Thse - Syrine - Ismaili
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THÈSE
JURY
Je tiens, tout d'abord, à exprimer mes remerciements les plus profonds au Professeur Jean-
Jacques LAVENUE pour sa patience, ses encouragements, ses conseils avisés et sa très grande
disponibilité.
Merci à mes collègues et amis pour leurs encouragements et pour leur aide. Merci à Sophie,
Abdoulhamid, Ziad et Nicolas pour avoir partagé avec moi les moments difficiles de la
rédaction d'une thèse.
Merci à Christophe de m'avoir soutenue lorsque j'en avais besoin. Je le remercie pour sa
patience, son aide et pour avoir vécu cette thèse avec moi.
Partie 2 : La gestion de la défaillance du facteur humain en droit tunisien : État des lieux
et perspectives
Les événements du 14 janvier 2011 ont modifié le paysage politique en matière de libertés et
de droits de l'homme mais également en ce qui concerne la sûreté du territoire de la Tunisie.
Vécus, de prime abord, comme une révolte réussie contre une dictature qui a duré 23 ans,
cette révolte qui a redonné au peuple la liberté de parole et de décision, a rapidement été
perturbée par des réactions de vandalisme conduites par des groupes armés fidèles à l'ancien
régime. Leur objectif était de terroriser le peuple pour qu'il regrette le calme et la sûreté de la
période précédente. Le peuple décidé à réussir sa révolution, prit en charge la protection du
territoire terrestre contre les actes criminels et s'organisa sous formes de « comités de
quartiers ». Soutenus par l'armée nationale, les comités de quartiers forment des barrages de
contrôle et vérifient l'identité de toute personne1.
La sûreté du territoire concerne bien entendu le territoire terrestre, l'espace aérien, mais aussi
l'espace maritime. S'est posé alors, la question de savoir si la Tunisie avait encore les moyens,
à l'occasion de ces circonstances exceptionnelles, de faire face à un éventuel danger criminel
provenant de la mer ou ayant comme théâtre la mer. En l'occurrence, la compétence des
comités des quartiers est limitée, voire nulle. La mer, qui a toujours été un trait d'union entre
les cultures juridiques et un lieu de rencontre privilégié entre les hommes2, est également un
espace de liberté réglementé où la sûreté du territoire peut être menacée. Assurer la sûreté en
mer est une mission étatique confiée à des organes spécialisés. C'est également une affaire
privée. Le responsable d'une expédition maritime doit mettre en oeuvre les moyens
nécessaires pour assurer la sécurité et la sûreté en mer. Les moyens nécessaires sont matériels
mais aussi humains. Les moyens matériels consistent en navires en bon état, aptes à affronter
tous types de dangers et équipés du matériel nécessaire. Pour ce qui est des moyens humains,
il s'agira d'un équipage compétent, en bon état physique et mental et en nombre suffisant. La
sûreté en mer est donc une affaire de spécialistes publics et privés. La Tunisie, a t-elle les
moyens et les compétences pour assurer la sûreté en mer?
1 Pour aller plus loin, voir: M. KILANI: « La révolution des braves », éditions Simpact, Tunis, 2011, voir
également: A. MEDDEB: « Printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire », éditions Cérès-éditions, Tunis,
2011. Voir également: Courrier international n° 1055 du 20 au 26 janvier 2011, p 14 et suivantes.
2 P. BONASSIES, Ch. SCAPEL: « Traité du droit maritime », éditions LGDJ, 2006, p 10.
1
Mais on ne peut parler de sûreté en mer sans évoquer la sécurité maritime. Bien que ces deux
notions soient distinctes et aient intégré le monde maritime à des périodes différentes, elles
sont complémentaires dans le sens où elles poursuivent toutes les deux la même finalité: celle
de la protection de la vie humaine en mer, du navire, des marchandises embarquées ou encore
de l'environnement marin.
L'idée qui a longtemps prévalu lorsque des dommages survenaient à des personnes, à des
biens ou à l'environnement marin, était que la cause de ces dommages était une défaillance
technique, une défaillance des moyens matériels. Mais de plus en plus, en matière d'accidents
maritimes, le facteur humain est invoqué comme origine de la violation de la norme et par
conséquent, de la survenance d'accidents en mer. Cela est sans doute largement vrai, comme
nous aurons l'occasion de l'évoquer tout au long de ce travail en identifiant les causes qui font
que le facteur humain participe d'une manière significative à la survenance d'accidents en mer.
Plusieurs exemples d'accidents de navires à travers le monde illustrent cette réalité. Les
récents accidents du « Musketier »3 et du « Sichem osprey »4 viennent enrichir une liste bien
fournie où figurent, entre autres événements, les célèbres accidents du « Herald of Free
Entreprise »5 et du « Scandinavian Star »6. Le chavirement du « Herald of Free Entreprise » en
1987 qui avait causé la mort de presque 200 personnes avait comme origine une erreur
humaine consistant en la négligence de trois marins n'ayant pas accompli leurs devoirs en
matière de sécurité. L'équipage non familiarisé avec le navire et qui n'avait pas eu l'occasion
de faire un exercice de simulation d'incendie pour connaître d'une manière exacte son rôle si
cet incident se produisait, a été à l'origine de l'incendie déclenché à bord du « Scandinavian
Star ». Celui-ci a causé le décès de plus de 150 personnes. Dans le cas du cargo britannique
« Musketier », l'assoupissement du capitaine qui résultait probablement du manque d'effectif
embarqué et de la mauvaise organisation du travail, couplé avec le facteur naturel et le facteur
technique a conduit au naufrage du navire. Par ailleurs, le naufrage du chimiquier « Sichem
Osprey », un navire neuf et en très bon état technique, est dû au manque de compétence du
capitaine et des chefs de quart ainsi qu'au manque de communication entre les différents
3 Voir: « Rapport d'enquête technique: Échouement du cargo Musketier survenu le 8 février 2011 sur le littoral
de la commune d'Ambleteuse (Pas de Calais) », Bureau d'enquête sur les événements de mer, p 12:
www.beamer-france.org
4 Voir: « Rapport d'enquête technique: Échouement du cargo chimiquier « Sichem Osprey » le 10 février 2010
sur l'île de Clipperton », Bureau d'enquête sur les événements de mer, op. cit, p 14 et suivantes.
5 Voir à ce titre: F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », éditions
Charles Léopold Mayer, 2005, p 246.
6 Voir à ce titre: F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit , p
247.
2
membres de l'équipage.
Tous ces événements, et autres, font qu'il est aujourd'hui généralement admis que 80% des
événements de mer ont pour origine une défaillance d'un ou de plusieurs membres de
l'équipage7. La doctrine va même jusqu'à confirmer que le facteur humain est au coeur de tout
accident8.
Pour autant, on doit se demander si la cause profonde de ces défaillances ne réside pas dans la
mise en oeuvre de la norme applicable, tant au niveau de l'administration que de l'assujetti,
ainsi que dans l'interaction entre les deux. La Tunisie, dont l'expérience normative est récente
en ce domaine, offre un champ d'observation qui permettra peut être de comprendre la
nécessité pour les pays du même type de s'unir pour trouver des solutions régionales à ce type
de difficulté. Dans l'état actuel des choses, il est intéressant de savoir comment un petit pays 9
comme la Tunisie qui possède un littoral d'à peine 1300 KM et des moyens financiers et
techniques nettement moins importants que d'autres États maritimes, mais qui reste confronté
aux mêmes risques, assure la sécurité et la sûreté de son territoire et de ses ressortissants.
L'exemple de la prise en compte du facteur humain et la nécessité de formation qu'il induit,
pourra servir de deuxième fil conducteur à notre observation.
Où en sont le droit et la politique maritimes en Tunisie? Qu'en est -il de la réglementation de
la sécurité et de la sûreté en Tunisie et de la pratique qui lui est réservée?
L'introduction portera sur trois perspectives: La première apportera une définition des termes
de la thèse, la seconde mesurera l'enjeu de la délimitation du sujet et la dernière posera la
problématique et l'annonce du plan.
7 Voir: « Social skills: a vital complement to technical skills », in « The international Maritim Human Element
Bulletin », n° 27, septembre 2011, p 7. Voir également: D. PAUL, J-Y. LE DRIAN: « Après l'Erika, l'urgence ».
Rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale n° 2535, Les documents d'information de
l'Assemblée nationale, Tome I, Rapport, p 73. G. DE BOYNES précise lors du colloque « Facteur humain et
sécurité maritime » qui a eu lieu au Havre (Amphithéâtre de l'Isel) les 26 et 27 janvier 2011 que la grande
majorité de ces erreurs sont commises par les officiers Pont, 15% par le personnel d'exécution, 7% par le
personnel des installations à terre et 2% par les officiers mécaniciens.
8 B. DUJARDIN: « Sécurité maritime et tiers-monde: la leçon du Joola », Revue maritime n° 464, février 2003,
p 11.
9 La Tunisie s'étend sur une superficie de 162,154 km2. Elle est qualifiée par la Banque mondiale comme étant
un pays en voie de développement.
3
I- Définition des termes :
Compte tenu des objectifs de cette étude, il conviendra de définir ce que l'on entend par
sécurité maritime (A), par sûreté maritime (B) et par facteur humain (C).
A) La sécurité maritime :
La sécurité est la situation dans laquelle personne, ni rien, ne se trouve exposé à un danger ou
à un risque d'agression physique, d'accident, de vol ou de détérioration10. Le terme de sécurité
est pris dans une acception très large au niveau des instances maritimes et englobe tout ce qui
peut présenter un risque pour les personnes et pour la protection de l'environnement, qu'il
s'agisse de dispositions matérielles ou des conditions d'exploitation. La sécurité maritime
cherche à assurer la sauvegarde de la vie humaine en mer et la défense contre les dangers
d'origine naturelle tels que les cyclones et les tempêtes ainsi que les dangers navals provoqués
par la circulation maritime11. Ces derniers sont multiples et concernent aussi bien l'équipage,
que le navire, que la cargaison. Les membres de l'équipage peuvent être sujet à des blessures
ou à des maladies physiques ou mentales. Le navire risque l'échouement, l'abordage,
l'incendie ou encore l'explosion. La cargaison peut être perdue en tout ou en partie.
Le monde maritime s'est vite aperçu de ces différents dangers et a cherché, depuis très
longtemps, à les parer. Les premières mesures de sécurité maritime remontent à l'antiquité. Le
bassin méditerranéen fut équipé de tours de guet sur lesquels étaient installés des feux
destinés à prévenir les navires des parages d'une côte dangereuse ou à les guider vers un havre
accueillant12. Au moyen âge, un droit original commence à se généraliser, fondé sur l'idée que
chacun des acteurs du transport maritime doit assumer sa part de responsabilité face aux périls
de l'expédition maritime13. A l'ère de la révolution industrielle, au XIXème siècle, le transport
maritime devient une composante essentielle du monde industriel et colonial et l'industrie
maritime a senti la nécessité de protéger le capital investi dans l'expédition maritime. Les
sociétés d'assurance et de classification, acteurs actifs en matière de sécurité, fleurissent 14. En
outre, dans le cadre de leur rôle régulateur de la sécurité, les États interviennent pour mettre
en oeuvre des moyens permettant de faire face aux risques en mer. La première convention
internationale adoptée dans ce cadre fut signée en 1914. Il s'agit de la convention
10 Définition de Larousse, éditions 2004.
11 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », éditions Bureau Véritas, 1998, p 15.
12 Introduction du colloque international « Histoire de sauvetage en mer, du Phare d'Alexandrie au satellite »,
Royan, du 15 au 17 juin 2011.
13 F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, p 103.
14 F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, pp 104 et 105.
4
internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (convention SOLAS)15, modifiée à
plusieurs reprises. Depuis, de nombreuses conventions internationales ont été adoptées et de
nombreuses organisations internationales participent à l'élaboration de mesures visant à
assurer la sécurité en mer. La réglementation internationale autour de la sécurité maritime est
une réglementation fournie, dense et complexe qui intègre la protection de la vie en mer mais
aussi des biens et de l'environnement16.
La réglementation nationale tunisienne en matière de sécurité maritime est très récente.
Indépendante depuis à peine une soixantaine d'années17, la Tunisie s'est progressivement dotée
d'une législation nationale gouvernant tous les secteurs politiques et économiques d'un État, y
compris le secteur du transport maritime. Si les premières règles relatives à la sécurité en mer
furent adoptées à l'époque du protectorat français 18, les lois et codes élaborés au lendemain de
l'indépendance du pays sont venus abroger la quasi-totalité des lois anciennes en faveur d'une
nouvelle législation. Modeste au départ, cette législation ne cesse d'évoluer et de s'amplifier.
Elle est, d'une manière générale, alignée sur les conventions internationales.
B) La sûreté maritime :
La sûreté est la qualité d'un objet ou d'une situation qui offre des garanties et ménage une
protection19. Par conséquent, lorsqu'on se trouve en sûreté, on est à l'abri de tout péril et de
toute atteinte20 d'origine criminelle. La sûreté en mer aspire à protéger l'expédition maritime
dans sa totalité contre les dangers résultant des pratiques criminelles dont la mer reste le
théâtre de prédilection21 tels que le trafic de stupéfiants, l'immigration clandestine ou encore la
piraterie. Outre les conséquences dramatiques qu'ils ont sur les personnes et les biens, ceux-ci
entravent et bloquent toute la chaîne du transport et de la navigation maritime22.
5
Bien que la violence en mer ait toujours existé, les mesures de sûreté sont récentes par rapport
aux règles de sécurité maritime23. La capture du navire « Santa Maria »24 en février 1961 a fait
prendre conscience du phénomène de terrorisme maritime. Mais il a fallu attendre l'affaire de
« l'Achille Lauro »25, celle de « City of Poros »26 et celle de « l'Akatzuki Maru »27 pour voir
adopter des textes de portée internationale luttant contre ce phénomène28. Les choses se sont
accélérées à la suite des attentats du 11 septembre 200129. Les aéroports et les aéronefs sont
désormais sous haute surveillance, les bagages sont contrôlés au rayon X et une liste d'articles
prohibés à bord a été dressée30. De son côté, l'Organisation maritime internationale, agence
spécialisée des Nations-Unies en matière de transport maritime31, a vite compris l'intérêt
nouveau que présentait les milliers de navires de commerce navigants sur toutes les mers du
monde pour des personnes ou des groupes qui auraient des intentions criminelles32. De par
leur cargaison parfois hautement dangereuse et de leur vulnérabilité, ces navires peuvent
devenir des vecteurs potentiels de destruction massive ou de pollution majeure33. Nombreux
textes de sûreté maritime fleurissent depuis; l'objectif étant d'appréhender tous les risques
terroristes associés au transport des marchandises par mer. Mais, même si le terrorisme
constitue une menace réelle, d'autres menaces, non moins sérieuses, sont également à prendre
en compte. Il s'agit notamment du vandalisme, du trafic de stupéfiants ou de l'immigration
clandestine.
23 F. BOUKHATMI: « Évolution du droit maritime algérien, normes et institutions », in annales IMTM, éditions
IMTM, 2006, p 59.
24 Paquebot battant pavillon portugais dont un commando d'opposants aux régimes politiques du Portugal et
d'Espagne a pris possession par force ce qui a conduit au décès de l'officier de quart et à des blessures de
plusieurs membres de l'équipage.
25 Il s'agit d'un navire de croisière transatlantique détourné le 7 octobre 1985 par un commando palestinien qui
demandait la libération des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.
26 Il s'agit d'un navire de croisière qui bat pavillon grec. Le 11 juillet 1988, trois personnes armées montent à
bord et ouvrent le feu sur les passagers causant la mort de plusieurs personnes.
27 En novembre 1992, le cargo japonais embarquait 1,5 tonne de plutonium depuis le port de Cherbourg en
France. Des écologistes opposés au transport de cette substance dangereuse ont tenté de s'interposer au navire. Ils
sont, en final, arraisonnés par un commando de la marine nationale.
28 Voir infra: Partie 2, Titre 1, Chapitre 1.
29 Il s'agit de quatre attentats-suicides perpétrés ce jour sur des bâtiments symboliques des USA dont les auteurs
ont été qualifiés de terroristes. Les mesures de sûreté dans le monde entier se sont sensiblement endurcies à la
suite de ces événements. Voir à ce sujet: J-M. COLOMBANI: « Tous américains? Le monde après le 11
septembre 2001 », éditions Fayard, 2002.
30 A propos de la sûreté aérienne, voir: A-J. STOLZER, C. HALFORD, J- J. GOGLIA: « Implementing safety
management systems in aviation », éditions Surrey, Burlington, 2011. Voir également: Ch. NAUDIN: « Sûreté
aérienne, la grande illusion », éditions La table ronde, Paris, 2007.
31 A propos de l'Organisation maritime internationale, voir infra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 1.
32 P. MARIONNET: « Sûreté maritime et portuaire, Vade-mecum ISPS », éditions Infomer, 2006, p 20.
33 P. MARIONNET:« Sûreté maritime et portuaire, Vade-mecum ISPS », op. cit.
6
La législation tunisienne en matière de sûreté n'échappe pas à la règle. Elle est tout aussi
récente que la législation internationale. Tout en s'inspirant de cette dernière, le législateur
national ne cesse d'enrichir la législation interne avec des textes de loi qui prennent en
considération l'état de la menace criminelle pour la Tunisie.
C) Le facteur humain :
Le « facteur humain » est l'expression par laquelle des spécialistes de la sécurité et de la sûreté
des installations désignent le comportement des hommes au travail. Il est fréquemment
invoqué dans l'analyse des catastrophes industrielles, des accidents de travail et dans les
procès ou les commissions d'enquête34. En ce sens, le facteur humain en matière de sécurité et
de sûreté du transport maritime consisterait en la contribution humaine à l'objectif de sécurité
et de sûreté qui entoure le transport maritime. Dans la pratique, plusieurs hommes participent
d'une manière directe à une expédition maritime. L'élément humain présent à bord du navire
se compose du capitaine, de l'ensemble des marins et des agents du service général. Ces
derniers ne contribuant pas à l'application des mesures de sécurité et de sûreté, notre étude
s'intéressera au capitaine et aux marins.
En dehors des hommes présents à bord, une personne non embarquée se trouve, pourtant, au
coeur de l'élément humain du fait de sa responsabilité première pour la qualité de
l'environnement du travail de l'élément humain embarqué. En effet, l'environnement dans
lequel évolue le facteur humain embarqué est un élément déterminant quant à
l'accomplissement des mesures de sécurité et de sûreté exigées au cours de l'expédition. Il
s'agit de l'armateur chargé de la gestion de l'expédition sur lequel pèse l'obligation d'armer le
navire de manière à ce qu'il ne représente pas de menace pour la sécurité ni pour la sûreté et à
ce qu'il soit capable de parer tout danger de quelque nature que ce soit. Même si de nos jours,
l'armateur est rarement représenté par une personne physique et prend souvent la qualité d'une
entreprise d'armement ou de transport, il sera assimilé à l'élément humain pour les besoins de
cette étude.
Le retour d'expérience a mis en évidence l'importance fondamentale du facteur humain pour
la sécurité et la sûreté du transport maritime. Les défaillances humaines et organisationnelles
sont à l'origine de la grande majorité des accidents en mer. Les événements pour lesquels
l'élément humain est mis en cause sont principalement dus au manque de compétence ou de
7
vigilance, à des lacunes dans l'organisation de la vie et du travail à bord ou encore à un
problème de communication35. Par ailleurs, de nombreux accidents produits par des
défaillances techniques ou structurelles, trouvent leurs origines dans des manques de
maintenance, des erreurs lors de l'élaboration ou de la construction, du management36... Bon
nombre d'entre-eux ont des retentissements importants au niveau des professionnels de la mer
mais aussi pour la population d'une manière générale. C'est notamment le cas des défaillances
humaines à l'origine d'accidents de pollution spectaculaire qui non seulement causent des
dégâts aux professionnels du transport, de la pêche et du tourisme mais créent également un
sentiment d'exaspération chez la population confrontée à l'image des côtes et des plages
souillées par des substances polluantes.
Les défaillances ou les erreurs humaines ont été classées par l'Organisation maritime
internationale37, en neuf catégories:
– L'erreur humaine au sein de l'organisation à laquelle appartient le navire;
– L'erreur humaine au sein de l'organisation du pilote;
– L'erreur humaine au sein d'autres organisations;
– Les facteurs concernant la liaison avec des organismes extérieurs: non respect des normes,
communications, conception du matériel-fabricant, normes de compétence du personnel,
environnement/lieu de travail;
– Les facteurs liés à la compagnie d'armement ou de transport, autrement dit à l'armateur, et
à l'organisation. Il s'agit des ordres permanents de la compagnie inadéquats, insuffisants
ou contradictoires, instructions du fabricant, pression sur le plan de l'organisation,
ressources inadéquates, qualifications et connaissances personnelles;
– Les facteurs liés à l'équipage: communication, gestion et supervision inadéquates, effectif,
formation, discipline;
– Les facteurs liés à l'équipement: mauvaise utilisation du matériel, équipement nécessaire
non disponible, mal adapté ou mal entretenu, personnel non familiarisé avec le matériel,
automatisation;
– Les facteurs liés à l'environnement ou au lieu du travail: performances affectées par le
bruit, les vibrations, la température, l'humidité, l'environnement visuel, les effets liés aux
mouvements du navire, la mauvaise intendance, l'agencement non adapté à la tâche à
35 Voir: « The human elements are what they are, and they are what make us human », in « The international
Maritim Human Element Bulletin », n° 27, septembre 2011, p 2.
36 F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, p 114.
37 A propos de l'Organisation maritime internationale, voir infra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 1.
8
effectuer, l'habitation;
– Les facteurs personnels: la communication, la compétence, la formation, les connaissances
et la qualification, la santé, les problèmes familiaux, la fatigue et la vigilance, les capacités
de perception, les difficultés à prendre des décisions, la perception des risques38.
L'accent est mis sur l'importance de la qualité de l'intervention humaine à bord pour assurer la
sécurité et la sûreté maritimes. L'adéquation du lieu de travail et de vie est également d'une
importance capitale.
38 Voir: OMI-FSI. Rapport du groupe de travail sur les statistiques d'accidents et les enquêtes sur les accidents.
FSI /WP, 19 mars 1996, annexe 1.
39 M-M. YAHYAOUI: « La Tunisie et le droit de la mer », Thèse, Université Paris 1, 1994, p 7.
40 Z. M'RAD: « Rapport de la délégation tunisienne » in actes du séminaire CETMO (Centre d'études des
transports pour la méditerranée occidentale) « Facilitation du transport international de marchandises entre les
deux rives de la méditerranée occidentale » du 3 et 4 mai 2001 à Barcelone, p 44.
41 Z. M'RAD: « Rapport de la délégation tunisienne » in actes du séminaire CETMO « Facilitation du transport
international de marchandises entre les deux rives de la méditerranée occidentale », op. cit, p 43. Voir également:
H. KRAIEM: « Les aspects pratiques du commerce international et du transport », éditions L'univers du livre,
Tunis, 2005, p 40 et suivantes.
42 Rapport annuel de l'Office tunisien de la marine marchande et des ports , 2007, p 9.
43 Rapport annuel de l'Office tunisien de la marine marchande et des ports , 2008, p 9.
9
majeur pour ce pays.
En outre, dans un domaine où la réglementation d'origine internationale et nationale est très
riche et complexe, il a fallu faire un choix de manière à centrer l'étude sur un unique type de
navires et à examiner le contenu de la réglementation qui lui est réservée ainsi que sa mise en
oeuvre. Dans ce cadre, le choix s'est porté sur les navires de commerce pour deux raisons. La
première est que la législation en matière de sécurité et de sûreté maritime réserve la part
prédominante à ce type de navires, ce qui ne remet pas en cause l'éventualité d'insécurité ou
d'absence de sûreté que peuvent avoir les navires de pêche ou autres. La deuxième raison est
que la flotte tunisienne est principalement composée de navires de commerce et que les
mesures de sécurité et de sûreté sont aujourd'hui imposées à tous les navires de commerce
quelque soit leur tonnage ou leur âge ce qui n'est pas tout à fait le cas pour les autres types de
navires.
10
cadre aussi, le facteur humain contribue à la réparation que nécessite la phase de l'après
accident, souvent soutenu lors de cette action par l'État. Sur le plan juridique, la survenance
d'accidents qui occasionne des dommages en appelle à l'engagement de la responsabilité des
parties à l'origine de l'accident. Là encore, le facteur humain peut être impliqué en qualité de
responsable de la survenance d'accidents. En dehors des intérêts engagés dans l'expédition
maritime, ces accidents peuvent occasionner des dommages de différentes natures à d'autres
intérêts et à d'autres droits. S'il est imaginable que les principes fondamentaux du droit de
l'environnement peuvent se trouver bafoués par les déficiences sécuritaires dans la mesure où
le navire est en contact permanent avec différents éléments de l'environnement, il est moins
probable de penser que ces mêmes manquements peuvent enfreindre certains des droits les
plus fondamentaux: les droits de l'homme. Les défaillances en matière de sécurité et de sûreté
dépassent, ainsi, le domaine limité de la mer et affectent d'autres domaines, d'où la nécessité
de réfléchir à des axes de progrès pour l'avenir (Partie 2).
11
12
Partie 1 : L'analyse de la réglementation tunisienne de la sécurité
et de la sûreté maritimes liée au facteur humain :
13
14
Titre 1 : Les acteurs et la norme :
15
16
Chapitre 1 : Les structures d'élaboration et le contenu de la norme :
17
Section 1 : La diversité des structures d'élaboration de la norme :
44 Plusieurs ouvrages traitent de l’OMI. Voir par exemple: M-H. GASMI: « L'action normative de l’organisation
maritime internationale (OMI) », Thèse, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, 1995. voir également: J. ZEH
ONDOUA: « Les pays du tiers monde et la réglementation internationale des transports maritimes entre États: de
l'OMI à l'OMC, contribution à l'étude de l'évolution du processus d'élaboration des normes internationales »,
Thèse, Lille 2, 1997.
45 Les États qui ont une influence à l’OMI se distinguent selon qu’ils apportent une contribution élevée à
l’organisation. En 2006-2007 Panama était le premier contributeur, puis Libéria, Bahamas, UK, Grèce,
Singapour, Japon, Marshall , USA, Chine….
18
prévention et le contrôle de la pollution marine. En matière de sécurité maritime, l'article 16 j
de la charte constitutive46 de l'organisation lui donne le droit exclusif de recommander aux
États membres l'adoption de règles et amendements relatifs à la sécurité et à la sûreté
maritimes.
L'organisation a été à l’origine d’un grand nombre de conventions régissant le domaine de la
sécurité maritime. Dans le cadre de cette étude, l'intérêt ne sera porté que sur certaines d'entre
elles, celles qui prennent en considération le facteur humain. Seront ainsi abordés la
convention internationale pour la sauvegarde de la vie en mer ( la convention SOLAS) de
197447 (1), le code international de gestion de la sécurité ( le code ISM) (2), le code
international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (le code ISPS)48 (3) ainsi
que la convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de
délivrance des brevets et de veille ( la convention STCW49) (4).
1) La convention SOLAS :
La convention SOLAS (Safeguard Of human Life At Sea) est la première convention générale
de sécurité. Son adoption s'est révélée nécessaire à la suite du naufrage du navire "le Titanic"
en avril 191250. Une première conférence fut réunie à Londres en avril 1914 mais son texte est
resté lettre morte à cause de la première guerre mondiale. Ayant subi plusieurs révisions et
changements, la première version de la convention SOLAS a été adoptée en 1929. Elle fut
suivie d'une seconde en 1948 signée à l'initiative du gouvernement britannique puis d'une
troisième en 1960. Dans sa version actuelle, celle de 1974, la convention SOLAS est un
document volumineux qui traite tout autant de la sauvegarde des biens que des vies humaines
en mer. Le texte de la convention couvre les trois principaux domaines de la sécurité
maritime: la construction et l'équipement, l'exploitation et la navigation. Le texte définit les
46 Voir: www.imo.org
47 Entrée en vigueur en Tunisie par le biais de la loi 22-80 du 23 mai 1980 portant ratification de la convention
internationale de 1974, pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, JORT du 30 mai 1980, p 1471.
48 Les deux codes ISM et ISPS sont introduits dans la législation nationale tunisienne par le biais du décret n°
2005-3050 du 21 novembre 2005, portant publication du texte récapitulatif de la convention internationale de
1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer et du protocole de 1978 comprenant tous les amendements en
vigueur depuis le 1er juillet 1997 ainsi que le texte du code international pour la sûreté des navires et des
installations portuaires et des amendements à la convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie
humaine en mer, JORT du 2 décembre 2005, pp 3379-3380.
49 Entrée en vigueur en Tunisie en application de la loi n° 94-46 du 9 mai 1994 portant adhésion de la
République tunisienne à la convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance
de brevets et de veille, JORT du 17 mai 1994, p 800.
50 Paquebot portant pavillon britannique qui coule après avoir percuté un iceberg le 15 avril 1912 au large de la
Terre-neuve, une île au large de la côté atlantique de l'Amérique du Nord. Il s'en suit la mort de plus de 1500
personnes.
19
règles de construction des navires, les règles concernant les équipements de protection contre
l'incendie, les engins de sauvetage, les équipements de radiotélégraphie et radiotéléphonie et
les techniques de transport des marchandises dangereuses. Ces prescriptions concernent aussi
bien les navires à passagers que les navires de commerce.
En 1988, un protocole modificatif de la convention a été adopté. Il visait une harmonisation
internationale des systèmes de visites et de délivrance de certificats. Approuvé par la Tunisie,
ce protocole entra en vigueur par la loi 98-68 du 4 août 199851. Par ailleurs, la convention
SOLAS s'accompagne d'un texte intitulé "Règles internationales pour prévenir les abordages
en mer" connu sous le sigle COLREG 72 (Collision Regulations 1972) qui comprend une
réglementation des signaux en mer et "les règles de barre de route" 52. Dans son texte actuel, la
convention intègre des textes complémentaires venant compléter le corpus normatif de la
sécurité maritime, les codes ISM (2) et ISPS (3).
2) Le code ISM :
Inspiré du concept développé dans l'industrie par les normes ISO 9000, le code ISM
(International Safety Management) met l'homme au coeur des enjeux de la sécurité. Il
organise les rapports entre les hommes intervenant directement ou indirectement dans une
traversée maritime et s'intéresse, notamment, aux relations entre les décideurs restés à terre,
armateur et personnel de sa compagnie, et les équipages des navires.
Le code procède d’une longue action de l’OMI pour introduire le facteur humain dans la
réglementation de la sécurité maritime53. Les statistiques des causes des accidents prouvant la
prépondérance du facteur humain ont poussé l'OMI à relativiser l'efficacité de la
réglementation internationale autour des éléments techniques des navires. Elle adopta alors le
4 novembre 1993 la résolution A741(18)54 portant adoption du code.
L'objectif du code ISM est de garantir la sécurité en mer et la prévention des lésions
corporelles ou des pertes en vies humaines et d’empêcher les atteintes à l’environnement, en
51 Loi n° 98-68 du 4 août 1998, autorisant l'adhésion de la République tunisienne au protocole de 1988 relatif à
la convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, JORT du 11 août 1998, p
1735.
52 Il s'agit d'un code de route de la mer établissant les règles de navigation. Il a été adopté le 20 octobre 1972 et
est entré en vigueur le 15 juillet 1977. Voir infra: Partie 2, Titre 1, Chapitre 1.
53 Ph. BOISSON: « Code ISM, une mise en œuvre progressive », Bulletin technique du bureau Veritas, n° 2,
juillet 1995, p 5.
54 Amendée à plusieurs reprises. Le dernier amendement est fait en application de la résolution MSC 273(85)
adoptée le 4 décembre 2008, entrée en vigueur le 1 er juillet 2010. Toutes les résolutions de l'OMI sont
consultables sur son site internet à l'adresse suivante: http://www.imo.org/OurWork/Circulars/Pages/Home.aspx
20
particulier l’environnement marin, ainsi que les dommages matériels55. Le moyen envisagé
par le code pour aboutir à cet objectif est d’équiper et d’entretenir les navires et d’en confier
l’exploitation à des équipages ayant reçu une formation adéquate conformément aux
conventions et aux normes internationales relatives à la sécurité maritime et à la prévention de
la pollution56. Par ailleurs, il incombera à l'armateur d’établir ce que le code appelle un
système de gestion de sécurité ou SMS ( Safety Management System) qui doit, selon l'article
1.2.3 du code, garantir que les règles et règlements obligatoires soient observés et que les
recueils de codes, règles, directives et normes applicables recommandés par l’OMI, les
administrations, les sociétés de classification et les organismes du secteur maritime soient pris
en considération.57
La conformité au code ISM est obligatoire pour tout État signataire de SOLAS en vertu de
son nouveau chapitre IX: Gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires ajouté à la
convention en mai 199458. La règle n°2 du chapitre IX de la convention de SOLAS précise les
modalités de mise en vigueur de la nouvelle réglementation. Elle s’applique au plus tard le 1 e
juillet 2002 à tous les navires de charge et aux unités mobiles de forage au large de moins de
500 tonnes de jauge brute. Le code ISPS régit, lui, les mesures à observer en matière de sûreté
(3).
3) Le code ISPS :
Un nouveau chapitre XI-2 relatif aux mesures spéciales pour améliorer la sûreté des navires
est entré en vigueur le 1er juillet 200459 dans tous les États signataires de SOLAS. Les
dispositions de ce chapitre sont recueillies dans un nouveau code de l’OMI dit code ISPS
(International Ship and Port Security). Le code aborde les mesures nécessaires à la prévention
des actes de terrorisme et de piraterie en mer. « Il s’agit d’établir un cadre international dans
lequel les gouvernements contractants, les organismes publics, les administrations locales et
les secteurs maritime et portuaire puissent coopérer en vue de détecter et évaluer les menaces
pour la sûreté et pour prendre des mesures de sauvegarde contre tout acte ou circonstance
suspect qui menace la sûreté des navires ou des installations portuaires participant au
21
commerce international »60. Il est à noter que cette problématique prend le nom de sûreté du
navire et non pas la nomination traditionnelle de sécurité. A partir de cette date, on parlera
d’une part des mesures envisagées pour la sécurité en mer et, d’autre part, de celles prises
pour garantir la sûreté maritime.
Le Code est composé de deux parties; la partie A étant automatiquement obligatoire et la
partie B est composée d'un ensemble de recommandations. Il convient de noter que ce
nouveau code s’inspire, sur certains points, du code ISM, notamment au niveau de la
structure. Son innovation essentielle est la vision préventive des actes menaçant la sûreté du
navire, alors qu’auparavant la lutte contre le terrorisme s’orientait plutôt vers la répression61.
Les normes de formation des gens de mer, quant à elles, sont contenues dans la convention
STCW (4).
4) La convention STCW62 :
L'objet de la convention STCW ( Standards of Training, Certification and Watchkeeping for
seafarers) est double. Il est, d'une part, de définir les connaissances minimales que les États
signataires devront exiger pour la délivrance des brevets des marins et, d'autre part, de
prescrire les règles à suivre pour la veille à bord des navires. Son premier texte, publié en
1978, comprenait dix-sept articles traitant des questions juridiques ainsi qu'une annexe
édictant des règles administratives et techniques. Six chapitres traitent successivement des
dispositions générales, du service pont, du service machine, du service radioélectrique, des
prescriptions spéciales applicables aux navires-citernes, de l'aptitude à l'exploitation des
embarcations et des radeaux de sauvetage. En 1995, la convention a été complètement
révisée. La convention modifiée est entrée en vigueur le 1er février 1997. Le principal
changement réside dans la nouvelle structure de la convention qui se limite désormais à des
questions d'ordre juridique. Les exigences techniques sont regroupées dans un code annexé à
la convention et divisé en deux parties. La partie A contient les normes de formation des gens
de mer, les règles de délivrance des brevets et de veille. La partie B énonce des
recommandations qu'il est souhaitable de prendre en considération par les États signataires de
la convention. D'autre part, la convention révisée clarifie le rôle et la responsabilité de l'État
60 Avant propos du code ISPS, op. cit.
61 C'est le cas par exemple de la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation
maritime conclue à Rome le 10 mars 1988.
62 L'approbation de la convention par la Tunisie est faite par le biais de la loi 46-94 du 9 mai 1994 portant
adhésion de la République Tunisienne à la convention internationale sur les normes de formation des gens de
mer, de délivrance des brevets et de veille, JORT du 17 mai 1994, p 800.
22
du pavillon en matière de formation des marins.
Dans le domaine de la norme destinée au facteur humain, une autre organisation
intergouvernementale occupe une place importante. Il s'agit de l'OIT (b).
63 A propos de cette organisation, voir par exemple : V-Y. GHEBALI: « L’organisation internationale de travail
(OIT) », Genève, 1987. Voir également: J-M. BONVIN: « L’organisation internationale du travail, étude sur une
agence productrice de normes », Presses universitaires de France, 1998.
64 Il s'agit de la Conférence dont les États sont représentés et qui a la tâche de la préparation des conventions et
des recommandations, du Conseil d'administration qui contrôle le travail de l'organisation et adopte le budget et
du Bureau international du travail, secrétariat permanent ayant comme rôle la préparation des travaux des deux
autres organes, la collecte et la publication d'informations, les consultations demandées par les gouvernements
ou les organisations professionnelles.
65 L'ensemble des conventions et des recommandations de l'OIT est disponible sur son site Internet: www.ilo.org
66 Celles-ci n'ont pas la force de la loi à l'intérieur des frontières de l'État. Ce dernier s’engage simplement à les
prendre en considération lors de l’élaboration de la législation interne. M.VIRALLY: « La valeur juridique des
recommandations des organisation internationales », AFDI, 1956, II, p 78.
23
vue de les transformer en loi. Le Bureau international du travail 67 assure le suivi de la
transposition en droit interne des conventions ratifiées. Chaque État membre doit l'informer
des mesures qu'il a prises en vue de cette transposition.
La Tunisie a ratifié la grande majorité des conventions de l'OIT et les a intégré au fur et à
mesure dans sa législation maritime nationale68. Étant donné que tel n'est pas le cas de tous les
États, l'OIT a décidé de réunir l'ensemble de ces conventions concernant le droit du travail et
le droit social maritime en un seul corps de règles, dans une convention réalisée le 23 février
200669, la convention maritime consolidée. Cette convention dont seulement une partie serait
obligatoire, la Partie A ( la partie B est faite de recommandations) édicte les mesures à
observer en matière d’équipement de sécurité minimum, de conditions d’emploi, des heures
de travail, du logement, de la nourriture, de la protection sociale et d'autres sujets autour du
facteur humain.
24
B) La réglementation nationale tunisienne :
Il s'agira dans le cadre de cette étude de faire un état des lieux de la législation interne (a) et
de l'autorité maritime compétente pour son application (b).
72 Voir article 91 de la Convention des Nations-unies sur le droit de la mer adoptée le10 décembre 1982 et entrée
en vigueur le 16 novembre 1994, plus connue sous le nom de Convention de Montégo-Bay (CMB).
73 M. REMOND-GOUILLOUD: « Droit maritime », éditions Pedone, 1988, p 3.
74 La convention sur la haute mer adoptée à Genève le 29 avril 1958 par la conférence des Nations-Unies sur le
droit de la mer et entrée en vigueur le 30 septembre 1962. Nations-unies, recueil des traités, vol. 450, p 82 et
suivantes.
75 Cette souplesse a permis la création et le développement des pavillons de complaisance. Voir par exemple: M.
REMOND-GOUILLOUD , op. cit, p 18.
76 Le droit de la mer : texte officiel de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et de ses annexes
accompagné d'un index : acte final de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer : précédés
de plusieurs textes relatifs à la Convention et à la Conférence des Nations Unies, 1984.
77 Voir article 90 de la CMB, op. cit.
78 G. APPOLIS: « L’emprise maritime de l'État côtier », éditions Pedone, 1981, p 13.
79 Voir article 218 de la CMB, op. cit.
25
La désignation de l'État compétent varie donc selon l'emplacement du navire dans l'espace
maritime. L'État est dans tous les cas appelé à réglementer la sécurité et la sûreté en mer. C'est
ainsi que l’article 58 de la convention de Genève sur la haute mer dispose que l'État côtier
assure la sécurité de la navigation s'agissant de la zone économique exclusive. Ayant une
souveraineté totale sur la mer territoriale et les eaux intérieures, l'État côtier est également
chargé de la réglementation de la sécurité dans ces deux parties du territoire80. Il en est de
même pour l'État du port étant donné que les ports font partie des eaux intérieures.
Les règles de sécurité relatives au facteur humain sont à la charge de l'État du pavillon.
L'article 10.1 de la convention de Genève sur la haute mer dispose que: « Tout État est tenu de
prendre à l’égard des navires battant son pavillon les mesures nécessaires pour assurer la
sécurité en mer, notamment en ce qui concerne: …la composition et les conditions du travail
des équipages…». L’article 94.4 de la CMB81 précise qu’il s’agit en l’occurrence de
l’obligation de confier le navire à un capitaine et à des officiers compétents possédant les
qualifications voulues ainsi que l’obligation pour le capitaine, les officiers et dans la mesure
du nécessaire, l’équipage, de connaître parfaitement et de respecter les règles internationales
applicables.
Aujourd'hui, la plupart des États de pavillon ont une législation maritime. Ceci est vrai même
pour des États n'ayant pas accès direct à la mer. C'est le cas de la Suisse qui s'est dotée en
1953 d'un code sur la navigation maritime82. Certains législateurs ont présenté les textes de loi
en matière de droit maritime sous la forme cohérente d'un code maritime. C'est le cas de la
Tunisie83 qui, à l'aube de son indépendance s'est dotée d'un arsenal de réglementation
nationale tendant à assurer la sauvegarde du navire, de la cargaison mais également des
hommes et de l'environnement. Il n'existe pas, pour autant, de texte unique traitant de
l'élément humain. La contribution de ce dernier à la sécurité et à la sûreté en mer apparaît
dans différents textes:
- Le code du commerce maritime promulgué le 24 avril 1962 84 et entré en vigueur le 1er juillet
1962. Il constitue « une œuvre vigoureuse parce que bien charpentée suivant un plan très clair
26
marqué du souci de grouper toute disposition touchant à une même matière »85 tout en faisant
un large appel aux dispositions des conventions internationales.
Le premier livre intitulé « Du régime de la navigation maritime » traite, entre autres sujets, de
l'équipage, du capitaine et du pilote. Le troisième livre affecte un premier titre à « l'armateur »
et un second à « la responsabilité de l'armateur et des limitations et exonérations de sa
responsabilité ».
- Le code du travail maritime promulgué par le 7 décembre 196786 et entré en vigueur le 1er
janvier 1968 vient compléter l'édifice étant entièrement consacré aux gens de mer. Ce code est
complet dans le sens où il permet de répartir la presque totalité des thèmes ayant rapport avec
les gens de mer. Il traite ainsi du recrutement des marins (titre I), de la réglementation à
observer à bord des navires (titres III et IV)… Si le code n'envisage pas le régime
disciplinaire et pénal des marins, celui ci a ultérieurement été défini dans le cadre du Code
disciplinaire et pénal maritime promulgué par la loi n°77-23 du 30 mars 1977 87. Le code traite
des infractions disciplinaires et pénales éventuellement commises par les marins à bord des
navires. Il distingue entre les fautes contre la discipline, les crimes et les délits et établit les
sanctions pénales afférentes.
- Le code de la police administrative de la navigation maritime promulgué le 11 juin 197688.
Son titre III a été consacré aux visites et commissions de sécurité effectuées à bord des
navires.
- Le code des ports maritimes promulgué par la loi n° 2009-48 du 8 juillet 200989. Le titre III
du code est consacré à « la sécurité, la sûreté, la santé, la propreté et la préservation de
l'environnement dans les ports maritimes ».
Plusieurs lois, décrets et arrêtés viennent porter refonte à ces différents codes. Certains d'entre
eux, ayant un rapport avec le facteur humain, seront abordés ultérieurement. En outre, et
même si son rôle reste limité notamment en ce qui concerne l'élément humain, la
85 A. BOKOBZA: « Aperçus sur le Code de commerce maritime tunisien », DMF 1962, p 760.
86 Par la loi n° 67-52 du 7 décembre 1967 portant promulgation du Code du travail maritime, JORT du 12
décembre 1967, p 1563 et suivantes. Le code est édité par l'Imprimerie officielle de la République tunisienne en
2010 (dernière édition en date).
87 Portant promulgation du code disciplinaire et pénal maritime, JORT du 5 avril 1977, p 830 et suivantes. Le
code est édité par l'Imprimerie officielle de la République tunisienne en 2010 (dernière édition en date).
88 Par la loi n° 76-59 du 11 juin 1976, portant promulgation du code de la police administrative de la navigation
maritime, JORT du 15 juin 1976, p 1404 et suivantes. Le code est édité par l'Imprimerie officielle de la
République tunisienne en 2008 (dernière édition en date).
89 Portant promulgation du code des ports maritimes, JORT du 14 juillet 2009, p 1900 et suivantes. Le code
abroge le code des ports maritimes de commerce de 1999 qui consacrait un ensemble de dispositions à la sécurité
et la sûreté des personnes et des marchandises dans les ports. Il est édité par l'Imprimerie officielle de la
République tunisienne en 2010 (dernière édition en date).
27
jurisprudence constitue une source de droit du commerce maritime tunisien. Des décisions de
jurisprudence seront abordées au moment opportun.
Des instances nationales compétentes sont chargées de veiller à l'application de cet arsenal de
législation (b).
90 Auparavant, l'autorité maritime était représentée par le ministère du transport qui, par la loi n° 98-109, a
transféré l'essentiel de ses attributions à l'OMMP, sis à La Goulette. Aujourd'hui, le ministère a comme mission
principale de doter le pays d'un système de transport global, économique et sûr et d'en contrôler le
fonctionnement en vue d'en faire un facteur essentiel du développement économique et social.
www.ministeres.tn/html/indexgouv.html
91 Voir le rapport annuel de l'OMMP, éditons OMMP, 2005, p 4.
92 Ils sont au nombre de sept: Bizerte-Menzel Bourguiba dominé par le trafic pétrolier, Radès spécialisé dans le
trafic des conteneurs et les unités roulantes, Tunis-Goulette caractérisé notamment par la navigation de plaisance,
Sousse et Sfax-Sidi Youssef dont le trafic est polyvalent, Zarzis dont le trafic est notamment pétrolier et Gabès,
un port industriel.
93 Pour le détails de ces fonctions, voir le rapport de l'OMMP, op. cit, p 34 et suivantes.
94 Op. cit, p 31.
28
matériel favorisant la mise en place des règles de sûreté. En matière de protection de
l'environnement, il élabore des plans de gestion de déchets des navires et contrôle le niveau de
pollution dans les bassins des ports de commerce et le long du littoral.
Par ailleurs, l'office est représenté sur le plan régional par des régions maritimes95, des
quartiers maritimes96 et des services régionaux de sécurité maritime97. Ces derniers sont
chargés de plusieurs missions. On citera notamment:
● La programmation de visites de sécurité à bord des navires;
● Le contrôle des navires dans le cadre du contrôle par l'État du port;
● La délivrance des titres de sécurité;
● La tenue et le suivi des dossiers de sécurité;
● Le suivi des navires au cours de construction;
● La participation aux travaux des commissions régionales de sécurité assurée par les
régions maritimes;
● La délivrance d'autorisations spéciales pour les navires dans les eaux territoriales;
● La constatation des infractions à la législation et à la réglementation maritime donnant
le droit au service régional de dresser un Procès-verbal;
● L'étude des dossiers d'implantation de bases nautiques;
La réglementation en matière de sécurité maritime n'est pas réservée aux États et aux
organisations internationales. Plusieurs autres protagonistes participent à son élaboration. On
essayera, dans ce qui suit, de mettre l'accent uniquement sur les acteurs influençant le monde
maritime tunisien. Ainsi, nous ne prendrons pas en considération par exemple le rôle
important que peuvent jouer les médias, qui à la suite de catastrophes naturelles et matérielles
d'une grande ampleur contribuent à une prise de conscience collective qui pourrait peser sur
les décisions des politiques comme ce fût le cas en Europe par exemple98. La raison de ce
choix est tout simplement que la Tunisie, est jusqu'alors épargnée de ces catastrophes.
L'analyse prendra, ainsi, en considération l'industrie maritime et les sociétés de classification
( Paragraphe 2) qui apportent une contribution importante au processus normatif.
29
Paragraphe 2 : L’action normative de l'industrie maritime :
L'importance de l'action normative des organismes privés diffère selon l'importance de
l'organisme lui même. Ainsi, les sociétés de classification (A) qui interviennent dès la
construction des navires occupent une place plus grande dans la prise de décisions que les
autres organismes de l'industrie maritime (B).
a) La fonction de classification :
Les prestations des sociétés de classification évoluent et s'élargissent avec la révolution
industrielle du l9ème siècle qui accroît la rapidité, le nombre101 et aussi la régularité des
échanges commerciaux. Elles s'orientent alors vers la fixation des normes de qualité des
navires avec la publication des Règlements de classification, documents ayant pour but de
fixer ces normes techniques de qualité et de sécurité 102 auxquelles doivent se référer les
navires pour être sûrs. Ces normes privées édictées par les organismes permettent d'aboutir à
ce référent qu'est la classe du navire formalisée au travers de ce qu'on appelle « un certificat
de classification » en fonction des règlements nationaux issus de la mise en œuvre des
conventions internationales.
L'activité de classification commence dès la conception du navire. La société de classification
commence par contrôler les plans de construction. Dans un second temps, elle assure une
surveillance pendant toute la durée de la construction pour que ses différents éléments soient
99 L'origine de l'activité se situerait au 17ème siècle. Voir: M. FERRER: « La responsabilité des sociétés de
classification », éditions Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2004, p 19.
100 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 125.
101 Le 19ème siècle voit naître la majorité des organismes classificateurs actuels: « Bureau Veritas » en 1828,
« Det Norske Veritas » en 1864, « American Bureau of Shipping » en 1862, « Nippon Kaiji Kyokai » en 1899.
102 Ph. BOISSON : « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 247.
30
conformes aux normes. L'objet des prestations de contrôle des plans et de surveillance de
l'assemblage est donc d'orienter les intervenants vers une conception et une construction
conformes aux normes édictées pour que le navire puisse recevoir la classe exigée par
l'armateur et qu'un certificat de classification formalisant cette classe puisse être émis par les
experts de l'organisme de surveillance103.
Les prestations des sociétés de classification se poursuivent durant toute la vie du navire sous
forme de contrôles réguliers en référence aux normes édictées. Des certificats de sécurité sont
émis à l'issue. Les sociétés de classification jouent donc un rôle fondamental dans la
prévention des risques maritimes, en effectuant non seulement une mission de classification
pour le compte de l'armateur mais également un rôle de certification pour l'État du pavillon.
Les États du pavillon délèguent la vérification des qualités techniques des navires battant leurs
pavillons à des sociétés de classification agréées par eux mêmes104. Celles-ci contrôlent et
émettent des certificats en leur nom et place. La volonté de contrôle par les États des qualités
techniques des navires battant leur pavillon n'est pas nouvelle puisqu'elle remonte au 19 ème
siècle105. Mais l'application de normes techniques minimales obligatoires a été instituée, plus
tard, par l'adoption des différentes conventions internationales promulguées dans le cadre de
l'OMI telles que la convention SOLAS qui fixe les normes minimales à observer pour la
sécurité d'une manière générale, la convention pour la prévention de la pollution par les
navires, MARPOL,106 qui porte sur les normes techniques des navires ou encore le code
ISM107 qui définit la gestion de la sécurité à bord.
Ces dispositions renvoient directement à l'État du pavillon l'organisation des contrôles des
normes instaurées. Elles précisent expressément que la surveillance des navires et la
délivrance des différents certificats peuvent être confiées à des organismes privés de contrôle
technique qui se chargent de les exécuter108.
En dehors de leur fonction de contrôle, sur laquelle on reviendra plus tard d'une manière plus
approfondie, les sociétés de classification exercent en matière de sécurité maritime une action
103 M. FERRER: « La responsabilité des sociétés de classification », op. cit, p 20.
104 Trois sociétés de classification sont agréees par l'État tunisien: Bureau Veritas, NAVITAS et Tunisian
classification society (TCS).
105 E. CORRE: « De la sécurité et du travail dans la marine de commerce », thèse, Rennes, 1912, p 20.
106 Les premières dispositions avaient été adoptées par la Convention de Londres pour la prévention de la
pollution des eaux de mer par les hydrocarbures de 1954 (OILPOL); elles ont été incorporées à la Convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires ( convention MARPOL) du 2 novembre 1973,
adoptée suite au naufrage du « Torrey Canyon » en 1967. Voir à ce propos, C. WU: « La pollution du fait du
transport maritime des hydrocarbures », thèse, Paris 1, éditions Pedone, 1994, p 1.
107 Op. cit.
108 M. FERRER: « La responsabilité des sociétés de classification », op. cit, p 21.
31
normative (b) consistant à la création de règles techniques contenues dans les règlements et
les notes d'informations.
109 Règlement de 1835 du LRS et de 1851 du Bureau Veritas (BV) concernant les navires construits en bois,
Règlement de 1855 du LRS et de 1858 du BV concernant le navires fabriqués en fer et Règlement de 1880 du
BV concernant les navires en acier.
110 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 249.
111 Op. cit.
112 G. RIPERT: « Droit Maritime », 3 ème vol, Tome 1, éditions Dalloz, 1967, pp. 282-284, cité par Ph.
BOISSON in « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 250.
113 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit.
114 Voir: www.iacs.org.uk
32
objectifs, de promouvoir les normes les plus élevées possibles dans le domaine de la sécurité
maritime et de la prévention de la pollution du milieu marin. Dans le cadre de sa fonction
normative, l'association s'est dotée d’un conseil, organe suprême regroupant tous les
directeurs des sociétés de classification membres et d’un secrétariat permanent115 chargé
d’harmoniser et de coordonner les actions des différents membres tout en veillant à donner
plus de visibilité et de lisibilité à l’action internationale de l’association. Les groupes de
travail viennent soutenir au quotidien les deux précédents organes. C'est sur ces groupes que
repose le travail normatif de l’association.
L'action normative, en elle même, tend, d'une part, à unifier les règles de classification
existantes et d'autre part à concourir à l'oeuvre normative d'autres organisations
internationales.
- Pour ce qui est de l'unification des règles de classification, cette action paraît utile vis à vis
de la sécurité maritime étant donné qu'elle supprime tout espace de concurrence commerciale
en dépit de cette sécurité. Depuis sa création, plus d'une centaine de règles ont été adoptées
par l'association sur divers sujets allant de la protection incendie des espaces machines aux
normes minimales de résistance longitudinale…116
- Pour ce qui est de la coopération avec d'autres organisations, l’association vient soutenir les
efforts de codification de l’OMI depuis 1969, date à laquelle l'IACS a reçu le statut de
membre consultatif de l'organisation internationale. Cette collaboration se traduit par la
participation active de l'association aux réunions de l'OMI dans le cadre desquelles elle a
l'occasion de donner son point de vue sur les questions liées à la sécurité maritime. Par
ailleurs, l'association dispose d'un représentant permanent au sein de l'OMI ayant pour rôle
d'informer l'association sur les travaux en cours. C'est sur la base de ces informations que
l'association rédige un certain nombre de commentaires. Dans les deux cas, l'OMI étudie les
suggestions et remarques de l'association, une étude qui aboutit parfois à leur prise en compte
lors de l'élaboration de conventions internationales117.
Enfin, les importants investissements réalisés par l’association en matière de recherches
concourent de manière appréciable à l’oeuvre de la sécurité maritime118.
33
Dans une deuxième étape, les sociétés de classification ont porté un intérêt à la participation
de l'élément humain à la sécurité de l'expédition maritime (2). Comme les autres acteurs du
monde maritime, elles ont pris conscience que l'erreur humaine pouvait être la cause de
catastrophes maritimes d'une grande ampleur.
2) Une prise en compte de l'élément humain dans l'élaboration des normes de sécurité :
A priori, il n’y a que le navire qui devrait rentrer dans le champ d’action des sociétés de
classification. Mais une vision aussi restrictive ignore l’idée communément admise
aujourd’hui d’une stratégie globale de sécurité prenant aussi bien en considération l’élément
humain que l'environnement. Ainsi, les sociétés de classification ne se cantonnent plus
simplement à prescrire les normes techniques de sécurité. Elles vont au-delà en intégrant dans
leurs actions les facteurs humains et écologiques119. Par ailleurs, les sociétés de classification
ont activement participé à l'adoption sous l'impulsion de l’OMI du code ISM et à la révision
de la convention STCW120.
La raison de cette prise en considération est le fait que les normes de classification sont en
permanence mises à jour prenant en considération les leçons tirées des catastrophes maritimes
mondiales. A priori, rien ne diffère sur ce point avec les législations nationales et
internationales qui, elles aussi, ont coutume de légiférer à la suite de catastrophes
considérables. Néanmoins, l'action d'élaboration ou d'amendement de normes nouvelles par
les sociétés de classification est plus rapide dans la mesure où les procédures sont nettement
moins lourdes. Ainsi, depuis les années 1990, diverses sociétés de classification. commencent
à accorder à l'homme quelques parties de leurs règlements en soulignant l'apport de l'élément
humain dans une sécurité globale121, l'application effective des normes122, ou encore l'interface
entre l'homme et la technologie123.
Qu'en est-il des autres organismes de l'industrie maritime (B)?
119 A ce propos, il est à noter que certains pays financent des projets de recherches très ambitieux sur les
facteurs humains (Australie: étude FASTOH sur la fatigue le stress et la santé à bord des navires. Les États-Unis:
Programme PTP (Prevention Trought People) pour la réduction des accidents et la pollution marine).
120 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 252.
121 P. DE LIVOIS: « Le concept de sécurité globale », Bulletin technique du BV, juin 1994, p 5.
122 T-C. MATHIESEN: « Implementation of rules and regulations », bulletin de BIMCO, juin 1993, p 14.
123 « Human error plays major role in accidents », Lloyd's List, 16 octobre, 1995, p 2.
34
B) Les autres organismes de l'industrie maritime :
Par organisme d'industrie maritime, on entend les entreprises qui concourent aux opérations
de transports et de commerce maritimes. Leur principale caractéristique est la grande diversité
d'objet qui n'a pas empêché la doctrine124 de les classer en huit catégories: Les constructeurs et
équipementiers navals, les armateurs regroupant les propriétaires de navires, les affréteurs, les
exploitants et gestionnaires de flotte, les gens de mer, les chargeurs et propriétaires de
cargaisons, les assureurs, les organismes de normalisation, les ports, les services d'aide à la
navigation et les sociétés de classification, objet du point précédant.
L'étude de ce paragraphe ne prendra pas en considération toutes ces catégories d'organismes.
Ne seront abordés que les organismes qui, d'une part, influencent la prise de décision en
matière des règles applicables aux gens de mer, et qui d'autre part, interviennent en Tunisie.
Ce sont des organismes qui représentent les intérêts de gens de mer (a) ou encore des
associations , fédérations ou autres formes de groupements pouvant orienter l'action
normative qui leur est destinée (b).
1.1) L'ISF : Créée en 1909 et basée à Londres, l'ISF est la principale organisation
internationale d'employeurs du secteur du transport maritime puisqu'elle est composée par des
associations nationales de propriétaires de navires125. L'ISF s'intéresse principalement à la
situation sociale des marins relative à deux domaines: les conditions de travail et la formation.
Deux comités composant l'organisme travaillent chacun sur l'un de ces thèmes. L'ISF fait
valoir le point de vue des armateurs à l'échelle internationale. Vingt neuf nationalités
différentes d'armateurs y sont regroupées126.
124 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 97.
125 Documents de l'OMI: « Actes de piraterie et vol à main armée à l'encontre des navires dans les eaux au large
de la Somalie », circulaire du 4 août 2010, MSC.1/Circ. 1337, p 39.
126 La compagnie tunisienne de navigation (CTN, www.ctn.com.tn), principal armateur tunisien y est
35
Par ailleurs, l'ISF assure des fonctions de représentation au sein de certaines organisations
internationales. Ainsi, elle participe depuis 1919 à la préparation des conférences maritimes
de l'OIT127. Sa participation consiste principalement à défendre le point de vue des armateurs
par rapport au sujet de la conférence. Dans ce cadre, et en collaboration avec la Fédération
internationale des ouvriers du transport, l'ISF a contribué en novembre 2009 au choix des
membres composant « la commission tripartite spécialisée » prévue par la convention 2006
de l'OIT128.
A l'OMI, sa participation consiste notamment à la présentation de rapports sur la qualification
des gens de mer. A cet égard, elle a activement participé aux deux conférences STCW de 1978
et de 1995129.
représentée.
127 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p101.
128 En application de l'article XIII de la convention. Étant donné que celle-ci n'est pas encore entrée en vigueur,
il s'agit d'une commission préparatoire. Voir à ce sujet: Procès verbaux de la 306 ème session du BIT, Genève,
novembre 2009 sur le site de l'OIT:www.ilo.org
129 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 102.
130 www.intertanko.com
131 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p103.
132 « World oil shippng routes under threat from piracy » ( Les routes maritimes pétrolière mondiales sous la
menace de la piraterie), consultable sur la page suivante:
http://www.pennenergy.com/index/petroleum/display/4340128121/articles/oil-gas-journal/transportation-
2/20100/february-2011/intertanko_-world.html
36
2) Les organismes représentant l'équipage :
Il s'agit de la fédération internationale des associations des capitaines de navires (l'IFSMA)
(2.1) et de la fédération internationale des ouvriers du transport (l'ITF) (2.2).
2.1) L'IFSMA133 : Créée en 1974 par huit associations de capitaines, la fédération s'est
fixée comme objectif l'union des capitaines de navires du monde entier au sein d'un même
organisme professionnel. Sa principale finalité est de promouvoir les normes internationales
de compétence professionnelle des gens de mer en vue d'assurer des pratiques opérationnelles
sûres. Elle s'est ainsi chargée de recevoir toutes les plaintes formulées, d'une manière
anonyme, par les capitaines de navires qui auraient subi des traitements injustes de la part des
autorités maritimes et de les transmettre à l'OMI134. Membre consultatif de cette dernière,
l'IFSMA participe à toutes les réunions de travail dont les décisions peuvent avoir effet sur les
capitaines de navire. A titre d'exemple, elle a participé, d'une manière active dans la révision
des conventions SOLAS et STCW notamment en ce qui concerne le facteur humain 135. Elle
revendiquait « une application correcte des droits de l'homme » s'agissant des marins136.
2.2) L'ITF : Cette fédération a été fondée en 1896 à l'initiative des marins dockers
britanniques dans le but de défendre leurs intérêts.137. Elle s'ouvre aujourd'hui à tous les types
d'ouvriers et compte environ cinq millions de membres répartis dans 400 syndicats 138. Elle est
représentée dans le monde par des directions régionales139.
Depuis 1896, l'ITF oeuvre pour améliorer les conditions de travail des gens de mer du monde
entier et pour leur garantir une réglementation pouvant protéger leurs intérêts140. Membre
consultatif de l'OMI, la fédération a sévèrement dénoncé les conséquences néfastes sur le plan
humain du phénomène de pavillons de complaisance permettant à un navire sous normes de
commercer141.
Par ailleurs, la fédération dispose d'un fonds alimenté par les contributions des armateurs
ayant signé les conventions collectives de l'ITF et destiné à la protection spirituelle, morale et
133 http://www.ifsma.org/
134 Newslatter de l'IFSMA n° 48, décembre 2005, p 3.
135 Journal de la marine marchande (JMM) du 21 juin 1996, p 1534.
136 Newslatter de l'IFSMAn° 48, décembre 2005, p 17.
137 Voir: www.itfglobal.org
138 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 105.
139 Pour la Tunisie, il s'agit de la Direction régionale du monde arabe, voir le site web de l'ITF, op. cit.
140 « Actes de piraterie et vols à mains armée à l'encontre des navires dans les eaux au large des côtes
somaliennes », op. cit, p 39.
141 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit.
37
physique des gens de mer. Ce fonds a servi notamment à l'établissement d'un centre de
recherche sur la sécurité maritime à l'Université de Cardiff et à créer une chaire
d'enseignement sur le facteur humain à l'Université maritime mondiale142. Cette dernière
accueille tous les ans deux ou trois professionnels de la mer tunisiens dont les études sont
financées par l'OMMP143.
D'autres institutions de l'industrie maritime participent à la prise de décision normative en
matière de sécurité et de sûreté (b).
1) L'ICS144 :
C'est une association commerciale internationale pour les exploitants de navires de commerce.
Cet organisme, qui joue un rôle actif dans le domaine de la sécurité et de la sûreté maritime
depuis sa création en 1921, réunit des associations nationales de propriétaires de navires qui
représentent plus de 75% de la flotte mondiale des navires de commerce. Ses objectifs sont de
promouvoir au niveau international les intérêts de ses membres sur toutes les questions de
politique générale, de coopérer avec d'autres organismes sur des sujets d'intérêts communs et
de prendre part aux délibérations des organisations internationales concernant le shipping145.
Sa vocation en matière de sécurité est triple:
- Faciliter la recherche de solutions techniques et autres en effectuant des études dont un
grand nombre tend à améliorer la prévention des accidents146.
- Édicter des recommandations sous forme de guides et de manuels donnant des conseils
pratiques aux professionnels du shipping. Ces recommandations représentent un complément
essentiel aux réglementations gouvernementales147.
142 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 106.
143 Entretien avec N. BELMAHRESSIA, directeur à la direction centrale, chargé des affaires maritimes à
l'OMMP, Tunis, le 17 octobre 2007, réactualisé.
144 www.marisec.org
145 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 100.
146 Dans sa revue annuelle de 2011, l'ICS s'intéresse au phénomène de la piraterie ( p 6) et à l'étude des risques
du CO2 émis par les navires de commerce.
147 La chambre avait publié un guide regroupant des directives sur l'application du code ISM dans sa revue
annuelle 1994/1995.
38
- Proposer des solutions aux organisations internationales et aux États axées sur les aspects
techniques, opérationnels et juridique des projets touchant les transports maritimes. La
chambre avait activement participé aux révisons de la convention STCW 148. En matière de
sûreté, la chambre a contribué au sein de l'OMI à l'élaboration d'un texte portant sur les
meilleures pratiques de gestion pour décourager la piraterie149.
2) L'ISO150 :
Créée en 1947, cette organisation a comme objectif principal de faciliter la coordination et
l'unification internationale des normes industrielles en vue de faciliter les échanges de
marchandises et les prestations de services151. Elle crée, à cette fin, des normes standards dans
les domaines industriels et commerciaux, appelées « normes ISO », qui garantissent certaines
caractéristiques aux produits et aux services et notamment la qualité. C'est dans cette optique
qu'a été adoptée la norme ISO 22000-2005 « système de management de la sécurité des
produits alimentaires » qui s'adresse, entre autres organismes, aux entreprises de transport 152.
La norme prévoit l'instauration d'un système de management de la qualité des denrées
alimentaires. Dès son entrée en vigueur153, la norme a été appliquée par le principal armateur
tunisien la CTN154 afin de garantir la qualité de la nourriture fournie aux équipages.
L'ISO est une fédération mondiale d'organismes nationaux de normalisation de plusieurs
États. L'organisme national correspondant en Tunisie est l'Institut national de la normalisation
et de la propriété industrielle, l'INNORPI155.
3) L'IUMI156 :
Cet organisme qui rassemble les associations nationales maritimes du monde entier a pour
vocation principale de représenter, sauvegarder et développer les intérêts des assureurs dans
l'assurance marine et transport. L'une de ses principales activités en matière de sécurité est la
148 Voir à titre d'exemple: Compte rendu de la 41 ème session du sous-comité des normes de formation et de
veille, STW 41/ WP.3 Rev.1 du 14 janvier 2010.
149 « Actes de piraterie et vols à mains armée à l'encontre des navires dans les eaux au large des côtes
somaliennes », op. cit, p 37.
150 www.iso.org
151 Voir statuts de l'ISO, disponibles sur sa page web.
152 Voir à ce propos: D. BLANC: « ISO 22000, HACCP et sécurité des aliments; recommandations, outils, FAQ
et retour de terrain » éditions AFNOR, 2006.
153 Le 5 octobre 2005.
154 Op. cit. Voir à ce propos: Bulletin de la CTN, éditions CTN, octobre-novembre 2005, p 3.
155 www.innorpi.tn
156 www.iumi.com
39
conférence annuelle des assureurs à l'occasion de laquelle les comités techniques de
l'organisme présentent des études, analysent des statistiques et proposent des solutions
juridiques. C'est dans ce cadre qu'a été présentée une étude intitulée « Managing the impact of
the human element on risk » ( La gestion de l'impact de l'élément humain sur le risque) 157 dans
laquelle l'organisme fait état des statistiques des accidents en mer mettant en cause l'élément
humain et insiste sur l'importance de bien former les marins à leur métier. La conférence
annuelle de l'IUMI est également l'occasion pour les assureurs de confronter leurs expériences
et d'échanger des renseignements sur les nouveaux problèmes du monde maritime. Il s'en suit
des solutions pratiques données sous forme de directives aux assureurs nationaux.
Parmi les groupes d'assurances les plus influents dans le monde maritime existe le P&I
club158. Il s'agit d'un groupe d'associations d'assurances mutuelles créé au milieu du XIXème
siècle. Le club couvre la responsabilité des armateurs ou des affréteurs pour les dommages
causés aux gens de mer ou aux tiers159.
Tous ces organismes quelque soit leur importance, leur poids ou leur influence sur la prise de
décision émettent des mesures qui interviennent à un moment ou à un autre de l'expédition
maritime et qui impliquent les gens de mer. Il s'agira au cours de la deuxième section de
découvrir l'objet de ces normes édictées dans le but d'assurer la sécurité et la sûreté en mer.
40
Section 2 : Le contenu de la norme :
L'objet de cette section est de rendre compte du contenu des dispositions émanant de
l'ensemble des organismes étudiés dans la section précédente. Cette section se veut donc une
étude des mesures de sécurité et de sûreté incombant à l'ensemble du personnel navigant en
application de la législation nationale et internationale en vigueur. L'analyse critique qu'elle
induit et la confrontation à la pratique quotidienne des gens de mer tunisiens fera l'objet du
chapitre suivant.
Une question préalable. Pourquoi avoir instauré des règles spécifiques pour les gens de mer?
Pourquoi ne pas s'être contenté de la législation de travail et des mesures de sécurité
appliquées à l'ensemble des salariés terrestres? La réponse à cette question passe
inévitablement par l'observation du lieu du travail de cette catégorie de salariés: le navire. Le
fait que leur travail s'effectue sur un élément mobile au dessus d'une surface aussi changeante
que la mer, l'importance des intérêts engagés dans l'expédition et les dangers qui la menacent
créent des devoirs spéciaux à toute personne embarquée. Ces considérations font que les
relations sociales à bord ne sont plus exactement celles de la vie à terre. 160 Pour ces raisons de
sécurité et d'ordre public, l'État contrôle les personnes qui assurent la navigation de son
pavillon. Les législations maritimes tunisienne et internationale définissent un certain nombre
d'obligations à la charge de l'armateur (paragraphe 1) ainsi que de l'équipage ( paragraphe
2)161.
41
Le code a consacré la totalité de son titre IV à l'énumération des obligations de l'armateur.
L'analyse de ces obligations permet de constater que la législation maritime tunisienne s'est
déjà intéressée à la question de la sécurité et était prédisposée à inclure les « nouvelles »
règles internationales de sécurité et sûreté. Lors de l'analyse des obligations de l'armateur
telles que définies par la législation tunisienne (A), seront uniquement prises en considération
les dispositions pouvant être assimilées aux règles de sécurité et de sûreté instaurées, plus
tard, par les codes ISM et ISPS (B). Sera ainsi exclue, à titre d'exemple, l'étude des créances
et des privilèges des marins.
1) L'obligation de rémunération :
La liberté contractuelle constitue le fondement juridique de la faculté laissée aux parties dans
les rapports de travail de fixer elles mêmes la rémunération de la prestation fournie. Le
montant de la rémunération est fixé entre les parties dans le cadre de leur relation individuelle
ou plus souvent dans des négociations collectives menées avec les syndicats. Concernant le
marin, celui-ci reçoit une rémunération mensuelle forfaitaire déterminée par la convention
collective164 applicable à la fonction. Toutefois, la détermination des salaires ne laisse pas
163 Article 15 du CTM, op. cit.
164 L'article 126 CTM dispose que la convention collective de travail maritime est un accord relatif aux
conditions de travail à bord des navires de commerce, conclu entre les armateurs organisés en groupement ou
agissant individuellement et une ou plusieurs organisations syndicales professionnelles des marins.
42
indifférents les autorités de l'État165. Ainsi par exemple, tout en affirmant l'obligation de
rémunération qui incombe à l'armateur, le CTM dans son article 59 précise que toute journée
commencée est due en entier. De même, l'article 56 affirme que le marin ayant accompli une
tâche autre que celle pour laquelle il est engagé, et comportant une rémunération supérieure à
la sienne, a droit aux salaires afférents à cette nouvelle fonction. Lorsque le voyage n'a pu être
continué par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le marin est payé au prorata des
journées passées au service du navire et a également droit à une indemnité équivalente à la
moitié des salaires qui seraient dus pour la journée présumée du voyage, d'après l'article 63.
Le marin reçoit également une indemnité en cas du retardement du départ, de prolongation ou
d'abréviation du voyage, dispose l'article 57 dans son troisième paragraphe.
L'ensemble de ces dispositions contribue au bien être financier du marin qui se reflétera
certainement sur la qualité du travail qu'il fournira. Il en est de même pour sa prise en charge
sociale au cours de l'expédition (2).
43
L'assistance à la charge de l'armateur comprend le traitement médical et la fourniture des
médicaments de qualité et en quantité suffisante ainsi que la nourriture et le logement. Cette
assistance demeure jusqu'à guérison du marin malade ou jusqu'à constatation du caractère
permanent de la maladie rendant le marin inapte aux métiers de la navigation ou encore avec
sa prise en charge par un organisme de sécurité sociale169. Selon l'article 95, l'armateur est
également dans l'obligation de verser la totalité du salaire du marin malade ou blessé. En cas
de rapatriement d'un marin malade, les frais de cette opération seront supportés par l'armateur.
Par ailleurs, il ressort de la lecture de l'article 94 que la présence d'un médecin à bord est
obligatoire.
Cela dit, les accidents ne sont pas les seules sources de perturbation du bon déroulement de
l'expédition, les conditions quotidiennes de l'accomplissement du travail à bord peuvent
également constituer un danger dans le cas où elles ne sont pas respectées (b).
1) Le gîte et le couvert :
Il revient à l'armateur de nourrir, loger et soigner le marin tant qu'il est à bord. Une série de
recommandations et de conventions émanant de l'OIT se sont penchées, depuis le début du
vingtième siècle, sur ces questions. Leur intérêt nous paraît réduit étant donné que la
législation tunisienne les a repris et en a parfois fait évolué le contenu. Le CTM prescrit, en
effet, dans les détails les obligations de l'armateur quand à la nourriture et au couchage du
marin. Il est à souligner que l'accent est porté sur la qualité. L'article 100 impose une
nourriture saine de bonne qualité et de nature appropriée au voyage entrepris. Une référence
est également faite à la ration quotidienne et à la composition du menu puisque la nourriture
doit être « en quantité suffisante… fixée et contrôlée par arrêté ». Toute réduction non
justifiée de la ration journalière donne lieu à une indemnité perçue par le marin dont le
montant est fixé par l'autorité maritime selon l'article 102. Le code impose, dans son article
44
99, l'embarquement d'un cuisinier exclusivement attaché à cet emploi à bord des navires où
sont engagés plus de 20 marins.
Quant au lieu de travail, l'armateur est tenu de fournir au marin des aménagements ventilés et
éclairés, proportionnés au nombre des occupants. Le local devrait être exclusivement réservé
à leur usage, dispose l'article 106. L'armement doit également le couchage des marins. Les
conventions collectives prévoient la nature du matériel de couchage170.
Quand à l'organisation du travail à bord, elle a été fixée par décret (2).
2) L'organisation du travail :
Le décret du 16 novembre 1974 relatif à la réglementation du travail à bord 171 organise le
temps du travail et du repos à bord (2.1) ainsi que l'effectif exigé (2.2).
170 Le recueil des Directives pratiques du BIT sur « La prévention des accidents à bord des navires » (BIT,
1996, p 27 et suivantes) ajoute que les produits toxiques et autres substances dangereuses devraient être utilisés
et stockés de manière à éviter tout risque pour la sécurité, la santé et le bien être des utilisateurs, que toute
substance devrait être, si possible conservée dans son emballage d'origine ou dans un emballage dûment étiqueté,
que lorsqu'il est possible d'obtenir une fiche de données sur le produit, celle-ci devrait être conservée à bord et
mise à la disposition de tous les utilisateurs.
171 Décret n° 1001-74 du 16 novembre 1974, relatif à la réglementation du travail à bord, à la fixation des
effectifs minima et à la répartition des personnels affectés au service du navire, JORT du 19 novembre 1974, p
2505 et suivantes.
172 Le capitaine est seul juge des circonstances imprévisibles pendant lesquelles l'équipage est tenu d'accomplir
le travail qui lui est commandé, même en excédant aux heures du travail légal moyennant une rémunération
supplémentaire (articles 11 et 12).
173 Est considéré comme temps de travail effectif, le temps pendant lequel un membre de l'équipage est, pour
des raisons de service, à la disposition du capitaine, soit à la mer soit au port (article 2).
174 Article 7 du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
175 Article 5 du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
176 M. Le BIHAN-GUENOLE: « Droit du travail maritime, spécificité structurelle et relationnelle », éditions
l'Harmattan, 2001, p 145.
45
maximales de durée du travail hebdomadaire qui ne doit pas dépasser dans les circonstances
normales les quarante huit heures.
2.2) Les effectifs à bord des navires177 : Un navire est exploité par des personnes à
bord. L'armateur fixe l'effectif du navire, avec ou sans l'accord du personnel, en fonction de la
durée, de la difficulté et de la nature de travail que nécessitent l'expédition. Lors de la fixation
de l'effectif l'armateur devrait prendre en considération l'élément de la fatigue des marins. Le
nombre des marins devrait être suffisant afin d'assurer avec les soins nécessaires et l'hygiène
voulue tous les services requis178 et, surtout, afin d'assurer la sécurité de la vie humaine en
mer179. L'armateur soumet, par la suite, l'effectif fixé, sous la forme d'une décision d'effectif,
au visa de l'administration des affaires maritimes. L'octroi du visa signifie que l'administration
considère que l'effectif proposé par l'armateur permet en toutes circonstances et compte tenu
des conditions de l'exploitation du navire, de disposer d'un personnel suffisant en nombre et
en qualité pour sa bonne exploitation180. Toutefois, si l'effectif réellement embarqué est
inférieur en nombre et en qualité à celui qui a obtenu l'autorisation de naviguer, l'autorité
maritime retire ou n'accorde pas le visa181.
Outre la nécessité de s'assurer du respect des dispositions relatives au travail maritime et à la
sécurité des navires, ce contrôle administratif peut également s'expliquer par le souci de la
sécurité des membres de l'équipage, de celles des autres usagers de la mer ainsi que de
l'environnement182.
Le dispositif des obligations de l'armateur est renforcé par de nouvelles règles de sécurité et
de sûreté, émanant des accords internationaux (B).
177 Sur l'évolution historique de l'effectif embarqué, voir Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité
maritime », op. cit, p 383 et suivantes.
178 Article 23 du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
179 Article 32 du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
180 Article 33 du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
181 Article 37 du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
182 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 151.
46
a) L'apport du code ISM :
Principal outil de travail pour améliorer les conditions d’exploitation des navires, le code ISM
se veut la réponse globale au problème des risques générés par les hommes dans l’activité
maritime. Pour ce faire, le code fixe des normes pour garantir la sécurité en mer, améliorer la
sauvegarde de la vie humaine et prévenir les atteintes à l'environnement marin et les
dommages matériels. Il s'agit, dans ce cadre, de dresser un bilan des obligations incombant à
l'armateur.
Celui-ci doit mettre en place une politique et des moyens propres à assurer une sécurité en
mer (1). Il doit également veiller à ce que le personnel embarqué soit capable de comprendre
et d'appliquer les nouvelles mesures de sécurité (2).
1.1) Selon l'article 4 du code, chaque armateur devrait désigner une ou plusieurs
personnes à terre ayant directement accès au plus haut niveau de la direction de l'entreprise.
Sa responsabilité serait de surveiller les aspects de l'exploitation du navire liés à la sécurité et
à la prévention de la pollution et de veiller à ce que les ressources adéquates et le soutien
approprié à terre soient fournis en cas de besoin. Lorsque l'armateur est en possession de
plusieurs navires, il revient à cette ou à ces personnes de communiquer entre les navires et la
direction pour tous les points intéressant la sécurité.
1.2) Selon l'article 2, l'armateur doit également établir une politique en matière de
sécurité mettant en œuvre les objectifs du code ISM. Il doit veiller à ce que cette politique soit
appliquée à tous les niveaux de l'organisation tant à bord qu'à terre. Cela se traduit par la mise
en œuvre d'un système de gestion de sécurité ou un SMS (Safety Management system). Le
47
SMS doit prévoir des mesures propres à garantir que l'organisation à bord est à tout moment
en mesure de faire face aux dangers, accidents et situations d'urgence183. L’article 1.2.3 du
Code attribue au SMS, le rôle de garantir que les règles et les règlements obligatoires ainsi
que les textes et les normes applicables reconnus par l’OMI, les administrations de l'État, les
sociétés de classification et les organismes du secteur maritime soient respectés. Toutes ces
règles seront regroupées dans un document appelé « Manuel de gestion de la sécurité » devant
être présent à bord de chaque navire, dispose l'article 11.3. Il s'agit, donc, d'établir des règles
de prévention de tout type de danger en mer, autrement dit, d'assurer la sécurité.
La responsabilité de l'armateur ne se limite pas, toutefois, à la confection de procédures
écrites. Le SMS doit être mis en application, amélioré au fur et à mesure, et comporter un
certain nombre de modalités pratiques, énumérées au paragraphe 1.4 du code ISM . Il doit
notamment comprendre une politique et des procédures garantissant la sécurité et la
protection de l’environnement conformément à la réglementation internationale et à la
législation de l'État du pavillon ainsi que la définition des niveaux d’autorité, et
l’établissement de communications entre le personnel à bord des navires et la compagnie à
terre d’une part, et entre les membres d’équipage de l’autre. Il doit également comporter des
procédures pour la préparation aux situations d’urgence et des procédures pour les audits
internes et les contrôles. Il est à noter que pour ménager la neutralité de ces audits, ils doivent
être confiés à des personnes ne faisant pas partie du secteur soumis à l'audit à moins que cela
soit impossible en raison de la taille et des caractéristiques de la compagnie 184. La finalité des
audits est de prendre les mesures coercitives nécessaires aux défectuosités constatées185. Pour
l'application de cette politique, des ressources adéquates et un soutien approprié à terre
doivent être fournis186.
Il ne s’agit pas là d'une liste exhaustive. Les compagnies peuvent aller au-delà de ces mesures,
mais compte-tenu de la spécificité de chacune d’entre elles et de la diversité des moyens dont
elles disposent, le code ne prévoit qu’un minimum d’exigences. Il n'est donc plus possible de
pratiquer comme par le passé, une tradition orale du savoir-faire et l'accumulation des
compétences par l'expérience187.
48
La structure, les modalités d’application et l’efficacité du SMS seront des indicateurs
importants de la conformité ou de la non conformité de la compagnie aux exigences du code,
car c’est à travers son contenu que les plaignants, les assureurs et les autorités de contrôle
chemineront, pour trouver les failles lorsqu’elles existent.
L'armateur doit, en outre, accorder encore plus d'attention à l'équipage embarqué (2).
2) Selon l'article 3.2 du code ISM, l'armateur devrait définir et établir par écrit les
responsabilités, les pouvoirs et les relations de l'ensemble de l'équipage pouvant être partie
prenante dans les problèmes de la sécurité. Mais au préalable, il doit s'assurer que chaque
navire est doté d'un personnel navigant qualifié, en possession de brevets et ayant l'aptitude
requise conformément aux législations nationales et internationales188. Plus précisément,
l'armateur doit vérifier les points suivants:
2.1) La langue utilisée à bord : L'armateur doit veiller à ce que les membres de
l'équipage soient capables de communiquer entre eux 189. La langue commune comprise par
tous constitue un vrai problème dans la marine marchande actuelle faisant généralement appel
à des équipages multinationaux190. La doctrine estime que la solution de facilité appliquée
auparavant et consistant à traduire tous les documents en anglais devrait être abandonnée en
faveur de la solution apportée par le code ISM191. Les marins embarqués sur les navires
tunisiens sont en grande majorité de nationalité tunisienne. Les armateurs ont, néanmoins,
recours à des marins turcs, marocains ou encore bosniaques192. L'armateur tunisien est donc
tenu de trouver une ou certaines langues de travail comprises par tous.
49
ailleurs, une préparation aux situations d'urgence est particulièrement nécessaire. Elle doit
obligatoirement s'accompagner d’exercices exécutés selon un programme établi à l’avance194.
Une préparation sérieusement effectuée s’appuie sur des procédures claires dont l’efficacité
dans la durée, doit être testée par des vérifications effectuées à intervalles réguliers, ainsi que
par des réunions suivies d’évaluations, lorsque c’est nécessaire195. On remarquera que
quelques soient la compétence et la formation des marins embarqués, la pratique régulière de
ces exercices semble être la manière la plus efficace pour accéder à la connaissance des
nouvelles mesures de sécurité instaurées par le code ISM.
Ces dispositions sont également applicables quant aux marins nouvellement engagés ainsi
qu'aux marins transférés à de nouvelles tâches liées à la sécurité et à la protection de
l'environnement. L'armateur doit dans tous les cas s'assurer que les membres de l'équipage
soient familiarisés avec leurs nouvelles fonctions196. D'une manière générale, l'armateur doit
être en mesure, à tout moment, de fournir la preuve qu’un programme d’exercices de
préparation et de mises en situation a été confectionné, et que les exercices sont effectivement
exécutés197. Enfin, et pour que le capitaine puisse assumer ses responsabilités, l'armateur
devrait s'assurer qu'il a les qualifications requises pour commander le navire. On remarquera
qu'en la matière, le code ISM n'innove point. Cette obligation figure déjà dans la législation
nationale, et sera abordée ultérieurement. L'apport du code concerne le SMS puisque
l'armateur devrait s'assurer que le capitaine connaît parfaitement les mesures y figurant. Il
devrait par ailleurs s'assurer que le capitaine bénéficie de tout l'appui nécessaire pour exercer
son rôle.
En dehors de ces dispositions qui concernent l'élément humain d'une manière directe, le code
rappelle l'importance de la maintenance et de l'entretien du navire dont l'armateur est chargé et
qui influe d'une manière sensible sur la sécurité en mer. Pour ce faire, il doit établir les
procédures lui permettant de s'assurer que le bateau est maintenu conformément aux
dispositions des règles et des règlements appropriés198. Des inspections effectuées à des
intervalles appropriés seront consignées dans un registre et intégrées dans le programme
d'entretien courant du navire199. Enfin, l'article 1.1.6 de la partie B du code recommande la
194 Article 8.2 du code ISM, op. cit.
195 Article 12.1 du code ISM, op. cit.
196 Article 6.3 du code ISM, op. cit.
197 Article 8.3 du code ISM, op. cit.
198 Article 10.1 du code ISM, op. cit.
199 Articles 10.2 et 10.4 du code ISM, op. cit.
50
tenue par l'État du pavillon de Certificats de gestion de sécurité, certificats délivrés aux
navires pour attester que la gestion de l'armateur et la gestion à bord sont conformes au
système de gestion de sécurité approuvé.
Le code ISPS (b), instrument ayant pour but de prévenir et détecter les menaces et prendre les
mesures adaptées contre les incidents de sûreté, vient ajouter un ensemble d'obligations à la
charge de l'armateur afin d'assurer la sûreté en mer.
200 Le rôle principal pour la prévention contre les actes criminels est confié au capitaine, à l'agent de sûreté du
navire et à l'agent de sûreté de la compagnie. Voir articles 5.4, 6, 11 et 12 du code ISPS.
201 Ph. BOISSON: « Le rôle du personnel dans la mise en place d'une politique de sûreté », in actes du colloque
« Code ISPS, quel bilan après une année? », Cité des congrès de Nantes, les 23 et 24 juin 2005, p 109.
202 Prescrite par la section A/8 du Code ISPS, il s’agit d’une étude méthodique des risques basée sur les mesures
de sûreté existantes, la menace potentielle et les points faibles à bord.
203 Pour être efficace, le plan de sûreté de chaque bâtiment doit être pris en fonction de ses spécificités. Il doit
permettre de protéger les personnes à bord, la cargaison, les provisions de bord et le navire lui-même (section
A/9 du Code ISPS). Il doit établir les différentes mesures à prendre en fonction du niveau de sûreté. Le niveau de
sûreté est le niveau auquel des mesures de sûreté minimales appropriées doivent être maintenues en permanence
(article 9.2 du code ISPS). Des mesures additionnelles ou spéciales pourraient être prises. Dans ce cas, on parlera
de niveau de sûreté 2 et de niveau de sûreté 3.
204 Dans tous les cas, une version en anglais, en français ou en espagnol doit figurer à bord (article 9.4 du code
ISPS, op. cit).
51
menace ou d'atteinte à la sûreté205.
