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Dalloz action Droit patrimonial de la famille

Titre 21 - La prohibition des pactes sur succession future


sous la direction de Michel Grimaldi - Professeur à l’Université Paris 2 (Panthéon-
Assas)
2018-2019
Section 0 - Orienteur
21.00. Plan du titre.

Chap. 211 - Principe de prohibition des pactes sur succession future

Sect. 1 - Caractères de la prohibition des pactes sur succession future


Sect. 2 - Cas d’application de la prohibition des pactes sur succession future

Chap. 212 - Pactes sur succession future exceptionnellement autorisés

Sect. 1 - Pactes expressément permis par la loi


Sect. 2 - Pactes douteux validés par la jurisprudence
Division. Les pactes sur succession future sont en principe interdits, et cette
règle reste sensible dans notre système juridique, malgré les nouvelles
exceptions admises lors de la réforme de 2006 (1) (chap. 211). Le principe de
prohibition souffre des exceptions de plus en plus nombreuses, formulées pour
des raisons d’utilité sociale, et dont l’existence est aujourd’hui solennellement
indiquée dès l’article 722 du Code civil (chap. 212).

Notes
o
(1) L. n  2006-728, 23 juin 2006, portant réforme des successions et des
libéralités, JO 24 juin, p. 9513.

21.01. Textes applicables.


L’ensemble constitué par les textes originaires du Code civil ne subsiste plus en
tant que tel (les articles 791 ou 1600, qui réitéraient certains aspects de la
prohibition des pactes sur succession future, ont disparu). Mais les règles qui en
constituaient la substance demeurent :

interdiction des renonciations à une succession non ouverte (C. civ., art. 770);


interdiction d’aliéner les droits qu’on pourrait avoir dans une succession non
ouverte (C. civ., art. 722);
interdiction de toute stipulation sur une succession non ouverte (C. civ.,
art. 722);
interdiction pour les époux de changer par convention ou renonciation l’ordre
légal des successions (C. civ., art. 1389).
21.11. Idée générale. Il est interdit de modifier les lois successorales par
convention :
telle est l’idée générale qui gouverne la question des pactes sur succession future,
et en ce sens on peut dire que le principe de prohibition est maintenu. Dans le
droit commun des contrats règne l’autonomie de la volonté, selon laquelle toutes
les conventions qui ne sont pas interdites sont valables. Dans la catégorie
particulière des conventions sur successions non ouvertes, la solution est
inverse : une telle sorte de contrat ne sera valable que dans le cas où elle est
autorisée par la loi (v. C. civ., art. 722).

Les rédacteurs du Code civil tenaient beaucoup à l’interdiction des pactes sur
succession future, qui constituait dans leur système une pièce maîtresse de
l’ordre public successoral, si bien d’ailleurs qu’ils l’avaient exprimée à quatre
reprises (C. Napoléon, art. 791, art. 1130, al. 2, art. 1389, et art. 1600), de
e
façon redondante. À l’issue des réformes du début du XXI siècle, les limites de
validité dont font l’objet les conventions sur succession future figurent tout de
même encore dans trois textes (C. civ., art. 722, anc. art. 1130 al. 2 (1) et
art. 1389). Mais le ton a changé : le principe de prohibition n’ose plus guère
s’affirmer comme tel, tant les exceptions ont pris de l’importance. Les
réformes récentes, marquées par une certaine montée de l’individualisme et des
considérations d’efficacité économique, amenuisent de manière générale la force
de l’ordre public successoral. De sorte que le principe de prohibition des pactes
sur succession non ouverte s’est naturellement trouvé affecté par ce mouvement.

Notes
o
(1) Texte abrogé par l’ordonnance n  2016-131, du 10 févr. 2016, portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
o
(JO 11 févr., texte n  26), et remplacé par l’article 1163 qui ne reprend pas
l’énoncé du principe selon lequel « on ne peut cependant renoncer à une
succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession,
même avec le consentement de celui de la succession duquel il s’agit, dans les
conditions prévues par la loi », lequel apparaissait redondant avec les dispositions
des articles 722 et 770 du Code civil.
21.12. Définition du pacte prohibé.
L’expression même « pacte sur succession future » ne figure pas dans le Code
civil, et aucune définition ne s’y trouvait avant la nouvelle rédaction de
l’article 722 par la réforme de 2001. Ce texte dispose : « Les conventions qui ont
pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une
succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent effet que
dans les cas où elles sont autorisées par la loi ». Cette définition légale, qui reste
très générale, méritera d’être précisée. En restant à un certain niveau de
généralité, il paraît plus simple de présenter le pacte sur succession future
comme un accord qui, du vivant d’une personne, crée des obligations relatives à
son patrimoine considéré après sa mort.

Chapitre 211 - Principe de prohibition des pactes sur succession future


Frédéric Bicheron - Professeur à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC)
sous la direction de Michel Grimaldi - Professeur à l’Université Paris 2 (Panthéon-
Assas)
2018-2019
Table des matières

Section 1 - Caractères de la prohibition des pactes sur succession


future 211.11 - 211.52

§ 1 - Définition du pacte prohibé 211.11 - 211.16


§ 2 - Justifications du principe de prohibition 211.21 - 211.23
§ 3 - Méthode de la jurisprudence pour appliquer la prohibition 211.31 -
211.37
§ 4 - Nature de la prohibition 211.40 - 211.52
A - Sanction de la prohibition des pactes sur succession future 211.41 -
211.46
B - Conflits de loi au regard de la prohibition 211.51 - 211.52

Section 2 - Cas d’application de la prohibition des pactes sur succession


future 211.60 - 211.134

§ 1 - Options successorales anticipées 211.61 - 211.67


§ 2 - Conventions portant atteinte à la liberté testamentaire 211.71
§ 3 - Pactes de famille contenant une stipulation sur succession non ouverte
211.81 - 211.84
§ 4 - Promesses de vente ou ventes dont l’effectivité est liée au décès 211.91
- 211.105
§ 5 - Clauses de réversibilité d’usufruit 211.111 - 211.114
§ 6 - Clauses organisant la dévolution successorale future d’un droit issu
du contrat 211.121 - 211.125
§ 7 - Contrats ayant pour effet d’alourdir les obligations de la succession
future par rapport au patrimoine actuel 211.131 - 211.134

Section 0 - Orienteur
211.00. Plan du chapitre.
Division. La prohibition des pactes sur succession future est d’autant plus
fameuse parmi les juristes qu’il est difficile de cerner la notion, du fait d’une
jurisprudence très casuelle. On va caractériser la règle de prohibition et ses
justifications (sect. 1), avant de procéder à une présentation typologique de la
jurisprudence (sect. 2).

211.01. Textes applicables.
C. civ., art. 722, 770, 929 à 930-5, 1389
o
L. n  2006-728, 23 juin 2006, portant réforme des successions et des
er
libéralités, JO 24 juin, p. 9513 (entrée en vigueur le 1  janv. 2007)

> Interdiction d’aliéner les droits qu’on pourrait avoir dans une
succession non ouverte
C. civ., art. 722 (L. 3 déc. 2001, art. 18)
Les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits
sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en
dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.

> Interdiction de toute stipulation ou renonciation à une succession non


ouverte
er
C. civ., art. 770 (L. 23 juin 2006, art. 1 )

L’option ne peut être exercée avant l’ouverture de la succession, même par


contrat de mariage.
> Renonciation anticipée à l’action en réduction
[C. civ., art. 929 à 930-5]
s o
* V. texte complet de ces articles s  n  212.01, > Réduction des libéralités
excessives : renonciation anticipée à l’action en réduction
> Interdiction pour les époux de changer par convention ou renonciation
l’ordre légal des successions
C. civ., art. 1389
Sans préjudice des libéralités qui pourront avoir lieu selon les formes et dans les
cas déterminés par le présent code, les époux ne peuvent faire aucune
convention ou renonciation dont l’objet serait de changer l’ordre légal des
successions.

211.02. Jurisprudence de référence.
> Définition technique du pacte prohibé
re o o
• Civ. 1 , 10 janv. 1990, n  88-10.343  , Bull. civ. I, n  7
s o
* V. s n  211.11

« Le pacte sur succession future est celui dont l’objet est d’attribuer, en dehors
des cas limitativement prévus par la loi, un droit privatif sur tout ou partie d’une
succession non ouverte. »

> Et négativement :
re o o
• Civ. 1 , 22 oct. 2014, n  13-23.657  , Bull. civ. I, n  175
s o
* V. s n  211.131

« Ne constitue pas un pacte sur succession future prohibé la convention qui fait
naître au profit de son bénéficiaire un droit actuel de créance qui s’exercera
contre la succession du débiteur. »

> Qualification de pacte sur succession future pour une promesse


unilatérale de vente dont le décès constituait le terme
re o o
• Civ. 1 , 13 juin 1979, n  78-12.037  , Andréani, Bull. civ. I, n  180
s o
* V. s n  211.92

Méconnaît l’[ancien] article 1130 alinéa 2 du Code civil, la cour d’appel qui décide
qu’un pacte par lequel une personne déclarait vendre sa propriété à une autre
« dès le jour de (son décès), pour un prix déterminé payable à l’ouverture de la
succession et le prix devant être payé ultérieurement à des tiers désignés par
celui-ci, s’analysait en une promesse post mortem valable », alors que la
convention ne créait d’obligations qu’à la charge de la succession sans imposer au
stipulant aucune obligation dont la succession n’aurait été tenue que par voie de
conséquence, et, consacrant ainsi l’attribution d’un droit privatif sur partie d’une
succession non ouverte, constituait un pacte sur succession future prohibé.

211.03. Bibliographie indicative.
o
Actualisables. Rép. civ., v  Pacte sur succession future, mars 2012 [actu.
janv. 2015], par I. Najjar.

Ouvrages (1).
o
G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité élémentaire de Droit civil, t. 4, 1959, n  1492
e
– M. GRIMALDI, Droit civil. Successions, 6  éd., « Manuels », LexisNexis/Litec,
os e
2001, n  339 s. – F. Laurent, Principes de droit civil français, t. XVI, 3  éd.,
o
1878, n  101 – Ph. MALAURIE et C. BRENNER, Les successions. Les libéralités,
e os
7  éd., LGDJ/Lextenso, 2016, n  680 s. – J.-P. NIBOYET, Cours de droit
os o
international privé français, Sirey, 1949, n  509, 5 et 515 – M. PLANIOL et
G. RIPERT, t. VIII par J. Boulanger, n  32, et t. IX par J. Boulanger, no 1013,
o

note 3 – F. TERRÉ, Y. LEQUETTE et S. GAUDEMET, Les successions. Les


e os
libéralités, « Précis », 4  éd., Dalloz, 2013, n  682 s.

Articles.
P. Bonduelle, « Le pacte de famille, enfin ! », Dr. et patr. févr. 2007, p. 46 –
I. Najjar, « Pacte successoral et discrimination entre les héritiers… », D. 2006.
s re o
Tribune 993  [note s  Civ. 1 , 4 oct. 2005, n  02-13.395  ].

Notes
(1) NB : les ouvrages les plus fréquemment cités et dont le nom des auteurs
figure en petites capitales en bibliographie sont cités par les seuls noms des
auteurs en petites capitales en notes de bas de page.

211.04. Questions essentielles.
> La jurisprudence fait une application casuelle de la prohibition, en considérant
en particulier les effets de l’acte incriminé.
s o
* V. s n  211.31

> La prohibition des pactes sur succession future est sanctionnée par la nullité du
pacte.
s o
* V. s n  211.41

> La prohibition des pactes sur succession future se présente comme une loi de
police.
s o
* V. s n  211.51

> Les renonciations à une succession non ouverte sont en principe interdites.


s o
* V. s n  211.62

> Les conventions portant atteinte à la liberté de tester sont interdites.


s o
* V. s n  211.71

> Les pactes de famille sur succession non ouverte sont interdits, en dehors de ce
qu’autorise exceptionnellement l’article 929 du Code civil.
s o
* V. s n  211.81

> Une certaine suspicion pèse sur les ventes ou promesses de vente dont
l’effectivité est liée au décès du vendeur.
s o
* V. s n  211.91

> La clause de réversibilité d’usufruit ne s’analyse pas en un pacte sur succession


future.
s o
* V. s n  211.111

> Par prudence, il faut éviter de mettre en place des contrats ayant pour effet
d’alourdir les obligations d’un cocontractant à compter de son décès.
s os
* V. s n  211.131 à 211.134

Section 1 - Caractères de la prohibition des pactes sur succession future

§ 1 - Définition du pacte prohibé


211.11. Définitions jurisprudentielles.
Malgré leur généralité, les termes de l’article 722 du Code civil ne permettent pas
de considérer que ce texte formule une définition opérationnelle du pacte prohibé.
Jusqu’à la loi de 2001, la formulation légale la plus générale était celle de
l’article 1130 alinéa 2 qui disposait : « On ne peut […] renoncer à une succession
non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le
consentement de celui de la succession duquel il s’agit… ». Et la loi de 2006 est
venue ajouter : « […], que dans les conditions prévues par la loi » (1). La
jurisprudence a paru suppléer ce qui reste une carence du législateur.

Ainsi les juges se sont-ils efforcés à plusieurs reprises de donner une définition
technique du pacte prohibé. On peut ainsi lire dans un arrêt de la Cour de
cassation : « Le pacte sur succession future est celui dont l’objet est d’attribuer,
en dehors des cas limitativement prévus par la loi, un droit privatif sur tout ou
partie d’une succession non ouverte » (2); ou encore, « constitue un pacte sur
succession future prohibé toute stipulation ayant pour objet d’attribuer, en
dehors des cas limitativement énumérés par la loi, un droit privatif éventuel sur
tout ou partie d’une succession non ouverte » (3). À vrai dire, les formules
jurisprudentielles ne sont pas stables, la Cour de cassation utilisant parfois le
s o
critère équivoque du « droit éventuel » (v. s n  211.13). En outre, ces définitions
restent toutes à un haut niveau d’abstraction trop lointain des faits que les règles
sont appelées à régir.

Notes
o
(1) Cet article a été abrogé par l’ordonnance n  2016-131, 10 févr. 2016, portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations,
o
JO 11 févr., texte n  26, qui, à l’article 1163 nouveau, n’a pas repris les
dispositions relatives à la prohibition des pactes sur succession future.
re o o
(2) Civ. 1 , 10 janv. 1990, n  88-10.343  , Bull. civ. I, n  7; D. 1991. 372, note
H. Mazeron  ; RTD civ. 1991. 784, obs. J. Patarin  ; JCP N 1990. II. 265, note
H. T. – Formulation traditionnelle, qu’on trouve déjà dans Civ. 11 janv. 1933,
DP 1933. 1. 10, note Capitant.
re o o
(3) Civ. 1 , 26 oct. 2011, n  10-11.894  , Bull. civ. I, n  186; D. 2011. 2976,
note I. Najjar  ; AJ fam. 2011. 619, obs. C. Vernières  ; RDC 2013. 902, obs.
o
C. Goldie-Genicon; Dr. fam. 2011, n  180, obs. B. Beignier.

211.12. Des définitions doctrinales.


Les auteurs ne sont pas plus unanimes dans la formulation qu’ils donnent, ce qui
s’explique par la difficulté de trouver une définition qui ne trahisse pas une
jurisprudence nécessairement casuelle. Certaines définitions doctrinales
constituent cependant une base utile à la réflexion, comme celle donnée il y a un
demi-siècle par Ripert et Boulanger (1) : le pacte sur succession future est
« toute convention qui intervient en considération d’une succession non encore
ouverte et par laquelle l’une des parties se fait attribuer ou abdique des droits
purement éventuels dans cette succession ». Cette définition appelle plusieurs
remarques.

Notes
o
(1) G. RIPERT et J. BOULANGER, t. IV, 1959, n  1492.

211.13. Caractère incertain du critère du droit éventuel.


Tout d’abord, l’appel au critère du droit éventuel, souvent utilisé, n’est pas
nécessairement judicieux : il est évident que si la succession n’est pas ouverte,
les droits successifs en cause sont purement éventuels. La référence au droit
éventuel, bien que la Cour de cassation en parle dans certains arrêts comme celui
précité du 26 octobre 2011 (1), est le type même du critère fuyant, peu
utilisable, et c’est à juste titre que le législateur ne l’a pas repris dans la définition
qu’il a élaborée en 2001. L’expression, qui figurait dans la loi à l’article 791 du
Code civil dans sa rédaction originaire, a d’ailleurs disparu avec la réforme
de 2006. Il existe des cas où une convention est relative à un droit éventuel, et
où pour autant sa validité ne saurait être remise en cause. Il en a été jugé ainsi
du mandat par lequel un mari permet à sa femme d’accepter ou répudier en son
s o
nom toutes les successions qui pourraient lui échoir (2) (v. s n  211.34). Cela
s o
étant, il est vrai que le mandat est révocable à tout instant (comp. s n  211.15).
Plus généralement, il n’y a pas lieu d’annuler les pactes qui, bien que portant sur
une succession future, sont certainement conformes aux règles successorales
s o
(v. s n  211.34).

Certains arrêts de la Cour de cassation, en 2002, 2003 et 2014, tendent


cependant à revenir à la terminologie traditionnelle, puisque, pour valider des
s
promesses post mortem qui ne seraient pas des pactes prohibés (adde v. s
os
n  211.93 à 211.96, 211.101, 211.131 et 211.132), la Cour reprend un attendu
de principe selon lequel : « Ne constitue pas un pacte sur succession future
prohibé la convention qui fait naître au profit de son bénéficiaire un droit actuel
de créance qui s’exercera contre la succession du débiteur » (3) – quitte
d’ailleurs à faire de cette règle des applications qui ne correspondent pas
s o
logiquement à l’espèce (v. s n  211.131). Le caractère actuel du droit
constituerait donc un facteur de validation du pacte suspect. Toutefois, qualifier
un droit de créance d’actuel ne correspond à aucune catégorie juridique. Un droit
de créance est, soit exigible, soit à l’inverse soumis à un terme suspensif ou à
une condition suspensive. On peut dire également d’un droit, parce que cela
reste clair, qu’il est constitué, ou au contraire qu’il est en cours de formation – de
sorte qu’il n’est encore inscrit à aucun patrimoine, critère de son existence. Mais
qu’est-ce qu’un droit de créance actuel ? Dans l’esprit des rédacteurs des
arrêts, cela vient manifestement s’opposer à éventuel. Or on vient de voir que
cette notion n’était pas appropriée en matière de pactes sur succession future.

En réalité, on ne peut résoudre la question des pactes sur succession future par
des concepts théoriques, surtout s’ils sont équivoques. La vraie question est
concrète : la partie contractante reporte-t-elle sur sa seule succession une charge
que son patrimoine aurait déjà dû assumer de son vivant dans la pleine logique
de l’opération en cause ?

Notes
re o o
(1) V. ENCORE, Civ. 1 , 6 févr. 1996, n  94-13.072  , Bull. civ. I, n  67; RTD
civ. 1996. 679, obs. J. Patarin  ; D. 1997. 369, note I. Najjar  ; D. 1997. 368,
note M. Grimaldi  .
re
(2) Civ. 9 mars 1937, DH 1937. 253 – Civ. 1 , 3 févr. 1969, JCP 1969. II. 16112,
note M. D.
re o o
(3) V. PAR EX., Civ. 1 , 22 oct. 2014, n  13-23.657  , Bull. civ. I, n  175;
Dr. fam. 2014. Comm. 186, obs. M. Nicod; D. 2015. 2102, obs. V. Brémond  ;
RDC 2015. 321, obs. C. Goldie-Génicon; AJ fam. 2015. 64, obs. C. Vernières  .

211.14. Formulation d’un critère.


Si l’on estime, ce qui est légitime, qu’un critère est utile en pratique pour mieux
identifier le pacte prohibé, on peut observer que, pour être annulable, le pacte
litigieux doit porter sur des droits dans la succession en considération de laquelle
il a été conclu (la préposition sur utilisée aujourd’hui à l’article 722, a un sens
équivalent). Si en revanche l’ouverture d’une succession n’est visée que pour
constituer un terme à une obligation dont l’existence est parfaitement
extérieure au patrimoine successoral en cause, il n’y a pas pacte sur
succession future (1). Mais on ne saurait guère avancer davantage dans la
recherche d’un critère du pacte sur succession future, malgré l’insuffisance de
celui qui vient d’être proposé, et dont la généralité est encore excessive. Une
étude plus précise de la prohibition doit passer par une typologie des décisions en
s os
la matière (v. s n  211.60 s.).

Notes

(1) V. PAR EX., Req. 15 févr. 1897, DP 1897. 1. 582.

