MERCIER 2013 Archivage
MERCIER 2013 Archivage
MERCIER 2013 Archivage
Présentée par
David MERCIER
M. Roland FORTUNIER
Professeur des Ecoles des Mines, ENISE Saint-Etienne, Président
M. Etienne BARTHEL
Directeur de Recherche, CNRS Saint-Gobain Aubervilliers, Rapporteur
Mme Sophie NOEL
Directeur de Recherche, LGEP Paris, Rapporteur
M. Yves BRECHET
Professeur, Grenoble INP, Directeur de thèse
M. Vincent MANDRILLON
Ingénieur-Chercheur, CEA Grenoble, Encadrant de thèse
M. Marc VERDIER
Chargé de Recherche, SIMaP, Encadrant de thèse
M. Guillaume PARRY
Maître de Conférences, Grenoble INP, Invité
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Résumé
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4
« Le savant doit ordonner ; on fait la science avec des faits, comme on fait une maison avec des pierres :
mais une accumulation de faits n'est pas plus une science qu'un tas de pierres n'est une maison.»
de Henri Poincaré (La Science et l'Hypothèse - 1901)
« La science ne consiste pas seulement à savoir ce qu'on doit ou peut faire, mais aussi à savoir ce qu'on
pourrait faire quand bien même on ne doit pas le faire. »
de Umberto Eco (Le nom de la rose - 1980)
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Remerciements
Remerciements
Cette thèse a été réalisée principalement au CEA-LETI (Commissariat à l’Energie Atomique et
aux Energies Alternatives - Laboratoire d’Électronique et de Technologies de l’Information) en
collaboration avec le laboratoire SIMaP (Sciences et Ingénierie des Matériaux et Procédés), tous les
deux basés à Grenoble. Je souhaite dans un premier temps remercier Didier Bloch (CEA-LETI-DCOS-
S3D-LCFC) et Michel Pons (SIMaP), les chefs de laboratoire qui m’ont accueilli. J’aimerais également
avant tout, remercier toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de
cette thèse.
Je tiens particulièrement à remercier mon directeur de thèse, Yves Bréchet, pour les
discussions très instructives en particulier sur la mécanique des matériaux et pour les nombreux
conseils divers et variés. J’exprime mes plus sincères remerciements à mes deux principaux
encadrants de thèse, Vincent Mandrillon et Marc Verdier, pour leur disponibilité et leur précieuse
aide durant ces trois années de thèse. Je remercie également Christophe Poulain pour les nombreux
échanges sur le thème du contact électrique, Fabien Volpi pour m’avoir incité à faire un stage de fin
d’étude à l’origine de cette thèse et Guillaume Parry et Rafael Estevez pour le temps passé à
m’expliquer la modélisation numérique.
J’en profite pour remercier les membres du jury pour le temps et l'intérêt qu'ils ont accordés à
mon travail. Je remercie en particulier les deux rapporteurs, M. Etienne Barthel et Mme Sophie Noël
pour l'intérêt qu'ils ont manifesté pour mon travail. Je remercie également, M. Roland Fortunier pour
avoir accepté de présider le jury.
Un grand merci aux membres du CEA-LETI avec qui j’ai pu collaborer, en particulier, Hervé
Boutry, Sophie Verrun, Henri Blanc, Tony Maindron, Stéphane Minoret, Patrice Gergaud, Denise
Muyard, Jean-Marc Fabbri, Alain Faure et les différentes équipes des bâtiments 40 et 41, ainsi que
Thibault Haccart et Frédéric Gustavo de la PTA (Plateforme Technologique Amont), pour leur aide
précieuse lors de l’élaboration et la caractérisation de la plupart de mes échantillons.
Je remercie infiniment Mohamed et Edrisse pour m’avoir supporté (dans tous les sens du
terme) et pour le temps qu’ils ont passé à écouter mes théories. Un tout grand merci à Baptiste, avec
qui j’ai découvert les joies de l’indentation et de l’insertion. Je remercie de même mes
« prédécesseurs », à savoir Mamadou, Pierre-Yves, Brice et Maxime, pour leurs différents travaux de
thèse et les nombreuses discussions.
J’ai passé la majeure partie de ma thèse au sein du LCFC et c’est pourquoi je tiens à remercier
l’ensemble des mes collègues, et plus particulièrement Estelle, pour son aide, sa disponibilité et sa
compréhension. Je n’oublie pas les nombreux débats philosophiques et sportifs lors des pauses café,
avec Antoine, Christophe, Denis, Didier, Estelle, Fréderic, Gérard, Marcel, Patrick, Philippe, Pierre,
Romain, Pierre-Louis, Vincent... ainsi que les parties de mots croisés ou encore les concours organisés
pour les différents évènements sportifs, pimentés de graphiques statistiques tracés par Pierre-Louis
sous Excel… Un clin d’œil pour mon aîné Marcel, qui m’a appris à réfléchir sur la vraie nature du
problème…
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Remerciements
de l’équipe : les X-MEMS)… Une pensée particulière pour Florent avec qui j’ai débuté la thèse et
Alexandra, Alexis et Daniele avec qui je l’ai terminée.
Je remercie également toutes les personnes que j’ai croisées durant cette thèse : Hélène et
son TiN, les techniciens (et André en particulier) du laboratoire de mécanique du CEA, les membres
du laboratoire PS2 (Packaging et Supports Souples) du Centre de Microélectronique de Provence (en
particulier les thésards pour leur super accueil lors de mes différentes visites), les équipes du SIMaP
(en particulier Charles Josserond pour la machine de compression et Patricia Donnadieu pour les
observations TEM), du CNRS-LTM et du DOPT-LPA, le groupe indentation de la SF2M, le GDR Mécano
et les étudiants PHELMA que j’ai encadrés lors de projets ABAQUS.
Avant de terminer par le plus important des remerciements, je tiens à remercier mes anciens
collègues du LTFC et de SOITEC, ainsi que les différents professeurs, qui ont su me donner envie de
faire de la recherche et de prolonger mes études jusqu’à faire une thèse et toutes les personnes avec
lesquelles j’ai partagé ces 9 dernières années à Grenoble.
Enfin, je remercie du plus profond de mon cœur Sophie, mes parents, Clarisse et Loïc, mon
neveu Elias, ma famille et mes belle-familles, ainsi que tous mes amis proches pour un soutien
quotidien et pour m’avoir supporté depuis toujours.
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Table des matières
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Table des matières
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11
12
Introduction générale
Introduction générale
En 1975, Gordon Moore, co-fondateur d’Intel énonce une conjecture, devenue aujourd’hui la
célèbre « Loi de Moore », selon laquelle le nombre de transistors double sur une puce tous les deux
ans environ. Les industriels ont fait de ce postulat empirique sur les semi-conducteurs et la
miniaturisation des circuits imprimés, une réalité qui a alimenté la révolution informatique. Or, nous
approchons aujourd’hui des limites physiques à l’échelle du CMOS et la poursuite de cette
miniaturisation par l’industrie ne peut désormais plus se baser uniquement sur la « Loi de Moore ».
Ainsi, la volonté de faire toujours plus petit avec plus de fonctionnalités passe par le principe du
« More than Moore », autrement dit l’intégration plus « intelligente » de composants divers au
niveau de l’assemblage final. Jusqu’à présent, le redimensionnement géométrique a simultanément
permis d’améliorer les performances, et de réduire la consommation énergétique, la taille, et le prix
des composants. Mais les limitations auxquelles se heurtent désormais les technologies de la
microélectronique dans la course à la réduction de la taille des composants ne permettent plus
aujourd’hui de poursuivre dans cette voie. Les technologies « System on Chip » (« SoC ») et « System
in Package » (« SiP ») constituent dans ce contexte des solutions prometteuses permettant de
contourner ces difficultés.
La solution « SoC » est une technologie où plusieurs fonctionnalités cohabitent sur une
même et seule puce, tandis que la solution « SiP » consiste à réaliser diverses fonctions grâce à
l’intégration de plusieurs puces interconnectées au sein d’un même boîtier. Cette dernière solution
est aussi appelée "intégration hétérogène". La technologie « SiP » a évolué comme une approche
alternative au « SoC » pour l'intégration de l'électronique, car elle répond mieux à certains besoins
exprimés par le marché. Les puces alors utilisées dans un boîtier « SiP » sont souvent de natures
différentes : circuits intégrés standards, capteurs, micro-actionneurs, composants radiofréquences et
composants passifs. Elles peuvent être empilées verticalement (intégration « 3D ») ou disposées
horizontalement les unes à côté des autres sur un substrat. L’optimisation et la fiabilisation des
connexions électriques entre les différentes puces et le substrat sont des éléments-clés de la réussite
des technologies « SiP ». Plusieurs techniques d’assemblage sont actuellement disponibles, afin
d’améliorer la densité d’interconnexion, les nouvelles techniques d'intégration privilégient la
technologie dite de « puce retournée », autrement appelée « flip chip ». Ainsi, le CEA-LETI
(Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives - Laboratoire d’Électronique et de
Technologies de l’Information) développe depuis 2006, une technologie de report de puces utilisant
des réseaux de plots de Nickel, ces derniers étant encore appelés microinserts. Le procédé
d’intégration d’une puce sur un substrat est réalisé au cours d’une étape de thermocompression,
durant laquelle les plots de Nickel sont insérés dans un film mince d’Aluminium. Cette insertion
permet la connexion électrique entre la puce et le substrat et offre aussi un maintien mécanique de
l’assemblage final.
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Introduction générale
Le travail de thèse exposé dans ce mémoire s’articule autour de cinq chapitres. Le premier
chapitre commence par une introduction à l’intégration « 3D » et la technique de report de puce. Le
second chapitre est dédié à une étude bibliographique relative au comportement mécanique des
matériaux (élasticité, plasticité, rupture…), ainsi qu’au contact mécanique et électrique en régime
statique. L’influence de la géométrie du contact et de la nature des surfaces en jeu lors de
l’établissement du contact électrique et mécanique font l’objet d’une attention particulière dans la
mesure où celles-ci sont déterminantes pour comprendre et interpréter les résultats expérimentaux.
Dans le quatrième chapitre, les résultats de caractérisations mécaniques obtenus sur les
matériaux de contact sont présentés. Les résultats sont analysés et confrontés à des modélisations
analytiques et des simulations en éléments finis, afin de valider les propriétés mécaniques obtenues
et de déduire les lois de comportement de chaque matériau. Le cinquième chapitre concerne
l’analyse du contact mécanique et l’étude de l’établissement du contact électrique pour les deux
approches expérimentales décrites dans le chapitre trois. Les résultats expérimentaux sont analysés,
puis confrontés à des modélisations analytiques et des simulations numériques. Connaissant alors les
propriétés mécaniques des matériaux mis en jeu, obtenus dans le quatrième chapitre, il est possible
de proposer un scénario expliquant comment s’établit le contact électrique lors de l’insertion du plot
de Nickel dans le film mince d’Aluminium.
En conclusion, un bilan de l’ensemble de ces travaux de thèse est dressé, suivi d'une synthèse
des enseignements tirés. Le document se conclut sur la bibliographie utilisée pour la rédaction de ce
manuscrit, sur une liste exhaustive des publications et communications relatives à ce travail de thèse,
et sur des compléments d'informations et les perspectives ouvertes par cette étude aux travers
d'annexes.
14
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
15
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
Introduction
Ce premier chapitre est consacré à un état de l’art sur les principales technologies
d’intégration tridimensionnelle utilisées en microélectronique, puis à la présentation détaillée du
procédé de report de puces par microinsertion élaboré par le CEA-LETI. Cette technologie repose sur
la compression d’un microinsert en Nickel dans un film mince d’Al(Cu) (alliage d’Aluminium et de
Cuivre, avec 0,5% en poids de Cuivre), en présence d’un oxyde natif d’Aluminium (Al2O3) à l’interface
de contact. Ainsi, à partir d’une étude bibliographique sur la fiabilité des contacts réalisés, la
problématique et les principaux objectifs de la thèse sont définis.
I.1. L’intégration « 3D »
La première Loi de Moore a été exprimée en 1965 par Gordon Moore, un des trois fondateurs
d'Intel [MOORE 1965]. Après avoir constaté que la complexité des semi-conducteurs proposés en
entrée de gamme doublait tous les ans à coût constant depuis 1959 (cf. Figure I-1), il postulait une
poursuite exponentielle de cette croissance. Moore réévalua sa prédiction en 1975, en posant que le
nombre de transistors des microprocesseurs (et non plus de simples circuits intégrés moins
complexes car formés de composants indépendants) sur une puce de Silicium double tous les deux
ans. Les industriels ont fait de ce postulat empirique sur les semi-conducteurs et la miniaturisation
des circuits imprimés, une réalité qui a alimenté la révolution informatique. En conséquence, les
machines électroniques sont devenues de moins en moins coûteuses et de plus en plus puissantes.
Or, approchant des limites physiques à l’échelle du transistor (confinement quantique, distances de
diffusion, efficacité des barrières, capacité des procédés de dépôt et d’implantation…), la poursuite
de cette miniaturisation par l’industrie ne peut plus désormais se baser uniquement aujourd’hui sur
le redimensionnement purement géométrique des systèmes.
Ainsi, les industriels contraints par ces limitations ont dû imaginer la microélectronique
différemment, se projeter au-delà des contraintes imposées par la loi de Moore et imaginer de
nouveaux « standards » pour assembler des circuits. Deux approches se distinguent aujourd’hui. La
voie dite « More Moore » [ITRS 2009] ou « comment intégrer sur une même surface de Silicium le
maximum de fonctions digitales 1 issues d’une même technologie en gardant comme objectif
principal de poursuivre l’augmentation de la densité d’intégration ? » constitue la première
approche. A titre d’exemple, l’intégration de composants sur puces (encore appelé « System on
Chip » ou « SoC ») entrent dans cette catégorie. La deuxième voie dite « More Than Moore » [ITRS
2009], ou consistant à assembler des composants non digitaux 2 à fort degré d’hétérogénéité issus de
différentes technologie, se distingue par l’utilisation de systèmes assemblés en boîtiers (autrement
appelés « System in Package » ou « SiP »).
Ces deux voies parallèles regroupent un vaste ensemble de technologies et procédés qui font
l’objet d’études de la part de tous les acteurs de la microélectronique. Parmi les procédés à l’étude
figure l’intégration « 3D » [ITRS 2009], c’est-à-dire la conception de puces au sein desquelles les
composants sont empilés et interconnectés électriquement et non plus seulement mis côte à côte.
Cette voie laisse envisager des systèmes complexes plus performants, moins encombrants, plus
1
Par exemple, les fonctions logiques ou la mémoire.
2
Par exemple, les fonctions radiofréquence ou puissance, les composants passifs ou encore les microsystèmes
(capteurs, actionneurs…).
16
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
économes en énergie, et surtout moins coûteux une fois les procédés d’industrialisation maîtrisés. La
Figure I-2 place l’intégration « 3D » à la frontière des technologies « SoC » et « SiP », faisant ainsi des
puces « 3D » des composants à forte valeur ajoutée et à coût réduit.
130nm
« More Moore » Miniaturisation du CMOS
90nm GaAs RF
CMOS RF
MEMS
Dispositifs
CMOS passifs
basse intégrés
65nm puissance
CMOS
puissance
SiP
Mém. non analog. « Intégration hétérogène »
SOI haute volatile
performance
45nm La solution :
l’Intégration « 3D » !
SoC
32nm
« Tout en Une seule
Intégration »
22nm
17
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
Puce 5 Connexion
Puce 4 verticale intrapuce
Puce 3
Puce 2 Connexion
interpuce
Puce 1 Substrat
Figure I-3 – Exemple d’intégration « 3D » avec un empilement de cinq strates.
Le savoir-faire relatif à l’ « empilement » des puces est issu des de l’expérience acquise sur
les techniques de mises en boîtiers (assemblage ou « packaging » en anglais) mis en œuvre, par
exemple, pour les architectures de puces tridimensionnelles. Les deux technologies standards
utilisées pour la connexion électrique dans les empilements de puces sont le câblage filaire (encore
appelé en anglais « wire bonding ») et le report de puces (encore appelé en anglais « flip chip ») (cf.
Figure I-5) [ITRS 2009].
Dans le cas du câblage filaire (cf. Figure I-5), deux technologies sont principalement utilisées :
le câblage ultrasonique (ou « wedge bonding » en anglais) et la thermocompression (ou « ball
bonding » en anglais). Dans le cas du câblage ultrasonique, le fil est guidé vers le plot puis pressé à
faible température par un outil permettant de transmettre des vibrations ultrasoniques. Concernant
la thermocompression, le fil à souder est pressé à température élevée sur un plot (ou pad)
métallique de connexion, à la surface de la puce.
Fils d’or
Face active Puce en
Billes Face active
Silicium
métalliques
Puce en
Silicium
Plot de
connexion
Plot de
connexion Substrat ou
boîtier
a b
Figure I-4 – Schématisation de puce connectée au boîtier par :
a) câblage filaire et b) par report de puce (vues en coupe).
3
TSV pour Through Silicon Via
18
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
1mm 40µm
a b
4
Figure I-5 –Observations MEB d’exemples d’empilement réalisés par câblage filaire (fils de Cu de
diamètre 18µm) [ITRS 2009].
Pour les empilements utilisant la technologie de report de puce (cf. Figure I-6), la face active
de la puce est directement connectée sur une autre puce ou un substrat à l'aide de dispositifs
verticaux. Traditionnellement, les dispositifs utilisés sont des réseaux de billes métalliques (encore
appelés BGA pour « ball grid array » ou « micro-bump ») constitués d’alliages binaire ou ternaire à
faible température de fusion (ex. : SnAg), ou de réseaux de plots (appelés usuellement « pillar-
bump »).
Pour résumer, la connexion électrique au sein d’empilements peut être réalisée soit par
technologie de câblage filaire, soit par technologie de report de puce. Naturellement, le choix du
procédé à utiliser n’est pas simple et est le plus souvent dicté par la nature des puces à empiler et
par application finale. Afin d’apporter des éléments de réponse, les deux technologies sont
comparées en terme de mise en œuvre, de densité d’intégration, de fiabilité et de coût.
20µm 60µm
a b
Figure I-6 – Observations MEB de technologies de connexion pour le report de puces : a) réseau de
billes métalliques SnAg (diamètre 20µm) et b) de plots de Cuivre (hauteur 80µm) [ITRS 2009].
Le câblage filaire est aujourd’hui la technique la plus largement utilisée pour relier la puce de
Silicium au monde extérieur du fait de sa simplicité de mise en œuvre, de sa fiabilité et de son faible
coût. Ce type de connexion permet d’empiler les puces sur de nombreux niveaux offrant ainsi un gain
de place considérable. Cependant, cette technologie présente de nombreux défauts. En premier lieu,
les plots de connexions, usuellement appelés « I/O » ou « entrées/sorties », ne peuvent être
réalisées qu'en périphérie des puces, ce qui encombre voire limite la taille du circuit intégré (cf.
Figure I-7).
C’est pourquoi le report de puce, qui consiste à connecter la face active d’une puce
directement sur le substrat, et qui permet de s’affranchir de la présence des traditionnels fils d’Or ou
4
MEB : Microscope Electronique à Balayage
19
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
de Cuivre, semble constituer une solution alternative prometteuse. Cette technique permet un gain
de place très significatif, dû non seulement à la suppression des fils de connexion, mais également à
l’augmentation considérable du nombre de plots de connexion. L’objectif étant de conserver une
distance minimale entre puces voisines afin de minimiser l’encombrement des circuits et d’accroître
ainsi la densité d’intégration, le procédé de report de puce est un candidat idéal.
Outre le fait de résoudre les difficultés de gestion de l’espace induites par le câblage filaire, le
procédé de report de puce permet de surcroît de s’affranchir des effets parasites observés à haute
fréquence dans les fils de connexion électrique [LIN 2007] [KUAN CHUNG 2010], et d’offrir un
meilleur comportement en dissipation thermique que celui offert par la technologie « SiP » [JOSHI
2004].
Concernant le coût total de chaque procédé, une étude [PALESKO 2010] a montré une
dépendance en fonction de la taille du boîtier et du nombre de connexions électriques (« I/O ») (cf.
Figure I-8). Pour des tailles de boîtiers supérieures à 45x45mm et un nombre de connexions
supérieur à 1936 « I/Os », la technologie « flip chip » est plus rentable que la technologie « wire
bonding ». Il est important de noter par ailleurs l’influence de la nature du matériau utilisé (Cuivre ou
or) sur l’évolution de ce coût total pour la technologie filaire. De plus, étant donné le niveau de
miniaturisation atteint aujourd’hui par les technologies sur Silicium (nœud technologique de 45nm
voire moins pour le CMOS 5), la connexion filaire devra être réduite à un diamètre d’environ 20µm.
Ainsi, selon l’ITRS, les efforts en terme d’investissement fournis pour atteindre de tels objectifs
finiront par atteindre leurs limites pratiques [ITRS 2009].
5
La technologie CMOS, ou Complementary Metal Oxide Semiconductor, est une technologie de fabrication de
composants électroniques et, par extension, l'ensemble des composants fabriqués selon cette technologie.
20
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
Figure I-8 – Evolution du coût total de chaque procédé en fonction de la taille du boîtier (en mm) et
du nombre de connexions électriques (« I/Os ») [PALESKO 2010].
Pour conclure sur cette étude comparative entre les deux procédés, un bilan est dressé (cf.
Tableau I-1), ce qui permet de confirmer la montée en puissance du procédé par report de puce. Le
« flip chip » semble donc être la solution technologique la plus appropriée à long terme pour réaliser
des empilements de puces en intégration « 3D »
21
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
Figure I-9 – Technologie « SoW » développée par le CEA-LETI avec utilisation du procédé
de report de puces avec technologie « microinsert » [POUPON 2009].
Cette technologie propose le remplacement des traditionnels « bumps » (cf. Figure I-6) par
des réseaux de micro-cylindres métalliques, de quelques microns de hauteur et de diamètre (cf.
Figure I-10). Ces cylindres micrométriques sont aussi appelés (micro)inserts. Ils sont réalisés
localement sur les plots de connexion du substrat récepteur, sous la forme de réseaux 4x4 de
microinserts espacés régulièrement de quelques microns. Traditionnellement, les inserts sont en
Nickel et élaborés à l’aide de la technique de dépôt électrolytique ou ECD 6.
Figure I-10 – Observation MEB d’un réseau 4x4 de microinserts en Nickel déposés par ECD, de
diamètre 5µm.
L’utilisation des microinserts (cf. Figure I-11-a) permet d'augmenter la densité d'intégration
par rapport aux « bumps ». En effet, des microinserts d’un diamètre de l'ordre de 2μm peuvent être
fabriqués, alors que les plus petits « bumps » utilisés actuellement ont des diamètres de l'ordre
d'une vingtaine de micromètres [ITRS 2009]. Actuellement, une puce à hybrider présente 250x32
matrices de 16 microinserts (avec des diamètres allant de 2 à 12µm). Par ailleurs, la puce à empiler
faisant face aux réseaux de microinserts à la surface du substrat récepteur (tranche de Silicium),
présente des plots encore appelés pads de connexion réalisés en Al(Cu) (cf. Figure I-11-b).
a b
2µm 1µm
Figure I-11 – Observations MEB a) d’un microinsert en Ni de diamètre 12µm et b) d’un plot de
connexion en Al(Cu).
6
ECD pour Electro-Chemical Deposition
22
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
Réseau de
Colle
microinserts
époxy
Substrat en silicium
1 2 3
- Etalement de la colle époxy - Etape de thermocompression - Découpe des puces
assemblées
- Positionnement de la puce - Application d’une force sur la puce
- Précharge + Fluage de la colle - Réticulation de la colle
Phase de réticulation
Température
Temps
Force
1 2 3 Temps
Figure I-12 – Principe du report de puces par thermocompression.
Il est important de noter que le procédé se fait entièrement à une température de 60°C afin
de laisser le temps aux matériaux et à la colle de fluer, sauf pour la phase de réticulation durant
l’étape de thermocompression, laquelle nécessite un palier de plusieurs minutes à une température
supérieure à la température de réticulation de la colle « époxy » (i.e. 120°C). Un exemple
d’empilement de puces sur un substrat Silicium de diamètre 200mm est présenté Figure I-13 avant
7
La colle « époxy » ou époxyde est composée de deux éléments : la résine et le durcisseur. Quand le
mélange est parfaitement dosé, la polymérisation rend le matériau durci relativement stable et neutre.
23
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
l’étape de découpe. La force à appliquer durant l’étape de thermocompression est calculée pour
atteindre le régime élastoplastique du microinsert de Nickel, d’après les résultats obtenus dans la
thèse de [DIOP 2009]. Ces travaux ont montré que pour différents diamètres de microinserts, le seuil
d’écrasement (déformation plastique) du Nickel est bien proportionnel à la section du plot. Il a
évalué expérimentalement que l’écrasement d’un plot de Nickel de 6µm de diamètre, à température
ambiante, débutait à partir de 46mN, soit 32mN pour un microinsert de 5µm de diamètre.
2cm
Figure I-13 – Exemple d’empilements de puces sur substrat Silicium de diamètre 200mm réalisés
par microinsertion [MATHWESON 2007].
Les valeurs de densité de courant dans un microinsert ou les valeurs de tensions appliquées
aux bornes de contacts réalisés par technologie microinsert, peuvent être très différentes selon le
domaine d’application de la puce à reporter sur le substrat. Ainsi, la géométrie du microinsert (taille,
diamètre…), l’épaisseur du pad de connexion ou encore le nombre de microinserts, sont autant de
variables que l’on modifie en fonction des besoins électriques des composants à la surface de la puce
[ITRS 2009].
La fiabilité est une mesure de la probabilité pour qu’un composant remplisse une fonction
donnée sans défaillance pendant un temps donné dans des conditions d’emploi et d’environnement
données. Lors de l’étape de conception du composant, il est nécessaire de pouvoir prévoir sa
fiabilité. La durée de vie d’un composant fabriqué peut quant à elle être évaluée à partir d’études
statistiques effectuées sur un grand nombre d’échantillons, en leurs faisant subir par exemple, des
tests de vieillissement accélérés.
Il est généralement admis que plus de 65% des défaillances des composants électroniques
sont dues à des problèmes thermomécaniques [ZHANG 2001], du fait d’un manque de connaissances
académiques et industrielles, relatives au comportement des nouvelles structures et des nouveaux
matériaux. La fiabilité thermomécanique constitue dans ce contexte l’une des principales questions à
explorer. Notons que ce type de défaillance est le résultat d’une élévation des contraintes et des
déformations sous l’effet de chargements thermiques et de la dissipation thermique interne du
substrat [BARNAT 2011].
24
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
Les empilements de puces sur substrats sont composés de plusieurs couches minces de
matériaux, lesquelles ont des coefficients de dilatation thermique («CDT») différents. Sous l’effet
d’un chargement thermique, les contraintes dans les matériaux augmentent à cause de la disparité
des «CDT», ce qui entraîne des déformations et donc une dégradation du contact [OHRING 1998].
Prenons l’exemple, d’un empilement réalisé par report de puces à l’aide d’un réseau de billes
métalliques SnAg. Il existe dans ce type d’empilement une forte disparité dans les valeurs de «CDT»
(substrat en Si : 2,5ppm/K, billes en SnAg : 18-22ppm/K et pistes en Cu : 17ppm/K), laquelle entraîne
d’importantes forces de cisaillement sur les billes métalliques. A long terme, le contact électrique
entre les billes de SnAg et les pistes métalliques en Cu est dégradé par un mécanisme d’usure par
fatigue, dû à la répétition progressive de ce cisaillement. Ceci est une source importante d’apparition
de défaillances dans les connexions réalisées par brasure. Mais la différence de «CDT» peut aussi
induire des contraintes résiduelles lors des étapes de dépôts. Ainsi, des contraintes de traction
apparaissent dans les films minces d’Al(Cu), entraînant la création de trous [KANG 1999]. Il est
important de noter que les mécanismes de croissance de ces trous sont différents de ceux à l’origine
des trous créés, par exemple, sous l’influence des phénomènes d’électromigration. De plus, d’autres
défaillances résultant de contraintes thermomécaniques peuvent aussi apparaître dans ces types
d’empilements, comme la délamination, ou encore la rupture de la puce de Silicium [EVANS 1994].
Enfin, ces défaillances thermomécaniques affectent directement la durée de vie du contact réalisé
entre le microinsert de Nickel et le film d’Aluminium.
Dans notre cas, de nombreuses caractérisations ont été effectuées sur des empilements
réalisés par microinsertion [MATHWESON 2007], [BOUTRY 2008], [BOUTRY 2009] & [NOWODZINSKI
2012], afin de localiser les défaillances et de déterminer leurs mécanismes d’apparition. La méthode
de caractérisation la plus largement utilisée pour déterminer la qualité des contacts est la mesure de
la résistance électrique de contact ( R EC ). L’évolution de cette grandeur est suivie en l’occurrence
lors de tests de vieillissement servant à accélérer les mécanismes de défaillances. Ces tests sont
censés refléter les conditions réelles d’utilisation du composant, et ainsi permettre d’étudier
l’influence respective de divers paramètres, tels que le temps, l’intensité du courant, le nombre de
cycle en tension, la température ou encore le taux d’humidité… [ZHANG 2003] [ALI 2005], [YU 2007],
[KIM 2008]. Notons que les caractéristiques (i.e. plage de valeurs, nombre de cycles, durée …) des
paramètres étudiés sont fixées par les normes internationales JEDEC 8.
Figure I-14 - Distribution des R EC (en ohms) mesurées dans le cas d’un assemblage utilisant un
procédé de microinsertion non optimisé [BOUTRY 2009].
8
JEDEC : Joint Electron Device Engineering Council est une organisation de standardisation des semi-
conducteurs qui fait partie de l’Electronic Industries Alliance (EIA), créée en 1960 pour la normalisation des
composants discrets, ensuite étendue en 1970 aux circuits intégrés. http://www.jedec.org/
25
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
Prenons par exemple, l’étude réalisée par [BOUTRY 2009], sur un ensemble de puces
reportées sur un substrat de Silicium (diamètre 200mm) par microinsertion, dont l’assemblage final
est identique à celui présenté Figure I-13. Chaque puce montée sur le substrat possède un motif de
test électrique identique (i.e. chaîne métallique continue de 32 contacts). La distribution des R EC sur
l’ensemble des puces, dans le cas d’un assemblage utilisant un procédé de microinsertion non
optimisé, est donnée Figure I-14.
Une répartition non uniforme des valeurs mesurées des R EC apparaît très clairement.
Parallèlement, plus une résistance électrique est élevée, et plus la chaine de contact présente des
défaillances (mauvais contact électrique). Ce problème peut provenir de l’étape de
thermocompression, avec par exemple une mauvaise uniformité de la pression, ou encore une
inhomogénéité de l’épaisseur de la colle « époxy ». Une fois les puces défaillantes identifiées, des
caractérisations complémentaires sont effectuées dans le but de déterminer localement les contacts
à l’origine de ces élévations anormales de R EC . Dans le cas de l’étude réalisée par [BOUTRY 2009],
des observations obtenues par thermographie à détection synchrone (« TDS ») en amplitude
permettent l’identification de « points chauds », correspondant aux contacts défaillants (cf. Figure
I-15-a). Une gravure ionique réalisée à l’aide d’un FIB 9 permet alors de révéler ces contacts, afin de
les observer au MEB sur la tranche (cf. Figure I-15-b).
3µm
500nm
a b
Figure I-15 - a) Vues du dessus des zones défaillantes obtenues par TDS et b) Vues en coupe
obtenues par FIB-MEB des zones actives en TDS [BOUTRY 2009].
Les observations MEB permettent, par comparaison avec un contact non défaillant, de
mettre en évidence la présence d’une interface isolante entre le microinsert de Ni et le film mince
d’Al(Cu). Les auteurs de cette étude émettent l’hypothèse de la présence d’un matériau isolant à
l’interface de contact (bulles de gaz, oxyde, résidus de colle « époxy », contamination organique de
surface, composés intermétalliques…). Dans le but de confirmer cette hypothèse, une étude récente
a été menée sur ce type d’assemblage [NOWODZINSKI 2012]. Des observations sur la tranche de
contacts défaillants et non défaillants ont été réalisées à l’aide d’un microscope électronique en
transmission (MET) (cf. Figure I-16). La présence d’un composé carboné (vraisemblablement des
résidus de colle « époxy » ou de la contamination organique de surface) a été confirmée pour les
deux types de contacts. Cependant, l’apparition de trous dans le cas du contact défectueux, attribuée
à un début de délamination, semble être à l’origine de la défaillance (élévation non négligeable de
la R EC ). Notons qu’en ce qui concerne la caractérisation de la tenue mécanique de la puce sur le
9
FIB : Focused Ion Beam ou Sonde Ionique Focalisée en français
26
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
substrat, des essais de cisaillement sont par exemple envisageables. Mais dans le cadre de la thèse,
l’étude se limite au contact mécanique et au contact électrique à l’échelle d’un seul microinsert.
Figure I-16 – Observations MET, avec en haut, un microinsert non défaillant et en bas, un
microinsert défaillant [NOWODZINSKI 2012].
Conclusion
A partir de ces premiers éléments de réflexion, la problématique de la thèse est alors définie.
Elle consiste à déterminer les mécanismes de formation d’un contact métallique au travers d’un
oxyde natif, dans le cadre du procédé de microinsertion, utilisé pour l’empilement de puces (cf.
Figure I-17). En se basant sur les travaux de [TRIPP 1967], [MOHAMED 1975] et [SLADE 1999] sur le
contact métal-oxyde-métal, l’hypothèse de départ pour ce travail de thèse se résume à supposer,
que le contact s’établit lors de l’extrusion de Ni et d’Al(Cu) au travers de fissures créées
respectivement dans chaque oxyde natif. Ainsi, deux principaux axes de recherche se dégagent. Dans
un premier temps, il semble primordial d’acquérir une bonne connaissance du comportement
27
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
mécanique des éléments du contact réalisé par microinsertion, autrement dit le plot de Ni, le film
d’Al(Cu) et les oxydes natifs. Toutefois, afin de simplifier le problème, on ne cherche pas à
caractériser l’oxyde natif de Nickel, épais de 1nm à température ambiante [GRAHAM 1972]. L’étude
porte alors essentiellement sur la fracture de l’oxyde natif d’Aluminium (Al2O3). La principale
technique de caractérisation des propriétés mécaniques des matériaux retenue est la
nanoindentation instrumentée. Cependant, un problème majeur dans l’extraction des propriétés de
ces matériaux est à surmonter, à savoir la faible épaisseur des couches minces avec l’influence des
couches sous-jacentes, dû à l’empilement des matériaux. Dans un second temps, une étude sur
l’évolution de la résistance électrique de contact en fonction de la force appliquée est menée, afin
d’établir les mécanismes de formation du contact électrique à l’échelle du microinsert. La
compréhension de l’établissement du contact doit apporter in fine des solutions aux technologues
dans la sélection des matériaux, afin d’optimiser et fiabiliser le procédé de microinsertion.
28
Chapitre I – Introduction à l’intégration « 3D »
• Connexion électrique
1µm
• Maintien mécanique
Problématique
de la thèse
Force
Force
29
30
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
31
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Introduction
A partir d’une étude bibliographique sur la fiabilité des contacts réalisée dans le premier
chapitre, la problématique de la thèse a été définie. Ainsi, l’objectif principal de la thèse consiste à
décrire les mécanismes de formation du contact métallique au travers de l’oxyde natif Al2O3. Pour
cela, il est indispensable d’acquérir au préalable une bonne connaissance des propriétés mécaniques
des matériaux mis en jeu et de la physique du contact.
Les propriétés des matériaux dépendent fortement de la nature des liaisons entre atomes et
de la densité de l’empilement atomique, car elles déterminent par exemple l'énergie de cohésion de
la matière, la force nécessaire pour écarter les atomes les uns des autres jusqu'à rupture, le
coefficient de dilatation, la conductibilité électrique ou thermique, la stabilité des phases, la
réactivité… Les forces de liaison FL et leur variation avec la distance interatomique r varient
considérablement selon la nature de la liaison chimique concernée. On distingue deux types de
liaisons : les liaisons fortes (i.e. ionique, covalente et métallique) et les liaisons faibles ou secondaires
(i.e. Van der Waals et hydrogène) [FRANCOIS_1 2009].
A l’équilibre et sans sollicitation, une distance interatomique r0 , dite de repos, sépare les
atomes (cf. Figure II-1). Dans le cas où l’on étire la liaison (traction), la distance interatomique
augmente, et une force d’attraction qui résiste à l’écartement r0 + r apparaît. Dans le cas de la
compression, la distance interatomique diminue et il apparaît une force de répulsion qui résiste au
32
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Les liaisons interatomiques assurent la cohésion d'un matériau cristallin, et leur raideur
permet théoriquement de calculer les modules élastiques du matériau, à condition de prendre en
compte la structure cristalline. Celle-ci va définir les directions des liaisons par rapport à l'effort
appliqué d'où un comportement élastique généralement anisotrope. Pour passer de la raideur
microscopique (raideur de la liaison) à la raideur macroscopique (module d'Young ou module
élastique), notée E , considérons le modèle simple dans lequel tous les atomes sont situés sur un
( )
réseau cubique. Soit N L = AN r02 le nombre de liaisons qui traversent une section droite d'aire AN
normale à la force macroscopique appliquée F . La résistance à la traction microscopique de chaque
liaison faiblement étirée de r0 à r étant FL = (k 0 )( . r − r0 ) , la force macroscopique appliquée est
donc F = N L .FL = AN .(k 0 r0 ). (r − r0 ) r0 . Réécrite en termes de contrainte (densité surfacique de
force) σ = F A N et de déformation (variation relative d'allongement) ε = (r − r0 ) r0 , cette relation
devient σ = (k r0 ).ε . Soit l'expression du module d'Young E = σ ε (Loi de Hooke), caractérisant la
raideur macroscopique en fonction de la raideur microscopique E = k r0 .
k
Fm
r0 rm Distance
Répulsion
interatomique (r)
où Cijkl et S ijkl sont des tenseurs du quatrième ordre appelés respectivement tenseur des rigidités
ou tenseur d’élasticité, et tenseur des complaisances élastiques du matériau.
Dans le cas d’un solide élastique linéaire anisotropique, le nombre de constantes élastiques
indépendantes est réduit à 21. Selon la structure cristalline du matériau, il est possible de réduire le
nombre de constantes élastiques, en prenant en compte les symétries du cristal. Rappelons que l’Al
et le Ni ont des structures cubiques Par exemple, dans le cas de la symétrie cubique, les trois
33
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Il est alors possible d’exprimer différemment ces constantes élastiques. Prenons, par
exemple, leurs expressions à l’aide du module d’Young E et du coefficient de Poisson ν :
C11
C11 = E et =ν II-3
C12
Dans le cas d’un solide cubique anisotrope, l’équation II-2 n’est plus valable et il est alors
possible de définir un rapport d’anisotropie élastique, autrement appelé coefficient de Zener :
2.C44
AZener = II-4
(C11 − C12 )
A l’aide des valeurs de constantes élastiques trouvées dans [LEVY 2001], un coefficient
d’anisotropie de 1,22 est trouvé pour l’Aluminium et de 2,67 pour le Nickel. Ainsi, il est possible de
considérer l’Aluminium comme isotrope élastiquement, le coefficient de Zener étant proche de 1.
Dans le cas où l’on étire excessivement la liaison, la force de la liaison augmente jusqu’à une
valeur maximale Fm , pour une longueur rm , correspondant à la dissociation de la liaison (cf. Figure
II-1). Si on modélise en première approximation la fonction σ (r ) par une fonction sinusoïdale, on
peut estimer la limite d’élasticité théorique σ e proche de (E.λ ) π , avec λ une fraction de la distance
interatomique. Pour la plupart des céramiques, lorsque l’on mesure expérimentalement la limite
d’élasticité, on obtient une valeur de l’ordre de E 2π . Cependant, en ce qui concerne les métaux, les
valeurs de limite d’élasticité expérimentales sont très inférieures à la valeur théorique. Il existe donc
d’autres mécanismes permettant d’expliquer l’écoulement plastique dans les métaux. D’une manière
générale, la plasticité des métaux trouve son origine dans la propagation de défauts linéaires
élémentaires présents dans les structures cristallines appelés dislocations [TAYLOR 1934], [OROWAN
1934] et [POLANYI 1934].
Contrainte (σ)
E
Rupture
σe Ecrouissage
Déformation (ε)
Elasticité Plasticité
34
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Après avoir vu les origines de la déformation élastique des matériaux, et la notion de limite
d’élasticité, passons à la description de la déformation plastique dans les métaux (cf. Figure II-2).
Une dislocation est un défaut linéaire correspondant à une discontinuité dans l'organisation
de la structure cristalline et qui introduit un champ de distorsions élastiques en l’absence de
contraintes appliquées. Une dislocation est caractérisée par la direction de sa ligne L et par un
vecteur b appelé « vecteur de Burgers ». Dans le cas où le vecteur de Burgers est parallèle à la ligne
de dislocation on parle de dislocation vis, et s’il est perpendiculaire on parle de dislocation coin. Dans
le cas réel, les dislocations sont mixtes avec des portions vis et des portions coin.
Une dislocation de vecteur de Burgers glisse sur un plan. L’ensemble des plans de glissement
forme alors un système de glissement. Les plans de glissement « faciles » sont généralement les
plans de plus forte densité atomique (force de frottement minimale) et les directions de glissement
sont les directions cristallographiques les plus denses (déformation minimale). Donc, pour une
structure cristallographique donnée, il y a un nombre réduit de systèmes de glissements faciles. Plus
une structure a de systèmes de glissement faciles, plus le cristal pourra être ductile (mais la ductilité
dépend aussi d'autres paramètres comme la pureté, la taille de grain...). À l'inverse, une structure qui
a peu de systèmes de glissement faciles sera intrinsèquement fragile (le matériau casse sans
déformation plastique). Un exemple de mouvement d’une dislocation dans un plan de glissement
entrainant le cisaillement du cristal est représenté Figure II-3.
35
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
macroscopique, dans le but de savoir si le matériau a plastifié ou non, la limite d’élasticité σ e est
comparée à la contrainte équivalente appliquée au matériau. Cette contrainte équivalente ou critère
de plasticité est un scalaire, souvent noté σ , qui est donné par une fonction de charge
f dépendante du tenseur des contraintes. Il incorpore donc les éventuels effets d’anisotropie dans
()
sa définition. Si la fonction f σ est négative, on est alors en régime élastique et le comportement
()
du matériau est régi par la loi de Hooke. Au contraire, si f σ est nulle, on est alors en régime
plastique.
Il existe de nombreux critères de plasticité dans la littérature parmi lesquels les critères de
von Mises, Tresca ou Drucker-Prager pour les matériaux isotropes, et de Hill et Tsaï pour les
matériaux anisotropes. Le critère de Von Mises est le plus communément utilisé pour les métaux, et
il est basé sur le deuxième invariant du tenseur déviatorique des contraintes S . Il peut s’écrire
directement en fonction des deux premiers invariants du tenseur des contraintes, ou directement en
fonction de ses composantes principales σ I , σ II et σ III (valeurs propres du tenseur des
contraintes), indépendamment de la pression hydrostatique :
()
f σ = σ VM − σ e
3 1
σ VM = S ij S ij avec S ij = σ ij − σ kk σ ij
2 3 II-5
σ VM =
1
2
[
(σ I − σ II )2 + (σ II − σ III )2 + (σ III − σ I )2 ]
Le critère de Tresca, qui prend en compte les contraintes critiques de cisaillement, est plus
proche d’une interprétation microscopique, en termes de mouvement de dislocations, mais le critère
de von Mises en constitue une excellente approximation, et il est beaucoup plus facile à mettre en
œuvre numériquement (la surface de charge est un ellipsoïde, au lieu d’être un polyèdre présentant
des « coins »).
L'écrouissage d'un métal, autrement appelé élastoplasticité, est le durcissement d'un métal
sous l'effet d’une déformation plastique indépendante du temps (cf. Figure II-2). L’écrouissage peut
être isotrope ou cinématique. L’écrouissage isotrope se caractérise par une dilatation de la surface
de charge par homothétie, alors que l’écrouissage cinématique se caractérise par une translation du
centre du domaine d’élasticité. Cependant, le cadre de cette thèse se limite à la présentation de
l’écrouissage isotrope.
36
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
avec σ la contrainte vraie, ε la déformation plastique vraie et les autres paramètres des constantes.
Il est intéressant de noter que le paramètre n1 dans la relation d’Hollomon est usuellement appelé
coefficient d’écrouissage.
Il est important de noter que des paramètres tels que le temps, la température ou le nombre
de cycles… peuvent avoir des influences très importantes dans le comportement mécanique des
matériaux. Dans le cadre de cette thèse, les essais de caractérisation des matériaux sont monotones
et réalisés à température ambiante. Cependant, le procédé de microinsertion se faisant en
température et à une contrainte constante durant un temps non négligeable, la viscosité des
matériaux peut jouer un rôle important sur leurs niveaux de déformation finale. La prochaine partie
porte donc sur la description des propriétés d’élastoviscoplasticité.
II.1.2.4. L’élastoviscoplasticité
Déformation (ε)
Rupture
Fluage primaire
Fluage tertiaire
Fluage secondaire
Temps (t)
Figure II-4 – Courbe caractéristique des trois domaines
du fluage jusqu’à rupture [SAINT ANTONIN 1995].
37
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Le fluage primaire est en général représenté par une loi puissance (relation d’Andrade) :
ε = At α II-10
avec la constante α valant souvent 1/3, A un paramètre reliant les propriétés du matériau aux
mécanismes de fluage. D’une manière générale, plus la contrainte est importante, plus la durée du
fluage primaire augmente alors que celle du fluage secondaire diminue. Ce dernier est couramment
modélisé par l’évolution de la vitesse de déformation en fonction de la contrainte. Pour les faibles
contraintes, la loi de Norton reste la plus utilisée :
ε = Aσ p II-11
Par ailleurs, il est possible de mettre en évidence une « viscoplasticité à basse température »,
liée à l’activation thermique de la déformation plastique. Ainsi, pour des températures inférieures à
0,3 T f , les trois stades du fluage ne sont pas observés : la vitesse de déformation décroît
continûment dès le début du fluage, pour presque s’annuler. Il s’agit d’un fluage logarithmique
[SAINT ANTONIN 1995], correspondant au fluage primaire, décrit par la formule suivante :
t
ε = A. ln1 + II-13
t0
Dans le cas de notre étude, nous pouvons citer les travaux de [DIOP 2009]. Diop réalise des
essais de compression d’un microinsert de Ni, supposé purement élastique, dans un film mince d’Al.
Les essais ont été réalisés à contrainte constante et à température ambiante, ce qui a permis
d’extraire des propriétés de « fluage » pour l’Aluminium à l’aide de la méthode développée par
[FISCHER-CRIPPS_1 2004] (cf. Figure II-5).
38
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Figure II-5 – Courbes d’essais de fluage sur un film mince d’Al avec un microinsert de Ni de
diamètre 12,5µm à trois contraintes maximales différentes (0,8, 1,6 et 3,2GPa) [DIOP 2009].
Les métaux considérés dans notre étude sont polycristallins, c'est-à-dire qu’ils sont formés
par un ensemble de petits cristaux, appelés cristallites ou grains, de taille et d'orientation variées, par
opposition à un matériau monocristallin constitué d'un seul cristal. Chaque grain se délimite par une
frontière appelée joint de grains, laquelle limite le mouvement des dislocations. Ainsi, la taille des
grains joue un rôle important sur la limite d’élasticité et l’écrouissage du métal. Deux auteurs, [HALL
1951] et [PETCH 1953], se sont penchés indépendamment sur la relation entre les joints de grains et
la résistance d’un métal à une sollicitation. Ils ont étudié différents comportements des matériaux,
mais sont arrivés sensiblement à la même conclusion, à savoir la mise en évidence d’une dépendance
de la limite élastique avec la taille de grain, décrite par la relation suivante :
K HP
σe =σ0 + II-14
d
39
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
a) b) c)
Figure II-6 – Cartes des mécanismes de déformation pour du Ni pur massif avec une taille de grain
de : a) 1µm, b) 10µm et c) 100µm [FROST 1982].
a) b)
Figure II-7 – Cartes des mécanismes de déformation pour de l’Al pur massif avec une taille de grain
de : a) 10µm et b) 1mm [FROST 1982].
Si deux de ces variables sont connues, la carte peut être utilisée pour déterminer la
troisième. Ce type de diagramme peut être tracé pour différents type de matériaux cristallins : des
métaux (cubique centré, cubique faces centrées et hexagonal), mais aussi pour des semi-conducteurs
(Si, Ge…) ou encore des céramiques, et même pour l’eau. On peut noter qu’il existe d’autres types de
représentations, pour étudier par exemple le comportement d’un matériau à des taux élevés de
déformation.
Ce type de représentation résume les informations sur l'état de fluage stationnaire à une
contrainte et une température données. Elle permet d’identifier rapidement les mécanismes de
plasticité mis en jeu et la vitesse de déformation d’un matériau soumis à un chargement. L’influence
de la taille de grain est également mise en évidence au travers de ces cartes de déformation dans le
cas du Nickel (cf. Figure II-6) et de l’Aluminium (cf. Figure II-7). Notons l’expansion du domaine du
40
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Généralement, un matériau est dit fragile lorsqu’il se rompt sans avertissement et de façon
très brutale. Sa courbe contrainte-déformation demeure linéaire jusqu’à la rupture où toute l’énergie
élastique emmagasinée est libérée d’un seul coup (cf. Figure II-8). En cours de déformation, le
matériau subit donc un endommagement progressif, lié à la formation progressive de fissures dans le
matériau, qui aboutit à sa rupture. Ceci le différencie de l’écrouissage dans les métaux, traité
précédemment, qui trouve son origine dans l’arrangement et la multiplication des dislocations.
L’endommagement se déroule donc en trois étapes : une première étape de formation des cavités
dans le matériau (phase d’amorçage), puis une étape de développement (phases de croissance et de
coalescence), et enfin la rupture du matériau.
Contrainte à la rupture
(σ f )
Déformation (ε )
Figure II-8 – Exemple schématique d’un comportement élastique fragile.
La mécanique de la rupture est une approche qui met en jeu les concepts habituels de la
mécanique des milieux continus, à partir d’une discontinuité existante : cavité ou fissure [ENGERAND
1990]. Elle permet dans certains cas de prévoir, en fonction des dimensions d’une fissure et de l’état
de chargement, la vitesse de propagation de la fissure et la dimension à partir de laquelle cette
fissure peut entraîner une rupture brutale. Elle traite également de la croissance des cavités dans un
solide se déformant plastiquement. Il est intéressant de noter que le concept de mécanique de la
rupture développé avant 1960, pour traiter de la stabilité des fissures, était applicable uniquement
aux matériaux obéissant à la loi de Hooke. On parle de mécanique élastique linéaire de la rupture. Il
faut attendre 1960, pour voir apparaître des théories de mécanique de la rupture, prenant en
compte de nombreux comportements non-linéaires des matériaux (plasticité, viscoplasticité…) ou
encore des effets dynamiques [ANDERSON 2005].
Dans notre étude, nous nous intéressons essentiellement à la fracture de l’oxyde natif
d’Aluminium lors de la formation du contact électrique entre le microinsert de Ni et le film mince
41
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
d’Al(Cu). L’Alumine native est une céramique amorphe, ne présentant pas de caractère plastique en
première approximation. L’Alumine native est supposée avoir un comportement purement élastique
et fragile. Ainsi, la théorie de la mécanique élastique linéaire de la rupture convient parfaitement
dans un premier temps pour décrire le phénomène de fracture dans l’Alumine, et ainsi déterminer le
niveau de contrainte à dépasser pour déclencher la rupture dans le matériau. Cette partie
bibliographique a donc pour objet de poser les bases de la mécanique élastique de la rupture fragile
pour un matériau massif, puis de donner des éléments sur la fracture dans les films minces.
A l’échelle atomique, un matériau fragile ne se fissure que lorsqu’on lui apporte l’énergie
suffisante pour casser les liaisons atomiques. La valeur théorique de la contrainte de cohésion à
dépasser pour induire une fissure dans le matériau est de l’ordre de E π avec λ alors égal à la
distance interatomique (cf. § II.1.1.4) [ANDERSON 2005]. Cependant, les valeurs expérimentales de
contrainte à la rupture obtenues pour des matériaux fragiles sont typiquement de plusieurs ordres
de grandeur en dessous de cette valeur. Cette différence a été attribuée à la présence de défauts
dans le matériau, lesquels tendent à diminuer la résistance macroscopique du matériau.
σ 2a σ
Figure II-9 – Présence d’un trou elliptique dans une plaque plate [ANDERSON 2005].