D'un autre côté, le plan devrait désigner un agent de sûreté de la compagnie maritime ou CSO
( Company Security Officer) ainsi qu'un agent chargé de la sûreté à bord ou SSO (Ship
Security Officer), généralement le second capitaine. Le premier, dont le rôle est défini
notamment par l'article 11.2 du code, doit s’assurer que l'évaluation de la sûreté du navire a
été menée à bien et que le navire a, à son bord, un plan de sécurité approuvé par
l’administration chargée de cette tâche. Il veille à ce que ce plan soit modifié comme il
convient pour en rectifier les lacunes et à ce qu'il réponde aux besoins du navire en matière de
sûreté. Sur un autre plan, le CSO doit formuler des avis sur les degrés de menace de la sûreté
auxquels le navire risque d'être confronté. Il prend les dispositions en vue des audits internes
et des examens des activités liées à la sécurité. C'est à lui également que revient la tâche de
coordination entre les dispositions du code ISM et celles du code ISPS puisque c'est à lui de
veiller à ce que les exigences en matière de sécurité et de sûreté concordent. Il partage, enfin,
une obligation avec le SSO, c'est celle de coordonner la mise en œuvre du plan.
Le SSO doit, pour sa part, s’assurer que le plan de sûreté est correctement appliqué à bord en
procédant à des exercices et en sensibilisant l’équipage aux nouvelles mesures de sûreté en
application de l'article 12.2 du code. Ce même article l'autorise, d'autre part, à procéder à des
inspections régulières de sûreté afin de s'assurer que les mesures du plan sont toujours
appropriées. C'est à lui aussi de proposer les modifications appropriées au plan. Il s'assure,
enfin, que le matériel de sûreté est correctement utilisé, mis à l'essai et entretenu.
Tous ces dispositifs rappellent largement les mesures énoncées par le code ISM. Néanmoins la
différence demeure majeure. Le code ISPS prévoit des mesures de sûreté. Il a comme objectif
de protéger l'équipage, le navire et la cargaison des dangers extérieurs. Concrètement, le SSP
doit notamment empêcher que des marchandises interdites206 ne soient introduites à bord.
Parallèlement à cela, les conditions d’accès à bord doivent être renforcées. La partie B du
code dresse à cet effet un ensemble de mesures techniques pouvant être appliquées par le SSP
pour s'acquitter de cette tâche207. Ce système permet de savoir en permanence l'identité des
personnes se trouvant à bord.
52
Le SSP doit également permettre de répondre à une menace de sûreté ou à une infraction aux
mesures de sûreté208. Dans cette optique, il doit expliciter les tâches du personnel du navire
ayant des responsabilités en matière de sûreté, tout comme les rôles des autres membres de
l’équipage dans ce domaine209. Par ailleurs, il doit toujours conserver à bord des registres
portant sur les activités visées par le plan de sûreté210.
Le CSO et le SSO, sont amenés à avoir des connaissances théoriques et techniques en matière
de sûreté. L'article 13.1 de la partie B du code ISPS recommande un certain nombre de
matières dans lesquelles ils devraient être formés. Il s'agit sur un plan théorique, de la
connaissance des législations pertinentes en la matière, des responsabilités et des fonctions de
tous les intervenants dans le processus de sûreté… Sur un plan pratique, il s'agit de la
préparation de l'intervention et de la planification d'urgence. A cet égard, le CSO et le SSO,
comme le reste des membres de l'équipage d'ailleurs, sont amenés à effectuer des exercices au
moins une fois tous les trois mois en application de l'article 13.6 du code.
En outre, les navires font l’objet d’inspection et de contrôle211 pour s’assurer que les mesures
de sûreté requises sont concrètement et correctement appliquées. Si les navires sont
effectivement en règle, un Certificat international de sûreté attestant qu’ils sont en conformité
avec le chapitre XI-2 de la Convention SOLAS et la partie A du Code ISPS leur est délivré212.
Le certificat, dont la durée de validité est fixée par l'administration maritime 213, doit rester à
bord pour pouvoir systématiquement être présenté sur demande, notamment lors des contrôles
par l'État du port. Enfin, en application de la règle 6.1, le navire devrait également être équipé
d'un système d'alerte de sûreté qui doit, selon l'article 6.2, déclencher et transmettre à une
autorité compétente désignée par l'État du pavillon une alerte identifiant le navire et sa
position.
208 Il s’agit entre autres des procédures d’évacuation des personnes à bord ou des dispositions pour maintenir les
activités essentielles du navire ou de l’interface navire/port ( article 9.4.4 du Code ISPS).
209 Article 9.4.7 du code ISPS, op. cit.
210 Il s’agit de la formation, des exercices pratiques, des menaces à la sûreté et incidents de sûreté survenus, des
infractions aux mesures de sûreté, des changements des niveaux de sûreté, des communications liées directement
à la sûreté du navire – et ce a fortiori en cas de menace spécifique à l’encontre du navire ou de l’installation
portuaire –, des audits internes et examens des activités liées à la sûreté, des examens périodiques de l’évaluation
et du plan de sûreté du navire, des modifications apportées au plan ainsi que de l’entretien, l’étalonnage et la
mise à l’essai de tout matériel de sûreté à bord ( article 10 du Code ISPS, op. cit).
211 Une vérification initiale complète est prévue, ainsi qu’une vérification de renouvellement tous les cinq ans,
auxquelles s’ajoute au moins un contrôle intermédiaire, de préférence deux ans et demi après la vérification
initiale et enfin tout contrôle supplémentaire décidé par l'État du pavillon est possible ( article 19.1.1 du code
ISPS, op. cit).
212 Article 19.2 du code ISPS, op. cit.
213 Voir article 19. 3 du code ISPS, op . cit.
53
Il est à noter que, tout en concernant chacun un domaine spécifique, les obligations des codes
ISM et ISPS se recoupent au niveau de la forme. Ainsi, il est dans les deux cas demandé à
l'armateur d'établir une politique de sécurité ou de sûreté, de s'assurer que personnel navigant
et notamment le capitaine sont formés à cette politique et désigner des personnes spécialisées
dans son application et de s'assurer que les marins exercent périodiquement des exercices
d'entraînement. Toutes ces obligations étant suivies par des formalités administratives et
apportent vraisemblablement une surcharge de travail pour l'équipage dont l'armateur doit
tenir compte dans sa décision concernant l'effectif214.
La fonction de l'armateur se développe, donc, en application des nouvelles dispositions de
sécurité et de sûreté. Les fonctions des marins subit-elle le même sort? C'est ce que l'analyse
du prochain paragraphe essayera de déterminer.
54
a) Les obligations initiales du capitaine, étude de la législation tunisienne :
Mandataire commercial (1), préposé nautique (2) et responsable de l'expédition maritime (3),
le capitaine est doté de trois types de fonctions.
55
obtenu à la suite d'une formation au sein de l'Académie navale223 ou depuis récemment à
l'École de la Marine marchande de la Goulette224. Pour les grandes unités de navigation
lointaine, le capitaine doit être muni d'un brevet de capitaine de première classe. Pour les
petites navigations, il lui suffit d'avoir le brevet de capitaine de la marine marchande225.
Il est à souligner qu'à travers le monde, la qualité du diplôme du capitaine varie
considérablement et on déplorera comme l'a fait M. Rémond-Gouilloud 226 « la pratique des
diplômes de complaisance répandue dans certaines régions du monde » et qui conduit à ce que
le navire soit commandé par une personne incompétente ce qui constitue une vraie menace à
la sécurité en mer. La mauvaise discipline à bord peut constituer une autre menace. Il est du
ressort du capitaine de l'empêcher (3).
223 L'Académie navale, sise à Menzel Bourguiba dans le nord de la Tunisie, est l'école nationale des marins en
Tunisie. Elle est sous tutelle du Ministère de la défense. Elle assure depuis 1979 la formation du personnel
officier au commerce qui, parfois, est issu des écoles de pêche.
224 Instaurée en octobre 2009, la création de cette école est issue d'un accord franco-tunisien. Installée au début
à Radès, dans la banlieue de Tunis, son siège définitif se trouve à la Goulette.
225 Article premier du décret n°74-862 du 11 septembre 1974, relatif à l'exercice des fonctions de capitaine ou
de patron de second capitaine ou de lieutenant à bord des navires de commerce et de pêche astreints à posséder
un registre d'équipage, JORT du 13617 septembre 1974, p 2038 et suivantes. En 2008, le diplôme a été délivré à
11 candidats selon un rapport d'activité interne, inédit, fourni gracieusement par N BELMAHRESSIA pour les
besoins de ce travail.
226 Dans son ouvrage: « Droit maritime », op. cit, p114.
227 Article 59 du CCM, op. cit.
228 Op. cit.
229 Article 10 du CDPM, op. cit.
230 Article 31 du CDPM, op. cit.
231 Article 48 du CDPM, op. cit.
56
L'adoption des codes ISM et ISPS vient renforcer l'autorité du capitaine mais aussi alourdir sa
charge de travail (b).
b) Les dispositions spéciales de sécurité et de sûreté, l'apport des codes ISM et ISPS :
Les codes se rejoignent pour affirmer le statut du chef de bord du capitaine mais font peser sur
lui de nouvelles charge en matière de sécurité (1) et de sûreté (2).
57
2) L'apport du code ISPS :
Au même titre que le code ISM, la règle 8 du chapitre XI-2 de la convention SOLAS ne
consacre que deux articles directement destinées au capitaine. Néanmoins, la lecture de ces
dispositions et l'établissement des liens avec l'ensemble des règles du code permettent de
constater qu'à l'instar du code ISM, le rôle du capitaine indiqué par le code ISPS est d'une
importance majeure.
Le plan de sûreté doit, en effet, donner au capitaine le pouvoir et la responsabilité absolus de
prendre des décisions concernant la sécurité et la sûreté du navire et de solliciter l’assistance,
si besoin est232. En faisant référence à la sécurité dans un code destiné à l'établissement des
mesures de sûreté, les rédacteurs ont peut être voulu mettre l'accent sur le fait que sûreté et
sécurité se rejoignent pour assurer la tranquillité de l'expédition. Quoi qu'il en soit, en
application de cet article, et lors de la prise des décisions, le capitaine ne doit pas être soumis
à la pression de quiconque qui pourrait influencer sa prise de décision. L'article estime, en
effet, que le jugement professionnel du capitaine, autrement dit le poids de son expérience,
devrait prévaloir sur les instructions de l'armateur ou de l'affréteur ou autres qui ne se trouvent
pas à bord du navire au moment où un incident de sûreté se produit. C'est sur la base de ce
jugement professionnel que le capitaine devrait prendre les décisions favorables au maintien
de la sécurité et de la sûreté en mer. Ces décisions, continue l'article, peuvent porter sur le
refus de l'embarquement de certaines personnes ou encore le refus de chargement de certaines
marchandises.
Le second article directement destiné au capitaine est l'article 8.2. Il ressort de sa lecture que
les rédacteurs du code étaient probablement conscients de la densité des nouvelles règles de
sécurité et de sûreté mises à la charge des gens de mer en conséquence de l'entrée en vigueur
des codes ISM et ISPS. C'est ainsi qu'il permet au capitaine, s'il juge qu'un conflit existe entre
certaines mesures des deux codes, de donner effet aux prescriptions nécessaires pour
préserver la sécurité. Dans ce cas il peut néanmoins appliquer des mesures temporaires
correspondant au niveau de sûreté en vigueur. L'armateur devrait, par la suite, veiller à ce que
de pareils conflits soient résolus et que la possibilité de leur éventuelle survenance soit
minimisée.
Il va de soi que le capitaine devrait être formé à sa nouvelle tâche d'intervenant dans le
processus de sûreté. A cet égard, l'article 13.3 de la partie B du code recommande un certain
58
nombre de connaissances théoriques et pratiques que le capitaine devrait acquérir. Sur le plan
des connaissances théoriques, il s'agit notamment de la connaissance des menaces actuelles
pesant sur la sûreté, de la connaissance des procédures et des plans d'urgence. Sur un plan
pratique, le capitaine est invité à connaître les méthodes de détection de l'identification
d'armes, de substances et d'engins dangereux, des techniques utilisées pour contourner la
sûreté, du fonctionnement des équipements et systèmes de sûreté.
Le reste de l'équipage est également concerné par un renforcement du nombre et de
l'importance d'obligations (B).
59
1) Les obligations relatives à l'exercice du travail :
Le CTM prescrit au marin des obligations inhérentes à sa fonction. Il est ainsi de son devoir
d'accomplir son service dans les conditions stipulées dans son contrat d'engagement et dans
les lois en vigueur233. Il devrait pour cela être présent au jour fixé par le contrat et ne pas
s'absenter du bord sans autorisation préalable du capitaine234. D'ailleurs, l'absence du bord
sans autorisation constitue un motif de résiliation du contrat d'engagement 235. Le personnel est
reparti entre le pont et la machine et doit accomplir des actions bien précises. Le marin n'est
tenu d'accomplir que le travail incombant à sa catégorie de personnel. Mais par les
circonstances de force majeure les travaux nécessités sont obligatoires même s'ils incombent
normalement à une catégorie de personnel autre que celle dans laquelle il et engagé236. A
l'occasion de son travail le marin doit prendre soin du matériel et équipements mis à sa
disposition. La détérioration volontaire entraîne des paiement de dommages et intérêts pour
l'armateur237.
En dehors des obligations inhérentes à l'exercice de la fonction de marin et en raison de la
spécificité du lieu de travail, les membres de l'équipage doivent également obéir à sa
hiérarchie (2).
2) Le devoir d'obéissance :
Le fonctionnement harmonieux de la société de bord est d'une importance majeure. C'est en
effet, la condition de la survie du navire et de l'équipage. Cette considération a entraîné
l'institution d'un régime de discipline dont l'application est à la charge du capitaine du navire.
Les marins sont soumis à une obligation d'obéissance vis à vis de ce dernier. La non
obéissance est qualifiée de faute contre la discipline et fait l'objet de sanctions disciplinaires
voire pénales établies par le CDPM238. Le navire est, en effet, un lieu de travail mobile,
soumis à des contraintes extérieures permanentes et qui nécessite pour sa sécurité et pour celle
de l'équipage le respect de normes et de consignes strictes.239
60
Reste la nécessité d'avoir une formation adéquate afin d'accomplir son travail qui n'est pas
d'une moindre importance.
3) La formation :
La sécurité de l'expédition est concrètement dépendante de la qualité du navire mais surtout
de la compétence de l'équipage qui le met en œuvre240. Étant donné la complexité que
représente la navigation et le fonctionnement des navires, est exigée de plus en plus la
possession de certains diplômes par les marins justifiant leur capacité à remplir telle ou telle
fonction.241 Outre la capacité professionnelle (3.1), la navigation maritime exige que le marin
réponde aux conditions d'aptitude physique et morale (3.2).
240 R. CUISIGNIEZ: « La réglementation de sécurité à bord des navires marchands », op. cit, p 31.
241 A. BOYER: « Le droit maritime », Que sais-je? PUF, 1967, p 44.
242 En 2008, 135 candidats issus de l'Académie navale ont reçu les brevets et visas leur permettant d'exercer,
selon un rapport d'activité interne, inédit, fourni gracieusement par N. BELMAHRESSIA pour les besoins de ce
travail.
243 Mise en place par la convention STCW, elle assure un enseignement sur les normes de formation et de veille
destiné au personnel navigant des pays en voie de développement. Depuis 1983, des gens de mer tunisiens sont
inscrits tous les ans à cette université.
244 Op. cit.
245 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 394.
61
partie B quant à elle, énonce des conseils qu'il est recommandé d'observer. La convention
prend en considération dans l'élaboration des normes les innovations techniques et
technologiques.
Par ailleurs, la convention met à la charge des États de pavillon un contrôle du niveau de
formation que reçoit le marin. Selon la règle I/7 de la convention, l'État devrait tout d'abord,
rendre à l'OMI un rapport décrivant les formations et les cours dispensés pour ses
ressortissants gens de mer ainsi que les types d'examens et d'évaluations prévus. L'État
signataire doit également fournir des renseignement sur les mesures prises pour prévenir la
fatigue des marins et garantir la communication à bord246. L'État devrait, en second lieu,
s'assurer que toutes les activités de formation, d'évaluation de compétences et de délivrance
des brevets font l'objet d'un système de normes de qualité afin de garantir la réalisation des
objectifs définis par la convention, dispose la règle I/8 de la convention STCW. L'État
devrait, enfin, mener une enquête lorsqu'a été signalé tout cas d'incompétence, d'acte ou
d'omission susceptible de menacer directement la sécurité maritime commis par des gens de
mer brevetés par ses soins auquel cas, il devrait prendre les mesures coercitives appropriées
en application de la règle I/5 de la convention STCW247. En outre, le contrat d'engagement du
marin pourrait être résilié à défaut d'une formation adéquate248.
3.2) Les critères d'aptitude physique et morale : Le main est soumis à un examen
médical obligatoire préalable à l'accès à la fonction. Un arrêté, relatif à l'examen médical des
gens de mer, en fixe les modalités249. En application de l'article premier de l'arrêté, il
appartient au médecin de travail désigné ou agréé par l'autorité maritime de reconnaître
l'aptitude ou l'inaptitude du marin à l'emploi de navigation. Seulement, il n'existe pas en
Tunisie d'organisme étatique spécialisé dans l'examen des gens de mer250. C'est pour cette
raison que certains armateurs affectent un corps médical donné aux examens des gens de mer
qu'ils engagent251. Pour le reste des marins, ils sont généralement examinés dans le service
246 Un rapport annuel, inédit, est envoyé à l'OMI par les services de l'OMMP. Entretien avec N.
BELMAHRESSIA.
247 « Les situations où le marin montre une incompétence ou fait ou omet de faire une action qui crée un risque
pour la sécurité sont très rares et se règlent en interne entre le marin et l'armateur. L'administration maritime n'en
prend généralement pas connaissance ». Entretien avec N. BELMAHRESSIA, op. cit.
248 Article 46 al 1 du CTM, op. cit.
249 Arrêté du ministre du transport du 20 novembre 1990, relatif à l'examen médical des gens de mer, JORT du
30 novembre 1990, pp 1834-1835.
250 Entretien avec N. BELMAHRESSIA, op. cit.
251 C'est le cas de la CTN.
62
médical destiné aux militaires252.
Pour pouvoir exercer, le candidat à l'examen ne doit être atteint d'aucune affection susceptible
de mettre en danger l'ensemble de l'équipage253. C'est la cohabitation des marins qui exige de
se prémunir contre les risques de contagion. Seront ainsi incompatibles avec le métier de
marin, les affections cutanées chroniques pouvant incommoder le reste de l'équipage ou les
maladies de l'appareil respiratoires telles que les affections pleuropulmonaires chroniques254.
Le marin devrait également être doué d'acuité visuelle et auditive255.
L'examen médical est prouvé par « le certificat d'aptitude physique des gens de mer » dont un
exemplaire se trouve dans les annexes du CTM. En cours de carrière, le marin victime d'une
maladie ou d'un accident pourrait être considéré comme inapte à la fonction de marin. C'est
notamment le cas des personnes atteintes d'amputation ou de paralysie256.
Par ailleurs, le marin devrait être capable de supporter les contraintes psychologique pouvant
être provoquées par la nature de son lieu de travail, le navire étant un espace clos constituant à
la fois le lieu de travail et le lieu de repos du marin 257. De par sa nature mobile, le marin est
très souvent éloigné de ses proches. Toutes ces considérations peuvent causer chez lui des
malaises psychologiques incompatibles avec la navigation.
Au même titre que l'armateur ou le capitaine, les codes ISM et ISPS accentuent la charge de
travail et le nombre de compétences exigées par les marins (b).
252 Il s'agit du centre CEMEDA, le centre médical aéronautique relevant du Ministère de la défense et
conventionné avec le Ministère du transport, sis à Tunis.
253 Article 2 de l'arrêté du 20 novembre 1990, op. cit.
254 Article 8 de l'arrêté du 20 novembre 1990, op. cit.
255 Article 2 de l'arrêté du 20 novembre 1990, op. cit.
256 Article 14, B de l'arrêté du 20 novembre 1990, op. cit.
257 Voir article 11 de l'arrêté du 20 novembre 1990, op. cit.
63
notamment en ce qui concerne la préparation aux situations d'urgence258. Ce principe met en
évidence la nécessité d'une information complète du contenu du SMS. L'information sera
complétée par une formation continue des personnels en matière de sécurité, afin améliorer
les capacités de prévention et réaction face aux sinistres graves. Le code ISM prescrit à cet
effet de nombreuses obligations dont devraient se doter l'équipage à bord. Ainsi, les membres
de l'équipage devraient comprendre de manière satisfaisante les règles de sécurité en vigueur
et identifier les besoins en formation nécessaire pour la mise en œuvre du SMS259. Ils
devraient par ailleurs identifier et décrire les situations d'urgence susceptibles de survenir à
bord ainsi que les mesures y remédiant.260 Quelles que soit la compétence et la formation
générale des mains embarqués, la pratique régulière d'exercices de sécurité à bord est
obligatoire261. La sensibilisation de l'importance de toutes ces mesures reste à la charge de
leurs supérieurs hiérarchiques.
Qu'en est-il en matière de sûreté (2)?
64
sûreté265 qui devraient être effectués à des intervalles appropriés266. Il lui est recommandé, par
ailleurs, de connaître les significations et les implications des différents niveaux de sûreté, les
procédures et les plans d'urgence, l'identification des armes, d'engins et de substances
dangereuses…267 Le personnel à bord chargé de tâches et de responsabilités en matière de
sûreté, dispose l'article 13.3, doit comprendre les responsabilités qui lui incombent à cet égard
telles qu'elles sont décrites dans le plan de sûreté du navire et devrait avoir les connaissances
et aptitudes nécessaires pour les exécuter. Afin de permettre une diffusion homogène et
cohérente de la culture de la sûreté maritime, il est nécessaire que la formation fasse appel à
des formateurs spécialisés. A côté de leur expertise pédagogique et la connaissance du milieu
leur vision globale du monde maritime est indispensable268.
Sur un plan pratique, l’équipage doit vérifier le contenu des bagages de toute personne
désireuse de monter à bord. Il peut également procéder à des fouilles corporelles, soit à l’aide
d’un détecteur de métaux portatif, soit par le biais d’une fouille tactile 269. Ces nouvelles règles
se doivent d’être de véritables automatismes pour être utiles. Il est tout aussi capital que les
équipages soient bien conscients qu'à tout moment, tout peut arriver et soient donc, dans toute
la mesure du possible, préparés à l’inattendu.
265 L’article 10.1 donne des exemples d'exercices à effectuer par les marins: exercices portant sur des incidents
de sûreté, l'attitude à prendre en cas d'infraction aux mesures ou en cas de changements de mesures, la
confrontation de cas spécifiques, l'entretien et la mise à l'essai de tout matériel de sécurité…
266 Article 9.4.9 du code ISPS, op. cit.
267 Article 13.4 de la partie B du code ISPS, op. cit.
268 L. GALY: « Mise en place des formations adaptées au code ISPS », op. cit.
269 Ces mesures et d'autres sont proposées par l'article 8 de la partie B du code ISPS, op. cit.
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Chapitre 2 : L'analyse critique de la norme de sécurité et de sûreté maritimes:
une approche théorique confrontée à la réalité du monde maritime :
Quel sort est réservé aux normes de sécurité et de sûreté requises par les législations
internationale et nationale, vues dans le chapitre précédent? La doctrine affirme « qu'un océan
sépare toujours l'entrée en vigueur officielle d'un texte de son application effective »270 ce qui
induit un problème grave puisque la non application effective, ou encore, l'application
partielle des impératifs de sécurité et de sûreté laissent circuler des navires qualifiés de
« navires sous normes ». La résolution A-446 de l'OMI du 19 novembre 1981271 les identifie
comme des navires dont la coque, la machine et l'armement ne répondent pas aux normes,
réglementations et prescriptions internationales. De son côté, la doctrine estime que les
navires sont dits sous normes « lorsqu'ils sont gérés de façon médiocre à bord et à terre, que
les niveaux d'entretien et la formation de l'équipage ne sont pas conformes aux règles et
normes internationales agréées »272. Un navire bien conçu et en bon état matériel peut donc
être considéré comme un navire sous normes s'il est mal exploité. Les défaillances liées au
facteur humain sont, à elles seules, suffisantes pour qualifier un navire donné de navire sous
normes. Les navires sous normes sont le produit de deux phénomènes distincts: Le
développement des pavillons de complaisance et le non respect des normes par les autres
pavillons, appelés encore pavillons traditionnels.
Les pavillons de complaisance sont des États maritimes dont la capacité d'attraction des
flottes étrangères repose sur l'absence de contraintes juridiques273. Ils offrent aux armateurs un
rattachement fictif des navires à des ordres juridiques souples, peu contraignants sur le plan
fiscal274, administratif, social275... Les navires immatriculés sous pavillons de complaisance
sont, dès lors, appelés des navires sous normes, soit en dessous du seuil des normes minimales
270 P. BENQUET, Th. LAURENCEAU: « Pétroliers de la honte; la loi du silence », imprimé à Paris, 1994, p
203.
271 Toutes les conventions, recommandations et résolutions de l'OMI sont disponibles sur son site officiel:
www.imo.org
272 Ch. BUCHET: « Les voyous de la mer », éditions Ramsey, 2003, p 66.
273 Plusieurs définitions concernant le phénomène de la complaisance sont contenues dans l'ouvrage de Ph.
BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 516. Sur l'origine des pavillons de
complaisance voir par exemple: P. BENQUET, Th. LAURENCEAU: « Pétroliers de la honte; la loi du silence »,
op. cit, p 76 et suivantes.
274 Les droits d'enregistrement au pavillon sont de 30 à 50 % inférieurs à ceux appliqués dans des États de
pavillon respectant la réglementation de sécurité.
275 P. CHAUMETTE: « L'internationalisation du travail maritime », actes du colloque « Mer et santé », Brest,
21 septembre 2001, p 139.
67
exigées par la législation en vigueur276. Les principales violations aux règles en vigueur
affectent les équipements et leur conditions d'exploitation, la qualité de l'équipage et leur
niveau de formation et de compétence. Ainsi, les navires construits à moindre prix et mal
entretenus sont à ranger avec ceux qui bien que parfaitement construits, sont armés par des
équipages totalement incompétents277.
Les navires de complaisance sont depuis longtemps dénoncés comme à l'origine de la plupart
des accidents maritimes278 mais cette réalité ne doit pas en occulter une autre. Les problèmes
d'insécurité proviennent également de certains pavillons traditionnels. Ceux-ci permettent de
faire circuler des navires sous normes, par manque de moyens ou par laxisme réglementaire.
Cette réalité élargit l'étendue de la notion de navires sous normes. Le fait que le pavillon
tunisien ne soit pas un pavillon de complaisance n'élimine donc pas la probabilité que certains
navires tunisiens soient sous normes279. Il n'empêche pas non plus le fait que des navires
étrangers sous normes circulent dans les eaux tunisiennes. Nonobstant le type de pavillon,
l'écart entre la théorie et la pratique en ce qui concerne les règles de sécurité est une réalité.
L'analyse détaillée de cette réalité fera l'objet de ce chapitre. On soulignera que l'existence de
contraintes de deux types, matérielles et économiques, fait obstacle au respect des règles
nationales et internationales de sécurité (Section 1). L'entrée en vigueur des nouvelles
mesures de sécurité et de sûreté, les codes ISM et ISPS, bien qu'elle favorise la diminution des
risques en mer, participe à l'évolution de ces contraintes (Section 2).
276 Les normes minimales sont de deux sortes: techniques, contenues dans la convention SOLAS, la convention
des lignes de charge de 1966, les règles internationales pour prévenir les abordages en mer de 1960 et 1972 et
sociales contenues dans les différentes conventions de l'OIT.
277 R. RODIERE, M. REMOND-GOUILLOUD: « La mer, droit des hommes ou proie des États? », éditions
Pedone, 1980, p 176.
278 Voir par exemple: P. BENQUET, Th. LAURENCEAU: « Pétroliers de la honte; la loi du silence », op. cit, p
73 et suivantes.
279 La Tunisie figure actuellement sur la liste grise des navires. Les listes sont disponibles sur le site du
mémorandum de Paris:http://www.parismou.org/ParisMOU/Organisation/Annual+reports/default.aspx
68
Section 1 : Les contraintes matérielles et économiques :
Il ressort de l'examen de la réalité des choses à bord des navires de commerce tunisiens qu'une
non conformité existe entre les impératifs de sécurité et de sûreté et les pratiques opérées au
quotidien. Certains marins, et notamment certains armateurs, appliquent partiellement les
obligations qui leur incombent. D'autres n'hésitent pas à les négliger. En conséquence, le
travail et la vie à bord du navire se font dans des conditions non appropriées. Cette réalité, à
nuancer selon les navires ou les armateurs, s'explique par l'existence de contraintes de nature
matérielle (Paragraphe 1) ou de nature économique (Paragraphe 2) .
280 L'article 45, alinéa 1 du Code du travail maritime (CTM) dispose que « le défaut constaté avant le
commencement du voyage , des connaissances requises du marin pour l'accomplissement du service pour lequel
il s'est engagé, constitue une juste cause de résiliation du contrat maritime ». Cela étant, la jurisprudence
tunisienne n'a toujours pas connu de cas de résiliation de contrat pour ce motif.
281 W. TETLEY: « Marine Cargo claims », éditions International Shipping publications, 1988, p 385.
282 Voir « Offre et formation de personnel maritime », rapport de l'OCDE, janvier 2003. Les rapports de l'OCDE
sont disponibles sur son site officiel www.ocde.org. Voir également Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la
sécurité maritime », op. cit, p 31.
69
d'une conjoncture du marché de travail en Tunisie (b).
1) Les normes de formation des marins sont complexes. Leur lecture laisse
apparaître des textes assez longs et extrêmement détaillés. Le recours à des termes techniques
confus est chose courante. De surcroît, de nouveaux termes techniques apparaissent avec
chaque nouveau document de sécurité publié285. Cette complexité alourdit la compréhension
des mesures juridiques et techniques et contribue à une mauvaise application des normes de
sécurité et peut donc être considérée comme une source de risque maritime. Si l'on ajoute à
cela les perfectionnements technologiques permanents dans le domaine des méthodes de
gestion des flottes de commerce, le suivi et le contrôle sérieux des formations de l'équipage
embarqué devient encore plus difficile à réaliser286. D'un autre côté, la densité qui caractérise
la norme de sécurité en général287 contribue à la rendre complexe. Le temps de
compréhension, d'adaptation et de familiarisation avec les normes reste relativement long.
2) La norme est lacunaire: Elle fait appel à des règles d'application restrictive. Ceci peut
être vérifié sur trois plans:
2.1) La norme de formation exclut certains marins: La sécurité devrait être l'affaire de
tous les marins étant donné qu'un accident en mer mettrait en danger la vie de tous. Pourtant,
les normes de sécurité n'impliquent pas toujours tous les acteurs à bord. On regrettera comme
l'a fait la doctrine, que la convention STCW n'impose pas une formation aux techniques
283 Voir par exemple: Ph. BOISSON: « La problématique des normes », Annuaire du droit maritime et
océanique (ADMO), tome XVI, 1998, p 175.
284 Ph. BOISSON: « La problématique des normes », op. cit, p 176 et suivantes.
285 Il en est ainsi par exemple des différents brevets et certificats de compétence instaurés par la convention
STCW, op. cit.
286 D. RETUREAU: « Sécurité maritime et formation des gens de mer », au colloque « Sécurité maritime et
protection de l'environnement, évolution et perspectives », Brest, 11-13 mars 2002.
287 A côté des normes internationales, les lois nationales sont souvent suivies de décrets, arrêtés et autres textes.
70
maritimes à toutes les catégories de personnel. Sont ainsi exclus les agents de la maîtrise
technique tels que le maître machine ou le maître électricien288. Dans la pratique, ces marins
acquièrent leurs formations dans des écoles spécialisées non réservées aux marins289.
2.2) La norme de formation est trop peu exigeante et il convient de déplorer cette
réalité. La convention STCW est la convention de référence en matière de formation maritime
à l'échelle internationale. Pourtant, il ressort de la lecture de ses dispositions que toutes les
normes de formation exigées sont d'un seuil minimal. Les normes ainsi voulues, laisseraient
une marge d'appréciation au marin et à l'armateur. On doute qu'une connaissance minimale
des métiers de la mer puisse neutraliser ou même minimiser les facteurs d'insécurité.
Toutes ces considérations font que le niveau de formation des marins escompté en théorie est
difficilement réalisable en pratique. Si cette difficulté inhérente à la norme de formation est
commune à tous les marins dont l'État a ratifié la convention STCW, les marins tunisiens ont,
en plus, des raisons afférentes à leur culture et à leur histoire qui font que leur formation
pourrait ne pas correspondre au niveau de formation garantissant la sécurité en mer (b).
288 R. CUISIGNIEZ: « La réglementation de sécurité à bord des navires marchands », op. cit, p 90.
289 Entretien avec B. LAATIL, sous directeur du Service des gens de mer à l'OMMP, La Goulette, le 17 octobre
2007, réactualisé.
290 Entretien avec M. LAHMAR, officier tunisien, le 18 octobre 2007, réactualisé.
71
b) La nature de la qualification des marins; conséquence d'une conjoncture sociale et
historique en Tunisie :
Les marins embarqués sur des navires de commerce tunisiens sont en grande majorité de
nationalité tunisienne291. La Tunisie est un État jeune, indépendant depuis quelques décennies.
A la suite de son indépendance292, l'État a fait appel à des compétences étrangères pour l'aider
à se construire dans divers domaines; économiques, culturels et même sur le plan commercial.
A côté des marins tunisiens, plusieurs officiers embarqués sur les navires tunisiens étaient de
nationalité française293. Les marins subalternes, quant à eux sont de nationalité turque
marocaine ou serbe. Ce paysage de la marine tunisienne changea au fur et à mesure des
années. Le nombre des marins étrangers diminua graduellement laissant la place à des marins
de nationalité tunisienne ayant reçu leur formation en Tunisie ou à l'étranger. Aujourd'hui, il
est rare qu'un armateur tunisien fasse appel à une main d'oeuvre étrangère. Cette réserve de
nationalité est actuellement ancrée dans le monde maritime tunisien. Il s'agit là d'un simple
choix des gens du métier et non pas d'une obligation réglementaire. La législation tunisienne
n'interdit pas de faire appel à une main d'oeuvre étrangère. Cette évolution de l'histoire des
métiers de la mer en Tunisie fait de la marine tunisienne un cas original ayant choisi le
chemin inverse de la majorité des marines dans le monde qui sont passées d'une quasi-totalité
de marins nationaux à une remarquable mosaïque ethnique.294 Seulement, en Tunisie, la
culture maritime n'est pas encore ancrée dans les esprits. Les écoles de formation, sont
relativement récentes295. Les équipes pédagogiques sont en majorité composées d'enseignants
tunisiens mais depuis seulement deux décennies. Le monde maritime tunisien est en
évolution, la qualité du marin également296.
Au dela de la qualité des compétences des marins, les conditions du lieu de vie et de travail ne
correspondent parfois pas aux exigences établies par la législation. (B)
72
B) Le cadre de vie et de travail à bord du navire :
Le bord du navire est à la fois le lieu du travail et le lieu de vie du marin. Le marin y côtoie
une communauté humaine représentant non seulement son environnement professionnel mais
également son environnement social. Parfois, faute de moyens ou encore de possibilité de
communication, les personnes présentes à bord peinent à former une communauté, un
ensemble homogène. Une telle situation favorise l'isolement du marin aussi bien pendant les
heures de travail que pendant les heures de repos (a). Par ailleurs, les marins embarqués sont
très souvent amenés à évoluer dans un cadre matériel de travail non propice à leur santé et à
leur bien être (b).
a) L'environnement social :
Il arrive que les marins embarqués sur un même navire pour une période donnée ne
communiquent pas entre eux. La communication avec les personnes à terre peut, elle aussi,
être rare voire impossible. Ceci n'est pas sans créer chez le marin un état d'isolement et de
repli sur soi (1). Le problème s'aggrave si le marin n'a pas les moyens de combattre la vie
monotone à bord ni à terre (2).
297 M. LANNEAU-SEBERT: « La mise en oeuvre du droit de la sécurité maritime », Thèse, Nantes, 2006, p
166.
73
dans la langue anglaise298 ou ce que l'OMI appelle dans sa résolution A. 918(22) « phrases
normalisées pour les communications maritimes ». En situation de crise, la réactivité de
l'équipage serait bien meilleure si tous les membres avaient en commun la même langue
maternelle299. Par ailleurs, dans les heures de repos, les intérêts des marins sont disparates et
diffèrent avec les différences de religions ou de cultures. Toutes ces réalités accentuent le
phénomène d'isolement. Un équipage composé ainsi aura certainement peu de chance pour
réussir à confronter les difficultés de la mer et constitue un risque d'insécurité. Comme en
matière de formation des marins, on ne peut que déplorer que la convention STCW ne tient
pas compte de ce phénomène, par ailleurs principalement rencontré à bord des navires
immatriculés sous des pavillons de complaisance.
Reste la question de la communication avec le monde extérieur du navire. Pendant longtemps,
le marin tunisien partant à la mer pendant une longue période n'avait pas de moyens de
communication avec les siens restés à terre. La seule occasion de reprise de contact se fait lors
des escales dans un pays quelconque. Le marin profite alors des moyens de communication
terrestres300. Aujourd'hui et grâce aux progrès technologiques, plusieurs navires sont dotés de
systèmes de communication modernes tels que le téléphone et l'Internet. Cette évolution
technologique n'a pourtant pas résolu le problème. Plusieurs marins continuent à être isolés de
leurs famille. La raison étant que certaines compagnies301, autorisant les membres de leur
équipage à effectuer des communications personnelles, limitent cette faveur aux officiers soit
par principe soit en pratique. Les appels effectués à terre aux centres d'accueil des marins
restent le moyen le plus fréquent302. Cette situation d'isolement affecte la santé psychique des
marins et agit indirectement sur la sécurité du navire, de la cargaison et des personnes. Un
marin en mauvaise santé psychique n'est pas disposé à fournir un bon travail303. Par ailleurs, la
sensation d'isolement amène certains marins à rechercher une compensation dans les drogues
74
ou dans l'alcool ce qui représente une menace directe pour la sécurité de leurs personnes ainsi
que pour la sécurité du navire et ce qui les soumet à des sanctions et pénalités régies par le
CDPM304. Une meilleure solution au problème d'isolement serait la mise en place
d'installations de loisirs à bord et à terre pendant les escales. Encore faut-il que leur existence
soit garantie (2).
75
transports maritimes311. Au plan pratique, il s'agit d'un certain nombre de services tels que des
moyens de communication et l'accès aux soins 312. Sont également mis à la disposition du
marin un certain nombre de loisirs: des salles de réunion, de détente, de sport, ainsi que des
moyens éducatifs313. Enfin, sur un plan financier, les États membres veillent à assurer un appui
financier régulier par l'allocution de subventions ainsi que par les contributions volontaires
des armateurs et des gens de mer314. D'une manière générale, la convention précise l'ensemble
des moyens pratiques dont le marin devrait disposer pendant son escale. Des installations de
ce genre peuvent contribuer de manière sensible à atténuer le sentiment d'isolement dont le
marin pourrait être victime. La Tunisie n'a pas ratifié la convention. Certains loisirs, mais
surtout des moyens de communication, sont néanmoins mis en place dans les ports de
commerce tunisiens315. Par ailleurs, les marins embarqués sur des navires tunisiens bénéficient
des installations de loisirs dans les ports des pays étrangers dont ils font escale.
Pendant l'expédition, le marin n'est pas seulement confronté à des anomalies psychologiques
dues à son manque de communication avec la communauté à bord et avec le monde terrestre.
Sa santé physique peut, elle aussi, être altérée par l'environnement matériel dans lequel il vit
et travaille, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la sécurité de l'expédition (b).
b) L'environnement matériel :
L'ergonomie du travail et l'organisation de la vie quotidienne est un des moyens les plus
efficaces pour améliorer la sécurité de la navigation316. Il est légitime de penser qu'un marin
vivant dans des conditions convenables sera plus enclin à effectuer correctement son travail.
Le rapport entre bien-être des marins et bonne conduite du navire est donc étroit, il influe
largement sur la qualité de la gestion du navire. Le navire est une institution totale prenant en
charge la vie quotidienne comme le travail de chacun317. Le fonctionnement même de cette
institution mobile génère des causes de désagrément et de mal être. Il s'agit notamment du
bruit et des vibrations (1) qui altèrent d'une manière sensible la sécurité de l'expédition (2).
76
1) Le bruit318 et les vibrations :319
Les marins sont constamment soumis à des niveaux sonores élevés mais sont généralement
démunis des moyens de prévention efficace. Il existe, certes, le casque anti-bruit notamment
pour les mécaniciens servant dans les compartiments machines mais cela ne supprime pas
totalement la nuisance320. Cette constatation est valable pour tous les navires y compris les
plus neufs et les plus sophistiqués. Lutter d'une manière radicale contre le bruit de la machine
n'est techniquement pas d'actualité. La situation s'aggrave à bord des navires vieux ou mal
entretenus. Certains armateurs négligent les obligations de la réglementation pour plusieurs
aspects de la vie à bord, ici, en matière de protection de la santé physique de marin. Cette
permissivité débouche à bord de certains navires sur une vraie « misère humaine »321. Et
même si l'automatisation des machines a permis de tempérer l'intensité du bruit322,
l'environnement sonore reste néanmoins une réalité quotidienne dans la vie du marin. Pour ce
qui est des vibrations, il existe des équipements de travail conçus pour réduire les niveaux
d'exposition aux vibrations323.
Une fois sa journée terminée, le marin reste dans cet environnement bruyant et inconfortable
étant donné que son lieu de repos se confond avec son lieu de travail. Ainsi, il se trouve en
permanence, durant son embarquement, soumis au bruit et aux vibrations ce qui nuit à santé
et par conséquent à la sécurité de l'expédition (2).
318 Les principales sources de bruit dans les navires de commerce sont: les machines ( moteurs à combustion
interne, les appareils à vapeur), les hélices, la ventilation, les moteurs électriques.
319 Les principales sources de vibrations à bord des navires sont: L'hélice, l'appareil propulsif et les groupes
auxiliaires, les appareils de travail, les effets de la mer.
320 Lors d'une visite du compartiment machine du navire « Carthage », un des navires tunisiens les plus
modernes, j'ai constaté le niveau très élevé du bruit dans lequel travaillent les marins. J'ai également porté le
masque anti-bruit. Le niveau du bruit baisse considérablement mais n'est pas tout à fait masqué.
321 L. MERER: « Le préfet de la mer », éditions des Équateurs, 2007, p 136.
322 M. LE BIHAN-GUENOLE: « Droit du travail maritime, spécificité structurelle et relationnelle », op. cit, p
154.
323 Il s'agit de sièges atténuants les vibrations transmises à l'ensemble du corps ou des poignées atténuant les
vibrations transmises aux mains. Par ailleurs, lors de la conception du navire, le fabriquant devrait veiller à
atténuer le risque de vibrations à la source.
77
2.1) Le bruit est souvent la cause de troubles de sommeil324 ou de troubles de vigilance et
perturbations intellectuelles325. Ces troubles peuvent provoquer à bord des erreurs de jugement
qui peuvent parfois se révéler dramatiques326. Encore plus grave, le bruit et les vibrations
peuvent générer des troubles cardio-vasculaires327 ou des trouble pulmonaires plus ou moins
graves328. En Tunisie, le problème est que les marins au commerce sont privés du système
médical dispensé à terre. L'équipage des navires marchands n'inclut pas des professionnels de
santé329. Seule la formation paramédicale et au secourisme des marins dans la perspective de
telles situations prévaut. En cas de maladie ou de blessure, le marin est soigné avec les
moyens du bord. L'évacuation sanitaire est la plupart du temps non envisageable. Au mieux,
pourra t-on dérouter la navire vers le port le plus proche330.
324 Le bruit interfère avec la fonction récupératrice du sommeil ce qui conduit à une augmentation de la fatigue
et de l'irritabilité qui peut amener à l'épuisement physique et au surmenage. Voir: A. HILI: « La morbidité et la
moralité chez les marins de la Compagnie tunisienne de navigation. Étude comparée avec le personnel non
navigant: à propos de 865 cas », op. cit, p 120.
325 A. HILI: « La morbidité et la moralité chez les marins de la Compagnie tunisienne de navigation. Étude
comparée avec le personnel non navigant: à propos de 865 cas », op. cit, p 121.
326 Par exemple: Erreur de compréhension de l'ordre d'un supérieur, erreur de manoeuvre liée à une fatigue
anormale, risque d'avarie liée à une baisse de jugement...
327 Causés notamment du fait que le travail de nuit ou qui débute tôt le matin coïncide avec le moment où le
système cardio-vasculaire est normalement au repos. Une étude comparative entre les marins et les employés
sédentaires de la CTN a été effectuée par A. HILI dans le cadre de sa thèse. Elle aboutit sur les résultats suivants
en la matière: 16,7% des marins présentent des pathologies cardio-vasculaires contre 0,8% des travailleurs à
terre. Voir: « La morbidité et la moralité chez les marins de la Compagnie tunisienne de navigation. Étude
comparée avec le personnel non navigant: à propos de 865 cas », op. cit, p 74 et suivantes.
328 6,7% des marins de la CTN sont atteints de ces maladies contre 0,2 % des travailleurs sédentaires. Voir: A.
HILI: « La morbidité et la moralité chez les marins de la Compagnie tunisienne de navigation. Étude comparée
avec le personnel non navigant: à propos de 865 cas », op. cit, p 163 et suivantes. D'une manière générale,
l'organisation mondiale de la santé affirme qu'il existe au moins une centaine d'épidémies en relation avec les
transports maritimes. Les plus fréquentes sont les chutes de l'acuité visuelle et les troubles endocriniens. Pour
plus d'informations, consulter la page suivante: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs269/fr/.
329 Entretien avec A. YAHMADI, op. cit.
330 Dr D. BEN: « Le poste de médecin embarqué à bord du M/S Marion-Dufresne II: réflexion à propos d'une
expérience personnelle de cinq campagnes océanographiques, de 1998 à 2002 »
http://www.mersante.com/Ben.pdf, p 26.
78
2.3) Le bruit peut altérer d'une manière directe la sécurité et la sûreté de l'expédition.
L'environnement sonore peut masquer un message d'avertissement ou une alarme signalant un
danger envoyé d'un marin aux autres. Il contribue ainsi à bord à créer une ambiance de
négligence et d'inattention.
Les contraintes représentant des risques d'insécurité en mer ne se limitent pas à celles
précédemment exposées. Le paragraphe suivant (paragraphe 2) traitera d'autres contraintes,
d'une autre nature.
331 Le dernier rapport en date consacré à cet aspect date de 1996. Il s'intitule: « Avantages concurrentiels dont
bénéficient certains armateurs du fait de l'inobservance de règles et des normes internationales en vigueur »,
disponible sur le site officiel de l'OCDE: www.ocde.org
332 « Le coût du transport pétrolier a diminué de 15% entre 1992 et 2000 grâce à une moindre maintenance des
bateaux et une sous rémunération des équipages ». Ch. BUCHET, « Les voyous de la mer », op. cit, p 44.
333 On entend par effectif le nombre de marins embarqués formant l'équipage.
334 Op. cit.
79
même principe335. L'administration maritime assure le contrôle de cette disposition en donnant
son visa à l'effectif. Cette autorisation tient nécessairement compte de différents paramètres
tels que la durée effective de travail, les compétences de chaque marin embarqué, la taille du
navire, son niveau d'automatisation336. A l'issue de ce contrôle, l'administration délivre une
autorisation sous forme d'un document papier devant être conservé à bord de chaque navire. 337
L'armement du navire n'est donc pas l'affaire de l'armateur qu'il tirerait de son droit de chef
d'entreprise, puisé dans la liberté du commerce et de l'industrie 338. La raison étant qu'il ne
suffit pas pour assurer la sécurité de l'expédition que chaque marin soit compétent, l'ensemble
de l'équipage devrait être suffisant en nombre pour pouvoir assumer l'ensemble des tâches
nécessaires à la marche du navire. Pourtant, le problème de réductions d'effectifs a atteint
d'après la doctrine une ampleur manifestement déraisonnable339. Il convient de voir les causes
de ce phénomène (a) ainsi que les répercussions sur la sécurité de l'expédition (b).
a) Les causes :
Il est constaté que la pratique armatoriale tend à réduire le nombre de marins à bord dans une
optique constante de réduction de coûts de l'expédition 340. Ainsi par exemple, le capitaine se
trouve souvent contraint de prendre le quart ce qui permettra à l'armateur d'embarquer un
officier de moins. Seulement, pendant le quart, le capitaine n'a plus le temps de s'occuper de
problèmes capitaux tels que la question de la sécurité.341
Les causes de ce phénomène sont multiples :
1) L'automatisation :
Il s'agit du remplacement de l'homme par la la machine342. Cette dernière est devenue
incontournable et essentielle à la création de la richesse. L'automatisation permet d'exploiter
335 Article 32 du décret n°74-1001 du 16 novembre 1974 relatif à la réglementation du travail à bord, à la
fixation des effectifs minimaux et à la répartition des personnels affectés au service du navire, op. cit.
336 Article 33, du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
337 Op. cit.
338 Ch. EOCHE-DUVAL: « Effectifs autorisés, effectifs embarqués », DMF, septembre 2002, p 691.
339 R. CUISIGNEZ: « La réglementation de sécurité à bord des navires marchands », op. cit, p 93.
340 Le commandant ADRILLON interviewé par les auteurs de « Pétroliers de la honte; la loi du silence » (op.
cit, p 114) affirme: Aujourd'hui un super-pétrolier de 300 000 tonnes navigue avec moins de trente hommes. Au
cours des années soixante, un 60 000 tonnes embarquait cinquante personnes ».
341 « C'est une pratique répandue dans plusieurs États, y compris la Tunisie. Elle est notamment pratiquée sur
les petits navires ». Entretien avec M. LAHMAR, op. cit.
342 Les panneaux de cale hydrauliques, les gouvernails et grues automatiques ont remplacé l'homme. Par
ailleurs, les salles des machines automatisées où les mécaniciens travaillent de jour sont fermées et commandées
depuis le pont la nuit.
80
des bâtiments plus grands, plus rapides et plus complexes avec des équipages moins
nombreux. Elle remplace l'homme dans plusieurs postes à bord343.
Certains estiment que que la contraction des effectifs des équipages est un phénomène normal
de substitution de l'homme par la machine, du travail par le capital 344. Reste à prendre en
considération la spécificité de la société vivant à bord du navire. Les situations d'urgence
telles que les incendies et abordages exigent nécessairement une contribution en nombre
suffisant de personnes. Par ailleurs, on a tendance à oublier qu'une machine ne possède pas les
compétences sensorielles ou analytiques d'un être humain, sans parler de sa capacité créative
et imaginative.345 Ajoutons à cela que l'automatisation des navires exige une attention et un
contrôle permanents346, ce qui représente une charge de travail supplémentaire pour un effectif
déjà réduit. Initialement présentée comme une technique visant à simplifier, améliorer et
humaniser les conditions du travail à bord347, l'automatisation crée, en réalité, une contrainte.
Il s'agit de la fatigue générée par une surcharge de travail. Par ailleurs, dépourvue des
capacités sensorielles de l'être humain, elle ne peut, à elle seule, diminuer les risques
d'insécurité en mer. Cela étant, l'automatisation est loin d'être la cause principale du
phénomène de réduction des effectifs. Il s'agit de la réduction des coûts de l'expédition sous
l'effet des pressions économiques (2).
81
larges écarts observés dans les dépenses annuelles d'exploitation en matière de transport
maritime international prouvent que l'exploitation sous normes dégage des marges
importantes pouvant représenter une économie journalière de plusieurs dollars349. La doctrine
constate à ce propos, que plusieurs marins dans le monde « sont payés moins de 300 euros par
mois pour un travail de 80 heures par semaine sans dimanche ni jours fériés... dans des
conditions d'insalubrité inimaginables »350. Si les deux éléments vont généralement de pair à
bord des navires de complaisance, le recours à la réduction d'effectif est la pratique la plus
courante au sein des pavillons traditionnels. Le pavillon tunisien, pavillon traditionnel, ne s'est
pas livré à la pratique de sous paiement des marins. D'ailleurs, sur une échelle nationale, les
marins font partie de la catégorie sociale des travailleurs les mieux payés351. Bien payés mais
ne travaillant pas dans de bonnes conditions car en sous-effectif. La sécurité devient un enjeu
marchand parmi d'autres dans la concurrence entre pavillons.
La réduction d'effectif est également le fruit de certaines lacunes législatives (3).
349 Rapport de l'OCDE, op. cit, p 29. Il s'agit d'une économie de 13% sur le coût d'exploitation.
350 Ch. BUCHET: « Les voyous de la mer », op. cit, p 63.
351 Le salaire minimum d'un matelot est de 1000 dinars tunisiens. Le salaire minimum d'un travailleur terrestre
est de 220 dinars.
352 R. CUISIGNEZ: « La réglementation de sécurité à bord des navires marchands », op. cit, p 93.
353 Article 37 du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
354 Entretien avec T. BEN SALAH, op. cit.
82
remarque concerne la dérogation spéciale que pourrait accorder l'administration. Il s'agit,
d'une autorisation pour embarquer un effectif inférieur en nombre et en qualité à celui ayant
obtenu le visa. L'article autorisant cette dérogation n'avance pas les arguments sur lesquels
l'administration se baserait pour l'appliquer; les articles suivants du décret ne le font pas non
plus. La décision reviendrait, à priori, à la seule appréciation de l'administration.
Il apparaît, ainsi, que le phénomène de la réduction des effectifs ne pourrait pas être réglé avec
la norme seule. Pourtant, ses répercussions sont assez lourdes pour la bonne conduite du
navire, et par conséquent pour la sécurité en mer(b).
1) Avec la généralisation des équipages réduits, le personnel doit supporter une charge
de travail importante. La prolongation du temps réglementaire de travail autorisée par la
législation tunisienne355 est de fait, une chose ordinaire. Seulement, la prolongation
réglementaire est prévue dans certaines circonstances exceptionnelles notamment en cas de
danger imminent menaçant le navire ou sa cargaison356. La prolongation est également
autorisée en cas de manque d'effectif exceptionnel dû à la blessure ou à la maladie d'un ou de
plusieurs marins embarqués357. Elle doit par ailleurs répondre à certains critères: elle est
exceptionnelle et temporaire358. Avec la réduction des effectifs, la prolongation du temps de
travail et par conséquent la réduction du temps de repos devient la règle 359. Par ailleurs, la
législation précise que dans tous les cas, le capitaine devrait notifier la prolongation de travail
à l'administration maritime conformément aux dispositions réglementaires360. Avec une
prolongation de travail presque automatique, étant donné le phénomène de réduction des
effectifs, les capitaines de navires respectent-ils automatiquement cette disposition? La
pratique montre que non361.
83
La charge supplémentaire de travail affecte d'une manière directe la sécurité de l'équipage et
par conséquent celle de l'expédition entière. Accompagnée généralement de manque de
sommeil, une surcharge de travail génère inévitablement de la fatigue362. La législation
tunisienne sur les effectifs fait allusion à cette conséquence lorsqu'elle appelle à prévoir un
nombre suffisant de marins pour « éviter tout surmenage de l'équipage et supprimer ou
restreindre autant que possible les heures supplémentaires »363.
La fatigue a des conséquences mentales graves364. Elle agit, par ailleurs, sur la vigilance365 des
marins dont la sécurité du navire dépend considérablement. La fatigue pourrait donc conduire
à un mauvais choix, à l'erreur humaine366. C'est une cause certaine d'insécurité maritime. La
doctrine souligne que de nombreux accidents sont provoqués par des marins souffrant de la
fatigue en raison de la combinaison de niveaux d'effectifs inadaptés, d'horaires de travail
irréguliers et de la non-prise en compte des facteurs liés à l'exploitation 367. Concrètement, la
fatigue rend les manoeuvres du marin plus aléatoires, la veille368 moins attentive et l'entretien
du navire moins rigoureux. L'obligation de veille à bord des navires, principale obligation de
la convention COLREG369, est un élément fondamental de la sécurité maritime. Le défaut de
veille peut engendrer divers événements de mer tels que les échouements, les heurts ou les
collisions370. Ainsi « tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive
appropriée en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux
circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la
situation... ». En pratique, dans le but d'identifier tout risque d'accident, l'équipage devrait
utiliser le matériel à disposition tel que la radio et le radar371. Encore faut il que ce matériel
cit.
362 Elle se traduit par une diminution des capacités physiques et mentales.
363 Article 32 (c), du décret du 16 novembre 1974, op. cit.
364 Parmi les conséquences mentales de la fatigue on trouve: « raisonnement erroné et confus, mémoire
défaillante, ralentissement des réflexes et des réactions psychologiques, complications respiratoires et gastro-
intestinales... »: B. DUJARDIN: « De la fortune de la mer, regard sur la sécurité maritime », op. cit, p 93.
365 C'est l'état optimum du cerveau qui permet de prendre des décisions conscientes.
366 La doctrine définit l'erreur comme étant « un écart à la norme », J. LEPLAT: « Erreur humaine, fiabilité
humaine dans le travail », éditions Armand Colin, 1985, pp 18 et 137.
367 Cdt Th. ROSSIGNOL: « Niveau des effectifs de sécurité des navires », op. cit.
368 L'obligation de veille à bord des navires est un élément fondamental de la sécurité maritime, son objectif
étant d'éviter que ne surviennent des collisions et des échouements.
369 COLREG Règlement international pour prévenir les abordages en mer ( Collision Regulation) adoptée à
Londres le 20 octobre 1972, entrée en vigueur le 15 juillet 1977, ratifiée par la Tunisie en vertu de la loi 77-70 du
7 décembre 1977, autorisant l'adhésion de la Tunisie à la convention sur le règlement international de 1972 pour
prévenir les abordages en mer, JORT du 9-13 décembre 1977, p 3371. Le texte de la convention se trouve in
« Droit international de l'environnement, Traités multilatéraux », éditions Kluwer, 1974, p 972.
370 Une des plus grandes catastrophes maritimes, le naufrage de l'Exxon Valdez survenu le 23 mars 1989 au
large de l'Alaska était la conséquence d'un défaut de veille.
371 Règle 7, paragraphe b de la convention COLREG, op. cit.
84
soit disponible et performant, on y reviendra ultérieurement.
L'obligation de veille fait partie de la formation des gens de mer. Des précisions sur
l'organisation de la veille sont d'ailleurs apportées par la convention STCW qui dispose à ce
propos que cette obligation consiste à assurer une surveillance visuelle appropriée pour
évaluer pleinement la situation et les risques d'abordage ou d'échouement ainsi que les autres
dangers pour la navigation372. Une illustration du risque d'insécurité que génère la fatigue
provoquée par la réduction des effectifs se trouve dans une étude373 publiée sur le site des
capitaines de France374. Elle montre les résultats suivants:
● Un quart des marins participant à l'étude admet s'être endormi au quart.
● Plus d'un tiers déclare que les heures de travail posent un danger pour le navire.
● Environ la moitié des marins interrogés travaillent 85 heures ou plus par semaine et
considèrent que les heures de travail sont un danger pour la sécurité personnelle.
En dehors de la surcharge du travail et de la fatigue, la réduction des effectifs à bord des
navires est la source d'autres facteurs d'insécurité maritime (2).
2) La réduction extrême des équipages n'affecte pas seulement la santé physique du marin.
Elle provoque également son isolment ou doit-on dire qu'elle accentue son isolement? Les
marins, en nombre réduit, ne se croisent plus sauf à la relève du quart. Cet isolement forcé
devient sources de pathologies psychiatriques au même titre que l'éloignement et les autres
causes d'isolement étudiées dans la paragraphe précédent. Il convient par ailleurs, de souligner
que la baisse continue d'effectif embarqué et le recours à des technologies de plus en plus
complexes, instaurent une pression de plus en plus forte sur les marins dont les responsabilités
individuelles et le stress sont en hausse375. D'ailleurs, ce développement technologique, à lui
seul, favorise l'insécurité en mer. Les navires de plus en plus gros, ne se prêtent pas à des
manoeuvres subtiles dans les voies navigables étroites et l'équipage doit être plus attentif au
risque d'abordage ou de piraterie376. Quoiqu'il en soit, il apparaît que la réduction des effectifs
menace la santé du marin et par conséquent la sécurité de l'expédition.
85
En guise de solution aux problèmes provoqués par la réduction des effectifs embarqués,
L'OMI a adopté en novembre 2003 la résolution A772 (18) intitulée « Prise en compte des
facteurs de la fatigue sur le plan des effectifs et de la sécurité »... Dans le cadre de cette
résolution la fatigue apparaît non seulement comme conséquence de l'effectif réduit de
l'équipage qui génère des longues périodes de travail et un manque de repos mais également
la conséquence de facteurs psychologiques. La recommandation appelle à prévoir
« suffisamment d'officiers de pont qualifiés pour éviter que le capitaine soit tenu d'assurer
régulièrement le quart »377. On déplorera à cette égard que l'organisation a agit en terme de
recommandation et non pas dans le cadre d'une convention qui contraindrait les États
signataires. Encore une fois, la solution ne pourrait pas être recherchée au niveau de la norme.
Les économies des armateurs souhaitant être concurrentiels touche également le budget alloué
à l'achat et l'entretien des équipements du navire (B).
1) Le navire doit être apte à naviguer. Cette aptitude, si elle ne constitue pas une sécurité
totale car le risque en mer reste inévitable, elle correspond néanmoins à une condition
essentielle de la sécurité de la navigation et de la protection de l'environnement 378. La qualité
du facteur technique est depuis longtemps reconnue comme étant une condition de la sécurité
de l'expédition379. Un équipage de la meilleure qualité constitue, malgré tout, une source de
377 Cette recommandation est contenue dans le paragraphe 2.2.3 de la résolution A.481 (XII).
378 F. ODIER: « L'autorégulation par la profession », du colloque « Sécurité maritime et protection de
l'environnement, évolution et perspectives». Brest, 11-13 mars 2002.
379 La première version de la convention SOLAS datant de 1914 accordait déjà de l'intérêt au facteur
86
danger s'il se trouve à bord d'un navire vieilli ou mal entretenu. La doctrine nous explique que
la matière qui compose le navire s'épuise à la mer par le fait du sel, de l'humidité et des
mouvements des vagues380. L'entretien régulier des navires est donc indispensable381. Il
n'empêche pas, pour autant, le vieillissement du navire, mais il le retarde. Un navire vieilli est
un navire sous normes382. Un navire sous normes est un danger assuré pour la sécurité en mer.
L'armateur est tenu de prendre en compte toutes les normes relatives à la construction et à
l'entretien réglementaires des navires afin de satisfaire aux différents contrôles de sécurité383.
A ce titre, il doit veiller à l'existence et au bon fonctionnement des appareils et autres
machines susceptibles de nuire d'une manière ou d'une autre à la sécurité du navire. Ceci
nécessite que les divers dispositifs destinés à assurer la sécurité fonctionnent normalement.
Pour ce faire, l'armateur engage des dépenses dans les domaines suivants:
● L'investissement dans des dispositifs de sauvetage, de matériel de lutte contre l'incendie et
d'autres dispositifs de sécurité.384
● Le maintien du navire aux conditions de sécurité technique et de navigabilité.
● Enfin, étant donné que les normes de sécurité suivent les évolutions technologiques,
l'armateur devrait accorder des coûts supplémentaires de mise à jour des normes.
Il est à noter que l'investissement dans l'achat et l'entretien du matériel a un coût élevé 385.
Mais l'armateur est également tenu d'investir dans les besoins quotidiens des marins, la
nourriture et le couchage (2).
2) La nourriture et le couchage :
Rappelons le, l'armateur est tenu de nourrir les marins386. La nourriture devrait être « saine, en
quantité suffisante, de bonne qualité et d'une nature appropriée au voyage entrepris »387. D'un
autre côté, l'armateur est tenu de fournir aux marins des objets de couchage installés dans des
aménagements « ventilés et éclairés, proportionnés au nombre des occupants et exclusivement
technique.
380 B. DUJARDIN: « De la fortune de la mer, regard sur la sécurité maritime », op. cit, p 90.
381 L'entretien des navire tunisiens se fait au chantier naval de Menzel Bourguiba.
382 B. DUJARDIN: « De la fortune de la mer, regard sur la sécurité maritime », op. cit, p 90.
383 Les normes générales de construction et d'équipement des navires sont contenues dans le chapitre II de la
convention SOLAS.
384 Le navire doit être équipé entre autres de cartes, boussoles, combustibles, pièces de rechange, chaloupes,
treuils...
385 « vingt pour cent de l'investissement sont imputables aux équipements destinés soit à assurer la sécurité soit
à lutter contre les incendies », P. BENQUET, Th. LAURENCEAU, « Pétroliers de la honte; la loi du silence »,
op. cit, p 215.
386 Article 99, alinéa 1er, du CTM, op. cit.
387 Article 100 du CTM, op. cit.
87
réservés à leur usage »388. Notons également que la nourriture suffisante et le logement
adéquat constituent non seulement une obligation réglementaire mais aussi un droit humain
élémentaire. Par ailleurs, l'existence de ces deux éléments influe d'une manière directe sur la
capacité physique du marin à accomplir son travail389. A côté de l'achat et de la préservation de
la nourriture, les dépenses engagées à ce titre concernent le recrutement d'un cuisinier à bord
des navires pratiquant des traversées internationales390. Le législateur tunisien permet au
marin qui estime que la ration journalière de nourriture est insuffisante ou de mauvaise qualité
de demander une indemnité équivalente à la valeur des vivres non distribués. L'autorité
391
maritime fixe le montant de cette indemnité en guise de tentative de conciliation entre le
marin et l'armateur392. Si la conciliation n'aboutit pas pour quelque raison que ce soit, le
législateur donne au marin la possibilité de saisir le juge compétent393. La recherche
jurisprudentielle montre que le juge tunisien n'a pas encore été saisi de ce type de requête,
l'administration maritime tunisienne déclare avoir toujours réussi la conciliation394.
Pour ce qui est du couchage, les dépenses concernent l'achat et l'installation du matériel ainsi
que son entretien. Rappelons que le marin a, lui aussi, des obligations dans ce domaine. Il doit
participer à l'entretien de l'équipement mis à sa disposition et est tenu au paiement des
dommages-intérêts en cas de détérioration anormale ou de perte résultant de sa faute.395
En pratique, le constat est que l'existence et le maintien de l'équipement de toute nature n'est
pas toujours une priorité d'entreprise intégrée dans ce qui devrait être une « éthique
professionnelle »396. Ainsi, certains armateurs n'hésitent pas à maintenir en exploitation des
navires âgés, amortis, peu entretenus ou encore rouillés397. Ainsi, le risque d'accident s'accroît
avec la vieillesse des navires étant donné la fatigue statique398 et dynamique399 de la coque. Par
ailleurs, en matière de couchage et de nourriture, l'intérêt que l'on apporte à ces éléments
388 Article 106 alinéas 1 et 2, CTM, op. cit.
389 Voir A. HILI: « La morbidité et la moralité chez les marins de la Compagnie tunisienne de navigation. Étude
comparée avec le personnel non navigant: à propos de 865 cas », op. cit, p 99 et suivantes.
390 Article 99 alinéa 2, CTM, op. cit.
391 Article 102, CTM, op. cit.
392 Article 152, CTM, op. cit.
393 Article 158, CTM, op. cit. Le juge compétent en la matière est le juge civil.
394 Entretien avec M. BOUAZIZ, chef division de la navigation maritime à l'OMMP, La Goulette, le 18 octobre
2007, réactualisé. A noter que la situation économique du marin (payé 5 fois plus que la moyenne d'un travailleur
terrestre) contribue probablement à éliminer les sources de conflit entre les marins et leur hiérarchie.
395 Article 106, alinéa 3 du CTM, op. cit.
396 L. LUCCHINI, M.VOELCKEL: « Droit de la mer », tome 2, volume 2, Pedone, 1996, p 313.
397 Le rapport de l'OCDE de 1996 montre que les économies réalisées par les armateurs peu scrupuleux de
l'application de la législation sont telles que les armateurs ont intérêt à enfreindre les textes les plus
contraignants: Les navires hors normes dégagent jusqu'à 15% d'économie sur la sécurité.
398 Se développant au cours des opérations portuaires.
399 Causée par le déplacement vertical de l'eau qui provoque des efforts sur la coque.
88
varie considérablement d'un navire à un autre400. Il dépend de la générosité de l'armateur et de
ses convictions personnelles. Les armateurs les plus scrupuleux admettent qu'un marin en bon
état physique est plus à même de fournir son travail. Il fournissent par conséquent un
couchage et une nourriture de qualités convenables.
D'autres armateurs, toujours dans l'optique d'un gain rapide et facile n'accordent pas d'intérêts
à cet aspect. A en croire les professionnels de la mer, la situation se dégrade encore plus à
bord des navires de pêche401.
b) Les conséquences :
L'inobservation des normes techniques d'équipement et d'entretien des navires génère des
risques pour la sécurité du navire et pour la vie et la qualité de vie des marins403. La
négligence matérielle conduit à des pertes importantes non seulement financières mais
également en termes de vies humaines. Il en est ainsi du navire portant pavillon tunisien
« Amira I » qui a sombré dans les eaux glacées de la mer noire le 9 janvier 2003 404. Quatorze
marins ont péri. Le rapport de la commission d'enquête après accident405 a confirmé l'état
déplorable du navire qui a certainement conduit à sa perte. Plusieurs éléments de l'enquête
montrent la défaillance de l'équipement du navire voire du navire même. Ainsi, il a été noté
qu'à la suite d'un contrôle technique effectué au chantier naval de Menzel Bourguiba en date
du 28 mai 2002 une autorisation de navigation de sept mois a été délivrée au navire406.
L'accident est intervenu au delà des sept mois. Une semaine avant l'accident l'autorité
400 Lors d'une visite organisée par les soins de l'armateur CTN à bord de l'un de ses navires de commerce
« Ulysse », j'ai pu constater que la nourriture de l'équipage est d'une bonne qualité. Seulement, certains marins
m'ont confié que tel n'était pas le cas de tous les navires de commerce tunisiens. La qualité se dégrade
généralement selon la taille et la qualité du navire.
401 Entretien avec M. LAHMAR, op. cit.
402 J-P. BEURIER: « Le transport maritime, le droit et le désordre économique international » in « La mer et
son droit », mélanges offerts à Laurent LUCCHINI et Jean-Pierre QUENEUDEC, éditions Pedone, 2003, p 91.
403 R. GOY: « Mort, lésions corporelles et abandon de marins, de l'OIT à l'OMI », annuaire du droit de la mer,
tome VIII, 2003, p 420.
404 « Le naufrage d'Amira I », in le quotidien tunisien « Assabah » ( le matin) , le 10 janvier 2003, p 2.
405 Il est regrettable que les rapports d'enquêtes en Tunisie ne soient pas publics. Ceux-ci permettraient aux
chercheurs de mieux cerner la matière. Le rapport d'enquête étudié dans ce paragraphe et rédigé en langue arabe
littéraire a été gracieusement fourni par Me Habib BOUOMRANE, avocat des familles des victimes.
406 Rapport d'enquête, op. cit, p 12.
89
portuaire de Mariupol en Ukraine a constaté que le niveau de la mer dépassait le niveau de la
ligne de charge407. Le 7 janvier 2003, deux jours avant l'accident, le capitaine a déclaré à
l'armateur les conditions météorologiques difficiles et l'état d'eau glacée408. De plus,
l'armateur sachant sciemment que le certificat de navigation de son navire ne permettait pas
une navigation dans les eaux glacées n'a pas ordonné la suspension du voyage. La
commission d'enquête estime que la navigation dans les eaux glacées pourrait provoquer une
fissure dans la coque permettant à l'eau de pénétrer dans le navire 409. Le capitaine a
également déclaré une fuite de gaz au niveau du moteur que les officiers mécaniciens
essayaient de réparer410.
Le rapport d'enquête rapporte également un résumé des témoignages de marins ayant déjà été
embarqués à bord de ce navire. Il s'avère alors que l'état du navire était déplorable et que
certaines machines nécessitaient d'importantes réparations. Le moteur, notamment, souffrait
de plusieurs anomalies411. Quelle conclusion pourrait on tirer de cette déclaration? Les
catastrophes maritimes, à côté de la négligence des armateurs sont elles l'oeuvre d'un système
de classification défaillant ou du moins lacunaire? On y reviendra dans les prochains
chapitres.
Le procès « Amira I » est aujourd'hui encore devant les tribunaux.
Que répondent les armateurs à qui on reproche l'obéissance à des considérations
essentiellement financières? Ceux qui acceptent de l'admettre se réfugient derrière la
faiblesse du prix du transport, le taux de fret 412. Si le taux de fret sur le marché est bas,
l'armateur agit sur les frais d'exploitation, notamment les salaires ainsi que le renouvellement
ou l'entretien des navires pour maintenir une rentabilité positive. Ainsi, les pressions
financières croissantes, les incertitudes sur le taux de fret et l'intensification de la
concurrence413 ont contraint de plus en plus certains armateurs à réduire les coûts de gestion
de la sécurité avec le risque d'enfreindre les règles de sécurité. Seulement, en continuant à
407 Rapport d'enquête, op. cit, p 19. Les lignes de charge indiquent les différentes limites d'immersion du navire.
Elles correspondent à l'enfoncement maximal permis selon les saisons et les régions maritimes. Pour plus de
détails, voir Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 240.
408 Rapport d'enquête, op. cit, p 20.
409 Op. cit, p 43.
410 Op. cit.
411 Rapport d'enquête, op. cit, p 22.
412 « Il n'y a pas de logique financière, il y a simplement une logique de survie. Si pour survivre, il faut être
financiers, alors nous serons financiers, si pour survivre, il faut être armateurs, alors nous serons armateurs. Dans
la pratique, nous sommes les deux à la fois », propos d'un armateur in « Pétroliers de la honte », op. cit, p 134.
413 Sur ces sujets, voir par exemple: P. BENQUET et Th. LAURENCEAU: « Pétroliers de la honte; la loi du
silence », op. cit, p 131 et suivantes.
90
accepter des prix de transport bas grâce aux économies réalisées de l'achat de navires sous
normes, ces armateurs contribuent à tirer le taux de fret vers le bas entraînant, de cette
manière, l'ensemble des armateurs et négligeant plus que jamais la nécessité de la sécurité de
l'expédition maritime.
Par ailleurs, les pénalités encourues pour non application de la législation restent largement
en deçà des économies réalisées. L'article 96 du CDPM tunisien414 souligne la faiblesse des
sanctions pénales. Il dispose que l'armateur ou le propriétaire du navire qui ne se conforme
pas aux prescriptions du CTM est « puni d'une amende de 300 dinars415 pour chaque
infraction constatée ». Ces pénalités sont insuffisantes et peu dissuasives pour les armateurs.
Reste que la législation donne une possibilité au marin de formuler une plainte auprès de
l'administration maritime en raison de l'inobservance de certaines obligations de l'amateur416.
L'administration après avoir engagé une enquête, tentera la voie de réconciliation entre le
marin et l'armateur. En cas d'échec de cette voie, le marin pourrait saisir le juge. Celui-ci n'a
pas encore connu de jurisprudence de ce type.
Pour le reste, la défense en amont des conditions de vie et de travail des marins s'organise au
niveau national autour du syndicat des marins417 sis au sein de la Compagnie tunisienne de
navigation. Son rôle reste peu influent, faute de moyens et de personnels. Cela étant, le
syndicat essaye, depuis quelques années, de faire pression sur le pouvoir législatif pour
accélérer l'adhésion de la Tunisie à la convention maritime globale de 2006 de l'OIT 418.
Ainsi, la condition quotidienne des marins met un ensemble de contraintes qui paraissent
difficiles à surmonter. Les nouvelles mesures de sécurité et de sûreté, instaurées par les codes
ISM et ISPS, se donnent comme objectif de réduire les risques d'insécurité et le nombre
d'accidents en mer. Il va de soi que les contraintes matérielles et économiques, constituant
une source directe d'insécurité, devraient être prises en considération par cette nouvelle
législation (Section 2).
91
Section 2 : L'incidence des nouvelles mesures internationales de sécurité et de
sûreté maritimes sur les contraintes existantes :
419 « Il est certain que si l'on applique correctement les dispositions des codes, on parviendra à l'amélioration
progressive d'un certain nombre de navires sous-normes », in M. NEUMEISTER: « OCDE: l'intérêt financier
des navires sous normes », JMM, 2 février 1996, p 314.
420 Y. MARCHAND: « La maîtrise du code ISM », JMM du 31 mars 1995, p 787.
421 Cdt J. MOIZAN: « La sécurité dans le transport maritime: Comment les entreprises intègrent la sécurité au
quotidien? » in « Sûreté et sécurité, quels enjeux économiques pour les industries maritimes », actes du colloque
ISEMAR, 4 mars 2004, p 30.
422 J-P. BEURIER: « Le transport maritime, le droit et le désordre économique international », op. cit, p 93.
92
vraisemblablement pas pris en compte cet élément (B).
93
l'embarcation voire de l'environnement marin. « Il s'agit là d'une réflexion certainement
infondée. Les violations de normes de sûreté sur des petites embarcations effectuant des
traversées nationales ou internationales, en Tunisie et ailleurs, constitue une vraie menace
pour la sûreté en mer »426, estiment les professionnels de la mer. Ainsi, le caractère restrictif
du champ d'application des normes de sûreté laisse ouvert la porte à des risques d'insécurité.
426 Entretien avec M. BOUAZIZ, op. cit. A noter que les rapports d'enquêtes ainsi que les statistiques des
accidents de navires en Tunisie ne sont pas publiés.
427 Rapport OCDE de 1996, op. cit, p 30.
428 M. NEUMEISTER: « OCDE: l'intérêt financier des navires sous normes », op. cit.
429 Article 1, préambule du code ISM, op. cit.
430 Rapport OCDE de 1996, op. cit.
431 Article 8, paragraphe 4, partie B du code ISPS, op. cit.
94
part des législateurs à faire perdurer la situation actuelle de la dégradation de la formation de
marins? Auquel cas, quelle en serait la motivation ou du moins le motif? Est-ce le fait que les
législateurs soient conscients que le coût du respect des normes de sécurité confronté à un
taux de fret très variable et généralement révisé vers la baisse brise l'équilibre budgétaire des
armateurs? La question reste posée.
432 La formation à la prévention des incendies est assurée par des pompiers, la formation aux premiers soins est
assurée par des médecins....
433 Propos de Bruno VACCA in : « Sûreté maritime et portuaire, Vade-mecum ISPS » de P. MARIONNET, op.
cit, p 44. D'après le rapport annuel de l'OMMP de 2006 ( p 31), en Tunisie, l'Académie navale assure la
formation des formateurs en coopération avec les services du Ministère de l'intérieur et du développement local.
En France, il s'agit des Écoles nationales de la marine marchande. La formation s'organise autour de deux axes:
réglementaire et technique.
434 L. GALY: « Mise en place des formations adaptées au code ISPS », op. cit.
435 Le code est intervenu et adopté en 18 mois.
436 Cdt C-L. DIAMOND: « Position des États-unis » in actes du colloque « Code ISPS: quel bilan après une
année? », op. cit, p 34.
95
navire437. Mais il est regrettable que cette initiative intervienne après l'entrée en vigueur des
nouvelles mesures.
437 Ph. BOISSON: « Le rôle et la position du personnel dans la mise en place d'une politique de sûreté » in actes
du colloque « Code ISPS: Quel bilan après une année? », op. cit, p 109.
438 F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, p 254.
439 Ceci est notamment valable pour la réglementation internationale, la Tunisie étant encore épargnée de ce
genre de catastrophes.
96
la suite de la catastrophe du Prestige440, a succédé au code ISM dans un temps réduit. A cet
égard, la première réaction des marins soulignait la difficulté de se former à un nouveau
code alors que la familiarisation avec le code ISM n'était pas encore acquise441. On estime
que le problème de la réglementation internationale est qu'à « force de vouloir être trop
riche, trop précise, trop détaillée, elle devient trop compliquée pour être transcrite dans
l'ordre juridique interne avec facilité et efficacité »442.
A côté de ces normes, existent les règles privées développées par l'industrie maritime443.
Les organismes privés ont une certaine tendance à la suréglementation « de crainte de voir
leurs compétences normatives dépossédées au profit des législateurs publics »444.
Si on ajoute à ce corpus normatif les normes facultatives de qualité que s'imposent certains
armateurs pour rassurer leurs clients sur le sort de leurs marchandises, le volume des règles
devant être comprises et appliquées par les membres de l'équipage devient très pesant et la
qualité de l'assimilation et de l'adaptation à la norme pourrait être sacrifiée en dépit de la
quantité.
En dehors de leur abondance, les normes de sécurité et de sûreté sont variées (2).
440 Le 19 novembre 2002, le navire-citerne Prestige portant pavillon du Bahamas se brise et coule à quelques
260 kilomètres à l'ouest de la ville espagnole Vigo. Environ 63000 tonnes d'hydrocarbures se sont échappées.
441 « La première réaction à bord de plusieurs navires était de dire: « Encore un code à lire. Nous venons juste
de sortir et d'ingurgiter l'ISM » in « Le rôle du capitaine de navire », Commandant Hubert ARDILLON, actes du
colloque « Code ISPS: Quel bilan après une année », op. cit, p 119/ Entretien avec M. LAHMAR, op. cit.
442 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 636.
443 Voir supra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 1.
444 Ph. BOISSON: « La problématique des normes », op. cit, p 179.
445 Il en est ainsi par exemple du système de gestion du navire, du plan de sûreté de la compagnie et des
installations portuaires, de le fiche synoptique continue du navire...
97
norme obligatoire elle même et dans un but d'une meilleure compréhension du système de
sécurité ou de sûreté dans sa globalité, à prendre connaissance de leurs contenus, ce qui
nécessiterait un effort supplémentaire.
Les règles impératives de sécurité sont certes une nécessité mais leur accumulation est
contre productive. Étant donné leur volume, elle peuvent constituer un facteur de
découragement pour les marins.
Par ailleurs, pour se donner le moyen de comprendre et d'appliquer des mesures
quelconques, ne faut-il pas, au préalable, en être convaincu? On estime que dans l'idéal, les
nouvelles mesures de sécurité devraient instaurer les bases d'une culture de sécurité incitant
les marins à une bonne compréhension ainsi qu'à une application responsable (B).
B) La culture de la sécurité:
L'implication des marins dans le processus de sécurité et de sûreté constitue « un facteur
important d'une politique de prévention efficace »446 et favorise, par conséquent, une meilleure
protection des intérêts en jeu. Posséder une culture de sécurité semble donc essentiel (a). Pour
autant, certaines dispositions des nouvelles mesures de sécurité constituent des obstacles à
l'instauration d'une telle culture (b).
98
n'en voit pas l'utilité449. La sûreté est un problème de culture, estime la doctrine450. Quelles en
sont les raisons?
D'une manière générale, l'existence d'une culture de sécurité au sein d'une entreprise
quelconque, conduit ceux qui l'adoptent à n'envisager qu'une démarche construite sur des
valeurs et des normes dont ils sont convaincus. Par ailleurs, elle rassure ceux qui la partagent
et constitue un élément stabilisateur fort de la structure sociale au sein de laquelle elle est
appliquée451. En l'occurrence, l'implication du personnel marin dans le processus de la sécurité
et de la sûreté à travers la participation à la définition d'une politique de sécurité et d'une
politique de sûreté, augmenterait considérablement sa motivation à les mettre en oeuvre et lui
donnerait l'occasion de traiter de tâches non définies en théorie mais pratiquées au quotidien.
Sa contribution à l'analyse des résultats d'audit donne une autre acuité au management de la
sécurité sur des questions perçues sur le terrain. Il participe, ainsi, à la création d'une culture
de prévention452. La doctrine le rappelle, la promotion de la culture de sécurité est
vraisemblablement la véritable opportunité pour l'homme d'assurer la sécurité collective453.
Seulement, la culture ne s'acquiert pas du jour au lendemain. C'est un travail dans la durée
pour lequel l'armateur pourrait avoir un rôle sensible. Celui-ci devrait contribuer à cultiver
cette culture au sein de l'équipage qu'il engage à bord de son navire. La doctrine considère, en
effet, que c'est principalement à la hiérarchie qu'incombe la mission de faire changer la
culture454. Concrètement, il reviendrait à l'armateur, de faire valoir clairement ses attentes par
rapport à la sécurité et de s'impliquer lui même pour espérer voir intégrer la culture de la
sécurité par l'ensemble du personnel. Ceci supposerait deux actions:
● Une sensibilisation de l'équipage: Elle permet de comprendre les enjeux de la sécurité et de la
sûreté, la gestion des risques potentiels...L'armateur pourrait par exemple animer, ou faire
animer, des réunions avec l'ensemble de l'équipage consacrées uniquement à la question de
sécurité. Une telle démarche pourrait avoir comme effet de confirmer l'importance attachée à
la performance dans ce domaine.
● La mise à disposition de ressources: Il s'agit d'un point capital pour l'intégration de la culture
de sécurité. Pour être investi dans un domaine quelconque, le marin devrait avoir, au
449 L. GALY: « Mise en place des formations adaptées au code ISPS », in actes du colloque « Code ISPS: Quel
bilan après une année », op. cit, p 114.
450 B. COLOBY: « Le port du havre et la sûreté » in « Sûreté et sécurité, quels enjeux pour les industries
maritimes? », op. cit, p 41.
451 G. REGNAULT: « Le sens du travail », éditions l'Harmattan, 2004, p 80.
452 O. GAUTHEY, G. GIBEAULT: « Santé et sécurité au travail », éditions Afnor, 2004, p 10.
453 F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, p 259.
454 A. MARTINEZ-FORTUN: « Manager la sécurité », op. cit, p 51.
99
préalable, un environnement de vie et de travail propice au développement de son
engagement. Comment peut-on demander à un marin sous payé, fatigué et isolé d'adopter les
normes de la sécurité en matière de prévention d'incendie ou autre? Comment peut-on
demander à ce même marin d'être vigilant et d'inspecter les personnes s'approchant de son
navire, en application des dispositions de la sûreté?
Ces interrogations font référence à un ensemble d'obstacles matériels à surmonter au
préalable pour créer un environnement propice au développement d'une culture de sécurité.
On verra que les nouvelles mesures de sécurité et de sûreté ne sont pas tout à fait parvenues à
les surmonter (b).
1.1) La doctrine estime que l'un des aspects positifs du code ISM est l'accent mis sur
l'implication du personnel afin de développer et d'améliorer ses compétences au travers de
procédures écrites qu'il devra intégrer455. Il s'agit là d'ailleurs, de l'objectif même du code456:
promouvoir une culture axée sur la sécurité à plusieurs niveaux: la vie humaine,
l'environnement marin, les biens. Une des conditions nécessaires à acquérir une culture de la
sécurité, on l'a vu, est probablement l'existence, à bord du navire, de conditions de vie et de
travail décentes. Or, rappelons le, le code ISM ne traite pas de l'importance de l'existence de
ces conditions. Ainsi, le marin dépourvu de moyens de vie et de travail décents, pensera
logiquement en premier chef à améliorer sa condition avant de se préoccuper de la sécurité de
l'expédition.
455 B. BEILVERT: « La sécurité de l'exploitation du navire », ADMO, tome XV, 1997, p 355.
456 Article 1.2, partie A du code ISM, op. cit.
100
1.2) Par ailleurs, les codes ISM et ISPS soulignent l'importance de la formation de
l'équipage aux mesures de sécurité457 et de sûreté458. Seulement, pour acquérir une culture de
sécurité, la formation à elle seule, à supposer qu'elle soit complète, n'est pas suffisante. Elle ne
saurait suppléer à la pratique concrète des choses de la mer et du navire459. Le marin devrait
disposer d'une aptitude à la perception des risques et d'une capacité à gérer les difficultés. Un
changement de temps, la proximité de la côte ou d'un autre navire se gèrent d'abord par
l'exercice des sens460. La bonne formation n'empêche pas des inaptitudes à la compréhension
d'une situation complexe ou d'une crise puis à la réaction adaptée qui évite qu'un accident se
transforme en catastrophe461. Ainsi, en plus des qualification techniques nécessaires au
fonctionnement du navire, l'équipage doit posséder les compétences, le sens de l'organisation
et l'entraînement nécessaires à l'intervention en cas d'urgence462. Mais, les nouvelles mesures
de sécurité et de sûreté ne traitent pas de l'exercice des sens. On en constate une excessive
approche technique basée sur l'application d'un certain nombre de mesures purement
matérielles.
Faudrait-il nuancer cette constatation dès lors que le code ISPS dispose que parmi les tâches
de l'agent de sûreté du navire figure l'accroissement de la prise de conscience de la sûreté et
de la vigilance à bord463? La réponse par la négative semble la plus appropriée puisqu'aucune
explication ou interprétation de cette fonction n'est avancée par le code. D'autant plus, qu'en
matière de sûreté, la formation n'est pas obligatoire à l'ensemble de l'équipage mais
uniquement au personnel du bord chargé de tâches et de responsabilités spécifiques liées à la
sûreté464. Il reviendrait donc à l'agent de sûreté de fixer l'importance de cette disposition ainsi
que de définir les moyens de son application. Dans la pratique, les agents de sécurité et de
sûreté tunisiens essayent, autant que possible, de mettre l'accent sur l'importance d'une
implication dans le processus de la sécurité et de la sûreté. Ceci passe essentiellement par des
réunions d'information et de sensibilisation des marins dont la fréquence, la durée et la qualité
101
d'animation dépend de la disponibilité des marins et des agents de sûreté et de sécurité465. On
en déduit que les réunions de sensibilisation ne sont pas prioritaires.
2) L'esprit même des nouvelles mesures de sécurité et de sûreté pourrait mettre des
freins au développement de cette culture. Cette remarque est surtout valable concernant les
mesures de sûreté. La politique de sûreté est une notion nouvelle qui s'est développée
relativement vite, au gré de certains événements tragiques470. Les marins, tunisiens et autres,
et à des degrés différents, n'ont pas encore eu le temps de l'intégrer471. De plus, le marin est
habitué à la politique de sécurité. Il sait éteindre un feu, réparer une panne et agir pour
d'autres situations urgentes. En revanche, il ne comprend pas qu'une personne qui s'approche
du bord, suivant son attitude, son apparence ou ses agissements puisse être un danger
potentiel472. En application des mesures de sûreté, le marin est tenu de vérifier l'identité des
102
visiteurs du bord en escale. Pour cela, il devrait leur demander « leur identité, le but de leur
visite, les comprendre, les diriger, les accompagner... Faut-il le rappeler, ce n'est pas son
métier premier »473. Cette culture nouvelle est logiquement corollaire d'un manque
d'expérience en la matière. « Le manque d'expérience des marins, leur manque de
disponibilité... à en croire nos commandants, voilà qui est plus dangereux encore que l'âge des
navires » 474. Par ailleurs, en matière de sécurité comme de sûreté le résultat n'est
généralement pas immédiat. Ceci pourrait également constituer un obstacle à l'intégration de
la culture de sécurité par le marin, celui-ci étant pragmatique, il a besoin de connaître le
résultat de son travail475.
