire à côté de l’entreprise. J’avais
déjà rencontré des business angels mais je n’avais vraiment aucune culture dans ce
milieu-là. Ma voisine, qui est photographe, avait photographié Marc Simoncini trois
mois avant, et elle m’a communiqué ses coordonnées. Je l’ai harcelé, et il m’a reçu.
Le premier round de financement, nous l’avons donc fait auprès des acteurs du web
car c’étaient les plus à même de miser sur des projets comme le nôtre. Quand on se

34
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

présente avec cinq slides, c’est sûr que les banques diront « non » et que même les
investisseurs vont être difficiles…
Aujourd’hui, on ne veut pas suivre le chemin « classique » d’une start-up : grossir
vite pour vendre vite, car on pense que ce n’est pas la bonne voie pour cette entre-
prise et pas dans le domaine de l’agriculture.

2  La Ruche qui dit oui, aujourd’hui


Pourrais-tu nous expliquer votre « culture » d’entreprise ?
On a vite eu cette double culture de la jeune entreprise innovante et du domaine
de l’entreprise sociale et solidaire (ESS). On a demandé notre agrément et je pense
qu’on a été l’une des premières SAS à obtenir l’agrément ESS. Donc on a vite eu
cette dimension ESS qui est devenue assez rapidement un de nos points d’attache
pour faire des choix de développement.
Mais on est aussi une entreprise de techno, donc on fait des « data analyses ». Par
exemple, on croise les densités de population avec notre historique. Et on peut donner
des distances idéales en fonction des densités de population. On est très précis, on a
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tous les historiques. Il y a plus de 650 ruches et on a 4 ans d’existence. On sait très
bien ce qui se passe et on connaît la distance qu’il faut entre deux ruches pour que cela
marche.
Nous avons une culture de la transparence : la grille des salaires est transparente
pour les salariés, la proportion dans l’échelle des salaires va de 1 à 4. Nous avons
inscrit dans nos statuts les règles concernant l’ESS, notamment sur la politique de
distribution des dividendes, ainsi que sur la gouvernance impliquant les salariés de
l’entreprise.
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Quels sont les points clés de votre activité ?


Si on regarde la chaîne de création de valeur, on apparaît à un endroit assez précis
qui est le moment de la distribution. On organise, on simplifie la mise en commun
de produits agricoles, on crée un circuit de distribution, le plus local et court pos-
sible.
L’autre question importante a concerné les flux financiers. On s’est interrogé
sur deux modèles : soit les gens nous payaient et après, on reversait au producteur,
soit les gens payaient directement le producteur qui ensuite nous reversait une
partie de la vente. On a choisi le moyen qui est le plus logique en termes de flux,
avec une vente directe du producteur au consommateur : lorsqu’un client achète
au producteur, l’argent est mis dans un porte-monnaie électronique qui appartient
à un établissement de paiement, qui fait donc office de tiers. Ensuite, l’établisse-
ment répartit à hauteur de 83 % pour le producteur, 8,35 % pour nous et 8,35 %

35
11 cas de stratégie

pour la ruche. Le flux financier respecte la vente directe, c’était très important
pour nous.

Êtes-vous « copiés » aujourd’hui ?


Quelque part, cela fait partie de notre mission d’être copiés. Le changement
d’échelle, c’est aussi ça. Nous, on inspire sur cette question agricole. Donc nous
sommes copiés dans plein de pays, en France aussi.
Cela dit, on veut quand même réussir. Comme on est une market place, ce qui est
intéressant c’est qu’on a la possibilité d’être une entreprise qui se développe avec le
succès de l’ensemble du secteur. Donc c’est un peu ça, notre façon de nous compor-
ter. Parfois, il y a des gens qui ne comprennent pas notre modèle et qui disent qu’on
est des intermédiaires cachés, mais c’est une très mauvaise analyse. Ce n’est pas
notre position qui fait intermédiation, c’est notre rôle sur la chaîne. L’intermédiaire,
c’est celui qui achète le moins cher possible et revend le mieux possible. C’est sa
mission pour qu’il réussisse. Nous, nous ne sommes pas des intermédiaires car notre
objectif n’est pas d’acheter pas cher pour revendre plus cher, mais que le producteur
vende au mieux. Donc notre succès d’entreprise, c’est le succès du producteur, c’est
le succès de la chaîne du circuit court agricole. C’est ce qui fait qu’on sera toujours
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un soutien de cette chaîne. L’objectif, c’est de continuer à avoir une position où
l’ensemble des acteurs économiques réussissent.

Comment décidez-vous d’ouvrir une ruche ?


Il y a un parcours d’inscription sur Internet. On demande seulement si les gens ont
du temps, s’ils ont déjà un local, s’ils ont un statut, quelles sont leurs motivations.
Après, on croise la motivation, le temps disponible, la compréhension du projet. Et
bien évidemment, on intègre le paramètre géographique, c’est-à-dire l’endroit où ils
veulent ouvrir. Ensuite, on accepte, ou non. On ouvre à beaucoup de monde, on ne
cible pas de personnes en particulier, c’est assez ouvert. Mais en même temps, en
étant assez ouverts, on n’ouvre qu’à 13 % des demandes, car il y a ceux qui n’ont
pas compris, ceux qui finalement n’ont pas le temps, ceux à qui ça ne plaît pas, ceux
qui se rapprochent d’une ruche existante… Les responsables de ruche ont de 22 à
78 ans et ce sont majoritairement des femmes, à 80 %.

3 Les partenaires clés

Qui sont les partenaires clés de La Ruche qui dit oui ?


Nos partenaires clés, ce sont d’une part les producteurs, les agriculteurs et d’autre
part les responsables de ruche.

36
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

Avez-vous défini des critères de recrutement pour les agriculteurs ?


Oui, nous avons des critères. C’est d’ailleurs la partie la plus compliquée. Nous avons
des critères par filière : pour chacune, nous analysons les producteurs et nous répondons
« oui » ou « non » en fonction de la façon dont ils produisent. Mais pas seulement.
L’idée est de créer une agriculture qui soit plus solide. Certains agriculteurs sont très
fragilisés car dépendants de trop d’acteurs extérieurs qui sont tous en train de se fra-
giliser : les subventions baissent, c’est la fin des énergies fossiles… On cherche des
agriculteurs qui acceptent la réalité, qui acceptent le fait de devoir fonctionner autre-
ment, pour une agriculture qui sera plus solide et moins dépendante des fluctuations.
Donc on a des critères pour dire «  oui  » ou «  non  », mais aussi des critères de
dynamique. C’est-à-dire que tous les agriculteurs ne sont pas forcément en bio, ou
n’ont pas encore engagé des transitions : on accepte des gens qui sont « sur le che-
min ». Quand l’agriculteur arrive, on fait des petits guides d’entretien : où ils en sont
et où ils veulent aller, pour qu’ils aient un soutien de l’ensemble de notre système
(du financement, des conseils de pairs à pairs, de gens qui ont déjà fait le parcours,
etc.). L’idée, c’est qu’on rentre dans un univers fertile de transition et de formation.
Donc on a des critères pour dire « oui » ou « non » qui intègrent à la fois l’état des
choses actuelles, mais aussi là où les agriculteurs souhaitent aller.
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Pour les producteurs, plus il y a de ruches, plus le réseau est important et plus ils
s’appliquent à bien fournir et plus les gens sont contents. En fait, la qualité de ser-
vice augmente car les producteurs le voient comme un réseau plus pertinent.
Les ruches, on les analyse en «  constellations  ». On ne considère pas une ruche
toute seule. On a 70 constellations en France qui ont des synergies car elles ont des
producteurs en commun. Les responsables de ruche travaillent beaucoup les uns avec
les autres. Il y a aussi certaines personnes qui ont une volonté de non-coopération et
cela pose vraiment des problèmes, mais le réseau fait attention. En général, ce sont
les autres responsables de ruches qui modèrent et qui leur disent de se calmer…
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Concernant les responsables de ruche, quel est leur statut ?


Aujourd’hui, il y a plusieurs statuts possibles pour les responsables de ruche : nous
avons des responsables en statut « association », d’autres en auto-entrepreneurs et
d’autres en statut de société commerciale.

Combien de temps un responsable de ruche doit-il consacrer à cette activité ?


Pour être responsable de ruche, il faut y consacrer au minimum 10  heures par
semaine. C’est le temps nécessaire pour réussir à animer sa ruche, mais il y a vrai-
ment un potentiel de développement personnel qui est assez large. C’est un vrai
projet entrepreneurial. Les responsables peuvent échanger avec les gens qui ont déjà
ouvert des ruches et il y a des règles qui sont très claires.

37
11 cas de stratégie

Les gens impriment leur esprit dans leur ruche. En termes d’image, ce n’est pas le
même niveau d’exigence qu’une franchise, par exemple. C’est ça qui est puissant,
aussi. Parce que du coup, il y a une adaptation au territoire local qui permet de
prendre en considération une expression du terroir, des produits mais aussi des gens.

Et si on s’intéresse aux consommateurs, quels sont leurs profils ?


À vrai dire, on n’est pas encore assez bons là-dessus, on ne peut pas encore le dire.
Pour nous, les clients de La Ruche qui dit oui, ce sont d’abord les clients de chaque
ruche. Juridiquement et légalement, c’est vrai, puisque c’est du courtage. Si un respon-
sable de ruche quitte la ruche, il a le droit de prendre son carnet de fournisseurs et de
clients, c’est à lui : c’est lui qui l’a construit, c’est la valeur qu’il a créée. Par exemple,
on a mis deux ans avant d’envoyer une newsletter du siège aux membres, car on consi-
dérait que ce n’était pas à nous de leur parler, que c’était un projet local avant tout,
d’un entrepreneur local à des consommateurs locaux, avec des producteurs locaux.

Comment vous faites-vous connaître ?


On a zéro budget publicitaire, mais on a des budgets de communication, à deux
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niveaux :
––au niveau du responsable de ruche, car on lui donne des outils de « communication
locale » et il y a beaucoup d’articles qui sont faits à partir des ruches. La plupart
concernent des ruches locales ;
––et on a un service communication en interne. Il y a un blog, où on écrit beaucoup
d’articles. Le blog est relayé sur les réseaux sociaux, Facebook, etc. Il compte
100 000 visites par mois, ce qui prouve qu’il commence à être connu. Nous avons
aussi des articles dans la presse et après, c’est vraiment le bouche à oreille.

Avez-vous d’autres partenaires ?


On a d’autres partenariats d’entreprise : on travaille maintenant avec IXIS (banque
d’investissement) pour faire des levées de fonds pour des producteurs ou du prêt.
On est aussi insérés dans un groupe de réflexion et de soutien avec un réseau agricole
plutôt biologique, écologique, qui travaille sur les semences, sur les transitions. On est
proches du réseau des jardins de Cocagne. On est partenaires de cet environnement-là,
mais ce sont plutôt des partenariats de réflexion que des partenariats de travail formel.
Nous travaillons avec Ferme d’avenir, qui est une association faisant la promotion
de la permaculture. Nous travaillons aussi avec KissKissBankBank pour le finance-
ment participatif de projets agricoles.

38
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

Et avec les AMAP ?


Il y a un choc de culture : nous ajoutons au circuit court la notion d’entrepreneuriat
et de technologie. Nous avons les mêmes objectifs que les AMAP, mais nous explo-
rons un autre chemin, en espérant qu’il y aura de plus en plus de projets avec cet
objectif de soutien à l’agriculture et à une alimentation de qualité et qui choisiront
un chemin original.

Et quelles sont vos relations avec les institutions ?


On pose question aux services administratifs, par exemple au service d’hygiène de
la DDPP (Direction départementale de la protection des populations), car ils n’ont
pas de « case » sur leurs fiches pour mettre les ruches !
Mais on travaille toujours en bonne intelligence avec eux ; on a vraiment construit
une confiance réciproque. Ils nous font confiance, ils ont vu qu’on était sérieux, qu’on
était transparents, qu’on cherchait à évoluer positivement vers de bonnes pratiques.

4  Les salariés et le management


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Et concernant vos salariés, combien sont-ils ? Comment êtes-vous structurés
en interne ?
On est 52, je crois, dont une quinzaine qui sont sur l’aspect technologique : ce sont
les développeurs. Sur les questions fonctionnelles, on est en train de mettre en place
une gestion beaucoup plus participative dans l’entreprise.
L’entreprise est structurée autour de deux grandes cultures :
––une culture technologique, avec des profils d’ingénieurs informatiques, de desi-
gner graphiques, des spécialistes de l’expérience utilisateur (UX designers) ;
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––une culture de coordination de réseau qui anime le projet sur le terrain, au jour le
jour. Nous sommes pour cela répartis dans cinq bureaux en France. C’est impor-
tant d’être au plus proche des enjeux des producteurs et des responsables de
ruches.

5  Le futur de l’entreprise

Dans l’esprit start-up, on retrouve souvent l’idée de « booster » à fond l’entre-


prise pour la revendre.
Nous ne nous sommes pas fixés comme objectif la revente de l’entreprise. Notre
objectif est de soutenir des modèles de production agricole durables. Ce projet est

39
11 cas de stratégie

conduit de manière à remplir cette mission. C’est le sens de la loi sur l’économie
sociale et solidaire, qui impose de réinvestir les bénéfices dans la mission de l’entre-
prise, et non de les distribuer aux actionnaires.
On se situe dans ces modèles d’entreprise qui font leur croissance grâce aux gens.
Nos actifs, c’est le travail des gens, alors nous, on ne veut pas revendre. On a de la
considération pour les gens qui travaillent. C’est un peu facile de monter grâce à une
communauté, et après de la revendre au plus offrant. C’est-à-dire qu’en fait, il y en
a qui profitent du capital et d’autres du travail mais d’une manière encore plus forte.
Je pense qu’il y a de nouvelles entreprises qui vont arriver et qui seront fondées sur
un autre modèle beaucoup plus « open source », avec davantage de respect pour la
communauté.
Dans tous ces modèles reposant sur des communautés, il faut une éthique. Si on
veut devenir des géants dans le circuit court, faire un grand truc et vraiment arriver
à changer l’échelle sur cette question de l’alimentation, il faut réussir à créer une
confiance en béton. C’est le moteur de cette entreprise.

Comment imagines-tu le futur de l’entreprise ?


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On est une market place, mais avec une seule fonctionnalité. Notre travail est de
soutenir un modèle agricole, et on offre à ce modèle un outil d’émancipation écono-
mique et social. Demain, on pourrait se dire qu’on continue à soutenir cette agricul-
ture mais en offrant d’autres outils. On pourrait lui donner des accès à la restauration
collective et à la restauration en général. On peut très bien offrir des circuits un peu
plus longs, mais il y a une porte d’entrée qu’on gardera toujours, même si on devient
une market place plus complexe : c’est celle de la sélection des agriculteurs dans le
réseau. C’est là qu’est notre positionnement.
Ma vision du futur, c’est aussi de laisser encore plus de liberté d’entrepreneuriat
au réseau. L’idée est de faire monter le niveau, de faire en sorte que l’on puisse aider
nos producteurs à se développer, à mieux valoriser leur production et leur distribu-
tion. La vision, c’est de leur ouvrir le plus de possibilités de commerces, de nou-
veaux métiers qui pourraient se greffer sur la plateforme.
Notre nouvelle plateforme est vraiment orientée pour ça, pour offrir de nouveaux
services aux producteurs. Nous, on ne va pas contrôler tout le business. Il y en a qui
feront du business sur la plateforme sans forcément qu’on contrôle les choses. C’est
ça, notre vision du futur de La Ruche qui dit oui.

Et en ce qui concerne votre développement à l’international ?


On a ouvert en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Angleterre. Si
on regarde bien, ces filiales-là n’ont pas besoin de gérer la partie technologique car
nous la gérons pour eux. Elles ne gèrent que le réseau.

40
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

En ce moment, on a des demandes de partout dans le monde : du Japon, des pays


d’Amérique du Sud, même des États-Unis. Évidemment, on ne va pas lancer toutes
ces filiales, car si on le faisait, il faudrait lever 1 million de dollars ! Et on n’en a pas
envie, car on préfère se concentrer sur la création et l’optimisation de notre plate-
forme. On veut continuer sur l’innovation, et on préfère innover en France. La
France va être un «  laboratoire d’innovation  » et ensuite, quand on en aura une
bonne maîtrise, on ouvrira à l’étranger.

Quelles sont les spécificités du business model dans ce secteur spécifique ?


À votre avis, pourquoi des fonds américains viennent-ils nous voir ? (rires) Parce
que le business model des plateformes collaboratives fonctionne déjà dans d’autres
secteurs  : la location de l’habitat (Airbnb), l’automobile (Über), le co-voiturage
(Blablacar). Mais dans l’alimentation, pour l’instant, il n’y a rien, et ces fonds
pensent qu’il y a un gros potentiel sur l’alimentation. De notre côté, on pense que
dans le transport, c’est assez homogène, que les gens ont à peu près le même com-
portement quel que soit le pays, ce qui n’est pas le cas dans l’agriculture. Dans
l’alimentation, c’est beaucoup plus hétérogène !
Du coup, on se dit qu’il vaut mieux laisser la main aux entreprises locales qui ont
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une perception beaucoup plus fine de leur environnement avec la possibilité de gérer
les réseaux… On pense que respecter l’agriculture locale, c’est respecter cette hété-
rogénéité. C’est plus logique, car notre énergie, c’est le local, les spécificités du
local, l’expression de cet entrepreneuriat local autour de l’agriculture. C’est notre
analyse. Il faut donc donner ces opportunités aux locaux avec des fonctionnalités,
des variantes pour qu’ils puissent adapter les fonctionnalités à leurs spécificités.
Cette philosophie ne plaît pas toujours à certains investisseurs, car dès que ça
devient un peu trop spécifique, ils aiment moins. Ils aiment bien l’ « industrialisa-
tion », le « normage ». Nous, non !
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Questions
À la lecture de cet entretien, répondez aux questions suivantes.
1 ■ Pouvez-vous identifier les éléments clés qui ont permis l’émergence de l’idée
et la création du projet ?
2 ■ Quelles sont, selon le cofondateur, la mission, les valeurs et la vision de La
Ruche qui dit oui ?
3 ■ Retracez le business model de La Ruche qui dit oui à l’aide du business
model Canvas.

41
11 cas de stratégie

Annexe 1
Quelques définitions
EFC (Économie de la fonctionnalité et de la coopération) : L’économie de fonc-
tionnalité consiste à produire une solution intégrée de biens et de services, basée sur
la vente d’une performance d’usage, permettant de prendre en charge des externali-
tés environnementales et sociales. Elle s’appuie sur deux leviers : la mobilisation de
ressources immatérielles (confiance, compétence, pertinence d’organisation) et les
dynamiques de coopération (en interne, avec les clients et les partenaires). (Source :
Club Économie de la fonctionnalité et développement durable).
ESS (Économie sociale et solidaire) : L’économie sociale et solidaire rassemble les
entreprises qui cherchent à concilier solidarité, performances économiques et utilité
sociale. Acteur économique de poids, l’ESS représente en 2014 10 % du PIB et près
de 12 % des emplois privés en France. (Source : ministère de l’Économie).
Incubateur : Un incubateur est un lieu d’accueil et d’accompagnement de porteurs
de projets de création d’entreprises innovantes, qui, en mettant à leur disposition
les compétences et les outils indispensables au succès et à la croissance d’une entre-
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prise, va leur permettre de  concrétiser leur idée ou leur projet en une entreprise
structurée et viable. (Source : ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche).
JEI (Jeune entreprise innovante) : Le statut pour les jeunes entreprises innovantes
a été institué par la loi de finances de 2004. Il s’adresse aux PME de moins de huit
ans qui réalisent au moins 15 % de dépenses de R&D. Sous certaines conditions,
elles bénéficient d’exonérations fiscales et sociales.
Market place  : Une market place est une plateforme logicielle dont l’objectif est
de mettre en relation des vendeurs et des acheteurs, particuliers ou professionnels.
(Source : Dictionnaire du web).
Start-up : Une start-up est une organisation temporaire à la recherche d’un busi-
ness model industrialisable, rentable et permettant la croissance. On parle souvent
d’entreprises innovantes à fort potentiel de croissance intervenant dans le numérique
ou les nouvelles technologies, ou, à l’opposé, d’une culture, d’une façon de voir le
monde et dont le but est de le changer. (Source : APCE).

42
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

Annexe 2
Liens utiles
• Vidéo «  Comment recréer le lien entre producteurs et consommateurs  »,
Forum Positiv Economy, Le Havre, septembre 2014
positiveeconomy.co/fr/video/comment-recreer-le-lien-entre-producteurs-et-
consommateurs
• « Vente directe du producteur au consommateur : “La Ruche qui dit Oui” au
banc d’essai », M. Mosca, www.challenges.fr, 2 septembre 2013
www.challenges.fr/economie/20130723.CHA2591/vente-directe-du-producteur-au-
consommateur-2-la-ruche-qui-dit-oui-au-banc-d-essai.html
• « La Ruche qui dit oui, la start-up qui cartonne chez les locavores  »,
www.lsa-conso.fr, 4 septembre 2014
www.lsa-conso.fr/la-ruche-qui-dit-oui-la-start-up-qui-cartonne-chez-les-loca-
vores,183416

Annexe 3
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Témoignage de Marie, membre d’une ruche
« Mes principales motivations pour m’inscrire à une ruche ont été d’une part, la volonté
de participer à la vie économique locale via les producteurs locaux, et de l’autre celle
de générer un moindre impact environnemental du fait de la provenance proche des
produits. C’est important pour moi, car je suis attachée à ma commune, et j’ai ainsi
l’impression de participer plus activement à la vie locale. D’ailleurs, je connaissais la
responsable de la ruche, avant qu’elle n’ouvre la ruche et je retrouve souvent des amis
sur place, quand je vais retirer mes achats. Ça aussi, c’est très sympa !
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Les avantages que j’y trouve sont très concrets :


––la bonne qualité des produits, biologiques ou non, et c’est primordial pour moi qui
suis maman de trois enfants
––la facilité d’achat via Internet : c’est presque plus simple que le « drive » !;
––et bien sûr, la proximité du point de retrait dans mon village chaque vendredi soir.
Je gagne du temps par rapport aux courses en supermarché, c’est vraiment à côté
de la maison. »
Marie, membre de La Ruche qui dit oui de Rochecorbon (37), février 2015.

43
11 cas de stratégie

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

1.  Pouvez-vous identifier les éléments clés qui ont permis l’émergence
de l’idée et la création du projet ?
Les éléments clés de l’émergence de l’idée de La Ruche qui dit oui, tels qu’ils sont
présentés par Guilhem Chéron, peuvent être classés en deux catégories :
––les expériences «  professionnelles  »  : la formation initiale de designer de
Guilhem Chéron (École nationale supérieure de création industrielle), son expé-
rience de gestion d’un restaurant en économie circulaire à Cuba, son activité
pendant plus de quinze ans sur de nombreux projets culturels et industriels liés
à l’alimentation, son expérience au sein de l’incubateur, la complémentarité de
compétences entre associés (design + web développeur) ;
––la motivation plus personnelle : ses origines familiales, son engagement associa-
tif (enfants, handicap…), son intérêt pour la thématique « alimentation/agricul-
ture », son appétence pour l’innovation (technologique, sociale).
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2.  Quelles sont, selon le cofondateur, la mission,
les valeurs et la vision de La Ruche qui dit oui ?
C’est le rôle du dirigeant (ou des dirigeants) que de penser la stratégie pour péren-
niser l’entreprise et maximiser sa performance à long terme. Il doit, dans ce cadre,
définir la mission de l’entreprise, sa vision (d’avenir) et ses valeurs. « La mission
est le fil rouge, le thème unificateur, ce qui justifie l’existence de la firme  »
(Klemm, Sanderson et Luffman, 1991). Les valeurs de l’organisation sont définies
par Bart et Baetz (1998) comme « l’ensemble des croyances qui représentent les
pensées et les opinions de l’entreprise sur elle-même ». La vision, quant à elle,
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correspond à « la représentation que l’entreprise souhaite pour sa situation future,


ce qu’elle aspire à devenir et à réaliser  » (Kotler, Kartajaya, Setiawan et Van-
dercammen, 2012).
• Mission : Être la plateforme qui permet de construire des projets collaboratifs et
locaux pour une alimentation meilleure et une agriculture plus juste en circuit
court.
• Vision : Devenir l’acteur majeur d’émancipation économique et sociale dans le
domaine de l’agriculture en réseau.
• Valeurs  : Transparence, coopération/collectif, local, simplicité, technologie,
confiance, cheminement/transition, liberté/autonomie.

44
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

3.  Retracez le business model de La Ruche


qui dit oui à l’aide du business model Canvas.
Un business model décrit les principes selon lesquels une organisation crée de la
valeur pour l’ensemble de ses parties prenantes.
Pour élaborer le business model, nous mobilisons le business model Canvas pro-
posé par Osterwalder et Pigneur. Il est composé de neuf blocs qui traduisent les
principaux aspects économiques d’une entreprise.
Il existe plusieurs types de business model, notamment les social business
models, les business models de gratuité et les plateformes. Les plateformes
mettent en relation des groupes de clients distincts mais interdépendants. Elles
créent de la valeur en permettant à plusieurs groupes d’utilisateurs de se rencon-
trer et d’interagir. Les plateformes constituent un des business models les plus
développés sur Internet.
Le business model de La Ruche qui dit oui est celui des plateformes collaboratives,
qui cherchent à proposer un mode de consommation alternatif aux modèles exis-
tants. Elles peuvent également permettre à des utilisateurs de consommer des
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biens et services et d’exploiter des capacités excédentaires.
Il faut noter que La Ruche qui dit oui n’est pas une plateforme collaborative
classique. Il s’agit en effet d’une plateforme de plateformes. Chaque ruche
correspond à une plateforme entre consommateurs et producteurs. Les ruches
sont donc indépendantes mais elles fonctionnent suivant les mêmes principes.
L’entreprise La Ruche qui dit oui peut par conséquent se consacrer au dévelop-
pement de la marque, à l’organisation du réseau, à la création de nouvelles
ruches et à son outil numérique sans se préoccuper du fonctionnement de
chaque ruche.
Proposition de valeur
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La proposition de valeur est l’élément essentiel du business model. Elle est la


réponse à un « problème », à un « besoin » (même si ce besoin ne préexiste pas à
la mise sur le marché). C’est la combinaison de produits et de services qui est mise
sur le marché par l’entreprise.
Proposition de valeur de La Ruche qui dit oui  : Offrir une mise en relation
simple via un réseau autonome et local, militant pour une alimentation plus quali-
tative et une agriculture plus justement rémunérée.
Segments de clients
Les segments de clientèle définissent les différents groupes de personnes ou
d’organisations qu’une entreprise vise à atteindre et servir.

45
11 cas de stratégie

Un modèle d’entreprise peut définir un ou plusieurs segments de clientèle. Il est


important de ne pas confondre les clients et les utilisateurs.
Les clients correspondent à la raison d’être du projet, au cœur de toutes les atten-
tions.
• Segments de clients de La Ruche qui dit oui :
––Des consommateurs à la recherche d’une alimentation plus saine et locale.
––Des producteurs intéressés par un réseau et un modèle de commercialisation qui
les fragilisent moins et qui va leur permettre de se développer.
––Des personnes ayant du temps à consacrer à une activité complémentaire, et
adhérant à la philosophie de l’entreprise.
Canaux
Les canaux décrivent comment une entreprise communique et atteint ses segments
de clientèle pour leur offrir sa proposition de valeur. On distingue les canaux de
communication, les canaux de distribution et les canaux de vente.
Les canaux de La Ruche qui dit oui : Les canaux de communication sont à la
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fois digitaux (plateforme) et physiques (locaux des ruches).
Relations clients
Les relations clients décrivent les types d’interactions qu’une entreprise établit
avec ses segments de clientèle. Les différents types de relation varient en fonction
de leur degré de personnalisation et/ou de leur nature communautaire.
Relations clients de La Ruche qui dit oui : Pour pouvoir encourager les interac-
tions entre ses utilisateurs, la plateforme doit créer un réseau bâti sur un climat de
confiance, d’échanges, d’implication pour générer un sentiment fort d’apparte-
nance et de la fidélité au sein du réseau.
Sources de revenus
Les sources de revenus représentent le cash flow qu’une entreprise génère à partir
de chaque segment de clientèle.
Revenus de La Ruche qui dit oui : Des commissions sont prélevées par la plate-
forme sur les transactions. La Ruche qui dit oui récupère 8,35 % du chiffre d’af-
faires des ventes générées par la plateforme.
Ressources clés
Le bloc des ressources clés décrit les actifs les plus importants pour que le busi-
ness model fonctionne. Il peut s’agir des ressources matérielles, financières,
humaines ou intangibles.

46
La Ruche qui dit oui !   ■  Cas 2

• Ressources clés de La Ruche qui dit oui :


––Ressources « techniques » : maintien et développement de la plateforme, analyse
des bases de données (data).
––Ressources humaines : les compétences des salariés du siège, l’implication des
responsables de ruches.
––Ressources physiques : les locaux physiques sur le territoire (les ruches).
Activités clés
Le bloc des activités clés décrit les choses les plus importantes qu’une entreprise
doit faire pour que son business model fonctionne. On peut distinguer les activités
de production, les activités de résolution de problème et les activités de réseau.
Activités clés de La Ruche qui dit oui : Ce sont essentiellement des activités de
réseau :
––conception et gestion de la plateforme ;
––promotion de la plateforme.
Il faut noter que les activités de conseil et d’accompagnement (des producteurs,
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des responsables de ruches qui débutent, des pays qui veulent se lancer…)
semblent être amenées à se développer.
Fournisseurs, partenaires clés
Ce bloc décrit le réseau de fournisseurs et de partenaires grâce auquel le business
model fonctionne.
Partenaires de La Ruche qui dit oui :
––business angels et fonds d’investissement ;
––intermédiaires de paiement ;
––institutions ;
––réseaux « bio » et de « compagnonnage ».
Structure de coûts
La structure de coûts décrit tous les coûts inhérents à un business model.
Coûts de La Ruche qui dit oui :
––développement de la plateforme ;
––salaires et maintenance de la plateforme ;
––frais financiers, hébergement de la plateforme ;
––loyers ;
––outils de communication (RP, blog…).

47
CAS 3. LE FESTIVAL INTERNATIONAL DES SPORTS EXTRÊMES

Catherine Peyroux, Marion Polge


in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 49 à 67
ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-49.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
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Cas Le Festival
3 International des
Sports Extrêmes

Catherine Peyroux et Marion Polge


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 Présentation du cas
Problématique
Comment valoriser les compétences originales de l’entreprise ? L’internationalisation
constitue-t-elle une opportunité de développement ?
Résumé
Le cas du Festival International des Sports Extrêmes (FISE) illustre la stratégie de
développement à l’international d’une petite entreprise en pleine croissance.
Positionné dans le secteur de l’événementiel sportif, le cas de cette entreprise inter-
roge la pertinence des outils les plus traditionnels du management stratégique. Une
analyse des compétences clés montre comment un événement local peut se hisser
au rang de leader international.
Objectifs
Le FISE présente une stratégie originale de croissance à l’international dans un sec-
teur atypique, celui de l’événementiel sportif. Ce cas suppose d’adapter les outils
du management stratégique élaborés pour des secteurs industriels au domaine
particulier de l’organisation d’événements sportifs afin de répondre à des logiques
d’acteurs à visée collaborative.


11 cas de stratégie


Outils mobilisés
••Afin de comprendre comment se développent les activités de l’entreprise, les
compétences peuvent être structurées à travers l’arbre des compétences.
••Pour l’étude environnementale, l’analyse PESTEL doit être complétée par une
adaptation du modèle des cinq forces de la concurrence de Porter.
••Enfin, la stratégie de croissance à l’international peut être examinée en mobilisant
la stratégie « océan bleu ».

Le Festival International des Sports Extrêmes (FISE) anime Montpellier le long


week-end de l’Ascension depuis 1997. Derrière cet événement original à la gloire
des sports extrêmes et au son des rythmes technos, attirant un vaste public – bien
au-delà des seuls riders de ce petit monde d’initiés – se cache une entreprise où
passion et affaires se conjuguent dans une aventure maintenant internationale.

1  Le FISE : un festival sportif


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Le FISE réunit pendant 5 jours à Montpellier professionnels et amateurs des sports
extrêmes urbains autour de plus de 25  compétitions de skateboard, roller, BMX,
mountain bike, trottinette et wakeboard. La formule est originale. L’entrée est libre.
Les amateurs côtoient les professionnels. L’inscription en tant que rider profession-
nel ou amateur est ouverte sur le site Internet : premier connecté, premier inscrit.
Aujourd’hui, l’opération attire plus de 2 000 riders. Le gagnant de la compétition
amateurs est récompensé par une participation à la compétition des pros : c’est ainsi
que les futurs champions sont repérés puis encouragés. Mais au-delà de l’événement
sportif qui attire une foule de curieux venus assister à des démonstrations spectacu-
laires, c’est un carrefour des manifestations d’une certaine culture urbaine qui
s’exprime à travers le sport, et plus largement la musique et l’art. Dans une ambiance
festive, différents événements sont organisés en marge des compétitions  : exposi-
tions d’art, démonstrations de moto free style, soirées musicales… L’événement
attire bien au-delà de la région un public cosmopolite de jeunes et moins jeunes, des
adolescents et des familles, des touristes français et étrangers.

2  L’entreprise Hurricane

L’événement FISE est le résultat d’une aventure entrepreneuriale qui s’est structu-
rée au fil des années.

50
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

2.1  Un dirigeant entrepreneur


Hervé André-Benoit crée son entreprise en 1997 à l’issue de sa formation à l’École
Sup de Co Montpellier. Pour clore son cursus, un projet de création d’entreprise lui
est demandé. Le choix est fait : ce sera une entreprise en lien direct avec sa passion
sportive. Ce projet se concrétise : Phénix, manifestation essentiellement centrée sur
les sports de glisse est lancé en bord de mer à Palavas. Ce succès commercial, mais
non financier – 15 000 euros de pertes en trois jours – lui donne une leçon d’humi-
lité, mais l’entrepreneur persévère dans le secteur de l’organisation événementielle.
La SARL Hurricane Action Sports Company naît à la fin de ses études en 1997, à
Lunel, à proximité de Montpellier.
Malgré son dynamisme, Hervé André-Benoit ne pensait pas que son entreprise
prendrait une telle envergure. Depuis son premier projet, sa ligne de conduite n’a pas
changé  : mettre à la disposition de tous et gratuitement la découverte des sports
émergents. Son champ d’investigation s’est cependant étendu plus que prévu.
En créant le premier événement mondial dans les sports extrêmes, il a tout simple-
ment initié une nouvelle activité dont le potentiel s’est révélé au fil des manifesta-
tions. Fort de cette expérience annuelle, différentes animations, démonstrations et
compétitions sont organisées en France tout au long de l’année.
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Actuellement, ce sont 40 salariés qui travaillent chez Hurricane et des recrute-
ments sont envisagés pour atteindre prochainement un effectif de 100 personnes. La
motivation des collaborateurs, tous passionnés par le free style, reste une précieuse
clé de réussite. Hervé André-Benoit tient à préserver cet esprit d’équipe : la structure
juridique doit rester au service du projet et non l’inverse. La structure en hypogroupe
(c’est-à-dire un groupe de PME, selon M. Marchesnay1) traduit une sécurisation
juridique en liaison avec la croissance rapide de l’activité internationale. Dans la vie
quotidienne de l’entreprise, l’impact de la structuration juridique reste modéré en
raison de la priorité donnée à l’action. Allant dans ce sens, les salariés se concentrent
sur leurs missions et leurs calendriers opératoires, plutôt que sur le strict respect du
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cadre hiérarchique structurel.

2.2  Des activités centrées sur l’événement


Le dirigeant a développé différentes activités autour de l’événement : équipements
nécessaires à la construction de skateparks, supports médias et même école de for-
mation aux sports de glisse. Hervé André-Benoit a organisé le groupe autour de
quatre grands pôles.

1.  Marchesnay M. (1991), « De l’hypofirme à l’hypogroupe. Naissance, connaissance, reconnaissance », Les
Cahiers du LERASS, Recherches en Sciences de la Société, n°23, mai.

51
11 cas de stratégie

■■  FISE Events


FISE Events est l’activité motrice du groupe. Initiée autour du FISE, elle s’est
développée en multipliant les événements : FISE Xperience puis FISE World Series.
FISE Xperience naît en 2007 avec le lancement d’une tournée nationale. Six villes
françaises sont engagées. La notoriété nationale de l’événement s’installe. Le FISE
World Series en 2014 initie un changement de dimension : la tournée FISE devient
internationale et passe, outre Montpellier, par l’Andorre, la Chine et la Malaisie.
Ainsi, le FISE est présent dans des pays à fort potentiel touristique et sportif, bénéfi-
ciant de perspectives de développement économique. L’entreprise a déjà eu quelques
expériences réussies en Tunisie ou aux Émirats Arabes Unis qui ont confirmé le
potentiel international de l’événement. Alors que ces sports n’ont pas encore fait leur
entrée dans la cour de l’Olympe sportif, l’entreprise, à travers les compétitions pro-
posées, permet de réunir les meilleurs riders qui n’ont que très peu d’occasion de
s’affronter à un niveau international.
Pour le FISE Xperience comme pour le FISE World Series, le choix de dévelop-
pement est identique. Au sein de l’équipe de direction, formée au management
international, un comité nommé BIDFISE coordonne l’appel à candidature des
villes souhaitant accueillir les rencontres. Sont ensuite évaluées les capacités orga-
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nisationnelles des villes à accueillir le FISE ainsi que la compatibilité avec les com-
pétences et les stratégies du FISE. Le comité devient le seul arbitre décisionnaire des
destinations sélectionnées. Le modèle est celui des Jeux olympiques, pas moins.
Dans chaque ville ou pays, une équipe opérationnelle est recrutée sur place, mais les
compétences techniques (en sports, coordination ou communication) restent maîtri-
sées au niveau du groupe. L’ensemble des équipements fabriqués à Lunel est ache-
miné sur le lieu de déroulement du festival.

■■  FISE Area


FISE Area conçoit, construit et met à disposition des skateparks.
Rapidement, l’équipe constate que la construction des skateparks participe au
succès de l’opération. Cette activité contribue à l’optimisation des coûts, car la loca-
tion de ces équipements très techniques – pratiquée par l’entreprise à ses débuts –
demande d’importants moyens de maintenance et augmente considérablement les
charges d’exploitation. L’entreprise a développé une expertise en production et en
maintenance. Or un skatepark de qualité attire les bons riders qui pourront démon-
trer leurs performances sportives en toute sécurité.
FISE Area est créée avec une dizaine de collaborateurs au double profil de ferron-
niers et de riders passionnés. L’atelier s’installe à Lunel, à quelques kilomètres de
Montpellier, où l’espace de production peut s’étendre à moindre coût.
Au-delà des structures du FISE World, l’entreprise se lance dans la location de
skateparks et la fabrication pour différents centres de loisir et de sport, permettant

52
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

ainsi aux villes de s’équiper. Les villes d’accueil deviennent des vecteurs de diffu-
sion des produits de l’entreprise.

■■ FISE Médias
FISE Médias Marketing rassemble les actions commerciales et de communication.
Ce pôle demande des compétences spécifiques dans la prise d’images des prouesses
sportives puis dans leur diffusion via différents canaux de communication. En lien
avec sa cible de jeunes sportifs urbains, le groupe a développé une politique de com-
munication multimédia dynamique  : sites web, couvertures TV, communication
presse, partenariats de communication…

■■  FISE Wake Academy


FISE Wake Academy est une école de sports de glisse créée en 2012. Centré essen-
tiellement sur le wakeboard et le kitesurf, l’enseignement s’opère via l’organisation
de stages dans des structures du groupe à Montpellier ou dans les Caraïbes. Cette
nouvelle activité est associée à la mise à disposition de téléskis nautiques que les
stagiaires peuvent utiliser, mais qu’il est également possible de louer pour diverses
animations en milieu aquatique urbain ou touristique.
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3  Le FISE dans le marché de l’événement sportif
Le FISE se positionne sur le marché de l’événementiel sportif. Face à des ren-
contres prestigieuses, comme le Tour de France, le Paris-Dakar, la Coupe Davis ou
encore le marathon de New  York, le FISE a su trouver sa place parmi les sports
urbains moins médiatisés jusque-là.
Cette pratique sportive life style concerne un public jeune et populaire. Dans la
mouvance de toutes les nouvelles activités sportives, musicales et artistiques
urbaines, les sports extrêmes s’adressent aux jeunes souhaitant exprimer leur
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emprise sur les lieux et les codes de la vie citadine.


Bien que le cercle des inconditionnels reste relativement réduit, l’esprit commu-
nautaire s’est forgé autour d’un climat à connotation sportive, conviviale et festive.
Par son succès incontestable, le FISE à Montpellier accueille aujourd’hui gratuite-
ment 500 000 spectateurs, loin d’être tous des adeptes de ces sports.
Le FISE se présente comme un lieu ouvert à l’expression des participants. Les
démonstrations côtoient les compétitions sportives  : le show est spectaculaire. La
notoriété grandissante de l’événement attire les meilleurs riders internationaux.
Cette manifestation conviviale se mue progressivement en une étape sportive incon-
tournable, dans une tournée permettant de sacrer les champions.
Du point de vue des fédérations et organismes sportifs nationaux et internationaux,
le FISE atteint une envergure à considérer avec intérêt. Il met à l’affiche des sports

53
11 cas de stratégie

attractifs, spectaculaires, à fort potentiel tant pour le public que pour les pratiquants.
La direction du FISE ne cache pas sa volonté d’évoluer vers un rapprochement avec
de grands rendez-vous sportifs menés sous l’égide des fédérations sportives (cham-
pionnats du monde et autres compétitions). Elle est favorable à l’introduction de ces
sports aux Jeux olympiques. Cependant, compte tenu des décisions prises en matière
de contrôle et d’assainissement des pratiques de haut niveau, l’entrée des sports
extrêmes dans la cour des grands impose un encadrement strict. Or les sports prati-
qués lors du FISE restent des sports alternatifs à la recherche d’une reconnaissance
et d’un encadrement institutionnels pas forcément compatibles avec l’esprit free style.
L’évolution du FISE ne concerne pas seulement la nature de la prestation. Elle touche
un autre aspect du cœur de l’activité : la localisation. Depuis sa création, l’événement
s’est implanté sur trois sites différents : la station balnéaire de Palavas (située à 14 km de
Montpellier), puis dans le parc de Grammont en bordure de la ville de Montpellier, pour
finalement s’installer sur les berges du Lez, proche du centre-ville. Deux principaux
arguments expliquent cette migration : le public ciblé et les sources de financement.
À la création de l’événement, Palavas offrait l’avantage d’une image détente liée
au tourisme. Le festival a pu ainsi bénéficier d’un espace de développement convi-
vial. Mais rapidement, le périmètre d’accueil a montré ses limites tant quantitatives
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que qualitatives. Les superficies disponibles restent relativement exiguës, tandis que
l’image touristique s’éloigne de l’urbanité du festival. Dès 2001, les organisateurs
décident de s’acheminer vers Montpellier, agglomération de 450  000  habitants
accueillant 70 000 étudiants. Le domaine de Grammont, où est d’abord installé le
FISE, offre un espace considérable à proximité des axes de circulation. Il reste tou-
tefois très éloigné du cœur de la ville et est mal desservi par les transports en com-
mun. Le FISE déménage alors sur les berges du Lez, au cœur des nouveaux quartiers
montpelliérains. Les jeunes souhaitant assister à la manifestation vivent en ville ; ils
peuvent facilement s’y déplacer grâce au tramway. La manifestation est ainsi orga-
nisée au cœur de son public, en cohérence avec la philosophie du FISE de créer le
besoin dans un mouvement de proximité vers les jeunes.
L’attractivité de Montpellier est due à une image urbaine, jeune et dynamique, culti-
vée par une politique locale de valorisation sportive et technologique. Sur le plan finan-
cier, l’opération bénéficie du triple apport de la ville, de l’agglomération et de la région.
Au total, la participation des institutions territoriales s’élève à 40  % du financement
annuel. Les autres sources de financement se trouvent dans le sponsoring (pour 30 %),
le village du FISE (vente de stands), les droits de diffusion TV et les produits dérivés.
Au fil des années, le FISE a su nouer des relations avec les acteurs du territoire dans
la mesure où l’événement participe à l’attractivité touristique locale. Le FISE présente
d’abord un intérêt économique pour Montpellier métropole (31 communes où vivent
450 000 habitants) et notamment pour la ville de Montpellier. La région Languedoc-
Roussillon souhaite valoriser ses atouts d’attractivité touristique par rapport à sa voi-
sine la Côte d’Azur ou encore Midi-Pyrénées avec laquelle la fusion est annoncée.

54
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

Les retombées économiques ont été chiffrées par l’entreprise  : 1  euro investi
génère 7 euros de dépenses directes et indirectes. Ce sont là des retombées locales
importantes pour une région où, au taux de chômage élevé, s’ajoute une forte préca-
rité des emplois.
L’intérêt du FISE pour Montpellier n’est pas seulement expliqué par des enjeux
professionnels : Hervé André-Benoit, originaire de Montpellier, a pour sa ville un
attachement très particulier. D’ailleurs, l’agglomération de Montpellier bénéficie du
FISE-Métropole qui lui est spécifiquement dédié. Entre le FISE et les institutions
territoriales, s’est noué progressivement un partenariat identitaire qui dépasse large-
ment le cadre de l’événement : l’image de sport alternatif jeune « booste » la culture
locale, tandis que les soutiens logistiques et relationnels apportés aux organisateurs
portent les projets de développement en multipliant les opportunités stratégiques.
Plus grosse ville membre de la métropole, Montpellier était prédestinée à accueil-
lir le FISE. Sa contribution s’est élevée à 242 000 euros en 2014 en aides directes et
indirectes. Les services de la ville sont mobilisés pour aider à l’organisation maté-
rielle de l’événement. C’est également l’occasion de promouvoir les actions de la
ville en direction des jeunes (comme la carte Été Jeunes de Montpellier).
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Les organisateurs ont appris à appréhender les logiques d’action des responsables
locaux. Cette expérience locale a été exploitée dans d’autres relations avec des col-
lectivités locales françaises, et depuis peu à l’étranger.

4  Les sports extrêmes dans le monde

Nés aux États-Unis, les sports urbains traduisent un besoin de sensations fortes,
mais également l’expansion des pratiques démonstratives.
Le FISE est né au croisement de deux mouvements majeurs du début du
xxie siècle : les sports alternatifs urbains propagés par un système d’événementiel
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multimédiatisé.
Les sports alternatifs urbains font évoluer des pratiques sportives déjà existantes
(roller, VTT). Exigeant souplesse et réactivité, ces sports s’adressent à des praticiens
jeunes en demande de sensations fortes. Le périmètre d’action semble relativement
flou, puisqu’il s’étend du BMX, roller, skateboard, jusqu’au streetgolf, au parkour
ou encore au free running. Dans cette diversité d’offre, un élément fédérateur com-
mun réunit les sportifs : l’esprit free style né d’un engouement pour la pratique libre
associée à un style de vie hors contrainte. Très répandu dans les sports de glisse en
milieu naturel (snowboard ou kitesurf, par exemple), cet état d’esprit prend une
connotation rebelle en milieu urbain normé et contraignant.
L’approche sportive reste dominée par le souhait de faire passer le plaisir de la
pratique sportive avant le désir de performance.

55
11 cas de stratégie

Au-delà du succès américain puis européen dans les années 1990, l’engouement
pour les sports extrêmes s’étend à de nouveaux pays. Plusieurs éléments expliquent
ces tendances. D’abord, la mondialisation du sport tend à homogénéiser les pra-
tiques dans différentes zones planétaires. Ensuite, l’élévation du niveau de vie dans
certains pays qui s’ouvrent parallèlement à la culture occidentale renforce le désir
de certaines pratiques perçues comme exotiques. Enfin, des phénomènes sociétaux
combinant l’accélération de la communication électronique, le besoin de s’échapper
de milieux de vie oppressants et l’envie d’adrénaline favorisent la généralisation de
sports mettant en scène des réalisations spectaculaires.
La dimension démonstrative des prouesses personnelles a explosé avec Internet et
les applications smartphone qui donnent accès pour chacun à une exposition plané-
taire en temps réel. Le selfie mis à portée de tous via les réseaux sociaux tend à
renforcer la reconnaissance d’appartenance communautaire, quel que soit le pays
d’origine. Ce mouvement concerne directement les jeunes pratiquants de sports
extrêmes et autres loisirs expressifs qui s’approprient ainsi des technologies de dif-
fusion de leurs démonstrations.

5  Le FISE dans le paysage événementiel


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Le caractère événementiel du FISE en période pré-estivale dans le sud de la France
le positionne comme un spectacle alternatif au tournoi de tennis de Monte-Carlo, au
Tour de France, ou encore à la Feria de Nîmes ou au Festival de théâtre d’Avignon.
À cette variété des sources de divertissement, s’ajoutent les manifestations sportives
mondiales. Parmi elles, il est possible de citer le Paris-Dakar, le Vendée Globe ou la
Coupe Davis.
La seule compétition concurrente, les X Games, organisée aux États-Unis, l’est sur
le mode plus fermé de l’invitation. Ces jeux « Xtrêmes » américains se déroulent
suivant deux déclinaisons : les Summer X Games et les Winter X Games. L’associa-
tion de compétitions sportives avec des rencontres musicales donne à ces rencontres
le même caractère festivalier que pour le FISE. Nés à Rhode Island au milieu des
années 1990, les X Games connaissent un formidable succès auprès des jeunes,
relayé dans 140 pays via l’un de ses partenaires principaux, la chaîne ESPN (essen-
tiellement ESPN 2, spécialisée dans ce type de sport).
Les X Games se placent ainsi dans un contexte économique protégé, puisque ame-
ricain. ESPN, appartenant à 80 % à Walt Disney Company, connaît une croissance
fulgurante dans les diffusions câblées.
Malgré leur succès indiscutable, les X Games n’arrivent en Europe qu’en 2010.
Leur notoriété grandit alors grâce aux Winter X Games de Tignes où se rassemblent
les meilleurs snowboarders. La diffusion, soutenue par Canal  + Events, donne à
Tignes une image free style lui permettant de distancier rapidement les stations
concurrentes.

56
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

L’aventure européenne des X Games s’arrête en 2014 avec le choix de concentrer


les événements aux États-Unis pour des raisons économiques. Malgré des désagré-
ments juridiques (notamment avec la station de Tignes) liés à un désengagement
précipité, cette réorientation est justifiée par le groupe en raison des pertes induites
par la dispersion géographique des sites de réalisation des compétitions. À l’avenir,
les X Games rayonneront à l’international uniquement grâce aux diffusions télévi-
suelles et Internet. Le terrain est libre pour organiser des compétitions mondiales.

6  La mobilisation de nombreux partenaires


Les partenaires peuvent être classés en plusieurs catégories en fonction de leur
degré d’implication. À côté des partenaires institutionnels, plusieurs entreprises du
secteur audiovisuel d’envergures nationale et régionale accompagnent l’opération.
La longue liste des partenaires figure sur le site internet du FISE (www.fise.fr).
L’année 2014 marque l’arrivée du FISE en Asie. FISE World Series connaît deux
rencontres marquantes : la Malaisie et la Chine (Chengdu).
Le lancement de l’opération à Chengdu peut sembler facilité par le jumelage de
cette ville avec Montpellier. En revanche, la Malaisie se place dans une logique tout
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à fait différente : ce pays a posé sa candidature pour accueillir le FISE en garantis-
sant que le ministère du Tourisme malaisien financera l’opération en totalité. La
direction explique que ce pays développe un tourisme tout à fait dans l’esprit du
FISE. Les premières rencontres montrent que des riders inconnus en Occident ont
concouru avec un excellent niveau.
Une grande incertitude domine ces deux événements quant à leur succès et leur
rentabilité. Le délai d’acheminement du matériel s’élève à trois mois et l’organisa-
tion s’étale sur six mois environ. Les organisateurs mentionnent également des dif-
ficultés d’adaptation culturelle avec les pays d’accueil en charge de la préparation
du site et de la mise à disposition de main-d’œuvre opérationnelle. Néanmoins, au
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lendemain du FISE World Chengdu, les premiers bilans sont très positifs. Le FISE
World Malaisia reste avant tout une rencontre internationale : la date fixée en pleine
période de vacances scolaires est diffusée en français et en anglais dans une cam-
pagne de communication massive. Cette rencontre vient clôturer l’ensemble du
parcours du FISE World 2014. Le focus se porte sur le BMX qui est la seule disci-
pline en course avec des professionnels. Les autres restent au niveau d’amateur.
L’attractivité de l’événement pour les riders reste forte avec des récompenses prize
money dont le montant s’élève de 5 000 à 25 000 euros.

57
11 cas de stratégie

Questions
Vous êtes étudiant de master stagiaire. L’entreprise Hurricane vous demande de
mener une mission d’analyse du développement international du groupe. En vous
appuyant sur le diagnostic de l’entreprise FISE et en analysant plus particulièrement
ses ressources et ses compétences stratégiques, vous expliciterez les choix straté-
giques menés jusqu’ici. Votre travail doit éclairer la direction vers les scenarii les
plus opportuns pour l’avenir de l’entreprise.
1 ■ Effectuez un diagnostic de l’entreprise en vous attachant plus particulière-
ment à l’examen de ses ressources et compétences stratégiques.
2 ■ Étudiez la particularité du contexte environnemental de l’entreprise. Après
avoir examiné l’environnement général, vous approfondirez l’étude du
domaine d’activité stratégique (DAS) principal.
3 ■ Explicitez les choix stratégiques du dirigeant en vous attachant aux perspec-
tives internationales.
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58
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

Le FISE est une entreprise de petite taille engagée dans un processus de croissance
par internationalisation. Le cas apporte une illustration à partir de projets initiés
sur la base de l’expérience et de la notoriété acquises sur le marché français.
L’entreprise exploite ainsi des compétences stratégiques qui la positionnent de
façon originale dans un environnement concurrentiel qu’elle a en grande partie
initié. Les concepts mobilisés pour analyser la situation de l’entreprise concernent
plus particulièrement deux points :
–– les compétences distinctives, et plus précisément les compétences fondamentales
dans le développement d’événements de sports extrêmes. Celles-ci sont à l’origine
du développement des activités représentées à travers l’arbre de la compétence ;
––l’analyse environnementale essentiellement concurrentielle en mobilisant les
cinq forces de Porter ainsi que le modèle PESTEL pour appréhender les ten-
dances impactant le développement des sports free style et l’intérêt des marchés
asiatiques.
Deux domaines particuliers du management stratégique interviennent pour la
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compréhension du cas :
––les outils de l’approche fondée sur les ressources et compétences stratégiques ;
––l’analyse concurrentielle internationale.
Le FISE bénéficie d’un rayonnement de grande envergure sur Internet, notamment
à l’initiative du groupe qui se lance par ce biais dans une communication internatio-
nale. L’étudiant doit étoffer ses connaissances de l’entreprise en consultant le site
Internet de l’entreprise et de ses partenaires tant financiers que stratégiques.