Deux principales approches ont été développées, afin de prendre en compte la présence de
ces défauts. La première approche d’Inglis (1913), qui a analysé la formation de trous elliptiques dans
des plaques (cf. Figure II-9), permet d’estimer grossièrement la contrainte à la rupture σ f :
12
Eγ
σ f = s
II-15
4a
avec E le module d’Young du matériau, γ s l’énergie de surface par unité d’aire et a la demi-largeur
du trou. Cependant, cette analyse se base sur des hypothèses de continuité, qui ne sont pas valables
à l’échelle atomique. En effet, une contrainte infinie est trouvée en bord de fissure, là où le rayon de
courbure est égal à 0. C’est pourquoi, une deuxième approche énergétique a été développée en
parallèle par Griffith (1920). Dans ce modèle, la progression de la fissure est stable tant que l’énergie
libérée par l’extension de cette fissure est absorbée par la création de nouvelles surfaces. On obtient
ainsi pour la contrainte à la rupture l’expression suivante :
12
2 Eγ s
σ f = II-16
πa
Il est important de rappeler que cette équation n’est valable que pour des matériaux
idéalement fragiles, et Griffith a pu obtenir une bonne adéquation entre la relation II-16 et des
valeurs expérimentales de résistance à la rupture obtenues sur du verre. Cependant, une
généralisation heuristique de la relation II-16 a été formulée indépendamment par Irwin et Orowan
(1948), afin de prendre en compte les matériaux présentant des ruptures ductiles (i.e. métaux).
L’expression de la contrainte à la rupture prend alors la forme suivante :
42
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
12
2 Ew f
σ f = II-17
πa
Or, d’après l’équation II-18, la fissure n’apparaît que si cette quantité d’énergie est
supérieure à une valeur critique G c :
Gc = 2 w f II-19
La difficulté majeure est ici de déterminer la taille initiale des défauts (trous, pré-fissures),
afin de prédire des valeurs de contrainte à la rupture ou d’énergie critique de décohésion.
En ne considérant que les fissures planes se propageant dans leur propre plan, on montre
que l’état le plus général de propagation se ramène à la superposition de trois modes (cf. Figure
II-10) :
- mode I (mode par ouverture) : contraintes de traction normales au plan de fissure ;
- mode II (glissement de translation) : contraintes de cisaillement agissant parallèlement au
plan de la fissure et perpendiculairement au front de fissure ;
- mode III (glissement de rotation) : contraintes de cisaillement agissant parallèlement au plan
de la fissure et parallèlement au front de fissure.
En 1957, Irwin donne, pour les milieux bidimensionnels relativement simples et en ignorant
les phénomènes plastiques en fond de fissure, la forme du premier terme, singulier, du
développement limité des contraintes au voisinage d’un front de fissure [ENGERAND 1990]. Le
champ singulier des contraintes s’exprime sous la forme :
K
σ ij (r ,θ ) = f ij (θ ) + ε (r ) II-20
2πr
r et θ étant les coordonnées polaires du point considéré (cf. Figure II-11) par rapport au fond de la
fissure, i et j indiquant les différentes composantes de contraintes : σ xx , σ yy , τ xy (dans le plan). Le
champ des déplacements, quant à lui, s’exprime sous la forme :
r
ui = K g i (θ ) II-21
2π
43
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
dans le cas d’une traction pure, et pour une fissure de longueur 2a dans un solide infini, le facteur
d'intensité de contrainte K I s’exprime selon :
K I = ασ πa II-22
K Ic = EGc II-23
Toutefois, un matériau peut être sollicité selon différents modes de chargement (i.e.
combinaison des modes I et II) [ERDOGAN 1963]. Afin de prendre en compte cette mixité des modes
de chargement, [LIM 1994] a proposé un critère empirique de fissuration :
λ µ
KI
+ K II = 1 II-24
K Ic K IIc
Force
Force
Force
Force Force
Force
a) Fissure de Mode I b) Fissure de Mode II c) Fissure de Mode III
Figure II-10 - Illustration des trois modes de propagation d'une fissure.
44
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
σ yy
τ xy
y σ xx
τ yx
r
Fissure
θ
x
Figure II-11 – Définition des axes de coordonnées en bout de fissures [ANDERSON 2005].
Les empilements des couches minces sur substrat sont couramment utilisés en
microélectronique. Les couches minces peuvent, d'une part être déposées sur le substrat (e.g.
techniques de dépôts PVD j, ECD ou encore ALD k…), et d'autre part croître par consommation du
substrat (i.e. oxydation). Dans les deux cas, des contraintes sont introduites et influencent le
comportement mécanique des matériaux mis en jeu (films minces et substrat).
Dans le cas d’un film déposé, les contraintes sont des contraintes résiduelles (contraintes
intrinsèques et contraintes thermiques). Les contraintes intrinsèques apparaissent lors du dépôt
(conditions de pression et de température, désaccord du paramètre de maille dans le cas d’un dépôt
monocristallin sur substrat monocristallin…). Les contraintes thermiques sont le fruit de la différence
des coefficients de dilatation thermique (CDT) et apparaissent lors du retour à la température
ambiante. La déformation macroscopique de l’empilement (rayons de courbures avant ( Ri ) et après
dépôt ( R f )) à température ambiante, permet de déterminer le niveau de contraintes résiduelles,
dans le film déposé à l’aide de la relation de Stoney [NIX 1989]:
t s2 1 1
σ rés = M s − II-26
6t f R f Ri
Mais pour un matériau monocristallin, l’anisotropie élastique doit être prise en compte. Dans
le cas d’un matériau présentant une structure cubique, et dans le cas où la face (001) du cube est
parallèle au plan du matériau, le module biaxial alors isotrope dans le plan, s’exprime selon :
2c12
2
M s (100 ) = c11 + c12 − II-28
c11
j
PVD : Physical Vapor Deposition - Technique de dépôt physique par phase vapeur.
k
ALD : Atomic Layer Deposition – Procédé de dépôt de couches minces atomiques.
45
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
avec c11 et c12 des composantes de la matrice des rigidités. Et dans le cas où la face (111) du cube
est parallèle au plan du matériau, le module biaxial également isotrope dans le plan, s’exprime
selon :
6c44 (c11 + 2c12 )
M s (111) = II-29
c11 + 2c12 + 4c44
avec c11 , c12 et c44 des composantes de la matrice des rigidités. Notons que la relation II-26 n’est
valable que loin des bords de l’échantillon.
L’ensemble de ces contraintes résiduelles jouent donc un rôle sur la stabilité des films dans
les empilements. Ainsi, pour des contraintes élevées, des phénomènes d’instabilité peuvent
apparaître, tels que de la délamination interfaciale, la création de fissures, du cloquage (« buckling »
en anglais), de l’écaillage (« spalling » en anglais)… Nous pouvons citer en exemple les travaux de
[HUTCHINSON 1992] et [EVANS 1994], sur l’étude des modes de défaillance dans les empilements (cf.
Figure II-12). Des critères permettent de prédire quels mécanismes de défaillance peuvent se
produire. La combinaison des paramètres formant le critère pour un mode de rupture donné prend
alors la forme :
G=
(
Zσ rés t f 1 −ν 2f ) II-30
Ef
avec E f et ν f , respectivement le module d’Young et le coefficient de Poisson du film déposé et Z
la force motrice adimensionnelle, de l’ordre de l’unité, résultante du mécanisme de fissuration et du
désaccord élastique.
Figure II-12 – Exemples de mécanismes de fracture dans les empilements [HUTCHINSON 1992].
46
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
encore de gonflement… Notons que la fracture d’un film mince sur substrat dans le cas d’un essai
d’indentation est détaillée ultérieurement dans la section II.2.3, dans la partie correspondant à
l’étude du contact mécanique.
Ainsi, à l’aide de ces essais mécaniques, des valeurs de contraintes à la rupture, voire de ténacité,
peuvent être obtenues expérimentalement pour un film mince. De plus, la présence de défauts dans
le matériau a permis d’expliquer, jusqu’à présent, la différence entre les valeurs expérimentales et
théoriques de contraintes à la rupture. Cependant, la mesure expérimentale de la ténacité n’est
jamais évidente, étant donné une forte dispersion sur les valeurs mesurées. Cette dispersion trouve
son origine dans une distribution statistique des défauts présents dans le matériau.
a) b)
avec m et σ u des constantes matériaux. Le module de Weibull m donne une idée de la dispersion
sur la taille des défauts. Plus il est faible, et plus cette dispersion est importante (e.g. m ≈ 10 pour une
céramique industrielle avec une répartition homogènes de défauts de même taille) (cf. Figure II-13).
La constante σ u représente la contrainte de rupture moyenne de l’échantillon de volume V0 .
Différents auteurs ont cherché à utiliser ce type de distribution, afin de caractériser des
échantillons d’Alumine. Par exemple, [PETROVIC 1987] a trouvé une bonne corrélation entre des
valeurs expérimentales obtenues à l’aide de chargements multiaxiaux de tubes d’Alumine, et des
prédictions des états de contraintes, calculées à partir de la théorie de Weibull. Dans une autre étude
menée par [CHECHENIN 1995] sur des films minces d’Alumine, une distribution de Weibull modifiée
a été utilisée pour obtenir une probabilité de 1/2, lorsqu’une valeur de chargement critique Fcr est
égale à la valeur de chargement critique moyenne Fcr0 :
m
F
F cr = exp − ln 2 Fcr II-32
F0 F0
cr cr
La fonction de répartition est tracée pour des valeurs de charges critiques obtenues par
nanoindentation instrumentée, dans le cas d’Alumine native et de films minces d’Alumine réalisés
par oxydation anodique ou évaporation thermique (cf. Figure II-14). Dans cette étude, des modules
de Weibull de 2 à 4 ont été obtenus. Ce résultat démontre que ces films minces d’Alumine
présentent une forte dispersion sur la taille des défauts. Dans l’étude de [CHECHENIN 1995], on peut
47
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
noter que les films d’oxyde d’Aluminium sont déposés selon différentes techniques sur des substrats,
ce qui peut entraîner l’apparition de contraintes résiduelles, lesquelles peuvent influencer
l’apparition et la propagation des fissures.
Figure II-14 – Distributions de Weibull pour des Alumines natives et des films d’Alumine obtenues
par évaporation thermique (TE) et par oxydation anodique (AO) [CHECHENIN 1995].
Enfin, les comportements mécaniques des matériaux (élasticité, plasticité, fracture…) ont été
présentés dans cette partie, afin de donner les éléments théoriques, permettant l’analyse des
résultats expérimentaux présentés dans la suite du manuscrit. Ce premier chapitre bibliographique
se poursuit avec la description du contact mécanique. La géométrie du contact macroscopique
(présence de singularités ou non), l’influence de la rugosité ou encore des couches sous-jacentes
dans les empilements, sont étudiées afin d‘analyser les différents types de contacts réalisés lors
d’essais de nanoindentation instrumentée ou de microinsertion.
On distinguera le cas d’un contact sans singularité (i.e. des solides avec des surfaces courbes)
et le cas d’un contact avec singularités (i.e. des solides présentant des arêtes ou des coins). Les
hypothèses suivantes sont faites pour l’ensemble de cette section sur la mécanique du contact :
- absence d’adhésion ;
- matériaux isotropes ;
- chargement normal (absence de force tangentielle) ;
- absence de frottement.
48
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Dans cette section, les corps en contact sont supposés parfaitement lisses et purement
élastiques. L’aire de contact apparente (ou nominale) An ne dépend alors plus que de la force de
contact Fc , de la géométrie des surfaces en contact (présence de singularités) et des propriétés
mécaniques des matériaux, à savoir :
- module d’Young ou module élastique E ;
- le coefficient de Poisson ν .
Les formules de Hertz [HERTZ 1881] s’appliquent pour des déformations purement
élastiques, dans le cas du contact de type sphère/sphère, sphère/plan et barreaux parallèles ou
croisés perpendiculaires. Dans le cas d’un contact entre deux sphères élastiques, soumis à une force
Fc (cf. Figure II-15), la théorie de Hertz donne les expressions des grandeurs suivantes [JOHNSON
1987] :
Le rayon de l’aire de contact élastique, noté ae :
13
3 R∗ F
ae = c
II-33
4 E∗
L’écrasement (ou enfoncement) élastique, noté δ e :
ae2
δe = II-34
R∗
La pression moyenne sur le contact, notée p e :
23
F 1 4 E∗
p e = c2 = Fc1 3 II-35
πae π 3 R ∗
La pression maximale (dans l’axe central du contact), notée p e,max :
3
pe, max = p II-36
2 e
La pression p(r ) le long de l’axe notée r :
12
r 2
p(r ) = pe,max 1 − II-37
a
e
49
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Fc
E 1, ν 1, R 1
ae
δe
r
E 2, ν 2, R 2 z
Figure II-15 – Contact élastique parfait entre deux sphères lisses élastiques.
Notons que le cas du contact sphère/plan est un cas particulier du contact sphère/sphère, ou
le plan est une sphère de rayon infini. Ainsi, le rayon de la sphère est alors égal au rayon réduit R ∗ .
De même, le contact entre barreaux croisés de même rayon, est équivalent à un contact entre une
sphère de même rayon avec un plan (cf. Figure II-16).
Fc Fc
R*
R*
R*
a b
Les profils de contraintes (cf. Annexe - A), obtenus à partir de la pression de Hertz (cf.
Equation II-37) appliquée à une surface circulaire de rayon ae , sont tracés à la surface (en fonction de
la coordonnée radiale r ) et dans la profondeur (en fonction de la coordonnée z ) du contact (cf.
Figure II-17). La contrainte radiale est notée σ r , les contraintes orthoradiales σ θ et σ z , et la
contrainte de cisaillement τ 1 . Notons que l’ensemble des contraintes sont compressives, excepté la
contrainte radiale au bord du contact. Elle est d’ailleurs maximale pour r = ae . Le long de l’axe z , la
contrainte maximale de cisaillement τ 1 = 0,5 σ z − σ θ est obtenue à une profondeur équivalente à
0,48.ae et vaut 0,31. p e,max , pour un matériau avec un coefficient de Poisson de 0,3.
La théorie du contact de Hertz se restreint à des solides avec des surfaces dont les profils
sont lisses et continus, par conséquent les contraintes sont finies tout le long du contact. Que se
passe-t-il lorsque les solides en contact présentent des singularités géométriques ?
50
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
a b
Figure II-17 – Distribution des contraintes a) à la surface et b) le long de l’axe z , dues à une
pression de Hertz (Equation II-37) sur une surface circulaire de rayon ae .
Le modèle de Hertz permet de décrire le contact entre solides dont les profils de surface ne
présentent pas de discontinuité géométrique. Or, la compression d’un microinsert ou le contact
entre un indenteur pyramidal ou conique avec un matériau par exemple, ne peuvent être décrits par
cette théorie, du fait de la présence de singularités géométriques à l’interface de contact.
L’approche classique pour trouver les contraintes et déplacements dans un espace élastique
semi-infini, à partir des tractions de surface, est due à la théorie des potentiels développée par
[CERRUTI 1882] et [BOUSSINESQ 1885]. C’est dans la continuité de ces premiers travaux, que de
nombreux auteurs ont développé des modèles pour des contacts avec présence de singularité(s).
Dans ce travail de thèse, nous rencontrerons des contacts du type cône/plan ou pyramide/plan et
plot cylindrique/plan (cf. Figure II-18). Le contact pyramide/plan est souvent assimilé à un contact
cône/plan avec un cône d'angle au sommet équivalent.
Dans le cas cône/plan, [LOVE 1939] donne la relation entre la force appliquée et le
déplacement vertical (Equation II-42), puis la répartition de la pression à l'interface de contact
(Equation II-43), pour la pénétration d’un cône d’angle α élastique dans un solide semi-infini lui aussi
élastique (cf. Figure II-19) :
51
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
π 2
Fc = a e2 E ∗ cot α = u z2 E ∗ tan α II-40
2 π
E ∗ cot α
p(r ) = cosh −1 (ae r ) II-41
2
Ce premier résultat est généralisé par [GALIN 1946] pour un indenteur arbitraire de forme
générale :
f (R ) = B.R d II-43
avec R le rayon de courbure de l’indenteur, et B et d des constantes.
Sneddon obtient le même résultat quelques années plus tard avec un cône rigide et donna
toutes les composantes des contraintes dans le solide élastique [SNEDDON 1948]. Cependant, il
apparaît que la pression est théoriquement infinie au sommet du cône pour r = 0 . A ce point, les
contraintes tangentielles de surface sont données par la relation suivante :
σ r = σθ = −
1
(1 + 2υ ) pe,max II-44
2
τ1 =
1 ∗ 2
2
(
E ae cot α ae2 + z 2 )−1
II-45
Fc
α uz
Aire de contact r
projetée
ae
z
Figure II-19 – Schématisation (vue en coupe) du contact cône/plan.
Sneddon s’intéressa aussi au cas particulier d’un plot cylindrique rigide et plat, pressé contre
un solide élastique semi-infini (de module d’Young E et de coefficient de Poisson ν ) (cf. Figure II-20)
[SNEDDON 1946]. Il donne alors la relation entre la force appliquée et le déplacement vertical :
Fc = 2a e u z E ' II-46
52
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
E
E' = II-47
1 −ν 2
Notons que le rayon de contact a e est ici constant et équivalent au rayon du cylindre plat. A
partir des travaux de Sneddon, [JOHNSON 1987] nous donne la répartition de la pression à l'interface
de contact, sous le plot cylindrique, avec l'expression suivante:
−1 2
r
2
p(r ) = pe,max 1 − II-48
a
e
Cette répartition est telle que tous les points de l'interface de contact ont un déplacement
uniforme. A partir de cette relation, il est possible de déterminer la valeur du déplacement normal
u z de n'importe quel point de la surface plane. Le déplacement d'un point situé à l'intérieur de l'aire
de contact ( r ≤ ae ) est indépendant de la position sous le plot et se définit par la relation suivante :
(
u z = π 1 −ν 2 pe, max) ae
E
II-49
u z (r ) =
(
2 1 −ν 2 )
pe, max ae sin −1 (ae r ) II-50
E
Fc
uz
θ
x
ae r
Aire de contact
projetée
z
Figure II-20 – Schématisation (vue en coupe) du contact plot cylindrique/plan.
53
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
De plus, dans notre cas d’étude, le plot en contact n'est pas infiniment rigide (microinsert en
Nickel). C'est pour cela qu'il est intéressant d'envisager le cas d'un contact entre un plot cylindrique
élastique et un plan élastique semi-infini. Pour ce cas de figure, il n'existe pas de modèle analytique
exact. Cependant, une solution approchée a été développée par [DIOP 2009], en adaptant le modèle
de contact en contraintes planes de [JORDAN 1999], au cas axisymétrique correspondant au contact
plot cylindrique/plan. Dans ce cas, la distribution de pression à l'interface est donnée par :
Fc (1 − λ )
p(r ) =
(
πae2 ae2 − r 2 )λ II-52
où λ est une constante qui peut être déterminée à partir de l'équation suivante :
{ }
tan (π (1 − λ ))sin (π (1 − λ )) + e 1 − cos[π (1 − λ )] − 2(1 − λ )2 = 0 II-53
où e est le rapport des modules de Young du cylindre et du plan. Le paramètre λ varie entre 0 et
1/2. Notons que d’autres cas de figure ont été étudiés, notamment pour des angles entre la
singularité et la surface de contact différents de 90°, avec les travaux de [DUNDURS 1972] pour un
contact sans friction et [GDOUTOS 1975] et [COMNINOU 1976] avec la prise en compte de la friction.
Enfin, certains auteurs ont également cherché à modéliser ce type de contact en prenant en compte
la rugosité du plot [EASON 1960] et [LEE 1970].
Après avoir vu la théorie du contact élastique, la section qui suit se consacre à l’étude du
contact élastoplastique entre deux corps lisses.
Dans le cas d’un contact sphère/plan, la contrainte maximale est atteinte sous la surface le
long de l’axe de symétrie. La contrainte maximale de cisaillement σ z − σ r se situe à une profondeur
équivalente à 0,48.ae et vaut 0,62. p e,max , pour un matériau avec un coefficient de Poisson de 0,3.
Ainsi, avec les critères de Tresca et von Mises, la déformation plastique apparaît pour une pression
moyenne pm équivalente à :
pm = 1,1.σ e II-54
Ainsi, en combinant la relation II-54, avec les formules II-35 et II-36, on obtient l’expression
de la force correspondante au début du régime plastique :
2 2
π3 R R
Fc = (1,6.σ e )3 ≈ 21,2 σ e3 II-55
6 E ∗ ∗
E
La transition élastoplastique s’achève pour une force de contact cinq fois supérieure
[JOHNSON 1987].
Dans le cas de l’indentation d’un matériau par un cône (cf. Figure II-21), le début de la
déformation plastique apparaît, selon [JOHNSON 1987], pour une contrainte moyenne de :
pm = 0,5.σ e II-56
54
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
ε .4(1 − 2υ )
13
c
= II-57
a 6(1 − υ )
avec ε , défini comme étant la déformation d’indentation sans dimension, par :
E ∗ . tan β E∗
ε= = II-58
σe tan α .σ e
Il est possible d’étendre ce modèle au cas sphérique, avec cependant un angle équivalent β
(défini comme le rapport de la profondeur de contact sur le rayon de contact), non constant au cours
de la pénétration. La déformation d’indentation s’exprime alors différemment:
E ∗ .a
ε= II-59
σ e .R
On considère que le régime purement plastique est atteint pour une pression hydrostatique
moyenne pm d’environ 3σ e [TABOR 1951], que l’on définit comme la dureté H du matériau. Cette
pression moyenne est obtenue pour des valeurs de ε d’environ 30 pour un cône et 40 pour une
sphère. Cependant, ce raisonnement n’est correct que pour un matériau élastique parfaitement
plastique (coefficient d’écrouissage nul). Dans le cas plus réel d’un matériau élastoplastique
(coefficient d’écrouissage non nul), il a été démontré qu’il est possible d’appliquer les résultats
obtenus, en remplaçant la limite élastique σ e par une contrainte d’écoulement dite
55
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
« représentative », notée σ R [TABOR 1951]. Cette contrainte σ R (encore notée Y ) est alors mesurée
en simple compression pour une déformation représentative ε R , équivalente dans le cas d’un cône
à:
ε R ≈ 0,2 tan β II-60
Ainsi, une bonne corrélation a été observée entre la théorie pour un matériau élastique
parfaitement plastique, et les résultats expérimentaux obtenus avec des matériaux ayant un
coefficient d’écrouissage non nul (cf. Figure II-22). L’évolution du coefficient C en fonction de ε est
donnée dans le cas de contacts cône/plan et sphère/plan par [JOHNSON 1987].
Des travaux plus récents ont permis de définir le rayon c de la zone plastique dans le solide
sous l’indenteur, à partir du modèle de cavité sphérique de Johnson, en fonction de la force
appliquée et de la limite élastique du matériau [ZIELINSKI 1993] :
3Fc
c= II-62
2πσ e
Les modèles de contact élastique et plastique présentés auparavant ont été développés pour
des solides supposés semi-infinis. En réalité, les matériaux utilisés dans notre cas sont sous forme de
couches minces déposées sur un substrat massif. Ainsi, lors d’essais de nanoindentation
instrumentée ou de microinsertion, les propriétés mécaniques du substrat ou des couches sous-
jacentes (dans le cas d’empilements) influencent grandement les mesures. Cela nous oblige à
prendre ce paramètre en considération dans l’analyse et la modélisation des différents résultats de
caractérisation mécanique des matériaux, présentées au chapitre IV. Par ailleurs, ces modèles sont
valables dans le cas de matériaux ayant un comportement élastoplastique, mais que se passe-t-il
dans le cas d’un matériau fragile comme une céramique (e.g. l’Alumine) par exemple ?
La fracture du verre a été étudiée en détail dans le cas d’un contact sphère-plan par Hertz en
1881. Hertz a constaté l’apparition d’une fissure conique avec une forme caractéristique, se formant
dans le verre après chargement par une sphère rigide et dure. Ce type de fissure est couramment
56
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
appelé cône de Hertz. Le même type de fissure a été observé dans le cas d’un contact cylindre plat-
plan (cf. Figure II-23) [ROESLER 1956].
Figure II-23 – Observation latérale d’un cône de Hertz à la surface d’un échantillon plan de verre,
après chargement (40kN) par un cylindre plat [ROESLER 1956].
En 1891, Auerbach nota qu’une telle fissure apparaît pour une force critique directement
proportionnelle au rayon de la sphère. La relation alors obtenue est appelée loi d’Auerbach.
Cependant, il semble que cette loi soit en contradiction avec le critère de Griffith (bilan énergétique)
pour la croissance des fissures (cf. § II.1.3). Les tentatives pour expliquer la loi d'Auerbach en termes
de dispersion statistique des tailles des défauts de surface ont en grande partie échoué [HAMILTON
1970]. En 1967, Frank et Lawn propose une analyse énergétique de la fracture, indépendante de la
statistique des défauts de surface. Ces travaux ont ensuite été étendus en 1984 par Mouginot et
Maugis [MOUGINOT 1985]. Et c’est en 1994, que Fischer-Cripps et Collins [FISCHER-CRIPPS 1994]
montrent que la probabilité d'initiation d'une fissure conique par contact hertzien, dans un
échantillon avec une distribution de défauts de surface donnée, ne peut être déterminée que par
une analyse combinée de l'équilibre énergétique avec la statistique des défauts de surface. De ces
travaux découlent des formules permettant de remonter à la force critique Fcr pour les différentes
géométries (cf. Figure II-24) [FISCHER-CRIPPS 1997].
a) b)
Cependant, ces modèles de fissurations sont uniquement valables dans le cas de matériaux
massifs. Or, dans notre étude, nous nous intéressons à la fissuration de l’oxyde natif d’Aluminium à la
surface d’un substrat d’Al(Cu), et ce afin de comprendre les mécanismes de fracture à l’origine de la
formation du contact électrique à l’interface de contact entre un insert de Nickel et le film
d’Aluminium.
57
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Or, les travaux de Pajares ont été effectués en utilisant un film fragile épais d’environ 500µm,
et dans notre cas, le film d’oxyde natif ne fait que quelques nanomètres. L’influence de l’épaisseur du
film fragile sur les mécanismes de fracture a été constatée au travers de nombreuses études. En
effet, Lawn propose différents scénarios de fissuration selon l’épaisseur du film fragile (cf. Figure
II-26) [LAWN 2003]. Si la couche fragile est très fine, les contraintes à l’interface avec le substrat
deviennent importantes, et des fissures apparaissent, voire des phénomènes de délamination. Citons
par exemple les travaux de [HE 1989] et [SUO 1990] sur la propagation de fissures à l’interface entre
deux matériaux élastiques. Enfin, depuis de nombreuses années, les simulations par MEF l
connaissent une certaine popularité dans la modélisation de ce genre de problèmes [WEPPELMANN
1996], [SOUZA 1999], [ABDUL-BAQUI 2001], [SOUZA 2001_1], [SOUZA 2001_2], [ABDUL-BAQUI
2002], [SRIRAM 2003], [VANIMISETTI 2006] et [FAN 2011]. Ces modèles seront présentés de manière
plus détaillée dans le chapitre IV.
Fissures
Zones
plastiques
a) b) c)
Figure II-25 – Etude de la dégradation d’un contact Hertzien, entre une sphère en WC ( R = 3,18mm )
et un dépôt d’Al2O3 (40%) - TiO2 déposé sur de l’acier, à une force de 1,5kN, avec : a) répartition des
contraintes de cisaillement obtenues par MEF, b) vue en coupe (MEB) et c) répartition des
contraintes de traction obtenues par MEF [PAJARES 1996] et [LAWN 1998].
Fc Fc Fc
a b c
Figure II-26 – Schématisation d’un contact entre une sphère et une structure bicouche, composée
d’une couche fragile d’épaisseur variable sur un substrat souple, avec évolution des mécanismes
de fissuration selon l’épaisseur de la couche fragile : a) fissure conique en surface, b) fissure
annulaire en surface avec fissure radiale à l’interface de contact et c) fissures concentriques dans
toute l’épaisseur du film fragile [LAWN 2003].
l
MEF : Méthode par éléments finis ou FEM en anglais pour finite element method
58
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Enfin, notons que la fragilité des matériaux est souvent explorée au travers d’essais
d’indentation réalisés à l’aide de pénétrateurs pyramidaux (indenteur Vickers d'angle apical 68° ou
encore l’indenteur coin-cube ou « cube corner » en anglais, d'angle apical 35,26°…). Ce type d’essai
permet de quantifier l’énergie nécessaire pour créer des fissures dans le matériau et donc de
remonter à la ténacité de celui-ci (cf. § II.1.3) [LAWN 1977], [LAWN 1982] et [LI 1997]. Cependant,
nous n’utiliserons pas ce genre de caractérisation, car nous focaliserons notre attention sur la
fracture de l’Alumine native sous le microinsert de Nickel (contact cylindre plat-plan) et à l’échelle de
la rugosité de surface, où une aspérité est alors assimilée à une sphère (contact sphère-plan).
La friction est décrite comme une interaction qui tend à s’opposer au mouvement relatif
entre deux solides en contact. Or, les différents modèles de contact étudiés jusqu’à présent sont
donnés avec l’hypothèse d’une absence de friction. En réalité, celle-ci peut influencer grandement les
modes de déformation des matériaux en contact, dans le cas de l’indentation par exemple (cf. Figure
II-27) [JOHNSON 1987] et [BEGLEY 1999]. Il est donc intéressant de se poser la question de
l’importance à donner à la friction dans les contacts réalisés par microinsertion ou indentation.
Figure II-27 – Evolution de la pression moyenne dans le cas d’un contact entre un coin rigide avec
un espace semi-infini rigide parfaitement plastique, en fonction du demi-angle au sommet α
[JOHNSON 1987].
Dans notre cas d’étude, l’angle α pour le contact plot cylindrique/plan est égal à 90° et pour
les contacts réalisés en indentation (sphère/plan ou cône/plan), les angles α sont supérieurs à 50°. Il
apparaît selon les résultats donnés par [JOHNSON 1987], que l’influence du coefficient de friction sur
la pression moyenne est moindre aux angles supérieurs à 50° (cf. Figure II-27). Ainsi, les analyses et
modélisations dans les prochains chapitres seront faites sans tenir compte du phénomène de
friction, dans un souci de simplification du problème.
59
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
lors de la mise en compression de deux films minces, la surface réelle de contact ne représente
qu’une faible fraction de l’aire de contact apparente, laquelle est fonction de la force appliquée et de
la géométrie macroscopique du contact (cf. Figure II-28). Le nombre et la taille de ces spots de
contact dépendent des propriétés mécaniques des matériaux, mais aussi surtout de la rugosité des
matériaux.
De nombreux modèles ont été développés afin de décrire le comportement du contact entre
surfaces rugueuses. Nous pouvons citer les travaux d’Abbott et Firestone, lesquels ont développé un
modèle très utilisé dans le cas d’un contact entièrement plastique. Leur modèle se base sur
l’hypothèse d’un contact entre une surface rugueuse et une surface lisse et les aspérités sont aplaties
sur la surface lisse sans aucun changement de forme des parties non en contact [ABBOTT 1933].
Force appliquée
Aire de contact
mécanique apparente
Aire de contact
mécanique réelle
Figure II-28 – Définition des aires de contact entre un corps sphérique lisse et un solide rugueux.
C’est à partir de leurs travaux, que Greenwood et Williamson [GREENWOOD_1 1966] ont
abouti à une modélisation statistique du contact rugueux. Ici, les surfaces considérées comportent un
grand nombre d’aspérités supposées élastiques, sphériques à leur sommet, et n’interagissant pas
entre elles. La distribution en hauteur de ces sommets permet, pour une séparation d entre les
surfaces en regard, d’estimer la probabilité qu’a une aspérité d’être en contact. Dans le cas du
contact sphère-plan (cf. Figure II-28), les travaux de [GREENWOOD 1984] ont permis de démontrer
que l’influence de la rugosité de surface sur l’évolution de la pression dépend principalement d’un
seul paramètre sans dimension α , tel que :
ss s s .R
α= = II-63
δe ae
60
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
phénomènes d’adhésion [SAHOO_1 2005], l’interaction entre aspérités [SAHOO_2 2005], ou encore
la friction avec [ABDO 2006] et [MYSHKIN 2009].
Figure II-29 (a) Contact entre une sphère lisse élastique avec une surface rugueuse (répartition
statistique) (b) et (c) Evolution de la pression à la surface du contact pour différentes valeurs de
α [JOHNSON 1987].
Une autre approche analytique très utilisée consiste à décrire la rugosité des surfaces de
manière fractale (autosimilaire) ou autoaffine [KOGUT 2006]. En d’autres termes, la surface rugueuse
est supposée être constituée d’aspérités, elles-mêmes surmontées d’aspérités plus petites, et ainsi
de suite. Cependant, toutes les surfaces ne vérifient pas ce caractère et de fait, ce type de
modélisation n’est pas toujours applicable.
La meilleure méthode pour caractériser la rugosité de surface est encore la mesure par
microscopie à force atomique (AFM). Nous pouvons citer, à titre d’exemple, les travaux de thèse de
Duvivier, qui ont conduit au développement d’un algorithme permettant de décrire à partir de
mesures AFM, la répartition des rugosités de surface en termes de hauteur et rayons d’aspérités
[DUVIVIER 2011]. En outre, il est possible d’importer directement la topographie réelle de surface
dans des simulations en éléments finis [PENNEC 2009] et [ARRAZAT 2012]. Ainsi, les approches
numériques deviennent de plus en plus employées pour étudier le contact rugueux en trois
dimensions avec la rugosité réelle des surfaces [BUCZKOWSKI 2009].
Un contact électrique est caractérisé par la résistance qu’il introduit dans le circuit. En
général, on souhaite cette résistance plus faible possible. L’évolution de cette résistance électrique
de contact lors de l’étape de microinsertion est directement pilotée par la morphologie du contact
(géométrie macroscopique du microinsert, rugosité de surface, présence d’un oxyde à l’interface,
film mince…), la force appliquée et les propriétés mécaniques des matériaux. Ce chapitre a pour
objet de présenter la physique du contact électrique, en fonction de ces différents paramètres. La
résistance électrique de contact est notée R EC dans la suite du manuscrit.
61
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Le contact électrique entre deux matériaux apparaît au niveau de spots discrets, se formant
au niveau du contact mécanique entre les aspérités présentes à la surface des matériaux (cf. Figure
II-30). L’aire réelle de contact mécanique ne représente alors qu’une faible fraction de l’aire de
contact apparent et dépend directement de la répartition des rugosités et de leurs modes de
déformation (cf. § II.1).
Dans le cas d’une jonction entre matériaux massifs, les lignes de courants électriques se
distordent au niveau des spots de contact (cf. Figure II-30). Ce phénomène de constriction des lignes
de courant tend à augmenter la résistance électrique totale. De plus, la taille, la densité et la
répartition de ces spots de contact, gouvernent le mode de transport électronique et la valeur totale
de cette résistance de constriction notée RC .
Figure II-30 – Représentation schématique d’une interface électrique entre matériaux massifs
[SLADE 1999].
Par ailleurs, les surfaces des matériaux sont très souvent recouvertes d’un film isolant
(oxyde, pollution organique, etc.). C’est pourquoi, l’interface de contact ne devient conductrice
qu’avec la formation de jonctions métalliques, localisées aux endroits où le film isolant s’est rompu.
Ainsi, l’aire de contact électrique est nettement plus petite que l’aire réelle de contact mécanique.
Par conséquent, la présence de ce film isolant induit une résistance électrique supplémentaire,
notée R film , laquelle tend aussi à augmenter la résistance électrique totale.
62
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
sortie de courant se font par deux extrémités de surfaces S 0 et S 0' , sur lesquelles le potentiel
électrique est déterminé [FECHANT 2003] (cf. Figure II-31). La résistance apparente est alors définie
par :
R0 =
V (S 0 ) − V S 0'( )
=ρ
l
II-65
I S0
I 2R I 2R
rc
2ac
S0 S 0' S0 S 0'
a) b)
Figure II-31 – Schématisation de la distribution des lignes de courant dans : a) un « tube de
courant » et b) dans une striction circulaire de rayon ac .
La résistance de constriction a été définit par Holm, par analogie avec un problème
d’électrostatique (équation de Laplace) résolu par Maxwell [MAXWELL 1873] et en supposant la
striction comme une ellipsoïde circulaire de rayon ac . La relation alors obtenue pour un matériau
homogène de résistivité électrique uniformément constante ρ s’exprime selon l’équation suivante :
ρ
RC (M ) = II-66
2ac
Dans le cas d’un contact entre matériaux de résistivités différentes, la relation suivante sera
utilisée :
RC (M ) =
ρ
=
(ρ1 + ρ 2 )
II-67
2 ac 4 ac
Par ailleurs, la densité de courant le long du rayon de contact dans ce cas est donnée par :
I
J (r ) =
1
2πac II-68
ac2 − r 2
63
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Elle révèle que la densité de courant est plus importante sur les bords du contact. Son
intégration démontre que seulement la moitié du courant s’écoule à travers un disque de diamètre
0,866 ac .
Quand la constriction ne peut plus être considérée comme « longue », par exemple si le
rayon du tube de courant est inférieur à vingt fois celui de la striction ( R < 20ac ), le modèle de la tige
cylindrique [COOPER 1969] peut s’appliquer :
32
ρ a
RC (C ) = 1 − c II-69
2ac R
Il est intéressant de remarquer que les modèles présentés jusqu’ici supposent la striction
bidimensionnelle (i.e. épaisseur nulle). Or, dans le cas d’un contact métallique au travers d’une
fissure dans un film isolant, la longueur de la striction n’est plus négligeable (cf. Figure II-32). Au
premier ordre, elle est équivalente à l’épaisseur cumulée des films isolants. Dans le cas de
l’Aluminium par exemple, l’oxyde natif a une épaisseur de 3 à 4nm à température ambiante, ce qui
fait pour un contact Al-Al des longueurs de striction de l’ordre de 6 à 8nm. L’influence de cette
longueur notée ls , ainsi que celle du rayon ac de la striction sont étudiées dans la section suivante.
Enfin, il ne faut pas oublier d’ajouter à la résistance de constriction, la résistance du « tube de
courant », de longueur l sans striction (cf. Equation II-65).
Lignes de
r
courant Striction z
2 ac
I 2R
ls
a) b)
Figure II-32 – a) Illustration schématique d’un spot de contact électrique obtenue dans le cas de
surfaces recouvertes de films isolants [SLADE 1999] et b) schématisation de la distribution des
lignes de courant dans dans une striction circulaire de rayon ac et de longueur ls .
lpm = ν f .τ II-70
avec υ f la vitesse de Fermi, prise comme une mesure typique de la vitesse électronique, et τ le
temps de relaxation des électrons (ou temps de relaxation de Drude). On obtient à l’aide de la
relation II-70 pour l’Aluminium une valeur de lpm , à température ambiante, d’environ 16nm et pour
64
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
le Nickel de 6nm. Ainsi, si le lpm des électrons est bien inférieur au rayon du contact réel ou à la
longueur de la striction, le transport est diffusif et il y a constriction des lignes de courant. Le
transport devient balistique lorsque le lpm des électrons est très supérieur au rayon et à la longueur
de la striction et quasi-balistique (intermédiaire) lorsque les dimensions sont comparables. Notons
que lorsque le type de transport n’est pas précisé, le régime diffusif est implicitement considéré (cf.
II.3.2).
lpm
K= II-72
ac
a) b)
ac ac
ls ls
Dans le cas du transport quasi-balistique, le libre parcours moyen des électrons est de l’ordre
de grandeur du rayon ac et de la longueur ls de la striction. Wexler a développé un modèle
permettant de faire le lien entre la solution de Maxwell en régime diffusif et celle de Sharvin en
régime balistique [WEXLER 1966]. La résistance électrique de contact correspondante s’exprime en
fonction des solutions de Maxwell (cf. Equation II-34) et de Sharvin (cf. Equation II-71) et à l’aide de
la fonction γ , donnée par [MIKRAJUDDIN 1999], Figure II-34 :
RW = RS + γ (K )RC (M ) II-73
∫
γ (K ) ≈ 2π e − Kx sin c(x )dx II-74
65
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
0.8
Régime électronique
Régime électronique
0.6 purement diffusif quasi-balistique
γ
0.4
Régime électronique
purement balistique
0.2
0 -2 -1 0 1 2
10 10 10 10 10
Nombre de Knudsen
La relation II-73 est approchée par Nikolić [NIKOLIC 1999] au moyen d’un développement
limité, avec une précision de l’ordre de 1%. La formule II-75 obtenue est relativement simple et
gagne à être utilisée à la place de la relation II-73 :
4 ρK 1 + 0,83K ρ
RN = RS + γ (K )RC ( M ) ≅ + II-75
3πac 1 + 1,33K 2ac
Il est désormais acquis, que les surfaces de contact réelles à l’échelle microscopique ne sont
pas lisses, ce qui a donné naissance depuis longtemps déjà, à des modèles essayant de tenir compte
de la présence d’aspérités. Dans la réalité, la conduction du courant électrique à l’interface de
contact s'effectue à travers plusieurs spots de contact ou strictions. La démarche la plus simple
consiste à additionner les résistances de constrictions (cf. Equation II-76) des différents spots de
contact, pour donner la résistance électrique totale de contact de l’ensemble R EC [HOLM 1999] :
−1
∑
ρ
REC =
1
=
RC (M )
4
∑ i
ac i
II-76
Dans le cas du régime ohmique, l'expression II-76 n’est valable que si les différentes strictions
sont suffisamment petites et éloignées les unes des autres pour ne pas interagir. Lorsque cette
condition n'est pas respectée, des solutions plus complexes demeurent nécessaires pour calculer la
résistance électrique du contact. Les modèles multi-strictions présentés dans la suite, prennent en
compte l’influence de la répartition et de la taille des spots de contact sur la valeur de résistance
électrique de contact.
Holm définit une configuration simple du contact électrique par multi-strictions [HOLM
1999]. Il définit n spots circulaires identiques de rayons ac , régulièrement répartis sur la surface
66
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
apparente de rayon R , avec une distance de 2d entre les centres voisins (cf. Figure II-35). La couche
perturbée est constituée de plusieurs demi-ellipsoïdes circulaires de rayons ac , recouvrant chaque
spot de contact. Les lignes de constriction du flux des différents spots se dévient mutuellement, du
fait de la proximité des strictions. L’équation suivante a été développée par Holm pour évaluer la
résistance de constriction dans un seul membre du contact :
ρ d 2 − ac2 d 2 − ac2 ρ
Rn, ac ,l = arctan − 0,6 + II-77
2πnac ac πR 2 4R
La résistance R0 correspondant au contact sans striction est ici négligeable. Enfin, si les
microstrictions sont suffisamment éloignées les unes des autres ( ac << d ), la résistance de
constriction pour les deux membres du contact, peut être approchée par la formule suivante :
1 1
Rc, H = ρ + II-78
na R
2 c 2
Le premier terme correspond à la résistance due aux n microstrictions en parallèle et le
second à la résistance électrique due à la macrostriction de rayon R , en milieu semi-infini.
Membre du
contact
l 2 + ac2
2ac 2d
Macrostriction de diamètre 2R
Figure II-35 – Contacts multi-strictions circulaires régulièrement réparties entre les deux milieux
semi-infinis [FECHANT 2003].
Holm réalise une étude plus poussée du phénomène en fonction du rapport d ac , avec en
particulier la manière dont la résistance de constriction reliée à une aire apparente fixée est
augmentée par la rugosité [HOLM 1999]. On retiendra que la surface conductrice peut être
notablement réduite par rapport à la surface mécanique de contact, sans pour autant que la
résistance électrique de contact en soit beaucoup augmentée. Le problème inverse (spots isolants et
aire de contact conductrice) est aussi considéré. Il correspond par exemple à la présence de
particules de contamination isolantes sur la surface de contact. Si d ac > 4 , elles auront une
influence négligeable sur la résistance de constriction.
67
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
ρ ρ ac , i ac , j
(∑ a ) ∑∑
1
Rc ,G1 = +
2 ∑a c ,i π
c ,i
2
i≠ j
d ij II-79
avec ai le rayon d’une striction et d ij la distance entre des spots de contact i et j . En supposant
qu'il n'y pas de corrélation entre le rayon d’une striction et sa position, les ai peuvent être
remplacés, en première approximation, par leur moyenne a :
ρ ρ ai a j
Rc, G 2 =
2a
+
πn 2
∑∑
i≠ j
d ij
II-80
Apparaît une nouvelle fois dans la relation II-80 la mise en série des résistances élémentaires
avec une résistance d'interaction.
2R
a) b) 2ac, j
dij
2ac 2ac,i
Figure II-36 – Vue de dessus d’un contact à plusieurs passages : avec une répartition des passages
a) uniforme (Modèle de Holm) et b) non uniforme (Modèle de Greenwood).
Il est possible de définir dans le cas d’un film mince conducteur, une résistance de couche,
encore appelée résistance carrée, notée Rcarrée . Cette grandeur correspond à la résistance électrique
dans le plan d’un élément carré de film mince, dont la valeur est indépendante de la longueur du
côté. Il s’agit donc d’une caractéristique intrinsèque du film mince.
ρ
Rcarré = II-81
t
Cette résistance électrique peut être reliée à la propagation des lignes de courant dans le
plan du film mince, si l’épaisseur du film est négligeable par rapport aux autres dimensions. Par
exemple, dans le cas de mesure de résistance électrique de film en configuration quatre points, il est
possible de construire un modèle bidimensionnel de la conduction qui donne ([SMITS 1958] et
[TOPSOE 1968]) :
Rspreading = Rcarré / K II-82
68
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
avec Rspreading , la résistance due à l’étalement des lignes de courant dans le film mince (phénomène
de « spreading ») et K un coefficient sans dimension caractéristique de la géométrie
bidimensionnelle (forme des contours et position relative des points de contact lors de la mesure).
Dans le cas, de contacts réalisés entre films minces conducteurs, il est fréquent d’avoir des
rayons de spots de contact a c du même ordre de grandeur que l’épaisseur de la couche mince t (cf.
Annexe - C). Ainsi, les hypothèses pour le calcul de la résistance de constriction, formulées en II.3.2 à
partir de deux demi-espaces infinis en contact, ne sont plus vérifiées.
a) b) c)
Figure II-37 –a) et b) Exemples de contacts simulés par MEF entre un film mince et une striction et
c) résultats de simulation avec localisation des différentes contributions des résistances de
constriction [NORBERG 2006].
RC =
( )
Rspreading ,1 + Rspreading , 2 I 0 a L
2a ( )
I 0' a
L
II-83
avec R spreading la résistance de couche d’un film mince définie précédemment (cf. Equation II-82), I 0
la fonction de Bessel modifiée du premier ordre et L le paramètre défini à l’aide des résistances
d’interfaces Pc 01 et Pc 02 , des résistances de films R film 0 et R film 2 et de la résistances du cylindre ρ1
d’épaisseur par t1 :
69
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Pc 01 + Pc12 + ρ1t1
L= II-84
R film 0 + R film 2
Enfin, notons que dans le cas de contacts réalisés entre différents matériaux, aussi bien pour
des matériaux massifs, que pour des films minces, des modèles ont récemment été développés afin
de prendre en compte cette dissymétrie du contact [ZHANG_1 2011] et [ZHANG_2 2011].
Cette expression sert aussi parfois à calculer la résistance électrique d’un contact dont les
membres présentent un empilement de matériaux différents où le matériau de contact est le plus
résistif, endossant alors le rôle du film isolant [SLADE 1999].
70
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
a) b)
Par ailleurs, dans le cas d’un oxyde natif stable en surface d’un métal (e.g. Aluminium, Cuivre,
Nickel…), la résistance de contact évolue en fonction de la force et de l’état de surface (rugosité). De
nombreuses études ont été réalisées en particulier dans le cas de contacts Al-Al [BOND 1977],
[TIMSIT 1980], [CRINON 1998], [ARONSTEIN 2004] et [MERCIER 2012_1]. Nous pouvons également
citer les travaux de [LE 2004] et [LE 2005], avec la mesure de la résistance électrique de contact, lors
de la compression d’un rouleau en acier sur des plaques d’Aluminium AA1200, avec la mise en
évidence du phénomène d’extrusion de l’Aluminium au travers de fissures dans l’oxyde de surface.
On distingue le contact à faible force, où le contact est du type capacitif (métal-isolant-métal) et le
contact à forte force, avec un contact métallique obtenu par fissuration de l’oxyde, du fait de sa
fragilité mécanique [SLADE 1999]. La fracture du film isolant est souvent liée à la rugosité des
surfaces, plus que la force appliquée sur le contact.
71
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Dans le cas d’un contact Al-Al, Timsit a mesuré une force critique minimale de 1N pour créer
des fissures dans l’oxyde natif et permettre au métal de s’extruder au travers (cf. Figure II-39) [SLADE
1999]. Cependant cette force peut dépendre de plusieurs paramètres, tels que la géométrie du
contact (forme du contact, rugosité de surface…), l’épaisseur du film isolant, les propriétés
mécaniques des matériaux, la température, etc. … Ces mécanismes de fissuration et d’extrusion ont
été étudiés dans les travaux de [TRIPP 1967] et [MOHAMED 1975]. Selon Mohamed, il est primordial
pour créer un contact métallique au travers d’un film fragile, d’avoir dans un premier temps, rupture
de ce film, puis que deux fissures se retrouvent l’une en face de l’autre et enfin que le métal
s’extrude des deux côtés du contact au travers des fissures créées (cf. Figure II-40).
Figure II-40 – Scénario de formation d’un contact métallique au travers d’un oxyde, avec les étapes
de : a) mise en contact, b) de fissuration de l’oxyde, c) de fissuration en vis-à-vis et d) d’extrusion
du métal au travers de fissures en vis-à-vis [MOHAMED 1975].
Si tous ces critères sont remplis, un contact métallique se forme, et l’on retrouve le cas d’un
contact avec striction du § II.3.2 (cf. Figure II-41). Les équations obtenues pour la résistance
électrique de constriction sont donc applicables dans ce type de contact, en fonction évidement des
dimensions de la fissure, lesquelles imposent le mode de conduction. Enfin, la géométrie du contact
joue un rôle important sur la fracture d’un film fragile dans ce type de contact. Il a été vu que des
singularités géométriques imposent des contraintes très élevées (théoriquement infinies) dans les
matériaux de contact (cf. § II.2.1.2), ce qui tend à favoriser la création des fissures. A une échelle
locale, plus les surfaces de contact sont rugueuses, plus le contact métallique se forme facilement
par rupture du film d’oxyde par les aspérités [SLADE 1999]. Dans notre cas, les influences respectives
de la géométrie macroscopique et de la rugosité de surface d’un microinsert ou d’un indenteur,
seront étudiées dans les chapitre IV et V.
Enfin, il peut se produire un claquage électrique du film isolant avant les mécanismes de
fissuration, si une tension électrique trop élevée est appliquée aux bornes du contact. Le principe du
claquage électrique est expliqué dans le paragraphe suivant.
72
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
Figure II-41 – Schématisation de la formation d’un spot de contact métallique au travers d’une
fissure dans un oxyde isolant [SLADE 1999].
1,6
Ec = II-87
t2
Un contact électrique s'échauffe par effet Joule lorsqu'il est parcouru par un courant. Or, le
rayon d’un spot de contact réel est de l’ordre de quelques nanomètres à quelques micromètres. Par
conséquent, même un courant de faible intensité (par exemple 1µA) au travers d’une striction d’une
surface de 1µm², équivaut à une densité de courant de 1000 A/mm². Une telle densité de courant
73
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
peut éventuellement conduire à un échauffement, voire une fusion du contact par effet Joule. Un
échauffement du contact peut provoquer par exemple l'effondrement local des aspérités
(mécanismes de fluage, accroissement de l’aire de contact…), une accélération des phénomènes
d'oxydation et de diffusion (formation de composés intermétalliques), ou encore une variation
rapide de la conductivité des matériaux… La température au niveau de la striction joue donc un rôle
majeur sur la valeur de la résistance électrique de contact. Il est donc primordial de la déterminer et
une manière simple d’y accéder est de faire appel à l’équation de Kohlrausch qui la relie à la tension
de contact.