211.15. Support conventionnel du pacte sur succession future.


Selon la plupart des définitions, le pacte sur succession future est une
convention, et l’article 722 reprend ce terme. Mais la Cour de cassation a eu
l’occasion de qualifier un acte unilatéral de pacte prohibé (1). Si l’on en reste à
une analyse formelle, le mot « pacte » dans l’expression « pacte sur
succession future » devrait donc recevoir une acception plus large que le mot
« convention ». D’ailleurs l’exercice de l’option successorale (en pratique, une
renonciation) relativement à une succession non encore ouverte, acte unilatéral,
tombe sous le coup de la prohibition, comme l’indique l’article 770 du Code civil.

Mais dans l’immense majorité des cas, le pacte sur succession future revêt la
forme d’une convention. Et même lorsque, par exception, il se présente comme
un acte unilatéral, cet acte trouve ailleurs un écho : l’acte n’est unilatéral qu’en
apparence, car au fond il existe un accord entre plusieurs personnes (et
souvent la stipulation de contre-prestations), de sorte que la renonciation
unilatérale n’est que la pièce manifeste de ce traité d’ensemble. L’affaire résolue
par l’arrêt de 1987 (2) précité ne dément pas cette analyse.

Toujours est-il que le pacte prohibé, qu’il soit conventionnel au premier degré
ou non, doit correspondre à un engagement irrévocable. Cette condition
préalable sera particulièrement vérifiée pour les actes unilatéraux (3). Ainsi, les
testaments coordonnés de deux époux – par rapport à des biens communs,
en particulier – ne constituent pas un arrangement familial atteint par la
prohibition des pactes sur succession future, dès lors que chaque testament, en
tant que tel, conserve son caractère révocable (4).

Notes
re o o
(1) V. Civ. 1 , 17 mars 1987, n  85-16.484  , Bull. civ. I, n  97; RTD civ.
re o
1987. 784, note J. Patarin, et Civ. 1 , 4 oct. 2005, n  02-13.395  , Bull. civ. I,
o
n  361; AJ fam. 2006. 77, obs. F. Bicheron  ; D. 2005. 993, obs. I. Najjar  ;
o
D. 2006. 2066, note V. Brémond et M. Nicod  ; Dr. fam. 2005, n  252, note
B. Beignier.
re o o
(2) Civ. 1 , 17 mars 1987, n  85-16.484  , Bull. civ. I, n  97; RTD civ.
1987. 784, note J. Patarin.
re o o
(3) Civ. 1 , 4 oct. 2005, n  02-13.395  , Bull. civ. I, n  361; AJ fam. 2006. 77,
obs. F. Bicheron  ; D. 2005. 993, obs. I. Najjar  , au sujet d’une reconnaissance
o
de dette; D. 2006. 2066, note V. Brémond et M. Nicod  ; Dr. fam. 2005, n  252,
note B. Beignier.
re o o
(4) Civ. 1 , 28 mai 2008, n  07-14.066  , Bull. civ. I, n  161; RTD civ. 2008.
711, obs. M. Grimaldi  .
211.16. Pactes concernant des objets singuliers, ou l’universalité
successorale.
On précisera enfin que la prohibition des pactes sur succession future vaut aussi
bien pour les pactes concernant les objets singuliers d’une succession, que pour
ceux qui seraient relatifs à l’universalité des droits qui en dépendent (1).

Notes
(1) Civ. 11 nov. 1845, DP 1846. 1. 25.

§ 2 - Justifications du principe de prohibition


211.21. Deux types de pactes.
L’identification des raisons de la prohibition est importante, parce qu’elle seule
peut aider, en l’absence de critère ferme du pacte prohibé, à circonscrire le
champ d’application des règles en cause.

D’une manière assez générale, on peut justifier par un triple motif l’idée qui a
présidé à l’institution de la prohibition. Tout d’abord, on a souvent évoqué la lutte
contre le votum mortis qui serait nécessairement présent dans tout pacte sur
succession future; ce motif n’est guère convaincant, à l’heure où le droit autorise
l’assurance sur la vie ou la vente contre rente viagère. On a aussi reproché aux
pactes sur succession future la facilité avec laquelle ils permettent d’éluder le
principe d’égalité des partages. Enfin, on a encore souligné que le pacte sur
succession future porte souvent sur des droits dont l’émolument est incertain
au jour de la conclusion du contrat : le titulaire risque donc d’en consentir
l’abandon à vil prix.

Ces deux dernières considérations doivent être envisagées de façon plus


concrète, en s’efforçant de rechercher plus précisément de quelle manière il
risque d’être porté atteinte aux principes qu’on entend protéger. Or il existe deux
séries d’hypothèses majeures :

les pactes de disposition anticipée qu’une personne consent sur une


succession qu’elle sera appelée à recueillir;
les pactes qu’une personne conclut sur sa propre succession.
En pratique les deux aspects se trouvent souvent mêlés, comme on l’observe par
s os
exemple dans beaucoup de pactes de famille (v. s n  211.81 s.). La distinction
est cependant utile pour inventorier plus précisément les raisons d’être de la
prohibition.

211.22. Justification de la prohibition des pactes de disposition anticipée.


Le premier grand type de pactes sur succession future est constitué par les
pactes de disposition anticipée, par exemple le contrat par lequel un héritier
présomptif vend ses droits dans la future succession d’un parent.

Ce type de cession est évidemment dangereux, par les pratiques lésionnaires


qu’elle peut faire naître, et les rédacteurs du Code civil avaient justement craint
que de mauvais spéculateurs ne se spécialisent dans ce genre de cession. Le
risque est augmenté de nos jours, où l’accroissement de l’espérance de vie est tel
que les héritiers présomptifs attendent longtemps avant de recueillir le bénéfice
d’une succession, ce qui peut les inciter à mobiliser leurs droits éventuels.

En dehors même du risque représenté par la spéculation, de dangereuses


renonciations risquent d’être consenties dans un contexte familial, par exemple
du vivant d’un ascendant et sous son autorité. À ce sujet encore, les raisons de la
prohibition s’imposent, pour peu qu’on attache de l’importance à l’égalité
successorale. Il est vrai que la raison d’être de la prohibition, à cet égard, paraît
moins vivement ressentie de nos jours, et la réforme de 2006 a cru bon
d’autoriser certains pactes familiaux grâce à l'élargissement de la
renonciation anticipée à l’action en réduction (C. civ., art. 929 s.), tout en
posant il est vrai un certain nombre de précautions.

211.23. Justification de la prohibition des pactes sur sa propre


succession.
Le second grand type de pactes sur succession future est constitué par les pactes
sur sa propre succession. Entrent dans cette catégorie tous les contrats qui
doivent s’exécuter sur le patrimoine de l’un des contractants, après sa mort. Ce
type de convention est très suspect, parce qu’il constitue pour le contractant un
moyen de mettre à la charge de sa succession des obligations auxquelles
il se soustrait de son vivant. Le vœu du législateur est que les héritiers, et
précisément les héritiers réservataires, recueillent quelque chose. Il faut donc
éviter que le de cujus présomptif ne vide intentionnellement son patrimoine. La
réserve existe pour protéger le patrimoine héréditaire contre les libéralités
excessives, mais le risque est aussi qu’une personne ne vide son patrimoine au
détriment de ses héritiers présomptifs, par des contrats à titre onéreux, qui
ne sont pas soumis au respect de la réserve. Il n’est évidemment pas
possible d’interdire au titulaire d’un patrimoine de passer des actes onéreux, qui
constituent les actes ordinaires de la vie économique, mais on a mis ces actes
sous surveillance grâce à la prohibition des pactes sur succession future : ils
deviendront suspects dès lors que, de façon peu naturelle, ils auraient pour
caractéristique de ne présenter aucun inconvénient pour le titulaire du patrimoine
de son vivant, et d’être en revanche préjudiciables à ses seuls successeurs. Ils
méritent alors d’être annulés comme pactes sur succession future, sauf à
examiner davantage la situation en vérifiant l’économie exacte du traité suspect.
Cette considération n’empêche pas, il faut le souligner, que les libéralités elles-
mêmes sont soumises à la prohibition des pactes sur succession future : on verra
que certains types de donations encourent cette qualification, spécialement
lorsqu’elles organisent des transmissions mortis causa irrévocables.

En somme, la prohibition des pactes sur sa propre succession permet de placer


sous une surveillance étroite les contrats par lesquels une personne dissocie
délibérément son intérêt de propriétaire vivant, et l’intérêt de sa
succession.

La prohibition des pactes sur succession future, c’est-à-dire des dispositions à


cause de mort établies par la voie contractuelle, a en même temps pour vertu
cardinale d’empêcher le de cujus de diminuer, par avance, irrévocablement sa
succession future, sans avoir par la suite la liberté de s’en repentir. Se trouvent
ici protégés, la liberté de tester et son corollaire que constitue la libre révocabilité
du testament.

Ces différents développements indiquent qu’en matière de pactes sur sa propre


succession, c’est le but soupçonné qui commande la nullité. La lecture de la
jurisprudence permet d’ailleurs d’élargir l’idée à l’ensemble de la question.

§ 3 - Méthode de la jurisprudence pour appliquer la prohibition


211.31. Examen de l’effet de l’acte.
Au fond, la jurisprudence n’a pas de critère du pacte prohibé. Il y a
simplement des opérations qui, du fait de leur nature (elles ont un aspect
conventionnel et elles prennent en compte l’événement successoral), sont
particulièrement suspectes. Dès que l’interprète pénètre dans cette zone
d’alerte, une sorte de présomption factuelle d’irrégularité s’applique. Le
juge se livre alors, non à une recherche de volonté caractérisée, mais à un
examen des circonstances, destiné à lever la suspicion commandée par la
nature de l’acte. Si cet examen n’établit pas de manière certaine que les effets de
l’acte ne contrarieront en aucune manière le mécanisme des règles successorales,
on tend à considérer que le but poursuivi par les parties était illicite, et on laisse
jouer la prohibition des pactes sur succession future. Autant dire que les
raisonnements de pure technique ne suffisent pas toujours à légitimer un acte
suspect.

211.32. Importance de l’appréciation portée par les juges du fond.


La Cour de cassation n’hésite d’ailleurs pas, en la matière, à s’en remettre à
l’appréciation souveraine des juges du fond sur l’intention des parties de procéder
au partage d’une succession du vivant du de cujus (1) – même s’il y a, du reste,
nécessairement place pour le contrôle de qualification opéré par la Cour, puisque
malgré ses contours incertains la notion de pacte sur succession future est une
catégorie juridique.
Notes
re o
(1) v. PAR EX., Civ. 1 , 25 oct. 1961, Bull. civ. I, n  48.

211.33. Illustration de la méthode : validation de certaines ventes


conditionnelles.
Dans ces conditions, tout est question de dosage. Si l’on promet à une personne
de lui céder les biens en provenance d’une succession que l’on espère, il s’agit
d’un pacte sur succession future. Mais, par exemple, ce n’est pas nécessairement
le cas si l’on promet à une personne de lui céder toutes les actions d’une société
désignée, susceptibles d’être recueillie par successions, donations, legs ou
autrement. Dans un tel cas de figure et après interprétation, les juges du fond
ont pu retenir que la généralité des termes employés révélait la volonté des
parties, non pas de stipuler la cession d’actions en provenance d’une succession
déterminée, mais de convenir de la cession de la totalité des titres dont le cédant
deviendrait propriétaire, quelle que fût leur origine. Ils ont ici appliqué la
qualification de vente conditionnelle, et non de convention conférant au
cessionnaire un droit sur partie d’une succession future (1). Dans cette espèce, il
est vrai que les effets de la convention ne portaient atteinte à aucun mécanisme
successoral, puisque celle-ci ne restreignait ni la liberté du de cujus de disposer
de ses titres, ni celle de l’héritier présomptif d’accepter ou non une succession.

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 27 mai 1961, Bull. civ. I, n  270.

211.34. Illustration de la méthode (suite) : validation des accords non


contraires aux règles successorales.
Cette attitude de la jurisprudence, qui caractérise comme but condamnable celui
qui tend à modifier par la voie contractuelle les règles destinées à régir la future
succession, permet de dire que le seul fait qu’un engagement contractuel porte
sur une succession non encore ouverte ne suffit pas à le vicier : si l’accord
correspond aux règles légales, il ne doit pas tomber sous le coup de la
nullité (1).

Notes
re
(1) Civ. 9 mars 1937, DH 1937. 253 – Civ. 1 , 3 févr. 1969, JCP 1969. II. 16112,
note M. D.

211.35. Conséquence : absence de critère catégorique.


Ce type d’analyse confirme que la recherche d’un critère catégorique trahirait le
droit positif : en vérité le juge recherche la finalité des actes, et retient la
qualification de pacte sur succession future lorsqu’il y trouve un non-respect des
règles successorales déterminantes, spécialement lorsqu’il soupçonne une
atteinte à la réserve, à l’ordre légal des successions, à la liberté
testamentaire, aux règles du partage (1) ou à la liberté d’option. Pour le
reste, les tentatives d’une définition purement objective du pacte prohibé
paraissent vouées à l’échec.

Notes
o o
(1) Civ. 4 oct. 2005, n  02-13.395  , Bull. civ. I, n  361; AJ fam. 2006. 77, obs.
F. Bicheron; D. 2005. 993, obs. I. Najjar  ; D. 2006. 2066, note V. Brémond et
o
M. Nicod  ; Dr. fam. 2005, n  252, note B. Beignier.

211.36. Incertitudes résiduelles : la distinction entre pacte prohibé et


promesse post mortem valable.
L’absence de critère catégorique résulte de la logique de la matière et rend délicat
un recensement théorique, sans pour autant obscurcir une matière naturellement
casuelle. On s’aperçoit en effet que les décisions des juges du fond, qui se livrent
à une analyse soigneuse des espèces, sont généralement irréprochables, et
qu’elles peuvent être reclassées en séries logiques. En vérité, les obscurités
entourant la matière proviennent davantage de la doctrine ou de l’attitude de la
Cour de cassation, qui veulent systématiser une matière qui y répugne.

En témoigne la fameuse tentative de distinguer le pacte sur succession future


prohibé de la promesse post mortem licite. À partir d’un arrêt qui avait rappelé,
au sujet de l’application de la prohibition des pactes sur succession future, que le
terme ne suspend point l’engagement, dont il retarde seulement l’exécution (1)
(mais le fond du débat tenait dans une question propre au régime dotal…),
certains auteurs ont commencé à esquisser une distinction entre pacte prohibé et
promesse post mortem. Ainsi Laurent, affirmant que « des promesses qui ne
doivent être acquittées qu’à la mort du promettant ne sont pas des conventions
sur la succession future du débiteur; il y a dette actuelle, le paiement en est
ajourné » (2). Vialleton systématisera la distinction (3), en expliquant que sont
valables les pactes patrimoniaux à portée successorale « qui intéressent
essentiellement le de cujus lui-même de son vivant, [même si] leur conception ou
leurs conséquences sont telles qu’ils trouvent un aboutissement dans la masse
héréditaire ». Au contraire sont des pactes successoraux prohibés « ceux dans
lesquels le principal intéressé trouve moyen de dégager sa fortune personnelle,
telle qu’elle demeurera de son vivant, de tout engagement, de toute
responsabilité, de toute incidence de l’opération ». S’il n’y a rien à redire à cette
analyse, la suite n’est pas dans la droite ligne de ce qui précède. En effet,
Vialleton y estimait, « en conséquence », qu’on doit tenir pour licite l’opération
reportée au décès par un terme, « parce que l’obligation est praesens pour le
débiteur, seule la solution est dilata : en cas de déchéance ou de renonciation au
terme, les conséquences s’en feront sentir dans le patrimoine, non dans la
succession ». Cette logique, qui n’est qu’apparente, a conduit la Cour de
cassation à valider de manière sporadique des promesses de vente ou des ventes
dans lesquelles le promettant stipule que l’exécution du contrat ne pourra avoir
s os
lieu qu’après son décès (v. s n  211.91 s.), ou certains contrats de prêts appelés
s os
à être dénoués ou transformés par le fait du décès du prêteur (v. s n  211.125,
211.131 et 211.132). Ces solutions sont contestables parce qu’elles contribuent à
faire peser essentiellement sur la succession du débiteur l’onérosité du contrat.
Cela explique les hésitations de la Cour de cassation, que l’on constate dans la
durée.

En pratique il faut recommander la prudence, même s’il paraît certain que,


depuis quelques années, la Haute juridiction croit devoir élargir la notion
de « promesse post mortem » valable, en faisant reculer à ce sujet la
prohibition classique. Il n’est pas exclu d’ailleurs que le recul du droit à la réserve
successorale en nature, marqué par la réforme de 2006, encourage la Cour de
cassation à valider encore plus largement ce type de promesses à exécution
différée sur la succession.

Notes
(1) Civ. 12 août 1846, DP 1846. 1. 296.
e o
(2) F. Laurent, Principes de droit civil français, t. XVI, 3  éd., 1878, n  101.

(3) Civ. 24 janv. 1928, S. 1929. 138-139, note Vialleton.

211.37. Conséquences de la logique de la prohibition sur le cas de


simulation.
Un point, en revanche, est certain : le caractère déterminant de la finalité de
l’acte invite à tenir compte seulement de l’intention réelle des parties. Ce qui
signifie que si l’acte soupçonné de constituer un pacte sur succession future n’est
en vérité qu’un acte ostensible, et que l’acte réel n’entre pas dans une telle
qualification, la nullité n’est pas encourue (1). Inversement, l’acte sera nul si sa
réalité, malgré les apparences, est celle d’un pacte sur succession future (2).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 8 mars 1977, n  75-10.254  , Bull. civ. I, n  122.

(2) Req. 14 nov. 1843, S. 1844. 1. 229.


§ 4 - Nature de la prohibition
211.40. Divisions.
Avec la protection de la réserve, la prohibition des pactes sur succession future
est une pièce essentielle de l’ordre public successoral (étant observé qu’on
pouvait rattacher à l’interdiction des pactes sur succession future la troisième
prohibition impérative du droit des successions, celle relative aux substitutions,
mais celle-ci se trouve également atteinte aujourd’hui, par la promotion des
s os
libéralités graduelles – v. s n  212.51 et 212.52). Cela exerce une influence
directe sur la définition de sa sanction (A), et sur les solutions admises en droit
international privé (B).

A - Sanction de la prohibition des pactes sur succession future


211.41. Nullité absolue.
Tout contrat tombant sous la qualification de pacte sur succession future est
er
frappé d’une nullité absolue (1). Par conséquent, et en application de l’alinéa 1
de l’article 1180 du Code civil, la nullité peut être invoquée par toute personne
y ayant intérêt : chacune des parties au pacte (2), les héritiers, mais aussi des
créanciers (3). De même, l’action en nullité se prescrit par cinq ans à compter
du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui
permettant de l’exercer (C. civ., art. 2224) (4).

Notes

(1) V. PAR EX., Civ. 10 mars 1941, DC 1943. 32.


re o o
(2) V. PAR EX., Civ. 1 , 11 mars 1981, n  79-16.831  , Bull. civ. I, n  87.

(3) Civ. 9 mai 1894, DP 1894. 1. 546.


o
(4) Avant la loi n  2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription
en matière civile (JO 18 juin, p. 9856), le délai était de trente ans à compter de la
date de la convention en cause (Civ. 24 nov. 1845, DP 1846. 1. 25).

211.42. Obligation de relever le moyen d’office.


Les juges du fond ont l’obligation de soulever d’office la nullité du pacte, dans la
mesure du moins où les éléments de fait soumis à leur jugement font ressortir les
éléments de la nullité en cause (1). En tant que moyen d’ordre public, la
nullité du pacte sur succession future pourra être invoquée pour la première fois
devant la Cour de cassation, si la juridiction qui a rendu la décision attaquée avait
été mise à même de connaître les faits servant de base au grief, et de vérifier
leur réalité.

Notes
(1) Paris, 23 nov. 1876, DP 1877. 2. 111 – Paris, 22 juill. 1950, D. 1950. 722,
note Lalou.

211.43. Confirmation impossible.


La nullité du pacte sur succession future n’est pas susceptible de confirmation
(1).

La règle selon laquelle les nullités absolues ne sont pas susceptibles de


confirmation, qu’énonce aujourd’hui l’alinéa 2 de l’article 1180 du Code civil, a
certes des contours flous. Mais même si l’on prétend distinguer les nullités
absolues susceptibles de « confirmation » sous certaines conditions des nullités
d’ordre public, qui ne sauraient être confirmées, il est certain que la nullité des
pactes sur succession future appartient à cette dernière catégorie. La
confirmation n’est donc jamais possible.

Notes
(1) Req. 19 févr. 1929, DP 1929. 1. 100.