1.  Effectuez un diagnostic de l’entreprise en vous attachant plus


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particulièrement à l’examen de ses ressources et compétences


stratégiques.
Arbre des compétences
L’entreprise FISE a construit son développement en exploitant une compétence
spécifique dans l’organisation d’événements de sports extrêmes. C’est là son cœur
de compétences car :
––il lui offre la possibilité d’accéder à de nombreux marchés (l’organisation d’évé-
nements, la production d’équipements, le développement de supports médias,
l’école de formation) ;
––il augmente les avantages perçus par le client (les collectivités territoriales sont
convaincues du professionnalisme de l’entreprise et le succès des événements

59
11 cas de stratégie

les incitent à se porter candidates pour être retenues dans le cadre de l’organisa-
tion de la tournée mondiale) ;
––il est difficile à imiter pour les concurrents (la notoriété de l’entreprise et sa
position de première entrée sur le marché constituent de vraies barrières à l’en-
trée, l’entreprise a bénéficié de mécanismes d’apprentissage).
Trois compétences clés de l’entreprise FISE peuvent être identifiées. Elles concernent :
––le savoir-faire pour créer des événements d’ampleur internationale ;
––la maîtrise des sports extrêmes tant dans leur dimension technique
qu’insti­tutionnelle ;
––le savoir-faire pour gérer les relations institutionnelles et commerciales dans une
optique partenariale qui exploite notamment un ancrage local déterminant avec
l’agglomération de Montpellier.
Ces compétences trouvent une concrétisation dans deux produits fondamentaux :
les projets événements et les blocs d’équipements. Ces activités fondamentales
(core products) sont valorisées dans quatre domaines :
––la création d’événements sportifs avec FISE Events ;
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––le développement d’une activité de production de documents en lien avec les
médias (FISE Médias) ;
––la production d’équipements de skateparks ou les sites de compétition avec FISE
Area ;
––le développement d’une activité de formation (FISE Wake Academy).
Ces quatre familles d’activités valorisent à la fois la capacité de l’entreprise à initier et
manager des projets à dimension internationale dans le domaine des sports extrêmes,
et son savoir dans la construction d’équipements spécifiques (cf. figure 3.1).

60
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

Arbre de la compétence
Produits finals
Fise Xperience Fise Word Series

Fise Events Fise Médias Fise Area Fise Wake Academy

Management Projet Equipements skateparks

Organisation d’événements Compétences relationnelles Sports extrêmes


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Produits finaux Compétences fondamentales

Figure 3.1 – L’arbre des compétences de l’entreprise FISE

Le FISE exploite ses compétences dans l’organisation d’événements et ses capa-


cités relationnelles dans un domaine spécifique : celui des sports extrêmes où il
peut exploiter sa notoriété. L’enracinement tant relationnel que territorial se révèle
comme un levier du développement de l’entreprise. Est-il exploitable à l’inter-
national ?
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2.  Étudiez la particularité du contexte environnemental


de l’entreprise. Après avoir examiné l’environnement général, vous
approfondirez l’étude du domaine d’activité stratégique (DAS)
principal.
Le FISE est caractérisé par un enracinement local historique qu’utilise le dirigeant
pour se lancer à l’international. Les dimensions environnementales tant locales
qu’internationales sont à analyser. Le PESTEL indique les tendances sociétales
d’adossement du concept alliant urbanisme et sports alternatifs.
Analyse PESTEL
Le modèle PESTEL appliqué au niveau mondial met en évidence des tendances
structurelles plutôt favorables à l’internationalisation de l’entreprise.

61
11 cas de stratégie

Tableau 3.1 – L’analyse PESTEL de l’entreprise FISE


Effort des pouvoirs publics pour développer l’attractivité des territoires.
Politique Développement de politiques touristiques régionales.
Valorisation locale du tourisme national et international.
Développement économique des BRIC.
Budgets publics sensibles aux fluctuations économiques mais développement de
Économique financements privés (sponsoring, partenariat) dans le cadre de l’organisation de
grands événements.
Développement de partenariats public/privé.
Explosion des loisirs pour une population urbaine qui se développe.
Sociologique Souci du bien-être et de la santé.
Attrait pour les expériences de sensations fortes.
Accélération de la communication via les réseaux sociaux et les smartphones et
Technologique
développement de communautés de pratiques.
Développement des préoccupations environnementales et intérêt croissant pour
Écologique
des pratiques respectueuses de la nature.
Hétérogénéité réglementaire selon les pays : sécurité, accueil du public, droit du
Législatif
travail.

Le modèle PESTEL met en évidence des tendances structurelles qui caractérisent


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le macro-environnement. Elles ne sont pas spécifiques aux secteurs des sports
extrêmes et de l’événementiel, mais elles constituent des opportunités pour le
FISE qui souhaite s’internationaliser, en particulier dans des pays asiatiques. Le
cadre législatif peut cependant constituer, sinon une menace, une contrainte forte
à appréhender. Ces influences du macro-environnement ont des conséquences sur
l’évolution du secteur des sports extrêmes et de l’organisation de grands événe-
ments dans lequel évolue l’entreprise.
Le FISE répond aux nouveaux désirs de consommation pour des jeunes en attente de
sensations fortes. Le secteur bénéficie de l’attrait pour des sports urbains qui s’ins-
crivent dans un certain modèle de vie ou life style alliant liberté et nature. Le sport
n’est qu’une facette de ce mouvement plus vaste qui concerne aussi bien la musique
et les arts en général que l’habillement et les accessoires ainsi que les médias. Ce sont
là autant de secteurs connexes à l’événementiel dans les sports extrêmes.
Préalablement à l’analyse de la concurrence, la définition du DAS dans lequel
évolue l’entreprise s’impose. Celui-ci présente quelques difficultés de délimita-
tion. Entre une définition large du DAS (l’organisation d’événements) et une défi-
nition plus restrictive (l’organisation d’événements de sports extrêmes), le choix
est fait de proposer une analyse concurrentielle du DAS de l’organisation d’évé-
nements sportifs. En effet, ce DAS paraît suffisamment homogène tant du point de
vue des collectivités territoriales qui arbitrent entre les différentes manifestations
sportives qu’elles souhaitent financer, que des compétences requises dans la maî-
trise des dimensions relationnelles (avec les fédérations sportives, les médias, les
compétiteurs, les sponsors…). Le champ sectoriel de l’organisation d’événements

62
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

sportifs fait intervenir des organisations diverses qui partagent des valeurs, des
pratiques communes, des intérêts.
Le DAS de l’événementiel sportif se caractérise par l’existence d’un très grand
nombre de manifestations portées par différentes fédérations sportives et organisa-
tions privées telles Amaury Sport Organisation, organisateur entre autres du Tour de
France, du rallye Paris-Dakar ou du Marathon de Paris. Mais à la différence de cette
entreprise diversifiée dans différents sports, le FISE se positionne dans un groupe
stratégique différent, celui d’entreprises spécialisées dans un seul sport. À l’intérieur
de ce groupe stratégique, une segmentation s’opère par spécialité sportive. L’entre-
prise a initié son propre marché  : sa spécialisation dans les sports extrêmes  l’a
conduite à une stratégie de niche. Pionnière dans son secteur en France, elle a ainsi
exploité un «  océan bleu  » en proposant aux collectivités locales un événement
unique, par la suite décliné à partir des compétences acquises, et pour lequel il
n’existait pas de concurrence directe.
Dans le DAS de l’événementiel sportif, plusieurs manifestations peuvent être
organisées (tournoi de tennis, championnat divers, courses…), mais l’entreprise
bénéficie d’une image très spécifique liée aux sports urbains free style. Dans ce
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groupe stratégique qu’elle a initié en France, elle ne rencontre aucune concur-
rence. Le seul organisateur au monde d’événements dans ce domaine est l’entre-
prise américaine organisatrice des X  Games. Celle-ci limite son rayon d’action
aux États-Unis et n’est plus présente en France depuis 2014. Le champ est donc
libre pour permettre un développement international du FISE.
La concurrence se limite alors aux événements sportifs qui pourraient être organisés
au même moment. Il existe une certaine concurrence de produits substituts représen-
tés par les diverses manifestations culturelles et festives qui attirent un public impor-
tant. La notoriété des entreprises organisatrices (particulièrement le succès des
événements antérieurement organisés) et la qualité des relations tissées avec les
partenaires institutionnels – villes comme fédérations – constituent néanmoins une
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forte barrière à l’entrée. En effet, les diverses manifestations parmi lesquelles une
ville, une région ou un pays choisit celle qu’elle va financer rentrent en concurrence.
Ce sont là les vrais clients du DAS car, même si le spectacle sportif est construit pour
intéresser une population urbaine, l’organisation de l’événement dépend de la déci-
sion des partenaires publics. Les fournisseurs ne sont pas en position de force.
La position de l’entreprise FISE, largement intégrée du fait de la production de ses
propres équipements est d’autant plus favorable. Sa notoriété et sa position mono-
polistique l’avantagent dans la négociation avec ses différents partenaires. Les
relations commerciales s’inscrivent dans un esprit partenarial. Le FISE souhaite
une certaine concurrence entre ses clients potentiels (les collectivités territoriales
susceptibles d’accueillir l’événement) afin de choisir ceux avec qui le travail sera
réellement collaboratif. Le partage de valeurs et d’ambition commune apparaît
comme une condition sine qua non à la création d’un lien commercial.

63
11 cas de stratégie

L’analyse de la concurrence selon les cinq forces concurrentielles de Porter ne


s’effectue pas dans les conditions classiques d’application. Si elle permet d’iden-
tifier des acteurs du secteur, elle souligne surtout l’originalité de la stratégie de
l’entreprise. Celle-ci a créé son propre marché et son environnement concurrentiel
dans une certaine mesure. Ainsi, l’analyse de l’environnement découle de l’exploi-
tation de ses compétences fondamentales dans une logique de développement
d’une stratégie proactive.
Par ailleurs, la filière au sens de Porter ne se construit pas dans une logique de
pression concurrentielle liée au marché, mais suivant un principe collaboratif de
liens interpersonnels que l’on retrouve dans les réseaux. La relation client présente
une particularité notable : le consommateur (le public) bénéficie d’une prestation
gratuite payée par le client (les collectivités territoriales). En ce sens, il ne s’agit
pas d’une construction de filière classiquement rencontrée dans le domaine indus-
triel. L’outil de Porter demande une adaptation pour être utilisé dans ce cas. Il est
présenté ici pour la seule activité des sports extrêmes (cf. figure 3.2).

Consommateurs -
Substituts Utilisateurs
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Acheteurs
Riders
Festival et événements s’adressant aux Spectateurs participants
jeunes (vieilles charues/Francopholies)
Internautes
Téléspectateurs
(Site/Fcbk)
(diffusions
Ex sportives
e ig
sp n sp enc
ec o e Dynamique
ta rt économique
Evènements festifs cle
et/ou sportifs régionaux Soutien image
à la même période Pression
(Ferrias/tournois
Fournisseus de joutes)
Clients
Concurrence
Fabricants de matériel
technique (sport et vidéo) Acteurs institutionnels
Xgames (territoriaux ou
Transporteurs Partenariats (marché USA) Partenariats nationaux)
Médias Exposants
Fournisseurs de stands
Organismes de
services Sponsors et
recrutements
communication partenaires
locaux étrangers
événementiels

ière
es Pression anc e
rm rs fin nnell
no rdeu tio
ec
t Lou ganisa
r
Re
sp et o
Nouveaux entrants s
rme
t no
pec
Pouvoirs publics Res

Nouveaux modes Villes et agglomérations


Règlementation sécurité d’expression sportive créant des événements
sportive, de diffusion et (boot camp/street sport) touristico-ludiques (festivals Attente de nouveautés
d’événementiel de hip-hop) et de sensationnel

Financement
encadrement

Figure 3.2 – L’analyse des forces concurrentielles de Porter adaptée


à l’entreprise FISE

64
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

3.  Explicitez les choix stratégiques du dirigeant en vous attachant


aux perspectives internationales.
La stratégie « océan bleu » permet une lecture à la fois analytique et prospective
de la situation internationale (cf. figure 3.3).
Exclure
Elle montre qu’il faut exclure les dimensions sédentaires et hyperspécialisées qui
rapprocheraient le concept de celui des X  Games, tout en accentuant la dépen-
dance à certains sports. De même, un lien trop fort avec certains médias pourrait
fragiliser cet événement à forte typicité : les jeunes riders apprécient davantage les
modes de communication alternatifs par smartphone et réseaux sociaux.
Enfin, rester à la marge des grandes manifestations sportives peut certes signifier
que le FISE ne se reconnaît pas dans l’esprit compétitif classique, mais la singula-
rité risque également de conduire à la marginalisation. Or une démarche d’interna-
tionalisation requiert un sentiment de confiance pour les pays d’accueil. La
reconnaissance par les organismes sportifs internationaux peut apparaître comme
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un gage de fiabilité.
Atténuer
Les jeunes citadins représentent le cœur de cible indispensable pour un lancement
remarqué. La phase de croissance amorcée depuis peu marque une ouverture vers
un public sensiblement plus diversifié : tous passionnés de sports à fortes sensa-
tions free style, mais de tout autre horizon. Le périmètre de la cible ainsi estompé
pourra ouvrir les représentations à de nouvelles catégories de spectateurs.
La forte saisonnalité reste étroitement liée à la localisation des événements : plus le
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FISE aura un déroulement multi-sites, plus l’activité pourra être répartie tout au long
de l’année. Ce lissage semble avoir débuté avec les premiers rendez-vous internatio-
naux.
Mais jusqu’à présent, la stratégie internationale s’est plutôt opérée au coup par
coup : au gré des rencontres et des envies, le FISE s’est déplacé dans différents
lieux attractifs sur la planète. Une rationalisation stratégique à travers une meil-
leure formalisation s’impose. Cette tendance s’accompagne de plusieurs renforce-
ments.
Renforcer
La stratégie d’internationalisation permet de développer  les relations multi-sites
qui réduisent la dépendance et la capacité logistique d’intégration des activités qui
consolide la maîtrise de l’expertise.

65
11 cas de stratégie

Avec ce déploiement renforcé de compétences, le FISE pourra entrer dans un


véritable projet de management international. La combinaison d’une connaissance
des données culturelles et fonctionnelles de différents pays avec la mise en œuvre
de compétences opérationnelles participera à la création d’un nouveau métier que
le FISE est en train d’imaginer.
Créer
Le FISE s’achemine vers un renforcement de son identité fortement distinctive
tout en bâtissant un projet de management entrepreneurial international. La théma-
tique des sports extrêmes adossée à un mode de vie free style laisse la possibilité
d’ouvrir à des pratiques nouvelles que l’entreprise pourrait capter à l’avenir.
L’articulation délicate entre la flexibilité et l’intégration des activités reste possible
grâce à un mode de coordination centré sur les missions des collaborateurs. Dans
un avenir proche, il est probable que la flexibilité opérationnelle souffre de l’inter-
nationalisation fortement conditionnée par des délais incompressibles de transport
et de préparation. Il conviendra alors de s’attacher à préserver la flexibilité straté-
gique nécessaire à la mobilité internationale.
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Atténuer
Ciblage sur une population citadine
Forte saisonnalité
Stratégie émergeante à l’international

Exclure Créer
Sédentarisation comme les sports urbains nord- Stratégie internationale coordonnée
américains Hyperspécialisation de l’activité Nouvelle courbe Image d’événementiel multisport freestyle
(types de sports/festival) Sports à la marge du de valeur Groupe d’entreprises intégré et flexible
système sportif général (JO/fédérations)
La domination des mass médias

Renforcer
Les relations territoriales multi-sites
Capacité logistique d’intégration des activités
Management de projet international

Fort

Faible

Hyperspécialisation Sports à la marge Domination Ciblage Tâtonnement Forte Relations Capacité logistique Management Stratégie Image Groupe
Des compétitions mass médias citadin international saisonnalité territoriales d’intégration Projet internationale multi- intégré &
multi-sites international coordonnée sport flexible
freestyle
Xgames
FISE

Evénements sportifs et/ou culturels bénéficiant de financements institutionnels

Figure 3.3 – La stratégie « océan bleu » de FISE

66
Le Festival International des Sports Extrêmes  ■  Cas 3

En conclusion, le FISE a su mettre en place une stratégie de croissance à l’inter-


national exploitant avec pertinence ses compétences clés. Le secteur vers lequel
est orienté le groupe reste peu concurrentiel. À moyen terme, les perspectives
semblent très favorables. Cependant, l’équipe dirigeante doit rester vigilante vis-
à-vis de plusieurs risques :
––la stratégie gagnant-gagnant instaurée avec les acteurs du territoire pourrait
s’essouffler si certaines métropoles aspirent à développer leur propre marque
événementielle. En devenant une marque internationale de sports extrêmes, le
FISE s’approprie une identité free style dont les acteurs du territoire ont intérêt
à rester partenaires ;
––l’internationalisation des activités crée une diversification géographique qui
pourrait à terme alourdir le fonctionnement opératoire de l’entreprise. Le groupe
doit rester vigilant quant à la préservation de sa flexibilité, d’autant que l’inter-
nationalisation s’accompagne de lourdeurs logistiques difficilement
compressibles ;
––enfin, les sports urbains free style évoluent très rapidement. L’avantage va à celui
qui sait anticiper les sports qui plairont demain aux jeunes.
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67
CAS 4. FERRONNERIE VIDAL

Marion Polge
in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 69 à 89
ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-69.htm
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Cas

4 Ferronnerie Vidal

Marion Polge
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 Présentation du cas
Problématique
Jusqu’où le territoire peut-il impacter les choix stratégiques d’une très petite entre-
prise ?
Résumé
La ferronnerie Vidal est une entreprise artisanale familiale qui a bâti au fil des géné-
rations une maîtrise des techniques et des savoirs. Elle a connu depuis vingt ans un
développement conséquent.1
Le cas insiste sur le rôle de l’identité territoriale dans les très petites entreprises. En
premier lieu en raison du profil du dirigeant dont la passion renforce la singularité
des ressources stratégiques idiosyncratiques. En second lieu, par l’influence du
conjoint dont les décisions impulsent la structuration des compétences.
Plus largement, le cas montre comment l’immersion dans un environnement cultu-
rellement puissant participe à la montée en compétitivité d’une très petite entreprise
(TPE).

1.  Nous remercions l’Institut supérieur des Métiers pour sa collaboration à ce travail.
11 cas de stratégie


L’entreprise Vidal bénéficie d’une excellente image et d’une expertise sans pareille.
Pourtant, le dirigeant se rapproche de ses confrères en partageant différents projets :
quels sont les enjeux pour sa stratégie de singularité ?
Objectifs
Ce cas vise à comprendre les liens entre le développement de capacités dyna-
miques (à partir de ressources propres) et la création de relations humaines
appuyant la mise en dynamique de celles-ci.
Outils mobilisés
••L’approche resource-based view est mobilisée pour repérer les compétences clés
de l’entreprise.
••Différents niveaux d’analyse environnementale sont mobilisés : analyse concur-
rentielle, construction de réseaux, structure territoriale.
••Typologies de dirigeants : analyse par les profils.

1  Une histoire de famille


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Il était une fois, il y a bien longtemps, en pays catalan, un petit métallo-ferronnier
qui habitait sur la route de l’Espagne. Il travaillait vaillamment tous les jours, comme
son père et son grand-père, à chausser chevaux et mulets pour qu’ils puissent arpenter
les routes pyrénéennes. À sa manière, il participait à la grande aventure du Vallespir,
royaume du fer, où chacun œuvrait pour atteindre l’excellence dans son métier. Le
jour arriva où, fatigué d’avoir tant travaillé, le petit métallo-ferronnier quitta son ate-
lier. Son fils Émile décida de reprendre l’affaire, fier de porter l’héritage familial.
Mais les trains, puis les voitures remplacent les chevaux et les tracteurs succèdent
aux ânes et aux mulets… Peu à peu, le métier de métallo-ferronnier ne fait plus
recette. Comme son père, Émile connaît l’art de la forge et son savoir dépasse le
cadre de la chausse chevaline. Il fait progressivement évoluer son métier : il répond
d’abord à la demande de ses voisins et amis, en entretenant le matériel agricole et
en fabriquant les pièces nécessaires. Mais Émile est un passionné d’art et de culture :
chaque année, lors des vacances familiales, il sillonne la France pour perfectionner
son savoir-faire artistique. Il visite, explore les monuments les plus discrets et étudie
de nouvelles techniques afin d’acquérir une connaissance large, loin de la culture
catalane de la ferronnerie. Apprécié pour la qualité de son travail, Émile est égale-
ment connu pour sa personnalité  : c’est un caractère bien affûté mais jovial, qui
suscite une haute estime de la part de son entourage. Son fils Bruno, à 15 ans, par-
tage peu la passion de son père. Celui-ci lui offre un appareil photo pour qu’il pho-
tographie les monuments : c’est le début de la découverte, par le biais de la richesse
du patrimoine culturel français. Mais la décision prise est ferme et sans appel : ce
fils brillant fera des études. Il ne sera jamais artisan !

70
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

Pourtant en 1985, Bruno, alors âgé de 25 ans, arrive dans une entreprise qu’il va
transformer en quelques années.
La ferronnerie Vidal est aujourd’hui dirigée par Bruno et Marie-Laure. Le chemin
parcouru en vingt-cinq ans a transformé le petit atelier en très petite entreprise dyna-
mique. Reconnu pour son professionnalisme, Bruno s’est impliqué dans plusieurs
mouvements de valorisation du territoire et du métier. À travers l’histoire de ce
couple artisan, nous allons découvrir comment après la reprise de l’entreprise, cha-
cun a découvert le partage des décisions et de l’organisation.

2  Le temps de la reprise
2.1  Apprendre et comprendre
Bruno a appris le métier par lui-même. Très observateur, il capte les gestes précis
et expérimentés de son père et de son ouvrier. Il bénéficie de leur expérience qui,
sans parole, passe de l’un à l’autre. Doué d’une capacité d’assimilation rapide,
Bruno progresse, se perfectionne. Son goût pour le dessin et plus largement sa sen-
sibilité pour l’art l’amènent à définir son style. Dès les premières années, il conçoit
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une approche artistique revisitée de la ferronnerie, qui marquera toute sa carrière.
Malgré les appréhensions familiales, il se lance dans un vaste travail de découverte
et de créativité. Son père admire sa volonté, et choisit de laisser son fils mener
l’affaire selon sa propre vision : le jour de l’arrivée de Bruno, il quitte l’entreprise
et ne reviendra pas à l’atelier. La renommée d’Émile rayonne encore aujourd’hui.
Apprécié pour la qualité de son travail, il est resté une personnalité de la vallée. Ses
relations vont servir l’entreprise et faciliter des projets atypiques.
Bruno se retrouve chef d’entreprise alors qu’il pense avoir encore beaucoup à
apprendre de son métier. La passion d’apprendre ne le quittera plus.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

2.2  S’informer puis diffuser


En 1989, armé de son diplôme de dessinateur en génie civil, Bruno reprend l’en-
treprise et mène l’atelier. Pendant quelques années, il prend ses repères en poursui-
vant une production semblable à celle de père. Parallèlement, il continue d’enseigner
au CFA1 : former, communiquer, transmettre, constitue pour lui un moyen de mieux
maîtriser son propre savoir, mais aussi de construire un patrimoine collectif. L’impli-
cation dans le CFA traverse la carrière de Bruno, qui y occupera plus tard des res-
ponsabilités nationales dans le secteur de la serrurerie.
Tandis que sa connaissance technique s’affine, il continue de s’appuyer sur les
compétences administratives et commerciales de sa mère. Ce seul lien avec l’activité

1.  Centre de formation des apprentis :


www.education.gouv.fr/cid216/le-centre-de-formation-d-apprentis-c.f.a.html

71
11 cas de stratégie

passée le dégage des contraintes de pilotage. Ensemble, ils instaurent un système de


direction en binôme. Bruno peut s’investir pleinement dans la production. La clien-
tèle, rassurée de voir que les prestations restent au même niveau, est fidèle à la maison
familiale. Pourtant, Bruno se fixe un challenge : il va hisser la qualité et la créativité
à un niveau supérieur. C’est le seul moyen pour durer et faire rayonner
la ferronnerie catalane. Convaincu de l’impact du collectif et de l’esprit propre à la
communauté des artisans, il adhère à une association locale, « Prestige Perpignan »,
qui rassemble les meilleures compétences dans tous les secteurs de l’artisanat. Les
rencontres qu’il réalise à ce moment-là seront décisives pour l’avenir.
Avant qu’il n’en prenne la direction, l’entreprise adhérait déjà à cette association.
Mais l’impact des actions menées n’est devenu réellement intéressant que quelques
années plus tard. Les avantages liés à la participation sont multiples, car les membres
de ce groupe travaillent dans tous les secteurs de l’artisanat. L’image collective
recherchée porte sur diverses prestations, de sorte que le client peut identifier tous
les artisans de prestige par un seul contact. Le réseau se présente comme un moyen
formel de mise en place de coopérations professionnelles. Chacun sait que son
confrère travaille sérieusement : les mécanismes de collaboration sur les chantiers et
de cooptation auprès des clients peuvent être mis en place sans crainte de dérives.
L’implication dans ce réseau professionnel provoque un effet déclencheur pour
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Bruno : il doit être à la hauteur et proposer chaque année une nouvelle pièce origi-
nale et marquante pour les esprits. Avec ses deux apprentis, il se lance dans une
course à la perfection. Cette période sera déterminante pour les trente ans de travail
en commun qui vont suivre.
Vers la fin des années 1980, la mère de Bruno se sent fatiguée. L’administration
de l’entreprise devenant plus lourde, cette dame qui a soutenu sa famille pendant
de longues années aspire à un peu de repos. Bruno prend conscience que la gestion
traditionnelle sans véritable outil de pilotage touche à sa fin. Il décide de se former
à l’ingénierie de la gestion. Il suit plusieurs séminaires à la Chambre de métiers et
de l’artisanat1 et dans le cadre de la CAPEB2, qui lui permettent d’atteindre son
autonomie puis d’affiner sa compréhension du fonctionnement de la structure. Mais
il n’a que peu de goût pour la rigueur technocratique, loin du travail manuel. Rien
ne procure un plaisir professionnel aussi fort qu’un atelier où s’anime sa passion.
À partir des années 1990, l’arrivée progressive de son épouse Marie-Laure en tant
que gestionnaire ouvre de nouvelles perspectives : Bruno peut reprendre sa liberté
pour créer ses produits. Marie-Laure ne sait pas encore qu’elle va devenir l’un des
deux piliers de l’entreprise.

1.  Présentes sur tout le territoire, au nombre de 104 dans les départements et de 21 dans les régions, les chambres
de métiers et de l’artisanat sont placées sous la tutelle déconcentrée des préfets. La DCASPL assure une mission
d’organisation et de suivi de la tutelle administrative et financière, notamment par l’élaboration de la réglementa-
tion, le conseil et l’information au quotidien des chambres et des préfets, et la consolidation nationale des comptes.
Source : www.pme.gouv.fr/consulaire/chambresconsulaires.php
2.  Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment :
www.capeb.fr/INTERNETCAPEBWeb/National/Publication/accueil/accueil.jsp

72
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

2.3  Se passionner pour s’engager


La dernière décennie du xxe siècle marque un virage décisif dans la vie du couple
dirigeant. Les locaux apparaissent restreints : ils se composent d’une part d’un atelier
désuet où trône la vieille forge et d’autre part, à l’étage, de l’appartement familial où
sont gérés les comptes. Comme dans beaucoup d’entreprises artisanales, le siège
administratif et commercial occupe la cuisine, tandis que la production s’opère sans
véritable respect de la normalisation ou encore des règles élémentaires de productivité.
Bruno a conscience que la richesse de l’entreprise se trouve dans le savoir accu-
mulé depuis plusieurs générations, et que le succès de sa carrière doit se fonder sur
ces bases. Il s’engage alors dans une recherche intensive et acquiert de nouvelles
connaissances : il consacre de nombreuses lectures au domaine du fer, de l’art ou
encore de l’architecture. Il passe ses soirées à l’atelier, ses nuits à réfléchir et à créer.
Il gagne ainsi des compétences expertes qui lui confèrent un statut de référence dans
son secteur. Ses créations animent sa vie… mais la vie d’une entreprise ne se limite
pas à la production créative.

3  Le temps de la construction à deux


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La consolidation de l’activité passe par l’arrivée et l’implication de Marie-Laure.
D’un caractère très différent de celui de Bruno, elle dessine progressivement le nou-
veau visage de l’entreprise : celui d’un lieu accueillant, où s’exposent des produits
d’excellence répondant aux souhaits d’une clientèle experte. Pour arriver à ce résul-
tat, Bruno et Marie-Laure ont dû d’abord apprendre à travailler ensemble.
D’un tempérament discret, Marie-Laure se glisse dans l’organisation en répondant
au besoin latent de rigueur dans le pilotage. Au rythme de formations et d’actions
ponctuelles, elle va dans un premier temps définir son territoire, pour ensuite croiser
son regard avec celui de Bruno, sur les grands défis qu’ils vont relever ensemble.
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3.1  Définir son territoire


Marie-Laure connaît le fonctionnement d’une entreprise artisanale : fille d’artisan,
elle a travaillé aux côtés de son père avant d’épouser Bruno et de cesser toute activité
professionnelle. Installée dans la maison familiale, elle commence à traiter la comp-
tabilité de l’entreprise. Elle découvre les rouages de l’établissement tout en restant
en dehors de ses murs. Elle peut ainsi apprécier à la fois le fonctionnement et la
vitrine offerte par le travail de Bruno.
Très vite, elle ressent la nécessité de renforcer la fonction marketing : il n’existe
aucun document commercial, aucun support de communication, aucun moyen
d’analyse de la clientèle ciblée. Jugée « désertique » par cette codirigeante en deve-
nir, l’activité commerciale sera sa priorité.

73
11 cas de stratégie

Titulaire d’un DUT de gestion (GEA)1, Marie-Laure ne rencontre aucune difficulté


dans la tenue des comptes et l’analyse des ratios. L’informatisation réalisée par
Bruno à sa demande quelques années plus tôt facilite la tâche en donnant au couple
une lecture partagée de la situation.
D’un point de vue marketing, Marie-Laure connaît ses limites  : elle décide de
suivre une formation organisée par la Chambre de métiers et de l’artisanat des Pyré-
nées-Orientales. Elle apprend les techniques opérationnelles qu’elle met ensuite en
pratique. Malgré le peu de moyens alloués à la réalisation de supports, elle entreprend
avec fierté la création des premiers documents (cartes, plaquettes…). Les retombées
sont immédiates. Marie-Laure est convaincue qu’il faut poursuivre sur cette voie,
pour mieux valoriser le talent de Bruno. Mais dans cette perspective, un simple appui
de sa part s’avère insuffisant : son rôle doit être clairement défini dans l’entreprise aux
côtés de son époux.

3.2  Croiser les regards


En 1995, Marie-Laure entre définitivement dans les murs en occupant un rôle de
conjoint-collaborateur.
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Les premières actions menées par Marie-Laure ont convaincu Bruno : ensemble, ils
pourront aller loin. Déchargé des tâches de gestion de l’entreprise, Bruno poursuit le
perfectionnement de ses techniques de travail. Il conserve la clientèle agricole fidèle,
mais s’adresse en parallèle à de nouveaux clients en attente de produits prestigieux.
La demande augmente régulièrement et Bruno recrute. Il garde en permanence un
ou deux apprentis dont il soigne la formation. Il accueille également des compa-
gnons faisant le tour de France. L’effectif s’élève alors à quatre personnes salariées.
Marie-Laure et Bruno ont enfin cadré leur mode de fonctionnement, lorsque de
nouvelles données se font jour  en matière de normalisation. Ils vont apprendre
ensemble comment leur petite structure peut transformer des contraintes réglemen-
taires drastiques en une formidable opportunité de développement.
L’entreprise vit une métamorphose radicale : fondée sur le savoir-faire de Bruno,
elle construit son organisation opérationnelle dans une perspective stratégique. Deux
actions marquent le départ de ce processus.

■■  La transformation de l’atelier


Les conditions de travail dans l’atelier n’ont pas évolué depuis longtemps : la forge
est installée dans une remise vétuste, sans système d’aération, de protection, ou encore
de revêtement au sol. Tout est à refaire dans ce local devenu inadapté à la nature et au
volume de l’activité. Aucun des aménagements envisagés ne satisfait véritablement le
couple. Il est alors décidé de construire un nouveau bâtiment, dans le jardin, à l’arrière

1.  Bac+2 en gestion des entreprises et des administrations.

74
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

de l’atelier actuel. Libérés de toute contrainte de rénovation, Bruno et Marie-Laure


imaginent alors un établissement moderne, spacieux et agréable pour le travail. Au-
delà des normes de sécurité et d’hygiène (équipement, outils, douches, cuisine…), ils
créent un espace de vie professionnelle. L’ancien atelier ne sera pas détruit  ; son
manque de fonctionnalité exclut une activité de production, mais il matérialise l’his-
toire de l’entreprise : il en devient simplement la vitrine commerciale en 1997.

■■  De l’atelier au showroom


L’absence d’espace commercial pénalise l’entreprise de deux manières  : d’une
part, il est impossible d’accueillir correctement une nouvelle clientèle exigeante et
d’autre part, les plus belles pièces produites ne peuvent pas être présentées au public
pour démontrer la qualité du travail.
Ces deux lacunes déterminent la transformation de l’ancien atelier en showroom,
en suivant trois directions :
––il s’agit de préserver l’ancienne forge afin de valoriser le capital historique ;
––il convient ensuite de dégager un espace suffisant et convivial pour accueillir
confortablement le client qui pourra admirer les produits. À l’arrière du magasin,
est créé un bureau destiné à la gestion commerciale et administrative ;
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––enfin, le choix est fait d’ouvrir le bâtiment côté rue pour le rendre visible et attrac-
tif. Installé sur la rue principale du village, ce nouvel affichage commercial est
achevé en 1997. Il remplit pleinement son rôle : la fréquentation se densifie tandis
que les clients agricoles impressionnés par la vitrine prestigieuse, se détournent
progressivement de l’entreprise.

4  Codiriger une entreprise pour mieux se développer

Le large remaniement organisationnel conduit Marie-Laure et Bruno à définir leur


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territoire tant spatial que décisionnel. Même si Marie-Laure intervient pour appré-
cier la production, parfois contrôler et définir les projets, c’est tout de même Bruno
le maître d’œuvre de la partie opérationnelle. Depuis qu’ils travaillent ensemble,
leur implication territoriale n’a cessé de croître : Chambre de métiers et de l’artisa-
nat, CAPEB, municipalité, associations… La présence de Bruno dans la vie locale
se renforce, alors que Marie-Laure prend en main la direction de l’entreprise. Cette
organisation apparemment harmonieuse n’est pas sans risque.

4.1  Les risques de surchauffe


Les multiples engagements de Bruno l’éloignent de l’atelier. Investi de diverses
missions locales (pédagogiques, électives, professionnelles…), il doit organiser la
production afin que l’activité se poursuive en son absence. La délégation à son plus

75
11 cas de stratégie

fidèle collaborateur s’avère beaucoup plus délicate qu’il ne le pensait. L’autorité ne se


décrétant pas, les autres salariés ne suivent pas ce nouveau leader. Bruno doit gérer
successivement plusieurs problèmes organisationnels. Des tensions apparaissent,
dégradant le climat de travail. Le dirigeant-artisan est conduit à revoir son jugement
de la situation  : il va devoir temporiser son implication externe à l’entreprise pour
cadrer la production. Il ne peut s’éloigner de l’atelier, car il est le seul à avoir une
vision globale de l’offre et surtout, il tient entre ses mains la singularité de ses produits.
Dans le même temps, Marie-Laure développe son sens de l’animation : associée
aux choix de son époux, elle suit plusieurs formations en parallèle. Dans le cadre
professionnel ou universitaire, elle s’informe et prend de la distance par rapport au
quotidien. Elle développe des arguments qui vont guider Bruno et le soutenir dans
son choix de se recentrer sur son activité première.

4.2  L’heure des choix


Avec Marie-Laure, Bruno réfléchit à l’organisation de son travail  : soutenir la
création de ferronnerie d’art à destination d’un segment de clientèle haut de gamme
dans la région Sud-Est, se rendre visible et convainquant pour cette clientèle de
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particuliers exigeants.

■■  Se revendiquer artisan d’art


L’identité de Bruno s’affirme dans le domaine artistique. En tant que maître arti-
san, il est sollicité pour réaliser des œuvres prestigieuses auprès d’un public averti
de particuliers et dans une moindre mesure, d’organisations publiques. 90  % du
chiffre d’affaires est réalisé avec les particuliers résidents des Pyrénées-Orientales.
Les chantiers en dehors du département répondent à une demande spontanée de
connaissances ou de touristes ayant vu les réalisations en showroom. Bruno évite de
travailler sur d’importants chantiers menés dans le cadre d’appels d’offres  : les
contraintes trop fortes empêchent de conduire le travail selon sa conception perfec-
tionniste et créative.
Bruno participe à plusieurs concours nationaux et internationaux où il gagne des
prix renforçant sa légitimité auprès des confrères régionaux.

■■  Prendre ses distances


Ayant repéré certains pièges liés à la notoriété, Bruno s’efforce de contenir son plai-
sir à échanger et s’impliquer dans des actions extra-entreprise. Ses facilités oratoires
l’aident à communiquer sa passion pour la ferronnerie, mais il sait à présent qu’il ne
doit pas abuser des relations. Renoncer à certaines actions s’avère douloureux, mais il
constate que la focalisation sur les partenariats les plus enrichissants vient en retour
nourrir sa créativité. Dans cette perspective, il choisit en priorité de rester proche de
l’association de ferronnerie catalane dont il est un membre fondateur actif.

76
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

5  Les aventures à treize : la ferronnerie catalane

L’association Prestige accueille une variété de métiers de l’artisanat trop large par
rapport aux choix de positionnement de Bruno. En s’éloignant de ce type de grou-
pement, Bruno peut mieux s’investir dans des actions marquées par le métier de
ferronnier. Au-delà de l’impact commercial, il cherche plutôt un impact profession-
nel : travailler ensemble pour travailler mieux.
C’est dans l’Association de ferronnerie catalane qu’il trouve toute sa satisfaction.

5.1  Vivre une passion commune


Sur le territoire catalan, sont installées une cinquantaine d’entreprises de ferron-
niers-métalliers. Les forgerons utilisant régulièrement une forge ne sont qu’une petite
dizaine. Tous les confrères se connaissent  : le climat professionnel généralement
chaleureux amène la plupart des artisans à travailler ensemble. Bien qu’exerçant la
même activité, ils ont développé chacun des techniques et des approches particulières
de leur métier. La concurrence de marché ne s’applique pas réellement à ces passion-
nés. Pour certains, le temps est venu de concrétiser les actions partagées.
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L’Association de ferronnerie catalane a été créée en 1998, mais Bruno ne la rejoint
qu’en 2000. Ce regroupement de ferronniers s’est constitué autour de quelques pas-
sionnés à l’initiative de la mairie d’Arles-sur-Tech soutenue par les organisations
publiques et professionnelles de l’artisanat. Haut lieu de l’industrie minière d’ex-
traction du fer, ce village a préservé son site. L’objectif ne s’arrête pas à la démons-
tration de pièces produites par chacun. Il s’agit de progresser ensemble en suivant
plusieurs voies.
L’Association de ferronnerie catalane accueille une quinzaine de membres actifs
mobilisant une centaine d’adhérents français et étrangers. L’objectif premier est de
revaloriser la ferronnerie catalane dans son ensemble, grâce à une collaboration
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interentreprises. Parallèlement, la volonté de faire se rencontrer les ferronniers afin


qu’ils forgent ensemble a provoqué un mouvement de convergence des pratiques
individuelles. Au-delà de l’harmonisation technique, les responsables de ce mouve-
ment ont une autre idée : redonner à la ferronnerie catalane un rayonnement d’enver-
gure nationale, voire internationale. Dans ce but, ils n’hésitent pas à inviter des
confrères étrangers (Espagne, Italie, Allemagne, Angleterre…) pour perfectionner
leur connaissance du métier. Ils découvrent que d’autres pays ne disposant pas du
même protocole réglementaire (notamment imposé par les Bâtiments de France),
ont développé des techniques de forge différentes.
Curieux d’élargir leurs connaissances, certains membres du groupe organisent des
voyages pour juger sur place du travail des ferronniers. Une grande complicité et un
partage des valeurs apparaissent au sein du groupe. Dans cette ambiance amicale et
fraternelle, Bruno prend la présidence de l’association en 2008.

77
11 cas de stratégie

5.2  Gagner ensemble la reconnaissance


Le collectif a bâti son image selon un double mouvement : sur le territoire et hors
du territoire.
• Sur le territoire, sont organisées chaque année les rencontres européennes de la
ferronnerie accueillies par le village d’Arles-sur-Tech. L’attractivité croissante
conduit les organisateurs à leurs limites : avec 150 participants, le rassemblement
devient l’un des hauts lieux de la ferronnerie nationale. Certains forgent ensemble
toute la nuit, échangent des astuces ou encore recherchent des techniques inno-
vantes.
• Hors du territoire, les forgerons se lancent dans des concours par équipe : gagner
ensemble pour mieux souder le groupe : ils sont champions du monde en 2005 et
vice-champions du monde en 2009 au concours organisé à Stia (Italie).

5.3  Donner sans reprendre… oui, mais jusqu’où ?


D’un point de vue personnel, Bruno gagne également en prestige : plusieurs prix
viennent reconnaître son talent. Sa devise : « Je donne toujours, sans réfléchir. Si les
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autres veulent reprendre à leur compte ce que je leur apprends, le métier n’en sera
que mieux reconnu. De toute façon, il faut donner, il y a toujours un retour quelque
part. Ne serait-ce que la satisfaction. »
Marie-Laure ne partage pas toujours cette analyse : elle pense que Bruno pourrait
parfois se montrer moins extraverti pour mieux protéger son capital savoir. Elle
craint que la progression du collectif ne se fasse au détriment de l’entreprise. Mais
par ailleurs, la personnalité hors du commun de Bruno est très appréciée de ses
confrères et amis. Son tempérament de leader, débordant d’idées et de dynamisme
fédère autour de lui.

6  500 millions de projets… et moi, émois, hé moi !…

Communiquant insatiable, Bruno souhaite améliorer le niveau général de la fer-


ronnerie catalane. Son rôle de président le met en contact avec les responsables
politiques locaux. De nouvelles idées germent, poussant à nouveau Bruno à s’enga-
ger dans des projets différents, voire divergents.

6.1  Les idées chauffent pour le four solaire de Sorède


En 1900, le premier four solaire industriel au monde a été construit à Sorède par
le Padre Himalaya. Il montait alors à une température de 3 500 °C. À l’initiative de
l’association Les amis du Padre Himalaya est né un projet de reconstruction de ce

78
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

four aujourd’hui totalement détruit. Il s’agit d’une prouesse à plusieurs titres : sur
le plan historique en premier lieu, en raison de l’absence d’éléments tangibles sur
le terrain, sur le plan technique ensuite (tant individuel que collectif), parce que la
reconstruction doit mobiliser des connaissances très diverses.

■■  Prouesse historique


Il ne reste que trois photos du four ; les plans ont été détruits. S’aidant uniquement
de ces documents photographiques, un professeur a réalisé des maquettes dont les
proportions ont été déduites à partir de la taille du Padre Himalaya photographié à
côté du four.
Ce professeur, craignant de se lancer tout seul dans le projet, était venu à l’atelier voir
comment travaillait Bruno. Il ne s’est pas présenté et est resté anonyme pour mieux
apprécier les réalisations exposées dans le showroom. Il a immédiatement pensé que la
collaboration pourrait être fructueuse. L’étape suivante consistait à dessiner les plans :
Bruno a accepté le défi, soutenu par plusieurs professeurs impliqués dans le projet.
Aujourd’hui, l’aventure réunit des passionnés d’histoire et de technologie liée à
l’énergie solaire, des universitaires et des entrepreneurs. André, un passionné impli-
qué dans l’association des Amis de Padre Himalaya, apparaît comme le porteur de
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projet. Par son travail, il participe à de nombreuses initiatives dans l’exploitation de
l’énergie solaire. Le programme est sur le point d’obtenir un financement européen
important associant recherche, formation et réalisation par les entreprises.

■■  Prouesse technique collective


Plusieurs questions se posent dans la réalisation : où construire un four ? Comment
monter l’architecture ? Quels seront les participants ?
Un terrain a été repéré sur le site de l’arboretum de Sorède. Il est impossible de bâtir
le nouveau four sur le site de l’ancien, situé sur une propriété privée. Par fidélité à la
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construction d’origine, un assemblage à l’ancienne a été retenu. L’expertise technique


étant devenue relativement rare, les porteurs de projets ont recherché pendant trois
ans une entreprise compétente capable de traduire l’authenticité du produit. Une
connaissance d’André et Bruno a pensé à l’Association de ferronnerie catalane, et la
chance a fait le reste : à l’occasion d’un match de rugby, Bruno rencontre André. Ils
échangent quelques mots à la mi-temps et rendez-vous est pris pour réfléchir plus en
détail sur les modalités d’actions communes. Dès que Bruno présente les grandes
lignes du projet à ses confrères de l’Association, l’enthousiasme est unanime. Huit
chefs d’entreprises sont prêts à s’impliquer.
L’objectif est de boucler le budget à la fin 2011 pour bâtir rapidement et ouvrir les
visites au public.

79
11 cas de stratégie

■■  Prouesse technique individuelle


L’innovation vécue collectivement aura des répercussions sur les techniques de
travail de chacun. Selon Bruno, cette action ne devrait pas être très rentable pour les
entreprises participantes. Mais les avancées techniques vont se diffuser dans les
pratiques. D’un point de vue commercial, tous espèrent que le rayonnement et la
fréquentation de Sorède se répercuteront sur la notoriété de l’Association et sur
l’image de chaque artisan.
Bruno témoigne : « J’aurais pu prendre le projet seul. Mais 280 000 euros1, c’est
énorme pour moi. C’est un gros risque. C’est pour ça qu’il faut se répartir entre
plusieurs artisans et absorber le volume d’activité dans chaque entreprise. La per-
sonne clé, c’est André qui va trouver le financement et faire le lien entre les associa-
tions. Il va décider de tout. Pour l’instant, dans l’Association de ferronnerie catalane,
on est quatre à vouloir gérer le projet. Les autres entreprises suivront, mais elles
n’auront pas autant de contacts que nous. »

6.2  Se former en formant


Bruno se lance dans la formation en privilégiant l’orientation professionnelle. Il
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n’existe pas de formation réellement adaptée aux besoins des confrères : la démarche
reste du ressort de l’individuel, ce qui implique beaucoup de travail d’intendance.
Pour se former, il faut aller dans les entreprises. La CAPEB a recruté une personne
dédiée à la gestion de ce type de formation : Marie-Laure lui envoie les plannings,
le contenu et elle gère la formation. Les craintes conséquentes à la crise de 2008 ont
fait prendre conscience à Bruno et Marie-Laure de l’intérêt d’engager une diversifi-
cation. En cas de ralentissement des commandes, les salariés pourraient encadrer de
la formation pour éviter de rester inactifs.
Les stagiaires ne coûtent rien : ils payent l’inscription à la formation lorsqu’ils en
reçoivent le financement. Sans engager aucune démarche de prospection, une
dizaine de stagiaires a été formée en six mois. Comme Bruno est connu dans la
région, quand il propose un stage, les candidats se pressent. Les professionnels
connaissent l’intérêt de la formation. Pour l’entreprise, il s’agit d’une activité très
rentable, qui permet en outre de renouveler le matériel par l’intermédiaire de la taxe
d’apprentissage. En tant que centre de formation, il est possible de recueillir cette
taxe versée par les entreprises au bénéfice des formations technologiques et/ou pro-
fessionnelles. L’activité de formation est réalisée par l’intermédiaire d’une SARL
créée uniquement à cet effet. En revanche, l’entreprise ne peut pas développer cette
nouvelle activité pour l’instant, car la gestion de la formation exigerait la création
d’un poste à mi-temps.

1.  Estimation du montant affecté au travail des ferronniers.

80
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

L’année dernière, la Chambre de métiers et de l’artisanat a envoyé à l’entreprise


une stagiaire qui faisait le BCCEA1 (quinze jours par mois pendant six mois). Très
compétente, cette personne a participé à l’activité de pilotage et à la mise en place
de la formation chez Bruno et Marie-Laure.
Cette activité a séduit tous les partenaires du fait de la notoriété de l’entreprise.
Mais comme le dit Bruno : « Il faudrait que j’arrête de faire beaucoup de choses à
côté, et on pourrait développer la formation. Ce serait bien que l’an prochain, je
fasse trois stages de deux semaines.  La formation apporte à des collègues qui ne
savent pas exactement comment je travaille : ils voient comment ça se passe avec les
collaborateurs, comment les impliquer… »

Questions
Plus que jamais, Bruno est sollicité pour participer aux projets menés sur son terri-
toire. En 2011, l’entreprise obtient le label « Entreprise du patrimoine vivant »2 qui
distingue les savoir-faire d’excellence. L’orientation stratégique devient détermi-
nante. Le couple se demande comment hiérarchiser les priorités et organiser l’acti-
vité pour poursuivre le développement. En tant que conseiller stagiaire à la Chambre
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de métiers et de l’artisanat, vous êtes sollicité pour les accompagner dans leurs
choix  : il vous est demandé de porter une attention particulière à la stratégie de
développement de l’entreprise.
1 ■ Vous procéderez à une analyse de la situation environnementale sur un plan
général et territorial.
2 ■ Vous analyserez le profil du couple-dirigeant afin de comprendre la trajec-
toire qu’ils ont insufflée à leur entreprise. Pour cela, vous identifierez les
compétences clés ainsi que leur agencement.
3 ■  Vous expliquerez quelles sont les implications des différents choix qui
s’offrent à Bruno et Marie-Laure pour assurer leur avenir. Sachant que Bruno
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et Marie-Laure ont deux filles qui ne souhaitent pas reprendre l’entreprise,


vous indiquerez quel choix de développement ils peuvent privilégier à long
terme.

1.  Brevet de collaborateur de chef d’entreprise artisanale. Pour en savoir plus  : www.pme.gouv.fr/essentiel/
formation/BCCEA.htm
2.  Label d’État délivré tous les cinq ans par le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

81
11 cas de stratégie

Annexe 1
Les membres de l’entreprise
Année 1985 1990 1995 2000 2010
Direction Émile Vidal Bruno Vidal
Mère de Bruno Marie-Laure Vidal
Codirection
comptabilité Co-pilotage
Salariés Bruno 1 2 + 1 mi-temps 3
Compagnons 1
Apprentis 2 2 3 2

Les trois ouvriers de l’entreprise sont arrivés en tant qu’apprentis. Ils n’ont ensuite
jamais quitté l’entreprise. Ils travaillent dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
La présence des apprentis est fonction des disponibilités et du volume de travail dans
l’entreprise.
Bruno a obtenu un CAP de dessinateur en construction mécanique puis un BEP de
dessinateur en génie civil en 1982. Il est titulaire du Brevet de maîtrise de ferronnier
en 1992.
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Annexe 2
Extrait de la plaquette commerciale

82
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

Annexe 3
Indications sectorielles
Les codes NAFA Rév.2 :
25.12Z-Z Fabrication de portes et fenêtre en métal
43.32B-B Métallerie, serrurerie
Ces codes renvoient à des catégories plus larges, qui englobent les ferronniers, ou des
entreprises dont la ferronnerie représente une part de l’activité.
L’entreprise Vidal est classée dans le code 43.32B.
L’’IFRAM, pôle d’innovation et de l’artisanat pour les artisanats des métaux, a recensé
environ 1 700 entreprises de ferronnerie en France (environ 500 ayant l’activité fer-
ronnerie forge et environ 1 200 ayant l’activité ferronnerie forge et assemblage).
Enfin, l’INSEE mentionne le code NAF 43.39Z Autres travaux de finition pour cette
activité.
Source : centre de documentation de l’Institut supérieur des métiers

Annexe 4
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En savoir plus autour du cas Vidal…
Informations sur l’artisanat :
www.artisanat.fr
Informations sur le label « Entreprise du patrimoine vivant » :
www.patrimoine-vivant.com/label/decouvrir_le_label/un_label_etat
Informations sur le statut de conjoint collaborateur :
www.pme.gouv.fr/informations/entreprise/4.htm
www.apce.com/cid22132/conjoint-collaborateur-quel-statut.html?pid=326
www.capeb.fr/INTERNETCAPEBWeb/National/Publication/la_vie_des_metiers/femmearti-
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san/statuts/statuts.jsp
Informations sur la normalisation dans l’artisanat :
www.artisanat.fr/Espaceartisans/D%C3%A9veloppermonactivit%C3%A9/Normalisation/
tabid/281/Default.aspx
www.cfa62.fr/inracq/index.php?option=com_content&view=article&id=298&Itemid=106
Rencontres européennes de la ferronnerie catalane :
www.ferronnerie-catalane.com/
www.tourisme-haut-vallespir.com/index02.php?page=agenda&idpage=FMALAR06
6FS00114
Association Les amis du Padre Himalaya :
himalaya.vefblog.net
Mairie de Sorède :
www.mairie-sorede.fr/four_solaire.htm

83
11 cas de stratégie

Annexe 5
Le lancement du travail en réseaux
Grille d’analyse :
Le lancement de la stratégie collaborative en réseaux
Colette Fourcade et Marion Polge
(Club des Dirigeants Languedoc-Roussillon, ISM 2006)
Impulseurs

Leaders Identification Acteurs


membres
Reconnaissance

Pratiques Collectivisation

Objectifs Buts
Actions stratégiques

Ressources stratégiques mobilisées


concrétisation
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84
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

La ferronnerie Vidal présente les caractéristiques d’une entreprise familiale artisanale


dont la trajectoire stratégique a été progressivement dessinée au fil des générations :
––la dimension familiale montre la complémentarité des intérêts des acteurs, mais
également la combinaison de compétences complémentaires pour faire émerger
une identité singulière ;
––le caractère artisanal peut se lire suivant un double prisme  : institutionnel et
fonctionnel.
L’entreprise est institutionnellement enregistrée au registre des métiers, dans la
branche serrurerie. Inscrite en chambre de métiers et de l’artisanat, elle doit
accueillir un effectif inférieur à dix salariés parmi lesquels se trouve au moins un
diplômé en CAP serrurier. Cet ancrage institutionnel entraîne des conséquences
professionnelles en termes de savoir-faire, que Bruno Vidal a largement exploi-
tées à travers la recherche continue d’excellence.
La très petite taille de cette entreprise l’expose à des risques de fragilisation exacer-
bés par rapport aux grandes structures. Les ressources stratégiques peuvent sembler
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mieux valorisées, mais elles restent moins denses : les aléas conjoncturels risquent
d’entraîner des dégradations rapides. Parallèlement, les stratégies de croissance pré-
sentent des risques considérables de dénaturation et donc de perte de compétitivité.
Au-delà de l’analyse environnementale classique, ce cas mobilise des outils rela-
tifs à l’approche basée sur les compétences et la coopération dans les réseaux
comme source de renforcement des compétences clés.
Le travail demandé correspond particulièrement aux formations en accompagne-
ment et conseil stratégiques en entreprise. Le cas présent est régulièrement cité
dans les structures d’accompagnement, comme une entreprise exemplaire ayant su
dépasser les difficultés liées aux mutations professionnelles ainsi qu’à la fragilité
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des TPE traditionnelles.

1.  Vous procéderez à une analyse de la situation environnementale


sur un plan général et territorial.
L’originalité de l’analyse environnementale se trouve dans la combinaison de plu-
sieurs outils : l’approche PESTEL, les cinq forces de la concurrence de Porter, les
groupes stratégiques et l’analyse des réseaux.

85
11 cas de stratégie

Tableau 4.1 – L’adaptation de l’approche PESTEL/cinq forces de la concurrence


Encastrement régional.
L’histoire
Culture régionale catalane forte.
Leaders (animateurs) dans et hors de l’entreprise.
Les hommes
Esprit communautaire, adhésion à des valeurs communes.
Confiance, respect entre artisans.
Les relations Envie et besoin de travailler ensemble.
Logique collective omniprésente.
Émergence d’une clientèle locale exigeante (particuliers).
Les clients
Besoin de produits personnalisés.
Reconnaissance de l’expertise de Bruno.
Les confrères
Échange d’expérience.
(concurrence)
Captation de savoir.
Ferronnerie artisanale non identitaire, non artistique.
Les produits substituts
Grandes surfaces spécialisées.