Dans un premier temps, il faut considérer le « tube de courant » vu au § II.3.2, comme étant
un tube de flux thermique. Dans les hypothèses du calcul de Kohlrausch, l’énergie thermique est
supposée s’écouler entièrement dans le métal, sans perte latérale, depuis la striction à température
maximale, jusqu’aux surfaces d’extrémité S 0 et S 0' que l’on suppose maintenues aux températures
constantes T0 et T0' . Cette hypothèse se justifie du fait que les surfaces de contact en regard sont
très rapprochées et à des températures locales très voisines, au point que les pertes thermiques
aussi bien d’un contact à l’autre que vers l’environnement sont négligeables. Dans ces conditions,
une hypothèse importante a été faite par Kohlrausch [KOHLRAUSCH 1900] et Diesselhorst
[DIESSELHORST 1900], puis reprise plus récemment par Greenwood et Williamson [GREENWOOD
1958]. Elle suppose que « les conducteurs ont en tout point des conductivités qui ne dépendent que
de la température locale et que les surfaces d’extrémité sont équipotentielles et isothermes ». En
d’autres termes, la résistivité électrique ρ comme la conductivité thermique λ restent constantes sur
toutes les surfaces équipotentielles, lesquelles sont également des surfaces isothermes. Il existe alors
pour chaque équipotentielle-isotherme, une relation simple entre le potentiel V et la
température T , qui s’applique quelle que soit la géométrie des conducteurs traversés par un courant
I [FECHANT 2003]. Il s’agit de l’équation de Kohlrausch sous sa forme élémentaire :
L’énergie thermique générée dans deux conducteurs en contact ne peut s’évacuer que par
les surfaces S 0 et S 0' , d’où l’existence d’une équipotentielle – isotherme, qui est à une température
maximale Tm et à travers laquelle aucun flux thermique ne circule. Conventionnellement, le
potentiel nul ( Vm = 0 ) lui est affecté. Dans ces conditions l’intégration de l’équation II-88 entre TM et
T0 , et TM et T0' donne la relation de Kohlrausch [SLADE 1999] :
12 12
TM TM
V = 2 ρ 0 (T )λ0 (T )dT
∫ + 2 ρ 0' (T )λ'0 (T )dT
∫ II-89
T T'
0 0
De plus, si les deux matériaux en contact sont identiques (même résistivité et conductivité) et
que la température T0 est égale à T0' , on obtient d’après la relation II-89 :
12
TM
V = 2 2 ρ (T )λ (T )dT
∫ II-90
T
0
74
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
La loi de Wiedemann-Franz, à laquelle obéissent la plupart des métaux, stipule que le rapport
des conductivités thermique λ et électrique σ est indépendant de la nature du métal et évolue
proportionnellement à la température :
λ (T )
ρ (T )λ (T ) = = LT II-91
σ (T )
avec L , le « nombre ou constante de Lorenz », qui vaut 2,45.10-8V2.K-2. En réalité, L varie avec la
température, mais les métaux bons conducteurs suivent la loi d’assez près. La relation II-90 devient
alors :
12
TM
T ∫
V = 2 2 LTdT
II-92
0
On obtient alors en intégrant la relation II-92, la tension aux bornes d’un contact complet
dont les extrémités sont à T0 :
(
V = 2 L Tm2 − T02 ) II-93
Cette formule peut être utilisée en pratique pour calculer la « tension de fusion » ( V f ) ou la
« tension de vaporisation » ( Vv ) du métal considéré, en remplaçant Tm respectivement par la
température de fusion T f et par la température d‘évaporation Tv . Des valeurs expérimentales et
calculées de tensions de contact en fonction de la température de striction sont données pour de
nombreux métaux Figure II-42 [FECHANT 2003]. Les valeurs de la « tension de fusion » pour
75
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
La relation de Kohlrausch n’est plus valable lorsque le rayon des spots de contact est de
l’ordre du libre parcours moyen des électrons [TIMSIT 1983]. Timsit a en effet montré une déviation
entre la caractéristique tension-courant mesurée et celle calculée à partir de la relation de
Kohlrausch (cf. Figure II-43-c), dans le cas d’un contact Aluminium-Aluminium, connaissant les
relations ρ (T ) et λ (T ) . Selon lui, les valeurs de température ou de tension calculées sont
surestimées, étant donné que l’on ne prend pas en compte la contribution de la résistance de
Sharvin, dans la théorie de Kohlrausch. En effet, dans le cas d’un régime quasi-balistique, la
résistance de Sharvin contribue à la résistance électrique totale (cf. § II.3.3.2). Elle trouve son origine
dans de la diffusion aux frontières, et non plus dans une interaction des électrons de conduction avec
le réseau. Ainsi, la résistance de Sharvin ne conduit pas à la génération de chaleur dans le milieu
conducteur (i.e. à l’intérieur de la striction). C’est pourquoi, moins de chaleur est générée dans le cas
de striction de diamètres de l’ordre du libre parcours moyen des électrons.
a) b) c)
Figure II-43 – Validité de la relation de Kohlrausch en fonction du mode de conduction, dans le cas
d’un contact Al-Al [TIMSIT 1983]: a) Température à l’état d’équilibre, b) Rayon électrique moyen
calculé à partir de la relation II-66, c) Déviation entre les caractéristiques V (I ) mesurée et calculée
à partir de la relation de Kohlrausch.
Suite à ces travaux, un modèle plus récent a été développé par Jensen, à partir de l’équation
de Nikolic (cf. Equation II-75), dans le cas de contacts électriques dans les microsystèmes [JENSEN
2005].
Dans le cas de contact entre métaux de différentes natures, des composés intermétalliques
apparaissent à l’interface de contact. La formation de ces composés est liée directement aux
mécanismes de diffusion entre les deux métaux. Or, les coefficients de diffusion dépendent de la
température et obéissent à une loi d’Arrhenius. Ainsi, une augmentation de température au niveau
du contact liée au passage du courant peut accélérer les phénomènes de diffusion et donc la
formation de ces composés intermétalliques.
Dans les travaux de Liu, par exemple, l’influence du passage de courant électrique au travers
d’interfaces Al/Ni a été mise en évidence, avec l’observation d’un accroissement de l’épaisseur des
couches intermétalliques (cf. Figure II-44) [LIU 1998]. La formation de ces composés intermétalliques
a été accélérée en réalisant les essais à 400°C et durant 336h. Ces composés peuvent rendre le
contact plus résistif étant donné leurs résistivités électriques plus importantes, en comparaison avec
les métaux purs (Tableau II-1).
76
Chapitre II – Etat de l’art des propriétés mécaniques des matériaux et du contact
a) b)
Figure II-44 – Observations MEB d’interfaces Al/Ni recuites à 400°C durant 336h : a) avec passage
d'un courant électrique (1kA/cm²) et b) sans passage de courant électrique [LIU 1998].
Résistivité électrique
Métal ou Composé intermétallique Source bibliographique
(µΩ.cm)
Ni 5,84 (à 25°C) [FECHANT 2003]
2,65 (à 25°C) [FECHANT 2003]
Al
7,00 (à 400°C) [LIU 1998]
Al/Ni interface 700 (à 400°C) [LIU 1998]
AlNi 8-10 (à 25°C) [DEY 2003]
AlNi3 33 (à 25°C) [DEY 2003]
Tableau II-1 – Résistivités électriques de l’Aluminium et du Nickel et de leurs composés
intermétalliques.
Conclusion
77
78
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
79
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Introduction
Ce chapitre est dédié à la présentation des outils de caractérisation utilisés durant ce travail de
thèse. Dans un premier temps, la technique de nanoindentation a été retenue afin de caractériser
finement les différents matériaux d’un point de vue mécanique. Ainsi, le principe de l’indentation
instrumentée et les modèles utilisés pour l’analyse des résultats sont détaillés dans une première
partie. Dans un second temps, un nanoindenteur modifié à l’aide d’un montage développé durant les
travaux de thèse M. Diop [DIOP 2009], a été utilisé afin d’établir les mécanismes de formation du
contact (mécanique et électrique). Ce montage permet de remplacer un indenteur traditionnel par
une puce avec un microinsert, afin de réaliser des essais de compressions unitaires couplés à des
mesures électriques, dans un échantillon d’Aluminium en vis-à-vis. Le principe du dispositif, ainsi que
le protocole de mesure sont présentés avec les principaux résultats déjà obtenus par [DIOP 2009].
Enfin, un montage de compression de barreaux croisés couplé avec une mesure électrique, a été
développé dans le cadre de cette recherche. L’objectif est de comprendre la formation du contact
électrique en s’affranchissant de l’influence des singularités géométriques présentes dans le cas de la
compression du microinsert. Le dispositif et le principe de mesure sont donc présentés dans une
troisième et dernière partie.
Les essais de nanoindentation sont ici réalisés avec un nanoindenteur, de la marque « Nano
Indenter® », développé par MTS Systems Corporation. Une photographie avec les différents modules
et le schéma de principe sont donnés respectivement Figure III-1 et Figure III-2. Ce nanoindenteur
possède deux têtes d’indentation : la tête XP et la tête DCM pour « Dynamic Contact Module ». Ces
deux têtes fonctionnent de la même manière, mais la tête DCM offre une sensibilité au bruit moins
élevée et donc une meilleure résolution en déplacement et en force, que la tête XP [FISCHER-
80
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
CRIPPS_2 2004]. Les résolutions théoriques fournies par le fabricant pour les deux têtes
d’indentation sont données Tableau III-1 :
L'application de la force Fc est réalisée à l’aide d'une bobine (1) insérée dans un aimant (2). Le
passage d'un courant à l'intérieur de celle-ci induit une force électromagnétique, qui est transmise à
l'axe de la colonne (3), générant son déplacement vertical h . La mesure de celui-ci est réalisée à
l'aide d'un capteur capacitif (4) composé de trois plaques parallèles soumises à un champ électrique.
Il est important de noter que la colonne est directement contrôlée en force et le contrôle en
déplacement se fait indirectement à l'aide d'une boucle d'asservissement. Par ailleurs, la mesure de
la force et du déplacement vertical à la décharge, permet de calculer la raideur du contact S ,
caractéristique des propriétés élastiques des matériaux mis en jeu dans le contact.
S = dFc dh III-1
L’indenteur (5) est placé à l'extrémité inférieure de la colonne. Des lames ressorts (6) de faible
raideur selon la direction verticale (~ 100N/m), sont disposées autour de la colonne, afin d’assurer
son maintien et un déplacement parfaitement vertical. Notons que la raideur de ces lames est
calibrée systématiquement avant chaque campagne de mesures et dès que l’on change d’indenteur
(masse différente).
Colonne optique
Tête DCM
Porte-échantillon
Table micrométrique
(positionnement en X et Y)
Table anti-vibration
L'échantillon à caractériser est disposé sur une platine motorisée (7), qui peut se déplacer
entre un point B, où sont choisis les sites d'essais sous un microscope (8) et un point A, où sont
réalisés les essais de nanoindentation sous la colonne. La précision de positionnement des sites
d'essai est de l'ordre de 1,5μm. L'ensemble est monté sur un bâti (8) ayant une rigidité très élevée (~
107N/m). Le bâti est placé sur une table anti-vibration (9), elle-même mise à l'intérieur d'un caisson
81
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
permettant une isolation phonique et thermique (10). Enfin, le nanoindenteur se pilote via un
ordinateur, à l'aide de protocoles de mesure contenus dans un logiciel.
2 1
8 10
4 6
7 9
A B
Par ailleurs, cet équipement dispose d’une option de mesure en continu de la raideur de
contact (Continuous Stiffness Measurement en anglais ou CSM). Ainsi, lors de la phase de charge,
une charge harmonique est ajoutée à la charge nominale initiale (cf. Figure III-3). L’amplitude de la
réponse et l’angle de déphasage, entre la force d’excitation et le déplacement, sont alors mesurés en
continu, le but étant d’obtenir l’évolution de la raideur de contact entre la pointe d’indentation et
l’échantillon au cours de l’essai. Cependant, l’utilisation d’oscillations dans cette méthode CSM
présente l’inconvénient d’influencer les mesures élastiques et plastiques. Ainsi, des corrections sur la
force et sur le déplacement vertical mesurés, ainsi que sur la raideur de contact, sont nécessaires,
afin d’exploiter correctement les résultats obtenus avec un indenteur Berkovich [PHARR 2009].
∆F
Fact = Fc + c
2
hact = h + 2 ∆hrms
III-2
1/ m 1/ m m
F
S act =
1 1
1 − 1 − 2 2 ∆hrms S c,max avec K = 2
∆hrms
2π K Fc,max m π
où K = 0,757 et m = 1,358 sont des constantes données par [PHARR 2009], Fc,max est la force
maximale appliquée sur le matériau et ∆Fc et ∆hrms sont respectivement l’écart-type de la force
appliquée durant une oscillation et l’amplitude moyenne d’une oscillation. Ainsi, les valeurs corrigées
de la force, du déplacement et de la raideur, respectivement Fact , hact et S act , sont calculées
systématiquement à l’aide des relations précédentes, lors de l’exploitation des mesures
expérimentales de nanoindentation avec le mode CSM obtenues avec un indenteur Berkovich, pour
chaque matériau. Notons que [VACHHANI 2013] a étendu ces résultats à l'indentation sphérique.
82
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
D’autre part, la géométrie du contact conditionne la mécanique de l’essai (cf. chapitre II), et
par conséquent les grandeurs exploitables, ainsi que les diverses méthodes et modèles pour les
déterminer. Le type de caractérisation mécanique que l’on désire effectuer sur un matériau
déterminera alors l’indenteur à utiliser. On distingue deux grandes familles d’indenteurs: les
indenteurs autosimilaires dont la forme est un cône (au sens large) et tous les autres indenteurs dont
la forme ne peut être assimilée à un cône (par exemple l’indenteur sphérique). Dans cette étude, 3
indenteurs différents sont utilisés : la sphère, le poinçon plat et l’indenteur de type Berkovich. Les
géométries de ces indenteurs sont détaillées sur la Figure III-4. Ici, seul l’indenteur Berkovich est du
type auto-similaire, avec un cône équivalent de demi-angle 70,32°. Des observations MEB ont été
réalisées sur chaque indenteur afin de vérifier leur état de surface (cf. Figure III-5).
Chaque indenteur, supposé idéal (sans imperfection géométrique), est caractérisé par une
fonction d’aire dite géométrique, notée A(h ) (Tableau II-1). Notons que dans le cas du poinçon plat,
la fonction d’aire est une constante, proportionnelle au rayon du poinçon. Remarquons également,
que l’indenteur sphérique est en réalité cono-sphérique, et que la transition entre les deux parties
opèrent avec l'hypothèse que le cône et la sphère soient tangents, à une profondeur définie par :
m
Echelle qualitative proposée par Friedrich Mohs en 1822.
83
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
ψ R
α
Vue de côté
R
Projection sur un R
plan
a b c
Figure III-4 – Géométrie des indenteurs utilisés : a) indenteur sphérique de rayon R , b) indenteur
de type Berkovich d’angle apical Ψ = 65,3° et c) poinçon plat de rayon R .
4µm
4µm 100µm 100µ
100
100µm
µm
a b c
Figure III-5 – Observations MEB des indenteurs utilisés : a) indenteur sphérique de rayon 450nm, b)
indenteur de type Berkovich et c) poinçon plat de rayon équivalent 20µm.
n
Relation valable uniquement pour des enfoncements inférieurs à la profondeur de transition.
84
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Fc
Fc,max
hr ht h
Figure III-6 – Représentation schématique d’une courbe force-déplacement obtenue en
nanoindentation instrumentée dans le cas d’un matériau élastoplastique.
Notons que dans le cas d’un matériau purement élastique, les courbes de charge et de
décharge se superposent. Par ailleurs, lors d’essais de nanoindentation en force imposée, certains
matériaux montrent des « sauts de déplacements » (« pop-in » en anglais) durant la charge [GOKEN
2001]. Ce phénomène correspond à un enfoncement brutal de l’indenteur dans le matériau sans
augmentation de la charge. Il se traduit sur la courbe force-déplacement, par un plateau horizontal
(cf. Figure III-7). A contrario, si l’essai d’indentation instrumentée est contrôlé en déplacement, le
« pop-in » correspond à une chute brutale de la force, pour un déplacement donné.
Fc
Fc,max
S
Fcrit
hcrit hr ht h
Figure III-7 – Représentation schématique d’une courbe force-déplacement avec un phénomène
de « pop-in » obtenue en indentation instrumentée.
Parmi les premiers essais d’indentation instrumentée à très faibles charges sur des métaux
oxydés, Pethica et Tabor [PETHICA 1979] ont observé le « pop-in » de façon originale. Ils ont suivi
l’évolution de la résistance électrique d’un circuit indenteur-échantillon, en fonction de la charge
appliquée sur l’indenteur (cf. Figure III-8). L’indenteur est ici en Tungstène et les échantillons sont en
Nickel, avec ou sans oxyde en surface. Plusieurs conclusions importantes ressortent de leur étude.
Premièrement, dans le cas de l’échantillon de Nickel sans oxyde, la charge et la décharge ne sont pas
85
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
réversibles, ce qui laisse supposer une plastification du matériau (cf. Figure III-8-a). Dans le cas du
Nickel recouvert d’un oxyde en surface, un comportement quasi-réversible est d’abord observé à
faibles charges (cf. Figure III-8.b, région a), suggérant un contact élastique, avant qu’une chute
brutale de la résistance électrique ne soit enregistrée, liée au phénomène de « pop-in », selon
Pethica et Tabor. Deuxièmement, toujours dans le cas avec oxyde, la dureté mesurée est dix fois
supérieure à celle obtenue macroscopiquement. L’auteur suppose donc, en se basant sur les travaux
d’indentation de Gane et Bowden [GANE 1968], que l’observation du « pop-in » et la grande valeur
de dureté mesurée proviennent du fait que la pression appliquée doit être du même ordre de
grandeur que la contrainte limite théorique de cisaillement du matériau. Cependant, les mécanismes
mis en jeu lors du phénomène de « pop-in », ne sont pas décrits par l’auteur. Selon Barnoush et al.,
l’apparition d’un « pop-in » est directement liée à la densité de dislocation [BARNOUSH 2010]. Des
paliers sur les courbes force-déplacement sont observés pour de l’Aluminium polycristallin (avec une
taille de grain de 1mm), ayant un très faible taux de dislocation. Cet échantillon d’Aluminium
polycristallin a été traité thermiquement à 600°C et à une pression de 10-6mbar. A contrario, aucun
« pop-in » n’est observé pour de l’Aluminium polycristallin pré-écroui, autrement dit présentant une
grande densité de dislocations. De plus, la formation de bourrelets autour de l’indent résiduel est
mise en évidence au travers de mesures AFM pour l’échantillon pré-écroui. Ce résultat de formation
de bourrelets pour des matériaux est en accord avec l’analyse par simulation par éléments-finis faite
par [BOLSHAKOV 1998].
D’autres travaux plus récents ont confirmé la corrélation entre le « pop-in » et une chute de la
résistance électrique, suggérant la fracture de l’oxyde natif [STAUFFER 2012]. Dans cette étude, des
mesures de conductance entre un indenteur conducteur et des échantillons d’Aluminium et de
Chrome recouverts de leurs oxydes natifs sont réalisées au sein d’un nanoindenteur. Pour
l’échantillon d’Al/Al2O3, un « pop-in » de faible amplitude est alors directement relié à
l’augmentation brutale de la conductance (cf. Figure III-9).
a b
Figure III-8 – Evolution de la résistance électrique en fonction de la charge appliquée : a) sur une
surface de Nickel désoxydée et b) sur une surface oxydée de Nickel [PETHICA 1979].
86
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Pop-in
Enfin, les essais d’indentation instrumentée réalisés sur une surface avec le même indenteur
montrent une dispersion dans la charge critique d’apparition du « pop-in » [CHECHENIN 1995] et
[CHIU 2002]. Cette dispersion est souvent traitée statistiquement à l’aide d’une répartition de
Weibull (cf. § II.1.3.3). Toutefois, il existe un lien entre cette charge critique et l’amplitude du « pop-
in » : plus la charge de déclenchement est élevée et plus l’amplitude est importante. Ainsi, le « pop-
in » est perçu comme l’évènement qui marque la transition brutale d’un régime élastique à un
régime continu de déformation élastoplastique [CHIU 2002].
Cette partie sur l’analyse des courbes force-déplacement a permis de relier le « pop-in » et une
plastification du matériau à la fracture d’une couche surfacique fragile. De plus, le « pop-in » est lié à
l’apparition de bourrelets autour de l’indent, ce qui modifie alors la topologie du contact. Il faut donc
prendre en compte cette variation de l’aire de contact dans l’extraction des propriétés
élastoplastiques du matériau à caractériser.
87
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
ht hc hc ht
ac ac
a b
Figure III-11 – Représentation schématique de la pénétration d’un indenteur dans un matériau :
a) comportement de type bourrelet (« pile-up ») et
b) comportement de type enfoncement (« sink-in »).
88
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
En 1992, Oliver et Pharr [OLIVER 1992] proposent une formulation plus générale de la hauteur
de contact:
F
hc = ht − ε . III-5
S
où ε est une constante dépendante de la géométrie de l’indenteur : 0,72 pour les indenteurs
coniques et 0,75 pour les paraboloïdes de révolution. Récemment, cette dernière valeur de 0,75 pour
les paraboloïdes de révolution a été confirmée expérimentalement par Merle et al. [MERLE 2012].
Dans le cas d’un poinçon plat, ε = 1 et on retrouve l’équation III-4 de Doerner et Nix. Or l’équation
III-5 est incompatible avec la définition du bourrelet soit hc ht > 1 . Il existe toutefois le modèle de
Loubet et al. [LOUBET 1993], permettant de prendre en compte la formation de bourrelets. Loubet et
al. proposent la formule suivante, avec l’introduction d’un coefficient α L , fonction du matériau
indenté:
F
hc = α L ht − III-6
S
Etant donné que la topologie du contact ne peut être connue durant l’essai de
nanoindentation, le choix du modèle pour le calcul de la profondeur de contact n’est pas évident au
premier abord. Ainsi, afin de savoir quel modèle utiliser, la topologie de surface est caractérisée post-
mortem, au travers de l’aire résiduelle Ar . Cette empreinte résiduelle peut être mesurée par
microscopie optique ou par microscopie à force atomique selon l’échelle. On suppose alors que la
topologie résiduelle mesurée est fidèle à la topologie de contact durant le chargement. La présence
ou l’absence de bourrelet indique alors le modèle à choisir. Cette méthode est appliquée pour
l’ensemble des mesures réalisées par nanoindentation dans cette thèse.
Dans les années 70, [BULYCHEV 1973] et [SHORSHOROV 1982] sont les premiers à proposer de
déterminer le module de Young réduit d’un matériau à partir des relations entre la force appliquée et
le déplacement vertical pour l’indentation d’un solide élastique, proposées par Galin et Sneddon (cf.
chapitre II). Ils proposent d’exprimer le module de Young réduit E ' en fonction de la raideur de
contact S (III-1) et de l’aire de contact Ac :
E S π
E' = = III-7
1 −ν 2
2β Ac
La difficulté principale dans l’utilisation de cette formule dite de « BASh » pour (Bulychev,
Alekhin et Shorshorov), est que l’aire de contact Ac est inconnue. Or, il a été vu précédemment que
la fonction d’aire dépend de l’indenteur utilisé (cf. § III.1.1.2), mais aussi de la topographie de surface
89
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
(cf. Figure III-11). Ainsi, afin de déterminer l’aire de contact, il faut combiner les fonctions d’aires
données dans le Tableau II-1, avec les modèles permettant de déterminer la profondeur de contact.
Notons, que les indenteurs ne sont pas parfaits en réalité et présentent des imperfections
géométriques (pointe arrondie dans le cas de l’indenteur Berkovich, mauvaise sphéricité, etc.). Dans
ce travail de thèse, les propriétés élastiques sont caractérisées à l’aide d’un indenteur Berkovich.
Ainsi, en pratique, la fonction d’aire peut être exprimée pour ce type d’indenteur à l’aide d’un
polynôme du type [OLIVER 1992]:
5 1
∑
i
Ac = Chc2 + Ci hc2 III-8
i =0
Les coefficients C et C i sont obtenus à partir d’essais d’indentation instrumentée réalisés dans
de la Silice fondue (matériau amorphe et isotrope). Les coefficients sont ajustés de manière à obtenir
un module d‘Young réduit pour la Silice fondue constant sur toute la profondeur d’indentation et
compris entre 69 et 74GPa et une dureté constante comprise entre 10 et 12GPa [FISCHER-CRIPPS_2
2004].
Par ailleurs, le module de Young réduit E ' déterminé à partir de la relation III-7 est une
combinaison du module d‘Young réduit E mat
'
du matériau indenté et du module d‘Young réduit de
l’indenteur Eind
'
.
−1
1
E =
'
+
1 III-9
E mat
'
E ind
'
Connaissant les propriétés élastiques de l’indenteur (Tableau III-3), il est alors possible de
calculer le module d‘Young réduit E mat
'
du matériau indenté :
−1
1 1 − ν ind
2
Emat
'
= ' − III-10
E Eind
Finalement, à l’aide des relations données dans ce paragraphe, il est possible de déterminer
avec des essais de nanoindentation, le module d’Young d’un matériau massif. Mais que se passe-t-il
lorsque le matériau indenté est une couche mince déposée sur un empilement de matériaux ou sur
un substrat massif ?
90
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Eéq
'
(
= f E 'f ; Es' ; t ) III-11
C’est en ce sens que plusieurs solutions ont été proposées dans la littérature. Doerner et Nix
[DOERNER 1986_1] abordent cette problématique pour un indenteur Berkovich en proposant un
modèle empirique. Ce modèle est repris ultérieurement par King [KING 1987], qui l’étend à d’autres
géométries. De nombreuses solutions numériques avec un contact élastique sont proposées (Perriot
et al. [PERRIOT 2004], Yu et al. [YU 1990], Gao et al. [GAO 1992], Chen et Vlassak [CHEN 2001]...).
D’autre part, une généralisation de plusieurs modèles simples, dont les modèles linéaire, exponentiel
et exponentiel réciproque, est proposée par Mencik et al. [MENCIK 1997]. En parallèle, Bec et al.
[BEC 2006] modélisent le film sur le substrat, par une mise en série de ressorts, qui aboutit à une
solution analytique simple. Les récents travaux de Li et Vlassak [LI 2009] et de Sakai et al. [SAKAI
2010], ont permis de résoudre la problématique film / substrat, mais en aboutissant à des modèles
complexes. Enfin, un modèle a été développé par Hay [HAY 2011], capable de prédire un module
d’Young équivalent sur un large domaine ( 0,1 < E 'f E s' < 10 ), en utilisant une analyse par la
méthode des éléments finis.
Par ailleurs, la plupart des modèles élastiques développés pour le cas film mince/substrat font
appel à l’épaisseur t du film mince. Aussi, certains auteurs proposent de prendre en compte le
volume de matériau plastifié dans le film mince lors de l’essai d’indentation instrumentée [MENCIK
1997] et [BEC 2006]. La relation suivante permet d’avoir ainsi une épaisseur effective t eff corrigée
des effets de la plastification :
hc
t eff = t − III-13
3
hc
Film t
Substrat
91
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Cependant, l’ensemble de modèles présentés ici ne fonctionne que dans le cas d’un seul film
mince sur un substrat. Or, dans notre étude, les échantillons utilisés pour les essais d’insertion sont
des multicouches déposées sur substrat. C’est donc dans l’optique de pouvoir caractériser
mécaniquement nos échantillons, que nous avons développé un modèle élastique multicouche. Dans
ce travail de thèse, une extension du modèle de Bec et al. [BEC 2006] est proposée afin de
s’affranchir de l’effet des couches sous-jacentes et du substrat [MERCIER 2010]. Notons qu’une
première extension du modèle de Bec, pour le cas du système bicouche sur substrat, a été proposée
par [PAILLER-MATTEI 2007] pour la mesure des propriétés élastiques in vivo de la peau humaine par
essais d’indentation instrumentée. Enfin, un modèle semi-analytique a été développé récemment
par Constantinescu et al., dans le cas de l’indentation axisymétrique d’un échantillon multicouche
élastique semi-infini [CONSTANTINESCU 2013].
Bec et al. proposent un modèle élastique simple pour l’indentation d’un film mince homogène
déposé sur un substrat considéré comme un espace semi-infini [BEC 2006]. Pour une profondeur
d’indentation donnée, le contact est assimilé à celui d’un plot cylindrique rigide de rayon a égal au
rayon de contact existant entre l’indenteur et le film. Le système est alors modélisé par deux ressorts
en série (cf. Figure III-14).
ac
(
K f = f E 'f , t , ac )
KZ
Ks = f (
E s' , t , ac )
La raideur totale du système (film + substrat) K Z est définie par la somme réciproque des
raideurs de film K f et de substrat K s chacune d’entre elles étant pondérée par une fonction
polynomiale, respectivement f f (ac ) et f s (ac ) , de la forme :
E 'f
K f = πac2 , K s = 2 E s ac , K Z = 2 Eéq ac
' ' III-14
t
f (ac ) = 1 + ka δ III-15
1 1 1
= + III-16
KZ f f (ac ).K f f s (ac ).K s
Les constantes k et δ de la relation III-15 sont déterminées afin d’assurer les comportements
limites suivants :
- le film doit se comporter comme un matériau massif lorsque le rayon de contact est très
petit devant son épaisseur ;
- lorsque le film et le substrat ont les mêmes propriétés élastiques, la raideur de contact
totale du système doit être égale à celle du substrat massif.
92
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Soit :
1 t 1 1
= + =
KZ 2
( '
)
πac + 2tac E f 2(ac + 2t π )Es 2ac .Eéq
' ' III-18
Dans cette partie, le modèle de Bec et al. est étendu à un système élastique multicouche
[MERCIER 2010]. Soit un empilement de ( N + 1 ) films sur un substrat (cf. Figure III-15). Le contact est
identifié à celui d’un plot cylindrique rigide de rayon égal au rayon de contact ac ,0 existant entre
l’indenteur et le film. Le modèle monocouche est alors appliqué en assimilant le substrat et les N
couches sous-jacentes à un substrat de module d’Young effectif Eeff . Il en résulte une raideur totale
'
K Z donnée par :
1 t 1
= +
KZ 2
( '
)
πac,0 + 2t 0 ac,0 E f ,0 2(ac,0 + 2t 0 π )Eeff
' III-19
raideur peut être assimilée à celle calculée en appliquant à nouveau le modèle monocouche à
l’empilement sous-jacent composé du substrat et des N − 1 films. Ceci permet de définir un nouveau
rayon de contact ac , 2 pour un nouveau substrat effectif. Par itérations successives jusqu’au substrat,
on obtient l’expression du module d’Young réduit équivalent Eéq en fonction des épaisseurs ti et
'
N
ti
∑ (πa
1 1 1
= = +
K Z 2ac,0 Eéq
'
i =0
2
c ,i )
+ 2ti ac,i E 'f ,i 2(a N + 2t N π )E s'
III-20
2t i
avec ac ,i +1 = ac ,i + III-21
π
toutes les couches et le module d’Young réduit du substrat E s , il est possible en utilisant la relation
'
III-22, de connaître le module d’Young réduit de la première couche ( i = 0 ) avec l’équation suivante :
−1
πac2, 0 + 2ac , 0 t 0 1 N ti 1
E '
= − ∑ + III-22
f ,0
t0 ' 2
( '
)
2ac , 0 Eéq i =1 πac ,i + 2t i ac ,i E f ,i 2(a N + 2t N π )E s
'
93
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Indenteur
ac ,0
Film 0 t 0 ; E 'f ,0
a c ,i
Film i ti ; E 'f ,i
Eéq
'
ac , n
Film n tN ; E 'f ,N
Substrat E s'
Figure III-15 – Représentation schématique du modèle élastique multicouche [MERCIER 2010].
En ce qui concerne le film d’Or, une observation AFM (cf. Figure III-17-b), nous indique la
présence de bourrelets, ce qui nous pousse à utiliser le modèle de Loubet (cf. Equation III-6), pour le
calcul de la profondeur de contact. Ainsi, à partir de ces observations, des valeurs d’épaisseurs
corrigées à l’aide de la relation III-13 et des valeurs de modules d’Young réduits des couches sous-
94
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
jacentes données précédemment, il est possible d’exploiter les essais de nanoindentation. Le module
d’Young réduit équivalent (cf. Equation III-11) est alors tracé en fonction de l’enfoncement sur
l’épaisseur du film d’Or (cf. Figure III-18).
Au
Ti
SiO2
Si
a b
Figure III-17 – a) Vue en coupe au MEB de l’empilement tricouche Au/Ti/SiO2 déposé sur un
substrat de Silicium et b) observation par AFM d’un indent réalisé dans l’empilement
Au/Ti/SiO2/Si [MERCIER 2010].
140
Module d'Young réduit E' (GPa)
120
100
80
60
Non exploitable (fonction d'aire mal définie)
40
Valeurs bibliographiques des modules
d'Young réduits pour l'Au
20
0
0,3 0,0 0,1
0,4 0,50,2 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0
Enfoncement h / Epaisseur t0 du film d'Au
Figure III-18 – Validation du modèle élastique multicouche sur un empilement Au/Ti/SiO2/Si, avec
extraction des propriétés élastiques du film mince d’Au ( E Au = 74GPa pour 0,1 < ht / t 0 < 0,5 )
[MERCIER 2010].
L’influence du substrat et des couches sous-jacentes est clairement mise en évidence au vue
de l’évolution croissante des valeurs du module d’Young réduit équivalent, mesuré
expérimentalement. Sur le même graphique, est tracé le module d’Young réduit du film d’Or, obtenu
avec l’équation III-22, après avoir fixé les épaisseurs et les modules d’Young de tous les films mesurés
préalablement. Le modèle élastique multicouche permet de corriger de manière significative les
données brutes mesurées avec le nanoindenteur. Une valeur moyenne de module d’Young réduit du
film d’Or de 90GPa est alors calculée sur l’intervalle 0,1 < ht / t 0 < 0,5 . A partir de l’équation III-12, un
95
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
module d’Young de 74GPa est calculé avec un coefficient de Poisson de 0,42 [LEVY 2001]. Cette
valeur est en accord avec les valeurs moyennes de l’ordre de (74-80)GPa, trouvées dans la
bibliographie [LEVY 2001], [FISCHER-CRIPPS_2 2004] et [BEC 2006]. Les valeurs de module d’Young
trouvées pour le film d’Or dans l’intervalle 0,5 < ht / t 0 < 1 , sont supérieures aux valeurs de la
bibliographie. Cette augmentation peut provenir d’une densification de la matière sous l’indenteur
ou de la formation de bourrelets plus importants du fait du confinement de la couche mince
supérieure par le substrat plus rigide.
Ce modèle élastique multicouche et la méthodologie présentés ci-dessus, ont été utilisés pour
caractériser les différents empilements de matériaux rencontrés durant ce travail de thèse.
Parallèlement, les essais de nanoindentation permettent aussi de déterminer les propriétés
plastiques des matériaux. La prochaine partie donne les éléments nécessaires à l’extraction de la
dureté d’un matériau, à partir d’une courbe force-déplacement.
Les propriétés plastiques d’un matériau peuvent se résumer, au premier ordre, à la limite
élastique, la dureté et le coefficient d’écrouissage. Dans ce travail de thèse, nous nous intéressons
plus particulièrement à la mesure de dureté par nanoindentation. La dureté, telle qu’elle a été
définie au chapitre II, est la pression à partir de laquelle le régime purement plastique est atteint. En
pratique, la dureté est définie selon la relation suivante [OLIVER 1992] :
F
H= c III-23
Ac
avec Fc la force appliquée et Ac l’aire de contact. Notons, que parce que cette définition de la dureté
se base sur l’aire de contact durant la charge, les valeurs obtenues peuvent être différentes des
duretés calculées traditionnellement à partir de l’aire résiduelle, surtout si le retour élastique du
matériau est significatif après la décharge.
Cette formule n’est toutefois valable que pour des matériaux massifs. Or dans notre cas, les
matériaux sont des films minces de quelques centaines de nanomètres. Usuellement, l’équation
III-23 est employée pour des films minces sur substrat, si la profondeur de pénétration ne dépasse
pas 40% de l’épaisseur du film. Or cette règle empirique, comme la règle des 10% pour la mesure des
propriétés élastiques, n’a pas de fondement physique. Il est cependant possible de justifier
l’utilisation de cette relation, en calculant le rayon de la zone plastique sous un indenteur conique, à
partir de l’équation II-57, donnée au chapitre II. Ainsi, si ce rayon est inférieur à l’épaisseur du film
mince pour une force donnée, il n’y a pas de confinement de la zone plastique et donc la dureté
calculée pour le film mince n’est pas influencée par le substrat ou les couches sous-jacentes.
Dans le cas où l’influence du substrat et des couches sous-jacentes est significative sur
l’extraction de la dureté du film mince, il est possible d’utiliser des modèles de dureté prenant en
compte ce paramètre. Comme pour le module d’Young il est possible d’exprimer la dureté
équivalente H éq d’un film mince sur substrat en fonction de la dureté du film mince H f et de celle
du substrat H s :
(
H éq = f H f ; H s ) III-24
Par exemple, dans le cas d’un film déposé sur un substrat, citons le modèle de [JONSSON
1984], faisant appel à une loi de mélange surfacique et celui de [BURNETT 1987], avec une loi de
mélange volumique. Dans le cas de systèmes multicouches, plusieurs extensions du modèle de
[JONSSON 1984] ont été proposées, comme par exemple avec les travaux de [ENGEL 1992] et
[RAHMOUN 2009]. Plus récemment le travail de thèse de [ARRAZAT 2012] ont permis d’aboutir à un
96
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
modèle multicouche faisant appel à une loi de mélange volumique, basé sur les travaux de [SARGENT
1986]. Enfin, cette première partie a permis de présenter l’essai de nanoindentation, l’analyse des
courbes force-déplacement, ainsi que les principaux modèles utilisés dans l’exploitation des résultats
expérimentaux présentés dans le chapitre IV. La prochaine partie est consacrée à la présentation de
l’essai d’insertion, permettant de réaliser une microinsertion unitaire au sein du nanoindenteur.
Les échantillons utilisés pour nos essais sont fidèles à ceux du procédé de report de puce par
microinsertion. De plus, les échantillons sont les mêmes pour les essais avec ou sans mesure
électrique. Nous distinguerons deux échantillons, celui avec le microinsert de Nickel et celui avec le
film mince d’Al(Cu).
Ø 12µm
hinsert= 8 -10µm
Insert de Ni
Ti – 0,05µm
Cu – 0,25µm
Ti – 0,03µm Al(Cu) – 0,65µm
Al(Si) – 1µm
SiO2 – 0,5µm SiO2 – 0,5µm
Si – 725µm
Si – 725µm
a b
Figure III-19 – Représentations schématiques en coupe a) de l’échantillon avec le microinsert de
Nickel et b) de l’échantillon avec le film mince d’Al(Cu).
97
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
4µm 5µm
a b
Figure III-20 – a) Vue de dessus et b) vue inclinée à 60° au MEB d’un microinsert de Nickel.
2µm
Figure III-21 – Observation MEB de la surface d’un échantillon avec le film mince d’Al(Cu).
Une description plus détaillée est donnée chapitre IV, lors de la présentation des résultats de
caractérisations mécaniques. Après avoir présenté succinctement les échantillons, nous allons
expliquer comment les préparer afin de pouvoir les utiliser pour les essais de microinsertion.
Les échantillons présentés dans la section précédente sont élaborés sur des plaques de
Silicium de 200mm de diamètre. Il faut donc découper les substrats sous forme de puces, afin de
pouvoir utiliser les échantillons dans les essais de microinsertion. Dans le cas de l’échantillon avec le
film mince d’Al(Cu), des puces carrées de quelques mm² sont obtenues par clivage manuel, à l’aide
d’une pointe en diamant. Mais dans le cas de l’échantillon avec le microinsert, une découpe précise
est effectuée à l’aide d’une scie circulaire (dédiée à la découpe des puces en Silicium), afin d’obtenir
des puces carrées de 3mm de côté, sans abîmer les microinserts. La découpe est réalisée de manière
à isoler le microinsert dans un des 4 coins de chaque puce, à 100µm du bord (cf. Figure III-22).
Figure III-22 – a) Schématisation d’une puce avec microinsert et b) observation (à 60°) au MEB d’un
microinsert dans le coin d’une puce.
98
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Il est important de noter que dans les essais réalisés par Diop, le microinsert se trouvait au
centre de la puce, contrairement à nos échantillons. Cette géométrie impliquait un risque important
de contact avec les bords des puces lors de l’essai de microinsertion, si le désalignement entre puces
était trop important (cf. Figure III-23). Cela obligeait donc l’expérimentateur à usiner et polir ses
échantillons (cf. Figure III-24).
Figure III-23 – Contact entre une puce avec microinsert et une puce avec un film mince
d’Aluminium pour un désalignement de 0,4° [DIOP 2009].
Dans notre cas, le problème est différent étant donné que le microinsert est placé dans un coin
de la puce. Cette configuration géométrique a été envisagée afin d’éviter l’étape de polissage. Ainsi,
l’essai de microinsertion doit être effectué entre un coin de la puce avec le film d’Al(Cu) et le coin
avec le microinsert de l’autre puce (cf. Figure III-25). L’objectif est de faire l’insertion à 100µm des
bords dans le coin de la puce inférieure. Dans ce cas précis, les bords des puces ne peuvent se
toucher que pour un désalignement entre les puces supérieur à un angle critique θ c de 5,7° (cf.
Figure III-25-c).
Avec cette configuration, l’étape de polissage des puces est évitée. Cependant, cette
différence avec le protocole expérimental de Diop, contraint à ajouter une étape de palpage, afin de
trouver le coin de la puce inférieure avec le film mince d’Al(Cu), pour réaliser l’essai. L’étape de
palpage est décrite dans la section III.2.2.2 avec le protocole expérimental.
Enfin, une fois les puces découpées, elles sont systématiquement passées dans un équipement
de gravure plasma O2, afin d’éliminer les couches organiques de surface (résidus de résine…). La
gravure se fait à une puissance incidente de 650W et durant 5 minutes, avec un débit d’O2 de
15cm3/min.
Après avoir présenté les échantillons utilisés et leurs préparations, nous allons maintenant
décrire l’essai de microinsertion purement mécanique d’un plot dans un film mince.
99
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
100µm
Puce supérieure
100µm
Microinsert
b
100µm
100µm
a c
Figure III-25 – Schématisation de l’essai de microinsertion avec nos échantillons : a) vue de dessus,
b) vue de côté (puces parallèles) et c) vues de côté (puces désalignées).
Emplacement
Echantillon collé pour le support
au centre du + échantillon
support
Platine permettant le
réglage de l’inclinaison
Vis ØM1,6
Vis micrométriques
Puce avec
pour corriger
microinsert collé
l’inclinaison
sur le support
2cm 5mm
a b
Figure III-26 – a) Porte-échantillon et plot avec l’échantillon collé et b) support de tête avec un
échantillon collé prenant la place de l’indenteur dans le nanoindenteur.
100
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Une fois les échantillons collés sur les supports présentés dans la partie précédente et le
dispositif monté sur le nanoindenteur, une première étape consiste à calibrer les raideurs des lames
ressorts de la colonne d’indentation (cf. § III.1.1.1).
Une deuxième étape de palpage de la puce avec le film mince d’Al(Cu) par le microinsert, est
nécessaire, afin de déterminer la différence de hauteur entre les deux puces (cf. Figure III-27). La
surface est détectée, dès que la raideur de contact dépasse la valeur critique de 250N/m. Cette
raideur critique est fixée de façon à limiter les erreurs dues aux perturbations à proximité de la
surface (rugosité, forces d’attraction, etc.) et permet d’avoir une précision à moins de 25nm, tout en
restant dans le régime de déformation élastique des matériaux.
Déplacement de la
colonne d’indentation
selon l’axe z
hmin= -750µm
Puce avec
hinsert
microinsert
z
0
x
hs Puce avec le
film d’Al(Cu)
hmax= +750µm
Déplacement de la
platine dans le plan (x-y)
Hauteur
Puis, une série de palpages est réalisée selon les axes x et y , afin de localiser les coins
respectifs des deux puces (cf. Figure III-28). Une courbe hauteur-position est obtenue à partir des
essais de palpage. Dès qu’une différence de hauteur égale à la hauteur du microinsert est mesurée,
la position du bord de la puce inférieure est déterminée. Enfin, lorsqu’aucune surface n’est détectée
par la puce avec microinsert, cela signifie que les puces ne sont plus en vis-à-vis et que la position du
bord de la puce supérieure est déterminée à son tour. Cette méthode permet d’optimiser la zone où
réaliser l’essai de microinsertion. Il est donc possible de se placer à ±100µm des bords de chaque
puce, connaissant leur position.
101
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
a) Puce supérieure b)
fixe
Microinsert 1
Palpage selon
l’axe x
Palpage selon
l’axe y
c)
1 2 3
Coordonnées
selon l’axe x ou y
Inclinaison entre
x les deux puces
hs x x
hinsert
x x x x
Les puces ne
Hauteur mesurée
à-vis !
Figure III-28 – Méthode de palpage avant l’essai de microinsertion : a) Vue schématique au-dessus
des puces, b) vue schématique en coupe des puces et c) courbe hauteur-position permettant de
localiser les bords respectifs des deux puces.
Par ailleurs, cette étape de palpage donne le désalignement entre les deux puces (cf. Figure
III-28-c). Connaissant alors l’angle entre les deux puces, il est possible de le corriger à moins de 2°, à
l’aide de la platine.
La méthode pour piloter les essais de microinsertion a été développée sous le logiciel
TestWorksTM de pilotage du nanoindenteur, et validée au cours des travaux de thèse de Diop. Cette
méthode intègre le protocole expérimental donné Figure III-29, lequel représente l’évolution de la
force en fonction du temps durant l’essai de microinsertion. Notons que pour un souci de clarté,
l’échelle sur la Figure III-29 n’est pas respectée. Le protocole comprend 8 étapes :
102
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
V d = hd t d III-25
103
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
ue
Force
e iq ge rg
e e ge
rg rm ar ag
e a ag har
ha th
e ch flu ch lf u c
èr
e c
e èm
e er e dé èm
e
e dé
1 riv 2 1
1
èr 2 2
èm
Dé
Fmax
Fmin
Fd
F0
Temps
Phase 600s 600s 600s
10s ~1s ~1s 15s
d’approche
~1800s
Figure III-29 – Protocole expérimental pour l’essai d’insertion [DIOP 2009].
Selon le protocole proposé par Diop, les courbes expérimentales brutes doivent être corrigées
pour ne tenir compte que des déformations de la puce avec le microinsert de Nickel et de la puce
d’Al(Cu). Pour cela, il propose de soustraire les déplacements supplémentaires dus à la déformation
de l’instrument hinst et de la dérive thermique hd du déplacement total brut ht , durant tout le temps
t de l’essai de microinsertion. Le déplacement hinst causé par les différents éléments de
l’instrumentation (i.e. la colonne, le support pour échantillon, la platine inclinable et le bâti) est
calculé à une force donnée F connaissant la raideur K inst de l’instrument. Donc l’enfoncement réel
hr de la pointe dans le substrat étudié lors de l’indentation est égal à :
F
hr (t ) = ht − hinst − hd = ht − − Vd .t III-26
K inst
Les raideurs traditionnelles pour notre instrumentation lors des essais de nanoindentation
sont mesurées aux alentours de 8.106N/m. La raideur du dispositif de microinsertion est mesurée
quant à elle aux alentours de 106N/m [DIOP 2009]. C’est cette valeur de raideur qui sera utilisée pour
corriger les déplacements mesurés lors des essais de microinsertion. Notons que, la fréquence
d’acquisition des variables mécaniques expérimentales (i.e. force, déplacement) est de 10Hz.
Enfin, une mesure électrique peut être ajoutée en parallèle de l’essai mécanique de
microinsertion, permettant de caractériser la résistance électrique de contact en fonction de la force
appliquée. Le dispositif expérimental et le protocole utilisés pour ce type d’essai sont présentés dans
la partie suivante.
III.2.3 Insertion d’un plot dans un film mince avec mesure électrique
Il existe de nombreuses façons de coupler une mesure électrique à une mesure mécanique
dans un nanoindenteur. Certains auteurs utilisent des pointes conductrices [PETHICA 1979],
[SOSHNIKOV 2007], [RUFFEL 2007] et [STAUFFER 2012], d’autres utilisent l’indenteur comme un
actionneur sur des microsystèmes [BROUE 2010] et [GILBERT 2008], et enfin d’autres proposent de
réaliser des contacts en remplaçant l’indenteur par une puce métallique [DIOP 2009] et [DUVIVIER
104
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
2011]. Dans notre cas, le dispositif expérimental élaboré par Diop est réutilisé afin de réaliser des
essais d’insertion, tout en mesurant l’évolution de la résistance électrique de contact en fonction de
la force appliquée [MERCIER 2012_2]. Dans un premier temps, la mesure électrique et le dispositif
expérimental sont présentés, pour en venir dans un second temps à la description du protocole
utilisé.
Dans le cas des faibles résistances électriques, plusieurs sources d’erreur peuvent affecter la
précision des mesures expérimentales. La première erreur à éviter est de mesurer la résistance
électrique des fils de connexion, notée R fil (cf. Figure III-30-a).
Rfil Rfil
I I Rfil
V VM REC VR V VM REC VR
Rfil
Rfil Rfil
a b
Figure III-30 – Schématisation électrique d’une mesure a) en méthode « 2 fils » et b) en méthode
« 4 fils » [KEITHLEY 2004].
Ainsi, dans le cas de la méthode « 2 fils », la résistance totale électrique mesurée est
équivalente à :
VM
= R EC + 2 R fil III-27
I
Pour s’affranchir de cette résistance de fil, la mesure est réalisée en configuration « 4 fils » (cf.
Figure III-30-b) [KEITHLEY 2004]. La méthode de mesure consiste à différencier les circuits d’injection
du courant I et de mesure de la tension VM . Le courant passant par le voltmètre est supposé
négligeable, ce qui permet de mesurer uniquement la chute de tension aux bornes du contact V R . La
résistance totale électrique mesurée est alors équivalente à :
VM V
= R = R EC III-28
I I
La seconde erreur provient des tensions thermoélectriques générées lorsque les différentes
parties d’un montage électrique ne sont pas à la même température, et quand les contacts sont
constitués de différents matériaux (i.e. effet Seebeck) [KEITHLEY 2004]. Les solutions évidentes pour
minimiser les tensions thermoélectriques consistent d’une part à mettre tout le circuit à la même
105
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
En combinant les équations III-29 et III-30, la tension thermoélectrique peut être éliminée et la
tension réelle V M aux bornes du contact s’exprime finalement par la relation suivante :
VM =
VM+ + VM− (V + IR ) − (VE − IR ) = IR
= E III-31
2 2
Pour réaliser des mesures électriques in situ, il est nécessaire de connecter électriquement les
puces. Pour cela, la puce inférieure avec le film d’Al(Cu) est collée sur un porte-échantillon muni de
cinq contacts électriques traversants. La puce est alors raccordée électriquement par câblage filaireo
(fils d’Or de 25µm de diamètre) aux contacts du porte-échantillon. La platine inclinable comporte un
réceptacle au fond duquel sont également disposés cinq contacts (cf. Figure III-31). Les cinq contacts
du porte-échantillon sont alignés avec ceux du réceptacle lors de la mise en place. La connexion
électrique entre les appareils de mesure et les contacts du réceptacle s’effectue à l’aide d’un boîtier
de connecteurs BNC p relié à un câble pouvant être branché à la platine (cf. Figure III-32).
o
Connexion filaire réalisée à l’aide d’une technique de soudure par ultrasons (« wedge wire bonding » en
anglais).
p
Le connecteur BNC (pour Bayon et Neill-Concelman) est un modèle de connecteur utilisé en terminaison de
câble coaxial.
106
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Echantillon collé
au centre du Contacts électriques traversants
support
2cm
Figure III-31 – Platine inclinable et plot avec l’échantillon collé dans le cas d’une microinsertion
avec mesure électrique.
2cm
Figure III-32 – Boîtier d’interconnexions.
Vis M1,6
Pastilles
Zone centrale
Boucles Lames
a b
Figure III-33 – a) Le support de tête ou « trèfle » et b) le connecteur annulaire.
107
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
400µm
Connexions
électriques filaires
(mesures « 4 fils »)
Microinsert
Figure III-34 – Observation MEB d’une puce avec microinsert et connexions filaires en Or.
Figure III-35 – Mise en place de la partie supérieure du module sur la colonne d’indentation.
Chaque puce est connectée à l’aide d’un câblage filaire via des fils de 25µm de diamètre. Or, la
hauteur du microinsert est d’environ 10µm. Il est donc possible que les dits fils soient les premiers à
entrer en contact avec les surfaces respectives de chaque puce, ce qui peut nuire ou empêcher tout
contact entre le microinsert et le film mince d’Al(Cu). Les fils sont donc soudés relativement loin et
dirigés à l’opposé de la zone de contact (cf. Figure III-36). Selon la méthode « 4 fils », 2 fils sont
soudés par puce, avec respectivement 2 fils pour l’injection du courant et 2 fils pour la lecture de la
tension aux bornes du contact (cf. Figure III-36-b).
108
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
V-
Puce supérieure
Connexions
filaires en or I-
Microinsert
a b
Figure III-36 – a) Vue en coupe et b) vue du dessus schématisées de l’essai de microinsertion avec
les fils en Or permettant la mesure électrique, en méthode « 4 fils ».
Une fois les puces collées sur les porte-échantillons et reliées électriquement avec les
connexions filaires, et le dispositif complet installé dans le nanoindenteur, il faut intégrer à la chaîne
de mesure un outil capable d’injecter du courant et de mesurer la tension aux bornes du contact.
Pour cela, un instrument appelé sourcemètre/voltmètre ou SMU q (Keithley 2602A) est connecté au
dispositif à l’aide des câbles coaxiaux, eux même connectés aux boîtiers d’interconnexions. Cet
appareil de précision capable de générer et de mesurer simultanément courant et tension, est piloté
par l’intermédiaire d’un câble GPIB, à l’aide d’un ordinateur via le logiciel LabVIEWTM. Un programme
sous LabVIEWTM a donc été développé durant cette thèse, afin d’envoyer les consignes au SMU et de
récupérer les données expérimentales (courant et tension en fonction du temps).
Synchronisation
Résultats
(Mesure de la force et
du déplacement)
Logiciel LabVIEWTM Logiciel TestWorks®
Résultats Pilotage
Pilotage
(Mesure de la tension
et du courant) Force appliquée
I- V- V+ I+
Parallèlement, la méthode pour piloter les essais de microinsertion avec mesures électriques a
été développée sous le logiciel TestWorksTM, de la même manière que pour l’essai purement
mécanique. Ainsi, le dispositif pour l’essai de microinsertion et l’instrument SMU sont pilotés
indépendamment avec deux ordinateurs distincts. Il nous faut donc synchroniser les acquisitions de
q
SMU : Acronyme anglais pour Source Measurement Unit
109
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
données expérimentales. Pour cela, un signal digital (0-5V) est envoyé depuis le port RS232 de
l’ordinateur pilotant le nanoindenteur, à celui pilotant l’instrument SMU. La chaîne complète de
mesure électrique pour les essais de microinsertion est donnée Figure III-37.