211.44. Réfaction du pacte après décès.


Toutefois, les héritiers, s’ils sont capables, peuvent exécuter le pacte après
l’ouverture de la succession. Il ne s’agit cependant pas là d’une véritable
confirmation, mais d’une réfaction de l’acte, ce qui exclut toute validation
rétroactive. En effet, comme la cause de la nullité est par définition temporaire
puisqu’elle est appelée à disparaître avec l’ouverture de la succession, il est
permis, dans le règlement successoral, de se conformer exactement à ce que
prévoyait le pacte. Juridiquement ce n’est plus l’exécution du pacte, c’est la
conclusion valable d’une « convention nouvelle, spéciale, distincte et postérieure
au décès », comme le dit la Cour de cassation (1).

Toutefois cette exécution d’un règlement successoral conforme aux prévisions du


pacte ne serait pas valable si les intéressés avaient cru devoir déférer aux
prescriptions de l’acte nul. C’est notamment ce qu’entend la jurisprudence
lorsqu’elle dit que les parties ont dû avoir une exacte connaissance de la nullité
(2). Pour valider un règlement successoral conforme au pacte, la Cour de
cassation exige donc une volonté non équivoque de substituer à la stipulation
primitive une convention nouvelle (3).

Notes
s o re
(1) Req. 19 févr. 1929, préc. s n  211.43 – Civ. 1 , 4 janv. 1966, Bull. civ. I,
o re os
n  9 – Civ. 1 , 7 janv. 1992, n  90-16.161  et 90-15.303  , 2 esp., NP.

(2) Civ. 26 oct. 1943, D. 1946. 301, note F. Boulanger – RAPPR. Req. 13 mars
re o
1884, DP 1884. 1. 468 – et Civ. 1 , 20 juin 1962, Bull. civ. I, n  321.
re o
(3) Civ. 1 , 12 déc. 1961, Bull. civ. I, n  603; D. 1962. Somm. 73.

211.45. Étendue de la nullité.


Lorsque c’est, non une convention tout entière qui constitue un pacte sur
succession future, mais simplement la stipulation particulière d’une convention, la
question de l’étendue de la nullité se pose. Il faut examiner, conformément aux
dispositions de l’article 1184 du Code civil, si la stipulation a constitué un élément
déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. Si tel est le cas, la
nullité frappera l’acte en entier; à défaut, seule la clause litigieuse sera déclarée
nulle. Cela a été jugé à propos :

d’un bail assorti d’une promesse de vente dont l’exigibilité se trouvait reportée
au moment du décès du bailleur promettant (1);
d’un contrat de société dont une clause revêtait le caractère de pacte sur
succession future (2);
d’un acte de cession qui portait à la fois sur une succession ouverte et sur une
succession non ouverte, un prix unique ayant été stipulé en contrepartie des deux
cessions (3).
A fortiori doit-on admettre que la nullité du pacte s’étend à toutes les clauses et
promesses accessoires destinées à en assurer l’exécution (4).

En revanche, lorsque la convention suspectée de constituer un pacte prohibé est


distincte et divisible du contrat principal, ce contrat doit être maintenu (5),
même si les deux conventions figurent dans le même acte (6).

Notes
(1) Req. 4 déc. 1935, S. 1936, 1, 47.
o
(2) Com. 9 janv. 1963, Bull. civ. III, n  30.

(3) Montpellier, 26 oct. 1931, DP 1934, 2, p. 8, sol. impl.

(4) V. PAR EX., Paris, 27 nov. 1877, DP 1878. 2. 188.


(5) Req. 27 juill. 1899, DP 1900. 1. 191.
re re
(6) Req. 10 août 1840, S. 1840. 1. 758 – Toulouse, 1  ch., 1  sect., 2 mars
1998, inédit.
211.46. Responsabilité professionnelle.
L’annulation d’une clause constitutive d’un pacte sur succession future est de
nature à engager la responsabilité du professionnel intervenu à l’opération
(responsabilité, envers l’acquéreur, de l’intermédiaire et du notaire à la suite de
l’annulation de la clause (1)).

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 15 janv. 1991, n  89-10.409  , NP; JCP N 1992. II. 13.

B - Conflits de loi au regard de la prohibition


211.51. Exception d’ordre public international.
À la différence de la France, un certain nombre de pays admettent la validité de
principe des pactes sur succession future. Ce décalage rend importante la
résolution des conflits de loi en la matière. Or l’opposition est si forte entre les
pays qui admettent et ceux qui rejettent ces pactes, qu’il serait choquant de se
prévaloir en France d’un pacte sur succession future en vertu d’une loi étrangère
(1). Ici, la défense de notre loi est de celles qui s’opposent absolument à
l’application d’une loi étrangère (2). On appliquera donc l’exception d’ordre
public international, qui conduit à rejeter le droit étranger éventuellement
applicable. Et comme il s’agit d’une question de création des droits, c’est la
sanction de la nullité absolue que le juge français devra appliquer en toute
hypothèse.

Sans que cet état du droit paraisse critiquable, on peut relever deux facteurs
possibles d’évolution du régime des pactes sur succession future en droit
international privé. Tout d’abord, on rappellera que la cour de Paris a jugé que
« le risque d’une atteinte à la réserve ne heurte pas la conception française de
l’ordre public international dans des conditions propres à interdire tout effet en
France à une décision étrangère » (3). Or, dans la mesure où la prohibition se
rattache parfois davantage à la protection de la réserve qu’à d’autres
considérations, il faudrait s’interroger sur l’étendue exacte dans laquelle cette
prohibition traditionnelle constitue encore un élément de l’ordre public
international de la France, en des temps de sensible recul du droit à la réserve
dans la législation, notamment après l’adoption du règlement européen (UE)
o
n  650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions (4). Étant ici souligné que ce
règlement européen autorise un certain nombre de pactes successoraux prohibés
s
en droit français, dès lors qu’il existe un élément d’extranéité (5) (v. s
os
n  724.00 s. et 82.11). De la même manière, la réforme de 2006, en ayant fait
reculer la prohibition, peut inviter à faire des distinctions selon les types de
pactes en cause, pour examiner dans quelle mesure l’interdiction qui les frappe
appartient à cet ordre public (6).
Notes
o o
(1) J.-P. NIBOYET, n  509-5 .
o
(2) J.-P. NIBOYET, n  515.

(3) Paris, 3 nov. 1987, JDI 1990. 109, note J. Héron.


o
(4) Règl. UE n  650/2012 du Parlement européen et du Conseil, 4 juill. 2012,
relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des
décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de
o
successions et à la création d’un certificat successoral européen, JOUE, n  L. 201.

(5) V. EN DOCTRINE : M. Grimaldi, « Brèves réflexions sur l’ordre public et la


réserve héréditaire », Defrénois 2012. 755 – M. Goré, « La professio juris »,
Defrénois 2012. 762 – P. Wautelet, « L’Union européenne et le testament
conjonctif : la fin des incertitudes », Dr. et patr. avr. 2015. 40 s. – A. Bonomi,
« Les pactes successoraux à l’épreuve du règlement européen sur les
successions », Dr. et patr. avr. 2015. 47 s. – H. Fulchiron, « Réserve et ordre
public : protection nécessaire ou protection du nécessaire », Dr. et patr.
avr. 2015. 59 s.
(6) Adde, G. Khairallah, « La loi du 23 juin 2006 et les successions
t os
internationales », JCP N 2008. 1244, spéc pour le pacte de famille n  11 s., et
os
pour la donation-partage transgénérationnelle, n  18 s.

211.52. Application en jurisprudence.


La jurisprudence fait assez couramment cette analyse (1) : la nullité du pacte
sur succession future soumis à l’examen du juge français doit être appliquée
quelle que soit la loi compétente pour régler la dévolution héréditaire. Les juges
ont parfois appliqué la loi successorale, mais dans des hypothèses de pactes
exceptionnellement autorisés par la loi française, alors qu’ils étaient interdits par
le droit étranger en cause (2).

Notes
(1) Paris, 26 janv. 1888, JDI 1888. 390 – T. civ. Seine, 5 juill. 1939, Rev. crit.

DIP 1939. 450 – COMP. T. rég. sup. Colmar, 22 nov. 1895, DP 1898. 2. 237.
(2) Civ. 2 avr. 1884, S. 1886. 1. 121 – Req. 7 mai 1924, JDI 1925. 126 – Colmar,
19 févr. 1949, Rev. crit. DIP 1950. 52, note Batiffol – T. civ. Mulhouse, 19 janv.
1950, JCP 1952. II. 6845, note Delaume et Flattet.

Section 2 - Cas d’application de la prohibition des pactes sur succession


future
211.60. Tableau de la jurisprudence.
Pour faire la synthèse de la jurisprudence, on ne suivra pas la distinction
précédemment évoquée des deux catégories de pactes sur succession future (les
pactes sur sa propre succession, et les pactes de disposition anticipée),
car en pratique le pacte prohibé contient souvent ces deux aspects, fût-ce
implicitement pour l’un des deux. On préférera donc adopter une typologie mieux
adaptée à la réalité, qui comportera des catégories plus nombreuses.

Sur la base de la jurisprudence, on peut ainsi répertorier comme interdits :

les options successorales anticipées (§ 1), et spécialement les renonciations


relatives à des successions non ouvertes;
les conventions portant atteinte à la liberté testamentaire (§ 2);
les pactes de famille contenant une stipulation sur succession non ouverte (§ 3);
les ventes ou promesses de vente dont l’effectivité est liée au décès (§ 4);
les clauses de réversibilité d’usufruit (§ 5);
les clauses organisant la dévolution successorale future du droit issu du contrat
(§ 6);
les contrats ayant pour effet d’alourdir les obligations de la succession future par
rapport au patrimoine actuel (§ 7).

§ 1 - Options successorales anticipées


211.61. Prohibition des options successorales antérieures à l’ouverture
de la succession.
Dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2006, l’article 791 disposait qu’« on
ne peut, même par contrat de mariage, renoncer à la succession d’une personne
vivante ». L’article 770 du Code civil élargit le propos, en prévoyant que « l’option
ne peut être exercée avant l’ouverture de la succession, même par contrat de
mariage ». C’est donc toute option anticipée qui est interdite : renonciation,
acceptation pure et simple ou acceptation de la succession à concurrence de
l’actif net.
En pratique, on n’est cependant guère tenté d’accepter une succession avant de
savoir de quoi est-elle composée. Les renonciations anticipées, en revanche,
restent très tentantes, puisque c’est un moyen de mobiliser financièrement ses
droits futurs, et ce peut être un moyen pour le de cujus d’organiser sa
succession.

211.62. Nullité de principe des renonciations anticipées.


La Cour de cassation a, en termes généraux, déclaré nulles « les conventions
portant abandon ou transmission de droits susceptibles d’être recueillis par les
parties dans des successions non encore ouvertes » (1). En tant que principe
l’affirmation reste vraie, mais elle a perdu de sa généralité avec l’élargissement
s
des cas de renonciation à l’action en réduction (C. civ., art. 929 à 930-5 – v. s
os
n  264.151 à 264.205 – v. aussi, C. civ., art. 301).

La renonciation anticipée est prohibée, qu’elle soit relative à l’ensemble de la


succession, ou à certains droits successoraux seulement.

Notes
(1) Civ. 10 mars 1941, DC 1943. 32, note Maguet.

211.63. Renonciation conventionnelle à la totalité d’une succession non


ouverte.
Il peut s’agir d’une renonciation contractuelle à la totalité d’une succession non
ouverte. La renonciation anticipée intervient généralement dans un contexte
familial qui, avec l’acte auquel elle tient lieu de contrepartie, en fait un pacte de
famille rudimentaire. On sait que la réforme de 2006 autorise dans certaines
s os
limites le pacte de famille (sur le pacte de famille, v. s n  211.81 s.). Mais en
dehors de cette autorisation limitée et bien circonscrite, encourent la nullité :

la renonciation à une succession non ouverte qui serait la condition d’un legs
(1) ou d'une donation (2), à moins que la clause litigieuse n’ouvre au gratifié
une option entre la libéralité et la succession future (pour une donation (3) –
pour un testament (4));
la renonciation à une succession non ouverte qui serait la condition d’un
partage réalisé d’une certaine manière sur une autre succession familiale
déjà ouverte (5);
l’accord intervenu du vivant du donataire, par lequel le donateur renoncerait à
son droit de retour légal ou consentirait à en restreindre l’exercice (6).
Notes
re o
(1) Civ. 1 , 30 avr. 1968, Bull. civ. I, n  127; D. 1969. 110, note Ph. Simler.
s
(2) Montpellier, 10 août 1887, s  Req. 8 avr. 1889, S. 1889. 1. 212.
(3) Grenoble, 7 janv. 1873, DP 1873. 2. 108.
(4) Civ. 25 nov. 1857, DP 1857. 1. 425.
(5) Req. 19 févr. 1929, DP 1929. 1. 100.
(6) Ch. réunies, 2 juill. 1903, Ménard c/Roux, DP 1903. 1. 353, rapp. Roulier,
e o
concl. Baudouin, GAJC, 12  éd., Dalloz, 2007, n  133.

211.64. Renonciation anticipée à tout droit particulier dérivant du titre


d’héritier.
La renonciation peut seulement être afférente à certaines prérogatives liées à la
qualité future d’héritier (et non porter sur l’ensemble de la succession non
ouverte, comme dans le cas précédent). La nullité n’en est pas moins encourue si
l’on ne peut se prévaloir des cas limités où une telle renonciation est légalement
possible.

La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion de proscrire :

l’engagement des enfants de ne jamais attaquer les libéralités faites par leur
père en faveur d’étrangers (1);
la renonciation anticipée au droit d’obtenir la réduction de certaines libéralités
(2) – ce qui reste vrai en dehors du pacte de famille permis par les articles 929 et
suivants du Code civil;
la renonciation anticipée au droit de demander le rapport (3), même si cette
renonciation au rapport est mutuelle entre deux héritiers présomptifs uniques
(4);
l’engagement pris par les héritiers présomptifs de tenir pour nul tout testament
de l’auteur commun qui romprait l’égalité entre eux (5).
Récemment, la Cour de cassation a jugé que les père et mère ne peuvent
valablement renoncer au droit de retour légal de l’article 738-2 du Code civil
avant l’ouverture de la succession. En effet, et à la différence du droit de
retour conventionnel que permet l’article 951 du Code civil et qui place la
donation sous condition résolutoire, le droit de retour légal est de nature
successorale. C’est pourquoi les parents ne peuvent y renoncer avant le décès du
descendant donataire (6).

Notes
(1) Req. 27 juin 1838, S. 1938. 1. 721.
re
(2) Req. 14 mai 1855, DP 1855. 1. 237 – Civ. 1 , 23 nov. 1954, Bull. civ. I,
o
n  332, sol. impl.
re o
(3) Civ. 1 , 15 déc. 1954, Bull. civ. I, n  372.
(4) Civ. 10 mars 1941, DC 1943. 32, note Maguet.
(5) Req. 13 mars 1884, DP 1884. 1. 468.
re o o
(6) Civ. 1 , 21 oct. 2015, n  14-21.337  , Bull. civ. I, n  250; RTD civ. 2015.
918, obs. M. Grimaldi  ; AJ fam. 2015. 687, obs. J. Casey  .

211.65. Disposition anticipée de droits compris dans une succession


future.
La jurisprudence prononce également la nullité de la disposition anticipée, par un
héritier présomptif, de droits destinés à être compris dans une succession future
(1).

Un tel arrangement s’intègre assez souvent dans des montages où sont en cause
les créanciers de l’héritier présomptif :

soit qu’ils bénéficient directement de cet abandon (2) (reconnaissance de dette


dont le montant en cas de décès du débiteur est stipulé égal au cinquième des
biens de la succession (3));
soit qu’un de cujus en situation de caution, obtienne atermoiement du créancier
de son fils en lui consentant sur la succession future un droit prioritaire devant
être déduit de la part du débiteur (4).
Notes
re o re o
(1) Civ. 1 , 22 nov. 1949, Bull. civ. I, n  332 – Civ. 1 , 26 oct. 2011, n  10-
o
11.894  , Bull. civ. I, n  186; D. 2011. 2976, note I. Najjar  ; AJ fam. 2011.
619, obs. C. Vernières  ; RDC 2011. 902, obs. C. Goldie-Genicon; Dr. fam. 2011,
o
n  180, obs. B. Beignier; JCP N 2012. 1065, note M. Nicod; LPA 26 janv. 2012,
p. 5, note J.-G. Mahinga.
(2) Req. 2 févr. 1874, DP 1874. 1. 238.
o
(3) Paris, 11 févr. 1994, Juris-Data n  020194.

(4) Civ. 9 mai 1894, DP 1894. 1. 546.

211.66. Validité des opérations ne mettant pas en cause des droits


compris dans la succession future.
Si le règlement successoral n’est aucunement en cause, et si le décès ne sert que
de terme pour l’exécution de l’engagement de la caution, sans qu’il soit question
d’imputation sur les droits de l’héritier présomptif cautionné, il n’y a pas pacte sur
succession future (1). La validité de l’acte serait toutefois discutable si le
débiteur principal ne comptait pas parmi les héritiers, puisqu’il serait alors certain
que la succession assume une charge plus lourde que le patrimoine de la
s os
personne vivante (v. s n  211.131 s.), sans pouvoir se retourner utilement
contre une personne insolvable, comme le permet à l’inverse le rapport des
dettes.

De même – et encore qu’on puisse en discuter à un autre titre – il a été admis


qu’une convention dans laquelle la renonciation au droit au salaire différé tient
lieu de contrepartie ne constitue pas un pacte prohibé, parce que ce droit
correspond à une créance contre la succession (renonciation au salaire différé
moyennant une cession du bail rural (2)).

Notes
(1) Orléans, 15 juin 1861, DP 1861. 2. 151.
o
(2) Caen, 14 sept. 1989, Juris-Data n  045688.

211.67. Validité de la reconnaissance du caractère non libéral d’un acte.


En matière de renonciation afférente à certaines prérogatives liées à la qualité
future d’héritier, il faut distinguer entre ce qui correspond véritablement à une
renonciation, et ce qui n’est que le constat, par un héritier présomptif, de
l’absence de caractère libéral d’un acte auquel il est appelé.

Ainsi, n’a pas été analysé comme pacte sur succession future le fait pour une fille
d’intervenir dans l’acte de société passé entre son père et son frère pour
constater que cet acte ne renferme rien qui puisse donner lieu à rapport (1).

De même, a été jugée valable la renonciation, faite par un héritier présomptif du


vivant de ses parents, à critiquer certains actes de cession consentis par ceux-ci à
un autre enfant et qui n’étaient pas des libéralités, ledit acte ayant seulement
pour objet d’écarter par avance tout soupçon de libéralité (2).

Encore faut-il bien situer les limites de cette jurisprudence : l’intervention


contractuelle du co-successible du contractant ne peut être valable que s’il s’agit
d’une intervention purement déclarative destinée à faciliter la preuve du caractère
réellement non libéral de l’acte passé. Il en irait différemment si l’acte en cause
méritait la qualification de libéralité, car alors l’intervention devrait être analysée
comme un véritable engagement, ante mortem, de se soumettre à certaines
règles de liquidation, ce qui serait nécessairement constitutif d’un pacte prohibé
s o
(rappr. s n  212.82, au sujet de l’article 918 du Code civil).

Notes
(1) Douai, 13 janv. 1932, DH 1932. Somm. 40.
re o
(2) Civ. 1 , 21 mars 1962, Bull. civ. I, n  173.

§ 2 - Conventions portant atteinte à la liberté testamentaire


211.71. Nullité des montages correspondant à des libéralités
contractuelles à cause de mort.
Les juges annulent les contrats qui, sous des formes variées, correspondent au
s
fond à la mise en place conventionnelle de libéralités à cause de mort (adde s
os
n  212.61 s., la question des institutions contractuelles). On y constate
généralement une tentative de « verrouillage » contractuel d’un testament, par le
moyen d’un engagement corrélatif du légataire.

Correspondent ainsi à des pactes prohibés :

la vente d’un immeuble avec réserve du droit d’habitation et exigibilité du prix
au décès, ce prix devant servir à payer les frais et droits du legs d’un autre
immeuble consenti par le vendeur au fils de l’acquéreur (1);
l’ensemble conventionnel constitué par un testament et l’acte par lequel le
légataire abandonne au testateur pendant sa vie la jouissance de certains biens
(2);
la condition d’un legs que tous les biens mobiliers laissés par le légataire se
partageront par moitié entre les héritiers de ce légataire et ceux du testateur
(3);
l’écrit par lequel deux personnes s’instituent réciproquement légataires
universels dans le même acte (4).
Plus largement, sont dénoncés par la jurisprudence comme pactes portant
atteinte à la liberté de tester des actes irrévocables dont le caractère de libéralité
est incertain, mais qui portent sur une succession future. Ainsi en est-il de la
convention par laquelle la dette du débiteur équivaudrait, au cas de son décès, à
une fraction déterminée de sa succession (5).