En résumé, la culture de sécurité et de sûreté reste encore à intégrer. Les mesures instaurant
ces nouvelles notions ne participent pas d'une manière franche à l'intégration d'une culture
quelconque. Une évolution des mentalités de l'ensemble des gens de mer en ce sens est donc
souhaitable. L'armateur a un rôle important à jouer en la matière par l'organisation de
réunions de sensibilisation et par la mise à disponibilité de moyens et d'équipements
matériels. Dans l'intérêt de tous, les nouvelles mesures ne devraient pas être perçues comme
une contrainte administrative supplémentaire mais comme un outil opérationnel qui permettra
à l'ensemble du monde maritime de se moderniser476. Le problème est qu'en aggravant des
contraintes déjà supportées par les marins, elles risquent de ne pas être perçues de la sorte
( Paragraphe 2).
103
nouvelles prescriptions et entretenir leur formation par des exercices cycliques. Par ailleurs,
les nouvelles prescriptions génèrent de nouvelles tâches administratives. Cette surcharge de
travail assumée par les marins participe à l'aggravation de l'état de fatigue (a) et d'isolement
(b) initialement existants.
477 Ph. BOISSON: « La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le monde maritime »,
DMF, septembre 2003, p 736.
478 Les États-Unis interprètent les recommandations figurant dans la partie B du code ISPS comme étant
obligatoires pour les navires à destination de leurs ports.
479 Cdt H. ARDILLON: « Le rôle du capitaine de navire », actes du colloque « Code ISPS: Quel bilan après une
année », op. cit, p 123.
480 R.CUISIGNEZ: « La réglementation de sécurité à bord des navires marchands », op. cit, p 94.
481 Op. cit.
104
2) Les tâches administratives en liaison avec les codes ISM et ISPS se sont multipliées.
L'agent de sûreté du navire, dans la pratique très souvent le second capitaine482, assume
plusieurs nouvelles tâches administratives venant s'ajouter à son travail technique de marin.
Ces tâches sont inhérentes à son rôle défini dans l'article 7.2 du code ISPS. L'agent de sûreté
doit, à titre d'exemple, rédiger des comptes rendus des exercices et des entraînements de
sûreté, des rapports sur les modifications à apporter au plan de sûreté du navire, des
notifications de toute défectuosité ou non conformité identifiée à bord du navire, des comptes
rendus sur la mise en oeuvre du plan de sûreté du navire... Ces procédures permettront
certainement un meilleur contrôle de la gestion de la sûreté mais elles empiètent sur le temps
de travail et de repos de l'agent de sûreté qui demeure un marin tenu d'exercer diverses tâches
nautiques.
Le code ISM de son côté, fait peser une lourde charge administrative sur le capitaine du
navire. Il lui incombe, ainsi, de passer en revue le système de gestion de sécurité du navire et
d'en signaler les lacunes à l'armateur avec précision et par écrit483. Il s'agit là, en soi, d'un
travail susceptible de détourner le capitaine de sa tâche maritime principale484.
3) Le code ISPS impose aux marins des nouvelles pratiques qui, non seulement leur sont
tout à fait étrangères, mais qui, également, viennent augmenter le nombre de tâches
initialement effectuées par leur soin. Le personnel navigant est tenu de surveiller les zones
d'accès restreint pour s'assurer que seules personnes autorisées y ont accès 485. Il doit, en outre,
vérifier l'identité des personnes visitant le navire486. Ces visites accumulées créent une charge
de travail supplémentaire et détournent l'équipage de sa tâche principale à savoir faire
fonctionner le navire correctement487. Les marins sans personnel supplémentaire ni
spécialement formés se transforment en vigiles de leur navires. Pour les syndicats
britanniques, cette nouvelle réglementation constitue une charge qui risque de rendre le travail
insupportable488.
105
On remarquera, enfin, que la charge de travail supplémentaire est variable selon le type du
navire. Il existe des navires à risque élevé, comme les pétroliers ou les gaziers sur lesquels
une atteinte à la sûreté aura probablement un fort impact médiatique. C'est la raison pour
laquelle une forte rigueur est demandée à bord de ces bâtiments et par conséquent une charge
de travail encore plus importante489.
La surcharge de travail est prise en compte par les recommandations de la partie B du code
ISPS en termes d'effectif, de repos et de durée de travail. L'article 4.28 dispose que
« l'administration devrait tenir compte de tout sûrcroit de travail que pourrait entraîner la mise
en oeuvre du plan de sûreté du navire et veiller à ce que le navire soit doté d'effectifs
performants et en nombre suffisant. A cet égard, l'administration devrait vérifier que les
navires sont capables de respecter les heures de repos et autres mesures contre la fatigue
promulguées par la législation nationale... »490. Il s'agit là certainement, et non pas
probablement comme l'estime la doctrine491, d'une recommandation puisque figurant à la
partie B du code. On regrettera, à cet égard, que les rédacteurs du code n'aient pas pris
l'initiative de rendre obligatoire une telle disposition. Le problème est qu'en application des
normes de sûreté, la sécurité est, en quelque sorte, sacrifiée. L'équipage, fatigué par
l'application des mesures de sûreté pendant une escale devrait reprendre ses tâches maritimes
à la fin de l'escale, ce qui pourrait être fait en dépit de la sécurité du navire. Il faudrait donc
faire attention à ce que les mesures de sécurité et les mesures de sûreté ne s'opposent pas.
Prévoir un nombre de marins suffisant pour effectuer toutes les tâches qu'imposent les règles
de sécurité et les règles de sûreté permettrait qu'aucun objectif n'empiète sur l'autre. Ce n'est
vraisemblablement pas l'avis des armateurs étant donné qu'ils écartent la solution qui consiste
à appliquer la recommandation précitée. La doctrine affirme qu'ils n'avaient pas l'attention
d'accroître les effectifs pour répondre aux besoins de la sûreté492. Le problème est un problème
de coût de main d'oeuvre déjà élevé, on y reviendra.
En plus de la fatigue générée par la surcharge de travail, les marins subissent l'isolement d'une
manière accentuée (b).
489 J. MOIZAN: « Quelle surcharge de travail supplémentaire pour l'équipage de navire », table ronde n° 3,
actes du colloque « Code ISPS: Quel bilan après une année », op. cit, p 147.
490 M. LAHMAR, officier tunisien, m'a confié lors d'un entretien que cette prise en considération n'a pas été
effectuée par l'administration maritime tunisienne.
491 P. CHAUMETTE: « Quelle charge de travail supplémentaire pour l'équipage du navire? », table ronde n° 3,
actes du colloque « Code ISPS,quel bilan après une année », op. cit, p 144.
492 Ph. BOISSON: Discussion, actes du colloque « Code ISPS: Quel bilan après une année », op. cit, p 127.
106
b) Le renforcement de l'isolement des marins:
L'une des conséquences les plus graves de l'application des nouvelles règles, notamment
celles de sûreté, est l'aggravation de l'état d'isolement du marin. L'objectif du code ISPS, la
prévention des actes criminels et terroristes, n'est pas sans nourrir une culture de méfiance de
l'autre se traduisant par un isolement et un repli sur soi, aussi bien pendant le voyage (1), que
pendant les escales (2).
107
La situation pendant l'escale n'est pas meilleure (2).
498 Cdt H. ADRILLON: « Le rôle du capitaine de navire », actes du colloque « Code ISPS: Quel bilan après une
année », op. cit, p 121.
499 F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, p 30.
500 Entretien avec M. LAHMAR, op. cit.
501 SOLAS, chapitre XI-2, règle 1, op. cit.
502 SOLAS, chapitre XI-2, règle 1, § 1.14, op. cit.
503 SOLAS, chapitre XI-2, règle 7, op. cit.
504 Articles 14 et 17, partie A, code ISPS, op. cit.
505 Article 12.9 et 14.6 du code ISPS, op. cit.
506 Op. cit.
507 P. CHAUMETTE: « Du bien être des marins en escale. Les ports confrontés à la sûreté et à l'humanité », in
« L'homme, ses territoires et ses cultures », op. cit, p 53.
108
les escales; la tendance va vers la fermeture des zones portuaires et vers les contrôles
de déplacements508. C'est notamment dans les ports des États-Unis que la constatation est
valable. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les autorités maritimes américaines
ont aboli le visa collectif qui permettait aux équipages de se rendre à terre509. Dans d'autres
cas, les représentants des armateurs se sont vus interdire l'accès au navire par les autorités
portuaires et les marins n'ont pas pu descendre à terre même pour des raisons médicales 510. Ce
constat est, néanmoins, à nuancer suivant la situation géographique du port. Ainsi, dans les
ports tunisiens optant pour le niveau 1 de sûreté, le déplacement des marins est encore
possible. Les marins sont toutefois soumis à plusieurs contrôles d'identité et d'effets
personnels511. Cela étant, la souplesse de certaines autorités portuaires ne remet pas en
cause le fait que la mise en oeuvre du code ISPS officialise la méfiance de la terre et dans
les ports vis à vis des marins et rend leur déplacement dans les ports d'escale plus difficile
qu'auparavant ce qui ne peut que renforcer leur isolement.
En remède à cette situation, et afin de concilier mesures de sûreté et respect du droit de libre
circulation libre des marins, il est nécessaire que la Tunisie, entre autres, renforce les moyens
d'identification des gens de mer par l'introduction de données biométriques visibles sur la
pièce d'identité. De telles mesures faciliteraient la libre circulation des marins à terre pendant
les escales et allégeraient les contrôles d'identité et des effets personnels tout en prenant en
considération les exigences de la sûreté. C'est ce que propose la convention n° 185 de l'OIT
portant sur les pièces d'identité des gens de mer, non encore ratifiée par la Tunisie512.
Les nouvelles mesures de sécurité et de sûreté ne posent pas seulement des contraintes de cet
ordre. Elles entraînent également des charges financières lourdes pesant, à priori, sur les
109
armateurs et pouvant introduire des discriminations entre eux (B).
110
aux chiffres avancés par l'OCDE pour avoir une idée approximative des nouvelles charges
financières. L'OCDE estime que pour un « gros exploitant de niveau international » le coût de
cette procédure sera de 150 000 dollars américains par an 516. La formation de l'agent de sûreté
de la compagnie aux normes techniques nouvelles, à elle seule, reviendrait à 3500 dollars par
an517. Figure également, l'obligation de désigner un agent de sûreté du navire chargé de tous
les aspects du fonctionnement liés à la sûreté et notamment la mise en oeuvre du plan de
sûreté du navire518. Sachant que ce poste est généralement confié à un marin titulaire d'un
poste à bord du navire, cette personne vera son revenu augmenter en fonction des tâches de
sûreté qu'elle accomplit. Par ailleurs, le code ISPS impose à toute personne à terre et en mer
chargée de la sûreté d'entretenir sa formation par des entraînements périodiques 519. Le coût de
ces exercices vient accroître le volume des charges supportées par l'armateur. Devrait
également figurer à bord de chaque navire un plan de sûreté, document incorporant des
dispositions sur les procédures et les stratégies de sûreté520. L'élaboration de ce plan impose le
recrutement de personnes compétentes pour sa rédaction ainsi que pour sa modification selon
le besoin. Ajoutons au coût du recrutement de ces personnes celui de l'évaluation de la sûreté
du navire. C'est une opération qui constitue une autre condition pour l'obtention du certificat
de sûreté521. Elle consiste à examiner et évaluer les mesures de protection, les procédures et
les opérations mises an place à bord pour garantir l'accomplissement de toutes les tâches liées
à la sûreté du navire522. L'OCDE estime que cette évaluation se fait sur une moyenne de trois
jours et de huit heures par jour. Le coût de l'opération est estimé à 100 dollars de l'heure523.
Les exigences de recrutement, de formation et d'évaluation en matière de sécurité sont du
même ordre. Ainsi, l'armateur est tenu de recruter et de financer la formation d'un agent de la
sécurité du navire524 et d'un agent de sécurité de la compagnie525. Il est, par ailleurs, astreint à
l'élaboration d'un système de gestion de sécurité pour chacun de ses navires526 couvrant les
inspections régulières de sécurité, les vérifications internes, les contrôles de gestion ainsi que
516 Rapport de l'OCDE de juin 2004: « La sûreté dans les transports maritimes: facteurs de risques et
répercussions économiques », p 36.
517 Rapport OCDE de 2004, op. cit
518 Article 12 du code ISPS, op. cit.
519 Article 13.4 du code ISPS, op. cit
520 Article 9 du code ISPS, op. cit.
521 Article 8 du code ISPS, op. cit.
522 Article 8.4 du code ISPS, op. cit. Elle porte, entre autres sujets, sur la sûreté physique du navire, son intégrité
structurelle, les systèmes de protection de l'équipage et les systèmes de radio et de télécommunication.
523 Rapport OCDE de 2004, op. cit, p 37.
524 Article 5 du code ISM, op. cit.
525 Article 4 du code ISM, op. cit. Le coût annuel de la formation est d'environ 15 000 dollars.
526 Article 2 du code ISM, op. cit.
111
la notification et le suivi des accidents, incidents et défaillances527. Les dépenses allouées à la
mise en oeuvre du code ISM sont également élevées528 d'autant plus que les audits internes de
vérification sont prévus pour être fréquents529. Par ailleurs, ces exigences font subir aux
armateurs le coût des délais de leur mise en place ou de leur réalisation et de la mobilisation
d'experts indépendants et de membres de la compagnie.
Le problème est que les codes ISM et ISPS engendrent des frais importants sans
compensation directe en terme de revenus530. Le gain, par ailleurs non négligeable, sera
ressenti à long terme. Il est, tout d'abord, physique et consiste en la sauvegarde des vies
humaines. Il est, ensuite, matériel consistant en la préservation des marchandises et
équipements, en une réduction des traitements médicaux apportés au personnel du navire, en
une diminution des pertes dues aux vols et surtout en un rabais sur les primes d'assurances531.
A long terme, les économies ainsi réalisées peuvent permettre de compenser l'augmentation
des coûts de la sécurité et de la sûreté qui proviennent également de l'achat et de l'entretien du
matériel de sécurité et de sûreté (2).
2) Le coût en équipement:
Les nouvelles mesures de sécurité et de sûreté appellent les armateurs à installer et entretenir
des équipements permettant d'exécuter les tâches de sécurité et de sûreté telles que définies
dans le plans de sûreté du navire ainsi que dans son système de gestion532. Les équipements
permettraient à l'équipage de prendre plus rapidement conscience des dangers qui menacent la
sécurité ou la sûreté du navire en mer et au port et de pouvoir les prévenir. Cela étant, aucun
des codes ne dresse une liste du matériel nécessaire. Quelques exemples sont toutefois donnés
dans les parties B des codes533. La doctrine534 fait, de son côté, l'effort d'identifier les
527 Article 12 du code ISM, op. cit
528 La mise en application du code ISM se traduit par une dépense générale variant entre 50 et 400 milles
dollars suivant l'importance de la compagnie d'armement. A ce coût, il faudra ajouter la somme annuelle de 10
milles dollars allouée à l'entretien du navire et aux différentes rémunérations et charges sociales.
529 B. BEILVERT: « La sécurité de l'exploitation du navire », op. cit, p 354.
530 Un armateur souhaitant rester dans l'anonymat m'a confié: « La sécurité, je veux bien, mais il faut avoir les
moyens »!!!
531 A. LARBY: « Impact économique du code ISPS pour les acteurs du transport », table ronde n°1 in actes du
colloque « Code ISPS: Quel bilan après une année? », op. cit, p 65.
532 Article 10 du code ISM et article 9.4 du code ISPS, op. cit.
533 Notamment l'article 9 de la partie B du code ISPS, op. cit.
534 P. MARIONNET: « Sûreté maritime et portuaire, Vade-mecum ISPS », op. cit, p 158. Voir également: F.
ODIER: « La sûreté maritime ou les lacunes du droit international » in « La mer et son droit », mélanges offerts
à Laurent LUCCHINI et à Jean-Pierre QUENEUDEC, op. cit, p 465. En matière de sécurité il s'agit par exemple
des engins de sauvetage, des équipements de sécurité incendie et des équipements de détresse. En matière de
sûreté, il peut s'agir de systèmes de radar de poupe destinés à avertir de l'approche des embarcations utilisées par
les pirates pour monter à bord ou de dispositif de poursuite simple destiné à permettre le suivi d'un navire si
112
équipements qu'elle estime appropriés.
En matière de sécurité, les armateurs pouvaient déjà avoir une idée presque précise du coût de
l'achat et de l'entretien des équipements. La conformité des équipements marins mis à bord
des navires avec les prescriptions de la sécurité maritime n'est pas chose nouvelle. La
convention SOLAS de 1974 l'exigeait déjà. Les armateurs devraient, toutefois, s'assurer que
le matériel de sécurité réponde aux exigences du système de gestion de la sécurité de chacun
de leur navires et qu'il est régulièrement entretenu535. La nouveauté concerne notamment la
sûreté maritime, une matière avec lesquels les professionnels de la mer ne sont toujours pas
familiers536. Les estimations chiffrées de l'OCDE concernant l'achat et l'entretien du matériel
de sûreté sont ahurissantes537. D'un autre côté, il est à noter que les dépenses affectées aux
équipements sont presque identiques quelque soit le type du navire et le pavillon auquel il
appartient538. Ajoutons qu'à ces coûts à caractère obligatoire peuvent être jointes les dépenses
résultant de la volonté d'une meilleure qualité qui se traduisent en l'application des
recommandations contenues dans les parties B des codes ISM et ISPS. Notons, enfin, qu'en
matière de sûreté, s'il y a surcharge de travail pour l'équipage et un coût de mise en place
important pour l'armateur, il n y a pas de gain de productivité pour le navire. Avec une bonne
application du code ISPS c'est le port qui est gagnant. Le navire, en revanche, perd en
maintenance puisque le personnel machine, très souvent, est utilisé à une tâche qui n'est pas la
sienne, le contrôle des personnes et de leur effets539.
Toutes ces considérations laissent penser qu'il n'est pas garanti que tous les armateurs aient la
capacité financière de se conformer aux nouvelles exigences de la sécurité maritime.
D'ailleurs, certains d'entre eux, en Tunisie et ailleurs, se dérobent de leurs obligations en
énonçant leur manque de moyens et accusent l'OMI de ne pas les aider financièrement540.
Étant donné que c'est à l'armateur seul qu'incombe l'obligation des dépenses allouées à
l'armement du navire, il est à craindre que les exigences de sécurité et de sûreté cantonnent
113
l'exploitation maritime aux riches armateurs. Dans ce cas, le risque encouru serait l'émergence
« d'une sécurité à deux vitesses »541: D'un côté, les armateurs riches et soucieux de la sécurité
veilleront à mettre en oeuvre les exigences normatives. De l'autre les armateurs ne disposant
pas de ressources financières importantes continueront à naviguer avec des navires sous
normes. Au regard de toutes ces considérations, devrait-on maintenir le fait que c'est à
l'armateur seul de payer la facture de la sécurité? Pour un meilleur aboutissement des
objectifs des codes ISM et ISPS, qui devrait payer la facture de la sécurité? (b)
1) Une première idée serait de penser que la « gestion de sécurité » telle que définie par
les nouvelles mesures de sûreté et de sécurité devrait imposer « soit une mise en commun des
ressources pour plusieurs compagnies, soit de déléguer la sécurité à des entreprises
spécialisées, soit de confier la gestion complète à une société de management »543. Cette
solution ne semble pas convenir, actuellement, en Tunisie. Attendu que le nombre des
compagnies d'armement tunisiennes est très réduit544, les entreprises spécialisées en matière de
sécurité n'existent pas sur le marché maritime tunisien.
541 Ph. BOISSON:« Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 636.
542 Cdt J. MOIZAN: « La sécurité dans le transport maritime: Comment les entreprises intègrent la sécurité au
quotidien? » in actes du colloque « Sûreté et sécurité, quels enjeux économiques pour les industries maritimes » ,
op. cit, p 31.
543 Cdt J. MOIZAN: « La sécurité dans le transport maritime: Comment les entreprises intègrent la sécurité au
quotidien? » in actes du colloque « Sûreté et sécurité, quels enjeux économiques pour les industries maritimes » ,
op. cit.
544 Il existe actuellement une seule compagnie publique d'armement en Tunisie: CTN encore dite COTUNAV et
3 compagnies privées d'armement: GMT, AMC et Métal Ship.
114
2) Considérant que la sûreté relève de l'intérêt général et donc des missions régaliennes de
l'État, certaines associations d'armateurs réclamant un financement par les pouvoirs publics
des mesures de sécurité, estimant qu’il s’agit d’une question d’intérêt national 545. Dans un
pays comme la Tunisie, où la grande majorité des armateurs dépendent de l'État, cette solution
semble la plus appropriée. Sachant que l'État devrait déjà supporter la mise en conformité de
ses ports aux normes de sûreté, opération par ailleurs très coûteuse546, il reste à savoir quel
fonds étatiques devraient être alloués aux dépenses de la sécurité et de la sûreté des navires.
Dans l'état actuel des choses, il est considéré que l'entité qui paye réellement la facture de la
sécurité et de la sûreté, n'est ni l'armateur ni l'affréteur. Il s'agit du destinataire final du
transport en mer, le destinataire de la marchandise, autrement dit, le consommateur548.
Que faut-il conclure? Les mesures de sécurité participent à prévenir les pertes et les accidents
en mer. Elles souffrent, néanmoins de deux problèmes majeurs: D'un côté, elles manquent de
force contraignante et de l'autre, leur application nécessitent des budgets importants.
- La norme est tantôt non contraignante, tantôt dépourvue de moyens de dissuasion.
Le phénomène n'est pas spécifique au droit de la sûreté et de la sécurité maritimes, c'est le cas
de la grande majorité des normes émanant des organisations internationales, ou encore de
545 Il s'agit de l'association des « armateur de France », Lettre des Armateurs de France n°158, avril 2003, p 2.
546 Pour avoir un ordre de grandeur: le premier plan de financement des ports annoncé par les États-Unis affiche
le chiffre de 92, 3 millions de dollars pour l'ensemble des ports. Les dépenses allouées aux ports tunisiens ne sont
pas rendues publiques.
547 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 637.
548 Y. ALIX: « Container security initiative: des réalités portuaires aux perspectives géostratégiques
mondiales », in actes du colloque « Sûreté et sécurité, quels enjeux économiques pour les industries
maritimes? », op. cit, p 28. C'est également le point de vue de Ph. BOISSON in « Politiques et droit de la
sécurité maritime », op. cit, p 636.
115
l'ordre international lequel a été qualifié par la doctrine d'imparfait et d'incomplet549.
L'exécution des normes internationales relève de ses propres auteurs. Un État non signataire
d'une convention n'est pas censé l'appliquer. C'est le principe de l'effet relatif des traités. Par
ailleurs, l'application de la norme par un État signataire s'en remet à sa bonne volonté. Aucune
sanction ne pourrait être infligée à un État qui n'aurait pas respecté son engagement. En
l'occurrence, l'État n'ayant pas obligé ses ressortissants à appliquer les règles de sécurité et de
sûreté maritimes pour lesquelles il s'est engagé, ne sera pas sanctionné. « Le droit
international ignore les sanctions organisées du droit interne 550».
A ce propos, plusieurs appels doctrinaux à un renforcement des pouvoirs de prévention et de
répression de l'OMI ont été faits551. Ce renforcement va prioritairement porter sur la capacité
de l'institution à contraindre ses membres au respect des normes internationales en vigueur552.
Tel était d'ailleurs un objectif que l'organisation s'est fixée depuis quelques années 553. Cette
solution n'étant toujours pas d'actualité, la solution la plus appropriée au problème, à ce jour,
devrait être recherchée par un droit interne capable de contraindre les personnes impliquées
dans l'expédition maritime à respecter les normes en vigueur. l'État du pavillon devrait établir
un mécanisme juridique contraignant par lequel il obligerait les armateurs ressortissants de
son territoire à une bonne application des normes de sécurité. Dans le cas de la Tunisie, le
dispositif réglementaire existe déjà mais n'est pas assez contraignant.
Qui en plus, cette solution sera confrontée, dans certains cas, à une impossibilité financière.
Tous les armateurs n'ont pas les moyens d'engager des marins qualifiés, d'armer leurs navires
avec des équipements de sécurité performants, de financer une politique de sécurité... Le
problème du coût de l'application des normes ne sera toujours pas dépassé. Mis à part les
fonds que l'État du pavillon pourrait mettre à disposition pour aider les armateurs à se
conformer à la législation, d'autres solutions pourraient être recherchées sur un plan
international.
- Sur le plan international, l'OMI est la principale organisation en matière de sécurité
maritime. Mis à part son rôle d'édiction des normes pourrait-elle fournir une solution au
problème du financement de la sécurité? Pour ce faire, l'organisation devrait créer un fonds
549 D. CARREAU: « Droit international », Pedone, 2001, p 35. Voir également: P-M. DUPUY: « Droit
international public », Dalloz, 2006, p 16 et suivantes.
550 D. CARREAU : « Droit international », op. cit, p 36.
551 Voir par exemple: R. GOY: « Le renforcement par l'organisation maritime internationale de la sécurité en
mer et au port », Annuaire du droit de la mer, 2004, tome IX, p 157 et suivantes.
552 M. LANNEAU-SEBERT: « La mise en oeuvre du droit de la sécurité maritime », op. cit, p 359.
553 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 64.
116
spécial pour aider les armateurs les plus démunis. Le fonds pourrait être alimenté par des
participations financières de divers acteurs maritimes. L'aide accordée pourrait être précédée
par des recherches faites pour déterminer les armateurs réellement en besoin. L'organisation
pourrait également opérer des contrôles cycliques portant sur les conditions de vie et de
travail des marins. En cas de non application des normes de sécurité par des armateurs ayant
reçu une aide financière de l'organisation, celle-ci pourrait leur infliger des sanctions définies
au préalable. L'ONU, dont dépend l'OMI, pourrait lui imposer une refonte complète de son
mode de fonctionnement554. Mais cette hypothèse paraît, actuellement, difficile à atteindre555.
Dans l'état actuel des choses, et malgré la dimension internationale des règles de sécurité et de
sûreté maritimes et les répercussions transfrontalières que pourrait avoir une défaillance de
celle-ci, la bonne application des normes de sécurité reste une affaire interne, une affaire de
bonne volonté des armateurs. Le contrôle de sécurité maritime opéré par différents acteurs
pourrait-il garantir une meilleure application des obligations de chacun? (Titre 2).
117
118
Titre 2 : Le contrôle de la norme ou l'effectivité de la prise en compte du
facteur humain :
L'édiction des normes de sécurité et de sûreté maritimes, à elle seule, ne suffit pas à contrer le
danger en mer. L'expédition maritime met en jeu plusieurs intérêts financiers que la
conformité à la norme vient déranger. C'est ainsi que plusieurs armateurs choisissent d'être
rentables et compétitifs en dépit de l'application des normes de sécurité, par ailleurs coûteuse.
De là, naît la nécessité de contrôler la conformité aux règles de sécurité et de sûreté par des
acteurs étrangers au navire et à son équipage. Ce contrôle est doublé d'une compétence
répressive; les d'infractions à la législation donnent lieu à des poursuites pénales à l'encontre
des acteurs de l'infraction qui sont, en général, les armateurs et leurs préposés.
Longtemps organisé autour de l'État du pavillon ( Chapitre 1), le mécanisme de contrôle
maritime, a assez vite montré ses limites. A côté de l'État du pavillon , le droit de contrôler
appartient, désormais, à d'autres entités ( Chapitre 2). Ceci n'est pas sans incidence sur la prise
en compte du facteur humain lors des opérations de contrôle. Cette prise en considération en
évolution reste lacunaire.
119
120
Chapitre 1 : L'intégration du facteur humain dans le contrôle par l'État du
pavillon :
Le navire est un bien meuble obligatoirement rattaché à un État, l'État du pavillon. Celui-ci
est tenu, en application des conventions internationales en matière de sécurité et de sûreté de
faire respecter et de contrôler l'exécution des normes édictées au sein de ces conventions.
L'application de ces normes suppose l'existence d'outils juridiques et réglementaires mis en
oeuvre par une administration compétente ( Section 1). Le contrôle de leur application par
l'État du pavillon constitue une action de prévention ayant pour but de réduire, autant que
possible se peut, les risques des événements de mer. Les moyens juridiques, humains et
matériels engagés par l'État du pavillon dans le but d'effectuer le contrôle de l'application de
la législation à bord des navires battant son pavillon expriment le degré de volonté de l'État de
faire respecter cette législation ( Section 2).
121
Section 1 : L'interprétation tunisienne du contrôle par l'État du pavillon :
L'État du pavillon se voit reconnaître un rôle capital en matière de sécurité par les conventions
internationales. Selon l'article 5 de la convention de Genève du 29 avril 1958 sur la haute
mer556, « chaque État fixe les conditions auxquelles il accorde sa nationalité aux navires ainsi
que les conditions d'immatriculation et le droit à battre son pavillon. Il doit exister un lien
substantiel entre l'État et le navire; l'État doit effectivement exercer sa juridiction et son
contrôle..». Ces dispositions, reprises dans l'article 91 de la convention de Montégo Bay sur le
droit de la mer (CMB)557 et par la convention de la Conférence des Nations-Unies sur le
Commerce et le Développement (CNUCED) du 7 février 1986 sur l'immatriculation des
navires558, mettent la notion de souveraineté étatique eu coeur du rapport entre le navire et
l'État du pavillon. L'État, entité juridique souveraine, est libre de choisir la nature du rapport
le liant à un navire et par conséquent la teneur du contrôle qu'il y exercera. La jurisprudence
internationale ayant déjà eu l'occasion de se prononcer sur la question confirmait le droit à
tout État « Souverain de décider à qui il accorde le droit d'arborer son pavillon et de fixer les
règles auxquelles l'octroi de ce droit sera soumis... »559.
Ces dispositions trouvent, par ailleurs, écho dans l'article 2 de la Convention n°147 de l'OIT
de 1976 sur les normes à observer sur les navires marchands 560 qui prévoit que tout État
s'engage à édicter une législation à l'égard des navires immatriculés sur son territoire en ce qui
concerne les normes de sécurité, y compris celles ayant trait à la compétence de l'équipage, à
la durée du travail et à son effectif, afin d'assurer la sauvegarde de la vie humaine en mer. Il
en ressort tout d'abord que le navire sujet à contrôle est rattaché au pavillon de l'État
contrôleur ( Paragraphe 1) ce qui suppose que ce dernier se doit d'être doté des moyens
juridiques et logistiques du contrôle ( Paragraphe 2).
556 Entrée en vigueur le 30 septembre 1962. Nations-Unies, Recueil des traités, vol 450, p 82 et suivantes.
557 Adoptée le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Nations-unies, Recueil des traités,
vol 1834, p 4 et suivantes.
558 Cette convention s'efforce de reconnaître de larges pouvoirs aux États en matière d'immatriculation des
navires sous leurs pavillons. Faute de ratifications, elle n'est jamais entrée en vigueur.
559 Affaire Boutres de Mascate (France/ Grande-Bretagne) du 13 octobre 1904, Cour permanente d'arbitrage,
Recueil des sentences arbitrales, du 8 août 1905, vol XI, p 83 et suivantes. En l'espèce la France a accordé son
pavillon à des navires du Sultan de Mascate (Oman) prévus pour la traite d'esclave ce qui provoque la
contestation de la Grande-Bretagne.
560 Convention sur la marine marchande adoptée le 29 octobre 1976 et entrée en vigueur le 29 novembre 1981.
122
Paragraphe 1 : Le rattachement du navire à l'État :
Pour qu'un État puisse attribuer son pavillon à un navire donné, il doit exister une relation
entre les deux entités qui s'exprime en droit par ce que l'on appelle le lien substantiel (genuine
link), notion dont il revient à chaque État d'en fixer la teneur (A). Toute une organisation
juridique s'établit, dès lors, autour de l'application de la notion. Il conviendrait de voir le cas
de la Tunisie (B).
A) Le lien substantiel:
Expression propre au droit international et ouverte à interprétation (a), le lien substantiel
comprend des obligations réciproques pour le navire et pour l'État du pavillon (b).
561 Le pavillon est la pièce d'étoffe qu'on hisse sur un navire pour indiquer sa nationalité et la compagnie de
navigation à laquelle il appartient.
562 Voir à ce sujet: P. BONASSIES, Ch. SCAPEL: « Droit maritime », op. cit, p 122.
563 Article 1 de la convention de 1986, op. cit.
123
par un niveau de participation « suffisant » des nationaux à la propriété du navire564, ce qui
permettrait à l'État « d'exercer effectivement sa juridiction et son contrôle sur les navires qui
battent son pavillon ». Par ailleurs, « une partie satisfaisante de l'effectif des officiers et de
l'équipage » doit être constituée « par des nationaux ou des personnes domiciliées ou ayant
légalement leur résidence permanente dans l'État d'immatriculation »565. Étant donné que cette
convention n'est pas rentrée en vigueur, le lien substantiel reste du ressort l'État qui choisit les
critères selon lesquels il accorde son pavillon ou sa nationalité à un navire donné. Notons à cet
égard que la doctrine estime que les notions de pavillon et de nationalité se confondent566. La
pratique de l'application du lien substantiel montre des divergences d'interprétation de la
notion (2).
124
Cette tendance est, par ailleurs, confirmée par la jurisprudence internationale qui a affirmé à
plusieurs reprises que l'octroi de la nationalité d'un État donné est un acte de souveraineté
exclusive569. La Cour permanente de justice internationale dans son avis consultatif rendu le 7
février 1923 dans l'affaire des « Décrets de nationalité au Maroc et en Tunisie » affirmait déjà
que les conditions d'octroi de la nationalité sont « en l'état actuel du droit international,
comprises dans le domaine réservé » de l'État570. Cette disposition, toujours d'actualité, a été
reprise dans l'arrêt rendu par le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM), le 1er
juillet 1999, dans l'affaire du navire Saïga opposant le Guinée et Saint Vincent et les
Grenadines. Lors de cette dernière affaire, le TIDM signale que le choix du lien substantiel
« laisse à chaque État une compétence exclusive en matière d'attribution de sa nationalité à
des navires » et « codifie une règle bien établie du droit international général »571.
Quoiqu'il en soit, l'appartenance à un pavillon implique l'assujettissement du navire à
l'organisation de l'État et donc aux conditions normatives, fiscales, économiques et sociales
liées à cette organisation. En outre, le propriétaire conserve une totale liberté dans le choix du
pavillon de son navire. Les textes du droit international ne lui imposent aucune contrainte et il
est tout à fait possible que le navire dont il est propriétaire appartient à un État dont il n'est pas
ressortissant. Pour autant, les obligations dérivant de l'existence d'un lien de rattachement
entre le navire et l'État créent des obligations pour les deux parties, obligations imposées par
la législation en vigueur dans l'État du pavillon (b).
569 Voir à ce sujet: I. CORBIER: « Le lien substantiel: expression en quête de reconnaissance », op. cit, p 270 et
suivantes.
570 CPJI, série B, n° 4, p 24.
571 TIDM, affaire du navire Saïga (n°2), arrêt du 1er juillet 1999, paragraphe 23.
572 En droit privé, le pavillon détermine le régime juridique applicable à l'armement et à l'exploitation du navire
tel que le régime du contrat d'affrètement ou le statut de l'équipage. Voir à ce sujet: P. CHAUMETTE: « Le
contrôle du navire par l'État du port ou la délinquance du pavillon? », in « La norme, la ville, la mer. Écrits de
Nantes pour le Doyen Yves Prats », éditions de la maison des sciences de l'homme, Paris 2000, p 266. Voir
également. A. CHARBONNEAU: « Marché international du travail maritime: un cadre juridique en formation »,
éditions Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2009, p 44 et suivantes.
125
1) Les obligations de l'État du pavillon:
L'immatriculation d'un navire enrichit la flotte de l'État. L'importance de celle-ci est capitale
dans la mesure où elle est relative à la représentativité de l'État dans certaines instances
internationales telles que l'OMI ou l'OIT, principaux législateurs en matière maritime. En
contrepartie, l'immatriculation fait peser sur l'État certaines obligations dont la plus
importante est « d'assurer un respect plus efficace par les États du pavillon de leurs
obligations »573. (1.1) Une attention particulière est apportée aux obligations de l'État lorsque
le navire se trouve en haute mer, un espace où seule la loi du pavillon est applicable (1.2).
1.1) D'une manière générale, l'octroi de la nationalité de l'État à un navire le place sous
la dépendance et la protection de cet État. L'article 94 de la CMB dispose dans ce sens que
« tout État exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif,
technique et social sur les navires battant son pavillon ». La liste des diverses obligations est
énumérée dans les paragraphes 2 à 7 du même article. L'État est redevable d'un certain
nombre d'obligations non seulement envers le navire mais aussi envers son équipage. Il doit à
ce titre:
● Tenir un registre maritime où figurent les noms et caractéristiques des navires battant
son pavillon.
● Exercer sa juridiction, conformément à son droit interne, sur tout navire battant son
pavillon ainsi que sur l'équipage pour les questions d'ordre administratif, technique et
social concernant le navire.
● Prendre à l'égard des navires les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer,
notamment en ce qui concerne la construction, l'équipement du navire et sa
navigabilité ainsi qu'en ce qui concerne la composition, la formation des équipages et
leurs conditions de travail, conformément aux instruments internationaux applicables.
Ceci est également valable concernant l'emploi des signaux, le bon fonctionnement
des communications et la prévention des abordages.
● S'assurer que tout navire est inspecté avant son inscription au registre
d'immatriculation et ultérieurement, à des intervalles appropriés par un inspecteur
maritime qualifié. S'assurer également que le navire ait à son bord les cartes
maritimes, les publications nautiques ainsi que le matériel de sécurité de la navigation.
126
● S'assurer que tout navire est confié à un capitaine et à des officiers possédant les
qualifications requises, en particulier en ce qui concerne la manoeuvre, la navigation,
les communications et la conduite des machines et que l'équipage possède les
qualifications requises et est suffisamment nombreux, eu égard au type, à la
dimension, à la machinerie et à l'équipement du navire574.
1.2) Les obligations de l'État lorsque le navire se trouve en haute mer: La haute mer
est définie par la CMB d'une manière négative. Selon l'article 86 « la présente partie [ relative
à la haute mer] s'applique à toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone
économique exclusive, la mer territoriale ou les eaux intérieures d'un État, ni dans les eaux
archipélagiques d'un État archipel ». La haute mer ne relève d'aucune souveraineté étatique575.
Cette règle admise par les textes du droit international trouve une nuance dans l'obligation du
rattachement du navire à un ordre juridique donné, celui de l'État du pavillon. Ainsi, les
navires circulant dans un espace non soumis à des juridictions, la haute mer, sont tout de
même liés par le pouvoir de l'État dont ils portent le pavillon576. A cet égard, l'État du pavillon
doit adopter des législations internationales portant sur des infractions pouvant avoir lieu en
haute mer. Celles-ci doivent couvrir la répression de la piraterie commise à bord de ses
navires577, la répression des émissions non autorisées depuis la haute mer578, l'interdiction de la
traite des esclaves579, la répression du trafic illicite des stupéfiants et de substances
psychotropes580 et la répression de la détérioration ou de la rupture de câbles ou de pipelines
sous-marins581. La responsabilité de L'État du pavillon pourrait être engagée s'il ne respecte
pas l'une de ces obligations et qu'un dommage en résulte pour un État tiers même s'il ressort
de la pratique internationale, souligne la doctrine582, que cette responsabilité n'est pas engagée
devant le juge international par l'État victime.
574 En matière de pêche, l'État doit également prendre des mesures applicables à ses ressortissants pour assurer
la conservation des ressources biologiques. Voir l'article 117 de la CMB, op. cit.
575 Voir Article 87 de la CMB, op. cit.
576 Sur les espaces maritimes, voir: L. LUCCHINI, M. VOELKEL: « Droit de la mer », Tome II, Délimitation,
navigation, pêche, éditions Pedone, 1996. Voir également: P. BONASSIES, Ch. SCAPEL: « Droit maritime »,
op. cit.
577 Articles 100 à 107 de la CMB, op. cit.
578 Article 109 de la CMB, op. cit.
579 Article 99 de la CMB, op. cit.
580 Article 108 de la CMB, op. cit. Les substances psychotropes sont des substances propres à modifier le
psychisme et le comportement de l'être humain. Voir infra: Partie 2, Titre 1, Chapitre 1.
581 Article 113 de la CMB, op. cit.
582 L. LUCCHINI: Rapport introductif général du colloque international « Le pavillon », op. cit, p 12.
127
Toutes ces obligations supportées par l'État font que le navire qui porte son pavillon jouit
d'une protection juridique, ce qui n'affecte en rien les obligations qu'il endosse et qui
découlent de la même source, le lien substantiel (2).
583 Les pavillons de complaisance représentent plus de 63% de la flotte mondiale selon une étude réalisée par la
Conférence des Nations-Unies sur le Commerce Et le Développement (CNUCED):
http://www.unctad.org/fr/pub/index.htm
584 C'est le cas de plusieurs pays européens: L'Italie, l'Allemagne, la France, l'Espagne, le Portugal...
585 Pour plus de détails, voir à titre d'exemple: P. ANGELLELI: « Le registre international français (R.I.F): les
premiers mois à Marseille », DMF, octobre 2006, p 3. Voir également: P. CHAUMETTE: « L'immatriculation
Kerguelen, sauvée des eaux », DMF, septembre 1999, p 703.
586 Article 91 CMB, op. cit.
128
B) L'application tunisienne:
Le législateur tunisien met en place une procédure d'immatriculation des navires sous pavillon
tunisien (b) et identifie librement toute condition nécessaire pour qu'un navire puisse acquérir
sa nationalité (a).
1.1) Les navires construits en Tunisie: En vertu de l'article premier du CPANM, « sont
réputés tunisiens, les navires ou embarcations de tout tonnage construits en Tunisie... ».
Jusqu'ici le critère de rattachement ne pose pas de questionnement. Du moment que le lieu de
construction de navire est géographiquement situé en Tunisie, le navire est réputé tunisien.
Les choses se compliquent lorsque le texte de l'article assimile aux navires effectivement
construits sur le territoire tunisien les navires et embarcations de toutes nationalités qui, à la
suite d'un naufrage sur les côtes tunisiennes, « ont été déclarées épaves maritimes et acquis
pour le tiers au moins par des personnes physiques ou morales tunisiennes », ceux qui « ont
fait l'objet en Tunisie de réparation dont le coût est double du prix d'achat » ou encore ceux
qui « ont leur port d'attache en Tunisie ».
L'article va encore plus loin en déclarant « réputés tunisiens les navires et embarcations de
tout tonnage...déclarés de bonne prise faite sur l'ennemi ou confisqués pour infractions aux
lois tunisiennes ». En somme, la condition de construction en Tunisie englobe plusieurs
notions connexes ce qui a comme conséquence l'élargissement de l'étendue de l'octroi de la
129
nationalité tunisienne. La loi du 28 avril 1958 588 relative à la nationalité des navires tunisiens
et qui a été abrogée par le CPANM confirme cette constatation. Le texte de la loi n'accordait
la nationalité tunisienne qu'aux navires ayant leur port d'attache en Tunisie et appartenant pour
le tiers au moins à des personnes physiques ou morales tunisiennes 589. Nous estimons que le
législateur cherchait, par le choix de ce critère, à agrandir la flotte nationale d'un jeune pays
en voie de développement.
1.2) Les navires construits à l'étranger: Les navires construits en dehors des chantiers
navals tunisiens peuvent acquérir la nationalité tunisienne sous réserve de réunir trois
conditions posées par le premier article du CPANM: ils doivent appartenir, pour au moins
51%, à des personnes physiques ou morales de nationalité tunisienne, avoir un port d'attache
sur le territoire tunisien et avoir payé les droit de douane en vigueur. Cette disposition se
rapproche plus du lien substantiel établi sur le critère de nationalité du propriétaire du navire
que de celui établi sur la base du lieu de construction du navire. Dans les deux cas, le lien
établi entre le navire et l'État tunisien participe du lien réel en ce sens que le navire, qu'il soit
construit en Tunisie ou à l'étranger, a des attaches matériels ou humains avec la Tunisie. Le
lien réunissant le navire à l'État ne consiste pas simplement en une obligation financière, les
droits et taxes, qui restent dûs dans tous les cas590. Ce lien est prouvé par un écrit rédigé
auprès de l'autorité maritime compétente591, écrit délivré à l'issue de l'accomplissement des
procédures requises pour l'octroi de la nationalité tunisienne (2).
130
d'attache. Le modèle de déclaration n'est pas libre, il est arrêté par le Ministre chargé de la
Marine marchande, le Ministre des transports593. Le propriétaire pose par la suite sa signature
sur un registre spécial tenu par l'autorité maritime, le registre de soumission594. Il s'agit d'un
document regroupant les demandes de nationalité tunisienne pour les navires de tout type. Ces
procédures permettent au propriétaire de procéder au jaugeage de son navire, une formalité
indispensable pour la suite de la procédure. On entend par jaugeage du navire la constatation
officielle de sa capacité utilisable595. Pour un navire neuf construit par un chantier naval à
l’unité ou en petite série, c’est soit le constructeur qui se charge de faire jauger le navire par le
service de jaugeage, soit le propriétaire lui-même qui s’adresse à l'administration compétente
du port d’attache596. Par ailleurs, le propriétaire d'un navire d'une jauge brute supérieure ou
égale à 20 tonneaux est tenu de souscrire une caution. Celle-ci sert en cas de fraude à l'acte de
nationalité597. A l'issue de toutes ces procédures, un acte de nationalité est délivré au
propriétaire du navire (2.2).
131
ci doit être écrit en chiffres arabes.
- Le port d'attache: Il s'agit généralement, dans la pratique, du port de l'immatriculation du
navire. Il n'existe aucune obligation en la matière et le propriétaire du navire peut librement
choisir un autre port. Dans la pratique, le choix dépendra de la taxe professionnelle qui varie
selon la région de rattachement600. Le port d'attache peut être changé au cours de la vie du
navire. Son abréviation réglementaire doit figurer en caractère latins sur le navire.
- Le numéro d'identification du navire: Conformément à l'article 3 du chapitre XI de la
convention SOLAS intitulé « mesures spéciales pour renforcer la sécurité maritime »601, le
navire602 doit porter un numéro d'identification. Celui-ci est délivré par l'OMI et lui permet de
tenir un fichier central avec les caractéristiques de tous les navires du commerce identifiés. Le
numéro doit, d'une part, faire partie des signes extérieurs d'identification du navire et, d'autre
part, être inscrit sur les différents certificats de sécurité du navire603.
Une fois toutes ces procédures et conditions réunies, l'octroi de la nationalité ou du pavillon
est matérialisé par la procédure d'immatriculation (b).
b) La procédure d'immatriculation:
En Tunisie, l'administration compétente en matière d'immatriculation des navires est l'OMMP
qui tient un registre unique d'immatriculation604. Le code du commerce maritime (CCM) est,
par ailleurs, le cadre réglementaire régissant la procédure d'immatriculation.
L'accomplissement de la procédure d'immatriculation tel que prévu par le CCM (1) conduit à
l'identification du navire et la publicité des droits existant sur ce dernier (2).
132
s'opère entre les navires construits en Tunisie et les navires construits à l'étranger.
- En ce qui concerne les navires construits en Tunisie, le propriétaire procède à
l'immatriculation du navire à la livraison ou à l'acquisition dès le transfert de sa propriété606.
A cette fin, le propriétaire ou son mandataire doit produire à l'administration maritime une
copie originale de l'acte de vente, et un certificat de jaugeage607. Le certificat de jaugeage,
dressé au frais du propriétaire ou du constructeur ou du consignataire du navire608, indique un
certain nombre des caractéristiques techniques du bâtiment telles que sa longueur, sa largeur,
sa puissance maximale autorisée....
- Pour ce qui est de l'immatriculation d’un navire construit ou acquis à l'étranger, l'acheteur
doit présenter une demande écrite en vue de son immatriculation dans un délai de sept jours
de la date de son entrée dans un port tunisien, sachant que les formalités de l'immatriculation
ne doivent pas dépasser les soixante jours à partir de cette date609. Celles-ci supposent que le
propriétaire ou son mandataire fournisse à l'autorité maritime du port d'attache du navire tous
les documents appuyant sa demande. Il s'agit en application de l'article 24 al 2 du CCM, en
plus de la copie originale du titre de propriété et du certificat de jaugeage, d'une déclaration
écrite sur un formulaire fourni par les services de l'autorité maritime. L'article n'explique pas,
pour autant, la nature ni l'objet de cette déclaration. Il s'agit en réalité d'une demande
d'immatriculation écrite et signée par le propriétaire indiquant son identité, son adresse ou son
siège social. En vertu de ce document le propriétaire fait demande expresse pour que son
navire arbore le pavillon tunisien610.
énumère les chefs-lieux des quartiers maritimes d'immatriculation des navires battant pavillon tunisien. Il s'agit
de Tabarka, La Goulette, Bizerte, Kélibia, Sousse, Monastir, Mahdia, Sfax, Gabès et Houmt Souk.
606 Article 23, al 2 du CCM, op. cit.
607 Article 24, al 1 du CCM, op. cit.
608 Article 8, al 2 du CPANM, op. cit.
609 Article 23, al 2 du CCM, op. cit.
610 Entretien avec N. BELMAHRESSIA, OMMP, Tunis, le 15 janvier 2009.
133
2.1) Le registre matricule, autrement dit la pièce d'identité du navire, est un document
unique réservé à un navire donné et contenant toutes les informations servant à l'identifier et à
le distinguer des autres bâtiments611. Les informations inscrites sur le registre matricule
concernent le navire et son propriétaire:
- Le navire est identifié par un certain nombre de données administratives telles que son nom
et son port d'attache ainsi que de données techniques telles son mode de puissance et ses
dimensions612.
- Pour ce qui est des données relatives au propriétaire du navire et en dehors des données
classiques telles que son nom et son adresse de résidence, le registre matricule comporte
l'identification de toutes les personnes ayant droit sur le navire. C'est le cas du gérant du
navire en cas de copropriété, de l'affréteur du navire s'il y' a lieu, des hypothèques consentis
sur le navire... 613
2.2) Les droits existants sur le navire ne sont opposables aux tiers qu'après
publication614. Est exclu de cette règle le droit à la propriété du navire qui lui, est matérialisé
par l'émission du registre matricule. La publicité concerne ici tous les documents écrits ayant
pour effet de « constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit sur le navire, de
le rendre indisponible en totalité ou en partie ou de modifier toute autre condition de son
inscription »615. Il en est ainsi de tout contrat, de tout jugement ayant acquis la force de la
chose jugée et même de toute demande en justice dans l'objectif est de modifier ou annuler les
droits existant sur le navire616. L'obligation réglementaire de la publicité cherche certainement
à assurer une certaine transparence lors des transactions commerciales autour du navire; une
transparence d'une importance avérée lorsqu'il s'agit de rechercher les responsables d'une
défaillance aux règles de la sécurité et de la sûreté maritimes.
Quoi qu'il en soit, dès lors que toutes les formalités d'inscription sur le pavillon tunisien
accomplies, le navire peut être soumis au contrôle par l'État du pavillon opéré par des
instances habilitées à cette tâche par l'administration maritime. Il s'agit, en ce qui suit, de les
identifier ( Paragraphe 2).
611 Article 24 al 6 du CCM, op. cit. Les registres matricules sont tenus au chef-lieu de chacun des quartiers
maritimes, voir article 39 du CCM, op. cit.
612 Article 24 al 6-1 et 6-2 du CCM, op. cit.
613 Article 24 al 6-3 et article 19 du CCM, op. cit.
614 Article 29 du CCM, o. cit.
615 Article 30 du CCM, op. cit.
616 Voir les articles 30 à 38 du CCM, op. cit.
134
Paragraphe 2 : Les instances chargées du contrôle :
Les officiers de l'OMMP sont chargés d'effectuer le contrôle des navires tunisiens. Ils sont
répartis sur plusieurs villes côtières dans des structures relevant de l'OMMP appelées les
centres de sécurité maritime (A). Ces derniers font appel aux sociétés de classification lors du
contrôle par l'État du pavillon. Contrairement à la pratique d'une grande partie d'États
maritimes, l'intervention de ces organismes est limitée (B).
617 Sis à Tunis, Bizerte, Téboulba, Sousse, Sfax, Gabès et Zarzis. Existe par ailleurs le projet d'implantation d'un
port en eaux profondes à Enfidha.
618 Article 41 du CPANM, op. cit.
135
- Par ailleurs, le personnel de ces administrations effectue ou participe aux enquêtes après-
accidents que l'État du pavillon est tenu d'accomplir chaque fois qu'un navire portant son
pavillon se trouve impliqué dans un événement de mer619.
- Il participe également aux travaux des Commissions régionales de sécurité travaillant sous
l'égide de la Commission centrale de sécurité620. Siégeant auprès de chaque région maritime,
les Commissions régionales de sécurité sont saisies par l'armateur du navire pour approbation
des plans de son navire lors de sa construction, de sa refonte ou encore lors de la demande de
la nationalité tunisienne621. Elles sont également saisies pour l'étude de « tous appareils ou
engins de sécurité présentés à l'homologation, toute installation, tout dispositif ou appareil,
dont le fabricant ou l'armateur désire faire reconnaître l'équivalence »622.
Les membres des Commissions régionales de sécurité représentent les différentes parties
intéressées à la sécurité du navire: l'administration maritime, les chantiers navals, les
armateurs, les marins, les assureurs, les sociétés de classification623...Ils sont désignés par
décision « du Ministre de la Marine Marchande624 sur proposition du Directeur de la Marine
Marchande arrêtée en commun avec les organismes intéressés »625.
136
passage des navires dans les eaux territoriales626.
137
b) Les officiers de la marine marchande:
Le personnel des services régionaux la sécurité constitue un corps d'officiers principaux 632 de
carrière de la marine nationale633, composé de professionnels expérimentés. Ils sont recrutés
(2) dans le but d'animer les services régionaux de sécurité maritime. Ils assurent, à ce titre, des
fonctions techniques et administratives de gestion et d'inspection pour lesquelles ils ont, outre
l'expérience professionnelle, une formation académique (1).
632 Le décret n°99-2465 du 1er novembre 1999 portant statut particulier du corps des personnels spécialisés de
la marine marchande dépendant du Ministère des Transports (JORT du 12 novembre 1999, p 2324 et suivantes)
énumère dans son article premier les différents grades d'officiers: officiers principaux de première, deuxième ou
troisième classe, officier de la marine marchande, officier adjoint de la marine marchande et adjoint de première
classe de la marine marchande. Le premier chapitre du décret attribut la mission d'inspection aux officiers
principaux.
633 Article 8 du décret du 1er novembre 199, op. cit.
634 Les entretiens ont été effectués avec les personnes suivantes: A. EL YAHMADI (directeur des gens de mer à
l'OMMP), B. LAATIL ( sous directeur des gens de mer à l'OMMP) et T. BEN SALAH (inspecteur à la retraite).
635 Voir supra: Partie 1, Titre 1, Chapitre.
636 Assurées par les enseignants de l'École maritime de Sousse et de l'Académie navale de Menzel Bourguiba.
Information issue de l'entretien précité effectué avec N. BELMAHRESSIA.
138
lacune. Ils interviennent à des périodes différentes et assurent des formations diversifiées. Ils
ne peuvent, pour autant, pas concerner la totalité des inspecteurs. Les codes de conduites et
autres matériels de formations élaborés par les organisations internationales trouvent ici toute
leur importance. Ceci est notamment vrai en matière sociale car, force est de constater que les
matières encadrées par les conventions et recommandations internationales du travail
maritime ne font pas l'objet d'un enseignement équivalent à celui des normes issues de
l'OMI637. Parmi ces documents figure le manuel de formation élaboré au sein du Bureau
international du travail intitulé « Formation des inspecteurs pour l'inspection des conditions de
vie et de travail des marins à bord des navires »638. Le manuel retrace l'essentiel des
conventions internationales du travail maritime de manière à guider les inspecteurs de l'État
dans le cadre de leurs futures inspections à bord des navires, objectif pour lequel leur
recrutement est fait (2).
2.1) Les officiers principaux de première classe de la marine marchande sont nommés
par voie de promotion parmi les officiers principaux de la deuxième classe par décret et sur
proposition du Ministre des transports sous réserves de certaines conditions 640. Outre le succès
dans la formation organisée par l'autorité maritime, l'inspecteur doit avoir réussi un concours
interne ouvert aux officiers de la deuxième classe et justifier d'au moins cinq ans d'expérience
dans son domaine641. Il peut, également, être choisi pour son mérite sous réserve d'avoir huit
ans d'ancienneté642.
637 S. RICORDEL: « Le contrôle des conditions de vie et de travail des marins de commerce par l'État du
port », thèse, Université de Bretagne occidentale, 2006. L'auteur fait ici référence aux inspecteurs de certains
pays européens. La remarque est également valable pour les inspecteurs tunisiens.
638 Inspector's training manual for the inspection of seafarers living and working conditions on board ship,
2002.
639 Article 6 du décret du 1er novembre 1999, op. cit.
640 Article 9 du décret du 1er novembre 1999, op. cit.
641 Article 9 a et b, du décret du 1er novembre 1999, op. cit.
642 Article 9, c du décret du 1er novembre 1999, op. cit.
139
2.2) Les officiers principaux de deuxième classe sont nommés par voie de promotion
parmi les officiers principaux de troisième classe de la marine marchande par décret et sur
proposition du ministre des transports sous réserve de justifier de conditions similaires à celles
exigées pour les officiers principaux de première classe643: Une formation réussie et une
expérience professionnelle d'une durée minimale de cinq ans en tant qu'officiers de troisième
classe à défaut de passer un concours de promotion. Des officiers de la troisième classe
peuvent être promus d'office à condition de justifier de huit ans d'expérience.
2.3) Les officiers principaux de troisième classe sont recrutés par voie de nomination
directe parmi les élèves issus des écoles de formation maritime ou par voie de concours
externe ouvert aux candidats ayant suivi avec succès le cycle complet des études644. Les
officiers de la marine marchande sont promus au grade d'officiers principaux de troisième
classe par voie de concours interne ou en justifiant d'une expérience professionnelle de cinq
ans et dans tous les cas après avoir suivi un cycle de formation organisé par l'administration
maritime645.
Les officiers de la marine marchande, tous grades confondus, portent une pièce d'identité
fournie par les autorités de l'État qui spécifie, outre leurs identités, que l'inspecteur a autorité
pour agir dans le cadre du contrôle. Actuellement, vingt inspecteurs de la sécurité des navires
sont affectés dans ces centres de sécurité646. Si la mission d'inspection des règles de sécurité et
de sûreté leur revient principalement, des organismes privés, les sociétés de classification,
soutiennent d'une manière réduite leur action (B).
140
a) Le mécanisme de délégation de pouvoir de contrôle maritime:
En vertu de la règle 4 du chapitre IX de la convention SOLAS, l'État ayant ratifié la
convention SOLAS peut déléguer une partie de ses compétences à un organisme reconnu par
l'administration maritime. La pratique permet d'observer que les opérations d'analyse et de
contrôle sont très souvent confiées à des sociétés de classification647.
Sur délégation de l'État du pavillon, les sociétés de classification sont chargées de la certifier
les navires. La certification consiste à attester de la qualité ou des caractéristiques de
conformité d'un produit ou d'un service à des exigences préalablement définies par un texte 648,
en l'occurrence les conventions sur la sécurité et les conventions sur la pollution649. Le choix
des sociétés de classification repose sur certains critères contenus à la fois dans les textes
internationaux et nationaux (1); il a pour conséquence le transfert du pouvoir de l'État à ces
organismes (2)
647 B. BEILVERT: « La sécurité de l'exploitation du navire », ADMO, Tome XV, 1997, p 356.
648 B. LATRECH: « Les sociétés de classification des navires », Thèse, Perpignan, 2004, p 79.
649 M. FERRER: « La responsabilité des sociétés de classification », op. cit, p 309.
650 Résolution A.739 (18) du 4 novembre 1993 amendée par la résolution MSC 208(81) du 18 mai 2006 et
incorporée dans la convention SOLAS.
651 Voir premier appendice de la résolution A. 739, op. cit.
652 Op. cit.
653 Op. cit.
654 Voir à ce propos l'appendice 2 de la résolution A 739, op. cit
141
De son côté, la législation tunisienne pose différentes conditions matérielles à la société
bénéficiant ou cherchant à bénéficier d'une délégation655. Celle-ci doit disposer d'un « local à
usage de bureau » adéquat656, contenant l'équipement de communication nécessaire à
l'accomplissement de sa mission657. Le texte tunisien régit, en outre, les relations de travail
entre les deux parties, l'État et l'entreprise de classification. L'entreprise doit fournir à
l'autorité compétente de l'État délégataire, un exemplaire de son règlement de construction, les
règles de classification qu'elle applique ainsi que des exemplaires de certificats de
classification658.
l'État inscrit la société habilitée à le suppléer dans sa mission d'inspection sur un registre
prévu à cette fin, tenu par l'administration maritime tunisienne 659. Il s'engage par ailleurs à
fournir à la société de classification tous les instruments juridiques nationaux nécessaires à
l'accomplissement de sa mission. De son côté, la société de classification s'engage à
transmettre à l'État toutes les informations qu'elle recueille dans le cadre de l'exercice du
pouvoir lui ayant été transféré (2).
655 Contenues dans la loi n° 95-33 du 14 avril 1995 portant organisation des professions de la marine
marchande, ( JORT du 18 avril 1995, p 731) et dans l'arrêté du ministre du transport du 15 septembre 1995 fixant
les moyens matériels minima requis pour l'inscription sur le registre des bureaux de représentation des
entreprises étrangères de classification des navires ( JORT du 22 septembre 1995, p 1839).
656 D'une surface minimale de 90 m2
657 Téléphone, fax ou telex et matériel informatique.
658 Article 1er, alinéa 2 de l'arrêté du 15 septembre 1995, op. cit.
659 Article 3 de la loi du 14 avril 1995, op. cit.
660 Article 2.6, loi n° 95-33 du 14 avril 1995, op. cit.
142
équipent le navire661. Ces différentes inspections aboutissent à la délivrance d'un certificat par
la société de classification agréée. Dans ce cadre, l'administration se porte toujours garante
des résultats de l'intervention de l'organisme662. Pour cette raison et en application de la
résolution A 739 de l'OMI663, l'État est tenu d'effectuer un contrôle sur le travail des sociétés
de classification. Ceci peut se faire par le biais de communications et de notifications que la
société de classification communique à l'État ou encore par des inspections supplémentaires
du navire par le personnel de l'État du pavillon afin de vérifier l'adéquation du travail
d'inspection effectué par la société.
Il est à préciser qu'en dehors des visites opérées par les sociétés de classification sur
délégation de l'État du pavillon, les règlements des sociétés de classification prévoient des
visites annuelles, conjoncturelles et périodiques664 et à un caractère préventif. Leur but n'est
pas de rechercher les infractions mais de déceler les défectuosités afin d'éviter qu'un navire en
mauvais état ne prenne le large665.
Le système tunisien fait appel d'une manière très limitée aux sociétés de classification. La
responsabilité du contrôle maritime revient en premier ressort à l'administration maritime.
Même si la loi permet à ces organismes l'inspection des appareils de levage, la délivrance et la
validation du registre d'inspection666, en pratique, la société de classification n'intervient que
sur le domaine où l'administration n'a pas les moyens techniques et la compétence de faire, le
contrôle du franc-bord667. L'intervention limitée de ces organismes n'affecte en rien le droit de
l'État tunisien au contrôle du travail effectué par leurs soins. Le personnel affecté à cette
mission est composé par les officiers de la marine marchande assermentés et habilités à cet
effet668. A cette occasion, le sociétés de classification peuvent voir leur responsabilité engagée
dans certaines situations (b).
661 B. ANNE: « Sociétés de classification et sécurité maritime », Transports n° 403, septembre-octobre 2000, p
359.
662 B. ANNE: « Sociétés de classification et sécurité maritime », op. cit, p 360.
663 Op. cit.
664 Fixées par la résolution A. 413 (XI) du 15 novembre 1979: Directives sur les visites et les inspections à
effectuer dans le contexte du protocole de 1978 relatif à la convention SOLAS de 1974 et du protocole de 1978
relatif à la convention MARPOL de 1973, paragraphe 1.
665 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 486.
666 Article 28 al 2 du CPANM, op. cit.
667 En application de l'article 28 al 1 du CPANM, op. cit. Information issue d'un entretien avec N.
BELMAHRESSIA, op. cit. Le franc-bord est un terme technique désignant la hauteur entre la ligne de flottaison
à pleine charge et le pont principal, appelé également pont de cloisonnement.
668 Article 12 de la loi du 14 avril 1995, op. cit.
143
b) La responsabilité des sociétés de classification :
La délégation en matière de contrôle des navires est un prolongement de l'autorité
administrative de l'État à un organisme privé à l'occasion duquel l'État reste responsable vis à
vis des ayant droits aux navires. Sur un autre plan, la délégation crée une relation de travail
entre deux parties: un acteur privé et un acteur public. Dans le cadre de cette relation, la
société de classification peut voir sa responsabilité engagée non vis à vis des ayants droits au
navire mais vis à vis de l'État délégataire en cas de manquement dans l'accomplissement de sa
mission. Si en matière de responsabilité contractuelle, il faut se tenir aux termes de l'accord
établi entre les deux parties, l'État et la société669, il n'en n'est pas de même pour ce qui est de
la responsabilité administrative (1) ou de la responsabilité pénale (2).
1) La responsabilité administrative :
Les prestations des sociétés de de classification participent à un service public administratif
défini par l'article 28 du CPANM670, celui d'émettre des certificats de sécurité au nom de l'État
du pavillon mais aussi de les suspendre, voire de les supprimer. Le pouvoir de certifier la
conformité des navires est un pouvoir réglementaire que seul l'État possède puisqu'il s'agit de
formaliser la conformité des navires aux dispositions émises671. La responsabilité
administrative de la société de classification ne peut être retenue dans ce cadre que lorsque le
dommage ou la mauvaise exécution causés du fait de son travail est directement lié à
l'exercice du service public. Dans ce cas, le tribunal administratif sera, en principe,
compétent672. Cela étant, l'agrément passé entre l'État et la société de classification peut
comprendre des clauses aménageant des procédures de conciliation ou d'arbitrage673.
En cas de « constatation d'un manquement grave ou répété à l'occasion de l'exécution de ses
obligations légales, du non respect des règlements afférents aux transports, au travail ou à la
sécurité, ou d'un retard important et répété dans l'exécution de ses obligations contractuelles »,
l'État, en la personne du Ministre des transports, inflige des sanctions administratives à la
société de classification qui vont du simple avertissement jusqu'à la radiation de la société674.
669 L'article 2 du Code des des Obligations et des Contrats (COC) (éditions de l'Imprimerie officielle de la
République Tunisienne, 2001) dispose: « Les obligations dérivent des conventions et autres déclarations de
volonté, des quasi-contrats, des délits et des quasi-délits ».
670 Op. cit.
671 M. FERRER: « La responsabilité des sociétés de classification », op. cit, p 348.
672 Le juge administratif tunisien n'étant pas encore saisi dans ce genre d'affaire, nous préférons mettre une
réserve quant à sa compétence en la matière.
673 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 495.
674 Article 20 de la loi n° 95-33 du 14 avril 1995 portant organisation des professions de la Marine marchande,
144
Les sanctions en question ne sont pas l'oeuvre unilatérale du Ministre des transports, elles sont
décidées par une commission de discipline qu'il préside et dont la loi fixe la composition à
côté des procédures et des délais à suivre avant la prononciation de la sanction675.
2) La responsabilité pénale:
Les sociétés de classification sont assimilées en droit tunisien aux sociétés commerciales.
L'article 7 du code des sociétés commerciales676 dispose que « la société est commerciale soit
par sa forme soit par son objet ». La responsabilité pénale des sociétés de classification peut
donc être engagée en application de l'article 117 du code des sociétés commerciales. Celui-ci
dispose que « le ou les gérants sont responsables individuellement ou solidairement, selon le
cas, envers la société ou envers les tiers...des fautes commises dans leur gestion ». Quelle
interprétation pouvons nous donner à cette disposition de manière à ce qu'elle s'applique aux
sociétés de classification? Autrement dit, quelles infractions pourraient commettre ces
organismes pour être soumises aux sanctions prévues par la loi?
Eu égard à la mission de la société de classification, la vérification de l'application des normes
de sécurité, on pourrait considérer que la responsabilité pénale des sociétés de classification
peut être engagée à la suite de l'implication d'un navire contrôlé par ses soins dans un accident
ayant causé des dommages corporels ou environnementaux. Elle serait, ainsi, engagée dans le
premier cas pour homicide involontaire et dans le second pour infraction aux règles pénales
de l'environnement. Dans les deux cas, l'infraction ne peut qu'être involontaire puisque les
prestations des sociétés de classification n'ont pas vocation principale à entraîner des
dommages corporels ou environnementaux.
Toute infraction pénale est constituée d'un élément matériel et d'un élément moral. Si
l'élément matériel dans le cadre de dommages corporel, de perte de marchandises ou d'atteinte
à l'environnement est relativement aisé à démontrer, l'élément moral qui consisterait, dans ce
cas là, en l'attention de nuire à autrui en violant manifestement des mesures de sécurité semble
non aisé à démontrer. C'est peut être la raison pour laquelle la jurisprudence tunisienne n'a pas
encore eu à se prononcer sur la mise en jeu de la responsabilité pénale des sociétés de
classification. Celle-ci a, d'ailleurs, rarement été mise en application à travers le monde677. En
op. cit, p 731 et suivantes. Aux termes de l'article 2 alinéa 6 de la loi, les sociétés de classification sont
considérées comme faisant partie des professions de la Marine marchande.
675 Voir les articles 21 et 22 de la loi du 14 avril 1995, op. cit.
676 Éditions de l'Imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2001.
677 M. FERRER: « La responsabilité des sociétés de classification », op. cit, p 379.
145
cas de dommages, les parties lésées se retournent plus naturellement envers l'armateur du
navire qui aurait failli à ses obligations sécuritaires et que l'État du pavillon est dans
l'obligation de contrôler, quelque soit la personne ou la partie qu'il engage pour accomplir cet
objectif. Il s'agit dans la suite de l'analyse d'évaluer la manière avec laquelle l'État tunisien,
État du pavillon, met en oeuvre l'inspection des mesures de sécurité et de sûreté à bord des
navires arborant son pavillon (Section 2).
146
Section 2 : L'effectivité du contrôle par l'État du pavillon :
L'État du pavillon est tenu de veiller à la bonne application des les normes de sécurité
relatives à la construction et à l'exploitation des navires et à leur application 678. « Au regard de
la sécurité de la navigation, les navires tunisiens sont soumis, en tout temps, au contrôle de
l'Autorité maritime »679. Ceci se réalise par le biais d'un contrôle préventif basé notamment sur
la délivrance de certificats de sécurité et sur des visites d'inspections ( Paragraphe 1). En cas
de violation des obligations réglementaires, l'État est investi d'un pouvoir de sanction envers
ses ressortissants coupables de l'infraction à la loi ainsi que d'une obligation d'investigation
sur les causes de défaillance réglementaire ayant conduit à un accident en mer ( Paragraphe
2).
147
qu'ils soient inspectés périodiquement pour vérifier que les mentions portées sur les certificats
sont conformes à l'état effectif du navire681.
La législation tunisienne permet une application de ces obligations à travers l'article 26 du
CPANM682 qui énumère les certificats requis:
- Il s'agit en premier lieu du permis de navigation683. Celui-ci est délivré exclusivement par
l'administration maritime, l'OMMP. Sa durée de validité est fixée au cas par cas et ne peut
excéder un an dans tous les cas684.
- Il s'agit par ailleurs, du certificat du franc-bord pour les navires de commerce d'une jauge
brute égale ou supérieure à 50 tonneaux685. La validité de ce document ne peut excéder les
cinq ans686.
- Le navire portant un pavillon tunisien et effectuant des voyages internationaux doit
également posséder les titres de sécurité et de sûreté prévus par les conventions
internationales687. Ceux-ci sont nombreux et concernent en premier chef les caractéristiques
techniques du navire. La convention SOLAS en dresse une liste dont on citera notamment le
certificat de sécurité de construction cargo (Ship safety construction certificate) valable cinq
ans, le certificat de sécurité du matériel d'armement ( Ship safety equipment certificate)
valable deux ans, le certificat de sécurité radio ( Ship safety radio certificate) valable une
année. La convention MARPOL du 2 novembre 1973 pour la prévention de la pollution par
les navires688, de son côté, exige la délivrance d'un certificat international de prévention de la
pollution par hydrocarbures (International Oil Pollution Prevention certificate) valable cinq
ans689. Dans tous les cas, la validité des titres de sécurité expire dès qu'une condition requise
pour leur obtention cesse d'être remplie après une avarie grave ou un changement notable
dans la structure ou les aménagements du navire690. Les conditions requises en question
concernent notamment la construction du navire, ses installations électriques, les moyens de
148
sauvetage à bord, les instruments et les documents nautiques ainsi que l'habitabilité, l'hygiène
et le service médical à bord691.
D'autres titres de sécurité concernent d'une manière directe l'élément humain (b).
149
2.1) Tout marin embarqué à bord d'un navire battant pavillon tunisien doit posséder un
« livret professionnel de gens de mer »696 délivré par l'administration maritime697. Outre les
données concernant son porteur, le livret mentionne toutes les données et événements
concernant la carrière du marin tels que l'identification de tout navire sur lequel le marin est
engagé, la date et le lieu de son engagement et s'il y a lieu de son licenciement 698. La
possession de livret suppose que le marin a été formé pour le métier nautique qu'il occupe. La
nature des diplômes et brevets dont il est titulaire doivent figurer sur le livret699. La durée de
validité de ce dernier est de cinq ans prolongeable pour la même durée700.
2.2) L'effectif des marins embarqués est fixé par l'armateur et soumis à l'approbation
de l'autorité maritime. Celle-ci apprécie sa conformité aux règles de sécurité, à la durée du
travail et à l'organisation des services à bord 701 et décide d'accorder ou pas un visa d'effectif.
La décision de l'autorité maritime, qui doit être fondée702, peut faire l'objet d'un recours auprès
du Ministre chargé de la marine marchande703. L'administration maritime tunisienne affirme
que ce type de recours reste très rare704.
2.3) L'inscription d'un marin au registre d'équipage d'un navire faisant des sorties
supérieures à 72h est subordonnée à un examen médical705 prouvé par un certificat médical
dénommé « certificat d'aptitude physique des gens de mer »706. Ce dernier est valable pendant
une durée ne dépassant pas une année pour les marins de moins de vingt ans et d'une période
ne dépassant pas deux ans pour les marins âgés de vingt ans révolus707. Dans le cas où la
150
validité du certificat expire au cours d'un voyage, il est considéré valide jusqu'à la fin du
voyage.
Par ailleurs, la conformité aux exigences des codes ISM et ISPS est une compétence exclusive
de l'administration compétente de l'État du pavillon. A côté des titres de sécurité exigés par la
loi nationale en application des conventions internationales, le plan de sécurité du code ISM et
le plan de sûreté du code ISPS, que l'armateur est tenu d'élaborer, doivent également être
tenus à bord708.
L'existence et la validité de l'ensemble des documents exposés dans ce paragraphe sont
inspectées lors des visites de contrôle organisées à une fréquence déterminée par le CPANM
( B).
151
de construction, si le navire est construit en Tunisie. Mises à part les dispositions de la
convention SOLAS, il est prescrit711 que cette visite doit également satisfaire à toutes les
règles nationales promulguées pour l'application de la convention. La législation tunisienne
exige ainsi une visite à sec de la coque712. Elle précise également que cette visite est prescrite
pour tout navire dont les titres de sécurité ont été retirés ou suspendus avant d'être remis en
service713. Ceci pourrait être le cas lorsque les conditions requises pour l'obtention des titres de
sécurité cessent d'être remplies à cause d'une avarie ou d'un changement notable dans la
structure ou les aménagements, ou que la côte attribuée au navire par une société de
classification est retirée714. Depuis l'entrée en vigueur du code ISM en Tunisie715, cette visite
comprend également un audit en vue de la délivrance des certificats de conformité au code.
La visite de mise en service se termine normalement par la délivrance des certificats de
sécurité du navire.
2) La visite périodique:
Au même titre que la visite initiale, la visite périodique porte sur la structure du navire, ses
équipements, ses aménagements et ses matériaux. Son objectif est de vérifier si l'état
technique du navire est maintenu et qu'il réponde toujours aux exigences légales. Le
législateur tunisien précise716 qu'elle doit être effectuée à flot et que dans ce cas, l'inspecteur
chargé de la visite peut exiger le déchargement partiel ou total de la marchandise afin de
pouvoir atteindre toutes les parties qu'ils souhaiterait inspecter. L'inspecteur peut, s'il en voit
une nécessité, décider que cette visite se fasse en cale sèche. Les intervalles de de la visite
périodique sont définis par l'administration maritime, néanmoins le législateur précise que les
navires de commerce sont soumis à une visite à sec au moins tous les deux ans717. Au cours de
cette visite, comme au cours de la visite exceptionnelle, l'inspecteur peut demander au
capitaine toute assistance qu'il jugera nécessaire.
711 Règle 7 b, annexe B du protocole de 1988 relatif à la convention SOLAS, entré en vigueur le 3 février 2000.
712 Article 34-1 du CPANM, op. cit.
713 Article 34-3 du CPANM, op. cit.
714 Article 29 alinéas 2 et 3 du CPANM, op. cit.
715 En application du décret n° 3050-2005 du 21 novembre 2005, JORT du 2 décembre 2005, pp 3379-3380.
716 Voir article 34-2 du CPANM, op cit.
717 Tous les deux ans au moins s'ils sont à coque métallique, tous les trois ans s'ils sont à coque en bois selon
l'article 34-2 alinéa 3 du CPANM, op. cit.
152
3) La visite exceptionnelle :
Elle intervient dans deux cas: premièrement, lorsque l'autorité maritime juge utile de
soumettre un navire donné à une visite de sécurité inopinée718. La loi ne fixe pas les situations
pouvant donner lieu à une visite de ce type mais l'on pourrait imaginer que celle-ci est décidée
chaque fois que l'autorité maritime détient des informations concernant des défectuosités
survenues au navire. Deuxièmement, la visite exceptionnelle est prescrite avant la remise en
service d'un navire dont les titres de sécurité ont été retirés 719, faute de réunion des conditions
requises pour leur obtention720.
4) La visite de partance:
L'article 36, alinéa 1 du CPANM dispose qu'« avant de quitter un port tunisien, tout navire
peut être soumis à une visite de partance ». Bien qu'à la lecture de cette disposition on pourrait
penser qu'elle concerne tous les navires quels que soient leurs pavillons, l'objet de la visite de
partance montre bien qu'elle ne concerne que les navires portant pavillon tunisien puisqu'il
s'agit de vérifier la conformité du navire au CPANM et aux règlements en vigueur.
A l'issue de chacune de ces visites, un procès verbal de visite est rédigé. Il mentionne toutes
les irrégularités constatées au cours de la visite ainsi que les observations et prescriptions
formulées par les inspecteurs et qui doivent faire référence aux dispositions des lois en
vigueur721. L'autorité maritime interdit ou ajourne, jusqu'à exécution de ces prescriptions, le
départ de tout navire défaillant à la réglementation722. Sa décision est immédiatement notifiée,
par écrit, au capitaine du navire qui doit s'y soumettre au risque de l'intervention des services
du port pour empêcher le navire de le quitter723. S'il y a lieu, l'État de pavillon délivre un titre
de sécurité pour chaque objet de contrôle satisfait724.
Il convient à ce stade de l'analyse de s'interroger sur la part d'inspection réservée à l'élément
humain dans le cadre de toutes ces inspections (b).
153
b) La prise en compte de l'élément humain lors des visites:
En dehors de l'inspection de l'existence et la validité des documents dont le navire doit être
muni, très souvent les visites ont un caractère très technique725 (1). Des perspectives
d'évolution vers une meilleure intégration du facteur humain dans le processus du contrôle à
bord sont, tout de même, à noter (2).
154
réparation imposées par l'administration ne le satisfassent pas. Difficile d'y répondre étant
donné que la loi est muette sur ce point et que la jurisprudence n'a pas eu l'occasion se
prononcer.
1.2) Sur un plan pratique, il ressort d'un entretien effectué avec un ancien inspecteur
tunisien731 que la visite d'inspection dure en moyenne une demie journée. Cette durée, jugée
courte par les professionnels, fait que l'aspect technique du navire est mis au coeur de la visite
d'inspection. Le procès verbal, rédigé à l'issue, fait apparaître les rubriques suivantes:
- La présence ou l'absence des titres de sécurité.
- La présence des documents devant être conservés à bord tels que les cartes et documents
nautiques, le journal médical, le registre des hydrocarbures s'il y a lieu732.
- L'état du matériel d'armement tels que les radars ou les sondeurs acoustiques.
- La présence à bord et l'état du matériel de lutte contre les incendies.
- La présence à bord et l'état du matériel de sauvetage.
- La présence à bord et l'état du matériel de lutte contre la pollution.
- La validité des brevets de compétence du capitaine et des marins.
- L'état des locaux, équipements et matériels affectés à l'équipage n'est évoqué que si les
inspecteurs achèvent le contrôle technique avant le terme et qu'il reste du temps pouvant y
être consacré. On imagine que la probabilité de s'entretenir avec les marins sur les conditions
dans lesquelles ils vivent et travaillent est, dès lors, à exclure733.
La carence dans le contrôle du facteur humain n'est pas spécifique à la Tunisie. Il est
généralement admis que l'inspection des conditions de vie et de travail à bord des navires est
rare et dérisoire734. Ceci est notamment dû à la courte durée du contrôle; celui-ci empiète sur
le temps de l'activité commerciale du navire. La tendance à penser automatiquement aux
défaillances techniques comme cause des accidents maritime y joue également, sans doute.
Malgré les nombreux exemples montrant l'implication forte de l'élément humain dans les
accidents en mer735, la culture d'inspection est encore majoritairement technique. Cette
constatation est à nuancer dans la mesure ou des évolutions ont été constatées (2).
731 T. BEN SALAH, op. cit.
732 La liste des papiers de bord est dressée par l'article 6 du Code de commerce maritime CCM.
733 Conclusion confirmée par T. BEN SALAH, op. cit.
734 Voir à ce propos: R. CUISIGNIEZ: « La réglementation de sécurité à bord des navires marchands », op. cit,
p 78 et suivantes.
735 Voir supra: Introduction.
155
2) Les évolutions réalisées dans le domaine ne sont pas l'oeuvre de la Tunisie mais du
législateur français, pionnier en la matière. Leur étude permet de servir d'exemple à suivre. En
France la loi n° 96-151 du 26 février 1996736 et le décret n° 99-489 du 7 juin 1999 737 instaurent
un second corps de contrôle en matière maritime, les inspecteurs du travail maritime738. Ils
s'agit d'officiers et fonctionnaires relevant du Ministère chargé de la mer739. Ils ont comme
mission d'assurer le contrôle de la législation du travail maritime, de constater les infractions à
celles-ci; en somme de contrôler les conditions de vie et de travail des personnes employées à
bord.
Ce contrôle « social » s'effectue de la manière suivante: l'inspecteur consulte au préalable les
informations que détient l'administration maritime sur le navire objet de l'inspection. A bord
du navire, l'inspecteur consulte le registre d'heures. La vérification des documents peut se
faire dans le cadre d'un entretien avec les navigants. A l'issue de la visite, l'inspecteur rédige
« un rapport d'inspection du travail maritime ». Il peut également décider de l'inspection du
siège de l'armateur à l'issue de laquelle « un rapport de contrôle d'entreprise d'armement est
rédigé ».
Ce nouveau type de contrôle pourrait aboutir à des sanctions en cas de constatation
d'infractions qui vont d'une simple mise en demeure de conformité à la réglementation jusqu'à
l'immobilisation du navire. Le décret du 7 juin 1999 renforce ce nouveau type de contrôle en
créant des services d'inspection du travail maritime au sein des directions
interdépartementales et des directions départementales des affaires maritimes740.
A noter également que les sociétés de classification qui se sont longtemps focalisées sur le
contrôle des seules normes matérielles et techniques ont élargi leur champ d'activité à
l'inspection des conditions sociales à partir des années 1990741. La tendance s'est confirmée
avec l'adoption du code ISM. Seulement, leur intervention ne concerne que l'organisation du
travail en relation avec la gestion de la sécurité. Aucune de leurs études ne concerne
directement les conditions de vie et de travail à bord742. Elles estiment que les armateurs sont
736 Loi relative aux transports, Journal officiel de la République Française (JORF) n° 49 du 27 février 1996, p
3094 et suivantes.
737 Décret pris en application de l'article L. 742-1 du code du travail et relatif à l'inspection du travail maritime
et à la répartition des compétences au sein des services déconcentrés des affaires maritimes, JORF n° 134 du 12
juin 1999, p 8632 et suivantes.
738 Voir Titre VIII de la loi du 27 février 1996, op. cit.
739 Article 25 de la loi du 27 février 1996, op. cit.
740 Article premier de la loi du 27 février 1996, op. cit.
741 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op cit, p 359.
742 F. LILLE et R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, p 239.
156
les seuls maîtres en la matière. Mais dans la mesure où en Tunisie, les sociétés de
classification n'interviennent que lors de l'inspection du franc-bord, l'inspection des conditions
de vie et de travail des marins reste une affaire nationale. La mise en pratique stricte de la
législation sociale en prévention des accidents de mer devrait faire partie des préoccupations
de l'administration maritime tunisienne dans le futur. La suite de l'étude montrera que cette
constatation est également souhaitable quant à l'application des règles de contrôle en aval des
règles sociales ( Paragraphe 2).
a) L'incrimination de l'équipage:
Les membres de l'équipage peuvent être incriminés pour des actions ou des omissions qu'ils
ont commises ou auxquelles ils ont participé et qui auraient affecté la sécurité (1) ou la sûreté
(2) à bord.
157
1) En matière de sécurité, des sanctions sont prévues par la loi en cas d'abordage (1.1),
de pollution (1.2) ou de fautes disciplinaires (1.3)
158
condamner à une peine d'emprisonnement l'armateur, personne morale, d'un navire
pollueur750. Quoique controversé751, ce type de décision montre que le juge tunisien soutient
l'action du contrôle répressif de l'État du pavillon. Nous reviendrons d'une manière plus
détaillée sur la pollution maritime en Tunisie dans un prochain chapitre.
1.3) Les infractions disciplinaires sont du ressort exclusif de « L'État qui a délivré un
brevet de commandement ou un certificat de capacité ou permis » autrement dit, l'État du
pavillon752. Le CDPM a désigné le capitaine du navire comme étant le responsable de la
constatation des infractions et au « maintien de l'ordre, la sécurité des personnes embarquées,
du navire ou de la cargaison »753. La loi l'autorise à employer tout moyen de coercition qu'il
juge utile en réponse aux fautes, crimes et délits commis à bord 754. Les peines qu'il peut
prescrire vont du blâme en cas de faute légère telle que la désobéissance 755 jusqu'à
l'emprisonnement disciplinaire en cas de faute grave telle que la négligence dans un service de
quart756. Les délits et crimes sont pris en charge à terre, par les juridictions de l'ordre commun.
Le capitaine ne dispose pas d'immunité judiciaire et est, certainement du fait de son statut,
soumis à des sanctions pénales plus conséquentes que celles infligées au reste de l'équipage. Il
est ainsi emprisonné d'un à deux ans en cas d'abandon de poste 757 et de cinq ans
d'emprisonnement ou d'une amende de 300 DT en cas d'utilisation de violence à bord758. En
dehors de la peine prononcée par les juridictions de droit commun, l'administration maritime
peut infliger au capitaine une sanction disciplinaire759.
Sachant que l'un de ces actes incriminés peut amener, à lui seul, à la perdition du navire, de la
cargaison et des personnes à bord, il est souhaitable que les peines soient plus dissuasives car
que représente la somme de 300 DT, à titre d'exemple, devant le risque sur la sécurité de
l'expédition encourt en cas de violence à bord? Nous y reviendrons également. Les peines
renforcées en cas de violation des règles de sûreté (2) mériteraient également, à notre sens,
une révision.
159
2) En matière de sûreté:
L'État du pavillon est compétent quant au passagers clandestins (2.1), aux stupéfiants
transportés à bord (2.2) ainsi qu'aux actes criminels commis à bord (2.3).
2.2) En vertu de l'article 4 de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite
de stupéfiants et de substance psychotropes767 transposée dans le droit interne tunisien768, l'État
du pavillon est compétent pour les infractions d'expédition, de vente, d'importation ou
d'exportation de stupéfiants de toute substance commises à bord d'un navire battant son
pavillon. Il doit, à ce titre, prendre « les mesures appropriées en vue de s'assurer que les
160
moyens de transport exploités par des transporteurs commerciaux ne servent pas à la
commission des infractions » de transport de stupéfiants769. Il va de soi que le contrôle de
l'application des règles de sécurité et de sûreté que l'État du pavillon exerce systématiquement
à bord des navires battant son pavillon rentre dans ce cadre. L'État doit exiger des
transporteurs commerciaux de prendre « des précautions raisonnables » pour empêcher que
leurs moyens de transport ne servent à la commission d'infractions770. La politique de sûreté
exigée par l'armateur dans le cadre du code ISPS pourrait être considérée comme étant des
précautions raisonnables dans le sens où elle est, comme on l'a vu précédemment, assez
pointue sur la prévention d'actes criminels. D'ailleurs, la convention ajoute que parmi les
précautions à prendre, celle de « former du personnel qui soit à même d'identifier les envois
ou les personnes suspects »771. Par ailleurs, conscients de la gravité que pourrait avoir le trafic
de stupéfiants pour la sûreté internationale, les rédacteurs de la convention appellent les États
du pavillon à coopérer « en vue de mettre fin au trafic illicite par mer »772 par l'échange
d'informations et de preuves sur les navires facilitant ce trafic773.
