Cours de Droit Constiutionnel DR ERENON Dominique Désiré
Cours de Droit Constiutionnel DR ERENON Dominique Désiré
Cours de Droit Constiutionnel DR ERENON Dominique Désiré
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
INTRODUCTION GENERALE
Le Droit Constitutionnel peut être défini comme l’ensemble des règles relatives à
l’organisation et au fonctionnement de l’Etat, ou des pouvoirs publics, ou encore des
institutions publiques.
1
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
I/ LA DEFINITION DE LA POLITIQUE
Le mot politique est souvent un mot tantôt déprécié tantôt valorisé. En effet, on entend
souvent des citoyens dire que la politique est la source de leurs malheurs, que la politique est
une activité sale, réservée à des menteurs et escrocs etc… Cependant, à y voir de près, la
politique mérite mieux que le mépris.
Selon l’acception extensive : le sens du mot politique se saisit à l’aide de son étymologie.
Polis en Grec signifie cité. Dans la Grèce antique, la cité était le cadre spatial dans lequel les
individus se réunissaient pour débattre des problèmes sociaux et décider ensemble. Quand
bien même exigüe et en proie à l’esclavage, la cité antique grecque préfigurait déjà l’Etat
moderne.
La politique est donc l’affaire de tous les individus vivant en société, la chose de toutes et de
tous. En clair, tout ce qui est humain est politique et vice versa. Le droit constitutionnel
détermine les relations entre l’individu et la société ; il pose le principe de la liberté du citoyen
et détermine l’autorité dont est investi le représentant ou le gouvernant.
Généralement, on définit le droit comme l’ensemble des règles de conduite humaine, édictées
et sanctionnées par l’Etat et destinées à faire régner dans les relations sociales, l’autorité et la
liberté. Parler de société, c’est parler du droit (ubi societas ibi jus).
D’abord, le droit est un phénomène social. Le droit est l’une des sciences sociales, mais il en
est le résumé. Le droit, c’est l’organisation des individus en société.
2
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
D’une part, le droit, c’est en quelque sorte la prise en compte de l’instinct de sociabilité de
l’individu, qui le pousse à vivre au milieu de ses semblables dans un but de sécurité. D’autre
part, le droit c’est aussi la considération du besoin de liberté qu’éprouve souvent l’individu et
qui l’incite à s’émanciper de ses semblables. En conclusion, le droit présente deux
dimensions : collective et individuelle.
Enfin, le droit est un mode de régulation sociale. Hormis les règles relevant de la morale, de la
religion, de la politesse et de la bienséance, la vie en société est régie par des règles élaborées
et imposées l’Etat ou, si l’on préfère, le pouvoir institutionnalisé. Parce qu’elle est le reflet de
la volonté de la majorité, la règle de droit ou la norme juridique est assortie d’une force
contraignante à laquelle, en principe, aucune personne ne se soustraire. Comme le disait en
son temps Portalis, les lois sont des commandements. Personne n’est au-dessus des lois.
Le droit est divisé en deux branches particulières : le droit privé et le droit public.
Le droit privé régit les rapports entre les particuliers. Fondé sur l’autonomie de la volonté, le
droit privé présente un caractère égalitaire : les hommes naissent et demeurent libres et égaux
en droits (article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789). A ce
titre, le droit civil encadre les comportements dans le domaine de la famille et des rapports
patrimoniaux. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites (énonce l’article 1134 du Code Civil, en matière contractuelle). Exemple contrat de
location de véhicule, contrat de bail etc..
Dans le droit privé, il existe plusieurs disciplines : droit civil, droit commercial, droit pénal,
droit des successions, droit social, droit rural, droit des obligations, procédure civile et pénale
etc…
Le droit public est l’ensemble des règles qui organise les relations, d’une part entre les
personnes publiques (l’Etat, les collectivités, territoriales, les établissements publics), et,
d’autre part, entre celles-ci et les individus, est inégalitaire.
3
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Au plan externe, le droit international public s’applique aux rapports entre Etats,, entre
organisations internationales, et entre ceux-ci.
-le droit constitutionnel qui détermine la forme de l’Etat, la structure du pouvoir et aménage le
dialogue entre gouvernants et gouvernés ;
-le droit administratif qui met aux prises l’administration et les administrés ;
-le droit financier qui encadre les relations entre l’Etat et les contribuables.
Il ne faut pas confondre le pouvoir avec le droit. La violence est présente dans les relations
politiques. On constate souvent qu’à l’occasion des émeutes et révolutions, certains
gouvernants cèdent, contraints et forcés, par nécessité, non par magnanimité. Toute liberté
acquise a été une liberté conquise. La démocratisation du continent européen, autant que la
décolonisation du tiers-monde, illustrent ce combat pour le droit. Les gouvernants qui
détiennent le monopole de la contrainte ont tendance à en user, afin de se soustraire à la
contrainte inhérente à l’Etat de droit.
4
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
C’est pourquoi, il existe un mécanisme de protection des règles constitutionnelles. En effet,
les violations de la constitution sont sanctionnées par le juge. Comme le dit Louis Favoreu, la
politique est saisie par le droit.
Tout d’abord, puisque l’objet du Droit Constitutionnel est l’encadrement juridique des
phénomènes politiques à l’intérieur des sociétés organisées au nombre desquelles figure
l’Etat, le Titre I du cours sera consacré à l’Etat.
6
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Ensuite, puisque l’étude du Droit Constitutionnel renvoie aussi à la philosophie, aux valeurs,
principes sous-tendant le pouvoir et déterminant la disposition des organes de l’appareil de
d’Etat ainsi que la nature des relations entre gouvernants et gouvernés, le Titre II concernera
les théories sur les fondements démocratiques du pouvoir politique.
TITRE I : L’ETAT
7
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
TITRE I : L’ETAT
Il existe plusieurs modalités d’organisation sociale au nombre desquelles figure l’Etat. L’Etat
est une forme historique d’organisation, ou contingente, liée au développement de la
civilisation occidentale. Sous cet aspect, l’Etat n’a pas toujours existé. L’Etat est né à Rome,
mais l’Etat moderne apparaît en France et en Angleterre au 13ème siècle, en se différenciant de
la société religieuse et de son droit, et de la société féodale et de son droit. Mais l’Etat est
incontestablement la forme la plus perfectionnée et la plus généralisée. Sujet de prédilection
du Droit Constitutionnel, l’Etat s’analyse en un cadre spatial privilégié, au sein duquel
s’affrontent et coexistent le pouvoir et la liberté ; en clair, entre les gouvernants et les
gouvernés.
Pour expliquer l’origine de l’Etat, il est souvent fait appel à la théorie du Contrat Social
élaborée par Jean-Jacques Rousseau, et la théorie de l’institution conçue par Maurice Hauriou.
Sans doute Rousseau reconnaît qu’on ne trouve pas de traces historiques du contrat social,
mais il affirme que, logiquement la société et l’Etat ne peuvent être fondés que sur la force ou
sur les conventions.
8
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Si l’on admet que les Etats sont fondés par la violence ou, tout au moins, la contrainte, on
renonce, par là-même, à leur donner une base juridique. Seule l’hypothèse du contrat peut
fournir une explication juridique touchant la naissance et la formation des Etats.