Les groupes stratégiques


Les ferronniers catalans ont élaboré ensemble un groupe stratégique qui les dis-
tingue des autres ferronniers traditionnels, mais aussi des productions de masse.
Relation client uniformisée
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Grandes surfaces
Approche du

spécialisées
marché

Ferronniers Groupes stratégiques


généralistes

Ferronniers
Relation client catalans
de proximité
Qualité personnalisée Qualité standardisée
Orientation qualité
Relation client uniformisée

Niveau de prestation régulier


Disponibilité continue et stable
Approche du

Barrières à la mobilité
marché

Diversité et adaptation de l’offre


Service de proximité

Créativité et innovation
Relation client Prestation globale unique
de proximité
Qualité personnalisée Orientation qualité Qualité standardisée
Relation client uniformisée

Offre diversifiée
Grandes surfaces
Multi sites
spécialisées
Approche du

Ferronniers
Espaces stratégiques
marché

généralistes

Ferronniers Offre diversifiée Prestation standardisée


catalans Ancrée sur le territoire à distance
Relation client
de proximité
Qualité personnalisée Orientation qualité Qualité standardisée

Figure 4.1 – La répartition des groupes stratégiques du secteur


86
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

Trois groupes stratégiques se distinguent. Ils mettent en évidence différentes


formes de barrières à l’entrée. Les espaces stratégiques montrent comment pour-
raient évoluer les activités avec la généralisation de moyens de commercialisation
comme Internet, ou bien avec le renforcement d’enracinements territoriaux.
L’application de l’annexe 5 à l’entreprise Vidal montre comment s’articulent les
relations entre acteurs : le rôle de leader de Bruno le place au cœur du processus
de développement territorial.

2.  Vous analyserez le profil du couple-dirigeant afin de comprendre


la trajectoire qu’ils ont insufflée à leur entreprise. Pour cela,
vous identifierez les compétences clés ainsi que leur agencement.
La direction bicéphale de l’entreprise ne présente pas d’originalité particulière :
les très petites entreprises fonctionnent fréquemment suivant ce schéma. En
revanche, le rôle de Marie-Laure assumant des responsabilités d’entrepreneur
traduit une évolution tendancielle du secteur de l’artisanat. Le développement de
l’entreprise tient nécessairement à son implication dans la stratégie et sa traduction
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opératoire.

Bruno Marie -Laure


Vision élargie : Vision raisonnée :
Entreprise/métier/territoire Entreprise/rigueur/performance
Créativité Rationalisation
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Expertise opératoire Expertise en pilotage


Capacités relationnelles Capacités en gestion

Accumulation de projets Sélection raisonnée des projets


Enthousiasme débordant Recherche de recentrage

Artisan-dirigeant Entrepreneur-gestionnaire

Figure 4.2 – Le couple dirigeant et la trajectoire de l’entreprise

87
11 cas de stratégie

Les compétences clés de l’entreprise

Stratégique
Partage des décisions renouvelé
Orientation de l’entreprise repensée

Compétences clés :
Opérationnelle
Environnementale
Produits originaux
Coopérations originales Créativité
et personnalisés
Animation externe et
Développement artistique
pour apports internes innovation
fort

Organisationnelle
Réajustement interne
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Évolution technique
Combinaison tradition/innovation

Figure 4.3 – Les compétences clés de l’entreprise

La combinaison des compétences est construite autour de la créativité et de l’inno-


vation. C’est une architecture des compétences relativement complexe et peu
transmissible à l’avenir.

88
Ferronnerie Vidal  ■  Cas 4

3.  Finalement, vous expliquerez quelles sont les implications


des différents choix qui s’offrent à Bruno et Marie-Laure pour assurer
leur avenir. Sachant que Bruno et Marie-Laure ont deux filles qui
ne souhaitent pas reprendre l’entreprise, vous indiquerez quel choix
de développement ils peuvent privilégier à long terme.
Plusieurs choix peuvent être proposés pour l’avenir.
Pour se concentrer sur le métier et la formation.
Réduire l’implication collective
Risques : dirigeant indispensable, besoin de s’inspirer du collectif.
Céder une partie de l’entreprise de formation (gestion partagée
Maintenir l’implication
avec d’autres artisans).
collective
Risques : difficultés de délégation, souhait de ne pas croître.
Il pourrait être à l’atelier pendant que Bruno et Marie-Laure
Former un repreneur
développent le relationnel.
dans l’esprit de l’entreprise
Difficulté : profil artistique rare.
Incompatible avec le profil.
Monter en croissance
Discutable dans le maintien des compétences clés.
pour vendre
Mais plus rentable à court terme.
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Le développement à moyen terme semble relativement assuré. Mais à long terme,
ce modèle d’entreprise montre ses faiblesses liées à la taille, mais surtout à la
rareté des compétences clés portées par le couple dirigeant.
Conclusion
• L’entreprise Vidal offre un extraordinaire potentiel en montrant l’intérêt des
logiques d’actions collectives pour soutenir la créativité et l’innovation.
• Ce cas expose également les difficultés à trouver un équilibre entre ressources
stratégiques propres et ressources stratégiques collectives.

89
CAS 5. ETHIQUABLE

Leila Temri
in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 91 à 104


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-91.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
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Cas

5 Ethiquable

Leïla Temri
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 Présentation du cas
Problématique
Quelle performance pour une entreprise de l’économie sociale et solidaire dans un
secteur ultra-concurrentiel ?
Résumé
Le cas traite de l’entreprise coopérative Ethiquable, entreprise de petite taille spé-
cialisée dans la commercialisation de produits alimentaires de commerce équi-
table.
Objectif
L’objectif est de montrer comment une entreprise peut concilier les trois piliers du
développement durable en défendant des valeurs fortes sur un marché concurren-
tiel, en croissance, mais ralenti par la crise de 2008.
Outils mobilisés
Les outils classiques de l’analyse stratégique pourront être mobilisés, mais les pro-
blématiques stratégiques de la RSE et leur mise en œuvre seront également abor-
dées, notamment à travers la prise en compte des attentes des parties prenantes.
11 cas de stratégie

L’entreprise Ethiquable, créée en 2003, a accompagné les débuts du commerce


équitable en France, et, malgré quelques difficultés, a su s’adapter à l’évolution du
marché et de la concurrence.

c Focus
Le commerce équitable
En 2001, les principaux réseaux internatio- une entreprise acheteuse et une organisa-
naux du commerce équitable ont proposé tion de producteurs, articulé autour d’en-
la définition suivante  : «  Le commerce gagements réciproques. En particulier,
équitable est un partenariat commercial, l’acheteur doit s’engager à :
fondé sur le dialogue, la transparence et le ––payer un prix juste aux producteurs,
respect, dont l’objectif est de parvenir à couvrant tous les coûts de production et
une plus grande équité dans le commerce leur assurant un niveau de vie décent ;
mondial. Il contribue au développement ––garantir une relation commerciale ins-
durable en offrant de meilleures conditions crite dans la durée ;
commerciales et en garantissant les droits ––garantir des conditions et des délais de
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des producteurs et des travailleurs margi- paiement avantageux, à travers notam-
nalisés, tout particulièrement au Sud de la ment le préfinancement des récoltes ;
planète. Les organisations du commerce ––financer des projets de développement
équitable, soutenues par les consomma- collectifs visant au développement des
teurs, s’engagent activement à soutenir les capacités et à l’autonomisation des orga-
producteurs, à sensibiliser l’opinion et à nisations ;
mener campagne en faveur de change- ––soutenir les organisations de produc-
ments dans les règles et pratiques du com- teurs ;
merce international conventionnel. » ––informer et sensibiliser les consomma-
Il a été reconnu officiellement en France teurs et citoyens.
dans la loi du 2 août 2005 sur les petites
et moyennes entreprises (PME), et par la Afin de garantir le respect de ces engage-
mise en place d’une Commission natio- ments, les organisations du commerce
nale pour le commerce équitable (CNCE), équitable ont mis en place des labels. Les
tandis qu’un « Plan national en faveur du principaux labels sont «  Fairtrade Max
commerce équitable » destiné à soutenir Havelaar », « Ecocert Equitable », « World
le secteur a été lancé en 2013. Le com- Fairtrade Organization  » (WFTO), «  Bio
merce équitable Nord-Nord a été reconnu Equitable  », et plus récemment, «  Sym-
dans la loi relative à l’économie sociale et bole Producteurs Paysans » (SPP).
solidaire de 2014. Selon la PFCE (Plate- Actuellement, une polémique existe
forme du commerce équitable), la mise autour du souhait de Max Havelaar
en place d’une filière de commerce équi- d’étendre sa certification à l’agriculture
table se traduit par un partenariat entre de contrat1 et aux plantations.

1.  Dans le commerce équitable, l’agriculture de contrat consiste à certifier des entreprises exportatrices qui
se fournissent non pas auprès de coopératives, mais auprès de producteurs individuels, avec lesquels elles ont
signé des contrats.

92
Ethiquable  ■  Cas 5

1  Historique et stratégie

L’histoire d’Ethiquable débute par la rencontre, dans les années 1980, entre deux
étudiants d’école de commerce, alors âgés d’une vingtaine d’années, Rémi Roux et
Stéphane Comar, et Christophe Eberhart, un ingénieur agronome impliqué dans
l’appui aux organisations paysannes, dans le cadre d’une ONG. Une quinzaine
d’années plus tard, en 2003, après des expériences professionnelles diverses qui ont
amené Rémi Roux à bien connaître les méandres de la négociation avec la grande
distribution, Stéphane Comar l’organisation et la gestion de filières agro-tropicales,
et Christophe Eberhart les organisations paysannes du Sud, tous trois décident de
s’associer afin d’accompagner les débuts du commerce équitable en France, et de
donner ainsi du sens à leur activité. Le commerce équitable s’efforce de garantir aux
producteurs du Sud un prix juste pour leurs produits (cf. focus ci-dessus). Les fon-
dateurs choisissent de créer une entreprise à Fleurance, petite ville située dans le
Gers, en zone rurale défavorisée, et adoptent un statut de Société coopérative et
participative (SCOP). Il s’agit d’une entreprise commerciale de type SA ou SARL
dont les salariés sont associés majoritaires au capital (cf. focus ci-dessous).
Ethiquable est ainsi la première SCOP en France – mais pas la première entreprise
– à importer, conditionner et commercialiser des produits alimentaires issus du com-
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merce équitable. Les fondateurs optent également pour une commercialisation en
grande distribution, afin de bénéficier au plus grand nombre de petits producteurs
possible. Ils imposent toutefois aux distributeurs un cahier des charges excluant les
marges arrière1, et précisant le taux de marge acceptable. Selon les fondateurs, ces
conditions ont été acceptées d’une part parce que les entreprises de commerce équi-
table étaient peu nombreuses, d’autre part parce que les produits n’étaient ainsi pas
trop chers, et contribuaient à améliorer l’image des points de distribution.

c Focus
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La SCOP
Dans une SCOP, les salariés doivent déte- élus par les associés salariés, pour une
nir au moins 51 % du capital, et 65 % des durée maximale de 4 à 6 ans selon le
droits de vote, tandis qu’inversement, les statut, et sont rééligibles. Ils peuvent tou-
associés extérieurs ne peuvent pas détenir tefois être révoqués à tout moment par
plus de 49 % du capital et 35 % des droits l’assemblée des associés ou le conseil
de vote. Les salariés deviennent obligatoi- d’administration. Les résultats de l’entre-
rement actionnaires de l’entreprise au prise doivent être répartis en trois parties :
bout de deux ans. Ils disposent d’un droit ––un prélèvement de 15  % minimum est
de vote par salarié. Les dirigeants sont affecté à la constitution des réserves

1.  Rémunération payée par les fournisseurs aux distributeurs après la vente, et qui modifie donc les marges en rayon.

93
11 cas de stratégie


légales, un autre de 1  % minimum à aux réserves et à la part distribuée aux
une réserve statutaire ou «  fonds de salariés.
développement  ». En outre, une partie Le statut de SCOP présente en outre un
des réserves peut être transformée en certain nombre de particularités fiscales.
provision pour investissement (PPI), à Ainsi, les réserves, la part distribuée aux
condition d’être investie en matériel salariés, et l’éventuelle provision pour
dans les 4  ans, mais les réserves sont
investissement (PPI) sortent de l’assiette
impartageables, et ne peuvent, par
fiscale de l’impôt sur les sociétés, auquel
exemple, être distribuées à un sociétaire
la SCOP, comme toute entreprise, est
lors de son départ ;
assujettie.
––un minimum de 25  % du résultat est
attribué aux salariés, associés ou non. Les SCOP sont soumises tous les ans ou
Cette somme peut être bloquée pendant tous les cinq ans, selon qu’elles travaillent
5  ans, ce qui évite le paiement de ou non avec un commissaire aux comptes,
charges sociales et patronales ; à un processus de révision, autrement dit
––une part peut être versée aux associés à un audit externe destiné à s’assurer que
sous forme d’intérêt aux parts sociales, les principes coopératifs et les règles sta-
à condition que cette part soit inférieure tutaires sont bien respectés.
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La principale difficulté, lors du démarrage de l’entreprise, fut le financement.
25 personnes, amis et famille, apportèrent près de la moitié du capital, mais durent se
constituer en SAS (société par action simplifiée), comptant pour une voix dans la
SCOP, afin de respecter le principe de la majorité des voix aux salariés. Le reste des
fonds fut obtenu grâce à des emprunts contractés auprès de structures de financement
de l’économie sociale et solidaire (Crédit coopératif, Nef, etc.). Selon les fondateurs,
l’obtention d’un montant d’emprunts égal à deux fois et demi le capital n’a été pos-
sible que grâce au statut de SCOP.
En 2003, 14 produits labellisés Max Havelaar sont lancés dans 45  magasins,
générant un chiffre d’affaires de 35 000 euros. L’entreprise poursuit régulièrement
sa croissance en termes de produits vendus, de chiffre d’affaires et de salariés,
atteignant en 2007 un chiffre d’affaires de 18,5 millions d’euros, avec 71 salariés,
une gamme de plus de 100 produits distribués dans plus de 3 500 points de vente,
et réalisés en partenariat avec plus de 20  coopératives partenaires. Toutefois,
entre 2008 et 2011, la croissance est stoppée par la crise, tandis que la concurrence
s’est renforcée, et Ethiquable, déficitaire, est dans l’obligation de supprimer 9
postes. Durant cette période difficile, les salariés ne perçoivent pas d’augmentation,
mais une part de 3 % des salaires continue à être bloquée pendant 5 ans pour ali-
menter le capital social.
En 2008, l’ensemble des produits Ethiquable est certifié « Bio », tandis que l’en-
treprise obtient la certification ISO  9001. Sept nouvelles filières sont créées entre
2008 et 2011 dans des pays en difficulté tels qu’Haïti et Madagascar.

94
Ethiquable  ■  Cas 5

En 2009, la SCOP Ethiquable essaime en Belgique et en Allemagne, et prend une


participation dans une autre SCOP, Café Michel, qui torréfie et commercialise du
café bio de commerce équitable en circuit spécialisé bio.
En 2010, elle adopte le label « Equitable » délivré par le groupe Ecocert, spécialisé
à l’origine dans la certification des produits d’agriculture biologique.
En 2011, l’entreprise lance 15 produits réalisés en partenariat avec 9 groupements
de producteurs français autour de la charte « Paysans d’ici » qu’elle a élaboré, et en
2012, elle adopte la certification équitable « Symbole Producteurs Paysans », label
créé par un réseau de producteurs d’Amérique latine.
Enfin, en 2013, l’entreprise finalise une levée de fonds de 5,2  millions d’euros
auprès de différents organismes finançant l’économie sociale et solidaire (Crédit
coopératif, Nef, outils de financement des SCOP, différentes banques et fonds d’in-
vestissement spécialisés).
Ethiquable a reçu de nombreux prix en raison de son engagement : prix de l’enga-
gement du Sénat en 2008, Prix de l’engagement sociétal en 2012, Marianne d’Or du
développement durable en 20131.
En 2014, Ethiquable commercialise 6 millions de produits issus d’une gamme de
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120 produits équitables et biologiques, distribués dans près de 4 000 points de vente
en grande surface et boutiques spécialisées. Le café représente environ la moitié de
ses ventes, et elle commercialise également du thé, du chocolat, des jus de fruits, une
gamme d’épicerie sucrée (biscuits, sucre, cacao en poudre, etc.), une gamme d’épi-
cerie salée (épices, quinoa, riz, etc.), des produits pour l’apéritif, la gamme « Pay-
sans d’ici  » (farine, lentilles, confitures, jus de fruits, etc.), et enfin une gamme
spécifique pour la restauration hors domicile. Elle revendique le choix de « saveurs
authentiques », issues de terroirs, mobilisant des savoir-faire traditionnels. Elle réa-
lise un chiffre d’affaires de 14,5  millions d’euros représentant 12  % de parts de
marché du commerce équitable en GMS. Elle distribue en outre ses produits en
restauration hors domicile (cantines scolaires, restaurants d’entreprise…) et à tra-
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vers sa boutique en ligne. Elle détient des participations dans les SCOP Ethiquable
Benelux et Allemagne (40 % du capital de chacune d’elles) et la SCOP Café Michel
à Bordeaux (45 %).
Ethiquable a créé 19 filières de commerce équitable dans le monde, à travers des
partenariats avec 39 coopératives de petits producteurs dans 23 pays en Amérique
latine, Afrique et Asie, ainsi qu’une dizaine de groupements de producteurs en
France. Elle compte 61 salariés, dont 44 sociétaires de la SCOP, et son activité
génère un impact direct pour 35 000 producteurs. Elle dispose d’un bureau perma-
nent à Quito (Équateur), d’un autre en région parisienne, ainsi que d’un entrepôt de
plus de 3 000 m2 à Fleurance.

1.  Il s’agit de l’une des catégories d’un palmarès annuel établi par le cabinet Ernst & Young.

95
11 cas de stratégie

La levée de fonds de 2013 est destinée à soutenir cinq axes de développement


prioritaires :
––la mise en place d’un ERP (Enterprise resource planning), logiciel de gestion
intégrant l’ensemble des données des différentes fonctions de l’entreprise, permet-
tant d’améliorer la gestion globale et le calcul des coûts ;
––une rénovation de l’identité visuelle de la marque et des packagings produits, afin
de mieux expliquer chaque projet, et l’engagement de la société ;
––l’accroissement de la commercialisation des produits Ethiquable en Belgique et en
Allemagne ;
––le développement du partenariat avec la SCOP Café Michel à travers l’extension
de la marque commune Terra Etica à de nouveaux produits tels que le thé, le sucre
et le chocolat, en circuits de distribution bio ;
––le développement de la gamme « Paysans d’ici », produite en partenariat avec des
groupements de producteurs français.

2  Le fonctionnement de l’entreprise

En termes de fonctionnement interne, la localisation de l’entreprise vise à déve-


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lopper l’emploi local dans une région rurale défavorisée. Au bout de deux ans de
présence dans l’entreprise, le salarié doit présenter sa candidature au sociétariat lors
de l’assemblée générale. Aucune candidature n’a jusqu’ici été refusée. Les salariés
peuvent recevoir une formation afin d’être mieux à même de participer activement
aux prises de décision lors des assemblées générales, où ils disposent d’un droit de
vote chacun, et élisent le directeur et le comité de direction tous les trois ans. L’orga-
nisation est toutefois hiérarchisée, les décisions opérationnelles étant prises par les
responsables concernés.
L’échelle de salaires est comprise volontairement dans une fourchette qui va du
simple au triple entre les salaires les plus bas et les plus élevés. Cette disposition est
plus contraignante que les exigences de l’agrément « Entreprise solidaire » détenu
par Ethiquable.
L’entreprise, avec la collaboration de l’ADEME1, a procédé à une analyse de cycle
de vie de deux de ses familles de produits : le café et le riz. Les résultats l’ont amenée
à modifier ses pratiques, en France comme dans les pays producteurs. Ainsi, le trans-
port par bateau et le ferroutage sont privilégiés. Les emballages ont été modifiés, y
compris les étiquettes et l’encre d’impression. Un emballage sans aluminium (matière
considérée comme polluante) a été mis au point pour le café. Son coût de revient est
cependant plus élevé. Enfin, un processus d’amélioration continue de l’impact envi-
ronnemental de l’entreprise a été inscrit dans le plan stratégique. Il se traduit par
exemple par la dématérialisation des documents papiers, la mise en œuvre du tri des
déchets à l’entrepôt, ou encore la formation de l’équipe commerciale à l’éco-conduite.

1.  Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

96
Ethiquable  ■  Cas 5

3  Les relations avec les producteurs

Ethiquable a choisi de ne travailler qu’avec des organisations de petits producteurs


issus de l’agriculture familiale, ce qui exclut les plantations et l’agriculture de
contrat1. Selon l’entreprise, l’agriculture paysanne, qui produit déjà entre 50 et 70 %
de l’alimentation mondiale, doit être soutenue grâce à des conditions de commercia-
lisation adéquates telles que celles proposées par le commerce équitable, afin de
créer de l’emploi en milieu rural, d’approvisionner les villes et les campagnes loca-
lement, et d’assurer une gestion durable des ressources naturelles. Ethiquable sou-
tient également une forme écologique d’agriculture : l’agroforesterie.
Elle s’engage avec les coopératives dans le cadre de conventions de partenariat
d’une durée de 3 ans renouvelables, correspondant aux spécifités du commerce équi-
table. Les projets sont sélectionnés non seulement à partir du potentiel de valorisa-
tion de « la richesse gustative des terroirs », mais également à partir de l’existence
d’un projet de développement et d’autonomisation des acteurs.
Les prix équitables sont adaptés à chaque coopérative, en prenant en compte les
particularités de chaque situation. Mais le partenariat ne se limite pas simplement à
offrir des prix plus rémunérateurs. Il vise également à renforcer les capacités et
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l’autonomisation des organisations de producteurs, grâce à des prix stables, mais
aussi à des actions d’accompagnement technique, organisationnel et de préfinance-
ment. Des transferts de technologie sont réalisés sous l’égide d’Ethiquable, en col-
laboration avec des ONG, y compris entre pays du Sud. Ethiquable a également
accompagné la certification « Bio » de certains de ses partenaires, mais a aussi per-
mis de redécouvrir et de valoriser des variétés oubliées, favorisant la préservation de
la biodiversité.
L’accompagnement technique permet également d’améliorer la qualité des pro-
duits et de développer la production.
En dehors du chocolat, l’entreprise privilégie la transformation des matières pre-
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mières dans le pays producteur, afin de maintenir localement la valeur ajoutée. Elle
accompagne les producteurs à cet effet. De nombreux produits arrivent ainsi en
France entièrement transformés et emballés. L’exportation directe par les produc-
teurs dans le cadre de ces actions de développement a même constitué une première
pour certains pays.
La création de filières de commerce équitable a permis dans certains cas de freiner
l’exode rural, de valoriser le rôle des femmes, de promouvoir l’identité culturelle de
certaines communautés, ou encore de développer des projets sociaux : construction
d’écoles, de centres de formation, ou encore d’hôpitaux.

1.  Dans le commerce équitable, l’agriculture de contrat consiste à certifier des entreprises exportatrices qui se
fournissent non pas auprès de coopératives, mais auprès de producteurs individuels, avec lesquels elles ont signé
des contrats.

97
11 cas de stratégie

4  Les chiffres du commerce équitable

Selon la plateforme du commerce équitable (PFCE), dans le monde, les chiffres


des ventes de produits de commerce équitable sont passés de 1 milliard d’euros en
2003 à plus de 5,5  milliards en 2012, et les produits sont commercialisés dans
70 pays consommateurs. La même année, ce sont plus de 2 millions de producteurs,
soit, avec leurs familles, environ 10 millions de personnes qui en bénéficient, dans
75 pays d’Afrique, d’Asie, et d’Amérique latine. Ils font partie de 1 400 organisa-
tions professionnelles.
En termes de consommation, le Royaume-Uni est en tête des ventes, avec
1 498 million d’euros en 2012, suivi par les États-Unis, l’Allemagne, la France puis
la Suisse. La banane est le principal produit vendu en volume ; il est suivi par la
canne à sucre, le café, le cacao et les jus de fruits.
En France, le marché est en évolution constante depuis 2004, avec cependant un
tassement depuis 2008, particulièrement marqué entre 2008 et 2012 (cf. figure 5.1). En
2013, le chiffre d’affaires est d’environ 429 millions d’euros, en augmentation de près
de 11 % par rapport à 2012. Les produits alimentaires en constituent la très grande
majorité avec 89 % des ventes : café (49 % du volume total en 2011), cacao (14 %),
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thé (7 %), sucre (6 %), banane (5 %), riz… Le reste du chiffre d’affaires est fait grâce
au textile, aux cosmétiques, à l’artisanat et au tourisme. En 2013, 67 % des produits
de commerce équitable sont également « Bio ». Le marché du bio est quant à lui en
développement, et les consommateurs souhaitent trouver des produits bio en GMS.1
Le commerce équitable en France est réalisé par près de 400 entreprises (hors dis-
tribution), qui totalisent plus de 10 000 emplois. Ce sont essentiellement des PME, et
leur nombre est en croissance. 266 entreprises mettent en marché des produits équi-
tables sous leur marque, mais seules 18 d’entre elles sont spécialisées dans l’équitable.
39  % des produits de commerce équitable sont distribués en GMS et dans les
réseaux de distribution conventionnels (contre 42 % en 2012), tandis que la part de
la consommation hors domicile (hôtellerie et restauration, restauration collective,
achats professionnels, distribution automatique), et la part des réseaux de distribu-
tion bio sont en progression (respectivement 34 % et 17 % des ventes).
Selon LSA, en 2009, cinq marques se partageaient 60 % du marché de l’équitable en
GMS : Malongo (19,1 millions d’euros), Alter Eco (17,3 millions d’euros), Ethiquable
(16,9  millions d’euros), Lobodis (11,3  millions d’euros) et Jardin Bio (6,2  millions
d’euros), tandis que les MDD connaissaient les croissances les plus fortes. Alter Eco,
principal concurrent d’Ethiquable, a été racheté en 2013 par Distriborg, qui détient
les marques bio Bjorg et Bonneterre et est une filiale du grand groupe néerlandais
Wessanen.

1.  Source : baromètre Agence BIO.

98
Ethiquable  ■  Cas 5

La consommation se développe en France, avec un panier moyen par habitant par


an de 6,54  euros en 2013, contre 3,30  euros en 2006. En Europe, la Suisse et la
Grande-Bretagne sont en tête, avec respectivement 41 euros et 34,50 euros par habi-
tant dépensés en 2012, tandis que l’Allemagne et l’Espagne, avec respectivement
6,10 euros et 0,60 euro, se situent derrière la France, où la notoriété du commerce
équitable a atteint 97 % des Français.

(millions d'euros)

429
386
346
319 327
302
241
201
151
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94

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Figure 5.1 – L’évolution du chiffre d’affaires du commerce équitable


en France (2004-2013)
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Questions
Compte tenu de ces informations, analysez la stratégie d’Ethiquable :
1 ■ Vous montrerez comment Ethiquable s’efforce de créer de la valeur pour
l’ensemble des parties prenantes. Vous différencierez ce qui relève du statut
de l’entreprise (SCOP), de l’activité (commerce équitable), et des choix de
l’entreprise.
2 ■ Vous réaliserez un diagnostic stratégique d’Ethiquable, en identifiant ses
forces et ses faiblesses face aux opportunités et aux menaces de son environ-
nement.
3 ■ Que pensez-vous des orientations stratégiques d’Ethiquable ?
4 ■ Quelles recommandations formuleriez-vous ?

99
11 cas de stratégie

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

L’entreprise Ethiquable, sous statut coopératif et opérant dans le secteur du com-


merce équitable, traduit l’engagement de ses fondateurs, mais aussi de ses salariés
dans ces formes de solidarité, souvent considérées comme des modèles en matière
de développement durable. Elle se situe néanmoins dans un secteur concurrentiel,
celui de l’agroalimentaire. De surcroît, elle a choisi de commercialiser ses produits
dans la grande distribution, se trouvant ainsi directement en concurrence avec des
produits conventionnels, mais aussi avec des marques de distributeurs récemment
engagées dans ce secteur, alors que celui-ci décline légèrement dans ce canal de
distribution.
Fortement engagée en faveur du développement durable, l’entreprise s’efforce de
traduire cet engagement dans son fonctionnement quotidien et dans ses relations
avec ses parties prenantes. Les SCOP et l’activité de commerce équitable sont
soumises à des règles strictes, garanties, en ce qui concerne le commerce équi-
table, par des labels attestés par des contrôles fréquents. Néanmoins, l’entreprise
cherche à aller au-delà même de ces obligations.
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Nous analyserons comment l’entreprise Ethiquable s’efforce de créer de la valeur
pour l’ensemble de ses parties prenantes, en allant au-delà des obligations liées à
son statut de SCOP d’une part, et à son activité de commerce équitable d’autre
part.
Puis nous réaliserons un diagnostic stratégique d’Ethiquable, en analysant notam-
ment les orientations récentes de l’entreprise, et formulerons quelques recomman-
dations.

1.  Vous montrerez comment Ethiquable s’efforce de créer de la valeur


pour l’ensemble des parties prenantes. Vous différencierez ce qui
relève du statut de l’entreprise (SCOP), de l’activité (commerce
équitable), et des choix de l’entreprise.
La forme de SCOP, tout comme l’activité de commerce équitable, comprennent
dans leur statut la nécessité de prendre en compte les attentes d’un ensemble de
parties prenantes, notamment : salariés-coopérateurs, fournisseurs, communautés
locales au Nord comme au Sud, clients, consommateurs et organismes de finance-
ment. Cependant, la création de valeur ne se traduit pas uniquement en termes
monétaires.
• Envers ses salariés, qui sont aussi les propriétaires de l’entreprise, la SCOP
s’efforce d’aller au-delà de ses obligations légales. Ainsi, le statut de SCOP

100
Ethiquable  ■  Cas 5

implique la démocratie, à travers la participation des salariés aux grandes déci-


sions et à l’élection des dirigeants, avec même une formation facultative à cet
effet. Mais Ethiquable pratique aussi, dès qu’elle le peut, un taux de distribution
des excédents aux salariés, supérieur aux obligations légales (25 %), et a réduit
les écarts de salaires en deçà des exigences du label «  Entreprise solidaire  ».
Cependant, la rémunération n’est pas la valeur première recherchée par les sala-
riés. Ils sont avant tout en quête de sens dans leur activité, où les salaires des
cadres sont souvent en dessous de ceux de la concurrence, et les possibilités
d’évolution de carrière moindres, mais où la pression sur les salariés est moins
forte, et où ils se sentent davantage reconnus.
• Envers les fournisseurs, l’entreprise pratique les prix et octroie les autres avan-
tages financiers exigés par les cahiers des charges des différents organismes
certifiant ses produits. Mais elle s’efforce même d’aller au-delà de ces exigences
en favorisant et accompagnant la transformation dans le pays d’origine, en iden-
tifiant et accompagnant des projets originaux porteurs de nouvelles activités,
d’autonomie, de bien-être social, d’identité culturelle et de pouvoir politique.
Elle favorise et accompagne les pratiques agro-écologiques bénéfiques pour
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l’environnement, la biodiversité, et l’amélioration de la qualité des produits. Elle
s’efforce ainsi de combiner les dimensions économique, sociale et environne-
mentale.
• Envers ses enseignes clientes, Ethiquable propose un élargissement des gammes
et une contribution à la réputation des enseignes, à condition qu’elles respectent
son cahier des charges et limitent leurs marges.
• Envers les consommateurs, Ethiquable propose des produits biologiques, de
qualité, porteurs de sens, puisque le consommateur participe à l’amélioration des
conditions de vie de producteurs défavorisés dans les pays du Sud, et qui lui
permettent de découvrir de nouvelles saveurs. En passant par la grande distribu-
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tion, elle espère s’adresser au plus grand nombre, même si un supplément de


prix – le plus faible possible – est demandé.
• Ethiquable s’efforce également de contribuer à l’emploi local dans une région
rurale au départ défavorisée. Le lien avec le territoire est l’une des caractéris-
tiques de l’économie sociale et solidaire. Mais ici, il n’est pas obligatoire.
• Enfin, Ethiquable se doit de donner des garanties aux organismes qui contri-
buent au financement de son développement. Ainsi, Le Comptoir de l’Innovation
(l’un des organismes ayant participé à sa levée de fond de 2013) est un fonds
français spécialisé dans l’« impact investing », un mode de financement à long
terme (5 à 7 ans) qui recherche un retour sur investissement à double impact,
financier et social ou environnemental mesurable, et propose un accompagne-
ment stratégique.

101
11 cas de stratégie

Ainsi, avec en outre toutes les mesures prises en faveur de l’environnement en


France, Ethiquable agit sur les trois composantes du développement durable,
même si cela génère parfois quelques contradictions (au niveau du transport
notamment). Dans ce cas, l’entreprise déclare privilégier l’humain.

2.  Vous réaliserez un diagnostic stratégique d’Ethiquable,


en identifiant ses forces et ses faiblesses face aux opportunités
et aux menaces de son environnement.
Une analyse SWOT peut être réalisée pour l’entreprise Ethiquable (tableau 5.1).

Tableau 5.1 – L’analyse SWOT de l’entreprise Ethiquable


Opportunités Menaces
Croissance du commerce équitable au niveau Stagnation, voire déclin dans la GMS.
mondial et en France, avec reprise depuis 2012. Concurrence forte, notamment des MDD, et des
Prépondérance des produits alimentaires dans le grandes entreprises non spécialisées (ex. : Malongo
commerce équitable. pour le café).
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Peu d’entreprises spécialisées. Rachat du principal concurrent, Alter Eco, non
Développement de l’activité dans de nouveaux coopérative, par Distriborg.
canaux de distribution : restauration hors domicile, Multiplication des labels qui crée la confusion.
magasins spécialisés.
Forte notoriété du commerce équitable auprès des
consommateurs.
Croissance du marché du bio en France.
Forces Faiblesses
–– Labellisation « équitable » et « bio ». –– Notoriété inférieure à celle d’Alter Eco.
–– Produits de qualité. –– Coûts de revient élevés.
–– Marque commerciale propre. –– Entreprise de petite taille (pouvoir de négociation
–– Support des organisations de l’économie sociale faible).
et solidaire, notamment appuis financiers et –– Faible présence en distribution spécialisée.
stratégiques. –– Recours obligatoire aux financements externes,
–– Innovations (produits, procédés, emballages…). remboursables.
–– Internationalisation.

3.  Que pensez-vous des orientations stratégiques d’Ethiquable ?


L’entreprise a su s’adapter aux évolutions du contexte, après une période délicate
entre  2008 et  2011. Elle s’est internationalisée, s’est diversifiée (nouveaux seg-
ments), et elle mise sur la qualité irréprochable de ses produits et sur l’innovation.
Cependant, elle ne contrôle pas entièrement sa présence en distribution spéciali-
sée, qui s’effectue via un partenariat et nécessite l’investissement dans une nou-
velle marque. Elle peut bénéficier de l’engouement pour le bio, notamment à
travers ses produits de commerce équitable Nord-Nord, qui s’inscrivent bien dans
les tendances de la consommation.

102
Ethiquable  ■  Cas 5

4.  Quelles recommandations formuleriez-vous ?


En termes marketing, on peut noter une petite contradiction entre son statut coo-
pératif, mis en avant et bien connu dans les milieux avertis, et la vente en grande
distribution, où la notoriété de l’entreprise auprès des consommateurs est moindre,
alors que dans la distribution spécialisée, une autre marque est développée. La
récente communication télévisée de son principal concurrent va peut-être bénéfi-
cier à l’ensemble du commerce équitable, mais renforcera également la notoriété
de celui-ci et son association avec le commerce équitable dans l’esprit du consom-
mateur. Améliorer la notoriété d’Ethiquable auprès des consommateurs de la
grande distribution semble ainsi une nécessité.
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103
CAS 6. LA CAISSE D’ÉPARGNE CÔTE D’AZUR

Emmanuelle Reynaud, Aurélie Walas


in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 105 à 120


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-105.htm
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Cas

6 La Caisse d’Épargne
Côte d’Azur

Emmanuelle Reynaud et Aurélie Walas


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 Présentation du cas
Problématique
La « banque 2.0 » : quelle transformation du modèle bancaire dans la nouvelle ère
informationnelle et du numérique ?
Résumé
Ce cas s’intéresse à l’innovation de la banque dans un contexte de fortes évolutions
sectorielles. Élaboré à partir de l’évolution de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur
(CECAZ), il est composé de trois parties représentant les transformations majeures
de cette banque historique. La première partie présente l’innovation de la CECAZ
depuis ses origines. La seconde partie explique le mode d’organisation centralisée
à la BPCE et la dernière partie se focalise sur l’organisation de l’innovation à la
CECAZ.
Objectifs
Ce cas permet d’appréhender les mécanismes internes d’innovation dans un
contexte de gouvernance hybride. Il a ainsi pour objectif de donner les moyens de
comprendre les influences de la gouvernance et des parties prenantes sur la capa-
cité à innover et de sensibiliser à la thématique des parties prenantes.

11 cas de stratégie


Ses objectifs pédagogiques sont d’amener les étudiants à organiser les informations
sur une entreprise et son secteur, présentés à plusieurs endroits du cas, de les rendre
capables d’identifier une problématique spécifique d’entreprise et le rôle des parties
prenantes dans la vie de l’entreprise, ainsi que d’encourager leur créativité dans la
résolution de problèmes.
Outils mobilisés
••Innovation intra-organisationnelle et participative.
••Gouvernance hybride.
••Parties prenantes.

1  Le rôle de l’innovation dans la création et la transformation


de la banque
1.1  Une naissance marquée par la proposition d’un modèle bancaire
innovant
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La Caisse d’Épargne Côte d’Azur (CECAZ) forme, avec seize autres caisses
régionales de France, le réseau des Caisses d’Épargne. Ce réseau s’est construit
autour d’un nouveau modèle bancaire. Sa création remonte à 1818 à l’initiative de
Benjamin Delessert et François de La Rochefoucauld-Liancourt. À une époque où
les services de la banque étaient réservés aux plus fortunés, sa création participa à
renverser ce modèle d’épargne, pour apporter les services bancaires au plus grand
nombre, et notamment aux plus défavorisés. Les Caisses d’Épargne ont depuis
appris à innover et à se réinventer au cours de leurs deux siècles d’existence, tout en
gardant leur culture de l’intérêt général.
Consacrées organismes privés d’utilité publique et rattachées au Trésor, les caisses
avaient pour principales activités, jusque dans les années 1950, le financement du
logement social et des acteurs locaux, ainsi que la collecte des dépôts des petits
épargnants sur les livrets A dont elles avaient le monopole. Facile d’utilisation,
rémunérant les petits dépôts, ouvert aux hommes mais aussi aux femmes et aux
enfants, cet instrument était novateur à cette époque.
Banque de proximité fortement engagée dans les territoires où elle s’implante, la
Caisse d’Épargne (CE) s’investit dans de nombreuses actions sociales et dans le
financement de causes philanthropiques. Elle distribue notamment des bons alimen-
taires ou de charbon aux plus défavorisés et des allocations spécifiques aux ménages
en difficulté, ou elle finance la mise en place de jardins ouvriers et de lits dans les
hospices. Cette proximité se traduit également par le déploiement d’un moyen inno-
vant d’apporter les services bancaires aux habitants des petites campagnes : le gui-
chet itinérant installé dans leurs « cars succursales ».

106
La Caisse d’Épargne Côte d’Azur  ■  Cas 6

L’activité de crédit étant fortement encadrée par l’État et les CE dépendant directe-
ment du Trésor, elles diversifient leur offre sur les nouveaux types de produits auxquels
l’État leur donne accès. Elles commercialisent ainsi le livret Épargne-Logement (1965),
le livret  B (1966), la première SICAV (1967), les PEL et bons d’épargne (1969), le
compte chèques (1978), le livret d’Épargne Populaire et la carte bleue (1982).
Les concurrents se développent également sur ces marchés et se distinguent par
des innovations de produits ou de management. La Société Générale (SG) crée ainsi
une formation intensive unique sur les techniques de financement à moyen et long
termes, le «  Vivier commercial  » (1967), lui permettant de se démarquer par ses
experts spécialisés. La Banque Populaire (BP) crée la première carte de retrait inter-
national, de crédit revolving et de garantie de chèques, l’Intercarte (1968) tandis que
le Crédit Mutuel (CM) invente la bancassurance (1970). Le Crédit Agricole (CA),
après avoir organisé la gestion de sa marque, différencie son image en lançant en
1976 sa signature : « le bon sens près de chez vous ».

1.2  La première grande vague de modernisation du secteur bancaire français


La loi bancaire de 1984 dérégule l’activité de crédit, offre un cadre juridique uni-
versel pour l’ensemble des banques et décloisonne les activités bancaires. Toute
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banque française est ainsi autorisée à se développer sur les activités de détail (gestion
des dépôts, des crédits et des moyens de paiement), d’investissement et de marché.
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Figure 6.1 – Soixante ans de construction du groupe Caisse d’Épargne

107
11 cas de stratégie

Pendant les vingt années qui suivent la réforme de 1984, les CE accompagnent la
vague de modernisation de leur secteur arrivé à maturité et bouleversé par l’arrivée
d’Internet. Les stratégies concurrentielles étant centrées sur la diversification, les
banques innovent ou s’approprient les innovations concurrentes.
Les CE lancent en 1985 la campagne de communication « L’Ami financier » afin
de faire connaître leur modernisation tout en assurant le prolongement et le respect
de leur vocation initiale. Elles élargissent leur gamme de produits avec l’assurance-
vie, les SCPI, le livret Jeune, l’assurance-risque, ainsi que les prêts à taux variables,
renouvelables, à taux zéro, ou étudiant. Leurs services évoluent avec la mise en place
d’un Centre de relation clientèle, de distributeurs en libre-service devant les agences,
ainsi que d’un site Internet donnant la main aux clients sur les opérations de consul-
tation du compte, d’impression du relevé et de virements de compte à compte.
Les banques concurrentes s’approprient également ces nouvelles offres et innovent.
Le Crédit Agricole propose le premier Plan d’épargne retraite en bancassurance ; la
BNP affirme son leadership dans l’utilisation des nouvelles technologies de l’infor-
matique et des communications (NTIC) en lançant la première offre de banque sur
Internet (BNP Net) ; ou encore la Société Générale spécialise sa filiale S2G dans la
gestion informatique des bases de données et le télémarketing. Ainsi, le secteur ban-
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caire se transforme sur l’ensemble des marchés, la diffusion des innovations se tra-
duisant par l’adaptation de chaque banque aux nouveaux marchés de produits.
Alors que les CE se diversifient, leur offre devient de plus en plus difficilement
différenciable des autres banques, malgré leur monopole du livret A, amenant son
président du directoire à préciser « Nous vivions du livret A, mais nous ne mourrons
pas avec lui »1. Pour distinguer leur offre et leur image de la concurrence, les CE
doivent se réinventer. Après avoir modernisé leur système informatique (2000) et
créé une direction dédiée, elles s’internationalisent et déploient en 2005 un nouveau
format d’agence en France, offrant plus de proximité. La même année, elles sont les
premières banques en France à proposer la rémunération du compte courant. Elles
modernisent également leur image par une campagne animalière personnifiant l’écu-
reuil dans un dessin animé. Cassant le format publicitaire classique et formel des
autres banques, elles se distinguent par une image jeune, sympathique et ludique.

1.  Le Nouvel Économiste, 22-29 mai 1987.

108
La Caisse d’Épargne Côte d’Azur  ■  Cas 6

2  L’organisation de l’innovation dans un contexte


de gouvernance hybride

2.1  Un secteur bancaire français mouvementé depuis la crise financière de 2008
La crise bancaire et financière de 2008 accélère le mouvement de fusion des
réseaux des CE et des BP, décidé pour mutualiser les ressources et solidifier les
activités. François Pérol prend la tête de la BPCE, qui forme le nouvel organe central
des deux grands réseaux, ainsi que de leurs nombreuses filiales d’activités de marché
et d’assurance (Natixis, Banque palatine, Crédit foncier, BPCE International et
Outre-mer…)
Les CE et les BP sont confrontées à de nouveaux défis qui s’ajoutent à celui de la
différenciation. Le renforcement des contraintes en liquidité et en capital, suite aux
instaurations de nouveaux mécanismes européens de régulation tels que Bâle III et
l’Union bancaire, ainsi que la dépendance de l’activité de crédit à la conjoncture de
déflation dans la zone euro en pleine crise et à la forte intensité concurrentielle,
bousculent le modèle d’affaires du crédit bancaire.
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L’ouverture à la concurrence du livret A et la levée de l’obligation de financer des
PEL amènent les CE à revoir leur modèle économique. La crise de confiance des clients
et la volonté des investisseurs de donner du sens à leurs investissements, les amènent à
arrêter la campagne animalière pour viser une image plus sérieuse et valoriser leurs
activités associées à leur ADN d’intérêt général, qui ne se retrouve pas chez les concur-
rents. Elles développent leurs dispositifs de microcrédit, de mécénat régional et de
pédagogie financière. De nouvelles offres responsables sont proposées, tels que le prêt
vert pour l’achat d’un véhicule propre ou la rénovation d’un logement, l’Investissement
socialement responsable et les livrets Développement durable et territorial.
Les changements de comportement des consommateurs (volatilité, multi-bancari-
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sation, envie de confort et de personnalisation…), l’évolution rapide des NTIC, ainsi


que l’accès facilité aux médias ouvrent des opportunités d’affaires mais facilitent
également le développement de nouvelles offres concurrentes. Les traditionnelles
banques concurrentes de la BPCE font évoluer leurs offres. La Société Générale se
démarque par un nouveau service sur les réseaux sociaux qui apporte à ses clients-
internautes des réponses aux questions posées sur les réseaux et leur donne la pos-
sibilité de participer à la création de nouvelles offres. BNP Paribas, quant à elle,
lance la première application bancaire de France pour montre connectée et crée le
premier « digital store », mur de verre présentant en 3D les offres auxquelles peut
souscrire le client en les faisant glisser avec sa main du mur vers sa tablette tactile
ou en la flashant avec son smartphone. Les innovations dans le secteur bancaire
semblent ainsi accompagner de manière ininterrompue ses évolutions, les banques
continuant à innover et à prévoir de nouveaux projets, tels que la prévision de

109
11 cas de stratégie

l’ouverture d’un Village de l’Innovation pour héberger une centaine de start-ups,


initiative sectorielle du Crédit Agricole.
Sur le low cost, les banques en ligne profitent de l’essor d’Internet pour proposer
une offre uniquement à distance, présentant une concurrence nouvelle. L’élimination
des coûts de structure des agences leur permet de proposer des frais réduits. L’offre
du compte Nickel, basée sur les mêmes économies de coûts, propose l’ouverture
d’un compte courant sans possibilité de découvert dans les bureaux de tabac. Après
la bancarisation des groupes automobiles ou de la grande distribution, les banques
voient apparaître la menace des géants du Net. Google, Facebook ou encore Apple,
bénéficient de l’avantage concurrentiel de la détention de très nombreuses données
sur les utilisateurs et des expertises pour les exploiter efficacement. Ces multinatio-
nales sont alors en capacité d’identifier et d’anticiper les besoins financiers de très
nombreux consommateurs. Ces évolutions ont par ailleurs favorisé le développe-
ment des plateformes de financement participatif ou «  crowdfunding » (KissKiss-
BankBank, Ulule…), et de la monnaie virtuelle (bitcoins), aujourd’hui véritables
produits de substitution.

2.2  L’organisation de l’innovation au nouvel organe central BPCE


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Ces évolutions obligent le groupe BPCE à reconsidérer son modèle d’affaires basé
sur le crédit, les frais bancaires et la relation client traditionnelle. De nouvelles
orientations stratégiques sont définies. Alors que l’organe fédérant les CE propose
un plan d’orientation pour dynamiser l’ADN d’intérêt général, BPCE définit un Plan
stratégique groupe (PSG).
Une direction de l’innovation est alors créée au sein de l’organe central BPCE
pour donner à l’ensemble des BP et des CE les moyens de se transformer, que ce
soit par le biais de nouvelles offres, de nouveaux outils de travail ou de mécanismes
financiers innovants. Le PSG définit quatre priorités :
––créer des banques de proximité leaders de la relation humaine et digitale ;
––passer d’une logique de crédit à une logique de financement ;
––devenir un bancassureur de plein exercice ;
––accélérer l’internationalisation du groupe.

Pour aider les BP et les CE dans la transition vers un modèle de financement,


BPCE a investi dans un mécanisme de titrisation innovant au sein du groupe,
offrant aux BP et aux CE la capacité de se refinancer en cas de crise de liquidité.
La première priorité du PSG – créer des banques de proximité leaders de la rela-
tion humaine et digitale – concerne directement les CE et les BP. Cette ambition se
traduit par le développement du multicanal. Le modèle de proximité est ainsi revi-
sité, des tablettes tactiles venant compléter les équipements informatiques dans les
agences pour que les clients puissent choisir de manière interactive leurs produits et

110
La Caisse d’Épargne Côte d’Azur  ■  Cas 6

y souscrire électroniquement. Parallèlement, de nouveaux services sont fournis aux


caisses pour développer la banque à distance.
Les services de signature digitale et de coffre-fort numérique permettent aux
clients de signer leurs contrats à distance et de les conserver dans un espace sécurisé.
Sont également créées une application de gestion des comptes à distance et Dilizi,
un service d’encaissement sur mobile pour professionnels. Une page Facebook et un
lien Twitter viennent enrichir les modes de relation clients. Enfin, BPCE s’est atta-
quée aux marchés du paiement en ligne et par mobile. Son offre V.me vient directe-
ment concurrencer PayPal et Paylib. Son offre S-Money permet les paiements de
mobile à mobile et depuis peu, d’un compte Twitter à un autre.
Le groupe a ainsi centralisé l’innovation pour développer des offres et outils utiles
à l’ensemble du réseau. L’innovation est organisée au sein de l’organe central BPCE
autour des pôles Stratégie, Innovation et Marketing, qui travaillent en commun et en
mode projet. Dans le réseau, les responsables marketing et organisation peuvent
participer à leur élaboration ou proposer d’être pilote dans leur mise en œuvre. Ce
système permet à des caisses d’être les premières à mettre en place le projet et de
tester son accueil sur le terrain par les clients et les collaborateurs. En fonction du
retour du terrain, BPCE pourra décider de l’abandonner ou de le déployer dans
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toutes les caisses dans des conditions optimales.

3  La « banque nouvelle définition », entre la promotion de


l’innovation intra-organisationnelle et la gestion du changement

3.1  L’innovation locale dans la banque coopérative et de proximité CECAZ


Dans le respect de la culture décentralisée, les BP et les CE disposent chacune
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d’un « référent innovation », lequel aidé par le pôle Innovation BPCE, promeut et
anime l’innovation locale. Chaque année, tous les collaborateurs sont invités à voter
pour des initiatives locales, les plus populaires étant récompensées aux Trophées de
l’Innovation.
La Caisse d’Épargne Rhône Alpes est ainsi récompensée pour être la première
banque du groupe BPCE à déployer, pour les personnes en situation de déficience
visuelle, un dispositif de traduction orale des informations inscrites sur son site
Internet et ses supports (Handi@ccess).
La Banque Populaire Provençale et Corse se distingue en donnant à ses clients la
possibilité d’agir contre la fraude de leur carte bancaire, au moyen d’une application
mobile innovante qui alerte instantanément en cas d’opération potentiellement dou-
teuse sur la carte et leur permet de vérifier s’il s’agit d’une fraude et de la stopper si
besoin.

111
11 cas de stratégie

La Caisse d’Épargne Aquitaine Poitou-Charentes invente quant à elle une nouvelle


plateforme interactive de conseil, d’assistance et de service client  : «  Ma Caisse
d’Épargne et moi ». Lorsque le client rencontre un problème, il peut simplement le
formuler à la rubrique «  Aide et conseil  » et obtenir rapidement une réponse, ou
avoir accès à différents canaux de conseils (forums, réseaux sociaux, applications…)
ainsi qu’à la mise en relation directe du service SAV par le média de son choix
(téléphone, mail, chat, web call-back).
L’innovation peut ainsi venir d’une des BP ou des CE, avant d’être généralisée à
l’ensemble du réseau. Toutefois, la mutualisation des moyens et l’organisation des
grandes orientations au sein de BPCE centralisent l’innovation. Elles limitent en
ressources les BP et les CE dans leur démarche locale d’innovation, et instaurent une
culture top-down de l’innovation.
Implantée dans le Var et dans les Alpes-Maritimes, la CECAZ est une banque
coopérative qui appartient à ses sociétaires. Les sociétaires sont les clients qui par-
ticipent à son fonctionnement en souscrivant à des parts sociales. Ils élisent des
représentants qui siègent au Conseil d’orientation et de surveillance (COS). Ces
derniers participent à la gouvernance de la banque avec un directoire composé de
son président et des dirigeants des pôles Banque de détail, Banque de décideurs en
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région, Finance et ressources.
Sur proposition du directoire, le COS décide à la majorité des nouvelles orienta-
tions stratégiques, notamment des propositions d’innovation. Ainsi, l’innovation
locale est aussi conditionnée aux compétences des dirigeants, tant en matière de
construction d’un projet novateur, que d’agrégation des représentants élus autour du
projet. La complexité de la gouvernance sur un mode centralisé et décentralisé agit
fortement sur la capacité à innover.
Le nouveau président du directoire impulse dès sa prise de fonction en 2013 un
véritable tournant vers la «  banque 2.0  ». Il construit avec ses équipes un Plan
d’orientation stratégique (POS) visant à accélérer la digitalisation et la spécialisa-
tion. Cette ambition se traduit par la recherche de la modernisation de la relation
client, en s’appuyant sur « le meilleur des deux mondes » entre la banque de proxi-
mité et la banque digitale, ainsi que la création de métiers d’expertise et de structures
dédiées aux marchés spécialisés.
Concrètement, le nouveau président du directoire propose de combiner le réseau
d’agences dense et de qualité avec le déploiement rapide du digital. Il est décidé de
développer un pôle d’expertise en gestion de fortune et de patrimoine, avec l’aide
des techniques du big data. Ces projets furent votés à l’unanimité par le COS.
Si la proposition d’innovation doit convenir aux membres du COS pour être votée,
sa faisabilité est également conditionnée par l’appui de son organe central BPCE et
de ses prestataires. En effet, répondre aux objectifs du groupe permet d’obtenir des
financements issus de la mutualisation des ressources. Par ailleurs, l’externalisation

112
La Caisse d’Épargne Côte d’Azur  ■  Cas 6

de nombreuses activités conditionne l’avancée des projets à la capacité de mise en


œuvre des prestataires. En effet, si elle offre l’avantage de libérer la capacité de
travail des directions, elle offre moins de souplesse aux directions dans la mise en
œuvre de leurs propres initiatives locales.