Après avoir décrit le montage expérimental pour effectuer des mesures électriques au sein du
nanoindenteur lors d’essais de microinsertion, le protocole de mesure est détaillé dans la prochaine
partie.
Le protocole expérimental utilisé pour les essais de microinsertion avec couplage électrique a
été validé par Diop au cours de sa thèse. Ce protocole intègre les consignes en termes d’évolution de
la force en fonction du temps pour l’essai de microinsertion et les consignes pour effectuer la mesure
électrique.
Les risques lors de la mesure électrique sont le claquage de l’oxyde natif (cf. § II.3.6.3) et la
fusion des matériaux de contact (cf. § II.4), phénomènes pouvant altérer la nature du contact
électrique et ainsi rendre difficile l’interprétation des résultats. Aussi les protocoles de mesures ont-
ils été définis pour éviter qu’ils ne se produisent. Le plus simple dans notre cas consiste à piloter la
mesure en imposant une tension constante et une limite en courant (« compliance current » en
anglais). Dans le chapitre II (cf. § II.3.6.3), un champ de claquage de l’oxyde natif d’Aluminium a été
évalué à 100MV/m pour une épaisseur de 4nm [GLOOS 2003]. Dans notre cas, une tension de 1mV
est appliquée, ce qui engendre un champ électrique de 0,025MV/m dans l’oxyde natif, alors bien
inférieur au champ de claquage. Par ailleurs, cette faible tension autorisée aux bornes du contact
électrique écarte définitivement le risque d’élever la température du contact au-delà des
températures de fusion de l’Aluminium (soit 660°C) et du Nickel (soit 1455°C), atteintes
respectivement pour des tensions d’environ 270-300mV et 600-650mV (cf. § II.4.2).
La valeur limite du courant de 1mA retenue par M. Diop dans sa thèse [DIOP 2009], pour un
diamètre de microinsert de 6μm, conduit à mesurer des valeurs de résistance électrique de quelques
ohms pour une pression maximale de 3,2GPa lors d’essais d’insertion. Dans notre cas, le diamètre
des microinserts est d’environ 12μm. Afin de pouvoir mesurer des valeurs de résistance électrique
inférieures à l’ohm pour une pression maximale de 3,2GPa, une limite en courant de 500mA est
imposée. La valeur minimale de résistance mesurée est dans ce cas de l’ordre de 2mΩ. Enfin, la
fréquence d’acquisition des variables électriques (courant et tension) et mécaniques (force et
déplacement) expérimentales est de 10Hz.
Ce protocole expérimental sera utilisé dans le chapitre V, où seront présentés, puis analysés
les résultats de la mesure de résistance électrique de contact lors d’essai de microinsertion. La
section suivante du document est destinée à présenter les résultats obtenus lors d’essais de
microinsertion par Diop.
110
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
ue ue
iq e iq e
er
m e rg r m rg
Force
ge th rg ha th
e ha
ar a c c
h e ch dé e dé
èr
e c riv èm
e
èr
e riv èm
e
1 Dé 2 1 Dé 2
Fmax
Fd
Temps
600s 600s
Phase 10s 300s 300s 10s
d’approche ~1820s
Mesure électrique
Figure III-38 – Protocole expérimental pour l’essai d’insertion avec mesure électrique.
A partir d’essais mécaniques de microinsertion réalisés avec des microinserts hauts d’environ
5µm avec un diamètre de 6µm, à 3 forces différentes (23, 46 et 92mN), Diop propose un scénario de
déformation des matériaux mis en jeu dans le contact (cf. Figure III-39). Pour cela, l’observation des
microinserts avant et après compression, puis la mesure de l’empreinte résiduelle dans le film
d’Aluminium lui sont nécessaires. Les forces de 23, 46 et 92mN correspondent à des pressions
respectives de 0,8, 1,6 et 3,2GPa.
111
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Par ailleurs, à l’aide d’une solution approchée du modèle de [JORDAN 1999] développée par
[DIOP 2009], il est possible de remonter à la distribution de pression à l’interface de contact plot
cylindrique/plan (cf. § II.2.1.2). Ainsi, Diop a proposé une explication pour l’écoulement de matière
sous le microinsert, observé à l’aide d’empreintes résiduelles dans le film d’Aluminium réalisées par
AFM (cf. Figure III-40).
a) b)
Figure III-40 – a) Empreinte résiduelle sur le film d’Aluminium et son profil à la force maximale de
46mN, Ø=6μm et b) représentation schématique de l’écoulement de matière dans le film
d’Aluminium lors de la microinsertion [DIOP 2009].
Diop étudie par ailleurs l’influence du diamètre du microinsert, sur la profondeur maximale
d’empreinte résiduelle, l’écrasement du microinsert et l’enfoncement de ce dernier dans sa base.
Selon Diop, l’utilisation des microinserts de diamètre 8,5μm est la plus appropriée pour réaliser un
contact mécanique de bonne qualité. Pour le diamètre 6μm, une tendance à la pénétration du
112
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
microinsert dans sa base est observée tandis que pour le diamètre 12,5μm, c’est l’écrasement qui est
prédominant.
Enfin, à partir du modèle de Maxwell/Kelvin-Voigt (cf. § II.1.2.4), Diop a extrait des paramètres
de fluage qui peuvent être utilisés dans le procédé de microinsertion. Toutefois, selon lui, d’autres
modèles existent dans la littérature et doivent être explorés afin de les comparer à celui de
Maxwell/Kelvin-Voigt.
Figure III-41 – Evolution des résistances de contact et du déplacement mesurés par [DIOP 2009] en
fonction du temps pour différents diamètres de microinserts.
113
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
L’objectif de ce travail de thèse est de compléter la série de premiers résultats déjà obtenus
par Diop, tout en utilisant ses premières conclusions. Ainsi, lors d’essais de microinsertion purement
mécaniques, l’influence de la taille de grain du film d’Al(Cu) sera étudiée. Puis des essais de
microinsertion à l’aide d’un poinçon plat rigide dans un film mince d’Al(Cu) seront comparés à des
simulations par la MEF. Enfin, une nouvelle tentative de mesure électrique couplée à un essai de
microinsertion sera effectuée, afin de confirmer ou infirmer le résultat expérimental obtenu par
Diop. Cette seconde partie a permis de présenter l’essai de microinsertion. Les échantillons utilisés
pour ce type d’essai et leur préparation ont été décrits, ainsi que les dispositifs expérimentaux et les
protocoles associés, pour les cas avec et sans mesure électrique. Enfin, un bilan rapide des résultats
déjà obtenus par Diop a été dressé, ce qui permet de justifier les objectifs de résultats fixés pour
cette thèse. La prochaine partie est dédiée à la présentation de l’essai de compression de barreaux
croisés.
114
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
au travers de fissures dans l’oxyde de surface. Dans notre cas, l’objectif est d’analyser le rôle joué par
l’oxyde natif d’Aluminium dans la formation du contact électrique. Ainsi, cette partie est consacrée à
l’essai de compression de barreaux croisés pour l’étude du contact métal-oxyde-métal avec des films
minces [MERCIER 2012_1]. Dans un premier temps, les échantillons utilisés sont présentés, puis dans
un second temps, le dispositif expérimental et le protocole associé pour la mesure de la résistance
électrique de contact sont décrits.
Les échantillons utilisés avec le dispositif de compression, sont des lentilles optiques plan-
convexes en Silice (BK7), de rayons de courbure R variables (i.e. 3,29 et 6,57mm). Les dimensions
(largeur et longueur) des lentilles varient en fonction de ce rayon de courbure. Un très bon état de
surface et un coût raisonnable justifie l’utilisation de ces lentilles optiques comme substrat. Les
propriétés du BK7 (verre borosilicate) sont répertoriées dans le Tableau III-6. L’objectif de ces essais
consistant à comprendre le rôle joué par l’oxyde natif d’Aluminium, nous avons décidé de réduire
l’étude au contact Al-Al2O3-Al. Cela permet de simplifier le problème du contact réalisé par
microinsertion. Ainsi, les lentilles sur lesquelles est déposée au préalable une couche d’accroche de
Titane d’environ 10nm d’épaisseur, sont recouvertes d’un film mince d’Aluminium déposé par
pulvérisation cathodique, d’environ 1µm d’épaisseur (cf. Figure III-43). L’oxyde natif d’Aluminium se
forme rapidement à l’air libre (à pression et température ambiantes), dès la sortie des lentilles du
bâti de dépôt. Une description détaillée des échantillons est donnée chapitre V, avec les résultats de
caractérisations électriques en fonction de la force appliquée.
Al2O3 natif
Ti (10nm)
Al (~1µm)
l
Lentille en BK7
L L
6mm
a b
Figure III-43 – a) Photographie d’une lentille de rayon 6,57mm, utilisée dans les essais de
compression et b) vue schématique en coupe d’une lentille recouverte d’un dépôt d’Aluminium.
115
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Contrairement à l’essai de compression décrit par Holm, où les barreaux croisés sont
constitués d’un matériau massif conducteur, nos expériences sont réalisées avec des lentilles
isolantes, recouvertes d’un film mince métallique conducteur. Le principe de nos essais consiste à
mettre en compression les deux lentilles et de caractériser électriquement le contact formé entre les
deux films minces métalliques, en fonction de la force appliquée (cf. Figure III-44).
F Zone de contact
Figure III-44 – Principe de l’essai de compression de barreaux croisés appliqué au cas de films
minces.
Traverse
Capteur de force
Colonne en acier
Four
Bâti rigide
116
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
La première lentille est placée sous la traverse et la deuxième lentille est disposée
perpendiculairement à la première sur un système de positionnement sous la traverse. La présence
d’une molette de réglage permet de déplacer la lentille inférieure, de manière à réaliser des points
de contact successifs différents le long des génératrices de chaque lentille (cf. Figure III-47). Un tour
de molette correspond à 1mm dans le sens du déplacement de la platine soit un écart d’environ
700µm entre deux points de mesures. Afin de déterminer le pas à imposer entre chaque point de
mesure pour éviter qu’ils se superposent, le rayon de contact est estimé à l’aide de la relation
d’Hertz (cf. Equation II-30) (fonction du rayon des lentilles et de la force appliquée), en supposant
que les lentilles en Silice se déforment élastiquement. Par défaut, un pas d’environ 3 fois le rayon de
contact au minium est imposé. Par exemple, un demi-tour de molette est imposé pour des lentilles
de 6,57mm de rayon à une force de 25N, ce qui équivaut à un déplacement dans la diagonale de
500µm, soit environ un pas de 350µm pour un rayon de contact élastique d’environ 142µm.
Colonne Système de
guidage
Traverse rigide
Ressorts
(Raideur Kéq,1 )
Système de
positionnement (X,Y)
Base
4cm
Figure III-46 – Photographie du montage de compression de barreaux croisés placé dans
l’équipement de traction/compression.
117
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Pour soutenir la traverse au repos, des ressorts hélicoïdaux de compression en acier ont été
placés autour des axes de guidage. Ces ressorts, disposés en parallèle, ont une raideur
équivalente K éq,1 d’environ 12N/mm. Par ailleurs, pour gagner en sensibilité sur la détection du
contact lors de l’étape d‘approche des deux lentilles, une série de ressorts composée de plusieurs
morceaux de polymère (Kalrez®), est disposée entre la colonne et la traverse. Cet empilement a une
raideur équivalente K éq, 2 d’environ 57N/mm. Ainsi, la raideur totale équivalente du système,
notée K éq,tot , avant contact entre les lentilles est d’environ 10N/mm (cf. Figure III-49). Le contact est
détecté pour des forces appliquées au système ressorts-lentilles, comprises entre 15 et 25N (selon le
rayon des lentilles et la hauteur des ressorts hélicoïdaux utilisés). A ces niveaux de forces, la
résolution est comprise entre 35 et 60mN, ce qui correspond à des résolutions en déplacement de
3,5 à 5,7µm avant contact et de 0,7 à 1,2µm après contact. Par ailleurs, une fluctuation de la raideur
est observée lors de la détection du contact (cf. Figure III-49), laquelle est due au temps de réponse
du système, fonction des paramètres du régulateur « P.I.D. » (Proportionnel Intégral Dérivé), pour
retrouver un régime stationnaire.
Ressorts 1 Kéq,2
(Raideur Kéq,1)
Lentilles de
Mesure 4 fils V Kéq,tot
même rayon R Kéq,1
Table de
positionnement
a b
Figure III-48 – a) Schématisation du montage de compression de barreaux croisés avec mesure
électrique avant contact, b) schémas équivalents du montage.
60
Avant contact (K éq,tot )
50 Après contact
Raideur (N/mm)
40
30
20
10
0
0 5 10 15 20
Force (N)
Figure III-49 – Evolution de la raideur moyenne en fonction de la force mesurée
expérimentalement pour le montage complet avec deux lentilles de rayon 6,57mm.
118
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Fils de connexion en Or
2cm
Figure III-50 – Photographie d’une lentille recouverte d’un film d’Aluminium, avec les connexions
électriques sur les plots de contact.
Parallèlement, la méthode pour piloter les essais de compression, a été développée sous le
logiciel TestWorksTM. Ainsi, l’équipement de traction/compression et l’instrument
sourcemètre/voltmètre (SMU) sont pilotés indépendamment avec deux ordinateurs distincts. La
synchronisation des données expérimentales est réalisée en envoyant un signal numérique (0-5V)
depuis un des ports digitaux de l’équipement de traction/compression, à une carte d’acquisition
(USB-6211 de National InstrumentsTM) reliée par USB, à l’ordinateur pilotant le SMU. La chaîne
complète de mesure électrique pour les essais de compression avec mesure électrique est donnée
Figure III-51.
I- V- V+ I+
Sourcemètre Montage de
compression
Keithley 2602A
Figure III-51 – Représentation schématique de la chaîne de mesure pour les essais de compression
avec mesure électrique.
119
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Après avoir décrit les échantillons et le montage expérimental utilisés pour effectuer des essais
de compressions avec mesure électrique, la description du protocole de mesure fait l’objet de la
partie suivante.
Le protocole expérimental utilisé pour les essais de compression avec couplage électrique
intègre les consignes en termes d’évolution de la force en fonction du temps et les consignes pour
effectuer la mesure électrique.
Le montage est initialement dans sa position de repos (position initiale), les lentilles ne sont
pas en contact et sont distantes de quelques millimètres. L’approche des deux lentilles se fait à une
vitesse de 0,2N/s. Une fois le contact détecté à une force notée Fcontact , par variation de raideur
(environ 120% de K éq,tot ), le protocole suivant est appliqué (cf. Figure III-52) :
- une première étape de charge, à une vitesse de charge constante, F (0,1N/s, 0,2N/S ou
1N/s), jusqu’à une force maximale Fmax (25 ou 50N) ;
- une étape de maintien à la force maximale Fmax durant 120s ;
- une étape de décharge à la vitesse opposée de la charge, jusqu’à la perte du contact ;
- puis, le retour de la traverse à la position initiale.
La mesure électrique est déclenchée quelques secondes avant d’avoir détecté le contact
mécanique (cf. Figure III-52). Afin d’éviter les phénomènes de claquage de l’oxyde natif (cf. § II.3.6.3)
et de fusion des matériaux de contact (cf. § II.4) susceptibles d’altérer la nature du contact
électrique, les mêmes précautions que pour les essais de microinsertion sont prises. Ainsi, la mesure
électrique est pilotée en imposant une tension constante de 5mV et une limite en courant de 500mA.
Une tension de 5mV entraîne un champ électrique de 0,625MV/m, pour un contact Al-Al (soit une
épaisseur totale d’oxyde natif de 8nm), ce qui est négligeable par rapport au champ de claquage de
l’Alumine native, d’environ 25MV/m [GLOOS 2003], donné dans le chapitre II. Par ailleurs, cette
faible tension autorisée aux bornes du contact électrique garantit l’absence d’échauffement du
contact, en accord avec la relation de Kolrausch ( T f ( Al ) = 270 − 300mV ) (cf. § II.4.2). La limite de
courant de 500mA permet la mesure de valeurs de résistance électrique aussi faibles que 10mΩ. La
mesure électrique cesse après la perte du contact mécanique. Enfin, l’acquisition des données (force,
déplacement, courant électrique et tension électrique) est faite à une fréquence de 10Hz durant la
charge et la décharge.
Une fois la mesure électrique effectuée lors d’un essai de compression, les valeurs
expérimentales de résistance électrique de contact peuvent-être corrigées de l’effet d’étalement des
lignes de courant électrique (« spreading »), dans le film mince d’Aluminium. La méthode employée
se base sur une étude réalisée au travers de calculs par la méthode des éléments finis [MANDRILLON
2012]. Elle est décrite dans l’Annexe – C.
Ce protocole expérimental sera utilisé dans le chapitre V, où seront présentés, puis analysés
les résultats de mesures de résistance électrique de contact lors d’essais de compression. L’influence
de différents paramètres sera étudiée, tels que la géométrie du contact (rayon des lentilles), la
vitesse de charge, et la force maximale. La partie suivante de ce mémoire est dédiée à la validation
de ce montage expérimental et du protocole de mesure.
120
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Force
Fmax
− F
F
Fcontact
F0
Temps
120s
Mesure électrique
Figure III-52 – Protocole expérimental pour l’essai de compression avec mesure électrique.
3µm
Figure III-53 – Observation au MEB du film d’Aluminium après l’essai de compression avec le papier
de polissage.
r
CMP : « Chemical Mechanical Polishing » en anglais pour polissage mécano-chimique.
121
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
R=3,5mm R=3,5mm
BK7 BK7
a b c
Figure III-54 – a) Photographie d’un barreau recouvert d’un film d’Or, puis vues schématiques en
coupe de b) la lentille avec le film mince d’Or et de c) la lentille avec le film mince d’AuNi0,05
[DUVIVIER 2011].
180
Résistance électrique de
150
contact (mOhm)
120
90
60
Microbalance de précision - [DUVIVIER 2011]
30
Dispositif de compression
0
0 12 3 4
Force (N)
Figure III-55 – Comparaison de l’évolution de la résistance électrique de contact en fonction de la
force appliquée pour un contact Au-AuNi0,05, avec une balance de précision [DUVIVIER 2011] et
avec le dispositif de compression présenté au § III.3.2.
122
Chapitre III – Présentation des outils de caractérisation
Conclusion
123
124
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
125
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Introduction
La couche mince d’Al(Cu) étudiée dans cette partie est déposée par PVD à une pression
d’environ 6 à 8mT d’Ar, sur un substrat de Silicium oxydé (cf. Figure IV-1). Le substrat de Silicium
est une plaque circulaire épaisse de 725µm et orientée selon l’axe <100>, obtenue à l’aide du
procédé de croissance de Czochralski. Le substrat dopé P (1015-1016at.cm-3), est ensuite oxydé
thermiquement durant 1h05min à une température de 1050°C par voie sèche, ce qui permet
d’avoir un oxyde (SiO2) épais de 500nm. La couche mince d’Al(Cu) est déposée par pulvérisation à
partir d’une cible d’Al(Cu wt-0,5%) et a une épaisseur moyenne de 650nm. Cette couche est
polycristalline, avec une taille de grain fonction des paramètres de dépôts (température,
puissance du plasma, durée du dépôt). Dans notre étude, trois tailles de grain comprises entre 1,2
et 5,8μm (arbitrairement appelées « petite », « moyenne » et « grande ») sont caractérisées et les
paramètres de dépôts correspondants sont résumés dans le Tableau IV-1.
126
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Al(Cu) – 0,65µm
SiO2 – 0,5µm
Si – 725µm 2µm
a b
Figure IV-1 – a) Schématisation et b) observation MEB de la surface de l’empilement
Al(Cu)/SiO2/Si.
Joint de grain
Grain
d’Al(Cu) Grain
d’Al(Cu)
SiO2 100nm
Figure IV-2 – Vue en coupe au MEB du film mince d’Al(Cu) avec la moyenne taille de grain
(Echantillon B).
Des mesures de topographie de surface sont effectuées pour chaque échantillon de tailles
de grain différentes (cf. Figure IV-3), à l’aide d’un microscope AFM (DME – DualScope™ DS 95
Scanner), en mode « tapping ».
127
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
20,0
20,0
Ech. A 50,0 Ech. B 60,0 Ech. C 120
50,0 100
40,0
40,0 80,0
[ µm ]
[ µm ]
[ µm ]
30,0
30,0 60,0
20,0
20,0 40,0
10,0 10,0 20,0
0
0
0 [ µm ] 20,0 0 [ µm ] 20,0 0 [ µm ] 20,0
a) b) c)
Figure IV-3 – Observations à l’AFM de la surface des différents films minces d’Al(Cu) :
a) échantillon A, b) échantillon B et c) échantillon C.
Ces images AFM permettent d’estimer la rugosité de surface des échantillons. Par défaut, la
rugosité est ici calculée à partir de la formulation statistique de la moyenne quadratique,
couramment appelée rugosité RMS (pour « Root Mean Square » en anglais). D’autre part, les
tailles de grain moyennes sont évaluées à partir d’observations AFM (20µmx20µm pour
l’échantillon A et 200µmx200µm pour les échantillons B et C), en appliquant des matrices de
convolution aux images avec le logiciel de traitement d’image « ImageJ ». Enfin, les épaisseurs
mesurées, avec les diamètres moyens de grains et les rugosités RMS calculées pour chaque
échantillon, sont résumés dans le Tableau IV-2.
Diamètre
Epaisseur du
Rugosité
moyen de
film
RMS
grain
Echantillon A – Petite taille de grain (200°C) (635 ± 13)nm 1,2µm 4,1nm
Echantillon B – Moyenne taille de grain (450°C) (645 ± 15)nm 4,5µm 5,6nm
Echantillon C – Grande taille de grain (450°C) (662 ± 10)nm 5,8µm 13,4nm
Tableau IV-2 – Tableau récapitulatif des épaisseurs mesurées au MEB et des tailles de grain et
rugosités RMS calculées à l’aide des observations AFM, pour les différents échantillons d’Al(Cu).
L’acquisition des diamètres moyens des grains pour les différents films d’Al(Cu) permet de
tracer les cartes de déformation de Frost et Ashby [FROST 1982], respectivement pour chaque
film. Ces cartes sont établies à partir de données valables pour de l’Aluminium pur et à l’aide du
logiciel « maps », développé par Charlotte Caudrelier du SIMaP, et sont données en Annexe – E.
Les spectres du rayonnement de rayons X sont étudiés pour les différents échantillons à
l’aide d’une analyse dispersive en énergie, appelée EDS ou EDX (pour Energy Dispersive X-ray
Spectrometry en anglais). Cette analyse est à la fois qualitative et quantitative (étalonnage avec
un échantillon de Cu pur). Le capteur est ici directement intégré à un MEB (ZEISS Ultra Plus). Les
spectres alors obtenus pour les trois échantillons sont identiques (cf. Figure IV-4) et la teneur en
Cuivre dans le film mince d’Al(Cu) est évaluée à environ 0,55% en masse, soit 0,23% en atome. Ce
résultat est cohérent avec la composition de la cible d’Al(Cu) utilisée pour réaliser les dépôts.
128
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
6000
de coups 5000
4000
Raie Kα1 de l’Aluminium
NombreNC
3000
2000
Raie Lα1,2 du Cuivre
1000
0
0 2 4 6 8 10
Energie (keV)
Figure IV-4 – Spectre en énergie E i (k V) X obtenu par EDS.
du rayonnement
L’étude de la microstructure des échantillons d’Al(Cu) est réalisée avec la technique EBSD
(« Electron BackScatter Diffraction » en anglais pour diffraction d’électrons rétrodiffusés). Les
mesures sont faites directement avec un capteur intégré à un MEB (ZEISS Ultra 55). Les résultats
obtenus sont identiques pour les 3 échantillons et sont donnés ici au travers de figures de pôles
pour les différentes familles de plans (cf. Figure IV-5). Cependant, le taux d’indexation des zones
observées n’est ici que de 40%. Ce faible taux est dû à la rugosité du film d’Al(Cu) et à la présence
d’un oxyde natif, alors que l’épaisseur de matière sondée par le faisceau électronique n’est que
d’environ 20nm. Toutefois, les projections stéréographiques obtenues sont caractéristiques d’un
matériau cubique et d’une texture de fibre {111} normale à la surface de l’échantillon.
Figure IV-5 – Figures de pôles obtenues par EBSD d’un film mince d’Al(Cu) épais de 650nm.
Selon la formule de Stoney (cf. Equation II-26), donnée dans le chapitre II (cf. § II.1.3.3), il
est possible d’évaluer à partir des valeurs de rayons de courbure, le niveau de contrainte
résiduelle (somme des contraintes intrinsèques et des contraintes thermiques) dans un film
déposé sur un substrat. Notons que dans le cas d’une structure multicouche, la formule II-26 de
Stoney reste valable [CHERAULT 2006]. Les rayons de courbure de l’empilement sont donc
mesurés selon deux diamètres, avant et après dépôt à température ambiante. Pour cela,
l’équipement FLEXUS 2320 de KLA-Tencor est utilisé et permet de déterminer la courbure d’une
plaque en balayant celle-ci à l’aide d’un faisceau laser (longueur d’onde de 750nm). Ainsi, en
129
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
prenant les épaisseurs des films minces d’Al(Cu) données Tableau IV-2 et les caractéristiques et
propriétés pour le substrat de Silicium répertoriées dans le Tableau IV-3, le niveau de contrainte
résiduelle est évalué pour chaque type d’échantillon d’Al(Cu). Le module biaxial E (1 − ν ) du
substrat de Silicium est calculé à partir des valeurs de constantes élastiques données par [LEVY
2001] et de la relation II-28. Les trois dépôts sont en tension et les valeurs calculées sont données
Tableau IV-4.
Etant donné que les épaisseurs des films d’Al(Cu) sont semblables, la température de dépôt
est le seul paramètre pouvant influencer significativement les valeurs de contraintes résiduelles.
Dans un premier temps, on peut imaginer que plus la température de dépôt est élevée, et plus le
niveau de contrainte résiduelle de traction à température ambiante est grand, du fait de
l’importante déformation thermo-élastique lors du refroidissement de l’empilement (différence
des coefficients de dilatation entre le film et le substrat).
Contrainte résiduelle
Echantillon A – Petite taille de grain (200°C) 355,1MPa
Echantillon B – Moyenne taille de grain (450°C) 212,7MPa
Echantillon C – Grande taille de grain (450°C) 197,4MPa
Tableau IV-4 – Tableau récapitulatif des valeurs de contraintes résiduelles calculées pour les
différentes couches minces d’Al(Cu).
Trou
2µm
Figure IV-6 – Observation au MEB de la surface de l’échantillon d’Al(Cu) avec la petite taille de
grain (Echantillon A).
Etonnamment, les dépôts réalisés à 450°C (Echantillons B et C) sont moins contraints, que
le dépôt obtenu à 200°C (Echantillon A). Cette observation peut s’expliquer par le fait que le
niveau des contraintes résiduelles à température ambiante est contrôlé par la microstructure du
film mince. Autrement dit, la taille de grain du film polycristallin contrôle la relaxation du film par
des mécanismes de plasticité intragranulaire (limite élastique inversement proportionnelle au
diamètre moyen des grains). Des travaux similaires ont été réalisés sur des couches minces
AlSi(wt-1%)Cu(wt-0,5%) par [BOSTROM 2001], aboutissant aux mêmes conclusions. D’autre part,
la formation, à température ambiante, de trous intergranulaires dans le film mince d’Al(Cu)
réalisé à 200°C, a été observée plusieurs mois après le dépôt (cf. Figure IV-6). Ainsi, une
130
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
hypothèse d’une relaxation des contraintes résiduelles par la formation de trous aux joints de
grains est émise. La formation de tels trous a déjà été observée à température ambiante pour des
alliages similaires [WITVROUW 1999].
Les essais d’indentations pour les caractérisations élastiques et plastiques des matériaux
sont réalisés à l’aide de la tête XP du nanoindenteur présenté § III.1.1.1. Les mesures sont faites
avec un indenteur en diamant de type Berkovich (cf. Figure III-5), avec l’option CSM (mesure en
continu de la raideur de contact), ce qui permet d’accéder à l’évolution du module d’Young en
fonction de la profondeur d’indentation (ou profondeur de pénétration). Les paramètres utilisés
par défaut pour le mode CSM sont une amplitude d’oscillation de 2nm et une fréquence
d’oscillation de 45Hz. Les valeurs de forces, déplacements et raideurs de contact obtenues, sont
acquises à une fréquence de 10Hz et sont ensuite corrigées de l’influence du mode CSM (cf. §
III.1.1.1).
Les essais d’indentations ne se font que si la dérive thermique mesurée est inférieure à
0,05nm/s. Une fois cette condition remplie, l’indenteur se positionne alors à l’endroit où l’essai
d’indentation a été programmé. L’indenteur s’approche à une vitesse de 10nm/s à partir d’une
distance d’environ 1µm, afin de détecter correctement la surface. Le critère de détection de
surface est défini par une élévation de la raideur de contact de 200N/m. Une fois la surface de
l’échantillon détectée, l’essai d’indentation peut être réalisé. Le protocole expérimental
d’indentation complet est donnée Figure IV-7. Il se divise en quatre principales étapes :
- Etape n°1 : Charge
La charge se fait à une vitesse de déformation constante de 0,05/s, afin de s’affranchir
du fluage du matériau caractérisé [LUCAS 1997]. L’essai d’indentation est ici piloté en force et
la charge maximale Fmax est donnée en programmant le déplacement maximal à ne pas
dépasser.
- Etape n°2 : Première décharge
L’étape de décharge se fait à une vitesse égale au produit de la force maximale Fmax
par la vitesse de déformation appliquée lors de l’étape de charge. La décharge s’arrête pour
une force Fd égale à 10% de la force maximale Fmax .
- Etape n°3 : Mesure de la dérive thermique
Cette étape permet de mesurer la dérive thermique (théoriquement inférieure à
0,05nm/s) et ainsi de corriger les courbes expérimentales force-profondeur de pénétration a
posteriori. Cette étape dure 100s et se fait à force constante égale à Fd .
- Etape n°4 : Deuxième décharge
Enfin, une dernière étape de décharge rapide permet de retirer complètement
l’indenteur de l’échantillon.
En suivant ce protocole, la fonction d’aire de l’indenteur Berkovich est d’abord calibrée sur
une profondeur de 2µm, à l’aide d’une série de 30 essais sur un échantillon massif de Silice
fondue (cf. Figure IV-8). Les coefficients de l’équation III-8 sont alors déterminés à partir des
équations III-7 et III-23, en fixant les valeurs du module d’Young réduit et de la dureté de la Silice
fondue. Le module d’Young réduit de la Silice fondue est d’environ 72,5GPa et sa dureté est
131
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Fmax
Fd
Temps
Phase 100s
ht 1s
d’approche
Figure IV-7 – Protocole expérimentale pour l’essai d’indentation.
90 18
75 15
Module d'Young réduit (GPa)
60 12
Dureté (GPa)
45 9
30 6
15 3
0 0
0 500 1000 1500 2000
Profondeur de pénétration (nm)
Figure IV-8 – Evolution du module d’Young et de la dureté de la Silice fondue en fonction de la
profondeur de pénétration, avec la tête XP et un indenteur Berkovich.
Il est important de noter que cette méthode pour calibrer l’aire de contact ne prend pas en
compte les effets de densification de la Silice fondue. Cela peut être une source d’erreur lors de
l’extraction des propriétés mécaniques des matériaux à partir d’essais d’indentation
[KERMOUCHE 2008] et [GADELRAB 2012].
132
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Une série de 30 essais d’indentation par échantillon est effectuée, afin d’extraire une
évolution moyenne des grandeurs expérimentales (force, déplacement et raideur de contact),
ainsi que les écarts-types en chaque point de mesure. Les 50 premiers nanomètres d’indentation
ne sont pas exploités pour l’extraction de propriétés mécaniques, étant donné que la fonction
d’aire n’est pas correctement calibrée, à cause du défaut de pointe de l’indenteur et des effets de
surface (rugosité, présence d’un oxyde natif ou d’une couche de contamination…).
Une série d’indentations est réalisée avec un indenteur Berkovich sur l’empilement
Al(Cu)/SiO2/Si, selon le protocole présenté dans le paragraphe précédent. Le module d’Young
réduit équivalent est ensuite calculé en fonction de la profondeur d’indentation à l’aide des
équations présentées en § III.1.2.1., pour un substrat semi-infini. Les résultats obtenus pour les 3
échantillons A, B et C, sont donnés Figure IV-9. Le module d’Young réduit calculé n’est pas
constant avec la profondeur de pénétration dans les 3 cas. Aussi, il est impossible d’extraire
directement de ces résultats bruts une valeur de module d’Young pour le film mince d’Al(Cu).
L’augmentation du module d’Young réduit est attribuée à l’influence des propriétés élastiques du
substrat de Si et de l’oxyde thermique. Ainsi, afin d’extraire le module d’Young des films d’Al(Cu)
correctement, le modèle multicouche élastique décrit dans le chapitre III (cf. § III.1.2.2) est utilisé
avec le protocole itératif de caractérisation mécanique de chaque couche de l’empilement
[MERCIER 2010]. La correction sur l’épaisseur des différents films minces est appliquée afin de
prendre en compte le volume de matériau plastifié (cf. § III.1.2.2).
Le substrat de Silicium est donc caractérisé en premier sur une profondeur totale de 2µm,
en suivant le protocole expérimental donné au § IV.1.2.1. La profondeur de contact est ici calculée
à l’aide de la relation d’Oliver et Pharr (cf. Equation III-5), étant donné qu’aucun bourrelet n’est
observé autour des indents réalisés dans le Silicium. Le module d’Young réduit est ensuite calculé
à l’aide des équations présentées dans le § III.1.2.1, pour un substrat semi-infini. Son évolution en
fonction de la profondeur d’indentation est donnée Figure IV-10. Un module d’Young réduit
moyen de (183 ± 3)GPa est calculé à partir de ces résultats expérimentaux. En prenant un
coefficient de Poisson de 0,28 [BRANTLEY 1973], un module d’Young de (169 ± 3)GPa est obtenu,
en accord avec la valeur de 172GPa donnée par [FISCHER-CRIPPS_2 2004].
Dans un second temps, la couche d’oxyde thermique est elle aussi caractérisée avec le
même protocole expérimental que pour le Silicium, mais sur une profondeur totale de 500nm. La
profondeur de contact est ici aussi calculée à l’aide de la relation d’Oliver et Pharr (cf. Equation
III-5), étant donné qu’aucun bourrelet n’est observé autour des indents réalisés dans l’oxyde
thermique. Puis, le module d’Young réduit équivalent est calculé à l’aide des équations données
dans le § III.1.2.1, pour un substrat semi-infini. A partir de ce module d’Young réduit équivalent, le
module d’Young réduit du film est extrait à l’aide du modèle élastique de Bec et al. [BEC 2006], en
utilisant la valeur du module d’Young du Si déterminé précédemment. Leurs évolutions
respectives sont tracées en fonction de la profondeur d’indentation Figure IV-11. Un module
d’Young réduit moyen de 69GPa pour le film d’oxyde thermique est calculé à partir de ces
résultats expérimentaux. En prenant un coefficient de Poisson de 0,17 [BADIH 1994], un module
d’Young de 67GPa est obtenu, en accord avec les valeurs de 66 et 69GPa données respectivement
par [BADIH 1994] et [PETERSEN 1978] s.
s
Valeur expérimentale obtenue par la mesure de la fréquence de résonance de poutres de différentes
longueurs en Silicium recouvertes d’un oxyde thermique « sec » de Silicium.
133
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
120
90
Module d'Young réduit (GPa)
60
P02 Eéq
'
- Al(Cu) (650nm) sur Si/SiO2 - Echantillon A
P05 Eéq
'
- Al(Cu) (650nm) sur Si/SiO2 - Echantillon B
30
P08 Eéq
'
- Al(Cu) (650nm) sur Si/SiO2 - Echantillon C
0
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al(Cu)
Figure IV-9 – Evolution des modules d’Young réduits équivalents dans le cas de l’empilement
Al(Cu)/SiO2/Si pour les 3 échantillons A, B et C en fonction de la profondeur de pénétration sur
l’épaisseur du film Al(Cu).
250
200
Module d'Young réduit (GPa)
150
E ' - Substrat de Si
100
50
0
0 500 1000 1500 2000
Profondeur de pénétration (nm)
Figure IV-10 – Evolution du module d’Young réduit du substrat de Silicium en fonction de la
profondeur de pénétration.
134
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Enfin, les films d’Al(Cu) sont caractérisés en suivant le même protocole expérimental que
celui utilisé pour le substrat de Si et le film d’oxyde thermique, mais sur une profondeur
d’indentation de 650nm. La profondeur de contact est ici aussi calculée à l’aide de la relation de
Loubet (cf. Equation III-6) et en prenant un coefficient α de 1,2 [BUCAILLE 2003], étant donné que
des bourrelets sont observés autour des indents réalisés dans l’Al(Cu) (cf. Figure IV-12). A partir
du module d’Young réduit équivalent, calculé à l’aide des équations données § III.1.2.1, pour un
substrat semi-infini, le module d’Young réduit du film d’Al(Cu) est extrait à l’aide du modèle
élastique multicouche [MERCIER 2010]. L’équation III-22 est alors utilisée en injectant les
épaisseurs et modules d’Young réduits mesurés pour chaque couche. Le résultat est donné (cf.
Figure IV-13).
200
Eéq
'
- SiO2 (500nm) sur Si
150
50
0
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
nm
50 Bourrelets
40
30
20
Indent 10
0
0 2 4 6 µm
Figure IV-12 – Observation à l’AFM d’un indent réalisé avec un indenteur Berkovich profond de
100nm dans le film d’Al(Cu) de moyenne taille de grain.
135
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
120
90
Module d'Young réduit (GPa)
60
P02
E éq − Echantillon A – [LOUBET 1993] + [OLIVER 1992]
'
Série2
E éq − Echantillon B – [LOUBET 1993] + [OLIVER 1992]
'
30 E
P08
éq − Echantillon C – [LOUBET 1993] + [OLIVER 1992]
'
E
P05 − Echantillon B – [MERCIER 2010]
f , 0after
'
E '
P08 − Echantillon C – [MERCIER 2010]
f , 0after
0
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al(Cu)
90
Module d'Young (GPa)
60
30
0
0,0 100,0 200,0 300,0 400,0 500,0
Les valeurs moyennes des modules d’Young E f , 0 sont calculées entre 0,1 et 0,5 ht t , pour
chaque film d’Al(Cu), à partir de ces résultats expérimentaux, en prenant un coefficient de Poisson
pour l’Al(Cu) de 0,342 [ZHAO_2 2000]. Les valeurs obtenues sont résumées dans le Tableau IV-5 et
sont relativement proches des valeurs trouvées dans la littérature [READ 2002] et [ZHAO_2 2000].
136
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Notons que ces valeurs de modules d’Young pour l’Al(Cu) sont plus faibles que le module d’Young
de 64GPa calculé pour un échantillon massif d’Aluminium pur monocristallin (cf. Figure IV-14), à
partir d’essais d’indentation réalisés selon le protocole donné § IV.1.2.1. Toutefois, ces valeurs
sont dans la gamme de modules d’Young de 50 à 70GPa donnée par [LIM 1999], pour des films
minces d’Aluminium pur polycristallins (avec une taille de grain d’environ 0,2µm), d’épaisseurs
variant de 1 à 5µm, et déposés sur un substrat de saphir.
Après avoir déterminé les modules d’Young des différentes couches d’Al(Cu), l’étude
suivante porte sur la caractérisation de la plasticité de ces films, avec la mesure de la dureté par
indentation instrumentée.
Module d’Young
Module Module d’Young du film ( E f ,0 ) du matériau Coefficient de
d’Young
[BEC 2006] ou [MERCIER 2010] ( Emat ) de la Poisson
(E)
littérature
Silicium 169GPa - (170-180)GPa1 0,222-0,281
Oxyde
- 67GPa 66GPa3-69GPa4 0,173
thermique
Echantillon A
« petite » - 53GPa
taille de grain
Echantillon B
« moyenne » - 52GPa 40GPa5-59GPa6 0,3425
taille de grain
Echantillon C
« grande » - 52GPa
taille de grain
Tableau IV-5 – Tableau récapitulatif des valeurs des propriétés élastiques pour les différentes
couches minces d’Al(Cu) et les couches sous-jacentes.
1
[FISCHER-CRIPPS_2 2004]
2
[LEVY 2001]
3
[BADIH 1994]
4
[PETERSEN 1978]
5
[READ 2002] t
6
[ZHAO_2 2000]
La caractérisation des propriétés plastiques des films d’Al(Cu) est effectuée à l’aide
d’essais d’indentation réalisés avec un indenteur Berkovich (en utilisant le même protocole que
celui décrit dans le précédent paragraphe), sur l’empilement Al(Cu)/SiO2/Si. La dureté est d’abord
calculée en fonction de la profondeur d’indentation à l’aide de l’équation III-23 [OLIVER 1992],
valable uniquement pour un substrat semi-infini. Le résultat alors obtenu pour l’échantillon B avec
la moyenne taille de grain, est donné Figure IV-15. La dureté n’étant pas constante avec
l’enfoncement, il n’est pas possible d’extraire correctement une valeur de dureté pour le film
mince d’Al(Cu). De la même manière que pour les propriétés élastiques, l’augmentation de la
dureté est attribuée à l’influence des propriétés plastiques du substrat de Silicium et de l’oxyde
thermique. Notons que l’élévation brutale de la dureté se produit à partir d’une profondeur de
t
Les valeurs sont obtenues à partir d’essais de traction réalisés dans un MEB. Le type et les conditions de
dépôt ne sont toutefois pas précisés.
137
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
pénétration voisine de 20% de l’épaisseur du film d’Al(Cu). Ainsi, de la même manière que pour le
module d’Young, il est possible d’appliquer un modèle multicouche mais cette fois-ci plastique, en
ayant déterminé au préalable les duretés respectives du substrat de Silicium et de l’oxyde
thermique, afin d’extraire la dureté des films d’Al(Cu).
1
0,8
0,6
Dureté (GPa)
0,4
0
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al(Cu)
Figure IV-15 – Evolution de la dureté des films d’Al(Cu) en fonction de la profondeur de
pénétration sur l’épaisseur du film.
Les duretés du substrat de Silicium et de l’oxyde thermique sont alors calculées à l’aide de
l’équation III-23 [OLIVER 1992], à partir des résultats des essais d’indentations réalisés avec un
indenteur Berkovich présentés dans le paragraphe précédent. Une dureté moyenne de 11,7GPa
est calculée pour le substrat de Si sur une profondeur d’indentation de 300nm (cf. Figure IV-16).
Cette valeur expérimentale est en accord avec les valeurs de 10 à 12GPa de la littérature
[FISCHER-CRIPPS_2 2004]. Concernant l’oxyde thermique, une dureté moyenne de 10,3GPa est
calculée sur une profondeur d’indentation de 300nm (cf. Figure IV-16). Cette valeur
expérimentale est en accord avec les valeurs de 8 à 10GPa trouvées dans la littérature [HELVACI
2005] et [LI 2009]. Notons qu’il est possible d’utiliser l’équation III-23 pour la couche d’oxyde
thermique, compte tenu de la faible influence du substrat de Silicium et étant donné que les
valeurs de dureté respectives sont relativement proches.
Une fois les duretés du substrat de Silicium et de l’oxyde thermique calculées, une
méthode inspirée des travaux de [JOSLIN 1990] et [HAN 2006] est appliquée aux résultats
expérimentaux. Joslin et Oliver proposent de fusionner l’équation III-23 de la dureté avec
l’équation III-7 du module d’Young, ce qui permet de s’affranchir du calcul de l’aire de contact.
Ainsi, il est possible d’extraire une valeur de dureté, si l’on connaît le module d’Young du matériau
que l’on caractérise par indentation. Cependant, la méthode de Joslin et Oliver n’est valable que
pour des matériaux massifs ou des empilements de matériaux ayant des propriétés élastiques
similaires. C’est pourquoi, Han et al. ont développé une extension du modèle de Joslin et Oliver,
pour un système film mince/substrat, avec des propriétés élastiques différentes. Le modèle de
Han et al. a été validé avec des empilements Al/Si, Al/saphir, W/Si et W/saphir. Les modules
138
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
d’Young des couches minces ont été calculés à partir du modèle élastique film-substrat de Saha et
Nix [SAHA 2002], puis injectés dans le calcul de la dureté pour chaque film mince.
14
12
10
Substrat de Silicium
Dureté (GPa)
8
Oxyde thermique (500nm)
0
0 50 100 150 200 250 300
Profondeur de pénétration (nm)
Figure IV-16 – Evolution de la dureté du substrat de Silicium et de l’oxyde thermique en fonction
de la profondeur de pénétration.
Or dans notre cas, nous avons un empilement de 2 couches minces (Al(Cu) et SiO2) sur un
substrat de Si. Nous proposons donc d’utiliser le module d’Young réduit E f , 0 des films d’Al(Cu)
'
calculés à partir du modèle élastique multicouche de [MERCIER 2010], afin d’extraire les duretés
H f des films d’Al(Cu). Cette solution fait donc appel aux méthodes de [HAN 2006] et [MERCIER
2010] et s’exprime à l’aide du jeu d’équations suivant :
4 Fc '
Hf = β2
π S2
(
E H −M )2
IV-1
−1
1 1
E H' − M = ' + ' IV-2
E f , 0 Eind
avec EH' −M le module d’Young réduit prenant en compte les contributions élastiques de
l’indenteur et du film mince. La dureté H f en fonction de la profondeur de pénétration est alors
calculée pour chaque film d’Al(Cu), à l’aide des équations IV-1 et IV-2, en utilisant l’évolution du
module d’Young réduit E f , 0 obtenue au § IV.1.2.2, et est donnée Figure IV-17. La dureté est
'
relativement constante pour des enfoncements compris entre 10 et 50% de l’épaisseur des films
d’Al(Cu), ce qui permet d’extraire des valeurs de duretés moyennes pour les films d’Al(Cu),
reportées dans le Tableau IV-6.
139
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
1
H - Echantillon A - [OLIVER 1992]
P08
0,4
0,2
Application du modèle plastique
[HAN 2006] + [MERCIER 2010]
0
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al(Cu)
Figure IV-17 – Evolution des duretés équivalentes de chaque film d’Al(Cu) avec le modèle de
[OLIVER 1992], puis avec la combinaison des modèles de [HAN 2006] et [MERCIER 2010], en
fonction de la profondeur de pénétration sur l’épaisseur du film.
Les valeurs comprises entre 0,19 (tailles de grain de 4,5 et 5,8µm) et 0,25GPa (taille de grain
de 1,2µm) sont en accord avec les valeurs de 0,17-0,2GPa trouvées dans la littérature pour des
u
Les valeurs de dureté obtenues par [READ 2002], sont calculées en multipliant par 3 des valeurs
expérimentales de limites élastiques obtenues à partir d’essais de traction réalisés dans un MEB (relation de
Tabor - cf. § II.2.2). Le type et les conditions de dépôt ne sont toutefois pas précisés.
140
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
films d’Al(Cu) de composition identique, avec une taille de grain 2,75µm [READ 2002]. La dureté
des films d’Al(Cu) ayant été déterminée, la prochaine section se consacre à l’influence des
contraintes résiduelles lors d’un essai d’indentation, puis cette première partie se termine avec
une étude de l’écrouissage des films d’Al(Cu).
Il est important de souligner que la présence de contraintes résiduelles dans un film mince
impacte l’extraction du module d’Young et de la dureté en indentation [TSUI 1996], [BOLSHAKOV
1996], [LEE 2003], [LEE 2004], et [HUBER 2008] (cf. Annexe – F). Or, les méthodes existantes pour
s’affranchir de ces contraintes résiduelles requièrent le plus souvent un échantillon référence
ayant la même microstructure, mais en l’absence totale de contraintes résiduelles.
Malheureusement, cela n’est pas applicable dans notre cas, et l’effet des contraintes résiduelles
ne peut pas être corrigé. Il est seulement possible de supposer que les valeurs de forces mesurées
et les aires de contact calculées, lors des essais d’indentations réalisés sur les films d’Al(Cu), sont
sous-estimées, d’après les résultats trouvés dans la littérature. Cela aurait alors pour conséquence
une sous-évaluation des valeurs de modules d’Young et de duretés trouvées pour les films
d’Al(Cu).
L’objectif de cette partie est de valider une loi d’écrouissage simple, utilisant les propriétés
mécaniques issues des essais d’indentations réalisés avec l’indenteur Berkovich (cf. § IV.1.2), afin
de décrire le comportement élastoplastique macroscopique du film mince d’Al(Cu). Pour cela, une
méthode inverse d’analyse de courbes force-profondeur de pénétration obtenues lors d’essais
d’indentation sur le film d’Al(Cu) est développée, faisant appel à des simulations par calculs en
éléments finis.
Parmi les premiers auteurs à avoir développé des méthodes inverses d’analyse, Dao et al.
ont développé une méthode qui, à partir d’une courbe force-profondeur de pénétration obtenue
avec un indenteur conique ou pyramidal, permet d’identifier la limite d’élasticité et le coefficient
d’écrouissage d’un matériau suivant une loi d’écrouissage de type Hollomon [DAO 2001]. A l’aide
de modélisations par la méthode des éléments finis, Dao et al. définissent des fonctions
adimensionnelles reliant la courbure de la courbe de charge d’indentation, au module d’Young et
à la contrainte dans le matériau pour une déformation donnée. Cette déformation, appelée
déformation représentative, est fonction de la géométrie de l’indenteur. Ainsi, à chaque
géométrie d’indenteur est associée une déformation représentative, encore appelé déformation
d’indentation, pour laquelle les fonctions de Dao et al. sont indépendantes de l’exposant
d’écrouissage (cf. § II.2.2). Un point sur la courbe contrainte-déformation est alors déterminé et
connaissant le module d’Young et la forme de la loi d’écrouissage, il est possible d’identifier une
loi de comportement du matériau. Cependant, il n’y a pas unicité de la solution, car en un seul
point passe une infinité de courbes. Ainsi, plusieurs couples de valeurs pour la limite d’élasticité et
le coefficient d’écrouissage peuvent être solutions. De nombreux auteurs ont alors proposé une
solution à ce problème, comme par exemple [CHOLLACOOP 2003] ou [BUCAILLE 2003], lesquels
préconisent d’utiliser deux indenteurs coniques d’angles différents, afin d’avoir deux points sur la
courbe contrainte-déformation.
141
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
d’écrouissage par un test d’indentation sphérique, en utilisant une méthode inverse. Toutefois,
selon [COLLIN 2007], l’affirmation de [CHENG 2004] concernant l’unicité en indentation sphérique
n’est valable que pour la loi d’écrouissage de type Hollomon, car pour des lois de comportement
avec un plus grand nombre de paramètres (i.e. Ludwick, Voce…), il n’y a pas unicité de la solution
avec l’utilisation d’un unique indenteur sphérique. En effet, pour la loi d’écrouissage de type
Hollomon, seulement deux paramètres indépendants sont à ajuster, à savoir le coefficient
d’écrouissage et la limite d’élasticité, ce qui est en accord avec les conclusions données par
[CHENG 2004], à l’aide du PI-théorème.
Contrainte (σ )
Module d’Young (E f ,0 )
Limite d’élasticité
représentative (σR ) Comportement plastique
n
Loi d’Hollomon -σ = K1ε pl1
Limite d’élasticité (σe )
Comportement élastique
Loi de Hooke -σ = E f ,0 .ε él
Déformation Déformation (ε )
représentative (εR )
ε él ε pl = ε tot − ε él
Figure IV-18 – Schématisation de la courbe contrainte-déformation utilisée pour modéliser le
comportement élastoplastique du film d’Al(Cu).
Ainsi, la méthode utilisée dans la suite de ce travail est basée sur l’inversion de la courbe
force-profondeur de pénétration obtenue en indentation sphérique, avec la loi d’écrouissage
isotrope de type Hollomon pour la description du comportement élastoplastique du film mince
d’Al(Cu) (cf. Figure IV-18). La loi de type Hollomon est détaillée dans le chapitre II (cf. § II.1.2.3 –
Equation II-7) [HOLLOMON 1945]. Par ailleurs, un point de la courbe contrainte-déformation
σ = f (ε ) est déterminé à partir de la mesure de la dureté du film d’Al(Cu), lors des essais
d’indentations Berkovich (cf. Figure IV-18). En effet, à partir de la relation de Tabor, il est possible
d’évaluer une limite d’élasticité représentative σ R égale environ au tiers v de la dureté H f de
l’Al(Cu) (cf. Tableau IV-6). Cette limite d’élasticité représentative correspond à une déformation
représentative ε R d’environ 0,07 dans le cas de l’indentation Berkovich, en prenant un angle
équivalent de 70,32°, dans l’équation II-60.
v
Plus exactement, la dureté est égale à 2,8 fois la limite d’élasticité représentative en indentation conique
selon [JOHNSON 1987].