Même s’il est vrai que cette théorie présente une grande force de persuasion et de séduction, il
n’empêche qu’elle peut être discutée. En ce sens, le Professeur Jean GICQUEL rejette cette
théorie, et estime que si dans le processus de formation des Etats, on peut discerner souvent
des éléments consensuels, ceux-ci ne sont pas mis en forme dans une opération de caractère
contractuel, et ce pour les trois raisons suivantes.
La première raison est que la doctrine du contrat social est contraire à l’ensemble des
constatations historiques. Il existe sans doute des sociétés primitives dont on connait les
caractères généraux et la diversité. Mais ces sociétés ne portent pas témoignage d’un état de
nature, dans lequel les individus auraient joui d’une liberté originelle et totale ; elles nous
montrent, au contraire, l’homme enserré dans les liens à la fois magiques, religieux et
économiques très stricts. On ne trouve pas trace, non plus, de pactes ou de contrats conclus
entre les futurs sujets de l’Etat. Tout bien considéré, l’état de nature équivaut à un postulat,
non à une explication historique.
La deuxième raison est que la doctrine du contrat social n’est pas satisfaisante, en ce sens que,
par définition, un contrat ne peut lier que ceux qui sont partie à la convention. Pour qu’un Etat
soit valablement fondé par un contrat social, il faut que ce contrat soit accepté par l’unanimité
des futurs sujets de l’Etat. Or, l’unanimité, dans un corps de quelque importance, ne peut
jamais être obtenue. Seule une majorité peut se dégager. Mais quelle serait alors, dans
l’hypothèse du contrat social, la situation juridique de ceux qui n’ont pas adhéré au pacte et
qui continuent, cependant, à faire partie de la communauté nationale ?
La dernière raison tient au fait qu’un dernier grief peut être articulé. Le lien présente t-il un
caractère indissoluble ? Si en théorie, le parallélisme des forces incite à l’affirmative, les
expériences historiques (guerre de sécession aux Etats-Unis) plaident en sens opposé.
Deuxièmement, Maurice HAURIOU, quant à lui, explique l’origine de l’Etat par la théorie de
l’institution. Cette construction théorique trouve son point de départ dans la constatation que
l’Etat présente tous les caractères d’un organisme social structuré qui relève d’un processus de
biologie institutionnelle. En un mot, l’Etat est l’institution des institutions.
9
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
L’Etat est un organisme social structuré en ce qu’il est un groupement d’individus, dirigé par
un gouvernement central, au nom d’une idée d’entreprise, qui est la réalisation d’un certain
ordre social et politique, dont les personnes seront les bénéficiaires.
L’Etat est le produit d’une fondation et d’adhésion. Plus précisément, des personnes
conçoivent l’idée d’Etat et se donnent les moyens politiques et juridiques de la réaliser, en
gagnant à leur cause le groupe intéressé.
Les définitions de l’Etat sont nombreuses. Cette multiplicité s’explique par les positions
adoptées par leurs auteurs. Le géographe identifie l’Etat à un territoire. L’historien voit dans
l’Etat une manière d’être de la nation. Le juriste assimile l’Etat à un système de normes.
Mais en droit constitutionnel, l’Etat est défini comme une communauté humaine, fixée sur un
territoire déterminé et qui s’est donné une organisation et une direction s’imposant à tous ses
membres.
Cette définition nous suggère de façon insistante d’analyser les composantes ou les éléments
constitutifs de l’Etat, ainsi que les attributs qui lui sont reconnus (CHAPITRE I). De même,
l’Etat étant une organisation sociale, il est important de s’interroger sur les aspects sous
lesquels l’Etat se présente (CHAPITRE II).
10
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
CHAPITRE I
DE L’ETAT
Toutes les sociétés humaines ne forment pas un Etat. Quel que soit l’Etat, la doctrine est
unanime pour reconnaître qu’un Etat ne peut exister que si un certain nombre d’éléments
existe (Section I). Par ailleurs, un certain nombre d’attributs sont reconnus à l’Etat (Section
II).
Il est utile de rappeler ici que « l’État est un groupement humain fixé sur un territoire
déterminé et sur lequel une autorité politique exclusive s’exerce ». Il ressort de cette
définition que, pour exister juridiquement tant au regard du droit constitutionnel, que du droit
international, l’État suppose la présence concomitante de trois éléments : d’abord une
population, ensuite un territoire (Paragraphe I), et enfin le pouvoir politique, une autorité
politique exclusive (Paragraphe II).
La substance humaine de l’Etat, en quelque sorte, est constituée par la population, c'est-à-dire
par un groupe d’individus sédentaires et solidaires, et qui présente une individualité par
rapport à d’autres, au point de constituer une nation (A). L’Etat ne peut se concevoir sans une
emprise géographique délimitée par des frontières (B).
11
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
La définition des termes population et nation s’impose (1) avant d’aborder la question de la
condition de la nation (2).
La nation est quant elle une notion voisine de la notion de population mais bien distincte de
cette dernière. Il peut exister une population sans nation, mais l’inverse n’est jamais possible.
Ainsi, on peut dire que la nation, c’est une population avec quelque chose en plus. La nation,
c’est la volonté d’un certain nombre d’hommes de vivre ensemble. On entend par
généralement par nation, un groupement humain dans lequel les individus se sentent unis les
uns aux autres par les liens, à la fois, matériels et spirituels et se conçoivent comme différents
des individus qui composent les autres groupements nationaux.
La solidarité qui est inhérente à la nation est d’abord une réalité concrétisée et observée dans
de petits groupes sociaux tels que la famille, la tribu, l’ethnie, la région, pour s’élargir à la
collectivité politique.
Diverses conceptions sont apparues, au 19ème siècle et s’affrontent à propos de la nation. Mais
les deux principales sont la conception allemande (thèse objective) et la conception française
(thèse subjective).
12
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Enfin, la thèse subjective de la nation : les auteurs français (Fustel de Coulanges, Ernest
Renan) considèrent que la genèse d’une nation est beaucoup plus complexe et qu’à côté des
éléments ethniques notamment il faut faire entrer en ligne de compte le volontarisme. Dans un
raccourci fameux, Maurice Hauriou affirmait qu’une nation était une mentalité. La
conception française est celle du vouloir vivre collectif. Elle signifie que les nations se
forment sous l’influence de facteurs aussi nombreux que variés. Sans doute, il convient de
prendre en considération les éléments objectifs, mais pour intéressants qu’ils soient, ils ne
sont pas eux seuls déterminants. Il y a lieu de les combiner avec les éléments subjectifs.
D’abord, les évènements historiques : les guerres, les calamités, en sens inverse, les années de
prospérité, les réussites communes. L’âme nationale est faite de souvenirs partagés, de
souffrance et de bonheur. Ensuite, la communauté d’intérêts, principalement d’ordre
économique, qui résulte, en grande partie, de la cohabitation sur un même territoire. Enfin, le
sentiment de la parenté spirituelle, le fait que, sans avoir les mêmes croyances ou le même
niveau intellectuel, on réagit d’une façon semblable en présence des mêmes évènements. Une
nation, c’est une famille.
Comme le dit la Professeure Marie-Anne Cohendet, « l’Etat et la nation sont en principe deux
concepts indépendants. Cependant, comme le mariage est censé être l’institutionnalisation de
l’amour, l’Etat est ou devrait être l’institutionnalisation du sentiment national ». Il peut y
avoir plusieurs nations dans un Etat, comme en Belgique.