3.2  L’organisation de l’innovation à la CECAZ


La CECAZ se distingue des autres banques du réseau par sa position de leader sur
le déploiement des nouveaux canaux de distribution, tels que les applications
mobiles et sur tablettes, le déploiement d’une e-agence, ainsi que la technologie du
sans-contact dont elle fut l’unique pilote du projet.
Le responsable marketing de l’unité Distribution et « référent innovation » de la
CECAZ gère l’ensemble de ces projets et encourage les initiatives locales pour les
porter aux Trophées de l’Innovation. Dans ce cadre, il a accompagné le projet
d’automatisation et d’informatisation du procédé de communication d’informations
sociales et environnementales.
Le responsable marketing de l’unité de distribution travaille particulièrement à
développer une culture de l’innovation, en instaurant un mode participatif et
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l’habitude du changement : « Les collaborateurs connaissent bien leur métier et le
terrain. Ils ont un véritable potentiel d’innovation, que ce soit sur les processus de
fonctionnement ou sur les offres. On veut à présent considérer ce potentiel dans
notre façon d’innover et le formaliser. Par ailleurs, la richesse des offres et des
outils créés par BPCE que l’on décide de mettre en place, fait qu’aujourd’hui,
nous sommes bien équipés. Mais une fois que l’on a la belle voiture, il faut ensuite
savoir passer les vitesses et s’en servir. »
Ainsi, si la proposition de projets innovants est souvent impulsée par la direction,
elle peut également venir des collaborateurs, qui sont des parties prenantes clés dans
leur création et leur réalisation. C’est dans cette logique que le nouveau président du
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directoire instaure, dès sa prise de fonction, un nouveau dialogue social qui associe
fortement les collaborateurs aux projets de la CECAZ. Son intervention régulière sur
le terrain, l’organisation d’une convention sur le POS réunissant l’ensemble des
collaborateurs sans distinction, et la distribution de tablettes tactiles gratuites pour
tous les salariés, s’inscrivent dans cette démarche.
Par ailleurs, la CECAZ a formalisé, au sein de son service Formation et innovation
sociale, un processus d’accompagnement au changement pour ses 1 800 collabora-
teurs. Son responsable, Pierre Mertl, promeut une approche participative de la for-
mation, favorable à l’innovation et à la conduite du changement : « La formation est
un outil d’anticipation et d’adaptation aux évolutions de notre environnement. Son
contenu permet de donner les moyens aux collaborateurs de ne pas subir le change-
ment mais d’y participer. Nous investissons ainsi dans un budget formation supé-
rieur au seuil fixé par la loi. »

113
11 cas de stratégie

Le service Formation et innovation sociale a également appris à changer. Le savoir


est aujourd’hui véhiculé par de nouveaux canaux de transmission. Le modèle d’un
formateur déclinant un contenu de façon magistrale a été remplacé par un modèle à
deux leviers. La constitution de connaissances de base en e-learning prépare les
formations de groupes plus poussées et adaptées au niveau de chacun, pour plus
d’efficacité pédagogique.
Enfin, les manageurs sont formés à être exemplaires et vecteurs de changement
auprès de leurs équipes et de leurs collaborateurs  : «  En développant les compé-
tences nécessaires à l’accompagnement du changement et à la valorisation des par-
cours de leurs collaborateurs, les manageurs portent et déclinent opérationnellement
la politique RH. »1

QUESTIONS
1 ■ Identifiez
les raisons pour lesquelles la Caisse d’Épargne Côte d’Azur décide
d’innover.
2 ■ Décrivez l’organisation de l’innovation à la Caisse d’Épargne Côte d’Azur et
la place de l’innovation participative.
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3 ■ Précisez le rôle de chacune des parties prenantes dans la capacité à innover
de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur (influence des parties prenantes sur sa
volonté à innover, sur son mode d’organisation de l’innovation et sur son
mode de mise en œuvre des projets d’innovation).
4 ■ Expliquez la manière dont la structure particulière de gouvernance agit sur la
capacité à innover et se transformer de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur.
Selon vous, comment aurait-elle pu organiser autrement l’innovation dans
ces conditions de gouvernance ?

1.  Propos recueillis auprès du responsable du service Formation et Innovation sociale.

114
La Caisse d’Épargne Côte d’Azur  ■  Cas 6

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

Ce cas a pour objectif principal de faire connaître un concept clé du management


stratégique : celui de l’innovation intra-organisationnelle. Il permet aux étudiants
d’appréhender les influences de la gouvernance et des parties prenantes sur la
capacité d’innovation d’une entreprise.
Il a pour second objectif de sensibiliser à la thématique des parties prenantes, dans
un contexte de gouvernance hybride et d’environnement très évolutif. En se foca-
lisant sur la banque Caisse d’Épargne Côte d’Azur et plus largement sur le groupe
BPCE, deuxième plus grand groupe bancaire coopératif français, il présente éga-
lement l’intérêt d’appréhender l’innovation dans un contexte qui parle aux étu-
diants.
Ses objectifs pédagogiques sont d’amener les étudiants à :
––recueillir plusieurs informations sur une entreprise et son secteur, qui sont dis-
persées à plusieurs endroits du cas et les organiser ;
––connaître un mode spécifique de développement d’une entreprise et savoir
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l’analyser ;
––être capable d’identifier la problématique spécifique d’une entreprise et le rôle
des parties prenantes dans sa constitution et son mode de résolution ;
––apprendre à travailler en équipe en discutant autour d’une problématique orga-
nisationnelle concrète ;
––être capable de mobiliser leur capacité de résolution créative de problèmes.
Une connaissance de l’analyse stratégique classique est préférable pour pouvoir
aborder l’approche spécifique de l’innovation intra-organisationnelle.
Avant de vous lancer dans la résolution du cas, prenez bien compte de la date
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d’élaboration du cas en décembre 2014, car ce positionnement temporel est fon-


damental pour la résolution du cas.
L’étude de cas peut être travaillée en trois parties :
––une première partie centrée sur la problématique du cas et qui amène à d’abord
réfléchir à la première question, puis lire sa correction pour s’assurer de ne pas
être parti en hors sujet (ce qui pourrait influencer de manière négative la résolu-
tion des questions suivantes) ;
––une seconde partie, qui fait étudier les questions 2 et 3, et fait ensuite prendre
connaissance de la correction de ces deux questions. Ce travail devrait amener à
chercher à comprendre le pouvoir d’influence des parties prenantes ;

115
11 cas de stratégie

––une dernière partie qui traite la question 4 et qui pourra être suivie d’une discus-
sion, offrant des possibilités d’ouverture du sujet. La question 4 est en effet
construite de manière à exprimer sa créativité, ainsi qu’à mener une réflexion sur
les possibilités d’organisation de l’innovation.
Concernant le secteur bancaire français, cette étude de cas amène ainsi à s’inter-
roger sur les conséquences possibles de l’évolution du macro-environnement et de
l’hybridation de la gouvernance. Concernant la banque Caisse d’Épargne Côte
d’Azur, il serait intéressant d’envisager d’autres modalités d’organisation de l’in-
novation locale (partenariats, veille,…) et les conséquences qu’elles pourraient
avoir en termes d’efficacité de la mise en œuvre des innovations.

Rappels théoriques
Innovations intra-organisationnelles et inter-organisationnelles : « L’innovation orga-
nisationnelle peut être plus précisément différenciée par les dimensions intra-organisa-
tionnelle et inter-organisationnelle. Alors que les innovations intra-organisationnelles se
produisent au sein d’une organisation ou d’une entreprise, les innovations inter-organi-
sationnelles intègrent de nouvelles structures ou des procédures organisationnelles au-
delà des frontières de l’entreprise. »1
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Innovation participative : L’innovation participative est une démarche de management
structurée visant à stimuler et faciliter l’émission, la mise en œuvre et la diffusion
d’idées par l’ensemble du personnel. »2

Partie prenante : « Une partie prenante est tout groupe ou individu pouvant affecter ou
être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels de la firme. »3

1.  Identifiez les raisons pour lesquelles la Caisse d’Épargne Côte d’Azur
décide d’innover.
Voir figure 6.1.

1.  H. Armbruster, A. Bikfalvib, S. Kinkela, G. Laya, « Organizational innovation : The challenge of measuring
non-technical innovation in large-scale surveys », Technovation, 2008.
2. C. de La Marnierre, «  L’innovation participative une démarche centenaire et en pleine forme  !  »,
Banque&Stratégie, 2008.
3.  R. E. Freeman, « Strategic Management : A stakeholder approach », Pitma, 1984.

116
La Caisse d’Épargne Côte d’Azur  ■  Cas 6

Raisons légales :
• Ouverture à la concurrence du livret A
• Levée de l’obligation de financer les PELS
• Bâle III

Substituts :
- monnaie
virtuelle
- forte intensité - crowdfunding
concurrentielle

Raisons - Taille du : Fort


politiques : réseau interven- Raisons
- Crise de la zone - Banque tionnisme économiques
Euro historique de l’Etat - Crise économique
- Union bancaire - Crise de liquidité
Fournisseurs: - Stagnation
Clients :
- haut niveau
- mutlibancarisation
d’externalisation
- difficulté de
changer de banque
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Raisons socio-culturelles :
• Volatilité des consommateurs
• Nouvelle envie de confort
• Nouveaux besoin de personnalisation
• Crise de confiance
• Besoin de sens dans l’investissement

Figure 6.1 – Les raisons d’innover de la Caisse d’Épargne


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2.  Décrivez l’organisation de l’innovation à la Caisse d’Épargne Côte


d’Azur et la place de l’innovation participative.
Structure d’organisation de l’innovation centralisée/décentralisée
• Les pôles Stratégie, Innovation et Marketing de l’organe central BPCE tra-
vaillent à la création de projets innovants pour l’ensemble des Caisses d’Épargne
et des Banques Populaires. Les offres et les outils de travail innovants qu’ils
produisent sont mis à disposition du réseau.
• Les Caisses d’Épargne et les Banques Populaires disposent d’un « référent inno-
vation  » rattaché au pôle Innovation de BPCE. Ces référents promeuvent et
animent l’innovation locale.

117
11 cas de stratégie

• La culture décentralisée des Caisses d’Épargne offre une liberté d’action et des
possibilités d’innovation locales au président du directoire, mais également à ses
collaborateurs.
Modalités d’interaction entre le groupe et les caisses régionales
• Les responsables Marketing et Organisation des Banques Populaires et des
Caisses d’Épargne participent à l’élaboration de l’offre par les pôles Stratégie,
Innovation et Marketing de l’organe central BPCE.
• Les Caisses d’Épargne et les Banques Populaires ont la possibilité de développer
des offres ou des outils innovants fabriqués par BPCE en devenant des caisses
« pilote ».
• Les Caisses d’Épargne et les Banques Populaires ont la possibilité de faire
connaître leurs initiatives locales par les Trophées de l’Innovation et de les voir
déployées sur l’ensemble du réseau.
Dynamiques d’organisation top-down
• Plan stratégique groupe (PSG).
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• Pôles Stratégie, Innovation et Marketing de l’organe central BPCE.
• Plan d’orientation stratégique validé par le COS.
• Vision stratégique des présidents de directoire des caisses locales.
Dynamiques d’organisation bottom-up relayées par les instances
dirigeantes locales
• Propositions d’actions nouvelles des « référents innovation ».
• Idées novatrices proposées par les collaborateurs.
Innovation participative
• Influence sur les dynamiques d’organisation de l’innovation en introduisant un
mode bottom-up dans un secteur qui est historiquement organisé sur un mode
top-down en local.
• Le responsable de l’unité Distribution et « référent innovation » de la CECAZ,
encourage les initiatives locales pour les porter aux Trophées de l’Innovation. Il
veut instaurer une dynamique d’innovation participative.
• Afin d’encourager la proposition de projets innovants des collaborateurs, le nou-
veau président du directoire instaura un nouveau dialogue social qui associe les
collaborateurs aux projets de la CECAZ.

118
La Caisse d’Épargne Côte d’Azur  ■  Cas 6

3.  Précisez le rôle de chacune des parties prenantes dans la capacité


à innover de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur (influence des parties
prenantes sur sa volonté à innover, sur son mode d’organisation
de l’innovation et sur son mode de mise en œuvre des projets
d’innovation).
Influences sur le Influences sur le
Influences sur la prise
Parties prenantes mode d’organisation mode de mise en
de décision d’innover
de l’innovation œuvre de l’innovation
Collaborateurs Expertise métier et Proposition d’une Capacités de mise en
connaissance du terrain. innovation participative. œuvre et résistance au
changement.
Président du Fonction décisionnelle, Fonction décisionnelle, Nouveau dialogue social
directoire Plan d’orientation définition du Plan (déplacement sur le
stratégique (POS). d’orientation stratégique terrain, convention,
(POS). tablettes gratuites).
COS Fonction décisionnelle, Fonction décisionnelle, /
vote du POS. vote du POS.
Référent innovation Valorisation des initiatives Mise en place de Mise en place d’une
locales. l’innovation culture de l’innovation,
participative. promotion de l’habitude
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du changement.
Ressources humaines / Développement des Modèle de formation à
compétences des deux leviers :
manageurs nécessaires à e-learning constituant les
l’accompagnement du connaissances de base
changement et à la + formations de groupe
valorisation des parcours plus poussées et
de leurs collaborateurs. adaptées au niveau de
chacun.
Prestataires / Moins de souplesse mais Conditionne
pas de retard dans l’avancement du projet
l’avancée des autres par sa capacité de mise
projets des directions. en œuvre.
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BPCE Propositions d’offres et Caisses pilotes mettant /


d’outils innovants. en place les innovations
BPCE.
Gouvernement Nouvelles / /
réglementations obligeant
les banques à revisiter
leurs modèles
économiques.
Concurrents Nouvelles offres et / /
produits de substitution.
Clients Nouveaux / /
comportements :
volatilité,
multibancarisation,
besoin de donner du sens
à ses investissements,
besoin de
personnalisation.

119
11 cas de stratégie

4.  Expliquez la manière dont la structure particulière


de gouvernance agit sur la capacité à innover et se transformer
de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur. Selon vous, comment aurait-elle
pu organiser autrement l’innovation dans ces conditions
de gouvernance ?
La particularité de la gouvernance de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur influence
fortement sa dynamique d’innovation. L’hybridation de sa structure de gouver-
nance résulte de la fusion de deux groupes bancaires coopératifs, les Banques
Populaire et les Caisses d’Épargne, qui détiennent ensemble des filiales non coo-
pératives, dont certaines sont cotées (Natixis). En organisant la mutualisation des
moyens et la centralisation des prises de décisions stratégiques au sein de son
organe central BPCE, elle a favorisé une culture de l’innovation top-down, limitant
les ressources attribuées aux démarches locales d’innovation. L’innovation bot-
tom-up est rendue d’autant plus difficile qu’innover en local nécessite non seule-
ment d’agréger l’ensemble des parties prenantes locales, mais aussi BPCE. Au
contraire, si les caisses installent les projets innovants qui sont élaborés par BPCE,
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elles bénéficient automatiquement de ressources et de soutiens de la part de BPCE
pour la mise en œuvre.
La structure de gouvernance incite alors à un mode d’innovation centralisé – où
les caisses locales appliquent les projets d’innovation élaborés par leur organe
central BPCE – tout en respectant la culture décentralisée, avec un véritable pou-
voir discrétionnaire des présidents de directoire des caisses locales.
Autres modalités d’organisation de l’innovation dans ces conditions de gouver-
nance :
––internalisation des prestataires ;
––construction d’une unité «  start-up  » directement raccordée au président du
directoire ;
––partenariats avec des universités et des centres de recherche ;
––développement de projets d’innovation locaux avec les Banques Populaires du
même territoire (BPCAZ) ;
––institutionnalisation du mode projet à l’ensemble des directions de la Caisse
d’Épargne Côte d’Azur ;
––acquisition de start-ups locales ;
––utilisation du « big data » dans la veille sur les innovations concurrentes ;
––intégration des sociétaires dans le processus d’innovation participative…

120
CAS 7. AB INBEV

Christophe Leyronas
in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 121 à 143


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-121.htm
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Cas

7 AB InBev

Christophe Leyronas
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 Présentation du cas
Problématique
Comment rentabiliser une entreprise diversifiée à la suite d’une stratégie de crois-
sance externe ?
Résumé
Le cas AB InBev étudie les stratégies de croissance des entreprises du secteur de la
bière. En s’appuyant plus spécifiquement sur l’analyse du numéro 1 mondial du
secteur, il met en évidence les différences dans les choix de croissance des entre-
prises leaders du secteur. Il permet de comprendre leurs choix, par la mobilisation
d’outils tels que l’analyse PESTEL, la carte des groupes stratégiques et de percevoir
leurs implications financières.
Il permet ainsi de répondre aux questions suivantes : quels sont les choix pertinents
de vecteurs de croissance (voies et modes de croissance) dans un secteur attractif ?
Comment développer des stratégies différentes non pas en termes de positionne-
ment, mais de croissance  ? Comment certaines notions de l’analyse financière
peuvent-elles être mobilisées pour éclairer les choix des entreprises ?

11 cas de stratégie


Objectifs
L’objectif de ce cas est d’analyser les stratégies de croissance suivies dans un secteur
en plein développement qui se concentre. Il permet de montrer la diversité des
choix possibles et leurs implications en termes de performance. Il aborde à la fois
les voies de développement (spécialisation et internationalisation) et la question des
modes par le biais de la croissance externe (fusion et acquisition).
Outils mobilisés
••Pour identifier les opportunités et menaces dans le secteur, une analyse PESTEL
ainsi que l’identification des voies et modes de croissance seront intéressants.
••Afin de comprendre et de positionner les choix des entreprises du secteur, une
carte des groupes stratégiques peut être construite.
••Pour analyser la pertinence des choix de développement, une analyse de
quelques éléments financiers permettra d’apporter un éclairage intéressant.

1  Le contexte du secteur
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Le secteur de la bière connaît depuis de nombreuses années des évolutions impor-
tantes, à la fois quantitatives et qualitatives. À partir de l’identification des tendances
de marché au niveau international et de l’analyse des stratégies des entreprises, il est
possible de comprendre la dynamique de ce secteur et les choix des entreprises.
De nombreux facteurs sont favorables au développement de la consommation de
bière. La féminisation de la clientèle est un élément important soutenu par des évo-
lutions dans les parfums des bières, des offres de produits moins caloriques, moins
alcoolisés. On constate une évolution dans les produits proposés avec une montée en
gamme vers des marques dites premium. Ainsi, pour se développer et accroître leur
part de marché (PDM), les brasseurs se doivent d’avoir une politique active de lan-
cement de produits. À titre d’exemple, en 2012, sur le marché américain, 178 nou-
velles bières ont été lancées, correspondant soit à une extension de la gamme d’une
marque existante, soit à la création de nouvelles marques. Dans ces conditions, la
valeur des marques et du portefeuille de marque est un élément important dans le
développement des brasseurs. Il permet de proposer un assortiment de produits et
de marques permettant de répondre au mieux aux attentes des différentes catégories
de consommateurs des différents pays, et de maximiser la rentabilité. Par ailleurs,
les brasseurs doivent également avoir une bonne image de marque, maîtriser les
réseaux de distribution, maîtriser les coûts, avoir une large gamme de produits afin
de répondre aux différents besoins et goûts. Les dépenses liées à la maintenance ou
à l’amélioration de leur outil industriel de production de bière sont en effet impor-
tantes. Ainsi, sur la période 2008-2013, SABMiller a dépensé quasiment 8 % de son
CA, AB  InBev un peu plus de 7  %, tout comme Carlsberg et Heineken environ

122
AB InBev  ■  Cas 7

6,3 %.1 Elles ont un impact sur les coûts de production de la bière. Les brasseurs
doivent donc mettre l’accent sur des innovations en matière de produits et d’embal-
lage avec un marketing agressif dans lequel la publicité est omniprésente. Sur la
période 2008-2013, les dépenses moyennes de publicité et de promotion ont été
d’environ 13 % du CA pour AB InBev, un peu plus de 12 % pour Heineken, un peu
moins de 12 % pour SABMiller et environ 9 % pour Carlsberg.2
Cependant, des questions politiques peuvent venir limiter le développement du
marché, comme dans le cas de taxation ou de la limitation de la publicité. De même,
l’évolution des canaux de distribution peut modifier la profitabilité du secteur. On
distingue ainsi deux canaux :
––la consommation à domicile (off trade) ;
––la consommation hors domicile (on trade).
La rentabilité dégagée n’est pas la même selon les canaux. Ainsi, en 2012, la
consommation d’alcool hors domicile (on trade) sur le marché américain représen-
tait 24,2 % des volumes mais 47,4 % de la valeur.

1.1  Un secteur très internationalisé


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La bière est sans aucun doute la boisson la plus consommée et dont le niveau de
consommation s’accroît encore. Ainsi, de 2005 à 2008, la production mondiale de
bière a progressé de 14 % pour atteindre 1,8 milliard d’hectolitres. La croissance a
été globalement de 3 % entre 2007 et 2015 et le marché devrait continuer à croître
en volume pour atteindre 217 milliards de litres en 2016.3

Tableau 7.1 – L’évolution du CA du secteur de la bière dans le marché mondial


2011 2012 2013 2014* 2015*
Chiffre d’affaires du 500,24 505,74 511,30 516,92 522,60
secteur (en
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milliards de dollars)

*Estimation.

Source : http://visual.ly/global-beer-consumption-statistics-and-trends.

La consommation par habitant augmente encore dans de nombreux pays, mais


avec des différences notables entre les différents marchés, à la fois de niveau de
consommation et de rythme d’évolution. On estime ainsi que le nombre de consom-
mateurs devrait augmenter de 1,3 milliard entre 2010 et 2020 et que 400 millions
d’entre eux ayant des revenus supérieurs à 30  000 dollars/an seraient des

1.  Source : Xerfi Global.


2.  Source : Xerfi Global.
3.  Source : Euromonitor.

123
11 cas de stratégie

consommateurs de bière premium.1 Il faut cependant noter que quatre pays repré-
sentent près de la moitié du volume du secteur brassicole : les États-Unis, le Brésil,
la Chine et le Mexique. La croissance de la consommation est telle dans les pays
émergents qu’il est difficile de prévoir les évolutions à venir. À lui seul, le Brésil, un
marché de 30 milliards d’euros, devrait contribuer à près de 9 % de la croissance des
volumes du marché mondial d’ici à 2020.2
Ainsi, une grande partie de la croissance de la consommation n’est plus liée aux
pays développés et dépend d’économies à la croissance parfois volatile, et donc plus
fragile. La plus forte progression viendra de l’Asie, dont la consommation devrait
atteindre 84,5 milliards de litres en 2016 contre 66,9 en 2011.3
À l’inverse, ces dernières années, les habitudes de consommation en Europe et en
Amérique du Nord ont fortement évolué qualitativement et quantitativement, avec
notamment une forte diminution de la consommation. Si l’on regarde le marché des
alcools, et non plus seulement celui de la bière, entre 2007 et 2010 la consommation
par tête a baissé de 7,8 % même si le prix par litre a augmenté de 23 % en moyenne.
En Europe de l’Ouest, les volumes de bière vendus ont chuté de 7  % entre  2005
et 2010.4 L’Europe de l’Est, jadis relais de croissance des brasseurs européens, ne
suffit plus à asseoir leur expansion.
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Tableau 7.2 – La répartition et l’évolution de la consommation de bière
par zones géographiques
Région Volume (Mhl) 2010 Pourcentage Évolution 2010/2009
Afrique 103,8 5,5 % + 9,1 %
Asie 650 34,7 % + 6 %
Amérique 547,4 29,2 % + 1,1 %
Europe 545,8 29,2 % – 1,3 %
Océanie 21,1 1,2 %
Total 1 868,3 100 % + 3,2 %

Source : Canadean Wisdom Database 20105.

On constate cependant des évolutions dans l’offre de produits, comme le montre


le tableau suivant.

1.  Source : Diageo.


2.  Source : cabinet Plato Logic.
3. www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/20/la-fievre-des-acquisitions-reprend-sur-le-marche-de-la-
biere_4350885_3234.html#2EPwuyIU0Bt6ZwvH.99
4.  Source : Euromonitor.
5. www.synhorcat.com/IMG/pdf/Presentation_Assemblee_Generale_-_15_juin_2012.pdf?PHPSESSID=fa23fc
9df85d3bf53162360702ad481d

124
AB InBev  ■  Cas 7

Tableau 7.3 – L’évolution de la consommation de bière par famille de produits


dans les différentes régions du monde
Afrique
Asie- et
Monde Europe Amérique
Pacifique Moyen-
Orient
Produits standard + 2,3 % + 1,9 % + 4 % + 3,2 %
Produits premium + 3 % + 1,4 % + 3,3 % + 5,5 % + 4,7 %

Source : Diageo for beer, IWSR spirits.

« Pour se développer dans ce secteur très concurrentiel, les leaders doivent mener
des stratégies d’acquisition très agressives pour gagner des parts de marché  »,
explique Jeremy Cunnington du cabinet Euromonitor International. Pour renforcer
leurs positions, les producteurs doivent aussi assurer la croissance de leurs marques
pays par pays. Selon le spécialiste d’Euromonitor, le but est «  de progresser en
volume sur les marchés émergents où la consommation est en forte augmentation »,
mais aussi de jouer la carte « des nouvelles catégories de bières premium comme
celles aromatisées aux fruits qui s’écoulent très bien dans les pays développés », où
la consommation globale est stable, voire en recul.1
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1.2  Focus sur le premier marché mondial
Le marché de la bière en Chine, composé historiquement de brasseurs locaux, a
connu une forte concentration. On a assisté à une importante consolidation, d’abord
parmi les brasseries chinoises. Ainsi, au milieu des années  1990, on dénombrait
moins de 650 brasseurs avec un accroissement du taux d’utilisation de leurs capaci-
tés qui est passé de 55 % à 75 % en moins d’une décennie. Les entreprises locales
ont commencé à créer et développer des marques nationales. Cette réorganisation a
eu plusieurs effets :
––l’augmentation de leur taille les a transformés en cible pour des acquisitions de la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

part d’entreprises multinationales ;


––en même temps, les entreprises chinoises ont été à la recherche d’investisseurs
étrangers afin d’augmenter leurs capitaux et leur niveau d’expertise dans le
secteur.
Dès la fin des années 1990, la Chine était le deuxième producteur, après les États-
Unis, mais le ratio de consommation « per capita »2 restait assez faible. En 2005, le
marché chinois est devenu le plus grand marché brassicole. Entre  2009 et  2010, la
croissance en volume a été de + 5,9 %3 dans un marché asiatique qui a cru de 6 %. La

1. http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/comment-ab-inbev-est-devenu-le-roi-de-la-biere_1354643.
html#ST0IMGqH1WVfFGiY.99
2.  Consommation par tête.
3.  Source : Canadean Wisdom Database 2010.

125
11 cas de stratégie

Chine devrait générer 43 % de la croissance mondiale d’ici à 2020 en raison de fac-
teurs macroéconomiques et démographiques.1 L’amélioration des revenus des Chinois
entraînera un accroissement de la consommation des bières en général et de bières
premium dans une moindre mesure. L’amélioration des réseaux de distribution devrait
permettre d’atteindre d’autres zones géographiques que les grands centres urbains.
Enfin, le développement de la consommation hors domicile dans des lieux com-
merciaux (on trade) devrait permettre d’améliorer la rentabilité des brasseurs. Dans
les pays plus développés, la consommation est souvent réalisée à domicile. Les
produits sont achetés en grande surface. Compte tenu de la capacité de négociation
des distributeurs, les marges réalisées sont moins importantes que dans les cafés, les
bars et les restaurants. La consommation à domicile génère donc moins de marge
que la consommation hors domicile (quel que soit le pays). Dès lors, la Chine est
déjà le premier marché mondial en termes de volumes et Euromonitor International
estime qu’il sera également le premier marché en valeur en 2017.2
Les principaux acteurs du marché chinois sont donnés dans le tableau 7.4.

Tableau 7.4 – La consommation de bière par marque en Chine en 2013


Marque Volume (en milliards de litres)
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Snow 10,3
Tsingtao 5,2
Yanjing 3,8
Harbin 2,8
Laoshan 1,5

Source : http://qz.com/240950/these-are-the-most-popular-beers-in-the-worlds-biggest-beer-market

Les brasseries se concurrencent fortement en termes de marques, marchés et


canaux. La production est essentiellement réalisée sur place, puisque les importa-
tions totales ne comptent que 0,2 % du marché environ. La profitabilité du marché
chinois reste très aléatoire :
––les bières strictement chinoises se vendent encore très bien dans les petites villes
et les villages, en raison sans doute de la persistance de prix bas proposés par ces
brasseries domestiques ;
––les brasseurs étrangers sont fortement concurrents pour capter les clients dans les
grandes villes.

L’ensemble des facteurs socio-économiques a pour conséquence que « les bras-


seurs chinois dégagent une marge de 1,50 euro par hectolitre, contre 35 à 60 euros

1.  “As the legal drinking age population is expected to grow faster in China than in the USA over 2013-2018 in
absolute terms, brewers will be capturing prospective demand that has been dormant for years”, Amin Alkhatib,
drinks analyst at Euromonitor.
2. www.cnbc.com/id/101874393#.

126
AB InBev  ■  Cas 7

pour leurs rivaux occidentaux ».1 Le développement du segment premium est sans


doute une solution, même si en 2007 il ne représentait que 2 % de l’ensemble du
marché. Son développement prend du temps car les amateurs de bière restent très
sensibles au prix. « C’est un long processus d’accroître ses marges et cela requiert
un marketing agressif », analyse Olivia Xia, spécialiste de l’agroalimentaire pour la
banque d’affaires Core Pacific-Yamaichi à Shanghai. Il est à noter qu’avec sa
marque Budweiser, AB InBev détient 42 % du marché des bières premium.2

1.3  Les entreprises du secteur


Le marché mondial de la bière, qui connaît depuis de nombreuses années des
fusions et des acquisitions, est désormais dominé par quelques géants. Les quatre
premiers brasseurs mondiaux – AB InBev suivi de SABMiller, Heineken et Carls-
berg – brassent à eux seuls près de la moitié de la bière de la planète. Les trois
premiers ont les chiffres d’affaires les plus importants du secteur, y compris devant
les alcooliers.3 Les opérations de fusion et acquisition intervenues depuis une décen-
nie sont pour beaucoup dans ce classement.

Tableau 7.5 – Le classement des entreprises suite aux opérations de fusion


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et acquisition
2003 2013
1er AB InBev 8,5 % PDM AB InBev 20,6 % PDM
2e SABMiller 7,6 % PDM SABMiller 9,7 % PDM
3 e Interbrew 6 % PDM Heineken 9,2 % PDM
4e Heineken 5,7 % PDM Carlsberg 5,7 % PDM
5e AmBev 4 % PDM China Resources 5,6 % PDM
6 e Modelo 2,6 % PDM Tsingtao 4,1 % PDM
7e Coors 2,6 % PDM Coors 3,2 % PDM
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8e Tsingtao 2,2 % PDM Beijing Yanjing 3 % PDM


9 e Carlsberg 2 % PDM Kirin 2,5 % PDM
10e Asahi 2 % PDM Asahi 1,3 % PDM
Total des 10 56,8 % PDM 64,9 % PDM

Source : Euromonitor.

Le mouvement de concentration s’était un peu ralenti en 2013, avec un montant


de seulement 5,5  milliards de dollars d’opération de croissance externe, après un

1. www.usinenouvelle.com/article/tsingtao-la-biere-qui-fait-le-tour-du-monde.N63329
2. www.lefigaro.fr/societes/2012/06/25/20005-20120625ARTFIG00784-biere-les-pays-emergents-au-c339ur-
des-convoitises.php
3.  Source : Xerfi Global companies.

127
11 cas de stratégie

total de 22 milliards de dollars en 2011 et de 32 milliards de dollars en 2012.1 Cette


course à la taille se justifie par d’importantes économies : deux groupes qui s’allient
réunissent leurs circuits de distribution, note Kris Kippers, analyste chez Petercam.
Ils bénéficient d’un «  effet de levier  » sur le prix d’achat de leurs matières pre-
mières  : «  acheter des volumes plus importants fait une grande différence  »2. La
consolidation a aussi des causes structurelles car au-delà des méga-fusions, de plus
petits brasseurs asiatiques ou sud-américains deviennent des cibles et permettent
ainsi au leader de pénétrer certains marchés ou de renforcer sa position. Le marché
est désormais structuré autour de quatre très gros brasseurs présents sur l’ensemble
des continents, avec cependant des différences, comme le montre le tableau 7.6.

Tableau 7.6 – La répartition des principaux brasseurs par zone géographique


AB InBev SABMiller Heineken Carlsberg
Asie-Pacifique 7,8 % 1,1 % 0,9 % 2,0 %
Europe de l’Est 16,5 % 15,1 % 16,7 % 24,8 %
Amérique latine 34,7 % 11,5 % 0,5 % 0,1 %
Moyen-Orient et Afrique 0,6 % 38,8 % 18,1 % 1,1 %
Europe de l’Ouest 10,6 % 3,5 % 17,3 % 11,2 %
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Amérique du Nord 50,0 % 16,1 % 2,9 % 0,1 %
Australie 1,2 % 3,5 % 17,3 % 11,2 %

Source : http://visual.ly/global-beer-consumption-statistics-and-trends

2  Les choix en matière de croissance de AB InBev

Analysons à présent le développement de AB InBev par rapport à ses principaux


concurrents.

2.1  L’entreprise en quelques chiffres


AB InBev est le 1er producteur mondial de bières. Le groupe produit et commer-
cialise également des boissons sans alcool (boissons gazeuses, eaux en bouteille et
thés glacés). Désormais, AB InBev est l’une des cinq plus grandes sociétés de biens
de consommation au monde selon le palmarès établi par le magazine Fortune.
L’entreprise produit et vend 20 % des volumes de bière au niveau mondial en 2013.3
Son chiffre d’affaires est de 43,2  milliards de dollars, en constante progression.

1. www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/20/la-fievre-des-acquisitions-reprend-sur-le-marche-de-la-
biere_4350885_3234.html#2XjAHxiXI5MwqMRS.99
2. www.france24.com/fr/20080614-marche-mondial-biere-fusion-alccol-inbev-sabmiller
3. www.forbes.com/sites/greatspeculations/2014/09/18/anheuser-busch-inbev-what-the-sabmiller-acquisition-
could-mean

128
AB InBev  ■  Cas 7

Entre 2005 et 2012, le chiffre d’affaires du brasseur a plus que triplé, à 32 milliards


d’euros. L’excédent brut d’exploitation a quadruplé à 12,4  milliards d’euros et la
marge brute a doublé malgré la crise et grâce à l’essor de la consommation de bière
dans les pays en développement. Cela a plus que compensé le ralentissement des
ventes aux États-Unis et en Europe.1
On remarquera que dans ce tableau positif, les frais commerciaux et de marketing
ont augmenté de 4,5  % suite à des investissements dans le développement des
marques. De même, les volumes consolidés de vente de bière ont diminué de 2,0 %,
avec un recul de 0,9 % pour les principales, en raison d’un contexte macroécono-
mique difficile sur un certain nombre de marchés.
L’entreprise dispose d’un important portefeuille de marques pour se développer
dans les différents pays, avec à la fois des marques globales et des marques locales.

Tableau 7.7 – Le portefeuille de marques de bière du groupe AB InBev


Marques mondiales Marques dites « championnes locales »
Budweiser, Corona et Stella Artois. Bud Light, Michelob (États-Unis), Skol, Brahma, Antarctica (Brésil),
Beck’s, Leffe et Hoegaarden. Quilmes (Argentine), Ultra, Jupiler (Belgique), Harbin, Sedrin (Chine),
Victoria (Australie), Modelo Especial (Mexique), Klinskoe, Sibirskaya
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Korona (Russie), Chernigivske (Ukraine).

Source : rapport d’activité 2013.

Le groupe possède un portefeuille de plus de 200 marques de bière, dont 17 ont


une valeur de vente au détail estimée à plus d’1  milliard de dollars. Les marques
globales de la société ont progressé de 4,7 % en 2013, stimulées notamment par la
croissance de Budweiser et de Corona.

2.2  Les choix d’internationalisation de l’entreprise


Le groupe est présent sur de nombreux marchés, avec cependant des différences
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

importantes de pénétration.

Tableau 7.8 – La part de marché d’AB InBev dans les différentes zones en 2013
Pays Part de marché Pays Part de marché
États-Unis 47,2 % Belgique 56 %
Canada 40,1 % Allemagne 8,8 %
Mexique 58,4 % Royaume-Uni 17,2 %
Brésil 67,9 % Russie 15,1 %
Argentine 78,5 % Chine 14,1 %

Source : rapports d’activité.

1. www.lesechos.fr/13/07/2012/LesEchos/21226-135-ECH_ab-inbev---six-siecles-de-succes-pour-un-belge-
dirige-par-des-patrons-bresiliens.htm#Ev8kGbgDgYfiWzdJ.99

129
11 cas de stratégie

On note cependant des évolutions sur certains marchés, à la fois en termes de


volume mais aussi d’excédent d’exploitation (EBITDA1).

Tableau 7.9 – L’évolution de l’activité du groupe entre 2009 et 20122


2010* 2011** 2012***
Volume EBITDA Volume EBITDA Volume EBITDA
Amérique du - 3,1 % + 6,5 % - 3,1 % + 1,5 % + 0,6 % + 2,4 %
Nord
Amérique latine + 9,6 % + 16,4 % + 0,7 % + 15,5 % + 3 % + 14,2 %
nord
Amérique latine + 0,7 % + 15,9 % + 2,1 % + 24,3 % - 0,8 % + 21,9 %
sud
Europe - 2,5 % EO 6,6 % EO - 2,8 % EO 5,5 % EO - 4,2 % EO + 1,4 % EO
- 0,9 % EE - 17,8 % EE - 4,0 % EE - 31,5 % EE - 11 % EE + 19 % EE
Asie-Pacifique + 5,9 % + 18,3 % + 6,6 % + 17,2 % + 1,9 % + 8,2 %
Monde + 0,3 % + 29,7 % - 0,2 % + 7,7 % + 0,3 % + 7,7 %
Évolution CA + 4,4 % + 4,0 % + 7,2 %

Marge EBITDA 38,2 % 39,3 % 39 %


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EE = Europe de l’Est dont la Russie. EO = Europe de l’Ouest.

Sources : * www.zonebourse.com/ANHEUSER-BUSCH-INBEV-4771040/pdf/217315/ANHEUSER-BUSCH%20
INBEV_Rapport-annuel.pdf

** www.sec.gov/Archives/edgar/data/1140467/000119312512102548/d310992dex992.htm

*** www.sec.gov/Archives/edgar/data/1140467/000119312513078531/d493436dex992.htm

Ces éléments permettent d’apprécier les choix en matière d’internationalisation


qui ont été opérés par AB InBev. L’Amérique du Sud est une région très importante
pour AB InBev, avec 40 % de ses capacités de production. Cette région a, en outre,
un intérêt du point de vue des coûts, puisqu’elle permet de profiter à la fois d’une
main-d’œuvre et de matières premières à des coûts faibles. La proximité des diffé-
rents marchés permet également de bénéficier d’économies d’échelle puisque l’on
peut y produire des bières qui seront vendues dans des pays proches. En consé-
quence, le marché sud-américain et le Mexique sont les plus profitables pour le
groupe, puisque ce dernier dégage des marges (EBITDA) comprises entre 46 et
52 % alors que la moyenne du groupe est de 40 %.

1.  Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization, l’EBITDA désigne communément les reve-
nus d’une entreprise avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immo-
bilisations. C’est un indicateur des résultats économiques d’une entreprise. Les chiffres du tableau sont standardisés,
c’est-à-dire hors éléments exceptionnels non représentatifs de l’activité régulière ou normale du groupe. Il s’agit
donc du bénéfice d’exploitation avant amortissements et dépréciations, corrigé des éléments non récurrents.
2.  Les évolutions sont calculées par rapport à l’année précédente.

130
AB InBev  ■  Cas 7

Tableau 7.10 – L’analyse des volumes et de l’EBITDA par zone d’activité en 2013


Contribution
Contribution Évolution des Évolution de
en termes
en volume volumes1 l’EBITDA
d’EBITDA2
Amérique du Nord 27,4 % - 2,6 % 37,5 % + 0,4 %
Amérique latine nord 27 % - 3,3 % 32,6 % + 10,1 %
Mexique 10,8 % - 2,9 % 8,6 % + 54 %3
Amérique latine sud 8,3 % - 3,1 % 8,3 % + 17,4 %
Europe 10,5 % - 4,2 % EO 7,5 % - 5,0 % EO
- 15,8 % EE - 11,1 % EE
Asie pacifique 14,8 % + 9 % 3,0 % + 31,5 %
Source : rapport d’activité AB InBev 2013.

2.3  Une forte croissance externe

Tableau 7.11 – Les principales opérations de « croissance » de AB InBev


(2007-2014)
Année Nature de l’opération
2014 Acquisition d’Oriental Brewery, le plus important brasseur sud-coréen qui détient 60 % du
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marché de la bière en Corée du Sud (5,8 milliards de dollars).
2012 Prise de contrôle des 50 % du capital du Mexicain Modelo (Corona) pour un montant de
20,1 milliards de dollars.
2009 La cession de sa participation dans Tsingtao fait partie du programme de désendettement suite
au rachat de l’américain Anheuser-Busch et des 45 milliards de dollars de dettes à rembourser.
AB InBev garde une participation minoritaire dans Tsingtao d’environ 7 %.
Vente de la brasserie Oriental Brewery dont AB InBev a obtenu 1,8 milliard de dollars. Vente des
activités en Europe centrale pour 1,49 milliard d’euros (l’entreprise se sépare de ses activités
dans sept pays d’Europe centrale : Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, République tchèque,
Hongrie, Monténégro, Roumanie, Serbie et Slovaquie).
2008 Acquisition du rival américain Anheuser-Busch, pour 52 milliards de dollars ce qui permet
d’avoir un chiffre d’affaires cumulé de 36 milliards de dollars.
Acquisition d’une participation directe de 35,12 % dans le groupe Modelo, la plus grande
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

brasserie mexicaine, ce qui permet d’obtenir 50,2 % dans Modelo. Une participation évaluée à
environ 7 milliards de dollars.
Acquisition d’une participation de 27 % dans le premier brasseur chinois Tsingtao.
2007 Acquisition de la brasserie Lakeport pour assurer une forte présence dans la région en croissance
de l’Ontario (Canada).
Acquisition de Cervejarias Cintra Indústria e Comércio Ltda pour développer la capacité de
production, pour répondre à l’augmentation continue de la demande dans les marchés de la
bière et des boissons gazeuses et pour bloquer les rivaux locaux sur le marché clé de Rio de
Janeiro (Brésil).

1.  La croissance des volumes et de l’EBITDA est issue de la comparaison entre 2012 et 2013.
2.  L’EBITDA global a progressé de 8,1 %, tandis que la marge EBITDA a atteint 39,8 %.
3.  Suite à l’opération avec le brasseur mexicain Modelo, il y a eu des synergies de coûts grâce à la mise en œuvre
de meilleures pratiques de production, d’initiatives d’approvisionnement et de réductions des frais généraux.

131
11 cas de stratégie

Depuis de nombreuses années, le groupe a une politique de croissance externe.


L’entreprise est le résultat de plus de 10 ans de fusions et d’acquisitions. En 2004,
Interbrew (issue de la fusion des brasseries belges Stella Artois et Piedbœuf) a
fusionné avec le brasseur brésilien Companhia de Bebidas das Américas (AmBev)
pour former InBev ; puis en 2008, elle a racheté Anheuser-Busch (troisième groupe
mondial) pour la somme de 52 milliards de dollars.
Les regroupements permettent de créer des effets de synergie. Ainsi, le rapproche-
ment entre AB InBev et le brasseur mexicain Modelo a produit des synergies par le
biais d’une organisation plus intégrée et d’économies d’échelle estimées à 1 milliard
de dollars avant la fin 2016, soit sur une période assez courte. Dans une annonce
récente, le groupe a réévalué ses espérances en matière de synergies à 2,5 milliards
de dollars. Mais cette croissance s’accompagne d’un fort endettement. Le groupe a
ainsi un ratio endettement net/EBITDA de 2,16.
Les mouvements s’accélèrent encore entre les grands acteurs. Selon le Wall
Street Journal, AB InBev, dont la valorisation avoisine les 182 milliards de dol-
lars, se préparerait à acquérir le numéro 2 mondial SABMiller pour la somme de
122 milliards de dollars.1 Cette opération permettrait à AB InBev de prendre pied
en Afrique – un continent dont elle est largement absente – alors que SABMiller
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y réalise plus de 30 % de son chiffre d’affaires. Elle permettrait également d’amé-
liorer sa position dans certains pays d’Amérique du Sud tels que la Colombie et
le Pérou, mais aussi de mettre la main sur la marque premium Miller Lite. La part
de marché du premium est encore assez faible en Amérique du Sud, mais les
experts s’attendent à une augmentation importante dans les années à venir. En
raison du positionnement dans ce continent, SABMiller dégage des profits supé-
rieurs de 33 % à ceux de AB InBev. Si l’opération allait jusqu’à son terme, elle
permettrait non seulement à AB InBev d’augmenter ses volumes, mais aussi
d’accroître sa valeur par le biais d’un positionnement plus important sur le pre-
mium. Dans le même temps, SABMiller, qui souhaitait racheter le numéro  3
Heineken, s’est vu opposer une fin de non-recevoir. Il pourrait s’intéresser à
Diageo. Affaire à suivre !

2.4  Les principaux concurrents


Analyser la croissance de cette entreprise suppose une mise en perspective. Si
certaines données de marchés permettent d’éclairer les choix, il convient égale-
ment d’analyser les choix de AB  InBev au regard de ceux de ses principaux
concurrents.

1. www.forbes.com/sites/greatspeculations/2014/09/18/anheuser-busch-inbev-what-the-sabmiller-acquisition-
could-mean/

132
AB InBev  ■  Cas 7

Tableau 7.12 – La performance des principaux acteurs


Marge
CA 2013 Croissance Marge
opérationnelle
(en milliards moyenne du CA opérationnelle
moyenne
d’euros) (2008-2013) 2013
(2008-2013)
AB InBev 34,25 14,1 % 44,9 % 33,6 %
Heineken 19,20 6,0 % 14,1 % 14,4 %
SABMiller 16,80 3,6 % 19,0 % 18,1 %
Carlsberg 8,92 2,1 % 14,8 % 15,2 %
Tsingtao 3,46 12,0 % 8,3 % 8,5 %
Sources : rapports d’activité, Xerfi Global rapport 4XIAAO3, août 2014.

Tableau 7.13 – Le ratio d’endettement


2009 2010 2011 2012 2013
AB InBev 2,39 1,95 1,74 1,70 1,56
Heineken 2,77 1,68 1,78 2,07 1,92
SABMiller 0,88 0,78 1,23 1,13 1,04
Carlsberg 0,6 0,47 0,45 0,44 0,49
Source : rapports annuels.

Tableau 7.14 – Les principaux acteurs du secteur (données 2013)


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AB InBev Heineken SABMiller Carlsberg
Chiffre d’affaires (en milliards 34,25 19,20 16,80 8,92
d’euros)
EBIT 44,9 % 14,1 % 19 % 14,8 %
Marge nette 31,6 % 7,1 % 15,2 % 14 %
Nombre de marques 200 250 200 500*
Nombre de marques dont le 17 1à2 1 Aucune
CA > 1 milliard de dollars
Nombre de pays 24 170 80 150**
Principales régions de Amériques Europe Afrique et Moyen-Orient Europe
développement Europe Asie-Pacifique Asie
Amériques
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Part de la bière dans le CA 90,5 % 100 % 100 % 86,6 %


ROE1 26 % 12 % 12,8 % 15,4 %***
ROA2 10,2 % 4,1 % 6,3 % 8,4 %****

Sources : * rapport d’activité 2013.


** www.feldschloesschen.com/fr/Entreprise/Pages/Le_groupe_Carlsberg.aspx
*** mentionné comme operating margin dans le rapport d’activité.
**** il s’agit ici du ROIC, return on average invested capital.

1.  Le ROE (Return On Equity) est le Résultat Net/Capitaux Propres. Il correspond à la rentabilité de l’argent
apporté par les actionnaires à la société : il quantifie le montant des bénéfices réalisés en pourcentage de l’investisse-
ment en capital, et par conséquent, l’aptitude de la société à rémunérer les actionnaires. Ce ratio se calcule en divisant
le résultat net par les capitaux propres. Plus le ROE est élevé, plus les capitaux utilisés par l’entreprise sont rentables.
2.  Le ROA (Return On Asset) est le Résultat Net/Total Actifs. Il mesure en pourcentage le rapport entre le résul-
tat net et le total des actifs. Il représente la capacité de l’entreprise à dégager un résultat en utilisant l’ensemble de
ses moyens.

133
11 cas de stratégie

Le secteur de la bière est encore aujourd’hui en plein développement. La bataille


à laquelle se livrent les leaders est rude, à coût de milliards, d’innovation et de mar-
keting. Elle est loin d’être terminée !

Questions
Analysez les choix de croissance de l’entreprise AB InBev au regard des évolutions
de son environnement et des choix de ses principaux concurrents afin d’apprécier
leur pertinence et la performance de l’entreprise.
1 ■  Vous analyserez l’environnement afin d’identifier les opportunités et les
menaces dans le secteur.
2 ■ Vous identifierez les stratégies de croissance suivies par les leaders du secteur
en faisant ressortir à la fois les similitudes et les différences.
3 ■ Vous analyserez l’impact des décisions sur les différentes dimensions de la
performance de AB InBev.
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134
AB InBev  ■  Cas 7

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

AB InBev est le leader mondial dans le secteur de la bière. Depuis dix ans, le
secteur connaît une phase de concentration importante et une internationalisation
accrue. Aujourd’hui, quatre groupes dominent le secteur mais avec des différences
dans les orientations de croissance mises en œuvre. Pour comprendre le succès de
AB  InBev, il est important de comprendre les opportunités du secteur avant de
comparer les choix des leaders, de manière à mettre en avant les facteurs propres
à AB InBev expliquant sa position et ses performances.
Il conviendra pour aborder ce cas de maîtriser les notions de croissance, en distin-
guant notamment les voies et les modes de croissance. Afin d’éclairer les dyna-
miques du secteur, il sera possible de se référer au modèle PESTEL.
Par ailleurs, nous mobiliserons la cartographie des groupes stratégiques.
Enfin, quelques notions d’analyse financière seront utilisées pour éclairer la per-
formance des différentes entreprises.
Le travail se déroule comme suit :
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• Analyse des facteurs ayant un impact sur le développement de l’activité.
• Analyse de l’internationalisation du secteur et de la localisation des investisse-
ments des grands groupes.
• Identification de la stratégie de croissance de AB InBev.
• Comparaison entre les choix de AB InBev et ceux de ses concurrents.
• Impacts sur la performance.

1.  Vous analyserez l’environnement afin d’identifier les opportunités


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et les menaces dans le secteur.


Plusieurs phénomènes apparaissent à la lecture du cas. D’un point de vue général,
en se référant au modèle PESTEL, on peut mettre en évidence les points suivants :
• Politique :
––fort effet de lobbying des groupes (+) ;
––politique de limitation de la consommation d’alcool (–).
• Économique :
––fort développement de certaines zones géographiques (+) ;
––développement de classes moyennes consommatrices de produits (+).

135
11 cas de stratégie

• Social :
––augmentation de la population (+) ;
––augmentation de la consommation de bière premium (+) ;
––augmentation de la consommation on trade en Asie (+) ;
––augmentation de la consommation off trade dans les pays plus développés (–).
• Légal :
––taxation de l’alcool (–).
La bière est un produit que l’on trouve sur l’ensemble des continents et qui connaît
une bonne croissance (cf. tableau 7.1). Il y a des facteurs économiques et démo-
graphiques qui poussent au développement de la bière. Par ailleurs, son position-
nement prix au regard d’autres alcools en fait un produit compétitif. Globalement,
on peut dire que le secteur est porteur et attractif.
Les entreprises ou les groupes suivent des stratégies similaires mais pas iden-
tiques.
Analyse des facteurs ayant un impact sur le développement de l’activité
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Depuis de nombreuses années, la concentration dans ce secteur est importante et
continue, comme en attestent les tableaux 7.5 et 7.14. Le secteur est très concentré.
Les quatre premiers représentent 45 % de parts de marché du marché total et les
dix premiers, quasiment 65 %.

2003 2013
Total des 10 56,8 % PDM 64,9 % PDM

On observe cependant de fortes disparités entre les premiers, puisque Carlsberg est
quatre fois plus petit que AB InBev.

AB InBev Heineken SABMiller Carlsberg


Chiffre d’affaires (en 34,25 19,20 16,80 8,92
milliards d’euros)
EBIT 44,9 % 14,1 % 19 % 14,8 %
Marge nette 31,6 % 7,1 % 15,2 % 14 %

Ces différences de taille sont importantes dès lors que l’on analyse la question de
la performance, car les différences entre les quatre grands s’expliquent à la fois par
un effet de marché (choix de localisation) et d’implantation, mais aussi par un
effet taille dans un secteur où la taille dans le marché (et pas nécessairement la

136
AB InBev  ■  Cas 7

taille au niveau mondial) est un élément clé. Cette concentration est associée à un
accroissement du degré d’internationalisation des entreprises du secteur brassicole
(cf. tableau 7.6). Les acteurs sont spécialisés dans des stratégies de renforcement
(cf. tableau 7.14). La diversification est très faible et est liée au secteur des bois-
sons.
Analyse de l’internationalisation du secteur et de la localisation
des investissements des grands groupes
Les quatre entreprises leaders du marché sont présentes sur quasiment l’ensemble
des continents, mais on note des différences importantes dans les choix d’implan-
tation. Les grands groupes « sont tous présents à l’origine sur les marchés d’Eu-
rope ou d’Amérique du Nord mais s’ils veulent croître en volume, ils doivent
regarder vers des marchés émergents », explique Wim Hoste, analyste chez KBC
Securities.1 La voie de croissance choisie est principalement l’internationalisation.
Pour ces raisons, il s’agit principalement d’un « secteur » multidomestique pour
les bières locales ou régionales mais d’un «  secteur  » global simple pour les
marques mondiales. Une grande partie de l’activité repose sur des marques locales
répondant aux traditions et aux goûts locaux, même si on note des différences très
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importantes dans l’équilibre du portefeuille de marques des quatre leaders
(cf.  tableau 7.14). On est donc en présence d’acteurs mondiaux mais avec des
stratégies d’adaptation locale. Les marchés historiques restent encore très impor-
tants et l’ampleur des opérations d’acquisition en Europe et en Amérique du Nord
le montre bien. Les marchés déjà très développés, voire matures, sont importants
dans le portefeuille de marques détenues par les grands acteurs.
Les entreprises cherchent à avoir une forte croissance en volume et/ou en valeur.
On note l’émergence de grands marchés (Amérique du Sud, Chine) au travers de
l’accroissement de la demande hors Amérique du Nord et Europe. Le cas de la
Chine est assez représentatif de ce phénomène : « Les brasseurs chinois dégagent
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une marge de 1,50 euro par hectolitre, contre 35 à 60 euros pour leurs rivaux occi-
dentaux. » La forte croissance du marché chinois profite aux produits d’entrée de
gamme. Dans ces conditions, les marchés des pays matures ou fortement dévelop-
pés restent très importants en termes de volume et de valeur. Si on se réfère aux
opérations de croissance externe menées, on constate une volonté des grands
brasseurs de renforcer ces marchés qui, même s’ils ont des perspectives de crois-
sance faibles ou même négatives en termes de volume, représentent des marchés
intéressants en termes de valeur. Cette évolution est liée à des modifications de la
demande et de l’offre par une premiumisation des produits. Cette dernière, qui
s’accompagne d’un marketing important, permet d’augmenter les prix de vente
des produits proposés.

1. www.france24.com/fr/20080614-marche-mondial-biere-fusion-alccol-inbev-sabmiller

137
11 cas de stratégie

Les parts de marché en fonction des zones géographiques sont très différentes
d’une entreprise à l’autre, comme dans le tableau 7.6.