2.3) Le capitaine qui détourne un navire dans une intention criminelle, fait fausse
route ou détruit tout ou partie de la cargaison ou équipement à bord est puni de dix ans de
travaux forcés774. La peine est réduite à deux ans d'emprisonnement et à une amende de 100
DT lorsque l'auteur de l'infraction est un membre de l'équipage autre que le capitaine775. Ceci
semble, encore une fois, dérisoire quant au risque que pourrait constituer par exemple le
détournement d'un navire; risque pour la sûreté, la sécurité et l'environnement. Il est donc
requis que les peines aillent de pair avec l'enjeu sécuritaire et économique que représente une
expédition maritime. La révision de la législation dans ce sens incitera tous les protagonistes à
prendre en considération cet enjeu. Cette révision est impérieuse, le caractère minime des
sanctions infligées à l'armateur le confirme (b).
769 Article 15, premier alinéa de la convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances
psychotropes, op. cit.
770 Article 15, alinéa 2 de la convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes,
op. cit.
771 Article 15, alinéa 2, a, i) de la convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances
psychotropes, op. cit.
772 Article 17, premier alinéa de la convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances
psychotropes, op. cit.
773 Article 17, alinéas 2, 3 et 4 de la convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances
psychotropes, op. cit. On y reviendra.
774 Article 39 du CDPM, op. cit.
775 Article 41 du CDPM, op. cit.
161
b) Le caractère dérisoire des sanctions destinées à l'armateur:
La négligence des règles qui régissent les conditions de vie et de travail à bord (1), ainsi que
des règles d'immatriculation du navire (2) est condamnable par les textes de loi tunisiens.
1) L'infraction aux règles régissant les conditions de vie et de travail des marins:
L'armateur qui ne se conforme pas à une ou à des dispositions gérant les conditions de vie et
de travail des marins, est puni d'une amende de 300 DT pour chaque infraction constatée776.
La peine est portée au double en cas de récidive dans l'année777. Ces dispositions rendent
compte de la non prise en considération, par le législateur tunisien, du rôle prépondérant du
facteur humain dans la survenance de plusieurs catastrophes maritimes à travers le monde,
devenues très médiatisées du fait de l'ampleur de leur dégâts778. Les sanctions non dissuasives
appliquées aux armateurs dont les navires sont en deçà des normes sécuritaires ne sont pas
dissuasives. Leur manque de rigueur constitue en conséquence un encouragement aux
armateurs les moins scrupuleux à opérer sous normes dans la mesure ou le gain résultant de
l'exploitation sous normes est nettement plus important que le montant des sanctions.
La jurisprudence tunisienne n'a pas eu à se prononcer sur des affaires de ce genre 779. Il ne
s'agit pas là d'une particularité tunisienne. Malgré l'intérêt, de plus en plus accru, accordé au
facteur humain dans la législation internationale780, la pratique, nous l'avons constaté à
plusieurs endroits, relève l'intérêt premier pour le facteur technique tant au niveau du contrôle
qu'au niveau des sanctions. Par ailleurs, la particularité économique du marin tunisien781
pourrait réduire l'éventualité de saisir la justice contre son employeur.
162
2.1) Il est délivré un acte de nationalité à chaque navire. Ce titre est strictement réservé
au navire pour lequel il a été délivré et ne pourrait être utilisé pour un autre782. L'armateur
ayant vendu ou perdu son navire est tenu de rapporter l'acte de nationalité à l'administration
maritime de son port d'attache783. Il doit également signaler toute modification des
caractéristiques784 et selon les circonstances son souhait de démanteler785 son navire à l'autorité
maritime. Le non respect d'une de ces mesures rend l'armateur passible d'une amende allant de
1000 à 2000 DT786. Si on prenait le cas des modifications des caractéristiques d'un navire et en
supposant que cette modification concerne les locaux affectés au repos de l'équipage, on peut
imaginer qu'un armateur non scrupuleux préférerait payer une amende d'un maximum de 2000
DT plutôt que dépenser des sommes beaucoup plus importantes dans le rétablissement de la
conformité de son bien aux normes, même si la sécurité du navire dépend d'un équipage non
fatigué. Encore une fois, les peines devraient aller de pair avec l'enjeu sécuritaire.
2.2) Tout navire tunisien doit posséder un titre de navigation, un certificat de franc-
bord ainsi que les titres de sécurité et les certificats prévus par les conventions
internationales787. L'absence des titres de sécurité ou leur non validité soumet l'armateur du
navire au paiement d'amende allant de 500 à 2000 DT 788. Cette disposition, également,
nécessite un arrêt. Un navire dépourvu de titres de sécurité ou dont le titres sont périmés ne
répond pas aux obligations édictées par les normes de sécurité et de sûreté et est, par
conséquent, un navire sous normes. Pourtant, la peine que son armateur encourt est
négligeable en comparaison avec le risque que peut constituer ce navire pour la sécurité des
personnes embarquées, de la cargaison et de l'environnement marin.
L'intervention du législateur tunisien pour mettre en cohérence ces peines avec l'enjeu
sécuritaire est nécessaire et constituera un moyen de prévention aux infractions à la loi,
objectif également sollicité de la pratique des enquêtes engagées à la suite de la survenance
d'accident en mer (B).
163
B) L'enquête après accident:
En dépit de la gestion réglementaire et opérationnelle des avaries maritimes, sujet de futures
analyses, il revient à l'État du pavillon d'enquêter sur les causes ayant conduit à l'avarie,
obligation inscrite dans divers textes internationaux et reprise par la législation tunisienne (a).
Une étude de cas permettra d'en éclairer la mise en oeuvre (b).
1) L'obligation d'ouvrir une enquête à la suite de tout incident maritime est un principe
sur lequel plusieurs textes s'accordent. Il en est ainsi par exemple de l'article 94.7 de la
CMB789, de l'article 21 de la convention SOLAS790, de l'article 12 de la convention
MARPOL791 et de l'article 2 de la convention n° 147 de l'OIT792. Il ressort de la lecture de ces
textes, que l'enquête visée consiste en une investigation technique ciblant les causes réelles et
factuelles ayant conduit à la survenance du sinistre. Son objectif n'est pas d'identifier les
responsables mais d'établir les circonstances et de rechercher les causes de l'incident en vue
d'en tirer tous les enseignements possibles pour accroître la sécurité et la sûreté maritimes du
réseau de transport. Trois conditions doivent être réunies pour l'ouverture de l'enquête:
L'implication de l'État du pavillon, la survenance de dommages et l'exécution de l'enquête par
des personnes compétentes.
164
● La survenance de dommages: L'incident en question doit avoir causé des dommages
aux personnes, aux biens ou à l'environnement. L'accident doit avoir « coûté la vie ou
occasionné de graves blessures à des ressortissants d'un autre État »793 ou causé des
blessures ou perte de vie humaine à bord du navire794 ou encore des « dommages
importants à des navires ou installations d'un autre État »795. Les dommages survenus à
l'environnement sont évoqués, outre la CMB, dans la convention MARPOL qui
appelle les États à ouvrir des enquêtes pour les incidents ayant des conséquence
néfastes pour le milieu marin796.
● « Les enquêtes doivent être menées par ou devant une ou plusieurs personnes dûment
qualifiées »797. Il s'agit d'inspecteurs possédant les qualités techniques leurs permettant
d'accomplir à bien leur mission. Ce sont généralement d'anciens navigants devenus
fonctionnaires de l'administration maritime. Ils sont amenés à se déplacer au lieu où le
dommage est survenu. Il s'agit en Tunisie des officiers principaux de la marine
marchande798.
Les rapports d'enquêtes rédigés à l'issue des investigations contiennent des informations quant
aux circonstances de l'accident et aux facteurs ayant mené à sa survenance, aux
caractéristiques du navire, à la qualification et aux conditions de vie et de travail des marins.
La synthèse du rapport, sans pour autant désigner les responsables de l'accident, affaire laissée
aux juridictions, met le doigts sur les défaillances techniques, humaines ou de gestion.
Dans le cadre de ces enquêtes, les États sont invités à coopérer et à échanger les informations
et les renseignements pour arriver à l'examen le plus performant possible du sinistre (2).
165
d'un État tiers et d'obtenir des photographies ou tout autre type de pièce de conviction799. Cette
coopération est renforcée par l'intervention du centre de sécurité maritime de l'OMI qui aura
comme charge d'examiner les rapports d'enquêtes envoyés par les États du pavillon et de
recommander les mesures à prendre pour éviter de pareils sinistres dans le futur800. Ceci fût le
cas pour le rapport d'enquête établi à la suite de l'accident du navire tunisien « Jerba » dans les
eaux territoriales françaises, établi en coopération entre les deux États 801. Parmi les facteurs
qui ont contribué à la survenance de l'accident, les enquêteurs ont souligné une « possible
erreur de manoeuvre de vanne »802.
Enfin, dans le but de faciliter la tâche aux États du pavillon et d'harmoniser leur travaux dans
le cadre des enquêtes impliquant des navires battant leurs pavillons, l'OMI a adopté un Code
pour la conduite des enquêtes après événement de mer803. Toutefois, ne constituant pas un
dispositif contraignant, l'application de l'ensemble de ces textes repose sur la bonne volonté
des États du pavillons impliqués. L'harmonisation des procédures d'investigation est loin
d'être une réalité804.
b) Étude de cas:
Une enquête après accident a été ouverte à la suite du naufrage du navire « Amira I »805 sur
une décision du ministre des transports du 9 janvier 2003. La décision identifie les membres
de la commission d'investigation, l'objet et la durée de sa mission. La commission d'inspection
est composée d'un président, d'un rapporteur et de quatre membres ayant tous la qualité
inspecteurs maritimes. Le travail d'investigation a pour but de rassembler toutes les preuves,
pièces et entretiens susceptibles d'éclairer les événements et de présenter le rapport
d'investigation dans un délai d'un mois au maximum. Le navire « Amira I », portant pavillon
tunisien, avait sombré le jour même au large de l'Ukraine. Tout l'équipage avait péri806.
Dans l'impossibilité d'effectuer une enquête nautique sur les équipements et appareils du
799 Voir la résolution A. 637(16) de 1989: « Coopération lors des enquêtes sur les accidents de mer ».
800 Voir la résolution A.322 de 1975: « Enquête à mener en cas d'accident de mer ».
801 L'accident a eu lieu le 24 janvier 2002. Le rapport d'enquête est consultable sur le site du Bureau d'enquête
après-accident en France (BEAmer):
www.beamer-france.org/
802 Voir Rapport d'enquête sur l'accident du navire Jerba, op. cit, p 28.
803 En application de sa résolution du 27 novembre 1997.
804 Voir à ce sujet: Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 466 et suivantes.
805 Op. cit.
806 Rapport d'enquête « Amira I », op. cit, p 2.
166
navire étant donné que celui-ci a sombré, l'enquête effectuée dans le cadre de cette affaire est
composée d'une analyse des documents susceptibles de révéler l'état dans lequel était le navire
perdu (1) ainsi que de divers entretiens (2).
167
L'équipage embarqué sur le navire en question était majoritairement composé de marins
tunisiens. Les marins étrangers étaient originaires de trois pays: le Maroc, la Turquie et
l'Azerbaïdjan. Ces derniers avaient été embarqués au mois d'août 2002 par manque de marins
tunisiens813.
2.2) L'entretien avec le représentant de l'autorité maritime, effectué dans les bureaux
de ce dernier, a révélé que les certificats du navire et de l'équipage étaient en règles à
l'exception du titre de navigation qui arrivait à terme le 28 décembre 2002815.
168
2.3) Il ressort de l'entretien avec le représentant de l'entreprise d'entretien et de
réparation du navire que de nouvelles interventions sur la coque du navire étaient prévues816.
2.4) L'entretien avec le représentant du Bureau Veritas a révélé que le navire était
classé pour une navigation en haute mer mais n'était pas apte à affronter les eaux glacées. Or
le sinistre s'est produit dans les eaux glacées au large de l'Ukraine817.
2.5) Les entretiens avec les marins ayant auparavant été embarqués à bord du navire
concernaient non seulement l'état matériel général du navire mais également les conditions de
vie et de travail à bord. Les personnes interrogées étaient unanimes quant au mauvais état
général du navire dans la mesure où il s'agissait d'un vieux bâtiment. Plusieurs équipements
nécessitaient des entretiens et des réparations régulières, y compris au niveau du moteur. Les
locaux et les équipements affectés à l'équipage étaient dans un état misérable, ce qui a poussé
les marins interrogés à refuser de remonter à bord818.
A côté des familles des victimes tunisiennes, la commission a profité de la présence des
familles des marins turcs à Tunis et a demandé à s'entretenir avec elles, en présence d'un
représentant de l'Ambassade de la Turquie en Tunisie ainsi que d'un représentant du Ministère
des affaires étrangères819. Les marins victimes du sinistre avaient informé leurs familles, par
téléphone portable, des conditions de vie et de travail lamentables à bord de « l'Amira I ».
Elles rapportent qu'un marin tunisien a quitté le navire le 14 décembre 2002 alors qu'il faisait
escale dans un port turc. Un des marins turcs a informé sa famille des problèmes techniques
du navire, la veille de son naufrage et qu'il prévoyait, avec certains de ses collègues, le quitter
à la prochaine escale820.
Le rapport d'enquête considère « Amira I » comme étant un navire sous normes non
seulement d'un point de vue technique mais également quant aux conditions de vie et de
travail des marins. De surcroît, le navire ne devait pas opérer dans des eaux glacées puisqu'il
n'était techniquement pas apte à confronter la glace. Enfin, les conditions météorologiques ont
certainement joué un rôle dans la survenance du sinistre.
169
Un tel rapport d'enquête pourrait constituer un enseignement aux armateurs et à l'État du
pavillon. Les armateurs devraient être conscients de la nécessité d'appliquer la législation
sécuritaire technique et sociale. L'État du pavillon quant à lui, devrait mieux prendre en
considération les circonstances et les situations dans lesquelles évolue l'élément humain à
bord du navire.
Il s'avère de tout ce qui précède, qu'en Tunisie comme ailleurs dans le monde, le contrôle par
l'État du pavillon n'a pas été assuré de manière rigoureuse et surtout uniforme de sorte que de
nombreux navires sous normes circulent toujours821.
Les perspectives d'évolution en faveur d'un contrôle par l'État du pavillon plus performant
sont contenues dans l'article V§2 de la convention maritime consolidée de 2006 822 qui appelle
les parties signataires à établir « un système efficace d'inspection des conditions de vie et de
travail maritime ». Par ailleurs, conformément aux règles 5.1.1§4 et 5.1.3 du titre 5, il
appartient à chaque État du pavillon de délivrer un certificat international de travail qui
atteste, sauf preuve contraire, que la navire a été dûment inspecté par l'État du pavillon et que
les prescriptions de la convention consolidée concernant les conditions de travail et de vie823
ont été suivies dans la mesure certifiée. Une déclaration de conformité devrait également être
délivrée. Elle contient les prescriptions nationales donnant effet aux dispositions de la
convention. Le contrôle documentaire peut être suivi d'un contrôle opérationnel dans un
certain nombre de cas énumérés par la norme A 5.2.1. Il en est ainsi si les documents ne sont
pas présentés ou ne sont pas tenus à jour ou le sont d'une manière mensongère ou encore s'il
existe de solides raisons ou des motifs raisonnables de croire que les conditions de vie et de
travail ne sont pas conformes à la convention. L'exigence de ces conditions préalables au
contrôle approfondi laisse penser que les rédacteurs de la convention ont peut être mesuré le
poids d'une inspection approfondie automatique en termes de temps et de charge de travail.
On regrettera tout de même que la convention n'encourage pas les inspecteurs à s'entretenir
avec un ou plusieurs membres de l'équipage; l'entretien a cet avantage de la prise en compte
effective de l'état de santé et de fatigue des marins.
Dans tous les cas, lorsqu'il apparaît que les conditions de vie et de travail à bord ne sont pas
conformes aux prescriptions de la convention, l'inspecteur devra « immédiatement porter à la
821 A. BRAËN: « La responsabilité d l'État du port en droit maritime canadien », in « L'homme, ses territoires,
ses cultures », Mélanges offerts à André-Hubert MESNARD, op. cit, p 22.
822 Op. cit.
823 Seront vérifiés: les certificats médicaux des marins, leur âge, leur qualification, leurs contrats
d'engagements, la durée de travail et de repos, le logement, la santé, l'alimentation, la sécurité, la prévention
d'accidents, les soins médicaux à bord... Voir norme A5.1.3§1 et annexe A5-I.
170
connaissance du capitaine du navire les manquements constatés et les délais dans lesquels il
devra y être remédié824. Encore faut-t-il que les États membres à la convention l'appliquent
correctement.
Dans l'état actuel des choses, le rôle de l'État du pavillon en matière de contrôle connaît une
dilution continue dans la majeure partie des États maritimes. Les pavillons de complaisance
s'épanouissent en dépit des pavillons traditionnels pour qui l'étendue de l'armement national
représente une valeur importante pour tout État souverain. La nécessité de se substituer à
l'État du pavillon pour inspecter l'application des règles de sécurité et plus tard de sûreté sur
les navires s'imposait. Celle-ci a nécessité l'apparition de nouveaux acteurs dont la structure et
l'intérêt à réaliser ce contrôle diffèrent sensiblement mais dont l'intervention a durci les
exigences sécuritaires, y compris pour les conditions de vie et de travail des marins (Chapitre
2).
171
172
Chapitre 2 : L'incidence de l'avènement de nouveaux acteurs de contrôle
maritime sur la prise en compte du facteur humain :
825 J-P. BEURIER: « Le transport maritime, le droit et le désordre économique international » in « La mer et
son droit » , op. cit, p 95.
826 L. LUCCHINI, M. VOELCKEL: « Droit de la mer », op. cit, p 342.
827 C. BUCHET: « Un cri pour la mer », Le Monde du 23 novembre 2002, p 6.
828 J-P. BEURIER: « Le transport maritime, le droit et le désordre économique international », in « La mer et
son droit », op. cit, p 97.
173
Section 1 : L'effectivité du contrôle par l'État du port :
On entend par contrôle par État du port l'inspection et éventuellement l'immobilisation d'un
navire qui pénètre sous la juridiction de cet État 829. L'objectif poursuivi par l'instauration de ce
mécanisme est l'éradication des navires non conformes aux normes internationales relatives à
la conception, à la maintenance et à la gestion des navires. Bien que n'ayant pas fait l'objet
d'une convention spécifique, le contrôle par l'État du port est prévu dans chacune des grandes
conventions internationales régissant la sécurité des navires ou la protection de
l'environnement830 et est considérablement renforcé par l'avènement du code ISPS831. De plus,
à côté des conventions techniques, le contrôle par l'État du port a intégré les conventions
maritimes sociales. La convention de l'OIT n°147 de 1976 sur les normes minima à observer
sur les navires marchands832 inclut la première norme donnant droit à l'État du port de
contrôler les conditions de vie et de travail des marins embarqués sur un navire étranger en
escale, dans son article 4833. La convention STCW, dans son article 10, fonde également ce
principe. Elle permet à l'État du port de procéder aux inspections des navires en cas de
soupçon de non-respect des règles internationales834. Ce principe est repris dans le code
ISM835.
La mise en oeuvre du concept a été conçue de deux manières différentes (Paragraphe 1).
Même s'il a permis de pallier plusieurs lacunes rencontrées dans le mécanisme traditionnel du
contrôle, le contrôle par l'État du pavillon, il n'en demeure pas moins imparfait ( Paragraphe
2).
174
de régulation important, voire le plus important pour l'industrie des transports maritimes 836. Il
a permis aux administrations maritimes d'exercer une véritable police maritime dans leurs
ports soit par le biais d'une action unilatérale (A), soit par la mise en place d'accords
administratifs régionaux (B).
a) Le contrôle de la sécurité:
Le système de contrôle des navires étrangers aux USA se caractérise par sa fermeté. Ceci
s'explique par l'importance du trafic maritime pour ce pays841. L'arsenal des mesures
sécuritaires est étoffé et complexe et toutes les réformes qu'il a subi vont vers le durcissement
des exigences sécuritaires des navires. L'analyse qui suit n'est pas exhaustive, elle prend en
considération les aspects que nous estimons les plus marquants du renforcement du système
américain et qui montrent sa singularité. Trois périodes vont ainsi être évoquées:
1- En 1968, le système américain du contrôle par l'État du port comportait une mesure de
prévention singulière, pionnière en la matière. Les USCG imposaient aux navires d'une jauge
brute de 1600 tonnes d'annoncer leur arrivée 24 avant leur entrée au port. Les navires
étrangers devaient également mentionner leur équipements de navigation ainsi que la nature
836 L'OCDE dans son rapport de 1996: « Avantages concurrentiels dont bénéficient certains armateurs du fait de
l'inobservation des règles et des normes internationales en vigueur », p 25.
837 Consultable sur cette page: http://www.gpoaccess.gov/cfr/
838 http://www.uscg.mil/
839 Voir à ce sujet: P. ANGELELLI, Y. MORETTI: « Cours de droit maritime », éditions Infomer, 2008, p 51.
840 Op. cit.
841 95% des importations américaines transitent par la mer. 214 000 navires transitent chaque année par ses
eaux.
175
de la cargaison transportée. Les navires faisant état d'une défaillance ne sont autorisés à entrer
au port que sur décision du capitaine du port qui aurait, au préalable, apprécié les risques
encourus842.
2- Une nouvelle étape a été franchie avec l'adoption, le 18 août 1990 de l'Oil pollution Act ou
OPA (loi sur la pollution par hydrocarbures)843. Bien que l'objet principal du texte soit la
responsabilité en matière de pollution maritime, le texte incorpore de nouvelles exigences
tendant à renforcer les mesures techniques de sécurité des navires étrangers. Adopté en
réponse à la marée noire de l'Exxon Valdez844, le texte s'efforce d'identifier les responsables,
les sanctions appropriées et les indemnités requises postérieurement à une marée noire. A fin
de prévenir de nouvelles catastrophes maritimes, l'OPA exige, dans sa section 4115, que tous
les nouveaux pétroliers se dirigeant vers les ports américains soient équipés de citernes à
ballasts séparés considérant qu'une telle conception doit permettre de réduire sensiblement le
risque de déversement d'hydrocarbures845. Un calendrier fixe les délais de la mise en
conformité des navires à la nouvelle exigence selon leur tonnage et leur âge; il met comme
dernière échéance le 1er janvier 2015846. En outre, les navires construits après l'entrée en
vigueur de l'OPA sont en majorité concernés par cette mesure847.
La communauté maritime848 adoptera plus tard cette mesure en modifiant les règles techniques
de construction et d'ajustement des deux coques849.
3- Une nouvelle étape dans le contrôle américain par l'État du port se dessine avec la mise en
place, le 1er mai 1994, d'un nouveau programme de contrôle dont le but est d'éliminer les
navires sous normes des eaux américaines. Aucune limite chiffrée de contrôle n'a été fixée; le
842 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 558.
843 Voir à ce propos: J-P. BEURIER « Droits maritimes », Dalloz, 2008, p 1170.
844 Voir: N. BERLATSKY: « The Exxon Valdez oil spill », éditions Greenhaven Press, 2001.
845 La double coque est une structure extérieure englobant la première coque et isolant la cargaison de la mer
par un espace vacant. Voir à ce propos: F. VALLAT: « Les double coques, une question encore d'actualité! », La
revue maritime n° 466, septembre 2003, p 70.
846 Par exemple: un navire construit après 1985 est tenu de se doter d'une double coque au plus tard le 1er
janvier 2010.
847 Certains types de pétroliers sont exempts de cette obligation. Il en est ainsi des pétroliers de moins de 5000
tonnes de jauge brute, des transporteurs de gaz, des navires transportant des matières sèches...
848 L'OMI a introduit, en 1992, des normes imposant la double coque dans la convention MARPOL. Par la
suite, le parlement et le Conseil européen adoptent le règlement (CE) n° 417/ 2002 du 18 février 2002 (en
vigueur depuis le 1er septembre 2002) relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double
coque ou de normes de conception équivalente pour les pétroliers à simple coque, JOCE L64 du 7 mars 2002, p
1 et suivantes.
849 Voir à ce propos: D. PAUBLAN: « L'Oil pollution act: perspectives et réalités », Thèse, Lille, 1993, p 188 et
suivantes.
176
but du programme étant de contrôler le maximum de navires. Le programme fonctionne à
partir d'une base de données informatisée, le Port State information Exchange System
( Système d'échange d'informations de l'État du port)850, qui cible les navires sous normes et
publie le résultat des inspections. Les informations disponibles sur la base de données et mises
à jour chaque semaine sont classées en trois catégories: les caractéristiques du navire, le
résumé des interventions des USCG et la liste des certificats relatifs aux navires. La
publication qui met en évidence les lacunes et les défaillances des États du pavillons, des
sociétés de classification et des armateurs a pour objectif de les inciter à être plus rigoureux en
matière de sécurité. Mais une telle publicité n'est pas sans susciter de vives réactions de la part
de l'industrie maritime851.
Le programme de 1994 a également mis en place une technique de ciblage des inspections sur
les navires les plus dangereux: le boarding priority matrix (Matrice priorité à
l'embarquement). L'objectif est d'identifier les navires prioritaires, la priorité étant fixée par le
niveau de dangerosité pour la sécurité et l'environnement marin. Celui-ci se calcule au regard
de l'état général du navire, de l'identité de son armateur, de la société l'ayant classé ou encore
de son État du pavillon. Concrètement, un navire est considéré comme sous normes et par
conséquent devant subir une inspection, si sa coque, son équipement ou son équipage sont au
dessous des normes internationales. Il en est de même lorsque son propriétaire a fait l'objet de
deux détentions ou plus, au cours des douze derniers mois précédant l'inspection. De leur
côté, les sociétés du classification sont évaluées sur leur performance au cours des trois
années précédant l'inspection; leur performance étant basée sur le nombre de détentions des
navires qu'elles ont classés et qui ne devrait pas dépasser la moyenne estimée par les USCG.
Enfin, les États du pavillon ciblés sont ceux dont la moyenne des détentions des navires
portant la nationalité dépasse la moyenne générale des États et qui, de surcroît, ont une
détention durant les douze derniers mois.
Pour autant, le renforcement de la réglementation sécuritaire continue. Les attentats du 11
septembre 2001 ont provoqué un durcissement sans précédant en matière de sûreté maritime
(b).
850 http://cgmix.uscg.mil/psix/
851 Voir Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op cit, p 558 et suivantes.
177
b) Le renforcement des règles de sûreté:
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, une réorganisation du gouvernement américain
a donné naissance le 1er mars 2003 au Ministère de la sûreté intérieure, Department of
Homeland Security, organe coordonnateur des 22 agences fédérales de sûreté852. Le Ministère
gère les gardes côtes, les douanes, les services secrets et la sécurité et la sûreté des transports.
Par ailleurs, le Congrès américain adopte, le 14 novembre 2002 une loi intitulée « Maritime
Transportation Security Act of 2002 » ( Loi sur la sûreté du transport maritime)853 qui impose
de larges exigences en matière de sûreté à l’industrie maritime. A côté des mesures qui seront
plus tard reprises dans le texte international, le code ISPS, telles que l'élaboration de plans de
sûreté pour les navires et les installations portuaires et la désignation des responsables de
sûreté, la loi arrête trois types de mesures concernent directement le contrôle par l'État du
port:
1- En janvier 2002 a été lancée une mesure devant être appliquée dans les ports étrangers
concentrant la plus grande part du commerce maritime par conteneurs vers les États-Unis et
visant la détection d'armes de destruction massive: la Container Security Initiative ou CSI
(Initiative sur la sûreté des conteneurs) qui implique des actions concertées avec les
administrations maritimes des ports exportateurs de conteneurs aux USA854. L'application de
cette initiative passe par la définition de critères de sûreté permettant d'identifier les
conteneurs à haut risque et leur pré-inspection dans le port d'embarquement avant leur départ.
Il s'agit d'un système de contrôle en amont qui suppose l'utilisation d'appareils appropriés de
pré-inspection, généralement des scanners. Concrètement, des inspecteurs maritimes
américains sont présents dans les ports étrangers pour inspecter les conteneurs et former le
personnel local à cette tâche. A l'issue de cette inspection, le port concerné se voit décerner un
label CSI lui permettant d’effectuer les échanges commerciaux vers les États-Unis. Sans ce
label, les échanges se trouvent ralentis par des formalités beaucoup plus complexes et surtout
avec des délais beaucoup plus longs855. Le problème est que ces mesures sont coûteuses et
remettent en cause la compétitivité de plusieurs pays en voie de développement: le coût du
178
scannage et le temps qu'il nécessite augmentent le coût de la logistique et réduisent sa
qualité856.
Dans la lignée des renforcements continus des mesures sécuritaires, la CSI a été complétée
par un autre dispositif des douanes américaines: The Customs Trade Partnership Against
Terrorism (C-TPAT) ( Partenariat commercial douanier contre le terrorisme)857. Il s'agit d'un
programme de contrôle à adhésion volontaire adressé aux importateurs américains dont la
vocation est de renforcer les contrôles à partir d'un examen approfondi des documents
douaniers. A ce titre, les importateurs fournissent aux douanes américaines toutes les
informations et les documents concernant la marchandise, les transporteurs terrestres et
maritimes américains et étrangers... Les adhérents à ce dispositif se voient obtenir un
agrément et des formalités allégées et ont la possibilité de participer d'une manière active à la
lutte contre ce que l'on appelle le terrorisme.
2- La règle dite « des 24 heures de préavis » qui oblige les navires entrant dans les ports
américains à signaler leur arrivée 24 h avant leur entrée dans les eaux territoriales est
renforcée. A côté de la déclaration détaillée du contenu du conteneur, des renseignements sur
l'itinéraire du navire et son équipage sont également demandés, ce qui permettra aux gardes
côtes d'effectuer des contrôles documentaires en mer à une distance de 3 miles des côtes. Il
s'agit là d'une mesure de prévention permettant aux inspecteurs de refuser l'accès au port à un
navire qu'ils estiment sous normes. Cette règle est effective depuis le 2 Février 2003858. Son
non respect entraîne l'interdiction de décharger dans les ports américains.
3- L'adoption d'un règlement relatif à la suppression des visas délivrés sur base des listes
d’équipage. Ce texte vise à supprimer la pratique de la délivrance de visas sur base des listes
d’équipages pour les membres d’équipages des navires étrangers demandant à entrer dans un
port des États-Unis d’Amérique. Le règlement exige désormais des demandes individuelles de
visas de non-immigrants859.
856 M. EL KHAYAT: « Qualité logistique face aux risques de sûreté et de sécurité », in annales 2007 de
l'IMTM, op. cit, p 126.
857 http://www.cbp.gov/xp/cgov/trade/cargo_security/ctpat/
858 Voir à ce propos, JMM, 8 novembre 2002, p 8.
859 Op. cit.
179
A considérer que le système américain de contrôle par l'État du port est efficace, on estime
que les motifs principaux de son efficacité résident, d'une part, dans l'homogénéité des
systèmes de contrôle des ports américains gérés par un commandement unique doté de
moyens puissants couvrant toutes les côtes860 et d'autre part, dans la puissance politique et
économique des États-unis ainsi que dans la largeur de ses côtes. Tous ces facteurs lui
permettent d'imposer des règles au reste du monde. Ces critères étant absents chez les autres
États, l'exemple américain n'est certainement pas transposable à des pays ne disposant pas des
moyens de ce géant économique ni de ses avantages géographiques. La transposition est
encore plus improbable pour un pays comme la Tunisie qui, malgré une bonne performance
économique861, demeure un pays en voie de développement dont les moyens sont limités.
Dès lors, un contrôle efficace ne peut s'exercer que dans le cadre d'une coopération régionale,
une solution adoptée par la grande majorité des États de la planète (B).
180
monde, y compris en Méditerranée (2).
1) Le mémorandum de Paris (Paris Mou) conclu en 1982 entre les autorités maritimes
de plusieurs États européens est la première manifestation écrite de la régionalisation du
contrôle par l'État du port. Il ne s'agit pas d'un instrument contraignant mais d'une entente de
nature administrative qui prévoit de mettre en oeuvre un régime de contrôle efficace des
navires étrangers (1.2), assorti d'objectifs précis (1.1).
1.2) A l'occasion du contrôle prévu par ce texte, les navires sous normes sont
immobilisés au port de contrôle jusqu'à réparation de l'anomalie constatée par l'inspecteur.
Certains navires peuvent être bannis des eaux européennes865.
Le Paris Mou instaure un comité exécutif pour veiller à l'harmonisation des procédures de
contrôle assisté dans son travail par un secrétariat localisé aux Pays-Bas 866 et doté d'un
système d'information, le système SIRENAC867. Il s'agit d'une base de données informatisée
mise à disposition des États signataires et qui regroupe des informations sur les navires et les
inspections. La base est alimentée par les données contenues dans les rapports d'inspections
rédigés par les contrôleurs à l'issue de chaque inspection de navire étranger. Toutes les
autorités signataires y sont connectées par des terminaux. Depuis juillet 1995, la base
SIRENAC élabore des listes trimestrielles, dites listes noire, grise et blanche, classant les
navires en fonction de leur respect des normes sécuritaires en vigueur et recensant les navires
181
ayant été retenus deux fois au cours des deux dernières années. Le Paris Mou est renforcé par
l'adoption de la directive 95/21 du 19 juin1995868 contenant des dispositions contraignantes et
des moyens de sanctions à l'encontre des États non respectueux du Paris Mou869.
D'autres régions du monde ont été tentées de reprendre l'exemple européen (2).
2.1) A l'instar du Paris Mou, le but du Med Mou est d'harmoniser les contrôles dans la
région. Prenant en compte les moyens financiers et humains des pays signataires, le Med Mou
ne prévoit que le contrôle de 15 % des navires de commerce étrangers fréquentant les ports de
chaque État signataire872. Les autorités maritimes s'engagent, à cette fin, à mettre en oeuvre un
système efficace d'inspection dans le but de s'assurer que les navires étrangers en escales dans
leur ports soient conformes aux conventions internationales en vigueur. Dans ce cadre, il ne
devrait pas y avoir de discrimination quant au pavillon. Aucun « traitement plus favorable »
ne devait être appliqué à un navire d'État non partie aux instruments pertinents 873. Même si ce
principe assure une certaine homogénéité dans l'application de l'instrument, il porte atteinte à
la souveraineté de l'État du pavillon non membre de l'accord dans la mesure où il lui est
imposé le respect d'un texte auquel il n'a pas adhéré. Mais, dans la mesure où les navires
868 Directive 95/21 du Conseil du 19 juin 1995 sur les normes relatives à la sécurité maritime, à la prévention de
la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires, JOCE L 157 du 7 juillet 1995 (p 1 et
suivantes) modifiée à plusieurs reprises.
869 Nous aurons l'occasion de parler en détail de la politique européenne en matière de sécurité maritime dans
les prochains chapitres. Pour plus d'information, voir: W. HALLOULI: « Le rôle de l'État du port dans la
prévention et la répression de la pollution marine », Thèse, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2006. Voir
également: S. RICORDEL: « Le contrôle des conditions de vie et de travail des marins de commerce par l'État
du port », op. cit.
870 On citera notamment l'accord de Vinà del Mar adopté le 5 novembre 1992 et regroupant les pays latino-
américains, le Mémorandum de Tokyo adopté le 3 décembre 1993 par les pays de la région Asie Pacifique, le
Mémorandum des Caraïbes adopté le 9 février par les pays de la région et le Mémorandum d'Abuja adopté le 22
octobre 1999 par les pays de l'Afrique de l'Ouest et du centre.
871 L'Algérie, Chypre, l'Égypte, l'Autorité Palestinienne, Israël, Malte, Le Liban, Le Maroc, La Tunisie et la
Turquie. Le Liban et l'autorité Palestinienne ont signé le mémorandum en 1998, la Jordanie en 1999 et enfin la
Syrie en 2007. Les autres pays avaient adhéré au Med Mou le jour de sa création.
872 Article 1.3 du Med Mou.
873 Article 2.4 du Med Mou. La clause du traitement pas plus favorable était introduite pour la première fois à
l'article 5.4 de la convention MARPOL puis par l'article 4 de la convention 147 de l'OIT sur les normes minima.
182
étrangers de passage dans les eaux intérieures d'un État donné doivent se conformer à ses lois
et règlements ainsi qu'à tous les instruments internationaux généralement acceptés874, le
respect du mémorandum est, de ce fait, requis.
2.2) Le Med Mou est doté d'une structure qui favorise l'harmonisation des contrôles
des parties membres. Il dispose d'un organe exécutif, d'un secrétariat et d'une base de données:
- L'organe exécutif est composé des autorités maritimes des États signataires du
mémorandum. Par ailleurs, des représentants d'organisations internationales, d'autres
mémorandum d'entente et de certaines autorités maritimes étrangères possèdent le statut
d'observateurs875. Celui-ci leur permet d'assister aux travaux de l'organe exécutif sans pour
autant avoir le droit de voter876. L'organe exécutif, qui se réunit une fois par an et qui peut
décider d'organiser des réunions exceptionnelles, a pour rôle d'assurer les tâches contenues
dans le Mou877. Il est notamment chargé de veiller à l'harmonisation des procédures et
pratiques d'inspection et d'immobilisation des bâtiments étrangers. Il est, par ailleurs, le garant
de l'application du traitement de la clause du « traitement du pas plus favorable » précitée.
- Le secrétariat est installé en Alexandrie en Égypte. Sa tâche principale consiste à préparer
les réunions de l'organe exécutif et les rapports, à assister le comité dans ses fonctions et à
diffuser et actualiser les renseignements fournis par les États membres sur le nombre d'entrée
de navires étrangers dans leurs ports, le nombre d'inspections effectuées et le nombre de
détentions878.
- Le centre d'information est situé à Casablanca au Maroc. Agissant sous les directives du
comité exécutif et le contrôle du secrétariat, il est chargé de préparer les études et les
recherches nécessaires à l'amélioration de l'échange des informations fournies par les États. Il
est prévu qu'il établit, en outre, une base de donnée informatique d'inspection879 qui sert de
moyen de communication entre les États membres et qui permet de mieux sélectionner les
navires à inspecter compte tenu de différents critères entrant dans la définition du coefficient
de ciblage de chaque navire880. Celle-ci doit afficher les statistiques annuelles concernant le
183
nombre d'inspections et les détentions881. La base de données est d'une importance capitale
dans la mesure où elle fournit une aide opérationnelle aux inspecteurs et permet au comité
exécutif d'apprécier l'impact de ses actions. Étant alimentée par les données fournies par les
inspecteurs, elle constitue une source de données fiable. Il est également prévu que le centre
présente chaque année un rapport comprenant les résultats d'inspections afin d'évaluer la
situation de chaque pavillon d'une façon objective882. Les modalités d'inspection sont prévues
dans le texte du Med Mou (b).
b) L'organisation du contrôle:
Le Med Mou arrête d'une manière détaillée les procédures d'inspection des navires étrangers
en escale. Les inspecteurs de l'État du port exercent un contrôle aussi bien technique que
social qui passe par plusieurs phases (1) et qui aboutit, en cas de non observation des règles
obligatoires, à des sanctions (2).
184
- Les navires rentrant dans une catégorie pour laquelle une inspection renforcée a été décidée.
- Les navires ayant été déclassés pour des raisons de sécurité au cours des six mois précédant
le contrôle.
La base de données du Med Mou trouve à cette occasion toute son importance. Les autorités
maritimes s'y basent afin de savoir si le navire faisant escale dans leurs ports répond à un,
voire à plusieurs des critères d'inspection prioritaire.
Le choix établi, les inspecteurs procèdent à la visite d'inspection. La première étape consiste
en un contrôle documentaire884. Au même titre qu'à l'occasion du contrôle par l'État du
pavillon, l'inspecteur vérifie que les documents d'identification du navire, les papiers de bord
et l'ensemble de certificats obligatoires sont authentiques, complets et en ordre. A cet égard,
une importance est donnée au facteur humain. L'inspecteur doit vérifier l'âge des marins, leur
état de santé ainsi que la présence des mesures de prévention des accidents et de
l'approvisionnement alimentaire885. Il vérifie également que le pavillon et les marques
d'identification du navire correspondent bien aux informations portées sur les documents.
La deuxième étape de l'inspection est pratique et consiste en un contrôle visuel tendant à
vérifier l'état technique général du navire mais également l'état de l'hygiène et des
compartiments destinés à l'équipage886. Une inspection plus détaillée est requise en cas de
« motifs évidents »887. Une attention particulière est ici donnée à l'élément humain étant donné
que la simple réclamation du capitaine ou des membres de l'équipage est considérée comme
étant un motif évident d'inspection par l'État du port888. Même si cette disposition constitue
une avancée par rapport à la disposition équivalente en matière de contrôle par l'État du
pavillon, on remarquera, tout de même, que le contrôle des conditions de vie et de travail à
bord n'est toujours pas automatique.
Les inspecteurs affectés au contrôle par l'État du port doivent être habilités par l'autorité
maritime et ne doivent avoir aucun intérêt commercial dans le port ou dans le navire
inspecté889. Ils doivent connaître les instruments juridiques, maîtriser l'anglais, être titulaires
d'un brevet de capitaine ou de chef mécanicien, avoir une expérience suffisante du service en
mer ou être diplômés d'un établissement maritime et avoir reçu une formation spécialisée pour
185
ce type d'inspections890. Il s'agit, en Tunisie, des officiers principaux de la marine marchande,
chargés également du contrôle par l'État du pavillon891. L'administration maritime tunisienne
emploie vingt inspecteurs habilités à exercer le contrôle par l'État du port, nombre assez
suffisant892. L'administration dispose, également, d'un nombre suffisant de contrôleurs adjoints
qui, au même titre que les inspecteurs principaux, ont suivi une formation adéquate 893. Les
inspecteurs constatent à l'issue de la visite la conformité ou la non conformité aux règles en
vigueur. En cas de non alignement à la législation, les inspecteurs font subir au navire une
décision de remise en conformité (2).
186
La doctrine fait remarquer que l'immobilisation du navire, qui doit être une décision réfléchie,
est difficile à prendre car elle ne s'inscrit pas dans la logique du service public portuaire ni
dans la logique de l'intérêt économique898. La détention peut se révéler fort préjudiciable pour
l'exploitation commerciale du navire. Un retard peut altérer les relations entre l'armateur et
l'affréteur ou encore entre l'acheteur et le vendeur de la marchandise et peut affecter tout autre
acteur impliqué dans une expédition maritime. De sûrcroit, tous les frais se rapportant aux
inspections ultérieures et aux réparations sont supportés par l'armateur899. Par ailleurs, la
décision d'immobilisation du navire ne prend nullement en compte les intérêts de l'autorité
portuaire qui se trouve indirectement sanctionnée puisqu'elle se voit dans l'impossibilité
d'exploiter le quai occupé par le navire immobilisé. Le contrôle des navires étrangers peut
donc aller à l'encontre du service public portuaire consistant dans la mise à disposition des
usagers d'infrastructures permettant le chargement et le déchargement de la marchandise.
Mais les autorités portuaires sont impuissantes dans le déroulement des contrôles par l'État du
port étant donné que l'autorité d'inspection des navires, l'OMMP en Tunisie, est indépendante
de la direction des ports. Conscients de cette réalité, les rédacteurs du Mou appellent les
autorités à faire tous leur efforts pour éviter de retenir excessivement le navire 900. Cette
disposition est en harmonie avec la règle internationale de l'article 226.1 de la CMB 901.
L'inspecteur devrait faire preuve de jugement professionnel pour déterminer que le défaut du
navire constitue une menace réelle pour la santé, la sécurité ou la sûreté ou une infraction
grave aux exigences des conventions internationales pertinentes citées dans le texte du
Mou902. Il devrait également, avant de prendre la décision de l'immobilisation, tenir compte de
la possibilité réelle de remédier au préjudice du navire dans un port étranger903, généralement
le port d'immatriculation ou le port de la prochaine escale. Dans tous les cas, Le Med Mou
laisse la possibilité à l'armateur qui considère la détention de son navire comme étant abusive
de saisir la justice de l'État du port904.
898 M-Y. LE GARREC: « L'intervention de l'autorité portuaire dans le contrôle des navires », DMF, mai 2003, p
476.
899 Article 3.14 du Med Mou.
900 Article 3.10 du Med Mou.
901 L'article appelle l'État du port à ne pas retenir le navire étranger plus longtemps qu'il n'est indispensable et
qu'il doit procéder à la main levée de l'immobilisation du navire après l'accomplissement des formalités
raisonnables.
902 Il s'agit des conventions SOLAS, STCW, MARPOL, la convention internationale sur les lignes de charge de
1966, la convention COLREG, la convention de 1969 sur le jaugeage, la convention de l'OIT n°147 sur les
normes minima à observer à bord des navires. Voir section 2 du Med Mou.
903 Article 3.12 du Med Mou.
904 Article 3.13 du Med Mou.
187
La base de données des Med Mou indique que 10 détentions ont eu lieu dans les ports
tunisiens durant l'année 2008, 9 durant l'année 2009 et 14 en 2010. Il est regrettable que ces
données ne soient pas plus explicites quant à l'identification des ports où les détentions ont eu
lieu ni quant à l'identité des armateurs ni même quant aux motifs des détentions. On
remarquera tout de même que la majorité des navires détenus arborent des pavillons de
complaisance tel que le pavillon maltais ou encore celui de Saint Vincent et Grenadines. Par
ailleurs, l'administration maritime tunisienne annonce un contrôle annuel de 12% des navires
fréquentant ses ports et confirme l'idée généralement admise quant à l'efficacité du dispositif
du contrôle par l'État du port par rapport à celui opéré par l'État du pavillon905. Le caractère
dissuasif du contrôle effectué dans le port d'escale est, certainement, la raison de son
efficacité. Le mécanisme connaît tout de même des limites tenant essentiellement à des
considérations financières, juridiques et pratiques ( Paragraphe 2).
188
dépourvu de la possibilité accordée aux États de bannir certains navires de leur eaux (4).
Enfin, l'harmonisation des pratiques des différentes administrations membres ne semble pas
aisée à atteindre (5).
1) Par définition, le mémorandum d'entente est un accord qui s'inscrit dans une logique
de coopération entre les administrations des États parties. Un tel accord a l'avantage de ne pas
empiéter sur le domaine d'action des organisations internationales et de ne pas remettre en
cause leur légitimité. En revanche, la nature de cet accord ne lui permet pas de créer des
obligations légales et de jouir de la force d'une loi. Il s'agit simplement d'un accord inter-
administrations s'engageant à mettre en oeuvre le contenu de l'accord. Par conséquent, la
responsabilité des États qui ne se conforment pas au mémorandum ne peut pas être
recherchée. Cet aspect est, en soi, une limite. L'application du mémorandum ne dépend que de
la bonne volonté des autorités maritimes. Sans cette volonté, l'accord est voué à l'échec. La
volonté de l'administration tunisienne est, actuellement, de conserver le taux de 12%
d'inspection annuelle907. Rien dans le texte ne peut affermir ni affaiblir cette volonté.
189
déchargement doivent être faites. Le contrôle est impossible dans ces conditions909.
3) Le mémorandum n'entend pas jouer un rôle répressif. Rien n'est prévu sur les
sanctions potentiellement applicables en cas d'infraction aux instruments internationaux en
vigueur. Comme sanction, il n'envisage que le retard et les immobilisations des navires que
l'on peut considérer comme relevant du domaine de la prévention plutôt que du domaine de la
répression. La sanction est donc commerciale: l'impossibilité d'exploiter le navire et le
paiement de frais portuaires supplémentaires de stationnement au port. Cette pénalisation n'est
pas toujours efficace puisqu'elle est limitée par l'obligation de la main levée dès
accomplissement des formalités raisonnables telles que le dépôt d'une caution ou d'une
garantie financière910. L'utilisation du navire défectueux continuera à l'issue de la main levée
et le risque persistera. Enfin, cette sanction commerciale peut ne pas être pénalisante pour
l'armateur, lorsque celui-ci, estimant que le coût des réparations demandées par l'inspecteur de
l'État du port sont plus importantes que la valeur du navire, décide tout simplement de
l'abandonner. L'État du port se trouve, par conséquent, dans l'obligation de s'en débarrasser et
de procéder au rapatriement des marins911.
5) Même s'il est issu d'une volonté politique générale, le Med Mou reste confronté à
une multiplicité de juridictions, conceptions et attitudes qui rendent l'harmonisation du
contrôle difficile. Ceci n'est pas le cas du Paris Mou basé sur des lois unifiées et réglementées
sous l'égide de l'Union européenne. Par ailleurs, les inspecteurs habilités à appliquer le texte,
190
sont choisis selon des critères nationaux. Les rédacteurs du mémorandum donnent aux
administrations maritimes la décision finale concernant la désignation des contrôleurs. Ceci
est peut être dû à la rareté des personnes qualifiées, mais conduit, dans tous les cas, à
l'absence d'une approche commune en matière de qualification des inspecteurs maritimes dans
le États parties au Med Mou. La qualité du contrôle est alors inévitablement hétérogène.
Si les limites du contrôle trouvent une nuance, en Europe, provenant de la directive
communautaire 95/21/CE du Conseil européen du 19 juin 1995 relative au contrôle des
navires par l'État du port913 tel n'est pas le cas pour les pays de la rive sud de la Méditerranée
d'autant plus que des limites d'ordre factuel viennent s'ajouter à celles inhérentes aux textes
(b).
191
rien cette situation. En conséquence, la relation entre les différentes autorités maritimes reste
limitée mais les échanges d'expertises établies avec les ports de Gênes, Marseille et Barcelone
comblent relativement cette carence917. L'étude conclut sur le fait que d'un point de vue
matériel, les conditions de travail ont besoin d'être significativement améliorées et que des
mesures devraient être mises en place afin d'atteindre cet objectif918.
3) La concurrence existant entre les ports d'une même zone géographique peut altérer
l'application adéquate du contrôle. Le marché du transport maritime ne saurait échapper aux
pressions concurrentielles des compagnies ou armateurs étrangers. Si un port se livre à des
pratiques sévères, les navires iront dans les ports du pays voisin, d'où l'intérêt d'une législation
régionale harmonisée. Par conséquent, certains États du port en situation concurrentielle
préfèrent adopter une pratique souple de contrôle qui conduit à laisser circuler des navires pas
tout à fait conformes à la loi. La doctrine ajoute que des motivations diplomatiques ou intérêts
politiques peuvent parfois s'opposer aux objectifs du contrôle par l'État du port922. Le port se
livrant à ces pratiques peut dès lors être considéré comme étant un port complaisant; la
complaisance n'étant pas un phénomène réservé aux États du pavillon, à notre sens. On
192
prendra ici pour exemple le navire Erika923 qui a été inspecté à plusieurs reprises dans
différents ports européens et a été autorisé à circuler à chaque fois jusqu'au jour de son
naufrage924. S'ajoutent à l'ensemble de ces considérations des limites spécifiques au contrôle
du facteur humain (B).
a) Un contrôle timide:
Le contrôle des conditions de vie et de travail des marins n'est vraisemblablement toujours pas
intégré dans les moeurs des contrôleurs (1). Paradoxalement, ce contrôle visant à améliorer les
dites conditions, n'est pas sans les dégrader (2).
923 Le 11 décembre 1999, victime d'une défaillance de structure, le pétrolier maltais Erika chargé d'une
cargaison de 30884 tonnes de fioul lourd fait naufrage à une trentaine de milles nautiques dans le sud de la
pointe de Penmarc'h en région de Bretagne française. Une partie importante de la cargaison et des soutes du
navire s'est répandue en mer et a affecté plusieurs centaines de kilomètres de côtes.
924 Voir par exemple: K. LE COUVIOUR: « La responsabilité civile à l'épreuve des pollutions majeures
résultant du transport maritime », éditons Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2007, Tome II, p 538.
925 Voir supra, A, b.
926 Voir à ce propos D. DA SILVA: « Les aspects juridiques actuels de la sécurité maritime », Thèse, Paris I,
1998, p 102.
193
la quantité, à la valeur nutritive, à la qualité et à la variété »927? Le jugement sera, sans doute,
subjectif. L'aptitude des contrôleurs à appréhender la motivation des hommes de l'équipage
est, elle aussi, problématique928. Comment juger, autrement que d'une manière subjective, de
la motivation d'un équipage à effectuer les tâches pour lesquelles il a été embarqué?
1.2) La formation des inspecteurs, alourdie par l'avènement continu de textes 929,
n'inclut pas un volet social. C'est une formation exclusivement à caractère technique et
administratif qui, de surcroît, est dénuée d'encadrement et de suivi930. Elle manque, par
ailleurs, de sensibilisation quant à l'importance de l'impact que peut avoir le personnel du
navire sur la sécurité de l'expédition. Il s'agit, encore une fois, d'un problème de culture non
réservé à la Tunisie. On pense systématiquement aux défaillances techniques et structurelles
du navire et on occulte souvent les incidences des conditions de travail ou de vie dégradées
sur la sécurité. L'insuffisance de connaissances et de sensibilisation se traduit, sans doute, par
une insuffisance de contrôle. Un contrôle insuffisant qui, de plus, contribue à accentué l'état
de fatigue des marins (2).
927 Article 5.2 de la convention de l'OIT n° 68 sur l'alimentation et le service de table annexée à la convention
n° 147 sur les conditions minima à observer à bord des navires.
928 B. BEILVERT: « La sécurité de l'exploitation du navire », op. cit, p 335.
929 Voir supra.
930 Entretien avec T. BEN SALAH, op. cit.
931 J. MOIZAN: « La sécurité dans le transport maritime: Comment les entreprises intègrent la sécurité au
quotidien », in « Sûreté et sécurité: Quels enjeux économiques pour les industries maritimes », op. cit, p 29.
932 F. ODIER: « La sûreté, un enjeu pour l'organisation de la chaîne de transport », in annales IMTM, 2006,
éditions IMTM, 2007, p 123.
194
inspections afin qu'un navire parfaitement en règle n'appareille avec un équipage trop sollicité
durant l'escale933.
Des initiatives d'origines diverses tentent de remédier à la timidité du contrôle du facteur
humain (b).
1) Les membres du Paris Mou ont manifesté leur volonté de faire évoluer l'instrument
de manière à le rendre plus efficace et plus proche de la réalité du travail des marins. Ont été
ainsi organisées périodiquement des campagnes d'inspection renforcées sur un thème
particulier. Les inspecteurs remplissent, à cet effet, un questionnaire spécifique donnant lieu à
une exploitation statistique qui fait ensuite l'objet d'une communication à l'OMI934. Une
première campagne a été menée du 1er septembre au 30 novembre 1997. Son objectif était
d'évaluer l'application des normes relatives aux conditions de vie et de travail des marins
étrangers en escale et plus précisément sur les espaces de stockage de nourriture,
l'approvisionnement en eau et en nourriture, l'aménagement des cuisines, les installations
sanitaires935... Tel n'a pas été le cas dans le cadre du Med Mou.
195
sociales sera donc possible. Il s'agit là d'une intégration sans précédent de l'élément humain
dans le système de contrôle par l'État du port. Par ailleurs, l'autorité compétente devra
effectuer une inspection plus approfondie lorsque « les conditions à bord sont si mauvaises
qu'elles constituent un risque pour la sécurité et la santé » ou lorsque « le fonctionnaire
autorisé a des raisons de croire que tout manquement constitue une infraction grave » à la
convention938. Le texte de la convention accorde, par ailleurs, une importance à la formation
que doit recevoir les contrôleurs au port; il importe qu'ils reçoivent une formation axée non
seulement sur l'aspect technique mais également sur le volet social939.
L'avancée de taille à notre sens, consiste en l'élargissement de l'étendue des motifs
d'immobilisation des navires. Il sera désormais possible pour l'inspecteur d'ordonner une
immobilisation d'un navire en cas de non conformité constituant une infraction grave ou
répétée aux prescriptions de la convention, y compris les droits des gens de mer940. Ainsi, est
considéré comme violation la non conformité aux droits en matière d'emploi et des droits
sociaux des gens de mer941.
196
Au vu des lacunes du système du contrôle par l'État du port, il était important pour l'industrie
maritime d'intervenir dans le but de préserver ses intérêts économiques ( Section 2).
197
Section 2 : Le contrôle de la sécurité en dehors du cadre étatique :
Si l'État supervise l'application des règles de sécurité et de sûreté dans le cadre de son rôle de
pouvoir public, d'autres intervenants le font pour des objectifs purement économiques. La
conformité avec la règle de droit équivaut dans ce cas à un gain pécuniaire, sa violation à une
perte. Les assureurs et les chargeurs sont au premier rang de ces protagonistes. Dans un
premier temps, l'analyse essayera de montrer leur contribution à l'amélioration de la sécurité
et de la sûreté maritimes ( Paragraphe 1). Dans un second temps, nous nous poserons la
question de savoir s'il ne pourrait pas exister une instance mieux appropriée à effectuer le
contrôle que tous les intervenants évoqués jusqu'ici ( Paragraphe 2).
198
dernier peut agir contre le transporteur948. La tentative internationale d'établir une convention
contraignante relative aux assurances maritimes ayant échoué949, les contrats d'assurance
maritime sont régis par les lois nationales. En Tunisie, les parties au contrat d'assurance « sont
libres... de régler leurs conventions d'assurance comme elles l'entendent »950. Les lacunes et
vides juridiques éventuels du contrat d'assurance sont couverts par le livre 6 du code du
commerce maritime951.
Trois types de contrats d'assurance interviennent en matière de commerce maritime:
L'assurance corps (1), l'assurance facultés (2) et l'assurance responsabilité (3).
1) L'assurance corps couvre le navire dans son ensemble952: la coque, les appareils
moteurs et tous les accessoires. Elle permet à l'armateur de se garantir contre la perte de son
navire à la suite d'un accident en mer ou au port. L'assuré est souvent le propriétaire du navire
ce qui n'exclut pas le fait que d'autres personnes ayant un intérêt au navire le soient953. Ce
type d'assurance couvre toutes les avaries susceptibles d'être subies par le navire dans la limite
de la valeur agréée954 ainsi que la perte totale du navire955. Il exclut les marchandises ou autres
bien de l'armateur956.
199
par les parties au contrat d'assurance qui déterminent également les causes du sinistre962. Si
celui-ci provient du fait ou de la faute de l'assuré, l'assurance est exclue963.
En dehors de la marchandise transportée, l'article 358 du CCM permet à l'armateur d'assurer
« toute chose évaluable en argent sujette aux risques de navigation » telle que le fret, les
salaires du personnel navigant, les frais d'entretien...
200
La particularité des clubs est le caractère illimité de la protection accordée aux armateurs.
Cela explique que l'adhérent ne paye pas une prime fixe mais une cotisation provisoire
réajustée en fin d'année selon les charges effectivement assumées par le club969.
Quelque soit le type d'assurance, l'assureur n'intervient qu'en réparation aux dommages causés
aux biens assurés ou aux dommages causés par les biens assurés à autrui. C'est ainsi que les
assureurs vont chercher tout moyen leur permettant de restreindre les occasions d'intervention.
Respecter les règles permettant de prévenir les dommages, y compris celles de sécurité et de
sûreté maritimes, en constitue un moyen (b).
969 Pour plus de détails, voir: F. FOUCHIER: « L'action directe contre les P&I clubs », DMF, janvier 2000, p 3
et suivantes.
970 Ch. HÜBNER: « L'application du code ISM à l'assurance maritime sur facultés », DMF, juin 1999, p 510.
971 J-P. BEURIER: « Le transport maritime, le droit et le désordre économique international », op cit.
201
bon état972. Par ailleurs, le facteur humain est-il systématiquement intégré dans cette démarche
de sécurité? L'assureur demande t-il à vérifier la compétence de l'équipage que l'armateur
engage? La doctrine affirme que depuis les deux dernières décennies du siècle dernier, les
assureurs maritimes exigent des armateurs un effort sur la qualité du recrutement de leurs
équipages973. Mais cette exigence n'est, semble t-il, pas automatique sur le plan de la pratique
des assurances; « même si les mentalités changent, un grand travail de sensibilisation et
d'intégration reste à faire »974.
- Afin se prémunir contre la pertes pécuniaires, les assureurs en responsabilité, notamment les
P&I clubs, appliquent une mesure jouant un rôle en faveur de l'amélioration de la qualité du
navire et qui consiste dans le fait de déterminer les contributions de leurs clients en fonction
des pertes effectivement subies. Le rapport est établi entre les sommes engagées en réparation
des sinistres survenus et la prime d'assurance. Les armateurs défaillants se voient imposer des
contributions pouvant être assez élevées notamment en cas d'accident ayant causé une
pollution d'une grande ampleur.
- En droit tunisien, l'article 306 du CCM exclut du bénéfice de l'assurance les conséquences
des fautes intentionnelles et inexcusables de l'assuré. Cette exclusion est d'ordre public. La
notion de faute inexcusable pourrait-elle constituer un fondement juridique pour exclure de la
garantie de l'assureur un sinistre lorsque le navire transporteur n'est pas certifié ISM ou ISPS?
La doctrine estime qu'il conviendrait d'établir dans quelle mesure le choix d'un navire démuni
d'un certificat ISM est à l'origine de la perte des biens975. La pratique ne fournit pas de cas
d'étude.
- De leur côté, les États Unis d'Amérique ont su prémunir leurs côtes de pollution en
application de l'OPA976 qui impose à tout armateur dont le navire touche les côtes américaines
de présenter une police d'assurance émanant d'une compagnie d'assurance américaine ou d'un
groupement d'armateurs ou d'assureurs couvrant le navire contre toute pollution qu'il pourrait
causer. La doctrine explique que c'est l'armateur qui est couvert et non le navire et que la
particularité de cette solution est de laisser à l'armateur et à son assureur l'appréciation du
risque du navire. Aucun assureur ne prendra le risque d'assurer un armateur exploitant des
navires en mauvais état977. L'assureur oblige, ainsi, l'armateur à se doter d'un bon équipement.
972 C'était le cas du navire « Amira I », voir chapitre précédent, section 2.
973 F. LILLE, R. BAUMLER: « Transport maritime, danger public et bien mondial », op. cit, p 245.
974 Information issue d'un entretien avec Me A. REBHI, op. cit.
975 Ch. HÜBNER: « L'application du code ISM à l'assurance maritime sur facultés », op. cit, p 512.
976 Op. cit.
977 « Réflexion de l'Académie de Marine sur la prévention des catastrophes maritimes », DMF, mai 2003, p 456.
202
Toutes ces mesures ont certainement contribué à dissuader certaines pratiques contraires aux
obligations réglementaires requises. Il serait souhaitable que les assureurs persistent dans cette
démarche sécuritaire surtout que le caractère international du marché de l'assurance
maritime978 leur permet d'imposer des règles harmonisées à tous les pavillons. Il serait
notamment requis de réfléchir sur une solution permettant d'accorder un avantage commercial
aux armateurs respectueux des normes obligatoires. Ceci pourrait se traduire, à titre
d'exemple, par une ristourne lorsqu'aucun dommage n'est survenu pendant une période
donnée ou en une baisse de prime d'assurance. Quoi qu'il en soit, la participation des assureurs
à la démarche sécuritaire, combinée avec l'intervention des chargeurs (B), ne peut que
perfectionner la qualité du transport maritime.
203
de respect de la réglementation en vigueur dans le but de favoriser un acheminement sûr de
leurs marchandises. En se basant sur le code ISM, les affréteurs désireux ont adopté un « code
de bonnes pratiques » comportant un questionnaire préalable à tout affrètement, propre à
garantir que le navire affrété est conforme au code ISM, qu'il est couvert par une société de
classification et par un assureur fiables et qu'il est convenablement armé selon les règles de
son État de pavillon par un armateur bien identifié981.
Le refus de soumission à ce questionnaire n'est assorti d'aucune obligation réglementaire
encore moins de sanction pénale. Néanmoins, par son refus, l'armateur peut perdre un client.
Le chargeur dispose, donc, d'un moyen de pression purement économique. Sa responsabilité
en matière de sécurité et de sûreté maritimes se situe à un niveau autre que celui des autres
intervenants; elle se situe dans le choix du prestataire et du navire affrété982. Le pouvoir dont il
est doté émane du pouvoir de pression économique qu'il détient. Il consiste en sa capacité à
refuser d'affréter un navire qu'il estimerait en deçà du niveau de sécurité nécessaire à garantir
une expédition sûre de sa marchandise et de faire jouer la concurrence avec d'autres armateurs
plus respectueux de la loi. Un tel refus pourrait contraindre les armateurs à davantage
conformer leurs bâtiments aux exigences réglementaires en la matière. Dans ce cadre, en
dehors du questionnaire, le rôle de l'information sur les navires en service pourrait apporter
une aide précieuse aux chargeurs. Les bases de données telles qu'Equasis983, base de données
européenne, trouvent toute leur justification. Celle-ci recueille les informations pertinentes
sur les navires et les armateurs. On y trouve des renseignements sur l'état du navire, sur sa
conformité aux règles de sécurité, sur l'identification de son assureur et même sur les
conditions de vie et de travail à bord. On déplorera, à cet égard, l'inexistence d'une base de
donnée équivalente en Tunisie ou d'une manière générale dans les pays du continent africain.
L'imperfection de la base de données du Med Mou n'améliore pas la situation.
L'action des chargeurs pétroliers tout en étant fidèle à cette démarche, renforce le degré des
exigences en sécurité et sûreté (b), probablement sous l'influence de l'ampleur de l'effet
médiatique que pourrait avoir un accident de navire transportant du pétrole.
981 J-C. BUHLER: « Les affréteurs et la sécurité des transports maritimes », op. cit, p 797.
982 J-P. RIBIERE: « La sécurité maritime, le rôle du chargeur », op. cit, p 375.
983 Equasis ou European Quality Shipping Information System (Système informatique européen de la qualité de
la navigation). Pour les détails, voir: (www.equasis.org) crée en mai 2000 et géré par les autorités publiques.
204
b) Le cas des chargeurs pétroliers:
Non satisfaites des contrôles effectués par les États et les société de classification, les
compagnies pétrolières ont instauré un système d'évaluation de la qualité globale des navires,
dénommé vetting. Il s'agit d'un système de contrôle volontaire à caractère facultatif offrant à la
compagnie pétrolière souhaitant affréter un navire à temps ou au voyage la possibilité de
vérifier l'état technique du navire ainsi que la qualité de son équipage. La mise en oeuvre de
ce système de contrôle est assurée par des inspecteurs engagés par la compagnie pétrolière
qui, au même titre que les inspecteurs étatiques, sont des anciens navigants de haut niveau.
Les inspections opérées dans le cadre du vetting combinent le système du contrôle par l'État
du port et le système du contrôle opéré par les autres chargeurs. Ainsi, les inspecteurs chargés
du vetting vérifient la validité des certificats, l'état des appareils et le respect de la sécurité à
bord. Ils soumettent le navire, par ailleurs, à un questionnaire détaillé. Ils réalisent également
des visites à quai et peuvent procéder à des audits des sociétés d'armement984.
Certaines compagnies pétrolières imposent des procédures de contrôle, encore plus
renforcées. C'est le cas de le compagnie américaine Exxon qui à la suite de la catastrophe du
navire Exxon Valdez985 a mis la barre haute quant aux exigences de sécurité: elle a, ainsi,
imposé à tous les fréteurs avec qui elle traite des standards techniques et de management de
niveau très élevé, un questionnaire détaillant l'état du navire et devant être tenu à jour, de
même que diverses inspections. Par ailleurs, la compagnie exige que les navires qu'elle affrète
soient systématiquement munis d'une double coque986.
On regrette, comme le fait la doctrine987, que d'autres secteurs de navigation maritime et
notamment le secteur des transports de vrac à courte distance988 n'aient pas choisi de
généraliser de telles procédures d'inspection avant affrètement. La mise en jeu des intérêts
financiers pourrait persuader les armateurs les moins scrupuleux à une meilleure application
de la législation sécuritaire dans le but de préserver sa clientèle. Pour autant, même s'il
présente cet avantage, le contrôle effectué par les chargeurs n'est pas exempt de critique. Si la
984 Voir à ce sujet: Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 547 et suivantes. Voir
également: S. MABILE: « Le vetting des navires pétroliers, historique et portée juridique d'un contrôle
volontaire », ADMO, Tome XXV, 2007, p 115 et suivantes.
985 Op. cit.
986 Voir à ce sujet: O. CARAGE: « Sécurité et sûreté maritime » in « Sûreté et sécurité: Quels enjeux
économiques pour les industries maritimes », op. cit, p 37. La double coque réduit les risques d'échouements et
des abordages à faible vitesse.
987 G. TOURRET: Intervention in « Sûreté et sécurité: Quels enjeux économiques pour les industries
maritimes? », op.cit, p 15.
988 Il s'agit du mode de transport le plus fréquent en Tunisie. Voir à ce sujet, le rapport de l'OMMP, 2007, p 8.
205
pratique de recueil d'informations et celle des questionnaires ne peut qu'être utile quant au
choix du navire à affréter, les inspections pratiques effectuées à bord viendraient s'ajouter au
nombre déjà élevé des inspections obligatoires ce qui peut constituer un inconvénient pour les
conditions de travail de l'équipage. Nous l'avons déjà évoqué, les contrôles sont sources de
fatigue et de perte de temps pour les membres de l'équipage et notamment pour le capitaine.
Éventuellement, les affréteurs pourraient se contenter des rapports issus du contrôle par l'État
du port que l'armateur serait tenu de leur fournir.
Au regard des actions menées en matière de sécurité maritime par les assureurs et les
chargeurs, on estime, comme le fait la doctrine, qu'une démarche décisive pour assainir le
marché du transport maritime est en train de se construire989. Néanmoins, l'action des
opérateurs privés en matière de sécurité et de sûreté maritimes, quelque soit le jugement qu'on
pourrait lui apporter, reste basée sur la bonne volonté de l'application des normes de sécurité
et des codes de bonnes conduite. Dans un monde où les intérêts financiers et les engagements
contractuels peuvent l'emporter sur la conformité à la loi, la détermination des pouvoirs
publics pour l'application des normes de sécurité semble indispensable. Resterait à savoir quel
organisme public serait les plus à même d'atteindre « l'objectif sécurité ». On a pu voir que
l'État du pavillon pour différentes raisons n'obéit pas dans certaines circonstances à cet
objectif. L'État du port, quoique plus efficace, ne parvient pas à réduire le manquement à la
sécurité. Pour une meilleure efficacité devrait-on, comme l'a montré l'exemple européen, avoir
recours à un contrôle opéré dans un cadre régional? Ce schéma est-il possible pour une
région intégrant la Tunisie? Auquel cas, de quelle région parlons-nous: du Maghreb arabe ou
de la Méditerranée? ( Paragraphe 2).
206
géographiques, écologiques et culturelles des pays de la région. Convaincu de l'apport du
procédé, le législateur européen est le premier à l'appliquer en matière de sécurité
maritime(A). L'étude du modèle européen permettrait d'examiner la possibilité du
renouvellement de l'expérience européenne dans une région géographique comprenant la
Tunisie (B).
1) Les agents de l'AESM visitent les États membres pour vérifier qu'ils mettent
convenablement en pratique la réglementation européenne portant sur la sécurité maritime,
sur les mesures visant la prévention des pollutions993.... Les visites, organisées au préalable par
l'AESM en collaboration avec l'autorité maritime visitée, s'effectuent dans les ports
européens. L'autorité maritime visitée doit veiller à ce que les visites s'opèrent dans les
meilleures conditions. En application de l'article 6 du règlement instituant l'AESM, les
inspecteurs de l'organisme doivent avoir accès à tout document, endroit ou objet ayant rapport
avec le déroulement du contrôle des navires. Les rapports rédigés à l'issue de la visite
permettent à la Commission européenne de déterminer les défaillances et les lacunes des
992 Par le Règlement du Parlement européen et du Conseil n° 1406/ 2002 du 27 juin 2002, JOCE n° L 208 du 5
août 2002, p 1 et suivantes, ci après: règlement instituant l'AESM.
993 Voir :chapitre I, article 3 du règlement instituant l'AESM.
207
différentes autorités maritimes. Par ailleurs, le recueil d'informations servira à enrichir des
bases de données indispensables à la lutte contre les accidents telles qu'EQUASIS994.
2) En matière du contrôle par l'État du port995, rappelons qu'en marge des systèmes
nationaux, l'UE a mis en place la directive CE 1995/21 du 19 juin 1995 996 qui garantit une
inspection des navires dans les ports de la Communauté européenne portant sur plusieurs
aspects: la construction, l'entretien et l'équipement. Cette tâche a été confiée au personnel de
l'AESM qui n'effectue pas personnellement le contrôle des navires dans les ports européens
mais qui est chargé de la surveillance des systèmes de contrôles opérés dans chaque État
membre, de l'analyse des statistiques de l'entrée et de la sortie des navires dans les ports
européens ainsi que des données individuelles sur chaque navire inspecté. Il s'agit en quelque
sorte de contrôler les contrôleurs afin d'aboutir à une inspection effective et poussée des
navires.
4) Les inspecteurs de l'AESM visitent les centres de formation des gens de mer dans
les pays tiers, fournisseurs principaux de la main-d'oeuvre maritime1000 afin de vérifier qu'ils
994 Op. cit.
995 Voir: chapitre I, article 2-b-i du règlement instituant l'AESM.
996 Op. cit
997 Les sociétés de classification reconnues par l'UE sont: Bureau Veritas, Germanischer Lloyd et Lloud's
Register of shipping.
998 En application du chapitre I, article 2-b-iv du règlement instituant l'AESM tel que modifié par le règlement
CE n° 725/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, JOCE L 129/1 du 29 avril 2004, p 1 et
suivantes. Les organismes de sûreté sont des entreprises autorisées par l'État à effectuer certaines interventions
en matière de sûreté dans les ports telles que l'évaluation de la sûreté de l'installation portuaire. L'organisme peut
également fournir une assistance aux compagnies maritimes ou aux ports pour l'évaluation de la sûreté ou
l'élaboration des plans. Voir à ce propos: paragraphe 4.3 et suivants de la partie B du code ISPS.
999 Voir à ce sujet: l'intervention de Jacob TIERLING, directeur de l'AESM, à l'occasion du colloque
international: « Sûreté et sécurité, quels enjeux économiques pour les industries maritimes? », op. cit, p 19 et
suivantes.
1000 En application du chapitre I, article 2, b, iii du règlement instituant l'AESM. Il s'agit notamment de pays
208
répondent aux obligations de la convention STCW. L'inspection inclut aussi bien
l'administration maritime de l'État tiers que les écoles de formation publiques et privées. Par
ailleurs, l'AESM organise des stages de formation visant à renforcer les acquis théoriques et
pratiques des gens de mer1001. A l'issue de l'inspection, un rapport est rédigé et envoyé à
l'administration maritime de l'État tiers ainsi qu'à la Commission européenne 1002. Ce type de
contrôle revêt une importance majeure dans la mesure où, rappelons-le, environ 80% des
accidents en mer sont générés par une erreur humaine. Toutefois, faute de moyens, l'AESM est
actuellement loin de contrôler la totalité des administrations maritimes des pays tiers dont le
nombre s'élève à une cinquantaine1003.
L'ensemble de ces contrôles exclusivement exercés par l'AESM permettent de prémunir les
défaillances du système sécuritaire. Toutefois, en cas de déficience des autorités maritimes sur
une quelconque obligation, l'AESM ne dispose pas de pouvoir de sanction direct. C'est la
Commission européenne, à la lumière des rapports de l'AESM, qui peut entreprendre des
actions à l'encontre des États ayant manqué à leurs obligations.
L'AESM intervient également dans le domaine environnemental (b).
1) L'AESM agit aussi bien pour ce qui est de la surveillance de la navigation (1.1) que
de celle de la pollution (1.2).
asiatiques tels que les Philippines ou encore la Chine et des pays de l'Europe de l'Est, notamment la Bulgarie.
1001 En 2007, 25 sessions de formation ont été organisées. Voir page 8 du programme de travail de l'AESM
2008, disponible à la page suivante: http://extranet.emsa.europa.eu/index.php?
option=com_docman&task=cat_view&gid=100&Itemid=43
1002 Chapitre I, article 3.3 du règlement instituant l'AESM.
1003 F. VALLAT: « L'Agence européenne de la sécurité maritime taille bien la route... », in « Défense nationale
et sécurité collective », n°2, février 2007, p 3.
209
exercée par les services de trafic maritime qui contribuent à assurer la sécurité de la
circulation maritime, à améliorer l'efficacité du trafic et à réduire le risque des pollutions1004.
La pertinence de la surveillance de la navigation maritime nationale est renforcée par la
participation de l'AESM. En application de la directive CE 2002/59 du 27 juin 2002 relative à
la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et
d'information1005, l'AESM a crée un service de surveillance et d'information du trafic
maritime, Safeseanet1006. Il s'agit d'un système d'information électronique en réseau
fournissant des données sur les changements des positions des navires. Les données sont, à
l'origine, fournies par les navires eux même. Le système permet une identification rapide des
navires et de leurs cargaisons à toute l'Europe ce qui permet, outre l'identification de leur
position une meilleure préparation de leurs accueils dans les ports. Le système est
opérationnel depuis janvier 2008 et l'accès aux données est restreint aux administrations
maritimes.
1.2) En matière de surveillance de la pollution, notons de prime abord, que l'AESM est
la responsable de la surveillance de la pollution pour le compte de l'Union Européenne, à côté
des États membres de l'Union. Elle est, à ce titre, tenue de fournir à la Commission et aux
États membres des informations objectives et fiables grâce à la collecte, l'enregistrement et
l'évaluation de données techniques dans les domaines de la sécurité maritime, du trafic
maritime et de la pollution marine1007. L'AESM dispose à cette fin d'un matériel sophistiqué:
le satellite Radarsat1008 qui produit des images de synthèse pouvant localiser les pollutions en
temps quasi réel et anticiper la dérive des nappes. De surcroît, l'AESM a mis en place, depuis
avril 2007, un dispositif dénommé Cleanseanet qui permet grâce à des images satellites de
prévenir très rapidement un État membre des rejets polluants ayant lieu près de ses côtes. Le
service fournit une gamme d'informations détaillées incluant des alertes de déversement
d'hydrocarbures et une livraison rapide des images satellite disponibles et de la position de la
nappe de pétrole1009. Les images et les données fournies par le radar de surveillance sont
diffusées dans un but de soutenir l'activité de prévention des accidents effectuée par les États
1004 Voir à ce propos: Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 575. On y
reviendra dans les prochains chapitres.
1005 JOCE n° L 208 du 5 août 2002, p 1 et suivantes.
1006 http://www.emsa.europa.eu/operations/maritime-surveillance/safeseanet.html
1007 Chapitre I, article 2-f du règlement instituant l'AESM.
1008 Pour les caractéristiques techniques du radar, consulter:
http://www.spotimage.fr/web/115-radarsat.php
1009 Pour davantage d'informations, consulter:http://cleanseanet.emsa.europe.eu
210
membres. Ces derniers sont également assistés en matière de lutte contre la pollution (2).
2) Les États ont la possibilité de faire appel au soutien de l'AESM en matière de lutte
et de réparation de la pollution. Dans ce cas, la saisine de l'AESM n'est pas directe, celle-ci ne
pouvant agir que sur demande de la Commission européenne qui souhaiterait éviter que
l'AESM soit sollicitée pour des pollutions minimes ne nécessitant en principe pas son
intervention.
L'intervention de l'AESM en la matière se traduit par la mise en oeuvre de son propre plan
d'actions pour la lutte antipollution, « le plan d'action pour la prévention et la lutte contre la
pollution par hydrocarbures »1010. Il s'agit d'un document définissant le risque de pollution
dans les mers européennes ainsi que les réponses appropriées à chaque type de pollution par
zone. Le document fait, en outre, un inventaire du matériel à disposition de l'AESM dans les
ports européens. A côté du matériel de dépollution dont dispose chaque État partie, l'AESM
dispose de son propre matériel de dépollution. Des partenariats public-privé lui ont permis
d'affréter des navires marchands convertis en navires dépollueurs sur tout le pourtour de
l'Union européenne. En 2004, un budget de 17,5 millions d'euros lui a été alloué, pour 3 ans,
dans le but d'affréter 4 navires antipollution de haute mer à implanter, en complément des
moyens nationaux dans des zones à risques de la mer Baltique, de la manche, de l'océan
atlantique et de la méditerranée1011. Les navires dépollueurs sont dotés d'un équipement
sophistiqué de détection et de récupération d'hydrocarbures. Leurs équipages, tenus
d'effectuer des exercices à intervalles réguliers, sont entraînés à des tâches de sauvetage et de
dépollution1012.
En application du plan d'action de l'AESM, celle-ci met à disposition des responsables
nationaux de la lutte anti-pollution son matériel et son savoir-faire. Les deux parties
coordonneront les actions à entreprendre. Par ailleurs, elle assure l'analyse de la situation en
mer et la prévision de son évolution. A ce propos, la doctrine affirme que le soutien que
pourrait donner l'Agence peut jouer un rôle décisif. Les désastres du Prestige et de l'Erika
avaient, en effet, montré que les États ne disposaient pas de navires mobilisables et de bonne
capacité de stockage pour aller récupérer des hydrocarbures très au large et par mauvais
211
temps1013. Par ailleurs, l'importance de l'information précise et instantanée en matière de
protection du milieu marin constitue une des tâches principales de l'Agence. Ainsi, les
informations recueillies par ses soins viennent s'ajouter au résultat de recherches et
d'investigations menées dans le cadre du plan.
En outre, en application de l'article 2 du règlement instituant l'AESM, celle-ci est tenue
d'effectuer une enquête après accident. Elle tient à cet effet une base de données quotidienne
rassemblant les rapports d'enquêtes sur les accidents maritimes survenant dans le monde
entier. Cette base deviendra la première source d'information sur les accidents en Europe et
sera utilisée par la Commission européenne et les États membres dans le cadre de l'élaboration
de leur politique en matière de sécurité maritime1014. L'utilité de ces enquêtes réside dans le
fait de développer des recherches en matière d'accidentologie en établissant les causes des
événements en mer en vue d'en tirer des enseignements pour l'amélioration de la sécurité
maritime. Enfin, l'AESM intervient en matière de gestion des déchets, en application de la
directive CE 2000/59 du 27 novembre 2000 sur les installations de réception portuaire pour
les déchets d'exploitation des navires et les résidus des cargaisons 1015, et veille à s'assurer que
les déchets produits par les navires sont évacués dans des installations portuaires appropriées.
La directive ne précise pas l'action à entreprendre si ces installations n'existaient pas.
Que ce soit en matière de contrôle de l'application des normes ou d'assistance des États
membres dans leurs diverses démarches de prévention, l'action de l'AESM participe à
l'amélioration de la qualité du transport maritime ce qui pourrait constituer un exemple à
suivre dans d'autres régions du monde (B).
1013 F. VALLAT: « L'Agence européenne de la sécurité maritime taille bien la route... », op. cit.
1014 Voir rapport de l'Agence intitulé: « Une navigation plus sûre et moins polluante au sein de l'Union
européenne » sur le lien suivant:
http://www.emsa.eu.int/Docs/Technical_Reports/emsa_brochure_24_5_2006_fr.pdf
1015 JOCE n° L 332 du 28 décembre 2000, p 81 et suivantes.
1016 Le commerce inter-maghrébin ne représente que 7% du commerce des pays de l'Union du Maghreb Arabe
selon: « Des opportunités, un potentiel énorme mais les freins à une intégration maghrébine subsistent » article
publié au journal tunisien « La Presse », 19 février 2009, p 3.
212
procurer auprès de leurs voisins les produits qui leur manquent1017. En revanche, les échanges
Nord-Sud avec l'Union Européenne dominent largement la structure des échanges en
Méditerranée1018. La solution méditerranéenne semble, par conséquent, la plus adéquate
d'autant plus qu'il existe déjà un cadre juridique et politique de coopération regroupant les
États de la zone et pouvant être considéré comme étant des pré-outils de travail et de réflexion
pour la création d'une agence méditerranéenne de sécurité maritime (a) pour laquelle il
conviendrait de définir les objectifs et l'organisation (b).
1) Le programme MEDA :
La mise en oeuvre des objectifs passe nécessairement par la mise à disposition de moyens
financiers. Le programme MEDA est le principal instrument financier de l'UE pour
l'application du partenariat euro-méditerranéen1020. Lancé en 1995, le programme offre des
1017 C. REYNAUD, C. DECOUPIGNY: « L'intégration des réseaux de transport dans l'espace euro-
méditerranéen et le rôle du transport maritime », in « Le transport maritime à courte distance, enjeux et
perspectives en Méditerranée », sous la direction de Xavier PERALDI et Michel ROMBALDI éditions
l'Harmattan, 2008, p 94. Voir également: J. ZEGRARI: « L'évolution des transports maritimes dans les pays du
Maghreb », Thèse, Université de Nantes, 2000, p 181 et suivantes.
1018 Selon une étude du projet « EUROMED Transport », publiée en Octobre 2003, intitulée : « Tendance du
Trafic, politiques du transport et plans dans la Méditerranée occidentale », plus que la moitié des échanges
internationaux se fait avec l'Union européenne, 9% avec l'Afrique, 9% avec l'Asie, 8% avec l'Amérique...
1019 Déclaration de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Barcelone du 27 et 28 novembre 1995,
disponible sur le lien suivant: http://www.ena.lu/
1020 Instauré par le règlement CE n° 1488/96 du Coneil du 23 juillet 1996 relatif à des mesures
d'accompagnement financières et techniques à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du
partenariat euro-méditerranéen, JOCE L189 du 30 juillet 1996, p 1 et suivantes. Le programme a représenté 5, 35
milliard d'euros pour la période 2002-2006, à titre d'exemple.
213
mesures de soutien techniques et financiers pour accompagner les réformes de structures
économiques et sociales des partenaires méditerranéens. Les réformes visées sont nombreuses
et touchent à des domaines divers et diversifiés. Deux projets concernent de près le domaine
maritime et réconfortent l'idée de l'existence d'une coopération régionale en la matière:
1021 www.euromedtransport.org
1022 Il s'agit notamment des projets REGMED et DESTIN. Le premier s'intéresse aux aspects réglementaires
du transport en méditerranée, en déniche les lacunes et en souligne les progrès quant à l'application des lois sur le
transport. Le projet DESTIN s'attache aux techniques de planification de transport dans la Méditerranée
occidentale.
1023 Plus connu sous le titre de « livre bleu », le document a été présenté aux membres du programme Euromed
lors de la Conférence ministérielle Euro-méditerranéenne de Marrakech le 15 décembre 2005. Il est
téléchargeable sur le site du programme Euromed.
1024 www.safemed-project.org
1025 www.rempec.org
214
régissant la sécurité, la sûreté et la protection de l'environnement marin. Concrètement, le
projet qui a débuté le 1er janvier 2006, vise les actions suivantes:
Le programme MEDA est remplacé depuis le 1er janvier 2007 par L'instrument européen de
voisinage et de partenariat1026. Le processus de Barcelone s'inscrit désormais dans une
nouvelle politique de voisinage qui oeuvre pour une intégration plus profonde des divers pays
voisins de l'UE. Le but principal de cet instrument rejoint celui du programme MEDA. Il
s'agit de créer un espace de valeurs communes, de promouvoir la stabilité dans la région et
d'intensifier la coopération. La différence est que le nouveau projet est doté d'un fonds
financier plus important1027.
2) « L'initiative 5+5 »:
Dans le cadre de la politique de défense de l'UE, existe un programme opérationnel de
caractère informel intitulé « l'initiative 5+5 ». Il s'agit d'un programme sous régional de
coopération politique, économique et militaire euro-méditerranéenne qui tire son nom de la
réunion de cinq États de la rive sud: La Tunisie, L'Algérie, Le Maroc, La Lybie et La
Mauritanie avec cinq pays de la rive nord: L'Espagne, La France, L'Italie, Malte et Le
Portugal. Le programme présente l'avantage de traiter de questions concrètes dans des
matières concrètes et non seulement dans le domaine strictement politique ou de relations
extérieurs1028. En matière maritime, le programme a pour objectif de mettre en commun des
expertises et des savoirs-faires s'agissant de la protection civile, de la lutte contre la pollution
maritime accidentelle, de la surveillance maritime et du secours en mer. Des exercices
1026 Instauré par le règlement CE n° 1638/2006 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 2006
arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat, JOCE L 310
du 9 septembre 2006, p 1 et suivantes.
1027 Le budget total s'élève à presque 12 milliards d'euros pour la période 2007-2013.
1028 J. PRATT Y COLL: « La région euroméditerranéenne: défis et état des lieux de la coopération régionale et
sous régionale », Géoéconomie n° 42: « Quelle Union Méditerranéenne », été 2007, p 65.
215
d'entraînement et de simulation d'avaries en mer sont organisés périodiquement1029. Le
programme s'appuie sur un plan d'action annuel validé par les ministres de la défense lors
d'une réunion annuelle.1030
Nonobstant le succès relatif du partenariat politique et économique euro-méditerranéen1031,
nous partons de l'idée qu'un rassemblement juridique des États de la région existe et qu'une
volonté de coopération a été manifestée déjà en 1995 et est confirmée à plusieurs reprises ce
qui confortera la possibilité de la création d'une institution dont l'objectif est de coopérer en
matière de sécurité maritime et qui peut être conçu comme point de départ de cette institution.