Les juges ont en revanche validé un testament qui portait, de la part des
légataires, la mention « lu et approuvé », suivie de leur signature. Il a été estimé
qu’il ne s’agissait que d’une reconnaissance d’information donnée, qui n’avait pas
eu pour effet de contractualiser le testament, lequel restait parfaitement
révocable (6).

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 3 déc. 1958, Bull. civ. I, n  535.

(2) Req. 25 janv. 1853, DP 1853. 1. 43.


(3) Civ. 11 déc. 1867, DP 1867. 1. 471.
(4) T. rég. sup. Colmar, 22 nov. 1895, DP 1898. 2. 237 : il s’agit là d’une
illustration de la prohibition des testaments conjonctifs fulminée par l’article 968
du Code civil.
re o o
(5) Civ. 1 , 6 févr. 1996, n  94-13.072  , Bull. civ. I, n  67; RTD civ. 1996. 679,
obs. J. Patarin  ; D. 1997. 368, note M. Grimaldi  ; D. 1997. 369, note
I. Najjar  .
re o re
(6) Civ. 1 , 14 déc. 2004, n  02-14.571  , NP – RAPPR. Civ. 1 , 28 mai 2008,
o s o
n  07-14.066  , préc. s n  211.15.

§ 3 - Pactes de famille contenant une stipulation sur succession


non ouverte
211.81. L’idée de pacte de famille.
Il existait depuis un bon quart de siècle un débat pour savoir si l’on ne devait pas
assouplir la prohibition des pactes sur succession future au sujet des « pactes de
famille », qui permettraient spécialement de faciliter la transmission des
entreprises. Autant qu’on puisse le caractériser en termes généraux, le pacte de
famille peut être décrit comme la détermination irrévocable, du vivant du
de cujus, de certaines modalités d’attribution des éléments de sa succession en
dehors des conditions de validité de la donation-partage. Il s’agit généralement
d’un arrangement convenu entre les héritiers présomptifs – généralement sous la
magistrature des parents qui peuvent intégrer à l’ensemble des dispositions
libérales –, et dont l’objet est la renonciation anticipée de certains de leurs droits
par des héritiers, à laquelle pourraient se joindre les stipulations les plus variées
(accord sur le montant des soultes, engagement de ne pas attaquer les libéralités
excédant la quotité disponible, engagement des enfants de laisser le survivant de
leurs parents jouir des biens communs sans lui en demander compte, etc.).

Classiquement, et sauf bien entendu à considérer de manière concrète la


convention et les objectifs poursuivis par les parties, la jurisprudence annule ces
accords familiaux comme constitutifs d’un pacte sur succession future (1). La
réforme de 2006 a cependant recomposé les données du problème. Tout d’abord,
l’admission des libéralités-partage transgénérationnelles (C. civ.,
art. 1078-4 s.), et aussi celle des libéralités graduelles (C. civ., art. 1048 s.),
voire résiduelles (C. civ., art. 1057 s.), permettent de mettre en place des
pactes de famille à partir de figures classiques dont on a élargi les champs de
validité.
Il existe surtout, avec le nouvel article 929 du Code civil, un moyen de valider des
pactes de famille inspirés du droit commun des contrats, puisque les auteurs de
la réforme ont fait sauter un verrou sensible en autorisant sous certaines
conditions la renonciation anticipée à l’action en réduction (2). Aux termes
du nouvel article 929 en effet, un héritier réservataire présomptif peut, avant
l’ouverture de la succession, renoncer à exercer l’action en réduction, cette
renonciation pouvant porter sur la totalité de la réserve ou sur une fraction de
celle-ci, ou encore ne viser que la réduction d’une libéralité relative à un bien
déterminé. La renonciation doit être faite au profit d’une ou plusieurs personnes
déterminées. Outre ces conditions de fond, il existe des conditions de forme assez
s os
étroites (C. civ., art. 930 – pour plus de détails, v. s n  264.161 à 264.205).

Tout pacte qui n’entrerait pas dans les conditions qui précèdent serait nul. Il en
irait de même si l’on transgressait les règles légales à ce sujet. Ainsi, l’article 929
alinéa 3 du Code civil précise que l’acte de renonciation ne peut créer d’obligation
à la charge du de cujus, ou être conditionné à un acte émanant de ce dernier.

Notes
(1) V. Paris, 17 mai 1990, RTD civ. 1991. 375, obs. J. Patarin  .

(2) V. AUSSI, N. Baillon-Wirtz, « Que reste-t-il de la prohibition des pactes sur


succession future ? À propos de la loi du 23 juin 2006 », Dr. fam. 2006.
Étude 44; P. Bonduelle, « Le pacte de famille, enfin ! », Dr. et patr. févr.
2007. 46; J.-M. Mathieu, « Les enjeux de la renonciation anticipée à l’action en
réduction : vers une contractualisation de la transmission successorale », JCP N
2010. 1060.

211.82. Nullités de pactes de famille en jurisprudence.


On rappellera ici un certain nombre de prohibitions formulées par la
jurisprudence, en soulignant qu’elles doivent être considérées comme de droit
positif dans la mesure où l’on ne bénéficierait pas de la nouvelle franchise
instituée par les articles 929 et suivants. Ainsi, ont été frappés de nullité :

le contrat conclu entre un frère et une sœur, auquel le père est intervenu, et qui
a compris, outre des biens de la mère prédécédée, la nue-propriété de biens
communs dépendant pour partie de la future succession du père (1); les
assouplissements apportés par la réforme de 2006 en matière de partage
(v. C. civ., art. 839) n’ont pas vocation à valider ce type d’arrangement, qui ne
pourrait l’être, éventuellement, qu’en entrant dans le cadre légal de la donation-
partage;
la cession par un frère au profit d’un autre frère de ses droits dans un bien
immobilier appartenant à leurs parents, du vivant de ceux-ci (la Cour refusant la
qualification de vente de la chose d’autrui) (2); là encore, les nouveaux textes
n’ont pas pour effet de valider ce type d’arrangement, effectué en dehors des
conditions de l’article 929;
la vente d’un immeuble à un gendre du propriétaire, avec clause d’inaliénabilité
jusqu’au décès du vendeur, ordre de paiement des 3/4 du prix entre les mains
des héritiers suivant leur droit héréditaire, et intervention d’un autre gendre se
portant fort que son fils mineur n’attaquerait pas l’acte après le décès – cet acte
ayant d’ailleurs été conclu le lendemain d’un partage de meubles, et la veille d’un
contrat par lequel le bien vendu était donné à bail au vendeur (3); on dépasse
encore les conditions du nouvel article 929;
l’acte rédigé par le de cujus présomptif, selon lequel certains de ses biens
successoraux seraient attribués à l’un de ses deux fils, à charge pour celui-ci de
payer ses dettes et de l’entretenir jusqu’à la fin de sa vie, son autre fils devant
recevoir une somme déterminée (4) – acte problématique comme n’ayant été
effectué ni dans la forme légale des donations (sans qu’il pût s’agir d’une
donation indirecte ou déguisée), ni dans celle des testaments, alors qu’il était
inspiré par l’idée de libéralité avec charge;
la convention signée entre le père et les deux fils, par laquelle l’un des fils, qui a
reçu de son père un bloc d’actions, se reconnaît débiteur d’un certain capital, et
promet qu’il lui versera de son vivant un intérêt, le remboursement du capital
n’intervenant qu’après la mort du père et en faveur de son frère pour la moitié
seulement, étant par ailleurs prévu qu’en cas de prédécès du bénéficiaire des
actions, celles-ci reviendraient au père : à la demande du père, les juges ont
annulé la convention, qui réglait par avance la dévolution à cause de mort des
actions, tant dans la succession du père que dans celle du fils (5); il serait
aujourd’hui possible de mettre en place un tel pacte, mais en l’adaptant pour
respecter les conditions des articles 929 et 930, et en prévoyant un droit de
retour conforme à celui désormais prévu par la loi (v. C. civ., art. 738-2);
l’engagement pris par un donataire à l’égard de ses cohéritiers présomptifs, et
pour éviter toute contestation, de partager à parts égales les valeurs reçues,
lorsque la succession du donateur s’ouvrira (6). D’une manière plus générale, il y
a lieu de tenir pour nulle toute stipulation de rapport tardive, c’est-à-dire la
convention par laquelle le bénéficiaire d’une donation préciputaire s’engage à en
rapporter la valeur à la succession future. Il s’agit bien d’un pacte relatif au
règlement d’une succession non ouverte, dès lors que le gratifié accepte
d’imputer sur sa future part successorale une valeur qui était jusqu’alors censée
rester extérieure à celle-ci.
Cela étant, la dispense de rapport tardive est valable (v. C. civ., art. 919, al. 2).
C’est en effet une opération d’une tout autre nature, puisqu’il s’agit d’un surcroît
de libéralité (voilà pourquoi l’article précité soumet cette stipulation aux règles de
forme des libéralités). On raisonne ici sur le cas de dispense de rapport émanée
du disposant. En revanche, l’engagement convenu entre héritiers présomptifs de
s o
ne pas demander le rapport, est un pacte prohibé (v. s n  211.64).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 12 déc. 1984, n  83-14.826  , Bull. civ. I, n  336.

(2) Civ. 11 nov. 1845, DP 1846. 1. 25.


re o
(3) Civ. 1 , 4 juill. 1961, Bull. civ. I, n  18.
re o o
(4) Civ. 1 , 17 mars 1987, n  85-16.484  , Bull. civ. I, n  97; RTD civ.
1987. 784, note J. Patarin.
re o o
(5) Civ. 1 , 11 mars 1981, n  79-16.831  , Bull. civ. I, n  87; RTD civ. 1982.
448, note J. Patarin.
(6) Angers, 7 mars 1866, DP 1866. 2. 93.

211.83. Validité du pacte de famille opéré au moyen de donations


régulières.
Pour encourir la nullité, le pacte de famille doit intervenir du vivant de celui de la
succession duquel il s’agit, et porter sur des droits successoraux. Si en revanche
un partage a lieu sous l’autorité du de cujus, mais que ce partage se présente
seulement comme une opération d’anticipation successorale régulière parce
qu’il ne porte que sur des biens ayant fait l’objet ou devant faire l’objet de
donations entre vifs, aucune expectative n’est en cause, et il n’y a pas de pacte
sur succession future (1).

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 8 juill. 1957, Bull. civ. I, n  313.

211.84. Interrogations soulevées par la pratique dite de la communauté


universelle de Bordeaux.
Cette clause particulière, très pratiquée avant le Code civil dans le ressort du
Parlement de Bordeaux, a été remise au goût du jour par certains notaires,
manifestement pour des raisons fiscales. Elle consiste à attribuer au conjoint
survivant l’usufruit de tous les biens de la communauté (souvent
universelle). De nos jours, on la stipule ordinairement à l’occasion d’un
changement de régime matrimonial.

Une telle clause peut avoir deux sens différents, et il est bon d’utiliser des
formules précises.

1° Dans une première signification, il s’agit de dire que l'usufruit institué par la
clause ne portera que sur la moitié revenant au prédécédé. Ainsi, dans le
cas où le survivant reste par ailleurs nu-propriétaire de la moitié de la
communauté, il aura la pleine propriété de cette moitié – ce qui constitue un effet
habituel –, à laquelle viendra s’ajouter l’usufruit de l’autre moitié (celle qui, en
l’absence de stipulation particulière, aurait été comprise pour la pleine propriété
dans la succession du prémourant). C’est cette signification qu’on retiendra en
l’absence de précision, parce que les stipulations de parts inégales étant
dérogatoire au droit commun, elles sont d’interprétation stricte. Une telle clause,
avec ce sens, ne fait aucune difficulté au regard de la prohibition des pactes sur
succession future.

2° Le cas est beaucoup plus douteux lorsque, comme il est parfois expressément
stipulé, .le survivant se voit attribuer l’usufruit de la totalité de la
communauté et les héritiers du prémourant la nue-propriété intégrale de
cette même communauté. Cela revient à attribuer dès à présent aux héritiers,
non seulement la nue-propriété de la part du de cujus, ce qui serait parfaitement
légal, mais aussi la nue-propriété de la part du survivant. Cela fait alors penser à
un pacte sur succession non ouverte, en ce sens que, par la voie contractuelle,
deux personnes ont perturbé les règles normales de dévolution successorale (les
héritiers ont normalement droit à la part du de cujus dans la communauté), sans
que la convention en cause entre dans le champ normal d’une convention entre
époux, puisque le contrat de mariage aura changé la consistance des droits de
tiers, en l’occurrence les héritiers du prémourant, contrairement aux prescriptions
de l’article 1389 du Code civil. Certes, les droits de ceux-ci peuvent être affectés
lorsque le survivant recueille une part de communauté supérieure à son droit
légal d’un demi. Mais en l’occurrence, il s’agit moins d’accroître ces droits (ce qui
ne diminuerait les droits des héritiers du prémourant que par voie de
conséquence), que d’opérer une substitution entre les droits normaux des
héritiers et les droits normaux du survivant.

Le mécanisme examiné correspond à l’économie du type de pacte condamné par


l’arrêt précité du 12 décembre 1984, à cette différence près (qui ne paraît pas
suffisante pour le valider), qu’il utilise le support du contrat de mariage, en le
détournant de ses fins. Il faut donc appeler à l’extrême prudence pour la pratique
de cette clause.

La cour d’appel de Bordeaux avait eu l’occasion de dénoncer précisément une


telle pratique (en annulant comme pacte sur succession future la stipulation du
contrat de mariage selon laquelle les acquêts appartiendront en propriété aux
enfants à naître du mariage, avec réserve d’usufruit au profit de l’époux survivant
(1)). Il est vrai cependant que la doctrine s’est parfois montrée plus favorable à
ce type de clause (2).

Notes
(1) Bordeaux, 23 août 1865, S. 1866. 2. 81, note Labbé.

(2) V. PAR EX., M. PLANIOL et G. RIPERT, t. VIII, no 32, et t. IX, no 1013, note 3.
§ 4 - Promesses de vente ou ventes dont l’effectivité est liée au décès
211.91. L’hypothèse.
Il s’agit de l’une des applications les plus célèbres de la prohibition des pactes sur
succession future, parce qu’elle donne lieu à d’abondants débats doctrinaux, et
que la jurisprudence paraît incertaine. L’hypothèse typique est celle d’une
promesse unilatérale de vente pour laquelle le décès du promettant sert
de terme suspensif (la promesse est assez souvent adjointe à un bail, dans
lequel le bailleur est le promettant, et le locataire le bénéficiaire). On tend à y
assimiler le cas des ventes à exécuter au décès du vendeur.

211.92. Tendance classique à prononcer la nullité lorsque l’option ne


peut être levée qu’après le décès du promettant.
Une tendance marquée de la jurisprudence, du moins dans ses développements
classiques, est d’analyser la promesse comme un pacte sur succession future, si
l’option ne peut être levée par le bénéficiaire qu’après le décès du promettant.

Ainsi, dans un contexte il est vrai accablant (1), mais sur un plan strictement
objectif, un arrêt relève qu’à partir du moment où l’option ne pouvait être levée
qu’à compter du décès du dernier des promettants, l’acte litigieux « créait en
réalité à la charge de leur succession une obligation dont ils n’étaient pas tenus
eux-mêmes » – ce qui est rigoureusement exact, s’agissant de l’obligation de
donner, qui ne pouvait naître qu’à la charge de la succession. Au demeurant,
l’arrêt s’inscrit dans une série jurisprudentielle caractérisée (2).

Au fond, dans une telle convention, le bien qui fait l’objet du contrat n’est
envisagé qu’à partir du moment où il sera un bien de la succession, ce qui fait du
contrat un pacte sur succession future caractérisé. Être débiteur d’une
obligation à terme ou être débiteur d’une obligation exigible n’est
certainement pas la même chose, lorsqu’il est sûr que c’est une autre personne
qui verra l’échéance du terme, et que tout est fait pour cela.

Il semblait dès lors logique que la Cour de cassation parachevât le système et,
mettant fin à toute équivoque en présence de débats doctrinaux, prononçât de la
façon la plus catégorique l’application de la qualification de pacte sur succession
future à toute promesse dont le décès constituait le terme. C’est ce qu’elle parut
faire dans l’arrêt Andréani, où les juges ont annulé un contrat suivant lequel une
propriété serait vendue dès le jour du décès du vendeur, le prix devant être payé
ultérieurement à des tiers désignés par celui-ci (3).

Notes
re
(1) Civ. 1 , 13 oct. 1964, D. 1964. 718; JCP 1965. II. 14115, note conf. Voirin.
re o re
(2) V. PAR EX., Civ. 1 , 20 oct. 1958, Bull. civ. I, n  437 – Civ. 1 , 11 juill. 1967,
o
Bull. civ. I, n  257; D. 1968. 64.
re o o
(3) Civ. 1 , 13 juin 1979, n  78-12.037  , Bull. civ. I, n  180; D. 1980. 553, note
I. Najjar; RTD civ. 1981. 658, note J. Patarin; Defrénois 1980. 32267, note
G. Champenois.

211.93. Critique doctrinale de cette position jurisprudentielle.


Cette position jurisprudentielle classique a été souvent critiquée depuis que la
doctrine prétend pouvoir distinguer le pacte sur succession future de la promesse
s os
post mortem, cette dernière étant valable (v. s n  211.13, 211.125, 211.131 et
211.132). Il y aurait promesse post mortem dès lors que le promettant s’engage
lui-même de son vivant – ce qu’il fait en concluant la promesse, puisque par là il
s’interdit d’aliéner. Et même s’il faut admettre que son décès marque le point de
départ du délai d’option, il n’y aurait pas pacte sur succession future, car aucun
changement n’est apporté par le décès à la nature du droit : c’est seulement son
exigibilité qui est alors déclenchée. Une majorité d’auteurs suit cette analyse (1).

Notes
o
(1) V. PAR EX., M. GRIMALDI, Successions, n  350 – J. Patarin, obs. RTD civ.
1981. 658 – J. Ghestin, D. 1970. Chron. 89 – O. Barret, note JCP 1987.
II. 20851.

211.94. Évolution de la jurisprudence dans le sens de la doctrine


dominante.
La Cour de cassation s’est peut-être montrée sensible à ces considérations
puisque, à l’inverse de ses décisions antérieures, son attitude la plus récente
consiste apparemment à valider les promesses de vente qui fixent au décès du
promettant leur date d’exigibilité (1) (rappr. au sujet d’une vente exigible après
le décès (2) – v. déjà, dans le sens d’un courant libéral (3)). Plus largement, on
assiste à une extension de la notion de promesse post mortem, notamment au
s os
sujet du contrat de prêt (v. s n  211.125, 211.131 et 211.132).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 5 mai 1986, n  84-14.235  , Bull. civ. I, n  114; JCP 1987.
re o
II. 20851, note conf. O. Barret – Civ. 1 , 8 juill. 1986, n  85-12.878  , Bull.
o re o
civ. I, n  202 – Civ. 1 , 4 déc. 1990, n  89-11.547  , NP.
re o o
(2) Civ. 1 , 30 mai 1985, n  84-11.795  , Bull. civ. I, n  173; D. 1986. 65, note
I. Najjar; RTD civ. 1986. 392, note J. Patarin.
re re
(3) Civ. 1 , 20 mai 1967, NP; JCP 1967. II. 15297, 1  esp., note R. Savatier.

211.95. Doutes pouvant subsister sur la question.


Il faut cependant rester circonspect sur une question aussi délicate, et le
rédacteur d’actes fera preuve d’une grande prudence en présence de ce type de
stipulation. Car dès lors que c’est le décès qui sert de terme, il est théorique de
dire que la promesse fait naître une obligation à terme nécessairement valable au
motif qu’elle ne subirait pas de changement du fait de l’ouverture de la
succession. La distinction entre les pactes post mortem dont les effets sont
reportés à la mort, et les vrais pactes sur succession future, ne repose pas sur
des bases rationnelles solides, et elle a surtout été mise à profit par la
jurisprudence pour corriger ce qui lui semblait trop rigoureux dans l’application
logique de la prohibition. Mais ce correctif n’est qu’un expédient.

Il est bien vrai que dans certains cas un engagement peut valablement avoir un
décès pour terme suspensif (validité de l’engagement d’un codébiteur solidaire de
payer lors de l’ouverture d’une succession à laquelle il doit être appelé, la créance
devant de toute façon subsister (1)), mais cela ne doit pas être le cas lorsque le
de cujus présomptif est lui-même dans la position du débiteur.

Notes
(1) V. Req. 15 févr. 1897, S. 1898. 1. 86.