13
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Premièrement, sur l’identification entre la nation et l’Etat : la nation est considérée comme
le résultat d’un processus historique se développant et même s’achevant avant la naissance de
l’Etat : celui-ci apparaissant en dernier lieu pour centraliser politiquement et juridiquement la
nation. Il est de fait que dans la plupart des pays européens, la formation de la nation a
précédé celle de l’Etat.
Mais on s’interroge souvent sur le point de savoir si toute nation peut ou doit correspondre à
un Etat. En se référant au droit international, on peut répondre par l’affirmative à travers deux
principes :
Le principe des nationalités, toute nation a droit à devenir un Etat. Ce qui signifie que sur le
pan du droit interne, l’origine du pouvoir réside dans la nation ; sur le plan du droit
international, le premier droit de la nation est de se réaliser politiquement et juridiquement
d’une façon intégrale, ce qui revient à dire que toute nation a droit à former un Etat.
14
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
La nation écartelée : par suite des vicissitudes historiques, une nation peut être tronçonnée
par des frontières et alimenter l’irrédentisme. Les exemples abondent : celui de la nation
allemande partagée 40 ans entre la RFA et la RDA ; celui de la nation macédonienne déchirée
entre la Bulgarie, la Grèce et l’ex-Yougoslavie, ou celui de la nation Kurde écartelée entre la
Turquie, l’Irak, l’Iran et l’ex-URSS.
Les nations regroupées : Il se peut, en effet, qu’un Etat associe, tant bien que mal, un certain
nombre de nations, sinon d’ethnies à l’intérieur de ses frontières.
La définition que donne la science juridique de l’Etat repose aussi sur un élément
géographique qui est le territoire. C’est le territoire qui permet de situer l’Etat dans l’espace
international. Il identifie le périmètre sur lequel habite la population soumise au pouvoir
organisé. A contrario, il n’existe pas d’Etat sans territoire, aussi restreint soit-il. Par exemple,
la cité du Vatican forme un territoire de 44 hectares, inclus dans la ville de Rome.
Il convient de savoir que l’appréhension du territoire en droit positif (1) renvoie forcément à
la question des frontières d’un Etat (2).
Mais en droit positif, le territoire est souvent appréhendé à travers la notion d’« intégrité
territoriale » dans un double souci : sa préservation dans le temps et sa continuité dans le
temps.
15
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Enfin, le souci de préservation de la continuité de l’Etat est affirmé dans deux dispositions.
Corporation à base territoriale, comme l’affirmait le doyen Maurice Hauriou, l’Etat ne peut
se concevoir sans une emprise géographique délimitée par des frontières. L’Etat dispose d’un
territoire c'est-à-dire d’un espace géographique sur lequel ses organes peuvent exercer leur
autorité, ou leurs compétences politiques et juridiques.
Deuxièmement, le territoire maritime : il est composé d’une part, des mers intérieures, celles
qui sont totalement incluses dans le territoire terrestre d’un Etat, et d’autre part de la mer
territoriale pour les Etats côtiers. La mer territoriale est une bande de mer d’une largeur de 12
milles miles marins (plus de 22 km) au large des côtes d’un Etat. L’Etat peut y interdire la
navigation de tout navire militaire étranger mais doit laisser la navigation civile s’y dérouler
normalement.
16
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Certains Etats y ajoutent à cette mer territoriale une « zone économique exclusive » d’une
largeur de 200 miles marins (370 km) dans laquelle ils bénéficient de droits économiques. Au-
delà des eaux intérieures, s’étend la haute mer, ouverte à tous les Etats, riverains ou non, en
vertu du principe de liberté qui la caractérise.
Le territoire est d’une importance particulière parmi les éléments constitutifs de l’Etat car,
comme l’affirme le Professeur Jean Gicquel, il sert de mesure et de limite à l’autorité du
gouvernement de l’Etat. Il est aussi important parce que, dans l’histoire de l’humanité, la
fixation des populations au sol a été un évènement immense, qui a permis indirectement la
formation des nations, et par suite, des Etats.
Le troisième élément constitutif de l’Etat, c’est le pouvoir politique. Ainsi, une population et
un territoire ne suffisent pas pour qu’un Etat existe. L’existence effective de l’Etat est
absolument conditionnée par l’existence d’un pouvoir politique exercé sur cette population et
ce territoire. C’est l’élément juridique de l’Etat, l’élément déterminant de l’Etat. Phénomène
d’autorité inhérent à la vie en société, le pouvoir a des traits spécifiques dans le cadre de
l’Etat. Il faut situer le pouvoir politique par rapport aux autres phénomènes d’autorité et et
préciser ses caractères propres.
Il faut savoir que le pouvoir politique est un phénomène d’autorité parmi d’autres mais
particulièrement complexe.
17
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
L’autorité peut être définie comme la capacité d’un individu à imposer sa volonté dans le
cadre d’une relation sociale. C’est le pouvoir de commander, d’obliger à quelque chose, d’être
obéi. C’est l’influence qu’un individu peut exercer sur un autre individu. Ainsi, l’autorité
s’analyse en un phénomène d’influence.
L’autorité parentale : elle s’appuie sur la position de chef de famille ou de mère de famille ;
L’autorité charismatique : elle est fondée sur la personnalité, le charisme, le leadership, les
qualités individuelles particulières d’un individu ;
Les phénomènes d’autorité se rencontrent dans toutes les collectivités, dès lors qu’une
personne est en mesure ou un collège est en mesure d’imposer sa volonté à autrui. Ils
impliquent donc nécessairement une double relation de commandement et d’obéissance et par
là même une différenciation entre ceux qui commandent, ou qui, occupent une position
dominante les mettant à même de faire prévaloir leurs vues, et ceux qui obéissent, ou qui ne
sont pas en mesure de s’opposer à la volonté des premiers et doivent s’abstenir d’y faire
obstacle.
Pour autant, il ne faut pas prendre de ces rapports et de ces phénomènes une vue trop
simpliste. Il n’y a pas, dans la société une fois pour toutes, d’un côté ceux qui commandent, d’
l’autre ceux qui obéissent. La réalité est infiniment plus complexe. Il es rare que celui
commande n’ait pas aussi à obéir, dans le même secteur ou dans d’autres, et de la même
manière celui qui obéit a souvent aussi à diriger.
18
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
En d’autres termes, ces rapports et ces phénomènes s’insèrent dans un tissu social
extrêmement dense, ramifié, entrecroisé, dans lequel ils peuvent paraître s’estomper. Ils n’en
existent pas moins et constituent une donnée à la fois élémentaire et fondamentale de la vie
sociale.
Il faut ajouter que la différenciation entre les détenteurs de l’autorité et ceux qui en sont les
destinataires peut être plus ou moins masquée, selon la nature de la communauté considérée et
aussi selon les circonstances et les époques. Il est évidemment normal que l’autorité soit plus
apparente et plus appuyée dans une unité militaire ou une administration publique qu’au sein
d’une compagnie artistique ou d’une association. Mais il rare qu’elle disparaisse
complètement. En effet, l’autorité s’exerce parfois sans manifestations visibles et l’obéissance
est souvent consentie.