AB InBev SABMiller Heineken Carlsberg


Asie-Pacifique 7,8 % 1,1 % 0,9 % 2,0 %
Europe de l’Est 16,5 % 15,1 % 16,7 % 24,8 %
Amérique latine 34,7 % 11,5 % 0,5 % 0,1 %
Moyen-Orient et Afrique 0,6 % 38,8 % 18,1 % 1,1 %
Europe de l’Ouest 10,6 % 3,5 % 17,3 % 11,2 %
Amérique du Nord 50,0 % 16,1 % 2,9 % 0,1 %
Australie 1,2 % 3,5 % 17,3 % 11,2 %

Si on ne regarde que AB InBev, on a des informations qui permettent de com-


prendre la dynamique d’internationalisation (cf. tableau 7.10).

Contribution
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Contribution Évolution des Évolution de
en termes
en volume volumes l’EBITDA
d’EBITDA
Amérique du Nord 27,4 % - 2,6 % 37,5 % + 0,4 %
Amérique latine nord 27 % - 3,3 % 32,6 % + 10,1 %

On remarque ainsi que l’entreprise est fortement présente sur des zones dont les
volumes baissent parfois mais dont l’EBITDA s’accroît en raison de l’accroisse-
ment des prix de vente. Par ailleurs, la contribution de ces zones en valeur est bien
supérieure aux volumes qu’on y écoule.

2.  Vous identifierez les stratégies de croissance suivies par les leaders
du secteur en faisant ressortir à la fois les similitudes
et les différences.

Identification de la stratégie de croissance de AB InBev


La maîtrise et la rationalisation des portefeuilles de marque sont un point
important dans cette stratégie de croissance. Les marques sont l’élément clé dans
la stratégie des groupes avec à la fois des marques locales permettant de coller aux
spécificités des demandes et quelques marques à vocation mondiale. En outre, la
gestion du portefeuille se fait grâce à des rationalisations. Ainsi, le nombre de
marques réalisant une part de CA faible a tendance à diminuer alors que certaines

138
AB InBev  ■  Cas 7

entreprises ou filiales concentrent leurs efforts sur les marques les plus impor-
tantes. Il convient de distinguer deux types de marques (cf. tableau 7.7) :

Marques mondiales Marques dites « championnes locales »


Budweiser, Corona et Stella Artois. Bud Light, Michelob (États-Unis), Skol, Brahma, Antarctica
Beck’s, Leffe et Hoegaarden. (Brésil), Quilmes (Argentine), Ultra, Jupiler (Belgique), Harbin,
Sedrin (Chine), Victoria (Australie), Modelo Especial (Mexique),
Klinskoe, Sibirskaya Korona (Russie), Chernigivske (Ukraine).

Elles ont chacune leurs atouts : les marques mondiales ont une forte visibilité et
permettent d’écouler de forts volumes à des prix élevés et les marques nationales,
voire locales, répondent aux différents goûts des consommateurs. Elles ont sou-
vent une bonne implantation et permettent, lors de leur rachat, de prendre une
position importante dans le marché. On remarque que le poids des premières est
particulièrement important dans le portefeuille de AB InBev.
Comparaison entre les choix de AB InBev et ceux de ses concurrents
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Le mode de croissance choisi est principalement la croissance externe. Dans ces
opérations d’acquisition, chacun poursuit un double objectif : prendre pied sur les
marchés émergents, seuls moteurs de croissance en volume, et renforcer ses posi-
tions sur les marchés matures, où les marques sont plus valorisées et sont sources
de marges confortables. Par le biais de ces prises de contrôle, les groupes brassi-
coles peuvent mettre la main sur des marques bien implantées (ayant un fort
avantage concurrentiel) et à fort potentiel. C’est un mode de croissance qui per-
met un développement rapide. Cette croissance permet également de réduire
l’intensité de la concurrence sur certains marchés. Compte tenu de la part de
marché et du nombre de marques détenues par AB InBev sur certains marchés
(47,6  % du marché américain, 68,5  % du marché brésilien, 58  % du marché
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mexicain, cf. tableau 7.8), il serait très difficile pour des concurrents de s’y
implanter et la concurrence entre les marques phares est sans doute peu intense,
du moins en matière de prix.
Le choix des acquisitions plutôt que la fusion, laquelle aurait permis de ne pas
endetter les entreprises, tient à la volonté de ne pas diluer le capital et permet donc
aux familles actionnaires de garder le contrôle. Il nécessite un recours massif à
l’endettement, comme en atteste le ratio d’endettement d’AB InBev. On constate
que les autres entreprises ont procédé de la même façon (cf. tableau 7.13).

139
11 cas de stratégie

2013
AB InBev 1,56
Heineken 1,92
SABMiller 1,04
Carlsberg 0,49

L’analyse du niveau d’endettement est liée aux politiques de financement de la


croissance, mais fait également intervenir la notion d’effets de levier. Dans cer-
taines conditions, réunies pour partie ici, l’endettement peut être envisagé de
manière positive. Il est intéressant de l’analyser au regard de la valeur de ce qui
est acheté, c’est-à-dire principalement des marques internationales et locales et de
leur impact sur l’avantage concurrentiel des acteurs. Enfin, des possibilités de
désendettement existent au travers des reventes éventuelles d’actifs jugés non
stratégiques.
En résumé, les choix des entreprises en termes de croissance sont les suivants :

Croissance contrac-
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Croissance interne Croissance externe
tuelle
Spécialisation X
Internationalisation X
Intégration
Diversification

3.  Vous analyserez l’impact des décisions sur les différentes


dimensions de la performance de AB InBev.
Impacts sur la performance
L’analyse des différences et des similitudes suppose de mobiliser la carte des
groupes stratégiques, même si les données du cas ne permettent pas réellement
d’en faire une. Il aurait fallu avoir les données sur l’ensemble des acteurs. On peut
ici se contenter de comparer les quatre plus gros.
Cela nous permet d’identifier au sein du secteur les stratégies types en mettant en
évidence les similitudes et les différences entre les entreprises. Le tableau 7.14
permet d’avoir les informations clés sur les quatre leaders. On a retenu deux
dimensions discriminantes  : le nombre de pays dans lequel les entreprises sont
implantées et leur portefeuille de marques. Ces deux points sont des facteurs très
importants dans le développement et le succès des entreprises.

140
AB InBev  ■  Cas 7

Nbr de pays

200
Heineken ROA 4,1 %
150 Carlsberg ROA 8,4 %

100
SABM iller ROA 6,3 %

50

Abin bev ROA 10,2 %

100 300 500 Nbr de


marques

À la lecture du graphique, on s’aperçoit que Ab InBev est assez différent dans ses
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choix. Le groupe présente également un niveau de performance supérieur qui
s’explique par ses choix.
Analyse de la performance
Nous nous appuyons sur la décomposition suivante :
Analyse de la performance

Taux de croissance
Résultat Performance interne soutenable
ROS économique
net
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Ratio de
marge ROA
bénéficiaire
CAHT Résultat net
Actif total
ROE
Taux de
rotation
de l’actif Résultat net
Actif total Capitaux propres

Dettes
1+
Capitaux propres
Capitaux
propres Distribution aux
Impact de la
actionnaires
structure
financière

Les données 2013 des leaders sont les suivantes (cf. tableaux 7.13 et 7.14) :

141
11 cas de stratégie

AB InBev Heineken SABMiller Carlsberg


ROA 10,2 % 4,1 % 6,3 % 8,4 %
Ratio endettement 1,56 1,92 1,04 0,49
ROE 26 % 12 % 12,8 % 15,4 %

Si l’on applique cette décomposition de la performance à AB InBev, plusieurs


points sont à mettre en évidence :
• Au niveau du ROS (return on sales ou ration de marge bénéficiaire), on note un
accroissement des marges par le développement des bières premium (marques
mondiales) dans des marchés à forte valeur, ce qui entraîne l’accroissement de
la valeur du portefeuille de marques. Par ailleurs, l’entreprise est présente dans
peu de pays et a peu de marques par rapport aux trois autres. La faible dispersion
géographique et la moindre étendue entraînent un effet de rationalisation. Cela
crée des synergies de coûts importantes en termes de production, de marketing
et de distribution. En outre, les marques à vocation mondiale ont une forte visi-
bilité en raison du marketing lié à des événements mondiaux. Elles permettent
un accroissement du chiffre d’affaires hors acquisition en ayant des produits
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premium à forte marge. Enfin, la taille de l’entreprise comparée à ses concur-
rents lui permet une meilleure négociation de ses coûts d’achat. La taille a un
effet très important sur cet élément.
• Au niveau du taux de rotation de l’actif, on observe des gains de productivité liés
à la rationalisation des unités de production et de la distribution. En étant
implantées dans peu de pays et en produisant des volumes importants, quelles
que soient les marques, les usines ont un niveau d’exploitation très élevé. Le
circuit de distribution présente ainsi un coût plus faible par litre de bière distri-
bué, puisque l’on distribue beaucoup de produits en quantité et en variété. Cela
a pour conséquence que le ROA (return on assets ou performance économique)
est supérieur à celui de ses concurrents.
• Au niveau de l’impact de la structure financière, on remarque une forte utilisa-
tion de l’endettement pour financer la croissance par l’acquisition de marques et
le renforcement des positions dans certains pays. Il s’agit ici d’un effet de levier1
financier important car le ROA des entreprises rachetées est bien supérieur au

1.  Les termes de « levier financier » expriment le fait que l’importance de la dette par rapport aux capitaux
propres au bilan d’une entreprise joue comme un levier sur la rentabilité de ceux-ci. L’effet de levier de l’endet-
tement est la différence entre la rentabilité des capitaux propres et la rentabilité économique. Il résulte de la
différence entre la rentabilité économique et le coût de la dette et dépend aussi de la proportion de la dette par
rapport aux capitaux propres. L’effet de levier peut jouer dans les deux sens : s’il peut accroître la rentabilité des
capitaux propres par rapport à la rentabilité économique, il peut aussi la minorer quand la rentabilité économique
devient inférieure au coût de l’endettement (source  : www.vernimmen.net/Vernimmen/Resumes/Partie_1_Le_
diagnostic_financier/Chapitre_14_L_analyse_de_la_rentabilite_comptable.html)

142
AB InBev  ■  Cas 7

coût de la dette. Dans ces conditions, le ROA et le ROE sont supérieurs à celui
de ses concurrents.
Les choix de stratégie de croissance suivis par AB  InBev permettent de com-
prendre pourquoi elle a un ROA et un ROE supérieurs.
• Elle a opéré des choix stratégiques différents :
––un faible nombre de marques (200) ;
––une rationalisation de la production qui permet d’avoir un impact sur les marges
opérationnelles ;
––plusieurs marques dont le chiffre d’affaires est supérieur à  1  milliard de
dollars ;
––une rationalisation des investissements marketing et publicitaires ;
––des marques mondiales qui ont progressé de 4,7 % en 2013 ;
––un degré d’internationalisation plus faible mais des pays « attractifs » ;
––moins de pays mais à plus fort potentiel (croissance en volume et valeur)
(cf. tableaux 7.5 et 7.10) ;
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––des moyens de production, de logistique et de marketing utilisés de manière plus
efficiente en raison de la moindre dispersion des pays ; une recherche de seuil
d’efficience dans les pays ou l’entreprise est présente ;
––par ailleurs, une présence sur le marché américain à la suite de sa fusion avec
Companhia de Bebidas das Americas, et de son rachat de Anheuser-Bush et de
Modelo. Ces marchés représentent des volumes très importants mais aussi des
marges très fortes.
• Elle a opéré une croissance plus tôt et plus importante : l’entreprise bénéficie
d’un effet de taille. Elle est aujourd’hui plus importante en chiffre d’affaires que
ses principaux concurrents, ce qui lui permet d’avoir des synergies de coûts. Ces
derniers sont d’autant plus importants que l’entreprise disperse moins ses res-
sources. Les rapprochements importants opérés ces dernières années montrent
que les économies de coûts sont importantes. La croissance s’est aussi souvent
accompagnée d’une rationalisation et d’une modernisation de l’outil de produc-
tion, ce qui permet d’avoir un impact positif sur les coûts.
Au total, dans ce secteur qui est attractif, on constate que les leaders ont fait des
choix différents en termes de voies et de vitesse de croissance. Ces différences
sont apparues grâce à la mobilisation des outils de l’analyse stratégique qui ont
permis de mettre en évidence les éléments dans la stratégie de AB InBev qui l’ont
conduit à son succès.

143
CAS 8. HERVÉ THERMIQUE

Elise Bonneveux
in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 145 à 160


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-145.htm
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Cas

8 Hervé Thermique

Elise Bonneveux
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 Présentation du cas
Problématique
Comment assurer le développement stratégique d’une entreprise en misant sur une
culture et des valeurs d’autonomie et de responsabilité ?
Résumé
Le cas relate la situation d’une entreprise de 2 000 salariés, fondée en 1972 et spé-
cialisée dans le secteur du BTP. Cette entreprise est reconnue comme une référence
d’intra-entrepreneuriat dans son secteur. En effet, le PDG d’Hervé Thermique,
Michel Hervé, a dès le début instauré une culture forte au sein de son entreprise,
fondée sur une décentralisation poussée, un système d’information complexe, un
effacement des hiérarchies intermédiaires et un management participatif. Les colla-
borateurs sont ainsi considérés comme des artisans responsables et autonomes qui
s’inscrivent dans un collectif afin de répondre aux attentes de l’ensemble des parties
prenantes de l’entreprise.


11 cas de stratégie


Objectifs
À l’issue du cas, les étudiants doivent :
––identifier l’intention stratégique d’un dirigeant d’entreprise ;
––identifier et analyser la culture d’une entreprise en mobilisant le tissu culturel ;
––définir les éléments constitutifs d’un management participatif.
Outils mobilisés
••Intention stratégique.
••Culture organisationnelle.
••Analyse organisationnelle.

1  Présentation de l’entreprise Hervé Thermique

Hervé Thermique est une entreprise familiale du secteur du BTP qui compte
2 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 330 millions d’euros1
(2014). Fondée en 1972 par Michel Hervé, cette entreprise évolue très rapidement
pour devenir en 1997 une filiale de la holding financière Hervé nouvellement créée.
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C’est seulement en 2009 que la holding financière Hervé devient le Groupe Hervé.
À cette même période, le siège situé initialement à Parthenay dans le département
des Deux-Sèvres est déménagé à Joué-lès-Tours en Indre-et-Loire. Forte de son
succès, la société n’a de cesse de se développer par la création ou le rachat de
sociétés dans divers secteurs d’activités. Aujourd’hui, le groupe Hervé est composé
de 25 filiales réparties en trois pôles d’activités pour un total de 3 000 salariés :
• Le pôle Énergie Services est l’activité la plus importante du groupe. Elle contri-
bue à la mise en place et à la maintenance de systèmes et de technologies intelli-
gentes dans différents domaines du bâtiment (génie climatique, chauffage,
ventilation, énergies renouvelables). L’ensemble des filiales tend à développer des
solutions favorables à la performance énergétique des bâtiments.
• Le pôle Industrie est composé de plusieurs filiales dans les domaines de l’aéro-
nautique, la construction navale, la chaudronnerie, la tôlerie et la serrurerie.
• Le pôle Numérique est en charge du développement de supports de communica-
tion, de services informatiques aux entreprises et de prestations de formation.
Les activités du groupe Hervé s’adressent uniquement aux professionnels et non
aux particuliers. Elles comprennent des métiers relevant notamment du génie ther-
mique, du génie électrique, du traitement des piscines et de l’ingénierie réseaux.
Toutes les activités sont organisées en gestion de projet et l’entreprise réalise environ
13 000 projets par an (Hervé et al., 2007).

1.  www.lesechos.fr, « Le groupe de BTP Hervé Thermique reprend Billon et Actem », 23 avril 2014.

146
Hervé Thermique  ■  Cas 8

Le groupe Hervé est une entreprise patrimoniale (dont le capital est détenu par
Michel Hervé et sa famille) organisée sous forme d’un conseil de surveillance avec
directoire (Michel Hervé est président du conseil de surveillance, Emmanuel Hervé est
président du directoire). Depuis sa création, la stratégie du groupe Hervé consiste en
une diversification de ses activités en intégrant de nouvelles compétences. L’entreprise
est ainsi présente sur l’ensemble du territoire français et se développe également à
l’international en assurant une présence en Suisse, grâce à sa filiale Alvazzi spécialisée
dans les mêmes activités qu’Hervé Thermique. Par ailleurs, les filiales Hervé Maroc et
Hervé Belgium sont en charge du développement de l’entreprise en Afrique du Nord.
Pour se différencier des multinationales du BTP, Hervé Thermique tente de développer
les projets sur mesure. L’entreprise a réalisé l’équipement de la tour Majunga à la
Défense, pour le compte d’Eiffage. Parmi les chantiers récents remportés par cette ETI
familiale, citons le Nouveau Stade et la Cité des civilisations du vin à Bordeaux.
Le groupe Hervé peut être représenté comme une cellule du monde vivant
(cf. figure 8.1) : en blanc, le groupe ; en gris clair, les territoires ; en gris foncé, les
structures de managers d’activités et les cercles blancs sont les intra-entrepreneurs.
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Groupe Hervé
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Pôle - Territoire

Figure 8.1 – Le groupe Hervé

147
11 cas de stratégie

En interne, l’entreprise Hervé Thermique a la particularité d’avoir une structure


hiérarchique relativement aplatie avec seulement quatre niveaux d’emboîtement
(Hervé et al., 2007) :
• Les intra-entrepreneurs sont constitués des responsables d’affaires pour les plus
gros projets, les responsables de chantier pour les projets moins importants et les
agents techniques pour les activités de maintenance. Ces derniers sont en contact
direct avec les parties prenantes externes (sous-traitants, fournisseurs et clients
notamment) et doivent animer des équipes de travail afin de faciliter le bon dérou-
lement des projets.
• Les managers d’activités sont de réels entrepreneurs polyvalents qui sont à la
fois commerciaux, responsables des ressources humaines de leur structure,
gestionnaires, etc. Ce sont eux qui déterminent les personnes avec qui ils sou-
haitent travailler (clients, fournisseurs, collaborateurs). Il y a actuellement
environ 200 managers d’activités au sein du groupe. Selon Michel Hervé, le
manager d’activités est également « un chef d’orchestre qui va être sélection-
neur, éducateur et catalyseur dans le groupe »1, c’est-à-dire favoriser l’expres-
sion des expériences singulières tout en assurant un consensus au sein de son
équipe.
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• Les managers de territoire sont en charge d’une équipe d’environ 15 managers
d’activités sur un territoire donné. Leur rôle est d’accompagner les managers
d’activités dans leur reussite.
• Le manager de groupe qui est actuellement Emmanuel Hervé, fils de Michel
Hervé, a pour rôle de manager les managers de territoire et de s’occuper du déve-
loppement stratégique de l’entreprise.
Au niveau opérationnel, les salariés (responsables d’affaires ou responsables de
chantier) sont regroupés en structure d’une quinzaine de personnes, structure gérée
par un manager d’activités. Ces structures sont regroupées en territoires gérés par
des managers de territoire, de sorte que chaque manager de territoire gère une quin-
zaine de managers d’activités. Les managers de territoire sont en lien direct avec le
manager de groupe. Ce fonctionnement, qui se veut réticulaire (Hervé et Brière,
2012), repose sur une culture de l’intra-entrepreneuriat prônée par Michel Hervé,
pour qui chaque collaborateur doit «  se vivre comme un artisan  »2, se fixer ses
propres objectifs individuels et collectifs et gérer son budget. Concrètement, les
salariés du groupe doivent être rapidement autonomes, prendre des initiatives et faire
preuve de responsabilité. Ainsi, selon Michel Hervé, « l’homme n’est jamais plus
efficace, quantitativement (productivité) et qualitativement (innovation) que lorsqu’il

1.  «  L’intra-entrepreneur  », Interview de Michel Hervé, Les matins de l’innovation ISIS, 2  mai  2012, www.
youtube.com/watch?v=vvIqqE5lrjU
2.  Op. cit.

148
Hervé Thermique  ■  Cas 8

est responsabilisé »1. Ce fonctionnement en réseau supprime ainsi la pyramide hié-


rarchique au profit d’un management décentralisé.
En complément de ce fonctionnement opérationnel, onze réseaux fonctionnels ont
été mis en place pour des sujets transversaux qui concernent l’entreprise dans sa
globalité (gestion des ressources humaines, gestion budgétaire, techniques et
méthodes, santé sécurité environnement, production travaux, production mainte-
nance, logistique, finance et risques clients, commercial et ingénierie de l’offre,
achats métiers). Afin de mieux comprendre le mode de fonctionnement de l’entre-
prise Hervé, il est possible de schématiser (cf. figure 8.2) l’interrelation entre le
réseau opérationnel (en gris clair) et le réseau fonctionnel (en gris foncé).

Opérationnels Fonctionnels

s
ion Manager
un
Ré Groupe Réun
ions
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Animateur Animateur
Manager Manager Groupe Groupe
Territoire Territoire réseau A réseau B


un
s ion
on s
u ni

Animateur Animateur
Manager Manager Territoire
Territoire
d'activités d'activités réseau B
réseau A
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Equipe
Animateur
Activité
réseau A

Animateur
Activité
réseau B

Réunions

Figure 8.2 – L’interrelation entre le réseau opérationnel et le réseau fonctionnel


dans le groupe Hervé

1.  Op. cit.

149
11 cas de stratégie

Sur cette figure, sont également représentées les différentes réunions :


––de l’équipe des intra-entrepreneurs (animée par le manager d’activités avec son
équipe, certains ayant en plus de leur rôle opérationnel, un rôle fonctionnel) ;
––des managers d’activités, animées par les managers de territoire, auxquelles sont
associés des animateurs de territoire (qui ont aussi une fonction opérationnelle) ;
––des managers de territoire, animées par le manager groupe qui dispose également
d’une équipe d’animateurs groupe (qui ont aussi une fonction opérationnelle).
Les missions fonctionnelles sont assumées par ceux qui exercent aussi des respon-
sabilités opérationnelles, quel que soit leur poste (Hervé et Brière, 2012). Ces der-
niers ont pour objectif d’étudier le fonctionnement de l’entreprise et ce travail passe
par une collaboration étroite avec le réseau opérationnel. Ils proposent des actions à
mener mais n’ont aucun pouvoir de décision, ce dernier étant réservé au pouvoir
opérationnel. L’intérêt poursuivi est de permettre d’améliorer et de faire évoluer le
fonctionnement de l’organisation. Pour éviter ou limiter le recours à la supervision
directe, limiter la concentration des pouvoirs et responsabiliser les salariés, le groupe
Hervé a fait le choix d’encourager la régulation entre les salariés : « Ce qui fait auto-
rité, c’est la reconnaissance de pairs et non plus la contrainte hiérarchique » (Hervé
et Brière, 2012 : 482). Ainsi, les réunions opérationnelles mensuelles et l’organisation
en réseaux fonctionnels favorisent l’échange d’informations et de pratiques.
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2  Michel Hervé, un pionnier du management participatif

Au cours de sa carrière au sein du groupe, Michel Hervé a également embrassé


une carrière politique en tant que maire de la ville de Parthenay pendant 22 ans de
1979 à 2001, député de l’Assemblée nationale de 1986 à 1988 et député au Parle-
ment européen de 1989 à 1994. Tant dans son entreprise que dans la ville qu’il a
administrée ou dans ses fonctions de député, Michel Hervé n’a eu de cesse d’expé-
rimenter les principes de la démocratie participative  : «  Au sein d’Hervé Ther-
mique, puis du groupe Hervé, j’ai souhaité mettre en place une vraie culture
d’entreprise axée sur la liberté d’initiative, le partage d’expériences, l’esprit de
cohésion et le renouvellement des organisations »1. Ce type de management repose
sur un mode de management humaniste, qui concilie l’individu et le collectif. Les
salariés du groupe sont ainsi encouragés à être autonomes, responsables et à
prendre des initiatives. Afin d’éviter toute prise de pouvoir abusive par un manager,
la démocratie participative semble être, pour Michel Hervé, le meilleur mode de
gestion pour son entreprise. Il s’est en effet inspiré du modèle de démocratie pour
lequel les élus expriment leurs points de vue et sont associés à la réflexion et à la
prise de décision sans pour autant être maîtres de la décision qui aboutira. Au sein

1.  www.lepetiteconomiste.com, « Entretien avec Michel Hervé, entrepreneur, pionnier de la démocratie partici-
pative et du numérique, 24 juillet 2009.

150
Hervé Thermique  ■  Cas 8

d’Hervé Thermique, les salariés sont incités à participer à des groupes de travail et
en même temps à faire évoluer les règles de fonctionnement de l’entreprise.
Concrètement, chaque réunion d’équipe ou de groupe de travail fait l’objet d’un
compte rendu. Ce compte rendu est ensuite déposé en accès libre sur l’intranet.
L’ensemble des salariés de l’entreprise peut interagir en étant force de proposition
pour améliorer le fonctionnement de l’entreprise. Pour Michel Hervé, «  ces
comptes rendus représentent les meilleurs indicateurs du climat interne. Cela fait
plus de sept ans que le mode de management d’Hervé Thermique profite d’un intra-
net dont les fonctionnalités sont 100 % maison. On y trouve notamment un annuaire
autogéré des expertises, une solution qui permet aux salariés d’évaluer les compé-
tences de leurs managers, un outil qui permet aux chefs de chantier de passer leurs
achats en direct sans avoir besoin de validation »1.
Ce management est rendu possible grâce à un système de communication très
développé. L’entreprise a été précurseur dans ce domaine et tente d’avoir toujours
un temps d’avance sur ses concurrents. En effet, le recours aux technologies de
l’information et de la communication (TIC) est très développé au sein du groupe
Hervé, « du commercial au technicien, en passant par l’ingénieur ou le responsable
d’agence, tous nos collaborateurs sont équipés d’ordinateurs portables. Leurs don-
nées de travail sont ainsi centralisées en temps réel au sein d’Hervé Consultants, tête
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du réseau informatique du groupe. Ces outils nous permettent d’être réactifs et grâce
aux données collectées, de pouvoir fournir aux clients l’expertise nécessaire à un
produit ou à une prestation conçus sur mesure »2.

3  La fonction de contrôle au sein d’Hervé Thermique

Le fonctionnement déhiérarchisé de l’entreprise Hervé Thermique ne peut fonc-


tionner qu’à partir du moment où des mécanismes de contrôle sont mis en place afin
de veiller au bon déroulement de l’ensemble des activités. Il est possible de réperto-
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rier cinq mécanismes de contrôle, présents dans l’entreprise, qui peuvent être répar-
tis entre les mécanismes de contrôle formels et les mécanismes de contrôle
informels.

3.1  Les mécanismes de contrôle formels


• Structurels  : l’entreprise est structurée de manière à ce que les collaborateurs
s’inscrivent aussi bien dans une hiérarchie verticale opérationnelle que dans des

1.  www.zdnet.fr , «  Une forme de démocratie participative dans l’entreprise ne serait donc pas une utopie  »,
29 mars 2007.
2.  www.lepetiteconomiste.com, «  Entretien avec Michel Hervé, entrepreneur, pionnier de la démocratie
participative et du numérique, 24 juillet 2009.

151
11 cas de stratégie

réseaux transversaux, appelés « réseaux fonctionnels » (cf. les onze réseaux fonc-
tionnels décrits plus haut). Ces réseaux ont pour mission de contrôler pour le
compte des opérationnels et d’éduquer (Hervé et Brière, 2012), c’est-à-dire de
former les salariés à leurs différentes missions. Cette fonction de contrôle est
exclusivement dévolue aux réseaux fonctionnels de manière à ce que ce contrôle
ne soit pas directement exercé par la ligne hiérarchique  : les managers. Ainsi,
Hervé et Brière (2012 : 426) affirment : « Ce ne doit surtout pas être le responsable
hiérarchique qui contrôle le bon respect des règles collectives (règles de sécurité,
normes comptables, etc.) car alors, quelque remarque qu’il fasse à un subordonné,
celui-ci pourra toujours l’interpréter comme l’effet d’un problème relationnel
entre eux. »
• Par les résultats : quantitatifs (les tableaux de bord et audits effectués sur place)
et qualitatifs (satisfaction de la clientèle).
• Par les comportements : les procédures (ex. : les réunions d’équipe mensuelles,
la mutualisation des connaissances et compétences, l’utilisation des TIC qui favo-
rise la communication au sein du groupe, la remontée d’informations de la base
vers le sommet de la pyramide, ainsi que la transparence des informations). Selon
Hervé et Brière (2012 : 208), « la transparence recherchée, avec l’aide des NTIC,
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a pour but de permettre à chacun non seulement de trouver la ressource (informa-
tion ou compétence) répondant à son besoin, mais surtout de se comparer aux
autres pour créer une émulation positive ».

3.2  Les mécanismes de contrôle informels


Ils se traduisent par un contrôle social du collectif :
• Ils s’exercent notamment au travers des valeurs partagées et prônées (la singula-
rité, la satisfaction des clients, la responsabilité, la transparence) via le processus
de recrutement, la période d’intégration, le tutorat ainsi que le langage utilisé.
Ainsi, un vocabulaire propre à l’entreprise tel que « intra-entrepreneurs », « être
artisans (ou chefs d’entreprise) dans une entreprise », « responsable de chantier »
(et non chef de chantier), « manager d’activités » (et non chef d’équipe), « mana-
ger de territoire  » (et non directeur régional), «  manager de groupe  » (et non
directeur) doit être connu et utilisé par l’ensemble des salariés.
• Ils s’appliquent également au travers de la présence des pairs : Michel Hervé prône
un travail collectif pour lequel chacun doit prendre des initiatives, collaborer et
mutualiser ses connaissances au sein de son équipe. À titre d’illustration, l’entre-
prise ne verse pas en fin d’année de prime individuelle, ce qui serait contre-pro-
ductif, selon Michel Hervé mais une prime pour l’ensemble des collaborateurs et
égale pour tous  : «  L’hypothèse est que l’intériorisation des normes du modèle,
associée au contrôle social, est autrement plus efficace pour faire respecter les

152
Hervé Thermique  ■  Cas 8

normes que ce type d’incitation » (Hervé et al., 114-145). À titre d’exemple, le


montant du salaire de Michel Hervé ainsi que celui des cinq responsables les
mieux rémunérés sont disponibles sur l’intranet de l’entreprise (Hervé et al.,
2012).
Nous pouvons conclure la présentation de cette entreprise en soulignant l’impor-
tance de la culture organisationnelle dans la réussite de cette entreprise. Hervé Ther-
mique est devenue au fil des ans un modèle de management participatif et
d’intra-entrepreneuriat. La culture d’Hervé Thermique sera-t-elle préservée lorsque
son fondateur Michel Hervé ne sera plus présent dans l’entreprise ? Son fils, Emma-
nuel Hervé, qui a pris récemment la direction de l’entreprise après vingt ans de
participation au développement du groupe va-t-il conserver les principes qui ont fait
la réussite du Groupe ? Seul l’avenir pourra le dire, mais Emmanuel Hervé compte
bien, avec l’ensemble des managers, préserver cette culture d’entreprise.

Questions
1 ■ Quelle est l’intention stratégique du dirigeant Michel Hervé ?
2 ■ Analysez la culture de l’entreprise Hervé Thermique.
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3 ■ Sur quoi repose le succès d’Hervé Thermique ?
4 ■ Quel est le rôle d’un manager d’activités au sein de cette entreprise ?
5 ■ Comment assurer le bon fonctionnement d’un management participatif ?
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153
11 cas de stratégie

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

1.  Quelle est l’intention stratégique du dirigeant Michel Hervé ?


Pour répondre à cette question, il peut être rappelé, en guise d’introduction, la
définition de l’intention stratégique. Selon Johnson et al. (2011), comprendre
l’intention stratégique d’un dirigeant signifie appréhender et identifier ses repré-
sentations mentales de la situation actuelle et à venir de son entreprise, sur les-
quelles il s’appuie pour envisager des stratégies et conduire son organisation.
L’intention stratégique doit répondre avant tout à cette question : « En quoi et pour
qui l’organisation fait-elle la différence ? ». Il faut donc répondre aux attentes des
parties prenantes qui sont en relation avec l’activité de l’organisation.
L’intention stratégique de Michel Hervé se décline en trois principaux objectifs :
––un objectif économique : celui de dégager des marges pour que son entreprise
soit rentable, être compétitif vis-à-vis de ses concurrents et fidéliser ses clients
en leur apportant un service de qualité ;
––un objectif managérial : chacun doit faire preuve d’autonomie et de responsa-
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bilité. Dès la création de son entreprise en 1972, Michel Hervé a laissé à ses
collaborateurs directs la gestion des différentes activités. En atteste la structure
hiérarchique relativement aplatie du groupe Hervé (seulement quatre niveaux).
Le manager de groupe est responsable des décisions stratégiques, les managers
de territoire sont en charge de toutes les décisions qui concernent le territoire qui
leur est imparti, les managers d’activités sont responsables du choix de leurs
clients et de la nature des projets auxquels ils répondent, enfin les intra-entrepre-
neurs doivent gérer dans leur intégralité les projets dont ils ont la
responsabilité ;
––un objectif sociétal : l’entreprise se développe au cœur même de la société dans
la mesure où Michel Hervé souhaite que toutes les parties prenantes (stakehol-
ders) de son entreprise puissent bénéficier des retombées de ses activités. Ce
dirigeant a eu dès la création de son entreprise une vision sociétale de son entre-
prise qu’il considère comme un acteur territorial œuvrant pour le bien-être com-
mun et le dynamisme du tissu économique local. À chaque niveau hiérarchique,
la structure est pensée de manière à ce que tous les salariés soient en contact
direct avec les différents stakeholders de l’entreprise (fournisseurs, clients,
financeurs). Michel Hervé a la volonté de dépasser le principe traditionnel d’une
autogestion pour en faire une gestion participative où chaque individu, directe-
ment ou indirectement impliqué dans l’activité de l’organisation, participe au
fonctionnement de l’entreprise.

154
Hervé Thermique  ■  Cas 8

2.  Analysez la culture de l’entreprise Hervé Thermique.


Ce cas permet de vérifier la bonne maîtrise du tissu culturel d’une organisation.
Selon Johnson (1992), le tissu culturel est une représentation des manifestations
physiques et symboliques des croyances implicites d’une organisation.
Dans l’analyse du tissu culturel de l’entreprise Hervé Thermique devraient appa-
raître les éléments suivants :
• Le paradigme. Culture de l’intra-entrepreneuriat fondée sur le management
participatif et l’agilité de l’entreprise
• Les rites et routines. Les réunions d’équipes mensuelles formelles pour per-
mettre la dynamique de groupe, les entretiens d’évaluation de l’encadrement qui
se tiennent chaque année, la formalisation de la procédure d’intégration d’un
nouveau salarié et le tutorat, les routines dans l’utilisation des TIC.
• Les symboles. Le logo de l’entreprise. Les normes de l’entreprise se retrouvent
également dans l’utilisation d’un langage spécifique (Pettigrew, 1996) : « intra-
entrepreneurs  », «  être artisans (ou chefs d’entreprise) dans une entreprise  »,
« responsable de chantier » (et non chef de chantier), « manager d’activités » (et
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non chef d’équipe), «  manager de territoire  » (et non directeur régional),
« manager de groupe » (et non directeur).
• Les mythes. Michel Hervé est un leader charismatique qui a, tout au long de sa
carrière, cumulé de nombreuses et prestigieuses responsabilités  : PDG du
groupe Hervé pendant quarante ans, maire de Parthenay de 1979-2001, précur-
seur lors de ses mandats de la « ville numérique », ancien député à l’Assemblée
nationale (1986-1988) et au Parlement européen (1989-1994). Il est le fondateur,
le détenteur du capital et le concepteur de la philosophie de l’entreprise. Il
détient une légitimité totale vis-à-vis de ses collaborateurs ainsi qu’un pouvoir
incontesté et est, pour ces différentes raisons, comparé à « Dieu le Père » par
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Alain d’Iribarne (Hervé et al., 2012 : 147).


• Les structures de pouvoir. Une organisation de travail entre pairs fondée sur le
principe de la démocratie participative. Valorisation du pouvoir de création.
Forte autonomie des managers d’activités.
• La structure organisationnelle. C’est une structure décentralisée en 200 entre-
prises composant le groupe qui fonctionne en réseau sur le mode de la coopéra-
tion. Cette structure est rendue possible grâce un système de NTIC très
performant et plus particulièrement grâce aux nombreux outils collaboratifs
proposés (intranet, wiki, forum, visioconférence, messagerie électronique
(Hervé, 2007 : 37).

155
11 cas de stratégie

• Les systèmes de contrôle. Le système de contrôle est fondé sur l’auto-évalua-


tion mise en place pour tous les salariés de l’entreprise. Chacun doit se fixer
ses propres objectifs à atteindre et procéder régulièrement à une auto-évalua-
tion dans le but de s’améliorer continuellement. Ce système est efficace à
partir du moment où la personne intéressée s’investit véritablement dans cet
exercice. Cette auto-évaluation est ensuite couplée à une évaluation par les
collaborateurs. Le responsable va évaluer ses collaborateurs mais il sera éga-
lement évalué par son équipe. Cette confrontation avec les pairs permet ainsi
de favoriser la communication au sein de l’équipe et de résoudre les tensions
plus rapidement. Il y a également un système de reporting des réunions qui
permet d’exercer à la fois un contrôle des individus et du collectif. Le système
d’information-communication très performant permet en outre de diffuser
rapidement des informations en toute transparence. La structure opérationnelle
et fonctionnelle de l’entreprise assure enfin un contrôle des tâches de chacun.
La figure  8.3 permet de représenter le tissu culturel de l’entreprise Hervé
Thermique.
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Mythes
Michel Hervé,
le fondateur de Symboles
l’entreprise et le Logo de l’entreprise
détenteur du capital et vocabulaire utilisé

Rites Pouvoir
Réunions mensuelles, Fondé
Paradigme sur un management
entretiens d’évaluation,
tutorat Culture participatif
de l’intra-entrepreneuriat

Structure
Contrôle Décentralisée
Évaluation, reporting, qui fonctionne en réseau
transparence sur le mode
des informations de la coopération

Figure 8.3 – Le tissu culturel de l’entreprise

156
Hervé Thermique  ■  Cas 8

3.  Sur quoi repose le succès d’Hervé Thermique ?


Le succès du groupe Hervé repose sur trois principaux éléments :
• Le système de management est fondé sur le principe de démocratie participa-
tive. Ce type de management repose sur un mode de management humaniste,
qui concilie l’individu et le collectif. Les salariés du groupe sont ainsi encoura-
gés à être autonomes, responsables et à prendre des initiatives. Afin d’éviter
toute prise de pouvoir abusive par un manager, la démocratie participative
semble être, pour Michel Hervé, le meilleur mode de gestion pour son entre-
prise. Il s’est en effet inspiré du modèle de démocratie au sein duquel les élus
expriment leurs points de vue et sont associés à la réflexion et à la prise de déci-
sion sans pour autant être maîtres de la décision qui aboutira.
• L’entreprise fonctionne en réseau, ce qui supprime la pyramide hiérarchique. Ce
mode de gestion est rendu possible grâce à un système de communication
vaste et intense (intranet, wiki, forum). L’informatique a une place centrale
dans l’entreprise, ce qui permet de faciliter la transparence des informations. De
plus, le réseau TIC très performant permet à l’entreprise de fonctionner et de
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communiquer grâce à des réseaux fonctionnels qui constituent les supports de
l’opérationnel. Au nombre de onze, ces réseaux ont été mis en place exclusive-
ment pour traiter des sujets transversaux (RH, gestion budgétaire, techniques et
méthodes, santé sécurité environnement, production travaux, production mainte-
nance, logistique, finance et risques clients, commercial et ingénierie de l’offre,
achats métiers). Les responsables de réseaux fonctionnels ont pour objectifs
d’étudier le fonctionnement de l’entreprise et ce travail passe par une collabora-
tion étroite avec le réseau opérationnel. Ils proposent des actions à mener mais
n’ont aucun pouvoir de décision, ce dernier étant réservé au pouvoir opération-
nel.
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• Un management fondé sur la culture de l’entrepreneuriat : cette entreprise


est fondée sur une organisation de travail collectif où la relation entre pairs est
très prégnante. Par ailleurs, chacun doit faire preuve d’autonomie et de respon-
sabilité : « L’homme n’est jamais plus efficace, quantitativement (productivité)
et qualitativement (innovation) que lorsqu’il est responsabilisé  ». Chacun se
fixe ses propres objectifs : « Chez Hervé Thermique, les objectifs globaux de
l’entreprise correspondent à la somme des objectifs individuels de l’ensemble
des salariés ; aucun autre objectif n’est imposé par la hiérarchie » (Hervé et
al., 2007 : 27). À titre d’exemple, c’est au collaborateur de négocier l’augmen-
tation de sa rémunération comme un véritable entrepreneur et non à l’entre-
prise de le faire. Ce système de valorisation du travail réalisé, fondé sur
l’atteinte des objectifs fixés, fait partie intégrante des procédures du groupe
Hervé Thermique.

157
11 cas de stratégie

4.  Quel est le rôle d’un manager d’activités au sein de cette entreprise ?
Au sein d’Hervé Thermique, un manager d’activités est un responsable qui est en
charge d’une équipe de 15 à 20 collaborateurs. C’est un réel entrepreneur, à la
fois commercial, responsable des ressources humaines de son équipe, gestion-
naire. Il fait le lien entre le manager de territoire (ou chef d’agence) et les chefs
de projet (ou chefs de chantier). Pour cela, il doit être capable d’articuler la
logique territoriale avec celle du client/chantier. Il détermine les personnes avec
qui il souhaite travailler (clients, fournisseurs, collaborateurs). Selon Michel
Hervé, le manager d’activités « est [également] un chef d’orchestre qui va être
sélectionneur, éducateur et catalyseur dans le groupe  »1, c’est-à-dire favoriser
l’expression des expériences singulières tout en assurant un consensus au sein de
son équipe (cf. figure 8.4).

Manager d'activités

Entrepreneur
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Chef d'orchestre
Fraternité

Sélectionneur Éducateur Catalyseur


Recrutement Rupture - Contrôler (N-1) - Favoriser l'expression
Aller vite 1. non volonté par information des expériences singulières
+ priorité à d'évoluer auprès N-2 positives ou négatives Lien avec l'extérieur
la compétence du salarié
- Surligner les erreurs - Amplifier l'expression
Aller loin 2. incapacité minioritaire
+ priorité au du responsable - Expliciter les règles
comportement à le faire évoluer - Intensifier la communication
Humilité - Susciter la subsidiarité virale (voyages)
Empathie 3. accord implicite auprès des pairs, du père
Résistance du groupe - Construire de la norme
Vivacité consensuelle
Entreprenant - par l'autorité des arguments
- par l'élargissement de l'espace
- par un changement d'échelle
de temps

Figure 8.4 – Le manager d’activités chez Hervé Thermique

1.  « L’intra-entrepreneur », Interview de Michel Hervé, Les matins de l’innovation ISIS, 2 mai 2012, www.
youtube.com/watch?v=vvIqqE5lrjU
158
Hervé Thermique  ■  Cas 8

Les managers doivent avoir « des compétences de gestionnaire spécifiques qui les
rapprochent des coachs » (Hervé et al., 2012 : 143) :
––déléguer le maximum de tâches à leurs collaborateurs ;
––tutorer, notamment pendant la période d’intégration dans l’entreprise ;
––réguler les tensions si cela devient nécessaire ;
––savoir se remettre en cause en acceptant les remarques faites par son équipe lors
de l’évaluation annuelle.

5.  Comment assurer le bon fonctionnement d’un management


participatif ?
Le management participatif mis en place dans le groupe Hervé repose sur plu-
sieurs éléments qui nécessitent d’être explicités pour en comprendre le fonction-
nement.
Une ligne hiérarchique courte
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Dans le groupe Hervé, il y a quatre niveaux hiérarchiques  : le dirigeant de
l’entreprise, le manager de territoire (aussi appelé chef d’agence), le manager
d’activités (aussi appelé responsable métiers) et l’intra-entrepreneur. Cette
structure assure ainsi une prise de décision plus rapide, une liberté d’action plus
importante et enfin une plus grande prise d’initiative de la part de la « base » de la
hiérarchie.
Des compétences individuelles et collectives
Dans ce mode de management, les compétences individuelles recherchées au sein
du groupe sont :
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––professionnelles et techniques liées aux différents métiers ;


––fonctionnelles  : savoir maîtriser les outils informatiques présents dans
l’entreprise ;
––mais aussi comportementales : faire preuve d’autonomie en faisant face à l’im-
prévu, de responsabilité en prenant les bonnes décisions, d’implication et d’en-
trepreneuriat en prenant des initiatives.
Au niveau du collectif, il faut savoir :
––informer ses supérieurs mais également ses collègues et ses subordonnés à l’aide
de l’intranet ou lors des réunions d’équipe ;
––coopérer avec les membres de son équipe, et par extension avec tout individu qui
participe à la fabrication d’un produit ou d’un service ;

159
11 cas de stratégie

––mutualiser les connaissances de chacun pour développer une intelligence collec-


tive, gage d’avantage concurrentiel de l’entreprise. La force de l’entreprise
Hervé Thermique repose sur cet ensemble de capacités qui assure une qualité de
service supérieure à celle des concurrents. Les qualités humaines essentielles
pour réussir dans le groupe sont :
H = Humilité
E = Empathie
R = Résistance
V = Vivacité
E = Entrepreneuriat
Des mécanismes de contrôle
• Les TIC, et plus particulièrement l’intranet, sont utilisés pour garantir la trans-
parence des informations (comptes rendus de réunions, outils d’évaluation…) et
servent par conséquent d’outils de contrôle. Par ailleurs, les outils de gestion
proposés par l’entreprise (Internet, intranet, les différents logiciels opération-
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nels, les tableaux de bord, etc.) doivent être parfaitement maîtrisés par les sala-
riés qui doivent en faire un usage « agile », c’est-à-dire savoir « s’en servir avec
discernement » pour réagir de manière proactive.
• Le contrôle social du collectif s’exerce notamment au travers des valeurs par-
tagées et prônées par son dirigeant (la singularité, la satisfaction des clients, la
responsabilité, la transparence) via le processus de recrutement et d’intégration
ainsi que le langage utilisé. Le contrôle social dépend également du regard des
pairs, puisque Michel Hervé prône un travail collectif pour lequel chacun doit
être capable de collaborer et mutualiser ses propres connaissances avec les
membres de son équipe. Parmi les procédures collectives mises en place dans
l’entreprise, notons entre autres l’évaluation individuelle annuelle qui s’effectue
par les membres de l’équipe, les réunions d’équipes mensuelles ou encore le
tutorat.

160
CAS 9. I-BISENESS

Pascale Borel, Richard Soparnot


in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 161 à 176


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-161.htm
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Cas

9 i-Biseness
Pascale Borel et Richard Soparnot
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 Présentation du cas
Problématique
Comment réussir une stratégie de diversification dans le e-business ?
Résumé
C’est en 2008 que Jérôme Iavarone lance sa première e-boutique. Les années sui-
vantes, cet entrepreneur crée d’autres sites de vente, relevant de secteurs d’activités
variés. C’est ainsi que Jérôme Iavarone a imposé son business model dans le secteur
de la vente de matériel de coiffure, de chaussures et de couteaux et plus récemment
dans la vente d’huîtres online. Il reçoit aujourd’hui une proposition pour développer
une e-boutique de produits cosmétiques. Il doit se prononcer rapidement sur cette
opération de diversification. Ce projet de développement est-il en phase avec le busi-
ness model de la société ? L’opportunité est intéressante, il le sait, alors que faire ?
Objectifs
Le cas vise quatre objectifs :
––évaluer la faisabilité opérationnelle d’une diversification ;
––évaluer la pertinence stratégique d’une diversification ;


11 cas de stratégie


––développer une argumentation structurée en vue d’une prise de décision
stratégique ;
––découvrir le secteur du e-business.
Outils mobilisés
••L’approche Resource-based view pour repérer les ressources et les capacités
d’une entreprise.
••L’approche par les opportunités et les risques stratégiques.

Après un Master en développement informatique et une expérience de plusieurs


années comme chef de projet informatique dans une multinationale, Jérôme Iava-
rone décide de créer une société de conseil spécialisée dans la création de sites
Internet. La société i-Biseness est fondée en 2008.
Poussé par un environnement de marché favorisant le développement d’e-
business, Jérôme Iavarone oriente rapidement son activité de conseil vers la création
de sites e-commerce pour ses clients. Dès lors, l’entrepreneur perçoit la nécessité de
mieux connaître ce que vivent ses clients. Pour cela, il décide de développer une
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boutique de commerce en ligne, dédiée à la vente de matériel de coiffure. Cette
e-boutique se veut avant tout un magasin test, un véritable e-laboratoire au service
de ses clients. En effet, la boutique en ligne Hair-professionnel.com lui offre la pos-
sibilité de tester des développements et des actions marketing en situation réelle et
d’apporter ainsi les meilleurs conseils à ses clients e-commerçants via ce retour
d’expérience. Informaticien et développeur, Jérôme Iavarone possède la culture du
test qui est l’une des spécificités du e-business. Cette qualité donnera toutes les
chances au site Hair-professionnel.com de se développer.
Le succès rencontré par Hair-professionnel.com oblige Jérôme Iavarone à faire un
choix stratégique important. En effet, face aux difficultés qu’il rencontre à mener ces
deux activités en parallèle, Jérôme Iavarone doit cesser l’une de ces deux activités :
le conseil ou l’e-commerce. Mais laquelle de ces activités abandonner ? Doit-il pri-
vilégier son activité de conseil, son premier métier, ou se consacrer pleinement au
développement de sa e-boutique de matériel de coiffure ? C’est le critère du temps
qui sera le critère clé de sa décision. En effet, voyant le temps disponible comme une
ressource limitée dans une activité de conseil, Jérôme Iavarone est rapidement
convaincu que son activité d’e-commerçant lui apportera davantage de perspectives
de développement. Il décide donc de mettre entre parenthèses ses activités de conseil
pour se consacrer entièrement à son nouveau métier d’e-commerçant.
Fort du succès de Hair-professionnel.com, Jérôme Iavarone poursuit le développe-
ment de sa société i-Biseness en lançant d’autres enseignes d’e-boutiques, sur
d’autres marchés. En 2010, une opportunité conduit cet entrepreneur à ouvrir une
e-boutique dans la coutellerie et en 2014 il investit le marché de la chaussure sur

162
i-Biseness  ■  Cas 9

Internet. Ces deux activités n’existent plus aujourd’hui. Jérome Iavarone relativise
néanmoins ces échecs car ils n’ont pas entraîné de pertes financières et lui ont per-
mis de tester et conforter son business model. Il n’a d’ailleurs pas hésité en 2013 à
se lancer sur un nouveau marché, en créant Huitre-en-ligne.com avec son ami, pres-
tataire et partenaire Matthieu Huguet. Cette même année, le chiffre d’affaires de la
SARL i-Biseness approche 1,4 million d’euros. Jérôme Iavarone est un entrepreneur
et e-commerçant reconnu dans la région d’Auvergne.
Le business model de la société i-Biseness a été bâti pour répondre à un double
objectif : le premier est lié aux aspirations de son fondateur, animé par le souhait de
pouvoir travailler «  où je veux, quand je veux, avec qui je veux, sur ce que je
veux ! », et le second par l’idée qu’il faut gagner du temps pour être plus efficient,
et ainsi savoir sous-traiter, externaliser et « automatiser » les activités qui peuvent
l’être. Aujourd’hui, le business model mis en place est structuré autour de presta-
taires en freelance et d’un associé administratif et financier qui assure également la
logistique, le service client et une partie de la gestion administrative de la société.
Les prestataires associés au développement de la société i-Biseness sont web-mar-
keters, rédacteurs de contenu web, développeurs, administrateurs système, commu-
nity managers ou encore web-designers.
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Aujourd’hui, une nouvelle page s’ouvre dans le développement de la société
i-Biseness. Jérôme Iavarone a reçu une proposition pour développer une e-boutique
de produits cosmétiques. Il doit se prononcer rapidement sur cette nouvelle opéra-
tion de diversification. Jérome Iavarone s’interroge sur la pertinence de ce nouveau
projet. Doit-il investir des ressources dans ce projet ou se recentrer sur ses activités ?
Cette opération de développement est-elle en phase avec le business model de la
société ? L’opportunité est intéressante, alors que faire ?
Ne sachant que décider, Jérome Iavarone décide de s’entourer des conseils d’une
amie, Chloé D., consultante dans un cabinet conseil en stratégie. C’est une experte
de l’analyse des marchés. Il a souvent échangé avec elle sur les raisons de l’échec
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des e-boutiques de chaussures et de couteaux. Il lui demande de venir le rejoindre


pour une réunion.

1  Les origines

Jérôme I. : Comme tu le sais, je dois me prononcer sur le projet d’e-boutique de


produits cosmétiques. J’ai besoin de discuter avec toi pour y voir plus clair, et faire
un peu le bilan de la société i-Biseness, de ses succès et de ses échecs !
Chloé D. : Oui bien sûr, mais alors il va falloir repartir du début !
Jérôme I. : Le démarrage de i-Biseness, je te l’ai déjà raconté… J’ai créé la société
en 2008, avec comme activité première la création de sites Internet pour des tiers,

163
11 cas de stratégie

parce qu’à l’époque je n’avais que ça à vendre ! Mais passons cette étape, elle n’a
pas duré. Je suis en fait devenu e-commerçant en 2009.
Chloé D. : Si je me souviens bien, tu ne connaissais rien au métier de la coiffure
avant de lancer ta première e-boutique dans ce domaine !
Jérôme I. : Effectivement, c’est parce que ma compagne travaillait dans ce secteur,
que je m’y suis lancé. Ce n’est ni une étude de marché, ni les recommandations d’un
cabinet conseil en stratégie qui m’ont amené sur ce secteur ! L’idée initiale était de
lancer une boutique e-commerce pour « apprendre le métier » et pouvoir le revendre
à mes clients. C’est mon contexte de l’époque qui a orienté le choix du produit. J’ai
donc ouvert ma première e-boutique Homme-Expert.
Chloé D. : Et c’est bien la même année que tu as lancé les trois autres sites de
matériel de coiffure, n’est-ce pas ?
Jérôme I. : Oui, j’ai ouvert Hair-professionnel.com, Cheveux-center.com et Pla-
nete-cheveux.com en 2009 sur le même modèle pour «  squatter  » les SERP1 de
Google, comme on dit dans le métier.
Chloé D. : Je n’ai jamais bien compris pourquoi tu avais fait ce choix, qui t’ame-
nait à disperser tes ressources financières, humaines, marketing…
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Jérôme I. : Je le dis tout de suite, ce n’est pas forcément une bonne façon de faire !
Mais il y a cinq ans, cela permettait d’être plus facilement visible sur Google, prin-
cipalement sur la partie référencement naturel mais aussi sur la partie payante, les
AdWords2. Et puis, quel que soit le site par lequel entrait l’internaute, en tapant fer
à lisser, par exemple, il venait acheter chez moi. Cela permettait de maîtriser davan-
tage le marché : si toutes les positions – naturelles ou payantes – m’appartiennent,
alors l’internaute va forcément acheter chez moi. Et ça, c’était l’objectif ultime !
Chloé D. : Aujourd’hui, les choses sont différentes, il vaut mieux se concentrer sur
un seul site.
Jérôme I. : Oui, le coût de la dispersion est bien plus élevé que le gain. C’est pour
cela que j’ai choisi de faire de Hair-professionnel.com, le «  money site  » et des
autres, des « sites satellites ». Comme cela, je les positionne sur des mots clés et on
renvoie le trafic vers Hair-professionnel, le seul qui vend réellement les produits. En
tout cas, la création de ces quatre sites nous a permis de nous développer. Le nombre
de colis expédiés par jour a augmenté de 10 à 20, 40, 50, etc. Le CA est passé de
125 000 euros en 2009, à près de 700 000 en 20103. On commençait à avoir de vrais
problèmes de gestion ! Le premier étant le besoin en fond de roulement.