211.96. Discussion sur la portée du renversement de tendance.


Certains commentateurs, tout en approuvant la solution des arrêts de 1985
et 1986, constatent qu’ils ne sont pas rédigés comme des arrêts de principe, et
doutent qu’ils constituent un véritable revirement de jurisprudence (1). La
frontière ne sera jamais nette entre le pacte sur succession future prohibé et la
promesse post mortem valable, parce que les juges, ici comme ailleurs, prennent
en considération le contexte particulier dans lequel l’acte litigieux s’insère,
et se demandent, très concrètement, si les parties ont eu ou non en vue une
dérogation conventionnelle aux règles successorales.

Il convient en tout cas de prendre acte de ces arrêts, et d’estimer que, à


l’encontre de ce que laissait penser l’arrêt Andréani de 1979, les promesses post
mortem peuvent être valables. Pour le reste, cela dépendra des impressions que
les juges tireront du contexte : il y aura toujours annulation s’ils ont le sentiment
que l’objet de l’acte litigieux consiste dans une certaine altération des règles de
dévolution successorale par la voie contractuelle (2). Il est vrai aussi que la
tendance à la validation des promesses post mortem pourrait s’accentuer, si l’on
se souvient que la prohibition des pactes sur succession future est une
protection avancée de la réserve, et si l’on considère qu’avec la réforme
de 2006 le droit à la réserve en nature a quasiment disparu. Si donc je
promets de vendre un bien, et que cette promesse devra s’exécuter à mon décès,
mes héritiers seront certes privés de la propriété du bien, mais ils recueilleront en
lieu et place le prix de la vente. Cela peut désormais suffire, pour des successeurs
qui n’ont plus impérativement droit à la succession en nature (v. C. civ.,
art. 924).

Notes
(1) O. Barret, note JCP 1987. II. 20851.
(2) J. Patarin, RTD civ. 1986. 394.

211.101. Validité des promesses dans lesquelles le droit d’option existe


du vivant du promettant.
En revanche, il ne fait aucun doute que si la promesse est conçue de telle
manière que la levée d’option peut intervenir aussi bien du vivant du promettant
qu’après son décès, la convention est valable (1).

Cette analyse est admise même par les auteurs qui avaient une vision moins
laxiste que la doctrine actuelle de la promesse post mortem. Pour ces auteurs, il
y a promesse post mortem valable uniquement si le promettant s’oblige en même
temps qu’il oblige ses héritiers, « par voie de conséquence ». C’est bien le cas
dans les hypothèses qui viennent d’être évoquées. Si en revanche on peut
identifier la moindre différence, due au fait du décès, entre l’engagement du
promettant et celui de ses héritiers, il y a pacte prohibé (2). Bref, le contrat
litigieux est valable lorsque l’engagement de la succession ne fait que prolonger
l’engagement personnel du de cujus : alors, « l’opération patrimoniale au premier
chef, n’est que subsidiairement successorale » (3).

Notes
er re
(1) Req. 1  juin 1932, DP 1932. 1. 169, note R. Savatier – Civ. 1 , 15 mai 2008,
o re
n  06-20.806  , NP – RAPPR. Civ. 1 , 20 mai 1967, JCP 1967. II. 15297,
re
1  esp., note R. Savatier.

(2) Notes Gény, S. 1930. 2. 97 et S. 1930. 2. 57.


(3) Note Vialleton, S. 1929. 1. 138.

211.102. Validité des actes stipulant un transfert de propriété immédiat.


De même, il faudra tenir pour valable la vente exécutée dès à présent, en ce sens
que le transfert de propriété est immédiat. C’est le cas :

lorsque seul le paiement du prix est repoussé au décès (1);


ou même lorsqu’une femme vend dès maintenant un immeuble à son gendre et
à sa fille, à charge pour eux de lui verser une rente viagère, et de payer à ses
autres enfants, à l’ouverture de sa succession, une certaine somme d’argent pour
leur tenir lieu de réserve (2).
Notes
(1) Paris, 24 sept. 1991, D. 1992. 246, note G. Paire  .
(2) Req. 20 avr. 1842, S. 1842. 1. 434.

211.103. Nullité du contrat par lequel le promettant n’est pas tenu de


conserver le bien de son vivant.
Il n’y a pas de doute non plus, mais cette fois dans le sens de la nullité, si
l’engagement de vendre mis à la charge des héritiers est conçu de telle manière
que, du vivant du promettant, celui-ci ne soit même pas tenu de conserver la
propriété du bien jusqu’à son décès : en l’absence d’engagement caractérisé du
vivant même du propriétaire, la naissance du droit étant intégralement reportée à
l’encontre de la succession, il y a certainement pacte sur succession future (1).

Notes
o re
(1) Soc. 23 févr. 1961, Bull. civ. IV, n  246 – Civ. 1 , 7 oct. 1965, Bull. civ. I,
o
n  524; D. 1966. Somm. 50.

211.104. Nullité de la vente portant sur un ensemble en nue-propriété


avec la clause « tel que le tout existera au décès du vendeur ».
De même doit être annulé l’engagement de vendre portant sur un immeuble en
nue-propriété et aux meubles de toute nature le garnissant, assorti de la clause
tel que le tout existera au décès du vendeur sans aucune exception ni
réserve : il y a là un pacte sur succession future, puisque la stipulation tend à
attribuer à l’un des contractants un droit privatif sur partie d’une succession non
ouverte, dès lors que l’objet du contrat porte sur un ensemble de biens qui se
trouverait dans la succession au jour du décès du vendeur, et dont la consistance
peut varier entre le jour du contrat et le jour du décès (1).

La recherche d’intention doit cependant être faite, car on ne peut condamner


toute vente d’un mobilier dont on se réserverait la jouissance de son vivant (2) –
fût-ce en admettant certains changements, dès lors qu’il est par exemple stipulé
que le vendeur reste tenu de livrer un mobilier en rapport avec la consistance de
la maison (3). La prudence recommande cependant une description
suffisamment précise du mobilier, si l’on veut éviter le risque d’une qualification
en pacte sur succession future. La ligne de partage entre les deux solutions –
validité ou illicéité – semble essentiellement dépendre du caractère plus ou moins
potestatif de l’obligation du vendeur.

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 27 nov. 1963, Bull. civ. I, n  520 – V. DÉJÀ, Civ. 30 juin 1857,
DP 1857. 1. 308.
re o
(2) Civ. 1 , 16 juin 1964, Bull. civ. I, n  322.

(3) Req. 4 juill. 1859, DP 1859. 1. 461.

211.105. Nullité de la promesse synallagmatique de vente portant sur un


bien à recevoir d’un « partage de famille » à venir.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a fait tomber sous le coup de la
prohibition des pactes sur succession future une promesse synallagmatique de
vente, consentie par une héritière présomptive à sa sœur et à son beau-frère,
portant sur un terrain qui devait lui revenir d’un « partage de famille » et que
l’héritière reçut ultérieurement de son père par donation-partage avec réserve
d’usufruit au profit du père-donateur et de son épouse. Après le décès du père et
la renonciation du conjoint survivant à l’usufruit, les bénéficiaires de la promesse
demandèrent la réalisation de la vente, laquelle fut déclarée nulle comme
contraire à l’ancien article 1130 du Code civil (1). La Haute juridiction a
cependant indiqué que la promesse aurait été valable si une stipulation avait
différé la réalisation de la vente au jour du décès du donateur ou de la
renonciation de ce dernier et de son épouse à l’usufruit (2).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 26 oct. 2011, n  10-11.894  , Bull. civ. I, n  186; D. 2011. 2976,
note I. Najjar  ; AJ fam. 2011. 619, obs. C. Vernières  ; RDC 2011. 902, obs.
o
C. Goldie-Genicon; Dr. fam. 2011, n  180, obs. B. Beignier; JCP N 2012. 1065,
note M. Nicod; LPA 26 janv. 2012, p. 5, note J.-G. Mahinga.
s
(2) Sceptique sur la validité d’une telle stipulation, v. C. Vernières, obs. préc. s
t o
prés n .

§ 5 - Clauses de réversibilité d’usufruit


211.111. Données du problème.
Il faut commencer par rappeler que la transmission d’usufruit est prohibée
par l’article 617 du Code civil, qui dispose que l’usufruit s’éteint par la mort de
l’usufruitier (1); qu’en revanche, une succession d’usufruits différents sur un
même bien ne heurte pas le texte (validant la transmission d’un droit d’usufruit
consentie à son époux par le donataire d’un immeuble dont le donateur s’était
réservé l’usufruit : les juges soulignent qu’un second usufruit peut commencer au
moment où le premier prend fin (2) – rappr. (3)) : cette hypothèse ne fait pas
difficulté, car le second usufruitier ne tient pas directement son droit de celui qui
l’a précédé dans la jouissance. La validité de la succession d’usufruits est
cependant plus délicate lorsque le décès du premier usufruitier, qui s’était réservé
l’usufruit lors de l’aliénation du bien, fait « naître » le nouvel usufruit. Tel est le
problème posé par la clause de réversibilité d’usufruit au regard de la
prohibition des pactes sur succession future.

Notes
(1) Ch. réunies, 16 juin 1933, DH 1933. 393.
re o o
(2) Civ. 1 , 25 oct. 1978, n  76-13.775  , Bull. civ. I, n  324; D. 1979. 56.

(3) Req. 13 nov. 1918, DP 1921. 1. 119.

211.112. Attitude de la jurisprudence classique.


La convention par laquelle une personne aliène un bien et s’en réserve l’usufruit,
en stipulant qu’à sa mort un tiers désigné bénéficiera à son tour d’un usufruit sur
le bien, était naguère qualifiée par la Cour de cassation de donation de bien à
venir, ce qui était de nature à la rendre nulle comme pacte sur succession future
(1). Cette analyse classique fut critiquée par ceux qui estiment que si le
bénéficiaire de la réversion exerce effectivement l’usufruit qui lui est donné
seulement au décès du donateur, il ne le recueille pas dans la succession de celui-
ci, puisque dès le jour de la donation le bien grevé de l’usufruit a cessé
d’appartenir en pleine propriété au patrimoine du donateur – et s’il y est resté en
usufruit, cet usufruit, droit essentiellement viager, s’est éteint par la mort de son
titulaire (2).

Au demeurant, c’est entre époux que cette clause est la plus utile et la plus
fréquente. Or, stipulée dans ces conditions elle n’est pas nulle, car les donations
de biens à venir entre époux sont précisément valables (C. civ., art. 1093 et 1096
s o
– adde s n  212.62).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 20 avr. 1983, n  82-10.848  , Bull. civ. I, n  124; D. 1986. 31, note
M. Grimaldi; Defrénois 1983. 33158, note G. Champenois; RTD civ. 1984. 349,
note J. Patarin – Rouen, 26 janv. 1942, DA 1943. Somm. 12; JCP N 1985. II. 30,
note Rémy.
(2) Obs. M. Grimaldi, Defrénois 1985. 33609.

211.113. Libéralisme croissant de la jurisprudence.


Un revirement de jurisprudence a été amorcé par un arrêt plus récent (1), qui
valida la transmission d’usufruit de la tête de l’épouse prédécédée à celle de
l’époux, sans souligner que c’était grâce à la qualité d’époux des deux usufruitiers
successifs que cette transmission était valable. Cet arrêt jugeait en particulier que
le propriétaire d’un immeuble peut, notamment, en donnant la nue-propriété,
décider de se réserver l’usufruit sa vie durant et concéder sur l’immeuble un
second usufruit, la jouissance du second usufruitier ne commençant qu’à la date
où celle du premier aura pris fin. C’était bien revenir à l’idée d’usufruits
successifs.

Un arrêt postérieur a été plus explicite. Se prononçant sur la nature de la


clause de réversibilité d’usufruit, la première chambre civile de la Cour de
cassation y a affirmé qu’une telle clause s’analyse en une donation à terme de
bien présent, seul l’exercice du droit d’usufruit se trouvant différé au décès du
donateur. Au sujet d’une réversibilité stipulée au profit d’un tiers, la Cour a ainsi
déclaré que « la clause de réversibilité de l’usufruit insérée dans l’acte de
donation-partage s’analysait en une donation à terme de bien présent, le droit
d’usufruit du bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l’acte; que
seul l’exercice de ce droit d’usufruit s’en trouve différé au décès du donateur »
(2). Bien que ce ne fût pas la question résolue dans ces espèces, une telle
analyse doit faire échapper le mécanisme à la prohibition des pactes sur
succession future.

En résumé, lorsqu’une personne fait donation d’un bien avec réserve et


réversibilité d’usufruit, elle consent, à deux donataires distincts, deux
donations : l’une, immédiate, de la nue-propriété; l’autre, à terme, au profit de
l’usufruitier subséquent. Le donataire immédiat de la nue-propriété est le plus
mal loti en un premier temps (qui risque d’être long…), mais il a vocation à voir la
pleine propriété reconstituée à son profit (si c’est une vente avec réserve et
réversibilité d’usufruit qui est consentie, le disposant consent une seule donation :
une donation à terme de l’usufruit; c’est l’acheteur qui profitera un jour de la
pleine propriété du bien).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 4 avr. 1991, n  89-18.361  , Bull. civ. I, n  128; RTD civ. 1992. 165,
obs. J. Patarin  ; RTD civ. 1992. 598, note F. Zenati  .
re o o
(2) Civ. 1 , 21 oct. 1997, n  95-19.759  , Bull. civ. I, n  291; RTD civ.
1998. 721, obs. J. Patarin  ; RTD civ. 1998. 937, obs. F. Zenati  ; JCP 1999.
o
I. 132, n  5, obs. R. Le Guidec; cette analyse a été reprise par la troisième
e o o
chambre civile : Civ. 3 , 6 nov. 2002, n  01-00.681  , Bull. civ. III, n  220;
AJ fam. 2003. 32, obs. S. D.-B  .; D. 2002. IR 330  ; RTD civ. 2003. 133, obs.
J. Patarin  ; JCP N 2003. 1448, note M. Dagot; Defrénois 2003. 792, obs.
S. Piedelièvre.

211.114. Les ultimes interrogations aujourd’hui dissipées.


Dès lors que l’on considère que l’usufruit donné au bénéficiaire désigné par la
réversion est distinct de l’usufruit réservé par le donateur, on est tenté de se
demander si la donation ne porte pas, non sur un bien présent, mais sur un bien
à venir, ce qui est prohibé par l’article 943 du Code civil. Il ne semble cependant
pas que la qualification de donation de bien à venir soit en l’occurrence
appropriée, parce qu’elle suppose que le bien donné appartienne au patrimoine
du donateur, ou du moins qu’il soit conçu comme devant appartenir au donateur
au moment de son décès, ce qui n’est pas vraiment le cas de l’usufruit dont on
parle. La question reste cependant fort délicate (1).

Surtout, un certain doute subsistait, parce que l’idée de terme est discutable.
Aussi bien, la jurisprudence fiscale, ne faisait pas la même analyse du
mécanisme : elle n’y voyait pas une donation à terme, mais une donation sous
condition suspensive (2), estimant qu’en cas d’usufruit réversible au décès du
premier bénéficiaire sur la tête d’un second, le deuxième usufruit est soumis à la
condition suspensive de survie du second bénéficiaire. Peu importent les
conséquences fiscales que la chambre commerciale de la Cour de cassation tirait
de cette qualification (3), mais pour en rester aux intérêts civils, si l’analyse
juridique de la jurisprudence fiscale était juste (elle avait au moins une apparence
de raison), l’idée de condition suspensive, faisait renaître le spectre de la
qualification de pacte sur succession future… Ce risque paraît cependant
durablement écarté, depuis qu’une chambre mixte de la Cour de cassation est
intervenue pour trancher la divergence entre les deux chambres, en venant
valider l’analyse juridique faite par la première chambre civile (à l’encontre de
celle retenue par la chambre commerciale) : la réversion d’usufruit est
qualifiée de donation à terme de biens présents (4).

Notes
s o os
(1) COMP. M. Grimaldi, obs. préc. s n  211.112; Defrénois 1985, 33609, n  3
à 5.
o o
(2) Com. 2 déc. 1997, n  96-10.072  , Bull. civ. IV, n  318; D. 1998. 263, obs.
G. Tixier  ; Dr. fisc. 1998. Comm. 54.
o
(3) Sur ce sujet, modifié par la loi n  2007-1822 du 24 déc. 2007 (loi de finances

pour 2008, commentée au JCP N 2008. 1019), V. AUSSI : F. Sauvage, « Libres


propos sur les récentes tribulations de la réversion usufruit entre époux »,
Defrénois 2007. 1340 – F. Fruleux, « Turbulences autour du régime fiscal des
réversions d’usufruit et des rentes viagères », JCP N 2007. 1255.
o o
(4) Cass., ch. mixte, 8 juin 2007, n  05-10.727  , Bull. ch. mixte, n  6 –
re o o
V. depuis : Civ. 1 , 31 oct. 2007, n  06-18.996  , Bull. civ. I, n  343.

§ 6 - Clauses organisant la dévolution successorale future d’un droit issu


du contrat
211.121. En matière de bail.
La clause qui stipule qu’au cas de décès du preneur, le bailleur se réserve le droit
de désigner les descendants du preneur qui devront bénéficier de la jouissance du
bail doit être nulle, comme constitutive d’un pacte sur succession future (1).
Cela dit, les textes légaux qui, aujourd’hui, organisent le cas échéant la
transmission du droit au bail se présentent comme des dispositions
impératives, et il y a donc lieu d’y avoir égard en priorité. Il est vrai en tout cas
que, lorsque la loi prévoit une cotitularité des héritiers ou de certains d’entre eux
o
(v. par ex. L. n  89-462, 6 juillet 1989, art. 14), la solution jurisprudentielle
mentionnée reste vraie.

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 2 août 1950, Bull. civ. I, n  186.

211.122. En matière de société.


Doivent être annulées comme pacte sur succession future les clauses, même
contenues dans les statuts, par lesquelles un associé recueillerait, au décès de
l’autre, les éléments de l’actif social ou les droits sociaux du prémourant, sans
s o
qu’un véritable équivalent monétaire fût assuré à la succession (v. s n  212.34).
Si en revanche l’équivalent monétaire existe, la clause est valable : elle constitue
s
toujours un pacte sur succession future, mais que la loi valide par exception (v. s
os
n  212.31 s.).
211.123. En matière de vente : nullité des clauses subordonnant le
paiement du solde du prix à la survie du vendeur.
La jurisprudence condamne la pratique de ce qu’on appelle parfois la « rente
viagère temporaire », c’est-à-dire une rente convenue pour une durée
déterminée, avec cependant une faculté alternative d’extinction par la mort du
crédirentier : c’est l’hypothèse d’un contrat de vente stipulant que le prix de
l’immeuble sera payable sous la forme d’une rente due jusqu’à une date
déterminée, à moins que le décès du vendeur ne survienne avant ce terme,
auquel cas la rente s’éteindrait à cet instant. La Cour de cassation annule un tel
contrat, lui reprochant d’attribuer à l’acheteur un droit privatif sur une créance
qui appartenait normalement à la succession (1). On peut dire effectivement que
le contrat organise au profit de l’acheteur la dévolution mortis causa de la créance
de prix résiduelle. Plus généralement et de manière aussi juste, on doit tenir pour
nulle toute clause par laquelle le paiement du solde du prix ne serait pas dû pour
les échéances postérieures au décès du vendeur (limitant d’ailleurs la nullité à
cette seule clause, de sorte que la vente a été maintenue, moyennant un
s o
paiement intégral du prix (2) – sur l’étendue de la sanction, v. s n  211.45).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 7 déc. 1983, n  82-13.790  , Bull. civ. I, n  290; RTD civ.

1985. 184, note J. Patarin; Defrénois 1984. 33405, note Olivier – V. AUSSI,


o
Rouen, 8 juin 1994, Juris-Data n  043046.
re re
(2) Toulouse, 1  ch., 1  sect., 2 mars 1998, inédit.

211.124. Validité à l’inverse de la clause prévoyant l’extinction


mortis  causa du droit aux arrérages échus.
Lorsque la convention prévoit uniquement qu’au décès du crédirentier, la créance
sur les arrérages de rente échus, non versés et pour lesquels aucune poursuite
n’avait été engagée, s’éteindra, il n’y a pas pacte sur succession future (1). Dans
un tel cas en effet, on peut admettre que l’extinction de la rente viagère a un
caractère normal, et en tout cas que la stipulation n’attribuait au débiteur aucun
droit privatif sur la succession avant son ouverture, sauf à considérer que par
cette stipulation la succession se trouve privée d’une créance.