Quand on parle des autorités, on désigne les personnes qui exercent l’autorité dans l’Etat. Il
peut s’agir des autorités civiles et militaires.
La notion de pouvoir politique s’entend, dans le sens étymologique, du pouvoir dans la cité
et, dans le sens contemporain, du pouvoir dans l’Etat mais il est évidemment nécessaire de
préciser davantage.
C’est pourquoi le pouvoir politique peut être défini comme le pouvoir de prévision,
d’impulsion, de décision et de coordination qui appartient à l’appareil dirigeant du pays, en
principe celui de l’Etat, c'est-à-dire aux gouvernants au sens large, et qui leur permet de
déterminer et de conduire l’ensemble de la politique nationale, avec tout ce qu’elle implique
dans l’ordre comme dans l’ordre international. On notera cependant que dans l’ordre dans la
pratique le pouvoir politique est surtout le fait des organes exécutifs de l’Etat car ce sont eux
qui ont en charge, de manière presque exclusive, la politique nationale (et qui sont considérés
comme les véritables gouvernants), les organes délibérants apparaissant désormais surtout
comme des organes de contrôle.
19
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Il faut signaler que dans les régies totalitaires, le pouvoir politique réside parfois davantage
dans les instances dirigeantes du parti unique que dans celles de l’appareil de l’Etat.
Il faut ajouter que le pouvoir politique est un enjeu. Avant d’être attribué, il est donc l’objet,
non seulement entre les partis mais aussi à l’intérieur de chacun d’eux et au sein des grandes
coalitions, d’âpres luttes entre des dirigeants que séparent certes leurs convictions mais plus
souvent encore leurs ambitions.
Quant aux caractères du pouvoir politique, on peut dire qu’ils tiennent à ce que le pouvoir
est à la fois contraignant, initial et global.
Le pouvoir politique est d’abord contraignant même si les ressorts psychologiques sont, eux
aussi, très importants. Dans les sociétés primitives, le pouvoir a des origines magiques plutôt
que matérielles. A l’inverse, dans les sociétés contemporaines, les gouvernants réussissent
souvent à conduire les gouvernés simplement parce qu’ils les ont convaincus qu’il devait en
être ainsi. En d’autres termes, le poids de la tradition, la croyance en la légitimité des
gouvernants, le sentiment de l’impossibilité ou de l’inutilité d’un renversement de l’ordre
établi constituent des facteurs déterminants. Mais ces éléments psychologiques ne sont
nullement exclusifs, la coercition, effective ou potentielle, s’y ajoute toujours et
nécessairement. Même si elle n’apparaît pas au premier plan, elle demeure dans l’ombre, en
attente. La contrainte matérielle ne fonde pas obligatoirement le pouvoir politique mais elle
sert à le maintenir et en es absolument indissociable.
Le pouvoir politiques est aussi initial en ce sens que tout part, en tous domaines, des
gouvernants. Certes, il existe des pouvoirs autres que politiques et il existe également des
contre-pouvoirs mais ils sont toujours plus ou moins dépendants, plus ou moins tributaires
précisément du pouvoir politique. La capacité d’innover de ce dernier est incomparablement
supérieure à celle de tous les autres organismes sociaux.
Le pouvoir politique est enfin global. Les gouvernants disposent, en principe, d’une autorité
qui s’applique à tous les membres de la communauté, s’exerce sur toute l’étendue du territoire
et, ce qui est plus important encore, peut porter sur tous les objets possibles, de l’économie au
social, de l’enseignement à la santé, du travail aux loisirs, des prix à l’urbanisme, des libertés
à la culture, de la famille aux sports.
20
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Pour peu que les gouvernants le souhaitent, aucun secteur de l’activité humaine ne saurait leur
échapper et le pouvoir politique n’a d’autres limites que celles qu’il accepte de se fixer lui-
même. C’est la une différence capitale avec les autres phénomènes d’autorité qui revêtent,
parce qu’ils s’exercent dans des groupes restreints et presque toujours dépendants, un
caractère limité et partiel.
Le pouvoir politique a d’abord commencé par être attaché à la personne des gouvernants,
souvent des chefs religieux ou des anciens, parfois des chefs militaires. Cette personnalisation
s’est évidemment accusée lorsque du collectif initial s’est dégagée une personnalité dirigeante
unique, dont la vocation charismatique était déterminée par les circonstances ou affirmée,
pour plus de commodité, par l’intéressé lui-même. Dans un système de ce genre, il n’existe
aucune légitimité ni d’ailleurs le plus souvent aucun appareil survivant à la cessation de
fonctions du chef politique.
Il s’ensuit une évolution discontinue, en ligne brisée, du pouvoir politique qui entraine de
nombreux aléas, notamment lors de la période difficile au cours de laquelle est assurée la
succession du chef.
Dans l’ensemble, il n’en est plus ainsi. Le pouvoir politique s’est institutionnalisé, ce qui veut
dire qu’il s’est dissocié de la personne des gouvernants pour se reporter sur une entité qui lui
sert de support. Depuis le XVIe siècle, cette entité est l’Etat. La différence avec le système
antérieur est capitale puisque désormais les gouvernants ne disposent de compétences qu’en
raison de leurs fonctions. Bien loin d’être maîtres de leurs pouvoirs, ils ne sont, en principe,
que les dépositaires provisoires, les agents d’exercice des compétences qui leur sont confiées.
Il existe en dehors d’eux une légitimité qui les dépasse, un appareil qui leur survit. C’est le
pouvoir politique institutionnalisé dans un cadre étatique qui domine le monde actuel.
21
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
2. Les contre-pouvoirs
On ne peut présenter le pouvoir politique sans évoquer en même temps le problème des
contre-pouvoirs. En effet, il serait tout à fait irréaliste d’imaginer qu’il n’existe rien entre le
petit nombre des gouvernants et l’immense masse des gouvernés. Une vue moins abstraite,
plus proche du réel et du foisonnement de la vie, montre d’une part, que le groupe des
gouvernants est lui-même diversifié et peut donc faire place aux contre-pouvoirs, d’autre part
et surtout, qu’entre l’appareil dirigeant et les gouvernés, il y a une multitude d’organismes très
divers, dont nombre sont ceux qui apparaissent très légitimement comme de véritables contre-
pouvoirs.
Il faut entendre par contre-pouvoirs tous les centres organisés de décisions, de contrôle,
d’intérêts ou d’influence qui, par leur seule existence ou par leur action, quel que soit
l’objectif poursuivi, ont pour effet de limiter la puissance de l’appareil dirigeant de l’Etat. Ils
présentent une utilité incontestable et en même temps posent quelques problèmes délicats.
22
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Précédemment (Section I), nous avons pu nous rendre compte de ce que l’Etat est une réalité
de la vie nationale et internationale, à travers ses trois éléments constitutifs que sont la
population, le territoire et l’autorité politique exclusive ou le pouvoir politique). Ce sont là les
trois conditions d’existence de l’Etat qui sont cumulatives et non pas alternatives. Mais ces
éléments ne suffisent pas vraiment à définir l’Etat, c'est-à-dire à faire ressortir ses traits
spécifiques. En effet, l’Etat est souverain (§ 1) et dispose de ses propres attributs (§ 2).
La souveraineté est une notion difficile à cerner ; elle est polysémique et peut amener la
confusion dans les idées. Il convient de se référer à la théorie élaborée par Jean Bodin,
laquelle fait mention de la notion de souveraineté de l’Etat (A) et de puissance de l’Etat (B).