La possibilité de la création d'un tel organisme est réconfortée par les perspectives de
renforcement de la collaboration entre les pays de la région dans le cadre du projet de l'Union
méditerranéenne1032. Lancé lors du sommet de Paris du 13 juillet 2008, le projet vise la
création d'une union politique présidée conjointement par un pays du Nord et un pays du Sud
et dont le but est le développement de projets communs concrets dont au premier chef
l'environnement1033. Il s'agirait, en ce qui suit, d'élaborer un projet de fonctionnement de
l'éventuelle agence méditerranéenne de sécurité maritime (b).
b) Le projet de l'agence:
L'agence méditerranéenne de sécurité maritime (AMSM) ne devrait pas reproduire au pied de
la lettre le modèle européen. S'inspirant de l'expérience de l'AESM, la nouvelle agence devrait
chercher à exploiter les avantages et combler les lacunes tant au niveau des missions dont
elles sera dotée (1) qu'au niveau de l'organisation et des attributs (2).
1029 En Tunisie, a eu lieu l'exercice intitulé « secours d'urgence », du 16 au 21 novembre 2010. Il était organisé
par les forces armées françaises et tunisiennes. Les autres pays membres au programme étaient présents à titre
d'observateurs.
1030 Pour plus d'informations, voir: Ph. ESPER et autres « Défendre la France et l'Europe », éditions Perrin
2007, B. HAJ-HAMOU: « Le rôle de l'Union européenne dans la coopération en matière de transport maritime »,
in annales 2006 de l'IMTM, op. cit, p 65 et suivantes.
1031 Voir à ce propos: P. BECKOUCHE: « Comparer Euromed et autres régions Nord-Sud », in Géoéconomie
n°42, op. cit, p 21 et suivantes. Voir du même auteur: « L'intégration économique en Méditerranée, impératif
européen », in « L'Europe et la Méditerranée », collection Penser l'Europe, éditions CulturesFrance, juillet 2008,
p 23 et suivantes. Voir enfin: G. LAZAREV: « Maghreb et Méditerranée: questionnements sur les options
géopolitiques », in Géoéconomie n° 42, op cit, p 42 et suivantes.
1032 Voir sur ce sujet: J-F. DAGUZAN: « Vers l'Union Méditerranéenne », Géoéconomie n°42, op. cit, p 11 et
suivantes.
1033 Parmi les projets prévus: La dépollution de la Méditerranée, les autoroutes maritimes et terrestres et la
protection civile des catastrophes naturelles.
216
1) Les missions de l'AMSM:
Le rôle de l'agence régionale consisterait à normaliser les contrôles de sécurité et de vérifier la
stricte application des règles applicables en matière du contrôle étatique. A l'instar de l'AESM,
il s'agirait d'un organisme opérationnel pourvu d'un pouvoir de contrôle concret et impartial
couvrant différents domaines (1.1). Mais sa particularité devrait concerner l'élément humain.
L'agence devrait se donner les moyens de sortir de son rôle de contrôleur des contrôleurs
quant à l'inspection des conditions de vie et de travail à bord en raison de l'incidence de ce
facteur sur la sécurité et la sûreté de l'expédition (1.2).
- L'agence devrait se doter d'un personnel technique compétent pour l'évaluation du travail de
la société de classification sur les navires portant pavillon d'un État membre de l'agence. Une
formule de sanction pour les sociétés défaillantes devrait être trouvée; on y reviendra plus
loin.
- Appuyant le travail du centre d'information du Med Mou, l'agence régionale pourrait réunir
des statistiques sur les navires et les armateurs servant de source de renseignement aux
armateurs et administrations maritimes. Ces statistiques constitueraient un indicateur de
217
performance connaissant encore des lacunes dans le cadre du mémorandum de la
Méditerranée.
- Afin de soutenir l'action des États méditerranéens, l'agence devrait se doter de moyens
matériels et de compétences humaines capables d'intervenir dans le cadre de sauvetage des
vies humaines en mer ou encore à la suite d'une catastrophe environnementale nécessitant une
intervention étrangère.
2) L'organisation de l'AMSM :
L'agence devrait se doter d'un personnel compétent et en nombre suffisant afin de pouvoir
accomplir toutes ses tâches. Celui-ci pourrait être recruté parmi le personnel maritime de tous
les pays membres à l'agence dans le respect de la diversité des nationalités autour de la
218
Méditerranée. A cet égard, confier les missions principales de l'agence à des ressortissants des
pays de la rive nord de la Méditerranée pourrait constituer une erreur dans le sens où le
personnel maritime du la rive nord commence à être familiarisé avec la notion de culture
d'une sécurité maritime régionale, notion faisant défaut dans le sud. Le budget de l'agence
pourrait être constitué, outre les contributions étatiques, d'une taxe relevée à l'occasion des
escales dans les ports méditerranéens. L'AMSM devrait, par ailleurs, se distinguer de l'agence
européenne par deux éléments qui, à notre sens, handicaperaient le travail de l'AESM (2.1).
Restera la question d'identifier les sources de financement nécessaires à sa création et à son
fonctionnement (2.2).
2.1) L'AMSM devrait être un organisme autonome et doté d'un pouvoir coercitif.
- L'autonomie de l'agence méditerranéenne: Il a été souligné que la dépendance de l'AESM à
la Commission européenne pourrait avoir comme conséquence un retardement de son action
en matière de lutte contre la pollution. Même s'il n'existe pas d'équivalent de la Commission
européenne au niveau méditerranéen, il est requis que l'agence méditerranéenne soit
indépendante vis à vis des États membres. Par autonomie, on entend autonomie financière et
autonomie de décision. Une telle autonomie lui permettrait une prise de décision rapide quant
à une intervention d'urgence ou une sanction vis à vis d'une autorité maritime ou d'une société
de classification défaillante.
- Le pouvoir de sanction: L'AESM n'est pas un organe de coercition. Elle ne fait que remonter
les défaillances constatées dans le cadre de ses différentes visites à la Commission européenne
qui prend les sanctions correspondantes à l'égard des États membres ou des sociétés de
classification. Ce schéma ne peut pas être repris dans l'expérience méditerranéenne eu égard à
l'absence, en Méditerranée, d'un organe suprême doté d'un pouvoir de sanction tel que la
Commission européenne. D'un autre côté, il serait inconcevable d'infliger des sanctions aux
États par une agence inter-étatique, l'État étant une entité souveraine du droit international 1035.
Ces considérations ne devraient pas, pour autant, annuler la possibilité de doter l'AMSM de
pouvoir de sanction. Celui-ci pourrait consister, outre la publicité des conclusions de l'AMSM
considérée comme un moyen possible de persuasion, en une augmentation des cotisations
versées à l'agence. En revanche, s'agissant des sociétés de classification défaillantes, l'AMSM
devrait garder la capacité de leur infliger des sanctions pécuniaires. Ces dernières serviraient à
1035 Voir à ce sujet, à titre d'exemple: P. DAILLEIR, M. FORTEAU et A. PELLET (N. QUOC DINH): « Droit
international public », LGDJ, 2009, p 465 et suivantes.
219
enrichir le budget de l'agence.
L'AMSM ainsi conçue permettrait d'éviter les limites que connaît l'AESM. Par ailleurs, elle
pourrait s'intégrer sans trop de difficultés dans les objectifs de la Déclaration de Barcelone,
ceux de faire de la Méditerranée un espace de paix et de prospérité partagée, ainsi que dans le
projet de l'Union méditerranéenne. Elle pourrait constituer, avec l'AESM, un pas vers une
harmonisation internationale. En outre, l'agence ne devrait pas être une fin en soi. Cela
favorise des sécurités à plusieurs vitesses. Elle devrait être une étape vers une organisation
internationale coercitive en matière maritime. Son rôle principal serait donc de diffuser une
culture de sécurité des personnes, des biens et de l'environnement.
220
méditerranéennes semble une bonne piste de financement. La Méditerranée est une zone où
le trafic maritime est le plus dense et où les échanges commerciaux sont en constante
évolution sous les effets conjugués de la pression démographique, de la croissance
économique et de l'ouverture des marchés1037. L'apport financier d'une telle taxe n'est donc pas
négligeable. Par ailleurs, étant donné la position géographique stratégique de la Méditerranée,
il semblerait très improbable d'imaginer que les navires choisissent d'emprunter une autre
route afin d'éviter le paiement de charges supplémentaires. En outre, l'application de cette taxe
par l'ensemble des États de la région pourrait contribuer à évincer le contrôle à plusieurs
niveaux dans les différents ports de la région étant donné que quelque soit l'espace maritime
emprunté, la taxe est imposée.
- Pour ce qui est des possibilités de financement étranger, deux différentes pistes pourraient
être envisagées: une aide financière de l'Union européenne et une seconde de la part de
l'Organisation maritime internationale (l'OMI) dans le cadre de son programme de
coopération technique.
1037 Ph. VALLOUIS: « Les transports maritimes de marchandises en méditerranée: perspectives 2050 », Les
cahiers du Plan bleu 7, mai 2010, p 9. L'auteur avance les chiffres suivants: Les capacités de transport maritime
en circulation en Méditerranée ont augmenté de 50% entre 1997 et 2006. La croissance annuelle du transport de
pétrole s'élève à 6%, celle du transport de gaz naturel liquéfié à 8% et celle du transport des conteneurs à 10%.
1038 Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté
européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, JOCE C 306 du 17 décembre 2007, p 1 et suivantes.
1039 Article 10.A. 2 (a) du traité de Lisbonne, op. cit.
1040 Article 10. A. 2 (f) du traité de Lisbonne, op. cit.
1041 Article 10. A. 2 (g) du traité de Lisbonne, op. cit.
221
trouveront un écho dans la rive sud de la Méditerranée qui n'est autre que la rive sud de l'UE,
d'un point de vue géographique.
Plus encore, et à long terme, une sécurité effective au niveau méditerranéen, similaire à celle
appliquée en Europe pourrait tracer la voie vers une sécurité maritime internationale; le
législateur international ne disposant pas des moyens juridiques de contrainte dont disposerait
le législateur régional. L'efficacité de la politique de sécurité maritime européenne, même si
elle assure une protection des intérêts au niveau régional, ne règle pas le problème
international d'insécurité en mer. Elle risque même d'augmenter le taux d'insécurité dans
d'autres régions du monde où se concentreraient les navires sous normes qui éviteraient les
eaux européennes sous peines de sanctions. A supposer que la région de la Méditerranée
rejoigne l'Europe dans sa politique sécuritaire et qu'elle soit suivie par d'autres régions, les
espaces maritimes ouverts aux armateurs peu scrupuleux se restreindraient progressivement.
L'éventuelle contribution financière de l'UE à ce projet est, par conséquent, d'une importance
certaine tout comme le serait une éventuelle contribution de l'OMI.
222
programme. Les aides financières mais aussi l'expertise du personnel de l'OMI pourraient
fournir un appui considérable à la création et à la promotion d'une telle institution.
223
224
Conclusion de la première partie :
Une application lacunaire de la loi et un manque d'intégration du rôle du facteur humain dans
la survenance des accidents maritimes, caractérisent le monde maritime en Tunisie. Même s'il
faut être conscient que le risque zéro n'existe pas1047, plusieurs solutions contribueraient à
diminuer le risque des accidents. On rejoint la doctrine sur le fait que le sérieux des armateurs
dans le choix de l'équipement et de l'équipage de son navire peut suffire à réduire d'une
manière réelle les sinistres maritimes1048. Le pallier à franchir consiste non seulement en une
meilleure application des règles de sécurité et de sûreté maritimes mais également en un
meilleur contrôle de celles-ci1049. La coopération entre les différents acteurs du système de
sécurité maritime, responsables publics et opérateurs privés, est nécessaire à l'amélioration de
la prévention des accidents. Il faudrait allier le savoir faire des sociétés de classification avec
l'autorité de coercition des États et les pressions économiques des assureurs et affréteurs dans
un meilleur respect des règles en vigueur. La création d'un organisme supranational pourrait
sensiblement contribuer à ce processus.
Mais dans l'état actuel des choses quelle est l'attitude de l'administration maritime tunisienne
en cas de défaillance du facteur humain ayant causé un événement de mer? La gestion de la
défaillance du facteur humain est le sujet de la seconde partie de ce travail.
1047 E. BERLET: « Sécurité maritime: mieux appliquer et contrôler les règles existantes », Transports n° 403,
numéro spécial « La sécurité du transport maritime », septembre-octobre 2000, p 371.
1048 Voir: P. DECAVELE: « Soyons responsables », in Transports n° 403, op cit, p 367 et suivantes.
1049 E. BERLET: « Sécurité maritime: mieux appliquer et contrôler les règles existantes », op. cit, p 372.
225
226
Partie 2 : La gestion de la défaillance du facteur humain en droit
tunisien: État des lieux et perspectives :
227
228
Titre 1 : La gestion matérielle et juridique :
229
230
Chapitre 1 : La gestion opérationnelle des risques de mer :
La gestion préventive ( Section 1) et réparatrice (Section 2) des risques de mer est une action
conjointe qui incombe au facteur humain et à l'État. Si l'intervention du facteur humain est
dictée par son devoir professionnel, celle de l'État relève de son action en mer au titre de la
défense des droits souverains, au maintien de l'ordre public, à la sauvegarde des personnes et
des biens, à la protection de l'environnement et à la coordination et la lutte contre les trafics
illicites.
231
Section 1 : Le facteur humain assisté par l'État dans la prévention des
accidents:
En tant qu'incarnation de l'intérêt général, l'État, à travers les pouvoirs publics, est tenu de se
doter d'une infrastructure permettant à l'expédition maritime de se dérouler dans les meilleures
conditions. Différentes actions sont menées dans ce cadre ( Paragraphe 1). En outre, la
surveillance de l'état du trafic et de la conduite des personnes en mer permet à l'État d'assurer
la sauvegarde des personnes et des biens ainsi que la protection de l'environnement
( Paragraphe 2).
A) La coopération matérielle:
Les conventions internationales et les lois nationales imposent à chaque État maritime de se
doter d'équipements spécifiques à la signalisation maritime destinés à organiser la circulation
maritime en vue d'éviter les accidents (a). Des compétences humaines engagées par l'État
soutiennent les capitaines dans leur obligation de bonne conduite des navires (b).
a) La signalisation maritime:
Elle désigne l'ensemble des aides à la navigation constituées notamment par des dispositifs
visuels ou sonores destinés à guider le navire vers la route la plus sûre. Il s'agit concrètement
des feux, marques et signaux sonores. L'installation de signalisation maritime est une
obligation juridique imposée à l'État côtier par plusieurs textes de droit international (1). Sa
mise en oeuvre nécessite un investissement matériel (2).
1050 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 401.
1051 Voir supra: Partie 1, Titre 1,Chapitre 1.
232
1) La signalisation maritime, une obligation juridique:
D'origine jurisprudentielle (1.1), l'obligation de la signalisation maritime est aujourd'hui
admise par les conventions internationales les plus importantes en matières de sécurité
maritime (1.2).
1.1) Dans son arrêt rendu dans l'affaire du « Détroit de Corfou » en 1949, la Cour
internationale de Justice a déclaré que dans l'intérêt de la navigation en général, il appartenait
à l'Albanie de signaler l'existence d'un champs de mines dans ses eaux et d'en avertir les
navires de guerre britanniques1052. Dans les faits, deux contre-torpilleurs britanniques ayant
heurté des mines dans les eaux albanaises étaient avariés par les explosions qui s'étaient
produites. Parmi les sujets sur lesquels la cour a été invitée à se prononcer il était question de
savoir si l'État albanais était responsable des explosions puisqu'il lui appartenait de prévenir la
navigation et avertir les navires du danger existant. La réponse de la Cour était sans appel:
L'Albanie aurait dû faire connaître l'existence d'un champ de mines dans le Détroit de Corfou
et « avertir les navires de guerre britanniques, au moment où ils s'approchaient, du danger
imminent auquel les exposait ce champ de mines »1053. La Cour a proclamé que les Etats
pouvaient être tenus à certaines obligations non seulement en vertu des textes conventionnels,
mais du fait de l'existence de « certains principes généraux et bien reconnus tels que des
considérations élémentaires d'humanité, plus absolue encore en temps de paix qu'en temps de
guerre »1054.
1052 Arrêt de la Cour internationale de justice du 9 avril 1949, Détroit de Corfou, recueil 1949, p 4 et suivantes.
A propos de cette affaire, voir par exemple: N. DJAFFAR « Étude de quelques problèmes juridiques relatifs à
l'affaire du Détroit de Corfou », Thèse, Paris, 1950.
1053 Arrêt Détroit de Corfou, recueil 1949, p 21.
1054 Op. cit.
1055 Chapitre V, règle 14 de la convention SOLAS.
1056 Op. cit.
233
exclusive doivent être convenablement notifiés par des moyens de signalisation régulièrement
entretenus1057. Les mêmes dispositions sont indiquées pour la signalisation des détroits1058.
La convention COLREG1059, plus spécifique au domaine de la circulation maritime, contient
trois parties entièrement consacrées à l'éclairage et à la signalisation maritime ainsi que quatre
annexes consacrées aux règles techniques de mise en oeuvre de l'obligation de signalisation
auxquels tout État membre devrait se conformer. Ayant ratifié l'ensemble de ces conventions,
il s'agit de voir le degré de conformité de la signalisation maritime de l'État tunisien à la
législation internationale (2).
234
signalisation en Tunisie1064. Les lois de finances accordant des budgets annuels assez
importants1065 au Ministère de la défense sont dépourvues de détails pouvant éclairer le sujet.
Il est, néanmoins, admis que l'installation et l'entretien du matériel de signalisation maritime
sont des opérations assez coûteuses incombant à l'État côtier1066.
A côté de la signalisation maritime, d'autres matériels et dispositifs sont mis par l'État au
service de la sécurité et de la sûreté de la navigation (b).
1064 Les données relatives aux services sous tutelle du Ministère de la défense ne sont pas rendues publiques.
1065 Voir par exemple loi n° 2008-77 du 22 décembre 2008 portant loi de finances pour l'année 2009, JORT du
26 décembre 2008, p 4274 et suivantes.
1066 Entretien avec K. MANSOUR, directeur de la flotte et de la navigation maritime au sein de l'OMMP, Tunis
le 17 octobre 2007, réactualisé.
1067 En application du chapitre IV de la convention SOLAS, op. cit.
1068 Chapitre V, règle 14, convention SOLAS, op. cit.
1069 Voir à ce titre: Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 408.
1070 La résolution A.666 (16) de 1989.
235
l'OMI était dans l'incapacité de financer un système de cette ampleur1071.
1071 Pour plus de détails, voir « Reflets de l'OMI », janvier 1998, p 25 et suivantes.
1072 Chapitre V, règle 4, convention SOLAS, op. cit.
1073 Créé par l'article 67 de la loi n° 74-101 du 25 décembre 1974 portant loi de finance pour la gestion 1975,
JORT du 31 décembre 1974, p 2913 et suivantes.
1074 Ajoute l'article 1-1 du décret n° 75-334 du 28 mai 1975 relatif à l'organisation de l'Institut national de
météorologie, JORT du 30 mai 1975, p 1171 et suivantes.
1075 Ajoute l'article 2 du décret n° 2006-1471 du 30 mai 2006 fixant les missions et les attributions de l'Institut
national de météorologie ainsi que son organisation administrative et financière et les modalités de son
fonctionnement, JORT du 6 juin 2006, p 1491 et suivantes.
1076 Résolution A.528 du 17 novembre 1983 intitulée « Recommandation sur le routage météorologique ».
1077 Adoptée le 29 avril 1958 et entrée en vigueur le 10 septembre 1964.
236
danger pour la navigation dans sa mer territoriale dont il a connaissance ».
Les aides hydrographiques consistent notamment en des cartes marines (3.1), des ouvrages
nautiques (3.2) et des avertissements de navigation (3.3).
3.1) Tous les navires doivent être pourvus de cartes marines « appropriées et tenues à
jour »1078. Ce sont des documents permettant de se situer en mer, d'éviter les zones à risque et
de déterminer la route de la traversée.
A côté des cartes ordinaires en papier existent les cartes électroniques qui consistent en une
« base de données normalisée quant au contenu, à la structure... diffusée avec l'approbation
des services hydrologiques »1079. Présentant les mêmes fonctions que les cartes en papier, les
cartes électroniques ont néanmoins l'avantage d'afficher automatiquement les données
cartographiques par rapport à la position du navire. Par ailleurs, reliées à un réseau
international1080, elles sont automatiquement mises à jour. L'exactitude des données fournies
par la carte est de ce fait indéniable. Deux résolutions de l'OMI insistent sur l'importance des
informations contenues dans les cartes pour la sécurité des personnes et des biens et prient les
gouvernements contractants à coopérer dans un cadre régional pour la production de ces
instruments1081. Pour autant, la responsabilité de l'autorité maritime ne pouvait être engagée à
la suite d'un accident en mer causé par des lacunes de la carte marine étant donné que la
convention SOLAS ne contenait pas, jusqu'à peu, de règle dans ce sens. Plusieurs États
membres de l'OMI, ont fait savoir à l'organisation qu'ils souhaitaient voir un amendement
dans ce sens apporté au chapitre V de la convention SOLAS1082, chose faite à l'occasion de
l'amendement de la convention en juillet 2002. La responsabilité de l'administration
tunisienne pour les informations portées sur les cartes n'a encore jamais été mise en cause.
3.2) Parmi les ouvrages nautiques, on trouve les « livres de feux » qui contiennent
toutes les indications sur l'éclairage et les signaux de brume. Existe également, les
« instructions nautiques », document regroupant les renseignements qui ne peuvent pas figurer
237
en détails sur les cartes nautiques tels que la description précise des côtes, des amers et des
balisages1083. On peut également citer le « livre des marées », document décrivant les cycles
des marées dans une zone donnée1084.
3.3) Les avertissements de navigation sont fournis aux navires par le Service mondial
d'avertissements de navigation, NAVAREA. Établie en 1977 en collaboration entre l'OMI et
l'organisation hydrographique internationale1085, cette instance divise les océans de la planète
en seize zones appelées « zones NAVAREA ». Chaque zone NAVAREA est divisée en régions
mises sous la responsabilité d'un coordinateur national pour chaque pays chargé de recueillir
et d'émettre des avertissements côtiers et d'envoyer les renseignements appropriés au
coordinateur de la zone régionale. Pour la Tunisie, le rôle du coordinateur national est tenu par
le « Centre d'hydrographie et d'océanographie de la Marine nationale »1086.
Le Service mondial d'avertissements de navigation comprend un service automatisé de
diffusion d'informations qui permet aux navires équipés d'un récepteur adapté, le système
NAVTEX, de recevoir des informations, des avertissements et des alertes concernant la
navigation sous forme imprimée. Le système est le moyen principal de diffusion à courte
distance de renseignements sur la sécurité maritime et constitue une nette amélioration par
rapport à la diffusion des renseignements sous forme imprimée qui peut prendre du retard1087.
Depuis le 1er août 1993, tous les navires de charge d'une jauge brute supérieure ou égale à
300 tonneaux doivent s'équiper d'un récepteur NAVTEX. Une station NAVTEX est installée à
Kélibia en Tunisie.
Le soutien de l'État au bon déroulement de la navigation consiste également à mettre au
service de la sécurité et de la sûreté maritimes des compétences humaines (B).
1083 Pour plus d'informations, voir Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 416.
1084 Le livre des marées est mis à jour chaque année.
1085 En application de la résolution A. 419 (XI) de l'OMI adoptée le 15 novembre 1979.
1086 Anciennement « Service hydrographique et océanographique », le centre est crée en application du décret
n° 2006-1902 du 10 juillet 2006 portant création du Centre d'hydrographie et d'océanographie de la marine
nationale, JORT du 18 juillet 2006, p 1875.
1087 Reflets de l'OMI: « Les situations critiques de la navigation maritime- La recherche et le sauvetage et le
SMDSM », mars 1999, p 28.
238
B) Les moyens humains:
Le pilotage (a) et le remorquage (b) des navires sont des missions mises en oeuvre par l'État,
nécessitant l'intervention de compétences humaines et poursuivant la même finalité que les
aides matérielles à la navigation: assister les capitaines dans leur travail afin d'éviter les
accidents.
a) Le pilotage portuaire:
Le pilotage portuaire des navires ou l'assistance du navire au port (1) est un contrat qui établit
des responsabilités à chacune de ses parties (2).
239
locale des ports. Il est par ailleurs, informé de tous les mouvements des engins maritimes dans
une zone donnée ainsi que des caractéristiques géographiques de cette même zone. Toutes ses
connaissances sont mises au service de la sécurité maritime et de la protection de
l'environnement. Concrètement, le pilote monte à bord du navire et prend en charge la
conduite technique sous le commandement, l'autorité et la responsabilité du capitaine1095. Une
fois embarqué, le pilote fait partie de la société à bord et est, de ce fait, soumis au même
régime disciplinaire que le reste de l'équipage.
L'action du pilote peut occasionner des dommages. Se pose dès lors la question de la
responsabilité des différents intervenants de l'action du pilotage (2).
240
lourde du pilote qui pourrait, en principe, exonérer le capitaine de sa responsabilité envers la
partie lésée. La seule obligation légale pesant sur le pilote intervient dans le cas où les
dommages affectent des biens ou des personnes relevant du port 1100. Dans ce cas, le pilote est
tenu d'informer rapidement l'autorité portuaire du sinistre, une obligation qui incombe
également au capitaine du navire concerné1101.
Nous estimons, comme le fait la doctrine1102, que l'impossibilité de recours contre le pilote est
une règle judicieuse. Au regard de l'importance potentielle des enjeux financiers mis en jeu, la
victime risquerait de se voir opposer l'insolvabilité du pilote portuaire.
Au même titre que le pilotage, le remorquage est un service rendu aux navires, organisé par
l'État et reposant sur des compétences humaines (b).
b) Le remorquage:
Le navire nécessite en fonction de sa position en mer une assistance opérée par un engin de
remorquage (1). Un contrat est né à l'occasion de cette action. Il s'agira d'en découvrir les
clauses (2).
1) La notion de remorquage:
Le remorqueur est l'un des auxiliaires techniques de l'armateur. Sa mission est d'assister un
navire lors d'une manoeuvre par prise de remorque ce qui apporte une force motrice au navire
remorqué. Il existe deux types de remorquage. Le type le plus fréquent est le remorquage
portuaire qui consiste à tracter un navire à l'entrée et à la sortie des ports. Existe par ailleurs,
le remorquage hauturier opéré en haute mer. Le droit tunisien n'opère pas de distinction entre
les deux types d'opérations1103 et préfère adopter une conception unitaire et par conséquent un
régime juridique unique. Contrairement au pilotage, le remorquage est généralement
facultatif, exception faite des navires de grandes tailles ou des navires transportant des
marchandises dangereuses ou encore lorsque les manoeuvres sont rendues difficiles pour une
raison interne ou extérieure au navire1104. En dehors de ces situations, la loi réserve à l'autorité
portuaire de décider de l'obligation de l'assistance des remorqueurs si elle le juge utile1105. La
241
décision de l'autorité portuaire dans ce sens est, sans doute, motivée par des préoccupations
environnementales et de sécurité maritime. Ceci intervient généralement lorsque l'architecture
du port est particulière et nécessite l'intervention d'un connaisseur des lieux.
Le remorquage est généralement opéré par des entreprises privées spécialisées considérées
comme des auxiliaires techniques de l'armateur. Ce n'est pas le cas en Tunisie où le monopole
est détenu par l'OMMP exception faite du port pétrolier d'Esskhira où opèrent des entreprises
de remorquage spécialisées1106. La situation évoluera dans le futur puisqu'un projet de contrat
de concession à des entreprises privées est en cours de création par les services de
l'OMMP1107.
2) Le contrat de remorquage:
L'action d'assistance au navire par remorquage donne naissance à une convention de
remorquage. Il s'agit d'un accord commercial aboutissant à un paiement de prix1108 dont l'objet
est de fournir à un navire, sous la direction de son capitaine, la force qui lui fait totalement ou
partiellement défaut pour accomplir ses manoeuvres. La convention de remorquage peut se
créer et être prouvée par la simple acceptation verbale formulée par le capitaine du navire
remorqué1109. On admettra ici que compte tenu de la rapidité des opérations, il n'est pas aisé de
rédiger un contrat écrit.
Si elles sont mal maîtrisées, les opérations du remorquage portuaire peuvent constituer un
risque pour la navigation et l'environnement. L'abordage d'un autre navire ou
l'endommagement des installations portuaire ne sont jamais exclus. Se pose alors la question
de savoir qui des parties au contrat de remorquage en assume la responsabilité. A ce propos,
les dispositions du droit national affirment que la responsabilité de tout dommage survenant
au cours des opérations de remorquages incombe à la partie au contrat ayant commis la
faute1110. Le régime juridique de la responsabilité en la matière est donc celui de la
responsabilité pour faute. Contrairement au pilote, le remorqueur est responsable de ses actes.
Ceci est certainement dû au fait qu'il n'agit pas, dans le cadre de sa mission, sous le
commandement du capitaine du navire. Les actions nées à l'occasion de l'opération du
remorquage sont soumises à la prescription de deux ans à compter de la date de l'achèvement
1106 Il s'agit des entreprises: SAROST et SMIP.
1107 Entretien avec N. BELMAHRESSIA, Tunis, le 12 octobre 2009, réactualisé.
1108 En application du cinquième alinéa de l'article 226 du CCM, op. cit. Le prix du remorquage est fixé par la
convention des parties, ou à défaut, par les usages du port du navire remorqueur.
1109 Article 226, al 4 du CCM, op. cit.
1110 Article 226, al 3 du CCM, op. cit.
242
des opérations1111. Étant responsable du remorquage dans les ports tunisiens, l'OMMP prend
en charge la restauration des bâtiments et la réparation du matériel endommagé sans que
l'affaire passe devant le juge1112.
Afin de minimiser les risques pour la sécurité des biens, des personnes et pour
l'environnement, la législation tunisienne impose des règles minimales à observer par les
entreprises de remorquage portuaire lesquelles sont contenues dans un arrêté ministériel 1113.
On retiendra notamment que l'engin remorqueur doit être en bon état de navigabilité et doit
répondre aux normes nationales et internationales de sécurité. Il s'agit là d'une obligation
majeure à laquelle on ne pourrait pas déroger. Le propriétaire du remorqueur doit prouver
l'existence de ces conditions par le biais de certificats en cours de validité1114. Par ailleurs, les
engins remorqueurs doivent « avoir la première côte et le symbole d'armement le plus élevé
d'une entreprise de classification » agréée1115.
En dehors des aides à la navigation, l'État côtier assure une mission de surveillance des
territoires maritimes soumis à sa souveraineté qui poursuit les mêmes buts que les aides à la
navigation: prévenir les risques d'accidents affectant les personnes, les biens ou
l'environnement ( Paragraphe 2).
A) La surveillance de la navigation:
Une veille littorale permanente est assurée par les services de l'État en vue de prévenir et
combattre les risques liés aux activités conduites en mer ou à partir de la mer. Outre les
missions de prévention des accidents par la surveillance du respect des règles de navigation
243
maritime (a), la surveillance de navigation inclut la lutte contre les trafics illicites (b).
1) Le STM:
Mis en place par les autorités maritimes depuis une soixantaine d'années, les STM ou services
de trafic maritimes contribuent à assurer la sécurité de la circulation maritime, à améliorer
l'efficacité du trafic et à réduire le risque des pollutions1118. Il s'agit concrètement de « tout
service mis en place par une autorité compétente dans le but d'améliorer la sécurité et
l'efficacité du trafic et de protéger l'environnement. Il peut aller de l'émission de simples
messages d'information à une organisation poussée du trafic à l'intérieur d'un port ou d'une
voie de navigation »1119. Un STM se compose de trois éléments: un centre de contrôle terrestre
dirigé par l'autorité maritime, des navires et un système de communication reliant les deux
parties1120.
- Le centre du contrôle terrestre doit être équipé de moyens de communication performants
ainsi que d'un radar permettant de suivre le trafic maritime avec précision1121. Il s'agit du
service national de surveillance côtière.
1116 Les règles de circulation sont contenues dans la convention sur le règlement international de 1972 pour
prévenir les abordages en mer plus connue sous l'appellation COLREG. Entrée en vigueur le 15 juillet 1977, la
Tunisie y a adhéré en application de la loi 77-70 du 7 décembre 1977, autorisant l'adhésion de la Tunisie à la
Convention sur le règlement international de 1972 pour prévenir les abordages en mer, JORT du 9 au 13
décembre 1977, p 3371.
1117 Plus connus sous l'appellation anglaise vessel trafic system (VTS).
1118 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 575.
1119 Voir résolution A. 578 (14) de l'OMI intitulée « Directives sur les services de trafic maritime » adoptée le
20 novembre 1985.
1120 Op. cit.
1121 Le monde maritime reconnût l'importance des radars depuis la seconde guerre mondiale. Le premier radar
de surveillance fut inauguré en Angleterre en 1948. Voir, Reflets de l'OMI, janvier 1998, op. cit, p 14.
244
- Les navires entrant dans un zone desservie par un STM se mettent en relation avec l'autorité
maritime de la zone par le biais d'une liaison-radio programmée sur une fréquence
particulière. Ils peuvent, dès lors être suivis par le centre du contrôle terrestre, recevoir les
avertissements de navigation et être avertis de tout risque de mer.
- Des moyens de communication adaptés doivent, par conséquent, être présents à bord en
application de la partie A du chapitre IV de la convention SOLAS qui précise que les
différents types d'installations radioélectriques obligatoires et les prescriptions opérationnelles
relatives à leur fonctionnement varient selon le type et la taille du navire.
L'autorité souhaitant mettre en oeuvre un STM doit définir une zone géographique de
couverture du service et s'assurer que les opérateurs, personnel du STM, ont reçu les
formations leur permettant de mener à bien leur tâche1122. Les STM couvrent principalement
les zones de trafic intense où ont été institués des dispositifs de séparation de trafic. Introduits
par la règle 10 de la convention COLREG, le dispositif de séparation de trafic consiste, en
quelque sorte, en un code de route maritime appliquée dans les zones les plus fréquentées 1123.
Il s'agit en Tunisie des deux ports de commerce de Radès et de la Goulette. L'installation du
service STM dans trois autres ports (Bizerte, Sfax et Gabès) est en projet1124.
Des progrès techniques ont permis de développer un nouveau système de surveillance
maritime jugé plus performant, le système mondial de détresse et de sécurité en mer, le
(SMDSM) (2).
2) Le SMDSM:
Issu de l'amendement du chapitre IV la convention SOLAS et entré en vigueur le 1er février
1992, le SMDSM est un système de radiocommunications maritimes définissant les moyens
de communication et de repérage exigibles sur les navires pour assurer la sécurité de la vie
humaine en mer quelque soit la zone de navigation1125. Le système s'appuie principalement sur
les radiocommunications spatiales offrant une couverture fiable et quasi totale des océans
mais a également recours aux radiocommunications terrestres.
1122 Voir la résolution de l'OMI A.857 adoptée en novembre 1997 sur « les directives applicables aux services
de trafic maritime ».
1123 Pour plus de détails voir: Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 438.
1124 Entretien avec N.BELMAHRESSIA, directeur à l'OMMP, Tunis, le 25 août 2009, réactualisé.
1125 Pour les caractéristiques techniques du SMDSM ainsi que pour l'historique de sa création, voir: J-L
GUIBERT: « Le SMDSM, cet inconnu? », in revue maritime n° 460, octobre 2001, p 23 et suivantes. Voir
également: Reflets de l'OMI, mars 1999, op. cit, p 9 et suivantes.
245
- Les radiocommunications terrestres comportent la radiotéléphonie et le télex utilisés avant
l'apparition du SMDSM. La nouveauté réside dans l'appel sélectif numérique connu dans le
monde des praticiens sous l'appellation ASN. Il s'agit d'une communication très brève codée
sous une forme numérique qui ne peut être diffusée que sur des fréquences réservées à son
usage. Elle contient l'identité du destinataire, celle de l'appelant et le type de la demande. En
cas de détresse, elle peut également inclure la position du navire et le type de problème.
- La radiocommunication spatiale, quant à elle, repose sur deux systèmes: l'INMARSAT et le
COSPAS SARSAT.
- Le système INMARSAT se compose de stations terriennes de navires constituées par les
équipements à bord des navires offrant la possibilité de transmission dans différents
modes (vocal, fax, courriel...), de quatre satellites géostationnaires couvrant les océans
atlantique, indien et pacifique et d'un réseau de stations terriennes côtières qui acheminent
les communications vers leurs destinataires. La gestion spatiale du système est assurée par
l'Organisation INMARSAT ou l'organisation internationale des télécommunications par
satellites créée en 1976 et sise à Londres. Le but de l'organisation est « d'améliorer les
communications maritimes de détresse pour la sauvegarde de la vie humaine en mer »1126.
- Le système COSPAS SARSAT est une constellation de satellites née d'un accord
intergouvernemental1127. Le système permet de positionner les navires porteurs de balises
de détresse fonctionnant sur une fréquence particulière. Le signal de détresse est
réceptionné et traité par une station terrienne conçue à cet effet, puis validé par un centre
de contrôle de mission également conçu à cet effet pour être en final transmis à l'autorité
compétente de sauvetage la plus proche de la position du navire1128.
La mise en oeuvre du SMDSM nécessite que les États membres de l'OMI assurent, chacun sur
son territoire, l'installation et l'exploitation des structures techniques indispensables au
fonctionnement du système1129. De leur côté, les armateurs doivent équiper leurs navires du
matériel de communication nécessaire et embarquer des marins ayant eu des formations
246
adéquates pour l'utilisation de ce matériel1130. Le système SMDSM a prouvé son efficacité:
une nette amélioration des communications et une plus grande efficacité des opérations de
sauvetage due à la rapidité de l'alerte et à la précision de la position du navire en danger 1131.
Pour autant, les exigences matérielles et humaines peuvent constituer un frein à la mise en
place du système notamment au vu des moyens financiers importants que sa mise en oeuvre
nécessite1132. C'est peut être pour cette raison que la Tunisie n'a pas encore acquis de système
SMDSM . L'administration maritime affirme que les STM implantés dans les zones maritimes
les plus fréquentées suffisent à prévenir les accidents en mer d'autant plus que la météo
tunisienne est très souvent favorable à une navigation en sécurité et que la majorité des
compagnies de transport sont dotées de systèmes de géolocalisation par satellite1133. Mais dans
une perspective d'amélioration continue de la qualité des services de l'autorité maritime, celle-
ci met dans ses objectifs les plus proches l'acquisition du matériel nécessaire à la mise en
oeuvre du système1134.
Au même titre que la veille sur la sécurité des personnes, des biens et de l'environnement,
l'État côtier veille au maintien de la sûreté en mer par la lutte organisée contre tout type de
trafic illicite (b).
1130 En application de la résolution A.703(17) de l'OMI du 6 novembre 1991 sur la « formation du personnel de
radio au SMDSM ».
1131 J-L GUILBERT: « Le SMDSM, cet inconnu? », op. cit, p 27.
1132 Voir Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 454.
1133 D'après les propos de M. Abderrahim ZOUARI, Ministre tunisien du transport lors de l'audition des
Ministres à la Chambre des députés, Tunis, le 24 novembre 2009.
1134 C'est ce qu'a affirmé M. Mokhtar RACHDI, directeur général de la Marine marchande au Ministère du
Transport tunisien lors de la réunion annuelle du programme SAFEMED qui s'est tenue à Bruxelles le 23 juin
2009.
1135 Voir J-F. DAGUZAN: « Nouvelles menaces, nouveaux enjeux », in Bulletin d'études de la marine n° 28,
mars 2004 sous le thème « La sauvegarde maritime », p 13 et suivantes.
1136 Notion non définie d'une manière uniforme, répandue dans le monde notamment après les attentats du 11
septembre aux États-Unis et applicable à différents événements touchant la sécurité ou la sûreté de l'État ou des
individus. Sur l'évolution de la notion du terrorisme, voir par exemple: Matthew CATT: « La mécanique
infernale: l'histoire du XXème siècle à travers le terrorisme: des nihilistes russes à Al-Qaida », éditions H.
d'Ormesson, Paris, 2008, p 301 et suivantes.
247
1) La lutte contre les trafics illicites:
L'espace de liberté que constitue la mer a toujours été un lieu privilégié de développement de
trafics illicites clandestins très divers1137. Si la prévention en matière de trafic illicite de tout
type revient à l'État du pavillon1138, la lutte est du ressort de l'État côtier. Ceci constitue une
exception à la loi du pavillon qui veut que tout délit commis à bord relève de la loi du
pavillon, exception avancée par l'article 27§1 de la CMB. On s'intéressera au trafic des
stupéfiants ou des armes à feu (1.1). L'autorité maritime tunisienne organise un dispositif de
lutte sur le terrain contre ce type de commerce illégal (1.2).
1137 X. ROLIN: « La sauvegarde maritime », in Bulletin d'études de la marine n° 28 de mars 2004 sous le thème
« La sauvegarde maritime », p 23 et suivantes.
1138 Voir supra: Partie 1, Titre 2, Chapitre 1.
1139 Op. cit.
1140 Article 17-7 de la convention.
1141 Article 17-9 de la convention de Vienne sur le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes, op.
cit.
1142 Adoptée par le Conseil des Ministres arabes de l'intérieur lors de sa 11ème session tenue à Tunis le 5
janvier 1994 et ratifiée par la Tunisie en vertu de la loi n°97-5 du 3 février 1997 portant ratification de la
convention arabe contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes, JORT du 7 février 1997,
p 172.
248
leurs moyens matériels et humains lors de l'intervention sur tout navire portant pavillon de
l'un des États parties à la convention et soupçonné de pratiquer un trafic illicite. De son côté,
le protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions1143 invite les États à coopérer pour la prévention de la fabrication et du transport des
armes à feu1144 de nature transnationale impliquant un groupe criminel organisé1145. A ce titre,
les parties au protocole sont appelées à adopter sur le plan national les mesures nécessaires à
la confiscation des armes et de leurs pièces1146, d'en assurer la conservation1147 et de coopérer
en matière d'informations contre les groupes criminels impliqués dans ce type de trafic,
notamment les fabricants, les négociants et les importateurs1148.
1.2) La lutte contre ces trafics revient à l'administration de la douane ainsi qu'aux
agents ayant la qualité d'officiers de police judiciaire en vertu de l'article 10 du code de
procédure pénale1149. Il s'agit des procureurs de la république et leurs substituts, des juges
cantonaux, des commissaires, officiers et chefs de poste de police et enfin des officiers, sous-
officiers et chefs de poste de la garde nationale1150. En pratique, la lutte est généralement
opérée par les équipages de la douane et les forces de la marine nationale. L'ensemble de ce
personnel est formé aux méthode de recherche et de surveillance maritime dispensées à
l'École navale de Menzel Bourguiba.
La douane dispose d'un service garde-côtes avec un maillage qui s'étend sur tout le littoral
couvrant les sept directions régionales correspondant aux sept régions maritimes. Les moyens
1143 Additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le protocole
est adopté lors de l'assemblée générale des Nations Unies du 31 mai 2001. Il a été approuvé en Tunisie par la loi
n° 2008-6 du 11 février 2008 portant approbation du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à
feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée, JORT du 15 février 2008, p 676 et ratifié par le décret n° 2008-569 du 4 mars 2008,
portant ratification du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments
et munitions, additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, JORT
du 7 mars 2008, pp 872-873.
1144 Article 2 du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, op. cit.
1145 Article 4-1 du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, op. cit.
1146 Article 6-1 du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, op. cit.
1147 Article 7 du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, op. cit.
1148 Article 12.1 du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et
munitions, op. cit.
1149 Article 301, code des douanes, éditions de l'Imprimerie officielle de la république tunisienne, 2009.
1150 Voir article 10 du Code des procédures pénales, éditions de l'Imprimerie officielle de la République
tunisienne, Tunis, 2009.
249
navals mis à sa disposition et composés de sept vedettes de surveillance et d'intervention1151
permettent le démantèlement de réseaux de trafiquants de tout genre. La marine nationale
dispose, quant à elle, de moyens matériels plus importants en terme de nombre et de
performance technique1152.
Les éléments permettant de fonder la suspicion autour d'un navire donné peuvent être les
observations visuelles ou le refus d'obtempérer. Le personnel compétent utilise également des
techniques spéciales telles que le ciblage du navire à visiter ainsi que l'échange d'informations
avec les services de douanes étrangers, notamment français et italiens1153. La procédure de
poursuite comprend dès lors une phase d'approche qui favorise la prise de contact visuelle,
une phase d'intervention à bord du navire soupçonné, une phase de contrôle de l'équipage, de
la machine et le cas échéant des perquisitions et des saisies des marchandises illégales1154.
Nous regrettons ne pas avoir de statistiques traduisant l'étendue de l'action des instances
compétentes dans la lutte contre ce type de trafic 1155, habilitées également à la défense du
territoire national contre d'autres types de menaces (2).
1151 L'administration maritime estime que ce nombre de vedettes est largement suffisant eu égard à la petite
étendue maritime dont dispose la Tunisie. En juin 2009, un appel d'offre a été lancé par l'OMMP pour renouveler
la flotte: Entretien avec M. BELMAHRESSIA, op. cit.
1152 Une quarantaine de navires patrouilleurs, quatre frégates et six dragueurs.
1153 Données disponibles sur le site de la douane tunisienne: http://www.douane.gov.tn/index.php?id=17
1154 L'article 56 du code des douanes autorise le personnel de la douane au contrôle des marchandises, des
moyens de transports et des personnes soupçonnées.
1155 Les statistiques de saisies de marchandises illégales ne sont pas rendues publiques.
1156 Entrée en vigueur le 1er mars 1992 et appliquée en Tunisie en vertu de la loi n° 97-81, autorisant l'adhésion
de la République tunisienne à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation
maritime, JORT du 19 décembre 1997, p 2370.
250
illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental 1157. L'objet
principal de la convention est de fonder la compétence pénale des États parties habilités à
réprimer les infractions pénales définies à l'article 3 de la convention telles que les
détournements de navires par violence, les actes de violence à l'égard d'une personne se
trouvant à bord d'un navire, la destruction ou les dommages à un navire et la destruction ou
les dommages aux installations du navire.
L'État membre à la convention peut établir sa compétence pénale dès que l'une de ces
infractions a été commise à l'encontre d'un navire portant son pavillon ou d'un de ses
ressortissants ou par lui ou enfin si l'infraction a été commise sur son territoire1158. La
convention n'organise pas les suites judiciaires des infractions qu'elle énumère. Ceci reste une
compétence nationale conférée à chaque État partie1159. A ce titre, le droit tunisien dispose d'un
arsenal juridique riche. Le terrorisme, qui cherche encore une définition au plan international,
est défini par l'article 4 de la loi 2003-75 du 10 décembre 2003 relative au soutien des efforts
internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchissement d'argent1160
comme étant « toute infraction, quels qu'en soient les motifs, en relation avec une entreprise
individuelle ou collective, susceptible de terroriser une personne ou un groupe de personnes,
de semer la terreur parmi la population.... de troubler l'ordre public... de porter atteinte aux
personnes ou aux biens... de causer un préjudice grave à l'environnement... ». Cette loi,
adoptée en continuité avec la lutte internationale contre le terrorisme renforcée depuis les
événement du 11 septembre 20011161, prévoit d'importantes peines d'emprisonnement allant
jusqu'à l'emprisonnement à vie1162. Les infractions terroristes sont également punies d'une
amende égale à dix fois le montant de l'infraction initiale1163. En d'autres termes, si le juge
qualifie d'infractions terroristes les infractions commises à bord ou au moyen d'un navire se
trouvant dans les eaux sous juridiction tunisienne ou à bord ou au moyen d'un navire tunisien
où qu'il soit, les peines initialement prévues seront revues à la lumière de cette loi. Ainsi par
1157 Appliqué en Tunisie en vertu de la loi-97 82 du 15 décembre 1997, autorisant l'adhésion de la République
tunisienne au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixées situées sur le
plateau continental, JORT du 19 décembre 1997, p 2370.
1158 Article 6 de la convention de Rome relative à la répression des actes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime, op. cit.
1159 Article 5 de la convention de Rome relative à la répression des actes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime, op. cit.
1160 JORT du 12 décembre 2003, p 3592 et suivantes.
1161 Voir à titre d'exemple « Le droit international face au terrorisme: après le 11 septembre 2001 », actes du
colloque organisé par le CEDIN-Paris I en janvier 2002, Pedone, 2002.
1162 Voir article 30 de la loi du 10 décembre 2003, op. cit.
1163 Article 8 de la loi du 10 décembre 2003, op. cit.
251
exemple, s'il s'avère qu'une personne a pris indûment le commandement d'un navire pour des
buts terroristes, la peine requise ne sera plus d'un emprisonnement de six mois et d'une
amende de 200 DT comme le prescrit l'article 37 alinéa 2 du CDPM, elle s'aggravera
sensiblement en application de la loi mentionnée. « Le tribunal de première instance de Tunis
est seul compétent pour connaître des infractions terroristes »1164. Le juge tunisien a rarement
pu connaître de telles infractions et notamment en matière maritime à l'exception de l'affaire
du navire libérien « Tamdjo » à bord duquel un marin détenait des armes blanches. Dans sa
décision du 25 avril 2004, le juge de première instance du tribunal de Tunis a estimé que la
détention des armes l'était dans le but de menacer l'armateur du navire par la violence dirigée
vers d'autres membres de l'équipage voire vers le personnel du port. L'armateur avait
accumulé le retard pour le versement des salaires des marins. Les armes blanches ont été
découvertes par les inspecteurs tunisiens lors d'un contrôle par l'État du port1165.
Par ailleurs, et dans le but d'un meilleur déroulement de la poursuite des terroristes, les États
parties à la convention de Rome précitée doivent s'accorder sur l'entraide judiciaire dans toute
procédure pénale relative à l'infraction en question1166. C'est ainsi qu'a été adoptée, entre autres
accords, la convention arabe de lutte contre le terrorisme1167 qui organise la coopération en la
matière entre les États parties. Celle-ci passe par l'échange de renseignements, par les
investigations commune, par l'échange d'expérience et la mise en commun des moyens1168. En
outre, un projet tuniso-français prévoit la création d'un centre d'études stratégiques, dont le but
est de développer la culture de la défense commune en multipliant les échanges de
connaissances entre les marines des deux pays. Il devrait voir le jour prochainement1169.
Rappelons que le code ISPS qui oblige chaque navire à avoir un plan de sûreté et chaque port
à avoir un niveau de sûreté1170 représente également un moyen de protection de l'expédition
maritime contre de telles infractions1171.
1164 Article 43 de la loi du 10 décembre 2003, op. cit.
1165 Affaire « Tamedjo », n° 24682 du 25 avril 2004, Tribunal de première instance de Tunis.
1166 Article 12-1 de la convention de Rome relative à la répression des actes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime, op. cit.
1167 Conclue au Caire le 22 avril 1998, la convention est ratifiée par la Tunisie en vertu de la loi n° 99-10 du 15
février 1999 portant ratification de la convention arabe de lutte contre le terrorisme, JORT du 19 février 1999, p
283.
1168 Voir Titre II, Chapitre I, Section II de la convention arabe de lutte contre le terrorisme.
1169 Propos tenus par la Ministre de défense française Michelle ALIOT-MARIE lors d'une visite officielle en
Tunisie, le 2 juin 2006. Le projet n'a pas encore vu le jour. Pour plus d'informations sur le sujet, voir W.
CHEBBI: « La lutte contre le terrorisme et la régionalisation », mémoire de fin de stage d'avocat, 2007, Barreau
de Tunis (en arabe littéraire).
1170 Voir supra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 2.
1171 Pour plus d'informations, voir: N. RONZITTI: « Maritim terrorism and international law », collection
« International studies of terrorism », vol 6, éditions Martinus Nijhoff Publishers, Boston, USA, 1990. Voir
252
2.2) Le trafic des migrants en mer: Le protocole de Palerme contre le trafic illicite de
migrants par terre, air et mer signé le 15 novembre 2000 1172 a pour objet de prévenir et
combattre le trafic illicite des migrants et de promouvoir la coopération des États dans ce
sens1173. On entend par « trafic illicite des migrants » le fait d'assurer, afin d'en tirer un
avantage financier ou matériel, l'entrée illégale dans un État partie d'une personne non
ressortissante et non résidente de cet État1174. Probablement parce qu'il constitue la voie la plus
utilisée en matière d'immigration clandestine, le protocole composé de trois parties consacre
la totalité de la deuxième partie au trafic par mer. Ses dispositions permettent à l'État de
prendre en haute mer et après autorisation de l'État du pavillon toutes les mesures appropriées
à l'encontre du navire suspect en recourant le cas échéant à la force1175. L'État suspectant un
navire portant son pavillon de se livrer à ce type de trafic peut solliciter l'aide d'autres États
membres « compte tenu des moyens dont ils disposent »1176. Chaque État désigne à cette fin
une ou plusieurs autorités nationales habilitées à recevoir les demandes d'assistance et les
demandes d'autorisation et de prendre les mesures nécessaires contre les navires suspects. Il
s'agit en Tunisie de l'OMMP. Les mesures de contrôle ou de détention des navires suspects
sont exécutées « uniquement par des navires de guerre ou aéronefs militaires, ou d'autres
navires ou aéronefs à ce dûment habilités »1177. Il s'agit de la marine nationale et des services
de la douane.
Au vu de la recrudescence du phénomène d'immigration clandestine s'effectuant dans les
zones maritimes sous souveraineté tunisienne1178, le législateur tunisien a renforcé l'arsenal
juridique de lutte et de contrôle par l'adoption de plusieurs lois: la loi n°2004-3 du 20 janvier
également: M. N. MURPHY: « Contemporary piracy and maritim terrorism », éditions International institute for
strategic studies, Royaune Uni, 2007.
1172 Ratifié par le décret n° 2003-777 du 31 mars 2003, portant ratification du protocole contre le trafic illicite
des migrants par terre, air et mer additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée, JORT du 8 avril 2003, p 871 et suivante.
1173 Article premier du protocole de Palerme contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer, op. cit.
1174 Article 2-a du protocole de Palerme contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer, op. cit.
1175 Article 8-2 du protocole de Palerme contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer, op. cit.
1176 Article 8-1 du protocole. Ont été signés dans ce sens des accords administratifs de coopération bilatérale
entre la Tunisie et l'Italie tel que l' « Accord italo-tunisien sur l'immigration clandestine du du 5 avril 2011 ».
1177 Article 9-4 du protocole de Palerme contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer, op. cit.
1178 En 2006, 1502 immigrés clandestins ont été arrêtés par les autorités tunisiennes. Les chiffres en baisse
d'année en année restent néanmoins importants: nous comptons 1252 arrêtés en 2007 et 1196 en 2008. Source:
Institut national de la statistique, Tunis: www.ins.nat.tn
253
20041179, la loi n° 2004-4 du même jour1180 et la loi organique n° 2004-6 du 3 février 20041181.
- La première porte modification du code de commerce maritime (CCM) dans le sens où elle
durcit les modalités d'acquisition et de transfert de propriété des navires de manière à
permettre à l'administration maritime tunisienne un meilleur contrôle. Tout acte de
construction de navire, d'achat ou de transfert de propriété non préalablement annoncé à
l'administration est considéré nul et son auteur est soumis à des sanctions pécuniaires 1182. En
complément, la loi 2004-4 portant modification du code de la police administrative de la
navigation maritime (CPANM) durcit les conditions d'octroi de nationalité. Les articles 11 et
12 du CPANM nouveaux mettent à la charge du propriétaire du navire la preuve de sa
propriété et l'établissement du certificat de jaugeage avant la délivrance de l'acte de
nationalité. Un nouvel alinéa ajouté à l'article 12 soumet le propriétaire d'un navire d'une
jauge brute égale ou supérieure à vingt tonneaux de jauge à une nouvelle formalité: la
souscription d'un acte de soumission et de cautionnement. Toutes ces nouvelles formalités
permettent de mieux remonter aux responsables de trafic illicite par voie maritime.
- De son côté, la loi n° 2004-6 soumet à des sanctions importantes toute personne participant à
l'entrée, à la sortie ou au séjour clandestins d'une personne du territoire tunisien. Les peines
prévues vont de trois ans d'emprisonnement et de huit milles dinars d'amende jusqu'à vingt
ans d'emprisonnement et cent mille dinars d'amende suivant la gravité de l'infraction et la
qualité de son auteur1183. La majorité des peines prévues par la loi est porté au double en cas
de récidive1184. De surcroît, le juge compétent peut décider de la confiscation des moyens de
transport et de tout autre objet ayant facilité le déplacement ou le séjour clandestin d'une
personne, de la surveillance administrative des ressortissants tunisiens auteurs de l'infraction
et de l'expulsion du territoire des personnes étrangères coupables 1185. C'est ainsi qu'une
ressortissante tunisienne a été condamnée à vingt deux ans et huit mois de prison ferme pour
avoir escroqué un groupe de candidats à l'immigration clandestine vers l'Europe. L'accusée
dirigeait un réseau de recrutement de candidats à l'immigration auxquels elle promettait des
1179 Loi n° 2004-3 du 20 janvier 2004 modifiant et complétant le code du commerce maritime, JORT du 20
janvier 2004, pp 115-116.
1180 Loi n° 2004-4 du 20 janvier 2004, modifiant et complétant le code de la police administrative de la
navigation maritime, JORT du 20 janvier 2004, p 116.
1181 Op. cit.
1182 Article 28 nouveau du CCM tel que modifié par la loi 2004-3 du 20 janvier 2004.
1183 Articles 38 à 44 de la loi n° 2004-6 du 20 janvier 2004, op. cit.
1184 Article 53 de la loi n° 2004-6 du 20 janvier 2004, op. cit.
1185 Voir les articles 48 à 50 de la loi n° 2004-6 du 20 janvier 2004, op. cit.
254
visas d'entrée en Europe et des contrats de travail moyennant quatre à six milles DT1186.
Même si ces mesures pourraient favoriser une meilleure lutte contre ce type de trafic, nous
estimons, comme le fait la doctrine1187, que la lutte contre l'immigration clandestine nécessite
un traitement en amont de la menace1188.
2.3) La piraterie: La récente affaire du navire Hannibal II capturé par des pirates
somaliens montre que la piraterie est une menace contre la sûreté du transport maritime
tunisien. Dans les faits, le navire appartenant à l'armateur privé GMT est capturé le 11
novembre 2010 dans le Golfe d'Aden alors qu'il était en route vers Suez en Égypte avec une
cargaison d'huile de Palme depuis la Malaisie1189. Après de longues négociations entre les
pirates et le gouvernement tunisien, les marins, tunisiens en majorité, n'ont été libérés que le
17 mars 2011 contre une rançon de 2 millions de dollars 1190. La piraterie est définie comme
étant « tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par
l'équipage ou des passagers d'un navire ou d'un aéronef privé, agissant à des fins privées et
dirigé: contre un autre navire...en haute mer... »1191. Elle est régie par la Convention pour la
répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime adoptée à Rome le 10
mars 1988 et transposée en droit tunisien1192. En vertu de l'article 3 de cette convention, les
actes de piraterie sont considérés comme étant des infractions pénales. Les États parties sont
invités à réprimer ces actes par des peines appropriées, ajoute l'article 6 de la convention. Le
code disciplinaire et pénal maritime tunisien1193 sanctionne au cas par cas, tout acte illicite
commis par toute personne à bord des navires tunisiens1194. La peine maximale est prévue par
1186 Affaire « Essalhi » n° 34286, Tribunal de première instance de Tunis, le 3 juin 2006. Voir également: arrêt
de la cour d'appel de Sfax n° 101 235 du 9 octobre 2008, arrêt de la cour d'appel de Tunis n° 85 672 du 11 avril
2009.
1187 A. WILLER: « La lutte contre le trafic de migrants en mer », Bulletin d'études de la marine n° 30,
décembre 2004 sous le titre « narco-trafic, terrorisme, trafic de migrants », p 43.
1188 Pour plus d'informations sur ce sujet, voir: M. BEN ELJIA: « Immigration clandestine par mer », mémoire
de fin de stage d'avocat, 2007, Barreau de Tunis (en arabe littéraire). Voir également: S. DANIEL: « Les routes
clandestines: l'Afrique des immigrés et des passeurs », éditions Hachette, Paris, 2008. Voir enfin: N. CARLONE:
« Les trafics maritimes », in actes du 2 ème colloque international sur la sûreté maritime « Code ISPS: entre
devoirs citoyens et obligations économiques », Cité des congrès de Nantes, 27 et 28 septembre 2007, p 15 et
suivantes.
1189 Voir: « Hannibal II capturé! », quotidien La Presse du 12 novembre 2010, p 3.
1190 Voir: « Otages tunisiens du navire Hannibal II: enfin libres! » in www.lapresse.tn du 18 mars 2011.
1191 Article 101 de la CMB, op. cit.
1192 En application de la loi 97-81 du 15 décembre 1997 autorisant l'adhésion de la République tunisienne à la
convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, JORT du 19 décembre
1997, p 2370.
1193 Op. cit.
1194 Les textes sanctionnant les actes pouvant être considérés comme actes de piraterie sont éparpillés dans le
code.
255
l'article 93 à l'encontre du capitaine ou de l'officier qui s'empare du navire par violence ou
fraude. Les membres de l'équipage complices sont punis de la peine des travaux forcés à
perpétuité. Lorsque l'acte de piraterie est commis par un navire étranger, l'État partie sur le
territoire duquel se trouve l'auteur présumé de l'acte de piraterie doit assurer la détention de
cette personne et ouvre une enquête en vue d'établir les faits conformément à sa législation
nationale1195. Cette disposition ne peut s'appliquer dans le cadre de l'affaire Hannibal II capturé
par des pirates somaliens au vu de la situation politique actuelle de la Somalie caractérisé par
l'absence d'un État capable de gérer son territoire et ses ressortissants. La recrudescence de la
piraterie dans ce pays1196 a d'ailleurs obligé la communauté internationale à renforcer la
législation en la matière. Ces dernières années ont connu l'adoption de plusieurs résolutions et
autres textes de l'Organisation des Nations-Unies1197 et de l'OMI1198 en la matière1199.
Sur un autre plan, la veille des services de l'État s'intéresse également à la surveillance des
actes de pollution maritime (B).
1195 Article 7 de la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime,
op. cit.
1196 Voir à titre d'exemple: L. SALOMON: « Piraterie: libération des marins et présence internationale au large
de la Somalie », JMM du 24 octobre 2008, p 6. Voir également: M. ROUGER: « La piraterie maritime »,
éditions Larcier, 2011.
1197 Telle que la résolution des Nations-unies n° 1838 sur la piraterie en Somalie du 7 octobre 2008 et la
résolution 1851 adoptée le 16 décembre 2008.
1198 Tel le Plan d'action contre la Piraterie adopté le 3 février 2011. Voir à ce sujet: M. NEUMEISTER:
« L'OMI lance une campagne contre la piraterie », JMM du 4 février 2001, p 6.
1199 Pour approfondir le sujet, voir: O. D'AUZON: « Piraterie maritime, la nouvelle menace? », éditions A.
Versaille, 2011. Voir également: « La piraterie maritime » in AFCAN informations n° 90, juillet 2011, p 10 et
suivantes. Voir également: « Journées méditerranéennes sur la piraterie maritime », synthèse des travaux par Ph.
WECKEL, DMF, janvier 2010, p 69 et suivantes. Voir enfin: T. TREVES: « Problèmes juridiques liés à la
piraterie », in actes du 3ème colloque international sur la sûreté maritime et portuaire « Comment combattre la
malveillance sans pénaliser l'économie », Cité des congrès de Nantes, 22 et 23 octobre, p 39 et suivantes.
1200 Article 51§1, b, iii dela CMB, op. cit.
256
établie par le législateur comme étant une infraction à la loi. Des procédures de constatation
(a) et de poursuite de l'infraction de pollution (b) sont prévues par la loi.
a) La constatation de l'infraction:
La loi désigne les personnes habilitées à la constatation de l'infraction de la pollution marine
(1) et fixe les éléments de l'infraction (2).
257
base de l'article 8 de la loi portant sa création. Les deux fondements juridiques étant valables,
le juge a ordonné l'association des deux demandes.
Quoi qu'il en soit, l'ouverture du prétoire pénal à des personnes morales de droit public, telles
que l'ANPE, en fait des auxiliaires de l'administration de la justice tant au niveau de la
constatation de l'infraction environnementale qu'à celui du déclenchement de la répression
pénale1205. Lorsqu'une des instances habilitées soupçonne un navire de commettre une
infraction à la réglementation relative à la pollution, elle est en mesure de demander à son
capitaine de lui fournir toutes les informations concernant l'identification du navire, le
prochain port d'escale ou toute autre information qu'elle juge pertinente1206 et de procéder à
une inspection matérielle pour déterminer s'il y a eu infraction 1207. A la lumière de ces
investigations, l'immobilisation du navire pollueur et la saisine du juge sont possibles 1208.
L'immobilisation d'un navire doit immédiatement être communiquée aux autorités de l'État du
pavillon1209. La saisie du navire et l'emprisonnement de l'équipage prennent fin lorsqu'une
caution adéquate est fournie1210.
L'État peut être assisté dans cette démarche. L'article 197 de la CMB invite les États « à
coopérer au plan national et, le cas échéant au plan régional...à la formulation et à
l'élaboration de règles et de normes...pour protéger et préserver le milieu marin ». C'est ainsi
que plusieurs conventions régionales ont vu le jour1211. Concernant la Méditerranée, il s'agit de
la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution signée à
Barcelone le 16 février 1976 et amendée en 1995 1212. La convention invite les États parties à
instaurer des programmes bilatéraux ou multilatéraux de coopération en matière de
surveillance de la pollution maritime1213. « L'initiative 5+5 » est placée dans ce cadre. Elle
permet à dix pays méditerranéens de s'assister mutuellement en cas de pollution de grande
ampleur en mettant en commun leur expertise et leur savoir-faire 1214. En pratique, la
1205 L. CHIKHAOUI: « L'environnement et sa protection par le droit », éditions du Centre de recherches et
d'études administratives en collaboration avec la Fondation Hanns Seidel, Tunis, 1998, p 356.
1206 Article 220§ 3 de la CMB, op. cit.
1207 Article 220§ 5 de la CMB, op. cit.
1208 En application de l'article 12 de la loi portant création de l'ANPE telle que modifiée par la loi 92-115 du 30
novembre 1992, JORT du 4 décembre 1992, pp 1539-1540.
1209 Article 73§ 4 de la CMB, op. cit.
1210 Article 73§ 2 de la CMB, op. cit.
1211 Voir T. TREVES: « L'approche régionale en matière de protection de l'environnement marin », in « La mer
et son droit », mélanges offerts à Laurent LUCCHINI et Jean-Pierre QUENEUDEC, op. cit, p 591 et suivantes.
1212 Ratifiée par la loi 77-29 du 25 mai 1977 portant ratification de la Convention de la protection de la Mer
méditerranée contre la pollution et de deux protocoles y afférent, JORT du 27 mai 1977, p 1401, voir supra:
Partie 1, Titre 2, Chapitre 2.
1213 Article 10-1 de la convention de Barcelone, op. cit.
1214 Initiative lancée le 21 décembre 2004 par les ministres de la défense de dix États du bassin méditerranéen.
258
constatation des éléments constituant l'infraction de pollution maritime (2) dans les eaux sous
souveraineté tunisienne a généralement été l'oeuvre d'instances nationales1215.
259
description des faits, un rapport technique contenant l'analyse des substances déversées et les
conséquences sur l'environnement en plus de plusieurs photographies de la pollution1220.
2.1) L'élément moral de l'infraction de la pollution maritime est une originalité dans le
droit et la jurisprudence en Tunisie. Contrairement à la majorité des législations étrangères1221
et contrairement à d'autres types d'infractions régies par le droit tunisien1222, le législateur
tunisien n'exige pas d'élément moral dans l'infraction de pollution maritime. Du moment que
la pollution est prouvée, son auteur est sanctionnable qu'il ait eu l'intention de polluer ou qu'il
ait omis de prendre les dispositions pouvant empêcher la survenance de la pollution. Cette
originalité législative n'a pas été contredite par la jurisprudence qui a affirmé que les
mauvaises conditions météorologiques ne pouvaient constituer une force majeure, que le
capitaine pouvait les prévoir et prendre de meilleures dispositions pour empêcher la
survenance d'une pollution1223.... La seule exception à cette règle date de 1989 lorsque le juge
du tribunal de première instance de Bizerte a souligné le fait que les auteurs de la pollution se
sont sciemment abstenus de mettre en place des dispositions préventives à la pollution de
l'environnement en laissant les soutes du navire remplies de fioul alors que celui-ci était
délaissé dans un port proche d'une plage1224.
La non prise en compte de l'existence ou de l'inexistence d'une intention de polluer pourrait
être considérée comme la meilleure application d'un des principes fondamentaux du droit de
l'environnement, le principe pollueur-payeur1225 qui implique que la personne responsable de
la pollution soit systématiquement soumise à une sanction principalement pécuniaire. De
surcroît, aucune cause exonératoire de responsabilité n'est prévue par la loi tunisienne y
compris la force majeure1226. Ces deux considérations font qu'une partie de la doctrine
tunisienne manifeste son opposition à l'absence de prise en compte de l'intention dans ce type
d'infraction, la qualifie d'injuste et craint même que cette disposition ne soit la cause du déclin
1220 A. DHOUIB: « L'infraction de pollution maritime » (en arabe littéraire), mémoire de fin de stage d'avocat,
année judiciaire 2008-2009, Barreau de Tunis.
1221 Voir à titre d'exemple, l'article 222-21 du code de l'environnement français.
1222 Voir, à titre d'exemple, les dispositions des chapitres VIII et IX du code forestier, éditions de l'Imprimerie
officielle de la République tunisienne, 2008.
1223 Voir, à titre d'exemple, arrêt de la Cour d'appel de Tunis n° 101 543 du 23 septembre 2001.
1224 Décision du tribunal de première instance de Bizerte, n° 20329 du 23 février 1989.
1225 Nous y reviendrons à en détails dans les prochains chapitres.
1226 Et ce, contrairement à d'autres législations nationales: voir par exemple l'article 54 du droit de la loi
environnementale égyptienne n° 94-4 adoptée le 3 février 1994, Gazette officielle du 3-5 février 1994, p 1 et
suivantes.
260
de l'élément moral1227. En tout état de cause, la seule preuve de l'existence de l'élément
matériel de l'infraction de pollution maritime donne droit à la poursuite judiciaire de l'auteur
de l'infraction (b).
b) La poursuite de l'infraction:
Tout dommage ayant pour origine une infraction donne lieu à une sanction à l'égard de
l'auteur de l'infraction (2). Celle-ci est prononcée par un juge compétent (1).
1) Le tribunal compétent:
La CMB dispose que les tribunaux de l'État côtier seront compétents pour juger les personnes
responsables et pour prononcer des sanctions à leur égard1228. L'application de cette
disposition a connu une évolution en Tunisie. Auparavant donnée à la fois au tribunal cantonal
et au tribunal de première instance, l'entrée en vigueur de la loi portant création de l'ANPE a
accordé la compétence d'une manière exclusive au tribunal de première instance1229. Mais d'un
point de vue territorial, aucun texte ne fixe le tribunal géographiquement compétent pour ce
type d'infraction. Seront ainsi appliquées les règles générales en matière de procédures
civiles1230. Le tribunal dans la région duquel l'infraction de pollution a été commise est donc
compétent. Si au moment de la constatation de la pollution, celle-ci s'est propagée sur
différentes régions, le tribunal compétent sera celui dans la région duquel le navire polluant a
été arrêté après constatation d'action de pollution. Enfin, si la pollution s'est produite au delà
de la mer territoriale, la compétence revient au tribunal le plus proche géographiquement de la
zone de pollution. La saisine du tribunal pour infraction de pollution maritime doit se faire
dans les dix jours suivants la constatation de l'infraction1231 alors que pour les infractions de
pollution d'autres composantes de l'environnement le délai peut aller jusqu'à quatre mois1232.
1227 Voir à titre d'exemple: W. FERCHICHI: « La protection judiciaire de l'environnement », in Revue éditée
par la Faculté de droit de Sfax, éditions 2002, p 65 et suivantes.
1228 Voir article 73§ 4 de la CMB, op. cit.
1229 Avant l'entrée en vigueur de cette loi, le juge cantonal en était compétent. La compétence se décide en
fonction du montant des peines prononcées. Le juge cantonal est compétent lorsque le maximum de peine prévu
par la loi pour l'infraction en question est de 7000 DT. Au delà, la compétence revient au juge de première
instance. La loi portant création de l'agence nationale de l'environnement a durci les peines encourues par les
pollueurs de la mer, ce qui explique la compétence du juge de première instance.
1230 Voir les articles 30 à 40 de code des procédures civiles et administratives, éditions de l'Imprimerie officielle
de la République tunisienne, 2009.
1231 En application de l'article 12 nouveau de la loi portant création de l'ANPE.
1232 A titre d'exemple, un mois de délai est accordé en cas de pollution des eaux douces, voir article 157 al 1 du
code des eaux, op. cit.
261
2) Les sanctions:
Elles sont éparpillées dans plusieurs textes de lois et souffrent d'un manque de cohérence. Les
textes auxquels les demandeurs font le plus appel sont l'article 28 de la loi relative au domaine
public maritime1233, l'article 11 de la loi portant création de l'ANPE1234 et l'article 158 du code
des eaux1235 applicable en matière maritime. Le premier texte sanctionne l'auteur d'actes
d'usurpation ou de dégradation affectant le domaine public maritime d'une peine
d'emprisonnement allant de 16 jours à une année et d'une amende allant de 100 DT à 50 000
DT ou de l'une de ces peines. Le même montant d'amende est prévu au sein du second texte.
Enfin, l'article 158 du code des eaux sanctionne toute violation de ses dispositions d'une
amende allant de 50 DT à 1000 DT et d'un emprisonnement de 6 jours à 6 mois ou de l'une de
ces deux peines.
Il convient dès lors de s'interroger sur l'attitude du juge par rapport à cette diversité textuelle.
Un premier constat: il est rare que soit prononcée une peine privative de liberté pour l'auteur
d'une pollution maritime. La violation des normes du respect de l'environnement marin se
résout en général par une amende versée au trésor public accompagnée parfois de peines
complémentaires en application de l'article 5 b du code pénal tunisien1236. La jurisprudence
essayerait de cette manière de concilier la protection de l'environnement avec les impératifs
économiques ce qui rapproche les infractions de pollution maritime des infractions
économiques. Par ailleurs, le juge a un large pourvoir d'appréciation quant à la fixation du
montant de la peine. Aucune disposition législative n'avance d'éléments pouvant orienter sa
décision. Enfin, le montant de la peine est modulé en fonction de la gravité du comportement
incriminé et non en fonction de l'importance du dommage causé à l'environnement. Ainsi,
dans l'affaire « Al Amine », navire marocain ayant échoué au large de Korbous et ayant
déversé plusieurs tonnes de fioul1237, l'armateur du navire auteur de l'infraction a été condamné
à l'amende maximale de 50000 DT. Sachant que cet accident a été considéré par les
spécialistes comme une véritable catastrophe écologique et économique étant donné que d'un
côté, la faune et la flore ont été sensiblement affectées et que, d'un autre côté, la région de
Korbous est une station thermale très prisée, on peut estimer que la peine encourue par
262
l'auteur de l'infraction était dérisoire1238.
Au delà de la constatation de l'infraction, les pouvoirs de l'État assistent le facteur humain
dans la gestion des accidents maritimes et, autant que cela soit possible, dans la remise en état
( Section 2).
1238 Pour plus d'informations au sujet des infractions aux règles environnementales appliquées au domaine
maritime tunisien, voir: W. BEN ALIJ: « Le droit maritime pénal et la pollution », mémoire de fin d'études,
Institut supérieur de la magistrature, 2005, Tunis ( en arabe littéraire). Voir également: M. BEN MOUSSA: « Le
rôle du juge pénal dans la protection de l'environnement », Revue de la jurisprudence et de la législation, Tunis,
1997, p 42 et suivantes. Voir aussi: A. SAKKOUHI « Le rôle de la jurisprudence en matière de protection de
l'environnement », mémoire de troisième cycle, Faculté de Droit et des sciences politiques, Tunis, 2004.
263
Section 2 : La coopération entre l'État et le facteur humain en aval :
a) Le principe:
En harmonie avec les conventions internationales régissant la matière1239, le droit tunisien
opère une unité de notions entre « assistance » et « sauvetage »1240. L'article 244 du CCM
dispose que « l'assistance et le sauvetage des navires en danger, des choses se trouvant à bord,
du fret et du prix du passage, ainsi que les services de même nature rendus entre les navires de
mer et bateaux de navigation intérieure, sont soumis aux dispositions ci-après, sans qu'il y ait
à distinguer entre ces deux sortes de notions... ». En dehors de cette disposition, toutes les
normes du code régissant la matière sont consacrées à l'obligation et aux modalités de
rémunération de l'assistance. Le législateur tunisien renvoie, ainsi, implicitement à la
convention internationale sur l'assistance du 28 avril 1989 quant aux règles gouvernant
1239 Il s'agit principalement de la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 pour l'unification de certaines
règles en matière d'assistance et de sauvetage maritimes, non ratifiée par la Tunisie, remplacée par la convention
internationale du 28 avril 1989 sur l'assistance. Signée à Londres, cette dernière est entrée en vigueur en Tunisie
en application de la loi n° 98-36 du 25 mai 1998 autorisant l'adhésion de la République tunisienne à la
convention internationale de 1989 sur l'assistance, JORT du 29 mai 1998, p 1169.
1240 Ce n'est pas le cas de la pratique maritimiste française, à titre d'exemple, qui, malgré que la loi ne le
prescrit pas, apporte une nuance entre les deux notions. Voir à ce propos les développements d'A. MONTAS in
« Le quasi-contrat d'assistance, essai sur le droit maritime comme source de droit », éditions LGDJ, 2007, p 23 et
suivantes.
264
l'assistance et le sauvetage1241(1). La sanction de non assistance est toutefois mentionnée (2).
1) Le débiteur de l'assistance:
L'étude de la convention de 1989 laisse apparaître quatre règles gouvernant l'assistance et le
sauvetage maritimes:
- L'assistance maritime n'est due que si l'expédition maritime dans son ensemble est
confrontée au péril de la mer. Elle est donc due aux personnes, aux biens et au navire.
L'assistance, dont l'appréciation revient au capitaine en dehors des cas où le navire en danger
lance un appel de détresse, n'intervient pas en cas de simple risque de danger. Elle exige le
risque de la perte et est généralement due à la suite d'un abordage. Le capitaine de chacun des
navires entrés en collision est tenu, autant que cela soit possible et sans causer de danger pour
son navire ou son équipage, de prêter assistance à l'autre navire et à son équipage1242.
- L'assistance est due à tout navire. L'article premier de la convention de 1989 a été conçu de
manière à pouvoir assister tout navire ou tout bien flottant en danger de se perdre en mer. Le
navire est défini comme étant « ... tout bâtiment de mer, bateau ou engin ou toute structure
capable de naviguer ». En dehors des navires tout « bien qui n'est pas attaché de façon
permanente au littoral » y compris le fret doit être assisté. L'assistant doit intervenir quelque
soit la position du navire en mer. Il n'y a pas à s'interroger sur la nature juridique des eaux
dans lesquelles le service est rendu: haute mer, mer territoriale ou même eaux intérieures.
L'article premier de la convention est explicite: l'assistance intervient « dans les eaux
navigables ou dans n'importe quelles eaux ».
- Le débiteur de l'assistance n'est pas spécifié par la convention. Nous pouvons, dès lors,
supposer qu'il s'agit de tout navire ou toute personne ayant pris conscience de l'engin en
danger et pouvant lui apporter une assistance. S'il s'agit du capitaine d'un navire, celui-ci doit
prendre en considération la sécurité de son propre équipage et du navire sur lequel il
embarque. L'opération de l'assistance ne doit pas constituer un risque pour l'un ou l'ensemble
de ces éléments1243.
- Il n'existe pas de conditions spéciales pour la formation du contrat d'assistance. Nous en
déduisons qu'il suffit que l'aide proposée soit acceptée pour que le contrat soit formé. Ceci
n'exclut pas l'hypothèse de l'existence de contrats d'assistance préétablis par exemple entre un
265
armateur et une entreprise d'assistance et de sauvetage1244. Dans tous les cas, s'abstenir
d'assister une expédition en danger constitue une infraction à la loi (2).
2) La sanction de non-assistance:
Le défaut d'assistance aux personnes est passible de sanctions pénales. Principe connu du
droit commun, la non-assistance à une personne en danger est également appliquée en droit
maritime. Elle concerne, outre les personnes, les biens. Le refus de secours qu'il était possible
d'apporter à une expédition en péril, sans risque pour l'assistant, le navire ou l'équipage,
constitue une infraction pénale. L'auteur de l'infraction encourt une peine d'emprisonnement
de cinq ans et une amende de 1000 DT ou l'une des deux peines1245. Il reviendrait au juge
d'évaluer, au cas par cas, le sérieux du risque qu'encourait l'assistant qui s'est abstenu de prêter
secours avant de prononcer la sanction appropriée. C'est ainsi que le tribunal de Sfax a décidé
dans l'affaire de l'« Agor » que « la tempête de force moyenne survenue la nuit du 23
décembre 2008 ne constituait pas un risque important pour la sécurité du navire » assistant.
Dans les faits, le capitaine inculpé a refusé de porter secours à un cargo portant pavillon grec
tombé en panne durant son passage au large de Sfax évoquant des craintes sur la sécurité du
navire du fait de la tempête. Le juge a estimé la tempête de faible importance, ce d'autant plus
que le navire a pu être assisté par de simples remorqueurs du port de la ville. Mais n'ayant pas
connu de victimes, le capitaine n'a encouru qu'une peine pécuniaire1246.
Si la non-assistance est passible de sanction, l'assistance génère une rémunération (b).
266
morale mais bien sur une obligation juridique aboutissant à une récompense pécuniaire. Par
ailleurs, aucune rémunération n'est due si l'assistance ou le secours prêtés restent sans résultat
utile. Il est question d'une obligation de résultat1248. La doctrine estime qu'il s'agit là d'une
solution « totalement autre que naturelle » car, sauf en matière commerciale, il est
exceptionnel qu'une rémunération soit liée au résultat obtenu1249. La rigidité de cette règle est
néanmoins atténuée par l'article 14 de la convention de 1989 qui prévoit, en cas d'échec des
opérations d'assistance, le droit de l'assistant à une indemnité, au moins égale à ses
dépenses1250. En outre, l'indemnité peut être augmentée jusqu'au double des dépenses
engagées si l'assistant est parvenu malgré l'échec de son intervention à prévenir ou à limiter
une pollution maritime1251.
Se pose également la question de l'assistance imposée. Ce serait le cas où un navire insiste à
assister un autre malgré le refus de ce dernier. Deux hypothèses sont à prendre en
considération: le refus express de l'assistance exclut toute rémunération s'il a été manifesté
avant tout commencement des opérations. En revanche, la rémunération reste due si le refus
intervient au cours de l'opération d'assistance1252.
- L'assistance des personnes en danger est obligatoire mais non rémunérée 1253. Elle repose sur
un principe moral et ne crée pas de relation juridique. Il s'agit là d'une règle traditionnelle 1254
déjà prescrite dans la première convention gérant l'assistance maritime, la convention de
Bruxelles du 23 septembre 1910 pour l'unification de certaines règles en matière d'assistance
et de sauvetage maritimes1255, et reprise par la convention de 19891256. Le gratuité de ce service
est, toutefois, nuancée dans la mesure où on accorde au sauveteur des vies humaines une part
équitable de la rémunération allouée aux sauveteurs des biens 1257. Dans la pratique, l'assistant
essaye toujours de sauver des biens à la même occasion de l'assistance aux personnes pour ne
1248 Cette obligation de résultat est plus connue sous un adage en langue anglaise « no cure, no pay » autrement
dit: absence de rémunération en cas d'absence de résultat.
1249 J-P. BEURIER: « Droits maritimes », op. cit, p 511.
1250 Cette disposition est en harmonie avec la pratique des professionnels qui, après le sinistre de l'Amoco
Cadiz en 1978 ont pris l'habitude d'inscrire dans les contrats d'assistance une clause permettant à l'assistant
d'avoir une indemnité spéciale malgré l'échec de l'assistance. Voir à ce sujet, P. BONASSIES: « La convention
internationale de 1989 sur l'assistance », DMF, mars 2003, p 252.
1251 Article 14§2 de la convention 1989, op. cit.
1252 Article 246 du CCM, op. cit.
1253 Article 252, al 1 du CCM, op. cit.
1254 Sur l'historique de cette règle, voir A. MONTAS: « Le quasi-contrat d'assistance, essai sur le droit maritime
comme source de droit », op. cit, p 37 et suivantes.
1255 La Tunisie n' y a pas adhéré.
1256 Voir article 16.1 de la convention, op. cit.
1257 Article 252, al 2 du CCM (op. cit) en conformité avec l'article 16.2 de la convention de 1989, op. cit.
267
pas être privé de rémunération1258.
- Même si le débiteur de la rémunération n'est identifié ni au sein de la convention ni par la loi
nationale, on peut imaginer qu'il s'agit de toute personne ayant profité de l'assistance. Il en est
ainsi du propriétaire du navire mais également du chargeur si l'assistance a été utile pour la
cargaison1259. Dans ce cas là, l'assistance sera qualifiée d'avaries communes et sera réglée par
les dispositions gouvernant cet événement de mer1260. Notons, en final, que la rémunération
est due même dans le cas où les opérations d'assistance ont eu lieu entre deux navires
exploités par le même armateur1261.
- La rémunération de l'assistance doit être répartie entre toutes les personnes ayant participé à
l'action du sauvetage. Il s'agit de l'armateur propriétaire du navire ou des navires ayant servi à
l'assistance du navire en danger ainsi que du ou des capitaines et des membres de l'équipage
ayant accompli les opérations d'assistance1262. La rémunération est donc octroyée au facteur
humain.
- Les modalités de la rémunération sont librement fixées en vertu d'un accord conclu entre les
parties concernées. A défaut d'accord à l'amiable, le montant de la rémunération est fixé par le
juge (2) sur la base de différents éléments1263. Le juge prendra ainsi en considération les
efforts fournis par les assistants, le danger couru par le navire assisté, le temps employé, les
frais et dommages subis, la valeur du matériel utilisé mais surtout le succès obtenu et à la
1264
valeur des choses sauvées .... Dans tous les cas, la somme de la rémunération ne doit pas
excéder la valeur des biens sauvés1265.
1258 Entretien avec N. BELMAHRESSIA, directeur à l'OMMP, Tunis, le 15 mai 2009, réactualisé.
1259 C'est ce qui a été confirmé par le juge tunisien à plusieurs reprises: voir par exemple: Décision n° 15340 du
Tribunal de première instance de Gabès du 19 mars 1999 et décision n° 27848 du Tribunal de première instance
de Tunis du 23 avril 2010.
1260 Il s'agit de l'article 255 et suivants du CCM, op. cit.
1261 Article 248 du CCM, op. cit.
1262 Article 249, al 1 du CCM, op. cit.
1263 Article 249, al 1 du CCM, op. cit.
1264 Voir article 251 du CCM, op. cit.
1265 Article 245, al 3 du CCM, op. cit.
268
Pour ce qui est de la compétence juridictionnelle et territoriale, le législateur tunisien laisse un
large choix au demandeur. Celui-ci pourra saisir l'une des juridictions compétentes fixées par
le code tunisien de procédure civile ou commerciale (CPCC) 1266. Si le montant de l'indemnité
est égal ou inférieur à 7000 DT, le juge cantonal est compétent. Au delà, la compétence
revient au tribunal de première instance1267. La compétence territoriale revient au tribunal du
domicile de l'assisté1268, ou au tribunal du lieu de l'exécution de l'action de l'assistance1269.
Enfin, l'action en paiement peut également être portée devant le tribunal du port tunisien dans
lequel soit le navire assisté soit le navire assistant s'est réfugié, ajoute l'article 295, premier
alinéa du CCM. L'action se prescrit par deux ans à compter du jour où les opérations
d'assistance ou de sauvetage se sont terminées1270. En pratique, il est rare que les opérations
d'assistance donnent lieu à une action en justice; les parties recourent le plus souvent à
l'arbitrage de professionnels de la mer. L'arbitrage présente l'avantage d'être plus rapide et
d'être opéré par des personnes ayant connaissance des spécificités opérationnelles de
l'assistance maritime1271 tels que les inspecteurs de la marine marchande.
Le facteur humain est épaulé dans cette démarche d'assistance et de sauvetage par les services
de l'État côtier (B).
269
a) La mission étatique d'assistance et de sauvetage:
Établie en application des dispositions du droit international (1), l'obligation d'assistance et de
sauvetage incombant à l'État est confirmée par les textes de droit national (2).
1) L'obligation internationale:
L'article 9 de la convention de 1989 sur l'assistance et le sauvetage1273 préserve le droit à l'État
côtier de prendre les mesures nécessaires à la préservation de ses côtes « contre la pollution
ou une menace de pollution résultant d'un accident en mer, ou d'actes liés à un tel accident,
dont on peut raisonnablement attendre de graves conséquences préjudiciables » et de donner
ses instructions concernant les opérations d'assistance. La CMB, quant à elle, appelle les États
côtiers à la création d'un service permanent de recherche et de sauvetage efficace pour assurer
la sécurité maritime et aérienne1274. La même obligation est contenue dans la convention
SOLAS1275 qui rappelle, par ailleurs, l'importance de se doter de moyens de communications
indispensables en cas de détresse.
La mission étatique d'assistance et de sauvetage est géographiquement limitée. La limitation
de la zone d'intervention de l'État est fixée par la convention internationale SAR ( Search And
Rescue). Adoptée à Hambourg en 1979 et entrée en vigueur en 1985 1276, la convention SAR
établit un système international de recherche et de sauvetage en mer. Elle engage les États
parties à « s'assurer que l'assistance puisse être octroyée à toute personne en détresse en
mer... »1277. Pour ce faire, la convention recommande aux États côtiers de mettre en place les
installations adéquates, d'assurer une veille côtière permanente et d'instaurer des services de
recherches et de sauvetage dans un zone déterminée, appelée la zone SAR1278. L'intervention
des services spécialisés se fait sur la base d'un plan national de sauvetage élaboré en
application de la convention (2).