1. SERP : Search Engine Results Page. Les SERP désignent la page de résultats d’un moteur de recherche.
2.  Google AdWords est une offre publicitaire commercialisée par Google permettant aux annonceurs la diffusion
d’annonces liées aux mots clés utilisés dans les requêtes des internautes. Ces annonces sont principalement
facturées au clic selon un système d’enchères dynamiques. On qualifie plus simplement cette prestation d’« achats
de mots clés ».
3.  Les résultats financiers sont présentés en annexe 1.

164
i-Biseness  ■  Cas 9

Chloé D. : Tu as souvent rappelé que c’est avant tout ta compétence en informa-
tique qui a fait la différence sur ce marché.
Jérôme I. : Oui, j’en suis convaincu. Quand j’ai débuté, le marché était occupé par
des gens du métier de la coiffure, peu aguerris au e-commerce et à Internet. Il y avait
vraiment une place à prendre. Pour faire simple, quand vous tapiez « fer à lisser »
sur Google en 2009, vous n’aviez aucune boutique e-commerce sur la partie natu-
relle des résultats, vous n’en aviez que sur la partie AdWords. Aujourd’hui, les deux
tiers des résultats renvoient à des boutiques e-commerce. Donc on a simplement
travaillé le référencement naturel sur ces requêtes et gagné en visibilité.
Chloé D. : Oui enfin, tu n’étais pas tout seul sur le créneau ?
Jérôme I. : C’est une place que les autres n’avaient pas prise : ils n’avaient pas
investi tous les leviers pour générer du trafic, notamment la partie référencement
naturel qui représente pour nous une part conséquente du chiffre d’affaires. Et je
pense qu’il est plus facile de monter en compétences sur la vente de matériel de
coiffure, en particulier le matériel électrique, que sur le métier d’e-commerçant, qui
demande un nombre de compétences assez étendu, de par la complexité d’Internet.
C’est vraiment ce qui nous a permis d’arriver à un certain chiffre d’affaires.
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Aujourd’hui, on se bat un peu plus pour garder notre place contre des Amazon,
C-Discount, contre une autre forme de concurrence. Il faut investir énormément
dans des projets pour se maintenir face à ces mastodontes.
Chloé D. : D’accord, mais c’est aussi en créant ta propre marque, Trendyliss, que
tu as fait ta place. Et ça, Amazon et C-Discount ne le font pas !
Jérôme I. : Oui tu as raison, je vois mal demain C-Discount ou Amazon fabriquer
des fers à lisser…
Chloé D. : Tu te souviens, on avait beaucoup débattu sur l’opportunité de lancer
ta marque propre. Ce qui t’a convaincu, c’est le sentiment que tu avais d’avoir
contribué à l’accroissement du capital marque d’une marque italienne…
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Jérôme J. : C’était bien une réalité. Nous avons participé à l’augmentation de la
notoriété, de la diffusion et de la valeur de la marque Gama. Et en discutant avec toi,
je me suis simplement dit que si cette marque n’existait plus, ou si un distributeur
exclusif apparaissait, on aurait fait toute la communication pour une marque qui ne
nous appartient pas. Au final, on aurait fait grossir le capital marque de quelqu’un
d’autre, sans contrat d’exclusivité.
Chloé D.  : C’était un bon choix de lancer la marque Trendyliss  ! Regarde
aujourd’hui où elle en est.
Jérôme I.  : Oui, c’est vrai, aujourd’hui Trendyliss a une certaine visibilité sur
Internet. Et puis, elle nous permet de dégager des marges confortables car nous
avons éliminé tous les intermédiaires, de la fabrication usine à la distribution à l’uti-
lisateur final.

165
11 cas de stratégie

Chloé D. : Et comme il est possible d’acheter un fer Trendyliss dans les grandes
enseignes du e-commerce, c’est maintenant elles qui contribuent au développement
de la visibilité de ta marque ! Pourquoi n’as-tu pas voulu aller plus loin, en agran-
dissant ta boutique sur le market place de l’une de ces enseignes ?
Jérôme I. : Parce qu’en allant plus loin et en proposant l’ensemble de ton assorti-
ment produits, tu modifies ton paysage concurrentiel. Sur tes produits, hors marque
propre, tu te retrouves en concurrence avec des distributeurs d’autres pays, qui ont
des politiques de prix plus agressives. En y allant uniquement sur notre marque
propre, on se préserve d’une guerre concurrentielle internationale dans laquelle on
ne pourrait pas jouer avec les mêmes armes… Avec une marque propre, tu maîtrises
ton prix et ta marge.

2 Le business model

Chloé D.  : D’accord, mais ils ont une force de frappe commerciale que tu n’as
pas… C’est pour cela que je me suis toujours demandé si tu ne devrais pas aller plus
loin. Tu vas me dire que cela modifierait trop le business model de la société, et je
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sais que tu y tiens plus que tout ! Quelle est ta philosophie déjà ? « Travailler où je
veux, quand je veux, avec qui je veux, sur ce que je veux », c’est bien cela ?
Jérôme I.  : Oui, c’est bien sur cette philosophie de vie que j’ai bâti le business
model de i-Biseness. Et pour cela, il est primordial de garder une entreprise de taille
humaine.
Chloé D. : Tu as une philosophie de freelance. C’est d’ailleurs probablement pour
cela que tu ne travailles quasiment qu’avec des personnes en freelance, non ?
Jérôme I. : Tu as probablement raison. Car si je les ai d’abord choisis pour leurs
compétences, ils sont tous devenus des amis : c’est bien la preuve qu’on partage une
même philosophie… Enfin mon associé aussi est mon ami, et lui n’est pas freelance.
Il est même à la tête d’une société de plusieurs centaines de salariés !
Chloé D. : C’est un chemin que tu n’as jamais voulu suivre, celui d’être à la tête
d’une société qui compte des dizaines de salariés. Pourquoi ?
Jérôme I. : Au moment où j’ai souhaité me développer, cela m’a paru évident que
la solution passait par la totale externalisation de toutes les tâches, toutes les activi-
tés supports de ma société. Je ne voulais pas être sur un modèle de salariat. Je ne me
voyais pas coincé dans un bureau à devoir diriger des gens. J’ai donc commencé par
chercher un e-logisticien, c’est à ce moment-là que je me suis associé au groupe
RGM1 qui assure, via une de ses sociétés CEC, en plus de la partie stockage, expé-
dition et service clients, la comptabilité, le secrétariat, l’administratif du siège social

1. La société RGM détient 7 % du capital de la société i-Biseness.

166
i-Biseness  ■  Cas 9

et l’archivage. Ensuite, quand j’ai eu besoin de m’entourer d’autres compétences,


j’ai recherché des personnes en freelance.
Chloé D. : Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette organisation ?
Jérôme I. : Je suis content de mes choix, même si cela n’a pas que des avantages.
Parce que dégagé de toutes ces tâches, je peux me concentrer sur ce qui me plaît. Et
puis je n’ai pas de contrainte physique : mon bureau, c’est mon ordinateur et mon
téléphone. Je travaille où je veux, quand je veux. J’ai une vie professionnelle de
freelance alors que je suis gérant d’une société ! Et si demain je décide de partir six
mois à l’étranger, cela ne mettrait pas en péril ma société.
Chloé D. : Et les inconvénients ?
Jérôme I. : Je pense que parmi les principaux inconvénients, il y a celui de ne pas
être au cœur de l’activité. Cela oblige à mettre en place beaucoup d’outils informa-
tiques pour pouvoir tout suivre. Bien sûr, cela a un coût. Et finalement, même en
étant sur-informatisé pour suivre l’activité, le nombre de colis qui arrivent, les
impayés, on est un peu déconnecté de cette réalité parce qu’on ne voit pas les pro-
blèmes.
Chloé D. : On a aussi souvent évoqué ensemble le style de management qu’impose
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cette organisation.
Jérôme I. : C’est certain que ce n’est pas toujours évident de manier le pouvoir
fonctionnel ! Tu sais aussi bien que moi qu’avec un pouvoir hiérarchique, il est plus
facile d’imposer ses choix. Ça m’oblige à être plus dans la négociation, dans la dis-
cussion, c’est une autre forme de management, qui n’est pas désagréable… Je pense
que cela demande plus de doigté, c’est plus délicat à gérer. C’est ce type de relation
que j’ai avec les prestataires. Et c’est vrai que c’est souvent beaucoup plus long pour
mettre en place des choix ou pour faire passer des décisions. Après, c’est un aspect
qui ne me dérange pas du tout, au contraire  : si les personnes qui vous entourent
participent aux décisions et les partagent, c’est gagné !
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Chloé D. : Mais je trouve que ton organisation a quelques fragilités sur la gestion
des compétences. Comment ferais-tu si l’un de tes collaborateurs te quittait du jour
au lendemain ? Je sais que ce sont des amis… mais cela ne préserve pas d’un départ.
Jérôme I.  : Je ferais comme tout chef d’entreprise, je chercherais de nouvelles
compétences !
Chloé D.  : Bien sûr, mais la recherche d’un prestataire que tu places dans une
véritable relation de collaboration n’est peut-être pas aussi simple que l’embauche
d’un salarié compétent, non ?
Jérôme I. : Oui, tu as probablement raison…

167
11 cas de stratégie

3  Les développements d’hier et d’aujourd’hui

Chloé D. : Pour réfléchir à l’avenir, il faut aussi analyser les échecs. Les chaus-
sures et les couteaux ne t’ont pas réussi…
Jérôme I.  : C’est vrai, mais c’est aussi comme cela que j’ai appris et mis à
l’épreuve mon modèle.
Chloé D. : Les couteaux, c’était avec ton associé, n’est-ce pas ?
Jérôme I. : Oui, mon associé est propriétaire d’une fabrique de couteaux à Thiers.
Il m’avait proposé de m’occuper de la partie vente sur Internet, lui s’occupait de la
fabrication. C’est sur cette base qu’on a ouvert en 2010 la e-boutique dont nous
partagions les parts à 50-50. On a essayé de dupliquer le modèle Hair-professionnel.
com sur un autre marché. Mais c’est un site qui n’a jamais vraiment fonctionné.
Chloé D. : Comment expliques-tu cela ?
Jérôme I. : Le manque d’investissement en temps de notre part, un marché diffé-
rent, un produit qu’on aime avoir en main, une clientèle différente… On a essayé de
répliquer un modèle, lancé sur un marché avec une clientèle féminine se situant
entre 14 et 35 ans, sur un marché destiné à des messieurs d’une cinquantaine d’an-
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nées, ne maîtrisant pas très bien Internet ! Mais nous n’avons pas de regret, car cela
n’a pas coûté grand-chose. Nous n’avons pas perdu d’argent, cela nous a même
permis d’en gagner !
Chloé D. : Ah oui c’était aussi un modèle basé uniquement sur des frais variables
avec peu de frais fixes… C’est l’idéal, il te coûte uniquement si tu vends. Je ne me
souviens plus si c’était une grosse affaire ?
Jérôme I. : Non, on est parti avec 10 000 euros de capital, aujourd’hui il est de
15 000 euros. Mon associé a racheté mes parts.
Chloé D. : Et les chaussures, quel a été le problème déjà ?
Jérôme I. : Les chaussures, c’est autre chose. C’était aussi un partenariat, avec une
marque de chaussures connue. De la même manière, j’étais chargé de développer le
site et mon partenaire, d’acheter les produits, de les expédier et de gérer le service
clients. J’étais commissionné à la vente. C’est une sorte d’affiliation, ce sont des
modèles de type Easy Shop, par exemple, dans lesquels l’e-commerçant vous ouvre
sa boutique, moyennant le paiement d’un abonnement et/ou d’un pourcentage des
ventes. On a eu quelques accidents de parcours, mais surtout on s’est rendu compte
que vendre des chaussures sur Internet, c’est extrêmement concurrentiel. On a beau
avoir les meilleurs prix et une bonne position, quand on a Spartoo et Sarenza en face
de nous… Ils ont littéralement écrasé le marché. C’est comme si demain, tu voulais
lancer un site de ventes privées : bon courage ! Donc c’est quelque chose qui n’a pas
fonctionné, mais je n’y ai pas perdu d’argent non plus, j’ai simplement revendu le
site à prix coûtant à mon partenaire. Tout le monde est gagnant.

168
i-Biseness  ■  Cas 9

Chloé D. : Donc aujourd’hui, ton business porte sur du matériel de coiffure et des
huîtres en ligne ?
Jérôme I. : Cela peut surprendre, mais c’est bien cela ! Huitres-en-ligne.com, c’est
le dernier lancement : l’activité a démarré en 2012. Jusque-là, c’est une réussite ; je
t’en ai déjà parlé ?
Chloé D. : Très rapidement au démarrage. Quel est le modèle déjà ?
Jérôme I. : C’est de la vente d’huîtres sur Internet sur un modèle de drop shipping.
Cela veut dire que tu achètes les huîtres sur notre site Internet, la commande est
envoyée informatiquement à l’ostréiculteur, qui expédie les huîtres de son bassin
ostréicole chez toi. On est vraiment sur un modèle market place, drop shipping, ça
dépend comment on se positionne. Ce n’est pas non plus un projet qui nous a coûté
cher en montage de projet (set up), car c’est toujours un modèle basé uniquement
sur la partie des frais variables. Aujourd’hui, cette activité fonctionne bien, elle a du
potentiel et elle nous plaît, parce que c’est aussi une aventure humaine. On a six
partenaires ostréiculteurs dans les grandes régions françaises. C’est un projet sympa
que je fais en partenariat avec un ami compétent dans le domaine de l’informatique
et des huîtres, je ne suis pas tout seul sur celui-ci.
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Chloé D : C’est un peu différent comme business model, non ?
Jérôme I.  : Non, pas vraiment. On retrouve les traits saillants de notre business
model. La structure des charges est la même, avec pas ou peu de coûts fixes et uni-
quement des coûts variables. Ainsi, nous gagnons de l’argent et nous payons nos
charges dès que nous vendons. La marge dégagée doit être suffisamment importante
pour payer les coûts fixes. Sur Huitres-en-ligne.com, comme sur Hair-professionnel.
com, on a gardé la même logique et la simplicité du modèle. Pour la partie logis-
tique, on gère uniquement les commandes et l’emballage, que nous stockons via la
société RGM. Pour le reste, c’est l’ostréiculteur qui assume les parties colis et expé-
dition. Il expédie quand on lui demande d’expédier, mais derrière, rien ne nous
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appartient. Et sur le reste, c’est le même noyau dur qui travaille sur l’activité ostréi-
cole. Bien entendu, tout se fait à distance. Mon objectif reste de pouvoir piloter
l’activité de mon ordinateur et de mon téléphone. La philosophie de vie sur laquelle
repose le business model est bien respectée !
Chloé D. : Et pour la suite, quel est ton objectif ?
Jérôme I. : Aujourd’hui, l’objectif est de continuer à exister et à se développer tout
en gardant un modèle simple et une entreprise à taille humaine. Je suis plus dans une
logique de simplification de modèle. Si on est amenés à grossir, on le fera en cher-
chant à ne pas complexifier le modèle. Je suis attaché à cette simplicité parce que
j’aime bien mon mode de vie, et la relation très privilégiée que j’ai avec mes pres-
tataires. Il n’y a pas de deuxième étage : on est un peu en râteau. J’ai une vue plus
globale sans être complètement dans l’opérationnel, donc je peux prendre de meil-
leures décisions.

169
11 cas de stratégie

4  Le projet de diversification

Chloé D. : Et si on parlait de ton nouveau projet ? Tu m’as semblé très motivé par
cette nouvelle activité. Pourtant, là encore, la vente de produits cosmétiques, ce n’est
pas vraiment ta compétence !
Jérôme I. : Ce que j’aime bien dans cette activité, c’est qu’on est sur un modèle
fabrication-revente directe aux consommateurs. Les prix unitaires sont bas et les
marges élevées. C’est un marché sur lequel je retrouve quelques repères que j’ai
déjà. La clientèle est assez proche de celle que je connais. La contrainte principale
se situe au niveau du stock. Par exemple, si je veux acheter un rouge à lèvres à un
fournisseur, il faut que j’en achète 3 000. Et quand il y a 16 coloris, il faut en ache-
ter 16 fois 3 000, soit presque 50 000 produits ! Donc cela pose vite la question du
financement du stock et de l’écoulement des produits. Les investissements sont très
élevés.
Chloé D. : Et qui financerait le stock ?
Jérôme I. : Mon partenaire.
Chloé D. : N’y a-t-il pas trop de monde sur ce marché ?
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Jérôme I. : Il y a du monde c’est vrai, mais pas sur notre segment de marché. On
est sur un modèle spécifique de cosmétiques de qualité, pas cher. À côté de poudres
de très grandes marques qui coûtent 30 euros, on propose à peu près la même qualité
pour 5  euros. Sur ce marché, on sait que les consommateurs paient beaucoup le
marketing des marques.
Chloé D. : Cette offre te paraît-elle crédible ?
Jérôme I.  : Oui, le fournisseur des produits est dans le métier depuis 20 ans. Il
trouve des perles en termes de produits à des prix défiant toute concurrence.
Chloé D. : En face de toi, il me semble que tu vas retrouver de vrais e-commer-
çants, comme sur le marché de la chaussure. ELF et KIKO sont de vrais concurrents,
comme l’ont été Sarenza et Spartoo…
Jérôme I. : On sera donc trois sur la place ! Ce qui change la donne, c’est qu’on
ne part pas de zéro et qu’on va sur un marché qui se porte bien. La boutique en ligne
existe déjà, elle a un positionnement spécifique, les chiffres sont bons, la base de
clientèle est assez conséquente… Il y a une vraie communication, une vraie marque,
une vraie base de départ. Mon rôle, c’est de faire évoluer l’entreprise en travaillant
le site et en appliquant le model i-Biseness.
Chloé D  : C’est vrai que tu n’es pas tout seul et que pour toi, ce n’est pas une
opération de croissance externe par rachat…
Jérôme I. : Et puis je retrouve le modèle qu’on a mis en place pour Trendyliss avec
une marque propre à développer. La différence, c’est que la cosmétique se vend

170
i-Biseness  ■  Cas 9

5 euros et les fers à lisser 100 euros. Après, quand tu achètes un fer à lisser, tu n’en
mets pas dix dans ton panier, alors que quand tu achètes des cosmétiques, tu en mets
plutôt dix  : c’est une autre façon d’acheter, mais un modèle très similaire sur de
nombreux aspects.
Chloé D. : Puisque l’entreprise existe déjà, comment penses-tu mettre en place le
modèle i-Biseness ?
Jérôme I. : Quand mon associé a repris la société, il a cherché à mettre les per-
sonnes à la bonne place… mais il sait qu’il faut changer de modèle. Aujourd’hui,
l’objectif est de faire bosser des gens de mon équipe, d’essayer de faire un modèle
qui corresponde au mien.
Chloé D. : C’est forcément un peu différent de ce que tu as connu, puisque cette
entreprise a déjà une équipe…
Jérôme I. : Oui, il faut faire évoluer ce modèle en définissant une organisation, des
rôles, pour être plus performants qu’avant. Je pense qu’il y a eu des erreurs de ges-
tion et de management dans une organisation peu formalisée que je vais essayer de
corriger. J’ai fait un premier diagnostic des personnes, de l’état du site, du marché,
je pense être capable de faire évoluer les choses dans le bon sens.
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Chloé D : La question qui demeure est donc bien de savoir si ton business model
est transposable à une entreprise existante ?
Jérôme I.  : Quand on parle de modèle, peu importe que les gens soient à leur
compte ou salariés. Un modèle d’organisation, ce sont des rôles et des missions qui
permettent de définir des objectifs, des procédures de travail. Que ces missions
soient ensuite réalisées par un prestataire, un salarié, qu’une personne ait quatre
rôles au lieu d’un, peu importe…

Questions
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Au terme de la conversation, Chloé D. a proposé à son ami de lui remettre une note
permettant d’évaluer l’intérêt de s’engager dans ce développement. Elle abordera les
questions suivantes :
1 ■ Quel diagnostic peut-on faire de la société i-Biseness ?
2 ■ Quels sont les opportunités et les risques de cette opération de diversifica-
tion ?
3 ■ Quelle décision recommander à Jérôme Iavarone ?

171
11 cas de stratégie

Annexe 1
Les chiffres clés de la société i-Biseness
30/09/2013 30/09/2012 30/09/2011 30/09/2010 30/09/2009 30/09/2008
Chiffres clés 12 mois 12 mois 12 mois 12 mois 12 mois 12 mois
EUR EUR EUR EUR EUR EUR
Chiffre d’affaires 1 284 779 1 271 701 1 286 651 669 982 158 151 21 109
Valeur ajoutée 140 154 150 373 249 377 67 711 2 045 6 678
Bénéfice ou perte 48 308 63 989 122 987 24 101 -5 618 4 068
Capacité
d’autofinancement 72 653 83 759 121 951 25 651 -4 347 4 899
avant répartition
Capital social ou
50 000 50 000 50 000 7 500 7 500 7 500
individuel
Capitaux propres 290 334 242 026 178 037 30 050 5 950 11 568
Fonds de roulement
321 135 273 169 183 235 27 631 4 242 8 590
net global
Endettement (%) 9,41 11,26 14,79 0 0 0
Liquidité réduite 2,84 1,76 1,43 0,63 0,82 1,54
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Rentabilité nette (%) 3,76 5,03 9,56 3,59 -3,55 19,27
Rend. des capitaux
19,96 35,94 223,41 405,13 -48,57 72,32
propres nets (%)
Rend. des ressources
19,27 36,12 98,55 91,05 -94,42 55,13
durables nettes (%)

Source : Diane – Rapport d’entreprise de i-Biseness – Mise à jour 3027 – 26/11/2014.

Annexe 2
Liens utiles
www.i-biseness.com www.cheveux-center.com
www.homme-expert.fr www.planete-cheveux.com
www.hair-professionnel.com www.trendyliss.com

172
i-Biseness  ■  Cas 9

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

1. Quel diagnostic peut-on faire de la société i-Biseness ?


Pour effectuer le diagnostic de la société i-Biseness, nous mobilisons l’approche
par les ressources et les capacités (la Resource-base view). Elle permet de mettre
en évidence les principaux éléments internes (les atouts) sur lesquels l’entreprise
peut se fonder pour évaluer la faisabilité opérationnelle d’une manœuvre straté-
gique.

Définitions
Ressources : Les ressources sont des moyens, possédés, contrôlés par une firme ou pour
lesquels elle dispose d’un accès privilégié, grâce auxquels elle parvient à transformer
ses intrants (la matière première, la main-d’œuvre…) en extrants (les produits et/ou les
services) (Soparnot, 2010)1.

Capacités : Les capacités correspondent aux habiletés d’une organisation à effectuer le


déploiement, la combinaison et la coordination de ressources au travers de processus
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d’actions pour mettre en œuvre des objectifs stratégiques préalablement définis
(Soparnot, 2010).

Les ressources et les capacités de la société i-Biseness sont présentées dans le


tableau 9.1.

Tableau 9.1 – Les ressources et les capacités de la société i-Biseness

Ressources Commentaires
Expertise informatique du Son parcours professionnel au sein d’une multinationale et comme
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dirigeant entrepreneur dans l’e-business lui permet de maîtriser les différentes


techniques informatiques et Internet.
Esprit entrepreneurial du Il a fait la preuve de son goût et de son appétence pour le style de vie et de
dirigeant travail d’un entrepreneur. Sa formule « Travailler où je veux, quand je veux,
avec qui je veux, sur ce que je veux » en est une belle illustration.
Réseau de partenaires Au travers du développement de sa société i-Biseness, il s’est constitué un
prestataires réseau d’experts prestataires dans tous les domaines de l’e-business. Cela
lui permet de disposer de compétences pointues tout en « variabilisant »
les charges de la société.
Ressources financières La situation financière est saine au vu de l’évolution du CA et du résultat
net. L’entreprise dispose également de disponibilités financières, au vu des
capitaux propres excédentaires (cf. Annexe 1).

1.  Soparnot R., Stratégie des organisations, Hachette supérieur, 2010.

173
11 cas de stratégie

Capacités Commentaires
Création et gestion de La société i-Biseness dispose d’une compétence dans la création et la
e-boutiques gestion de boutiques en e-commerce (rédaction de contenu, administration
de système, développement, web-design…) éprouvée dans différents
domaines (matériel de coiffure, coutellerie, chaussures et huîtres). Les
relatifs échecs dans la coutellerie et la chaussure ont permis d’affiner cette
capacité.
Référencement de Le référencement de sites Internet fait partie des domaines de compétences
e-boutiques maîtrisés par la société i-Biseness. Il permet d’apparaître favorablement
dans les résultats des différents moteurs de recherche et ainsi de générer du
trafic sur un site Internet.
Gestion de marque En développant Trendyliss, la société i-Biseness a acquis certaines
connaissances en matière de gestion de marque. Elles lui permettent de
fidéliser sa clientèle, d’éliminer les intermédiaires et de capturer la valeur
économique créée.
Gestion logistique La gestion logistique concerne le stockage, la préparation et les expéditions
des produits achetés par les clients. Il s’agit d’une capacité indirectement
maîtrisée par i-Biseness car elle repose sur un partenariat avec le
prestataire RGM.
Gestion de la relation client La gestion de la relation client concerne la constitution de bases de
données clients (caractéristiques, comportements d’achat…) et le
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développement d’une offre et de services adaptés. Il s’agit d’une capacité
cruciale dans le domaine de l’e-commerce.
Gestion administrative La gestion administrative concerne principalement la comptabilité de la
société i-Business. Il s’agit d’une capacité indirectement maîtrisée car elle
repose sur un partenariat avec le prestataire RGM.
Coordination et supervision La coordination et la supervision des prestataires sont une capacité
des prestataires stratégique de i-Biseness car sa chaîne de valeur est fortement externalisée.
Dans ces conditions, le dirigeant doit s’appuyer sur des prestataires
compétents, fiables et loyaux.

Ayant été développées dans le cadre de quatre opérations différentes, ces diffé-
rentes ressources et capacités peuvent être considérées comme des actifs pivots,
c’est-à-dire des actifs communs aux différentes e-boutiques de la société i-Bise-
ness, et sur lesquels l’entreprise peut s’appuyer pour envisager le développement
d’une activité dans le domaine de la cosmétique.

2.  Quels sont les opportunités et les risques de cette opération


de diversification ?
L’étude de la faisabilité laisse maintenant place à l’analyse de la pertinence straté-
gique de la diversification vers la cosmétique. Il s’agit de mettre en lumière les
opportunités et risques principaux de cette opération.
Ceux-ci sont analysés dans le tableau 9.2.

174
i-Biseness  ■  Cas 9

Tableau 9.2 – Les opportunités et les risques de la diversification


Opportunités Commentaires
Comportement d’achat de la La clientèle des produits cosmétiques a sensiblement les mêmes
clientèle visée caractéristiques (en termes d’âge notamment) et les mêmes
comportements d’achat en ligne que la clientèle de Hair-
professionnel.com.
Concurrence d’e-commerçants Si la concurrence est réelle, le positionnement stratégique est clair.
cosmétiques Il s’agit de proposer des produits de qualité à bas prix.
Partenariat fournisseur Le fournisseur dispose d’atouts importants (base de clientèle, produits
de qualité à bas prix…). C’est un acteur déjà implanté dans le secteur.
Tendance de marché La cosmétique est un marché qui connaît une croissance positive et
correspond à un marché porteur.
Risques Commentaires
Financement des stocks La gestion des stocks apparaît comme un risque car il faut
impérativement disposer d’un stock important (et pouvoir le financer).
Mais le fournisseur assumerait ce financement.
Concurrence Les deux concurrents identifiés sont bien installés et disposent
également d’une expertise d’un e-commerçant. Cependant, le
positionnement stratégique visé semble correspondre à une zone
concurrentielle inexploitée.
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Connaissance du marché visé i-Biseness ne dispose d’aucune connaissance dans le domaine des
cosmétiques. Mais c’était également le cas dans le domaine des
huîtres et dans une certaine mesure, dans le domaine du matériel de
coiffure. Il semble donc que cette méconnaissance ne soit pas
problématique.

3.  Quelle décision recommander à Jérôme Iavarone ?


La recommandation liée à l’opération de diversification dans l’activité de e-com-
merce cosmétique est positive. Trois séries d’arguments sont avancées.
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• Tout d’abord, l’étude de faisabilité opérationnelle montre que la société i-Busi-


ness dispose des ressources et des capacités requises dans l’activité ciblée. En
outre, ce développement s’inscrit parfaitement dans le business model tradition-
nel et ne le remet aucunement en question. La diversification envisagée s’insère
donc parfaitement dans l’activité initiale – on parle de diversification reliée.

Définition
Diversification : La diversification consiste à développer l’entreprise dans un secteur
d’activité nouveau. Elle revêt deux formes principales  : la diversification reliée (ou
concentrique) et la diversification non reliée (ou conglomérale). La première consiste
pour l’entreprise à se développer vers une activité qui entretient des points communs
avec l’activité initiale (partage de ressources et capacités) tandis que la seconde
concerne le développement de la firme en direction d’activités totalement nouvelles,
n’entretenant aucune proximité avec l’activité d’origine (Soparnot, 2010).

175
11 cas de stratégie

• Ensuite, l’étude de la pertinence stratégique met en évidence un ensemble


d’opportunités avérées (clientèle, positionnement stratégique, tendance de mar-
ché…) et de risques maîtrisés (concurrence, financement…).
• Si le développement envisagé est réaliste tant sur le plan opérationnel que stra-
tégique, il présente également des intérêts pour la société i-Biseness. Cette opé-
ration permettrait en effet à i-Biseness de poursuivre sa croissance, d’étendre
son portefeuille d’activité, de limiter les risques de défaillance d’une activité et
de réaliser des synergies de coûts.

Définition
Synergies  : Les synergies proviennent des effets positifs en terme de valeur créée
qu’une activité peut avoir sur une autre activité. Ce surplus de valeur résulte des gains
de coûts engendrés par le partage des actifs (synergies de coûts) et/ou des perspectives
de croissance occasionnées par l’assemblage d’activités et d’actifs complémentaires
(synergies de croissance) (Soparnot, 2010).

L’ensemble des analyses proposées est principalement basé sur les dires du diri-
geant. Aussi, il serait intéressant de les enrichir par des données secondaires
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(notamment une analyse du marché du e-commerce cosmétique).

176
CAS 10. RAMSAY

Christophe Leyronas
in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 177 à 204


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-177.htm
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Cas

10 Ramsay
Chrisophe Leyronas

 Présentation du cas
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Problématique
Comment mener une stratégie de diversification à l’international ?
Résumé
Le cas Ramsay étudie les modalités de développement dans un secteur à maturité
dont les prix baissent et la concurrence s’accroît, c’est-à-dire dont l’attractivité
baisse. Le cas s’intéresse aux groupes de cliniques privées, un secteur très prisé des
investisseurs cette dernière décennie mais dont certaines évolutions ont remis en
question le modèle économique.
Dans un secteur fortement régulé, quelles sont les possibilités de développement
pour les entreprises ? Quels sont les modèles de croissance et comment les choix
des entreprises pèsent-ils sur leur capacité à créer de la performance ?
Objectifs
L’objectif de ce cas est d’analyser les stratégies de croissance dans un secteur sous
contrainte qui est fortement régulé par les pouvoirs publics. Il permet de montrer la
diversité des choix possibles en termes de spécialisation, de diversification et d’in-
ternationalisation. Il permet d’analyser les choix des entreprises et notamment du
leader Ramsay afin de comprendre comment il est capable de créer de la perfor-
mance en jouant sur son portefeuille d’activités, sur l’organisation de sa et sur sa
taille. Il met en évidence les différentes dimensions de la performance afin de
comprendre comment les choix des entreprises peuvent se traduire dans les chiffres.

11 cas de stratégie


Cette compréhension permet d’envisager de manière critique la pertinence de cer-
tains modèles de développement.
Outils mobilisés
••Au niveau du secteur, il est possible de reprendre certaines des dimensions de
PESTEL afin de mettre en évidence les opportunités et les menaces.
••Au niveau des entreprises, il sera intéressant d’identifier les modalités de crois-
sance qu’elles ont choisi. Pour cela, il est possible de mobiliser la matrice
d’Ansoff sur la question de la spécialisation par rapport à la diversification.
••Il est également possible de faire référence à la typologie des stratégies d’interna-
tionalisation développée par Bartlett et Ghoshal afin d’identifier l’impact des
spécificités du secteur sur la stratégie suivie.
••Il convient également, pour comprendre les enjeux du développement du secteur,
d’analyser la performance et d’identifier les variables pouvant l’influencer afin de
comprendre ses évolutions et d’analyser les choix possibles.
••Il faudra enfin envisager les modèles économiques possibles dans ce secteur.

1  Le contexte du secteur
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Le secteur est structuré autour de trois types d’acteurs  : les acteurs publics, les
acteurs privés et les structures mutualistes ou associatives. Les deux premiers types
représentent l’essentiel du secteur. Nous nous intéressons plus spécifiquement dans
ce cas aux acteurs privés.
Face à la concurrence de plus en plus vive de l’hôpital public et à l’érosion de leur
part de marché, les groupes de cliniques privées doivent saisir de nouvelles oppor-
tunités de développement en misant sur des stratégies de croissance qui nécessitent
des moyens financiers importants. L’heure est à la reprise des méga-fusions (Ram-
say Santé et Générale de Santé, Médipôle Sud Santé et Médi-Partenaires). Sous
l’impulsion des fonds d’investissement, le secteur va poursuivre sa consolidation.1
L’histoire des restructurations des cliniques est celle d’une succession d’adaptations
à des contraintes et/ou des opportunités stratégiques. Le secteur est depuis deux
décennies traversé par un mouvement de concentration qui fait chuter le nombre de
ces établissements à la faveur de mouvements de rachat. Sous l’effet conjugué d’une
crise de croissance, de la concentration des acteurs et de l’évolution de son modèle
économique, le marché des cliniques privées est en voie de recomposition. Il s’agit
d’un enjeu important dans la mesure où les opérateurs privés représentent
aujourd’hui une part importante de l’activité.
On peut classer les cliniques en fonction de leurs spécialités. On distingue ainsi
trois catégories :

1.  Dossier « Le secteur des cliniques privées », Les Échos Études, www.lesechos-etudes.fr.

178
Ramsay  ■  Cas 10

1. Les cliniques MCO (médecine, chirurgie, obstétrique)  : 54  % de la chirurgie,


66 % de la chirurgie ambulatoire, 46 % de la chirurgie carcinologique, 600 000 séances
de chimiothérapie, une séance de dialyse sur trois, 2,3 millions de patients accueillis
dans 130 services d’urgence, une naissance sur quatre soit 220 000 naissances par an.
2. Les cliniques SSR (soins de suite et de réadaptation)  : 448 cliniques privées
SSR (environ 30 % des capacités nationales), 31,5 % des journées de SSR soit plus
de 11 millions de journées, 42 % de l’activité ambulatoire en SSR.
3. Les cliniques PSY (psychiatriques)  : 161 cliniques psychiatriques privées,
17,3 % des hospitalisations psychiatriques soit près de 4,6 millions de journées.
Les cliniques spécialisées dans les soins de court séjour interviennent dans le
cadre d’affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie, obsté-
trique (MCO) ou psychiatrie (PSY) avec ou sans hébergement en cas d’intervention
dite ambulatoire, c’est-à-dire lorsque le patient ne reste que pendant la journée pour
ses soins. Il existe également des cliniques de long séjour qui sont plutôt dans le
champ du soin de suite et de rééducation (SSR).

1.1  L’économie du secteur


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Aussi attractif qu’il soit, le marché français de la santé n’est cependant pas le plus
facile d’accès. Un gestionnaire de clinique, dont le métier est de soigner un patient
durant un temps de séjour déterminé, ne décide ni du tarif des actes pratiqués, ni de
la durée de séjour. Ces deux variables sont exclusivement du pouvoir de la Caisse
nationale d’assurance-maladie (Cnam ou Sécurité sociale), qui paye la majeure partie
des actes de santé. Pour ce faire, il s’appuie sur le système de la tarification à l’activité
(T2A) qui repose sur une nomenclature de 2 300 groupes de séjours hospitaliers cor-
respondant à autant de prestations que peuvent réaliser les établissements de santé.
Avec ce forfait, la clinique doit rémunérer son personnel, acheter des produits à usage
unique, amortir ses investissements tels que les blocs opératoires ou le système
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d’imagerie. Elle se doit, en outre, de nourrir le patient pendant son séjour et éventuel-
lement d’assumer une responsabilité financière en cas de mauvaise pratique.1
Avec 11,8 % du PIB, soit plus de 220 milliards d’euros par an, la France est le
troisième pays de l’OCDE qui consacre le plus de dépenses2 à la santé. Les soins
hospitaliers représentent 46,3 % des dépenses de soins et les soins hospitaliers privés

1.  « Nous consacrons 20  % de nos dépenses aux consommables et produits divers, 30  % aux frais de personnel
directs, 35  % aux charges diverses que sont la restauration, l’amortissement du matériel et des locaux. Nos frais de
structure sont de l’ordre de 10  %, ce qui nous laisse en moyenne une marge de 5  % », selon Philippe Durand,
directeur général délégué de Capio, le 6e opérateur en France (source : Franck Bouaziz, « Examen clinique », www.
lenouveleconomiste.fr, 19 avril 2012).
2. Il s’agit de la notion de «  dépense totale de santé  » qui représente l’effort consacré par l’ensemble des
financeurs du système au titre de la santé (Sécurité sociale, organismes de protection complémentaire, ménages,
etc.).

179
11 cas de stratégie

23  %1. Au sein de cette dépense totale, la part prise en charge par l’assurance-
maladie obligatoire est représentée par l’Objectif national de dépenses d’assurance-
maladie (ONDAM) pour un montant de 167,1 milliards d’euros en 2011. L’ONDAM,
qui continue de progresser plus vite que le PIB, devrait connaître sur la période
2012-2017 une croissance de 4 %. Plusieurs facteurs expliquent cette dynamique de
long terme : pour l’essentiel, la croissance du PIB, le vieillissement démographique2,
l’épidémiologie, notamment l’augmentation de la prévalence des pathologies chro-
niques, enfin le progrès technique et la démographie médicale (nombre de profes-
sionnels de santé en activité). Dans le secteur, le moteur principal de la croissance
des dépenses de santé n’est pas le vieillissement de la population, mais s’explique
par la diffusion des innovations médicales  : plus de biens sont disponibles et
consommés.3 La diffusion des nouvelles technologies a entraîné des dépenses addi-
tionnelles, mais a aussi créé de la valeur grâce aux gains en longévité et en santé.
L’évolution des dépenses d’assurance-maladie pour 2014 doit être limitée à
+ 2,3 % pour les établissements de santé, selon la loi de financement de la Sécurité
sociale. La masse des crédits supplémentaires affectés aux établissements de santé
pour 2014 représente 1,7 milliard d’euros, a fait valoir le ministère, qui a évoqué un
« effort important dans le contexte des finances publiques que l’on connaît ». L’acti-
vité des hôpitaux doit croître en 2014 de 2,8 %, celle du secteur privé de 2 %, soit
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au même rythme qu’en 2013. Cependant, le gouvernement a baissé les tarifs des
cliniques privées de 0,24 % pour 2014 après une baisse de 0,21 % en 2013 tandis
que ceux des hôpitaux restent stables, a annoncé le ministère de la Santé selon un
arrêté au Journal officiel.4 L’effort moyen nécessaire pour maîtriser l’ONDAM a été
évalué dans les lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) à environ
2 milliards d’euros par an sur la période 2013-2017.5 L’impact des économies qui
doivent être de l’ordre de 900 millions d’euros en 2015 est loin d’être négligeable
sur les acteurs. Si on considère les ordres de grandeur, on s’aperçoit que la demande
de soins n’est pas affectée de manière significative par les différentes phases du
cycle économique.6

1.  Source : DREES, Comptes nationaux de la santé 2013.


2.  On note que 35,8 % des séjours en cliniques MCO concernent des seniors alors qu’ils ne représentent que
16,7 % de la population. Les projections en termes de démographie montrent que les plus de 65 ans devraient être
plus de 25 % de la population française en 2040.
3.  Les plus de 60 ans représentent en effet aujourd’hui 20 % des Français et 45 % du total des dépenses de santé.
Cependant, si les personnes de 85 à 89 ans dépensent six fois plus que les 25-29 ans, elles sont cinq fois moins
nombreuses. C’est pourquoi, même en faisant débuter la catégorie des personnes âgées dès l’âge de la retraite (ce
qui est une limite extrêmement basse), le poids de leurs dépenses dans la dépense totale de santé reste inférieur à la
moitié. L’impact mécanique de l’évolution de la pyramide des âges à l’horizon des 40 ans qui viennent ne comptera
très schématiquement que pour un dixième de la croissance des dépenses chaque année (Source : Florence Karel,
« Hausse des dépenses de santé : relativiser « l’impact » du vieillissement de la population », www.news-assurances.
com, 22 novembre 2009).
4.  « Nouvelle baisse des tarifs des cliniques en 2014 », www.lemonde.fr, 28 février 2014.
5.  Rapport de l’IGAS « Propositions pour la maîtrise de l’ONDAM 2013-2017 » www.sante.gouv.fr, juin 2012.
6.  Rapport annuel de Capio, 2013.

180
Ramsay  ■  Cas 10

Dans ce panorama, il est à noter que les dépenses hospitalières (prestations et actes
délivrés dans les établissements hospitaliers publics ou privés) représentent
72,9 milliards d’euros en 2011 soit 43,6 % de l’ONDAM. Pour les activités de soins
de suite et de rééducation (SSR) ou de psychiatrie (PSY), il y a un Objectif Quanti-
fié National (OQN) relatif aux activités exercées par les établissements de santé
privés à but lucratif. Il est fixé par arrêté à 2 808 millions d’euros pour l’année 2014,
dont 2 137 millions d’euros au titre des activités de soins de suite et réadaptation et
670 millions d’euros au titre des activités de psychiatrie.
L’État et les autorités de tutelle régulent de manière importante l’activité des
cliniques en fixant annuellement, dans le cadre de la loi de financement de la Sécu-
rité sociale (LFSS), une marge tarifaire pour l’année suivante. La France a introduit
en 2005 un système de tarification à l’activité (T2A) pour financer les établisse-
ments de santé. Cette nouvelle tarification a pour but de fonder le financement des
établissements en fonction de leur activité dans la mesure où les revenus des éta-
blissements de santé dépendent directement de leur activité. Les tarifs sont définis
au niveau national annuellement. Depuis 2006, les tarifs pour le MCO n’ont été
revalorisés que de 1,6  % alors que sur la même période, l’activité SSR a vu ses
tarifs augmenter de 5,5 % et ceux de la psychiatrie de 6,6 %. Dans ces conditions,
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les cliniques MCO ont dégradé leur performance en raison de la politique tarifaire.
En 2014, pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique, les tarifs ont glo-
balement baissé de 0,24 % après une baisse de 0,21 % en 2013. Si cette baisse est
importante, il faut reconnaître que les autres tarifs ont également été négativement
impactés avec des baisses de 0,55 % en 2013 pour le SSR et le PSY et de 0,47 %
pour le SSR et 0,35 % pour le PSY en 2014. La marge tarifaire, commune à l’en-
semble des établissements MCO quel que soit leur statut, n’a cessé de se contracter
ces dernières années. La conséquence, à volume d’activité constant, est une baisse
du chiffre d’affaires.
La question de l’augmentation des volumes d’activités devient donc un enjeu
important pour les cliniques. Cette grille de tarification à l’activité qui évolue dans
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le temps a un impact sur l’activité des différents acteurs du secteur et sur leur rému-
nération. Elle peut être plus ou moins incitative pour développer la prise en charge
de certaines pathologies selon les tarifs proposés et elles modifient le comporte-
ment des acteurs. Ces dernières années, afin d’améliorer l’efficience et les coûts du
système de santé, les pouvoirs publics ont incité via des évolutions de tarifs à
accroître le volume d’activités dans les établissements, y compris pour les établis-
sements publics. Le précédent système, dit de dotation globale, allouait une dota-
tion à l’établissement pour lui permettre de fonctionner indépendamment de son
activité. Le nouveau système a amené les établissements à développer leur activité
pour accroître leur budget. Par ailleurs, la revalorisation de la chirurgie ambulatoire
par le biais du tarif les a incités à mieux se positionner sur ce type d’interventions
plus rémunératrices au détriment de l’activité des acteurs privés. Ces derniers ont
ainsi vu leur part de marché décroître d’environ 5 % dans la chirurgie. Enfin, les

181
11 cas de stratégie

établissements MCO privés sont tributaires des pouvoirs publics en matière de


développement (obtention sélective d’autorisations pour des ouvertures de lits) et
de restructuration.

1.2.  Les données économiques des établissements


L’hospitalisation privée représente en moyenne 36 % de l’activité MCO. En 2010,
comme en 2009, elle réalise 54 % de la chirurgie, 25 % de la médecine et 24 % de
l’obstétrique. Les difficultés de financement des activités d’obstétrique conjuguées
aux difficultés démographiques des anesthésistes et gynéco-obstétriciens ont
contraint de nombreuses cliniques à se désengager des maternités.1
En 2010, les cliniques privées à but lucratif réalisent pour le secteur MCO
49,8 % des venues en hospitalisation partielle (+ 0,3 point) et 27,3 % des entrées
en hospitalisation complète (- 0,4 point). Cette évolution confirme la tendance
observée entre 2008 et 2009, de baisse de parts de marché des cliniques privées
pour l’hospitalisation complète. Cette contraction de la part de marché des cli-
niques privées en hospitalisation complète est principalement due à l’activité de
chirurgie, les cliniques privées réalisant 45,5  % des entrées en hospitalisation
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complète en 2010 (contre 46,0  % en 2009) pour cette discipline. Les cliniques
privées ont également une part de marché importante dans l’ambulatoire
puisqu’elle représente plus de la moitié du nombre de séjours. Le développement
très important de l’ambulatoire ces dernières années est dû à un effet de tarifica-
tion. Pour certains actes, le tarif ambulatoire est le même que le tarif avec hospi-
talisation alors que les charges pour l’établissement sont très différentes. Dans le
même esprit, les cliniques privées ont fait de gros efforts de productivité. La
durée moyenne de séjour est passée de 4,63 jours en 2010 à 4,51 en 2012 avec un
différentiel par rapport aux établissements publics qui est passé de 1,56 à 1,60
journée.
Concernant le secteur hors MCO, les cliniques privées réalisent 4,4 % des venues
en hospitalisation partielle et 18,4  % des entrées en hospitalisation complète en
psychiatrie (PSY). Elles représentent 29,3 % des venues en hospitalisation partielle
et 31,5 % des entrées en hospitalisation complète en soins de suite et de réadaptation
(SSR). Par rapport à 2009, l’évolution du nombre d’entrées en hospitalisation com-
plète est assez faible (+ 2,3 % en psychiatrie, + 1,5 % pour les SSR). Pour les venues
en hospitalisation partielle, la hausse est en revanche nettement plus marquée
(+ 15,3 % en psychiatrie, + 6,7 % pour les SSR).
En 2010, le CA des cliniques privées à but lucratif augmente de 3,5  %, soit un
ralentissement de 0,4  % par rapport à 2009. Le CA total des cliniques s’élève à
12,5 milliards d’euros en 2010, contre 12,1 milliards d’euros en 2009, les cliniques

1. http://documentation.fhp.fr/documents/18069R.pdf

182
Ramsay  ■  Cas 10

MCO représentant 9,7  milliards d’euros de chiffre d’affaires contre 2,8  milliards
d’euros pour les établissements hors MCO. La moitié des établissements connaît
une progression de CA supérieure à 2,2 %. Pour un quart des établissements, cette
progression dépasse 5,7 % et un dixième des établissements bénéficie même d’une
progression de 11,1 % ou plus. En revanche, 28,6 % des cliniques voient leur CA
stagner ou baisser entre 2009 et 2010 (contre 22,9 % entre 2008 et 2009). La crois-
sance du CA des cliniques est en moyenne nettement plus faible dans le secteur
MCO (3,1 %) que dans le secteur hors MCO (4,8 %). Cependant, l’écart entre les
deux secteurs s’est sensiblement réduit en 2009-2010.

1.3.  La performance des entreprises du secteur


Une enquête réalisée par l’Observatoire économique et financier des cliniques en
2011 auprès de 109 établissements relève que les résultats nets de ces établissements
sont négatifs, à hauteur de - 1,4 % du chiffre d’affaires, contre un bénéfice de 0,6 %
en 2010. Le nombre d’établissements déficitaires est de 43  % de l’échantillon
enquêté, les trois-quarts ayant une rentabilité inférieure à 3 %. Le chiffre d’affaires
serait en hausse de 1,7  %. Seuls les établissements réalisant plus de 30  millions
d’euros de CA sont en meilleure santé.1 La Fédération des hôpitaux privés (FHP)
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s’est alarmée de la situation financière de ses 580 établissements, dont 35 % étaient
en déficit en 2011 (contre 43 % en 2010). En 2012, 37 % des cliniques et hôpitaux
privés étaient déficitaires selon les chiffres de la FHP : « Les cliniques privées sont
sous une pression économique folle avec une rentabilité très faible, inférieure à
2 %. »2
En 2012, la rentabilité nette des cliniques privées à but lucratif est estimée à 1,9 %
de leur chiffre d’affaires. Elle baisse de 0,7 point par rapport à 2011, mais son niveau
est proche de ceux observés au cours de la période 2008-2010. Il faut cependant
mettre en évidence que la situation économique et financière des cliniques privées
est contrastée selon leur secteur d’activité. Ainsi, dans le secteur (MCO), la rentabi-
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lité nette se limite, en 2012, à 1,3 %, avec une baisse du résultat d’exploitation et de
la capacité d’autofinancement. L’endettement des cliniques en MCO augmente
(45  %) malgré un effort d’investissement qui poursuit sa baisse. En revanche, les
cliniques spécialisées en soins de suite et de réadaptation sont dans une situation
plus favorable, avec une augmentation de la rentabilité nette qui atteint 3,3  % en
2012. Les cliniques psychiatriques enregistrent les meilleurs résultats, avec une
rentabilité nette de 6 %, un faible endettement et des investissements en hausse.3 La

1. http://www.finances-hospitalieres.fr/observatoire-economique-financier-cliniques-hopitaux-prives-
mco_67994B7CB06DAE.html
2. http://www.lesechos.fr/22/11/2012/LesEchos/21318-118-ECH_la-carte-des-cliniques-sur-le-territoire-en-
pleine-restructuration.htm#cIblJrcwvFuy7J5z.99
3. http://www.drees.sante.gouv.fr/la-situation-economique-et-financiere-des-cliniques-privees,11284.html

183
11 cas de stratégie

part des cliniques privées en déficit reste globalement stable en 2012 (30 %). Toute-
fois, cette part augmente légèrement dans le secteur MCO, passant de 32 % de cli-
niques déficitaires à 33  %, alors qu’elle diminue pour les cliniques de SSR et de
psychiatrie.
Comment expliquer cette situation ?
Tout d’abord, la question des tarifs (T2A) et de leur baisse ces dernières années a
eu un impact important sur cette situation. Par ailleurs, le nombre de lits a un impact
sur la performance des établissements puisque cela génère des charges (immobilisa-
tion, personnel). Cette question est d’autant plus problématique en cas de non-utili-
sation de ces lits. La surcapacité a ainsi un impact négatif. On peut noter que le
secteur, tous types d’opérateurs confondus, a vu le nombre de lits en MCO baisser
de 5 % sur la décennie 2000 pour répondre à une surcapacité due en partie au déve-
loppement de l’ambulatoire. On remarque également que ce secteur se caractérise
par des frais de personnel importants qui représentent environ 40  % du CA. Ces
derniers absorbent une partie très importante de la valeur ajoutée. Par ailleurs, les
groupes ont fait appel de manière massive à l’externalisation dans de nombreux
domaines pour se concentrer sur la partie médicale de leur activité. Cela se traduit
par une augmentation des charges externes. Des disparités existent cependant entre
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les différents groupes du secteur.
Compte tenu de ces résultats mitigés, certains groupes ont choisi de poursuivre des
stratégies de croissance : « La consolidation et la rationalisation du secteur vont se
poursuivre. »1

2  Les entreprises du secteur

Les 1 100 cliniques et hôpitaux privés de France sont des PME locales, parfois
réunies dans des ensembles régionaux, ou des filiales de groupes nationaux. Elles
sont en situation de concurrence même si les spécificités de cette activité et l’impor-
tance de la puissance publique en font un secteur très réglementé. Les opérateurs
n’ont ni la liberté d’installation ni celle du choix des activités et encore moins celle
de fixer les prix. Ils sont dépendants des pouvoirs publics car 80 % à 90 % de leur
chiffre d’affaires sont versés par l’assurance-maladie sur la base d’une grille tarifaire
établie au préalable.
Les cliniques privées occupent une place importante et originale dans l’offre de
soins, avec 40 % de l’ensemble des établissements et un quart des capacités totales
d’hospitalisation, mais aussi 28 % des entrées et venues en établissement de santé
sur l’ensemble des disciplines. Le secteur a connu ces vingt dernières années une

1. http://www.lefigaro.fr/societes/2014/04/28/20005-20140428ARTFIG00030-naissance-d-un-nouveau-
champion-des-cliniques.php

184
Ramsay  ■  Cas 10

profonde recomposition sous l’impulsion de groupes de cliniques (nationaux ou


régionaux) qui se sont beaucoup développés et concentrent aujourd’hui 68  % des
capacités du secteur. Cette consolidation du secteur est appelée à se poursuivre en
raison d’une course à la croissance des groupes, des difficultés financières d’une
partie des établissements et de l’attrait de ce secteur pour certains investisseurs, en
particulier sur le volet immobilier.1 Ce modèle pose cependant des questions quant
à sa pérennité.
Quelques chiffres clés2 : 8,5 millions de patients accueillis par an, 1 100 établisse-
ments de santé privés, 154  000 personnels paramédicaux et administratifs dont
54 000 infirmiers et infirmières, 42 000 médecins.

2.1.  Une forte diversité des acteurs


On distingue les cliniques selon :
––leur capital (public, non lucratif type mutualiste, privé lucratif) ;
––leurs spécialités ;
––la durée de séjour.
En 2010, le secteur comptait 1 406 établissements dont 691 structures publiques
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(49,1 % du parc total), 593 cliniques privées commerciales (42,2 %) et 122 établis-
sements privés à but non lucratif (8,7 %).
Fortement concurrencés sur leur cœur de métier par les établissements relevant du
secteur public, les cliniques de court séjour privées à but lucratif doivent s’adapter à
un environnement de plus en plus contraignant. S’il est vrai que leurs performances
financières se sont redressées puis stabilisées au cours des exercices 2009 et 2010
avant de se dégrader à nouveau, les taux de croissance et les marges auxquels ont été
habitués les opérateurs jusqu’en 2005 ne semblent plus qu’un lointain souvenir. Les
cliniques MCO sont confrontées à des rapports de force particulièrement défavo-
rables avec les pouvoirs publics et les praticiens. Pour trouver des relais de dévelop-
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pement, certains opérateurs regardent vers le médico-social, et notamment vers les


maisons de retraite médicalisées (EHPAD), dont la rentabilité est meilleure que celle
du secteur sanitaire.
En 2010, l’hospitalisation privée regroupe 1 128 établissements. La moitié d’entre
eux sont des cliniques MCO et des structures d’hospitalisation à domicile (HAD) ;
l’autre moitié représente des structures de soins de suite et de réadaptation (SSR) et
de psychiatrie. Sur les 114 000 lits et places, 60 % sont de MCO, 30 % en SSR et
10 % en psychiatrie (PSY).

1.  Rapport IGAS « Évaluation de la place et du rôle des cliniques privées dans l’offre de soins », 2013.
2.  Fédération de l’hospitalisation privée, « Chiffres clés », Rapport sectoriel des cliniques et hôpitaux privés,
2013.