A. LA NOTION DE SOUVERAINETE
La souveraineté est une conception dégagée par Jean Bodin, en 1576 dans son ouvrage « Six
livres de la République », établit une équivalence entre souveraineté et indépendance
absolue, dans la perspective romaine de l’imperium ou de la summa potestas (pouvoir le plus
élevé ou le commandement suprême dans une société. Pour Carré de Malberg, la souveraineté
représente la négation de toute entrave ou subordination. Ceci est valable à l’égard des Etats
étrangers (souveraineté extérieure) et à l’intérieur même de l’Etat (souveraineté intérieure).
Cette construction porte, dans une large mesure, la marque de l’époque à laquelle elle a été
formulée. Il s’agissait, en effet, à partir du XIVe siècle et principalement dans le royaume de
France, d’affirmer la suprématie du roi sur les grands feudataires (titulaire d’un fief durant les
périodes médiévales, et dépendant à ce titre d’un suzerain). Cette notion de souveraineté
signifiait l’indépendance de la France vis-à-vis de tout pouvoir. Cette indépendance se
trouvait affirmée dans deux brocards hérités des légistes : le roi ne tient sa couronne que de
Dieu seul ; le roi est empereur en son royaume. En un mot, la souveraineté est la forme qui
donne l’être à l’Etat, disait (Loyseau en 1608).
23
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
On doit dire que la contribution de Jean Bodin est capitale : avec lui, la notion de souveraineté
est désormais inscrite au cœur du droit public ; avec lui, elle devient un élément constitutif de
l’Etat et se structure autour de caractéristiques permanentes : elle est absolue, perpétuelle, au-
delà des individus qui l’incarnent et indivisible, en ce qu’elle se rapporte à un seul titulaire,
qu’il s’agisse d’un être individuel (le roi) ou collectif (le peule). A ce titre, la souveraineté,
dans cette acception, ne saurait être partagée.
Néanmoins, en se plaçant d’un point de vue politique, l’idée sera consacrée par l’accord de
Nouméa, le 5 mai 1998, s’agissant du statut de la Nouvelle-Calédonie : le partage des
compétences entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie signifiera la souveraineté partagée.
Pour Jean Bodin, la souveraineté n’est pas seulement une qualité de la puissance publique.
Pour cet auteur, la souveraineté, en tant que manifestation de la volonté spécifique de l’Etat,
elle s’identifie avec cette puissance. Seul l’Etat est à même d’assumer un certain nombre de
droits de domination et de puissance qui sont les vraies marques de souveraineté : droits de
législation et de réglementation, de justice, de police, de battre monnaie, de légation, de lever
et d’entretenir une armée, d’accéder à la fonction publique et celui de conférer la nationalité,
entre autres. Mieux encore, l’Etat dispose de la compétence de sa compétence ; il détermine
lui-même, sans entraves et sujétions (dépendance, assujettissement ou asservissement), les
fonctions qu’il désire assumer. On retrouve, là aussi, le long mouvement, entamé au Moyen-
âge, par lequel le monarque réussit irrésistiblement à imposer son autorité, domaine par
domaine, aux barons. C’est dans une logique approchante que l’on parle des lois dites de
souveraineté s’appliquant, sans exceptions, sur l’intégralité du territoire aussi bien en
métropole qu’outre-mer. L’Etat exerce une compétence tout à la fois à l’égard du territoire
auquel il s’identifie et des personnes qui s’y trouvent rattachées. A cet égard, la doctrine
internationaliste distingue traditionnellement les compétences territoriales et personnelles de
l’Etat. En définitive, ce qui le caractérise, c’est l’exercice solitaire de ces droits dits de
puissance publique. La souveraineté représente ici les pouvoirs effectifs de l’Etat ou,
ramenée à l’essentiel, la puissance d’Etat.
24
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
La souveraineté implique, d’une part, la négation de toute subordination vis-à-vis d’un autre
Etat, en dehors des limitations librement acceptées (souveraineté extérieure). A ce titre, l’Etat
dispose de la compétence de sa compétence (Jellinek). Il suit de là que la souveraineté est
l’apanage de l’Etat, à l’opposé des organisations internationales, qui ne peuvent bénéficier
que de transferts de compétences. D’autre part, la volonté de l’Etat prime sur celles des
personnes physiques et morales présentes sur son territoire (souveraineté intérieure).
La caractéristique essentielle de l’Etat est de constituer une collectivité irréductible aux autres
collectivités, qu’elles appartiennent à l’ordre interne ou à l’ordre international. Une première
condition, nécessaire mais non suffisante, se rapporte à la personnalité juridique de l’Etat (A).
La seconde condition, déterminante, concerne les attributs de la puissance de l’Etat (B).
Création humaine, l’Etat apparait comme une entité et, en termes juridiques, une institution,
une personne morale, détachée de la personne physique des gouvernants. En effet, le progrès
qui a marqué l’évolution des sociétés a consisté à institutionnaliser le pouvoir politique, c'est-
à-dire à le dissocier progressivement de la personne de ceux qui commandent pour le confier à
l’Etat. C’est de l’Etat que les gouvernants reçoivent leurs compétences, c’est en son nom
qu’ils les exercent. Le pouvoir est attaché à leur fonction, non à leur être. Ainsi l’Etat,
symbole de la communauté nationale (qui survit à ses membres) et titulaire du pouvoir
politique (et dont les gouvernants ne sont que les dépositaires provisoires et les agents
d’exercice) est-il nécessairement érigé en personne morale (juridique) de droit public, seule
solution susceptible d’assurer sa continuité et d’en faire un centre de décisions.
25
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Il va de soi que si l’Etat est une personne juridique, la première de toutes, ce n’est pas la
seule, tant s’en faut. Il existe, précisément dans le cadre de l’Etat et par la volonté de son
organisation politique et juridique, un grand nombre d’autres collectivités de divers ordres et
d’importance variable, qui sont érigées en personnes morales, qu’il s’agisse de personnes
morales de droit public (régions, départements, communes, établissements publics) ou de
personnes morales de droit privé (associations, sociétés).
C’est pourquoi, on ne peut suffisamment caractériser l’Etat par sa personnalité morale, qui
constitue un élément du critère mais non pas le critère unique. En résumé, la personnalité
juridique de l’Etat peut être définie à travers deux éléments.
Le premier élément, c’est la capacité de l’Etat, entendue comme la faculté de vouloir et d’agir
au nom de la collectivité. L’Etat est un sujet de pouvoirs et de droits, doté d’une vie propre et
indépendante des volontés individuelles de tous ses membres. En cela, il constitue une unité
distincte des gouvernants eux-mêmes, c'est-à-dire une personne collective.
Le second élément, c’est la permanence de l’Etat, qui signifie que l’Etat est permanent en ce
sens que les changements qui surviennent dans sa composition ou sa direction n’affectent pas
son existence ni la durée de ses décisions. L’Etat survit aussi bien à ses dirigeants éphémères
qu’aux générations qui se succèdent : c’est cette continuité de l’Etat qui explique que : d’une
part que les lois votées par une assemblée, les actes administratifs édictés par un
gouvernement, les traités conclus avec une puissance étrangère survivent aux régimes qui en
ont pris l’initiative ; d’autre part que chaque génération se trouve engagée par les obligations
contractées par sa devancière.