270
2) Sur le plan national :
Au niveau national, la recherche et le sauvetage sont gouvernés par les dispositions de la loi
n° 91-39 du 8 juin 1991 relative à la lutte contre les calamités, à leur prévention et à
l'organisation des secours1279 et de son décret d'application n°93-942 du 26 avril 1993 fixant
les modalités d'élaboration et d'application du plan national et des plans régionaux relatifs à la
lutte contre les calamités1280, à la prévention et à l'organisation des secours1281. La loi précise
qu'un plan national et des plans régionaux de secours organisent les mesures nécessaires pour
faire face aux calamités avec tous les moyens disponibles1282. Une commission nationale
permanente et des commissions régionales, dont la composition est fixée par le décret
d'application, élaborent les plans et suivent leur mise en application1283. Les plans
d'intervention comportent « une programmation séquentielle des opérations d'interventions de
toutes les parties publiques et privées » et des différents types de moyens d'intervention ainsi
qu'un « réseau de communication adéquat permettant la mobilisation et l'intervention dans les
meilleurs délais »1284. Les plans peuvent également comporter des solutions spécifiques à
chaque type de sinistre considéré comme calamité1285. En pratique, et en matière maritime, il
existe un plan type d'intervention pour la recherche et le sauvetage en mer organisant la
compétence des différents protagonistes et coordonnant l'utilisation des moyens de secours
mis à leur disposition1286. Le déclenchement et l'achèvement des plans d'intervention sont
ordonnés par le Ministre de l'intérieur ou le gouverneur selon qu'il s'agisse d'un plan national
ou d'un plan régional d'intervention1287.
Par ailleurs, la CMB invite les États voisins à collaborer dans le cadre d'arrangements
régionaux en matière de recherche et de sauvetage1288. Les États maritimes voisins
interviennent dans l'action de sauvetage en application d'éventuelles conventions régionales
de coopération. Une coopération, fondée sur des accords bien antérieurs à l'entrée en vigueur
de la CMB, existe entre la Tunisie et la France1289. Des commissions mixtes tuniso-françaises
1279 JORT du 14 juin 1991, p 1144 et suivantes.
1280 Sont considérées comme calamités au sens de l'article premier de la loi, les incendies, les inondations, les
tremblements de terre, les tempêtes et tout autre fléau d'origine terrestre, maritime ou aérienne.
1281 JORT du 11 mai 1993, p 635-636 et suivante.
1282 Article 2 de la loi du 8 juin 1991, op. cit.
1283 Article 3 de la loi du 8 juin 1991, op. cit.
1284 Article 2 du décret d'application du 26 avril 1993, op. cit.
1285 Article 6 du décret d'application du 26 avril 1993, op. cit.
1286 Entretien avec K. MANSOUR, op. cit.
1287 Voir article 8 et 10 du décret d'application du 26 avril 1993, op. cit.
1288 Voir article 98-2 de la CMB, op. cit.
1289 Accord maritime du 27 octobre 1958 relatif à l'organisation des transports maritimes entre les ports français
et tunisiens modifié le 28 août 1992 et accord de coopération concernant la signalisation maritime du 9 mars
271
orientent cette coopération et en définissent les objectifs1290. D'une manière générale, la
coopération couvre plusieurs domaines liés à la mer tels que la surveillance et la lutte contre
la pollution. Les deux États mettent en commun leurs savoir-faire et le matériels dont ils
disposent à cette fin. Ceci a été le cas lors du naufrage du navire marocain « Al Amine » au
large de Korbous en Tunisie1291.
L'application de l'ensemble de ces textes nécessite la réunion de compétences et de moyens
nationaux aptes à secourir en mer (b).
272
La superposition des instances habilitées à l'intervention pourrait devenir un inconvénient
compte tenu du temps nécessaire à la prise de contact et à la coordination entre les différents
Ministères ayant regard sur les instances compétentes. L'alternative serait, peut être, la
création d'une institution spécifique disposant de moyens matériels et humains suffisants à
affronter le risque maritime. La sécurité maritime y gagnerait en temps et en efficacité.
2) L'organisation opérationnelle:
Les différentes unités de sauvetage sont dotées de matériels d'intervention adaptés à
l'accomplissement de leurs tâches. L'importance du matériel varie sensiblement d'une unité à
l'autre. L'OMMP, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, ne dispose que de faibles
moyens. Les moyens d'intervention appartiennent en grande partie à la marine nationale, au
ministère de la défense et à la douane1295. Ces engins consistant en vedettes, hélicoptères,
avions et bateaux disposés le long du littoral. Lorsque les opérations de sauvetage nécessitent
une aide médicale en mer, les autorités compétentes font appel au personnel médical civil le
plus proche du lieu de l'intervention. Si les opérations de secours s'opèrent dans la région
maritime de Tunis, c'est le « centre médical aéronautique »1296 qui est compétent.
Le plan de sauvetage orchestré au cas par cas, se décide en fonction des renseignements
relatifs à l'état du navire à assister, à la localisation géographique du sinistre et aux conditions
météorologiques. Le plan peut évoluer au fur et à mesure de l'action du sauvetage notamment
au vu des conditions météorologiques.
Le sauvetage du navire maltais « Sophia » qui a chaviré à l'est de l'île de Kerkenna le 3
décembre 20081297 illustre les différentes étapes du déroulement du plan de sauvetage. Le
navire a effectué ses opérations commerciales de chargement au port de La Valette avant de
prendre sa route vers le port de Sfax. La météo de la journée annonçait des conditions
météorologiques difficiles, ce qui aurait pu conduire le capitaine à différer l'appareillage.
Perdant le contrôle de son navire le capitaine lance un message de détresse à la suite duquel
les vedettes de sauvetage et les remorqueurs de l'armée de mer et de la marine nationale,
soutenus dans leur mission par un avion militaire, se dirigent vers la zone où se trouvaient le
navire maltais. Sur place, les vedettes et remorqueurs encerclent le navire en détresse et
commencent les manoeuvres d'amarrage nécessaires à son redressement. L'avion militaire
1295 Entretien avec N. BELMAHRESSIA, op. cit.
1296 CEMEDA, le centre médical aéronautique relevant du Ministère de la défense et conventionné avec le
Ministère du transport, sis à Tunis.
1297 Rapport d'événement de mer « Sophia », p 3. Inédit.
273
dépêché sur place avait pour mission de mettre en place le dispositif nécessaire au secours des
marins. Les opérations de sauvetage réussies ont duré une demie journée et n'ont entraîné
aucun dégât pour le navire, les personnes à bord, les marchandises et l'environnement.
La réussite de la majorité des opérations de sauvetage conduites par les différentes parties
compétentes1298 ne devrait pas occulter les faiblesses du système tunisien de recherche et de
sauvetage en mer, estime les professionnels de la mer1299. Contrairement à ce qu'affirme
l'administration maritime1300, les différents événements de mer laissent apparaître un manque
de dispositif matériel d'intervention et de communication. La contrainte budgétaire est
certainement à prendre en considération dans ce cadre. C'est ce que constate également
l'expert engagé à la suite du naufrage du navire « El Oueslatia » qui a sombré au large de
Tunis le 8 février 20061301. Dans les faits, les recherches des unités de sauvetage tunisiennes
n'ayant pas donné de résultat quand à la position du navire au fond de la mer, le gouvernement
tunisien a fait appel à la marine française pour situer l'épave du navire, déterminer les causes
de l'accident et repêcher les corps des dix marins qui étaient à bord 1302. L'affaire a fait l'objet
de vives critiques de la part de la presse1303.
Le facteur humain et l'État coopèrent également à l'occasion d'événements de mer générant
une pollution maritime, même si l'intervention des différentes administrations étatiques
impliquées dans la gestion de la pollution est plus importante que celle du facteur humain, eu
égard à l'ampleur des actions qu'une pollution peut générer ( Paragraphe 2).
1298 A défaut de statistiques officielles, les professionnels de la mer estiment la réussite du sauvetage en mer à
65% des cas. (Entretien avec N. BELMAHRESSIA, op cit).
1299 Me L. CHAMLI, avocat spécialisé dans les affaires maritimes (entretien du 13 mars 2008, Tunis), T. BEN
SALAH, inspecteur maritime à la retraite (Entretien du 17 octobre 2007, Tunis).
1300 Propos de N. BELMAHRESSIA, op. cit.
1301 H. ELOUESLATI, rapport d'expertise sur le naufrage du navire « El Oueslatia », p 2, inédit.
1302 Op. cit.
1303 Voir par exemple, article de W. KHELIFI: « El Oueslatia! », journal « Le quotidien », le 8 mars 2006, p 2.
1304 Article 1, alinéa premier de la loi n° 96-29 du 3 avril 1996 instituant un plan national d'intervention urgente
pour lutter contre les événements de pollution marine, JORT du 9 avril 1996, p 709 et suivantes.
274
A) La politique de lutte contre la pollution marine:
La richesse du dispositif juridique concernant la lutte contre la pollution maritime se constate
au plan de la juridiction nationale comme au plan international (a). Sa mise en oeuvre
nécessite l'instauration d'organismes compétents (b).
a) Le cadre juridique:
Chaque État est dans l'obligation de protéger et de préserver son milieu marin 1305. Il décide à
ce titre d'une politique en matière d'environnement1306. Ainsi, outre la législation
internationale régissant le lutte contre la pollution à laquelle la Tunisie a adhéré (1), un corpus
législatif interne a été adopté pour réglementer la lutte contre la pollution maritime (2).
1) La législation internationale:
Diversifiée, celle-ci se compose de plusieurs textes de portée générale ou portant sur un type
particulier de pollution. Les textes sont planétaires ou de portée régionale. Une exposition
exhaustive de ces textes n'est pas possible. Le choix se fera en fonction des principaux textes
relatifs à la pollution en mer auxquels la Tunisie a adhéré. Il s'agit tout d'abord, de la
convention MARPOL1307, de la Convention de Barcelone du 16 février 1976 relative à la
protection de la Mer méditerranée contre la pollution1308 et de la convention OPRC du 30
novembre 19901309 sur la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures.
La convention MARPOL vise, entre autres mesures, à maîtriser la pollution en provenance
des navires par le biais du respect des règles techniques relatives à la construction des navires,
les équipements à bord et les inspections à faire1310. La convention de Barcelone de 1976,
quant à elle, vise à réduire la pollution de la Mer méditerranée, quelque soit son origine, et à
protéger et à améliorer la qualité du milieu marin de cette région du monde 1311. De son côté, la
convention OPRC invite les États membres à prendre les mesures appropriées à la préparation
et à la lutte contre la pollution par hydrocarbures1312. Ainsi, chaque État partie est tenu de
275
mettre en place un système national de lutte contre les incidents de pollution1313. Les parties à
la convention doivent également fournir un appui technique et matériel à tout État victime
d'une pollution par hydrocarbures si les circonstances le nécessitent1314. Des dispositions
similaires sont prévues au plan national (2).
276
d'information concernant toute pollution survenue en mer méditerranée. L'information est
adressée à toute partie pouvant être affectée par la pollution en question1321. En application de
cette disposition, les pays de la méditerranée ont adopté le projet SAFEMED en janvier 2002
qui porte sur la « coopération euro-méditerranéenne sur la sécurité maritime et le prévention
de la pollution par les navires ». La mise en oeuvre du projet a été confiée au centre
REMPEC, centre régional pour l'intervention d'urgence contre la pollution marine
accidentelle1322.
La convention de Barcelone permettant la souscription de conventions sous-régionales, un
accord de coopération est signé entre les gouvernements tunisien, algérien et marocain. Ce
dernier institue un plan d'urgence sous-régional pour la préparation et la lutte contre la
pollution marine accidentelle dans la zone de la méditerranée du sud-ouest1323. Signé sous les
auspices du REMPEC, l'objectif de l'accord est l'instauration, à travers un plan d'urgence
commun, des mécanismes de coopération et d'assistance mutuelle en matière de prévention et
de lutte contre les déversements massifs d'hydrocarbures pouvant affecter les mers
territoriales ou les littoraux des trois pays.
Si l'abondance des textes en matière de pollution maritime révèle l'importance du sujet aux
yeux des législateurs international et national, elle ne doit pas occulter le risque de manque de
cohérence entre les diverses dispositions, estime la doctrine1324. La conséquence immédiate de
cette abondance est de rendre compliquée la tâche des juges mais aussi des personnes
compétentes pour la mise en oeuvre des différents textes (b).
277
1) Le rôle des administrations publiques:
1.1) Le ministère de l'environnement et du développement durable:
Crée en 19911326 sous l'appellation « Ministère de l'environnement et de l'aménagement du
territoire », le ministère joue un rôle principal dans la préparation de la législation
environnementale et la conception de projets et programmes de protection de
l'environnement. Devenu Ministère de l'agriculture, de l'environnement et des ressources
hydrauliques en 20021327, le ministère se spécialise en fin de compte exclusivement en matière
de protection durable de l'environnement et prend le titre de Ministère de l'environnement et
du développement durable depuis 20051328.
1326 En application du décret n° 91-1466 du 11 octobre 1991, JORT du 18 octobre 1991, p 1723.
1327 En application du décret n° 2002-2129 du 23 septembre 2002, portant rattachement de structures relevant
de l'ex-ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire au ministère de l'agriculture, de
l'environnement et des ressources hydrauliques, JORT du 1er octobre 2002, p 2318 et suivantes.
1328 En application du décret n° 2005-315 du 16 février 2005 portant rattachement de structure relevant de l'ex-
ministère de l'agriculture, de l'environnement et des ressources hydrauliques au ministère de l'environnement et
du développement durable, JORT du 22 février 2005, p 457 et suivantes.
1329 L. CHIKHAOUI: « L'environnement et sa protection par le droit », op. cit, p 195.
1330 Voir chapitre I de la loi organique n°89-11 du 4 février 1989, relative au conseil régionaux, JORT du 10
février 1989, p 218 et suivantes.
278
2.1) L'agence nationale de la protection l'environnement (ANPE): Créée en 19881331,
l'ANPE, placée sous la tutelle du Ministère de l'environnement et du développement durable a
pour mission de participer à l'élaboration de la politique générale du gouvernement en matière
de lutte contre la pollution de tout genre affectant tout type de milieu. Elle est chargée de
l'élaboration:
- des études d'appréciation et d'évaluation des risques et incidences sur l'environnement.
- d'un plan national d'urgence et d'intervention en cas de pollution accidentelle ou de risques
extérieurs menaçant l'équilibre de l'environnement et la sécurité des biens et des personnes.
- d'un plan d'urgence en cas de pollution maritime notamment par hydrocarbures1332.
Sur un plan pratique, l'ANPE intervient dans la lutte contre toutes les sources de pollution, de
nuisance et toutes les formes de dégradation de l'environnement1333 affectant « le monde
physique y compris, le sol, l'air, la mer, les eaux souterraines et de surface... »1334. Son action
s'établit sur l'ensemble du territoire tunisien et notamment dans les espaces maritimes relevant
de la souveraineté ou de la juridiction tunisienne1335. L'intervention sur le terrain est opérée par
le personnel des différents services régionaux de l'ANPE1336.
L'action de l'ANPE est renforcée par la création d'un « fonds de lutte contre la pollution »1337
destiné à financer les projets visant à protéger l'environnement et à aider les entreprises à
investir dans la lutte contre la pollution ainsi qu'à exécuter les procédures visant à l'incitation
et à l'utilisation des techniques non polluantes1338. Il peut également être appelé à financer
l'acquisition d'équipements collectifs d'élimination de la pollution par des intervenants publics
ou privés pour le compte de certaines entreprises1339.
1331 En application de la loi n° 88-91 du 2 août 1988 portant création d'une agence nationale de protection de
l'environnement, op. cit.
1332 Article 3 de la loi portant création de l'ANPE, op. cit.
1333 Op. cit.
1334 Article 2, alinéa 2 de la loi portant création de l'ANPE, op. cit.
1335 Article 4 de la loi portant création de l'ANPE, op. cit.
1336 L'ANPE dispose de huit antennes régionales réparties sur le long du littoral tunisien. Pour plus de détails,
consulter le site officiel de l'ANPE à l'adresse suivante: http://www.anpe.nat.tn
1337 En application de la loi n° 92-122 du 29 décembre 1992 portant loi de finances pour la gestion de l'année
1993, JORT du 31 décembre 1992, p 1668 et suivantes.
1338 Article 35 de la loi du 29 décembre 1992, op. cit.
1339 Pour plus d'informations sur l'ANPE, voir: S. BOURAOUI: « L'agence nationale de la protection de
l'environnement: missions et rôle », Revue tunisienne de Droit, 1996, p 57 et suivantes.
279
2.2) L'agence de protection et d'aménagement du littoral (APAL):
Créée en 19951340 et placée sous la tutelle du Ministère de l'environnement et du
développement durable, sa mission principale consiste à assurer l'exécution de la politique de
l'État en matière de protection du littoral et de la préservation du domaine public maritime.
Elle intervient notamment dans:
- La gestion des espaces littoraux et le suivi des opérations d'aménagement notamment par la
veille à la conformité de ces actions avec la législation en vigueur. Elle dispose à ce titre,
d'équipes de contrôle réparties sur le long du littoral chargées d'assurer des inspections
régulières et de relever les infractions à la loi.
- L'élaboration d'études relatives à la protection du littoral, à la mise en valeur des zones
naturelles et au développement des recherches et expertises. Ces tâches sont confiées à des
bureaux d'études nationaux et étrangers et concernent notamment les zones sensibles réparties
sur le littoral tunisien. Ces derniers, sont des sites remarquables sur le plan écologique ou
paysager ou menacés par la dégradation ou l'utilisation irrationnelle1341.
- L'observation de l'évolution des écosystèmes littoraux. Elle est dotée à ce titre, d'un organe
chargé de collecter les informations scientifiques et techniques sur le littoral, l'observatoire du
littoral. Ce dernier dispose de moyens matériels et informatiques ainsi que d'une équipe de
spécialistes chargés de l'élaboration et de la gestion des bases de données fournies par le
personnel de l'APAL ainsi que par les études relatives à la protection du littoral.
- Le nettoyage des plages périodiquement pendant les périodes estivales et occasionnellement
à la suite de pollution tellurique ou pélagique.
L'intervention sur le terrain de ces différentes instances se traduit par un ensemble d'actions
(B).
B) La réparation de la pollution:
Le plan national d'intervention, appliqué par différents protagonistes, est déclenché pour
empêcher la propagation des nappes polluantes (a). Une fois la pollution stoppée, d'autres
actions, matérielles et juridiques sont à entreprendre (b).
1340 En application de la loi n° 95-72 du 24 juillet 1995 portant création d'une agence de protection et de
l'aménagement du littoral, JORT du 1er août 1995, p 1612.
1341 Au nombre de 17, les zones sensibles sont énumérées dans le décret 98-2092 du 28 octobre 1998, JORT du
3 novembre 1998, p 2170 et suivantes.
280
a) Le déclenchement du plan national d'intervention urgente:
Le plan national d'intervention urgente pour lutter contre les pollutions de la mer établit la
politique adaptée pour combattre une pollution massive menaçant le territoire national1342. La
pollution massive est définie comme toute pollution ou menace de pollution qui représente
une complexité ou une gravité telles, qu'il n'est pas possible d'y faire face avec les seuls
moyens ordinaires1343. S'appuyant sur la loi 1996, le plan permet de diriger les efforts des
intervenants en définissant les rôles de chacun (1) dans le cadre d'une opération de lutte contre
une pollution maritime de grande ampleur (2).
281
lutte nationaux et s'assure de leurs disponibilités. Pour des raisons pratiques, cet inventaire
doit être régulièrement mis à jour1348. En outre, la commission établit et actualise les
documents du plan d'intervention1349. Ceux-ci sont nombreux et diversifiés1350 et concernent
aussi bien la mise à jour de l'inventaire du matériel à disposition que la liste des sites à
protéger en priorité ou encore les textes de droit national et international en vigueur. La
commission élabore enfin, un programme de formation assorti d'exercices de simulation de
pollution appliqué par le personnel d'intervention concerné1351.
1.2) Le coordinateur national est une organisation mise en place à l'occasion d'une
pollution, son rôle principal étant de déclencher le plan d'intervention urgente en cas de
pollution de grande ampleur. La qualification de l'ampleur de la pollution reste une
responsabilité de la commission nationale. Dans un premier temps, le coordinateur national
intervient sur le terrain de la pollution pour assurer la coordination entre les différents
intervenants et la mobilisation du matériel nécessaire au blocage de la pollution. C'est
également à lui que revient la décision de mettre fin aux opérations de lutte. Dans un second
temps, le coordinateur national représente l'autorité nationale dans les procédures à mettre en
oeuvre à la suite d'une pollution: il adresse les mises en demeure aux armateurs et assureurs
responsables de la pollution, engage les procédures légales contre les responsables, et établit
les réquisitions, s'il y a lieu1352.
1.4) L'interdépendance entre les espaces terrestres et les espaces maritimes se retrouve
au niveau des autorités administratives chargées de la dépollution de la mer et du littoral, les
1348 Voir article 6 de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
1349 Op. cit.
1350 La liste est dressée dans l'annexe de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
1351 Article 6 de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
1352 Voir article 7 de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
1353 Voir article 14 de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
282
commandements en mer et à terre. Il s'agit d'équipes d'exécution chargées de recevoir les
directives et d'exécuter les instructions des cellules de décisions. Les commandements en mer
et à terre gèrent sur le terrain les moyens humains et matériels mis à disposition des
opérations de lutte et transmettent au fur et à mesure toute information concernant le
déroulement des opérations de lutte au commandement général. Les commandements en mer
et à terre tiennent à cet effet un journal quotidien consacré au déroulement des opérations
servant aussi à l'évaluation de la politique de lutte choisie et des moyens mis à disposition. Le
journal quotidien sert également de rapport comptable. Si le pouvoir de décision n'est pas de
leur ressort, il leur revient, tout de même, de proposer les modifications qu'il estiment
adéquates au vue de l'évolution de la situation.
Le commandement en mer se forme à la suite de chaque pollution maritime contrairement au
commandement à terre dont la formation est conditionnée par le fait que la pollution affecte
ou risque d'affecter le littoral1354.
283
Lors de l'échouement du navire marocain « Al Amine » à proximité de la station thermale de
Korbous le 15 février 2005, entre 100 et 150 tonnes de fuel lourd ont été déversées. Le rapport
de l'enquête sur les causes de l'accident1362 montre que la tempête de ce jour a causé la panne
totale de tous les moteurs. Un plan d'intervention urgente est aussitôt lancé; son objectif est de
limiter l'extension de la pollution dans un premier temps et de dépolluer les côtes atteintes
dans un deuxième.
L'opération de limitation de l'extension de la pollution, menée par les commandements en mer
et terre, a été effectuée le 15 février 2005. Des barges et autres matériels sont impliquées dans
les opérations de lutte contre la pollution en mer. A défaut de machines de pompage, des
bateaux pneumatiques ont été dépêchés pour récupérer le fuel déversé à la surface de l'eau et
contenir la propagation de la nappe. En second lieu, les opérations de dépollution engagées
entre le 16 et le 26 février 2005 ont été effectuées par quelques centaines de personnes
d'origines professionnelles diverses: le personnel de l'ANPE et de l'APAL, de la Marine
nationale, de l'armée, de la protection civile, de la garde nationale, de diverses communes
ainsi que des bénévoles de diverses associations de protection de l'environnement. La fin des
opérations de lutte a été décidée pour le 26 février par le coordonnateur national sous
proposition du commandement général, du responsable des opérations en mer, et de celui à
terre1363.
Le plan national d'intervention n'est activé que dans le cadre de pollution de grande ampleur.
En cas de pollution de faible ampleur, autrement dit de « pollution géographiquement limitée
qui ne nécessite pas le recours à des moyens exceptionnels et qui est combattue sans
déclenchement du plan national d'intervention urgente »1364, c'est un plan réduit en termes
d'intervenants et de moyens matériels qui est mis en oeuvre. On parlera alors de « plan
spécifique d'intervention ». Ce dernier est élaboré par les gestionnaires des ports, des
terminaux pétroliers, des plates formes de prospection et de production pétrolière. Son
objectif est la gestion de pollutions de faibles ampleurs dans les enceintes portuaires ou dans
les environs des plates formes1365. Il s'appuie sur des inventaires des moyens mis à disposition
autant que sur des programmes de formation destinés aux intervenants et prévoit les mesures
techniques à adopter dans le cadre de la lutte ainsi que les procédures de montage des dossiers
1362 Inédit. Une copie est gracieusement fournie par M. Néjib BELMAHRESSIA pour les besoins de ce travail.
1363 Voir: article 18 de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
1364 Article 1 al 2 de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
1365 Article 22 de la loi du 3 avril 1996, op. cit.
284
d'indemnisation des victimes 1366.
Une fois achevé, le plan doit être soumis à l'approbation du Ministère du transport et du
Ministère de l'environnement et du développement durable.
La lutte contre la pollution est suivie par des opérations de nettoyage des éléments
endommagés de l'environnement et d'une enquête décelant les causes de l'accident ayant
généré la pollution (b).
285
l'aide d'un matériel spécifique à cette opération1371. Le nettoyage fin, quant à lui, nécessite
l'intervention d'une entreprise spécialisée disposant de matériel approprié. Les opérations de
nettoyage fin sont très variées. Elles diffèrent selon le type de la substance polluante. On
citera notamment le « criblage par engins spécifiques » qui consiste à épurer à l'aide de
cribleuses la couche superficielle de la plage dans le but de prélever de manière sélective les
déchets et les stocker dans un endroit prévu à cette fin. Parmi les techniques les plus courantes
du nettoyage fin, et dans le cas de pollution par hydrocarbures, existe le « brassage immergé »
qui consiste à rassembler les hydrocarbures piégés dans les sédiments en brassant
énergiquement sous l'eau le substrat à l'aide de jet d'eau. Les hydrocarbures remontent dès lors
à la surface de l'eau et sont récupérés au sein d'un barrage à l'aide de récupérateurs ou
d'absorbants1372.
Le recours au nettoyage fin opéré par des professionnels permet, outre le nettoyage plus
approfondi, la préservation des sédiments propres de la terre et le respect des propriétés
biologiques du milieu. Il est nécessaire lorsqu'il existe un doute sur le fait que la pollution
subie par le milieu puisse avoir un impact néfaste sur les ressources naturelles ou puisse
générer des contaminations chroniques.
Lors de l'échouement du navire marocain « Al Amine » sur les rives de Korbous, les
opérations de nettoyage grossier ont duré dix jours. La collecte manuelle, qui était possible
grâce à une chaîne humaine, était la première technique mise en œuvre. Par la suite, l'assureur
du navire a fait appel à une société française de nettoyage fin, l'entreprise « Le Floch ». Le
gouvernement tunisien a donné son aval pour cette intervention étrangère ce qui pose question
quand à l'existence d'entités tunisiennes compétentes pour ce type de mission1373. Les
opérations de dépollution fine se sont poursuivies au delà de l'été 1374. Par ailleurs, dans le
cadre de la coopération transméditerranéenne, le CEDRE français (Centre de documentation,
de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles de l'eau)1375 a réalisé à la
demande de l'ANPE tunisienne une mission d'expertise technique ayant pour but d'examiner
la sensibilité des sites pollués et d'apporter conseil en matière de technique de dépollution et
des conséquences écologiques de l'accident. Fort de l'expérience acquise suite aux accidents
de l'Erika et du Prestige, le CEDRE a également fourni quelques recommandations quant aux
1371 Barrages flottants, pompes...
1372 Définition donnée par le CEDRE (centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les
pollutions accidentelles de l'eau): http://www.cedre.fr/fr/lutte/lutte-terre/fiche/brassage-immerge.pdf
1373 Ce type d'entreprise n'existe pas en Tunisie: entretien avec N. BELMAHRESSIA, op. cit.
1374 Lettre technique du CEDRE « Mer- Littoral n°1 », 2005, p 4.
1375 http://www.cedre.fr
286
montages des dossiers d'indemnisation des victimes de la marée noire causée par l'accident.
En parallèle avec les opérations de nettoyage une enquête nationale sur les causes, les
circonstances et les conséquences de la pollution est déclenchée (2).
287
- La conclusion du rapport récapitule les causes de l'événement et les actions à entretenir en
vue de prévenir les futurs accidents;
Sont annexées au rapport d'enquête toutes les preuves recueillies par les enquêteurs telles que
les photos, les vidéos ou les enregistrements audio;
Les infractions aux lois ayant causé une pollution maritime permettent de rechercher les
responsables et de les juger ( Chapitre 2).
288
289
290
Chapitre 2 : Les mécanismes de responsabilité :
A des degrés divers et selon des modalités variées, chacun des acteurs d’un système à risque
contribue au niveau de sécurité globale du système en question; en l’occurrence, un navire
traversant la mer et transportant personnes et marchandises. Cette contribution s’effectue par
la gestion du navire et par l’exercice de certaines missions ou responsabilités. Il en résulte que
pour garantir le fonctionnement du système en sécurité, chacun des acteurs est tenu de
s’impliquer dans la prévention des risques. Dans le cas où la prévention n’a pas aboutit, le ou
les acteurs doivent répondre de leurs responsabilités. La responsabilité suppose un préjudice
éprouvé par le demandeur, une faute du défendeur et, enfin, une relation causale qui fait du
préjudice une conséquence de la faute.
Les différents préjudices étant étudiés dans le cadre du précédant chapitre, la présente étude
tentera d’identifier les mécanismes tunisiens de responsabilité à travers l’étude de la
législation nationale ainsi que des dispositions des conventions internationales ratifiées par la
Tunisie puis à travers la jurisprudence. A cet égard, différents acteurs du transport maritime,
différents éléments du facteur humain, sont considérés comme des responsables potentiels. On
traitera au cas par cas les mécanismes de leurs responsabilités en essayant d’établir la relation
entre leur agissements et la survenance du préjudice. On se posera également la question de
savoir si la législation internationale en matière de sécurité et de sûreté a eu une incidence sur
les mécanismes traditionnels de la responsabilité. Il s'agira donc d'une lecture des mécanismes
de responsabilité à la lumière des exigences de la sécurité et de la sûreté maritimes (Section
1). Par ailleurs, les dommages causés par les défaillances de la sécurité et de la sûreté
dépassent les limites des personnes et des biens et affectent l’environnement marin et
terrestre, ce qui peut également engager la responsabilité de certains protagonistes (Section 2).
291
Section 1 : La responsabilité des personnes :
L’alinéa dernier de l’article 131 du CCM1379 stipule que l’armateur est « civilement
responsable des faits ou fautes du capitaine et des membres de l’équipage dans l’exercice de
leurs fonctions respectives ». En matière de responsabilité civile, sera donc examiné, d'une
manière exclusive, le mécanisme de responsabilité de l'armateur. Tout incident ou accident
ayant pour origine une erreur ou un manquement aux obligations de sécurité ou de sûreté
engagera la responsabilité civile de l'armateur même si ce dernier n'y a pas contribué d'une
manière directe (Paragraphe 1). Les choses sont différentes s'agissant de la responsabilité
pénale (Paragraphe 2).
292
transporteur peut être engagée en application de règles internationales ou de la loi nationale
(a). Elle bénéficie, dans tous les cas, de la limitation du montant qu'aurait le transporteur à
régler (b).
1384 Il s'agit de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de
connaissement, modifiée par les protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979.
1385 Il s'agit de la convention des Nations-unies sur le transport international de marchandises adoptée le 18
mars 1978 et entrée en vigueur le 1er novembre 1992 dite Règles de Hambourg.
1386 Une troisième convention, la convention de Vienne du 25 janvier 2009 dite Règles de Rotterdam, entrera
en vigueur après la vingtième ratification.
1387 Abrogé par la loi n° 59-129 du 5 octobre 1959 portant promulgation du CCM, op. cit.
1388 Promulgué par le décret du 15 décembre 1906 portant promulgation du code tunisien des obligations et des
contrats, JORT n° 100 supplémentaire du 15 décembre 1906.
1389 JORT du 12 mai 1942, p 13.
293
Aujourd'hui la matière est régie par le CCM1390. Le transporteur maritime a été défini à
l’article 165 paragraphe 3 du CCM comme étant « la personne par laquelle ou au nom de
laquelle un contrat de transport de marchandises par mer est conclu avec un chargeur ».
Lorsque le chargeur prouve avoir subi un dommage, qui s’est produit entre la prise en charge
de la marchandise par le transporteur et sa livraison au destinataire, le transporteur est déclaré
responsable de ce dommage. Le chargeur n’est pas tenu de prouver le comportement fautif du
transporteur qui a conduit à la survenance du dommage. L’obligation qui pèse sur le
transporteur est donc une obligation de résultat. Le débiteur de cette obligation est
responsable dès que le résultat promis, le transport d'une marchandise, n’est pas atteint1391.
Cette règle législative a été confirmée par la jurisprudence à plusieurs reprises. Dans son arrêt
du 3 mai 2005, la Cour de cassation affirme que « le transporteur est le seul responsable pour
tout dommage survenant à la marchandise »1392. La Cour avait déjà souligné que le
transporteur maritime est tenu d'une obligation de résultat et qu'il est désigné par la loi comme
étant le responsable de la sécurité de la cargaison 1393. Elle avait également affirmé que le
transporteur est tenu d'une obligation de résultat quant à la sécurité de l'expédition dans sa
totalité. Dans les faits, le transporteur avait surchargé le navire de manière à mettre en péril
non seulement la marchandise mais également la vie des personnes à bord1394. La présomption
de responsabilité à la charge du transporteur est, toutefois, atténuée par un certain nombre de
causes d'exonération énumérées à l'article 145 du CCM.
Les situations désignées par cet article sont nombreuses. En dehors des causes exonératoires
classiques telles que le vice caché du navire ou de la marchandise ou encore en cas d'incendie,
certaines causes exonératoires relèvent du domaine de la sécurité ou de la sûreté maritimes et
sont liées au facteur humain:
1. Les faits, négligences ou fautes du capitaine, des marins, du pilote ou de ses propres
préposés, dans la navigation ou dans le maniement d'un navire.
Ces actes auront effet exonératoire dès lors qu’ils recevront la qualification de faute nautique.
Il s'agit d'une faute qui compromet la sécurité du navire et de l'expédition et qui aurait pu être
pareillement commise alors même qu'aucune marchandise ne se serait trouvée à bord du
294
navire1395. Le transporteur maritime peut donc s'exonérer de sa responsabilité en prouvant que
son équipage est composé de mauvais marins, ou qu'ils sont en nombre insuffisant ou qu'ils
sont fatigués… autrement dit, en prouvant une négligence aux exigences de la sécurité
maritime. Contrairement à ce qu'on pourrait penser à première vue, cette disposition ne
constitue pas une défaillance aux exigences sécuritaires. Le transporteur ne sera pas exonéré
de sa responsabilité s'il a également la qualité d'armateur ayant en charge la gestion nautique
du navire en application de l'article 131 du CCM. L'exonération sera effective si le
transporteur n'avait en charge que la gestion commerciale. Mais dans ce cas là, l'armateur qui
gère la gestion nautique sera désigné comme responsable. Dans tous les cas, un responsable
des défaillances sécuritaire est désigné par la loi.
2. Les grèves ou « lock-outs » ou arrêts ou entraves apportés au travail pour quelque cause
que ce soit, partiellement ou complètement. Il s'agit de tout mouvement social qui se
manifeste au travers d'événements internes comme le cas d'un litige entre le transporteur et
l'équipage ou externes comme le blocage des activités économiques portuaires. Ces
événements sont susceptibles d'avoir des répercussions sur l'état de la marchandise et sur la
sécurité et la sûreté d'une manière générale. Néanmoins, la responsabilité du transporteur ne
sera pas engagée. Le juge a eu l'occasion de confirmer cette exonération dans sa décision du
15 octobre 1999. Dans les faits le transporteur n'a pas honoré son obligation quant à la
sécurité de la marchandise transportée en raison de mouvement de grève dans le port
d'escale1396.
295
4. Le déroutement justifié du navire effectué après avis des officiers ou des principaux. Il
arrive que le navire soit dérouté du trajet initialement prévu pour le voyage à la suite d'une
décision prise en collaboration ou après avis des officiers et principaux présents à bord. Ce
changement d'itinéraire peut avoir comme cause les conditions climatologiques, est
généralement décidé dans l'urgence et peut éventuellement créer un risque pour les personnes
et la marchandise. Ce serait le cas d'un itinéraire plus long que celui initialement prévu et pour
lequel l'équipage n'aurait pas les vivres nécessaires. Pourtant, la responsabilité du transporteur
ne va pas être engagée sous condition qu'il prouve qu'il n'était pour rien dans le dommage tel
qu'il s'est produit.
5. Une dernière exception est contenue dans l'article 148 du CCM et concerne les déclarations
inexactes faites par le chargeur quant à la nature ou la valeur de la marchandise transportée.
Dans ce cas, le transporteur n'encourt aucune responsabilité pour les dommages survenus à la
marchandise. Contrairement à l'exception précédente, la jurisprudence est abondante en
l'occurrence. Le juge a eu l'occasion de confirmer à plusieurs reprises que « compte tenu des
fausses déclarations concernant la nature de la marchandise transportée, le transporteur ne
peut pas se voir reprocher une négligence quant aux règles de sécurité »1399.
1399 Décision n° 2356 du tribunal de première instance de Tunis du 23 janvier 2009. La même position est
exposée dans la décision n° 7845 du tribunal de première instance de Sousse du 30 juin 2010 et dans la décision
n° 134 du tribunal de première instance de Zarzis du 4 janvier 2011.
1400 Loi n° 80633 du 28 mai 1980 autorisant l'adhésion de la Tunisie à la convention de Nations-Unies sur le
transport des marchandises par mer, JORT du 30 mai 1980, p 1477.
296
tradition maritime de longue durée ou du moins, restreindre son application ce qui, on le
verra, n'est pas sans poser de problème au niveau de la mise en œuvre des dispositions gérant
la responsabilité du transporteur maritime tunisien. Selon l’article 5 des RH, le transporteur
est responsable tant qu’il n’a pas prouvé qu’il a ou que ses préposés ont entrepris tout ce qui
pouvait éviter le dommage. La convention a grandement ouvert la porte aux possibilités
d’exonération puisqu’il suffit désormais au transporteur de prouver qu’il a fait le nécessaire et
l'habituel pour éviter la survenance du dommage. Et malgré qu'elle n'ait pas opté pour une
responsabilité objective, la convention ajoute, curieusement, deux causes d'exonération à
savoir l'acte d'assistance et de sauvetage maritime et l'incendie1401. Si dans le cas d'assistance
ou de sauvetage l'exonération est absolue, dans le cas d'incendie elle n'est valable que s'il est
prouvé que l'incendie ne résulte pas d'une faute ou d'une négligence du transporteur ou de ces
préposés.
D'un point de vue des règles de la sécurité maritime, cette cause d'exonération pose un
problème. On pense à la situation où un incendie survenu en cours d'expédition a causé des
dommages aux marchandises, aux personnes à bord et probablement à l'environnement. La
sécurité maritime serait donc atteinte et le facteur humain mis en cause. Néanmoins, en
application de l'article 5 des RH, le juge ne désignera pas de responsable. Cet article ne serait
il pas à l'encontre d'une bonne sécurité en mer? D'ailleurs, quelle a été l’attitude du juge
tunisien face à la discordance établie entre d’une part, le CMM et d’autre part les RH?
1401 Voir article 5, paragraphes 4 et 6 des RH. La doctrine estime que ces deux causes d'exonération n'ont pas de
place dans un système fondé sur une présomption de faute. S. MELLOULI: « Aspects actuels de la
responsabilité du transporteur maritime des marchandises », éditions Centre d'études et de recherches et de
publications, Tunis, 1993, p 169.
1402 C’était, entre autres, l’opinion du juge H. BEN FLAH, affirmée in Revue « Jurisprudence et législation »,
éditions de l'Imprimerie officielle de la République tunisienne,1993, p 46 (en arabe littéraire).
1403 Décision du tribunal de première instance de Tunis n° 46789 du 6 mars1975.
297
l’occasion de cette décision le juge précise que pour être exonéré de sa responsabilité, il suffit
au transporteur de démontrer que le dommage causé à la marchandise provient d’une des
conditions d’exonération de l’article 145 CCM. Cette position est confirmée dans l'arrêt de la
Cour de cassation du 21 mai 1998 dans lequel le juge avance que les règles générales du CCM
disposent que le transporteur a une certaine obligation, celle de faire parvenir la marchandise
en bon état au port de déchargement. Il est, également, en obligation d’indemnité si la
marchandise ne parvient pas à bon port ou si elle est endommagée1404. Il s’avère donc que la
Cour de cassation a opté pour une responsabilité basée sur l’obligation de résultat dans le
cadre de laquelle la faute s’opère par l’absence de résultat. Le 25 mars 20031405, le juge de
cassation va plus loin en s’appuyant sur l’article 145 et en ignorant purement et simplement
les RH. Il avance que « le législateur, par le biais de l’article 145 a obligé le transporteur à
garantir tout ce qui atteint la marchandise…sauf cas exonératoire… ». L'ignorance des RH
par la jurisprudence ne concerne pas seulement les dispositions qui gouvernent la
responsabilité. Dans son arrêt du 10 avril 1996, le juge de cassation a même ignoré les règles
qui gouvernent la compétence territoriale contenues dans l'article 21 des RH et a fondé ses
propos sur les dispositions analogues fixées par le Code tunisien des procédures civiles et
commerciales1406.
La jurisprudence tunisienne maintient donc une position constante depuis une cinquantaine
d'années qui affirme la primauté du CCM sur les RH lesquelles ne soutiennent pas les intérêts
du propriétaire de la marchandise. D’ailleurs, la tendance maritime internationale tend vers
une modification de ces règles1407. Dans tous les cas la responsabilité du transporteur maritime
est limitée1408(b).
b) La limitation de la responsabilité:
Initialement prévue au profit quasi exclusif des armateurs propriétaires de navires,
l’institution s’est progressivement ouverte à bien d’autres opérateurs. C’est une règle de
1404 Arrêt de la Cour de cassation n° 53344 du 21 mai 1998, Revue de la Cour de cassation, 1998, p 112.
1405 Arrêt de la Cour de cassation n° 12468 du 25 mars 2003, Revue de la Cour de cassation, 2003, p 234.
1406 Éditions de l'Imprimerie officielle de la République tunisienne, 2010.
1407 Conclusion de H. BEN FLAH, directeur général de l’Institut supérieur de Magistrature lors du séminaire
du 12 février 2004 intitulé « La responsabilité du transporteur maritime ». Depuis, les Règles de Rotterdam (op.
cit) ont été adoptées.
1408 Pour plus d'informations sur le sujet, voir: N. BACH HAMBA: « Indemnisation des pertes du transport
maritime », mémoire de fin de stage d'avocat, 2007, Barreau de Tunis (en arabe littéraire), voir également: Z.
ESKANDAR: « Responsabilité et indemnisation pour pollution de l'environnement », Revue Jurisprudence et
législation, Mars 1993, p 76 et suivantes.
298
responsabilité consistant à fixer par un accord une limite à ce qui est dû1409. Son fondement a
longtemps été discuté. Certains1410 estiment que la justification de la limitation de
responsabilité du transporteur maritime tient au fait que l’expédition maritime est une
association à profits communs dans laquelle chacun n’engage qu’une partie de ses biens, soit
comme limite de ses pertes directes, soit comme limite de ses engagements envers les tiers.
D’autres1411 soutiennent l’idée de l’indépendance du capitaine vis-à-vis de l’armateur. Ce
dernier court de ce fait le risque d’être ruiné par la mauvaise foi du capitaine. Quoi qu’il en
soit, on estime comme le fait la doctrine1412 que le débat s’est déplacé aujourd’hui sur des
points dont l’intérêt concret est évident: quel doit être le montant de la limitation de
responsabilité? Qui doit en bénéficier? Qui doit la subir?
Même si la législation nationale et les RH s'accordent sur le fait que la responsabilité du
transporteur doit être limitée à un certain montant1413, la mise en oeuvre de la limitation de
responsabilité diffère selon qu'il s'agisse du droit national (1) ou du droit international (2).
1) En droit national:
A l'instar de la législation antérieure1414, le CCM a admis le principe de limitation de
responsabilité. L'article 147 CCM dispose que la limitation est fixée à cent dinars par colis ou
unité habituelle de fret sauf en cas de dol ou à moins que la valeur de la marchandise n'ait été
déclarée par le chargeur avant l'embarquement. Un décret de 1990 portera ce montant à quatre
cents dinars1415. La doctrine1416, estime que ce principe de limitation n'arrange pas l'intérêt des
chargeurs quant au montant de la réparation. Ce montant pourrait être dérisoire en fonction de
la nature de la marchandise transportée surtout si la valeur réelle de la marchandise n'a pas été
déclarée avant l'embarquement.
En outre, l'article 147 ne vise comme cas d'exclusion de la limitation de responsabilité que la
faute dolosive du transporteur. Il ne précise pas si la limitation de la responsabilité ne vaut
1409 G. CORNU: « Vocabulaire juridique », op. cit, p 528.
1410 Voir par exemple: R. RODIERE: « Droit maritime », Paris Dalloz, 1996, p 435.
1411 Voir par exemple: G. RIPERT: « Traité de droit commercial », Tome 2, Paris LGDJ, 2004, p 689.
1412 J-P. BEURIER: « Droit maritime », op. cit, p 403.
1413 Sur l'histoire de la limitation maritime, voir, à titre d'exemple: S. MELLOULI:« Aspects actuels de la
responsabilité du transporteur maritime des marchandises », op. cit, p 260 et suivantes.
1414 Le décret du 16 avril 1942 fixait un plafond de réparation limité à 8000 francs anciens par colis ou unité de
marchandise transportée.
1415 Décret n° 90-216 du 20 janvier 1990 portant promulgation de la somme limite de la responsabilité du
transporteur maritime pour les pertes, avaries ou dommages subis par colis ou par unité habituelle de fret de
marchandises, JORT du 2 février 1990, p 158.
1416 S. MELLOULI: « Aspects actuels de la responsabilité du transporteur maritime des marchandises », op. cit,
p 161.
299
plus en cas de faute dolosive d'un des préposés du transporteur. Au vu de ce silence, certains
auteurs1417 se sont dirigés vers le droit commun et ont interprété l'article 245 1418 du COC1419 en
faveur de cette idée. Le transporteur maritime serait donc responsable des actes de ses
préposés et ne bénéficiera pas, par conséquent, d'une limitation de responsabilité. Ceci a
également été la position de la jurisprudence1420 qui a affirmé à plusieurs reprises, et ce depuis
l'arrêt de la cour d'appel de Tunis du 13 décembre 1960, que le dol commis par les préposés
du transporteur élimine le privilège de la limitation de responsabilité pour ce dernier. Pourtant
cette position a longtemps été critiquée par la doctrine qui a souligné son manque de
motivation estimant que l'article 245 pose le principe de la responsabilité du commettant
uniquement dans le cadre de ses relations avec ses cocontractants et que, par conséquent, son
extension au domaine délictuel serait abusive1421.
Quelle serait la meilleure position à adopter au vu des exigences de la sécurité maritime? Il est
certain que pour inciter l'élément humain à oeuvrer pour la sécurité en mer, il faudrait mettre
en jeu ses propres intérêts. Un transporteur sachant par avance que sa responsabilité serait
engagée en conséquence d'une faute ou négligence d'un ou de plusieurs de ses préposés,
prendra en compte lors de leur recrutement le niveau de formation, l'expérience et la
suffisance en nombre. Il veillera, également, au cours de l'expédition aux conditions dans
lesquelles ils travaillent et vivent. En résumé, il prendra en considération les exigences de la
sécurité maritime telles que prévues par les textes spécialisés. On estime donc urgent
l'adoption d'un texte de droit tunisien qui stipule d'une manière directe que le transporteur ne
bénéficie plus de la limitation de responsabilité en cas de faute de ses préposés 1422. Ceci est-il
prévu en application du droit international en la matière?
2) En droit international:
Les « Règles de Hambourg » semblent plus favorables aux chargeurs. L’article 6 dispose que
la responsabilité est limitée sur la base du droit de tirage spécial. Il s'agit d'une unité fictive
1417 S. MELLOULI: « Aspects actuels de la responsabilité du transporteur maritime des marchandises », op. cit,
p 173.
1418 « Le débiteur répond du fait et de la faute de son représentant et des personnes dont il se sert pour exécuter
son obligation, dans les mêmes conditions où il devrait répondre de sa propre faute, sauf son recours, tel que le
droit, contre les personnes dont il doit répondre ».
1419 Op. cit.
1420 Cour d'appel de Tunis, arrêt n° 435 du 13 décembre 1960, Revue Tunisienne de Droit, 1962, p 113.
1421 Voir par exemple: SAMARAN: « De la responsabilité du fait d'autrui en Droit tunisien », Revue tunisienne
de Droit, 1976, p 11 et suivantes.
1422 Pour plus d'informations sur le sujet, voir: S. BELGASMI: « La limitation de responsabilité du transporteur
maritime », mémoire de fin de stage d'avocat, 2007, Barreau de Tunis (en arabe littéraire).
300
dont la valeur est quotidiennement recalculée par le Fonds monétaire international 1423 en se
référant aux monnaies de certains États parties; les grands exportateurs. Même s'il permet à la
marchandise de garder sa valeur d’origine et qu'il représente une meilleure garantie pour le
chargeur en comparaison avec les dispositions nationales en la matière, le droit du tirage
spécial comporte quelques inconvénients. En effet, il met en avant le risque du changement du
court du tirage. D’un autre côté, le destinataire de la marchandise serait obligé de faire un
travail de recherche pour identifier l’unité applicable à la valeur de sa marchandise pour
pouvoir acquérir ses droits. Il encourt, en plus de l’effort à fournir, le risque de retard dans les
délais auxquels il se serait engagé vis-à-vis de ses clients.
La limitation de la responsabilité est écartée dans une seule hypothèse, celle de la faute
lourde1424 définie par les RH comme un fait ou une omission commis par le transporteur ou
par ses préposés avec l'intention de provoquer un dommage.
Au regard des risques de contradiction générés par la possibilité de l'application simultanée du
droit national et des RH, le juge tunisien a opté, encore une fois, pour l’application du CCM.
Ainsi, lors de sa décision du 19 avril 19951425 il a allégué que « l’application de l’article 147
CCM est automatique lorsque la valeur de la marchandise ne figure pas sur le
connaissement »1426. A l’occasion de sa décision du 25 février 1998 1427, le juge a affirmé que
« l’article 147 dispose que la limitation... est à hauteur de 400 D dans le cas où la nature et la
valeur de la marchandise ne sont pas spécifiées dans le connaissement ».
Cette ignorance pure et simple des dispositions des RH par le juge a évolué, depuis, vers une
harmonisation entre les deux textes. Étant donné que l’article 147 du CCM limite la
responsabilité du transporteur à la somme de quatre cents dinars par colis ou par unité
habituelle de fret et que les RH n’ont pas fait de la nature et de la valeur de la marchandise
une condition de fixation de la limitation de responsabilité, le juge de cassation a soutenu lors
de la décision n° 20051 du 19 février 2003 que « La cour a adopté le principe de limitation de
responsabilité vu que le connaissement ne spécifiait ni la nature ni la valeur de la marchandise
et ceci en application de l’article 147 du Code du commerce maritime et de l’article 6 des
Règles de Hambourg étant donné que ces deux articles sont clairs et ne nécessitent ni
1423 Voir à propos de cette institution: D. CARREAU: « Le fonds monétaire international, F.M.I », éditions
Pedone, 2009.
1424 Voir article 8 des RH, op. cit.
1425 Décision n° 35982 du 19 avril 1995 du Tribunal de première instance de Tunis.
1426 La même position a été confirmée à l’occasion de la décision du Tribunal de première instance de Tunis n°
67745 du 14 octobre 1995.
1427 Décision n° 52 535 du 25 février 1998 du Tribunal de première instance de Tunis.
301
explication ni interprétation ». On pourrait considérer, ou pas, que telle est une manière de
concilier les deux textes. En tout état de cause, et au vu des objectifs de cette étude, il est
essentiel de noter que le transporteur maritime est tenu d’assurer la sécurité en mer sous peine
d'engagement de sa responsabilité.
L'obligation de maintenir la sécurité en mer qui pèse sur le transporteur maritime est renforcée
par l'adoption des codes ISM et ISPS1428. Tous deux mettent à la charge de la compagnie
d'armement ou de transport l'élaboration et l'application adéquate de politiques de sécurité et
de sûreté1429. En cas de défaillance, la responsabilité du transporteur est engagée.
Les victimes d'une défaillance de la sécurité ou de la sûreté disposent, désormais, d'un panel
de textes sur la base desquelles la responsabilité du transporteur peut être engagée. Pourtant,
l'étude de la jurisprudence en la matière montre que les victimes des déficiences sécuritaires
du transporteur, généralement les chargeurs, optent toujours pour les « textes classiques » en
la matière, l'article 147 du CCM ou, parfois les RH. La seule exception à cette constatation est
apportée par une affaire récente et qui constituera un premier cas de jurisprudence. Il s'agit de
l'affaire du navire Hannibal II capturé par des pirates somaliens 1430. Une fois libérés, les
marins ont saisi le juge au motif de négligence en matière de sûreté de la part de l'armateur1431.
Cette affaire, toujours devant le juge, ouvre grande la porte à des questions en matière de
sûreté non encore résolues. Au vu de la recrudescence de la piraterie et de l'importance des
sommes des rançons demandées par les pirates, l'armateur devrait-il être soutenu par l'État
dans le paiement des rançons? En outre, la responsabilité de l'armateur en la matière ne peut
elle pas être assortie d'exceptions? Le juge soulignera-t-il la nécessité de créer un fonds
spécial pour les victimes des actes de piraterie au vu de l'importance des sommes des
rançons? Le jugement attendu répondra très probablement à toutes ces interrogations.
Même s'il n'a pas la qualité de transporteur maritime, l'armateur ayant en charge la gestion
nautique du navire peut voir sa responsabilité engagée (B).
302
a) La responsabilité de l'armateur telle que prévue par la législation tunisienne:
Bien que la gestion nautique et la gestion commerciale du navire soient très souvent réunies
dans la même personne ou entreprise1432, le droit tunisien a choisi d'établir un régime juridique
distinct pour chacune de ces fonctions. Ainsi, si l'armateur du navire n'était pas responsable de
la gestion commerciale, autrement dit de l'accomplissement du voyage, et ne se charge que de
la gestion nautique du navire, ce sont les articles 131 du CCM1433 et 125 du CTM1434 qui
s'appliqueront quant à sa responsabilité civile (1). Au même titre que le transporteur,
l'armateur ayant en charge la gestion nautique du navire bénéficie de la limitation de la
responsabilité à un certain montant (2).
303
la survenance d'un incident de sécurité ou d'une mauvaise garde de la marchandise
transportée. C'est ce qui a été confirmé par le juge de cassation à l'occasion de son arrêt du 9
mars 20051435. Dans les faits le marin chargé de la surveillance de la marchandise n'a pas pu
honorer ses obligations quant aux consignes spéciales de sécurité de la marchandise
transportée ce qui a conduit à sa perte. Il est à noter que la jurisprudence en la matière n'est
pas abondante étant donné que l'armateur ayant en charge la gestion nautique a souvent, en
plus, la qualité de transporteur, ce qui fait que le juge fonde sa décision sur la base de l'article
145 du CCM établissant la responsabilité du transporteur maritime dans le droit national.
Quoi qu'il en soit, la responsabilité de l'armateur telle qu'établie par la législation tunisienne a
fait l’objet d’une critique de la part de la doctrine1436 qui l'estime rigide. Néanmoins, les
dispositions en la matière se marient bien, aujourd’hui, avec les exigences d’une sécurité sans
faille pour la marchandise et les personnes et constitue une conséquence logique des
obligations de sécurité à la charge de l’armateur. Par ailleurs, elles renferment une certaine
logique. La désignation du responsable d'un incident de sécurité conduit à la fixation, par le
juge, d'indemnités à verser aux victimes de l'incident. Les sommes de ces indemnités étant
généralement élevées, le capitaine ou le marin, personnes physiques, peuvent s'avérer
insolvables en comparaison avec l'armateur représenté, très souvent, par des entreprises.
L'objectivité de la responsabilité de l'armateur est atténuée par le principe de limitation de
responsabilité (2).
304
La limitation telle qu'établie par ces dispositions profite à tout armateur et inclut tout type de
navires commerciaux. Elle couvre tous les faits, actes et engagements pour lesquels l'armateur
pourrait être désigné responsable, y compris les actes et engagements de ses préposés. Cette
règle qui vient atténuer la responsabilité objective de l'armateur trouve une limite. Elle ne peut
être invoquée s'il est prouvé que le dommage résulte d'une faute inexcusable, autrement dit
d'un fait ou d'une omission commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis
témérairement et avec conscience qu'un tel dommage résulte ou résulterait probablement 1438.
Le bénéficiaire prétendant à la limitation doit demeurer personnellement irréprochable.
Généralement, la faute inexcusable conduisant à une déchéance du droit à la limitation de
responsabilité et qualifiée par la doctrine1439 de « sésame indispensable à la réparation
intégrale des préjudices des victimes » est retenue sans difficultés par les juges maritimes
lorsque les conditions légales sont réunies. Ainsi, la jurisprudence anglaise a considéré la
négligence d'un armateur ayant omis de vérifier que le capitaine du navire utilise bien des
cartes marines non périmées comme étant une faute inexcusable1440. L'étude de la
jurisprudence tunisienne est sans appel. Le juge n'a pas encore eu l'occasion de qualifier de
faute inexcusable la négligence des obligations de l'armateur relatives au facteur humain.
Toutes les fautes retenues relevaient du domaine technique. A été ainsi qualifiée de faute
inexcusable, à titre d'exemple, l'absence de sérieux dans l'entretien des équipements du
navire1441.
Pour assurer aux dispositions de la sécurité maritime une application et une pérennité, ne
serait il pas préférable de penser à mettre fin à la limitation de la responsabilité? En effet, la
limitation n'incite pas les armateurs à faire un choix de qualité lors par exemple, du
recrutement des marins et ce d'autant plus que leur responsabilité est couverte par les
assurances. De ce point de vue, l'assurance elle-même peut et devrait être transformée en
instrument de responsabilisation, afin de ne pas être conçue, comme une sorte d'achat de droit
aux fautes. Dans ce sens, on estime qu'élever le montant des assurances serait le bienvenu1442.
L'adoption des codes ISM et ISPS1443 qui renforcent le principe de responsabilité de l'armateur
(b) ne viennent pas bouleverser les règles de la limitation de cette responsabilité.
305
b) Les incidences des codes ISM et ISPS:
Dans le même esprit que la législation tunisienne, le code ISM désigne l’armateur comme le
responsable de la sécurité et de la santé de tous les gens de mer à bord du navire. L’article 1.3
met à la charge de l’armateur l'adoption d'une politique adéquate de sécurité et de santé des
gens de mer conformément aux législations nationale et internationale et la fourniture des
moyens nécessaires à l’exécution de cette politique. La politique et le programme doivent
fixer la responsabilité de toutes les parties1444. L’armateur doit également procéder à des
enquêtes sur tous les accidents et quasi-accidents, analyser leur causes profondes et le cas
échéant en tirer un enseignement pour l’ensemble de la compagnie maritime1445.
En matière de transport de marchandises, l'application du code ISM affecte de manière
sensible les obligations de l’armateur. En cas de pertes ou de dommages à la marchandise
transportée, la diligence raisonnable de l'armateur sera appréciée selon un test à deux niveaux:
tout d'abord on évaluera le contenu de sa politique de sécurité pour déterminer s'il est capable
de remplir sa fonction, ensuite on regardera l'application effective de cette politique, c'est-à-
dire les mesures concrètes mises en œuvre pour atteindre cet objectif. Toute défaillance à
satisfaire l'une ou l'autre de ces exigences pourrait créer d'énormes difficultés pour prouver
l'exercice d'une diligence raisonnable par l’armateur.
De son côté, le code ISPS même s'il ne transforme pas d'une manière appuyée le mécanisme
de responsabilité de l'armateur tel qu'arrêté par le code ISM, désigne ce dernier comme étant
le responsable principal de la sûreté en mer chargé d'établir et de mettre en oeuvre une
politique de sûreté1446.
Ainsi, la responsabilité civile de l'armateur peut être recherchée à plusieurs niveaux et en
application de différents textes d'origine nationale ou internationale. La responsabilité pénale
de l'armateur peut, également, être engagée au même titre que celle d'autres éléments du
facteur humain ( Paragraphe 2).
306
Paragraphe 2 : La responsabilité pénale :
Divers textes fondent la responsabilité pénale de l'armateur (A) et de l'équipage (B) en cas de
non accomplissement de leurs obligations en matière de sécurité et de sûreté ou en cas
d'infraction à la loi.
a) En matière de sécurité:
L'armateur est tout d'abord responsable de ses propres omissions ou manquement à ses
devoirs. A titre d'exemple, il pèse sur l'armateur de fournir la nourriture nécessaire à
l'ensemble de l'équipage et pour toute la durée de l'expédition. Lorsque ce dernier ignore cette
obligation et oblige les marins à dépenser leurs salaires dans le but de se nourrir, il est puni
d'une amende de 700 DT portée au double en cas de récidive1447. Au vu du caractère
indispensable de la nourriture pour l'être humain, il est aisé de conclure qu'un marin ne
disposant pas de la nourriture suffisante ne serait pas à même d'accomplir sa mission et met
très probablement la sécurité de l'expédition en péril. Mais la sanction prévue par le
législateur paraît très modeste en comparaison avec le risque créé. Il aurait été intéressant de
savoir l'avis du juge national par rapport à une telle disposition. Seulement, il n'existe pas de
jurisprudence en la matière. Nous avons déjà eu l'occasion de le souligner1448, les litiges entre
l'armateur et l'équipage se soldent très souvent à l'amiable avec l'intervention de l'autorité
maritime.
En dehors de cette disposition et d'une manière générale, l'armateur est puni d'une amende de
300 DT pour chaque infraction constatée aux dispositions du CTM notamment en ce qui
concerne les conditions de vie et de travail des marins 1449. Ainsi, engager un équipage en
nombre insuffisant et mettre en danger la sécurité de toute l'expédition n'est punissable que de
300 DT. Encoure une fois, on ne peut que souligner la légèreté des sanctions par rapport aux
risques encourus. Une nuance est, toutefois, apportée par l'article 8 de la loi portant
307
organisation de la marine marchande1450 qui oblige l'armateur à « disposer des moyens
matériels devant lui permettre de faire face à ses engagements ». En cas d'infraction à cette
disposition, il est puni d'une amende allant de 5000 à 50 000 DT portée au double en cas de
récidive1451. Dans le cas où l'armateur est une personne morale, ces peines sont applicables à
titre personnel à son représentant légal1452. Même si à travers cette disposition le législateur
semble accorder plus d'importance à l'obligation de satisfaire aux exigences réglementaires en
prévoyant des sanctions assez conséquentes, il est à noter que ces dernières ne concernent que
les défaillances matérielles. Les demandeurs ne pourront pas tirer parti de cet article devant le
juge pour motif de nombre insuffisant de l'équipage à titre d'exemple. Encore une fois, une
révision de la législation en la matière s'impose.
En outre, la responsabilité pénale de l'armateur est engagée du fait de la faute ou de la
négligence de l'équipage. Lorsque cette négligence conduit à une avarie d'un appareil du
navire et qu'il s'avère que l'armateur est directement responsable de cette avarie par les ordres
donnés au marin, l'armateur est puni de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 300
DT ou de l'une des deux peines1453. Cela étant, cette disposition ne s'applique pas lorsque
l'armateur est également le propriétaire du navire. Dans ce cas là, il se charge simplement de
la réparation de l'avarie. Le fait que, jusqu'à présent, tous les armateurs tunisiens sont
propriétaires des navires qu'ils exploitent explique que le juge national ne s'est pas encore
prévalu de cet article.
La douceur des peines en matière de défaillance à la sécurité trouvera-telle une limite dans le
domaine de sûreté (b)?
b) En matière de sûreté:
L'armateur est puni pour toute personne irrégulièrement embarquée ou débarquée d'une
amende de 25 à 200 DT selon la taille du navire 1454. Si la personne embarquée est un passager
clandestin, l'armateur est passible d'une amende de 300 DT portée au double en cas de
récidive1455. Ces dispositions n'empêchent pas l'application des mesures prévues par la loi
2004-6 du 20 janvier 2004 relative aux passeports et aux documents de voyage1456 qui prévoit
1450 Loi n° 95-33 du 14 avril 1995, portant organisation des professions de la marine marchande, JORT du 18
avril 1995, p 731 et suivantes.
1451 Article 17 de la loi portant organisation de la marine marchande, op. cit.
1452 Article 18 de la loi portant organisation de la marine marchande, op. cit.
1453 Article 88 du CDPM, op. cit.
1454 Article 62 du CDPM, op. cit.
1455 Article 76 du CDPM, op. cit.
1456 Op. cit.
308
des peines allant de trois ans d'emprisonnement et de huit milles dinars d'amende jusqu'à vingt
ans d'emprisonnement et cent mille dinars d'amende suivant la gravité de l'infraction et la
qualité de son auteur1457. La majorité des peines prévues par la loi est portée au double en cas
de récidive1458. La responsabilité pénale pour embarquement de clandestin est donc passée par
deux périodes: une première période avant la loi du 20 janvier 2004 et une seconde après son
entrée en vigueur. Les peines prévues pendant la première période n'étaient pas très
conséquentes, en tous cas en comparaison avec celles prévues par la suite. Dans un deuxième
temps, l'adoption de la loi de 2004 est une réponse à la recrudescence du phénomène de
l'immigration clandestine dans les zones maritimes sous juridiction tunisienne1459. Le choix
quant aux peines, qui semblent assez importantes, est certainement dû à une volonté du
législateur de combattre l'immigration clandestine qui représente une atteinte à la loi1460.
D'une manière générale, quelle que soit l'infraction à l'encontre de la sûreté commise par
l'armateur, si le juge estime qu'il s'agit d'une infraction terroriste, la peine initialement prévue
pour l'infraction sera multipliée par 10 tel qu'en dispose l'article 8 de la loi 2003-75 du 10
décembre 2003 relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à
la répression du blanchissement d'argent1461. Aucun cas de « terrorisme maritime » n'a été
examiné par le juge national pour le moment.
Contrairement à ce qui est prévu sur le plan civil, en matière disciplinaire et pénale, l'équipage
répond de ses propres actes et négligences (B).
309
capitaine (1). Sa responsabilité pénale peut être recherchée en cas d’infraction touchant la
police intérieure du navire et en cas d’infraction aux règles de navigation en mer (2). Ne
seront retenus dans le cadre de cette analyse que les infractions ou les manquements liés à la
sécurité ou à la sûreté en mer.
310
- Enfin, l'article 48 du CDPM dispose qu' : « Est puni d'un emprisonnement de six mois tout
capitaine qui s'est trouvé en état d'ivresse à bord de son navire… Le double de peine est
prononcé contre tout capitaine qui s'enivre habituellement… ». Il importe peu que l'état
d'ivresse ait eu lieu pendant le service ou pendant le temps du repos du capitaine car dans tous
les cas, la sécurité du navire peut être en danger. Cela étant le juge n'a prévu le maximum de
peine que lorsque le capitaine se trouvait en état d'ivresse pendant son temps de travail 1468.
Ceci a été le cas, à titre d'exemple, dans une décision rendue par le tribunal de première
instance de Sfax en noembre 2008. Dans les faits le navire conduit par un capitaine en état
d'ivresse a percuté un navire de pêche dans les eaux territoriales ce qui a causé des dommages
matériels conséquents1469.
311
navigant de la douane qui a remis le capitaine au autorités judiciaires1474.
Sa responsabilité pénale en matière de sûreté couvrant également la marchandise, le capitaine
qui détruit frauduleusement la totalité ou une partie de la cargaison encourt une peine de dix
ans de travaux forcés1475. Il en est de même s'il a vendu la marchandise pour son propre
compte1476. La recherche jurisprudentielle en l'occurrence n'a pas abouti.
Enfin, lorsque une infraction à l'ordre ou à la sûreté est commise par une autre personne et que
le capitaine refuse d'accomplir les formalités administratives à sa charge dans de pareils cas et
d'assurer le transport du prévenu aux autorités compétentes, il encourt une peine de 700
DT1477. S'il y a eu évasion ou complicité, les articles 146 à 149 du code pénal s'appliquent.
Ceux-ci prévoient une peine d'emprisonnement allant de 1 à 5 ans selon le cas. Ces
dispositions ont eu à s'appliquer dans une affaire examinée par le juge de première instance de
Tunis. Dans les faits, un navire a pris feu pendant son escale dans le port de la Goulette. A
l'origine de l'incident un acte délibéré d'un marin avec l'assentiment du capitaine. Le juge a été
saisi suite à une demande de l'armateur. Le capitaine a été inculpé pour complicité. Une peine
de 3 ans d'emprisonnement a été prononcée à son encontre1478.
Le niveau des sanctions s'affaiblit considérablement s'agissant des infractions aux règles de
sécurité. Ainsi, si le capitaine ne se conforme pas aux dispositions du CTM notamment en ce
qui concerne les conditions de vie et de travail des marins, il sera puni d'une amende de 300
DT pour chacune des infractions constatées1479. Rappelons le, il s'agit là de la même peine
prévue à l'encontre de l'armateur pour la même infraction. Les mêmes remarques
précédemment évoquées sont, encore une fois, valables. Le montant de la peine semble
dérisoire en comparaison avec les dommages que pourrait causer un équipage travaillant et
vivant dans des conditions non convenables et en comparaison avec ce que prévoit certaines
législations étrangères en la matière1480.
Responsable direct de la sécurité et de la santé des marins, le capitaine qui abandonne à terre
un marin malade ou blessé sans lui procurer les moyens de se soigner est puni d'une amende
312
de 300 DT et d'un emprisonnement de 3 mois ou de l'une des deux peines 1481. On regrettera à
cet égard que le juge national n'ait pris en considération que l'amende en écartant la possibilité
d'emprisonner le capitaine lorsque celui-ci a abandonné un marin atteint d'une grippe au port
de Gênes avant de reprendre route vers la Turquie. Le juge a estimé que les conséquences de
cette infraction sur l'état de santé du marin n'était pas telles qu'il faudrait priver le capitaine de
sa liberté1482. On estime que ce jugement ne reflète pas l'importance que doit accorder le
capitaine et aussi l'armateur à l'état de santé des marins. Dans le même registre, celui de la
sécurité et de la santé des personnes, lorsque le capitaine ne prête pas assistance à toute
personne trouvée en danger, il est passible d'une peine d'emprisonnement de 5 ans et d'une
amende de 1000 DT ou de l'une des deux peines, si cette assistance ne mettait pas en danger
sérieux le navire ou l'équipage1483.
En matière de sécurité du navire, l'article 79 qui concerne le manquement aux règles
prescrites pour prévenir l'abordage sanctionne le capitaine d'une amende de 200 DT et d'un
emprisonnement de trois mois ou de l'une des deux sanctions. Si ce manquement a conduit à
un échouement ou abordage ou à une avarie grave, l'amende sera augmentée à 300 DT et
l'emprisonnement à six mois1484. Lorsqu'on pense à l'importance des dégâts matériels et
humains que pourrait générer un abordage ou un échouement on ne peut que qualifier
l'amende prévue de minime surtout qu'elle peut ne pas être cumulée avec la peine de prison
prévue. Responsable de la sécurité du navire, lorsque celui-ci est en danger et qu'il décide de
l'abandonner sans l'avis de ses officiers, le capitaine encourt un emprisonnement de six
mois1485. S'il décide d'abandonner le navire sans organiser le sauvetage de l'équipage, le
capitaine encourt une peine d'emprisonnement de deux ans1486. On remarquera ici que le
législateur n'a pas prévu d'amendes pour ce type d'infraction. Seules des peines privatives de
liberté sont prévues malgré l'importance des pertes financières pour l'armateur et le chargeur
que peut causer un abandon du navire. Certains estiment que les peines d'emprisonnement
importantes sont plus à même de dissuader le capitaine à abandonner le navire dont il a le
commandement; c'est peut être la raison pour laquelle la recherche jurisprudentielle en la
matière a été vaine1487.
313
D'une manière générale et afin d'insister sur le caractère capital du respect des règles de
sécurité, le législateur devrait revoir à la hausse plusieurs de ces peines. Cette remarque est
elle valable s'agissant des peines prévues en matière de responsabilité disciplinaire et pénale
des marins (b)?
314
travaux forcés1493. Le juge a eu l'occasion d'examiner des affaires où la négligence ou le
manquement du marin a conduit à des dommages et a estimé que « sur la base du
manquement du marin à son devoir de surveillance qui a conduit à l'avarie de la machine, il
sera redevable de la somme de 300 DT à l'armateur »1494. Dans les faits, le marin inculpé a
failli à son devoir d'entretien d'un appareil de la machine du navire.
Par ailleurs, l'absence irrégulière de son poste entraîne à tout marin affecté à un poste de garde
ou de sécurité une sanction de six mois d'emprisonnement 1495. En confrontant ces dispositions
à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen 1496 on se
retrouve devant une illogique juridique. En effet, l'article 11 alinéa 2 de la Déclaration dispose
que « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui au moment où elles ont été
commises ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international ».
L'absence d'un lieu de travail ne constitue pas selon la législation nationale un délit géré par le
droit pénal. L'article 28 CDPM le qualifie pourtant ainsi. Ceci est dû à notre avis à
l'importance des engagements économiques dont dépend le départ du navire à l'heure.
D'ailleurs, la même qualification est prévue pour cette infraction en droit comparé1497.
D'autres faits commis à bord et susceptibles de nuire au fonctionnement du navire ou à l'ordre
à bord sont sanctionnés par la loi. Il en est ainsi du refus d'obéir au commandement dans le
cadre de son travail1498, de l'ivresse pendant le quart1499, ou encore de la violence commise à
bord1500. Dans une affaire examinée par le juge de première instance de Tunis il a été noté que
« Vu que l'ivresse conduit à la perte de conscience et empêche, de ce fait, le marin d'accomplir
la mission pour laquelle il était engagé... » le marin est condamné à une peine
d'emprisonnement de 6 mois. Dans les faits, un officier chargé du quart a failli à son devoir de
veille du fait de l'état d'ivresse dans lequel il se trouvait et qui a conduit au heurt d'un autre
navire ce qui a généré des pertes matérielles pour les deux bâtiments entrés en collision1501.
315
D'une manière générale, toute faute de nature à nuire à la sécurité du navire est considérée
comme étant une faute grave contre la discipline1502 et entraîne une peine de six mois
d'emprisonnement1503. D'autres fautes ayant rapport avec la sécurité ou la sûreté du navire ont
la qualification d'infractions pénales (2).
2) La responsabilité pénale:
La responsabilité pénale du marin est engagée lorsqu'il commet une infraction qui affecte la
sûreté ou la sécurité du navire ou des personnes. Cela étant, l'importance des peines prévues
diffèrent notablement selon qu'il s'agisse d'infraction à la sûreté ou d'infraction à la sécurité.
Ainsi, s'il n'est puni que d'une amende de 100 DT et d'un emprisonnement de deux ans ou de
l'une de ces deux peines lorsqu'il détériore ou vend un objet utile à la navigation ou à la
sécurité du navire1504 et qu'il n'encourt qu'une amende de 700 DT lorsqu'il prend indûment le
commandement d'un navire1505, la valeur des peines est clairement renforcée lorsque
l'infraction touche à la sûreté. Ainsi, si le marin participe au crime commis par le capitaine et
consistant à s'emparer du navire par violence ou fraude, il sera puni de la peine de travaux
forcés à perpétuité1506. Dans le cas où il livre ce navire à l'ennemi, il est puni de la peine de
mort1507. Lorsqu'il perd ou détruit volontairement et dans une intention criminelle un navire, le
marin encourt une peine d'emprisonnement de 5 ans et une amende de 3000 DT1508. On
remarquera qu'au même titre que les peines prévues pour les infractions de sûreté commises
par l'armateur ou le capitaine, les peines qu'encourt le marin pour atteinte à la sûreté sont
assez conséquentes. Ceci a certainement pour origine l'importance qu'accorde le législateur à
la sécurité et à l'ordre publics.
Pour ce qui est de la sûreté des personnes, l'article 43 qui concerne l'emploi de substances
toxiques mélangées aux vivres ou boissons dispose que lorsqu'un marin altère les vivres en y
mélangeant des substances toxiques, il encourt une peine de 5 ans d'emprisonnement1509. S'il
s'en suit une maladie pour un membre de l'équipage, la peine est fixée à 10 ans de travaux
316
forcés1510. En cas de mort, l'auteur du crime encourt 20 ans de travaux forcés 1511. Dans le
même registre, lorsqu'il est impliqué dans « un complot ou dans un attentat contre la sûreté, la
liberté ou l'autorité du capitaine » le marin est puni d'un emprisonnement de 10 ans s'il s'agit
d'un officier ou d'un maître et de 5 ans pour les autres marins1512.
Le juge tunisien n'a pas encore eu à statuer pour des affaires impliquant un marin et affectant
de cette matière la sûreté sauf pour ce qui est de l'immigration de passagers illégaux. En la
matière le législateur prévoit une amende de 300 DT portée au double en cas de récidive à
l'encontre du marin qui favorise l'embarquement ou le débarquement d'un passager
clandestin1513. L'amende a été prononcée à quelques reprises par le juge national notamment à
l'encontre de marins embarqués pour une traversée liant la Tunisie à la rive sud de l'Europe1514.
Les déficiences du facteur humain ne créent pas de risque uniquement pour le navire, la
marchandise ou les personnes. Elles atteignent également l'environnement naturel et engagent
la responsabilité des auteurs de ces déficiences (Section 2).
317
Section 2 : La responsabilité pour pollution :
A) La responsabilité civile:
Le transport pétrolier est le premier segment, en termes de volumes d'échanges, du secteur du
transport maritime de marchandises dans le monde. Ce type de transport constitue un risque
pour l'environnement lié à la possibilité du déversement accidentel en mer. Trois conventions
adoptées sous l'égide de l'OMI organisent l'indemnisation des dommages résultant de
pollutions marines par hydrocarbures. Il s'agit de la convention internationale sur la
responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures de 1969, ( dite
convention CLC)1516 modifiée par un protocole de 19921517 (a), de la convention internationale
318
portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution
par les hydrocarbures (convention FIPOL) de 19711518 modifiée par le protocole de 19921519
(b) et de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures de soutes (c)1520.
a) La convention CLC1521:
La convention vise les dommages générés par la pollution du territoire, de la mer territoriale
ou de la zone économique exclusive d'un État partie1522. Elle canalise toute la responsabilité en
matière de pollution par hydrocarbures sur le propriétaire du navire1523. Ni le chargeur, ni
l'affréteur, ni le propriétaire de la cargaison ne peuvent être recherchés par les victimes des
dommages dus à la pollution. Il s'agit d'une responsabilité objective, dont le propriétaire ne
peut s'exonérer que dans des cas exceptionnels tels que l'acte de guerre, l'insurrection et le
dommage résultant en totalité de la négligence des autorités publiques chargées de la
circulation maritime1524. Lorsque sa responsabilité est établie, le propriétaire du navire doit
réparer les dommages survenus et verser des indemnités aux victimes de la pollution.
En contrepartie de la responsabilité objective qui pèse sur lui, le propriétaire du navire est en
droit de limiter sa responsabilité, en fonction du tonnage du navire 1525. Afin de bénéficier de
cette limitation, le propriétaire doit créer un fonds s'élevant à la limite de sa responsabilité
auprès du tribunal soit par le dépôt de la somme, soit par la présentation d'une garantie
bancaire1526. L'éventuelle importance des sommes que devrait le propriétaire fait qu'il lui
revient de souscrire à une assurance ou à toute autre garantie financière pour couvrir sa
responsabilité pour dommage de pollution chaque fois qu'il a à transporter 2000 tonnes ou
plus d'hydrocarbures1527. Toutefois, la limite maximale de la responsabilité du propriétaire du
1518 Entrée en vigueur en Tunisie en application de la loi n° 76-16 du 21 janvier 1976, autorisant l'adhésion de
la Tunisie à la convention internationale portant création d'un fonds international d'indemnisation des dommages
dus à la pollution par hydrocarbures, JORT du 20 au 23 janvier 1976, p 164.
1519 En application de la loi n° 96-98 du 18 novembre 1996, autorisant l'adhésion de la République tunisienne
au protocole de 1992 modifiant la convention internationale de 1971 portant création d'un fonds international
d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures, JORT du 22 novembre 1996, p 2319.
1520 Signée à Londres le 23 mars 2001 et entrée en vigueur le 21 novembre 2008. Elle est ratifiée par la Tunisie
en application de la loi n° 2010-67 du 28 décembre 2010, portant approbation de l'adhésion de la République
tunisienne à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par hydrocarbures de soute, JORT du 31 décembre 2010, p 3888.
1521 Le texte de la convention est publié par le DMF, 1970, p 746.
1522 Article II de la convention CLC telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
1523 Voir article III. 1 de la convention CLC telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
1524 Article III. 2 de la convention CLC telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
1525 Voir article V de la convention CLC telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
1526 Article V. 3 de la convention CLC telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
1527 Article VII. 1 de la convention CLC telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
319
navire tel que fixée par la convention CLC a une certaine limite1528 et les indemnités dues au
titre de cette convention sont bien loin de couvrir le coût réel des pollutions d'où la nécessité
de créer le fonds FIPOL (b).
b) La convention FIPOL1529:
Un deuxième niveau de responsabilité a été défini par la convention internationale portant
création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les
hydrocarbures, la convention FIPOL. Il s'agit d'une prolongation de CLC. Toutes les deux
sont « en relation d'étroite complémentarité et forment un bloc unitaire bien que soit
cependant admise la possibilité pour les États d'être uniquement membres de la convention de
Bruxelles sur la responsabilité civile »1530. Le FIPOL constitue donc le second stade
d'indemnisation des victimes d'une pollution. Il intervient en cas de défaillance du propriétaire
du navire ou après épuisement du plafond de la responsabilité de celui-ci1531.
Le montant maximal des indemnisations versées par le fonds tel que fixé par le protocole de
1992 est de 135 millions de DTS1532 ( soit approximativement 250 millions d'euros) jusqu'en
1er novembre 2003, date de modification du protocole qui a porté le montant d'indemnisation
à 203 millions de DTS ( soit approximativement 235 millions d'euros) 1533. Ce montant
maximal comprend la somme effectivement versée par le propriétaire du navire ou son
assureur en vertu de la convention CLC. Les dépenses indemnisables par le fonds doivent
effectivement avoir été encourues et causées par la contamination. Il s'agira généralement des
frais résultant des opérations de nettoyage et des dommages à des biens. Il peut aussi s'agir de
préjudices économiques consécutifs à la pollution tels que la perte d'exploitation. Certains
avaient noté qu'« il convient certes, de constater l'amélioration qu'apportent les derniers
protocoles au système d'indemnisation. Mais même ainsi, certaines catastrophes majeures
risquent d'échapper aux limites prévues et de dépasser le plafond1534 ». C'est pour cette raison
que la doctrine avait suggéré la mise en place d'un système d'indemnisation illimité
1528 Le propriétaire répond des dommages de pollution jusqu'à 133 DTS (Droits de tirage spéciaux) ( environ
160 euros) par tonneau de jauge.
1529 Texte in « La responsabilité civile et l'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les
hydrocarbures: textes des Conventions de 1992 et du protocole portant création du Fonds complémentaire »
éditions FIPOL, 2005.
1530 L. LUCCHINI: « Le renforcement du dispositif conventionnel de la lutte contre la pollution des mers »,
J.D.I, 1974, p 781.
1531 Voir article 4.1 de la convention FIPOL telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
1532 La somme n'était que de 13 millions de DTS en application de la convention FIPOL de 1971.
1533 Voir article 4.4 de la convention FIPOL telle que modifiée par le protocole de 1992, op. cit.
1534 A. KISS, J-P. BEURIER: « Droit international de l'environnement », éditions Pedone, 2010, p 130.
320
permettant une réparation adéquate des préjudices et une indemnisation équitable des
victimes1535.
De son côté, la Commission européenne avait proposé de relever d'une manière notable le
plafond d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures dans les
eaux européennes par la création d'un fonds régional, le fonds COPE1536. Il était prévu que le
plafond d'indemnisation atteigne un milliard d'euros. Le refus du projet par le Conseil
européen n'a pas permis au fonds de voir le jour mais la proposition de la Commission fut à
l'origine de l'adoption en mai 2003 d'un Protocole à la convention FIPOL instaurant un fonds
complémentaire d'indemnisation dont l'adhésion ouverte à toutes les parties à la convention
FIPOL est facultative1537. Le plafond d'indemnisation est désormais fixé à 750 millions de
DTS (870 millions d'euros approximativement) 1538.
Le FIPOL en tant qu'organisation internationale a pour mission de collecter les contributions
des États contractants, de gérer les fonds reçus et de régler les indemnités en cas de pollution.
En pratique, chaque État partie perçoit une taxe parafiscale prélevée sur chaque tonne de
produit pétrolier reçue ou déchargée dans les ports de cet État1539. De ce fait, c'est l'industrie
pétrolière qui finance de manière indirecte le fonds. Le FIPOL constitue en quelque sorte une
forme d'instrument de responsabilisation des sociétés pétrolières en tant qu'affréteurs. Sachant
que le FIPOL prend à sa charge 55% du total des indemnités versées aux victimes, il s'avère
que l'industrie pétrolière est plus redevable que le propriétaire du navire en termes
financiers1540.
Le système d'indemnisation actuel présente à notre sens, deux grandes carences: La prise en
compte lacunaire du dommage à l'environnement et la canalisation de la responsabilité sur le
propriétaire du navire.
1535 Antoine VIALARD avait imaginé un système d'indemnisation illimitée que permettrait une modification de
la convention du FIPOL permettant de créer ce qu'il appelle le FIIIPOL lors de son intervention à l'AFDM
intitulée: « Faut-il réformer le régime d'indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures » in DMF,
avril 2003, p 435 et suivantes.
1536 Voir proposition de règlement du parlement européen et du conseil relative à la mise en place d'u Fonds
d'indemnisation pour ls dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes: COM
2002/0313/final- COD 2000/0326.
1537 La Tunisie n'y a aps adhéré.
1538 Voir à ce propos: M. NESTEROWICZ: « An economic analysis of compensation of oil pollution damage:
recent developments in respect of international oil pollution compensation Funds », Journal of maritime law and
commerce, octobre 2006, p 4 et suivantes.
1539 Voir article 10 de la convention de FIPOL telle que modifiée par le protocole de 1992 Sur le
fonctionnement du FIPOL, voir par exemple: M. JACOBSON: « L'expérience française du FIPOL », DMF,
décembre 2007, p 968 et suivantes.
1540 La liste des sinistres dont le FIPOL a eu à connaître (publiée sur le site internet du FIPOL:
www.iopcfund.org) ne contient aucune mention de la Tunisie ni comme étant l'État du pavillon du navire
impliqué dans le sinistre ni même comme étant le lieu de survenance du sinistre.
321
- Les deux conventions, CLC et FIPOL, incluent dans les préjudices indemnisables, dans une
certaine mesure, les dommages causés à l'environnement. Mais la définition de ces dommages
est restrictive. « Les indemnités versées au titre de l'altération de l'environnement autres que
le manque à gagner dû à cette altération seront limitées au coût des mesures raisonnables de
remise en état qui ont été effectivement prises ou qui le seront »1541. Le manuel sur les
demandes d'indemnisation présentées au FIPOL publié en 2008 rappelle cette disposition en
soulignant que les demandes d'indemnisation au titre de l'altération de l'environnement ne
sont acceptées que si le demandeur a subi un préjudice économique qui peut être quantifié en
termes monétaires. Il ajoute, toutefois, qu'une « participation au coûts des études de suivi
écologiques est possible »1542 mais à condition que ces études se rapportent à un dommage
relevant de la définition du dommage contenue dans la convention CLC1543. La prise en
compte des dommages à l'environnement par ces conventions est donc toute relative. Au vue
de cette relativité, il nous serait très difficile de dire que ces conventions permettent de réparer
les préjudices écologiques.
- L'autre grande lacune du système actuel de la responsabilité en matière de pollution par les
hydrocarbures, à notre sens, est qu'il ne fait pas place à la responsabilité individuelle des
affréteurs ou chargeurs du navire. Même si la canalisation de la responsabilité présente
certains avantages dont notamment l'identification facile du responsable par les victimes 1544,
elle contient, tout de même, une injustice dans le sens où les chargeurs sont exempts de toute
charge de responsabilité. Bien que leurs marchandises constituent un risque avéré pour
l'environnement, rien dans le système n'incite ces derniers à opter pour une flotte de qualité.
C'est pourquoi la doctrine appelle à responsabiliser le chargeur en sa qualité de propriétaire de
la marchandise transportée et par laquelle la pollution est concrètement opérée. « La meilleure
façon de stimuler la vigilance des affréteurs et de renforcer leurs contrôles n'est-elle pas
d'abroger la règle qui empêche de les poursuivre, c'est à dire la règle de canalisation de la
responsabilité? »1545. Ces lacunes ont-elles été évitées lors de la rédaction de la convention
1541 Article 1.6 de la convention CLC telle que modifiée par le protocole de 1992, op .cit.
1542 Il s'agit d'études nécessaires à l'établissement de la nature et de l'étendue du dommage causé à
l'environnement par le déversement d'hydrocarbures.
1543 Manuel des demandes d'indemnisation, éditions FIPOL, décembre 2008, p 13.
1544 Sur les avantages de la canalisation de la responsabilité sur le propriétaire du navire, voir: Ph. BOISSON:
« La société de classification bénéficie-t-elle de l'exclusion prévue par l'article III (4) de la convention CLC? »,
DMF, septembre 2008, p 700.