142
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
En s’inspirant des travaux de [ANTUNES 2007], un algorithme d’analyse inverse est élaboré
pour déterminer le coefficient d’écrouissage et la limite d’élasticité de l’Al(Cu). Le processus des
différentes étapes est schématisé Figure IV-19. A partir de la courbe moyenne force-profondeur
( )
de pénétration Fc,exp = hexp obtenue expérimentalement lors des essais d’indentation
sphérique, et des valeurs de module d’Young du film d’Al(Cu) et des couches sous-jacentes, des
simulations par la méthode des éléments finis sont réalisées. La simulation est conduite en faisant
varier les paramètres de la loi d’écrouissage d’Hollomon, jusqu’à ce qu’une courbe force-
profondeur de pénétration Fc,sim = (hsim ) obtenue à l’aide des simulations corresponde à la courbe
expérimentale. La méthode des moindres carrés est utilisée, afin de minimiser l’écart entre les
courbes expérimentales et numériques.
Le coefficient d’écrouissage w, compris entre 0 et 1, est fixé dans un premier temps à 0,5
puis évolue selon la méthode de dichotomie. Le coefficient K 1 est ensuite exprimé en fonction de
n
la limite d’élasticité σ e et du module d’Young E f 1,0 de l’Al(Cu) pour obtenir la continuité avec la
relation de Hooke (cf. Equation IV-3). Puis en remplaçant la contrainte σ et la déformation ε dans
la relation d’Hollomon, respectivement par les valeurs de contrainte et de déformation
représentatives ( σ R et ε R ) obtenues en indentation Berkovich, il est possible de déterminer une
limite d’élasticité σ e du matériau (cf. Equation IV-4), fonction du coefficient d’écrouissage fixé
auparavant.
Une série d’essais d’indentation est réalisée avec la tête XP et avec un indenteur cono-
sphérique de rayon 0,45µm et de demi-angle au sommet 60° (cf. Figure III-5-a), sur les trois
différents échantillons d’Al(Cu) (cf. Figure IV-1). 64 essais d’indentation sont effectués avec un
chargement monotone (sans le mode CSM), jusqu’à une profondeur de pénétration maximale de
400nm (soit 60% de l’épaisseur du film d’Al(Cu)) et à une vitesse de déformation constante de
0,05/s. Les résultats de ces essais permettent d’obtenir une courbe force-profondeur de
pénétration moyenne.
Les simulations en éléments finis sont réalisées à partir du logiciel commercial ABAQUS,
avec l’interface ABAQUS/CAE et le solveur Standard & Explicit. Du fait de la géométrie du
problème, le calcul numérique est réalisé en mode axisymétrique (cf. Figure IV-20). L’indenteur
est modélisé comme un solide rigide indéformable. L’empilement est ensuite modélisé en
respectant les épaisseurs de chaque film mince, mais la présence d’un oxyde natif et la rugosité à
la surface du film d’Al(Cu) sont négligées. L’épaisseur du substrat de Silicium et la largeur de
l’empilement sont fixées à vingt-cinq fois le rayon de contact plastique maximal a p ,max évalué
géométriquement (cf. Equation IV-5), afin d’éviter les effets de bords, soit environ une longueur
de 11,5µm. Le calcul du rayon de contact plastique est donné selon la profondeur de contact hc , à
l’aide de la relation géométrique suivante :
w
En pratique, le coefficient d’écrouissage de la plupart des métaux est compris entre 0,05 et 0,5.
143
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Méthode de dichotomie
0 ≤ n1 ≤ 1
n1
( ( ))
1
σ e = σ R E nf1,0 .ε Rn1 1− n1
σe
Simulation numérique
(hsim ; Fc,sim )
NON
(hexp ; Fc,exp ) = (hsim ; Fc,sim )
σe ≤ σR
OUI
Couple
solution
(σ e ; n1 ) (K1; n1 )
Figure IV-19 – Algorithme d’analyse inverse utilisé lors des simulations numériques pour
déterminer les paramètres K 1 et n1 de la loi d’écrouissage isotrope d’Hollomon.
Concernant les conditions limites sur le champ de déplacement, l’empilement est bloqué
selon la direction radiale x au niveau de l’axe de rotation de l’indenteur et selon les directions
radiale x et verticale z au niveau du substrat de Silicium. Le contact entre l’indenteur et le film
d’Al(Cu) est défini à partir d’une relation de pression de contact-interférence de type « dure ».
Dans ce cas précis, aucune pénétration entre les surfaces n’est autorisée et ces dernières ne
transmettent aucune pression de contact, à moins que les nœuds de la surface esclave ne soient
en contact avec les nœuds de la surface maître. Le contact entre l’indenteur et le film d’Al(Cu) est
défini à partir d’une relation de pression de contact-interférence de type « dure », autrement dit
les surfaces ne transmettent aucune pression de contact à moins que les nœuds de la surface
esclave ne soient en contact avec les nœuds de la surface maître et qu’aucune pénétration entre
les surfaces ne soit autorisée. La surface de l’indenteur joue le rôle de la surface maître et celle du
film d’Al(Cu) le rôle de la surface esclave. De plus, le contact est considéré comme étant sans
friction (cf. § II.2.4). L’interface entre le film d’Al(Cu) et l’oxyde thermique est considérée comme
parfaite (pas de délamination autorisée). Le maillage utilisé pour réaliser cette simulation
numérique est donné Figure IV-21. Les éléments sont des triangles de type CAX6M composés de 6
144
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
nœuds avec une interpolation quadratique. Les éléments ont une dimension (coté du triangle)
moyenne de 60nm dans la zone de contact.
Indenteur
cono-sphérique rigide
Al(Cu)
z
SiO2
Si
x
Figure IV-20 – Schématisation de la modélisation par simulation en éléments finis de l’essai
d’indentation sphérique sur l’empilement Al(Cu)/SiO2/Si.
Indenteur cono-sphérique
Al(Cu)
SiO2
Si
11,5µm
Al(Cu)
z SiO2
x
11,5µm
Figure IV-21 – Maillage utilisé pour la modélisation de l’essai d’indentation avec l’empilement
Al(Cu)/SiO2/Si.
Les propriétés mécaniques des matériaux utilisés pour les simulations sont issus des essais
d’indentation Berkovich décrits dans le § IV.1.2 (cf. Tableau IV-5 pour les propriétés élastiques et
Tableau IV-6 pour les propriétés plastiques). Le substrat de Silicium et la couche d’oxyde
thermique sont supposés être isotropes et se déformant uniquement dans le régime élastique.
Les films d’Al(Cu) sont également supposés isotropes étant donné un coefficient d’anisotropie
élastique faible pour l’Aluminium de 1,22 (cf. § II.1.1.3) et l’écrouissage est décrit selon une loi de
type Hollomon (cf. Figure IV-18). Les paramètres de la loi d’écrouissage K1 et n1 sont déterminés
à l’aide des relations IV-3 et IV-4, à partir des valeurs de limite élastique représentative et de
déformation représentative, elles-mêmes obtenues à partir des valeurs de duretés données
Tableau IV-6. Les grandeurs extraites du fichier résultat sont le déplacement hsim du point de
référence de l’indenteur (cf. Figure IV-20) et la force de réaction Fc,sim sur la surface du film
d’Al(Cu). Ces valeurs de force-déplacement sont ensuite confrontées aux valeurs expérimentales
selon l’algorithme d’analyse inverse décrit précédemment, et lorsque l’écart est minimisé, les
145
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
valeurs K1 et n1 sont conservées et données comme jeu de solution pour décrire l’écrouissage des
films d’Al(Cu).
0,8
0,6
0,4
0,2
0
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d(Al(Cu)
Figure IV-22 – Comparaison des courbes force-déplacement obtenues expérimentalement en
indentation sphérique et numériquement sur l’empilement Al(Cu)/SiO2/Si.
Enfin, des valeurs de limite d’élasticité de 46MPa et 62MPa sont évaluées respectivement
pour les échantillons à grande taille de grain (Echantillon B et C) et petite taille de grain
(Echantillon A), ce qui coïncide avec les valeurs de limite d’élasticité comprises entre 58 et 65MPa
mesurées lors d’essais de traction par [READ 2002] sur des échantillons d’Al(Cu) avec une taille de
grain de 2,75µm. Les valeurs de limite élastique pour les films d’Al(Cu) sont ensuite tracées
respectivement en fonction de l’inverse de la racine carrée des tailles de grain (cf. Figure IV-23). Il
est possible de réaliser une régression linéaire à l’aide de la relation de Hall-Petch (cf. Equation
II-14). Cette relation linéaire permet de prédire la limite élastique d’un échantillon d’Al(Cu) en
fonction de sa taille de grain, ainsi que de déterminer la limite élastique théorique du monocristal.
Dans notre cas, une constante de Hall-Petch ( K HP ) de 1,06nm-1/2 et une limite d’élasticité de
31MPa pour le monocristal d’Al(Cu) sont évaluées à partir de la régression linéaire.
146
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
des duretés, fonction de la taille de grain, comprises entre 0,19 et 0,25GPa ont été extraites des
résultats d’essais d’indentation Berkovich à l’aide de différents modèles analytiques. Enfin, le
comportement plastique de ces films d’Al(Cu) modélisé à l’aide d’une loi d’écrouissage de type
Hollomon, est validé au travers de simulations numériques. La prochaine étape de ce chapitre sur
la caractérisation mécanique des matériaux de contact est la caractérisation du microinsert de
Nickel.
0,08
1,06
σy e= 1,0642x
= ++0,0311
0,03
d
0,06
Limite d'élasticité (GPa)
0,04
0,02
Echantillons A, B et C d'Al(Cu)
Régression linéaire
Linear (Echantillons A, B-et
Hall - Petch (II.14)
C d'Al(Cu))
0
0,000 0,005 0,010 0,015 0,020 0,025 0,030 0,035
(Taille de grain) (µm)
-0,5 -0,5
Figure IV-23 – Limites d’élasticité en fonction de l’inverse de la racine carrée des tailles de grain
des films d’Al(Cu). La régression linéaire correspond à la relation de Hall-Petch ajustée aux
valeurs expérimentales obtenues.
σe K1 n1
Echantillon A d’Al(Cu) – « Petite » taille de grain 62MPa 0,11GPa 0,09
Echantillon B d’Al(Cu) – « Moyenne » taille de grain 46MPa 0,09GPa 0,09
Echantillon C d’Al(Cu) – « Grande » taille de grain 46MPa 0,09GPa 0,09
Tableau IV-7 – Tableau récapitulatif des valeurs des paramètres d’écrouissage obtenues lors des
simulations numériques pour les trois échantillons d’Al(Cu).
L’échantillon est constitué d’un empilement de couches minces avec la présence d’un
microinsert de Nickel en surface, le tout déposé sur un substrat de Silicium oxydé (cf. Figure IV-24-
a). Le substrat de Silicium, épais de 725µm, est oxydé thermiquement durant 1h05min à une
147
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
température de 1050°C par voie sèche, ce qui permet d’obtenir un oxyde (SiO2) épais de 500nm.
L’empilement est composé d’une première couche mince d’Al(Si wt-1%), épaisse de 1µm,
déposée par PVD, pour les connexions électriques réalisées après le procédé de report de puces.
L’empilement se poursuit avec des couches minces de Titane et de Cuivre. Le film mince de Cuivre
de 250nm sert de couche d’accroche au microinsert de Nickel. Or, les atomes de Cuivre pouvant
diffuser dans les autres couches et compromettre l’intégrité des circuits électroniques, des
couches appelées barrières de diffusion en Titane sont déposées de part et d’autre de cette
couche. Des étapes de photolithographie (dépôt d’une résine photosensible, masquage et
insolation, puis gravure de la résine insolée) sont ensuite effectuées permettant de créer des
ouvertures cylindriques dans la résine déposée, sur l’empilement décrit au préalable. Enfin, le
microinsert en Nickel est obtenu par ECD (avec une densité de courant de 1,8A/dm2), après une
gravure à l’acide fluorhydrique de la fine couche de Titane, pour avoir accès à la couche
d’accroche de Cuivre. Une dernière étape de retrait de la résine par dissolution permet de révéler
le microinsert. Celui-ci présente une hauteur proche de 8 à 10µm et a un diamètre d’environ
12µm (cf. Figure IV-24-b). Ces dimensions moyennes sont récapitulées dans le Tableau IV-8.
Ø 12µm
hinsert= 8 -10µm
Insert de Ni
Ti – 0,05µm
Cu – 0,25µm
Ti – 0,03µm
Al(Si) – 1µm
SiO2 – 0,5µm
Si – 725µm 5µm
a) b)
Figure IV-24 – a) Schématisation et b) observation MEB d’un échantillon avec un microinsert de
Nickel.
Le diamètre et la hauteur des microinserts de Nickel sont mesurés à l’aide d’un microscope
interférentiel (WYKO-RST) (cf. Figure IV-25), systématiquement avant chaque essai d’insertion
mécanique et électrique (cf. chapitre V). Le diamètre est contrôlé une deuxième fois au MEB,
étant donné la mauvaise résolution latérale du microscope interférentiel (de l’ordre de 400nm
soit 5% du diamètre du microinsert).
148
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
a) b)
Figure IV-25 – Exemples d’observations au microscope interférentiel d’un microinsert : a) vue de
côté en « 3D » et b) profil « 2D » du microinsert.
IV.2.2 Caractérisation de la rugosité de surface
Dans cette partie, la microscopie AFM est utilisée pour décrire la morphologie de surface du
microinsert de Nickel. Une mesure de la topographie de surface de 3x3µm est effectuée, à l’aide
d’un microscope AFM (Veeco), en mode « tapping » (cf. Figure IV-26).
a) b)
Figure IV-26 – Observations à l’AFM de la surface d’un plot en Nickel de diamètre 12µm : a) vue
du dessus et b) vue inclinée.
149
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Ce résultat correspond à un écart type sur la hauteur des sommets de 15nm, à un rayon de
courbure le plus probable de 140nm, un rayon de courbure médian de 200nm, un rayon de
courbure moyen de 260nm et un écart type sur les rayons de courbure de 170nm. On remarque
de plus que seulement quatre aspérités ont un rayon de courbure inférieur à 60nm. De plus, la
corrélation entre hauteur du sommet des aspérités et rayon de courbure semble inexistante
comme le montre la Figure IV-28.
Notons que cet état de surface très rugueux nous prive de mesures EBSD pour ce type
d’échantillon. Après avoir caractérisé le microinsert morphologiquement, les propriétés
mécaniques du microinsert de Nickel sont étudiées.
a) b)
Figure IV-27 – Répartition du nombre d’aspérités en fonction : a) des hauteurs des sommets et
b) des rayons de courbure.
Figure IV-28 – Graphique représentant la distribution des rayons de courbure en fonction des
hauteurs des sommets de chaque aspérité.
150
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
pour le microinsert (cf. § IV.2.1), sur un substrat de Silicium oxydé, identique à celui présenté pour
les échantillons d’Al(Cu) (cf. § IV.1.1.1). Une couche d’accroche de Titane épaisse de 30nm est
toutefois nécessaire pour la réalisation du dépôt par ECD. L’empilement final alors obtenu est
présenté Figure IV-29.
Ni – 5,0µm
Ti – 0,03µm
SiO2 – 0,5µm
Si – 725µm
2µm
a) b)
Figure IV-29 – a) Schématisation et b) observation MEB de la surface d’un échantillon avec un
dépôt ECD de Nickel épais de 5µm.
Une série d’indentations est réalisée avec un indenteur Berkovich sur l’empilement Ni-Ti-
SiO2-Si, selon le protocole présenté dans le paragraphe IV.1.2.1. Le module d’Young réduit
équivalent est ensuite calculé en fonction de la profondeur d’indentation à l’aide des équations
présentées dans le § III.1.2.1, pour un substrat semi-infini. Notons que la profondeur de contact
est ici calculée à l’aide de la relation d’Oliver et Pharr (cf. Equation III-5). Le résultat obtenu pour
l’échantillon de Nickel est donné Figure IV-30. Le module d’Young réduit calculé n’est pas
constant avec la profondeur de pénétration. C’est pourquoi, il est impossible d’extraire
directement de ces résultats bruts une valeur de module d’Young pour le film mince de Nickel.
Une valeur moyenne de module d’Young E f , 0 est alors calculée entre 0,06 et 0,2 ht t ,
pour le film de Nickel, à l’aide du modèle de [MERCIER 2010], en prenant un coefficient de
Poisson pour le Nickel de 0,302 [LEVY 2001]. Une valeur de 216GPa est obtenue, laquelle est
relativement proche de la valeur de 211GPa trouvée dans la littérature [FISCHER-CRIPPS_2 2004].
L’ensemble des résultats est résumé dans le Tableau IV-9. Pour des enfoncements inférieurs à
0,06% de l’épaisseur du film de Nickel, soit 300nm, la rugosité est relativement importante (cf. §
IV.2.2), ce qui tend à diminuer l’aire de contact et ainsi augmenter les valeurs calculées de module
d’Young.
151
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
300
Application du modèle multicouche
élastique de [MERCIER 2010]
250
Module d'Young réduit (GPa)
200
150
Eéq
'
− Ni (5µm) sur Ti/SiO2/Si
E 'f − Ni (5µm) sur Ti/SiO2/Si
100
50
0
0,00 0,05 0,10 0,15 0,20
La dureté n’est constante avec l’enfoncement que pour des profondeurs supérieures à
0,06% de l’épaisseur du film de Nickel, soit 300nm. Cela est dû à une rugosité relativement
importante aux faibles enfoncements, laquelle implique alors une diminution de l’aire de contact
et une augmentation des valeurs calculées de dureté. Au-delà de 300nm d’enfoncement, une
dureté moyenne du matériau de 3GPa est calculée. Il est possible de trouver dans la littérature
une évolution similaire de la dureté en fonction de l’enfoncement (cf. Figure IV-32), avec par
exemple les travaux de [DELOBELLE 2008]. L’auteur attribue l’élévation de la dureté des films de
Nickel ECD aux faibles enfoncements (jusqu’à 250nm), à des effets d’échelle (indent size effect en
anglais ou ISE). L’auteur met également en avant, la dépendance de la dureté du film de Nickel
ECD à la densité de courant J appliquée lors du dépôt (cf. Figure IV-32-b), laquelle contrôle la
taille de grain du film de Nickel. Or, dans notre cas, le dépôt a été réalisé avec une densité de
courant de 1,8A/dm2.
La dureté moyenne de l’empilement sous le microinsert est caractérisée à l’aide d’une série
d’essais d’indentation, réalisée avec un indenteur Berkovich, selon le protocole présenté dans le
paragraphe IV.1.2.1. La profondeur de contact est calculée à l’aide de la relation d’Oliver et Pharr
(cf. Equation III-5). La dureté est alors calculée en fonction de la profondeur d’indentation à l’aide
de l’équation III-23 [OLIVER 1992]. Le résultat obtenu pour l’échantillon de Nickel est donné
Figure IV-30 et une valeur moyenne d’environ 1GPa est calculé pour des enfoncements inférieurs
à 1µm. L’ensemble des propriétés plastiques calculées pour le film de Nickel ECD et pour
l’empilement de films minces métalliques sous-jacent au microinsert est résumée dans le Tableau
IV-9.
152
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
6
H − Ni (5µm) sur Ti/SiO2/Si
5
4
Dureté (GPa)
0
0,00 0,05 0,10 0,15 0,20
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film de Nickel
Figure IV-31 – Extraction de la dureté du film de Nickel en fonction de la profondeur de
pénétration sur l’épaisseur du film mince.
153
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
1,2
1,0
0,8
Dureté (GPa)
0,6
0,4
0,2
Cu(0,25µm) / Al(Si)(1µm) / SiO2(0,5µm) / Si
0,0
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0
Enfoncement / Epaisseur du film de Cu
Figure IV-33 – Evolution de la dureté moyenne de l’empilement de couches minces sous le
microinsert, en fonction de l’enfoncement.
154
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Afin d’étudier l’oxyde natif d’Aluminium, une couche mince d’Aluminium est déposée par
PVD sur un substrat de Silicium oxydé identique à celui présenté pour les échantillons d’Al(Cu) (cf.
§ IV.1.1.1). La couche mince d’Aluminium est obtenue par voie physique à partir d’une cible
d’Aluminium pur et a une épaisseur moyenne de 540nm. Cette couche polycristalline a une taille
de grain moyenne de 410nm et une rugosité RMS de 2,7nm, avec une contrainte résiduelle de
52MPa (dépôt en tension), calculée à partir de la formule de Stoney (cf. Equation II-26). Par
ailleurs, nous savons que l’Aluminium, une fois sorti du bâti de dépôt, s’oxyde immédiatement à
l’air, à pression et température ambiante. Un oxyde natif amorphe, épais de quelques
nanomètres, se forme spontanément et passive l’Aluminium [LAWLESS 1973]. De nombreux
auteurs ont étudié la cinétique de croissance de l’oxyde natif à température ambiante, mais le
plus souvent pour des faibles pressions d’oxygène, afin de ralentir les mécanismes d’oxydation.
Par exemple, Krueger et Pollack ont mis en évidence la formation rapide d’une première couche
d’oxyde natif par chimisorption avec une vitesse de l’ordre de 105nm/min, pour une pression de
5.10-6Torr (soit 6,7.10-4Pa) x, à température ambiante et sous atmosphère sèche [KRUEGER 1972].
Ils montrent également une chute brutale de la vitesse d’adsorption des atomes d’oxygène une
fois la première monocouche formée.
x 5
Rappelons que la pression ambiante est d’environ 1.10 Pa.
155
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
dans l’oxyde natif avec l’apparition des paliers sur la courbe force-profondeur de pénétration,
puis d’extraire une contrainte à la rupture de cet oxyde natif.
[ 34,3 nm ] 46,4 nm [ nm ]
6,00
40,0
[ µm ]
Al – 0,5µm 20,0
Si – 725µm
0
0 [ µm ] 6,00
a) b)
Figure IV-34 – a) Schématisation d’un échantillon avec un dépôt d’Aluminium pur par PVD, avec
son oxyde natif et b) observation AFM de la surface de cet échantillon.
Grain d’Aluminium
5nm 5nm
a) b)
Figure IV-35 –a) Observation MET de l’oxyde natif d’Aluminium avec b) la carte chimique de
l’oxygène obtenue par « EF-MET ». Les zones blanches dans la carte chimique correspondent à
une forte concentration d’oxygène.
156
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
0,04
0,035 Empreinte
0,03
Force appliquée (mN)
0,025
0,02
0,015
0,01
0,005
0
a) 0,0 10,0 20,0 30,0 b) 200nm
Profondeur de pénétration (nm)
Figure IV-36 – a) Courbe force-profondeur de pénétration obtenue pour un échantillon
d’Aluminium avec de l’Alumine native, par nanoindentation avec un indenteur sphérique de
rayon 0,45µm et b) l’observation MEB (électrons secondaires) de l’indent résiduel.
Des dépôts d’Alumine, épais de 10, 20, 30 et 40nm, sont réalisés par ALD à une
température de 85°C, à partir du précurseur de triméthylaluminium (Al(CH3)3 ou TMA) et d’eau
comme second réactif [MAINDRON 2012], sur différents échantillons Al2O3(natif)-Al-SiO2-Si,
identiques à ceux présentés dans la partie précédente (cf. Figure IV-34). L’empilement final
obtenu est schématisé Figure IV-37. L’épaisseur et la nature amorphe du dépôt d’Alumine ALD de
40nm, sont vérifiées respectivement au travers d’une observation réalisée par microscopie
électronique en transmission (cf. Figure IV-38) et d’une analyse par diffraction des rayons X en
incidence rasante (Grazing Incidence X-Ray Diffraction en anglais ou GIXRD) (cf. Figure IV-38).
Notons que les pics observés sur le diffractogramme GIXRD de la couche mince d’Alumine ALD de
40nm, correspondent uniquement aux pics de diffraction de l’Aluminium cristallin sous-jacent. De
plus, Quade et al. ont montré qu’il faut un traitement thermique avec des températures
supérieures à 500°C, pour transformer un oxyde d’Aluminium amorphe en Alumine cristalline (cf.
Figure IV-40) [QUADE 2000]. Ainsi, le caractère amorphe de l’oxyde natif d’Aluminium et de
l’Alumine ALD, est dû à leurs températures de formation (respectivement à température
ambiante et 85°C).
Al – 0,5µm
SiO2 – 0,5µm
Si – 725µm
157
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
20nm
Oxyde natif
d’Aluminium
Al2O3 ALD
Grain d’Aluminium
Figure IV-38 –Observation MET de l’Alumine ALD, épaisse de 40nm, déposée sur le substrat
d’Aluminium avec oxyde natif.
2500
Intensité (unité arbitraire)
2000
Al (111)
1500
Al (200)
1000
500
0
20 30 40 50 60
Angle 2θ (°)
Figure IV-39 – Diffractogramme GIXRD (angle d’incidence de 1°) de la couche mince d’Alumine
ALD, épaisse de 40nm, déposée sur le substrat d’Aluminium avec oxyde natif.
Figure IV-40 – Diffractogramme GIXRD (angle d’incidence de 1°) obtenu pour une couche mince
d’Aluminium épaisse d’environ 40nm avant et après traitement thermique [QUADE 2000]. Le
traitement thermique modifie l’oxyde amorphe de surface en alpha-Al2O3 cristallin, pour des
températures supérieures à 500°C.
158
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Après ces premières caractérisations morphologiques, un essai de rayage est effectué sur
l’empilement avec le dépôt d’Alumine ALD de 40nm. L’essai de rayage est largement utilisé afin
de caractériser par exemple l’adhérence de films minces de passivation ou de protection (e.g. TiN,
TiC, Al2O3 ou les matériaux DLC y…), plutôt rigides et durs, déposés sur des substrats métalliques
élastoplastiques [HOLMBERG 2006]. L’objectif de cet essai est de qualifier l’adhérence du film
mince d’Alumine ALD et sur le film d’Aluminium recouvert de son oxyde natif. Pour cela, l’essai de
rayage est réalisé à l’aide d’un indenteur Berkovich en diamant, sur une distance de 700µm avec
une force normale maximale de 40mN et à une vitesse de 10µm/s. L’indenteur Berkovich est
orienté de manière à ce que l’une de ses faces pénètre perpendiculairement dans l’échantillon (cf.
Figure IV-41). Le profil complet de la force appliquée en fonction du déplacement horizontal est
donnée Figure IV-42.
Sens de l’essai
de rayage
Vue de dessus
Force normale
appliquée Fn
F0 Ψ
Vue de coté
Force tangentielle mesurée Ft
Figure IV-41 – Schématisation de l’essai de rayage avec un indenteur Berkovich.
50
40
Force normale appliquée (mN)
30
20
10
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Déplacement horizontal (µm)
Figure IV-42 – Profil de la courbe force normale-déplacement horizontal appliqué lors de l’essai
de rayage.
y
DLC pour Diamond-Like Carbon : Matériaux carbonés amorphes, qui présentent quelques-unes des
propriétés typiques du diamant.
159
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
40
30
Force normale mesurée (mN)
20
3
2
10
0
0 200 400 600 800 1000
Profondeur résiduelle de la rayure (nm)
Figure IV-43 – Profil de la courbe force normale-profondeur de pénétration obtenue lors de
l’essai de rayage sur la couche mince d’Alumine ALD, épaisse de 40nm.
1600
Pré-Profil
Post-Profil
1200
Profondeur de la rayure (nm)
800
400
1
0
2
-400
3
-800
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Déplacement horizontal (µm)
Figure IV-44 – Profils de surface avant et après essai de rayage le long de la rayure.
160
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
a)
1 2 3
100µm
b)
1 c)
2 d)
SiO2 3
Rupture de l’Alumine
Les différents mécanismes de fissuration et de décollement d’un revêtement dur lors d’un
essai de rayage avec un indenteur sphérique, ont été décrits par [HOLMBERG 2006] (cf. Figure
IV-46). Bien que l’essai de rayage ait été réalisé dans notre cas avec un indenteur Berkovich, des
fissures angulaires et transverses décrites par Holmberg et al. sont également observées dans
l’Alumine ALD, pour des déplacements horizontaux compris entre 100µm (début du chargement)
et 270µm (soit une force de 14mN et une profondeur de 400nm). A 270µm de déplacement
horizontal, le film mince d’Alumine ALD cède brutalement et l’indenteur s’enfonce alors de
150nm, puis la rayure se poursuit dans le film d’Aluminium, et ensuite dans l’oxyde thermique
(SiO2).
1) 2)
a)
c) f)
d) et e)
1µm
Ces premiers résultats expérimentaux ont permis de mettre en évidence la forte adhérence
de l’Alumine ALD sur de l’Aluminium avec oxyde natif. Malgré des déformations plastiques
sévères du film d’Aluminium sous-jacent durant l’essai de rayage, le film mince d’Alumine ALD
adhère au film d’Aluminium pour des forces allant jusqu’à 14mN (soit un enfoncement de
400nm). De plus, selon Evans et al., les couples Al2O3/métal (avec le Molybdène comme
exception) présentent généralement une bonne adhérence, avec des valeurs de ténacité
161
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
d’interface pour le couple Al2O3/Al mesurées autour de 100J/m² [EVANS 1999]. Toujours selon
Evans et al., une interface est faible lorsque la ténacité d’interface est comprise entre de 2 et
20J/m².
Les valeurs de Module d’Young mesurées pour le film d’Aluminium augmentent avec la
profondeur d’enfoncement. Cela est dû au fait que le film d’Aluminium soit déposé sur un
système multicouche (Substrat de Silicium oxydé). Il est donc indispensable d’utiliser le modèle
analytique d’extraction du Module d’Young élaboré pour des empilements de couches minces sur
substrat, présenté dans le § IV.1.2.2. Le modèle de [MERCIER 2010] est alors utilisé dans le calcul
du module d’Young du film mince d’Aluminium et une valeur de 53GPa est obtenue (cf. Figure
IV-47), en accord avec la littérature [LIM 1999].
.
150
Eéq' - Al (500nm) sur Si/SiO2
E 'f , 0 - Al (500nm) sur Si/SiO2
120
Module d'Young réduit (GPa)
90
60
0
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
La dureté de l’Aluminium est calculée à partir de la méthode couplant les modèles de [HAN
2006] et [MERCIER 2010] (cf. § IV.1.2.3) pour des enfoncements compris entre 10 et 50% de
l’épaisseur du film et vaut en moyenne 0,25GPa. Une valeur de dureté de 0,95GPa est trouvée
dans la littérature [DOERNER 1986_2], pour un film d’Al pur épais de 220nm, avec une taille de
grain de 300nm, et déposé sur un substrat de Silicium. La différence entre la dureté calculée dans
162
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
notre étude et celle calculée de la littérature, peut provenir de la différence de taille de grain et
du fait que les modèles de calcul de la profondeur de contact utilisés soient différents (modèle de
Loubet et al. vs modèle d’Oliver et Pharr). Notons que si l’on recalcule la dureté du film mince
d’Aluminium avec le modèle d’Oliver et Pharr, une valeur de 0,59GPa est déterminée, mais sans la
prise en compte de la formation de bourrelets autour de l’indent. L’ensemble des résultats des
caractérisations mécaniques réalisées sur le film d’Aluminium PVD sont résumés dans le Tableau
IV-10
1
H - Al (500nm) sur Si/SiO2
0,9
H f - Al (500nm) sur Si/SiO2
0,8
0,7
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al (PVD)
Figure IV-48 – Extraction de la dureté du film d’Aluminium PVD (500nm) en fonction de la
profondeur de pénétration.
Les propriétés mécaniques de l’Alumine ALD sont ensuite étudiées dans cette partie au
travers d’essais d’indentations. Etant donné les faibles épaisseurs des films minces d’Alumine ALD
(10 à 40nm), les essais sont réalisés à l’aide de la tête DCM du nanoindenteur présenté § III.1.1.1
et d’un indenteur de type Berkovich, avec l’option CSM (mesure en continu de la raideur de
163
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
contact). Les paramètres utilisés par défaut pour le mode CSM sont une amplitude d’oscillation de
1nm et une fréquence d’oscillation de 75Hz. Les valeurs de forces, de déplacements et de raideurs
de contact obtenues, sont acquises à une fréquence de 10Hz et sont ensuite corrigées de
l’influence du mode CSM (cf. § III.1.1.1) [PHARR 2009], puis sont moyennées sur 64 essais, afin de
lisser les phénomènes de « pop-in » (cf. Figure IV-50). Concernant le protocole de mesure, il est
identique à celui présenté au § IV.1.2.1, à la seule différence que le critère de détection de surface
est défini par une élévation de la raideur de contact de 0 à 125N/m. Puis, la fonction d’aire est
calibrée à partir d’essais d’indentation réalisés sur de la Silice fondue, pour des enfoncements
compris entre 25 et 100nm (cf. Figure IV-49).
80 18
Module d'Young réduit (GPa)
15
60
12
Dureté (GPa)
40 9
6
20
3
0 0
0 25 50 75 100
Profondeur de pénétration (nm)
Figure IV-49 – Evolution du module d’Young et de la dureté de la Silice fondue en fonction de la
profondeur de pénétration, avec la tête DCM et un indenteur Berkovich.
Le module d’Young réduit équivalent est dans un premier temps calculé en fonction de la
profondeur d’indentation à l’aide des équations présentées en III.1.2.1., pour un substrat semi-
infini (cf. Figure IV-51). Le module d’Young réduit calculé est compris entre 60 et 80GPa et n’est
pas constant avec la profondeur de pénétration. Cette gamme de valeurs de module d’Young
n’est pas en accord avec les valeurs trouvées habituellement pour de l’Alumine ALD amorphe
dans la littérature, comprises alors entre 100 et 272GPa, fonction du procédé de dépôt
(température et temps de dépôt, gaz et molécules précurseurs, etc.) [TRIPP 2006]. Cette
différence est attribuée d’une part à l’influence des couches sous-jacentes étant donné la faible
épaisseur d’Alumine ALD et d’autre part au rapport E 'f E s' élevé compris entre 1,8 à 4,8, en
prenant les valeurs de module d’Young réduit de l’Alumine amorphe données par [TRIPP 2006] et
la valeur trouvée expérimentalement pour l’Aluminium (cf. Tableau IV-10).
Afin d’extraire un module d’Young pour le film d’Alumine ALD à partir de ces résultats
expérimentaux, le modèle bicouche élastique de [HAY 2011] est utilisé, car les modèles de [BEC
2006] et [MERCIER 2009] sont moins fiables pour des rapports E 'f E s' élevés. Le modèle de Hay
et al. décrit en Annexe – G, est capable de prédire un module d’Young équivalent sur un large
domaine ( 0,1 < E 'f E s' < 10 ), en utilisant une analyse par la méthode des éléments finis. Le
module d’Young de l’Alumine amorphe est alors calculé à partir de ce modèle, utilisé pour
l’empilement Alumine amorphe sur film mince d’Aluminium. Le calcul de la profondeur de contact
est réalisé avec la relation d’Oliver et Pharr (cf. Equation III-5). Le résultat final obtenu à partir des
résultats expérimentaux pour l’Alumine ALD de 40nm est donné Figure IV-51. Les variations du
module d’Young observées sont attribuées à la présence d’une rugosité de surface et à la
164
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
fissuration de l’Alumine. Un module d’Young moyen de (133 ± 11)GPa est calculé pour des
enfoncements de 60 et 100% de l’épaisseur du film d’Alumine ALD, ce qui est en accord avec les
valeurs de la littérature (cf. Tableau IV-11). Toutefois, selon Hay et al., leur modèle est plus précis
pour des rapports de profondeur de pénétration sur épaisseur de film mince inférieurs à 25%, si le
modèle d’Oliver et Pharr est utilisé pour déterminer l’aire de contact. Enfin, en utilisant les valeurs
de module d’Young obtenues et le modèle de dureté de [HAN 2006] (cf. IV.1.2.3) une dureté
moyenne de (8,1 ± 1,9)GPa est calculée pour l’Alumine ALD amorphe de 40nm (cf. Figure IV-52 et
Tableau IV-11).
0,20
Courbe moyenne sur 30 essais
0,18
1 seul essai
0,16
Force appliquée (mN)
0,14
0,12
0,10
0,08
0,06
0,04
0,02
0,00
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al2O3
Figure IV-50 – Evolution de la force appliquée en fonction de la profondeur de pénétration sur
l’épaisseur du film d’Alumine ALD, avec la tête DCM et un indenteur Berkovich.
200
160
Module d'Young réduit (GPa)
120
Application du
modèle élastique
de [HAY 2011]
80
E ' - Al
Modèle
f ,0 O (40nm)
de [HAY
2 3
2011] sur Al/SiO
2 /Si
0
0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al2O3
Figure IV-51 – Extraction du module d’Young réduit du film d’Alumine ALD (40nm) en fonction
de la profondeur de pénétration à l’aide du modèle de [HAY 2011].
165
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
14
H - Al
Série2
2 O3 (40nm) sur Al/SiO2 /Si
12
H f - Al2O3 (40nm) sur Al/SiO2 /Si
Série3
Dureté (GPa) 10
6 Application du modèle
plastique [HAN 2006] +
[HAY 2011]
4
0
0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al2O3
Figure IV-52 – Extraction de la dureté du film d’Alumine ALD (40nm) en fonction de la
profondeur de pénétration.
Al2O3 ALD
Epaisseur du film 40nm
Module d’Young moyen du film ( E f ) [HAY 2011] (133 ± 11)GPa
Module d’Young du matériau ( Emat ) dans la littérature (125 ± 6)GPa1 / (153 ± 3)GPa2
Coefficient de Poisson 0,243
Dureté moyenne du film mince ( H f )
(8,1 ± 1,9)GPa
[HAN 2006] avec [HAY 2011]
Dureté moyenne du matériau ( H ) dans la littérature (4,9 ± 0,1)GPa1 / 8GPa2
Tableau IV-11 – Tableau récapitulatif des valeurs des propriétés élastiques et plastiques pour la
couche mince d’Alumine ALD (40nm).
1 z
[BULL 2012]
2
[HERRMANN 2005] aa
3
[TRIPP 2006]
Afin d’estimer un module d’Young et une dureté pour l’Alumine native, les valeurs issues
des résultats précédents pour l’Alumine ALD de 40nm sont reportées respectivement Figure IV-53
pour le module d’Young et Figure IV-54 pour la dureté avec les valeurs de la littérature en
fonction de la température de dépôt. Une dépendance linéaire de ces propriétés en fonction de la
température de dépôt est observée avec des films de SiC amorphes, pour des températures
comprises entre 25 et 600°C [EL KHAKANI 1997]. Cette évolution linéaire a été reliée à une
z
Le film mince d’Alumine ALD (TMA + H2O) caractérisé par [BULL 2012] a une épaisseur de 150nm et a été
déposé à une température de 80°C. Les valeurs de module d’Young et de dureté sont issues d’essais
d’indentation réalisés à l’aide d’un indenteur Berkovich.
aa
Le film mince d’Alumine ALD (TMA + H2O) caractérisé par [HERRMANN 2005] a une épaisseur de 100nm
et a été déposé à une température de 100°C. Les valeurs de module d’Young et de dureté sont issues
d’essais d’indentation réalisés à l’aide d’un indenteur Berkovich.
166
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
densification des liaisons Si-C, car au-delà de 600°C, les films de SiC deviennent cristallins. Notons
que dans le cas de l’Alumine ALD, il a été montré que la densité évolue linéairement avec la
température de dépôt jusqu’à 200°C [GRONER 2004] (cf. Figure IV-55), et que de plus l’Alumine
reste amorphe pour des températures de dépôt ou de recuit inférieures à 500°C [QUADE 2000].
240
y = 0,4489x + 100,78
R² = 0,8278 [BULL 2012]
200
Valeur [TRIPP 2006]
obtenue [TRIPP 2006]
Module d'Young (GPa)
160
[HERRMANN
[BULL 2012] 2005]
120
80
E = 0,5.T + 100,3
40
R ² = 0,8
0
0 50 100 150 200 250
Température de dépôt (°C)
Figure IV-53 – Evolution du module d’Young (mesuré par nanoindentation Berkovich) de
l’Alumine ALD en fonction de la température de dépôt.
14
12 [TRIPP 2006]
y = 0,0344x + 3,7175
R² = 0,3817
10 [HERRMANN
Valeur
obtenue 2005] [TRIPP 2006]
Dureté (GPa)
6 [BULL 2012]
[BULL 2012]
4
H = 0,04.T + 3,49
2
R ² = 0,41
0
0 50 100 150 200 250
Température de dépôt (°C)
Figure IV-54 – Evolution de la dureté (mesurée par nanoindentation Berkovich) de l’Alumine
ALD en fonction de la température de dépôt.
167
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Une première étude est réalisée avec la tête XP et un indenteur sphérique en diamant de
rayon 5µm, sur l’empilement décrit Figure IV-37 avec de l’Alumine ALD de 40nm. Une série de 64
essais d’indentation avec un chargement monotone (sans le mode CSM) est réalisée jusqu’à une
profondeur de pénétration maximale de 100nm soit 2,5 fois l’épaisseur du film d’Alumine ALD et
à une vitesse de déformation constante de 0,05/s. Une des courbes force-profondeur de
pénétration obtenues est donnée Figure IV-56, avec l’observation MEB de l’indent résiduel.
168
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
pénétration et la formation de fissures dans l’Alumine ALD, une deuxième série d’essais
d’indentation est alors réalisée selon le même protocole mais jusqu’à une profondeur de
pénétration maximale de 10nm soit 0,25 fois l’épaisseur du film d’Alumine ALD. La courbe force-
profondeur de pénétration obtenue est donnée Figure IV-57, avec l’observation MEB de l’indent
résiduel. Aucun palier n’est alors observé sur la courbe force-profondeur de pénétration et une
profondeur résiduelle de 7nm est enregistrée, ce qui confirme une déformation élastoplastique
de l’Aluminium sous-jacent. Par ailleurs, une empreinte plastique d’un diamètre compris entre
330 et 380nm est observée au MEB. Cette empreinte plus claire en électrons rétrodiffusés nous
indique une densification probable de l’Alumine ALD ou de l’Aluminium sous-jacent. Notons
également qu’aucune fissure n’est observée au niveau de l’indent résiduel.
0,8
a) b)
0,7
0,6 « pop-in »
Force appliquée (mN)
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0 1µm
0,0 1,0 2,0 3,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film
d'Alumine ALD
Figure IV-56 – a) Courbe force-profondeur de pénétration avec « pop-in », obtenue pour de
l’Alumine ALD épaisse de 40nm, par indentation sphérique (rayon 5µm) et b) l’observation MEB
de l’indent résiduel (électrons rétrodiffusés) avec des fissures dans l’Alumine.
a) 0,1 b) Empreinte
Série2 Essai
Essai avec avec
“pop-in”
0,09
Série3
Essai sans “pop-in”
0,08
Force appliquée (mN)
0,07
0,06
0,05 330-380nm
300nm
0,04
c) Empreinte
0,03
0,02
0,01
0
0,0 0,1 0,2 0,3 330-380nm
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film
d'Alumine ALD 300nm
Figure IV-57 – a) Courbe force-profondeur de pénétration avant « pop-in », obtenue pour de
l’Alumine ALD (40nm) sur substrat d’Aluminium, par nanoindentation sphérique (rayon 5µm) et
les observations MEB de l’empreinte résiduelle en b) électrons rétrodiffusés et c) secondaires.
169
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
D’après ces premiers résultats expérimentaux et en se basant sur les différentes analyses
faites à partir de l’observation de « pop-in » détaillées dans le chapitre III à la section 1.1.3.,
l’hypothèse que le « pop-in » est lié à la fracture de l’Alumine ALD est émise. Selon l’analyse faite
par [GERBERICH 1996] ou [KRAMER 2001], des dislocations sont nucléées dans l’Aluminium au
cours de la charge, et s’empilent à l’interface oxyde-métal pour former des bourrelets, ce qui
revient à supposer que l’Aluminium sous-jacent est déformé plastiquement, comme l’expliquent
[BOLSHAKOV 1998] et [BARNOUSH 2010]. Puis, l’oxyde jouant le rôle d’une « protection », cède
brutalement dès que sa limite à la rupture est atteinte, se traduisant par un « pop-in » sur la
courbe force-profondeur de pénétration. Enfin, tout phénomène de délamination est exclu, étant
donné les résultats obtenus lors de l’essai de rayage décrit précédemment dans la section
IV.3.2.1.
Le choix a été fait de caractériser la fissuration de l’Alumine ALD par des essais
d’indentation sphérique (cf. Annexe – H), étant donné la reproductibilité des résultats et la
possibilité de modéliser par la méthode des éléments finis l’essai d’indentation en configuration
axisymétrique. Dans cette partie, l’essai d’indentation sphérique (courbe force-profondeur de
pénétration et observations microscopiques) est analysé en détail afin de proposer un scénario de
fissuration de l’Alumine ALD. Trois séries d’essais sont ainsi conduites selon le protocole décrit en
IV.3.3.1, pour trois profondeurs de pénétration différentes (100, 200 et 300nm) avec l’indenteur
sphérique de rayon 5µm et l’échantillon d’Alumine ALD épaisse de 40nm. Les courbes force-
profondeur de pénétration et les observations MEB des indents résiduels pour chaque profondeur
de pénétration sont résumées Figure IV-58.
Pour la profondeur de pénétration de 100nm, un « pop-in » est présent pour une force de
0,07mN sur la courbe force-profondeur de pénétration, et une première fissure orthoradiale,
autrement dit circulaire, est observée dans l’Alumine ALD. Pour la profondeur de pénétration de
200nm et 300nm, les courbes force-profondeur de pénétration sont similaires avec des « pop-in »
présents respectivement à des forces de 0,15 et 0,16mN. Par ailleurs, les observations MEB des
indents résiduels correspondants aux essais à 200 et 300nm de profondeur, révèlent une fissure
orthoradiale, mais aussi des fissures radiales avec comme point de départ la fissure orthoradiale.
Ces résultats expérimentaux suggèrent que l’apparition du « pop-in » est directement liée
à la formation brutale de la première fissure orthoradiale. Afin de confirmer cette hypothèse, une
deuxième série d’essais d’indentation est réalisée à partir d’un programme détection de « pop-
in », développé sous le logiciel TestWorksTM de pilotage du nanoindenteur. Ce programme est
basé sur le calcul des pentes locales des courbes force-profondeur de pénétration et
déplacement-temps lors de la phase de chargement. Un « pop-in » est détecté lorsque les deux
critères suivants, arbitrairement fixés, sont respectés : une pente locale dF dh de la courbe
force-profondeur de pénétration quasi-nulle (plus exactement inférieure à 1.10-4mN/nm) et une
pente locale dh dt de la courbe déplacement-temps supérieure à 30nm/s (soit des paliers de 3nm
de long au minium avec une fréquence d’acquisition de 10Hz). Une fois le « pop-in » détecté, la
force critique Fcrit à laquelle il s’est déclenché est enregistrée, et la charge maximale appliquée
lors de l’essai d’indentation est recalculée, afin de ne pas dépasser la valeur arbitraire de 1,2 fois
la force critique (cf. Figure IV-59).
170
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
0,6
a) ht=100nm a’)
0,5
Force appliquée (mN)
0,4
0,3
« pop-in »
0,2
Fissure orthoradiale
0,1
0 1µm
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5
2
b) ht=200nm b’)
Fissure orthoradiale
1,6
Force appliquée (mN)
1,2
0,8
« pop-in »
0,4
Fissure radiale
0 1µm
0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0
2,4
1,6
« pop-in »
0,8
Fissure radiale
0 1µm
0,0 2,0 4,0 6,0 8,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film
d'Alumine ALD
Figure IV-58 – Courbes force-profondeur de pénétration et observations MEB (électrons
rétrodiffusés) des indents résiduels, obtenus lors d’essais d’indentation à différentes
profondeurs (respectivement a) et a’) 100nm, b) et b’) 200nm et c) et c’) 300nm), réalisés avec
un indenteur sphérique de rayon 5µm, dans un film mince d’Alumine ALD d’épaisseur 40nm.
171
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Force appliquée
1,2 Fcrit
Plateau ou « Pop-in »
Fcrit
∆F ∆h
∆h
hcrit
Profondeur de pénétration
Figure IV-59 – Schématisation de la courbe force-profondeur de pénétration lors d’un essai
d’indentation sphérique avec présence d’un « pop-in ».
A partir de ce programme, une série d’essais d’indentation est réalisée selon le protocole
décrit en IV.3.3.1 avec un indenteur sphérique de rayon nominal 0,45µm et l’échantillon
d’Alumine ALD de 40nm. Les évolutions des pentes locales des courbes charge-déplacement et
déplacement-temps en fonction du temps pour un seul essai, sont données respectivement Figure
IV-60-a et Figure IV-60-b. Le « pop-in » a été détecté correctement et la courbe force-profondeur
de pénétration résultante de cet essai, avec les observations MEB de l’indent résiduel sont
données Figure IV-61. L’essai d’indentation s’est fait jusqu’à une profondeur de pénétration
maximale de 65nm (profondeur résiduelle de 60nm) et un palier de 38nm de long. De plus, les
observations MEB révèlent une seule fissure orthoradiale d’un diamètre moyen de 410nm.
Notons que la fissure orthoradiale a le même diamètre que la zone plus claire observée en
électrons rétrodiffusés.
10 160
a) b)
Limite de détection : 1.10-4mN/nm
1 140
Limite de détection : 30nm/s
120
dF/dh (mN/nm)
0,1
dh/dt (nm/s)
100
0,01 80
“pop-in”
0,001 60
40
0,0001
“pop-in”
20
0,00001 0
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film Profondeur de pénétration / Epaisseur du film
d'Alumine ALD d'Alumine ALD
Figure IV-60 – Evolutions des pentes locales des courbes a) charge-déplacement et b)
déplacement-temps en fonction de la profondeur de pénétration sur l’épaisseur d’Alumine,
pour un essai d’indentation sphérique (rayon 0,45µm) sur de l’Alumine ALD épaisse de 40nm.
172
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
0,14
a)
0,12
0,1
Force appliquée (mN)
0,08
400nm b)
0,06
0,04
0,02
0
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film 400nm c)
d'Alumine ALD
Figure IV-61 – a) Courbe force-profondeur de pénétration obtenue lors d’un essai d’indentation
sphérique ( R = 0,45µm ) dans un film mince d’Al2O3 ALD épais de 40nm et les observations
MEB de la fissure orthoradiale, b) en électrons secondaires et c) en électrons rétrodiffusés.
a)
Profil
Bourrelet 10nm
Profondeur (µm)
12nm
55nm
Fissure
orthoradiale
b)
Distance (µm)
Figure IV-62 – a) Observation AFM de l’indent présenté Figure IV-61 avec la fissure orthoradiale
et b) profil de la topographie de surface.
173
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
L’empreinte d’indentation résiduelle est ensuite observée à l’aide d’un AFM (Veeco) en
mode « tapping » (cf. Figure IV-62). La profondeur résiduelle mesurée à l’ « AFM » est de 55nm,
ce qui correspond au 60nm de profondeur résiduelle enregistrée à la fin de la décharge par le
nanoindenteur. La mesure AFM met en évidence également la présence d’un bourrelet de 10nm
de haut autour de la fissure orthoradiale. Cependant, la fissure orthoradiale n’est mesurée qu’à
12nm de la surface de l’échantillon, alors que la longueur du « pop-in » enregistrée avec le
nanoindenteur est de 38nm. Cette différence peut provenir du retour élastique et d’un fluage du
film mince d’Aluminium post indentation. De plus, rien ne permet de dire si la fissure se forme dès
le début du « pop-in », et si sa formation est progressive ou uniforme.
Ces résultats ont mis en évidence le lien entre l’apparition du « pop-in » et la formation de
la première fissure orthoradiale dans l’Alumine ALD. De plus, la méthodologie développée pour la
caractérisation du « pop-in » par indentation sphérique permet d’obtenir correctement les
valeurs de forces et de profondeur de pénétration critiques. Néanmoins, une analyse statistique
de la fissuration est requise afin d’obtenir des valeurs critiques moyennes et ainsi de pouvoir
déterminer une limite à la rupture pour l’Alumine amorphe.
basant sur les travaux de [CHECHENIN 1995], le modèle utilisé pour décrire l’évènement de
fissuration est la fonction de répartition de Weibull de défaillance à deux paramètres (cf. §
II.1.3.4). L’équation II-32 est utilisée pour exprimer respectivement les fonctions de répartition de
la force critique et de la profondeur de pénétration critique :
F
mF
Ψ = exp − ln 2 crit IV-6
Fcrit
0
h
mh
Φ = exp − ln 2 crit IV-7
hcrit
0
F h
avec les paramètres m et m sont respectivement les paramètres de forme, encore appelés les
coefficients de Weibull des fonctions de répartition.
Une série d’essais d’indentation est donc réalisée avec la tête XP et les indenteurs
sphériques de rayons moyens 0,45 et 5µm, sur quatre échantillons d’Alumine ALD épais de 10, 20,
30 et 40nm et sur un échantillon avec seulement de l’Alumine native épaisse de 4nm. Le
programme développé pour la détection de « pop-in » est utilisé, et 64 essais avec un chargement
monotone sont alors effectués sur chaque échantillon à une vitesse de déformation de 0,05/s et
avec une fréquence d’acquisition de 10Hz. Puis, les valeurs de force critique Fcrit et de
profondeur de pénétration critique hcrit sont mesurées pour chaque courbe de chargement de
chaque essai et moyennées pour donner les valeurs de force moyenne critique Fcrit et de
0
profondeur de pénétration moyenne critique hcrit . A partir de ces valeurs les fonctions de
0
répartition IV-6 et IV-7 sont tracées pour chaque paramètre et un ajustement par la méthode des
moindres carrés est réalisé afin de déterminer les coefficients de Weibull. L’ensemble des
résultats obtenus est résumé dans le Tableau IV-13.