D’un point de vue matériel, la puissance de l’Etat couvre la nationalité, les droits civiques,
les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la
justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et
l’ordre public, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral.
26
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
D’un point de vue formel, la puissance de l’Etat, c’est en d’autres termes la souveraineté de
l’Etat. La souveraineté signifie le pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne relève d’aucun autre.
S’il est courant d’affirmer que l’Etat possède la souveraineté, encore faut-il savoir si on parle
de la souveraineté de l’Etat, de sa puissance ou de la souveraineté dans l’Etat. Les attributs
de la puissance de l’Etat sont variés :
Le pouvoir d’Etat est un pouvoir de centralisation : l’Etat a la charge des intérêts nationaux,
du contrôle administratif et du respect des lois.
Le pouvoir d’Etat est un pouvoir civil et temporel : Le pouvoir est civil à partir du moment
où l’armée est un corps obéissant et non délibérant. Le pouvoir est temporel en témoigne le
principe de laïcité de l’Etat, c'est-à-dire que l’Etat n’est ni religieux ni antireligieux mais
areligieux, selon la fameuse définition d’Aristide Briand. A cette fin, il observe une attitude
de neutralité, considérant que la religion ressortit à la conscience individuelle, dès lors que ses
manifestations extérieures ne troublent pas l’ordre public.
28
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
CHAPITRE II
On dit de l’Etat unitaire qu’il est centralisé c'est-à-dire qu’il est ordonné tout entier autour du
principe de l’unité (A). Mais pour étendu que soit ce dernier, il n’en admet pas moins un
certain nombre de modalités (B).
A. LE PRINCIPE D’UNITE
29
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Du point de vue agencement politique, la centralisation des organes d’Etat implique qu’un
seul Chef de l’Etat, un seul Gouvernement, un seul parlement et une seule organisation
juridictionnelle existent sur la scène politique ;
Il existe des variations à l’Etat unitaire. Par variations, il faut entendre tout simplement les
modalités d’exercice du principe d’unité qui caractérise fondamentalement l’Etat unitaire.
Comme l’affirme le Professeur Olivier Gohin de l’Université de Paris 2 Panthéon-Assas,
« traiter des variations de l’Etat unitaire oblige à venir sur un terrain qui n’est pas de droit
constitutionnel, mais de droit administratif ».
30
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Cette technique peut se définir comme une modalité ou un relais de la centralisation ; une
redistribution territoriale du pouvoir étatique. Il s’agit donc d’un principe d’autorité : la
centralisation par personnes interposées, en d’autres termes. Odilon Barrot, au XIXe siècle,
résumait d’une manière plaisante le sentiment : « c’est toujours le même marteau qui frappe,
mais on en a raccourci le manche ». On serait tenté d’ajouter, pour mieux en ajuster les
coups.
En conclusion, on peut définir l’Etat unitaire déconcentré comme celui dans lequel les
pouvoirs de décision sont accordés à des agents de l’Etat répartis dans les circonscriptions
administratives et subordonnés à l’autorité hiérarchique de l’administration centrale. L’Etat
unitaire déconcentré existe toujours avec des organes déconcentrés (exemple : préfets, sous-
préfets, inspecteurs d’académie).
31
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Terme moins expressif que les expressions anglo-saxonnes équivalentes (local government
désignant un système par lequel les décisions sont prises par les habitants de l’entité locale au
mieux de leurs intérêts), la décentralisation signifie littéralement auto-administration. Ainsi
s’analyse-t-elle en un principe de liberté et s’identifie à la démocratie locale. Sous ce rapport,
elle se ramène à un transfert d’attributions du pouvoir central au profit d’entités locales,
juridiquement distinctes de l’Etat et dotées d’organes élus par les citoyens concernés. On le
constate, l’élection constitue la pierre touche de la décentralisation.
32
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Une forme intermédiaire peut être distinguée avec l’Etat fédéral autonomique espagnol,
l’Etat régional italien ou encore l’Etat de la dévolution en Grande-Bretagne. Cette nouvelle
forme de l’Etat est empreinte d’hybridité. En effet, si des principes juridiques de l’Etat
unitaire sont maintenus (A), une inclinaison fédérale n’en est pas moins visible (B).
Dans certains Etats (Italie, Espagne), la très forte décentralisation peut paraître remettre en
cause le caractère unitaire de l’Etat. Dans la lignée de l’article premier de la Constitution
française de 1958, les textes italien et espagnol réaffirment l’indivisibilité de la République
(article 5 de la Constitution italienne de 1947) ou de la nation (article 2 de la Constitution
espagnole de 1978). Une seule Constitution est donc présente sur la scène juridique. En effet,
le statut des communautés autonomes en Espagne et des régions en Italie a une valeur
simplement législative et est soumis, de surcroit, à l’approbation in fine de l’Etat. Celui de la
Communauté autonome doit être repris par la loi votée par les Cortès. Ceux-ci, ont, en 2006,
refusé d’accepter la présence du concept de nation dans l’Estatut de la Catalogne et l’ont
renvoyé dans le préambule dépourvu de valeur juridique. Saisi en 2006, le Tribunal
Constitutionnel s’est enfin prononcé le 28 juin 2010. A l’image de l’attitude du Conseil
Constitutionnel à l’égard de la notion de peuple corse, le juge constitutionnel espagnol a
déclaré inconstitutionnelles les dispositions relatives à la nation et à la langue catalane, et
celles créant un département de justice à la Catalogne. La résolution votée par le parlement
régional en janvier 2013 proclamant la souveraineté de la Catalogne a aussi été contestée
devant le même tribunal.
Pour l’Italie, le statut de la région est depuis 1999, directement contestable devant la cour
constitutionnelle qui vérifie son harmonie avec la Constitution (art. 123).
Au surplus, la seconde chambre, au-delà de quelques différences entre les Sénats espagnol et
italien, n’a pas pour fonction principale de représenter, de manière individuelle, les entités
infra-étatiques mais d’être une chambre de représentation territoriale.
33
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
34
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Un Etat fédéral est un Etat dans lequel deux structures étatiques sont superposées. A l’étage
intérieur des Etats, dits fédérés, disposent à la fois d’une population, d’un territoire et d’une
organisation politico-juridique. Mais ces organisations politico-juridiques ne disposent pas de
la plénitude de la souveraineté dans la mesure où il existe, à un étage supérieur un « super-
Etat », c'est-à-dire des institutions fédérales exerçant leur pouvoir sur la population de tous les
Etats fédérés réunis et sur un territoire équivalent à celui de tous les Etats fédérés réunis. Les
Etats fédérés peuvent être dénommés Etats (cas des Etats-Unis), Cantons (cas de la Suisse),
Provinces (cas du Canada), Lander (cas de l’Allemagne), Régions ou Communautés (cas de
la Belgique).
D’abord, la naissance d’un Etat fédéral peut venir d’une association d’Etats qui ont décidé de
se grouper pour être plus forts. On parle alors de fédéralisme par association ou par
agrégation. Dans ce cas, il est fréquent que les Etats aient, au préalable, testé leur association
dans le cadre d’une confédération (§ 1).
Enfin, l’Etat fédéral a des caractéristiques qui lui sont propres (§ 2).