On en rapprochera la validation d’un acte qui autorisait les emprunteurs à différer


à leur convenance le règlement des échéances sauf pour les intérêts, et qui
prévoyait qu’en contrepartie de multiples services rendus les emprunteurs
seraient, au décès du prêteur, quittes de toutes échéances encore dues (ainsi, se
rangeant derrière l’appréciation des juges du fond qui avaient relevé l’intention
libérale relative à l’abandon du capital (2)).
Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 22 juin 1977, n  76-11.347  , Bull. civ. I, n  297.
re o
(2) Civ. 1 , 16 déc. 1992, n  90-21.563  , NP.

211.125. En matière de prêt : validation judiciaire de la stipulation par


laquelle le décès du prêteur en cours de contrat transformerait le prêt en
libéralité.
Dans un arrêt en date du 9 juillet 2003, la Cour de cassation a validé un contrat
de prêt à intérêt pour une durée déterminée, comportant la stipulation que le
décès du prêteur en cours de contrat dispenserait l’emprunteur de rembourser, le
prêt devant alors se transformer en libéralité (1). Les juges d’appel avaient
invalidé la stipulation, en y voyant la mise en place irrévocable d’un legs par la
voie contractuelle. La Cour de cassation y voit, tout au contraire, une promesse
post mortem licite. Mais c’est au prix d’un raisonnement critiquable. Reprenant
dans un chapeau une formule bien éprouvée, la Haute juridicition avait rappelé
que « ne constitue pas un pacte sur succession future prohibé la convention qui
fait naître au profit de son bénéficiaire un droit actuel de créance qui s’exercera
contre la succession du débiteur ». Or, on serait bien en peine de dire, en
l’occurrence, où se trouve ce bénéficiaire qui dispose d’un droit de créance contre
la succession, puisque la succession ouverte était en vérité celle du créancier (le
prêteur)… D’ailleurs ici, le bénéficiaire du pacte, qui n’avait jamais été créancier,
ne le serait jamais, puisqu’il se retrouvait directement propriétaire de la somme
d’argent (ce que la Cour n’hésite pas à appeler « le droit de ne pas rembourser
les prêts »). Revenant à plus d’orthodoxie juridique, le 9 juillet 2014, la Cour de
cassation a validé une convention prévoyant que le débiteur d’un prêt sera
dispensé de remboursement en cas de prédécès du prêteur, qu’elle a analysée en
une promesse post mortem sous forme de remise de dette sous condition
suspensive que le prêteur décède avant l’emprunteur (2), reprenant ici une juste
qualification suggérée en doctrine (3).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 9 juill. 2003, n  00-20.681  , Bull. civ. I, n  169; AJ fam. 2003. 354,
obs. S. D.-B.; D. 2004. 1848, note S. Bouzol  ; JCP N 2004. 1435, étude J.-
o
G. Mahinga; Defrénois 2003. 1566, note R. Libchaber; Dr. fam. 2003, n  136,
re o
note B. Beignier – Dans la même aff., v. Civ. 1 , 24 févr. 1998, n  95-18.936  ,
o
Bull. civ. I, n  79; D. 2000. Somm. 428, obs. M. Nicod  .
re o
(2) Civ. 1 , 9 juill. 2014, n  13-10.710  , NP; RDC 2015. 321, obs. C. Goldie-
Génicon.
re o s t o
(3) R. Libchaber, obs. sous Civ. 1 , 9 juill. 2003, n  13-10.710, préc. s prés n ;
Defrénois 2003. 1566.

§ 7 - Contrats ayant pour effet d’alourdir les obligations de la succession


future par rapport au patrimoine actuel
211.131. Prêt dont le remboursement incombera à la succession.
Selon plusieurs arrêts rendus par des cours d’appel, constitue un pacte sur
succession future la clause d’un prêt stipulant que seuls les héritiers de
l’emprunteur seront tenus du remboursement (1) (v. aussi un cas où le
paiement des intérêts avait été mis à la charge de l’emprunteur, sa succession
ayant à charge de rembourser le principal (2)). Cela paraît logique, puisqu’un tel
acte revient à engager concrètement la seule succession : le décès lui-même sert
de terme à une opération contractuelle portant sur le patrimoine successoral, ce
qui entre en plein dans la définition du pacte prohibé. La Cour de cassation a
cependant validé une opération analogue (3), mais dans un contexte présentant
des particularités qu’on ne saurait ignorer. Le prêt était en effet solidairement
garanti par les parents de l’emprunteur, et stipulé remboursable au décès du
dernier vivant, du débiteur ou de ses garants, ce qui revenait à dire que le décès
du débiteur ne suffisait pas nécessairement à déclencher l’obligation au paiement.
Il paraît donc prudent de ne pas perdre de vue la solution élémentaire des
décisions précitées de cours d’appel. Quoi qu’il en soit, dans son arrêt du 3 avril
2002, la Cour de cassation renoue avec la formule équivoque de certains arrêts
selon laquelle ne constitue pas un pacte prohibé la convention qui fait naître au
profit de son bénéficiaire un droit actuel de créance qui s’exercera contre la
succession du débiteur. Toute la question est de savoir si ce droit de créance
s
s’exercera uniquement ou non contre la succession du débiteur (v. s
o
n  211.13). En l’occurrence, tant la définition des termes alternatifs incertains que
la stipulation de garantie rendait la question équivoque. De sorte qu’une partie de
la doctrine a estimé que peu d’enseignements pouvaient être tirés de cet arrêt
(4).

Par un arrêt du 4 octobre 2005, la Cour de cassation a depuis approuvé une cour
d’appel d’avoir qualifié de pacte sur succession future la reconnaissance de dette
dactylographiée par laquelle le de cujus stipulait que la somme due devrait être
prélevée à son décès sur la part revenant aux deux filles qu’il avait eues d’un
premier lit, alors que les parts revenant aux deux filles qu’il avait eues de la
créancière resteraient intactes (5) : la Haute juridiction a jugé que les juges
d’appel ont retenu à bon droit que l’acte constituait un pacte prohibé, et non une
promesse post mortem, dès lors qu’ils ont relevé qu’il s’agissait d’un acte
irrévocable qui avait créé une obligation de remboursement dont seule l’exécution
avait été différée au décès, et que la clause prévoyant le prélèvement sur
certaines parts et non toutes portait atteinte à la liberté de tester et aux règles
légales du partage. Les juges ont en l’occurrence été indisposés par la
transgression des règles légales du partage, en vertu d’un acte obligatoire et hors
toute forme validante de libéralité. On ne peut dire exactement comment cet
arrêt se situe par rapport à l’arrêt de 2002, c’est-à-dire qu’on ne sait pas si la
Cour de cassation aurait admis l’invalidation du pacte au cas où, sans que ce fût
inégalitaire, le remboursement aurait uniquement été stipulé sur la succession du
débiteur (6).

Puis, la Cour de cassation, par un arrêt du 11 mars 2009 (7), a validé la


reconnaissance de dette établie par un père et une mère au profit de l’une de
leurs deux filles, et qui prévoyait que le prêt correspondant serait remboursé lors
de l’ouverture de la succession directement et par priorité en dehors du
règlement successoral, comme si la dette ne faisait pas partie de la succession.
La Cour justifie sa décision en estimant que « les reconnaissances de dettes
me
ayant fait naître un droit actuel de créance au profit de M  X…, constituaient des
promesses post mortem qui devaient s’exercer contre la succession et non contre
la part de réserve de sa sœur » (cette dernière critiquait ce mode de règlement
prioritaire qui avait pour effet de rendre la succession déficitaire, en lui
reprochant d’être issu d’un pacte prohibé). À partir du moment où la technique du
prélèvement avant partage constitue le mode normal de paiement du passif dû à
un héritier, les stipulations litigieuses n’apportaient nulle entorse au règlement
successoral, même si l’arrêt semble valider au passage des prêts uniquement
remboursables à l’ouverture de la succession. Techniquement, et à partir du
moment où l’ouverture de la succession tient lieu d’échéance, on peut juger
discutable, une fois encore, l’utilisation de la notion de promesse post mortem.
Mais en élargissant la perspective, on ne voit pas de raison d’invalider des
opérations utiles (prêts aux parents, sans les contraindre à un remboursement
prématuré), dès lors que leur réalité n’est pas suspecte et qu’il ne sera pas
dérogé aux règles du partage.

C’est ainsi que le 22 octobre 2014, la Cour de cassation a validé une


reconnaissance de deux dettes au profit d’une concubine, payables à la mort du
concubin par ses héritiers si elles n’avaient pas été remboursées avant.
Reprenant mot à mot la formule employée dans son arrêt précité du 3 avril 2002,
elle juge que « ne constitue pas un pacte sur succession future prohibé la
convention qui fait naître au profit de son bénéficiaire un droit actuel de créance
qui s’exercera contre la succession du débiteur; que la cour d’appel ayant
constaté que, selon l’acte litigieux, Louis X… avait reconnu devoir deux sommes
d’argent payables à sa mort s’il ne les avait pas remboursées avant, il en résulte
que cette convention avait conféré à Liliane Z…, non un droit éventuel, mais un
droit actuel de créance, seule son exécution pouvant être différée au décès de
Louis X…, de sorte qu’elle ne constituait pas un pacte sur succession future »
(8). Le décès du débiteur n’apparaissant que comme le terme suspensif
d’exercice du droit du créancier, la reconnaissance de dettes ne constituait pas un
acte de disposition portant sur la succession du débiteur.

Notes
o
(1) Metz, 10 févr. 1988, Juris-Data n  047360.

(2) Poitiers, 11 sept. 2001, JCP N 2002, p. 1106, § 135.


re o o
(3) Civ. 1 , 3 avr. 2002, n  00-10.301  , Bull. civ. I, n  106; D. 2002. 2753,
note I. Najjar  ; AJ fam. 2002. 188  ; Defrénois 2002, 37607, p. 1244, note
o
R. Libchaber; RTD civ. 2003. 131, obs. J. Patarin  ; Dr. fam. 2002, n  94, obs.
B. Beignier.
s t o s
(4) RAPPR., R. Libchaber, note préc. s prés n  – COMP., I. Najjar, note préc. s
t o
prés n .
re o o
(5) Civ. 1 , 4 oct. 2005, n  02-13.395  , Bull. civ. I, n  361; AJ fam. 2006. 77,
obs. F. Bicheron  ; D. 2005. 993, obs. I. Najjar  ; D. 2006. 2066, note
o
V. Brémond et M. Nicod  ; Dr. fam. 2005, n  252, note B. Beignier.

(6) V. AUSSI sur cet arrêt : I. Najjar, « Pacte successoral et discrimination entre
les héritiers… », D. 2006. 993  .
re o
(7) Civ. 1 , 11 mars 2009, n  07-16.087  , NP; RTD civ. 2009. 557, note
M. Grimaldi  .
re o o
(8) Civ. 1 , 22 oct. 2014, n  13-23.657  , Bull. civ. I, n  175; Dr. fam. 2014.
Comm. 186, obs. M. Nicod; D. 2015. 2102, obs. V. Brémond  ; RDC 2015. 321,
obs. C. Goldie-Génicon; AJ fam. 2015. 64, obs. C. Vernières  .

211.132. Situation des héritiers de la caution relativement aux dettes


postérieures au décès.
Opérant en 1982 un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a jugé
que, par application de l’ancien article 2017 du Code civil (devenu l’article 2294),
les héritiers d’une caution ne peuvent être tenus des dettes du débiteur principal,
nées postérieurement au décès de la caution. Or un arrêt de 1987 a repris la
règle, en précisant qu’une clause contraire serait nulle comme constituant un
pacte sur succession future (1).

L’arrêt de 1987 souligne que cette clause aurait pour résultat de mettre à la
charge des héritiers une obligation née après le décès de leur auteur et dont
celui-ci n’était pas tenu. On peut certes contester la qualification, puisqu’il ne
s’agit pas d’imposer à la succession une obligation que son auteur n’assumait pas
lui-même : la clause aurait simplement pour effet de maintenir l’obligation de
couverture dont la caution était débitrice. On comprend cependant les raisons de
la jurisprudence, qui a craint l’éclosion de clauses de style par lesquelles la règle
posée dans l’arrêt de 1982 aurait été vidée de sa substance.

Notes
o o
(1) Com. 13 janv. 1987, n  84-14.146  , Bull. civ. IV, n  9; D. 1987. Somm. 453,
o
note Aynès – V. AUSSI, Rouen, 19 févr. 1992, Juris-Data n  042159.

211.133. Validité des clauses prévoyant un alourdissement des


obligations des débiteurs du de cujus à compter du décès.
Dès lors que l’économie de l’acte tend manifestement, non pas à alourdir les
obligations que devra supporter la succession, par rapport à celles qui grèvent le
patrimoine du vivant du titulaire, mais au contraire à lui conférer des droits
supérieurs, la qualification de pacte prohibé n’est pas encourue, alors même que
le contrat en cause affecterait la situation de la future succession (ainsi, pour un
cas où, en présence des réclamations des héritiers présomptifs, l’acquéreur d’un
bien s’était engagé à verser un complément de prix d’un immeuble, soit à son
vendeur très âgé, soit en tout cas à ses héritiers au vu des résultats d’une
expertise, à moins qu’il ne renonçât alors à la faculté d’acquérir (1)).

Notes

(1) Req. 17 mai 1852, DP 1852. 1. 282 – V. AUSSI, Paris, 24 sept. 1991,
D. 1992. 246, note G. Paire  .

211.134. Validité des conventions qui n’ont pas pour effet d’alourdir le
passif successoral à compter du décès.
La reconnaissance, par une mère en situation d’indivision avec sa fille, d’une
dette d’indemnité d’occupation supérieure à ce qui est légalement prévu, par
allongement du délai de prescription, ne constitue pas un pacte sur succession
future que pourrait faire annuler un autre enfant de la mère après le décès de
celle-ci (1). Cela s’explique probablement par le fait que la créancière pouvait
très bien, du vivant de sa mère, lui réclamer le paiement de l’indemnité
d’occupation. Le décès ne constituait donc pas le terme d’une dette qui aurait
uniquement pesé sur la succession de la mère contractante au titre de cette
convention d’indivision.

Notes
re o o
(1) V. Civ. 1 , 4 oct. 2005, n  02-13.395  , Bull. civ. I, n  361; AJ fam.
2006. 77, obs. F. Bicheron  ; D. 2005. 993, obs. I. Najjar  .

Chapitre 212 - Pactes sur succession future exceptionnellement autorisés


Frédéric Bicheron - Professeur à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC)
sous la direction de Michel Grimaldi - Professeur à l’Université Paris 2 (Panthéon-
Assas)
2018-2019
Table des matières

Section 1 - Pactes expressément permis par la loi 212.10 - 212.101

§ 1 - Donation-partage 212.11 - 212.16


§ 2 - Clause commerciale 212.21 - 212.25
§ 3 - Conventions relatives à l’attribution mortis causa des droits sociaux
212.31 - 212.36
§ 4 - Stipulations contraires aux règles légales définissant les modalités
du rapport des donations 212.41 - 212.45
§ 5 - Libéralités graduelles 212.51 - 212.52
§ 6 - Institutions contractuelles 212.61 - 212.65
§ 7 - Hypothèque de bien à venir 212.71
§ 8 - Renonciations et ratifications légalement permises aux cohéritiers
d’un réservataire présomptif 212.81 - 212.87
§ 9 - Clause prévue à l’article 1873-13 du Code civil 212.101

Section 2 - Pactes douteux validés par la jurisprudence 212.110 -


212.122

§ 1 - Clause d’accroissement 212.111 - 212.112


§ 2 - Actes variés concernant un règlement successoral futur 212.121 -
212.122

Section 0 - Orienteur
212.00. Plan du chapitre.
Division. Il existe des pactes sur succession future qui ne sont pas prohibés
parce que la loi les a expressément validés. À cette catégorie assez nombreuse
(sect. 1), on y ajoutera certains pactes de nature douteuse que la jurisprudence
valide (sect. 2). Ces validations légales ou jurisprudentielles, devenues
traditionnelles (ce qui les distingue de cas discutés, tel celui des prétendues
promesses post mortem), ont reçu une forme de consécration avec les réformes
de 2001 (1) et 2006 (2), puisque l’article 722 in fine du Code civil mentionne
expressément le cas de validation pour situer les limites de la prohibition.

Notes
o
(1) L. n  2001-1135, 3 déc. 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des
enfants adultérins et modernisant diverses dispositions du droit successoral, JO
4 déc., p. 19279.
o
(2) L. n  2006-728, 23 juin 2006, portant réforme des successions et des
libéralités, JO 24 juin, p. 9513.

212.01. Textes applicables.
C. civ., art. 856, 858, 859, 860; 918, 924-4 et 929 s.; 1048, 1049, 1051, 1053,
1054; 1076-1, 1078-1 s., 1078-4 et 1078-6; 1082; 1093; 1390 à 1392; 1527;
1870; 1873-13; 2419 et 2420

C. com., art. L. 221-15, L. 222-1 et L. 222-2, L. 223-13 et L. 223-14 et L. 228-


23
o
L. n  2006-728, 23 juin 2006, portant réforme des successions et des
er
libéralités, JO 24 juin, p. 9513 (entrée en vigueur le 1  janv. 2007).

> Rapport des libéralités : validation des stipulations contraires aux


règles légales
[C. civ., art. 856, 858 à 860]

C. civ., art. 856 (L. 23 juin 2006, art. 5)


Les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l’ouverture
de la succession.

Les intérêts ne sont dus qu’à compter du jour où le montant du rapport est
déterminé.

C. civ., art. 858 (L. 23 juin 2006, art. 5)


Le rapport se fait en moins prenant, sauf dans le cas du deuxième alinéa de
l’article 845.

Il ne peut être exigé en nature, sauf stipulation contraire de l’acte de donation.

Dans le cas d’une telle stipulation, les aliénations et constitutions de droits réels
consenties par le donataire s’éteindront par l’effet du rapport à moins que le
donateur n’y ait consenti.

C. civ., art. 859
L’héritier a aussi la faculté de rapporter en nature le bien donné qui lui appartient
encore à condition que ce bien soit libre de toute charge ou occupation dont il
n’aurait pas déjà été grevé à l’époque de la donation.

C. civ., art. 860
Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son
état à l’époque de la donation.

(L. 23 juin 2006, art. 5) « Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient
compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. Si un nouveau bien a été
subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à
l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la
dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de
son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation. »

Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation.

S’il résulte d’une telle stipulation que la valeur sujette à rapport est inférieure à la
valeur du bien déterminé selon les règles d’évaluation prévues par l’article 922 ci-
dessous, cette différence forme un avantage indirect acquis au donataire « hors
part successorale ».

> Réduction des libéralités excessives : opérations préliminaires


C. civ., art. 918 (L. 23 juin 2006)
La valeur en pleine propriété des biens aliénés, soit à charge de rente viagère,
soit à fonds perdus, ou avec réserve d’usufruit à l’un des successibles en ligne
directe, est imputée sur la quotité disponible. L’éventuel excédent est sujet à
réduction. Cette imputation et cette réduction ne peuvent être demandées que
par ceux des autres successibles en ligne directe qui n’ont pas consenti à ces
aliénations.

> Réduction des libéralités excessives : exercice de la réduction


[C. civ., art. 924-4]
o
C. civ., art. 924-4 (mod. par L. 23 juin 2006 et L. n  2008-561, 17 juin 2008,
art. 3)
Après discussion préalable des biens du débiteur de l’indemnité en réduction et en
cas d’insolvabilité de ce dernier, les héritiers réservataires peuvent exercer
l’action en réduction ou revendication contre les tiers détenteurs des immeubles
faisant partie des libéralités et aliénés par le gratifié. L’action est exercée de la
même manière que contre les gratifiés eux-mêmes et suivant l’ordre des dates
des aliénations, en commençant par la plus récente. Elle peut être exercée contre
les tiers détenteurs de meubles lorsque l’article 2276 ne peut être invoqué.

Lorsque, au jour de la donation ou postérieurement, le donateur et tous les


héritiers réservataires présomptifs ont consenti à l’aliénation du bien donné,
aucun héritier réservataire, même né après que le consentement de tous les
héritiers intéressés a été recueilli, ne peut exercer l’action contre les tiers
détenteurs. S’agissant des biens légués, cette action ne peut plus être exercée
lorsque les héritiers réservataires ont consenti à l’aliénation.

> Réduction des libéralités excessives : renonciation anticipée à l’action


en réduction
[C. civ., art. 929 à 930-5]

C. civ., art. 929 (L. 23 juin 2006)


Tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en
réduction dans une succession non ouverte. Cette renonciation doit être faite au
profit d’une ou de plusieurs personnes déterminées. La renonciation n’engage le
renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter.

La renonciation peut viser une atteinte portant sur la totalité de la réserve ou sur
une fraction seulement. Elle peut également ne viser que la réduction d’une
libéralité portant sur un bien déterminé.