174
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Des coefficients de Weibull compris entre 1 et 3 sont obtenus pour les deux indenteurs
sphériques mettant en évidence une forte dispersion des valeurs de force critique Fcrit et de
profondeur de pénétration critique hcrit mesurées. Rappelons que dans l’étude de [CHECHENIN
1995], des modules de Weibull de 2 à 4 avaient été obtenus. Cette dispersion des valeurs critiques
peut être attribuée à la topographie de surface (rugosité, variation locale de l’épaisseur de
l’Alumine ALD…), ou encore à la présence des joints de grains dans le film d’Aluminium sous-
jacent pouvant influencer la propagation des dislocations et des fissures.
R = 0,45µm R = 5µm
Rt Fcrit
0
hcrit
0
Rt Fcrit
0
hcrit
0
mF mh mF mh
(mN) (nm) (mN) (nm)
Natif – 4nm 112,5 0,038 1,62 8,89 1,62 1250 - - - -
ALD – 10nm 45 0,038 1,64 9,80 1,54 500 - - - -
ALD – 20nm 22,5 0,037 1,81 10,96 1,21 250 0,089 2,00 11,48 1,88
ALD – 30nm 15 0,038 1,58 9,81 1,53 166,7 0,091 2,02 12,24 1,56
ALD – 40nm 11,25 0,042 2,14 10,82 1,44 125 0,115 2,26 18,78 2,37
Tableau IV-13 – Valeurs moyennes des paramètres critiques de fissuration et des coefficients de
Weibull obtenus à l’aide des relations IV-6 et IV-7, pour les échantillons d’Alumine ALD et
d’Alumine native, avec les deux indenteurs sphériques de rayons 0,45 et 5µm.
En parallèle, les indents résiduels de ces essais d’indentation sont observés au MEB et les
diamètres des premières fissures orthoradiales sont mesurés et moyennés à partir de 6
observations MEB. Les valeurs obtenues sont résumées dans le Tableau IV-14. Par manque de
temps, aucune valeur n’a pu être mesurée pour les films d’Alumine ALD d’épaisseurs 10, 20 et
30nm avec l’indenteur de rayon 0,45µm.
Un dernier paramètre est étudié dans cette analyse statistique de la fracture de l’Alumine
ALD, à savoir l’influence de la vitesse de déformation. Habituellement, les essais d’indentation
avec un indenteur conique sont réalisés à une vitesse de déformation de 0,05/s [LUCAS 1997].
Dans le cas de l’indentation sphérique, la vitesse de déformation peut être déterminée à partir de
la relation II-61 de Tabor, mais dans un souci de simplification, la vitesse de déformation est ici
fixée selon la méthode de [LUCAS 1997]. Deux séries d’essais d’indentation sont alors réalisées sur
des échantillons d’Alumine ALD de 40nm avec l’indenteur de rayon 0,45µm, à des vitesses de
déformation respectives de 0,005 et 0,5/s. Les résultats sont ensuite traités statistiquement selon
la méthode décrite § IV.3.3.2. Puis, les valeurs moyennes de coefficients de Weibull et de forces
et profondeurs d’enfoncement critiques sont ensuite reportées dans le Tableau IV-15 et
comparées aux valeurs obtenues précédemment avec une vitesse de déformation de 0,05/s.
175
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
20,00
a)
Profondeur de pénétration critque
16,00
moyenne (nm)
12,00
8,00
Indenteur sphérique de rayon 0,45µm
4,00
Indenteur sphérique de rayon 5µm
0,00
0,0 50,0 100,0 150,0 200,0 250,0 300,0
Rapport du rayon de l'indenteur sur l'épaisseur du film d'Alumine
0,14
b)
0,12
Force critque moyenne (mN)
0,10
0,08
0,06
R = 0,45µm R = 5µm
Epaisseur du film
40nm 20nm 30nm 40nm
d’Alumine ALD
Diamètre moyen de la (653 ± (671 ±
(419 ± 35)nm (647 ± 73)nm
première fissure orthoradiale 103)nm 127)nm
Tableau IV-14 – Valeurs moyennes des diamètres des premières fissures orthoradiales, pour
différents échantillons d’Alumine ALD, avec les indenteurs sphériques de rayons 0,45 et 5µm.
176
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
R = 0,45µm
Nombre
Vitesse de Fcrit
0
F hcrit
0
h
m m d’essais sans
déformation (/s) (mN) (nm) « pop-in »
0,005 0,03 1,03 6,53 0,82 38 / 64
0,05 0,05 2,14 10,82 1,44 14 / 64
0,5 0,05 1,75 10,52 2,60 3 / 64
Tableau IV-15 – Valeurs moyennes des paramètres critiques de fissuration et des coefficients de
Weibull obtenus à l’aide des relations IV-6 et IV-7, pour l’échantillon d’Alumine ALD de 40nm et
l’indenteur sphérique de rayon 0,45µm à différentes vitesses de déformation.
L’objectif de la partie suivante est de modéliser la fracture observée dans les films
d’Alumine à l’aide des valeurs moyennes de force et de profondeur de pénétration critique
relatives au premier « pop-in », obtenues précédemment lors de l’analyse statistique. La
modélisation de la fissuration (diamètre de la première fissure orthoradiale) doit permettre de
déterminer une valeur de résistance à la traction pour l’Alumine ALD, puis pour l’Alumine native.
Une première approche analytique, basée sur les travaux de [BAHR 2003], est utilisée
dans cette partie afin d’estimer le diamètre de la fissure. Cette approche consiste à modéliser
l’indentation sphérique de l’empilement film d’Alumine sur substrat d’Aluminium par le
chargement d’une membrane élastique sur un substrat élastoplastique. Les déformations de la
membrane et du substrat sont supposées élastiques à faibles charges et une zone plastique se
développe dans le substrat à fortes charges. Ainsi, la force totale Ftot appliquée avant fissuration
du film fragile est la somme de la force appliquée sur la membrane Fm et la force appliquée sur le
substrat Fs :
Ftot = Fm + Fs IV-8
Ftot
Force appliquée
Plateau ou « Pop-in »
Fcrit
177
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Fs = Kh n IV-9
où K et n sont deux constantes empiriques. Ces constantes sont ajustées par la méthode des
moindres carrés à partir de courbes expérimentales force-profondeur de pénétration obtenues
lors d’essais d’indentation sphérique avec des indenteurs de rayons 0,45 et 5µm, sur un
empilement Al/SiO2/Si (cf. Figure IV-65). La couche d’oxyde natif est négligée et l’ajustement se
fait pour des enfoncements compris entre 50 et 150nm. Les valeurs des constantes obtenues sont
caractéristiques d’un mode de déformation élastoplastique étant donné qu’elles sont inférieures
à 3/2 (valeur caractéristique d’une déformation purement élastique selon la théorie du contact de
Hertz cf. § II.2.1.1). Ces valeurs sont résumées dans le Tableau IV-16.
1,2
Al PVD avec Alumine ALD (40nm)
Al2O3-Al
1 Al
AlPVD
PVD sans Alumine ALD
model
Eq. IV.7 [HAINSWORTH 1996]
Force appliquée (mN)
0,8
0,6
0,4
0,2
0
50,0 0,0 100,0 150,0
Profondeur de pénétration (nm)
Figure IV-65 – Courbes force-profondeur de pénétration obtenues dans le cas de l’indentation
sphérique (indenteur de rayon 5µm) d’échantillons d’Aluminium PVD avec et sans Al2O3 ALD.
178
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
π 16 Et 3 191
Fm = 2 h+ Eth3 IV-10
am 12(1 − υ )
2
648
Il suffit ensuite pour déterminer am , de prendre comme valeurs pour Ftot et h , les
valeurs moyennes critiques de force et de profondeur de pénétration obtenues statistiquement,
données Tableau IV-13 et de prendre pour K et n les valeurs données Tableau IV-16. Une fois le
rayon de la membrane calculé, il est possible de déterminer grossièrement la contrainte normale
radiale totale de surface σ xx,rupt dans le film d’Alumine avant fissuration à l’aide de l’équation
suivante :
h2 h
σ xx, rupt = α r E + β r Et avec αr = 0 ,357 et β r = 2 ,198 IV-12
am2 am2
où α r et β r , sont des constantes données par [TIMOSHENKO 1959], puis E et t respectivement
le module d’Young et l’épaisseur du film d’Alumine. La variable h est ici à nouveau la profondeur
de pénétration de l’indenteur au moment de la fissuration de l’Alumine, autrement dit la valeur
moyenne critique de profondeur de pénétration hcrit obtenue statistiquement (cf. Tableau
IV-13).
Fissure orthoradiale
ac
R
Fc= Ftot
Film élastique rigide h t
Zone en Zone en
déformation déformation
c
élastique plastique
Substrat élasto-plastique
Figure IV-66 – Vue schématique en coupe d’un essai d’indentation sphérique dans un
empilement d’un film mince rigide sur un substrat élastoplastique, avec l’hypothèse que le
rayon de la zone plastique est égal à celui de la fissure orthoradiale.
Avec cette approche, Bahr et al. ont trouvé une résistance à la rupture (contrainte radiale
limite appliquée) de 10GPa pour un oxyde thermique d’Aluminium épais de 120nm [BAHR 2003],
179
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
en prenant comme hypothèse que le module d’Young de l’Alumine thermique est de 411GPa.
Dans ce travail, l’oxyde a été formé sur un substrat d’Aluminium massif à 425°C durant 36 minutes
et les essais d’indentation ont été réalisés avec un indenteur Berkovich. Toutefois, Bahr et al.
n’observent aucun « pop-in » sur les courbes force-déplacement pour le même oxyde, alors épais
de 60nm, sur un film mince d’Aluminium. Dans ce dernier cas, Bahr et al. mettent en cause l’effet
des oscillations de l’indenteur, dû au mode CSM appliqué lors de l’étape de chargement des essais
d’indentation.
Une seconde approche analytique, basée sur les travaux de [ZIELINSKI 1993] et [KRAMER
2001], est utilisée dans cette partie afin d’estimer le diamètre de la fissure. Dans cette approche,
on émet l’hypothèse que la première fissure orthoradiale dans l’Alumine se créée, au niveau de la
cavité sphérique en déformation plastique se développant dans le film d’Aluminium sous-jacent
(cf. Figure IV-66). Le rayon c de cette cavité sphérique peut être estimé à l’aide de la relation
suivante [ZIELINSKI 1993] :
3Fs
c= IV-13
2πσ e
avec Fs la force appliquée pour déformer plastiquement le film d’Aluminium et calculée à partir
de l’équation IV-9 pour chaque indenteur et σ e la limite d’élasticité de l’Aluminium, estimée
équivalente à la limite d’élasticité représentative σ R évaluée à partir de la relation de [TABOR
1951], comme étant le tiers de la dureté de l’Aluminium, soit environ 0,09GPa (cf. Tableau IV-10).
Fissure
−σ xx +σ xx
180
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Les diamètres des fissures orthoradiales mesurés au MEB et donnés Tableau IV-14, sont
ensuite comparés aux valeurs obtenues pour le diamètre de la membrane équivalente à l’aide de
l’équation IV-11, aux valeurs calculées pour le diamètre de la cavité sphérique avec l’équation
IV-13, ainsi qu’aux valeurs des diamètres de contact élastique calculés à l’aide de la relation de
Hertz (cf. Equation II-33). Dans un contact purement élastique, la contrainte de traction est
maximale au niveau du rayon de contact (cf. Annexe – A). L’ensemble des résultats obtenus est
reporté Figure IV-68. Les diamètres des fissures orthoradiales dans le cas de l’indenteur sphérique
de 0,45µm sont en adéquation avec les diamètres des cavités sphériques calculés et sont 10 à
25% plus importants dans le cas de l’indenteur sphérique de rayon 5µm, mais restent pour les
deux indenteurs supérieurs aux diamètres des contacts élastiques.
R=450nm R=5µm
1400,0
2c
Modèle de cavité sphérique [ZIELINSKI 1993]
1200,0 2a
Modèle de membrane [TIMOSHENKO 1959]
MEB
Diamètre de la fissure orthoradiale mesurée au MEB
1000,0
Diamètre (nm)
600,0
400,0
200,0
0,0
0,0 100,0 200,0 300,0 400,0 500,0 600,0
Rapport du rayon de l'indenteur sur l'épaisseur du film d'Alumine
Figure IV-68 –Evolution et comparaison avec différents modèles, du diamètre de la fissure
orthoradiale dans l’Alumine ALD observée au MEB en fonction du rapport du rayon de
l’indenteur sur l’épaisseur du film d’Alumine.
181
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Dans notre cas d’étude, une première étape de modélisation numérique est consacrée à la
caractérisation de l’écrouissage du film d’Aluminium PVD sous le film d’Alumine ALD (cf. Figure
IV-70-a). Cette modélisation se base directement sur la méthodologie décrite § IV.1.3, à la
différence qu’ici deux indenteurs cono-sphériques sont utilisés de rayons respectifs 0,45 et 5µm.
Puis, une deuxième étape de modélisation numérique est réalisée, afin de reproduire
l’indentation sphérique de l’empilement d’Alumine ALD sur Aluminium PVD et d’extraire des
valeurs de contrainte à la rupture pour l’Alumine ALD (cf. Figure IV-70-b).
3,50
Contrainte radiale à la rupture (GPa)
2,50
2,00
1,50
1,00
0,50
0,00
0,0 50,0 100,0 150,0 200,0 250,0 300,0
Rapport du rayon de l'indenteur sur l'épaisseur du film d'Alumine
Figure IV-69 – Evolution de la contrainte normale radiale à la rupture σ xx,rupt pour l’Alumine
ALD, calculée à l’aide du modèle de membrane [TIMOSHENKO 1959] et des diamètres des
fissures orthoradiales obtenus au MEB.
182
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
( )
Force mesurée Fc , sim Point de référence
Indenteur
Point de référence
R cono-sphérique rigide
Les courbes force-déplacement obtenues après optimisation avec les deux indenteurs
sont données Figure IV-71 et l’ensemble des paramètres d’écrouissage pour l’échantillon
d’Aluminium PVD est résumé Tableau IV-17. Un coefficient d’écrouissage de 0,08 et une limite
d’élasticité de 65MPa sont déterminés à la suite de ces simulations numériques. Ces valeurs sont
alors injectées dans la modélisation numérique de l’indentation sphérique de l’empilement
d’Alumine ALD sur Aluminium PVD (cf. Figure IV-70-b). Le film d’Alumine est supposé être
isotrope et avoir un comportement élastique fragile (cf. Figure II-8). Les propriétés élastiques
utilisées pour les simulations sont celles de l’Alumine ALD, données Tableau IV-11. Le contact
entre l’indenteur et le film d’Alumine est défini comme « dur » et sans friction, et l’interface entre
le film d’Alumine et le film d’Al(Cu) est considérée comme parfaite (pas de délamination
autorisée), à la vue des résultats de rayage (cf. § IV.3.2.1). L’épaisseur d’Alumine varie selon
l’échantillon modélisé et un maillage fin est adapté afin d’avoir au moins 7 éléments triangulaires
dans l’épaisseur d’Alumine. A l’épaisseur de l’Alumine ALD, sont ajoutés les 4nm d’Alumine
native, en supposant que les comportements mécaniques des deux types d’Alumines sont
identiques. Les courbes force-déplacement obtenues avant apparition du « pop-in » avec les deux
indenteurs sont données Figure IV-72. Aucun ajustement n’est réalisé et les courbes
expérimentales sont moyennées sur 64 essais d’indentation. L’écart observé entre les courbes
expérimentales et numériques est attribué à la non-prise en compte de la rugosité du film
d’Alumine et des imperfections de l’indenteur dans les simulations numériques.
183
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
2
Al PVD
Série2 – R=0,45µm – Expérimental
1,8 Al PVD
Série1 – R=0,45µm – Simulation
1,6 Al PVD
Série3 – R=5µm – Expérimental
Al PVD
Série4 – R=5µm – Simulation
1,4
Force appliquée (mN)
1,2
Al PVD – R=5µm
1
0,8
Al PVD – R=0,45µm
0,6
0,4
0,2
0
0,0 0,2 0,4 0,6
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Aluminium
Figure IV-71 – Comparaison des courbes force-déplacement obtenues expérimentalement en
indentation sphérique et numériquement sur l’empilement Al/SiO2/Si.
σe K1 n1
Echantillon d’Al PVD 65MPa 0,11GPa 0,08
Tableau IV-17 – Tableau récapitulatif des valeurs des paramètres d’écrouissage obtenues lors
des simulations numériques pour l’échantillon d’Al PVD, avec les deux indenteurs cono-
sphériques.
Il est important de souligner que dans les simulations par la méthode des éléments finis de
Weppelmann et Swain, l’influence du rapport R t ( R étant le rayon de l’indenteur sphérique et
t l’épaisseur du film fragile) a été mise en évidence sur les mécanismes de fissurations
[WEPPELMANN 1996]. Leur conclusion a été que la contribution du mode I (cf. Figure II-10) est
prédominante dans les premières étapes de la propagation de fissures, lors d’essais d’indentation
sphérique d’un film fragile sur substrat élastoplastique, pour des rapports R t supérieurs à 2. Ce
résultat a été confirmé un peu plus tard au travers de simulations numériques d’essais
d’indentation sphérique d’un film rigide déposé sur un substrat élastoplastique d’Aluminium, par
[SOUZA 1999], [SOUZA 2001_1] et [SOUZA 2001_2]. Le mode I de fissuration est piloté par la
contrainte radiale σ xx et Weppelmann et al. et Souza et al. ont montré que cette contrainte est en
traction à la surface du film fragile.
184
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
0,06
Série2
Al PVD – R=0,45µm – Expérimental
Al PVD
Série1 – R=0,45µm – Simulation
0,05 Al PVD
Série3 – R=5µm – Expérimental
Al PVD
Série4 – R=5µm – Simulation
Force appliquée (mN) 0,04
0,03
0,02
0,01
0
0,00 0,05 0,10 0,15
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al2O3
Figure IV-72 – Comparaison des courbes force-déplacement obtenues expérimentalement en
indentation sphérique et numériquement sur l’empilement Al2O3/Al/SiO2/Si, avant « pop-in ».
Les diamètres des fissures orthoradiales sont ensuite confrontés aux valeurs de diamètres
de contact et de diamètres de la zone en déformation plastique dans le film mince d’Aluminium
Figure IV-75. Les résultats obtenus confirment le résultat analytique : la fissure orthoradiale se
forme entre la zone de contact avec l’indenteur et la zone plastique dans le film mince
d’Aluminium (cf. Figure IV-76). Ce résultat est différent de celui de Bahr et al. obtenu dans le cas
d’un empilement Alumine sur Aluminium massif, avec une fissure orthoradiale de même rayon
que la cavité en déformation plastique dans le substrat d’Aluminium [BAHR 2003]. En conclusion,
une gamme de contraintes normales à la rupture de 1 à 1,5GPa a été déterminée pour l’Alumine
ALD, à l’aide d’un traitement statistique de données expérimentales obtenues lors d’essais
d’indentations sphériques, couplé à des modélisations analytiques et numériques du problème.
En prenant une erreur de ±20% sur la valeur de la force critique, cette gamme de contraintes
normales à la rupture s’étend de 0,5 à 2GPa, correspondant à une gamme de déformations à la
rupture de 0,3 à 1,4% (en prenant la valeur du module d’Young pour l’Alumine ALD donné
Tableau IV-11). Cette gamme de déformations coïncide avec les valeurs de déformation à la
rupture de films d’Alumine ALD déposés à 150°C (0,5 à 2,4% fonction de l’épaisseur du film),
185
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
mesurées par [JEN 2011] au travers d’essais de traction. Néanmoins, il est difficile d’étendre ces
valeurs de limite à la rupture à l’oxyde natif d’Aluminium. Avant de clore cette partie sur la
caractérisation mécanique de l’Alumine ALD, une étude sur l’extrusion de l’Aluminium au travers
de fissures est réalisée.
4
Al2O3 (t=40 nm) – R=0,45µm
Série1
3,5 Al2O3 (t=40 nm) – R=5µm
Série4
Série2
Al2O3 (t=30 nm) – R=5µm
3 Al2O3 (t=20 nm) – R=5µm
Série3
Série5
Force appliquée = Force critique
2,5
Contrainte radiale (GPa)
2
1,5
1
0,5
0
-0,5
-1
0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0
Force appliquée / Force critique
Figure IV-73 – Evolution de la contrainte normale radiale ( σ xx ) à la surface de l’Alumine et à la
position radiale critique, en fonction de la force appliquée.
3,50
Contrainte radiale à la rupture (GPa)
2,00
1,50
1,00
0,50
0,00
0,0 50,0 100,0 150,0 200,0 250,0 300,0
Rapport du rayon de l'indenteur sur l'épaisseur du film d'Alumine
Figure IV-74 – Evolution de la contrainte normale radiale à la rupture ( σ xx,rupt ) pour l’Alumine
ALD, obtenue numériquement (MEF) et analytiquement [TIMOSHENKO 1959].
186
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
R=450nm R=5µm
1200,0
Série2
Diamètre de la cavité sphérique - MEF
1000,0 MEB
Diamètre de la fissure orthoradiale mesurée au MEB
800,0 Série3
Diamètre de contact - MEF
Diamètre (nm)
600,0
400,0
200,0
0,0
0,0 100,0 200,0 300,0 400,0 500,0 600,0
Rapport du rayon de l'indenteur sur l'épaisseur du film d'Alumine
Figure IV-75 – Evolution du diamètre de la fissure orthoradiale dans l’Alumine ALD observée au
MEB en fonction du rapport du rayon de l’indenteur sur l’épaisseur du film d’Alumine,
comparée aux différents diamètres obtenus en simulations numériques.
Fissure orthoradiale ac
R
Fc= Ftot
Film élastique rigide h t
Zone en Zone en
déformation déformation
élastique plastique
Film élastoplastique
Substrat élastique
Figure IV-76 – Vue schématique en coupe d’un essai d’indentation sphérique dans un
empilement d’un film mince élastique rigide sur un substrat élastoplastique.
Cette dernière partie sur la fissuration de l’Alumine a pour objet l’étude du phénomène
d’extrusion de l’Aluminium au travers des fissures. Rappelons qu’une des hypothèses de départ
de ce travail de thèse consiste à supposer que le contact métallique entre le microinsert de Nickel
et le film d’Al(Cu) se forme par extrusion de Ni et d’Al(Cu) au travers de fissures créées
187
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
respectivement dans chaque oxyde natif [TRIPP 1967], [MOHAMED 1975] et [SLADE 1999]. Afin
de vérifier cette hypothèse, un essai d’indentation est réalisé sur un échantillon d’Alumine ALD
sur film d’Aluminium, puis observé en coupe au MEB après une étape de gravure ionique réalisée
à l’aide d’un FIB. L’échantillon utilisé est un film d’Alumine ALD épais de 40nm, identique aux
échantillons décrits Figure IV-37 et l’essai d’indentation est réalisé avec un indenteur sphérique
de rayon 0,45µm. L’essai est réalisé avec un chargement monotone à une vitesse de déformation
de 0,05/s, jusqu’à une profondeur de pénétration maximale de 200nm. L’observation MEB de
dessus et l’observation MEB transversale après gravure ionique au FIB de l’indent réalisé sont
illustrées Figure IV-77.
a) 200nm
FIB Fissures
Grain d’Al
Joint de
grain 200nm
b)
Figure IV-77 – Observations MEB d’un indent profond de 200nm dans un film mince d’Al2O3
ALD d’épaisseur 40nm déposé sur de l’Aluminium, obtenus avec un indenteur sphérique de
rayon 0,45µm : a) vue de dessus et b) vue transversale après gravure au FIB.
188
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
(cf. § II.I.2.4). Le module d’Young et la dureté de ce film mince d’Or PVD sont obtenus par
nanoindentation Berkovich est valent respectivement 74GPa et 1,5GPa. Les observations MEB des
indents résiduels pour chaque échantillon sont données Figure IV-78.
1µm 1µm
a) b)
Figure IV-78 – Observations MEB en électrons rétrodiffusés, d’indents réalisés à une profondeur
de pénétration de 500nm avec un indenteur sphérique de rayon 5µm, dans un film mince
d’Al2O3 ALD d’épaisseur 40nm, déposé respectivement sur des films a) d’Aluminium et b) d’Or.
Des fissures sont alors visibles dans le cas de l’échantillon Al2O3(ALD) sur Al, et plus
particulièrement la fissure orthoradiale avec une partie plus claire supposée correspondre à
l’extrusion de l’Aluminium, du fait du contraste chimique obtenu avec les électrons rétrodiffusés.
Dans le cas de l’échantillon Al2O3 (ALD) sur Au, le scénario de fissuration de l’Alumine est
identique à celui décrit pour l’échantillon Al2O3 (ALD) sur Al (cf. Figure IV-58), avec la formation
d’une fissure orthoradiale, puis de fissures radiales. L’Alumine n’adhérant relativement pas très
bien à l’Or [EVANS 1999], des morceaux d’Alumine restent sur l’indenteur en diamant, révélant
ainsi l’extrusion de l’Or au niveau des fissures. Cette dernière observation étaye l’hypothèse du
phénomène d’extrusion d’un métal élastoplastique au travers de fissures dans un film fragile.
Conclusion
Cette dernière partie sur la caractérisation de l’oxyde d’Aluminium a permis d’obtenir une
estimation des valeurs de module d’Young (environ 100 à 200GPa) et de dureté (environ 4 à
10GPa) pour l’Alumine native, à partir de résultats obtenus lors d’essais d’indentation sur de
l’Alumine ALD en couche plus épaisse. Une analyse fine de la fissuration de l’Alumine ALD a
ensuite été réalisée et couplée à des modélisations analytiques et numériques. Des valeurs de
limite à la rupture d’environ 1 à 1,5GPa ont pu être déterminées. Malheureusement, ne pouvant
mesurer précisément la longueur des fissures orthoradiales observées dans l’Alumine ALD lors des
essais d’indentation sphérique, aucune valeur de ténacité n’a pu être calculée. Enfin, le
phénomène d’extrusion du métal au travers des fissures dans un film d’Alumine ALD épais de
40nm a été mis en évidence.
189
Chapitre IV - Comportement mécanique des matériaux de contact
Conclusion
Observation
microscopique
PVD
Type de dépôt ECD Formation à l’air libre
(Ech. A : 200°C)
(conditions) (1,8A/dm2) (T et P ambiante)
(Ech. B et C : 450°C)
Hauteur ≈ 8-10µm
Morphologie Epaisseur ≈ 650nm Epaisseur ≈ 4nm
Diamètre ≈ 12µm
Ech. A : 1,2µm
Taille de grain Ech. B : 4,5µm
- Amorphe
& Texture Ech. C : 5,8µm
Texture de fibre {111}
Ech. A : 4,1nm RMS hauteur ≈ 15nm 2,7nm RMS (pour un
Rugosité Ech. B : 5,6nm RMS rayon de courbure film d’Al PVD épais de
Ech. C : 13,4nm RMS moyen ≈ (260 ± 170)nm 500nm)
Ech. A : 355,1MPa RPB ≈ 1,281
Contraintes
Ech. B : 212,7MPa - (oxyde en
résiduelles
Ech. C : 197,4MPa compression et stable)
Ech. A : 53GPa
Module d’Young Ech. B : 52GPa 216GPa 100 à 200GPa
Ech. C : 52GPa
Coefficient de
0,3422 0,3023 0,244
Poisson
Ech. A : 0,25GPa
Dureté 3GPa 4 à 10GPa
Ech. B et C : 0,19GPa
Ech. A : 62MPa
Limite d’élasticité - -
Ech. B et C : 46MPa
Coefficient
d’écrouissage Ech. A, B et C : 0,09 - -
(Hollomon)
Contrainte
1 à 1,5GPa pour de
normale à la - -
l’Alumine ALD (85°C)
rupture
Tableau IV-18 – Tableau récapitulatif des microstructures et des propriétés mécaniques des
matériaux de contact étudiés.
1
[PILLING 1922]
2
[ZHAO_2 2000]
3
[LEVY 2001]
4
[TRIPP 2006]
190
Chapitre V – Analyse du contact électrique
191
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Introduction
Les résultats obtenus dans le chapitre IV et dans la première partie de ce chapitre sont ensuite
utilisés dans la deuxième partie de ce chapitre V, afin d’interpréter les mécanismes de fissuration
d’oxyde à l’origine de la formation du contact dans le cas de l’essai de microinsertion. Un scénario de
formation du contact entre le microinsert de Nickel et le film mince d’Al(Cu) prenant en compte la
présence de la singularité géométrique est élaboré, puis étayé à l’aide de modélisations analytiques
et de simulations réalisées avec la méthode des éléments finis.
Les lentilles en Silice BK7 avec un dépôt d’Aluminium utilisées lors de ces essais de
compression ont été présentées dans la partie III.3 du chapitre III. Des schématisations de la
géométrie de ces lentilles avec dépôt et du dispositif expérimental sont redonnées Figure V-1. Deux
types de films d’Aluminium avec des rugosités différentes sont étudiés. L’un des dépôts présente une
surface faiblement rugueuse, on parle de dépôt « lisse », et l’autre dépôt présente une surface
fortement rugueuse, on parle de dépôt « rugueux ». Le dépôt PVD débute avec une gravure plasma
(Argon) des lentilles à 800W, afin d’obtenir un état de surface sans contamination extérieure (film
contaminant hydrocarboné, poussières…). Puis, une couche d’accroche de Titane de 12nm est
déposée avec une puissance de 800W, et un film d’Aluminium est déposé selon les conditions
données dans le Tableau V-1, propres à chaque type de dépôt. Un témoin en Silicium de 100mm de
diamètre et d’épaisseur 525µm, orienté selon l’axe <100>, est placé dans le bâti PVD avec les
lentilles. Ce témoin est utilisé pour les caractérisations topographiques, mécaniques et électriques
des films d’Aluminium. Une schématisation de l’empilement obtenu avec l’échantillon témoin de
192
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Silicium et les observations au MEB (ZEISS Ultra Plus) des surfaces des deux types de films
d’Aluminium sont données Figure V-2.
Lentilles de
Mesure 4 fils V
même rayon R
Table de
positionnement BK7
a b
Figure V-1 – Schématisations a) du dispositif expérimental avec la mesure « 4 fils » de la résistance
électrique de contact et b) des lentilles (vues en coupe) utilisés lors des essais de compression.
Ti – 12nm
Figure V-3 – Observations AFM des surfaces des films d’Aluminium a) « lisse » et b) « rugueux ».
Des mesures de topographies de surface sont effectuées pour chaque film mince d’Aluminium
(cf. Figure V-3), à l’aide d’un microscope AFM (DME – DualScope™ DS 95 Scanner), en mode
193
Chapitre V – Analyse du contact électrique
« tapping ». A partir des différentes observations microscopiques, les épaisseurs et les rugosités RMS
des deux films sont mesurées et reportées dans le Tableau V-2. Le premier film d’Aluminium, avec
une faible rugosité, est dit « lisse » et l’autre film d’Aluminium est dit « rugueux », étant donné une
rugosité nettement plus importante. Puis, un nanoindenteur instrumenté est utilisé afin de
caractériser les propriétés mécaniques des films minces d’Aluminium PVD.
120,0
100,0
Module d'Young réduit (GPa)
80,0
60,0
Application du modèle bicouche
élastique de [BEC 2006]
40,0
Series1
Eéq' − Al PVD « lisse » – [LOUBET 1986] + [OLIVER 1992]
Series6
E 'f − Al PVD « lisse » – [BEC 2006]
20,0
0,0
0,05 0,10 0,00
0,15 0,20 0,25 0,30
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al
Figure V-4 – Extraction du module d’Young réduit du film d’Aluminium PVD « lisse », en fonction
de la profondeur de pénétration sur l’épaisseur du film mince.
1,2
1,0
0,8
Dureté (GPa)
0,6
0,4
Series1
H − Al PVD « lisse » – [LOUBET 1986] + [OLIVER 1992]
0,2
0,0
0,000,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30
Profondeur de pénétration / Epaisseur du film d'Al
Figure V-5 – Evolution de la dureté du film d’Aluminium « lisse » en fonction de la
profondeur de pénétration sur l’épaisseur du film.
Un indenteur de type Berkovich en diamant est utilisé afin de déterminer le module d’Young et
la dureté de chaque film selon le protocole détaillé dans la partie IV.1.2.1. Malheureusement, les
194
Chapitre V – Analyse du contact électrique
essais d’indentation ne sont concluants que dans le cas du film mince d’Aluminium « lisse ». Dans le
cas du film mince d’Aluminium de type « rugueux », les valeurs de force, de déplacement et de
raideur de contact sont difficilement exploitables du fait de la présence d’une rugosité de surface
importante. Afin d’extraire une valeur de module d’Young réduit pour le film mince d’Aluminium
« lisse », la couche d’accroche de Titane est négligée et le modèle élastique bicouche de [BEC 2006]
est utilisé (cf. Figure V-4). Une valeur de 59,7GPa est calculée pour des rapports de profondeur de
pénétration sur épaisseur de film compris entre 5 et 30%. La dureté du film d’Aluminium « lisse » est
constante pour des rapports de profondeur de pénétration sur épaisseur de film compris entre 5 et
20%, et vaut en moyenne 0,79GPa. Les valeurs de module d’Young et de dureté obtenues
expérimentalement sont en accord avec les valeurs de la littérature et sont résumées dans le Tableau
V-2.
Les échantillons témoins sont ensuite utilisés pour déterminer la résistivité électrique de
chaque film mince d’Aluminium. La méthode de mesure utilisée est celle décrite par [SMITS 1958],
généralisée à différentes géométries par [TOPSOE 1968]. Cette méthode consiste à mesurer la
résistance électrique dans un film mince métallique à l’aide de 4 pointes métalliques alignées et
espacées les unes des autres d’une distance s . La résistance électrique de couche mesurée, encore
appelée résistance de « spreading », est définie par l’équation II-82 dans le chapitre II à l’aide de la
résistance carrée, elle-même définie par l’équation II-81. A partir de ces deux relations, il est alors
possible d’exprimer la résistivité électrique ρ en fonction de la résistance de « spreading » et de
l’épaisseur du film mince métallique t :
ρ = K .t.Rspreading V-1
avec K un coefficient sans dimension défini selon [TOPSOE 1968] pour un échantillon de diamètre
infini et d’épaisseur finie par :
π t
K= C V-2
ln 2 s
avec C = 1 quand t s tend vers 0. Or, dans notre cas le rapport t s vaut 0,00952 et il est donc possible
de prendre C = 1 .
Les valeurs expérimentales sont du même ordre de grandeur que la valeur moyenne obtenue
par [MAYADAS 1968] sur des films polycristallins d’Aluminium pur avec des épaisseurs de 100nm à
1µm. Toutefois, une importante différence est à noter avec la valeur de résistivité électrique de
l’Aluminium massif. Cette différence provient de la résistivité électrique des joints de grains mais
aussi de la présence des interfaces qui n’est plus négligeable, selon [MAYADAS 1970]. Ainsi, plus
l’épaisseur et la taille de grain d’un film métallique polycristallin diminuent, et plus la résistivité
électrique intrinsèque du film augmente. Enfin, notons que la présence de la couche d’accroche de
Titane peut également influencer les mesures étant donné que la résistivité électrique du Titane est
de 41,6µΩ.cm soit environ dix fois celle de l’Aluminium [SLADE 1999].
195
Chapitre V – Analyse du contact électrique
4,0
Al PVD "lisse" V = 0,0108.I
3,0 y = 0,0112x
Al PVD "rugueux" R 2==0,9998
R² 0,9998
Tension électrique (mV) 2,0
1,0
0,0
Vy== 00,0047x
,0047.I
-1,0 RR² = 0,9998
2
0,9998
-2,0
-3,0
-4,0
-250 -150 -50 50 150 250
Intensité du courant électrique (mA)
Figure V-6 – Détermination de la résistance de couche des différents films d’Aluminium.
Aluminium
Aluminium Aluminium
« lisse »
« rugueux » Valeurs bibliographiques
Epaisseur 0,94µm
1,7µm -
Rugosité RMS 1,77nm
30,9nm -
Diamètre moyen de grain 232nm
676nm -
Module d’Young 59,7GPa
- 50-70GPa1
Dureté 0,79GPa
- 0,95GPa2
Coefficient de Poisson 0,3423
2,65µΩ.cm4
Résistivité électrique 4,6µΩ.cm 4,3µΩ.cm
4,4µΩ.cm5
Tableau V-2 – Résultats des caractérisations morphologiques, mécaniques et électriques pour les
deux types de films minces d’Aluminium.
1
[LIM 1999]
2
[DOERNER 1986_2]
3
[LEVY 2001]
4
[FECHANT 2003] – Al massif à 25°C.
5
[MAYADAS 1968] – Films minces d’Al d’épaisseurs compris entre 200nm et 1µm, et à 23°C.
Les résultats électriques présentés dans la suite de cette partie, ont été obtenus avec le
montage expérimental et le protocole de mesure décrits dans la partie II.3 du chapitre II. Rappelons
cependant, que la mesure électrique est pilotée en imposant une tension constante de ±5mV et une
limite en courant de 500mA.
196
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Dans cette première partie, des essais de compressions sont réalisés avec les deux types
d’Aluminium (« rugueux » et « lisses ») à température ambiante. Pour un essai donné, le couple de
lentilles avec les films d’Aluminium en vis-à-vis sont identiques. Les lentilles ont un rayon de 6,57mm
et la vitesse de chargement est fixée à 0,2N/s. L’évolution de la résistance électrique en fonction de
la force appliquée est analysée seulement durant la charge dans un premier temps, afin d’établir les
mécanismes de formation du contact électrique. Des courbes typiques obtenues pour chaque cas
sont données Figure V-7. Dans le cas du contact réalisé avec les films minces d’Aluminium
« rugueux », la décroissance de la résistance électrique de contact est faible entre 0 et 25N, étant
donné qu’elle s’étend sur moins d’une décade, alors que dans le cas du contact réalisé avec les films
minces d’Aluminium « lisses », elle s’étend sur près de 8 décades. Ce résultat a déjà été mis en
évidence par [TIMSIT 1980] ou [CRINON 1998] avec des contacts en Aluminium massif et la
décroissance de la résistance électrique de contact est attribuée à la fracture de l’oxyde natif
d’Aluminium. La fracture de l’oxyde est fonction de la force et de l’état de surface (rugosité,
épaisseur de l’oxyde, contamination de surface, etc.). Etant donné que l’épaisseur de l’oxyde natif est
supposée être identique dans les deux types de contact, la rugosité des films d’Aluminium semble
être le facteur principal à l’origine de la décroissance plus ou moins rapide de la résistance électrique
de contact
1,0.E+08
Al Rugueux
Contact Al-Al (3,5kW ) « rugueux »
1,0.E+06
1,0.E+04
1,0.E+02
1,0.E+00
1,0.E-02
0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
Figure V-7 – Evolution de la résistance électrique de contact ( R EC ) de contact Al-Al en fonction de
la force appliquée et de la rugosité des films minces d’Aluminium, avec des lentilles de rayon
6,57mm et une vitesse de chargement de 0,2N/s.
Les lentilles sont ensuite observées au microscope optique et au MEB, afin de déterminer le
diamètre des zones de contact et d’observer l’état de surface résiduel. Aucune empreinte n’est
facilement identifiable dans le cas des lentilles avec les films minces d’Aluminium « lisses ». Mais
dans le cas des lentilles avec les films minces d’Aluminium « rugueux », une empreinte circulaire avec
un rayon d’environ 140-145µm est mise en évidence pour une force de 25N (cf. Figure V-8). Or, un
rayon élastique de 142µm est calculé à partir de la relation de Hertz (cf. Equation II-33), en prenant le
module d’Young de la Silice BK7 et le rayon des lentilles. Cela nous indique que les lentilles semblent
197
Chapitre V – Analyse du contact électrique
être en déformation élastique pour des forces inférieures ou égales à 25N et que l’aire de contact
mécanique correspond à l’aire de contact élastique entre les deux lentilles en Silice. L’observation au
MEB de la zone de contact révèle par ailleurs un écrasement des grains d’Aluminium dans le cas des
films minces d’Aluminium « rugueux ». Une caractérisation de topographie de surface par AFM d’une
zone de contact sur une lentille avec un film mince d’Aluminium « lisse » est également réalisée
après un essai de compression (cf. Figure V-8). Dans ce cas aussi l’écrasement des rugosités est mis
en évidence et la rugosité RMS est divisée presque par deux.
a) Zone de contact
200µm
b) c)
3µm 3µm
e- Al
1,0.E+06 Effet tunnel Al2O3
1,0.E+04
Al
Contact métallique e- e-
1,0.E+02
transitoire
1,0.E+00
e- e- e-
1,0.E-02 Contact ohmique
permanent
1,0.E-04
0 5 10 15 20 25
A partir de ces premières observations et à partir des conclusions de [SLADE 1999] dans le
cas d’un contact avec de l’Aluminium massif, un scénario de formation du contact en fonction de la
force est élaboré dans le cas du contact avec les films minces d’Aluminium « lisses ». Le contact à
faible force pourrait correspondre à un contact du type capacitif (Al-Al2O3-Al), où l’effet tunnel est
prépondérant. Le contact à forte force, correspondrait quant à lui à un contact du type métallique
(Al-Al) ou ohmique obtenu par fissuration de l’oxyde. Un contact ohmique permanent avec une faible
198
Chapitre V – Analyse du contact électrique
valeur de résistance électrique de contact semble être atteint à forte force, après un régime
transitoire. Les différentes étapes de ce scénario sont décrites Figure V-9, en parallèle d’une courbe
expérimentale de la résistance électrique de contact ( R EC ) en fonction de la force appliquée.
Cette partie a pour objet de valider les différentes étapes du scénario élaboré préalablement
pour décrire la formation du contact électrique dans le cas du contact avec les films minces
d’Aluminium « lisses ». L’hypothèse d’une résistance de « spreading » négligeable dans les films
minces d’Aluminium est émise. Dans un premier temps, l’effet tunnel est supposé être prépondérant
aux faibles forces, étant donné la forte résistivité électrique de l’Alumine à température ambiante, à
savoir 1024µΩ.cm selon [SLADE 1999]. Ainsi, la résistance électrique obtenue par effet tunnel est
tracée en fonction de la force à partir de la relation II-86 (cf. Figure V-10). L’épaisseur de l’oxyde natif
est fixée à 8nm (4nm sur chaque film mince d’Aluminium) et l’énergie de la barrière tunnel Al-Al2O3-
Al peut varier entre 0,1 et 8,6eV selon [GLOOS 2003], bien que la valeur typique la plus souvent
admise soit 2eV [SLADE 1999]. En ce qui concerne l’aire de contact, bien que le modèle de contact
élastique de Hertz soit utilisé aux fortes forces pour calculer l’aire de contact par déformation
élastique de la Silice sous-jacente, aux faibles forces c’est la déformation plastique du film
d’Aluminium qui va déterminer le rayon de contact [TIMSIT 1998]. Ainsi, le modèle dit de « spot
contact » est utilisé pour des faibles forces. Le rayon de contact équivalent est alors déterminé à
partir de l’équation de la dureté III-23, connaissant la dureté du film d’Aluminium et la force
appliquée [ABBOTT 1933].
1,0.E+10
1,0.E+08
1,0.E+06
1,0.E+04
1,0.E+02
1,0.E+00
1,0.E-02
0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
Figure V-10 – Evolutions de la résistance électrique de contact ( R EC ) et de la résistance par effet
tunnel pour un contact Al-Al « lisse », en fonction de la force appliquée pour des lentilles de rayon
6,57mm.
A partir de la Figure V-10, il est possible de dire, dans l’hypothèse basse d’une énergie
barrière de 0,1eV, que l’effet tunnel semble contribuer majoritairement à la résistance électrique de
contact pour des forces inférieures à 5N. Cependant, la résistance électrique de contact devrait
tendre vers l’infini pour des forces proches de 0N, ce qui n’est pas le cas expérimentalement. Ce
comportement peut être attribué au passage du courant dans une seule rugosité et à l’erreur
potentiellement faite sur la détection du contact. L’évolution de la R EC se poursuit avec une chute
brutale (8 décades) entre 5 et 18N, caractéristique de la formation d’un contact métallique avec
fracture de l’oxyde natif. Par exemple, [TIMSIT 1998] a montré qu’il faut une force comprise entre 1
199
Chapitre V – Analyse du contact électrique
et 4,5N pour fissurer l’oxyde natif et ainsi établir un contact électrique à caractère ohmique, dans le
cas de deux surfaces sphériques de rayons 25cm, à température ambiante et dans l’ultravide.
L’oxyde natif étant fragile mécaniquement, il se fissure à partir d’une force critique, entrainant une
chute significative de la résistance électrique de contact, par la formation de points de contact
métalliques. Ces points de contact métalliques se forment au niveau des fissures créées dans l’oxyde
natif par extrusion du métal selon [TRIPP 1967], [MOHAMED 1975] ou encore [TIMSIT 1998]. Ainsi, le
régime transitoire, observé entre 5 et 18N expérimentalement, est attribué à la formation
progressive de ces points de contact métalliques en fonction de la force appliquée, dont la taille est
supposée piloter le mode de conduction. Durant ce régime transitoire si le mode de conduction est
balistique au travers des points de contact, il est possible de calculer le rayon d’un unique spot de
contact équivalent, à partir de la relation II-71 de [SHARVIN 1965]. Le rayon équivalent est obtenu à
partir des valeurs de R EC , en prenant la résistivité électrique du film mince d’Aluminium donnée
Tableau V-2 et un libre parcours moyen des électrons dans l’Aluminium de 16,2nm [ASHCROFT
1976]. L’évolution de ce rayon équivalent en fonction de la force appliquée est donnée Figure V-11.
Le rayon équivalent est quasi nul (inférieur à 1Å) pour des forces inférieures à 5N et plus petit ou du
même ordre de grandeur que le libre parcours moyen des électrons dans l’Aluminium pour des
forces inférieures à 18N. Pour que le mode balistique soit possible, il faut que le libre parcours
moyen des électrons dans l’Aluminium soit très supérieur au rayon de contact. Or, le rayon de
contact équivalent calculé avec le modèle de Sharvin ne correspond qu’à un seul spot de contact,
alors qu’il existe surement dans le cas réel plusieurs spots de contact avec des rayons respectifs plus
petits. C’est pourquoi, le mode balistique semble être prépondérant durant le régime transitoire
entre 5 et 18N.
25
1,0.E+06 Rayon du spot de contact
équivalent calculé avec le
modèle de Sharvin 20
1,0.E+04
15
1,0.E+02
10
1,0.E+00
5
1,0.E-02 0
0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
Figure V-11 – Evolutions de la résistance électrique de contact ( R EC ) et du rayon de spot de
contact équivalent calculé avec le modèle de Sharvin pour un contact Al-Al « lisse », en fonction de
la force appliquée pour des lentilles de rayon 6,57mm.
En utilisant la relation II-75 de [NIKOLIC 1999], il est également possible de tracer l’évolution
du rayon de spot de contact équivalent en fonction de la force appliquée dans le cas où le mode de
conduction évolue du cas balistique au cas diffusif (cf. Figure V-12). De même que dans le cas
précédent, le rayon est obtenu à partir des valeurs de R EC , et en prenant la résistivité électrique du
film mince d’Aluminium donnée Tableau V-2 et un libre parcours moyen des électrons dans
l’Aluminium de 16,2nm [ASHCROFT 1976]. La transition entre le régime balistique et diffusif (ou
quasi-balistique) est mis en évidence pour un force appliquée de 18N. Cependant, il est difficile de
conclure sur la nature du mode de conduction à forte force (pour des forces supérieures à 18N),
200
Chapitre V – Analyse du contact électrique
étant donné que le nombre réels de spots de contact est inconnu. Notons toutefois qu’à la force de
25N, la résistance électrique de contact mesurée est d’environ 72mΩ. Cette valeur est surestimée
car même en configuration de mesure « 4 fils », une erreur de l’ordre de grandeur de la résistivité
électrique planaire ( Rcarrée ) (cf. Equation II-81) de la couche existe (cf. Annexe – C). Ceci étant, un
rayon de contact équivalent de 319nm peut être calculé avec la relation II-75 de Nikolić ou II-66 de
Holm (résistance de constriction ou de Maxwell). Cette valeur permet de calculer une borne
inférieure à l’aire de contact électrique réelle. Or, le rayon de contact élastique calculé avec la
relation II-33 de Hertz est de 142µm à 25N. Ainsi, l’aire de contact électrique réelle ne représente
que 0,0005% de l’aire de contact mécanique, mettant en évidence la formation du contact électrique
par fissuration de l’oxyde natif et extrusion de l’Aluminium au travers de ces fissures. Enfin, la
reproductibilité des résultats est étudiée dans la prochaine partie.
1,0.E+08 R
REC
EC durant le chargement 300
1,0.E+00
50
1,0.E-02 0
0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
Figure V-12 – Evolutions de la résistance électrique de contact ( R EC ) et du rayon de spot de
contact équivalent calculé avec le modèle de Nikolić pour un contact Al-Al « lisse », en fonction de
la force appliquée pour des lentilles de rayons 6,57mm.
201
Chapitre V – Analyse du contact électrique
1,0.E+08
Test 1
Test 2
Résistance électrique de contact (Ohm) Test 3
1,0.E+06
1,0.E+04
1,0.E+02
1,0.E+00
1,0.E-02
0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
Figure V-13 – Evolutions de la résistance électrique de contact ( R EC ) en fonction de la force
appliquée pour trois essais de compression avec des films minces d’Aluminium « lisses » et des
lentilles de rayon 6,57mm.
L’objectif de cette partie est l’étude de l’influence du rayon des lentilles en Silice sur
l’évolution de la R EC en fonction de la force appliquée. Deux couples de lentilles identiques de
rayons respectifs 3,29mm et 6,57mm sont utilisés dans cette étude. La géométrie complète des
lentilles est donnée Tableau III-5. Des essais de compression avec mesures électriques sont réalisés
avec ces couples de lentilles recouvertes de films minces d’Aluminium « lisses », à un taux de charge
de 0,2N/s et selon le protocole décrit dans la partie III.3.3. L’évolution de la résistance électrique de
contact en fonction de la force appliquée est donnée Figure V-14. Le régime ohmique permanent
semble être atteint plus rapidement avec le couple de lentilles de rayon 3,29mm. Mais, afin de
pouvoir comparer les courbes correctement, il faut tracer l’évolution de la résistance électrique de
contact en fonction de la pression, en prenant comme rayon de contact, le rayon élastique calculé
avec la relation II-33 de Hertz (cf. Figure V-15).
202
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Rlentilles = 6,57mm
R(lentilles)=6,57mm
1,0.E+06
1,0.E+04
1,0.E+02
1,0.E+00
1,0.E-02
0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
1,0.E+08
Rlentilles
Série3 = 3,29mm
1,0.E+06
Rlentilles
Série1 = 6,57mm
1,0.E+04
1,0.E+02
1,0.E+00
1,0.E-02
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
203
Chapitre V – Analyse du contact électrique
qu’à cette force se produit la transition entre l’effet tunnel et le régime métallique transitoire
correspondant à la création d’un premier pont métallique à travers une fissure. Or, une dépendance
de cette force critique avec la vitesse de chargement est mise en évidence Figure V-16. Plus la vitesse
de chargement diminue, et plus la force pour fissurer l’oxyde semble devoir être élevée. Cependant,
il n’y aucune raison évidente de trouver une telle dépendance et cette observation suggère une
influence de la viscoplasticité du film d’Aluminium et/ou une compétition entre la vitesse
d’oxydation et le taux de génération des fissures. L’influence de la force maximale dans l’évolution de
la résistance électrique de contact ( R EC ) est présentée dans la prochaine partie.
1,0.E+08 0,1N/s
Résistance électrique de contact (Ohm)
0,2N/s
1N/s
1,0.E+06
0,1N/s
0,2N/s
1,0.E+04
1,0.E+02
1N/s
1,0.E+00
1,0.E-02
0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
Figure V-16 – Evolution de la résistance électrique de contact ( R EC ) en fonction de la force
appliquée pour un contact Al-Al « lisse », avec des lentilles de rayon 6,57mm et différentes
vitesses de chargement.
Le paramètre à l’étude dans cette partie est la force maximale appliquée lors d’un essai de
compression. La force maximale appliquée jusqu’à présent est de 25N, c’est pourquoi des essais de
compression des lentilles de rayons 6,57mm, avec les films minces d’Aluminium « lisses » sont
réalisés à une force maximale de 50N et à une vitesse de chargement de 0,2N/s. Un résultat typique
de l’évolution de la résistance électrique de contact en fonction de la force appliquée obtenu dans ce
cas est donnée Figure V-17. Comme les résultats précédents, les différentes étapes de la
décroissance de la R EC en fonction de la force appliquée sont observées Figure V-17.