En règle générale, une fédération obéit à une loi du genre, celle de l’apprentissage de la vie en
commun par les Etats intéressés. A cet égard, la confédération se situe comme un point de
passage obligé, abstraction faite de formes surannées liées au phénomène dynastique. Il
convient de voir la définition de la confédération (A) avant d’en venir aux applications (B).
35
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
A. LA DEFINITION DE LA CONFEDERATION
L’Etat fédéral désigne une union d’Etats ou, si l’on veut, un Etat d’Etats, unis par un lien de
société. Ce principe donne naissance à une fédération (du latin foedus, alliance) ou a un Etat
fédéral. Cependant, celui-ci ne procède pas d’un phénomène de génération spontanée. Il
résulte d’un rapprochement initial entre les Etats souverains dans le cadre d’une
confédération. A ce compte, une fédération se présente comme une confédération qui a
réussi, à l’image du précédent des Etats-Unis d’Amérique. De nos jours, l’Union Européenne
peut être citée comme un exemple de confédération.
36
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
L’Etat fédéral se présente comme une modalité raffinée d’Etat qui nourrit la réflexion, en
raison de sa diffusion géographique et de sa séduction juridique. Dans le monde
contemporain, il n’est guère, en effet, d’Etats importants, en dehors du Japon et de la Chine,
qui n’aient été adopté cette condition qui combine, de manière harmonieuse, l’unité et la
diversité des ordres politiques et juridiques.
37
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Georges Scelle soulignait que le fédéralisme est une loi constante de l’évolution des sociétés
humaines car il concilie deux besoins, en apparence contradictoires, mais, en réalité
complémentaires ; le besoin d’autonomie et de liberté de chaque groupe dans la recherche de
leurs fins propres et le besoin non moins puissant d’ordre et de sécurité (Précis du droit des
gens, Sirey, 1932, p. 188).
Après la présentation de la notion d’Etat fédéral (A), nous étudierons son fonctionnement (B).
L’Etat fédéral est une union d’Etats, au sens du droit interne (c'est-à-dire constitutionnel) au
sein de laquelle un nouvel Etat apparait. En d’autres termes, des Etats souverains jusqu’alors,
acceptent de se grouper sous une bannière étatique en transférant des compétences. De sorte
que le fédéralisme naît d’une constitution à l’opposé de la confédération, issue d’un traité.
Elle se présente, si l’on peut user de cette comparaison, sous la forme d’une construction à
deux étages. A l’étage inférieur, se situent les Etats membres ou les entités fédérées qui, ayant
renoncé à leur souveraineté, ne peuvent plus se prévaloir, en dehors d’un élément de
considération, de leur qualité originaire. Celle-ci est dorénavant l’apanage du nouvel Etat
(l’étage supérieur), que l’on peut nommer le super-Etat. On le saisit, l’Union Européenne est
un Etat fédéral en devenir.
L’Etat fédéral englobe les unités fédérées, mais ne les absorbe point, tant et si bien qu’il
réalise la synthèse entre l’Etat unitaire et la confédération ; entre la solidarité et l’autonomie.
E pluribus unum : la devise des Etats-Unis ramène dans un excellent raccourci, la vision du
fédéralisme à la diversité dans l’unité, ou, si l’on préfère, l’autonomie alliée à la solidarité.
38
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Selon Georges Scelle, une construction fédérale repose, en règle générale, sur la combinaison
dialectique des trois principes de superposition, d’autonomie et de participation. Le premier
rend compte de la condition du super-Etat ; le second, de celle des unités fédérées et le
troisième de leur collaboration, qui fait songer à un duplex.
1. Le principe de superposition
Né de la volonté des Etats composants, sous forme d’une constitution fédérale, le super-Etat
qui les coiffe est à l’origine d’un nouvel ordre politique et juridique. Sous cet aspect, il
dispose des attributs étatiques et plus précisément, d’une organisation politique distincte de
celle des unités fédérées (une constitution et des pouvoirs publics propres). Le principe de
superposition n’en reste pas moins complexe.
39
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
La logique fédérale implique deux choses. D’une part, la superposition du super-Etat (Etat
fédéral) au-dessus des Etats composants (Etats fédérés). D’autre part, la primauté du droit
fédéral sur le droit des Etats fédérés.
2. Le principe d’autonomie
Ce principe signifie que les Etats fédérés doivent être autonomes par rapport à l’Etat fédéral.
Cette autonomie aboutit à ce que les Etats fédérés soient en apparence de véritables Etats. Ils
sont dotés de leurs propres institutions, de leur propre ordre juridique y compris une
constitution. Mais c’est la Constitution fédérale qui répartit les compétences entre les deux
niveaux étatiques (entre les Etats fédérés et l’Etat Fédéral). En principe, les Etats fédérés
disposent d’une compétence générale ou de droit commun, tandis que les institutions
fédérales disposent d’une compétence d’exception ou d’attribution.
40
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Quant à la Belgique, la situation est compliquée par le fait que, contrairement au régime de
droit commun, le partage s’effectue entre, d’une part, l’Etat fédéral et, d’autre part, deux
catégories d’entités fédérées (les Communautés et les Régions).
S’agissant du contenu des attributions, une ligne de répartition sépare, grosso modo, les
compétences externes et les compétences internes.
Pour les compétences externes, les relations avec l’étranger sont assumées, en principe, d’une
manière exclusive, par le super-Etat, à partir du moment où il possède seul la souveraineté
internationale. Celle-ci se manifeste dans les domaines diplomatique, militaire, économique,
monétaire, ainsi qu’en matière de nationalité. Toutefois, des entités fédérées peuvent disposer
d’une personnalité internationale réduite.
Pour les compétences internes, les unités fédérées (Etats fédérés) ne disposent pas totalement
de la souveraineté interne, mais conservent un pouvoir d’auto-organisation interne : forme
étatique, une constitution (exception des communautés et régions belges qui n’en disposent
pas), un gouverneur dans l’Etat américain, un ministre-président dans le Land allemand, un
premier ministre dans la province canadienne, et une propre organisation juridictionnelle avec
au sommet une cour constitutionnelle. Sur le plan législatif, on note une diversité d’une unité
fédérée à une autre. Aux Etats-Unis, la peine capitale est variablement appliquée, ainsi que les
méthodes utilisées ; réglementation relative au port d’armes ; les règles du code de la route…
3. Le principe de participation
Ce principe signifie, qu’à la manière d’un partenariat, le super-Etat et les Etats fédérés
concourent à la vie de la fédération. Tous collaborent à la confection du droit fédéral. Si la
participation se traduit principalement par l’existence d’une seconde chambre, représentant les
entités fédérées, au sein du Parlement fédéral, elle peut aussi s’exprimer lors de la
modification de la Constitution fédérale. Ainsi, l’accord final des trois quarts des Etats est-il
nécessaire aux Etats-Unis ; celui, au Canada, des deux-tiers des Provinces représentant la
moitié de la population.
41
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
TITRE II
Le pouvoir d’Etat a ses fondements. Cela revient naturellement à se demander qui est le
détenteur du pouvoir, qui est titulaire de la souveraineté et de quelle manière celle-ci
peut être exprimée. En un mot, on évoque, à travers ces questions, la légitimation du
pouvoir. La légitimation vise à établir ou à parvenir à l’assentiment général ou à
l’acceptation par les gouvernés de l’autorité des gouvernants. Concrètement, cette adhésion
des citoyens ou des gouvernés repose nécessairement sur une double participation.