1545 P. SIMON: « Propriété et pollution de la mer » in « Droit de propriété, économie et environnement. Les
ressources marines », éditions DALLOZ, 2002, p 101. C'est également l'avis de J-J. LAVENUE dans son article
« Pour une responsabilité du propriétaire de la cargaison et des acteurs engagés dans l'activité de transport par
mer des hydrocarbures? », in « Pollutions des mers: le problème de l'indemnisation et des sanctions », Rapports,
322
internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les
hydrocarbures de soute (c)?
interventions, 5 ème conférence internationale de droit maritime. Le Pirée du 29 septembre au 2 octobre 2004,
éditions ANT. N. SAKKOULAS, p 239 et suivantes.
1546 Article 3.1 de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution
par les hydrocarbures de soute, op. cit.
1547 Article 6 de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution
par les hydrocarbures de soute, op. cit. Contrairement à la convention CLC, aucun fonds de limitation spécial
n'est crée. L'article 6 renvoie aux régimes de limitation internationaux ou nationaux existants.
1548 Articles 3.3 et 3.4 de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures de soute
1549 Article 7 de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution
par les hydrocarbures de soute, op. cit.
323
imaginer que le pilote, mandataire du propriétaire, puisse assumer la responsabilité et
l'indemnisation dans un affaire de pollution de ce type? Probablement conscient de cette
réalité, le juge tunisien, qui a déjà eu l'occasion de statuer sur des affaires de ce type malgré
l'entrée en vigueur récente de la convention en Tunisie, n'a pas évoqué la possibilité de
demander réparation aux préposés ou mandataire du propriétaire et a cherché à identifier le
responsable parmi les personnes évoquées dans l'article 1.3. lors de deux affaires de la
pollution du Golfe de Gabès dont les faits sont similaires. L'abordage entre deux bâtiments a
conduit à une cassure de la soute de l'un des deux navires et a généré une pollution. Dans les
deux cas, le juge a établi la responsabilité du propriétaire du navire qui avait aussi la qualité
d'exploitant effectif1550.
Qu'en est-il du dommage à l'environnement? L'article premier de 1a convention précise que
les « indemnités versées au titre de l'altération à l'environnement autres que le manque à
gagner dû à cette altération seront limitées au coût des mesures raisonnables de remise en
état ». Au même titre que les conventions précédentes, le dommage à l'environnement en tant
que bien commun n'est pas pris en considération. L'article apporte, toutefois, une nuance en
ajoutant qu'est considéré comme dommage à l'environnement « le coût des mesures de
sauvegarde et les autres préjudices causés par ces mesures »1551.
Le droit pénal apporte t-il une réponse aux lacunes de l'approche civiliste en matière de
pollution par hydrocarbures (B)?
B) La responsabilité pénale:
Le droit pénal de l'environnement, qui serait est l'ensemble des dispositions répressives qui
préviennent et sanctionnent la dégradation par l'Homme du milieu physique,1552 est prévu au
niveau national, même si l'absence de règles spécifiques à la pollution par hydrocarbures est à
déplorer (a). Par conséquent, les sanctions prévues restent en deça du souhaitable (b).
1550 Voir les décisions du tribunal de première instance de Gabès: n° 54730 du 10 juin 2011 et n° 54758 du 4
juillet 2011.
1551 Pour aller plus loin, voir: M-N. TSIMPLIS « A commentary on the bunker pollution convention 2001 », in
« Pollutions des mers: le problème de l'indemnisation et des sanctions », op. cit, p 361 et suivantes. Voir
également: Ph. BOISSON: « L'OMI adopte une nouvelle convention pour indemniser les dommages dus à la
pollution par les soutes », DMF, septembre 2001, p 659 et suivantes. En outre, plusieurs ouvrages et articles ont
été consacrés à la question de responsabilité pour pollution par hydrocarbures. Pour aller plus loin, voir par
exemple: K. LE COUVIOUR: « La responsabilité civile à l'épreuve des pollutions majeures résultant du
transport maritime », op. cit. Voir également: A. KISS, J-P. BEURIER: « Droit international de
l'environnement », op. cit, p 446 et suivantes. Voir également: M. JACOBSON: « Le régime international
d'indemnisation des victimes des marées noires en pleine mutation », DMF, 2004, p 793.
1552 J. LASSERRE CAPDEVILLE: " Sauvegarde de l'environnement et droit pénal", L'Harmattan, 2005, p 17.
324
a) Une législation à deux niveaux:
La répression des actes de pollution de la mer trouve son origine dans les conventions
internationales (1) qui donnent les lignes directrices que devraient suivre les législations
nationales afin d'identifier l'auteur de l'infraction et de définir les sanctions qui lui seront
appliquées (2).
325
2) Une législation nationale non spécifique:
Les éléments de l'infraction de la pollution par hydrocarbures sont les mêmes que ceux de
l'infraction de pollution par quelque substance que ce soit. Il n'existe pas non plus de moyens
de constatation spécifiques1555. En outre, la législation en la matière n'est pas spécifique à la
pollution par hydrocarbures. Seront donc appliqués les textes pénalisant la pollution en mer
d'une manière générale. Pourra donc être appliqué à ce type de pollution l'article 28 de la loi
relative au domaine public maritime1556, ou encore l'article 11 de la loi portant création de
l'ANPE1557, ou, enfin, l'article 158 du code des eaux applicable pour les pollutions en mer1558.
Le juge sera libre de fonder sa décision sur l'un de ces textes1559.
Qui sera désigné comme étant l'auteur de l'infraction de pollution en application de ces textes?
Même s'il n'existe pas de texte juridique national inculpant expressément le capitaine du
navire, le responsable pénal d'un accident en mer est toujours le capitaine en vertu d'une
ancienne tradition résumée dans l'adage « le capitaine est seul maître à bord après Dieu »1560.
Le juge tunisien a été fidèle à cette tradition, en l'absence d'un texte de loi spécifique. Chaque
fois qu'une pollution a lieu, le juge désigne comme responsable pénal le capitaine du navire. Il
en a été ainsi jugé lorsqu'un navire de commerce battant pavillon georgien a été pris en
flagrant délit de pollution maritime au large de Gabès. Dans les faits, le personnel de la
douane a observé dans le sillage du navire une traînée d'hydrocarbures de quelques kilomètres
de long. Le navire a été, à la suite de cela, dérouté vers le port de Gabès. Le capitaine avait
allégué qu'il ne faisait qu'exécuter les ordres de l'armateur. Le juge l'a, tout de même, désigné
comme étant le responsable pénal de la pollution1561. Les exemples similaires ne sont pas rares
dans la jurisprudence tunisienne1562. A l'occasion de toute pollution, seul le capitaine du navire
est inculpé alors qu'il n'est pas rare qu'il ne soit pas la partie ayant décidé de polluer. Dans ce
sens, une évolution de la législation vers la recherche du vrai responsable de pollution serait
souhaitable. L'armateur, le propriétaire du navire ou encore l'exploitant réel pourraient alors
voir leur responsabilité pénale engagée, au cas par cas. Cette évolution de la législation a
326
réellement eu lieu en droit comparé1563, nous y reviendrons.
327
capitaine, il est responsable de sa faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une
obligation de prudence ou de sécurité. Il est ainsi responsable d'un rejet involontaire dans le
cas où il aurait mal entretenu le navire ou donné des mauvaises instructions aux marins à
bord1567. Par ailleurs, au titre de l'article L 218-29 du code de l'environnement instauré par la
loi du 3 mai 2001 précitée, complété par le décret du 11 février 2002 1568 ainsi que de par la loi
du 9 mars 20041569, des juridictions spécialisées en matière de rejet polluant des navires et de
pollution des eaux de mer par hydrocarbures ont désormais été créées. Il existe aujourd'hui en
France une juridiction spécialisée sur chaque façade maritime. En matière de peines, les
sanctions prévues sont très lourdes: en application de l'article 218-12 tel que modifié par la loi
du 1er août 20081570, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 15 millions euros d'amendes
tout capitaine ou responsable d'un navire se rendant coupable d'un rejet de substance
polluante. A la suite d'une pollution accidentelle et en cas d'imprudence, de négligence ou
d'inobservation des lois et règlements, la personne responsable de la pollution peut se voir
infliger une amende pouvant atteindre les 7,5 millions d'euros d'amendes1571. La peine
s'aggrave encore lorsque l'origine de l'accident est une violation délibérée d'une obligation
particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi. Dans ce cas, le responsable peut
encourir une peine allant jusqu'à 7 ans de prison et 10, 5 millions d'euros d'amende. Il est,
toutefois, à noter que même si le juge a essayé de suivre l'évolution préconisée par les
différentes lois, les peines maximales envisagées par la loi restent encore non atteintes1572.
Sans pour autant suggérer de prévoir des peines exorbitantes, à l'exemple de celles prévues
par le législateur français, il serait souhaitable que le législateur tunisien revoit à la hausse la
somme des amendes infligées aux auteurs d'infractions eu égard à la gravité des dégâts que
peut causer une pollution par les hydrocarbures pour la mer et les côtes. Cela étant, les
hydrocarbures sont loin d'être la substance polluante principale de la mer, plusieurs autres
matières contaminent tous les jours cet espace ( Paragraphe 2).
1567 Article L 218-22 du code de l'environnement tel que modifié par la loi du 3 mai 2001.
1568 Décret n° 2002-196 du 11 février 2002 relatif aux juridictions compétentes en matière de pollution des
eaux de mer par rejet des navires, JORF n° 40 du 16 février 2002, p 3046.
1569 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JORF n°
59 du 10 mars 2004, p 4567.
1570 Loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au
droit communautaire dans le domaine de l'environnement, JORF n° 0179 du 2 août 2008, page 12361, texte n° 2.
1571 Article 218-9 tel que modifié par la loi du 1er août 2008, op. cit.
1572 Avant la réforme de 2001, la moyenne des amendes prononcées par le juge français était de 300 000 francs.
A partir de la réforme de 2001 la moyenne des sanctions prononcées est désormais de 100 000 euros. Le juge
brestois fait néanmoins la différence en imputant des peines de plus en plus significatives: le 8 janvier 2010, un
million d'euros est requis dans l'affaire du « Matterhorn », un cargo libérien ayant pollué intentionnellement les
eaux française le 25 mai 2009.
328
Paragraphe 2 : La responsabilité pour pollution causée par des substances nocives et
potentiellement dangereuses :
Il existe une législation internationale spécifique à cette matière: La convention internationale
sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de
substances nocives et potentiellement dangereuses (A). Celle-ci n'étant toujours pas en
vigueur, la matière est régie par un ensemble de textes internationaux en vigueur en Tunisie
(B).
1573 Ph. BOISSON: « Politiques et droit de la sécurité maritime », op. cit, p 333.
1574 Plusieurs incendies et explosions à bord de navires de commerce impliquant des substances dangereuses
ont été à l'origine de dommages humains matériels et environnementaux conséquents. Il en ainsi de l'explosion et
l'incendie survenus à bord du porte-conteneurs CMA Djakarta en juillet 1999 en Méditerrannée. L'enquête révèle
que l'origine des incidents serait une cargaison d'hypochlorite de calcium qui se serait consumée à cause
d'impuretés provenant d'une contamination lors du transport ou bien du processus de fabrication de cette
substance. Il en est ainsi également de l'explosion survenue à bord du porte-conteneurs Hyundai Fortune survenu
en 2006 dans le Golfe d'Aden qui provoque un important incendie et qui cause la perte d'environ 70 conteneurs.
L'accident serait dû à la réaction des produits dangereux transportés ( hypochlorite de calcium et explosifs pour
feux d'artifice) avec la chaleur ambiante.
1575 Le texte de la convention est publié par le fonds FIPOL, éditions septembre 2010.
1576 Notamment les conventions SOLAS et MARPOL, op. cit.
329
propriétaire du navire assume la responsabilité1577 jusqu'à concurrence d'un certain seuil,
calculé en fonction du tonnage du navire, 100 millions de DTS1578 soit un montant
substantiellement supérieur au plafond prévu par la convention CLC1579. Au delà de cette
limite, les indemnités sont prélevées sur un fonds spécial. Il s'agit d'un Fonds international
d'indemnisation dont l'objet et la fonction sont de compléter l'indemnisation mise à la charge
du propriétaire du navire au profit des victimes. À l'instar du FIPOL, le fonds SNPD est géré
et contrôlé par une Assemblée générale composée de représentants des États adhérents1580. Il
s'agit donc, là encore, d'une entité juridique et financière à caractère étatique ou
gouvernemental. Le fonds est alimenté par des contributions perçues par les États membres
auprès des réceptionnaires des marchandises SNPD, lors de leur importation dans le territoire
de l'État adhérent. Ces contributions, directement prélevées auprès des réceptionnaires par
chaque État, seront transférées au fonds en vue de répondre aux demandes d'indemnisation
pour les dommages subis1581. La convention pose le principe selon lequel les contributions ne
sont perçues que lorsqu'elles sont requises pour permettre d'effectuer des paiements1582.
Le montant total des indemnités pour réparer les dommages s'élève -pour un événement
déterminé- à la somme maximale de 250 millions de DTS 1583, ce montant comprenant
l'indemnité maximale due par le propriétaire du navire, soit 100 millions de DTS. Au total, les
montants des indemnités pouvant être versées représentent presque le double des montants
disponibles au FIPOL.
Le propriétaire n'est, toutefois, pas en mesure de limiter sa responsabilité si le dommage
résulte de son fait ou de son omission et qu'il est commis avec l'intention de provoquer un tel
dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait
probablement1584.
1577 En application de l'article 1.3 de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour
les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1578 Voir article 9 de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés
au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1579 Fixé à 59,7 DTS.
1580 Article 24 de la la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés
au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1581 Voir articles 20 et 21 de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les
dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1582 Article 20 la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au
transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1583 Article 14.5 (a) de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages
liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1584 Article 9. 2 de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés
au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
330
Pour ce qui est des dommages couverts par la convention, et en dehors des dommages causés
aux personnes et aux biens, dont le propriétaire reste responsable, la convention prend en
considération tout dommage causé à l'environnement par contamination des marchandises
dangereuses1585 ainsi que les mesures de sauvegarde mises en oeuvre pour prévenir ou limiter
le dommage de pollution.
Le dommage doit être survenu sur le territoire, la mer intérieure, la mer territoriale ou la zone
économique exclusive de tout État partie à la convention1586. Ainsi, la notion du dommage
établie dans cette convention est plus large que celle de la convention CLC qui ne couvre que
les dommages par pollution autrement dit par contamination.
Il s'agit donc d'un mécanisme extrêmement intéressant, non seulement par le montant non
négligeable des montants prévus, par l'étendue des types de produits couverts, mais encore et
peut-être surtout, parce qu'il s'agit d'une innovation, ces produits n'étant actuellement
couverts par aucun autre dispositif d'indemnisation. En effet, l'adoption d'une telle convention
poursuivait un double objectif. D'une part, fournir une indemnisation équitable et efficace aux
victimes des dommages causés par ces substances et d'autre part, adopter des règles uniformes
et de portée internationale visant à déterminer le mécanisme de responsabilité et les
procédures d'indemnisation1587. La convention n'est toujours pas en vigueur. Par conséquent, et
en l'absence d'un régime international uniforme, les États ont recours aux solutions
unilatérales ou régionales. Ceci est valable pour la Tunisie1588(B).
B) La législation en vigueur:
Celle-ci se compose du chapitre VII de la convention SOLAS, de l'annexe III de la convention
MARPOL. Pour ce qui est des marchandises dangereuses transportées par colis1589, le texte de
référence est le code maritime international des marchandises dangereuses, le code IMDG,
obligatoire en application de la convention SOLAS.
1585 Voir article 1 de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés
au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1586 Article 3 de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au
transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1587 Voir préambule de la convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages
liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, op. cit.
1588 Pour aller plus loin, voir: W. CHAO: « La convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et
l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement
dangereuses » , Annuaire français de droit international, Tome 43, 1997, p 727 et suivantes. Voir également: Ph.
BOISSON: « La convention SNPD de 1996 et l'indemnisation des dommages causés par le transport maritime de
marchandises dangereuses », DMF, novembre 1996, p 389.
1589 La notion de colis regroupe l'ensemble de marchandises conditionnées quelque soit le type d'emballage.
331
Le code IMDG s'applique à tous les navires de commerce transportant des marchandises
dangereuses en colis1590. En vertu de l'annexe III de la convention de MARPOL, le code
IMDG s'applique à tous les navires transportant des substances nuisibles en colis1591.
Le code IMDG a été adopté par le comité de la sécurité maritime de l'OMI en vertu de la
résolution A716 (17) et fait depuis, l'objet de plusieurs révisions. L'objet du code est de
renforcer la sécurité du transport des marchandises dangereuses tout en favorisant la
circulation libre1592. Il établit 9 classes de danger et édicte les conditions d'emballage, de
conditionnement, de séparation et de chargement des différentes classes des marchandises
dangereuses1593. D'une manière générale, le danger s'apprécie sur deux plans différents: le plan
individuel et le plan collectif1594. Pour ce qui est du danger sur le plan individuel, le transport
de marchandises dangereuses peut constituer un risque pour la santé humaine. Sur le plan
collectif, les explosions, les incendies et les pollutions sont les risques à prendre en compte.
Le régime de responsabilité civile des parties au transport des marchandises dangereuses tient
compte de ces risques et adapte, par conséquent, les obligations classiques en la matière (a).
Certaines obligations pèsent également sur le chargeur (b). En l'absence de règles pénales
spécifiques à la matière, les pollutions et contaminations causées par les substances nocives et
potentiellement dangereuses sont régies par les règles applicables à toute pollution du milieu
marin1595.
332
1) Les mesures spécifiques de transport:
Le transport de marchandises dangereuses obéit à un ensemble de règles concernant
l'arrimage1596 et la ségrégation1597 de la marchandise fixées par le code IMDG. Celles-ci étant
évolutives, le transporteur est tenu de mettre à jour d'une manière régulière ses connaissances
en la matière. En cas de transport de différentes matières dangereuses, le transporteur doit
également vérifier la possibilité de les empoter dans un même conteneur. Un expert assiste à
l'empotage du conteneur1598. Par ailleurs, le transporteur doit solliciter l'accord du port du
chargement et du port de déchargement. Il doit enfin vérifier la capacité des transporteurs
terrestres ou ferroviaires qui prendront la marchandise en charge avant et après son transport
maritime à transporter la marchandise dans le respect des règles mesures dans le code IMDG.
Il en est de même pour les manutentionnaires1599.
333
b) La responsabilité du chargeur:
On entend par chargeur, la personne, l'organisme ou le gouvernement qui prépare un envoi
pour le transport1603. Le chargeur a l'obligation de classer et d'identifier la marchandise qu'il
expédie d'une manière claire et sincère (1). Il doit par la suite appliquer les mesures de
conditionnement, d'emballage et de séparation appliquées à ce type de marchandises en vertu
du code IMDG (2).
334
jurisprudence nationale à plusieurs reprises1609.
Les origines des fausses déclarations sont diverses. Elles proviennent souvent d'une volonté
de faire des économies étant donné que les frais d'emballage et de conditionnement varient
d'une classe de danger à une autre. Elles peuvent également avoir comme objectif le
contournement de mesures législatives contraignantes pour un type de marchandise ou un
autre. Les fausses déclarations peuvent parfois être la conséquence de l'ignorance du degré de
danger que présente la substance transportée1610.
1609 Voir à titre d'exemple: la décision n° 8723 du 12 février 1999 du tribunal de première instance de Sfax, la
décision n° 48902 du 20 septembre 2003 du tribunal de première instance de Gabès.
1610 Entretien avec N. BELMAHRESSIA, op. cit.
1611 Voir article 145 paragraphe 5 du CCM, op. cit.
1612 En l'occurrence hypochlorite de calcium.
1613 Décision n° 5325 du 22 janvier 2010 du Tribunal de première instance de Sfax.
335
objets ou la quantité, la qualité et le poids des marchandises1614. Tout manquement ou toute
fausse déclaration engage la seule responsabilité du chargeur1615.
D'une manière générale, on constate que la responsabilité des acteurs du transport maritime en
cas de pollution marine obéit à des règles complexes et très différentes selon la nature même
des produits transportés. Mais les équilibres qui ont pu se mettre en place en matière de
partage de responsabilités, notamment entre le propriétaire de navire, le chargeur et le
transporteur sont généralement insatisfaisants. Leur capacité effective à réparer les dommages
causés reste insuffisante. Par conséquent, ils n'assurent pas la responsabilisation nécessaire
des différents acteurs. Pourtant, les accidents et incidents en mer, au delà d'impliquer les
intérêts des intervenants dans l'expédition maritime d'une manière directe, altèrent d'autres
intérêts et droits d'où l'importance de réfléchir à mieux les prévenir (Titre 2).
336
337
338
Titre 2 : Les enjeux de la défaillance du facteur humain en matière de
sécurité et de sûreté maritimes :
339
340
Chapitre 1 : Le respect de la sécurité et la sûreté maritimes, gage de la protection
du droit :
Les défaillances de la sécurité et de la sûreté ne portent pas seulement atteinte aux personnes
et aux biens liés à l'expédition maritime. Les accidents en mer affectent souvent différents
éléments de l'environnement maritime et terrestre portant atteinte de la sorte les principes
généraux du droit de l'environnement (Section 1). La non application de ses obligations en
terme de sécurité et de sûreté par l'armateur, loin de constituer uniquement une atteinte au
droit de la sécurité et de la sûreté maritimes, portent préjudice aux droits fondamentaux de
l'être humain (Section 2).
341
Section 1 : La défaillance de la sécurité et de la sûreté maritimes, une atteinte
au droit de l'environnement :
1616 A propos des principes du droit de l'environnement, voir: M. PRIEUR: « Droit de l'environnement »,
éditions DALLOZ, 2004, p 43 et suivantes.
342
A) Le principe de prévention:
Principe connu du droit de l'environnement international et national ( a), le principe de
prévention peut faire l'objet d'une application incomplète ou erronée à l'occasion de la mise en
oeuvre des missions du facteur humain (b).
343
L'étude des conventions internationales s'agissant du domaine maritime, laisse apparaître le
principe de prévention comme étant une règle d'or. Il en est ainsi de la convention de
Barcelone de 1995 relative à la protection de la mer Méditerranée 1622 dont l'objectif est
d'appeler les États parties à adopter des mesures adéquates assurant la prévention de toute
source de pollution en mer1623. « Les parties contractantes prennent individuellement ou
conjointement toutes mesures appropriées... pour prévenir, réduire et combattre la pollution
dans la zone de la mer méditerranée... »1624. Les mesures de mise en oeuvre de l'action de
prévention telles que visées par la convention, consistent à installer dans chaque État un
système de surveillance continue de la pollution. Ceci se fait en coopération avec les
organismes internationaux compétents ou avec d'autres États de la région 1625. Dans le même
esprit, les rédacteurs de la convention d'Helsinki sur la protection de l'environnement marin de
la zone de la mer Baltique1626 font du principe de prévention un principe fondamental de la
convention1627. Les États signataires sont invités à prendre « individuellement ou
conjointement toutes les mesures législatives, administratives ou autres mesures pertinentes
pour prévenir et éliminer la pollution afin de promouvoir la restauration écologique de la zone
de la mer Baltique et la préservation de son équilibre écologique »1628.
Dans un domaine plus spécifique, la convention sur la préparation, la lutte et la coopération en
matière de pollution par les hydrocarbures ( dite convention OPRC1629) constitue un système
de prévention contre ce type de pollution. L'application de la convention implique que chaque
État partie doit mettre en place « un système national pour lutter rapidement contre les
événements de pollution par hydrocarbures »1630. La mise en oeuvre du dit système exige
l'existence d'un « plan d'urgence national pour la préparation et la lutte contre la
pollution »1631. Pour une meilleure prévention des pollutions, les États parties à la convention
sont invités à coopérer en mettant en commun les moyens dont ils disposent1632.
344
L'intégration du principe de prévention est donc admise au plan international. Nous estimons,
comme le fait la doctrine1633, que la prévention devrait être privilégiée à la réparation, la
correction et l'indemnisation « parce qu'en cas de dommage, les indemnisations ne permettent
bien souvent pas de rétablir la situation qui existait avant l'événement ou l'accident ». La
consécration du principe sur le plan de la législation nationale (2) est probablement née d'une
telle conviction.
1633 M.M. MBENGHE: « Essai sur une théorie du risque en droit international public », Éditions Pedone, Paris,
2009, p 81.
1634 La protection juridique de l'environnement en Tunisie est d'origine législative et réglementaire.
Contrairement à d'autres systèmes juridiques, il n'existe pas de concrétisation constitutionnelle du droit à un
environnement sain ni de code de l'environnement. Comme exemples de consécration constitutionnelle du
principe, voir: l'article 24 de la Constitution grecque du 9 juin 1975, l'article 45 de la constitution espagnole
d'octobre 1978 ainsi que la Charte de l'environnement intégrée à la constitution française en vertu de la loi
constitutionnelle du 1er mars 2005.
1635 Voir par exemple: le décret n° 93-2372 du 22 novembre 1993, portant publication de la convention des
Nations-Unies sur la diversité biologique, conclue à Rio De Janeiro le 5 juin 1992, JORT du 21 décembre 1993,
p 2120 et suivantes. Voir également, le décret n° 79-935 du 16 novembre 1979 portant publication de la
convention pour la protection de la mer méditerranée contre la pollution et les protocoles y relatifs, faite à
Barcelone le 16 février 1976, JORT du 23-27 novembre 1979, p 3138 et suivantes.
345
2.1) L'étude d'impact:
Introduite en droit national tunisien pour la première fois en 19911636, l'étude d'impact consiste
en une analyse scientifique exigée par la loi « en vue de l'obtention de toute autorisation
administrative d'unités industrielles, agricoles ou commerciales permettant d'apprécier,
d'évaluer et de mesurer les effets directs et indirects, à court, moyen et long terme de ces
unités sur l'environnement »1637. L'étude d'impact concerne aussi bien les « unités » à réaliser
que celles existantes et faisant objet d'extension ou de transformation 1638. On entend par
« unité », « tout équipement ou tout projet industriel, agricole ou commercial dont l'activité
est génératrice de pollution ou de dégradation de l'environnement »1639. L'étude d'impact
élaborée par des experts ou des bureaux d'études1640 doit refléter les répercussions de l'unité
sur l'environnement et comprend obligatoirement un certain nombre d'éléments tels que
l'analyse détaillée de l'unité, l'analyse de l'état initial du site contenant l'unité, l'analyse de
l'état du site après réalisation de l'unité et notamment les conséquences sur les différents
éléments de l'environnement ainsi que les mesures envisagées pour réduire ou éliminer les
risques de la dégradation du milieu1641.
L'analyse de l'étude d'impact sur l'environnement par les autorités compétentes1642 leur permet
de délivrer ou décliner une autorisation pour la réalisation de l'unité après avoir consulté
l'Agence nationale pour la protection de l'environnement1643, l'ANPE1644. Le défaut d'accord
formulé par celle-ci bloque la procédure d'autorisation1645. Par ailleurs, une autorisation
délivrée n'a pas d'effet définitif. Elle pourrait être retirée au cas où les mesures mentionnées
dans l'étude d'impact n'auraient pas été respectées1646 ce qui présume la soumission de la
1636 Par le décret n° 91-362 du 13 mars 1991 relatif aux études d'impact sur l'environnement, JORT du 26 mars
1991, p 451 et suivantes.
1637 Article 1-2 du décret n° 2005-1991 du 11 juillet 2005, relatif à l'étude d'impact sur l'environnement et
fixant les catégories d'unités soumises à l'étude d'impact sur l'environnement et les catégories d'unités soumises
aux cahiers de charge, JORT du 19 juillet 2005, p 1834 et suivantes. Le décret abroge celui du 13 mars 1991.
1638 Article 12 du décret du 11 juillet 2005, op. cit.
1639 Article 1-1 du décret du 11 juillet 2005, op. cit.
1640 Article 2, deuxième alinéa du décret du 11 juillet 2005, op. cit.
1641 Article 6 du décret du 11 juillet 2005, op. cit.
1642 Les autorités compétentes sont énumérées par l'article 14 du décret précité: le ministre de l'environnement
et du développement durable, le ministre de la défense nationale, le ministre du commerce et de l'artisanat, le
ministre de l'intérieur et du développement local, le ministre de l'agriculture et des ressources hydrauliques, le
ministre de l'équipement, le ministre de l'habitat et de l'aménagement du territoire, le ministre des affaires
sociales, le ministre de la solidarité et des tunisiens à l'étranger, le ministre de la culture et de la sauvegarde du
patrimoine, le ministre du tourisme, le ministre de la santé publique et le ministre de l'industrie, l'énergie et les
petites et moyennes entreprises chacun dans dans le domaine le concernant.
1643 Op. cit.
1644 Article 1.2 de la loi portant création de l'ANPE, op. cit.
1645 Article 5 de la loi portant création de l'ANPE, op. cit.
1646 Article 11 de la loi portant création de l'ANPE, op. cit.
346
réalisation de l'unité à un contrôle opéré par le personnel des autorités compétentes.
Les unités obligatoirement soumises à l'étude d'impact sont très variées et concernent des
domaines multiples du secteur agricole, tels que les abattoirs, du domaine industriel telles que
les unités de fabrication ou de traitement de substances ou matériaux polluants et du domaine
commercial tels que les projets touristiques1647. Figurent, également, les équipements de
transport de pétrole et de gaz1648. Un navire de commerce transportant du pétrole ou du gaz
peut-il être assimilé à un équipement de transport? Rappelons qu'un navire est défini comme
étant le « bâtiment affecté à la navigation maritime »1649. Il peut, dès lors, être assimilé à un
équipement de transport et est, de ce fait, obligatoirement soumis lors de sa construction ou de
sa modification à une étude d'impact décelant les risques qu'il pourrait avoir sur
l'environnement et les mesures prises par son exploitant pour remédier à ces éventuels risques.
Nous reviendrons sur ce point.
L'État tunisien soutient la prise en compte de l'environnement à travers la réalisation d'études
d'impact, en permettant aux entrepreneurs de bénéficier d'incitations financières et fiscales
(2.2).
2.2.1) En matière fiscale, le recours à des allégements fiscaux institués dans le but
d'encourager les investissements de dépollution, d'assainissement ou de remise en l'état des
milieux pollués est possible en application des articles 6 et 7 de la loi portant création de
l'ANPE1650. L'avantage fiscal est accordé aux entreprises investissant dans le domaine de
dépollution. L'article 37 du code d'incitation aux investissements adopté en 1993 1651 détermine
la nature de ces incitations et les conditions préalables à leur obtention. Il précise que les
entreprises ayant réalisé des investissements afin de lutter contre la pollution résultant de leurs
activités bénéficient d'incitations fiscales telles que l'exonération des droits de douane, la
1647 La liste complète des unités soumises à l'étude d'impact se trouve dans l'annexe I du décret n° 91-362 du 13
mars 1991, op. cit.
1648 Annexe I, B, 16 du décret n° 91-362 du 13 mars 1991, op. cit.
1649 Article 4 du CCM, op. cit.
1650 Op. cit.
1651 Par la loi n° 93-120, du 27 décembre 1993 portant promulgation du code d'incitation aux investissements,
JORT du 8 février 1994, p 237.
347
suspension de la taxe sur la valeur ajoutée et du droit de consommation au titre des
équipements octroyés dans le but de réaliser ces investissements. L'octroi de ces avantages
est, néanmoins, subordonné à l'autorisation préalable de l'ANPE1652 et ne couvre que certaines
entreprises: les entreprises ayant pour but la lutte contre la pollution, les entreprises
spécialisées dans le collecte des déchets, les entreprises opérant en matière d'énergie, dans la
recherche et le développement et les entreprises spécialisées dans la formation
professionnelle1653. Les allègements fiscaux ne sont donc pas profitables à un armateur ayant
investi dans du matériel destiné à prévenir ou à limiter une pollution maritime éventuelle.
Pourtant, vue l'importance des moyens humains et matériels nécessaires à la lutte contre la
pollution, le bénéfice que pourrait tirer l'État, lui même, de la présence d'équipement
performant de lutte contre la pollution à bord des navires battant son pavillon n'est pas
négligeable. L'élargissement du domaine de ces dispositions de manière à ce qu'elle
concernent également les entreprises d'armement et de transport est, dès lors, plus que
souhaitable.
2.2.2) Les incitations financières, quant à elles, consistent en l'octroi d'une subvention
à un professionnel dans le but de l'équiper en matériel plus performant ou d'un prêt à intérêts
réduits dans le but de prendre des mesures anti-pollution1654. Les aides sont octroyées par le
Fonds de dépollution FODEP1655, un fonds principalement destiné à cofinancer des projets de
protection de l'environnement tels que les projets d'installations visant à réduire ou éliminer la
pollution occasionnée par les entreprises industrielles ainsi que des projets de collecte et de
recyclage de déchets1656. Le Fonds aide également les entreprises à réaliser des
investissements antipollution et à mettre en oeuvre des incitations au profit des technologies
non polluantes.
1652 Article 37.1 du code d'incitations aux investissements, op. cit.
1653 Article 1 du décret n° 94-1191 du 30 mai 1994, fixant les conditions de bénéfice des avantages fiscaux
prévus aux articles 37, 41, 42 et 49 du code d'incitations aux investissements accordés en faveur des équipements
destinés à l'économie d'énergie, à la recherche, la production et la commercialisation des énergies renouvelables
et à la recherche de la géothermie, des équipements nécessaires à la lutte contre la pollution ou à la collecte, la
transformation et le traitement des déchets et des ordures, des équipements nécessaires à la formation
professionnelle et des équipements nécessaires à la recherche-développement, JORT du 10 juin 1994, pp 960-
961.
1654 La subvention est calculée par référence au coût d'investissement sans que le montant dépasse 20% du
coût.
1655 Institué par l'article 35 de la loi de 92-122 du 29 décembre 1992, portant loi de finances pour la gestion
1993, JORT du 31 décembre 1992, p 1668 et suivantes. Les modalités d'intervention sont réglementées par le
décret n° 93-2120 du 25 octobre 1993, fixant les conditions et les modalités d'interventions du fonds de
dépollution, JORT du 2 novembre 1993, p 1858.
1656 Article 1 du décret n° 93-2120 du 25 octobre 1993, op. cit.
348
Toutes ces mesures de mise en oeuvre du principe de prévention ne sont, parfois, pas
appliquées s'agissant du domaine du transport maritime (b).
349
de l'étude d'impact est donc renforcé en application des normes du droit de la sécurité
maritime.
Les violations des obligations entourant l'étude d'impact des navires, autrement dit, les visites
de sécurité et de sûreté aboutissant à la délivrance de titre de sécurité, constituent des
infractions pénales soumises à des sanctions tel qu'en dispose l'article 77 du CPANM1663.
Nonobstant le droit pénal, le non respect de ces dispositions constitue un manquement aux
règles du droit de l'environnement même si cette hypothèse n'est pas expressément prévue par
la loi en tant que telle. Ainsi, l'armateur d'un navire n'ayant pas évité que l'état de son bâtiment
puisse générer des accidents ou des dysfonctionnements causant des dommages à
l'environnement marin déroge au principe de prévention. Le juge tunisien sera-il un jour
sollicité pour non respect du principe de prévention par un armateur? Seul l'avenir en
décidera. De telles réclamations sont, au jour d'aujourd'hui, étrangères au juge national. Si une
infraction correspondant à un manquement au droit de l'environnement était établie sur cette
base, elle devrait, à notre sens, se baser sur le défaut d'une étude préalable à la mise en service
du navire autrement dit au défaut de visite de contrôle du bâtiment.
En outre, les aides que l'État accorderait aux armateurs pourraient, éventuellement, les inciter
à mettre leurs navires aux normes (2).
350
activité. Le secteur du transport maritime ne figure pas dans les rapports annuels du
FODEP1667 comme étant un secteur bénéficiant de subventions de l'État, la raison étant que les
armateurs privés, n'ont pas, en tous cas jusqu'à présent, investi dans un matériel permettant de
minimiser les risques de leurs bâtiments sur l'environnement1668.
La flotte tunisienne étant principalement composée de navires appartenant à l'armateur public,
l'État, le principe de prévention semble pris en compte par la politique maritime même s'il
reste, jusqu'à lors étranger à la jurisprudence. En est-il de même pour l'autre principe phare
précédant l'atteinte à l'environnement, le principe de précaution (B)?
B) Le principe de précaution:
Contrairement au principe de prévention qui suppose la connaissance préalable du risque
menaçant l'environnement, le principe de précaution se base sur l'éventualité de l'existence
future de menaces « potentielles, incertaines, hypothétiques, toutes celles à propos desquelles
aucune preuve tangible ne permet d'affirmer qu'elles se concrétiseront »1669. Le principe met
en évidence la limite des connaissances scientifiques1670. Notons tout de même que cette
distinction fondamentale entre les deux notions, le principe de prévention et le principe de
précaution, pourrait être nuancée lorsque l'évolution de la connaissance scientifique
permettrait le passage de l'incertitude scientifique1671, nécessitant la précaution, à la certitude
scientifique faisant appel à la prévention, d'où une certaine continuité entre les deux
notions1672.
Au même titre que le principe de prévention, le principe de précaution est consacré aussi bien
par les textes juridiques internationaux que par les lois nationales (a). Son application
adéquate est mise en jeu à travers les conditions de vie et de travail des gens de mer (b).
351
a) Les fondements juridiques du principe:
D'initiative allemande, le principe est devenu, en application des conventions internationales,
un principe général de droit de l'environnement (1). Il a, dans un deuxième temps,
progressivement intégré les législations nationales, y compris la législation tunisienne (2).
352
prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la
dégradation de l'environnement ».
La précaution est ainsi conçue comme étant un devoir en cas de risque, même si ce risque ne
peut être prouvé. C'est le devoir d'éviter tout risque, même incertain.
Les conventions en matière de pollution maritime sont un « terrain d'élection » pour le
principe de précaution1679. C'est ainsi que la convention OPRC1680 souligne dès son préambule
l'importance accordée au principe par les parties à la convention: « Les parties à la présente
convention... conscientes de l'importance que revêtent les mesures de précaution et de
prévention afin d'éviter avant tout, une pollution par les hydrocarbures... ». L'intention des
rédacteurs est ici claire, le principe sera tout simplement appliqué. De son côté, la convention
de Paris du 22 septembre 1992 pour la protection du milieu marin de l'Atlantique
( Convention OSPAR)1681 affirme que « les parties contractantes appliquent le principe de
précaution, selon lequel des principes de prévention doivent être prises lorsqu'il y a des motifs
raisonnables de s'inquiéter du fait que des substances.... puissent entraîner des risques pour la
santé de l'homme, nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes marins... même s'il n'y
a pas de preuves concluantes d'un rapport de causalité entre les apports et les effets »1682.
Même si la convention fait une légère confusion entre « précaution » et « prévention », la
condition principale de l'application du principe de précaution figure dans les dispositions de
la convention: l'incertitude scientifique établissant le rapport entre l'introduction de substances
et les dommages ne doit pas empêcher d'entreprendre des mesures de précaution.
Enfin, la convention de Barcelone de 1995 sur la Mer méditerranée1683 met à la charge des
États parties l'application de ce principe1684.
Les destinataires du principe de précaution en droit international sont clairement les États. La
mise en oeuvre du principe leur est destinée et nécessite qu'ils prennent en compte, autant que
cela soit possible, les connaissances scientifiques et les données techniques et de suivre leur
progression. Convaincu de son importance, l'État tunisien a intégré ce principe dans sa
politique nationale (2).
353
2) Le fondement du principe en droit interne:
Au même titre que le principe de prévention, le principe de précaution a progressivement
intégré la législation environnementale notamment sous l'impulsion du Ministère de
l'environnement et du développement durable.
Chargé de la politique générale de l'État en matière de l'environnement, le Ministère doit,
également « prendre les précautions contre les risques » et « faire face aux problèmes
environnementaux éventuels ou prévisibles sans attendre leur avènement »1685. En clair, il lui
revient l'application effective du principe de précaution en matière environnementale. Le
ministère est, en outre, chargé de promouvoir les actions de formation et de sensibilisation en
matière de prévention et de précaution contre les risques éventuels1686. Le principe de
précaution apparaît dès lors comme un simple principe d'orientation politique, un principe qui
doit inspirer l'action des pouvoirs publics dans des situations d'incertitude scientifique.
Afin d'acquérir la qualité de règle de droit positif, le principe doit être incorporé au sein d'un
texte de portée normative. Seulement, le législateur tunisien doit encore hésiter à hisser le
principe à cette qualité contrairement à d'autres législateurs qui ont agit dans ce sens. En
dehors de l'exemple français1687, le législateur marocain a affiché son intention d'adopter « la
Charte de l'environnement et du développement durable »1688. Celle-ci hisse l'environnement
et le développement durable au rang de valeur fondamentale. Figure parmi ses objectifs la
nécessité de « réaffirmer que la préservation de l'environnement est une préoccupation
permanente de tous les marocains »1689. En vertu de la charte, les pouvoirs publics sont invités
à intégrer les préoccupations environnementales dans toute politique publique. En outre, le
secteur privé pourrait voir sa responsabilité engagée à la suite de dommages qu'il aura causé à
l'environnement. Même si la charte n'est toujours pas en vigueur 1690, l'importance accordée
aux principes du droit de l'environnement au Maroc est, tout de même, confirmée. Tel n'est
pas le cas en Tunisie, où, à ce jour, aucun texte de droit n'astreint l'État à prendre des
précautions contre des risques environnementaux imprévisibles ce qui maintient le principe
1685 Article premier, 4 ème alinéa du décret n° 2005-2933 du 1er novembre 2005, fixant les attributions du
Ministère de l'environnement et du développement durable, JORT du 11 novembre 2005, p 2986 et suivantes.
1686 Article 2, 8 ème alinéa du décret n° 2005-2933, op cit.
1687 Op. cit.
1688 Lors du discours du Roi du Maroc en juillet 2009. La Charte devait entrer en vigueur le 22 avril 2010, elle
ne l'est toujours pas.
1689 Voir préambule de la Charte marocaine de l'environnement et du développement durable, op. cit.
1690 Voir à ce sujet: S. IDLLALENE: « La charte marocaine de l'environnement et du développement durable
sera-t-elle une loi fondamentale? », Vertigo (Revue électronique en sciences de l'environnement:
http://vertigo.revues.org/9956
354
dans sa qualité de simple principe d'orientation politique. La pratique du transport maritime
pourrait, dans certains cas, déroger aux orientations politiques de l'État à travers une
dérogation au principe de précaution (b).
355
Seulement, pour que le juge tunisien puisse se prévaloir de cette hypothèse, il faudrait d'abord
que le principe de précaution acquiert la qualité de principe juridique. Le juge ne pourrait pas
fonder la responsabilité de l'État sur le simple manquement à ses orientations politiques.
1694 A notre connaissance aucune loi nationale n'a établi ce type infraction.
1695 Voir l'affaire Artegodan GmbH contre Commission des Communautés européennes : Tribunal de première
instance des Communautés européennes, arrêt du 26 novembre 2002, T-74/00, Rec. 2002, p. II-4945. Voir
également l'affaire du maïs transgénique (France): CE, 25 septembre 1998, Association Greenpeace France c/
Ministère de l'agriculture et de la pêche n° 194348. Le juge a estimé que le principe de précaution est un moyen
« sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué ». Voir également: Affaires des thons à nageoire
bleue (Nouvelle Zéalnde c. Jaon et Australie c. Japon) Tribunal international du droit de la mer, ordonnance du
27 août 1999, paragraphe 79. Le tribunal affirme « qu'il existe une incertitude scientifique en ce qui concerne les
mesures à prendre pour la conservation du thon à nageoire bleue et que les parties sont divisées sur le point de
savoir si les mesures de conservation prises jusqu'ici ont conduit à une amélioration de l'état du stock du thon à
nageoire bleue ».
356
2) Le principe de précaution et les obligations techniques et sociales de sécurité
maritime:
Le principe de précaution suppose qu'il existe une incertitude scientifique quant à la
survenance d'un risque de dommage. Il s'agit de savoir comment le non respect des
obligations techniques en matière de sécurité maritime pourrait également constituer une
violation du principe de précaution.
Cette atteinte semblerait possible eu égard à l'irrespect des obligations de l'État côtier en
matière d'aides à la navigation (2.1) ainsi qu'à l'irrespect des normes techniques et sociales
concernant le navire (2.2).
2.2) L'État est le principal armateur en Tunisie. Il représente, dès lors, non seulement
le pouvoir politique de l'État mais fait également partie intégrante du facteur humain
maritime. Rappelons qu'il incombe à l'armateur des obligations techniques et sociales
concernant le navire et l'équipage1698 dont le but est d'assurer un bon niveau de sécurité en mer
1696 Voir supra: Partie 2, Titre 1, Chapitre 1.
1697 La doctrine parle « d'excès dans la mise en oeuvre du régime de précaution ». Voir: J. CAZALA: « Le
principe de précaution en droit international », op. cit, p 344 et suivantes.
1698 Voir supra, Partie 1, Titre 1, Chapitre 1.
357
et d'être capable de gérer les risques. Il revient ainsi à l'armateur de maintenir son navire en
bon état de navigabilité technique et de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à
favoriser des conditions de vie et de travail adéquates pour l'équipage. On posera encore une
fois la question de savoir si l'inobservation de l'une ou de l'ensemble de ces obligations,
constituerait, outre le manquement aux obligations de sécurité maritime, un manquement au
principe de précaution et on constatera encore une fois l'absence de réponse au niveau
législatif.
L'interaction entre le principe de précaution et le domaine du transport maritime existe. En
théorie, la pratique du transport maritime constitue, dans certains cas, un manquement au
principe de précaution. Seulement, du fait que le principe demeure un simple principe
d'orientation politique, voire un simple principe éthique, l'interaction entre les deux restera
théorique. Le législateur est invité à prendre conscience de cette interaction et à permettre aux
justiciables l'invocabilité directe du principe de précaution devant le juge. Ceci nécessite au
préalable d'accorder la qualité de règle juridique au principe.
La même interaction est également établie entre le respect des règles de sécurité et de sûreté
maritimes et le principe de correction en matière environnementale, le principe pollueur-
payeur ( Paragraphe 2).
358
a) L'origine internationale du principe pollueur-payeur:
La première approche du principe pollueur-payeur a été présentée par la recommandation de
l'OCDE1699 sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de
l'environnement sur le plan international. Le principe impute au pollueur les dépenses
relatives aux mesures de prévention et de lutte contre la pollution arrêtées par les pouvoirs
publics pour que l'environnement soit dans un bon état. « Le coût de ces mesures devrait être
répercuté dans le coût des biens et services qui sont à l'origine de la pollution du fait de leur
production et/ou de leur consommation », précise la recommandation. On parlera dès lors
d'une internalisation du coût des mesures de prévention de la pollution1700.... On déduira que le
principe pollueur-payeur n'a pas comme but de pénaliser les professionnels mais de
responsabiliser les pollueurs en les amenant à prendre les choix les plus efficaces sur les plans
économique et écologique afin d'éviter la pollution « en allégeant par la même occasion le
fardeau financier que représente la protection de l'environnement pour les budgets de
l'État »1701.
Initialement conçu pour l'internalisation des coûts s'agissant des pollutions chroniques, le
principe a été sujet à des évolutions sensibles élargissant son champs d'application et son
contenu même. Ainsi, l'application du principe a été étendue aux pollutions accidentelles liées
aux substances dangereuses en vertu de la recommandation de l'OCDE du 5 juillet 19891702.
Jusqu'à cette date, le principe pollueur-payeur n'était qu'un principe de rationalité économique
fondé sur l'internalisation des coûts environnementaux en matière de gestion des pollutions et
nuisances1703. Il n'incluait que les mesures de prévention ignorant le coût des mesures de
remise en état que nécessite la survenance d'une pollution. L'OCDE, prenant conscience de
cette lacune, inclut au principe le coût des dommages survenus en vertu de sa résolution de
1991 relative à l'utilisation des instruments économiques dans les politiques de
l'environnement1704.
359
Le principe pollueur payeur a été, par la suite, inscrit dans de nombreux textes internationaux.
On citera notamment la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement durable
de 1992 qui dispose, dans son article 16, que « les autorités nationales devraient s'efforcer de
promouvoir l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et l'utilisation
d'instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c'est le pollueur qui doit, en
principe, assumer le coût de la pollution, dans le souci de l'intérêt public et sans fausser le jeu
du commerce international et de l'investissement ».
En matière maritime, l'article 4. 3 (B) de la convention de Barcelone de 1995 pour la
protection de la Mer méditerranée contre la pollution1705 appelle les parties contractantes à
appliquer « le principe pollueur-payeur en vertu duquel les coûts de la prévention de la
pollution, le contrôle et les mesures de réduction doivent être supportés par le pollueur, en
tenant dûment compte de l'intérêt public ».
De son côté, la convention OPRC étend le principe pollueur-payeur à la responsabilité de
l'État en matière de pollution par hydrocarbures1706. A l'origine, cette convention a été élaborée
afin de fournir un cadre de coopération internationale de lutte contre les pollutions majeures.
L'intégration du principe pollueur-payeur au sein de la convention conduit à ce que chaque
État partie à la convention s'acquitte de ses obligations en matière de lutte contre la pollution
sans exiger le remboursement des frais par d'autres États ayant bénéficié de son action. Elle
conduit, en outre, à faire supporter les frais résultant des mesures de prévention, de réduction
de la pollution et de la lutte contre celle-ci1707 par toute personne physique ou morale qui sera
qualifiée de pollueur.
L'adoption du principe pollueur-payeur par ces différents textes lui a permis d'acquérir une
dimension juridique dans le sens où le principe permet de régler les aspects liés à la réparation
des dommages causés à l'environnement en intégrant les pollutions accidentelles aux coûts
mis à la charge du pollueur. Il revient, désormais, au pollueur de supporter à la fois les coûts
de prévention et les coûts des mesures de lutte contre la pollution et ce, même au niveau de la
législation nationale (b).
360
b) L'extension du principe pollueur-payeur sur le plan interne:
Sur le plan national, la Commission nationale pour le développement durable1708 chargée
notamment de l'intégration du thème de l'environnement dans les politiques et les stratégies de
l'État, doit, entre autres missions, oeuvrer à « appliquer le principe pollueur-payeur et à
proposer les mesures réglementaires permettant d'endiguer la pollution »1709. De ce fait, le
principe pollueur-payeur se trouve aujourd'hui inscrit d'une manière expresse dans plusieurs
domaines relevant de la protection de l'environnement en Tunisie et notamment en matière de
gestion de déchets, de pollution des cours d'eau et de pollution du domaine public maritime.
- En matière de gestion des déchets, il incombe à chaque producteur, distributeur ou
transporteur l'obligation de récupération des déchets engendrés par les matières ou produits
dont ils ont la charge1710. Il en ressort que la loi suppose qu'autant le producteur des déchets
que leur transporteur ou encore leur distributeur peuvent être qualifiés de pollueurs, selon le
cas.
- En matière de pollution des milieux récepteurs, l'article 21 du décret sur les rejets dans les
milieux récepteurs précise que les frais afférents aux analyses que nécessite l'autorisation des
rejets dans les milieux récepteurs sont à la charge des établissements bénéficiaires de
l'autorisation1711. L'identification du pollueur est ici aisée, il s'agit de tout établissement dont
l'activité nécessite une autorisation de rejets autorisés par la loi dans les milieux récepteurs.
- La législation concernant le domaine public maritime, assigne le pollueur dudit domaine à la
prise en charge financière de la remise en état du site pollué. L'article 29 de la loi sur le
domaine maritime1712 permet à l'administration maritime de saisir le tribunal à la suite d'une
pollution affectant le domaine maritime. La loi donne à cette occasion au juge le droit
d'ordonner au pollueur l'enlèvement des dépôts, des encombrants et autres conséquences de la
pollution à ses frais. L'article 30 de la même loi donne au ministre de l'environnement la
faculté d'ordonner « l'exécution des travaux qui s'imposent pour parer les dommages subis par
1708 Présidée par le Premier Ministre, la commission est créée par l'article 1 du décret n° 93-2061 du 11 octobre
1993 portant création d'une commission nationale pour le développement durable, JORT du 19 octobre 1993, pp
1755-1756.
1709 Article 2 du décret n° 93-2061 du 11 octobre 1993, op. cit.
1710 Article 8 de la loi n° 96-41 du 10 juin 1996 relative aux déchets et au contrôle de la gestion et de leur
élimination, JORT du 18 juin 1996, p 1192 et suivantes.
1711 Décret n° 85-56 du 2 janvier 1985 relatif à la réglementation des rejets dans le milieu récepteur, JORT du
22 janvier 1985 p 110 et suivantes. L'article 2-2 du décret définit le milieu récepteur en tant que milieu naturel
dans lequel sont déversés les effluents de toute origine. Il peut s'agir des lacs, lagunes... mais également de la
mer.
1712 Loi n° 95-73 du 24 juillet 1995, relative au domaine public maritime, op. cit. Le domaine public maritime
comprend des éléments naturels tels que le rivage de mers, les lacs, la zone économique exclusive... et des
éléments artificiels tels que les ports et les îles artificielles (voir article 2 de la loi).
361
le domaine public maritime » au frais du pollueur « et ce même avant le prononcé du
jugement ». L'administration maritime se garde, néanmoins, le droit de renoncer aux
poursuites, même après l'introduction de l'affaire devant les tribunaux, si le pollueur accepte
de payer les sommes destinées à réparer les dommages causés1713 ce qui affirme que l'esprit de
ces dispositions est conforme à la finalité de l'application du principe pollueur-payeur à savoir
la correction et la remise en état.
Si, en vertu de toutes ces dispositions, le pollueur, à priori aisément identifiable, supporte les
frais afférents à la protection et à la remise en état de l'environnement, la situation n'est pas
aussi limpide si le pollueur appartient au facteur humain dans le domaine du transport
maritime (B).
a) Au niveau national:
L'efficacité de la mise en oeuvre du principe pollueur-payeur se heurte au problème de la
légèreté des sanctions appliquées aux infractions de pollution maritime1715. La faiblesse des
montants des amendes et des peines de prison prévues pour les pollueurs de la mer ne
permettrait pas d'exercer l'effet dissuasif nécessaire à la prévention des infractions. Rappelons,
à titre d'exemple, que l'auteur d'une pollution du domaine public maritime est sanctionné
362
d'une peine d'emprisonnement allant de 16 jours à une année et d'une amende allant de 50 à
1000 DT1716. Comparées aux coûts importants que nécessite habituellement le nettoyage des
sites ou leur remise en état, le pollueur optera naturellement pour le paiement d'une amende
dont le montant dérisoire fait que le pollueur de la mer est loin d'être le payeur à qui incombe
le paiement des sommes nécessaires à la remise en état du site dont il a causé la pollution.
Comparées aux sanctions prévues par le législateur français, les peines qu'encourt le pollueur
tunisien semblent être, pour le moins, dérisoires. La législation française, nous l'avons déjà
précisé1717, permet aujourd'hui d'affirmer que le pollueur de la mer française est le payeur des
réparations nécessaires puisque le montant des amendes lui étant infligées peut atteindre les
dix millions d'euros1718. Sans aller jusqu'à calquer l'exemple français dont les sommes des
amendes pourraient paraître exagérées, le juste milieu devrait être recherché par le législateur
tunisien de manière à ce que le pollueur soit effectivement le payeur. Nous avons conscience
qu'au vu de l'ampleur de certaines catastrophes maritimes, le principe pollueur-payeur ne
pourrait pas être appliqué de manière parfaite dans tous les cas, mais il est légitime d'espérer
la fixation de sommes qui permettent que le principe s'applique au mieux. Des améliorations à
ce niveau sont également à rechercher sur le plan international (b).
b) Au niveau international:
On pourrait supposer que le législateur tunisien a hésité à fixer des peines conséquentes aux
responsables de pollution des côtes tunisiennes parce que que la Tunisie a jusqu'alors été
épargnée par les grandes catastrophes maritimes et que le droit de responsabilité en matière
maritime a toujours été un droit de réaction et non pas de prévention. La situation est
différente pour le législateur international qui a eu à modifier ou enrichir la législation
internationale à plusieurs reprises et notamment à la suite de catastrophes maritimes de grande
ampleur. Pour autant, au vu des conventions internationales, peut on considérer que le
pollueur de l'environnement marin est le payeur des frais de réparation des dommages et
d'indemnisation des victimes?
Plusieurs éléments conduisent à répondre par la négative notamment l'identification
inadéquate du pollueur (1) et la limitation des frais de réparation (2).
363
1) La canalisation de la responsabilité sur le propriétaire; une règle traditionnelle qui
nécessite une remise en cause:
Le propriétaire du navire est le responsable de la pollution dont son navire est sujet. Il
représente la seule partie que la victime peut poursuivre en justice même si l'accident a été
causé par une tierce partie. Il s'agit d'une responsabilité objective canalisée sur le propriétaire
du navire dont il ne peut s'exonérer que dans certains cas1719. Le problème est que très
souvent, le propriétaire du navire est une personne physique ou morale ayant affrété son
navire à un armateur et n'a, de ce fait, participé d'aucune manière à la survenance de la
pollution. Il lui reviendrait, en conséquence, d'être le payeur à la place du vrai pollueur qui est
épargné par le système juridique et que rien n'inciterait à prendre les dispositions nécessaires
pour éviter d'autres pollutions. En dehors, du fait que la canalisation de la responsabilité sur le
propriétaire du navire soit une règle injuste, elle permet une violation directe du principe
pollueur-payeur. Sa remise en cause semble, de ce fait, nécessaire. Celle-ci devrait permettre
de rechercher le vrai pollueur et de lui faire supporter les frais de la réparation des dégâts
environnementaux qu'il a causés. Le vrai pollueur serait dans ce cas, l'exploitant du navire
dont les impératifs commerciaux étaient à l'origine du voyage pendant lequel la pollution est
survenue. Encore faut-il l'identifier en présence d'un système d'exploitation des navires très
éclaté caractérisé par la généralisation des professionnels intermédiaires tels que les
transitaires et les commissionnaires de transport1720.
2) Le plafond d'indemnisation:
Le propriétaire du navire est le responsable objectif de la pollution impliquant son navire. Sa
responsabilité est assortie d'une obligation d'assurance. En fonction du tonnage de son navire,
il est en droit de limiter sa responsabilité à un certain plafond d'indemnisation 1721.
Naturellement, cette limitation restreint l'étendue de l'application du principe pollueur-payeur.
En conséquence, les sommes plafonnées sont généralement loin de couvrir le coût réel des
pollutions et le pollueur est loin d'être le payeur.
Ainsi, le facteur humain, et notamment l'armateur, peut par son non respect de la législation,
enfreindre les obligations du droit de l'environnement. Le même agissement pourrait avoir des
répercussions sur les droits de l'homme (Section 2).
1719 Voir supra: Partie 2, Titre 1, Chapitre 1.
1720 Sur la difficulté de l'identification du transporteur effectif, voir I. CORBIER: « La notion juridique de
l'armateur », op. cit.
1721 Voir supra: Partie 2, Titre 1, Chapitre 2.
364
Section 2 : La défaillance de la sécurité maritime une atteinte aux droits de
l'homme :
Par droits de l'homme, on entend l'ensemble des droits et des libertés fondamentales
inhérentes à la dignité de la personne humaine1722. Certains parleraient même des « principes
naturels de justice qui fondent la dignité de la personne humaine »1723. Fruit d'un long
cheminement historique1724, les droits de l'homme sont universels et inaliénables. D'origine
philosophique ou religieuse1725, ils constituent aujourd'hui une référence majeure dans l'ordre
politique.
Les entreprises, de transport ou autres, sont « créancières de droits de l'Homme » à l'égard des
États1726. A l'occasion de la pratique du transport maritime, certaines de ces règles peuvent se
voir transgressées. Il en est ainsi du droit à la vie (Paragraphe 1) ainsi que du droit à la
sécurité et à la dignité humaine (Paragraphe 2).
1722 J. SALMON: « Dictionnaire de droit international public », éditions Bruylant, Bruxelles, 2001, p 396.
1723 Y. MADIOT: « Droits de l'homme », éditions Masson, Paris, 1991, p 26.
1724 Sur l'histoire des droits de l'homme, voir: « Les déclarations des droits de l'homme », F. ROUVILLOIS,
éditions Flammarion, Paris, 2009. Voir également: « Libres et égaux: 60 ans de conquête des droits humains »,
Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, S. ALLIX et J-L. PLANCHE, éditions Flammarion,
Paris, 2008. Voir aussi: « L'odyssée des droits de l'homme, fondation et naissance des droits de l'homme: actes du
colloque international de Grenoble, octobre 2001 ». Le colloque est organisé par le Centre historique et juridique
des droits de l'homme, Faculté de droit de Grenoble, Université Pierre Mendès France, textes réunis et présentés
par Jérôme FERRAND et Hugues PETIT, éditions l'Harmattan, Paris, 2003.
1725 A propos des origines philosophiques et religieuses chrétiennes, voir: H. OBERDORFF: « Droits de
l'homme et libertés fondamentales », LGDJ, Paris, 2008, p 38 et suivantes. Sur les origines religieuses
musulmanes, voir : A. AN-NA'IM : « Islam and human rights, collected essays in law », éditions Mashood A.
Baderin, Padstow, Cornwall, Great Britain, p 57 et suivantes.
1726 M. SNOUSSI et Gh. GHEDIRI: « Les droits de l'Homme et le droit international économique », in « Les
droits de l'homme, une nouvelle cohérence pour le droit international », actes du colloque des 17, 18 et 19 avril
2008, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, éditions Pedone, Paris, 2008, p 122.
365
A) Le droit de la vie, un droit fondamental....:
« Du seul fait que la vie existe, elle vaut d'être préservée, protégée, accrue. Toutes les autres
valeurs d'existence sont bâties sur ce socle »1727. Tous les textes internationaux (a) et nationaux
(b) traitant des droits de l'homme sont unanimes à l'égard de ce principe. Dans cette optique,
l'armateur doit munir son navire du matériel et du savoir faire nécessaire à la sauvegarde de la
vie humaine en mer, autrement dit à la sauvegarde du droit à la vie1728.
1727 P. RICOEUR: Intervention lors du Forum international: « Intervenir? Droit de la personne et raison
d'États », la Sorbonne 16 et 17 décembre 1993.
1728 Voir supra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 1.
1729 Le droit à la vie n'a pas été clamé dans des textes juridiques autour des droits de l'homme précédant
l'adoption de la déclaration universelle des droits de l'homme. L'histoire de la seconde guerre mondiale a rendu
nécessaire la proclamation du droit à la vie comme étant un droit fondamental à tous les êtres humains.
1730 Op. cit.
1731 Adopté par l'Assemblée générale des Nations-Unies dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966
et entrée en vigueur le 23 mars 1976.
1732 Article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, op. cit.
1733 Une première version de la Charte a été adoptée en 1994. N'ayant été ratifiée que par un seul État, l'Irak,
ses dispositions ont été modifiées et renforcées en 2004. Elle est entrée en vigueur le 15 janvier 2008.
1734 Adoptée le 27 juin 1981 à Nairoubi lors de la 18 ème conférence de l'Organisation de l'Union africaine
(remplacée par l'Union africaine en 2002) et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
366
que « la personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie.... nul
ne peut être privé arbitrairement de ce droit ».
Chacun a donc le droit d'exister et de faire en sorte de préserver cette existence en veillant à
son corps. Ce droit à l'existence octroyé à chacun, impose une obligation aux tiers, celle de
respecter son intégrité physique, sa dignité. Il subit, toutefois, des dérogations légales telles
que les actes licites de guerre, la légitime défense et les actes de maintien de l'ordre. La mise
en oeuvre de ces exceptions doit être strictement réglementée par la loi.
Droit fondamental et élémentaire, le droit à la vie est également intégré aux législations
nationales (b).
1735 Voir articles 201 à 205, du code pénal, éditions de l'Imprimerie officielle de la République tunisienne,
2010.
1736 Voir article 217 du code pénal, op. cit.
1737 Voir articles 218 à 225 du code pénal, op. cit.
367
2) Le renforcement du droit par la création d'un cadre institutionnel:
Ce dispositif législatif a été renforcé par la création d'une institution dont le but est de
promouvoir et de protéger les droits de l'homme: « Le comité supérieur des droits de l'Homme
et des libertés fondamentales »1738. Le comité assiste le Président de la République dans la
politique de protection des droits de l'homme en émettant ses avis autour de questions se
rapportant aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, en lui soumettant des
propositions à ce sujet et en réalisant des études et des recherches en la matière1739... Les
missions du comité ont été renforcées en 20061740. Il est, désormais, en mesure de recevoir des
requêtes formulées par les citoyens et de soumettre à leurs propos des rapports au Président de
la République. Il est, en outre, chargé d'un devoir de sensibilisation et d'information autour
des droits de l'homme et des libertés fondamentales1741.
En dehors des représentants de l'État1742, le comité est composé de personnalités reconnues
pour leur intégrité, leur compétences ou encore pour leur action dans le domaine des droits de
l'homme1743 et de représentants d'associations actives dans le domaine des droits de l'homme
et des libertés fondamentales1744. Le comité a, par ailleurs, la possibilité de constituer des
groupes de travail composés par certains de ses membres ou encore consulter toute personne
qu'il estime compétente dans un cadre donné1745.
Au même titre que les autres règles de droit, le droit à la vie peut être sujet à transgression. Sa
consécration constitutionnelle et la protection qui lui a été accordée par la création d'une
institution spécialisée ne suffisent pas au respect du droit. Les tribunaux tunisiens, au même
titre que les tribunaux des autres États, examinent au quotidien des affaires d'atteinte à
l'intégrité et à la vie humaine. Les causes de transgression au droit à la vie sont multiples. La
pratique du transport maritime pourrait en être une (B).
1738 Créé en application du décret n° 91-54 du 7 janvier 1991 relatif au comité supérieur pour les droits de
l'homme et les libertés fondamentales, JORT du 11 janvier 1991, p 39 et suivantes.
1739 Voir article 2 du décret n° 91-54 du 7 janvier 1991, op. cit.
1740 En application du décret n° 2006-2846 du 8 novembre 2006, modifiant et complétant le décret n° 91- 54 du
7 janvier 1991 relatif au comité supérieur pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales, JORT du 10
novembre 2006, p 3916.
1741 Voir article 2 du décret n° 91-54 du 7 janvier 1991 tel que modifié par le décret n° 2006-2846 du 8
novembre 2006, op. cit.
1742 Un représentant de la Chambre des députés et un représentant de la Chambre des conseillers.
1743 Voir article 3 du décret du 7 janvier 1991, op. cit.
1744 Voir article 3 du décret du 7 janvier 1991 tel que modifié par le décret n° 2007-886 du 10 avril 2007,
modifiant et complétant le décret n° 91-54 du 7 janvier 1991 relatif au comité supérieur pour les droits de
l'homme et les libertés fondamentales, JORT du 17 avril 2007, p 1184.
1745 Voir article 7-3 du décret du 7 janvier 1991 tel que modifié par le décret n° 2006-2846 du 8 novembre
2006, op. cit.
368
B) .... parfois compromis par la pratique du transport maritime:
L'adoption d'une loi ou d'une convention ne garantit nullement son effectivité ou son
application. Nombreuses sont les lois en vigueur restant lettres mortes ou n'étant appliquées
que partiellement. Les textes régissant les droits de l'homme n'échappent pas à cette règle. Il
ne s'agit pas dans ce paragraphe de rechercher l'effectivité des lois portant sur les droits de
l'homme dans leurs applications diverses mais de déceler les interactions possibles entre les
règles gouvernant les conditions de vie et du travail du facteur humain dans le domaine du
transport maritime et la transgression du droit à la vie (a). Les causes de cette transgression
seront également recherchées (b).
a) Le respect du droit à la vie dans le monde du transport maritime, état des lieux:
L'étude ne s'intéressera, dans le cadre de ce paragraphe, qu'au cas des marins, seuls membres
du facteur humain confrontés à des menaces contre la vie et l'intégrité physique liées à la
nature de leur lieu de travail: le navire. Pendant sa traversée maritime, le navire est confronté
à des risques d'ordre naturel mais également à des risques d'accident engendrés par le non
respect des textes de sécurité et de sûreté maritimes autour des normes techniques (1) ou des
normes d'organisation du travail (2).
369
2) La violation des conditions de vie et de travail à bord du navire ou la transgression
du droit à la vie:
Étant en même temps un lieu de travail et un lieu de vie, l'organisation de la société à bord du
navire est strictement réglementée. Il en est ainsi de l'effectif minimum obligatoirement
embarqué qui dépend de la taille du navire, de la nature de la traversée, de sa durée... Il en est
ainsi également du temps de travail et de repos accordé aux marins1748... Le non respect de ces
normes conduit à un dérèglement dans l'ordre de la société à bord. A titre d'exemple, l'effectif
réduit suppose un travail supplémentaire sollicité de chaque marin embarqué, ce qui génère
fatalement un état de fatigue physique et parfois moral. Ce dernier est également la
conséquence du non respect des heures de repos accordées par le droit aux marins 1749. Nous
l'avons déjà évoqué, le facteur humain est à l'origine de la majorité des accidents en mer et la
fatigue y est pour beaucoup. Là encore, le lien est aisément fait entre le respect des normes de
vie et de travail à bord des navires et le respect du droit à la vie.
Se pose alors la question de savoir quelles pourraient être les causes qui conduisent à la
violation d'un droit capital, tel que le droit de la vie (b).
370
caractérise les navires armant un pavillon de complaisance1751, il n'est pas rare qu'un non
respect, ne serait-ce que partiel, des normes obligatoires à observer à bord des navires soit
constaté sur des bâtiments portant pavillon national. C'était le cas du navire « Amira I »1752, à
titre d'exemple.
Il est à noter que le conflit entre intérêt économique et droits de l'homme se situe également à
un autre niveau, celui des États. Souvent, le commerce international et les droits de l'homme
s'ignorent. La mondialisation actuelle de l'économie se conjugue avec l'ouverture des marchés
et la montée en puissance des firmes transnationales. « Les droits de l'homme sont en règle
générale ignorés dans ce processus dont les seuls indicateurs de performance sont les taux de
croissance du PIB et les taux de profit des firmes »1753. Par ailleurs, « les États les moins
scrupuleux du respect des droits de l'homme soutiennent que les institutions de régulation du
commerce international (telles que l'OMC) n'ont pas compétence pour connaître des questions
de respect de ces droits. De même, la mondialisation incite nombre de pays en voie de
développement au renforcement de leur compétitivité, même si cela aboutit à une négation
des droits fondamentaux des travailleurs »1754. Enfin, certains États « sont impuissants, par
manque de moyens ou de volonté politique à faire face aux intérêts privés. Il leur est ainsi
difficile de faire respecter, non pas même les droits de l'homme, mais simplement leur propre
législation interne »1755. Le non respect des droits de l'homme sur les navires tunisiens se situe,
à notre sens, dans cette optique. Les inobservations des obligations techniques ou sociales qui
ont pu être constatées ne partent pas, à la base, d'une intention d'enfreindre les droits de
l'homme mais d'une logique de gain financier pour ce qui est de l'armateur et d'un manque de
moyens de contrôle maritime pour ce qui est de l'État1756.
Toutes ces considérations font que le droit à la vie, parmi d'autres droits inhérents à la
personne humaine (Paragraphe 2), soit transgressé à l'occasion d'une traversée maritime.
1751 Sur les pavillons de complaisance, voir supra: Partie 1, Titre 2, Chapitre 1.
1752 Voir supra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 2.
1753 D. KOLACINSKI: « Analyse économique des droits de l'homme », collection « des Sociétés », éditions
Presse universitaire de Rennes, 2003, p 225.
1754 Th. FLORY et N. LIGNEUL: « Commerce international, droits de l'homme, mondialisation: les droits de
l'homme et l'organisation mondiale de commerce », in « Commerce mondial et protection des droits de l'homme:
les droits de l'homme à l'épreuve de la globalisation des échanges économiques », éditions Bruylant, Bruxelles,
2001, p 179.
1755 D. KOLACINSKI: « Analyse économique des droits de l'homme », op. cit, p 217.
1756 Rappelons que dans le cadre du contrôle par l'État du pavillon, l'État n'effectue qu'une visite de contrôle à
l'occasion de la mise en service du navire suivie par des visites annuelles. Les visites inopinées ne sont autorisées
que s'il y a réclamation de la part de l'équipage, dont le sujet n'a pu être résolu à l'amiable.
371
Paragraphe 2 : L'atteinte aux droits des marins :
En dehors du droit à la vie qui peut, on l'a vu, être affecté par les conditions du vie et de
travail à bord des navires, d'autres droits inhérents à la personne humaine peuvent se voir, à
leur tour, altérés à l'occasion de l'exercice des missions confiées au facteur humain. Il s'agirait
dans un premier temps d'identifier les droits de l'homme en question (A) et d'essayer de
comprendre, par la suite, la manière avec laquelle le travail maritime pourrait les atteindre
(B).
A) Les droits des marins mis en cause dans le cadre de leur travail:
Certaines obligations techniques ou sociales de l'armateur participent d'une manière directe à
préserver la dignité des marins (a) ou encore à leur garantir un droit à la sécurité et à la santé
(b).
a) Le droit à la dignité:
Au même titre que le droit à la vie, le droit au respect de la dignité de la personne est un
principe fondamental inscrit au niveau des droits international et national (1). Le respect de la
dignité humaine nécessite d'adopter un traitement humain envers les autres personnes,
condition parfois défaillante sur le plan pratique, y compris dans le monde du transport
maritime (2).
372
humaine est, en Tunisie un droit constitutionnel1761: « la République tunisienne....oeuvre pour
la dignité de l'Homme et le développement de sa personnalité »1762.
Concrètement, le respect de la dignité de l'autre nécessite l'adoption d'une certaine conduite
(2).
1761 Ceci n'est pas le cas de la France, à titre d'exemple, où le droit au respect de la dignité humaine est une
création jurisprudentielle. Voir à ce sujet: D. ROUSSEAU: « Les libertés individuelles et la dignité de la
personne humaine », éditions Montchrestien, Paris, 1998, p 62 et suivantes. Il est à noter qu'une partie de la
doctrine estime que le principe de la dignité humaine ne peut avoir la qualité de règle juridique et qu'il s'agit
simplement d'un principe philosophique ou encore spirituel. Voir à ce sujet: B. BEIGNIER: « Hiérarchie des
normes et hiérarchie des valeurs » in « Le droit privé français à la fin du XXème siècle, études offertes à Pierre
CATALA », éditions Litec, Paris, 2001, p 153 et suivantes.
1762 Article 5 de la 1ère constitution de la République tunisienne de 1959, op. cit.
1763 Op. cit.
1764 G. LEBRETON: « Libertés publiques et droits de l'Homme », op. cit, p 297.
1765 Le travail décent est un travail de qualité acceptable et productif dans des conditions de liberté, d'équité, de
sécurité et de dignité. Voir à ce titre: « Réduire le déficit du travail décent - un défi mondial », rapport du
directeur général du Bureau international de travail, 89 ème session de la Conférence internationale de travail,
Genève, juin 2001. Voir également: « Le travail décent: défis stratégiques à venir » rapport du directeur général
du Bureau international de travail, 97 ème session de la Conférence internationale de travail, Genève, juin 2008.
1766 Voir supra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 2.
373
marchands portant des pavillons de complaisance. Étant donné que ces derniers constituent
66% de la flotte marchande mondiale, parler de traitement inhumain en évoquant le travail et
la vie des marins serait, de ce fait, justifié. Dans ces conditions, il va de soit que
l'environnement favorisant d'un côté la sécurité et la sûreté des marins, et de l'autre leur santé
soit, lui aussi, défaillant (b).
374
2) Le droit à la santé:
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. La possession du meilleur état de santé
qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain,
quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou
sociale »1769. La déclaration universelle des droits de l'homme1770 associe le droit de santé aux
droits économiques, sociaux et culturels dont doit jouir toute personne. Son article 25 dispose
que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être et
ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins
médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ». De son côté, le Pacte international
des droits économiques, sociaux et culturels1771 reconnaît, dans son article 12, que le droit à la
santé est un droit individuel et inaliénable.
La santé au travail regroupe les règles d'hygiène et la médecine de travail. L'hygiène a été
définie comme étant « la science qui permet de prévoir, d'identifier, d'évaluer et de maîtriser
les facteurs et les contraintes propres au travail ou qui en résultent et qui sont susceptibles
d'entraîner la maladie, l'altération de la santé et du bien-être des travailleurs, tout en tenant
compte des impacts éventuels sur la communauté avoisinante et sur l'environnement en
général »1772. En matière de transport maritime, les règles d'hygiène sont, de ce fait, relatives à
la propreté permanente des lieux de vie et de travail, à leur salubrité et à la prévention des
nuisances.
L'inobservation de toutes ces règles à bord des navires est fréquente 1773 ce qui constitue, outre
le manquement aux obligations de sécurité et de sûreté une violation des droits de l'homme.
Cette situation est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs. (B).
375
a) Une atteinte aux droits...:
Au même titre que le droit de la vie, les autres droits des marins peuvent être transgressés.
Encore une fois, la logique économique place, assez souvent, la satisfaction des besoins
individuels au dessus de la réunion des conditions de vie et de travail favorables. A bord des
navires de complaisance, où le modèle de croissance est associé à la conception libérale de
l'économie, l'investissement social est tout simplement négligé. Les marins embarqués à bord
de ces navires manquent d'accès aux soins, à une alimentation saine et en quantité suffisante
et à des locaux dont le niveau d'hygiène est satisfaisant ce qui aboutit, généralement, à un état
de santé déplorable. « Ce constat est vrai s'agissant de la grande majorité des navires portant
pavillon de complaisance faisant escale dans les ports tunisiens. On effleure l'état d'insalubrité
sur bon nombre d'entre eux »1774.
Si l'on voulait qualifier cette réalité, on parlerait d'exploitation sociale. Il s'agit d'un
« ensemble de faits, de comportements et d'attitudes qui consistent à tirer profit de la
dépendance économique des personnes pour les obliger à travailler dans des circonstances et
sous des conditions de travail et pécuniaires humainement dégradantes et en tous cas
contraires au respect de la dignité humaine »1775. Face à un contrôle maritime de faible
ampleur1776, l'exploitation sociale générée par la logique économique, n'est pas prête d'être
parée. « Seules les instances politiques disposent d'une légitimité morale universelle »1777 pour
corriger l'ordre économique à moins que la jurisprudence ait une contribution effective en la
matière (b).
376
Du point de vue du droit, la réponse à la question est affirmative. Rien au niveau des textes de
droit n'empêche le juge de qualifier le manquement aux obligations de l'armateur de
transgression aux droits de l'homme. Seulement, cette hypothèse serait une première dans la
jurisprudence tunisienne car jusqu'alors, le juge n'a pas eu à statuer sur de pareils cas de
figure. Dans l'état actuel des choses, les droits de l'homme rattachés à l'exercice de la fonction
maritime ne sont pas justiciables et ceci n'est pas une spécificité de la justice tunisienne. Il
n'est pas courant de demander réparation au nom des droits de l'homme mais seulement pour
manquement aux obligations légales à la charge de l'armateur en vertu des lois applicables en
matière maritime. L'absence de jurisprudence en la matière rend cette étude purement
théorique. Une petite nuance est, toutefois, apportée par la jurisprudence étrangère qui a eu
l'occasion de montrer que la relation entre la sécurité maritime et les droits de l'homme existe
et peut être revendiquée devant le juge. A l'occasion de l'affaire Brundnicka et autres contre la
Pologne1778, les requérants ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme en vertu de
l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés
fondamentales1779. Dans les faits, plusieurs marins ont péri dans le naufrage du navire Jan
Heweliusz en mer Baltique. L'expertise a montré que le naufrage était, en partie, dû à des
manquements de l'armateur du navire qui n'avait pas entrepris les travaux de réparation
nécessaires. La cour affirme qu'il y a eu violation des droits protégés par la convention et
donne droit aux requérants.
1778 Cour européenne des droits de l'homme, troisième section, arrêt n° 54723/00 du 3 mars 2005, affaire
Brudnicka et autes c. la Pologne.
1779 L'article 34 permet à toute personne physique ou morale de saisir la Cour pour violation de l'un des droits
reconnus dans la Convention.
377
378
Chapitre 2 : Vers de meilleures sécurité et sûreté en mer :
Les analyses précédentes ont pu mettre l'accent sur les lacunes qui existent aussi bien au
niveau de la législation que de la pratique tunisiennes s'agissant de la sécurité et de la sûreté
maritimes. Dans certains cas, les textes de droit font défaut. Dans d'autres cas, l'application
des textes en vigueur est incomplète. S'appuyant sur les résultats des analyses précédentes, il
s'agit dans ce chapitre de réfléchir sur certaines propositions dont la finalité serait de garantir
une meilleure sécurité et une meilleure sûreté en mer (section 2). Cette démarche sera inspirée
d'une expérience ayant fait ses preuves en la matière, l'expérience communautaire ( section 1).
379
Section1 : L'exemple communautaire, comme approche d'amélioration :
1780 Les premiers éléments d'une politique commune de sécurité maritime datent du début des années 1990 et se
traduisent par l'adoption du Livre blanc sur le développement futur de la politique commune des transports du 2
décembre 1992 (COM(92) 0494) et d'une communication intitulée « pour une politique commune de la sécurité
maritime » du 24 février 1993 ( COM(93) 66 final du 24 février 1993).
1781 Op. cit.
380
STCW1782 dont le but est de fixer un seuil minimum de connaissances exigées des marins
grâce à quoi, ils peuvent obtenir un brevet internationalement reconnu. L'intégration de ce
texte dans la législation européenne rend obligatoire l'ensemble de ses normes. L'effectivité de
son application est d'ailleurs sujette à contrôle dans le cadre du contrôle par l'État du port1783.
En outre, le législateur européen a enrichi cette législation internationale en adoptant un
certain nombre de textes européens. L'abondance de la matière contraint l'analyse qui suit à
opter pour une analyse réduite à certaines dispositions dont l'impact est, à notre sens,
manifeste:
1782 En application de la directive 94/58/CE du Conseil du 22 novembre 1994 concernant le niveau minimal de
formation des gens de mer, JOCE L 319/28 du 12 décembre 1994, p 28 et suivantes modifiée par la directive
2001/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le niveau minimal de formation des
gens de mer, JOCE L 136 du 18 mai 2001, p 17 et suivantes. A propos de la convention STCW, voir supra: Partie
1, Titre 1, Chapitre 1.
1783 Voir infra: Paragraphe 2, A, b.
1784 Directive 2008/106/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 concernant le niveau
minimal de formation des gens de mer, JOCE L 323 du 3 décembre 2008, p 33 et suivantes.
1785 Préambule de la directive 2008/106/CE, op. cit, point 8.
1786 Voir supra: Partie 1, Titre 2, Chapitre 1.
1787 Article 10 de la directive 2008/106/CE, op. cit.
381
En dehors de la formation des marins, la convention a accordé de l'importance à la fatigue des
marins et à la communication à bord qui sont des causes récurrentes d'accidents en mer1788.
Dans son article 15, elle invite les États à faire appliquer des heures de repos selon les
modalités décrites dans l'article afin d'empêcher la fatigue. De son côté, l'article 18 appelle à
instaurer les moyens permettant d'avoir une bonne communication orale entre tous les
membres de l'équipage. Par ailleurs, le capitaine, les officiers et les matelots doivent être
capables de communiquer entre eux dans une ou plusieurs langues de travail communes, ce
qui constitue une meilleure garantie de communication et une innovation par rapport à la
législation internationale. Enfin, une attention est accordée à la communication entre
l'équipage à bord et les autorités à terre. Des « moyens de communication adéquates » doivent
être fournis à cette fin1789.
382
législation en matière de sécurité maritime. L'apport de la création d'une telle institution
consiste d'une part, dans l'expertise que pourrait avoir les membres qui la constituent et d'autre
part, dans l'harmonisation au niveau communautaire des dispositions adoptées en matière de
sécurité maritime et de protection de l'environnement.
3) Par ailleurs, le Conseil a adopté une directive permettant aux États membres de
ratifier la convention consolidée sur le travail maritime adoptée sous l'égide de l'OIT en juin
20061795. Il s'agit de la directive 2009/13/CE1796 du Conseil du 16 février 2009 portant mise en
oeuvre de l’accord conclu par les Associations des armateurs de la Communauté européenne
(ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) concernant la
convention du travail maritime, 2006, et modifiant la directive 1999/63/CE1797. L'accord en
question, conclu le 19 mai 2008 fixe les droits et les conditions de travail et de vie des marins
opérant à bord des navires portant pavillon d'un État européen. Ses dispositions sont aussi
diverses et variées que celles de la convention sur le travail maritime de 2006. Elles
concernent aussi bien la fixation de l'âge minimal de travail 1798, des heures de travail et de
repos1799, que des effectifs1800 et des conditions concernant le logement, la nourriture et les
loisirs accordés à l'équipage1801... L'intérêt de cet accord est l'instauration d'une législation
étoffée offrant aux marins un cadre de travail et de vie le plus optimal possible afin de
minimiser les accidents en mer dont le facteur humain est l'origine.
La directive 2009/13/CE entrera en vigueur à la date d'entrée en vigueur de la convention du
travail maritime de 20061802. Dans l'attente, ce sont les dispositions de l'accord annexé à la
directive 1999/63/CE tel que modifié par la directive 2009/13/CE qui sont en vigueur. Cet
accord met notamment l'accent sur la fixation des horaires de travail et de repos des marins. Il
383
détermine d'une manière assez détaillée les limites des heures de travail et de repos des
marins1803, libre aux États membres d'adopter une législation nationale permettant des périodes
de repos et des congés plus fréquents que ceux fixés par l'accord 1804. Les heures de travail et
de repos quotidiennes doivent être notées sur un registre tenu à bord à cette fin 1805. Ce dernier
est visé à des intervalles appropriés par les autorités compétentes1806. Le non respect du
partage d'horaire fixé par l'accord, entraîne l'application de mesures adéquates, dont
l'obligation de révision de l'effectif1807.
La CE s'est également penchée sur des domaines où les dispositions internationales font
défaut et a adopté des mesures appropriées (b).
1803 Voir clause 5 de l'accord annexé à la directive 1999/63/CE tel que modifié par la directive 2009/13/CE, op.
cit.
1804 Voir article 2.1 de la directive 1999/63/CE, op. cit.
1805 Clause 8 (1) de l'accord annexé à la directive 1999/63/CE tel que modifié par la directive 2009/13/CE, op.
cit.
1806 Clause 9 de l'accord annexé à la directive 1999/63/CE tel que modifié par la directive 2009/13/CE, op. cit.
1807 Clause 10 (2) de l'accord annexé à la directive 1999/63/CE tel que modifié par la directive 2009/13/CE, op.
cit.
1808 Communication de la Commission au Parlement, au Conseil, au Comité économique et social européen et
au Comité des régions, Bruxelles, le 10 octobre 2007, COM(2007) 575 final.
1809 Point 1 du Livre bleu, op. cit.
1810 Point 5 du Livre bleu, op. cit.
384
tâche sera facilitée par le Plan d'action détaillé qui a accompagné le texte de la politique
maritime intégrée1811. Cette dernière couvre des finalités et des domaines d'action très larges.
Dans la perspective de notre étude, l'analyse qui suit se contentera d'exposer les dispositions
concernant d'une manière directe le facteur humain et pouvant servir d'exemple ou
d'enseignement pour la Tunisie.
Cinq domaines d'action sont fixés par cette politique1812 dont deux s'adressent au facteur
humain:
1. La création des conditions optimales pour une utilisation durable des mers et des océans en
plaidant, entre autres domaines, en faveur de transports maritimes sûrs et fiables. Cette qualité
de transport nécessite une amélioration de la politique du personnel, des conditions du travail,
de la sécurité et de la santé ainsi que de la formation des marins1813. A ce propos, le Plan
d'action a prévu une communication sur le « réexamen de la réglementation sociale dans la
perspective d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité dans les professions maritimes de
l'UE »1814. En application de cette communication, une consultation européenne des
partenaires sociaux a été lancée ce qui leur permet de se prononcer sur les questions soulevées
dans la communication et de participer, ainsi, d'une manière active à l'amélioration de la
qualité du transport maritime.
385
met également l'accent sur le besoin d'améliorer la formation destinée aux marins et sur le fait
que « les contrôles doivent être concrets »; ce qui laisse entendre que des améliorations sont
attendues.
Il est aisément compréhensible que l'ampleur des ambitions de cette politique fait que du
temps et des moyens humains, financiers et matériels considérables doivent y être consacrés.
C'est probablement la raison pour laquelle la politique maritime de l'Union européenne peine
à aboutir à ses objectifs1816, et reste encore « une action fragmentée »1817. Il n'en demeure pas
moins, à notre sens, qu'il s'agit là d'une initiative méritant d'être saluée.
1816 Voir à ce sujet: J-P. BOUDE: « Les enjeux économiques d'une politique maritime européenne », in
« L'Union européenne et la mer, vers une politique maritime de l'Union européenne? », éditions Pedone, 2007, p
11 et suivantes. Voir également: A. CUDENNEC et G. GUEGUEN-HALLOUET: « Les fondements juridiques
d'une politique maritime européenne » in « L'Union européenne et la mer, vers une politique maritime de l'Union
européenne? », op. cit, p 21 et suivantes.
1817 D. CHARLES LE BIHAN: « Le financement de la politique maritime de l'Union européenne », in
« L'Union européenne et la mer, vers une politique maritime de l'Union européenne? », op. cit, p 45.
1818 Préambule de la directive 1996/98/CE, point (3), voir infra.
1819 Préambule de la directive 1996/98/CE, point (5), voir infra.
1820 Directive 1996/98/CE du Conseil du 20 décembre 1996 relative aux équipements marins, JOCE L 46 du 17
février 1997, p 25 et suivantes, modifiée par la directive 2009/26/CE de la Commission du 6 avril 2009
modifiant la directive 96/98/CE relative aux équipements marins, JOCE L 113 du 6 mai 2009, p 1 et suivantes.
1821 Il s'agit des articles énumérés aux annexes A.1 et A.2 de la directive qui doivent être utilisés à bord et pour
lesquels l'approbation de l'administration de l'État du pavillon est requise conformément aux instruments
internationaux.