Mais le résultat le plus intéressant est qu’il n’y a qu’une faible influence de la force maximale
dans l’évolution des valeurs de résistance électrique lorsque le régime métallique permanent est
établi. La résistance électrique vaut en moyenne à forces maximales (63±9)mΩ et (41±8)mΩ pour les
essais réalisés respectivement à des forces maximales de 25 et 50N. La convergence vers une très
faible résistance électrique aux fortes forces peut être attribuée à deux causes. Tout d’abord la
mesure « 4 fils » est entachée d’une erreur systématique liée à l’étalement des lignes de courant
dans l’échantillon (« spreading »). D’autre part, la résistance électrique de contact n’est plus pilotée
uniquement par la formation des fissures dans l’oxyde natif, mais aussi par la géométrie du contact
réalisé, forçant le courant à passer à la périphérie du contact (résistance de « crowding » - cf.
chapitre II).
204
Chapitre V – Analyse du contact électrique
1,0.E+08
1,0.E+04
1,0.E+02
1,0.E+00
1,0.E-02
0 10 20 30 40 50
Force appliquée (N)
Figure V-17 – Evolution de la résistance électrique de contact ( R EC ) en fonction de la force
appliquée pour un contact Al-Al « lisse », avec des lentilles de rayon 6,57mm et jusqu’à une force
maximale de 50N.
REC during
ECR durantloading
la charge
0,060
22xRspreading
Rspreadingavec-aEq. (8)mm
= 15
∆R
0,040
0,020
0,000
0 10 20 30 40 50
Force appliquée (N)
Figure V-18 – Evolution de la résistance électrique de contact ( R EC ) et de la résistance de
« spreading » en fonction de la force appliquée pour un contact Al-Al « lisse », avec des lentilles
de rayon 6,57mm et une force maximale de 50N.
205
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Une étape de maintien à la force maximale est effectuée durant 120s lors de chaque essai de
compression, suivie d’une étape de déchargement se déroulant à la même vitesse que l’étape de
chargement. Ces deux étapes sont mises en évidence Figure V-19, avec les résultats expérimentaux
d’un essai de compression de lentilles de rayon 6,57mm, avec les films minces d’Aluminium « lisses »,
réalisés à une force maximale de 25N et à une vitesse de chargement de 0,2N/s. Lors du palier
effectué à la force de 25N, la résistance électrique de contact chute de 72mΩ à 63mΩ soit un
accroissement de 114,5% du rayon de contact équivalent calculé à l’aide de la relation II-75 de
Nikolić. Cette augmentation de l’aire de contact peut provenir des propriétés viscoplastiques de
l’Aluminium. Concernant l’étape de déchargement, la force nécessaire pour ne plus avoir de contact
électrique est d’environ -2,7N. Ce type d’adhésion déjà observé par [PETHICA 1979] et [SLADE 1999]
pour des contacts avec ou sans oxyde à l’interface, suggère la formation de ponts métalliques au
niveau des fissures créées dans l’Alumine native. Toutefois, l’étape de décharge n’est pas étudiée
pour l’essai de microinsertion, étant donné que le procédé de report de puce a pour objectif de créer
un contact électrique permanent. La prochaine partie vise à déterminer la contrainte à la rupture de
l’oxyde natif d’Aluminium à partir des résultats expérimentaux et d’une modélisation analytique de la
formation du contact.
9,0.E-02
1,0.E+08
Résistance électrique de contact (Ohm)
Charge
8,0.E-02
1,0.E+06
7,0.E-02
Palier
1,0.E+04 6,0.E-02
23,5 24 24,5 25 25,5
1,0.E+02 Charge
1,0.E+00 Adhésion
Décharge
1,0.E-02
-5 0 5 10 15 20 25
Force appliquée (N)
L’intérêt principal de l’essai de compression de barreaux croisés réside dans le fait que c’est un
contact identique au contact sphère-plan. Ainsi, la mécanique du contact hertzien peut être
appliquée à l’essai de compression des lentilles avec les films minces d’Aluminium, en supposant que
les lentilles se déforment uniquement dans le régime élastique (cf. § II.2.1.1) et en négligeant la
contribution du film mince d’Aluminium à la géométrie du contact. L’objectif est ensuite de
déterminer la déformation de l’Alumine native avant rupture à partir de la force appliquée, puis de
calculer sa contrainte à la rupture connaissant son module d’Young. Pour cela, il faut supposer que
les déformations radiales de l’Aluminium et de l’Alumine native sont imposées par la déformation
élastique de la surface de la lentille.
206
Chapitre V – Analyse du contact électrique
(1 − 2υ ).Frupt
ε xx,rupt (r = a e ) = V-3
2 E.πa e2
3(1 + 2υ ).Frupt
ε xx,rupt (r = 0) = V-4
4 E.πa e2
Une fois ces déformations radiales calculées, il est possible d’estimer la contrainte normale à la
rupture de l’Alumine native avec l’équation suivante :
avec le module d’Young de l’Alumine native donné Tableau IV-12. Dans ces travaux, [TIMSIT 1980]
émet l’hypothèse que la fracture se produit au centre du contact, là où la contrainte de compression
est maximale. Or, dans un contact hertzien avec un matériau fragile, la fissure apparaît proche de la
périphérie du contact, là où la contrainte de traction est maximale [JOHNSON 1987]. Ainsi, à partir
des valeurs de force Frupt obtenues pour les différentes vitesses de chargement (1 à 12N), les
déformations radiales de surface et les contraintes à la rupture de l’Alumine native sont calculées
respectivement à partir des relations V-3, V-4 et V-5 et sont résumées dans le Tableau V-3.
207
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Ces valeurs expérimentales sont comparées aux valeurs obtenues par [TIMSIT 1980] et
[GROSSKREUTZ 1969]. L’étude de [TIMSIT 1980] est une analyse d’essais de compression de sphères
en Aluminium de rayon de courbure de 25cm sous vide à 1.10-8Torr. Les travaux de [GROSSKREUTZ
1969] se résument à des essais de traction réalisés sur des feuilles en Aluminium recouvertes d’un
oxyde anodique amorphe épais de 300nm. Les déformations radiales à la rupture obtenues dans
notre cas sont du même ordre de grandeur que celles mesurées par [TIMSIT 1980] et [GROSSKREUTZ
1969]. Si ces estimations sont correctes, elles induisent pour un module d’Young de 111,6GPa (cf.
Tableau IV-12), une contrainte à la rupture en traction comprise entre 54 et 124MPa et une
contrainte à la rupture en compression comprise entre 190 et 450MPa, fonction de la vitesse de
chargement. Rappelons qu’une contrainte à la rupture d’environ 1 à 1,5GPa été calculée pour
l’Alumine ALD amorphe épaisse de 40nm dans le chapitre IV.
Aluminium
Fissures en vis-à-vis + extrusion de l’Al Fissures décalées
= formation d’un contact Al-Al = pas de contact Al-Al
Al2O3
Al2O3
Aluminium
Film en déformation
élastoplastique
Lentille en déformation
Rayon de contact élastique Silice
élastique
ae
Lentille supérieure
Lentille inférieure
Figure V-20 – Schématisation de la vue en coupe d’un essai de compression de barreaux croisés
avec fissuration de l’oxyde natif à l’interface.
Toutefois, ces estimations de contrainte à la rupture obtenue pour l’Alumine native dépendent
de la vitesse de chargement et comme explicité dans la partie V.1.3.2, il n’y aucune raison évidente
de trouver une telle dépendance. Ce résultat peut provenir de l’influence de la viscoplasticité du film
d’Aluminium et/ou d’un phénomène d’oxydation. Une des hypothèses les plus probables, est la
compétition entre l’oxydation quasi instantanée de l’Aluminium au niveau de fissures créées au
travers de l’oxyde natif à la périphérie de la zone de contact (là où il y a le maximum de contraintes
de traction à la surface de l’Alumine) et la plus ou moins faible vitesse d’accroissement de la zone
contact (cf. Figure V-20). Une solution à ce problème aurait été de réaliser les essais de compression
sous vide ou sous atmosphère contrôlée. Il est donc difficile de détecter à partir de ces différents
208
Chapitre V – Analyse du contact électrique
résultats électriques la force réelle à partir de laquelle l’Alumine native se fissure. Enfin, les valeurs
obtenues avec la vitesse de chargement rapide (1N/s) sont utilisées par défaut dans la suite de ce
travail, à savoir une contrainte à la rupture de 54MPa en traction et 190MPa en compression pour
l’Alumine native.
Les limites à la rupture pour l’Alumine amorphe varient de 52MPa (pour de l’Alumine native,
mesurée lors de l’essai de compression des barreaux croisés) jusqu’à la gamme de 1 à 1,5GPa (pour
de l’Alumine ALD, fonction de l’épaisseur du film d’Alumine, mesurée lors d’essais d’indentation
sphérique). Cette grande différence nous obliger à remettre en question la validité de l’Alumine ALD
comme modèle pour l’Alumine native, et à prendre en compte l’influence potentielle des joints de
grains pour des films très minces comme sites facilitant l’amorçage de fissures. Cependant, la limite à
la rupture d’un matériau en couche mince semblant dépendre de l’épaisseur du film et de la
température de dépôt [JEN 2011], il n’est donc pas complètement aberrant d’obtenir un tel écart de
limite à la rupture entre l’Alumine native et l’Alumine ALD.
Enfin, la prochaine partie de ce chapitre V est axée sur l’étude du contact avec singularité, et
plus précisément du contact réalisé lors de l’essai de microinsertion avec un plot de Nickel et un film
mince d’Al(Cu).
209
Chapitre V – Analyse du contact électrique
sont la charge rapide de 1s et le palier à force maximale pour étudier le fluage. La force maximale
appliquée est de 370mN pour atteindre une pression d’environ 3,2GPa et le palier dure 600s. Les
courbes force-déplacement obtenues lors de ces essais en fonction des différents films d’Al(Cu),
corrigées de la dérive thermique (de l’ordre de 0,15nm/s), sont présentées Figure V-21. Les valeurs
de déplacement maximal et de longueur de palier de fluage mesurées à partir de ces courbes sont
répertoriées dans le Tableau V-4.
400
Al(Cu) - Echantillon A
Petite taille de grain
350
Al(Cu) - Echantillon B
300 Moyenne taille de grain
Force appliquée (mN)
250
200
150
100
50
0
0,0 2,0 4,0 6,0 8,0
Déplacement (µm)
Figure V-21 – Courbes force-déplacement obtenues lors d’essais de microinsertion avec un plot de
Nickel et différents films minces d’Al(Cu).
210
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Toutefois, l’enfoncement le plus important mesuré lors du palier à force maximale est obtenu
avec l’échantillon d’Al(Cu) avec la petite taille de grain. Lors de cette étape à force constante,
d’autres mécanismes de plasticité peuvent être activés à des niveaux de déformation élevés, comme
par exemple le fluage diffusionnel de Coble et de Nabarro-Herring [FROST 1992], en fonction de la
température et de la taille de grain. Le fluage de Coble se traduit par une diffusion des atomes le long
des joints de grains, induisant ainsi une déformation du matériau et un glissement des joints de
grains, tandis que le fluage de Nabarro-Herring se traduit par une diffusion des atomes dans le
réseau entrainant un accroissement de la taille des grains (cf. Figure V-22). Ainsi, plus la taille de
grain du matériau est petite et plus ce fluage diffusionnel est significatif, avec des vitesses de
déformation proportionnelles à l’inverse du cube de la taille de grain du matériau pour le fluage de
Coble et à l’inverse du carré de la taille de grain du matériau pour le fluage de Nabarro-Herring
[FROST 1982]. Les essais de microinsertion étant réalisés à température ambiante, le fluage de Coble
est prépondérant sur le fluage de Nabarro-Herring. Ainsi, ce mécanisme de plasticité permet
d’expliquer la longueur du palier à force maximale, plus importante pour l’Al(Cu) avec la petite taille
de grain. En parallèle, les différentes étapes du procédé de microinsertion se font à une température
de 60°C, sauf pour la phase de réticulation de la colle « époxy », laquelle se déroule à une
température comprise entre 120 et 200°C. D’après les cartes de déformation de Frost-Ashby pour
l’Aluminium, données en Annexe – E, le fluage du type Nabarro-Herring peut se produire à partir de
températures proches de 0,85 fois la température de fusion de l’Aluminium (soit environ 560°C),
pour des tailles de grain de 4,5 et 5,8µm. Ainsi, le fluage de Coble reste prépondérant lors de l’étape
de thermocompression du procédé de microinsertion. En conclusion, il est probable qu’il y ait une
compétition à température ambiante entre les différents mécanismes de plasticité (durcissement de
Hall-Petch et fluage diffusionnel de Coble) permettant à l’Al(Cu) de se déformer en fonction du type
et de la durée de la sollicitation mécanique.
Les observations MEB et les mesures de topographie des microinserts obtenues à l’aide d’un
microscope interférentiel (WYKO-RST), avant et après essai de microinsertion, permettent de mettre
en évidence les différents degrés de déformation du microinsert selon le film d’Al(Cu) utilisé (cf.
Figure V-23 et Figure V-24). Ces observations révèlent une déformation élastoplastique du
microinsert de Nickel et de sa base (empilement Ti/Cu/Ti/Al(Si)), avec un accroissement du diamètre
211
Chapitre V – Analyse du contact électrique
8µm 8µm
Essai de microinsertion
Force maximale = 370mN
(soit une pression de 3,2GPa)
a’) b’)
8µm 8µm
Figure V-23 – Observations microscopiques de microinserts avant et après essais de
microinsertion réalisés avec (a et a’) l’échantillon A d’Al(Cu) et (b et b’) l’échantillon B d’Al(Cu).
Hauteur (µm)
6 6
5 5
4 4
3 3
2 2
1 1
0 0
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0
Coordonnée horizontale (µm) Coordonnée horizontale (µm)
Figure V-24 – Mesures moyennes de la topographie des microinserts avant et après essais de
microinsertion réalisés (a) avec l’échantillon A d’Al(Cu) avec la petite taille de grain et (b) avec
l’échantillon B d’Al(Cu) avec la moyenne taille de grain.
212
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Silicium oxydé. Enfin, à partir de ces différents résultats expérimentaux, la prochaine étape de ce
travail d’analyse consiste à modéliser le contact réalisé par microinsertion.
1
0,8
0,6
Hauteur (µm) 0,4
0,2
0
-0,2
-0,4
0 5 10 15 20 25
Coordonnée horizontale (µm)
Figure V-25 – Mesures moyennes (deux profils perpendiculaires) de la topographie de l’empreinte
résiduelle laissée dans l’échantillon B d’Al(Cu) après essai de microinsertion.
De nombreux modèles mécaniques ont été élaborés afin d’analyser l’insertion d’un poinçon
cylindrique plat dans un matériau massif (cf. § II.2.1.2). Parmi ces modèles, les modèles élastiques de
[JORDAN 1999] ou [DIOP 2009] permettent de déterminer à l’aide de la relation II-52, la répartition
de la contrainte normale à l’interface de contact normalisée par la limite d’élasticité de l’Al(Cu)
déterminée dans le chapitre IV (cf. Figure V-25). La répartition est donnée selon la coordonnée
radiale rapportée sur le rayon de contact élastique. La divergence de la contrainte au bord du
microinsert est clairement mise ici en évidence (cf. Figure V-26). Cette divergence théorique dans le
cas d’un contact élastique n’existe bien évidement pas dans un contact élastoplastique. Ce modèle
élastique permet cependant de donner une borne supérieure au rayon de la zone centrale du contact
qui n’est pas en déformation plastique, en faisant simplement l’approximation que la zone en
définition plastique corresponde au rayon pour lequel la contrainte normale réduite est supérieure à
1. Ainsi, l’évolution de la zone en déformation élastique sous le microinsert est donnée Figure V-27.
Selon le modèle de [JORDAN 1999], l’Al(Cu) plastifie (autrement dit lorsque la contrainte normale à
l’interface est égale à la limite élastique de l’Al(Cu)) sur la totalité de la zone de contact, pour une
pression appliquée de 0,103GPa pour l’échantillon A et de 0,77GPa pour l’échantillon B.
Or, ces modèles élastiques ne permettent pas de décrire l’écoulement plastique de l’Al(Cu)
sous le plot de Nickel durant l’essai de microinsertion. Quelques auteurs ont toutefois cherché à
modéliser analytiquement l’essai d’indentation élastoplastique avec un poinçon cylindrique plat dans
un matériau massif [JOHNSON 1987]. Deux modèles principaux sont alors identifiés : le modèle de
cavité sphérique et le modèle dit de « slip line ». Mais à la vue de la complexité du problème de
l’essai de microinsertion (i.e. empilements de films minces, influence de la rugosité, fluage…), seul un
jeu de simulations numériques permet une analyse fine du contact réalisé (par exemple [LEE 1970] et
[RICCARDI 2004]). Avant de chercher à modéliser le contact à l’aide de la méthode des éléments finis,
les résultats et l’analyse de l’essai de microinsertion avec mesure électrique sont présentés dans la
prochaine partie.
213
Chapitre V – Analyse du contact électrique
0
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2
Coordonnée radiale sur rayon de contact
Figure V-26 – Répartition de la contrainte normale à l’interface de contact normalisée par la limite
d’élasticité de l’Al(Cu) [JORDAN 1999].
[JORDAN 1999]
déformation déformation
élastique élastoplastique [DIOP 2009]
0,8
sur le rayon de contact
0,6
0,4
0,2
a) b)
Diamètre du contact 0,0
entre le microinsert en
0 0,5 1 1,5 2
déformation élastique et
le film mince d’Al(Cu) Pression appliquée sur limite élastique du métal
Figure V-27 – a) Schématisation (vue de dessus) des différentes zones en déformations dans le film
d’Al(Cu) et b) évolution du rayon de la zone en déformation élastique en fonction de la pression
appliquée selon [JORDAN 1999] et [DIOP 2009].
Les résultats expérimentaux obtenus lors d’un essai de microinsertion couplé à une mesure de
la résistance électrique de contact sont décrits dans cette partie, suivis d’une analyse du contact
électrique formé.
Avant de réaliser l’essai de microinsertion avec mesure électrique, les résistivités électriques
des différents films minces sont mesurées dans un premier temps selon la méthode de [SMITS 1958]
et [TOPSOE 1968], en suivant le protocole décrit dans le § V.1.1. Les valeurs de résistance de
214
Chapitre V – Analyse du contact électrique
« spreading » permettant de calculer la résistivité électrique sont obtenues à partir des pentes des
droites V (I ) , tracées Figure V-28. Les mesures sont réalisées à température ambiante et les valeurs
de résistivité électrique extraites avec la relation II-82 sont données Tableau V-5. Le substrat de
Silicium oxydé et l’oxyde thermique de Silicium sont supposés isolants, avec des résistivités
électriques respectives de l’ordre de 106-7µΩ.cm (selon le fournisseur) et de 1024µΩ.cm bb à
température ambiante.
Les valeurs expérimentales pour l’Al(Cu) sont comprises entre la valeur moyenne pour
l’Aluminium massif et la valeur moyenne obtenue par [MAYADAS 1968] sur des films polycristallins
d’Aluminium pur avec des épaisseurs de 100nm à 1µm. D’après les résultats obtenus, l’influence de
la taille de grain sur les valeurs de résistivité électrique est mise en évidence, avec une augmentation
de cette dernière pour une diminution de la taille de grain, comme le démontre [MAYADAS 1968]. La
valeur de résistivité électrique évaluée pour l’empilement est obtenue à partir de la résistance de
couche mesurée en mode 4 pointes et en prenant une épaisseur équivalente de 1,3µm, soit la
somme de toutes les épaisseurs des différents films métalliques (Ti, Cu et Al(Si)).
3,00
Empilement sous microinsert
Al(Cu) - Ech. A
2,00
Al(Cu) - Ech. B
Tension électrique (mV)
Al(Cu) - Ech. C
1,00
0,00
3,00
2,50
-1,00
2,00
1,50
-2,00
1,00
150 200 250
-3,00
-150 -250 -50 50 150 250
Intensité du courant électrique (mA)
Figure V-28 – Détermination des résistances de couche de l’empilement Ti/Cu/Ti/Al(Si) sous le
microinsert et des différents films d’Al(Cu).
bb
http://www.memsnet.org
215
Chapitre V – Analyse du contact électrique
350,00
Force appliquée (mN)
300,00
250,00
200,00
150,00
100,00
Charge Décharge
50,00
0,00
0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0
Déplacement (µm)
Figure V-29 – Courbe force-déplacement obtenue lors d’un essai de microinsertion avec mesure
électrique entre un plot de Nickel et un film mince d’Al(Cu).
L’allure de la courbe force-déplacement obtenue est différente de celles obtenues pour les
essais mécaniques, étant donné que les étapes de chargement sont différentes. Mais, elle reste
cohérente avec les résultats déjà obtenus par [DIOP 2009]. Notons que la valeur de déplacement
final de 6,25µm est plus grande que dans le cas de l’essai mécanique décrit précédemment § V.2.1,
avec respectivement une valeur de 5,94µm. Cette tendance s’inverse pour la hauteur du bourrelet
périphérique de l’Al(Cu). La hauteur mesurée avec un palier à forte force de 600s est de 873nm
contre une hauteur de 447nm en l’absence de ce palier et donc en l’absence de fluage diffusionnel.
Concernant l’évolution de la R EC , une décroissance de deux décades est mesurée (17,6Ω à 0,13Ω),
avec un passage transitoire entre 50 et 130mN, où la R EC augmente jusqu’à 141Ω. Cette zone de
transition avait déjà été observée par [DIOP 2009], lors d’essais de mesure de la R EC avec les deux
types de microinserts de diamètres 6 et 12,5µm (cf. Figure III-41). Cette zone peut être la
conséquence d’un écoulement plastique de matière dans l’empilement sous le microinsert ou dans
l’Al(Cu). A la vue de ces deux courbes expérimentales, cinq zones spécifiques sont différenciées dans
216
Chapitre V – Analyse du contact électrique
l’établissement de la R EC . Ces cinq étapes de la formation du contact sont décrites dans le Tableau
V-6.
1 + 2 3 4 5
1,0.E+03
Résistance électrique de contact (Ohm)
1,0.E+02
1,0.E+01
1,0.E+00
1,0.E-01
0 50 100 150 200 250 300 350 400
Force appliquée (mN)
0 10 20 30 40 50 60 70
Pression appliquée / Limite d'élasticité de l'Al(Cu)
Gamme de forces
Gamme de déplacements Evolution de la R EC
(et de pressions1)
Etape 1 0 à 0,15µm
(précharge + dérive (soit 0 à 23% de l’épaisseur 0 à 2mN
thermique) du film d’Al(Cu))
17,6 à 4,9Ω
0,15 à 0,5µm
2 à 50mN
Etape 2 (soit 23 à 77% de
(0,02 à 0,44GPa)
l’épaisseur du film d’Al(Cu))
4,9 à 0,8Ω
Etape 3 50 à 130mN
0,5 à 1,2µm (avec une remontée
(zone de transition) (0,44 à 1,14GPa)
jusqu’à 141Ω)
130 à 250mN
Etape 4 1,2 à 4,9µm0,80 à 0,15Ω
(1,14 à 2,21GPa)
Etape 5 250 à 362mN
4,9 à 6,3µm 0,15-0,13Ω
(« fortes forces ») (2,21 à 3,20GPa)
Tableau V-6 – Les étapes de la formation du contact lors d’un essai de microinsertion.
1
Les pressions sont calculées en prenant un diamètre fixe de microinsert de 12µm.
217
Chapitre V – Analyse du contact électrique
a) b)
Al(Cu) – Echantillon B
4µm 4µm Taille de grain = 4,5µm
a’) b’)
4µm 4µm
6
Hauteur (µm)
5 0,2
4 0,1
3
0
2
1 -0,1
0 -0,2
0 10 20 30 0 5 10 15 20 25 30
Coordonnée horizontale (µm) Coordonnée horizontale (µm)
Figure V-32 – Vue tridimensionnelle de l’empreinte résiduelle dans l’Al(Cu) mesurée à l’AFM.
218
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Il est important de souligner que la mesure de la résistance électrique a été paramétrée afin
d’éviter d’atteindre les températures de fusion du Nickel et de l’Al(Cu) (cf. § II.4.2). En imposant une
tension électrique de 1mV aux bornes du contact, la température du contact reste proche de la
température ambiante d’après la relation de Kohlrausch (cf. § II.4). Ainsi, aucun fluage à haute
température de type Nabarro-Herring ne peut être activé avec ces conditions expérimentales.
Afin de pouvoir comparer la R EC mesurée en fonction de la force avec celles mesurées par
[DIOP 2009], un bilan descriptif des paramètres expérimentaux, des échantillons et des résultats
obtenus est établi Tableau V-7. D’après ce tableau comparatif, il semble que la rugosité de surface du
microinsert de Nickel et la dureté du film d’Aluminium soient des facteurs prépondérants sur la
valeur finale de la résistance électrique de contact mesurée à forte force. Malheureusement, par
manque de temps, il n’a pas été possible de réaliser d’autres essais de microinsertion avec les autres
échantillons d’Al(Cu). La prochaine étape de ce travail d’analyse est la modélisation analytique de la
formation du contact électrique réalisé lors de l’essai de microinsertion.
D’après les résultats obtenus dans la première partie de ce chapitre, l’effet tunnel est supposé
être prépondérant aux faibles forces si les rugosités respectives du microinsert de Nickel et du film
d’Al(Cu) sont relativement faibles. Or, il a été vu dans la partie IV.2, lors de la caractérisation du
microinsert de Nickel, que la rugosité de surface de ce dernier est relativement importante en
comparaison avec celle du film d’Al(Cu). Ainsi, il est possible de supposer que les premières aspérités
de Nickel en contact avec le film d’Al(Cu) aux faibles forces (inférieures à 2mN), forment un contact
métallique avec le film d’Al(Cu), par fissuration de l’oxyde natif Al2O3 (et de l’oxyde natif de Nickel). Il
est difficile d’estimer une valeur de résistance tunnel dans ce type de contact, car nous ne
connaissons ni l’épaisseur exacte d’oxyde de Nickel (environ 1nm à température ambiante selon
[GRAHAM 1972]), ni l’énergie de la barrière tunnel Al(Cu)/Al2O3/(oxyde de Nickel)/Ni. Ainsi, le
contact électrique établi lors de cet essai de microinsertion est supposé être métallique même aux
faibles forces. Notons que pour une force de 2mN, l’aire de contact calculée avec l’équation de la
dureté III-23, en prenant une dureté de 190MPa pour l’Al(Cu), est égale à 10,6µm², soit 8,1% de la
surface totale du microinsert.
Ainsi, en supposant que le contact formé entre les rugosités de Nickel et le film d’Al(Cu) est
métallique (jonctions Ni-Al(Cu)), il est possible de calculer le rayon de contact équivalent en utilisant
la relation II-75 de [NIKOLIC 1999], à partir des valeurs de R EC en fonction de la force appliquée.
Mais pour cela, il faut supposer que l’intégralité de la R EC provienne uniquement des jonctions
métalliques créées au travers de fissures dans l’oxyde natif à l’interface de contact, et que le
bourrelet périphérique se formant au pied du microinsert ne touche pas l’autre bourrelet en vis-à-vis
se formant dans la cible d’Al(Cu). D’après les topographies de surface résiduelles mesurées
précédemment (cf. Tableau V-7), il y a environ 500nm entre les bourrelets périphériques se formant
d’une part au pied du microinsert et d’autre part dans la cible d’Al(Cu) à fortes forces, en supposant
que le microinsert ait pénétré jusqu’à une profondeur de 650nm dans l’Al(Cu).
219
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Observation MEB du
-
microinsert
4µm 2µm
Tableau V-7 – Comparaison des résultats obtenus par [MERCIER 2012_2] et [DIOP 2009].
220
Chapitre V – Analyse du contact électrique
REmpilement
Si – 725µm
SiO2 – 0,5µm
Al(Si) – 1µm
Empilement
Ti – 0,05µm R Ni − Empilement
+ −
∆V = V − V
Cu – 0,25µm
Ti – 0,03µm V− I+
R Ni
Insert de Ni
Fils de connexion − V+
I
en or
Al2O3 – 4nm
R Ni − Al (Cu )
Al(Cu) – 0,65µm
SiO2 – 0,5µm
Si – 725µm
R Al (Cu )
a) b)
Figure V-33 – a) Schématisation du contact électrique réalisé lors de l’essai de microinsertion et b)
un schéma électrique équivalent.
−1
Rc =
1
V-6
∑ RNi − Al (Cu )
(
Rc = REC − RAl (Cu ) + RNi + RNi − Empilement + REmpilement ) V-7
Dans le calcul de la résistance électrique réelle de contact, les résistances électriques du film
mince d’Al(Cu) R Al (Cu ) (10,6mΩ) et de l’empilement de couches minces métalliques sous le
microinsert REmpilement (7,4mΩ) sont approximées à l’aide des résistances électriques de
« spreading » tracées Figure V-28. La résistance électrique du microinsert de Nickel R Ni est obtenue
à l’aide de la relation II-65 et vaut entre 4,4mΩ (à force nulle) et 1,7mΩ (à la force maximale) à cause
de l’augmentation du diamètre et de la diminution de la hauteur du microinsert, toutes deux liées à
sa déformation plastique. Enfin, la résistance électrique de l’interface entre le microinsert de Nickel
et l’empilement de films minces sous-jacent R Ni − Empilement est évaluée à 2,2mΩ pour une constriction
courte limite par l’épaisseur du film [NORBERG 2006]. Cet effet correspond à la courbure des lignes
de courant (ou « crowding ») dans le plan du film à la périphérie de la zone de contact. Cette
résistance correspond à la résistance de « crowding » et est obtenue en multipliant la résistance
électrique par un facteur correctif de 1,05. La somme de ces différentes résistances électriques est
221
Chapitre V – Analyse du contact électrique
alors comprise entre 21,9 et 24,6mΩ. Ainsi, la résistance électrique de contact R EC corrigée de ces
résistances additionnelles, donnant alors Rc , est tracée en fonction de la force appliquée pour
l’étape de charge Figure V-34, avec en parallèle l’évolution du rayon de contact équivalent de Nikolić,
calculé en prenant un libre parcours moyen des électrons de 16,2nm dans l’Al(Cu) et de 6nm dans le
Nickel [ASHCROFT 1976].
1,E+03 200
180
160
1,E+02
140
120
80
Rayon du spot de 60
1,E+00 contact équivalent
calculé avec le modèle 40
de Nikolic
20
1,E-01 0
0 100 200 300 400
Force appliquée (mN)
Figure V-34 – Evolutions de la résistance électrique de contact ( R EC ) corrigée et du rayon de spot
de contact équivalent calculé avec le modèle de Nikolić pour le contact Ni(rugueux)-Al(Cu) réalisé
lors de l’essai de microinsertion, en fonction de la force appliquée.
D’après la Figure V-34, le rayon de contact équivalent est du même ordre de grandeur que le
libre parcours moyen des électrons dans le Nickel et l’Al(Cu) pour des forces allant jusqu’à 130mN.
Cela indique donc que le mode de transport est de type balistique pour les trois premières étapes de
la formation du contact électrique. A partir de la force de 130mN jusqu’à la force maximale
appliquée, le rayon de contact équivalent augmente de 26 à 224nm et la résistance électrique de
contact Rc corrigée diminue de 0,8 à 0,1Ω. A la force maximale, le rapport de l’aire de contact
électrique sur l’aire de contact mécanique (surface totale de contact) est d’environ 0,14%, ce qui
conforte l’idée de la formation d’un contact électrique de type métallique avec des jonctions Ni-
Al(Cu) au travers de fissures dans l’oxyde natif. Notons que dans la relation de Nikolić, la résistivité
électrique des matériaux de contact intervient, et que dans le calcul précédent (cf. Figure V-34), la
formation potentielle de composés intermétalliques plus résistifs n’a pas été prise en compte (cf.
Tableau II-1).
Les valeurs du rayon de contact équivalent pour chaque étape de la formation du contact
électrique sont données Tableau V-8, ainsi que les valeurs calculées à partir des résistances
électriques mesurées à force maximale par [DIOP 2009], lesquelles mettent en évidence un régime
de transport balistique à force maximale dans le cas de l’étude de [DIOP 2009].
222
Chapitre V – Analyse du contact électrique
électrique de la formation progressive du contact en fonction de la force appliquée est réalisée (cf.
Tableau V-9 et Figure V-35 ). Cette description reprend les cinq étapes observées précédemment sur
les courbes de la force en fonction du déplacement et de l’évolution de la R EC en fonction de la
force appliquée (ou de la pression appliquée, en prenant un diamètre fixe de microinsert de 12µm).
Un essai de microinsertion purement mécanique, réalisé pour une force maximale de 120mN
(soit une pression de 1,1GPa), permet d’illustrer la formation du contact (étapes 1 à 3). Un
déplacement total d’environ 1µm a alors été mesuré. Les bourrelets périphériques résiduels sont
d’environ 100nm autour de l’empreinte dans le film d’Al(Cu) et de 1µm autour du microinsert. Une
observation tridimensionnelle de l’empreinte résiduelle est donnée Figure V-37. Le microinsert a subi
une déformation élastique, étant donné que les diamètres mesurés avant et après essai de
microinsertion sont les mêmes.
223
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Etape 3 =Glissement ?
Flux de matière sous le microinsert?
SiO2/Si
SiO2/Si
Ti/Cu/Ti/Al(Si)
Ti/Cu/Ti/Al(Si) SiO2/Si
Microinsert
Microinsert Ti/Cu/Ti/Al(Si)
rugueux
Microinsert
rugueux de Ni Al2O3 Al2O3 Microinsert
Ni de Ni
rugueux Al2O3
rugueux de Ni
rugueux
Ni
Al(Cu) Al(Cu) Al(Cu)
SiO2/Si SiO2/Si SiO2/Si
a) b)
a’) b’)
Diamètre = 12,5µm
4µm Hauteur = 7,4µm 4µm
a’’) b’’)
2µm 2µm
Déformation élastique du
Déformation élasto-plastique de
microinsert et élasto-plastique de la
l’Al(Cu)
base
Figure V-36 – Observations au MEB d’un microinsert et du film d’Al(Cu) avant et après un essai de
microinsertion étayant les étapes 1,2 et 3 du scénario de formation du contact.
224
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Figure V-37 – Vue tridimensionnelle de l’empreinte résiduelle dans l’Al(Cu) mesurée à l’AFM pour
l’essai de microinsertion à 120mN.
En conclusion, les résultats obtenus lors des essais de microinsertion ont permis d’élaborer un
scénario de formation du contact en fonction de la force appliquée. Les résultats ont également
permis de mettre en évidence l’importance de la rugosité de surface du microinsert de Nickel et
l’importance de la dureté du film d’Al(Cu) sur l’établissement d’un contact électrique métallique avec
une faible résistance électrique. Enfin, avant de terminer l’analyse de l’essai de microinsertion avec
mesure électrique, divers résultats sur le contact réalisé par microinsertion sont présentés dans une
dernière partie.
L’objet de cette dernière partie est de discuter de certains résultats particuliers obtenus lors
de l’essai de microinsertion avec mesure électrique. Lors de l’essai, la mesure électrique a été
effectuée durant la charge, mais également lors de la décharge, bien que dans le procédé de
microinsertion, l’assemblage de puces ne soit pas voué à être décollé. L’évolution de la résistance
électrique de contact non corrigée en fonction de la force appliquée est donnée Figure V-38. Cette
courbe met en évidence une zone de transition lors de la décharge (entre 8 et 50mN), avec une
élévation de la résistance électrique de contact, similaire à celle observée lors de l’étape de charge.
Cette transition comme évoquée précédemment peut être attribuée à un écoulement de matière
dans l’empilement sous le microinsert ou dans l’Al(Cu). Toutefois, le fait d’observer cette zone de
transition durant la charge et la décharge incite à supposer que la déformation doit être en partie
élastique ou bien qu’un autre phénomène puisse se produire, comme un glissement à l’interface de
contact entre le microinsert de Nickel et le film d’Al(Cu) par exemple.
Ainsi, en observant de plus près l’empreinte résiduelle dans le film d’Al(Cu), il est possible de
voir des rayures longues de 300 à 400nm (cf. Figure V-39). Ces rayures peuvent alors être la preuve
d’un glissement pouvant entraîner une perte du contact métallique Ni-Al(Cu) et ainsi provoquer une
élévation de la résistance électrique de contact, comme observée durant la zone de transition. Enfin,
avant de terminer sur ces résultats expérimentaux, notons la présence de traces noires aux joints de
grains post-essai (cf. Figure V-40), caractéristiques de composés organiques en microscopie MEB en
électrons rétrodiffusés. Ces traces noires ne sont visibles que pour les essais de microinsertion
couplés avec une mesure électrique, bien que les échantillons soient passés avant l’essai dans un
équipement de gravure plasma O2, afin de retirer les couches organiques de surface (i.e. résidus de
résine par exemple ou contamination de surface…). Il se peut donc qu’il y ait un phénomène de
migration de la contamination organique résiduelle de surface, avec une accumulation le long des
joints des grains, sous l’effet du passage d’un courant électrique. Cette contamination organique
peut alors entraîner une hausse de la résistivité électrique macroscopique du film d’Al(Cu) et donc
225
Chapitre V – Analyse du contact électrique
une élévation de la R EC , si cette contamination diffuse le long des joints de grains (étant donné une
diffusion élevée des impuretés aux joints de grains à température ambiante pour la plupart des
métaux) [MISHIN 1999].
1,0.E+03
Etape de charge
Résistance électrique de contact (Ohm)
Etape de décharge
1,0.E+02
1,0.E+01
1,0.E+00
1,0.E-01
0 50 100 150 200 250 300 350 400
Force appliquée (mN)
Figure V-38 – Evolution de la résistance électrique de contact ( R EC ), en fonction de la force
appliquée (charge et décharge) lors d’un essai de microinsertion entre un plot de Nickel rugueux et
un film mince d’Al(Cu).
b)
Glissement ?
a)
2µm
4µm
c)
500nm
226
Chapitre V – Analyse du contact électrique
2µm
Après avoir présenté en détail les résultats expérimentaux obtenus lors des différents essais de
microinsertion et après les avoir analysé, un scénario de formation du contact a pu être élaboré. Afin
de compléter ce scénario (localisation du contact métallique Ni-Al(Cu), détermination de la pression
critique…), une étude numérique est réalisée dans la prochaine partie de ce chapitre.
Plusieurs auteurs ont cherché à simuler numériquement l’essai d’indentation d’un poinçon
plat, dans le cas d’un matériau massif, tels que [LEE 1970], [JORDAN 1999], [JAGER 2001], [RICCARDI
2004] et [JIANG 2009] ou dans le cas d’un film mince avec par exemple les travaux de [XU 2007] et
[TERRELL 2009]. Dans le cas de l’essai de microinsertion, la modélisation numérique est divisée en
plusieurs étapes, afin de faciliter d’une part sa mise en œuvre et d’autre part son analyse (cf. Figure
V-41). Une première simulation est effectuée à l’échelle du microinsert, puis une seconde à l’échelle
d’une rugosité de Nickel.
L’ensemble des simulations par la méthode des éléments finis est réalisé à partir du logiciel
commercial ABAQUS, avec l’interface ABAQUS/CAE et le solveur Standard & Explicit, et les propriétés
mécaniques des matériaux utilisés sont issues des essais d’indentation Berkovich décrits dans le
chapitre IV (cf. Tableau IV-5 et Tableau IV-6 pour les propriétés de l’empilement, Tableau IV-9 pour le
microinsert de Nickel et Tableau IV-12 pour l’Alumine native). Le substrat de Silicium, la couche
d’oxyde thermique et le microinsert de Nickel sont supposés être isotropes et se déformant
uniquement dans le régime élastique. Le film d’Al(Cu) (Echantillon B de moyenne taille de grain) est
également supposé isotrope étant donné un coefficient d’anisotropie élastique faible (cf. § II.1.1.3) et
son écrouissage est décrit selon une loi de type Hollomon (cf. § IV.1.3). Ce jeu de simulations doit
permettre de compléter les différents scénarios proposés précédemment pour la formation
mécanique et électrique du contact lors d’un essai de microinsertion entre le microinsert de Nickel et
le film mince d’Al(Cu).
De la même manière que pour l’essai d’indentation, le calcul numérique est réalisé en mode
axisymétrique. L’empilement de couches minces sous le microinsert n’est pas pris en compte dans un
souci de simplification. Le microinsert de Nickel et l’empilement de couches minces sont modélisés
par des solides déformables. Le rayon du microinsert peut prendre les valeurs de 3, 6 et 9µm et le
bord en contact avec l’Al(Cu) est modélisé par un arc de cercle de rayon 100nm fixé arbitrairement
pour chaque microinsert. L’empilement avec le film d’Al(Cu) est ensuite modélisé en respectant les
épaisseurs de chaque film mince, mais en négligeant la présence de l’oxyde natif. L’épaisseur du
227
Chapitre V – Analyse du contact électrique
substrat de Silicium et la largeur de l’empilement sous l’Al(Cu) sont fixées à dix fois le rayon du
microinsert, afin d’éviter les effets de bords.
Si Rinsert
SiO2 Al(Cu)
Al(Si) z
SiO2
Cu 1
Si
Microinsert x
rugueux de Ni Al2O3
a) Rrugosité
x
Figure V-41 – Les différentes approches pour la modélisation numérique de l’essai de
microinsertion : a) dans le cas réel avec un microinsert de Nickel rugueux, b) avec un microinsert
de Nickel lisse et c) à l’échelle d’une seule rugosité de Nickel.
Concernant les conditions limites sur le champ de déplacement, l’empilement est bloqué selon
la direction radiale x au niveau de l’axe de rotation du microinsert et selon les directions radiale x et
verticale z au niveau du substrat de Silicium. Un déplacement vertical est imposé à la surface
supérieure du microinsert, afin de simuler une compression. Le contact entre le microinsert et le film
d’Al(Cu) est défini à partir d’une relation de pression de contact-interférence de type « dure ». La
surface du microinsert joue le rôle de la surface maître et celle du film d’Al(Cu) le rôle de la surface
esclave. De plus, le contact est considéré comme étant sans friction (cf. § II.2.4). L’interface entre le
film d’Al(Cu) et l’oxyde thermique est considérée comme parfaite (pas de délamination autorisée). Le
maillage utilisé pour réaliser cette simulation numérique est donné Figure V-42. Les éléments sont
des triangles de type CAX6M composés de 6 nœuds avec une interpolation quadratique. Les
éléments proches du contact, dans le film d’Al(Cu), ont une dimension moyenne (coté du triangle) de
40nm.
228
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Microinsert de Nickel
Al(Cu)
SiO2
Si
10 Rinsert
Al(Cu)
SiO2
z Si
x
10 Rinsert
Figure V-42 – Maillage utilisé pour la modélisation numérique de l’essai de microinsertion à
l’échelle du microinsert.
L’objectif de ces simulations est de déterminer comment se déforme le film d’Al(Cu) sous le
microinsert durant l’étape de chargement. Les grandeurs extraites du fichier résultat sont les
déformations totales (somme des déformations élastiques et plastiques) à la surface du film d’Al(Cu),
en fonction du déplacement hsim , de la force de réaction Fc,sim sur la surface du film d’Al(Cu) et des
coordonnées radiales le long de l’axe x .
Il est important de souligner avant d’analyser les résultats, que la contrainte maximale
équivalente selon le critère de von Mises atteint une valeur de 0,9GPa dans le microinsert de Nickel,
pour un enfoncement de 30% de l’épaisseur du film d’Al(Cu). Or, la dureté moyenne du Nickel ECD
est de 3GPa (cf. § IV.2.3) et en estimant la limite élastique du Nickel à la valeur de 1GPa selon la
relation de Tabor, il est possible de supposer que le microinsert reste en déformation élastique pure.
Cet enfoncement maximal de 30% de l’épaisseur du film d’Al(Cu) atteint lors de la simulation,
correspond à une pression moyenne appliquée de 0,2GPa sur le microinsert. Notons qu’il n’a pas été
possible de pousser les simulations numériques plus loin (i.e. pour des pressions plus importantes),
étant donné qu’elles ne convergeaient plus, même avec des étapes de remaillage.
Les déformations ε xx et ε zz dues aux contraintes normales selon les axes respectifs x et z ,
puis les déformations ε xz dues aux contraintes de cisaillement sont alors tracées Figure V-43, pour
des enfoncements respectifs de 10, 20 et 30% de l’épaisseur du film d’Al(Cu), avec le microinsert de
rayon 6µm. Une déformation positive correspond à une élongation et une déformation négative à
une contraction. Les premières observations analogues aux trois niveaux d’enfoncement, à la vue de
ces différents graphiques sont :
la présence d’une zone en élongation sous le microinsert selon l’axe x ;
la présence d’une zone en contraction au-delà du contact selon l’axe x (= bourrelet) ;
l’absence de cisaillement sous le microinsert ;
la présence d’une zone de cisaillement maximum au niveau du bord du microinsert ;
la présence d’une zone en contraction sous le microinsert selon l’axe z ;
et la présence d’une zone en élongation au-delà du contact selon l’axe z (= bourrelet).
229
Chapitre V – Analyse du contact électrique
0,30
Déformation radiale ε xx
a)
0,15
hSérie2
sim t Al (Cu ) = 0,1
0,00 hSérie3
sim t Al (Cu ) = 0,2
-0,15 hSérie1
sim t Al (Cu ) = 0,3
-0,30
0,0 0,5 1,0 1,5
Coordoonée radiale / Rayon de contact
0,30
b)
Déformation ε xz
0,15
hSérie2
sim t Al (Cu ) = 0,1
0,00 hSérie3
sim t Al (Cu ) = 0,2
-0,15 hSérie1
sim t Al (Cu ) = 0,3
-0,30
0,0 0,5 1,0 1,5
Coordoonée radiale / Rayon de contact
0,30
c)
Déformation ε zz
0,15
hSérie2
sim t Al (Cu ) = 0,1
0,00 hSérie3
sim t Al (Cu ) = 0,2
-0,15 hSérie1
sim t Al (Cu ) = 0,3
-0,30
0,0 0,5 1,0 1,5
Coordoonée radiale / Rayon de contact
Figure V-43 – Evolution de la déformation totale a) radiale selon l’axe x ( ε xx ), b) de cisaillement
( ε xz ) et c) selon l’axe z ( ε zz ) en fonction de la coordonnée radiale pour différents rapports
d’enfoncement ( hsim ) sur épaisseur de film d’Al(Cu) ( t Al (Cu ) ), à la surface du film d’Al(Cu) et pour
un microinsert de rayon 6µm.
Les déformations ε xx dues aux contraintes normales selon l’axe x sont également tracées
Figure V-44, pour un enfoncement de 30% de l’épaisseur du film d’Al(Cu), pour les trois microinserts
de rayons respectifs 3, 6 et 9µm. A la vue de ces courbes, il semble que le comportement du film
d’Al(Cu) reste le même quel que soit le rayon du microinsert, mais avec des niveaux de déformation
différents. Les résultats de ces simulations doivent permettre ultérieurement de déterminer en
fonction du rayon du microinsert, à quel enfoncement ou à quelle pression appliquée l’Alumine
native se fissure.
230
Chapitre V – Analyse du contact électrique
0,30
Rinsert = 3µm
6um
-0,15
hsim t Al (Cu ) = 0,3
-0,30
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Coordoonée radiale / Rayon de contact
Figure V-44 – Evolution de la déformation totale radiale selon l’axe x ( ε xx ) à la surface du film
d’Al(Cu), en fonction de la coordonnée radiale, pour des microinserts de différents rayons
( Rinsert ), à un rapport d’enfoncement ( hsim ) sur épaisseur de film d’Al(Cu) ( t Al (Cu ) ) de 0,3.
500
Profil de l'empreinte résiduelle (nm)
MEF 0,2GPa
FEM - −0,2GPa
400
AFM-−3,2GPa
AFM 3,2GPa
300
200
100
-100
-200
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Coordonnée radiale / Rayon du microinsert
Figure V-45 – Comparaison des profils résiduels de topographie de surface de l’empreinte dans
l’Al(Cu), obtenus numériquement (MEF) et expérimentalement à l’AFM.
231
Chapitre V – Analyse du contact électrique
0,6
0,4
0,2
Essai à 1,1GPa
0
0 20 40 60 80
Pression appliquée / Limite élastique de l'Al(Cu)
Figure V-46 – Evolution de la hauteur du bourrelet périphérique d’Al(Cu) en fonction de la
pression appliquée dans le cas des simulations numériques (MEF)
et dans le cas expérimental (AFM).
La rugosité de Nickel est supposée hémisphérique et le calcul numérique est réalisé en mode
axisymétrique. La rugosité et l’empilement de couches minces sont modélisés par des solides
déformables. La rugosité de Nickel a un rayon moyen mesuré de 260nm (cf. § IV.2.2), mais d’autres
rayons de 65 et 455nm sont également testés (valeurs extrêmes rencontrées). L’empilement avec le
film d’Al(Cu) est modélisé en incluant l’Alumine native, en respectant les épaisseurs de chaque film
mince. L’épaisseur du substrat de Silicium et la largeur de l’empilement sont fixées à vingt-cinq fois le
rayon de contact plastique maximal évalué géométriquement (cf. Equation IV-5), afin d’éviter les
effets de bords, soit environ une longueur de 11,5µm (pour une rugosité de rayon 455nm).
Rugosité de Nickel
Al2O3
Al(Cu)
SiO2
Si
25Rrugosité Al2O3
Al(Cu)
z
x
25Rrugosité
Figure V-47 – Maillage utilisé pour la modélisation de l’essai de compression d’une rugosité de
Nickel dans le film d’Al(Cu), lors d’un essai de microinsertion.
232
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Concernant les conditions limites sur le champ de déplacement, l’empilement est bloqué selon
la direction radiale x au niveau de l’axe de rotation de la rugosité et selon les directions radiale x et
verticale z au niveau du substrat de Silicium. Un déplacement vertical est imposé à la surface
supérieure de la rugosité de Nickel, afin de simuler une compression. Le contact entre la rugosité de
Nickel et l’Alumine native est défini à partir d’une relation de pression de contact-interférence de
type « dure ». La surface de la rugosité joue le rôle de la surface maître et celle de l’Alumine native le
rôle de la surface esclave. De plus, le contact est considéré comme étant sans friction (cf. § II.2.4).
L’interface entre l’Alumine native et le film d’Al(Cu) est supposée parfaite (pas de délamination
autorisée). Le maillage utilisé pour réaliser cette simulation numérique est donné Figure V-47. Les
éléments sont des triangles de type CAX6M composés de 6 nœuds avec une interpolation
quadratique, sauf dans l’épaisseur de la couche d’Alumine, où les éléments sont des rectangles de
type CAX8R avec également une interpolation quadratique. Les éléments dans la couche d’Alumine
native font en moyenne 1,5 x 2,5nm.
Les déformations élastiques ε xx et ε zz dues aux contraintes normales selon les axes respectifs
x et z , puis les déformations élastiques ε xz dues aux contraintes de cisaillement sont alors tracées
Figure V-48, avec une rugosité de Nickel de rayon 260nm et pour des enfoncements respectifs de 2, 5
et 10% de l’épaisseur du film d’Al(Cu). Les premières observations analogues aux trois niveaux
d’enfoncement, à la vue de ces différents graphiques sont :
la présence d’une zone en élongation sous la rugosité selon l’axe x ;
la présence d’un maximum d’élongation au niveau du rayon de contact selon l’axe x ;
la présence d’une zone de cisaillement sous la rugosité ;
la présence d’un maximum de cisaillement au niveau du rayon de contact ;
la présence d’une zone en contraction sous la rugosité selon l’axe.
Notons que la contrainte maximale équivalente selon le critère de von Mises dans la rugosité
de Nickel, dépasse la valeur de 1GPa à partir d’un enfoncement d’environ 3% de l’épaisseur du film
d’Al(Cu), pour les trois rapports R t Al2O3 . Pour des enfoncements plus importants, la rugosité reste en
déformation élastique dans les simulations (pas de loi d’écrouissage pour le Nickel), mais en réalité la
rugosité peut se déformer plastiquement.
233
Chapitre V – Analyse du contact électrique
0,05
sim t Al (Cu ) = 0,02 soit hsim / R = 0,05
hh/t=0,0
0,00
sim t Al (Cu ) = 0,05 soit hsim / R = 0,125
hh/t=0,0
-0,05 hh/t=0,1
sim t Al (Cu ) = 0,1 soit hsim / R = 0,25
-0,10
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Coordoonée radiale / Rayon de contact
0,10
b)
Déformation ε xz
0,05
sim t Al (Cu ) = 0,02 soit hsim / R = 0,05
hSér
0,00
sim t Al (Cu ) = 0,05 soit hsim / R = 0,125
hSér
-0,05 hSér
sim t Al (Cu ) = 0,1 soit hsim / R = 0,25
-0,10
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Coordoonée radiale / Rayon de contact
0,10
c)
Déformation ε zz
0,05
hSsim t Al (Cu ) = 0,02 soit hsim / R = 0,05
0,00 hSsim t Al (Cu ) = 0,05 soit hsim / R = 0,125
-0,10
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
Coordoonée radiale / Rayon de contact
Figure V-48 – Evolution de la déformation élastique a) radiale selon l’axe x ( ε xx ), b) de
cisaillement ( ε xz ) et c) selon l’axe z ( ε zz ) en fonction de la coordonnée radiale pour différents
rapports d’enfoncements ( hsim ) sur épaisseur de film d’Al(Cu) ( t Al (Cu ) ), à la surface du film
d’Alumine native, avec une rugosité de Nickel de rayon 260nm.