L’acte de renonciation ne peut créer d’obligations à la charge de celui dont on a


vocation à hériter ou être conditionné à un acte émanant de ce dernier.

C. civ., art. 930 (L. 23 juin 2006)


La renonciation est établie par acte authentique spécifique reçu par deux
notaires. Elle est signée séparément par chaque renonçant en présence des seuls
notaires. Elle mentionne précisément ses conséquences juridiques futures pour
chaque renonçant.

La renonciation est nulle lorsqu’elle n’a pas été établie dans les conditions fixées
au précédent alinéa, ou lorsque le consentement du renonçant a été vicié par
l’erreur, le dol ou la violence.

La renonciation peut être faite dans le même acte par plusieurs héritiers
réservataires.

C. civ., art. 930-1 (L. 23 juin 2006)


La capacité requise du renonçant est celle exigée pour consentir une donation
entre vifs. Toutefois, le mineur émancipé ne peut renoncer par anticipation à
l’action en réduction.

La renonciation, quelles que soient ses modalités, ne constitue pas une libéralité.

C. civ., art. 930-2 (L. 23 juin 2006)


La renonciation ne produit aucun effet s’il n’a pas été porté atteinte à la réserve
héréditaire du renonçant. Si l’atteinte à la réserve héréditaire n’a été exercée que
partiellement, la renonciation ne produit d’effets qu’à hauteur de l’atteinte à la
réserve du renonçant résultant de la libéralité consentie. Si l’atteinte à la réserve
porte sur une fraction supérieure à celle prévue dans la renonciation, l’excédent
est sujet à réduction.

La renonciation relative à la réduction d’une libéralité portant sur un bien


déterminé est caduque si la libéralité attentatoire à la réserve ne porte pas sur ce
bien. Il en va de même si la libéralité n’a pas été faite au profit de la ou des
personnes déterminées.

C. civ., art. 930-3 (L. 23 juin 2006)


Le renonçant ne peut demander la révocation de sa renonciation que si :

1° Celui dont il a vocation à hériter ne remplit pas ses obligations alimentaires


envers lui;

2° Au jour de l’ouverture de la succession, il est dans un état de besoin qui


disparaîtrait s’il n’avait pas renoncé à ses droits réservataires;

3° Le bénéficiaire de la renonciation s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit


contre sa personne.

C. civ., art. 930-4 (L. 23 juin 2006)


La révocation n’a jamais lieu de plein droit.

La demande en révocation est formée dans l’année, à compter du jour de


l’ouverture de la succession, si elle est fondée sur l’état de besoin. Elle est formée
dans l’année, à compter du jour du fait imputé par le renonçant ou du jour où le
fait a pu être connu par ses héritiers, si elle est fondée sur le manquement aux
obligations alimentaires ou sur l’un des faits visés au 3° de l’article 930-3.

La révocation en application du 2° de l’article 930-3 n’est prononcée qu’à


concurrence des besoins de celui qui avait renoncé.

C. civ., art. 930-5 (L. 23 juin 2006)


La renonciation est opposable aux représentants du renonçant.

> Renonciation anticipée à l’action en retranchement


[C. civ., art. 1527, al. 3]

C. civ., art. 1527
Les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une
communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion
du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.

Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux
époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l’un des époux
au-delà de la portion réglée par l’article 1094-1, au titre « Des donations entre
vifs et des testaments », sera sans effet pour tout l’excédent; mais les simples
bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus
respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un
avantage fait au préjudice des enfants d’un autre lit.

Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux
époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l’un des époux
au-delà de la portion réglée par l’article 1094-1, au titre « Des donations entre
vifs et des testaments », sera sans effet pour tout l’excédent; mais les simples
bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus
respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un
avantage fait au préjudice des enfants d’un autre lit.

Toutefois, ces derniers peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-
1, renoncer à demander la réduction de l’avantage matrimonial excessif avant le
décès de l’époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit du privilège
sur les meubles prévu au 3° de l’article 2374 et peuvent demander, nonobstant
toute stipulation contraire, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu’état
des immeubles.
> Libéralités graduelles
[C. civ., art. 1048 à 1054]

C. civ., art. 1048 (L. 23 juin 2006)


Une libéralité peut être grevée d’une charge comportant l’obligation pour le
donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l’objet et de
les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l’acte.

C. civ., art. 1049 (L. 23 juin 2006)


La libéralité ainsi consentie ne peut produire son effet que sur des biens ou des
droits identifiables à la date de la transmission et subsistant en nature au décès
du grevé.

Lorsqu’elle porte sur des valeurs mobilières, la libéralité produit également son
effet, en cas d’aliénation, sur les valeurs mobilières qui y ont été subrogées.

Lorsqu’elle concerne un immeuble, la charge grevant la libéralité est soumise à


publicité.

C. civ., art. 1051 (L. 23 juin 2006)


Le second gratifié est réputé tenir ses droits de l’auteur de la libéralité. Il en va
de même de ses héritiers lorsque ceux-ci recueillent la libéralité dans les
conditions prévues à l’article 1056.

C. civ., art. 1053 (L. 23 juin 2006)


Le second gratifié ne peut être soumis à l’obligation de conserver et de
transmettre.

Si la charge a été stipulée au-delà du premier degré, elle demeure valable mais
pour le premier degré seulement.

C. civ., art. 1054 (L. 23 juin 2006)


Si le grevé est héritier réservataire du disposant, la charge ne peut être imposée
que sur la quotité disponible.

Le donataire peut toutefois accepter, dans l’acte de donation ou postérieurement


dans un acte établi dans les conditions prévues à l’article 930, que la charge
grève tout ou partie de sa réserve.

Le légataire peut, dans un délai d’un an à compter du jour où il a eu connaissance


du testament, demander que sa part de réserve soit, en tout ou partie, libérée de
la charge. À défaut, il doit en assumer l’exécution.
La charge portant sur la part de réserve du grevé, avec son consentement,
bénéficie de plein droit, dans cette mesure, à l’ensemble de ses enfants nés et à
naître.

> Donations-partages faites à des enfants de lits différents


C. civ., art. 1076-1
En cas de donation-partage faite conjointement par deux époux, l’enfant non
commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en
biens communs, sans que le conjoint puisse toutefois être codonateur des biens
communs.

> Donations-partages faites aux héritiers présomptifs : incorporation


dans une donation-partage d’une donation antérieure
[C. civ., art. 1078-1 s.]

C. civ., art. 1078-1
Le lot de certains gratifiés pourra être formé, en totalité ou en partie, des
donations, soit rapportables, soit (L. 23 juin 2006) « faites hors part », déjà
reçues par eux « du disposant », eu égard éventuellement aux emplois et
remplois qu’ils auront pu faire dans l’intervalle.

La date d’évaluation applicable au partage anticipé sera également applicable aux


donations antérieures qui lui auront été ainsi incorporées. Toute stipulation
contraire sera réputée non écrite.

> Admission des donations-partages transgénérationnelles


[C. civ., art. 1078-4 et 1078-6]

C. civ., art. 1078-4 (L. 23 juin 2006)


Lorsque l’ascendant procède à une donation-partage, ses enfants peuvent
consentir à ce que leurs propres descendants y soient allotis en leur lieu et place,
en tout ou partie.

Les descendants d’un degré subséquent peuvent, dans le partage anticipé, être
allotis séparément ou conjointement entre eux.

C. civ., art. 1078-6 (L. 23 juin 2006, art. 5)


Lorsque des descendants de degrés différents concourent à la même donation-
partage, le partage s’opère par souche.

Des attributions peuvent être faites à des descendants de degrés différents dans
certaines souches et non dans d’autres.
> Institution contractuelle
[C. civ., art. 1082 et 1093]

C. civ., art. 1082
Les pères et mères, les autres ascendants, les parents collatéraux des époux, et
même les étrangers, pourront, par contrat de mariage, disposer de tout ou partie
des biens qu’ils laisseront au jour de leur décès, tant au profit desdits époux,
qu’au profit des enfants à naître de leur mariage, dans le cas où le donateur
survivrait à l’époux donataire.

Pareille donation, quoique faite au profit seulement des époux ou de l’un d’eux,
sera toujours, dans ledit cas de survie du donateur, présumée faite au profit des
enfants et descendants à naître du mariage.

C. civ., art. 1093
La donation de biens à venir, ou de biens présents et à venir, faite entre époux
par contrat de mariage, soit simple, soit réciproque, sera soumise aux règles
établies par le chapitre précédent, à l’égard des donations pareilles qui leur seront
faites par un tiers; sauf qu’elle ne sera point transmissible aux enfants issus du
mariage, en cas de décès de l’époux donataire avant l’époux donateur.

> Clause commerciale


[C. civ., art. 1390 à 1392]

C. civ., art. 1390
Ils peuvent, toutefois, stipuler qu’à la dissolution du mariage par la mort de l’un
o
d’eux, le survivant (L. 23 juin 2006, art. 29-30 ) « a » la faculté d’acquérir ou, le
cas échéant, de se faire attribuer dans le partage certains biens personnels du
« prédécédé », à charge d’en tenir compte à la succession, d’après la valeur qu’ils
« ont » au jour où cette faculté sera exercée.

« La stipulation peut prévoir que l’époux survivant qui exerce cette faculté peut
exiger des héritiers que lui soit consenti un bail portant sur l’immeuble dans
lequel l’entreprise attribuée ou acquise est exploitée. »

C. civ., art. 1391
Le contrat de mariage doit déterminer les biens sur lesquels portera la faculté
stipulée au profit du survivant. Il peut fixer des bases d’évaluation et des
modalités de paiement, sauf la réduction au profit des héritiers réservataires s’il y
a avantage indirect.

Compte tenu de ces clauses et à défaut d’accord entre les parties, la valeur des
biens sera arrêtée par le tribunal de grande instance.
C. civ., art. 1392
La faculté ouverte au survivant est caduque s’il ne l’a pas exercée, par une
notification faite aux héritiers du prédécédé, dans le délai d’un mois à compter du
jour où ceux-ci l’auront mis en demeure de prendre parti. Cette mise en demeure
o
ne peut avoir lieu avant l’expiration du délai prévu (L. 23 juin 2006, art. 29-31 )
« à l’article 792 ».

Lorsqu’elle est faite dans ce délai, la notification forme vente au jour où la faculté
est exercée ou, le cas échéant, constitue une opération de partage.

> Décès d’un associé de société


[C. civ., art. 1870, et C. com., art. L. 221-15, L. 222-1 et L. 222-2, L. 223-13 et
L. 223-14, L. 228-23]

Décès d’un associé de société civile


C. civ., art. 1870
La société n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais continue avec ses
héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu’ils doivent être agréés
par les associés.

Il peut toutefois, être convenu que ce décès entraînera la dissolution de la société


ou que celle-ci continuera avec les seuls associés survivants.

Il peut également être convenu que la société continuera soit avec le conjoint
survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne
désignée par les statuts ou, si ceux-ci l’autorisent, par disposition testamentaire.

Sauf clause contraire des statuts, lorsque la succession est dévolue à une
personne morale, celle-ci ne peut devenir associée qu’avec l’agrément des autres
associés, donné selon les conditions statutaires ou, à défaut, par l’accord unanime
des associés.

Décès d’un associé de société en nom collectif


C. com., art. L. 221-15
La société prend fin par le décès de l’un des associés, sous réserve des
dispositions du présent article.

S’il a été stipulé qu’en cas de mort de l’un des associés, la société continuerait
avec son héritier ou seulement avec les associés survivants, ces dispositions sont
suivies, sauf à prévoir que pour devenir associé, l’héritier devra être agréé par la
société.

Il en est de même s’il a été stipulé que la société continuerait, soit avec le
conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre
personne désignée par les statuts ou, si ceux-ci l’autorisent, par dispositions
testamentaires.

Lorsque la société continue avec les associés survivants, l’héritier est seulement
créancier de la société et n’a droit qu’à la valeur des droits sociaux de son auteur.
L’héritier a pareillement droit à cette valeur s’il a été stipulé que, pour devenir
associé il devrait être agréé par la société et si cet agrément lui a été refusé.

Lorsque la société continue dans les conditions prévues au troisième alinéa ci-
dessus, les bénéficiaires de la stipulation sont redevables à la succession de la
valeur des droits sociaux qui leur sont attribués.

Dans tous les cas prévus au présent article, la valeur des droits sociaux est
déterminée au jour du décès conformément à l’article 1843-4 du Code civil.

En cas de continuation et si l’un ou plusieurs des héritiers de l’associé sont


mineurs non émancipés, ceux-ci ne répondent des dettes sociales qu’à
concurrence des forces de la succession de leur auteur. En outre, la société doit
être transformée, dans le délai d’un an, à compter du décès, en société en
commandite dont le mineur devient commanditaire. À défaut, elle est dissoute.

Décès d’un associé de société en commandite simple


[C. com., art. L. 222-1 et L. 222-2]

C. com., art. L. 222-1


Les associés commandités ont le statut des associés en nom collectif.

Les associés commanditaires répondent des dettes sociales seulement à


concurrence du montant de leur apport. Celui-ci ne peut être un apport en
industrie.

C. com., art. L. 222-2


Les dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont applicables aux
sociétés en commandite simple, sous réserve des règles prévues au présent
chapitre.

Décès d’un associé de société à responsabilité limitée


[C. com., art. L. 223-13 et L. 223-14]

C. com., art. L. 223-13


Les parts sociales sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas
de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre
conjoints et entre ascendant et descendant.
Toutefois, les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant
ou un descendant ne peut devenir associé qu’après avoir été agréé dans les
conditions prévues à l’article L. 223-14. À peine de nullité de la clause, les délais
accordés à la société pour statuer sur l’agrément ne peuvent être plus longs que
ceux prévus à l’article L. 223-14, et la majorité exigée ne peut être plus forte que
celle prévue audit article. En cas de refus d’agrément, il est fait application des
dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 223-14. Si aucune
des solutions prévues à ces alinéas n’intervient dans les délais impartis,
l’agrément est réputé acquis.

Les statuts peuvent stipuler qu’en cas de décès de l’un des associés la société
continuera avec son héritier ou seulement avec les associés survivants. Lorsque
la société continue avec les seuls associés survivants, ou lorsque l’agrément a été
refusé à l’héritier, celui-ci a droit à la valeur des droits sociaux de son auteur.

Il peut aussi être stipulé que la société continuera, soit avec le conjoint survivant,
soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée
par les statuts ou, si ceux-ci l’autorisent, par dispositions testamentaires.

Dans les cas prévus au présent article, la valeur des droits sociaux est déterminée
au jour du décès conformément à l’article 1843-4 du Code civil.

C. com., art. L. 223-14


Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société
qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la
moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus
forte.

Lorsque la société comporte plus d’un associé, le projet de cession est notifié à la
société et à chacun des associés. Si la société n’a pas fait connaître sa décision
dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au
présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.

Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le


délai de trois mois à compter de ce refus, d’acquérir ou de faire acquérir les parts
à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil, sauf si
le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d’expertise sont à la charge
de la société. À la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de
justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.

La société peut également, avec le consentement de l’associé cédant, décider,


dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des
parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les
conditions prévues ci-dessus. Un délai de paiement qui ne saurait excéder deux
ans peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice. Les
sommes dues portent intérêt au taux légal en matière commerciale.
Si, à l’expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues aux troisième et
quatrième alinéas ci-dessus n’est intervenue, l’associé peut réaliser la cession
initialement prévue.

Sauf en cas de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux,


ou de donation au profit d’un conjoint, ascendant ou descendant, l’associé cédant
ne peut se prévaloir des dispositions des troisième et cinquième alinéas ci-dessus
s’il ne détient ses parts depuis au moins deux ans.

Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite.

> Interdiction des clauses statutaires pour les sociétés par actions
o
C. com., art. L. 228-23 (mod. par Ord. n  2009-80, 22 janv. 2009, art. 7)

Dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un
marché réglementé, la cession d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès
au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l’agrément de la
société par une clause des statuts.

Une clause d’agrément ne peut être stipulée que si les titres sont nominatifs en
vertu de la loi ou des statuts.

Cette clause est écartée en cas de succession, de liquidation du régime


matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un
descendant.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables lorsqu’une société


dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé
réserve des actions à ses salariés, dès lors que la clause d’agrément a pour objet
d’éviter que lesdites actions ne soient dévolues ou cédées à des personnes
n’ayant pas la qualité de salarié de la société.

Toute cession effectuée en violation d’une clause d’agrément figurant dans les
statuts est nulle.

> Clause d’attribution de droits indivis en l’absence d’usufruitier


C. civ., art. 1873-13
Les indivisaires peuvent convenir qu’au décès de l’un d’eux, chacun des
survivants pourra acquérir la quote-part du défunt, ou que le conjoint survivant,
ou tout autre héritier désigné, pourra se la faire attribuer à charge d’en tenir
compte à la succession d’après sa valeur à l’époque de l’acquisition ou de
l’attribution.

Si plusieurs indivisaires ou plusieurs héritiers exercent simultanément leur faculté


d’acquisition ou d’attribution, ils sont réputés, sauf convention contraire, acquérir
ensemble la part du défunt à proportion de leurs droits respectifs dans l’indivision
ou la succession.

Les dispositions du présent article ne peuvent préjudicier à l’application des


dispositions des articles (L. 23 juin 2006) « 831 à 832-2 ».

> Hypothèque de bien à venir


o
[C. civ., art. 2419 et 2420, 1°] (Ord. n  2006-346, 23 mars 2006, art. 20)

C. civ., art. 2419
L’hypothèque ne peut, en principe, être consentie que sur des immeubles
présents.
o
C. civ., art. 2420, 1

Par exception à l’article précédent, l’hypothèque peut être consentie sur des
immeubles à venir dans les cas et conditions ci-après :
o
1 Celui qui ne possède pas d’immeubles présents et libres ou qui n’en possède
pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance peut consentir que chacun
de ceux qu’il acquerra par la suite sera affecté au paiement de celle-ci au fur et à
mesure de leur acquisition; […]

212.02. Jurisprudence de référence.
> Exemption légale de prohibition de pacte sur succession future et
validité d’une donation-partage
re o o
• Civ. 1 , 4 nov. 1981, n  80-13.191  , Bull. civ. I, n  330
s o
* V. s  n  212.12

Une donation-partage faite conjointement par deux époux et portant en partie sur
des biens communs échappe, de par la loi, à la prohibition des pactes sur
succession future.
e o
• Civ. 1r , 3 janv. 2006,  n  02-18.586   , NP
s o
* V. s  n  212.12

« […] Attendu que M. H. X… fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir retenu
comme constitutive d’un pacte sur succession future, la stipulation de la
donation-partage, que lui avait consentie sa mère, ne portant que sur la nue-
propriété d’un immeuble d’habitation, suivant laquelle il s’était engagé, au décès
de la donatrice, à reverser à son frère, jusqu’au décès du premier mourant
d’entre eux, la moitié des loyers dudit immeuble;
Attendu que l’usufruit cessant au décès de l’usufruitière, en imposant à son fils,
M. H. X…, donataire, l’obligation, à compter de son propre décès et jusqu’au
décès du premier mourant d’entre les donataires, de payer à son frère, M. J.-
P. X…, la moitié des loyers de l’immeuble, objet de la donation-partage,
me
M  E. X…, qui avait conservé l’usufruit de l’immeuble objet de cette donation,
n’imposait pas à son fils, H. X…, une charge qui aurait dépendu de sa succession,
alors non ouverte; que le moyen non fondé en sa première branche ne saurait
être accueilli en sa seconde; […]. »

> Validation d’une stipulation accessoire à une clause commerciale


portant promesse de bail
re o o
• Civ. 1 , 29 avr. 1985, n  83-16.803, Bull. civ. I, n  132
s o
* V. s  n  212.25

La licéité de la faculté d’attribution en propriété implique celle de la clause du


contrat de mariage prévoyant l’octroi d’un bail sur les biens propres de l’époux
prédécédé.

> Validation jurisprudentielle de convention relative à l’attribution


mortis causa de droits sociaux
• Ch. réunies, 28 avr. 1961, Gatellier, D. 1961. 697, note Besson
s o
* V. s  n  212.31

Ce fameux arrêt Gatellier validait des clauses variées de continuation de la


société, soit entre les seuls survivants, soit entre les survivants et tous les
héritiers du prémourant, soit entre les survivants et certains héritiers du
prémourant.

> Validité de la clause de tontine au cas de stipulation de la rétroactivité


o o
• Cass., ch. mixte, 27 nov. 1970, n  68-10.452, Bull. ch. mixte, n  3
s o
* V. s  n  212.112

Ne constitue pas une clause attribuant au survivant un droit privatif sur une
partie de la succession du prémourant, et ne tombe pas sous la prohibition des
pactes sur succession future, la convention donnant à chacun des époux séparés
de biens acquéreurs d’un immeuble la propriété de l’immeuble tout entier à partir
du jour de son acquisition, sous condition de prédécès de son cocontractant.