1822 Article 4 de la directive 1996/98/CE, op. cit.
386
produit en question des marchés et à restreindre son utilisation à bord des navires dont il
délivre les certificats de sécurité. Enfin, l'État en question doit immédiatement informer les
autres États membres ainsi que la Commission européenne de cette mesure1823.
L'intérêt de l'adoption d'une telle directive ne réside pas seulement dans le fait d'harmoniser
les pratiques au sein de la communauté européenne mais sert également à combler les lacunes
réglementaires internationales en la matière. L'annexe A.2 de la directive précise les mesures à
adopter concernant les « équipements pour lesquels il n'existe pas de normes d'essai détaillées
dans les instruments internationaux » tels que certains engins de sauvetage ou de prévention
de la pollution marine ou encore de protection contre les incendies.
387
soit visé par cette mesure alors qu'il peut s'avérer qu'il n'ait aucun contrôle effectif sur le
navire.
Au même titre que la sécurité maritime, la sûreté maritime a retenu l'intérêt du législateur
européen (B).
388
nombre de renseignements concernant ce navire1837. Il en est ainsi de l'organisme ayant
accordé le certificat de navigation du navire, des mesures de sûreté spéciales ou additionnelles
prises par le navire dans un port précédent et de tout autre renseignement pertinent relatif à la
sûreté1838. Les renseignements sont fournis de manière à laisser le temps à l'autorité maritime
du port d'escale de les examiner avant d'autoriser l'entrée du navire dans ses eaux1839.
Au port, le contrôle consiste à vérifier l'existence et la validité d'un certificat international de
sûreté1840. Si le certificat n'est pas valable ou qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le
navire ne satisfait pas aux prescriptions en vigueur, les inspecteurs peuvent procéder au
contrôle du navire, à son immobilisation voire à son expulsion du port1841. Dans tous les cas,
l'État du pavillon ainsi que la Commission européenne doivent être informés de l'issue du
contrôle1842. En outre, les États membres doivent instaurer des sanctions proportionnées et
dissuasives à l'encontre des auteurs d'infractions aux dispositions du règlement1843. En
application de cette disposition, l'article R 321-52 du Code des ports maritime français1844
sanctionne de l'amende prévue pour la contravention de cinquième classe1845 toute violation
des dispositions du règlement. Il en est ainsi du fait de faire obstacle à l'accomplissement des
visites des inspecteurs ou encore du refus des inspecteurs d'accomplir leur mission.
En outre, dans le cadre de l'exercice du contrôle de sûreté par les autorités nationales et dans
le but d'harmoniser les pratiques communautaires, les contrôles nationaux sont sujet à
inspection (2).
cit.
1837 Article 6.1 du règlement 725/2004/CE, op. cit.
1838 La liste des renseignements exigés est fixée par le paragraphe 2.1 de la règle 9 du chapitre XII de la
convention de SOLAS.
1839 Voir article 6.2 du règlement 725/2004/CE, op. cit.
1840 Voir article 8. 1 du règlement 725/2004/CE, op. cit.
1841 Voir article 8.2 du règlement 725/2004/CE, op. cit.
1842 Op. cit.
1843 Article 14 du règlement 725/2004/CE, op. cit.
1844 Éditions des Journaux officiels, Paris, 2009.
1845 Dont le montant est de 1500 €.
1846 Voir article 4 du règlement 725/2004/CE, op. cit.
389
exigence permet une certaine transparence nécessaire dans la détermination du rôle et de la
responsabilité de chacune des parties impliquées dans le processus du contrôle. Par ailleurs,
six mois après la date d'application des mesures de contrôle de sûreté, les programmes
nationaux de contrôle par l'État du port font l'objet de l'inspection des agents mandatés de la
Commission à cet effet1847. A cette occasion, les installations portuaires sont visitées et les
informations fournies par les États membres sont examinées et évaluées. Cette démarche
permet de mettre l'accent sur les faiblesses de chaque système et de lui fournir les pistes
d'amélioration. Elle permet, en outre, d'assurer une certaine harmonie dans la pratique du
contrôle de sûreté au niveau communautaire. A l'issue de cette inspection, les États s'engagent
à remédier aux éventuelles défaillances de leur système national de contrôle de sûreté 1848.
Pour une meilleure efficience du contrôle de sûreté, certaines normes internationales intégrées
dans la législation européenne acquièrent la force obligatoire (b).
390
- La norme 6.1 qui recommande à l'armateur de fournir au capitaine toutes les informations
pertinentes autour de l'exploitant du navire, de son affréteur à temps ou coque nue s'il y a lieu
et des agences de recrutement des marins. Cette mesure revêt une importance capitale
puisqu'elle permettrait d'identifier le ou les responsables à la suite d'un accident. Lorsqu'on
sait tout le temps que le juge peut perdre dans la recherche et l'identification du vrai exploitant
du navire, on ne comprend pas le choix du législateur international à faire de cette mesure une
simple recommandation. En revanche, le choix qu'a fait le législateur européen de la rendre
obligatoire est tout à fait justifié.
- la norme 8.11 qui invite les agents de sûreté du navire et de la compagnie à prêter une
attention au confort, à l'intimité du marin et à sa capacité à maintenir son efficacité pendant de
longues périodes au vu de l'effort et du temps que nécessite l'application des mesures de sûreté
à côté du travail initial pour lequel il est engagé. En rendant obligatoire cette
recommandation, le législateur européen permet au bien- être des marins de se hisser au rang
des normes impératives qu'occupe généralement des mesures de type technique.
Le choix de rendre obligatoires l'ensemble de ces mesures, entre autres dispositions que le
législateur international a qualifié de recommandations, reflète l'importance que le législateur
communautaire accorde au rôle joué par le facteur humain dans la sûreté en mer.
L'application de ces normes est sujet à vérification (paragraphe 2 ).
391
l'Erika suivie, peu après, de celle du Prestige1851. A l'instar de la politique internationale,
l'ambition politique communautaire a été mobilisée au fur et à mesure des grandes
catastrophes maritimes1852, ce qui fait du droit de sécurité maritime, un droit « de réaction ».
Par conséquent, le système du contrôle par l'État du port se renforce à la suite de chaque
catastrophe maritime (a) érigeant progressivement un contrôle du travail maritime accompli
par les inspecteurs de l'État du port (b).
1) La directive 95/21/CE sur le contrôle par l'État du port1855, dont le but est de
consolider les dispositions du Paris Mou et de « contribuer à une diminution radicale des
transports maritimes inférieurs aux normes navigant dans les eaux relevant de la juridiction
des États membres », impose à ces derniers un certains nombre d'obligations:
- Le taux minimum d'inspection des navires étrangers faisant escale dans les ports européens
est maintenu à 25%1856.
- Un coefficient de ciblage des navires à inspecter en priorité est fixé1857.
392
- Les administrations maritimes sont dorénavant autorisées à refuser l'accès au port à tout
navire refusant de se conformer à la législation internationale ou aux consignes des
inspecteurs maritimes du port d'inspection1858.
- Les autorités compétentes doivent publier « au moins trimestriellement des informations sur
les navires immobilisés ». Les informations publiées servent à identifier le navire inspecté,
son armateur, et l'organisme l'ayant classé1859.
Toutes ces nouvelles mesures contribuent à une meilleure identification du risque ainsi qu'à
une meilleure lutte contre celui-ci1860.
393
3) La directive 2009/16/CE du 23 avril 2009 sur le contrôle des navires par l'État du
port1866 renforce les obligations des États européens en la matière et représente une refonte
complète de la directive 95/21/CE1867. Désormais, l'inspection périodique de tous les navires
faisant escale dans les eaux communautaires est de rigueur1868. Le taux d'inspection, fixé
jusqu'à lors à 25%, semble dépassé. Cette disposition à elle seule, marque la détermination du
législateur européen à diminuer d'une manière « radicale » le nombre de navires qui ne
respecteraient pas les exigences sécuritaires. La démarche choisie pour l'accomplissement du
contrôle confirme cette constatation. En effet, le contrôle n'est pas aléatoire et est fait de
manière à identifier les navires représentant plus de menaces que d'autres. C'est ainsi que la
directive accorde des profils de risques différents à chaque navire selon ses caractéristiques.
La primeur et la fréquence de contrôle seront arrêtées sur la base de ces profils 1869. Le profil
de risque est déterminé selon des paramètres génériques tels que le type de navire et son âge
et des paramètres historiques concernant notamment les antécédents d'immobilisation1870. La
combinaison de ces paramètres aboutit à qualifier le profil de risque de faible, normal, ou
élevé1871.
L'intervalle entre deux inspections de navires à risque élevé ne doit pas excéder les six mois.
Pour les autre profils, l'intervalle s'accroît au fur et à mesure que le risque diminue1872. Par
ailleurs, des inspections supplémentaires sont prévues indépendamment de la date à laquelle
le navire a été inspecté lorsque des facteurs prépondérants ou imprévus existent1873. Par
facteurs prépondérants, on entend les collisions, échouages ou encore le retrait ou la
suspension de classe. Les facteurs imprévus incluent le retrait d'agrément de l'organisme ayant
délivré le certificat de navigation au navire ou encore le fait qu'un pilote ou une autorité
maritime ait signalé des anomalies manifestes susceptibles de compromettre la sécurité ou de
menacer l'environnement marin1874. Dans tous les cas, les navires de plus de douze ans sont
systématiquement inspectés1875.
1866 JOCE L 131 du 28 mai 2009 , entrée en vigueur le 1er janvier 2011.
1867 Ph. BOISSON: « L'adoption du 3ème paquet ne vient pas modifier les équilibres fondamentaux du système
de sécurité maritime », op. cit, p 579.
1868 Article 1 c de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1869 Article 10 de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1870 Voir annexe I, partie I de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1871 Voir annexe I, partie I, 2 de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1872 Voir annexe I, partie II, 1 de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1873 Voir annexe I, partie I, 2 de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1874 Voir annexe I, partie I, 2A et 2B de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1875 Voir annexe I, partie II, 3B c de la directive 2009/16/CE, op. cit.
394
La directive fixe également des critères de selection des navires. Les bâtiments appelés
« navires de priorité » qui se trouvent en escale en même temps que d'autres navires sont
inspectés en priorité. Pour les identifier, les inspecteurs appliquent, en plus du profil de risque
du navire, d'autres critères tels que le type de cargaison transportée. Selon le cas, ces navires
subissent des inspections détaillées ou encore des inspections renforcées 1876. Les « navires de
priorité » sont répartis en deux catégories: « les navires de priorité I » et les « navires de
priorité II ». Ceux de la première catégorie subissent systématiquement une inspection1877. Les
seconds, sont « susceptibles » de l'être si les inspecteurs en décident ainsi1878.
L'attribution de profils et de critères de sélection des navires, même si elle constitue
inévitablement une charge de travail supplémentaire pour l'administration maritime et pour les
inspecteurs, contribue efficacement à interdire la circulation de navires sous normes. Au
même titre que le Paris Mou, la directive permet l'immobilisation du navire présentant des
risques pour la sécurité, la santé ou pour l'environnement 1879. Elle autorise également à tout
État membre de refuser l'accès à ses ports aux navires sous normes et notamment à ceux
battant pavillon d'un État dont le nom figure sur la liste noire publiée par le Paris Mou1880.
Prenons exemple sur ce dernier, la Commission européenne est tenue de publier régulièrement
des informations sur les compagnies maritimes non respectueuses des exigences sécuritaires
obligatoires1881.
L'élément humain fait partie intégrante de ces inspections (b).
1876 Les caractéristiques de ces navires sont données par l'annexe I, partie II, point 3A de la directive
2009/16/CE, op. cit.
1877 Voir article 12 a de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1878 Voir article 12 b de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1879 Voir article 19.2 de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1880 Voir article 16.1 de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1881 Voir article 27 de la directive 2009/16/CE, op. cit.
1882 P. CHAUMETTE: « Le contrôle des navires par l'État du port ou la déliquescence du pavillon? », in « La
norme, la ville, la mer: écrits de Nantes pour le Doyen Yves Prat », op. cit, p 275.
395
1) La directive 95/21/CE1883 comportait déjà une dimension sociale qui reste, toutefois,
fort limitée. Bien que le texte de la directive fasse référence à la convention n°147 de l'OIT1884
ainsi qu'à la convention STCW1885, ses dispositions pertinentes ne permettent l'immobilisation
du navire qu'en violation de certaines exigences que contient la convention n°147 de l'OIT1886.
L'immobilisation des navires n'est, ainsi, possible que si l’effectif, la composition ou la
certification de l’équipage ne correspond pas aux exigences de la convention STCW. Il en est
de même de l’absence de nourriture suffisante pour le voyage jusqu’au prochain port, de
l’insuffisance d’eau potable, de l’absence de chauffage dans les logements si le navire opère
dans des zones de basses températures et de la présence dans les couloirs ou les logements de
déchets, de matériel ou de cargaison1887. La restriction de l'étendue du contrôle à ces domaines
interroge la doctrine: « comment oublier le caractère élémentaire de la rémunération, la
nécessité de garantie de paiement des créances salariales, l'importance des repos et des congés
payés pour la sécurité et la liberté d'expression et d'affiliation syndicale »1888. Pourquoi cette
hésitation à faire respecter l'ensemble des normes sociales en vigueur au plan international?
Nous estimons que le législateur européen a probablement choisi d'intégrer, dans un premier
temps, les conditions de vie et de travail qui lui paraissent les plus pertinentes.
396
utilisées à bord et en anglais ainsi qu'un registre des heures de travail ou de repos des marins
visé par l'administration maritime compétente1892. La directive 99/95/CE permet, en outre, à
l'inspecteur maritime de décider, suite à une plainte qu'il aurait reçu ou alors de lui même, de
procéder à une inspection plus approfondie afin de vérifier que les heures de travail sont
respectées1893. En cas de non conformité avec ces exigences, l'inspecteur peut prendre toute
mesure qu'il estime adéquate afin de remédier aux manquements constatés. L'immobilisation
du navire peut également être ordonnée sur cette base1894. A noter qu'est considéré comme
manquement aux dispositions pertinentes le constat de l'état de fatigue excessif des marins. Il
constitue, par conséquent, un motif d'immobilisation du navire1895. Cette disposition est à notre
sens une consécration de la prise de conscience du rôle conséquent de la fatigue des marins
dans la survenance des accidents en mer. Si elle est prise en considération par les inspecteurs
maritimes, chaque fois qu'un état de fatigue est constaté, on pourrait voir le nombre
d'incidents maritimes rapidement décroître.
3) Par ailleurs, la directive 2008/106/CE sur la formation des gens de mer1896, instaure
un contrôle par l'État du port de la bonne application de la convention STCW à bord des
navires étrangers et en charge les agents de contrôle par l'État du port compétents1897. En
outre, probablement conscients de son importance, les rédacteurs de la directive insistent, tout
particulièrement, sur le contrôle de la bonne communication à bord. Ainsi, ils appellent les
États membres à s'assurer, dans le cadre du contrôle par l'État du port, que les navires
étrangers soient conformes aux normes européennes en matière de communication à bord1898.
Lorsque les autorités maritimes de contrôle constatent que le navire visité n'est pas conforme
à cette exigence ou à toute autre exigence de la convention STCW, elles en informent la
Commission européenne qui réévalue la reconnaissance du pays dont le navire visité porte le
pavillon afin de déterminer s'il a négligé de se conformer aux prescriptions de la convention
STCW1899. Auquel cas, la reconnaissance des brevets issus de ce pays est révoquée dans un
397
délai de deux mois1900.
Sur un autre plan, une nouveauté en matière du contrôle par l'État du port a été introduite par
la directive: dans le cadre de l'évaluation de l'aptitude des marins à respecter les normes de
veille prescrites par la convention STCW, et outre la vérification des brevets de compétence
que doivent détenir les gens de mer, ces derniers peuvent avoir à démontrer, d'une manière
pratique, leur compétence considérée sur le lieu de travail1901. En cas de manquement à ces
obligations, les autorités maritimes sont autorisées à appliquer les sanctions pénales qu'elles
estiment adéquates1902.
Par l'adoption de toutes ces mesures, le législateur européen prouve toute l'importance qu'il
accorde au rôle de l'élément humain. Et même s'il s'avère que les inspecteurs maritimes ne se
saisissent pas systématiquement de la convention 147 de l'OIT pour la formulation de leurs
observations à l'issue de la visite du navire inspecté1903, le législateur européen a, tout de
même, le mérite de mettre l'accent sur l'inspection des conditions de vie et de travail à bord
des navires. Ces derniers ne sont pas les seuls sujets à contrôle. C'est également le cas des
organismes chargés de leur classification. L'Agence européenne pour la sécurité maritime
(AESM) appuie le système du contrôle européen dans son ensemble (B).
398
1) La directive 2001/105/CE1904 du Parlement et du Conseil du 19 décembre 2001
modifie et renforce les normes de la directive du 22 novembre 1994 1905 quant aux règles et
normes communes concernant les sociétés de classification:
1- Les critères permettant à l'entreprise d'être agréée deviennent plus stricts sur certains
points, notamment l'expérience de l'entreprise, la compétence de son personnel et la qualité de
sa méthode de travail1906.
2- L'agrément de ces entreprises, condition sine qua none de leur exercice sur le territoire
européen, ne se fait désormais plus sous forme de délégation de service public fournie par
l'État du pavillon mais plutôt sous forme d'agrément communautaire donné par la
Commission1907.
3- Par ailleurs, la directive introduit une procédure de suspension et de retrait de l'agrément
accordé par la Commission en cas de manquement aux règles communautaires en vigueur1908.
4- Enfin, la directive procède à l'harmonisation des conditions de la responsabilité financière
des sociétés de classification agréées. La responsabilité pourrait être illimitée en cas
d'omission volontaire ou de négligence grave1909. En outre, des plafonds, de responsabilité
sont fixés selon la gravité de la négligence de la société1910.
2) Par la suite, un texte issu du Paquet Erika III vient endurcir davantage cet ensemble
de mesures; il s'agit du règlement 391/2009/CE1911.
Trois nouvelles mesures d'application immédiate, y sont contenues:
399
performances révèle des insuffisances graves dans sa structure, ses systèmes, ses procédures
ou ses contrôles internes ». Deuxièmement, en cas de communication de fausses informations
à la Commission. Le montant cumulé des amendes et astreintes imposées à l'organisme ne
peut, toutefois, dépasser les 5% de son chiffre d’affaire total moyen au cours des trois
exercices précédents pour ses activités de certification. En cas de contestation, un recours est
possible devant la Cour de justice des Communautés européennes.
2- De son côté, l'article 10 consolide les obligations de transparence et de coopération
technique entre les sociétés de classification. Ces dernières sont dans l'obligation de
reconnaître mutuellement « les certificats de classification délivrés pour le matériel, les
équipements et les éléments constitutifs fondés sur des normes équivalentes, en prenant pour
référence les normes les plus exigeantes et les plus rigoureuses ».
3- Enfin, l'article 11 impose aux organismes de classification de mettre en place pour
le 17 juin 2011 au plus tard, une entité commune et indépendante de certification de leur
système de gestion de la qualité dont la mission est d'évaluer et de certifier la qualité de ces
organismes. Celle-ci émet aux organismes, aux États membres du pavillon et à toute partie
intéressée des recommandations et des observations chaque fois qu'elle estime que la sécurité
peut être compromise. Elle même est sujet à évaluation de la part de la Commission
européenne.
Même si l'ensemble de ces mesures alourdit certainement la charge de travail des sociétés de
classification et de la Commission européenne, il offre plus de garanties quant à la fiabilité et
à la compétence des organismes de classification.
Par ailleurs, le dispositif communautaire de contrôle maritime est appuyé par l'intervention de
l'AESM1912(b).
b) Le rôle de l'AESM:
Nous l'avons déjà souligné, l'AESM dont l'objectif est de contribuer à l'amélioration de la
sécurité et de la sûreté maritimes, à la prévention de la pollution et à la lutte contre la
pollution des mers causée par les navires1913, contribue d'une manière active à l'amélioration
du processus de contrôle maritime. A ce titre, elle est dotée de quatre missions:
1- L'évaluation des contrôles dans le cadre du contrôle par l'État du port, mission confiée aux
agents de l'Agence qui se rendent dans les États membres pour vérifier que les systèmes et les
400
procédures de contrôle appliqués par l'État du port sont conformes aux exigences de la
législation communautaire. A défaut, les autorités maritimes de l'État du port doivent revoir
leur système de contrôle1914. La liste des navires bannis des eaux communautaires est publiée
sur le site internet de l'Agence1915.
2- S'agissant du contrôle des sociétés de classification reconnues au niveau européen, et
comme expliqué précédemment, la directive 2001/105/CE du Parlement et du Conseil du 19
décembre 20011916 dispose que les sociétés de classification, pour pouvoir exercer sur le
territoire de la Communauté européenne, doivent être agréées par la Commission européenne.
Celle-ci a confié cette tâche à l'AESM. A cette fin, le personnel de l'AESM prospecte les
locaux des sociétés de classification, les navires et les chantiers de construction navale1917.
3- La CE a confié à l'AESM la tâche du contrôle de la formation des marins étrangers dans les
centres de formation de leurs pays d'origine. Il s'agit là d'une mission qui revêt une
importance capitale dans la mesure où 75% des marins engagés sur les navires battant
pavillons des pays de l'UE sont originaires des pays tiers et y ont suivi leur formation. A ce
titre, le personnel de l'AESM effectue tous les cinq ans une évaluation du système éducatif de
chaque pays tiers1918.
4- L'AESM joue également un rôle en matière de sûreté maritime. Dans le but d'appliquer
d'une manière adéquate le règlement 725/ 2004/CE1919, les agents de l'AESM sont chargés de
contrôler les organismes de sûreté maritime des États membres 1920 dans le cadre du suivi de la
mise en oeuvre des mesures de sûreté par ces États1921.
La politique communautaire en matière maritime se révéle d'une grande efficacité 1922 même si
elle ne garantit pas une prévention totale des catastrophes maritimes dans les eaux
européennes ni une prévention à l'échelle mondiale1923. Elle pourrait servir d'enseignement
1914 Voir article 2, b,i du règlement 1406/2002/CE du 27 juin 2002, op. cit.
1915 http://www.emsa.europa.eu/
1916 Op. cit.
1917 Voir article 2, b, iii du règlement 1406/2002/CE du 27 juin 2002, op. cit.
1918 Voir article 2, b, iii du règlement 1406/2002/CE, op. cit.
1919 Op. cit.
1920 Ce sont des entreprises agréées par l'État qui forment et mettent à la disposition des armateurs des agents
de sûreté à terre et embarqués. Exemple: l'entreprise Surtymar en France.
1921 Voir article 2, b, iv du règlement 1406/2002/CE du 27, op. cit.
1922 Les chiffres le montrent bien: Le rapport annuel du Paris Mou de 2009 indique une baisse de 14,1% du
nombre de défaillances observées à bord des navires entre 2008 et 2009. Le nombre de détentions des navires
sous normes a également diminué: 1220 détentions en 2008 contre 1059 en 2009.
1923 Ph. BOISSON: « La politique européenne de la sécurité maritime source d'efficacité? » in « L'Union
européenne et la mer, vers une politique maritime de l'Union européenne? », sous la direction d'Annie
401
dans une démarche d'amélioration de la législation et de la pratique de la sécurité et de la
sûreté maritimes dans d'autres régions du monde ou même à une échelle nationale. S'inspirant,
en partie, de cette politique une réflexion sur l'amélioration du système sécuritaire tunisien
fera l'objet de la section suivante.
402
Section 2 : Vers de meilleures sécurité et sûreté maritimes en Tunisie: des pistes
d'amélioration :
La mise en oeuvre effective en Tunisie de ce que le droit maritime définit comme « la sécurité
et la sûreté maritimes » en a pratiquement réduit la définition.
Ces deux notions, qui ont pour finalité d'« assurer la protection de la vie humaine en mer, des
navires et des marchandises qui y circulent et l'environnement marin en général »1924, seraient
devenues, dans la pratique, « la prévention des dangers dans la limite du possible et le
contrôle de l'application des règles juridiques dans la limite du politiquement tolérable et
acceptable ». L'accomplissement complet, ou du moins correct, des objectifs de la sécurité et
de la sûreté maritimes se réalisera lorsqu'on passera du partiel au total, du politiquement
acceptable au « sécuritairement exigible ». A cette fin, il convient simplement de mettre en
oeuvre tous les moyens nécessaires et d'oeuvrer pour combler les lacunes juridiques,
matérielles et humaines.
Pourtant, ce qui paraît simple, ne l'est peut être pas, en tous cas pour ce qui est de la Tunisie.
Plusieurs obstacles empêchent les exigences de sécurité et de sûreté d'atteindre le but pour
lequel elles ont été adoptées.
L'obstacle majeur est le manque de moyens matériels et humains. Des pistes de solutions
doivent être trouvées afin de minimiser au mieux l'impact que pourrait avoir cet obstacle. Par
ailleurs, la volonté politique, même si elle ne constitue pas l'obstacle majeur, dans la mesure
où la prise en compte de ces domaines est progressive, demeure un handicap. L'État doit
s'acquitter de son rôle de puissance publique afin de mieux contrôler l'activité maritime et de
mieux responsabiliser les auteurs d'infractions.
Le but de cette section est d'imaginer un meilleur encadrement juridique mais surtout une
meilleure mise en oeuvre pratique des règles de sécurité et de sûreté maritimes dont le facteur
humain tient le rôle principal. Outre les pistes offertes par l'étude de la législation et de la
pratique européennes, l'analyse se basera sur les lacunes de droit et de pratique en Tunisie
constatées tout au long de ce travail sans pour autant prétendre pouvoir donner la solution
pour une meilleure sécurité maritime dans les limites de cette section ni vouloir indiquer la
stratégie à suivre. Les développements qui suivent auront simplement l'ambition d'inviter le
législateur tunisien et l'administration maritime à poursuivre et à parfaire la réflexion sur
1924 Ph. BOISSON: « La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine du droit
maritime », op. cit, p 723.
403
l'avenir du droit en la matière.
Le contenu éventuel d'une législation rénovée et rééquilibrée doit prendre en considération
des secteurs présentant des carences législatives tels que le domaine de la responsabilité ainsi
que celui de la protection de l'environnement maritime ( Paragraphe 1). Dans d'autres
domaines, les instruments législatifs existants semblent assez complets. Il s'agirait donc de les
optimiser. C'est le cas du contrôle maritime (Paragraphe 2), qui souffre du manque
d'effectivité des mesures adoptées.
404
l'importance de la protection des personnes, des biens et de l'environnement. Des réunions de
travail pourraient être organisées au sein de l'administration maritime qui devrait être, par
ailleurs, disponible pour accueillir les professionnels, répondre à leurs éventuelles
1926
interrogations et les accompagner dans l'application des mesures préconisées par la loi .
Les professionnels doivent notamment être sensibilisés au fait qu'une grande catastrophe
écologique serait dramatique non seulement pour l'économie du pays mais également pour
leur propre intérêt économique. Il est capital, dans le cadre de cette démarche, que la diffusion
de l'information couvre toutes les régions de la Tunisie et concerne aussi bien les grandes
entreprises d'armement que les armateurs modestes.
Des actions de sensibilisation similaires existent, à titre d'exemple, en matière de protection
de l'environnement. Des investissements conséquents sont consacrés à l'élaboration de
campagnes de sensibilisation destinées à fonder une conscience citoyenne attachée à
l'importance de la préservation de la nature. Ainsi, des débats publics autour de l'importance
de l'environnement sont organisés, des ONG spécialisées sont créées et les programmes
scolaires sont enrichis par une nouvelle matière: la sensibilisation à la protection de
l'environnement1927.
A l'égard des armateurs, cette action de sensibilisation ne sera, à notre sens, fructueuse que si
elle est accompagnée d'incitations au respect de la législation. Les discours ou les écrits sur
l'importance de la sécurité des personnes, des biens et de l'environnement ne seront pas
capables de persuader l'armateur d'investir dans l'engagement d'un équipage formé ou dans
l'achat d'équipements performants affectés aux locaux des marins. Les sommes ainsi
dépensées, et qui peuvent être très importates ne généreront aucun bénéfice. L'État doit alors
stimuler l'action en instituant des aides financières et fiscales aux armateurs respectueux de la
législation. Pour ce qui est des aides financières, il pourrait s'agir de subventions ou de prêts
accordés à l'achat ou à la rénovation des équipements nécessaires à la vie des marins 1928. Par
ailleurs, l'État pourrait attribuer des incitations financières consistant notamment en une baisse
des taux d'imposition adressée à tout armateur ayant investi pour l'amélioration de la sécurité
1926 Cela étant, il est légitime de craindre que ceci ne fasse pas actuellement partie des priorités de l'État
tunisien au vu des événements du 14 janvier 2011 qui ont révolutionné la politique de l'État. A propos de la
révolution en Tunisie. Voir supra: Introduction.
1927 Voir à ce sujet le site internet de l'Observatoire tunisien de l'environnement et du développement:
http://www.environnement.nat.tn/sensibilisation.htm
1928 En matière agricole, une aide similaire est accordée au financement des carburants utilisés pour le
fonctionnement des équipements agricoles: voir article 42 de la loi n° 99-101 du 31 décembre 1999, portant loi
de finances pour l'année 2000, JORT du 31 décembre 1999, p 2739 et suivantes.
405
et de la sûreté en mer1929. L'armateur aura, lui même, un rôle à jouer en l'occurrence (2).
1929 Diverses entreprises et activités bénéficient déjà de cet avantage fiscal: voir article 10 et suivants de la loi
n° 2010-58 du 17 décembre 2010 portant loi de finances pour l'année 2011, JORT du 21 décembre 2010, p 3460
et suivantes.
1930 Voir supra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 2.
1931 Voir article 82 du COC, op. cit.
406
est causé par la faute du capitaine ou d'un marin1932. Engagerait donc la responsabilité de
l'armateur le manque d'effectif ou l'état de fatigue de l'équipage ayant conduit à une erreur
génératrice de dommage. Cette canalisation de la responsabilité sur l'armateur est également
confirmée par les dispositions du code ISM1933. Nous estimons que la responsabilité ainsi
établie répond aux mieux aux exigences sécuritaires étant donné que l'armateur est la
personne ou l'entreprise ayant effectivement la gestion nautique et commerciale du navire.
Sachant par avance que sa propre responsabilité est exclusivement engagée en cas de faute
d'un des membres de l'équipage, l'armateur est incité à veiller à armer son navire avec un
équipage suffisant, compétent et en bon état de santé physique et morale.
Seulement, toute législation risque d'être caduque si elle n'est pas accompagnée d'une vraie
volonté de l'appliquer de la part du juge. A ce titre, il n'est pas inutile de rappeler que le juge
tunisien hésite encore à engager la responsabilité de l'armateur pour motif de manque de
qualification ou de nombre des marins. La jurisprudence étudiée en la matière1934 évoque la
négligence de l'armateur sans pour autant mettre l'accent sur l'importance du rôle de l'élément
humain embarqué dans le prévenance d'accidents en mer. Ceci ne rejoint-il pas le manque de
culture en matière maritime, précédemment évoqué? Les juges réfléchissent encore en termes
de logique commerciale, de perte et de gain. Eux aussi auraient un rôle à jouer quant à la
diffusion de la culture de la sécurité maritime à travers les décisions jurisprudentielles.
Le problème est tout autre en matière de responsabilité pénale (2).
407
moins être égal aux frais que nécessite chaque opération d'armement. Or, le CDPM 1937 ne
prévoit qu'une amende de 300DT à toute infraction au CTM1938 commise par l'armateur
« concernant notamment les conditions du travail, les vêtements du travail, la nourriture et le
couchage à bord des navires »1939. Compte tenu des risques majeurs engendrés par un
équipage mal nourri ou travaillant dans des conditions difficiles, cette amende semble très
largement insuffisante. Il existe, par conséquent, très peu de chances qu'un armateur peu
scrupuleux renonce à l'infraction de la loi. La volonté du législateur doit, par conséquent, aller
dans le sens de la révision de ces dispositions.
Par ailleurs, et pour une meilleure garantie de l'application de la législation, on pourrait
prévoir des sanctions d'ordre fiscal à tout armateur défaillant telle que la surtaxation des
navires dans les ports ou l'augmentation des frais de débarquement. En dehors du rôle
coercitif qu'auraient ces sanctions, les sommes perçues grâce à leur application
contribueraient à enrichir le budget de l'administration maritime.
Enfin, les affaires afférentes au domaine maritime, aussi bien en matière de commerce que de
sécurité et de sûreté, sont actuellement du ressort des juridictions de droit commun. La
création d'un tribunal maritime à qui on confierait tout litige impliquant ces domaines
constituerait, à notre sens, un atout. La spécialisation permettrait aux juges statuant au sein de
ce tribunal d'être plus à même de traiter ce type d'affaires. Il s'agit là d'une piste de réflexion
que le législateur pourrait adopter. La réflexion en vue d'une évolution de la législation en
matière environnementale est également de mise (B).
408
même s'il n'a pas de pouvoir de contrôle effectif sur son navire1940. En dehors de l'injustice que
cette solution pourrait contenir, elle constitue un risque pour la sécurité en mer d'où la
nécessité d'impliquer les vrais pollueurs dans le processus de responsabilisation (1). Cette
solution sera encore plus efficace si la responsabilité du vrai pollueur était recherchée quelle
que soit la nature de la matière polluante (2).
409
rechercher le vrai responsable quelque soit sa qualité, cette même règle de responsabilité
constituera une mesure de prévention étant donné que le vrai responsable de l'exploitation du
navire, autrement dit le vrai responsable des dommages éventuels, veillera à mieux prendre
toute précaution qui éviterait que sa responsabilité ne soit engagée. L'utilité de la recherche de
la responsabilité de l'armateur, du chargeur, de la société de classification ou de toute autre
partie effectivement responsable d'une pollution en raison de sa négligence ou de sa faute
avérée devient, dès lors, une garantie pour une meilleure sécurité en mer.
En outre, des sanctions pénales adéquates devraient être infligées. Le vrai responsable de la
pollution sera d'autant mieux incité à prendre toutes les précautions possibles si en plus de sa
responsabilité engagée, les amendes qu'il devrait payer sont conséquentes. Même si le risque
zéro n'existe pas, la sécurité en mer et la protection de l'environnement auront beaucoup à
gagner si les règles de responsabilité civile seraient repensées. Il en va de même si la
responsabilité du vrai pollueur est recherchée quelque soit la nature de la substance ayant
généré une pollution en mer (2).
410
b) Prendre en considération le dommage écologique:
L'erreur du facteur humain, seule ou couplée avec d'autres facteurs techniques, a été plusieurs
fois dans l'histoire du transport maritime à l'origine de pollutions de grandes ampleur ayant
causé des dégradations à des sites environnementaux privés mais aussi à des sites publics.
Seulement, le dommage à l'environnement en tant que bien commun peine à trouver sa place
au niveau de la législation1945 et le juge tunisien n'a toujours pas apprécié l'utilité de
condamner quelqu'un du seul fait qu'il ait détérioré un espace environnemental public. Ceci
revient probablement au fait que, la jurisprudence tunisienne n'a pas encore été confrontée à
suffisamment de cas pour s'interroger sur cette question. Les pollutions maritimes affectant
des sites écologiques sont encore très rares en Tunisie. Cette observation faite, il semblerait
adéquat d'anticiper les situations en adoptant une législation qui définirait le dommage
écologique (1) et qui instaurerait une responsabilité autour de cette notion (2).
411
En droit français, même si la notion n'est pas expressément définie par le législateur, « on
s'accorde à qualifier de dommage écologique toute atteinte grave aux milieux naturels (faune,
flore, écosystèmes) causant des dégradations à l'environnement et non pas seulement des
dommages aux personnes et aux biens. Il en est ainsi des pollutions marines ou de cours d'eau
ou de dommages causés par des produits toxiques »1949. Le dommage écologique n'est pas subi
par des patrimoines identifiables et particuliers mais par le milieu naturel dans ses éléments
inappropriés et inappropriables et affectant l'équilibre écologique en tant que patrimoine
collectif1950, indépendamment de tout intérêt humain, corporel ou matériel1951. Il s'agit d'un
concept innovant qui indique que la nature est prise en compte en tant que telle1952. Les
conséquences du dommage écologique, souvent liées au progrès technologique, sont
irréversibles1953 d'où l'importance d'en sanctionner les responsables (2).
412
comme des responsables civils mais également « des responsables écologiques ».
Pour ce qui est des peines qu'encourrerait le responsable du dommage écologique, il est, à
notre sens, plus judicieux qu'elles se traduisent par l'obligation de réparation du site contaminé
que par des sanctions consistant en un paiement d'amendes ou en une privation de liberté.
L'incorporation du dommage écologique dans la législation nationale devrait être interprétée
comme une action de sensibilisation de la fragilité mais aussi de l'importance des éléments de
l'environnement. Imposer au pollueur la remise en état des sites environnementaux serait en
harmonie avec cette démarche. C'est la solution pour laquelle a opté le législateur européen.
La directive 2004/35/CE1954 envisage les différentes méthodes contribuant à la remise en
état1955. A titre d'exemple, si le dommage a été subi par les cours d'eau ou les espèces et
habitats naturels protégés, la remise en état consistera en « toute mesure de réparation par
laquelle les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés retournent à leur
état initial ou s'en rapprochent »1956. Toutefois, l'évaluation de la dégradation de
l'environnement est assez difficilement estimable sinon impossible notamment dans le cas de
la destruction d'un équilibre écologique, d'un écosystème ou encore d'un paysage1957. Les
juges, conscients de cette réalité, prévoient souvent le versement de dommages et intérêts en
réparation du préjudice subi par la collectivité même si celui-ci n'est pas facile à chiffrer dans
la mesure où les éléments de l'environnement n'ont pas, en principe, une valeur monétaire. Ce
fût le cas, en France, dans l'affaire Erika1958 où plusieurs méthodes ont été utilisées par les
parties civiles pour chiffrer le préjudice qu'elles ont subi. Ainsi, la Ligue pour la protection
des oiseaux a estimé le coût de chaque oiseau mort à 70 €. Dans son jugement du 16 juin
2007, le Tribunal correctionnel de Paris lui accorda 303 167,13 € au titre de son préjudice
matériel et 100 000 € au titre de son préjudice moral.
En dehors de ces éléments, l'effectivité du contrôle maritime reste une condition sine qua
none à la garantie d'un niveau adéquat de sécurité et de sûreté en mer (Paragraphe 2).
1954 Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité
environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, JOCE L
143 du 30 avril 2004, pp 56-75 transposée en France par la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la
responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine
de l'environnement, JORF n° 0179 du 2 août 2008, p 12361 et suivantes.
1955 Voir annexe II de la directive 2004/35/CE, op. cit.
1956 Op. cit.
1957 Ph. Ch-A. GUILLOT: « Droit de l'environnement », éditions Ellipses, 2010, p 301.
1958 Op. cit.
413
Paragraphe 2 : Améliorer le contrôle :
Deux éléments sont à l'origine des défaillances du contrôle maritime: d'une part, les moyens
humains et matériels permettant l'accomplissement de cette mission font souvent défaut;
d'autre part, le manque de volonté politique de l'État à appliquer correctement la législation
autour du contrôle maritime. Ceci résulte probablement du fait que la Tunisie est encore
épargnée par les grandes catastrophes maritimes et que le droit de la sécurité et de la sûreté y a
toujours été un droit de réaction et non un droit d'anticipation. Dès lors, il est nécessaire
d'optimiser les instruments juridiques existants en les appliquant d'une manière adéquate et en
comblant leurs lacunes le cas échéant, ce qui est le cas du contrôle des conditions de vie et de
travail à bord des navires tunisiens (A). Par ailleurs, la recherche de solutions régionales qui a
prouvé son efficacité dans d'autres régions du monde, et notamment en Europe1959, doit se
renforcer en Méditerranée. Il est, ainsi, nécessaire de donner au Mémorandum d'entente sur le
contrôle des navires par l'État du port en Méditerranée (Med Mou) toute son effectivité et
d'instaurer une institution régionale de contrôle (B).
414
l'inspection du travail maritime (1) et la procédure à appliquer à l'occasion de ce contrôle (2):
1962 Entretien avec M. LAHMAR, officier à bord du navire tunisien « Carthage », op. cit.
1963 Sur le contrôle par l'État du pavillon, voir supra: Partie 1, Titre 2, Chapitre 1.
1964 Article 3.2 de la convention n° 178 de l'OIT, op. cit.
415
navires de commerce n'exerçant pas la profession de marins1965. Il leur reviendrait, enfin, de
constater les infractions à la législation en vigueur et d'appliquer les procédures prévues à cet
effet par la loi. Sur un plan pratique, l'inspection passera par plusieurs étapes (2).
2) Le déroulement du contrôle :
La convention n° 178 de l'OIT ne prévoit pas les procédures du contrôle. Il reviendrait donc à
chaque État membre de les fixer. Celles-ci devraient, à notre sens, inclure deux phases: le
contrôle documentaire (2.1) et le contrôle pratique (2.2).
416
- L'entretien ne concernera, évidemment pas, tous les marins. Ceci nécessiterait un temps
considérable. Cela étant, les inspecteurs doivent avoir le droit de demander à s'entretenir
en privé avec un marin et de pouvoir le questionner quant au niveau de satisfaction
générale des conditions dans lesquelles il vit et il travaille. Les éventuelles réclamations
du marin devraient être justifiées.
Enfin, compte tenu du fait que l'inspection empiète sur le temps du travail ou du repos des
marins et afin qu'elle ne devienne pas contre-productive en causant une fatigue
supplémentaire aux marins, celle-ci devrait être brève. « Tous les efforts raisonnables devront
être déployés pour éviter que le navire ne soit indûment retenu ou retardé »1966.
L'éventuel non respect constaté à bord du navire inspecté devrait donner lieu à des réparations
voire à des sanctions appropriées (b).
b) L'issue du contrôle :
L'éventuelle législation nationale de l'inspection du travail maritime devrait être accompagnée
de l'affirmation de sa force obligatoire. Il faudrait, à ce titre, donner aux inspecteurs des
prérogatives conséquentes (1) et instituer des sanctions appropriées et dissuasives en cas de
manquement aux exigences législatives (2).
417
d'immobilisation dont les motifs sont exclusivement d'ordre social1968. Pourtant, le monde
maritime aurait tout à gagner si cette pratique était généralisée et effectivement appliquée
étant donné que le facteur humain est, rappelons le, l'origine principale des accidents en mer.
En outre, des sanctions appropriées devraient être prévues (2).
418
a) Renforcer les moyens humains :
L'insuffisance numérique des inspecteurs chargés du contrôle par l'État du port est l'un des
obstacles majeurs à l'accomplissement des objectifs du Med Mou. Rappelons, à titre
d'exemple, que dans les sept ports de la Tunisie, seulement 20 inspecteurs sont déployés1971.
Sachant que le contrôle d'un seul navire nécessite au moins une demie journée de travail, il est
aisément facile d'imaginer que le coefficient de contrôle fixé par le Med Mou, à savoir 15%
des navires en escales1972, est difficile à atteindre1973. Les raisons de ce sous-effectif, en
Tunisie, sont multiples. D'abord, la Tunisie n'a jamais été un grand pays maritime et le monde
de la mer n'attire que peu les jeunes, probablement par manque de connaissance de ce
milieu1974.
Il semblerait, dès lors, que la solution vers laquelle on devrait s'orienter afin de disposer de
personnel suffisant est, encore une fois, la diffusion de la culture maritime et plus précisément
de l'économie maritime. S'il devient commun de savoir qu'un travailleur en mer est rémunéré
en moyenne cinq fois plus qu'un travailleur à terre, ce secteur aurait plus de chances de
devenir attractif. Par ailleurs, la sensibilisation des jeunes à l'importance que revêt le respect
des règles de sécurité et de sûreté quant à la préservation de l'environnement marin pourrait
être, en l'occurrence une contribution. Une telle solution ne peut évidemment pas être
immédiate. Pour remédier au manque d'effectif entre temps, pourquoi ne pas faire appel aux
anciens inspecteurs ou navigants de la marine marchande moyennant une rémunération même
inférieure à celle d'un inspecteur en service? Dans ce cas là, une formation aux nouvelles
exigences sécuritaires s'impose.
Les autres pays signataires du Med Mou devraient procéder de la même manière. Encourager
les jeunes à intégrer le secteur maritime et encourager les armateurs nationaux à faire appel en
premier lieu à la main d'oeuvre nationale. Ceci réduirait, d'une part, le problème du manque
d'effectif et éviterait, d'autre part, d'avoir recours à une main d'oeuvre étrangère avec laquelle
la communication à bord serait plus difficile. Il n'est pas superflu à ce stade de rappeler
419
l'importance de la bonne communication et son rôle dans la garantie d'une meilleure sécurité à
bord1975. Pour autant, la primauté accordée à la main d'oeuvre nationale serait sans sens si
celle-ci est peu compétente ou mal formée. La formation adéquate des inspecteurs et le
contrôle de leur travail sont des conditions sine qua none à la réussite du dispositif du contrôle
par l'État du port. Les niveaux de contrôle doivent donc se multiplier (b).
420
faisant encore défaut dans la région. Elle devrait notamment être une institution autonome et
dotée d'un pouvoir coercitif1981. Toutes ces considérations font que la réflexion sur
l'instauration d'une telle institution est d'une urgence évidente.
421
422
Conclusion de la seconde partie :
La gestion des défaillances en matière de sécurité et de sûreté laisse apparaître des lacunes au
niveau de la législation. Par ailleurs, les moyens matériels nécessaires à la réparation des
dommages occasionnés font, parfois, défaut. Les mécanismes de responsabilité pour les
dommages occasionnés à la suite de ces défaillances nécessitent, eux aussi, une amélioration.
Afin d'atteindre un niveau acceptable de sécurité et de sûreté en mer, les mécanismes de
responsabilité et les sanctions qu'ils impliquent doivent être un élément instigateur. Ceci est
d'autant plus requis, que ces dommages portent atteinte à divers intérêts. Une reflexion dans
ce sens, alimentée par l'expérience européenne qui a fait ses preuves en la matière, est
essentielle.
423
424
Conclusion générale :
« Moyens matériels » et « volonté politique » sont les mots clés. Pour d'aboutir à un
maximum de sécurité en mer et assurer une sûreté réelle pour les personnes et les biens, il
faudrait fournir les moyens matériels nécessaires et diriger la volonté politique vers une
application adéquate des exigences de la sécurité et de la sûreté.
Le facteur humain, élément essentiel dans la prévention des accidents en mer est aussi facteur
important dans la survenance de ces mêmes accidents. Il ne pourra pas à lui seul améliorer
l'état actuel de la sécurité et de la sûreté en mer s'il est dépourvu des moyens matériels
nécessaires et se heurte à une volonté générale d'appliquer la loi. Un équipage compétent, en
nombre suffisant et en bon état physique et moral, embarqué sur un navire hors normes,
constitue un risque pour la sécurité en mer. Le même équipage dépourvu de moyens
nécessaires pour contrer les éventuelles attaques criminelles constitue un risque pour la sûreté
en mer. Sur un autre plan, une autorité politique non, ou peu, regardante quand à l'application
adéquate des exigences nationales et internationales en matière de sécurité et de sûreté,
constitue un élément incitant aux défaillances de sécurité et de sûreté. Au contraire, une
autorité qui assure un contrôle sérieux sur les conditions techniques et sociales des navires
portant son pavillon et sur ceux faisant escale dans ses eaux, suivis de sanctions conséquentes
contribue d'une manière sensible à assurer une meilleure sécurité et une meilleure sûreté. La
question qui se pose, dès lors, est celle de savoir comment il serait possible de pourvoir les
moyens matériels indispensables à l'application des mesures de sécurité et de sûreté maritimes
(A) et de se doter de la volonté politique qui leur est nécessaire (B).
A) Pour ce qui est des moyens matériels, la réponse est variable selon les pays maritimes et
dépend de plusieurs éléments. Concernant la Tunisie, les analyses précédentes ont pu montrer
le manque de moyens matériels mais aussi le manque de moyens humains nécessaires à
assurer une meilleure sécurité et une meilleure sûreté. Des pistes d'amélioration ont été
proposées notamment celles d'encourager les pays maritimes de la région de la Méditerranée à
mettre en commun les moyens dont ils disposent et à oeuvrer ensemble pour une meilleure
application des exigences légales et un meilleur contrôle des navires circulant dans la région.
Des pistes d'aides financières étrangères, provenant de l'OMI et de la Communauté
européenne constituent également une source éventuelle de financement.
425
B) Quant à la volonté politique la réponse est moins évidente. Qu'est ce qui pourrait conduire
la volonté politique d'un pays maritime donné à se tourner vers la nécessité de l'application
adéquate des textes de droit et vers un renforcement du contrôle des navires (a) ? D'une
manière plus spécifique, qu'est ce qui pourrait faire que ceci se produise en Tunisie (b)?
b) Les choses sont différentes dans le cas de la Tunisie. Il s'agit d'un petit pays maritime qui
ne dispose que d'une petite flotte, où la météo est souvent favorable et où les risques pour la
sûreté sont minimes. Par ailleurs, l'histoire maritime du pays ne laisse apparaître aucune
catastrophe de l'ampleur de l'Erika ou du Prestige. Dans ces conditions, qu'est ce qui ferait que
la volonté politique en Tunisie se tourne vers un renforcement du contrôle de l'application des
exigences de la loi?
Deux éléments pris conjointement pourraient faire évoluer la situation: Une prise de
conscience du législateur (1) et un changement de politique maritime (2).
1) Pour ce qui est de la prise de conscience du législateur national, elle est capitale
dans deux domaines: la prise en considération du rôle du facteur humain et la révision à la
hausse des sanctions prévues pour des infractions à la sécurité ou à la protection de
l'environnement.
426
- A différents moments de cette étude, nous avons fait remarquer l'absence de référence à
l'élément humain dans les textes nationaux qui réglementent la sécurité et la sûreté en mer.
Cette constatation est notamment valable pour le contrôle maritime. Le contrôle de
l'adéquation des conditions de vie et de travail des marins est le grand absent de la législation
nationale, ce qui constitue une grande lacune.
- Les sanctions prévues par la loi nationale pour les infractions en matière de sécurité
maritime ou en matière d'atteinte à l'environnement sont, d'une manière générale faibles.
Comparées au risque que génère l'infraction pour la vie humaine, les biens ou
l'environnement, ces sanctions peuvent parfois apparaître marginale. Cette constatation est
moins évidente en matière de sûreté, où, selon le cas, les sanctions sont importantes. Mais
s'agissant de la sécurité et de la protection de l'environnement, dans l'état actuel des choses,
rien n'incitera l'auteur potentiel de l'infraction à renoncer à la commettre. L'utilité d'une
révision de ces sanctions vers la sévérité prend, dès lors, tout son sens. Des sanctions
conséquentes constitueraient, non seulement, un outil dissuasif pour les auteurs d'infractions
mais souligneraient également l'importance de la sécurité en mer et de la protection de
l'environnement et les enjeux que cela représente
1984 20 inspecteurs.
427
soi, n'est pas un objectif. Si celle-ci n'aboutit pas à la prise des sanctions administratives et
pénales que nécessite l'infraction commise, elle sera vidée de son sens. Si les conditions de
vie et de travail des marins ne correspondent pas aux exigences de la loi, les inspecteurs
maritimes doivent oser immobiliser le navire inspecté même si celui-ci est performant du
point de vue technique. Mais, au préalable, la loi doit permettre ce type d'immobilisation.
Lorsque la volonté politique évoluera dans ce sens, différents acteurs, autres que l'État ou
l'armateur se sentiront dans l'obligation de pousser l'élément humain à devenir un facteur
majeur de la sécurité, notamment les assureurs et les chargeurs. L'intérêt financier des
assureurs serait de s'abstenir d'assurer un navire sous normes au risque de le voir immobilisé.
L'intérêt commercial des chargeurs les inciterait à ne faire embarquer leurs marchandises que
sur des navires qui respecteraient la législation au risque de voir leurs biens perdus ou du
moins arrivés en retard avec toutes les pénalités associées. L'amélioration de la sécurité et de
la sûreté maritimes ne peut s'envisager que sur la totalité d'une chaîne d'acteurs. Sécurité et
sûreté doivent se présenter comme « une longue chaîne dont chaque maillon doit avoir la
solidité nécessaire pour garantir et assurer l'équilibre de l'ensemble »1985. Lorsqu'un maillon de
la chaîne présente une faiblesse, c'est l'ensemble qui se trouve compromis1986.
En outre, la vision partagée des États est fondamentale pour favoriser la mise en oeuvre d'un
concept ou d'une institution. L'apport de la création d'une institution maritime régionale
incluant la Tunisie retrouve, encore une fois, tout son sens notamment au vu du rôle limité
joué par l'OMI. En tant que structure de régulation sans moyen de coercition, les règles
édictées au sein de cette institution sont appliquées de manière très variable et sont, par
conséquent, à la merci de la volonté des États signataires1987.
Il est impératif que les choses évoluent dans ce sens afin d'éviter que ne soit édictées des
mesures plus draconiennes sur la sécurité et la sûreté maritimes comme est déjà le cas pour le
transport aérien1988. Les répercussions néfastes qu'aurait un durcissement supplémentaire des
conditions de vie et de travail de l'élément humain viendraient, sans doute, à l'encontre du
résultat escompté.
1985 B. TOURÉ: « L'insécurité maritime et le droit: mutations, prévention et sanction », op. cit, p 16.
1986 B. TOURÉ: « L'insécurité maritime et le droit: mutations, prévention et sanction », op. cit, p 17.
1987 Voir infra: Partie 1, Titre 1, Chapitre 1.
1988 Sur le renforcement des règles de sûreté aérienne, voir: A-J. STOLZER, C. HALFORD, J- J. GOGLIA:
« Implementing safety management systems in aviation », op. cit. Voir également: Ch. NAUDIN: « Sûreté
aérienne, la grande illusion », op. cit.
428
429
430
Table de jurisprudence tunisienne
431
Tribunal de 19 mars 19999 15 340 État c. Poulina Inédit
première instance
de Gabès
Tribunal de 23 avril 2010 27 848 Mbaba c. Sofipat Inédit
première instance
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Cour de cassation 3 mai 2005 8325 La rose blanche c. État Revue de la
Cour de
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Cour de cassation 5 mai 2003 22 546 Scam SARL c. État Revue de la
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2003, p 304
Cour de cassation 10 mars 1983 6493 Confectis c. TRAB Revue de la
Cour de
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1983, p 91
Cour de première 15 octobre 1999 6293 Saida SARL c. Freight Inédit
instance de Sfax Company
Cour de première 23 janvier 2009 2356 Agrimed c. CTN Inédit
instance de Tunis
Cour de première 30 juin 2010 7845 Barka c. CTN Inédit
instance de Sousse
Cour de première 4 janvier 2011 134 Zitex c. CTN Inédit
instance de Zarzis
Tribunal de 6 mars 1975 46789 Sepracos c. Modis Inédit
première instance
de Tunis
Cour de cassation 21 mai 1998 53344 Agra c. AGTT Revue de la
Cour de
cassation,
1998, p 112
Cour de cassation 25 mars 2003 12468 Sprols c. Affretco Revue de la
Cour de
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2003, p 234
Cour d'appel de 13 décembre 435 SONACOS c. AFX Revue
Tunis 1960 tunisienne de
Droit, 1962, p
113
432
Tribunal de 19 avril 1995 35982 Meublatex c. CTN Inédit
première instance
de Tunis
Tribunal de 14 octobre 1995 67 745 Frigored c. CTN Inédit
première instance
de Tunis
Tribunal de 25 février 1998 52 535 SEREPT c. Atlas Cgie Inédit
première instance
de Tunis
Cour de cassation 9 mars 2005 6071 SHM c. CTN Revue de la
Cour de
cassation,
2005, p 202
Tribunal de 3 novembre 34823 Sté CHEMTOU c. CSL Inédit
première instance 2009
de Tunis
Tribunal de 12 mars 2010 54672 Saloua c. Ben Farhat Inédit
première instance
de Tunis
Tribunal de 17 juin 2011 67352 Tajerouine c. Manaï Inédit
première instance
de Tunis
Tribunal de 1er février 2010 5321 Port de Radès c. Inédit
première instance Eskenderia
de Tunis
433
Tribunal de 13 avril 2009 24572 État c. Kh. Néchi Inédit
première instance
de Tunis
Tribunal de 10 juin 2011 54730 État c.CUTI Inédit
première instance
de Gabès
Tribunal de 4 juillet 2011 54758 État c. SCRA Inédit
première instance
de Gabès
Tribunal de 15 novembre 67568 État c. Vasilios Inédit
première instance 2009
de Gabès
Tribunal de 22 janvier 2008 4578 État c. DIAMOND Inédit
première instance
de Tunis
Cour d'appel de 3 janvier 2009 4 État c. STAR Inédit
Tunis
Tribunal de 5 octobre 2010 63009 MAHDCO c. HFA Inédit
première instance
de Sfax
Tribunal de 23 juin 2006 45239 CTN c. SOTUFAP Inédit
première instance
de Tunis
Tribunal de 12 février 1999 8723 CTN c. UNIMED Inédit
première instance
de Sfax
Tribunal de 20 septembre 48902 CTN c. SIFCOL Inédit
première instance 2003
de Gabès
Tribunal de 22 janvier 2010 5325 ALIF c. SCRA Inédit
première instance
de Sfax
434
435
436
Table de bibliographie
I) Ouvrages...........................................................................................................................p 439
1) Ouvrages généraux...............................................................................................p 439
2) Ouvrages spécialisés............................................................................................p 444
437
438
Bibliographie
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2) Ouvrages spécialisés :
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ANGELELLI Pierre, MORETTI Yves : « Cours de droit maritime », éditions Infomer, 2008,
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APPOLIS Gilbert : « L’emprise maritime de l'État côtier », éditions Pedone, 1981, 293 p.
BERLATSKY Noah : « The Exxon Valdez oil spill », éditions Greenhaven Press, 2001, 224 p.
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BOISSON Philippe : « Politiques et droit de la sécurité maritime », éditions Bureau Véritas,
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ESTIVAL Bernard : « Idées claires sur les marées noires », éditions Gerfaut, 2004, 291 p.
FRECON Eric : « Pavillon noir sur l'Asie du Sud-Est, histoire d'une résurgence de la
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Le BIHAN-GUENOLE Martine : « Droit du travail maritime, spécificité structurelle et
relationnelle », éditions l'Harmattan, 2001, 319 p.
MONTAS Arnaud : « Le quasi-contrat d'assistance, essai sur le droit maritime comme source
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RIPERT Georges : « Droit Maritime », 3 ème vol, Tome 1, éditions Dalloz, 1967, 322 p.
RIPERT Georges : « Traité de droit commercial », Tome 2, éditions LGDJ, 2004, 1323 p.
446
RODIERE René, REMOND-GOUILLOUD Martine : « La mer, droit des hommes ou proie
des États? », éditions Pedone, 1980, 184 p.
447
II- Mélanges :
BEURIER Jean-Pierre : « Le bien être des gens de mer, en mer et dans les ports » in
« L'homme, ses territoires, ses cultures », mélanges offerts à André-Hubert MESNARD,
LGDJ, 2006, pp 15- 20.
CHAUMETTE Patrick : « Du bien être des marins en escale. Les ports confronté à la sûreté
et à l'humanité » in « L'homme, ses territoires, ses cultures », mélanges offerts à André-
Hubert MESNARD, LGDJ, 2006, pp 45- 58.
448
III- Articles :
HADJ HAMOU Bachir : « Règles et régulation: contrôle des navires étrangers par les États
dans les ports » in annales IMTM 2007, éditions IMTM, pp 151-161.
449
3) Annuaire de droit maritime et océanique (ADMO) :
BEILVERT Briac : « La sécurité de l'exploitation du navire », ADMO, tome XV, 1997, p 331-
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BOISSON Philippe : « La problématique des normes », ADMO, tome XVI, 1998, pp 175-
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CHAUMETTE Patrick : « De l'évolution du droit social des gens de mer: les marins sont-ils
des salariés comme les autres? Spécificités, banalisation et imbrication des sources »,
ADMO, Tome XXVII, 2009, pp 471- 499.
MABILE Sébastien : « Le vetting des navires pétroliers, historique et portée juridique d'un
contrôle volontaire », ADMO, Tome XXV, 2007, pp 115- 125.
VAN DER MENBRUGGHE Yves : « Le paquet Erika III sur la sécurité maritime dans la
communauté européenne enfin ficelé », annuaire du droit de la mer, 2009, Tome XIV, éditions
Pedone, pp 295- 307.
450
4) Droit maritime français (DMF) :
ANGELLELI Pierre : « Le registre international français (R.I.F): les premiers mois à
Marseille », DMF, octobre 2006, pp 755- 774.
BOISSON Philippe : « L'adoption du 3ème paquet ne vient pas modifier les équilibres
fondamentaux du système de sécurité maritime », DMF, juillet 2009, pp 579- 587.
BOISSON Philippe : « La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le
monde maritime », DMF, septembre 2003, pp 723-736.
BOISSON Philippe : « L'OMI adopte une nouvelle convention pour indemniser les
dommages dus à la pollution par les soutes », DMF, septembre 2001, pp 659- 667.
BOKOBZA André : « Aperçus sur le Code de commerce maritime tunisien », DMF 1962, pp
760- 767.
BUHLER Jean- Claude : « Les affréteurs et la sécurité des transports maritimes », DMF,
octobre 1999, pp 795- 798.
451
CHAUMETTE Patrick : « L'immatriculation Kerguelen, sauvée des eaux », DMF, septembre
1999, pp 703- 712.
FOUCHIER Françoise : « L'action directe contre les P&I clubs », DMF, janvier 2000, pp 3-
10.
452
VIALARD Antoine : « Faut-il réformer le régime d'indemnisation des dommages de
pollution par hydrocarbures » DMF, avril 2003, pp 435- 453.
MAC LEAN A : « Les clubs de protection ont pris une importance considérable sur
l'échiquier mondial de l'assurance maritime », JMM, 3 décembre 2004, pp 34- 36
MARCHAND Yves : « La maîtrise du code ISM », JMM du 31 mars 1995, pp 787- 788.
NEUMEISTER Michel : « OCDE: l'intérêt financier des navires sous normes », JMM, 2
février 1996, pp 313- 314 et 346.
453
6) Revue « Jurisprudence et législation » :
BEN FLAH Hsan : « La responsabilité du transporteur maritime », in Revue « Jurisprudence
et législation », Tunis,1993, pp 45- 51.
7) Revue maritime :
AYMERIC Michel : « Les contrôles par l'État du port en France », revue maritime n° 475,
mars 2006, pp 26- 29.
GUIBERT Jean- Louis : « Le SMDSM, cet inconnu? », in revue maritime n° 460, octobre
2001, pp 23- 28.
VALLAT Francis : « Les double coques, une question encore d'actualité! », La revue maritime
n° 466, septembre 2003, pp 70- 79.
454
VALLAT Francis : « Sécurité maritime: risque d'overdose? », la revue maritime n° 464,
février 2003, pp 10- 16.
9) Autres :
ADRILLON Hubert : « Le rôle du capitaine de navire », in, actes du colloque « Code ISPS :
Quel bilan après une année », Cité des congrès de Nantes, les 23 et 24 juin 2005, pp 119- 124.
ALIX Yanna : « Container security initiative: des réalités portuaires aux perspectives
géostratégiques mondiales », in actes du colloque « Sûreté et sécurité, quels enjeux
économiques pour les industries maritimes? », actes du colloque ISEMAR, 4 mars 2004, pp
28- 29.
455
BEIGNIER Bernard : « Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs » in « Le droit privé
français à la fin du XXème siècle, études offertes à Pierre CATALA », éditions Litec, Paris,
2001, pp 153- 170.
BERLET Edouard : « Sécurité maritime: mieux appliquer et contrôler les règles existantes »,
Transports n° 403, numéro spécial « La sécurité du transport maritime », septembre-octobre
2000, pp 371- 374.
BOISSON Philippe : « Code ISM, une mise en œuvre progressive », Bulletin technique du
bureau Veritas, n° 2, juillet 1995, pp 5-7.
456
BOUDE Jean- Pierre : « Les enjeux économiques d'une politique maritime européenne », in
« L'Union européenne et la mer, vers une politique maritime de l'Union européenne? »,
éditions Pedone, 2007, pp 11- 20.
CARLONE Nicolas : « Les trafics maritimes », in actes du 2ème colloque international sur la
sûreté maritime « Code ISPS: entre devoirs citoyens et obligations économiques », Cité des
congrès de Nantes, 27 et 28 septembre 2007, pp 15- 19.
457
CHAUMETTE Patrick : « Quelle charge de travail supplémentaire pour l'équipage de
navire? », table ronde n° 3, actes du colloque « Code ISPS : Quel bilan après une année? »,
Cité des congrès de Nantes, les 23 et 24 juin 2005, pp 144- 145.
COLOBY Bernard : « Le port du havre et la sûreté » in « Sûreté et sécurité, quels enjeux pour
les industries maritimes? », actes du colloque ISEMAR, 4 mars 2004, pp 39- 41.
DE LIVOIS Pierre : « Le concept de sécurité globale », Bulletin technique du BV, juin 1994,
pp 5- 7.
DIAMOND Clayton L. (Cdt) : « Position des États-unis » in actes du colloque « Code ISPS :
quel bilan après une année? » Cité des congrès de Nantes, les 23 et 24 juin 2005, pp 30- 36.
458
« Dossier: l'assurance maritime » in Le monde maritime, mai/juin 2008, pp 20- 31.
« En avant toute! L'OIT adopte une « superconvention » pour le secteur maritime », Travail,
le magazine de l'OIT, n° 56, avril 2006, pp 4-7.
GALY Laurent : « Mise en place des formations adaptées au code ISPS », in actes du
colloque « Code ISPS: Quel bilan après une année? », Cité des congrès de Nantes, les 23 et 24
juin 2005, pp 112- 116.
« Human error plays major role in accidents », Lloyd's List, 16 octobre, 1995, p 2.
LARBY Alain : « Impact économique du code ISPS pour les acteurs du transport », table
ronde n°1 in actes du colloque « Code ISPS: Quel bilan après une année? », Cité des congrès
de Nantes, les 23 et 24 juin 2005, pp 59- 79.
459
LAZAREV Grigori : « Maghreb et Méditerranée: questionnements sur les options
géopolitiques », in Géoéconomie n°42: « Quelle Union Méditerranéenne », été 2007 , pp 37-
54.
MOIZAN Jacques (Cdt) : « La sécurité dans le transport maritime: Comment les entreprises
intègrent la sécurité au quotidien? » in « Sûreté et sécurité, quels enjeux économiques pour
les industries maritimes », actes du colloque ISEMAR, 4 mars 2004, pp 29- 32.
460
M'RAD Zeineb : « Rapport de la délégation tunisienne » in actes du séminaire CETMO
(Centre d'études des transports pour la méditerranée occidentale) « Facilitation du transport
international de marchandises entre les deux rives de la méditerranée occidentale » du 3 et 4
mai 2001 à Barcelone, pp 43- 48.
461
RIBIERE Jean- Pierre : « La sécurité maritime: le rôle du chargeur », in Transports n° 403,
numéro spécial : « La sécurité du transport maritime », septembre-octobre 2000, pp 375- 377.
« The human elements are what they are, and they are what make us human », in « The
international Maritim Human Element Bulletin », n° 27, septembre 2001, p 2.
TIERLING Jacob : Intervention in : « Sûreté et sécurité, quels enjeux économiques pour les
industries maritimes? », actes du colloque ISEMAR, 4 mars 2004, p 19- 21.
TOURRET Georges : Intervention in « Sûreté et sécurité : Quels enjeux économiques pour les
industries maritimes? », actes du colloque ISEMAR, 4 mars 2004, pp 14- 18.
462
TREVES Tullio : « Problèmes juridiques liés à la piraterie », in actes du 3 ème colloque
international sur la sûreté maritime et portuaire « Comment combattre la malveillance sans
pénaliser l'économie », Cité des congrès de Nantes, 22 et 23 octobre, pp 39- 41.
463
IDLLALENE Samira : « La charte marocaine de l'environnement et du développement
durable sera-t-elle une loi fondamentale? », Vertigo (Revue électronique en sciences de
l'environnement: http://vertigo.revues.org/9956 (consulté le 21 janvier 2012).
464
IV-Thèses et mémoires :
BACH HAMBA Nadia : « Indemnisation des pertes du transport maritime », mémoire de fin
de stage d'avocat, 2007, Barreau de Tunis, 45 p.
BEN ALIJ Wissem : « Le droit maritime pénal et la pollution », mémoire de fin d'études,
Institut supérieur de la magistrature, 2005, Tunis, 88 p.
BEN ELJIA Mona : « Immigration clandestine par mer », mémoire de fin de stage d'avocat,
2007, Barreau de Tunis, 55 p.
465
DIEZZIA Goho : « Les marins abandonnés », Thèse, Nantes, 2005, 872 p.
EL MALKI Ahlem : « Le droit pénal maritime et la propriété des navires », mémoire de fin
d'études, Institut supérieur de la Magistrature, Tunis, 2005, 55 p (en arabe littéraire).
GUILLOU Marie : « Promouvoir un véritable contrôle social à bord des navires battant
pavilon étranger », mémoire, Université de Nantes, 2002, 212 p.
LATRECH Brahim : « Les sociétés de classification des navires », Thèse, Perpignan, 2004,
437 p.
PAUBLAN Danaé : « L'Oil pollution act: perspectives et réalités », Thèse, Lille, 1993, 240 p.
466
SAKKOUHI Amel : « Le rôle de la jurisprudence en matière de protection de
l'environnement », mémoire de troisième cycle, Faculté de Droit et des sciences politiques,
Tunis, 2004, 76 p.
ZEGRARI Jalila : « L'évolution des transports maritimes dans les pays du Maghreb », Thèse,
Université de Nantes, 2000, 315 p.
ZEH ONDOUA Jean : « Les pays du tiers monde et la réglementation internationale des
transports maritimes entre États: de l'OMI à l'OMC, contribution à l'étude de l'évolution du
processus d'élaboration des normes internationales », Thèse, Lille 2, 1997, 894 p.
467
V- Entretiens :
BEN SALAH Taoufik, ancien inspecteur de navires, Tunis, le 19 octobre 2007, réactualisé.
LAATIL Bachir: sous directeur du Service des gens de mer à l'OMMP, La Goulette, le 17
octobre 2007, réactualisé.
ZORGATI Lotfi, capitaine « long court » tunisien, Tunis, le 15 mars 2008, réactualisé.
468
VI-Rapports, revues annuelles, recueils :
« Désarrimage et perte à la mer d'une pontée de grumes le 24 janvier 2002 en baie de Seine à
bord du cargo tunisien Jerba:Rapport d'enquête technique », Bureau d'enquête sur les
événements de mer, 33 p.
Documents de l'OMI: « Actes de piraterie et vol à main armée à l'encontre des navires dans
les eaux au large de la Somalie », circulaire du 4 août 2010, MSC.1/Circ. 1337, 59 p.
469
Lettre technique du CEDRE « Mer- Littoral n°1 », 2005, 10 p.
PAUL Daniel, LE DRIAN Jean- Yves: « Après l'Erika, l'urgence », Rapport de la commission
d'enquête de l'Assemblée nationale n° 2535, Les documents d'information de l'Assemblée
nationale, Tome I, Rapport, 442 p.
Rapport annuel de l'Office (tunisien) de la marine marchande et des ports 2005, éditons
OMMP, 2006, 44 p.
Rapport annuel de l'Office (tunisien) de la marine marchande et des ports 2007, éditions
OMMP 2008, 46 p.
Rapport annuel de l'Office (tunisien) de la marine marchande et des ports 2008, éditions
OMMP 2009, 47 p.
470
« Rapport d'enquête technique : Échouement du cargo Musketier survenu le 8 février 2011
sur le littoral de la commune d'Ambleteuse (Pas de Calais) », Bureau d'enquête sur les
événements de mer, 42 p.
Rapport d'information n° 418 du Sénat français fait au nom de la Commission des affaires
étrangères, de la Défense et des Forces armées sur l'action de l'État en mer, session du 22 juin
2005, 41 p.
Rapport de la Commission du Droit international sur les travaux de sa 28 ème session, 3-23
juillet 1976, assemblée générale, documents officiels, 31ème session, supplément n°10
(A/31/10), 183 p.
Recueil des Directives pratiques du BIT sur « La prévention des accidents à bord des
navires », éditions BIT, 1996, 217 p.
471
VII- Études :
« Med Mou on port state control, actions towards effectiveness ans alignement with Paris
Mou standars »: www.euromedtransport.org ( consultée le 22 janvier 2012).
« World oil shippng routes under threat from piracy » ( Les routes maritimes pétrolière
mondiales sous la menace de la piraterie),
http://www.pennenergy.com/index/petroleum/display/4340128121/articles/oil-gas-
journal/transportation-2/20100/february-2011/intertanko_-world.html (consultée le 22 janvier
2012).
472
VIII- Colloques :
473
IX- Presse :
« Des opportunités, un potentiel énorme mais les freins à une intégration maghrébine
subsistent » in « La Presse », 19 février 2009, p 3.
« Otages tunisiens du navire Hannibal II: enfin libres! » in www.lapresse.tn du 18 mars 2011.
474
X- Sites internet :
475
Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) : www.ocde.org
Organisation internationale de normalisation (ISO) : www.iso.org
Organisation internationale de travail (OIT) : www.ilo.org
Organisation maritime internationale (OMI) : www.imo.org
Organisation mondiale du commerce (OMC) : www.wto.org
P&I club : www.ukpandi.com
Port State information Exchange System (USA) : http://cgmix.uscg.mil/psix/
Safemed : www.safemed-project.org
Safeseanet : http://www.emsa.europa.eu/operations/maritime-surveillance/safeseanet.html
The Customs Trade Partnership Against Terrorism (C-TPAT) :
http://www.cbp.gov/xp/cgov/trade/cargo_security/ctpat/
Union internationale d'assurance transport (IUMI) : www.iumi.com
476
477
Index Alphabétique
(Les numéros renvoient aux pages)
-A-
Abordage :
4, 20, 81, 85, 128, 160, 202, 231, 244, 267, 313, 314, 324
Accident :
2, 3, 4, 7, 8, 10, 11, 20, 38, 40, 43, 44, 63, 68, 70, 84, 88, 89, 90, 92, 94, 102, 103, 111, 113,
116, 147, 149, 159, 165, 167, 168, 187, 198, 201, 202, 204, 210, 212, 214, 216, 217, 220, 226,
231, 234, 242, 245, 246, 249, 264, 265, 271, 287, 288, 289, 292, 314, 326, 336, 341, 345, 357,
363, 369, 370, 382, 383, 386, 387, 390, 391, 397, 407, 412, 418, 425; 426
AESM :
209, 210, 211, 212, 213, 214, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 391, 398, 400, 401, 415, 420
AISM :
236
ANPE :
259, 260, 261, 264, 289, 281, 286, 287, 326, 327, 346, 347, 348
APAL :
281, 282, 286
Assistance :
28, 44, 58, 202, 238, 241, 243, 244, 255, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 295, 297, 313
Assurance :
200
corps 201
478
faculté 201
primes 113, 199
responsabilité 201, 202, 203, 305, 319, 364, 382, 387
société 4
transport 38, 39, 40
-B-
Base de données :
179, 183, 185, 186, 187, 190, 206, 214, 239
-C-
Capitaine :
2, 7, 26, 27, 37, 50, 52, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 63, 80, 83, 85, 86, 106, 108, 129, 157, 160,
161, 163, 170, 172, 178, 187, 196, 208, 234, 241, 242, 243, 244, 245, 258, 260, 267, 268, 275,
294, 299, 303, 304, 305, 309, 310, 311, 312, 314, 316, 317, 326, 327, 328, 382, 391, 407
Cartes :
nautiques 128, 157, 240
marines 239
cartes électroniques 239
CEDRE :
288
Certificat :
délivrance 20, 386
de classification 30, 31, 144, 145, 400
de sûreté 53, 111, 112, 389
479
d'aptitude des gens de mer 63, 71
de navigation 90, 389, 394
de sécurité 134, 146, 149, 150, 154, 186, 387
de jaugeage 135, 256
de prévention de pollution 150
d'effectif 151, 414
médical 151, 152
de capacité 161
de franc-bord 165
international de travail 172
obligatoires 187
Chargeur :
35, 200, 205, 206, 207, 208, 270, 29, 296, 299, 300, 301, 302, 313, 319, 322, 333, 334, 335,
336, 410, 428
Classification :
4, 18, 21, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 90, 137, 138, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 154, 158, 159,
169, 179, 205, 206, 207, 209, 210, 219, 221, 226, 245, 349, 391, 398, 399, 400, 401, 410, 412,
417, 419, 426
CLC :
318, 319, 320, 322, 323, 329, 330, 331
CNUCED :
124
COLREG :
20, 84, 236
480
Complaisance :
diplôme 56
pavillon 37, 67, 74, 81, 130, 173, 175, 190, 219, 371, 374, 376
navires 68, 82, 376
port 194
COPE :
Fonds 321
COSPAS SARSAT :
248
Côtier :
État 25, 26, 234, 235, 237, 238, 240, 245, 249, 250, 258, 261, 263, 271, 272, 289, 357,
CSI :
180, 181
CSO :
52, 53
CTN :
39
-D-
Dispositif de séparation de trafic :
247
481
-E-
ECSA :
383
Effectif :
embarqué 2, 8, 46, 79, 383, 391, 396
exigé 45, 54
visa 80
contraction 81
réduction 82, 83, 84, 85, 86
réduit 97, 107, 124, 126, 152, 231, 370,
infraction 303
minimum 370
révision 384
manque 407
insuffisant 418, 419
Enquête :
maritime 7, 28, 62
après-accident 89, 91, 138, 156, 159, 160, 165, 166, 167, 168, 171, 177, 214, 258, 285, 286,
287, 288, 289, 306, 335
EQAUSIS :
210
ETF :
383
Étude d'impact :
345, 346, 347, 349, 350
482
-F-
FIPOL :
319, 320, 321, 322, 329, 330
FODEP :
348, 351
-I-
IACS :
32, 33
ICS :
38
IFSMA :
37
IMDG :
331, 332, 333, 334, 335
Immigration clandestine :
5, 6, 252, 255, 256, 309, 311
Incendie :
2, 4, 20, 81, 87, 101, 157, 231, 294, 297, 329, 332, 333, 335, 369, 387
INMARSAT :
248
INNORPI :
39
483
INTERTANKO :
35, 36
ISF :
35, 36
IFSMA :
37
ISO :
9000: 20, 38, 39
ITF :
37
IUMI :
38, 39, 40
-L-
Lien substantiel :
25, 125, 126, 127, 130, 132,
-M-
Marchandises dangereuses :
20, 186, 243, 331, 332, 333
Med Mou :
184, 185, 186, 187, 189, 190, 191, 192, 193, 195, 197, 206, 219, 222, 414, 418, 419, 420
484
-N-
NAVAREA :
240
NAVTEX :
240
-O-
OCDE :
79, 95, 112, 114, 358, 359
OIT :
18, 23, 24, 35, 44, 75, 91, 128, 166, 176, 195, 198, 383, 385, 396, 414, 415, 416, 417
OMC :
371
OMI :
18, 20, 21, 31, 32, 33, 34, 37, 61, 67, 74, 86, 96, 114, 116, 117, 118, 128, 134, 140, 141, 143,
153, 167, 168, 193, 196, 197, 223, 224, 237, 238, 239, 248, 318, 332, 389, 425, 427
OMMP :
28, 38, 134, 137, 140, 150, 189, 193, 244, 245, 255, 274, 275, 329, 374
OPA :
178, 204
OPRC :
277, 344, 353, 360
485
OSPAR :
353
-P-
P&I :
40
Paris Mou :
183, 184, 192, 197, 392, 395,
Pilotage :
241, 242, 243
Piraterie :
actes de 5, 21, 36, 39, 85, 257, 302
répression 129, 252
recrudescence 258
Pollution :
majeure 6,
spectaculaire 8
marine (ou maritime) 19, 28, 33, 269, 283, 285, 327, 329, 332, 336, 361, 362, 363, 364, 387,
408, 410, 411, 412
prévention de 21, 47, 95, 138, 144, 216, 400
niveau de 29
par les navires 31, 382
par hydrocarbures 36, 150, 318, 319, 320, 324, 326, 328, 344, 408
matériel de lutte 157, 160, 279
d'une grande ampleur 204, 209, 260, 278, 284, 286
prévention et réparation 211
lutte 212, 216, 217, 221, 276, 277, 348, 352
486
risque 246
infraction 258, 259, 260, 261, 262, 263, 265
menace 271
accidentelle 281, 360
tellurique et pélagique 282
réparation 282, 342
responsabilité 318, 329, 355, 409
par hydrocarbures de soute 323
répression 32
transfrontières 343
chroniques 359
-R-
Radar :
84, 157, 212, 246
Radio :
radiotélégraphie 20, 84
radiotéléphonie 20, 249
radioélectriques (aides) 22, 237, (installataions) 249,
Remorquage :
241, 243, 244, 245
REMPEC :
216, 279
RH :
296, 297, 298, 299, 300, 301
487
-S-
SAR :
272
Sauvetage :
radeaux 22, 28,
opérations 20, 55, 139, 151, 249, 271, 270, 271, 272, 295, 297
dispositifs 87
matériel 157
services de 170
de vie humaine 202, 213, 220
autorité 248
des navires en danger 266
rémunération 268, 273
service de recherche et 274
unités de 275, 276
plan 275
de l'équipage 313
engins 387
Signalisation maritime :
234, 235, 236, 237
SIRENAC :
183
SMDSM :
246, 247, 248, 249
SMS :
21, 47, 48, 49, 50, 57, 63
488
SNPD :
329, 330
SSO :
52, 53
SSP :
51, 52
STM :
246, 247, 249
Surveillance :
haute 6, 30
des navires 31
visuelle 85
maritime 211, 212, 247, 251, 387
de la navigation 217, 245
de trafic 234
côtière 246, 274
de la pollution 258, 260, 273
-T-
Terrorisme :
maritime 6,
actes de 21,
lutte 22, 181, 249, 252, 253, 254, 309
489
-U-
Université maritime mondiale :
38, 61
USCG :
177, 179
-V-
Vetting :
207
Visite :
système de 20,
de sécurité 27, 29, 350,
des pétroliers et des vraquiers 32,
de sécurité 137,
de contrôle 140, 398,
périodique 143, 154, 349,
à bord 144,
annuelle 145,
d'inspection 149, 187, 220,
de mise en service 153,
exceptionnelle 155, 169,
de partance 155, 156,
d'inspection 157,
contrôle des conditions de vie et de travail 195,
de l'AESM 209,
des locaux affectés aux marins 416
490
491
Table des matières
Remerciements
Table des abréviations
Glossaire
Sommaire
Introduction.................................................................................................................................1
492
Section 2 : Le contenu de la norme...........................................................................................41
Paragraphe 1: Les obligations de l'armateur..................................................................41
A) Les obligations de l'armateur: analyse de la législation tunisienne.....................................42
a) Les effets de l'exécution du contrat d'engagement maritime................................................42
b) Les conditions de travail à bord............................................................................................44
B) L'analyse normative des nouvelles obligations....................................................................46
a) L'apport du code ISM............................................................................................................47
b) L'apport du code ISPS..........................................................................................................51
Paragraphe 2 : Les obligations de l'équipage................................................................54
A) Les obligations du capitaine................................................................................................54
a) Les obligations initiales du capitaine, étude de la législation tunisienne..............................55
b) Les dispositions spéciales de sécurité et de sûreté, l'apport des codes ISM et ISPS...........57
B) Les obligations des marins...................................................................................................59
a) Les compétences classiques des marins................................................................................59
b) Les obligations de l'équipage au regard de la sécurité et de la sûreté...................................63
493
B) L'absence ou le mauvais entretien des équipements............................................................86
a) L'état des lieux......................................................................................................................86
b) Les conséquences..................................................................................................................89
494
a) L'acquisition de la nationalité tunisienne............................................................................129
b) La procédure d'immatriculation..........................................................................................132
Paragraphe 2 : Les instances chargées du contrôle...........................................................135
A) Les services régionaux de sécurité.....................................................................................135
a) Les missions des centres régionaux de sécurité maritime...................................................135
b) Les officiers de la marine marchande.................................................................................138
B) L'intervention des sociétés de classification......................................................................140
a) Le mécanisme de délégation de pouvoir de contrôle maritime..........................................141
b) La responsabilité des sociétés de classification..................................................................144
495
a) Le contrôle de la sécurité....................................................................................................175
b) Le renforcement des règles de sûreté.................................................................................178
B) La recherche d'une meilleure efficacité du contrôle: l'approche régionale.......................180
a) L'approche régionale: Le principe......................................................................................180
b) L'organisation du contrôle..................................................................................................184
Paragraphe 2 : La portée limitée du contrôle....................................................................188
A) Les freins au contrôle.........................................................................................................188
a) Les limites inhérentes au texte............................................................................................188
b) Les limites dans la mise en oeuvre du Med Mou...............................................................191
B) Les limites du contrôle de l'élément humain......................................................................193
a) Un contrôle timide..............................................................................................................193
b) Les perspectives d'évolution...............................................................................................195
496
Partie 2 : La gestion de la défaillance du facteur humain en droit tunisien:
État des lieux et perspectives.......................................................................................227
Section 1 : Le facteur humain assisté par l'État dans la prévention des accidents................232
Paragraphe 1 : Les aides à la navigation...........................................................................232
A) La coopération matérielle..................................................................................................232
a) La signalisation maritime....................................................................................................232
b) Les autres soutiens à la navigation.....................................................................................235
B) Les moyens humains..........................................................................................................239
a) Le pilotage portuaire...........................................................................................................239
b) Le remorquage....................................................................................................................241
Paragraphe 2 : La surveillance maritime...........................................................................243
A) La surveillance de la navigation........................................................................................243
a) La prévention des accidents ou la surveillance des règles de circulation...........................244
b) La lutte contre les trafics illicites et les autres menaces.....................................................247
B) La mise en œuvre opérationnelle de la surveillance de la pollution au large....................256
a) La constatation de l'infraction.............................................................................................257
b) La poursuite de l'infraction.................................................................................................261
497
Paragraphe 2 : La gestion de la pollution marine..............................................................274
A) La politique de lutte contre la pollution marine.................................................................275
a) Le cadre juridique...............................................................................................................275
b) Le cadre institutionnel de la lutte contre la pollution.........................................................277
B) La réparation de la pollution..............................................................................................280
a) Le déclenchement du plan national d'intervention urgente.................................................281
b) Le nettoyage et l'enquête après-accident............................................................................285
498
c) La convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures de soute.................................................................................323
B) La responsabilité pénale.....................................................................................................324
a) Une législation à deux niveaux...........................................................................................325
b) Des sanctions non dissuasives............................................................................................327
Paragraphe 2 : La responsabilité pour pollution causée par des substances nocives et
potentiellement dangereuses...................................................................................................329
A) La convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages
liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses...................329
B) La législation en vigueur....................................................................................................331
a) L'adaptation du mécanisme de responsabilité.....................................................................332
b) La responsabilité du chargeur.............................................................................................334
499
a) Au niveau national..............................................................................................................362
b) Au niveau international.......................................................................................................363
500
Paragraphe 2 : Le contrôle de l'application de la législation communautaire: à la recherche
de l'efficacité...........................................................................................................................391
A) Le renforcement du contrôle par l'État du port..................................................................391
a) La consolidation des mesures.............................................................................................392
b) Le contrôle du travail maritime..........................................................................................395
B) L'inspection des sociétés de classification et le rôle de l'AESM........................................398
a) Le suivi des sociétés de classification.................................................................................398
b) Le rôle de l'AESM..............................................................................................................400
Conclusion générale................................................................................................................425
501
Bibliographie...........................................................................................................................437
Index alphabétique..................................................................................................................478
502
Le facteur humain dans la mise en oeuvre de la sécurité et de la sûreté maritimes: analyse
de l'inscription de la Tunisie dans l'ordonnancement juridique international
La fréquence des accidents en mer et l'ampleur des dégâts de certains d'entre eux permettent
de s'interroger sur l'efficacité des mesures de sécurité et de sûreté maritimes. En parallèle,
l'importante participation du facteur humain dans la survenance de ces accidents devient une
réalité de plus en plus acceptée. Les conditions de vie et de travail des marins à bord des
navires, l'effectif, la durée de travail... sont autant d'éléments déterminants dans la survenance
de l'erreur humaine. Ce sont, par conséquent, autant d'éléments à considérer dans la
prévention des accidents, sans pour autant les dissocier du système organisationnel global.
Pourtant, à travers le monde, les mesures législatives prenant en considération ces éléments
sont rares et souffrent d'une application partielle et d'un manque considérable de contrôle à
l'occasion des différentes inspections maritimes. Même si cette constatation varie d'un État
maritime à un autre, la Tunisie n'y déroge pas. Des lacunes en la matière existent aussi bien au
niveau de l'adoption des lois, que de leur application effective ou du contrôle leur étant
réservé. Il conviendra d'en déceler les causes et d'essayer de les combler.
Mots clefs : Sécurité maritime, sûreté maritime, conditions de vie et de travail à bord,
environnement, Tunisie.
The human factor in maritime safety and security implementation: analysis of the
inscription of Tunisia in the international legal order
The frequency of maritime accidents and the extent of the damage some of them cause, can
cast doubt on the effectiveness of maritime safety and security measures. At the same time,
the ever increasing rôle played by man in such occurrences has been steadily recognized.
Sailors' living and working conditions on board, crew size and working hours are just a few of
the significant factors wich have contributed to human error. As a result, such factors, should
not be excluded from the global organizational system when considering accident prevention.
Nevertheless, throughout the word, legislative measures including these elements are either
few and far between, only partially applied or immensely difficult to enforce during maritime
inspections. Even if this observation varies from one maritime state to another, Tunisia is no
exception. Shortcomings in the field range from, flaws in the adoption of laws, to ineffective
law implementation, without forgetting the level of control they are granted. This paper will
detect the causes behind this situation and go some way in attempting to remedy the failings.
Keywords : Maritime safety, maritime security, living and working conditions, environment,
Tunisia.