42
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
CHAPIRE I
Evoquer les rapports entre les gouvernés et les gouvernants, c’est, à n’en point douter,
rechercher la source ou l’origine du pouvoir, et étudier la dévolution du pouvoir. Par
conséquent, l’étude constitutionnelle du pouvoir politique consiste en l’identification du
titulaire ou du détenteur de ce pouvoir d’une part, et en la justification de ce pouvoir d’autre
part. En effet, la démocratie implique que le peuple participe à l’exercice du pouvoir. C’est
pourquoi il est important d’étudier et de situer les diverses formes possibles de participation
(Section I). Cette participation des gouvernés se réalise à l’occasion de la dévolution du
pouvoir en général, et à celle de l’effectivité des modes de scrutin en particulier (Section II).
43
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
§ 1. LA THEORIE DE LA SOUVERAINETE
Il faut rappeler utilement ici que selon la conceptualisation de Jean Bodin dès le XVIe siècle,
la souveraineté, en tant qu’attribut ou critérium juridique l’Etat, s’analyse en un pouvoir
suprême caractérisé par une puissance absolue, une indépendance totale et l’absence de toute
ingérence quelconque.
On sait que la réponse traditionnelle, tout au moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, est que la
souveraineté est royale : c’est la théorie théocratique de la souveraineté. Selon cette
conception, tout pouvoir vient de Dieu. Le monarque tient son pouvoir de Dieu, mais lorsqu’il
l’a reçu, ce pouvoir lui appartient ; il en est le détenteur et, pour ainsi dire, le propriétaire.
Cependant, quand bien même unanimes sur l’origine divine du pouvoir, les tenants de la
conception théocratique de la souveraineté se divisent et s’affrontent à propos de
l’explication de l’attribution du pouvoir à son titulaire. D’un côté, certains théologiens
considèrent que le titulaire du pouvoir tient son pouvoir de Dieu qui en est à la fois le
propriétaire et celui qui l’exerce : c’est la théorie de droit divin surnaturel. De l’autre,
d’autres théologiens soutiennent plutôt que si le pouvoir provient de Dieu, son exercice est
plutôt confié à un homme choisi par les gouvernés sous l’inspiration divine : c’est la théorie
de droit divin providentiel.
44
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Dans cette première formule, la souveraineté est confiée à la nation, être collectif et
indivisible, une entité abstraite distincte des individus qui la composent. Si la
souveraineté appartient à la nation, elle ne réside pas dans la masse des citoyens ajoutés les
uns aux autres, mais dans la collectivité globalement comprise et dont la volonté ne peut être
dégagée que par ses représentants à la lumière d’une délibération commune.
Elle a été notamment énoncée par l’Abbé Siéyès, en 1789, dans son pamphlet Qu’est ce que le
Tiers-Etat ? et son principe figure à l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen du 26 août 1789 qui dispose : « Le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en
émane expressément ».
La souveraineté nationale implique que la source du pouvoir réside dans la Nation. En tant
qu’être abstrait, la nation est, en effet, composée des individus présents, passés et à venir. La
Nation en tant que personne morale est dotée d’une volonté propre, d’une seule volonté, et
une volonté trangénérationelle.
45
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Dans la lignée de la souveraineté nationale, le mandat impératif est prohibé. En effet, les
représentants représentent la nation entière et non leurs électeurs. Le choix de l’électeur se
limite à la personne de son représentant. Etant chargés d’exprimer la volonté de la Nation, ils
n’ont pas à recevoir d’instructions des électeurs et ne doivent pas leur rendre de comptes. Ils
sont libres de leur vote au sein des assemblées. Ils disposent également d’une certaine liberté
dans l’appréciation de la volonté de la nation. Ils ne relèvent que de leur propre conscience et
votent selon leur intime conviction. Leur mandat est donc représentatif.
46
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
B. LA SOUVERAINETE POPULAIRE
Dans cette seconde formule, la souveraineté appartient aux citoyens, ou si l’on veut, au
peuple mais elle est partageable entre tous les individus qui le composent. A la différence de
la nation (entité abstraite), le peuple est considéré comme une entité concrète, c’est-à-dire
comme le total des individus physiques qui le composent. Partant, la souveraineté populaire
est faite de l’addition des souverainetés individuelles et chaque individu détient une parcelle
de cette souveraineté.
La souveraineté populaire implique que la source du pouvoir réside dans le peuple. Il est
donc souverain. Le peuple est constitué de l’ensemble des citoyens d’un Etat et chacun d’eux
détient une parcelle de souveraineté.
Pour autant, la souveraineté est indivisible car c’est bien le peuple qui est souverain et non
chaque individu le composant, ce que résume parfaitement l’article 7 de la Constitution de
179 qui affirme que « le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ».
D’ailleurs, le peuple n’a qu’une volonté : la volonté générale.
47
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
Comme l’explique Jean-Jacques Rousseau, elle se distingue de la somme des volontés des
individus la composant : « il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la
volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé
et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et
les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale » (Du
contrat social, Livre 2, Chap. 3). La souveraineté populaire est aussi inaliénable parce que le
peuple ne peut pas transférer définitivement sa souveraineté. Elle est imprescriptible parce
qu’aucune délégation d’exercice de cette souveraineté, même pour une longue durée, ne peut
empêcher le peuple de la reprendre. Etant donné que chaque individu composant le peuple
détient une parcelle de souveraineté, ils participent tous à la formation de la volonté générale.
Dans ces conditions, chacun doit prendre part aux décisions. Ainsi, la souveraineté populaire
implique la démocratie directe.
Toutefois, il s’agit d’un idéal qui n’est réalisable que dans les Etats ou des collectivités
territoriales ayant une population réduite. En effet, il est impossible de réunir dans un même
lieu l’ensemble des citoyens composant le peuple pour légiférer, adopter les mesures
réglementaires, rendre la justice… lorsqu’ils sont trop nombreux.
Dans ces conditions, des « députés-commis » (Rousseau) doivent être élus pour exprimer la
volonté du peuple. Mais, pour ne pas le priver de sa souveraineté, d’une part, ces élus ne
peuvent s’écarter des instructions de leurs électeurs. Si les citoyens estiment que leurs élus
n’ont pas respecté leur mandat, ils pourront les révoquer. Ainsi, les députés sont investis d’un
mandat impératif. D’autre part, lors de l’élection de ces députés, chacun des citoyens devant
pouvoir exprimer sa parcelle de souveraineté, le vote est un droit : électorat-droit et le
suffrage est donc obligatoirement universel. Par conséquent, la souveraineté populaire
implique la démocratie que l’on peut définir par la formule classique : « le gouvernement du
peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cela signifie que les gouvernés sont aussi les
gouvernants. Plus précisément, il s’agit d’une démocratie semi-directe car même si le peuple
élit ses délégués, il conserve des moyens de s’exprimer directement (par le biais du
référendum par exemple).
48
Cours de Droit Constitutionnel, L1 Droit, Université de Bangui, 2015-2016, reproduction
interdite.
ERENON Dominique Désiré, Docteur en Droit Public de l’Université de la Sorbonne
49