234
Chapitre V – Analyse du contact électrique
0,05
Déformation radiale ε xx
a)
0,03
R = 65nm
65nm soit hsim / R = 0,2
0,00
R = 260nm soit hsim / R = 0,05
260nm
0,05
b)
Déformation ε xz
0,03
R = 65nm
65nm soit hsim / R = 0,2
0,00 R = 260nm soit hsim / R = 0,05
Série
D’après la Figure V-49, la traction radiale maximale proche du bord du contact est deux fois
plus importante que le cisaillement maximal pour les rugosités de rayons 260 et 455nm, et du même
ordre de grandeur pour la rugosité de rayon 65nm. L’hypothèse d’une fissuration de l’Alumine native
contrôlée par le mode I est donc vraisemblable pour un tel rapport d’enfoncement sur épaisseur de
film d’Al(Cu). Ce résultat concorde également avec les simulations numériques d’essais d’indentation
sphérique d’un film rigide déposé sur un substrat élastoplastique d’Aluminium réalisées par [SOUZA
1999], [SOUZA 2001_1] et [SOUZA 2001_2]. Enfin, les rapports R t Al2O3 pour ces trois simulations à
l’échelle de la rugosité de Nickel sont bien inférieurs aux valeurs de 500 et 1250, pour lesquelles des
mécanismes de « mud-cracking » ont été observés en indentation sphérique sur le même type
d’empilement (cf. § IV.3.4 et Annexe – H).
Le but de cette partie est de déterminer à partir des différentes simulations numériques, la
pression à appliquer pour fissurer l’Alumine native, puis de localiser et de suivre l’évolution de la
formation du contact électrique (contact métallique Ni-Al(Cu)), afin de compléter le scénario de
formation du contact électrique lors de l’essai de microinsertion.
235
Chapitre V – Analyse du contact électrique
radiale à la surface de l’Al(Cu), sous le microinsert et selon l’axe x , est prépondérante durant le
chargement (cf. Figure V-43). En prenant l’hypothèse que le film d’Al(Cu) impose sa déformation à
l’Alumine native, il est possible de supposer que l’Alumine native se fissure sous l’action d’une
contrainte de traction, autrement dit selon le mode I. La contrainte normale radiale σ xx ( Al 2 O3 ) dans
l’Alumine native est alors calculée selon l’équation V-8, à partir de la déformation ε xx ( Al ) à la
surface du film d’Al(Cu) et du module d’Young de l’Alumine native E Al2O3 IV-12). Puis, en la
comparant aux valeurs de contraintes normales radiales à la rupture σ xx,rupt ( Al 2 O3 ) de l’Alumine
native (cf. Tableau V-3, soit une borne inférieure de 0,054GPa) et de l’Alumine ALD (cf. Tableau IV-18,
soit une borne supérieure de 1,5GPa), il est possible de localiser sous le microinsert, où l’Alumine
native se fissure selon l’axe x et à quelle pression P (cf. Equation V-9). Ainsi, le critère de fissuration
de l’Alumine native se résume au fait d’avoir ou non, un rapport de la contrainte normale radiale
dans l’Alumine native sur la contrainte normale radiale à la rupture de l’Alumine supérieur ou égal à
1.
σ xx ( Al 2 O3 )
= f (x, P ) ≥ 1 ⇒ Fracture V-9
σ xx,rupt ( Al 2 O3 )
De plus, d’après la Figure V-43-a, la contrainte radiale évolue de manière décroissante du bord
du contact vers le centre du contact. Il est donc possible de proposer un scénario de fissuration de
l’Alumine native sous le microinsert, tel que le contact électrique se forme dans un premier temps au
bord du contact, puis évolue vers le centre sous le microinsert au fur et à mesure que la pression
d’appui augmente (cf. Figure V-50). Le disque sous le microinsert, où la contrainte normale radiale à
la rupture de l’Alumine n’est pas atteinte, est dit isolant et est caractérisé par son rayon Riso . Ainsi le
rayon de ce disque est définit selon l’équation V-10 et son évolution en fonction de la pression
appliquée est donnée Figure V-51 (en fonction de la contrainte normale radiale à la rupture de
l’Alumine) et Figure V-52 (en fonction du module d’Young de l’Alumine native) pour le microinsert de
diamètre 12µm, et Figure V-53 pour les trois microinserts.
f (Riso , P ) = 1 V-10
A la vue des Figure V-51 et Figure V-52, il semble que le critère de fissuration soit validé sur la
totalité de l’aire de contact sous le microinsert de diamètre 12µm, pour une gamme de pressions
appliquées allant de 180 à 230MPa, soit 4 à 5 fois la limite d’élasticité du film d’Al(Cu) (correspondant
à des enfoncements de l’ordre de 10 à 20% de l’épaisseur du film d’Al(Cu)). Ce scénario n’est
toutefois valable que pour les trois premières étapes du scénario de formation du contact pour
l’essai de microinsertion données Figure V-35 et Tableau V-9, lorsque le microinsert est uniquement
dans un régime de déformation élastique pour une interface de contact parfaitement lisse.
Rappelons qu’en déformation élastoplastique, le diamètre du microinsert augmente et par
conséquent la surface de contact également.
236
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Force appliquée
Microinsert de Nickel
Rinsert
Pénétration du micro-insert Vue schématique en
dans le film d’Al(Cu) coupe de l’essai de
microinsertion
Alumine native
Film mince d’Al(Cu)
Substrat isolant
Riso
Couronne conductrice Vue schématique de
(fissures dans l’Alumine) dessus de l’aire de
contact électrique
Zone isolante (pas de
fissure dans l’Alumine)
Figure V-50 – Schématisation de la formation du contact électrique à l’échelle du plot de Nickel en
déformation élastique.
Les résultats de la Figure V-53 mettent en évidence l’influence du rayon du microinsert sur
l’évolution du rayon du disque isolant en fonction de la pression appliquée, et dans les valeurs de
pressions, pour lesquelles la fissuration dans l’Alumine native s’initialise et se termine. Ainsi, plus le
rayon du microinsert est grand, plus la décroissance du rayon isolant sous le microinsert est faible et
plus la pression requise pour initialiser la fissuration est élevée. Afin d’extraire des gammes de
pressions moyennes de ces différents résultats, une schématisation multilinéaire de la décroissance
du rayon du disque isolant sous le microinsert, en fonction de la pression appliquée est donc utilisée
P Pfin
(cf. Figure V-54). Les différentes gammes de pressions ( init et ) et les pentes
σe σe
R P
∆ iso ∆ caractéristiques de cette décroissance, fonction de la contrainte à la rupture de
Rinsert σe
l’Alumine native et du rayon du microinsert, sont récapitulées dans le Tableau V-10. Enfin, les
résultats numériques obtenus avec le microinsert de rayon 6µm sont confrontés aux résultats
expérimentaux Figure V-55. Il semble d‘après ce graphique, que rapidement et dès le début de l’essai
de microinsertion (durant les étapes 1 et 2), une pression suffisante soit atteinte pour s’affranchir de
la présence d’un disque isolant sous le microinsert.
237
Chapitre V – Analyse du contact électrique
E Al2O3 = 60GPa
Series2
1,2
E Al2O3 = 111GPa
Series3
1
E Al2O3 = 160GPa
/ Rayon du microinsert
Series1
0,8
0,6
0,4
0,2
σ xx,rupt = 1,5GPa
0
0 2 4 6
Pression appliquée / Limite d'élasticité de l'Al(Cu)
Figure V-52 – Evolution du rayon du disque isolant sous le microinsert de diamètre 12µm, en
fonction de la pression appliquée pour différentes valeurs de module d’Young pour l’Alumine
native et pour une limite d’élasticité de 46MPa pour l’Al(Cu).
microinsert / Rayon du microinsert
Rinsert = 3µm
6um
Rayon du disque isolant sous le
1,2
Rinsert = 6µm
12um
1
Rinsert = 9µm
18um
0,8
0,6
0,4
E Al2O3 = 111GPa
0,2 σ xx, rupt = 1,5GPa
0
0 2 4 6
Pression appliquée / Limite d'élasticité de l'Al(Cu)
Figure V-53 – Evolution du rayon du disque isolant sous le microinsert en fonction de la pression
appliquée, pour des microinserts de différents rayons.
238
Chapitre V – Analyse du contact électrique
Riso
Rinsert
R P
∆ iso ∆
Rinsert σe
Pinit Pfin P
σe σe σe
Figure V-54 – Schématisation de la décroissance du rayon du disque isolant sous le microinsert en
fonction de la pression appliquée P .
Pinit Pfin R P
Rayon du microinsert ∆ iso ∆
σe σe Rinsert σe
Rinsert = 3µm
0,8 à 1,6 2 à 2,6 -0,83 à -1
Rinsert = 6 µm 1,6 à 2,6 4,2 à 5 -0,42 à -0,45
Rinsert = 9 µm 1,8 à 2,8 6,8 à 8 -0,21 à -0,19
Tableau V-10 – Tableau récapitulatif des gammes de pressions à l’origine de la formation du contact
électrique à l’échelle du microinsert, en fonction du rayon du microinsert et de la contrainte à la rupture
de l’Alumine native.
1 + 2 3 4 5
1,0.E+03
Résistance électrique de contact (Ohm)
Début de la décroissance du
disque isolant sous le
microinsert
1,0.E+02
Fin de la décroissance du
disque isolant sous le
microinsert
1,0.E+01
1,0.E+00
1,0.E-01
0 50 100 150 200 250 300 350 400
Force appliquée (mN)
0 10 20 30 40 50 60 70
Pression appliquée / Limite d'élasticité de l'Al(Cu)
Figure V-55 – Evolution de la résistance électrique de contact ( R EC ) en fonction de la force
appliquée, confrontée à l’évolution du disque isolant sous le microinsert.
239
Chapitre V – Analyse du contact électrique
A l’échelle d’une rugosité sphérique de Nickel, la zone d’intérêt principale pour l’analyse du
contact électrique se situe au niveau du bord du contact, là où la déformation radiale (contrainte
normale de traction) est la plus importante aux faibles enfoncements (cf. Figure V-48).
Une fissure orthoradiale peut se former dans l’Alumine native au bord du contact, si la
contrainte normale de traction dépasse la contrainte normale à la rupture de l’Alumine, de la même
manière que pour les fissures orthoradiales observées lors des essais d’indentation sphérique
réalisés dans le chapitre IV. La formation du contact électrique à l’échelle d’une rugosité de Nickel est
donc schématisée Figure V-56 selon ce scénario. Le contact électrique est décrit par une couronne
conductrice (autrement dit la fissure orthoradiale), autour d’un disque isolant d’Alumine native de
rayon riso , défini selon l’équation V-11. Les valeurs du rayon riso en fonction de la pression appliquée
et du rayon de la rugosité (65, 260 et 450nm) sont données Tableau V-11 et Figure V-57.
f (riso , P ) = 1 V-11
Force appliquée
Rugosité de Nickel
Rrugosité
Vue schématique en
coupe de l’essai de
Alumine native microinsertion à l’échelle
Film mince d’Al(Cu) d’une seule rugosité
riso
Couronne conductrice Vue schématique de
(fissures dans l’Alumine) dessus de l’aire de
contact électrique
Zone isolante (pas de
fissure dans l’Alumine)
Figure V-56 – Schématisation de la formation du contact électrique à l’échelle d’une unique
rugosité de Nickel en déformation élastique.
D’après les valeurs données dans le Tableau V-11, le rayon riso de la première fissure est du
même ordre de grandeur que le rayon de contact pour les trois types de rugosités. Plus le rayon de la
rugosité est grand, et plus la gamme de pressions nécessaires pour obtenir la première fissure est
faible. La gamme de pressions requise pour obtenir la fissuration de l’Alumine native, sous une
rugosité de Nickel, varie entre 90 et 370MPa, soit 2 à 8 fois la limite élastique du film d’Al(Cu), selon
les valeurs de module d’Young et de contrainte normale à la rupture de l’Alumine native et la valeur
du rayon de la rugosité de Nickel (cf. Figure V-57). Ces gammes de pressions correspondent à des
enfoncements de la rugosité de l’ordre de 0,3 à 3% de l’épaisseur du film d’Al(Cu), pour une
contrainte normale à la rupture de l’Alumine native de 1,5GPa et de l’ordre de 0,2 à 0,7% de
l’épaisseur du film d’Al(Cu) pour une contrainte normale de traction à la rupture de l’Alumine native
240
Chapitre V – Analyse du contact électrique
de 54MPa. Il est important de souligner que cette gamme de pressions est du même ordre de
grandeur que celle obtenue lors des simulations à l’échelle du microinsert, mais pour une unique
rugosité. En réalité, plusieurs rugosités de Nickel sont en contact avec la surface du film d’Al(Cu), et
des paramètres tels que la densité de la rugosité, ou la répartition et la hauteur des rugosités sont à
prendre en compte pour pouvoir analyser plus précisément la formation du contact. Enfin, d’après la
Figure V-48-a et d’après les travaux de Souza [SOUZA 2001_2], la formation du contact se poursuit
avec l’apparition d’autres fissures orthoradiales de plus grands rayons se formant autour de la
première, lorsque la pression appliquée augmente.
260nm
( R / t Al2O3 = 65 ) 136MPa 1,18 132MPa 1,03 117MPa 1,01 103MPa 1,18
455nm
( R / t Al2O3 = 114 ) 121MPa 1,05 109MPa 1,01 105MPa 1,00 94MPa 1,16
Tableau V-11 – Tableau récapitulatif des valeurs de pression appliquée pour fissurer l’Alumine native
pour une rugosité de Nickel de rayon donné, obtenues numériquement en fonction du module
d’Young et de la contrainte normale à la rupture de l’Alumine native.
Rrugosité = 65nm
Rayon du disque isolant sous la
rugosité / Rayon de la rugosité
0,2
E Al2O3 = 60GPa
Série1
0,1 E Al2O3 = 111GPa
Série2
σ xx,rupt = 1,5GPa E Al2O3 = 160GPa
Série3
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Pression appliquée / Limite d'élasticité de l'Al(Cu)
Figure V-57 – Taille du disque isolant sous une rugosité de Nickel (en déformation élastique), en
fonction du rayon de la rugosité et du module d’Young de l’Alumine native, et pour une limite
d’élasticité de 46MPa pour l’Al(Cu).
241
Chapitre V – Analyse du contact électrique
rugueux) sont des facteurs déterminants pour générer des fissures dans l’Alumine native et donc
pour localiser le contact électrique (contact métallique Nickel-Al(Cu)).
Conclusion
Dans un premier temps, le contact entre deux films minces d’Aluminium en l’absence de
singularité a été étudié. Des essais de compression en configuration de barreaux croisés ont permis
d’établir les différentes étapes de la formation du contact électrique, en analysant finement
l’évolution de la résistance électrique de contact en fonction de la force appliquée :
- aux faibles forces, le contact est capacitif (Al-Al2O3-Al), avec un effet tunnel prépondérant ;
- aux fortes forces, le contact obtenu par fissuration de l’oxyde natif est métallique (Al-Al).
Le rôle majeur joué par la rugosité du film métallique sur la formation du contact électrique a
été mis en évidence expérimentalement dans cette partie (cf. Figure V-58). L’Alumine native a été
caractérisée mécaniquement, avec une limite à la rupture en traction estimée à 52MPa.
Dans un second temps, le contact entre un plot de Nickel dur et rugueux avec un film mince
d’Al(Cu) mou et lisse a été étudié expérimentalement d’un point de vue mécanique, puis électrique.
Un jeu de modélisations analytiques et numériques de l’essai de microinsertion a alors permis
d’interpréter ces résultats expérimentaux obtenus et a donné naissance à un scénario de la
formation du contact avec la prise en compte de la singularité géométrique et de l’influence de la
rugosité du plot de Nickel, schématisé Figure V-59.
Ces deux études ont également mis en évidence le rôle prépondérant de l’oxyde natif
d’Aluminium sur la formation du contact métallique, au travers du rapport de l’aire de contact
électrique sur l’aire de contact mécanique proche dans les deux cas de 0,1%.
Enfin, l’ensemble des résultats obtenus dans les chapitres IV et V permettent d’établir des
pistes pouvant aider le technologue à l’amélioration du procédé de rapport de puces (cf. Annexe – I).
242
Chapitre V – Analyse du contact électrique
1,0.E+08
Contact électrique Structure du contact
e- Al
Résistance électrique de contact (Ohm)
Al
1,0.E+04
Al Rugueux
Contact Al-Al (3,5kW ) « rugueux »
e- e-
Al lisse Al-Al (0,8kW ) « lisse »
Contact Contact métallique
1,0.E+02 transitoire
1,0.E+00
e- e- e-
Contact ohmique
permanent
1,0.E-02
0,00 0,05 0,10 0,15
Déformation radiale en tension (%)
Glissement ?
Flux de matière sous le microinsert ?
SiO2/Si
SiO2/Si
Ti/Cu/Ti/Al(Si)
Ti/Cu/Ti/Al(Si) SiO2/Si
Vue en coupe
Microinsert
Microinsert Ti/Cu/Ti/Al(Si)
rugueux
Microinsert
rugueux de Ni Al2O3 Al2O3 Microinsert
Ni de Ni
rugueux Al2O3
rugueux de Ni
rugueux
Ni
Al(Cu) Al(Cu) Al(Cu)
SiO2/Si SiO2/Si SiO2/Si
Figure V-59 – Scénario schématisé de l’évolution du contact électrique (formation de fissures dans
l’Alumine native) en fonction de la pression appliquée, lors d’un essai de microinsertion pour un
microinsert de diamètre 12µm.
243
244
Conclusion Générale
Conclusion Générale
Dans le cadre de l’intégration « 3D », une technologie d’assemblage par report de puces sur
tranche de Silicium (« flip chip ») reposant sur un procédé de microinsertion a été développée,
ouvrant une voie alternative au câblage filaire et aux interconnexions électriques traditionnelles.
Cette technologie est basée sur la mise en contact de réseaux de microinserts métalliques en Nickel
électrodéposé élaborés sur les plots de connexion du substrat récepteur, en vis-à-vis des plots de
connexion métallique en Al(Cuwt-0,05%) placés sur la puce. L’étape clé du procédé de microinsertion
(étape de thermocompression) consiste alors à appliquer une force de quelques Newtons sur chaque
puce, permettant d’atteindre une pression maximale de 3,2GPa par microinsert, afin de réaliser la
connexion électrique entre la puce et le substrat de Silicium. Au cours de ce travail, un scénario
décrivant les mécanismes de formation du contact, d'un point de vue mécanique et électrique, entre
un unique microinsert de Nickel rugueux et un film mince d’Aluminium lisse, prenant en compte la
présence d’Alumine native à l’interface de contact, est proposé pour une gamme de pressions allant
du MPa au GPa.
En se basant sur les résultats obtenus, ce travail de thèse s’est poursuivi avec une analyse de
la formation du contact réalisé par microinsertion. Une première étude a été menée en l’absence de
la singularité de bord de plot et concernant uniquement l’Aluminium, avec l’utilisation d’un dispositif
de compression de barreaux croisés (films minces métalliques déposés sur des cylindres en Silice). La
mesure électrique de la résistance électrique de contact en fonction de la force appliquée a permis
de décrire les étapes successives de la formation du contact électrique (effet tunnel, contact
métallique transitoire, puis contact métallique permanent) et a également permis d’estimer une
limite à la rupture en traction proche de 52MPa pour l’Alumine native. Puis, une seconde étude à
l’échelle d’un microinsert de Nickel a été réalisée en employant un dispositif de microinsertion avec
mesure électrique, développé au sein d’un nanoindenteur modifié. En couplant l’analyse fine des
essais de microinsertion avec des simulations par la méthode des éléments finis, il a été possible de
proposer un scénario de formation du contact (mécanique et électrique) prenant en compte la
singularité géométrique et l’influence de la rugosité du plot de Nickel. Enfin, ces deux études ont mis
en évidence le rôle prépondérant de l’oxyde natif d’Aluminium sur la formation du contact
métallique, au travers du rapport d’aire de contact électrique sur aire de contact mécanique proche
dans les deux cas de 0,1%.
245
Conclusion Générale
246
Bibliographie
Bibliographie
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• Article - « Investigation of the fracture of thin amorphous alumina films during spherical
nanoindentation. », Mercier D., Mandrillon V., Verdier M., Bréchet Y., Parry G., Estevez R. &
Maindron T., (en cours de publication).
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conique sur un échantillon massif ou un échantillon multicouche :
http://www.mathworks.fr/matlabcentral/fileexchange/43392-nanoinddataanalysis
• Code MATLAB pour l'analyse de la distribution statistique des "pop-in" observés sur les
courbes force-déplacement obtenues par (nano)indentation :
http://www.mathworks.fr/matlabcentral/fileexchange/45376-pop-in-analysis-from-
indentation-tests
261
262
Annexes
Annexes
Les profils des contraintes obtenus dans le cas d’un contact sphère-plan (théorie de Hertz),
entre deux solides élastiques, sans friction, sont donnés :
σr
p e,max
=
3
(
1 − 2ν 2 2
) (
a r 1 − 1 − r 2 a 2
) 3 2
(
− 1− r a
2 2
)
12
A-1
σθ
p e,max
=−
3
(
1 − 2ν 2 2
) (
a r 1 − 1 − r 2 a 2
)3 2
(
− 2ν 1 − r a
2 2
)
12
A-2
σz
p e, max
(
= − 1− r 2 a 2 ) 12
A-3
σr
p e,max
=
σθ
p e,max
=
3
(
1 − 2ν 2 2
a r ) A-4
σr
p e,max
=
σθ
p e,max
{
= −(1 + ν ) 1 − (z a ) tan −1 (a z ) + } 12 (1 + z 2
a2 )
−1
A-5
σz
p e, max
(
= − 1+ z 2 a 2 )−1
A-6
1
τ1 = σ z −σθ A-7
2
263
Annexes
Les trajectoires et les profils des contraintes principales pour un contact sphère-plan et un
contact cylindre plat-plan sont donnés Annexe - A [MOUGINOT 1985]. Les contraintes principales σ 1 ,
σ 2 et σ 3 sont définies telles que σ 1 > σ 2 > σ 3 , avec σ 2 la contrainte circonférentielle (encore
appelée « hoop stress » en anglais). Les contraintes principales sont normalisées par rapport à la
pression moyenne p e (notée ici pm ). Les distances z et r sont normalisées avec le rayon de
contact a . D’autres valeurs très similaires sont obtenues pour les mêmes géométries, avec un
coefficient de Poisson de 0,26 [FISCHER-CRIPPS 1997].
Figure B-1 – Trajectoires des contraintes (a) et profils des contraintes principales réduites (b, c, d),
calculés dans le cas d’un contact sphère-plan, avec un coefficient de Poisson de 0,22.
264
Annexes
Figure B-2 – Trajectoires des contraintes (a) et profils des contraintes principales réduites (b, c, d),
calculés dans le cas d’un contact cylindre plat-plan, avec un coefficient de Poisson de 0,22.
265
Annexes
o Configuration du problème
Expérimentalement, aux fortes forces d’appui et pour deux cylindres de Silice recouverts d’un
film mince d’Or, la résistance mesurée en méthode « 4 fils » ne tend pas vers une valeur nulle mais
tend vers une valeur de l’ordre de grandeur de la résistance de couche du film mince notée Rcarré et
définie par :
Rcarré = ρ t C-2
avec t épaisseur du film mince et ρ la résistivité du matériau composant le film mince. Cette
grandeur correspond à la résistance d’un élément de couche de forme carrée et est indépendante de
la taille de cet élément.
Spot de contact Spot de contact
i i
i i
V
V
Voltmètre Voltmètre
a b
Figure C-1 – a) Configuration standard de mesure de résistance de contact entre cylindres
métalliques massifs et b) configuration utilisée pour la mesure de résistance de contact entre films
minces métalliques déposés sur des barreaux cylindriques isolants (Silice).
Intuitivement, il est raisonnable de penser que cet effet est dû au confinement des lignes de
courant dans le plan du film, obligeant le courant à contourner le spot de contact dans la partie du
266
Annexes
film mince opposée à l’amenée de courant et où est réalisée la mesure de potentiel électrique (cf.
Figure-C-2). Il s’agit de l’étalement des lignes de courant, désigné par le terme « spreading ».
Vspreading
Figure C-2 – Etalement (« spreading ») des lignes de courant à l’approche du spot de contact dans
le cas du film mince.
Le but de cette étude est de déterminer la valeur de R spreading en fonction de la géométrie des
échantillons. Pour cela, une étude par calcul en éléments finis est réalisée sur un problème simplifié.
r
a C1 : V1
V2
Cs : Vs
Figure C-3 – Géométrie et conditions aux limites du problème.
Le film mince a une largeur a , une longueur b et r est le rayon du spot de contact. Les
conditions aux limites choisies sont un potentiel constant V1 le long du coté C1 (arrivée du courant i )
et un potentiel V S constant sur le pourtour du spot de contact C S . Le courant i est alors déduit de
V1 par la relation :
t →
i=−
ρC ∫ ∇ V1 C-4
1
267
Annexes
Soit :
R spreading V2 − VS
=
Rcarré →
C-6
∫
− ∇ V1
C1
L’équation de Laplace étant linéaire, cette dernière relation correspond à une formulation
adimensionnelle du problème et montre que la valeur est bien indépendante des valeurs de V1 et
V S . L’étude en éléments finis est donc menée sous forme adimensionnelle avec V1 = 1 et V S = 0
pour des valeurs des rapports b a allant de 1 à 20 et r a de 10-5 à 0,5. Les calculs montrent bien
l’existence de l’effet de « spreading » comme l’illustre la représentation des équipotentielles
présentée Figure-C-4.
VS=0
V1=1
Vspreading
Figure C-4 – Répartition des équipotentielles pour b a = 1 et r a = 0,01.
Pour tous les rapports de b a et pour r a < 0,05, l’évolution de (C-6) est correctement décrite
par une relation de la forme :
Rspreading r
= A. ln + B C-7
Rcarré a
2,00E+00 2,00E+00
Rspreading ( b/a = 5)
Rspreading avec (b/a)=5 RRspreading (b/a = 1)
spreading avec (b/a)=1
Rcarré
carré
1,50E+00 1,50E+00
/ R
spreading //R
Rspreading/R
1,00E+00
RRspreading
Rspreading
1,00E+00
5,00E-01 5,00E-01
0,00E+00 0,00E+00
1,0E-05 1,0E-04 1,0E-03 1,0E-02 1,0E-01 1,0E+00 1,0E-05 1,0E-04 1,0E-03 1,0E-02 1,0E-01 1,0E+00
r/a r/a
b/a b/a
Figure C-5 – Représentation en échelle logarithmique de l’évolution de R spreading en fonction du
rapport r a .
268
Annexes
b/a b/a
Pour les valeurs de r a comprises entre 0,05 et 0,5, le rapport tend vers 0 rapidement (cf.
Figure-C-7) de manière comparable au rapport obtenu pour les différentes valeurs de b a . Par
exemple, en moyenne, pour r a = 0,05, R spreading Rcarré = 0,18 et pour r a =0,3, R spreading Rcarré = 9
10-4.
Rspreading/Rcarré
r/a
Figure C-7 – Evolution de R spreading pour les grands rayons de contact : r a > 0,05.
o Conclusion
En configuration « 4 fils », deux types de géométries sont en pratique utilisés pour les mesures
de résistance électrique de contact sur des films minces métalliques :
• A l’échelle macroscopique, les barreaux de Silice utilisés ont une surface développée
d’une largeur de 1cm et le rayon du spot de contact apparent varie de 1µm à 100µm. Le rapport
-4 -2
r a alors de 10 à 10 . L’erreur faite lors de la mesure de résistance de contact en mode « 4 fils » est
alors égale au double de R spreading (car il y a deux barreaux), soit une erreur allant de 2,3 Rcarré à
0,8 Rcarré .
• A petite échelle, ce sont des « bumps » micro-usinés dans des barrettes de Silicium
de 3mm de largeur qui sont utilisés. Le diamètre du spot de contact varie de 0,5 à 5µm, soit un
rapport r a allant de 3,3.10-3 à 3,3.10-2. L’erreur faite lors de la mesure varie cette fois-ci de 2,1 Rcarré
à 1,4 Rcarré .
269
Annexes
RW = RS + γ (K )RC (M )
[WEXLER 1966]
Quasi-balistique avec γ (K ) ≈ 2π ∫ e − Kx sin c( x )dx
( K ≈ 1)
4 ρK 1 + 0,83K ρ
R N = RS + γ (K )RC (M ) = + [NIKOLIC 1999]
3πac 1 + 1,33K 2ac
4 ρK
Balistique ( K > 1 ) RS = [SHARVIN 1965]
3πac
Résistances
Modèles à utiliser Références
électriques
Résistance de ρ [SMITS 1958] et
Rspreading = K .Rcarré = K .
« spreading » t [TOPSOE 1968]
RC =
( )
Rspreading ,1 + Rspreading , 2 I 0 a L
Résistance de 2a ( )
I 0' a
L [ALLEN 1991]
« crowding »
Pc 01 + Pc12 + ρ1t1
avec L =
R film 0 + R film 2
o Contact métal-isolant-métal
270
Annexes
Les cartes sont tracées à l’aide du logiciel « maps » (version démo 1.0), développé par
Charlotte Caudrelier du SIMaP, en fonction de la taille de grain calculée à l’aide de mesures AFM (cf.
§ IV.1.1.2). Les propriétés de l’Aluminium utilisées dans notre cas sont celles fournies par [FROST
1982] pour un matériau massif.
Plasticity Dynamic
recrystallisation
Breakdown
(L. T. Creep) Power Law Creep
(H. T. Creep)
Diffusional flow
(Boundary diffusion)
Plasticity Dynamic
recrystallisation
Breakdown
(L. T. Creep) Power Law Creep
(H. T. Creep)
Diffusional flow
(Lattice
(Boundary diffusion) diffusion)
Plasticity Dynamic
recrystallisation
Breakdown
(L. T. Creep)
Power Law Creep
(H. T. Creep)
Diffusional flow
(Lattice
(Boundary diffusion) diffusion)
271
Annexes
F – Remarques sur l’influence des contraintes résiduelles lors d’un essai d’indentation
De nombreux auteurs ont mis en évidence l’influence des contraintes résiduelles sur la courbe
force-profondeur de pénétration et sur la topologie du contact (aire de contact entre l’indenteur et
le matériau) obtenues lors d’un essai d’indentation [TSUI 1996], [BOLSHAKOV 1996], [LEE 2003], [LEE
2004], et [HUBER 2008], du fait que ces contraintes résiduelles s’ajoutent au champ de contrainte
d’indentation appliqué au matériau. Par exemple, une force plus importante doit être appliquée au
matériau avec des contraintes résiduelles compressives, comparativement à un matériau sans
contrainte ou avec des contraintes résiduelles tensives, pour être à un même enfoncement [MADY
2012]. Ainsi, les valeurs de module d’Young et de dureté calculées avec le modèle « classique »
d’Oliver et Pharr (cf. Equation III-4), lequel ne prend pas en compte la présence de contraintes
résiduelles, peuvent être sous- ou surestimées selon la nature de ces contraintes (tension ou
compression) présentes dans le matériau étudié (cf. Figure F-1).
Par ailleurs, d’autres auteurs en cherchant à quantifier ces contraintes résiduelles lors d’essais
d’indentation, ont mis en évidence, la difficulté à découpler l’effet des contraintes résiduelles avec
celui du confinement par le substrat dans le cas d’un film mince, ou encore la difficulté à avoir des
échantillons de référence, n’ayant aucune contrainte résiduelle [LEPIENSKI 2004] et [MADY 2012].
Figure F-1 – Dureté et module d’Young d’un alliage d’Aluminium, calculés avec le modèle
d’Oliver et Pharr, à partir d’essais d’indentation obtenus pour un échantillon massif selon
différents états de contraintes [TSUI 1996].
272
Annexes
Dµ f I 0
DFI 0 µ f (1 − I 0 ) Dµs (1 − I 0 )
Figure G-1 – Schématisation du modèle de [HAY 2011], permettant au film d’agir en série et en
parallèle avec le substrat.
Ce jeu de ressorts en parallèle peut alors être traité en additionnant les raideurs respectives de
chaque ressort. Ainsi, le modèle de Hay et al. est décrit à l’aide du jeu d’équations suivant, des
fonctions I 0 et I1 définies par [GAO 1992] et de la constante empirique F de 0,0626 déterminée par
Hay et al. :
= (1 − I 0 )
1 1 1
+ I0 G-1
µ éq µ S + FI 0 µ S µf
Eéq ES
µéq =
(
2 1 + ν éq ) et µS =
2(1 + ν S )
G-2
(1 − ν S )(1 − ν f )
ν éq = 1 − G-3
1 − (1 − I1 )ν f − I1ν S
− B + B 2 − 4 AC G-4
µf = avec A = FI 0
2A
(
B = µ S − FI 02 − I 0 + 1 µ éq ) G-5
C = − I 0 µéq µ S G-6
(
E f = 2µ f 1 +ν f ) G-7
273
Annexes
Selon Fischer-Cripps les indenteurs Vickers, Berkovich ou encore Knoop sont adaptés pour la
caractérisation des matériaux fragiles [FISCHER-CRIPPS_2 2004], mais la fracture hertzienne présente
de nombreux avantages, comme par exemple de pouvoir comparer facilement les résultats
expérimentaux à des simulations en éléments finis. Ainsi, on trouve dans la littérature de
nombreuses études sur la fissuration d'un film fragile sur un substrat élastoplastique à l’aide d’un
indenteur Berkovich, avec [CHECHENIN 1995] et [BAHR 2003], mais aussi à l’aide d’indenteurs
sphériques, avec [WEPPELMANN 1996] et [PAJARES 1996]. Dans l’étude de [BAHR 2003], des « pop-
in » avaient été observés lors de chargement avec un indenteur Berkovich, uniquement dans le cas
d’un oxyde thermique (épais de 120nm) sur un substrat massif d’Aluminium, mais aucun dans le cas
d’un oxyde thermique (épais de 60nm) sur un film mince d’Aluminium PVD épais de 1µm.
Afin de déterminer quel type d’indenteur est le plus adapté pour mettre en évidence la
fissuration de l’Alumine ALD, des essais d’indentation sont réalisés jusqu’à une profondeur de
400nm, selon le protocole décrit dans le § IV.1.2.1, avec un indenteur Berkovich (cf. Figure H-1-a), un
indenteur coin-cube (cf. Figure H-1-b), et un indenteur sphérique de rayon 5µm (cf. Figure H-1-c),
tous en diamant. Il semble à la vue des courbes force-profondeur de pénétration et des observations
des indents résiduels au MEB, que la fissuration par indentation sphérique soit la plus adaptée (un
seul « pop-in » sur la courbe force-profondeur de pénétration et des fissures reproductibles).
274
Annexes
1 1 1
a) b) c)
Figure H-1 – Observations MEB (électrons rétrodiffusés) d’indents profonds de 300nm dans un
échantillon de 40nm d’Alumine ALD, avec les courbes force-profondeur de pénétration
respectives, obtenues pour 3 types d’indenteurs : a) indenteur Berkovich, b) indenteur coin-
cube et c) indenteur sphérique de rayon 5µm.
10
1 1
1
0,1 0,1
0,1
0,01 0,01
0,01
a) b) c)
Figure H-2 – Observations MEB (électrons rétrodiffusés) d’indents profonds de 300nm dans un
film mince d’Alumine ALD d’épaisseur t = 40nm , avec les courbes force-profondeur de
pénétration, obtenues avec 3 types d’indenteurs sphériques de rayons ( R ) respectifs : a) 0,45µm
( R t = 11,25 ), b) 5µm ( R t = 125 ) et c) 50µm ( R t = 1250 ).
275
Annexes
L’essai de microinsertion avec un poinçon plat rigide doit permettre de valider les lois
d’écrouissage des films minces d’Al(Cu) obtenues dans le chapitre IV. Pour cela, un indenteur en
diamant d’un diamètre équivalent de 20µm est utilisé (cf. Figure I-1). Pour commencer, une première
série d’insertion est effectuée avec une pression maximale appliquée de 3GPa en l’absence du mode
CSM, avec l’échantillon B d’Al(Cu) de moyenne taille de grain. Les étape de charge et décharge
durent 60s chacune et aucun palier à force maximale n’est programmé. Les empreintes résiduelles
obtenues sont ensuite caractérisées à l’AFM et des profils des bourrelets d’Al(Cu) peuvent être
mesurés (cf. Figure I-2). La hauteur mesurée du bourrelet d’Al(Cu) n’est pas homogène sur le
pourtour de l’empreinte (199nm, 222nm, 350nm et 412nm), ce qui correspond à un mauvais
parallélisme entre le poinçon plat et le film d’Al(Cu). Rappelons que l’objectif de cette partie est de
valider au travers de simulations numériques le comportement plastique de l’Al(Cu), lors d’un essai
de microinsertion avec un poinçon plat rigide. Pour cela, il faudrait réaliser une modélisation
tridimensionnelle de l’essai d’insertion, afin de prendre en compte le désalignement. Or, d’une part
l’angle entre le poinçon plat et le film d’Al(Cu) n’est pas évident à déterminer et d’autre part, la
modélisation numérique tridimensionnelle avec contact est lourde, ce qui rend l’utilisation de la
méthode des éléments finis complexe à mettre en œuvre.
6µm
Poinçon plat de rayon
80µm équivalent 10µm
Figure I-1 – Observation au MEB d’un poinçon plat en diamant de rayon équivalent 10µm.
Profil 2
Profil 1
a) b)
276
Annexes
Des règles de dimensionnement sont élaborées pour l’essai de microinsertion dans cette
dernière partie, à partir de l’ensemble des résultats obtenus dans les chapitres IV et V. Un bilan est
dressé sur les matériaux (dureté, résistivité…) et sur la géométrie du contact (hauteur et diamètre du
microinsert, épaisseur du film d’Al(Cu)…), afin de proposer des solutions pour optimiser le procédé
de microinsertion (par exemple, la diminution de la pression à appliquer…) et les performances du
contact ainsi réalisé (par exemple, la diminution de la résistance électrique de contact…).
La sélection des matériaux est une étape indispensable dans l’innovation et l’optimisation des
performances et de la qualité d’un produit. Cette sélection revient à choisir un matériau ayant des
propriétés (mécaniques, thermiques, électriques, magnétiques….) permettant de répondre au cahier
des charges de l’application finale. Or, les propriétés d’un matériau sont intimement liées à sa
composition et sa microstructure (structure cristalline, taille de grain...) et donc au procédé
d’élaboration (pression et température, voie chimique ou physique…) [BRECHET 2001]. En ce qui
concerne le procédé de microinsertion, un coût faible et une facilité de mise en œuvre sont des
critères primordiaux, pour la sélection des matériaux. De plus, il est important de diminuer la
pression appliquée lors de l’étape de thermocompression, afin de ne pas endommager les puces,
tout en établissant un contact électrique performant (faible résistance électrique de contact).
Rappelons que la pression actuelle utilisée pour l’étape de thermocompression est de 3,2GPa par
microinsert. Finalement, étant donné qu’il est difficile de répondre simultanément à toutes ces
requêtes, des diagrammes de sélection des matériaux, élaborés en s’inspirant des travaux d’Ashby,
sont utilisés afin de trouver des compromis.
IP = ρ .σ e = C.F .R I-12
277
Annexes
D’après ce diagramme, le Cuivre est un sérieux concurrent de l’Aluminium, avec une résistivité
électrique plus faible, mais avec une limite d’élasticité plus importante. Le Cuivre présente
malheureusement lui aussi le désavantage d’avoir un oxyde natif de quelques nanomètres
d’épaisseur [PLATZMAN 2008]. Ainsi, l’Aluminium et les alliages d’Aluminium sont des candidats
idéaux, pour fabriquer les pads métalliques à mettre en vis-à-vis des microinserts pour le procédé de
report de puces. Toutefois, les nombreuses variantes d’alliages d’Aluminium et de techniques de
dépôts ne permettent pas de conclure sur la solution exacte à adopter. De plus la résistivité
électrique et la limite d’élasticité des métaux évoluent inversement avec la taille de grain (cf. Figure
J-2). Ainsi, pour un matériau donné, il faut chercher à augmenter la taille de grain pour abaisser
simultanément sa valeur de limite d’élasticité et sa valeur de résistivité électrique. Toutefois, en
augmentant la taille moyenne de grain du film mince constitutif du pad de connexion, le fluage
diffusionnel de Coble devient prépondérant et le temps moyen de défaillance diminue, selon les
résultats obtenus lors d'essais d'électromigration sur des films d’Al(Cu wt-0,5%) par [VAIDYA 1981].
10
(Limite d'élasticité) (GPa)
Ni
1
Cu
Al(Cu) PVD Al
0,1 Al PVD
Cu [JAIN 2007] Au
Au [SLADE1999]
Ni ECD
IP
0,01
0,1 1 10
Résistivité électrique (µm.cm)
278
Annexes
Résistivité électrique
Figure J-2 – Diagramme schématique de la relation entre la résistivité électrique et la limite
d’élasticité, avec la taille de grain du métal.
Au – 1µm Au – 1µm
Cu – 8µm Ni – 2µm Ni – 7µm
Cu – 4µm
Ti – 0,05µm
Cu – 0,25µm
Ti – 0,03µm
Al(Si) – 1µm
SiO2 – 0,5µm
Si – 725µm
Figure J-3 – Obervations par AFM de la rugosité de surface de microinserts réalisés par ECD avec
différents empilements de matériaux.
279
Annexes
Le choix du matériau pour le microinsert peut se faire de la même manière que pour le pad de
connexion métallique, à l’aide de l’indice de performance donné avec la relation I-1. Il faut minimiser
la valeur de résistivité électrique et celle de la limite d’élasticité du métal pour diminuer
respectivement la valeur de résistance électrique de contact et diminuer la pression à appliquer.
Cependant, la limite d’élasticité du métal constitutif du microinsert doit être supérieure à celle du
métal du pad de connexion, afin de fissurer l’oxyde natif d’une part et déformer plastiquement le
pad pour réaliser le contact électrique. Ainsi, des microinserts en Cuivre ou en Nickel sont, par
exemple, d’excellents candidats (cf. Figure J-1). Comme pour le pad de connexion, l’idée d’utiliser un
empilement de films minces pour fabriquer le microinsert (avec par exemple, un fin dépôt d’Or en
surface du microinsert) pourrait permettre de s’affranchir de la formation d’un oxyde natif à la
surface du Cuivre ou du Nickel.
Enfin, la rugosité de surface étant modifiée selon le matériau déposé, il est difficile de conclure
sur le choix du matériau pour fabriquer le microinsert. Il a été démontré dans le chapitre V, que la
formation du contact électrique à l’échelle d’une unique rugosité dépend du rayon de cette rugosité.
Mais en réalité, la densité des rugosités, la répartition et la hauteur des rugosités sont des facteurs
prépondérants dans la formation du contact électrique, lors de l’étape de thermocompression, plus
particulièrement pour la fissuration de l’oxyde natif d’Al(Cu), mais également pour l’évacuation de la
colle « époxy » placée entre le microinsert et le film d’Al(Cu) au début du procédé (pour le maintien
mécanique). Une étude menée par [MAURIN 2010] a permis de mettre en évidence l’influence de la
pression sur l’évacuation de la colle « époxy » (cf. Figure J-4), pour un type de microinsert donné.
Ainsi, connaissant la viscosité de la colle « époxy » avant réticulation et les topographies de surface
pour différents microinserts, une analyse numérique pourrait être envisagée, afin de déterminer le
type de rugosité permettant d’évacuer au mieux la colle « époxy ».
a) b)
Colle époxy
1µm 1µm
Dans ses travaux de thèse, Diop a cherché à analyser l’influence du diamètre du microinsert
sur la formation du contact mécanique [DIOP 2009]. Trois rayons de microinserts ont alors été
280
Annexes
étudiés (6, 8 et 12,5µm), et les profondeurs respectives des empreintes résiduelles et les
écrasements respectifs des microinserts ont été comparés entre eux pour différentes pressions (i.e.
0,8, 1,6 et 3,2GPa). Diop a observé que plus le diamètre du microinsert diminue, et plus
l’enfoncement dans l’empilement de films minces métalliques (500nm de Cuivre sur 1µm
d’Aluminium) sous le microinsert est prépondérant devant l’enfoncement dans le pad de connexion,
alors composé d’un film d’Aluminium épais de 450nm déposé sur 250nm de Nitrure de Tungstène
(WN). Or, cette configuration n’est pas une solution optimale pour réaliser un contact fiable entre le
microinsert et le pad. L’objectif de la microinsertion est d’enfoncer le microinsert dans le pad et non
dans sa base.
La dureté élevée du pad d’Aluminium utilisé par Diop, d’environ 0,7GPa comparable à la
dureté de l’empilement sous le microinsert, et la présence de la couche de WN peuvent être à
l’origine de ce résultat. Dans notre étude, le pad de connexion est constitué d’un film d’Al(Cu) d’une
dureté de 0,19-0,25GPa, soit une dureté quatre fois plus faible que la dureté moyenne d’environ
1GPa de l’empilement métallique sous le microinsert. De plus, il n’y a pas de couche de WN dans cet
empilement sous-jacent. Ainsi, l’influence du rayon du microinsert sur l’enfoncement du microinsert
dans l’empilement (autrement dit dans la base), est surtout à prendre en compte lorsque les duretés
des matériaux constitutifs du pad et de la base sont du même ordre de grandeur (cf. Figure J-5).
Enfoncement dans le pad
H pad
[DIOP 2009]
Le rayon du microinsert joue par ailleurs un rôle important sur l’évolution de la résistance
électrique de contact en fonction de la pression appliquée. D’une part d’après la relation II-65, la
résistance électrique sans striction du microinsert évolue inversement avec le carré du rayon du
microinsert. D’autre part, selon l’étude numérique donnée dans la partie V.3 du chapitre V, plus le
rayon du microinsert diminue et plus la taille du disque isolant sous le microinsert se réduit
rapidement. Or, la résistance électrique de contact R EC dépend à la fois de la taille du disque isolant
sous le microinsert et du rayon du microinsert. Il est donc difficile de savoir comment évolue la
résistance électrique de contact en fonction du rayon du microinsert. Mais l’étude menée par [DIOP
2009] révèle une élévation de la résistance électrique de contact, lorsque le rayon du microinsert
diminue.
En conclusion, plus le rayon du microinsert est petit, plus la pression à appliquer diminue, mais
plus la résistance électrique de contact R EC semble avoir tendance à augmenter. Un compromis doit
être trouvé, afin de répondre au cahier des charges du procédé de report de puces. Toutefois, il est
important de remarquer que technologiquement, il n’est pas toujours évident d’obtenir des
microinserts de rayons constants, en fonction du matériau, de la géométrie recherchée, des
conditions de dépôt et de la qualité du masque obtenu avant l’étape de dépôt ECD (cf. Figure J-7).
Mais cette contrainte technologique peut se transformer en une nouvelle voie d’élaboration des
281
Annexes
microinserts, avec par exemple le développement de microinserts en forme de cône tronqué avec
une base de plus grand rayon.
Pression à appliquer
Pour un seul microinsert !
1 REC
Figure J-6 – Diagramme schématique de l’évolution de la pression à appliquer et de la résistance
électrique de contact en fonction du rayon du microinsert.
4µm
Figure J-7 – Observation MEB d’un microinsert en Nickel avec un diamètre moyen non constant.
Une autre dimension importante du microinsert, à savoir sa hauteur, est elle aussi
déterminante sur la formation du contact. Dans ce travail de thèse, la hauteur moyenne des
microinserts est fixée à environ 8µm et dans l’étude de [DIOP 2009] à environ 5µm. D’un point de
vue mécanique, aucun résultat expérimental n'est à notre disposition pour conclure sur l’influence
de la hauteur du microinsert sur la formation et la fiabilité du contact. Mais, d’un point de vue
électrique, plus la hauteur du microinsert est grande et plus la résistance électrique du microinsert
est élevée selon la relation II-65. Aussi, il est important que le microinsert ne soit pas trop grand pour
éviter d’accroître la résistance électrique introduite par le microinsert.
Un autre problème se pose, lorsque l’on discute de la hauteur des microinserts à savoir, les
inhomogénéités en hauteur dans une même matrice 4x4 de microinserts (on parle alors
d’inhomogénéités intramatricielles) ou entre différentes matrices 4x4 de microinserts sur une plaque
entière de Silicium (on parle alors d’inhomogénéités intermatricielles). L’inhomogénéité
intramatricielle illustrée à l’aide de la Figure J-8-b, atteint une valeur de 800nm entre le microinsert
le plus petit et le microinsert le plus grand, soit près de 10% de la hauteur moyenne des microinserts.
L’inhomogénéité intermatricielle dépend quant à elle de la géométrie du substrat (mauvaise planéité
ou déformations dues à la fabrication même du substrat et aux contraintes par les différents films
minces déposés) et de l’alignement horizontal des deux puces à hybrider lors de l’étape de
282
Annexes
thermocompression. De plus, la rugosité à la surface d’un seul microinsert entraîne aussi une
inhomogénéité en hauteur moins contraignante, mais pouvant atteindre 200nm entre la rugosité la
plus haute et le trou le plus profond (soit 2,5% de la hauteur du microinsert).
a) b)
20µm
Figure J-8 – a) Observation MEB et b) observation du dessus avec un interféromètre d’un réseau
de microinserts en Nickel (de hauteur 8µm et de diamètre 12µm).
Ces inhomogénéités ont pour conséquence de créer une différence de pression appliquée sur
chaque microinsert, lors de l’étape de thermocompression du procédé de report de puces. Pour
illustrer ce propos, une schématisation de cette étape avec cinq microinserts est donnée Figure J-9
avec la pression totale appliquée tracée en fonction de la force appliquée. Ces inhomogénéités
peuvent également introduire des problèmes de régulation de la force à appliquer lors de l’étape de
thermocompression, pouvant perturber la formation du contact à l’échelle de chaque microinsert.
Pour conclure, un effort doit être porté sur l’homogénéisation intra- et intermatricielle de la hauteur
des microinserts lors de l’étape de dépôt ECD, afin d’éviter ou du moins minimiser les effets sur la
pression totale appliquée.
a)
0,20
b)
Pression totale appliquée (GPa)
0,15
0,10
0,05
0,00
0 20 40 60 80 100 120
Force appliquée (mN)
Figure J-9– a) Schématisation (vue en coupe) de l’étape de thermocompression avec cinq
microinserts, et b) évolution de la pression totale appliquée en fonction de la force appliquée.
283
Annexes
Cette dernière section sur la géométrie du contact a pour objet l’influence de l’épaisseur du
pad de connexion sur la formation du contact. L’épaisseur du pad de connexion en Al(Cu) est de
650nm dans ce travail de thèse, alors que dans l’étude de [DIOP 2009], un empilement de 450nm
d’Aluminium sur 250nm de WN constitue le pad de connexion. Malheureusement, trop peu de
résultats expérimentaux permettent de conclure sur l’influence de l’épaisseur du film métallique sur
la formation et la fiabilité du contact réalisé par microinsertion. Toutefois, d’un point de vue
électrique, plus l’épaisseur du pad est petite, plus la valeur de la résistance électrique de
« spreading » augmente (cf. Equations II-81 et II-82) et plus la résistivité du matériau augmente,
selon le modèle de [MAYADAS 1970]. De plus, à fortes forces, il a été vu dans la première partie du
chapitre V que la résistance électrique de contact est dominée par la résistance électrique de
« spreading ». Il est donc primordial de conserver une épaisseur de film métallique suffisante pour le
pad de connexion, afin de ne pas créer un contact final trop résistif.
Des pistes pour améliorer le procédé de microinsertion ont été établies à l’aide des résultats
obtenus dans les chapitres IV et V. Toutefois, il existe des alternatives pour hybrider les puces, avec
par exemple l’utilisation de microtubes (cf. Figure J-10) [GOUBAULT 2013]. Ce type d‘interconnexions
présente de nombreux avantages et pourrait remplacer à l’avenir l’emploi de microinserts dans les
procédés de report de puces.
500nm
Figure J-10 – Observation microscopique d’un microtube métallique utilisé dans des technologies
d’interconnexions [GOUBAULT 2013].
284
Lois de comportement des matériaux utilisés dans les contacts
électriques pour application « flip chip ».
Dans le cadre de l’intégration « 3D », une technologie d’assemblage par report de puces sur
tranche de Silicium (« flip chip ») reposant sur un procédé de microinsertion a été développée ces
dernières années. Cette technologie est basée principalement sur la mise en contact par
thermocompression, de réseaux de (micro)inserts en Nickel ECD, avec des plots de connexions
métalliques en Al(Cu). Au cours de ce travail, un scénario de formation du contact entre un unique
microinsert de Nickel rugueux et un film mince d’Aluminium lisse, prenant en compte la présence
d’Alumine native à l’interface de contact, est proposé pour une gamme de pressions allant du MPa
au GPa. L’analyse du contact métal-oxyde-métal se base essentiellement sur la fissuration de l’oxyde
natif suivie de l’extrusion du métal au travers des fissures, et nécessite d’établir au préalable les lois
de comportement des matériaux mis en jeu à partir d’essais de nanoindentation instrumentée
couplés à des simulations numériques. Enfin, la mesure de l’évolution de la résistance électrique de
contact en fonction de la force appliquée à l’aide de dispositifs expérimentaux originaux, permet de
mettre en évidence les différents mécanismes de formation du contact métallique lors du procédé
de microinsertion.