185
11 cas de stratégie

Tableau 10.1 – Le nombre de cliniques et d’hôpitaux privés par champ d’activité

Répartition Capacités
des lits par Variation
spécialité Lits Places Total
2007/2010

MCO 580 56 079 10 863 66 942 + 2 %

SSR 482 30 612 2 408 33 020 + 24 %

Psychiatrie 161 11 992 6 778 12 670 + 5 %

HAD1 48 1 495 1 495 + 119 %

Total 1 271 98 683 15 444 114 127 + 9 %

Source : SAE, données 2010 et 2007.

L’hospitalisation privée accentue l’évolution de son offre en faveur de l’ambula-


toire en SSR. Alors que le nombre d’établissements augmente de 0,6 % par rapport
à 2009, on constate une progression de 2,5 % du nombre de lits et surtout de 6,6 %
de celui des places supplémentaires.

Tableau 10.2 – La répartition des activités en 2010


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Capacité2 Activité Productivité3

MCO 66 942 5 849 049 87,4

SSR 33 020 11 323 391 342,9

Psychiatrie 12 670 4 541 235 358,4

HAD 1 495 397 420 265,8

Sources : SAE et PMSI, données 2010.

1.  L’hospitalisation à domicile (HAD) est alternative à l’hospitalisation en établissement. Elle permet
d’assurer à votre domicile des soins médicaux et paramédicaux importants, pour une période limitée mais
renouvelable en fonction de l’évolution de votre état de santé (Source : http://vosdroits.service-public.fr). Elle
assure des soins non réalisables en ville car trop complexes, trop intenses ou trop techniques, pour des per-
sonnes qui ont besoin de continuité des soins et d’une équipe de coordination pluridisciplinaire (infirmiers,
rééducateurs, assistante sociale, psychologue, diététicienne…) et médicalisée (il y a toujours un médecin
coordonnateur en HAD). Sans l’HAD, les personnes qu’elle accueille seraient maintenues en établissement
hospitalier ; elle permet donc de raccourcir une hospitalisation en établissement, voire parfois de l’éviter
complètement. L’HAD ne doit pas être intégralement assimilée à un séjour à l’hôpital, puisqu’elle n’héberge
pas la personne et n’assure ni la présence permanente ni les moyens techniques et humains qu’on y trouve.
Elle intègre en revanche des préoccupations différentes : l’évaluation et l’adaptation du domicile aux besoins
de soins, la prise en compte de l’environnement et de l’entourage dans les soins, la coordination avec les
professionnels sanitaires et sociaux de la ville (médecins traitants, professionnels de santé libéraux, officines
pharmaceutiques, services à domicile, services sociaux), ce qui en fait un dispositif unique en son genre
(Source : www.sante.gouv.fr).
2.  L’activité MCO correspond au nombre de séjours. Pour les SSR, la psychiatrie et la HAD, on utilise les jour-
nées.
3.  Productivité = Activité / Capacité.

186
Ramsay  ■  Cas 10

Tableau 10.3 – L’évolution des parts des opérateurs privés


Nombre de
Nombre de lits
cliniques MCO
2004 867 95 775
2005 841 94 788
2006 821 94 854

Source : DREES.

Tableau 10.4 – La part de marché des groupes MCO (2007)


Nombre Part des
Acteurs privés Nombre de lits Part des lits
d’établissements établissements
4 premiers groupes1 124 17,29 % 13 362 22,94 %
Total des groupes 198 27,62 % 19 507 33,49 %
Les indépendants 519 72,38 % 38 732 66,51 %
Total 717 100 % 71 601 100 %

Source : Paul Garassus, « Évolution du paysage hospitalier privé français


et quelques comparaisons européennes », http://urpsmla.org, 2008.

De fortes disparités existent dans les marges dégagées par les différentes spéciali-
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tés comme en atteste le tableau 10.5.

Tableau 10.5 – L’évolution du chiffre d’affaires moyen et du résultat net moyen


par établissement selon les champs d’activité
Résultat net
Années CA en K€ % de marge
en K€

MCO 2008 14 800 250 1,7

2009 15 400 240 1,6

2010 15 700 210 1,3


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Psy 2008 4 800 250 5,5

2009 5 000 251 5,4

2010 5 200 249 5

SSR 2008 6 000 219 3,8

2009 6 000 220 3,8

2010 6 200 190 3,1

Source : Greffe des tribunaux de commerce via Altarès.

Les évolutions en termes d’activité et de rentabilité appellent de la part des


groupes des choix stratégiques sur leur portefeuille d’activités.

1.  En 2007, les quatre premiers groupes sont Générale de Santé, Vitalia, Capio et Medi-partenaires.

187
11 cas de stratégie

2.2  Les principaux acteurs dans le secteur


Santé Cité est le premier groupe coopératif d’établissements de santé indépendants.
Des propriétaires indépendants d’un ou plusieurs établissements souhaitant rompre
avec leur isolement ont envisagé une troisième voie entre l’individualisme et les regrou-
pements financiers. Le groupe se veut un lieu de coopération opérationnelle sans par-
tage capitalistique, un lieu d’échanges et d’entre-aide dédié aux dirigeants de cliniques
indépendantes dans une optique d’assistance réciproque. L’objectif est de travailler en
plus grande intelligence, d’anticiper les évolutions, de tabler sur la confiance entre diri-
geants, et in fine d’obtenir des économies d’échelle et des gains d’efficience, sans
jamais perdre de vue que le patient reste au cœur des préoccupations.
Vitalia est né en avril 2006 et compte aujourd’hui 45 établissements répartis sur
l’ensemble du territoire. Plus de 7 200 salariés, plus de 2 000 médecins spécialistes
exercent au sein de ses établissements. Ce réseau d’établissements de soins formule
une offre originale et novatrice qui le distingue des autres groupes car il est très actif
dans les villes moyennes de moins de 100 000 habitants, ce qui lui permet de déve-
lopper la qualité et la dynamique de l’offre de soins dans les bassins de population
où il est présent. Le groupe s’attache à mutualiser et coordonner ses ressources
médicales, humaines et techniques.
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Le groupe Médipôle Sud Santé vient de conclure l’acquisition de Médi-­
Partenaires. L’acheteur est un groupe comprenant une vingtaine d’établissements de
soins (dont 11  cliniques) implantés dans le sud de la France entre Albi et Arles.
Quant à l’entreprise Médi-Partenaires, elle est plus grosse et implantée plus large-
ment dans le pays. C’est le troisième acteur de l’hospitalisation privée en France
avec plus de 550 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 et 24 cliniques. Avec
un chiffre d’affaires cumulé de 830  millions d’euros en 2013, le nouveau groupe
devient ainsi le numéro deux derrière Ramsay. Il dispose de 6 300 lits et de près de
8 500 salariés et a soigné en 2013 plus d’un million de patients. « Il est vital, dans
notre activité, de continuer à investir dans les projets médicaux pour garantir la
meilleure gestion, souligne le dirigeant. Mais pour cela, il faut dégager des résultats
et gagner des précieux points de marge. » Alors que le tarif de nombreux actes est
revu à la baisse pour respecter l’objectif de dépenses de l’assurance-maladie et que
la note fiscale reste lourde, les économies d’échelle sont indispensables. Un plus
grand groupe permet de se fournir à meilleur coût aussi bien sur le marché de la
restauration que pour les fournitures de matériel ou de médicaments.1
Fondé en février  2000 par le docteur Michel Bodkier et Jérôme Nouzarède,
Vedici acquiert son 1er établissement en juillet 2001. Depuis cette date, le groupe
connaît une croissance continue et compte aujourd’hui 35 établissements, princi-
palement situés dans la partie ouest de l’Hexagone. En dix ans, le groupe Vedici
est devenu un acteur de référence de l’offre de soins en France. Chaque année,

1.  Jean-Bernard Litzler, « Naissance d’un nouveau champion des cliniques », www.lefigaro.fr, 28 avril 2014.

188
Ramsay  ■  Cas 10

plus de 650 000 patients sont accueillis dans ses établissements. Le groupe compte
6 500 collaborateurs et 1 700 praticiens.
Capio a commencé son ascension en pleine crise des finances publiques suédoises
il y a près de vingt ans. À l’époque, une collectivité locale suédoise choisit de confier
à Capio la gestion de son laboratoire d’analyses médicales. Depuis, le groupe gère
des établissements hospitaliers au Royaume-Uni, en Allemagne, en Norvège et en
France. La France est un marché important pour Capio  : «  La France est le plus
grand marché d’hospitalisation privée d’Europe avec 12 milliards d’euros par an,
soit 60  % des actes de chirurgie réalisés dans l’Hexagone  », rappelle le directeur
général délégué de Capio en France, Philippe Durand.
Le tableau 10.6 présente les acteurs les plus importants de l’hospitalisation privée.

Tableau 10.6 – Les activités des principaux concurrents dans le secteur


de l’hospitalisation privée
Nombre d’établissements Résultat
en France par spécialité Lits en Activité hors net ou
Groupe CA
MCO SSR PSY France de France EBITDA1
Ramsay 57 21 27 2 15 400 Australie 3,3 Mds € 206 M€
– Générale 11 000 lits Grande- 6,2 %
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de Santé Bretagne
Indonésie
Malaisie
Santé Cité 683 3 1 11 000 Aucun 1,7 Md € NC
Vitalia 36 6 Aucun 705 M€ EBITDA
5 200 lits 71 M€
Médipôle 35 6 6 300 Aucun 276 M€ NC
Sud Santé4 4 900 lits
Vedici 26 3 2 4 870 Aucun 550 M€ NC
4 500 lits
Capio 18 2 1 2 78117 Suède (49) % 1,436 Mds EBITDA5
2 590 lits soit Allemagne € dont 58 M€ soit
37 % de (8) % 526 M€ 5,5 % du CA
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l’activité Norvège (5) % en France


du Royaume-Uni
groupe (1) %
Source : rapports d’activité des groupes, rapport sectoriel cliniques et hôpitaux privées.

1.  Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization, l’EBITDA désigne communément les reve-
nus d’une entreprise avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immo-
bilisations. Indicateur des résultats économiques d’une entreprise. Les chiffres du tableau sont standardisés c’est-à-
dire hors éléments exceptionnels lesquels ne sont pas représentatifs de l’activité régulière ou normale du groupe. Il
s’agit donc du bénéfice d’exploitation avant amortissements et dépréciations, corrigé des éléments non-récurrents.
2.  Issue du rachat de Medispy en 2013.
3.  20 % hospitalisation MCO (source : http://santecite.fr/).
4.  Le groupe a procédé au rachat de Medi-partenaire, le numéro 3 du secteur en 2013 qui réalisée un CA de
550 M€. Il est en discussion pour racheter Vitalia.
5.  En 2013, le résultat est redevenu positif après deux années de perte (Source : rapport annuel 2013).

189
11 cas de stratégie

La croissance en taille ne peut être le seul élément de développement des


groupes. Leur objectif est également de développer leur activité par croissance
interne. Pour cela, des projets actuels conduisent à la création de cliniques de plus
de 400 lits pour un coût unitaire de plus de 100 millions d’euros.1 Les investisse-
ments dans les locaux pour proposer des services de qualité, dans le plateau tech-
nique (moyens techniques nécessaires aux examens et aux soins) afin d’améliorer
la prise en charge du patient et le nombre de patients traités par unité, l’attraction
de médecins réputés sont autant de points importants dans le développement des
établissements. Par ailleurs, pour être rentable, dans un univers où les tarifs sont
fixés par l’assurance-maladie, l’opérateur mise sur un fort taux d’occupation de
ses lits et de ses blocs opératoires, tout en réduisant la durée de séjour des patients.
S’y ajoute une politique de spécialisation et de regroupement, des sites qui
deviennent incontournables et génèrent plus d’activité.2

2.3  L’arrivée des fonds d’investissement et leurs conséquences


Le paysage de l’hospitalisation privée « à but lucratif » français était encore au milieu
des années 1990 très marqué par le modèle de la clinique de taille réduite détenue par
un ou plusieurs médecins ou leurs familles. Les cliniques indépendantes sont
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aujourd’hui minoritaires. Les restructurations des cliniques se traduisent dès lors par la
recherche, d’une part, de manœuvres stratégiques de contournement et d’autre part,
d’une plus grande efficacité du gouvernement de la clinique de façon à mieux coordon-
ner l’ensemble des intervenants qui constituent et/ou gravitent autour de la clinique. Si
la moitié des cliniques françaises sont passées entre les mains de fonds de pension
étrangers, le marché européen montre toujours un faible niveau de consolidation, ce qui
offre des opportunités pour les prestataires de soins importants ayant des processus
rationalisés d’acquérir et d’intégrer avec succès des prestataires de plus petite taille.3
Depuis plusieurs années, compte tenu des résultats mitigés, les fonds d’investissement
qui étaient entrés au capital de plusieurs groupes ont souhaité sortir en vendant leurs
participations mais n’ont pas pu le faire, faute de repreneurs. À défaut et en attendant de
pouvoir céder leurs participations, les fonds ont procédé à des rationalisations via des
rachats ou des ventes d’établissements de manière à accroître leur présence dans cer-
taines zones géographiques soit pour profiter d’effets de proximité entre des établisse-
ments aux spécialités différentes permettant ainsi une prise en charge du patient à la fois
dans le domaine médical mais également à la sortie de la clinique avec des activités de
SSR, soit pour profiter d’effets de concentration sur certaines spécialités afin d’avoir un
plateau technique renouvelé, des praticiens reconnus et ainsi d’assurer un taux de rem-
plissage plus satisfaisant. Les groupes avaient financé les acquisitions des établissements

1.  « La carte des cliniques sur le territoire en pleine restructuration », www.lesechos.fr, 22 novembre 2012.
2.  Franck Bouaziz, « Examen clinique », www.lenouveleconomiste.fr, 19 avril 2012.
3.  Rapport annuel de Capio, 2013.

190
Ramsay  ■  Cas 10

principalement via des opérations de LBO1. La faible rentabilité dégagée par les cli-
niques et l’absence de cash flow suffisant les a conduits à se désendetter en revendant
soit des établissements entiers soit les murs de tout ou partie de leurs établissements avec
cependant pour conséquence des charges de loyer qui viennent en substitution de
charges d’amortissement. Le coût du foncier a ainsi augmenté fortement car les murs
étaient, dans un nombre important de cas, largement amortis et faisaient l’objet de dota-
tions aux amortissements assez faibles. La vente des murs à un prix de marché les a
valorisés de manière plus importante et a conduit les nouveaux propriétaires-bailleurs à
demander des loyers en rapport avec les prix de cession. Le poids du foncier a ainsi
doublé en dix ans. Les résultats des groupes ont été jugés décevants malgré des éléments
de perspective qui laissaient supposer des conditions favorables (importance de la part
du PIB consacrée à la santé, financement fortement socialisé via la Sécurité sociale,
vieillissement de la population, etc.). Ces éléments expliquent en très grande partie les
stratégies de sortie des fonds d’investissement. Des évolutions récentes importantes sont
à noter avec l’arrivée d’investisseurs qui ne sont plus des fonds mais des opérateurs du
monde de la santé. Pour autant, la pression qui va s’exercer sur les établissements ne
devrait pas diminuer car il faudra bien rembourser les emprunts ayant permis la prise de
contrôle ; les efforts de productivité seront encore d’actualité.
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3  Le leader Ramsay

Un gestionnaire australien de cliniques, Ramsay Health Care est devenu le premier


groupe d’hospitalisation privé en France, en prenant une part majoritaire dans Géné-
rale de Santé. Ramsay regroupe 151 hôpitaux dans différents pays (Australie, Indo-
nésie, Royaume-Uni, France) et prend en charge 1,4 million de patients par an.

3.1.  La constitution du groupe


Paul Ramsay a bâti un empire s’étendant bien au-delà du monde de la santé
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(médias, agriculture, technologies numériques…). Le groupe, créé il y a 50 ans, fait


partie du top 5 des entreprises de ce secteur au niveau mondial.2 Pour en arriver là,
son développement a été très important, d’abord en Australie dans différentes spécia-
lités, puis à partir de 2007, le groupe a entamé une croissance à l’international en
commençant par racheter à Capio sa branche britannique. L’entrée sur le marché
français date de 2010 par une prise de contrôle de 57 % des parts du groupe Proctif

1.  Une opération dite de LBO (leveraged buy-out) est une acquisition par emprunt, un rachat d’entreprise par
endettement ou encore une prise de contrôle par emprunt. Le montage est le suivant : une société holding finance
tout ou partie du rachat d’une entreprise en ayant recours à l’endettement bancaire ou obligataire remboursable par
la société achetée, ce qui permet d’augmenter la rentabilité des capitaux propres. La dette d’acquisition, bancaire
ou non, est remboursée par une ponction plus importante sur les flux de trésorerie de la société achetée (source :
lexique financier, www.lesechos.fr).
2.  Rapport annuel, 2014.

191
11 cas de stratégie

et de ses 8 cliniques puis par la suite par la prise de contrôle de Générale de Santé
(GdS). Les relations entre GdS et Ramsay ont commencé en 2011 lors du rachat
d’une première clinique. En 2013, une opération plus importante a été lancée par le
biais du rachat des 26 établissements psychiatriques de la filiale MediPsy de GdS.
Chris Rex, le directeur de Ramsay, a déclaré que « depuis que nous sommes entrés
sur le marché français en 2010, nous avons augmenté notre présence, avec succès, et
amélioré notre compréhension du marché », un marché très différent d’autres pays.

Tableau 10.7 – L’évolution de l’activité Ramsay (2012-2013)


2012
2013 (millions $)
(millions $)
Australie et
Europe Groupe Groupe Variation
Indonésie
Chiffre d’affaires 3 39320 780 4 174 3 956 + 5,5 %
EBITDA 523 104 627 583 + 7,6 %
Source : Rapport annuel, 2013.

L’évolution du groupe s’explique en partie par sa prise de contrôle du groupe GdS.

c Focus
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La Générale de Santé passe sous contrôle australien
pour 945 millions d’euros
Générale de Santé est actuellement leader la présentation de ses résultats annuels, le
de l’hospitalisation privée en France, avec groupe avait mis en avant l’environne-
19  000 salariés dont 7  000 infirmiers et ment économique « dégradé » de l’hospi-
4  000 aide-soignants, dans 75 établisse- talisation privée. Le chiffre d’affaires et le
ments et centres. résultat opérationnel du groupe ont tous
Ramsay a déboursé au total 429 millions deux reculé l’an dernier, de respective-
d’euros pour sa participation, le reste ment 3,1 % et 9,4 %. Des tendances qui
étant acquis par Crédit Agricole Assu- se sont poursuivies lors du premier tri-
rances (Predica). Générale de Santé est mestre 2014. Malgré cela, Générale de
ainsi valorisé à quelque 945  millions Santé a dégagé un bénéfice net de
d’euros. Ce prix offrait aux actionnaires 111,3  millions d’euros en 2013, doublé
une prime modeste de 8 % par rapport au sur un an (+  99,8  %) grâce à plusieurs
dernier cours d’avant la publication de cessions.
l’offre. Mais l’action Générale de Santé a Source : « Générale de Santé rachetée
gagné 40 % depuis un an. par Ramsay et le Crédit Agricole »,
Général de Santé n’a pas précisé les rai- www.liberation.fr, 11 juin 2014.
sons de sa volonté de vendre mais lors de

192
Ramsay  ■  Cas 10

3.2.  La Générale de Santé


La Compagnie générale des eaux crée la Générale de Santé en 1987. De 1987 à
1997, la Générale de Santé se constitue en rachetant les petits groupes de cliniques
existants à l’époque, qu’elle rationalise. De 1997 à 2001, la Générale de Santé est la
propriété du fonds d’investissement britannique Cinven. En 2001, le groupe entre en
bourse et en 2003, le docteur Antonino Ligresti devient l’actionnaire de référence de
la Générale de Santé. Après avoir interrompu ses activités dans la biologie en France
et en Italie, puis celles dans les services à domicile, le groupe s’est engagé depuis
2011 et a recentré ses activités autour de la médecine-chirurgie-obstétrique (MCO)
et les soins de suite et de réadaptation (SSR).
Générale de Santé est le premier groupe français d’hospitalisation privée. Ses
75 établissements prennent en charge tous les patients pour traiter toutes les patho-
logies en médecine-chirurgie-obstétrique et en soins de suite et de réadaptation.
Structurée en pôles territoriaux et adaptée aux besoins de chaque territoire de
santé, l’offre de soins de Générale de Santé contribue au maillage sanitaire du
territoire et aux missions du service public de la santé, indique le groupe. Cela
nécessite des investissements importants comme la création d’une nouvelle
gamme de chambres particulières pour créer de la valeur ajoutée pour le patient et
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être un relais de croissance pour l’entreprise dans un contexte de resserrement des
tarifs de soins hospitaliers.
La question de la rationalisation de l’organisation est également une question
centrale du point de vue de la performance du groupe. Ainsi dès 2003, les achats
de produits médicaux – médicaments, implants, consommables – ont été mutua-
lisés à l’échelle du groupe, ce qui permet de bénéficier de leviers de négociation
et de conditions préférentielles. En 2013, un pas de plus a été accompli vers une
médicalisation de ces achats. Les médecins utilisateurs, les plus légitimes à
connaître les meilleurs produits, sont ainsi impliqués dans les processus déci-
sionnels de référencement. Ils définissent leurs besoins, évaluent les produits,
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opèrent des choix et élaborent un cahier des charges pour consulter le marché.
La même démarche s’applique à la rationalisation des références existantes dans
le groupe. Au global, 70 000 des 300 000 références existantes ont été suppri-
mées.1
Les enjeux dans le secteur et pour Ramsay sont importants. De nombreuses inter-
rogations demeurent quant à la pertinence de son modèle de développement, même
si la situation actuelle semble très favorable.

1. Source : Rapport d’activité Générale de Santé, 2013.

193
11 cas de stratégie

Questions
Analysez les choix de développement des entreprises du secteur et plus particulière-
ment de Ramsay au regard des évolutions de son environnement et des choix de ses
principaux concurrents afin d’apprécier leur pertinence et la performance de l’entre-
prise. Cela vous conduira à discuter son modèle économique de développement afin
d’identifier les facteurs pouvant remettre en question sa pérennité.
1 ■ Vous analyserez l’environnement du secteur afin d’identifier les opportunités
et les menaces dans le secteur et leurs conséquences sur l’attractivité du sec-
teur.
2 ■ Vous identifierez les voies de croissance suivies par les leaders du secteur et
plus particulièrement par Ramsay.
3 ■ Vous analyserez l’impact des décisions sur les différentes dimensions de la
performance de groupe en essayant de voir si le modèle économique et de
développement est soutenable.
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Ramsay  ■  Cas 10

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

Ramsay est l’un des leaders de l’hospitalisation privée au niveau mondial et le


leader français. Le secteur présente à la fois des opportunités mais également de
fortes contraintes qui pèsent sur la rentabilité des entreprises. Dans ce contexte, les
acteurs ont souvent choisi des stratégies de croissance mais dont la soutenabilité
est remise en question par la perte d’attractivité du secteur. L’analyse du secteur,
des différents acteurs et des choix de Ramsay doit permettre, par le biais de l’étude
de la performance et de ses liens avec les choix des entreprises, de comprendre les
raisons qui conduisent à une forte diminution de la rentabilité et qui nous inter-
rogent sur la capacité des groupes à maintenir une forte croissance externe dans
les années à venir.
Afin d’éclairer les dynamiques du secteur, il sera possible de se référer au modèle
PESTEL. Certaines notions liées au modèle des cinq forces de Porter peuvent
également être mobilisées afin d’expliquer la perte d’attractivité du secteur.
Il conviendra, pour aborder ce cas, de maîtriser les notions de croissance en dis-
tinguant les questions de spécialisation et de diversification en se référant à la
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matrice d’Ansoff (1965). L’identification de la stratégie d’internationalisation
pourra s’appuyer sur la typologie de Bartlett et Ghoshal (1991).
Enfin, quelques notions d’analyse financière seront utilisées pour éclairer la per-
formance des différentes entreprises afin d’en identifier les leviers et de discuter
du modèle économique1 des acteurs et du leader.
Le travail s’effectuera selon les étapes suivants :
• Analyser les facteurs dans l’environnement ayant un impact sur le développe-
ment de l’activité.
• Identifier les évolutions sur l’attractivité du secteur.
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• Mettre en évidence les choix entre spécialisation et diversification.


• Identifier la nature de la stratégie d’internationalisation et comprendre son
impact sur le mode de croissance.
• Identifier et analyser la performance des entreprises.
• Mettre en évidence les possibilités en matière de développement et leurs limites.

1.  Les Anglo-Saxons parlent de business model, tandis que les Français lui préfèrent des expressions comme
« modèle d’affaires », « modèle d’activité », « modèle de revenus », ou « modèle économique ». Les auteurs de
Strategor considèrent que c’est une proposition de valeur pour les clients, pertinente et distincte de celle des
concurrents. C’est également une architecture de valeur de l’offre, entre ce qui est intégré à la structure de l’entre-
prise et ce qui est externalisé, et une « équation économique de valeur », prouvant la viabilité de l’entreprise et
sa capacité à générer du profit.

195
11 cas de stratégie

1.  Vous analyserez l’environnement du secteur afin d’identifier


les opportunités et les menaces dans le secteur
et leurs conséquences sur l’attractivité du secteur.
Analyse de l’environnement
Ce secteur présente à la fois des aspects d’opportunités mais aussi des menaces
pouvant nuancer l’analyse des scénarii d’évolutions possibles.
Il s’agit d’un secteur fortement réglementé à la fois dans les conditions et possibi-
lités d’ouverture de structure mais également du point de vue économique puisque
les dépenses de santé sont à la fois encadrées dans leur évolution (ONDAM) et très
largement socialisées via la Sécurité sociale. Le tableau ci-dessous résume les
différents éléments ayant un impact sur le secteur. On y retrouve une partie des
dimensions du modèle PESTEL (politique, économique, technologique, écolo-
gique, légal).
Facteurs positifs Facteurs négatifs
Croissance du PIB Encadrement des dépenses (ONDAM)
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Vieillissement démographique Baisse des tarifs
Développement des pathologies chroniques Concurrence croissante des hôpitaux publics
Progrès technique Développement de l’ambulatoire
Démographie médicale (nombre de professionnels
de santé en activité)
=> Hausse de la consommation de soins => Baisse de la rentabilité

La baisse de la rentabilité des groupes est un facteur important qui a un fort impact
sur le développement des groupes. L’accroissement de volumes lié aux facteurs
qui entraînent une hausse de la consommation de soins ne permet pas de compen-
ser les facteurs négatifs.

Un accroissement de l’intensité concurrentielle


Depuis quelques années, les résultats et marges des cliniques et établissements
privés se détériorent malgré la présence de facteurs favorables. Les facteurs néga-
tifs ont eu un impact très fort sur les opérateurs privés. L’intensification de la
concurrence en provenance des hôpitaux publics suite à l’introduction de la T2A
a été notable, notamment sur le segment de l’ambulatoire qui a longtemps été le
pré carré des opérateurs privés. Par ailleurs, le développement de l’ambulatoire a
également ralenti car pour un certain nombre de pathologies, le taux de prise en
charge en ambulatoire est déjà important. Les perspectives ne peuvent concerner
que de nouvelles pathologies suite à des évolutions dans les protocoles et les tech-
niques de prise en charge. Le développement de l’ambulatoire, s’il a eu un effet
positif sur les marges, a cependant eu un effet négatif dans la gestion des capacités

196
Ramsay  ■  Cas 10

des opérateurs. La substitution de l’ambulatoire à l’hospitalisation a créé dans


certains cas des surcapacités que les opérateurs ont dû résorber. La politique tari-
faire a eu un impact négatif sur les groupes privés et les perspectives sur les années
à venir ne devraient pas permettre d’amélioration de ce point de vue. L’accroisse-
ment de l’intensité de la concurrence n’est que partiellement compensé par le
renforcement du pouvoir de négociation des plus gros acteurs par rapport à leurs
fournisseurs.

2.  Vous identifierez les voies de croissance suivies par les leaders
du secteur et plus particulièrement par Ramsay.
De la spécialisation à la diversification
Quelles ont été les voies de croissance suivies par les groupes du secteur ? En se
référant à la typologie d’Ansoff (1965) résumée dans le tableau ci-dessous, on
identifie la spécialisation comme étant l’axe principal. Classiquement, on peut dire
que les entreprises sont spécialisées puisqu’elles ont au moins 75 % de leur chiffre
d’affaires dans l’activité des cliniques MCO.
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Produits/Technologies

Actuels Voisins Nouveaux

Actuels Spécialisation Diversification reliée par les marchés


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Types de clients/
Voisins
Zones
géographiques
Diversification reliée par les produits
Diversification
Nouveaux
non reliée

Les avantages de la spécialisation sont les suivants :


1. Conquête d’une part de marché plus importante.
2. Réduction des coûts grâce aux phénomènes d’économies d’échelle et à l’effet
d’expérience.

197
11 cas de stratégie

3. Amélioration de la productivité et de la rentabilité.


Les inconvénients sont les suivants :
1. Risque de se positionner sur un seul marché notamment lorsque celui-ci connaît
des crises ou un ralentissement de la croissance.
2. Rigidité organisationnelle et manque de réactivité.
On retrouve bien au niveau du secteur la plupart des avantages (1, 2 et 3) et le
risque de ralentissement lié à la présence sur un seul marché (1).
La question de la diversification est cependant posée puisque certains acteurs ont
développé d’autres spécialités avec le SSR et le PSY. On peut considérer cela
comme une diversification reliée. Les raisons qui ont entraîné ce mouvement
limité sont liées à des différences de profitabilité dans les activités. La T2A a ainsi
été plutôt favorable à ces activités, rendant leur performance plus forte que celle
du MCO. Les raisons de cette tarification sont liées à un manque de places et de
structures. Pour les favoriser, les pouvoirs publics ont joué sur l’arme tarifaire. Le
mouvement reste cependant limité car les acteurs sont principalement engagés
dans un mouvement de concentration sur leur cœur de métier, le MCO. Leurs
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tailles et leurs moyens ne leur permettent pas de pouvoir à la fois se renforcer et
se diversifier. Dans ces conditions, seuls les groupes les plus grands et les plus
internationalisés ont pu saisir cette opportunité. Ramsay est celui qui a poussé la
logique de la diversification le plus loin. Son histoire peut aussi permettre d’expli-
quer ces choix puisque lors de sa constitution, l’entreprise qui a commencé par se
développer dans le psychiatrique a par la suite couvert la plupart des autres spé-
cialités. Le groupe a rapidement été dans une logique de multi­spécialistes.
Au sein du marché des MCO, on peut distinguer trois grands modèles médico-
économiques. Certains acteurs privés se placent dans une logique de spécialisation
alors que d’autres poursuivent une logique de multispécialisation (MCO et SSR).
Enfin, quelques opérateurs se positionnent comme des « exhaustifs », en proposant
des offres de services fortement diversifiées dans des activités sanitaires mais sur-
tout médico-sociales, avec notamment des établissements pour personnes âgées
dépendantes.

De l’importance de la croissance externe


Le secteur a connu ces dix dernières années un mouvement important de concen-
tration. « Dans les années 1970, les cliniques étaient beaucoup plus nombreuses et
ne dépassaient pas en moyenne 70 à 80 lits : sur les quinze dernières années, nous
avons perdu environ 500 établissements  », explique Jean-Loup Durousset, pré-
sident de la Fédération hospitalière privée (FHP)1. Le mouvement s’accélère sous

1.  « La carte des cliniques sur le territoire en pleine restructuration », www.lesechos.fr, 22 novembre 2012.

198
Ramsay  ■  Cas 10

la pression de contraintes économiques liées à des questions de taille qui ont un


impact sur l’efficience des établissements car elle permet d’utiliser au mieux les
capacités en lits, en personnel mais aussi le plateau technique. Ce dernier point est
important car le fait d’avoir un plateau technique moderne a une incidence sur le
nombre de patients qui peuvent être vus et se révèle attractif pour les meilleurs
médecins. Ces derniers sont un élément très important de l’attractivité des établis-
sements au travers de leur réputation notamment. Dans un premier temps, la
concentration s’est faite principalement entre des groupes français. On note cepen-
dant avec Ramsay et Capio que des groupes étrangers ont racheté un nombre
important d’établissements. Pourquoi avoir procédé par croissance externe ? Deux
éléments éclairent leur choix : le premier est lié à la régulation du secteur et le
second à son caractère multidomestique. Les pouvoirs publics contrôlent la créa-
tion de nouveaux lits à la fois pour essayer de maîtriser les dépenses de santé mais
également par souci de préserver une implantation dans l’ensemble des régions
afin d’éviter des déserts médicaux. Compte tenu des efforts de régulation des
dépenses de santé, la création de nouveaux lits est donc fortement encadrée. Le
secteur étant à maturité, ayant même été en surcapacité ces dernières années
compte tenu du développement de l’ambulatoire, le nombre de lits ne devrait pas
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augmenter.
Par ailleurs, les systèmes de santé sont très différents d’un pays à l’autre à la fois
dans leur organisation et dans leur financement. Il y a donc de fortes spécificités
qui rendent l’internationalisation des acteurs plus compliquée, notamment par le
biais de la croissance interne. Si l’on se réfère à la typologie page suivante1 relative
aux stratégies d’internationalisation, nous sommes dans le cadre de stratégies
multi­­nationales.2 Compte tenu de la maturité du secteur et des barrières à l’entrée,
la croissance externe est donc une manœuvre pertinente.
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1.  C. A. Bartlett and S. Ghoshal (1991), « Managing Across Borders: The Transnational Solution », Harvard
Business Review.
2.  Dans cette structure, la firme multinationale intensifie son adaptation à la demande locale et se différencie.
Afin de réagir plus rapidement aux demandes des marchés nationaux, il s’agit de décentraliser les avoirs et les
capacités organisationnelles. Nous avons donc une répartition des ressources et une délégation des responsabili-
tés très étendues. En effet, les filiales ont alors une certaine indépendance. Le but étant de développer des posi-
tions clés sur chacun des marchés grâce à une grande sensibilité et à une réactivité importante aux différences
locales et aux exigences des politiques nationales.

199
11 cas de stratégie

Configuration des activités

Dispersée Concentrée

Stratégie globale Stratégie globale


Forte
Coordination transnationale simple
des
activités Stratégie
Stratégie
Faible multinationale
d’exportation
(multidomestique)

Ces stratégies de croissance (ouverture de lits, nouvelles activités, acquisition, réno-


vation des bâtis) nécessitent de lourds investissements. Malgré un durcissement des
conditions d’accès aux financements, le marché de l’hospitalisation est peu sensible
aux cycles, ce qui peut garantir un taux de remplissage très élevé, peu de risque de
surcapacité et des cash flows récurrents. Il est donc possible de lever des ressources
auprès de fonds d’investissement afin de financer cette croissance externe malgré
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une situation qui s’est dégradée.
Il appartient aux acteurs du secteur de mettre en œuvre des politiques de dévelop-
pement leur permettant d’accroître leur rentabilité et de pouvoir financer cette
croissance sous fortes contraintes économiques.

3.  Vous analyserez l’impact des décisions sur les différentes


dimensions de la performance de groupe en essayant de voir si le
modèle économique et de développement est soutenable.
L’analyse des leviers de la performance des groupes
Les chiffres présentés dans le cas permettent de mettre en évidence une situation
présentant des évolutions négatives sur les opérateurs, même si de fortes disparités
existent entre les différents groupes.
L’analyse ci-dessous de la performance et sa décomposition1 met en évidence un
certain nombre de leviers permettant d’accroître la rentabilité pour l’actionnaire,
appelés aussi ROE2.

1.  F. Brulhart, Les 7 points clés du diagnostic stratégique, Eyrolles, 2009.


2.  Le ROE (Return On Equity) est le résultat net/capitaux propres. Il correspond à la rentabilité de l’argent
apporté par les actionnaires à la société : il quantifie le montant des bénéfices réalisés en pourcentage de l’inves-
tissement en capital, et par conséquent l’aptitude de la société à rémunérer les actionnaires. Ce ratio se calcule
en divisant le résultat net par les capitaux propres. Plus le ROE est élevé, plus les capitaux utilisés par l’entreprise
sont rentables.

200
Ramsay  ■  Cas 10

Maîtrise des charges Rotation des


externes et politique immobilisations
de sous-traitance
Intensité
capitalistique des
Maîtrise des
immobilisations
charges internes
et politique RN RE VA CA IMMO AEN
d’amortissement
RE VA CA IMMO AEN CP

Performance RE CA Rotation
commerciale
CA AEN des actifs

RN RE AEN
RE AEN CP
Impact des charges et Effet de levier
produits financiers, de Rentabilité RN financier
l’IS et du résultat pour
exceptionnel l’actionnaire CP Rentabilité
économique
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Les groupes peuvent jouer sur la maîtrise des charges externes et des charges liées
à l’externalisation. Les établissements ont souvent poussé assez loin la logique
d’externalisation afin de ne garder que certaines fonctions dans leur chaîne de
valeur. Beaucoup de groupes ont déjà externalisé la restauration, le nettoyage, la
gestion informatique, le codage des actes, etc. Les possibilités d’accroître encore
cette externalisation semblent donc difficiles. La contrepartie à cette externalisa-
tion est l’accroissement des charges externes. La seule manière de les maîtriser est
liée à un effet de taille. L’accroissement de la taille des acteurs, soit par le biais de
la croissance soit par le biais de regroupement, permet d’accroître leur pouvoir de
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négociation sur les prestataires de services.


Les charges de personnel pèsent lourdement sur les charges des opérateurs : elles sont
estimées à 40 % du CA. Il n’y a pas de réelles possibilités d’action directe sur ce poste.
En revanche, un autre élément permet d’agir sur ces charges : il s’agit du taux de rem-
plissage de la structure et/ou du taux d’utilisation par exemple du plateau technique,
des blocs opératoires, etc. Une grande partie des charges relatives à ces éléments sont
des charges fixes ; l’accroissement de leur utilisation permet donc d’améliorer le poids
relatif de ces charges au regard du CA. Il y a donc une amélioration de la performance
commerciale. Elles ont également pour effet d’accroître la rotation des immobilisa-
tions, laquelle a un impact sur la rotation de l’actif. Ce dernier élément renvoie égale-
ment à la question des murs des cliniques dont nous avons indiqué qu’ils représentent
un poids très important dans les immobilisations. De plus en plus d’établissements de
santé cèdent leurs murs pour financer leur développement et l’utilisation de

201
11 cas de stratégie

l’immobilier comme levier de financement est devenue monnaie courante dans l’uni-
vers de la santé. Ce levier a été largement utilisé par les groupes car il a trois effets : le
premier permet de se désendetter, le deuxième de pouvoir avoir des ressources finan-
cières pour financer sa croissance et notamment ses acquisitions et le troisième de
diminuer son actif et donc d’accroître la rotation de son actif. Cela entraîne quand
même une dégradation de la performance commerciale car les loyers payés qui ont
fortement augmenté ne compensent pas l’amélioration de la rotation de l’actif.
La performance commerciale se trouve également impactée positivement par la
capacité des groupes les plus importants à maîtriser et à rationaliser la durée
moyenne de séjour (DMS). Dans un système de tarification forfaitaire (T2A), la
diminution de la durée de séjour permet de faire baisser les charges sans diminuer
le montant versé pour la prise en charge.
La situation s’est donc dégradée ces dernières années sous l’effet conjugué de plu-
sieurs facteurs. La diminution de la tarification de certains actes n’a plus été compen-
sée par un accroissement des volumes d’actes. La concurrence accrue des hôpitaux
publics peut expliquer cette relative décroissance. Le développement de l’ambula-
toire, qui a représenté une opportunité en termes financiers, pose la question de la
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couverture des charges de structure. En effet, avec des tarifs moins élevés en ambu-
latoire compte tenu que les charges le sont encore moins, ce dernier se révèle intéres-
sant du point de vue de la marge de l’ambulatoire mais entraîne une moindre
utilisation des infrastructures de l’établissement (perte de facturation sur les chambres
individuelles ou d’autres services facturés) et pose donc la question de la couverture
de ces charges fixes. L’accroissement des charges de personnel, qui représentent une
part très importante de la valeur ajoutée des groupes, et l’accroissement des charges
de loyers ont fini de déséquilibrer le modèle économique des cliniques.
Sans doute que seule la croissance peut permettre de contenir les charges tout en
ayant une meilleure rotation de l’actif. Dans ce modèle de performance, il y a
cependant la possibilité de jouer sur des effets de leviers financiers1. Les groupes
ont eu recours de manière assez importante à l’endettement pour se développer.
Les conditions actuelles sont moins favorables non pour des raisons de risques
sectoriels mais parce que la rentabilité dégagée est assez faible et que les évolu-
tions négatives des tarifs ne devraient pas permettre d’amélioration dans les
années à venir. Dans ces conditions, l’écart trop faible entre le coût de la dette et
la rentabilité des actifs nécessite de la part des groupes une capacité

1.  Le terme de levier financier exprime le fait que l’importance de la dette par rapport aux capitaux propres
au bilan d’une entreprise joue comme un levier sur la rentabilité de ceux-ci. L’effet de levier de l’endettement est
la différence entre la rentabilité des capitaux propres et la rentabilité économique. Il résulte de la différence entre
la rentabilité économique et le coût de la dette et dépend aussi de la proportion de dette par rapport aux capitaux
propres. L’effet de levier peut jouer dans les deux sens : s’il peut accroître la rentabilité des capitaux propres par
rapport à la rentabilité économique, il peut aussi la minorer quand la rentabilité économique devient inférieure
au coût de l’endettement (source : lexique financier, www.vernimmen.net).

202
Ramsay  ■  Cas 10

d’auto­financement que la vente des murs leur permet. En 2011, on estimait que les
quatre premiers acteurs détenaient pour environ 4 milliards d’actifs immobiliers.
Pour faire face à ces contraintes et saisir les opportunités, les groupes et notam-
ment les plus importants ont la possibilité d’axer leur développement sur la créa-
tion d’un effet groupe ou sur la recherche d’un effet taille.
Logique de groupe contre logique de taille
Dans tous les cas, la croissance est un élément important de la survie des acteurs
du secteur. On constate une course à la taille critique, à l’ouverture de nouveaux
lits, au positionnement sur de nouvelles activités, à l’acquisition d’établissements
et à la rénovation de lits. Face à la concurrence de l’hôpital public et à l’érosion
des parts de marché sur beaucoup de spécialités, les groupes peuvent envisager
plusieurs solutions, se renforcer au niveau régional afin de proposer des filières
complètes de prise en charge au niveau local et créer des pôles d’excellence, par-
ticiper aux coopérations hospitalières public/privé permettant la mutualisation de
moyens matériels, médicaux et logistiques ou se positionner sur le marché de
l’hospitalisation à domicile, générateur de croissance. Deux grandes logiques stra-
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tégiques se dégagent : proposer une offre de soins large sur un périmètre géogra-
phique limité (loco-régional) ou acquérir une dimension nationale dans un champ
plus limité d’activités. Seuls les plus grands peuvent envisager de combiner les
deux logiques comme Ramsay par exemple. Dans ce cas, les deux dimensions sont
associées, à la fois l’accroissement de la taille par activité afin de maîtriser au
mieux certains coûts notamment par rapport aux approvisionnements et de per-
mettre de développer l’attractivité de l’activité, mais aussi la diversification reliée
vers le SSR et les cliniques psychiatriques pour rechercher de la profitabilité. Sur
ce deuxième point, Ramsay est sans conteste bien plus diversifié que les autres
acteurs du secteur. L’internationalisation est également un autre point important
parce qu’elle permet de limiter les risques, de rechercher des relais de croissance
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et de profitabilité. Ramsay est bien plus internationalisé que ses concurrents. Il y


a donc bien la combinaison d’un effet de taille par spécialité et d’un effet de
groupe en développant des activités de prises en charge complémentaires.
Même si compte tenu de sa taille, de sa diversification et de son internationalisation,
Ramsay est devenu un des leaders du secteur en France, la question du modèle de
développement reste posée. Un modèle de croissance par endettement est-il viable à
long terme dans ce secteur ? La réponse à cette question en relation avec l’analyse
des différents éléments de performance semble montrer que non. En effet, rien
n’indique que l’on peut s’attendre à une amélioration de la performance écono-
mique. En revanche, l’endettement des groupes s’est accru depuis une décennie en
raison du mode de croissance qui a été choisi, la croissance externe par acquisition.
Les risques associés à ce mode de croissance sont les suivants :

203
11 cas de stratégie

1. Résistances internes (culture, organisation).


2. Nécessité d’importantes ressources financières.
3. Existence d’une cible.
4. Évaluation du prix de la cible, risque de surenchère.
5. Incertitude sur la réalisation des synergies.
Dans le cadre du secteur, les points 2, 4 et 5 peuvent poser problème. Le recours
à de la croissance externe par acquisition et non par fusion a surtout un impact sur
les ressources financières qu’il est nécessaire de mobiliser pour financer son déve-
loppement. Compte tenu des faibles rentabilités dégagées et de leur dégradation
ces dernières années, le poids de l’endettement est croissant alors même que la
croissance de la performance économique reste limitée. Dans ces conditions, le
modèle de développement par rachat paraît devoir connaître une limite. Seuls des
groupes plus internationalisés et plus diversifié peuvent s’engager durablement
dans cette voie. Il reste en revanche des possibilités pour des groupes moyens dont
le développement serait moins consommateur de ressources financières.
Quelle pérennité pour ce modèle de développement ?
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La faible performance économique semble montrer qu’un modèle fortement consom-
mateur de ressources financières n’est pas soutenable à long terme. Les synergies
dégagées, les gains de productivité, la rationalisation des organisations ne suffisent
pas à générer des marges de manœuvre pour le financer. Pour l’instant, les groupes
ont souvent joué sur la vente de leurs murs pour financer une partie de leur dévelop-
pement. L’autre partie était financée par de la dette. La première possibilité va s’ame-
nuiser dans les années à venir, son impact étant d’ailleurs ambivalent compte tenu de
l’augmentation des loyers que cela génère. La seconde possibilité est encore envisa-
geable dans la mesure où les taux d’intérêt sont très bas. La faible rentabilité fait
cependant que les effets de leviers possibles sont eux-mêmes faibles. Le financement
par la dette ne sera plus possible dès que la première possibilité s’amenuisera. Dans
ces conditions, deux solutions existent en matière de croissance :
–– soit une croissance coopérative non capitalistique sur le modèle du numéro deux ;
––soit une croissance externe par fusion et non par acquisition, mais cela aura pour
conséquence une dilution du capital.
Une dernière solution pourrait exister : trouver ailleurs des ressources pour finan-
cer son développement, dans d’autres activités liées comme par exemple dans les
maisons de retraites ou dans d’autres pays ou la rentabilité serait plus importante.
D’une manière plus globale, la soutenabilité de la croissance dans ce secteur ne
sera possible que si les entreprises disposent d’un portefeuille d’activités plus
équilibré, ce qui dans le cadre des activités sanitaires en France n’existe pas. Ram-
say est celui qui se rapprocherait le plus de ce modèle.

204
CAS 11. ORCHESTRA-PRÉMAMAN

Marion Polge, Catherine Peyroux


in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 205 à 220


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-205.htm
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Cas

11
Orchestra-
Prémaman

Marion Polge et Catherine Peyroux


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 Présentation du cas
Problématique
Comment poursuivre la croissance à l’international dans un secteur arrivé à maturité ?
Résumé
Orchestra-Prémaman se positionne comme l’un des leaders dans le secteur du prêt-
à-porter enfant et de la puériculture. Lancé dans l’aventure de la création d’entre-
prise il y a une vingtaine d’années, le couple dirigeant est aujourd’hui à la tête d’un
groupe international en pleine croissance. Cette entreprise explore des stratégies de
développement par croissance externe dans un secteur dont la maturité avancée
crée une concurrence relativement vive.
Quelle stratégie mettre en place pour poursuivre le développement dans un secteur
en berne ? Quel projet d’entreprise imaginer pour surprendre le client sans renfor-
cer l’agressivité concurrentielle ?
Objectifs
Ce cas vise à comprendre les mécanismes de croissance en combinant la recherche de
réduction de risques avec la préservation du contrôle. Pour cela, le décideur s’applique
à repérer les activités clés du succès qui servent d’appui au développement stratégique.

11 cas de stratégie


Outils mobilisés
••La compréhension des stratégies des différents acteurs du secteur peut être appré-
hendée à partir du concept de groupes stratégiques (M. E. Porter, 1980).
••Pour décomposer la stratégie d’Orchestra dans sa recherche de création de valeur,
la chaîne de valeur est ensuite mobilisée (M. E. Porter, 1985).
••Enfin, la stratégie d’Orchestra peut-être analysée comme une diversification liée
mise en œuvre sur la base d’une stratégie de croissance externe.

Le groupe Orchestra-Prémaman a connu une croissance fulgurante depuis sa créa-


tion en 1995. Chantal et Pierre Mestre ont bâti un petit empire autour des besoins de
l’enfant et de sa maman grâce à une démarche stratégique judicieuse dans un secteur
dont la situation économique reste préoccupante. Orchestra-Prémaman témoigne de
la réussite d’un processus de croissance d’une petite entreprise française dans un
domaine très concurrentiel, celui du prêt-à-porter. Le groupe atteint aujourd’hui un
effectif de 2 700 salariés dans le monde.
Alors que l’industrie textile française peine à trouver un nouveau souffle, ce groupe
atteste de la réussite de dirigeants qui innovent en empruntant des idées commerciales
et organisationnelles qui ont fait leur preuve dans d’autres secteurs industriels.
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Figure 11.1 – L’évolution des logos Orchestra

1  Une histoire familiale ambitieuse


En 1995, Chantal et Pierre Mestre décident de lancer une enseigne de mode pour
enfant et jeune adolescent à Castelnau-le-Lez près de Montpellier. Leur projet naît
d’une expérience acquise en Allemagne dans le négoce de gadgets, puis dans le

206
Orchestra-Prémaman  ■  Cas 11

groupe Zannier (marque Z) où, installés pendant cinq ans à Leipzig, ils travaillent
au développement de la marque en ex-Allemagne de l’Est. Pierre Mestre, ancien
étudiant en école de commerce, a le goût pour la vente et les défis irraisonnables. Il
déroule sa carrière au rythme soutenu de créations, rachats, innovations avec à ses
côtés son épouse dont le parcours d’infirmière semblait bien éloigné des négocia-
tions commerciales.
Le couple est repéré en Allemagne par des chasseurs de tête : devenus germano-
phones et anglophones, les Mestre tentent leur chance. Ils demandent aux entre-
prises qui essaient de les embaucher de financer leur projet plutôt que de les
recruter. Ils rassemblent alors 210 000 francs pour lancer leurs premiers magasins.
Le concept initial se limitait à ouvrir de petits magasins de proximité en bourgades,
ce qui s’avère peu adapté au marché français. Les petites quantités vendues
réduisent la marge de négociation sur les prix. Fort de cette expérience, le couple
réoriente son projet avec la création d’une gamme pour enfants distribuée en super-
marché. Orchestra s’installe dans une spirale du succès : des magasins de taille plus
importante ouvrent dans des grandes villes. Une styliste est rapidement recrutée.
L’entreprise gardera jusqu’à aujourd’hui le même positionnement : la mode créa-
tive à petits prix.
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Avec la présence dans l’entreprise d’Aurélie, la fille aînée des Mestre, l’aventure
a pris une envergure familiale que l’arrivée d’investisseurs comme la famille Gotlib
risque de dénaturer.

2  De la création à la croissance
Orchestra-Prémaman est actuellement un créateur, acheteur, fabricant, vendeur et
détaillant de vêtements français, focalisé sur la distribution de vêtement d’enfants et
de bébés, et sur les produits de puériculture. Plusieurs temps ont ponctué son déve-
loppement bâti sur un concept original de distribution et sur la consolidation de ce
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mode de distribution.

2.1  La naissance d’un nouveau concept de distribution


En 1999, le développement par franchise est lancé après plusieurs ouvertures de
magasins en succursales.
En 2006, Orchestra part à la conquête de la périphérie des villes en lançant les
« grands Orchestra » qui offrent à la fois un large assortiment de produits et des
services tels l’organisation d’anniversaires ou un espace jeux. Orchestra entre-
prend un développement international en créant des points de ventes dans sept
pays étrangers.
En 2009, c’est la création du « Club Orchestra » en réponse à la montée de la
concurrence par les prix, notamment par le biais des systèmes de promotion ou des

207
11 cas de stratégie

soldes flottantes. L’entreprise marque une entrée dans une logique communautaire
jusque-là non explorée dans le secteur. L’adhésion au club se traduit par l’achat
d’une carte annuelle d’un montant de 30 € qui ouvre la possibilité d’acheter tous
les produits avec une réduction de 50  % toute l’année sur toutes les collections.
Parmi les clients, seuls 10 % n’adhèrent pas : ce sont les clients occasionnels qui
achètent seulement des cadeaux. Mais au-delà du dopage des ventes, la carte Club
est un formidable outil de fidélisation. En 2014, le groupe compte 1,5  million
d’adhérents.
La mode enfant à petits prix est testée dans des magasins pilotes, avant une géné-
ralisation en Espagne, puis en France, en Belgique et en Suisse. Rapidement, le style
tendance de la marque lui permet de se distinguer avec un fort potentiel d’innova-
tion : 3 500 nouvelles références par saisons, 120 nouveautés par semaine.
Pour soutenir son image, le groupe crée plusieurs flagships en 2011. D’abord à
Paris, dans le quartier des magasins, où s’ouvre une surface de vente de 550  m2
présentant plus de 6 000 références de vêtements, chaussures, accessoires et articles
de puériculture. Rapidement, de nouveaux magasins phares voient le jour à Madrid,
Barcelone, puis en Chine en 2012. Au même moment, l’entreprise crée des filiales
dans trois pays à fort potentiel : la Turquie, la Chine et la Grèce.
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Source : www.orchestra.fr
Figure 11.2 – L’implantation des magasins Orchestra-Prémaman dans le monde

208
Orchestra-Prémaman  ■  Cas 11

Parallèlement à l’accélération de l’internationalisation, 2012 marque l’ouverture du


métier d’Orchestra vers la puériculture. La volonté de couvrir l’ensemble des besoins
des mamans et des bébés n’est pas récente, puisqu’en 2002 l’entreprise avait racheté
le réseau suisse Babycare. Mais une nouvelle dimension s’annonce avec l’ouverture
à proximité de Montpellier du plus grand magasin de puériculture de France d’une
superficie de 3 000 m2. L’établissement Baby Care by Orchestra dévoile les projets
de croissance du groupe. L’ambition est clairement exprimée : devenir l’Ikea de la
puériculture en créant des mégastores en Europe et dans le monde.
Le groupe envisage de créer une dizaine de mégastores d’une surface allant de
2 000 à 5 000 m2. Les collections mode de la marque Orchestra sont complétées par
les produits de puériculture Prémaman, entreprise récemment rachetée par le
groupe. À ce jour, cinq mégastores ont été créés : trois en France (Nîmes, Montpel-
lier, Villeneuve-d’Ascq), un à Athènes et le troisième à l’Île Maurice. Les deux
prochaines ouvertures sont prévues à Lille et à Charleroi (Belgique).

2.2  L’expérimentation de la diversification… pour le plaisir


En 2009, Pierre Mestre cherche à couvrir un nouveau domaine du prêt-à-porter en
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capitalisant sur son expérience dans le secteur de l’enfance. Il crée un site Internet
de vente en ligne Clubatcost.fr qu’il transforme ensuite en Shop-and-club.com.
Le principe d’une carte club à 120 euros est identique à celui proposé chez Orchestra.
Cette opération lui permet de créer une marque basique (Access) à côté de sa propre
marque de vêtements adultes chic et contemporaine : Verchant. Cette marque ne corres-
pond pas seulement à une marque vestimentaire, puisque le Domaine de Verchant, bien
connu à Montpellier, a été racheté par la société financière Mestre. Situé dans un
authentique parc méditerranéen, le domaine accueille des événements prestigieux en
proposant des prestations de restauration, hébergement et relaxation haut-de-gamme.
Cette acquisition semble plus répondre à un attachement affectif du dirigeant à sa
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région natale qu’à une pure projection d’affaire. Cela ne l’empêche pas de tenter une
valorisation croisée entre ses activités de service et celles de commerce vestimentaire.
Actuellement, le site internet du groupe oriente le visiteur vers Orchestra confirmant
que le dirigeant a repositionné son développement autour de la puériculture.

2.3  Un groupe mondial recentré sur la puériculture


En cinq ans, Orchestra-Prémaman a pris de l’envergure en devenant un groupe
leader du secteur. Le couple Mestre a engagé des rachats successifs.
Depuis 2012, trois entreprises ont rejoint le groupe : Prémaman, Baby 2 000 et
Home Market.
Le 15 juillet 2012, Orchestra fait l’acquisition du groupe belge Prémaman, marque-
enseigne spécialisée dans les articles de puériculture où il est une des marques

209
11 cas de stratégie

historiques. Cette entreprise lancée par un couple d’entrepreneurs belges ouvre son
premier magasin en 1953 à Bruxelles afin de proposer vêtements et accessoires aux
futures mamans et à leurs jeunes enfants. Au départ, un petit atelier de confection
fabrique les articles mis en vente. Mais très vite, de nouveaux magasins ouvrent leurs
portes, l’équipe de collaborateurs s’étoffe de nouvelles compétences aussi bien créatives
que commerciales. Un véritable plateau de confection alimente les magasins ouverts
dans toute la Belgique, puis au Luxembourg et en Grèce. La marque Prémaman devient
la référence belge du secteur en détenant en 2012, près de 300 boutiques dans le monde.
Par cette acquisition, Pierre Mestre étend son positionnement dans le monde de la
puériculture tout en garantissant à la marque Orchestra l’accès à de nouvelles bou-
tiques de commercialisation.
Rapidement, Prémaman connaît une nouvelle configuration : restructuration, créa-
tion d’une plateforme d’achat, remaniement des magasins avec l’arrivée des articles
vestimentaires de marque Orchestra. C’est ainsi que les magasins Orchestra-Prémaman
voient le jour.
Un an plus tard, le 1er juin 2013, Baby 2 000 rejoint à son tour Orchestra-Préma-
man. Ce spécialiste de la distribution de produits pour bébés est reconnu comme une
référence du marché avec ses six mégastores déployés sur le territoire belge. Son
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concept «  one stop shopping  » présente une offre particulièrement étoffée de
120 marques renommées.
Né en 1963, Baby 2  000 a bâti sa prestation autour d’une double compétence,
proposant une offre élargie de produits et conseils personnalisés.
L’étendue de l’assortiment de produits destinés à la petite enfance peut sembler
déroutante : vêtements, accessoires, articles spécialisés (tétines, lits poussettes, porte-
bébés…) ainsi qu’une multitude de services afin de faciliter les conditions d’achat
des jeunes parents : liste de naissance, espace détente, cafétéria, espace ludique…
Dans cet univers dédié à l’enfance, l’équipe d’experts est au service des parents
pour apporter les meilleurs conseils. Ainsi, Baby 2 000 ne se positionne pas seule-
ment comme une grande surface, mais plutôt comme le partenaire des parents.
L’arrivée de Baby 2  000 auprès d’Orchestra-Prémaman élargit la couverture du
marché depuis la grossesse jusqu’aux enfants de 14 ans à travers une offre liée à la
mode ainsi qu’aux équipements plus techniques.
Cette deuxième acquisition apporte à Orchestra une expertise supplémentaire dans
la distribution sous la forme de mégastores en Belgique. Baby 2  000 intervient
comme un accélérateur dans le lancement du premier hypermarché de l’enfance
atteignant la superficie de 5 000 m2 à Zaventem (Belgique) en août 2014.
Home Market, filiale belge de Saint-Maclou rejoint à son tour Orchestra-Prémaman
le 9 mai 2014. Avec ses 40 magasins succursales que l’entreprise souhaite reconver-
tir dans la puériculture, cette nouvelle enseigne vient enrichir la prégnance commer-
ciale du groupe.

210
Orchestra-Prémaman  ■  Cas 11

Home Market, spécialisé dans la pose de parquet, a connu de lourdes difficultés


financières. Avec 10 millions d’euros de pertes au cours des trois derniers exercices,
l’entreprise avait dû cesser son activité trois mois avant le rachat par le groupe
Orchestra-Prémaman. L’acquisition est réalisée moyennant la prise en charge du
plan de restructuration engagé par les cédants en complément du prix payé pour le
rachat de la participation. Ce plan concerne les 230 salariés travaillant chez Home
Market. Après fermeture des doublons, Orchestra devrait conserver une vingtaine de
magasins. Ce rachat apporte ainsi 30  000  m2 de surface de vente supplémentaire
pour atteindre un total de 55 000 m2 au Benelux.
Fort de ces acquisitions stratégiques, le groupe Orchestra-Prémaman déploie un
riche portefeuille de structures commerciales et devient leader européen du secteur
de la puériculture. Le groupe s’est engagé dans un processus de croissance rapide :
ses trois rachats d’entreprises ont démontré la volonté d’Orchestra de couvrir l’en-
semble de ce marché. Le rythme soutenu d’une acquisition par an, a des consé-
quences sur la structure juridique du groupe.

3 Orchestra-Prémaman
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Les magasins se sont multipliés avec une accélération plus marquée à l’arrivée de
Prémaman et de Baby 2 000. Au total, le groupe comptabilise 601 magasins en 2014
générant une activité en progression de 22,6 % en franchise et de 13,3 % en succur-
sales. Ces dernières réalisent 53,7 % du chiffre d’affaires.
Tableau 11.1 – Le nombre de magasins du groupe Orchestra-Prémaman
07 08 09 10 11 12 13 14
Succursales
Orchestra 105 113 122 136 134 164 201 221
Prémaman Baby 2 000 0 0 0 0 0 0 0 0
Total succursales 105 113 122 136 134 164 201 221
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Franchisés
Orchestra 216 252 288 297 317 296 244 264
Prémaman Baby 2 000 0 0 0 0 0 0 156 48
Total franchisés 216 252 288 297 317 296 400 312
Total
Orchestra 321 365 410 433 451 460 445 485
Prémaman Baby 2 000 0 0 0 0 0 0 156 48
Total 321 365 410 433 451 460 601 533
Source : Management Orchestra-prémaman.

Par ailleurs, l’entreprise Orchestra-Prémaman travaille avec des distributeurs mul-


timarques (83). La progression de l’occupation du marché s’accompagne d’une
croissance du chiffre d’affaires qui s’élève à 123,5 millions d’euros pour le premier
trimestre 2014 (+ 14,5 % par rapport à l’exercice précédent). Au cours de l’exercice
précédent, l’activité avait déjà progressé de 14,4 % en France et de 64,5 % à l’étran-
ger. Notons qu’en 2013, 64,5 % du chiffre d’affaires était réalisé en France.

211
11 cas de stratégie

3.1  L’organisation de l’activité


La croissance du groupe est essentiellement menée autour des enjeux commer-
ciaux. Moins visible, une équipe dotée d’excellentes compétences en créativité,
portée par une forte coordination d’une activité de production à l’échelle internatio-
nale permet d’approvisionner les magasins.
Pour l’approvisionnement, 117 fournisseurs et près de 502 usines permettent au
groupe de limiter sa dépendance en la matière. Les achats de textile sont réalisés par
trois canaux différents en fonction des articles et du rythme d’écoulement en maga-
sin. Les bureaux d’achat du groupe assurent le suivi des produits avec une parfaite
maîtrise de la qualité par des qualiticiens maison. Ils représentent 55 % des quantités
acquises. Il y en a cinq en Inde, Chine, à Maurice et au Bangladesh. 35 % passent
par des agents indépendants qui s’engagent à faire le suivi des références et
deviennent les garants de la conformité des produits. Seulement 10 % des approvi-
sionnements sont achetés par des fournisseurs en direct, sans passer par les bureaux
d’achats.
Ils sont répartis à travers plusieurs zones géographiques (cf. tableau 11.2).

Tableau 11. 2 – Les approvisionnements selon la zone géographique


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Zones géographiques Pourcentage des achats
Asie (Chine, Inde, Bangladesh, Indonésie, Philippines, Vietnam, Sri Lanka) 88 %
Afrique du Nord 1 %
Europe 1 %
Île Maurice - Madagascar 10 %

Source : Management- Orchestra-Prémaman.

Dans le but d’assurer la fiabilité éthique des sous-traitants et des fournisseurs, le


groupe est devenu membre de la BSCI1, organisation non gouvernementale qui
veille à l’amélioration des conditions de travail.

3.2  Une équipe créative et commerciale


En 2014, le groupe compte 2 375 salariés avec une progression spectaculaire de
l’effectif de 18 % par rapport à l’exercice précédent, notamment suite aux opérations
de croissance externe.
L’équipe de création, resserrée autour de 30 stylistes et modélistes épaulés par les
cinq bureaux d’études, assure une offre sans cesse renouvelée  : 3  500 nouveaux
modèles sont proposés chaque année et 100 nouveautés sont commercialisées par
semaine. Le reste de l’effectif est réparti dans la force commerciale et les fonctions
de soutien.

1.  BSCI : Business Social Compliance Initiative.

212
Orchestra-Prémaman  ■  Cas 11

Effectifs fin d'exercice


2500 2375

2012
2000

1500
1160

1000 874 876 897 914


741 796
642
558 580
490
500 377
155
3 17 55 55 83
0
6 7 8 9 0 1 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
99 99 99 99 00 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
2 /1 2/1 2/1 2/1 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2 2/2
8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0 8/0
2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2

Source : Management Orchestra-Prémaman

Figure 11.3 – Les effectifs de fin d’exercice


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L’entreprise a mis en œuvre une organisation lui permettant de commercialiser
ses produits sur un marché mondial. Elle a exploité un style créatif et mode pour
fabriquer des produits de qualité à des prix compétitifs. Elle a choisi d’intégrer sa
supply chain, particulièrement les activités de création et de logistique.
Afin de financer la croissance du groupe et d’éventuelles opérations de croissance
externe, l’entreprise a envisagé l’émission d’obligations non cotées.

4  Une étonnante progression dans un secteur en berne


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Accusant un repli de 2 % en 2014, le secteur du prêt-à-porter (PAP) enfant est en


souffrance. Jusqu’à présent, il avait mieux résisté à la baisse de pouvoir d’achat que
le PAP adulte. Longtemps considéré comme un achat plaisir, il subit aujourd’hui les
arbitrages budgétaires des foyers qui n’hésitent plus à chercher des systèmes alter-
natifs (promotions, produits d’occasion, échanges entre particuliers…).
Une étude menée par Xerfi 700 rappelle que le secteur se partage en 7 circuits de
distribution1  : «  les chaînes spécialisées PAP enfants (DPAM, Z, Okaïdi, Obaïbi,
Jacadi etc.), les chaînes mixtes (H&M, Zara, etc.), les chaînes de grande diffusion
(Kiabi, Gémo, Vet’affaires, etc.), les magasins indépendants multimarques, les
grandes surfaces alimentaires (Leclerc, Carrefour, Casino, Auchan, etc.), la vente à

1. www.toute-la-franchise.com

213
11 cas de stratégie

distance (La Redoute, Les 3 Suisses, Vert Baudet, Vente-privee.com, etc.), les maga-
sins multicommerces (Monoprix), et enfin les grands magasins (Galeries Lafayette,
Printemps, etc.)  ». Par ailleurs, certaines chaînes proposant des équipements de
puériculture commercialisent des vêtements pour bébé.
La forte concentration sectorielle explique en partie la férocité de la concurrence
entre acteurs ; cela a pour conséquence un net recul de la rentabilité d’exploitation
des structures. Les chaînes spécialisées misent aujourd’hui sur l’occupation du
marché pour faire face à l’ultra-concurrence des distributeurs généralistes de
grande diffusion. Cette occupation du marché passe notamment par la croissance
interne à l’instar de DPAM (Du Pareil Au Même), par un élargissement de
cible  (Jacadi, Petit Bateau) ou encore un élargissement de l’offre (Orchestra-
Prémaman).

Questions
Étudiant en master Management et Stratégie, vous effectuez un stage chez Orchestra-
Prémaman. Il vous est demandé de mettre en perspective la stratégie d’Orchestra à
l’horizon 2020.
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1 ■ Analysez la stratégie de croissance de l’entreprise et explicitez les choix
retenus par le dirigeant compte tenu des caractéristiques du secteur. Discutez
de l’opportunité de choisir une stratégie de diversification et les risques
encourus.
2 ■ Décomposez les différentes activités du groupe jusqu’en 2012. Comment
peuvent-elles expliquer les choix stratégiques qui ont suivi ?
3 ■  Décomposez la stratégie de diversification par croissance externe menée
jusqu’en 2105 par Orchestra-Prémaman. Que pouvez-vous en conclure quant
à l’avenir du groupe ?

214
Orchestra-Prémaman  ■  Cas 11

corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs  •  corrigÉs

Orchestra-prémaman aurait pu rester une PME locale de commerce de proximité.


L’ambition du dirigeant mais surtout le contexte sectoriel difficile ont engagé
l’entreprise dans un processus de croissance soutenue. Progressivement, le besoin
de positionnement stratégique distinctif a conduit à exploiter la créativité de
l’entreprise tant dans la nature de l’offre que dans les services (carte club et
modèle des boutiques). Parallèlement, la stratégie d’intégration (amont, aval et
horizontale) donne naissance à un groupe dont la structuration financière et juri-
dique laisse présager d’un avenir riche en développements.
Les outils d’analyse de l’environnement concurrentiel sont les premiers à être
mobilisés de façon détaillée dans ce cas. Il est notamment fait référence à l’en-
semble des travaux de M.E. Porter dont certains sont directement présentés en tant
que proposition de correction. Pour ensuite comprendre l’architecture des activités
d’Orchestra-Prémaman, il est recommandé d’utiliser les outils d’analyse de la
diversification liée. La matrice d’I. Ansoff (1957)1 peut également être appliquée.
Aujourd’hui, le groupe Orchestra-Prémaman se consolide en combinant deux
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démarches : le renforcement de sa présence sur le marché et le recentrage sur le
cœur de métier. Le déploiement de sa stratégie s’étend suivant plusieurs axes
alliant croissance externe, concept commercial, organisation productive et struc-
ture juridique et financière.
Pour comprendre comment Orchestra a choisi de se positionner sur le marché du
PAP enfant, il convient en premier lieu d’identifier les groupes stratégiques des
entreprises présentes dans le secteur. Nous verrons dans un second temps com-
ment les arbitrages en termes de positionnement stratégique ont été associés à
des choix de valorisation des activités créatrices de valeur à partir de la chaîne
de valeur (M.E. Porter). Pour terminer, nous étudierons les pistes de diversifica-
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tion déployées par le groupe pour discuter de leur impact sur l’avenir d’Orches-
tra-Prémaman.

1.  Ansoff, I. “Strategies for Diversification”, Harvard Business Review, Vol. 35, 1957.

215
11 cas de stratégie

1.  Analysez la stratégie de croissance de l’entreprise et explicitez


les choix retenus par le dirigeant compte tenu des caractéristiques
du secteur. Discutez de l’opportunité de choisir une stratégie
de diversification et les risques encourus.
Jusqu’en 2012, Orchestra fait le choix d’une activité centrée sur le PAP enfant.
Avec le rachat de Prémaman spécialiste en puériculture s’engage une stratégie de
diversification vers un nouveau DAS, celui des articles de puériculture.
Retenons pour l’analyse environnementale le DAS historique c’est-à-dire le PAP
enfants qui marque le positionnement stratégique.
Plusieurs groupes stratégiques peuvent être identifiés. Les acteurs du secteur sont
soit spécialisés dans le PAP enfant, soit diversifiés et dans ce cas visent tous les
segments de clientèle (homme, femme, enfant, bébé). Par ailleurs tous ne sont pas
engagés dans une stratégie d’internationalisation. Orchestra s’est lancée dans une
stratégie de diversification lui permettant de proposer certes des produits de PAP
enfant mais au-delà d’avoir une offre complète dans l’univers de l’enfant, faisant
de ce fait émerger un nouveau DAS intégrant le PAP enfant et les équipements de
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puériculture. Une offre jointe que l’on pouvait retrouver chez des non spécialistes
mais qui ne bénéficiait pas de cette identité forte en lien avec l’équipement de
l’enfant.
Orchestra-Prémaman évolue dans un environnement extrêmement concurrentiel,
particulièrement dans le DAS de la confection pour enfants. Il a réussi à faire face
à la forte concurrence du secteur en se positionnant sur des produits de qualité,
de style mode et à prix compétitifs, en fidélisant les clients avec le Club Orches-
tra et en faisant le choix d’intégrer sa chaîne de valeur de la conception des pro-
duits à la distribution. Afin d’optimiser l’organisation, l’entreprise a externalisé
la production dans des pays à bas coûts de production et a diversifié ses réseaux
de distribution (succursales, franchise, magasins multimarques). Mais pour
conforter sa position de leader sur ce marché, le groupe a élargi son offre, suivant
en cela le modèle d’Ikea. Le marché visé est mondial. L’entreprise est engagée
dans une stratégie de globalisation couplant organisation mondiale et marché
mondial.

216
Orchestra-Prémaman  ■  Cas 11

Groupes stratégiques PAA enfants

Interanational Grandes surfaces alimentaires-


multi-sites multi-commerces
Périphérie (carrefour/Casino
urbaines ORCHESTRA
Chaînes PAP Mixtes & de grande
Marché Chaines puériculture diffusion ou VPC
Chaines spécialisées enfants (Bébé 9, Autour du (H&M, Kiabi, La Redoute)
(Okaïdi/Petit Bateau, Z) Bébé)

National Grands magasins


Centres villes Magasins indépendants
multimarques (Galeries Lafayettes)

Etroite et ciblée Diversifiée dans l’univers Généraliste


de l’enfant Offre

Barrières à la mobilité Espaces stratégiques


International International
Multi-sites Couverture de l’offre & conseil Internationalisation Internationalisation
Choix implantation stratégique Complémentaire de Multi-sites
l’offre pour achats Petites structures Créativité
récurrents Hyper-spécialisées Maîtrise chaîne
Capital confiance de valeur
Offre stylisée experte
Marché de l’enseigne Marché
Capital confiance de l’enseigne

Couverture de l’offre & conseil


Capital confiance enseigne
& diversité des marques
National National
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Etroite et ciblée Diversifiée dans l’univers Généraliste Etroite et ciblée Diversifiée dans l’univers Généraliste
de l’enfant de l’enfant
Offre Offre

Figure 11.2 – Le groupe stratégique d’Orchestra-Prémaman

La carte des groupes stratégiques montre comment Orchestra s’est orientée vers
un espace inoccupé en exploitant sa créativité et en diversifiant son offre au-delà
du secteur de l’habillement. Avec des surfaces de vente plus vastes que ses concur-
rents (DPAM, Okaïdi, Petit Bateau…) l’entreprise a rapidement cherché à se dif-
férencier. Le choix de s’implanter en périphérie des grandes villes dénote par
rapport aux enseignes directement concurrentes.
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Rapidement la principale barrière à l’entrée dressée par le groupe se trouve dans


la localisation : les emplacements vastes avec facilité d’accès sont à la fois rares
et coûteux. Le groupe Orchestra a d’ailleurs débuté avec des magasins plus petits
et moins rentables.
Magasins spacieux et offre diversifiée dans le secteur de l’enfant vont de pair.
Jusqu’en 2012, Orchestra construit son identité sur la richesse de sa gamme,
tant dans son étendue que dans son renouvellement. Pour satisfaire une telle
ambition dans un secteur arrivé à maturité, Orchestra ne peut que renforcer son
axe stratégique en recherchant de nouveaux marchés tout en accentuant la spé-
cificité de son offre. Observons les modalités d’évolution de l’offre grâce à la
chaîne de valeur.

217
11 cas de stratégie

2.  Décomposez les différentes activités du groupe jusqu’en 2012.


Comment peuvent-elles expliquer les choix stratégiques qui ont
suivi ?
Dès la création, le couple Mestre a centré son activité sur la création PAP enfant
tendance et le contrôle du mode de distribution. Au fur et à mesure, le concept
commercial s’est précisé : d’abord les commerces de taille moyenne en ville ont
été développés, puis de grandes surfaces en périphérie des agglomérations ont été
créées. Le principe est resté le même : se situer à proximité des clients pour faci-
liter l’accès. De façon convergente, la création stylistique a été adaptée pour offrir
un large assortiment à la hauteur des vastes espaces commerciaux. Finalement, le
cœur de métier initial correspondait à la création d’un nouveau modèle intégré
dans le PAP enfant de la création des produits jusqu’à la distribution. Par une
stratégie d’intégration amont/aval, le couple Mestre s’exonère de la dépendance
des distributeurs tout en assurant la diffusion de ses produits.
La chaîne de valeur montre comment s’articulent les activités principales créatrices
de valeur. Les approvisionnements sont parfois internalisés, sinon contractualisés
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pour assurer une bonne qualité des produits. Dans les différents schémas de fonc-
tionnement, il apparaît que le groupe garde le contrôle sans pour cela chercher à
développer un pôle fortement centralisé. En revanche, la dimension logistique pré-
sente une organisation beaucoup plus affûtée autour d’une équipe restreinte, mais
centralisée sur un site de création. La valorisation du rythme et de l’étendue des
créations montre que cette cellule constitue une activité centrale. La production qui
suit a été confiée à des sous-traitants et fournisseurs étrangers pour une large part.
Les activités créatrices de valeur ne résident pas dans la technique de fabrication,
mais plutôt dans la capacité à imaginer des produits stylés complémentaires. La
valorisation commerciale, clé essentielle du concept est innovante dans ce secteur,
mais elle s’inspire des comportements commerciaux généralisés depuis une dizaine
d’années  : combler l’ensemble des besoins des consommateurs par une offre
enrichie en un même lieu.
Ces concepts s’accompagnent de la création d’un univers familier pour le consom-
mateur, incitant à une fréquentation régulière. Le « club Orchestra » témoigne de la
tendance communautaire que souhaite instaurer Orchestra avec ses clients les plus
fidèles.
Jusqu’en 2012, la structuration d’Orchestra a été bâtie suivant un double mouve-
ment. En premier lieu, le dirigeant, très attaché à sa région, revendique un enraci-
nement local. Son investissement dans le groupe Verchant illustre ce besoin de
reconnaissance locale. La croissance très rapide de l’entreprise lui octroie d’ail-
leurs une forte légitimité auprès des acteurs territoriaux. D’un autre côté, Orches-
tra s’est déployée à l’international de façon rapide : des succursales pour garder

218
Orchestra-Prémaman  ■  Cas 11

un certain contrôle, des franchises pour accélérer le mouvement sans supporter


toutes les ouvertures.
Pour accompagner cette structuration, le management des ressources humaines
s’opère avec des équipes resserrées autour de la direction : cette technique facilite
la flexibilité et le déploiement rapide de personnel sur le terrain. L’entreprise fait
le choix d’externaliser soit en totalité (sous-traitance de la production), soit par-
tiellement (franchises/approvisionnements) les activités qui ne lui procurent pas
un avantage concurrentiel déterminant.
Le travail simultané d’équipes centralisées et décentralisées nécessite des moyens
de coordination puissants  : au-delà des outils technologiques, Orchestra a créé
plusieurs plateformes logistiques d’envergure.
Au total, le groupe Orchestra spécialiste du PAP enfant a adopté une stratégie qui
l’amène naturellement à une occupation massive du terrain concurrentiel impli-
quant une satisfaction globale du client. Les choix qui ont été opérés sur le DAS
historique préparent la croissance pour ce groupe maintenant diversifié avec le
rachat de Baby 2 000 et de Prémaman.
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Infrastructure :
- Enracinement territorial à Montpellier pour le pilotage : coordination internationale
à partir du siège
- Multiplication des plateformes commerciales dans le monde

Management modulaire des ressources humaines :


- Mobilisation resserrée des équipes créatives – esprit d’équipe dynamique tourné vers
l’innovation
- Normalisation des relations avec les franchisés et les vendeurs : recherche de standards de qualité
Développement technologique lié au travail à distance :
- Créativité globale : coordination, production, commercialisation internationale
- Ajustement continu avec les sous-traitants étrangers pour une production à rythme soutenu
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Gestion des achats :


- Coordination internationale des fournisseurs (internalisation/contractualisation)
- Contrôle qualité
Commercialisation
Nouveau concept Services
Logistique amont Production internalisée Logistique aval commercial Accès facilité en
Plateformes Renouvellement Plateformes de Club orchestra périphérique
multi-sites continu des collections distribution Flagships des grandes villes
Choix étendu
Externalisation partielle
Fabrication externalisée et renouvelé
Franchises

Renforcer l’effet de taille pour réduire les coûts Offre multiservice dans les
Maîtriser l’amont de la filière mégastores
Pistes d’amélioration de la chaîne de valeur Multiplication des sites d’implantation

Figure 11.3 – La chaîne de valeur Orchestra-Prémaman

219
11 cas de stratégie

3.  Décomposez la stratégie de diversification par croissance externe


menée jusqu’en 2105 par Orchestra-Prémaman. Que pouvez-vous
en conclure quant à l’avenir du groupe ?
La diversification s’est opérée à partir du métier initial : le PAP enfant (0-14 ans),
en développant une offre d’articles puériculture jusque-là très peu développée.
En rachetant plusieurs concurrents, Orchestra étoffe à la fois ses compétences
créatives (pour ce qui est de la puériculture) et ses points de vente (emplacements
stratégiques). La diversification crée un nouveau DAS dans la puériculture, mais
l’élargissement ne concerne que la création produits. La distribution étant com-
mune, ces activités sont en synergie forte.
La figure 11.4 montre également les difficultés d’Orchestra à sortir du marché de
l’enfant : l’expérience du Clubatcost adossé pourtant au même concept commer-
cial qu’Orchestra a montré ses limites.

Intégration amont
Plateformes logistiques
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d’approvisionnement

Intégration horizontale
Activités connexes

Articles de périculture Orchestra Prêt-à-porter adulte


Création de prêt-à-porter
(Baby 2000/Prémaman) (Clubatcost)
enfant 0 – 14 ans

Intégration aval
Nature de l’offre Réseau distribution mégastore Création image internationale
(Club Orchestra/style ultra- (Prémaman/baby2000/Home Market Communication marketing
renouvelé/multiservices) + franchises

Figure 11.4 – La stratégie de diversification d’Orchestra

La petite PME devenue un groupe mondial montre la puissance de l’identité sec-


torielle élaborée pas à pas : avec la croissance de sa légitimité, le couple Mestre a
pu mobiliser des investisseurs pour passer à un régime de croissance de plus en
plus rapide. Ce nouveau géant de l’enfance et de la puériculture s’est donné les
moyens de conquérir encore bien des familles.

220
LEXIQUE

Isabelle Calmé, Marion Polge


in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 221 à 226


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-221.htm
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Lexique
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Analyse stratégique  : L’analyse stratégique d’une entreprise est le processus
d’analyse de la situation de cette entreprise ou d’un de ses domaines d’activité stra-
tégique par rapport à son environnement, son marché, ses concurrents et ses capaci-
tés actuelles et futures.
Arbre des compétences : La présentation sous forme d’arborescence est due aux
apports des théories japonaises dans les années 1970 et 1980. L’expression la plus
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

connue en est l’arbre technologique présentant les interconnexions entre différentes


technologies et leurs traductions dans les produits. L’arbre des compétences présente
les compétences industrielles (tronc) combinant les compétences scientifiques et
techniques (racines) puis leurs diffusions dans l’articulation produit/marché
(branches). Il offre une lecture de l’ensemble des compétences de l’entreprise.
Avantage concurrentiel (durable) : D’après M. E. Porter, l’avantage concurren-
tiel correspond à ce que l’entreprise fait mieux ou à meilleur marché que ses concur-
rents de façon difficilement imitable. Pour accroître la durabilité de l’avance
obtenue, les entreprises recherchent simultanément l’avantage et l’ambiguïté cau-
sale qui limite la facilité d’imitation. Dès lors, l’attention se focalise sur les compé-
tences présentant trois attributs : tacites, complexes et spécifiques. Les combinaisons
de ces attributs consolident les barrières à l’imitation en créant une ambiguïté cau-
sale. La soutenabilité de l’avantage concurrentiel n’en est qu’améliorée.

221
11 cas de stratégie

Capacité dynamique : Les capacités correspondent aux habiletés d’une organisa-


tion à effectuer le déploiement, la combinaison et la coordination de ressources au
travers de processus d’actions pour mettre en œuvre des objectifs stratégiques préa-
lablement définis. Les capacités dynamiques répondent au besoin de faire évoluer
les ressources et compétences largement étudiées par l’approche resource-based.
Chaîne de valeur  : La chaîne de valeur permet de comprendre la combinaison
d’activités de l’entreprise qui contribue à l’obtention d’un avantage concurrentiel. La
chaîne de valeur proposée par M. E. Porter identifie deux catégories d’activités créa-
trices de valeur. Les activités principales (logistique entrante et sortante, production,
commercialisation et services) assurent l’offre de produit ou de service de l’entreprise.
Elles participent directement à la construction de l’avantage concurrentiel (coût/diffé-
renciation). Les activités de soutien (R&D, gestion des ressources humaines et sys-
tème et infrastructures) ont pour rôle d’améliorer l’efficacité et l’efficience des
activités primaires. Le concept de chaîne de valeur peut être associé à l’approche par
les ressources et les compétences. Cela permet notamment de se questionner sur les
activités qui sont réellement déterminantes au regard de la capacité stratégique de
l’entreprise. Seront conservées alors en interne les fonctions sur lesquelles reposent les
ressources rares et les compétences fondamentales de l’entreprise, et pourront être
externalisées par exemple les activités banalisées ou subsidiaires qui ne génèrent pas
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de valeur pour l’entreprise ou qui peuvent éroder la rentabilité de l’entreprise.
Choix stratégique  : Les choix stratégiques concernent les orientations de long
terme par lesquelles une entreprise parvient à conquérir un avantage concurrentiel et
à accroître ses performances économiques, sociales et/ou sociétales. Ce faisant, ils
concernent la stratégie compétitive (la conquête d’un avantage concurrentiel), la
stratégie de développement (l’augmentation du chiffre d’affaires et/ou des résultats)
et les modalités de développement (l’accès aux moyens permettant la mise en œuvre
de la stratégie de développement).
Commerce équitable  : Il s’agit d’un partenariat commercial garantissant aux
producteurs de meilleures conditions commerciales. Ce dispositif se traduit généra-
lement par un supplément de prix pour le consommateur, qui permet aussi le finan-
cement de projets de développement et le soutien aux organisations de producteurs.
Si le commerce équitable concernait essentiellement les producteurs de l’hémis-
phère Sud, il s’est ouvert aujourd’hui aux partenariats Nord-Nord. Le respect des
engagements pris est garanti par différents labels tels que Fairtrade Max Havelaar
ou Ecocert Equitable, délivrés par des organismes certificateurs.
Compétences clés : Soutenant l’architecture stratégique, elles se placent en pilier
de l’entreprise. Au centre de toutes les attentions, ces « core competences » large-
ment étudiées dans l’approche resource-based, doivent relever un double défi  :
préserver durablement leurs atouts de singularité et engager une évolution continue
garante de pérennité de l’entreprise. Elles résultent d’une harmonisation permanente
entre technologie et compétences professionnelles.
Coût de transaction : C’est un ensemble de coûts correspondant à tous les efforts
que les acteurs doivent mobiliser pour mener à bien un échange (recherche

222
Lexique

d’informations sur les prix, le prestataire, négociation du contrat, surveillance et


contrôle de l’exécution de la transaction). Ces coûts s’accroissent d’autant plus que
la transaction repose sur des actifs spécifiques, qu’elle est incertaine et que l’utilisa-
tion des actifs est fréquente.
Croissance externe  : La stratégie de croissance externe permet d’augmenter le
volume d’activité de l’entreprise et son chiffre d’affaires par acquisition d’entre-
prises concurrentes ou complémentaires.
Culture organisationnelle : La culture de l’entreprise, aussi appelée culture orga-
nisationnelle, se résume en un ensemble d’éléments qui définissent son fonctionne-
ment, son identité, son esprit unique par rapport à ses concurrents. Elle repose sur
plusieurs composantes informelles partagées par l’ensemble des collaborateurs. Il
s’agit entre autres des valeurs communes (éthique, convivialité, respect de l’environ-
nement, sens de l’engagement…), des rites, des codes vestimentaires et de langage,
des méthodes de travail, ou des faits marquants liés à l’entreprise.
Dépendance du sentier : La notion de dépendance de sentier renvoie au fait que
le développement de l’entreprise est conditionné et contraint par une succession
d’événements et de décisions passés, qui ont bien souvent contribué à son succès. Ils
peuvent progressivement donner naissance à des routines organisationnelles qui, à
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leur tour, vont s’institutionnaliser dans l’organisation. L’entreprise tend à s’enfermer
dans des normes de comportements qui vont jouer le rôle de trajectoire, de sillon. Si
les compétences accumulées ont permis à l’entreprise de développer un avantage
concurrentiel durable dans le passé, elles peuvent aussi constituer un piège : si le
sillon creusé par l’expérience et les investissements passés devient trop profond,
l’entreprise aura du mal à s’en écarter, ce qui pourra provoquer une dérive straté-
gique. Le concept de dépendance du sentier permet de mieux cerner l’influence de
l’histoire et de la culture de l’entreprise sur la stratégie.
Diagnostic stratégique : Le diagnostic stratégique porte respectivement sur l’ana-
lyse de l’environnement concurrentiel (analyse externe) et de l’entreprise (analyse
interne).
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Diversification  : La diversification consiste à développer l’entreprise dans un


secteur d’activité nouveau ou à étendre ses activités à de nouvelles zones géogra-
phiques. Elle peut être reliée (ou concentrique) ou non reliée (ou conglomérale). La
première consiste pour l’entreprise à se développer vers une activité qui entretient
des points communs avec l’activité initiale (partage de ressources et capacités) tan-
dis que la seconde concerne le développement de la firme en direction d’activités
totalement nouvelles, n’entretenant aucune proximité avec l’activité d’origine.
Domaine d’activité stratégique  : C’est un ensemble d’activités homogènes
d’une entreprise qui partagent des ressources et des savoir-faire. Pour chaque DAS
correspondent des caractéristiques concurrentielles proches (même technologie,
même procédé de fabrication, même type de clientèle, de concurrents, etc.). Chaque
DAS est associé à une combinaison de FCS spécifiques. Pour chacun d’eux sera for-
mulée une stratégie autour d’un avantage concurrentiel spécifique. Pour déterminer

223
11 cas de stratégie

les domaines d’activités d’une entreprise, on procède à une segmentation stratégique


qui consiste à découper les activités de l’entreprise en segments stratégiques (ou
domaines d’activité stratégique) à partir de critères liés à l’offre et/ou à la demande.
E-commerce  : Transactions commerciales utilisant Internet ou d’autres réseaux
informatiques comme l’échange de données informatisé et impliquant un change-
ment de propriété du bien ou du service commandé. Les biens et les services font
l’objet d’une commande déposée via ces réseaux, mais le paiement et la livraison
ultime du bien ou du service peuvent être effectués par des méthodes traditionnelles.
Économie sociale et solidaire : L’ESS regroupe les coopératives, mutuelles, asso-
ciations et fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondées
sur un principe de solidarité et d’utilité sociale. La charte de l’économie sociale a
ainsi défini un certain nombre de critères qui caractérisent ces organisations : liberté
d’adhésion, non lucrativité individuelle, gestion démocratique et participative, utilité
collective ou utilité sociale du projet, et mixité des financements entre ressources
privées et publiques.
Entreprise bicéphale  : Une entreprise co-dirigée de façon formelle ou infor-
melle par deux personnes est dite bicéphale. De façon formelle, le double statut de
co-gérant ou celui de co-directeur peut conduire à un tel pilotage. De façon infor-
melle, nombre de PME sont dirigées par un enfant gérant et l’un des parents offi-
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ciellement retiré de toute activité professionnelle.
Entreprise-réseau : Le réseau consiste à développer des transactions récurrentes
avec des partenaires de façon informelle, de sorte que l’ensemble des membres
constituent une entité organisationnelle à part entière. L’entreprise fonctionnant en
réseau crée un espace de fonctionnement privilégié entre elle et le marché. Nombre
de PME préfèrent ce mode de fonctionnement pour limiter leur croissance et réduire
les aléas liés aux incertitudes environnementales. Une entreprise recherchant un
recentrage sur son métier et ses missions, peut opter pour un fonctionnement orga-
nisationnel hybride en fonctionnant en réseau.
Facteurs clés de succès : Les facteurs clés de succès sont des éléments à partir
desquels le management peut influencer de façon significative l’équilibre des posi-
tions concurrentielles des firmes sur un secteur. Ils constituent des gages de réussite
à un moment donné. Ce sont donc des éléments stratégiques de l’offre (pratiques des
concurrents) ou de la demande (attentes des clients) qu’une organisation doit maîtri-
ser afin d’être compétitive dans son secteur. Les FCS doivent être déduits ou identi-
fiés à partir de l’analyse du secteur (modèle des forces de Porter, analyse de
macro-environnement). L’analyse externe du diagnostic conduit logiquement à la
compréhension des menaces et opportunités et à l’identification des FCS. Ces der-
niers peuvent se déduire à partir notamment des 5+1  forces de Porter. Ils corres-
pondent aux manœuvres qui permettent de contrecarrer les forces en présence.
Gouvernance  : «  La gouvernance désigne l’ensemble des mécanismes qui ont
pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants,
autrement dit, qui “gouvernent” leur conduite et définissent leur espace discrétion-
naire » (G. Charreaux, 1997).

224
Lexique

Groupes stratégiques : Dans un secteur d’activité, un groupe d’entreprises suivant


une stratégie similaire au niveau des variables décisionnelles clés, tout en mobilisant
des ressources identiques, peut être qualifié de groupe stratégique. Les différences
entre les groupes permettent d’identifier des types de stratégies génériques. Un
groupe peut être composé d’un grand nombre d’entreprises ou bien d’une seule.
Innovation : « Une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service)
ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de
commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques
de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures » (OCDE,
2005). L’innovation peut être appréhendée dans une acception très large, ce qui
permet son application aux cas spécifiques de l’innovation inter-organisationnelle/
intra-organisationnelle et de l’innovation participative.
Intention stratégique  : L’intention stratégique d’un dirigeant correspond à ses
représentations mentales de la situation actuelle et à venir de son entreprise, sur
lesquelles il s’appuie pour envisager des stratégies et conduire son organisation.
L’intention stratégique doit répondre avant tout à la question : « En quoi et pour qui
l’organisation fait-elle la différence ? ». Elle doit répondre aux attentes des parties
prenantes de l’organisation.
Intrapreneuriat  : «  L’intrapreneuriat est un processus qui se produit à l’inté-
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rieur d’une firme existante, indépendamment de sa taille, et qui ne mène pas seu-
lement à de nouvelles entreprises, mais aussi à d’autres activités et orientations
innovatrices, tels que le développement de nouveaux produits, services, technolo-
gies, techniques administratives, stratégies et postures compétitives ». (Antonicic
et Hisrich, 2001)
Légitimité territoriale : La légitimité relève de la perception selon laquelle les
actions menées sont adaptées à un système construit (normes, valeurs, croyances).
La légitimité d’une entreprise se trouve dans l’écho de ses choix notamment straté-
giques auprès des acteurs de son environnement. Elle tend à faciliter l’accès aux
ressources.
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Management participatif : Le management participatif est une forme de mana-


gement qui implique les collaborateurs dans la prise de décision et les incite à par-
ticiper à la mise en œuvre des objectifs les concernant.
Partie prenante : Selon Freeman, considéré comme le fondateur du concept de
« stakeholder », une partie prenante est tout groupe ou individu pouvant affecter ou
être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels de la firme. De façon
plus détaillée, les parties prenantes sont tous les acteurs ou groupes d’acteurs,
internes ou externes à une entreprise, concernés par son fonctionnement et suscep-
tibles d’être affectés par les décisions qui y sont prises et par leurs conséquences.
Parmi les parties prenantes internes, on peut mentionner les salariés et les dirigeants,
tandis que les clients, les fournisseurs, les actionnaires, les organismes de finance-
ment, mais aussi les collectivités territoriales ou les communautés locales font partie
des parties prenantes externes. Les attentes des parties prenantes doivent être prises
en compte dans le cadre de la RSE.

225
11 cas de stratégie

Ressources (idiosyncratiques)  : Les différences de performance entre entre-


prises s’expliquent par leur capacité à mobiliser des ressources stratégiques. Les
ressources deviennent d’autant plus stratégiques qu’elles sont peu mobiles et spé-
cifiques. On distingue les ressources tangibles et intangibles dont la valorisation
combinatoire participe à la singularité de l’entreprise. On distingue les ressources
génériques qui se définissent par leur caractère échangeable, et les ressources spé-
cifiques propres à l’entreprise. Les ressources spécifiques, aussi appelées res-
sources idiosyncratiques, résultent d’un lent processus de construction par
apprentissage au sein de l’entreprise.
RSE (responsabilité sociale ou sociétale des entreprises)  : Elle est définie
comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur
la société » (Commission européenne). Elle consiste en l’intégration des préoccupa-
tions sociales, environnementales, éthiques, des droits de l’homme et des consom-
mateurs dans les activités et la stratégie des firmes.
Stratégie d’externalisation : L’externalisation consiste à confier à un prestataire
externe une opération préalablement réalisée dans l’entreprise. Elle se distingue de
la sous-traitance qui a dès le départ été réalisée par un prestataire externe. L’activité
d’abord assumée par l’entreprise est externalisée lorsque l’équipe dirigeante estime
qu’il est moins coûteux de faire appel à une société extérieure. Elle se distingue
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également de la stratégie de recentrage dans la mesure où l’on externalise des acti-
vités indispensables à la chaîne de valeur : la nature de l’activité n’est pas reconsi-
dérée par l’externalisation.
Stratégie d’internationalisation : Une entreprise qui développe son activité ou
bien se diversifie en dehors de son territoire national se diversifie. L’internationali-
sation répond à une forme de stratégie de croissance dont Porter a distingué quatre
formes : l’orientation stratégique internationale, l’orientation stratégique multinatio-
nale, l’orientation stratégique transnationale et l’orientation stratégique globale.
Tissu culturel  : Le tissu culturel est une représentation des manifestations phy-
siques et symboliques des croyances implicites d’une organisation. La firme com-
porte plusieurs dimensions de filtrage des décisions qui constituent les axes dominants
des représentations implicites des individus dans l’entreprise : dimensions politiques
(structure du pouvoir, structure organisationnelle, système de contrôle), dimensions
cognitives (rites, routines), dimensions culturelles (mythes, symboles).
VRIN  : Le modèle VRIN a été développé par Barney. Il permet d’évaluer si la
capacité stratégique d’une entreprise ou d’une organisation peut procurer un avan-
tage concurrentiel durable. Pour cela, l’auteur propose d’analyser la capacité straté-
gique de l’entreprise au regard de quatre critères : sa valeur (perçue par le client), sa
rareté (ressources uniques, accès protégé à des clients ou fournisseurs), son inimita-
bilité (compétences complexes, encastrées dans la culture, l’histoire de l’entreprise,
ou évolutives), sa non-substituabilité. Il existe un effet cumulatif dans le modèle :
plus la capacité stratégique remplit ces quatre critères, plus l’avantage concurrentiel
obtenu sera solide.

226
PAGES DE FIN

in Isabelle Calmé et al., 11 cas de Stratégie

Dunod | « Management Sup »

2015 | pages 231 à 234


ISBN 9782100726721
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/11-cas-de-strategie---page-231.htm
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Index
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A business angels 34
business model V, 31, 41, 45, 163, 166,
acquisitions 139 169
actifs pivots 174 business model Canvas 31, 41, 45
adaptation culturelle 57
analyse de cycle de vie 96
analyse de la concurrence V, 64 C
analyse de la performance 141 canaux 46
analyse de l’environnement 59, 196 capacité d’autofinancement 183
analyse des réseaux 85 capacité d’innovation 115
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analyse du secteur d’activité V capacités 162, 173


analyse financière 121 capacité stratégique V, 6, 14, 20, 24-25
analyse organisationnelle V, 146 carte des groupes 217
analyse stratégique 1 certification 94
analyse SWOT 26 chaîne de valeur 6, 24-25, 177, 206, 218
approche Resource-based view 6, 162, 173 changement situationnel 2
arbre des compétences 50, 59, 61 circuit spécialisé 95
attractivité du secteur 194-196 commerce équitable 91, 92
avantage concurrentiel 20, 25, 160 compétences 20, 24, 49, 159
compétences clés 88
B compétences distinctives 59
compétences stratégiques 59
barrières à l’entrée 199 compétitivité 69
biodiversité 97 concentration 136

231
11 cas de stratégie

concurrence 94, 100, 205 effets de levier 140, 201


coopération V entrepreneur 51
coûts de transaction 6 entreprise artisanale 69
création 7, 10, 44 entreprise familiale artisanale 85
croissance 94, 128, 135, 194-195, entreprise sociale et solidaire (ESS) 32,
202‑203 35
croissance à l’international V, 59, 205 environnement concurrentiel 215
croissance externe 2, 139, 198-199 ethique et RSE V
croissance interne 199 exportation 200
culture 2, 145, 148 externalisation 6, 25, 27-28, 201
culture de l’entrepreneuriat 157
culture de l’entreprise 35, 153, 155
culture et stratégie V F
facteurs clés de succès (FCS) 6, 24
D faiblesses 20
forces 20
décentralisation 145 forces concurrentielles 6, 22
démocratie participative 157
dépendance du sentier 6, 27
développement 205 G
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développement à l’international 40, 49
gouvernance 105
développement de l’activité 12
gouvernance hybride 106, 109, 115
développement d’une PME 6
gouvernement d’entreprise V
développement durable 91-92, 100
grande distribution 93
développement stratégique 145
groupe 2, 147, 191, 194, 200, 205
diagnostic 173
direction bicéphale 87 groupes stratégiques 86, 121, 140, 206
diversification V, 80, 161, 163, 170-171,
174-175, 177-178, 195, 209, 220 I
diversification à l’international 177
diversification liée 206 impact environnemental 96
diversification non reliée 175 incubateur 33
diversification reliée par les marchés 197 industrie 17-19
diversification reliée par les produits 197 innovation V, 105, 106
domaine d’activité stratégique (DAS) 61 innovation intra-organisationnelle 106,
dynamiques d’organisation bottom-up 118 115-116
dynamiques d’organisation top-down 118 innovation participative 116-118
innovations inter-organisationnelles 116
innovation sociale 34
E
innovation technologique 34
e-business 161-162 intelligence collective 160
économies d’échelle 198 intensité concurrentielle 23, 196
économie sociale et solidaire 91 intention stratégique V, 146, 153-154
effet de taille 201 internationalisation 17, 137, 177-178
effet d’expérience 198 intra-entrepreneur 147, 152

232
Index

J O
jeune entreprise innovante 32, 35 opportunités 20, 135, 162, 174, 178, 194,
196
organisation en réseau 6
L
label 92 P
leader 49, 205
leader mondial 135 paradigme 155
levée de fonds 95 partenaires clés 36, 47
leviers de la performance 200 partenariat 92, 95, 97
leviers financiers 202 participation 95
ligne hiérarchique 159 parties prenantes V, 2, 91, 100, 105, 116,
localisation 137 119, 145
performance 140-141, 183, 194-195
performance commerciale 201-202
M PESTEL 6, 20, 50, 59, 61, 85, 121, 135,
178, 195-196
macro-environnement 20
plateforme(s) collaborative(s) 31, 41
management participatif 145, 150, 153,
Pôle-Territoire 147
159
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portefeuille de marque(s) 122, 140
marché B2B 7, 9
Porter (modèle de) 20, 50, 86, 195
marché B2C 9
positionnement de l’entreprise 6, 14, 24,
marché mondial 125
121
marges arrière 93
positionnement de niche 24
market place 36, 40, 166 positionnement stratégique 215
marques de distributeurs 100 produits de substitution 23
matrice d’Ansoff 178, 195 profil de dirigeant 87
mécanismes de contrôle 151 proposition de valeur 45
menaces 20, 135, 178, 194, 196 proximité des clients 218
mission 41, 44
modalités de croissance 178
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mode d’organisation de l’innovation 119 R


modèle de développement 204 ration de marge bénéficiaire 142
modèle(s) économique(s) 1, 5, 178, 195, relations clients 46
200 rentabilité 202
modèle en réseau 29 rentabilité économique 201
modèle organisationnel 14 rentabilité nette 183
modèles de croissance 177 rentabilité pour l’actionnaire 200
modèle VRIN 25 réseau V, 34, 37, 84, 157
mondialisation 17 réseau fonctionnel 149
mythes 155 réseau opérationnel 149
responsabilité 145
N ressources 6, 20, 24, 46, 162, 173
ressources stratégiques 69, 85
nouveaux entrants 22 résultat d’exploitation 183

233
11 Cas de stratégie

réticulaire 148 stratégies de développement 1, 2


risques 174 stratégie(s) d’internationalisation 195, 199
risques stratégiques 162 structure de coûts 47
rites 155 structure d’organisation de l’innovation
rotation des actifs 201 117
RSE 91 structure financière 142
structure hiérarchique 148
structure organisationnelle 155
S
structures de pouvoir 155
savoir-faire 74 supervision directe 150
SCOP 93 surcapacité 184
secteur à maturité 177, 205 symboles 155
secteur d’activité 14 synergies 176
segments de clients 45 synergies de coûts 176
sources de revenus 46 synergies de croissance 176
sourcing 11, 25 systèmes de contrôle 156
spécialisation 177-178, 195, 197
spécificité des actifs 28 T
start-up 32, 39
stratégie 200 taille critique 203
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stratégie de croissance externe 206 taux de rotation de l’actif 142
stratégie de diversification 2 tendances structurelles 21
stratégie de singularité 70 territoire V, 54, 73
stratégie d’innovation 2 théorie des coûts de transaction 27
stratégie d’intégration 215 trajectoire stratégique 85
stratégie globale simple 200 très petites entreprises 69
stratégie globale transnationale 200
stratégie multinationale 199 V
stratégie multinationale (multidomestique)
200 valeur des marques 122
stratégie « océan bleu » 50, 65 valeurs 41, 44, 145
stratégie(s) de croissance 50, 121, 138, 177 vision 41, 44

234
Présentation
des auteurs

Angéla Altes-Mathieu est professeur en Marketing et en Innovation au sein de


l’ESCEM Tours. Elle enseigne en Master et en formation continue, et dirige le par-
cours de spécialisation « Marketing et Innovation ». Diplômée de Sciences Po Paris
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et titulaire d’un Master Recherche en Sciences de gestion, elle a occupé précédem-
ment des postes à responsabilité stratégique en marketing et développement com-
mercial au sein de grands groupes. Elle est fondatrice de Marketing & Sens, cabinet
d’études qualitatives et de conseil en innovation et directrice de Valesens (Associa-
tion pour la valorisation du design et du marketing sensoriel).
Élise Bonneveux est maître de conférences en Sciences de gestion à l’Institut
d’administration des entreprises de Tours. Elle enseigne le développement durable
et le management en PME auprès d’étudiants de Licence et de Master de l’IAE de
Tours. Elle enseigne également l’initiation à la gestion et la stratégie auprès d’étu-
diants de Polytech’Tours. Elle est responsable du Master 2 « Management des PME
et Entrepreneuriat » en formation initiale et en apprentissage à l’IAE de Tours. Ses
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recherches portent sur les démarches responsables en PME et sur les réseaux d’en-
treprises.
Pascale Borel est professeur de marketing à l’ESC Clermont. Elle est spécialisée
en études de marché et analyse de marché. Ses recherches portent principalement
sur les méthodologies d’études.
Isabelle Calmé est maître de conférences en Sciences de gestion à l’Institut
d’administration des entreprises de Tours. Elle enseigne la stratégie et l’entrepreneu-
riat auprès d’étudiants de Master de l’IAE de Tours et de la filière AES de l’UFR de
Droit, d’Économie et des Sciences sociales de l’université de Tours. Elle enseigne
l’initiation à la gestion et la stratégie auprès d’étudiants ingénieurs à Polytech’Tours
et la création d’entreprise auprès de stagiaires de formation continue. Elle est res-
ponsable du Master 2 «  Management des PME et Entrepreneuriat  » en formation

V
11 cas de stratégie

continue à l’IAE de Tours. Ses recherches portent sur les démarches innovantes en
PME et sur les réseaux d’entreprises.
Typhaine Lebègue est professeur en Entrepreneuriat au sein de l’ESCEM Tours.
Elle enseigne en Master et en formation continue et est responsable des projets
pédagogiques liés à l’entrepreneuriat et l’intrapreneuriat. Elle mène des recherches
sur l’entrepreneuriat des femmes et intervient régulièrement sur cette thématique
auprès d’entrepreneurs et d’institutionnels.
Christophe Leyronas est professeur à Toulouse Business School, spécialiste en
stratégie, entrepreneuriat et innovation. Responsable du département Stratégie,
entrepreneuriat et innovation, il enseigne la stratégie d’entreprise et l’entrepreneu-
riat. Il est impliqué dans différents organismes académiques liés à sa spécialité.
Catherine Peyroux est maître de conférences en Sciences de gestion à l’UFR
AES de l’université Montpellier III. Elle enseigne la stratégie d’entreprise ainsi que
la comptabilité en Licence et Master. Elle dirige le Master « Management interna-
tional des PME » de l’université Montpellier III. Ses travaux portent sur les straté-
gies d’internationalisation des PME.
Marion Polge est maître de conférences habilitée à diriger des recherches en
Sciences de gestion à l’université de Montpellier. Membre du laboratoire MRM
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(Montpellier Research Management) et du Labex Entreprendre, elle est titulaire de
la chaire Artisanat et PME (fondation université Montpellier Entreprendre). Ses
travaux portent sur les stratégies de développement des très petites entreprises, dans
les secteurs de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire.
Emmanuelle Reynaud, professeur des universités à l’IAE d’Aix-en-Provence,
spécialisée en management stratégique, elle étudie les stratégies de développement
durable des entreprises. Auteur de nombreux articles et ouvrages, elle enseigne la
stratégie en Master.
Richard Soparnot est professeur de management stratégique à l’ESC Amiens. Il en
est également le directeur. Ses recherches portent sur le changement organisationnel,
l’innovation et l’apprentissage. Il est l’auteur de plusieurs articles et ouvrages dans ces
domaines.
Leïla Temri est maître de conférences en Sciences de gestion à l’École Sup Agro de
Montpellier. Elle enseigne la stratégie d’entreprise et le marketing à des futurs ingé-
nieurs agronomes ainsi qu’à des étudiants en Master « Agroalimentaire ». Ses travaux
portent sur la notion d’innovation responsable appliquée au secteur agroalimentaire.
Aurélie Walas est doctorante en Sciences de gestion au sein du Centre d’études et
de recherche en gestion d’Aix-Marseille et de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur.
Sous la direction d’Emmanuelle Reynaud, elle réalise une thèse sur la mise en rela-
tion de la responsabilité sociétale de la banque et de la gouvernance mutualiste.
Membre du Club Recherche de l’Institut français des administrateurs, elle est égale-
ment chargée de cours aux départements de management stratégique et de finance
du groupe EDHEC Business School.

VI

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