212.03. Bibliographie indicative.
o
Actualisables. Rép. civ., v  Pacte sur succession future, mars 2012 [actu.
janv. 2015], par I. Najjar.
Ouvrages (1).
e o
P. CATALA, Liquidations successorales, 3  éd., Defrénois, 1982, n  47 –
e
M. GRIMALDI, Droit civil. Successions, 6  éd., « Manuels », LexisNexis/Litec,
os
2001, n  360 s. Ph. MALAURIE et C. BRENNER, Les successions. Les

e os
libéralités, 7  éd., LGDJ/Lextenso, 2016, n  700 s. – A. PONSARD, Liquidations
o o
successorales, n  43; n  104, p. 139 [au sujet de l’ancien art. 930] – F. TERRÉ,
Y. LEQUETTE et S. GAUDEMET, Les successions. Les libéralités, « Précis »,
e os
4  éd., Dalloz, 2013, n  696 s.

Articles.
N. Baillon-Wirtz, « Que reste-t-il de la prohibition des pactes sur succession
future ? À propos de la loi du 23 juin 2006 », Dr. fam. 2006. Étude 44 –
M. Grimaldi, « Des donations-partages et des testaments-partages au lendemain
o
de la loi du 23 juin 2006 », JCP 2006. I. 179, n  6; « De la clause stipulée dans
une donation-partage pour protéger les ayants cause des donataires contre les
effets de la réduction pour atteinte à la réserve », Defrénois 1996. 1. 36224.
Notes
(1) NB : les ouvrages les plus fréquemment cités et dont le nom des auteurs
figure en petites capitales en bibliographie sont cités par les seuls noms des
auteurs en petites capitales en notes de bas de page.

212.04. Questions essentielles.
> La donation-partage est un pacte sur succession future validé par la loi, et il
importe donc que le rédacteur d’acte reste à l’intérieur de l’autorisation légale.
s o
* V. s n  212.13

> La réforme de 2006 est venue conforter la solution prétorienne selon laquelle la
promesse de bail accessoire à une clause commerciale échappe à la prohibition
des pactes sur succession future.
s o
* V. s n  212.25

> L’assouplissement du droit des libéralités comportant une obligation du gratifié


de retransmettre, marque un recul de la prohibition des pactes sur succession
future
s o
* V. s n  212.51
> Les renonciations anticipées à l’action en réduction, permises sous certaines
conditions à l’occasion de la vente de biens donnés ou légués, renforcent la
sécurité juridique en protégeant le tiers acquéreur.
s o
* V. s n  212.81

Section 1 - Pactes expressément permis par la loi


212.10. Tableau d’ensemble.
Seront successivement évoquées :

la donation-partage (§ 1);


la « clause commerciale » de l’article 1390 du Code civil (§ 2);
les clauses du contrat de société relatives à l’attribution mortis causa des droits
sociaux (§ 3);
les stipulations contraires aux règles légales définissant les modalités du rapport
(§ 4);
les libertés graduelles (§ 5);
les institutions contractuelles (§ 6);
l’hypothèque de bien à venir (§ 7);
les renonciations et ratifications légalement permises aux cohéritiers d’un
réservataire présomptif (§ 8);
la clause d’attribution de droits indivis de l’article 1873-13 du Code civil (§ 9).
À cette liste déjà abondante, on pourrait ajouter d’une part les régimes
matrimoniaux en vertu desquels les biens échus par succession à l’un des époux
en cours de mariage tomberont en communauté (communauté de meubles et
acquêts, C. civ., art. 1498 – et communauté universelle, C. civ., art. 1526), et
d’autre part la disposition de l’article 301 du Code civil permettant aux époux qui
demandent de manière conjointe la séparation de corps, d’inclure dans leur
convention une renonciation aux droits successoraux que la loi leur reconnaît l’un
à l’égard de l’autre. On se dispensera toutefois d’évoquer ces institutions dans les
développements qui suivent, car elles ne méritent pas de précisions significatives
dans la perspective particulière de ce chapitre.

Pour ce qui concerne les stipulations retenues, il ne s’agira pas de les étudier
en détail, puisqu’elles sont principalement traitées par ailleurs. L’objet des
développements qui suivent est de les situer par rapport à la prohibition des
pactes sur succession future, ce qui présente certains intérêts pratiques.

§ 1 - Donation-partage
212.11. Validation législative d’un pacte sur succession future.
L’importante institution que constitue la donation-partage sera étudiée ailleurs
s os
(v. s n  410.01 à 413.113). Elle constitue un pacte sur succession future,
puisque ses effets sont largement gouvernés par l’idée que le partage qu’elle
réalise est celui de la succession même (au moins en partie), par anticipation, et
que ce partage a un caractère définitif. Voilà pourquoi, malgré leur imputation sur
la réserve des copartagés, les parts ne sont pas rapportables. Il s’agit donc bien
d’une dévolution contractuelle de la succession, avant son ouverture, même si,
pour de solides raisons pratiques qu’il ne convient pas de développer ici, le
législateur a estimé utile d’autoriser ce type de pacte, et en a même
considérablement élargi le champ d’application en 2006.

Tout d’abord en admettant les donations-partages transgénérationnelles :


un ascendant donateur peut allotir par voie de donation-partage, non seulement
ses enfants (ou certains d’entre eux), mais aussi, directement, des petits-enfants,
ou encore des enfants et des petits-enfants, même si ceux-ci se trouvent
copartagés avec leur auteur (C. civ., art. 1078-4 et 1078-6).

Ensuite en validant les donations-partages conjonctives, qui permettent à deux


époux d’allotir des enfants de lits différents (C. civ., art. 1076-1). La loi de 2006 a
ici directement tenu compte de l’essor du phénomène des familles
recomposées.

Une troisième extension, et non des moindres, résulte du fait que le de cujus
peut désormais procéder à une donation-partage non seulement entre ses
enfants (ou leurs représentants), mais aussi – dans la mesure où il s’agit
d’héritiers ab intestat – entre ses descendants et son conjoint, ou entre ses
frères et sœurs, ou entre ceux-ci et son conjoint (hypothèse dans laquelle
les collatéraux privilégiés bénéficieraient d’un droit de retour), ou entre ses
ascendants, ou entre ses père et mère et son conjoint, ou enfin entre ses
cousins, ses oncles ou ses tantes. L’intérêt juridique de procéder au partage
anticipé entre héritiers non réservataires n’existe pas, cependant, par rapport à
une conjonction de donations ordinaires (1).

La validation exceptionnelle d’un pacte sur succession future était déjà devenue
particulièrement nette lorsque la réforme de 1971 a supprimé la nullité pour
omission d’enfant : une donation-partage peut, depuis cette époque, être conclue
avec seulement certains des héritiers présomptifs, de sorte qu’une attribution en
avancement de part successorale est susceptible de faire l’objet d’une sorte de
renonciation à rapport par l’effet de la donation-partage, malgré la volonté des
héritiers délibérément omis.

Notes
(1) M. Grimaldi, « Des donations-partages et des testaments-partages au
o
lendemain de la loi du 23 juin 2006 », JCP 2006. I. 179, n  6.
212.12. Manifestations de l’exemption légale dans la jurisprudence.
La Cour de cassation ne manque pas de rappeler l’exemption légale, lorsqu’elle
valide certaines opérations ressortissant à la catégorie des donations-partages.
Tel est le cas de la donation-partage, faite conjointement par deux époux et
portant en partie sur des biens communs qui échappe, de par la loi, à la
prohibition des pactes sur succession future (1). L’existence de l’exemption
légale explique aussi certaines validations sur lesquelles on pouvait hésiter (acte
de donation qui a pour résultat d’attribuer à un héritier un bien en nue-propriété
et au cohéritier une créance en numéraire payable à terme (2)).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 4 nov. 1981, n  80-13.191  , Bull. civ. I, n  330.
re o o re
(2) Civ. 1 , 10 oct. 1979, n  78-11.444  , Bull. civ. I, n  244 – adde Civ. 1 ,
o
3 janv. 2006, n  02-18.586  , NP.

212.13. Retour de la nullité pour les actes ne pouvant bénéficier de


l’exemption légale.
Lorsque la convention litigieuse ne répond plus aux conditions de validité qui lui
permettraient d’entrer dans la définition légale de la donation-partage, elle
retombe sous le coup de la prohibition des pactes sur succession future (1). De
même, sont nulles les conventions intervenues entre les copartageants, dans un
partage d’ascendant, sur le règlement des valeurs restées en dehors du partage
(2). Les limites du permis et de l’interdit ne sont pas très faciles à fixer, car d’un
autre côté il faut bien admettre que les conventions intervenues entre les
copartagés comme suite de la donation-partage, ne doivent pas être frappées de
nullité (3).

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 17 déc. 1956, Bull. civ. I, n  462 – RAPPR., Civ. 16 sept. 1940,
DH 1940. 173.
(2) Req. 27 nov. 1865, DP 1866. 1. 216.
(3) Toulouse, 26 juill. 1878, DP 1879. 2. 177.

212.14. Question des conventions antérieures.


La Cour de cassation estimait jadis que la convention antérieure à la donation-
partage, et qui déterminait les biens présents devant être compris dans celle-ci,
ne méritait pas d’être annulée comme pacte sur succession future (1). En l’état
du droit positif une telle convention ne pourrait s’abriter sous la qualification de
donation-partage, puisque l’article 1076 du Code civil exige aujourd’hui de celle-ci
qu’elle opère la distribution et le partage des biens. Pour autant, on ne devrait
pas nécessairement voir dans l’acte en cause un pacte prohibé : il s’agirait plutôt
d’une promesse de donation, voire d’une donation indivise – selon les termes
exacts de l’acte – qui devrait simplement obéir aux règles de forme des donations
(2).

Notes
(1) Civ. 29 janv. 1877, DP 1877. 1. 105.
re o o
(2) Civ. 1 , 6 mars 2013, n  11-21.892  , Bull. civ. I, n  34; AJ fam. 2013. 301,
obs. C. Vernières  ; Defrénois 2013. 463, note F. Sauvage; RTD civ. 2013. 424,
re o o
obs. M. Grimaldi  – Civ. 1 , 20 nov. 2013, n  12-25.681  , Bull. civ. I, n  223;
AJ fam. 2014. 54, concl. P. Chevalier  ; Defrénois 2013. 1259, note M. Grimaldi;
o
Dr. fam. 2014, n  25, obs. M. Nicod.

212.15. Incorporation des donations antérieures.


On soulignera enfin qu’au sein même du droit des donations-partages, la loi
(en 1971) avait créé un nouveau type de pacte dérogatoire, en permettant
l’incorporation dans une donation-partage d’une donation antérieure. En
effet une telle incorporation, en particulier si celle-ci avait un caractère
préciputaire, est en soi un pacte sur succession future que la seule admission
légale de la donation-partage n’aurait pas suffi à couvrir, mais qui est
spécialement autorisé aux articles 1078-1 et suivants du Code civil (le
changement d’imputation, lorsque la donation préciputaire devient élément
d’allotissement dans la donation-partage, produit une renonciation ante mortem
aux droits du donataire sur la quotité disponible, et lui fait abdiquer son droit
éventuel d’exiger la réduction de la libéralité d’autrui, tel qu’il serait résulté de la
donation initiale).

212.16. Question du changement d’attributaire à l’occasion d’une


incorporation.
Dans la ligne des observations qui viennent d’être faites, on s’est demandé si une
donation-partage pouvait permettre de réattribuer à un nouveau bénéficiaire
l’objet d’une donation antérieure incorporée. Certains auteurs ont exclu cette
possibilité, en observant que la dérogation très exceptionnelle de l’article 1078-1
du Code civil ne pouvait être étendue à une hypothèse que la loi ne visait pas.
D’autres auteurs, sensibles à l’utilité du mécanisme, tentent de le valider en y
voyant un échange. Toujours est-il que l’Administration fiscale considère que
cette redistribution des lots est possible, et qu’elle n’est qu’une opération de
donation-partage, qui donne simplement lieu à la perception du droit de partage
(1). L’Administration a tenté d’expliquer son analyse par le recours à l’idée de
rapport en nature (2), ce qui est une explication douteuse lorsque la donation
incorporée avait été faite à titre de préciput. Le changement d’attributaire peut
être d’autant plus intéressant depuis que les donations-partages
transgénérationnelles sont admises.

Notes
o
(1) PAR EX., Rép. min. n  218881, 2 avr. 1977, JO Sénat 2 avr. 1977, p. 391.

(2) Rép. min., 15 sept. 1973, Defrénois 1974, 30511, p. 126.

§ 2 - Clause commerciale


212.21. Description.
Il s’agit de la clause du contrat de mariage par laquelle le survivant des époux
pourra, s’il le souhaite, devenir propriétaire moyennant indemnité, au décès
de son conjoint, de l’entreprise commerciale, de l’exploitation agricole,
ou du local d’habitation qui constituait un bien personnel à celui-ci (C. civ.,
art. 1390 s.). Cette clause, dite commerciale parce qu’elle porte souvent sur un
fonds de commerce, est utile en pratique puisqu’elle évite les ruptures trop
brusques de la situation du survivant, et elle ne semble pas néfaste puisque les
héritiers retrouvent de toute façon dans la succession la valeur du bien,
généralement fixée par expert. Considérée sous l’angle de l’intérêt des héritiers,
elle a plutôt moins d’inconvénients qu’une libéralité (sur cette clause en général,
s os
v. s n  121.101 à 121.108).

212.22. Caractère de pacte sur succession future.


Il ne fait cependant guère de doute qu’une telle clause est un pacte sur
succession future. Elle en constitue même un exemple des plus manifeste, parce
qu’il s’agit d’une promesse (conditionnelle) de vente portant sur un bien à
prendre dans la succession de l’époux propriétaire, et qui donne ainsi à son
conjoint pour le cas où il survivra la faculté de s’approprier le bien : on entre tout
à fait dans la prévision des textes qui interdisent à un individu de disposer
contractuellement des biens qui composeront sa succession. La qualification est
d’autant plus patente que, de son vivant, l’époux propriétaire du bien en cause ne
s’interdit pas de l’aliéner, du moins entre vifs, ce qui montre que la charge
essentielle de la convention en cause ne repose que sur la succession du
contractant.

212.23. Validation par l’article 1390 du Code civil.


Forte de l’analyse qui vient d’être faite, une jurisprudence célèbre et âprement
critiquée pour des raisons pratiques, prononçait la nullité des clauses
commerciales : seules étaient valables à l’époque les mécanismes voisins
correspondant, d’une part à l'institution contractuelle faite dans le contrat de
s o
mariage, pacte validé par l’article 1093 du Code civil (v. s n  212.62), ou la
clause de prélèvement de bien commun, qui n’est pas un pacte sur
succession future, mais une simple convention entre associés relative au partage
(v. auj. C. civ., art. 1511). Cependant la légalité de ces conventions, qui valaient
pour des hypothèses bien distinctes de la clause commerciale stricto sensu
(intention libérale dans un cas, caractère commun du bien dans l’autre), ne
diminuait pas les inconvénients de la prohibition de la clause commerciale, qui a
dû enfin être validée par le législateur en 1965, dans des termes qui d’ailleurs
confirment sa qualification de pacte sur succession future (v. l’adverbe « toutefois
» qui, commençant l’article 1390, démarque celui-ci de la prohibition formulée à
l’article 1389).

212.24. Conséquences actuelles de la nature de pacte sur succession


future de la clause.
La qualification de pacte sur succession future de cette clause ne doit pas être
perdue de vue, puisqu’il faut en déduire que le régime légal de la clause, tel que
le définissent les articles 1390 à 1392 du Code civil, est d’ordre public (v. en ce
sens au sujet de la date d’évaluation (1)). Il est cependant possible de
modifier la base d’évaluation, puisqu’une attribution même totalement gratuite
serait possible, en tant qu’institution contractuelle.

La clause ne peut être validée que sous les conditions prévues par la loi, et les
modalités légales de fonctionnement ne peuvent être modifiées qu’autant qu’elles
n’étendent pas la dérogation que le législateur a mise en place par rapport à la
prohibition des pactes sur succession future. Ainsi, on ne saurait retirer aux
héritiers la faculté de mettre le conjoint en demeure (C. civ., art. 1392), car ce
serait aggraver les effets d’un pacte permis par exception.

Notes
(1) Civ. 24 juin 1969, D. 1969. 705, note A. Breton.

212.25. Validation de la stipulation accessoire portant promesse de bail.


Eu égard aux considérations qui précèdent, on aurait été tenté d’invalider
(comme l’avait fait une cour d’appel), la stipulation accessoire du contrat de
mariage par laquelle, outre son droit d’acquérir le fonds de commerce, le
conjoint bénéficiaire de la clause pourrait obtenir des héritiers du prémourant un
bail sur l’immeuble successoral dans lequel le fonds était exploité. Nul
doute qu’une telle promesse de bail consentie par le prémourant constitue un
pacte sur succession future. Et comme la loi ne prévoyait pas une telle
stipulation, l’admettre semblait outrepasser la dérogation légale. Mais dans
beaucoup d’hypothèses la clause commerciale n’aurait aucune valeur pratique en
l’absence de cette stipulation accessoire. Cela explique que la Cour de cassation
l’ait validée (1). La réforme de 2006 est venue avaliser cette jurisprudence
(C. civ., art. 1390, al. 2).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 29 avr. 1985, n  83-16.803  , Bull. civ. I, n  132; D. 1986. 384,
note Beaubrun; JCP N 1986. II. 74, note Ph. Simler.

§ 3 - Conventions relatives à l’attribution mortis causa des droits sociaux


212.31. Qualification de pacte sur succession future et validations
jurisprudentielles.
Les conventions dont il s’agit, qu’on trouve normalement intégrées au pacte
social, ont pour objet de régler le sort des droits sociaux d’un associé
prédécédé. La qualification de pacte sur succession future paraît acquise, dès
lors qu’il s’agit de stipulations organisant contractuellement l’attribution d’un bien
au décès de son propriétaire.

La question s’était initialement posée au sujet des clauses prévoyant la


continuation de la société entre les associés survivants, à l’encontre du principe
alors posé à l’article 1865 du Code civil, et qui prescrivait la dissolution de la
société au cas de décès d’un associé. La jurisprudence, sans nier le caractère de
pacte sur succession future, estima que ce pacte se trouvait exceptionnellement
validé par le législateur lorsqu’il autorisait la stipulation par laquelle la société
continuerait seulement entre les associés survivants (1) (v. auj. C. civ.,
art. 1870). Cette homologation fut redite dans les termes les plus généraux par
un arrêt des chambres réunies, à l’occasion d’une espèce où la clause opérait une
distinction parmi les héritiers de l’associé prédécédé, certains étant invités par les
statuts à entrer dans la société à l’occasion de sa continuation, alors que d’autres
étaient sujets à la préemption de leurs droits par les associés survivants (2). Ce
fameux arrêt Gatellier validait ainsi des clauses variées de continuation de la
société, soit entre les seuls survivants, soit entre les survivants et tous les
héritiers du prémourant, soit entre les survivants et certains héritiers du
prémourant. Dans l’état actuel des textes, le décès d’un associé n’est plus une
cause générale de dissolution d’une société (C. civ., art. 1844-7), sauf le cas des
sociétés commerciales de personnes (C. com., art. L. 221-15). Quant aux
clauses particulières, le législateur est largement intervenu pour les valider.

Notes
(1) Civ. 7 mars 1939, DH 1939. 193.
(2) Ch. réunies, 28 avr. 1961, D. 1961. 697, note Besson.
212.32. Tableau du droit positif.
Les clauses autorisées peuvent être répertoriées de la manière suivante.

a) Clause de continuation de la société avec les seuls associés survivants


(C. civ., art. 1870, al. 2, pour les sociétés civiles – C. com., art. L. 221-15, pour
la société en nom collectif et les associés commandités en matière de
commandite, v. C. com., art. L. 222-1 et L. 222-2).

Les textes sur la SARL ne visent expressément que la clause d’agrément, mais
il faut admettre que la clause de continuation avec les seuls associés
survivants serait valable, puisque ce pourrait être le résultat d’un refus
d’agrément de tous les héritiers du prémourant. C’est elle que l’arrêt de 1961
avait validée, en matière de SARL. Elle correspond au demeurant à une situation
normale puisque, à la différence des sociétés commerciales de personnes, la
SARL n’est pas dissoute par la mort de l’un des associés.

b) Clause de continuation avec le conjoint survivant, les héritiers, ou


certains d’entre eux, ou avec la personne (héritier, légataire ou non)
désignée par les statuts (C. civ., art. 1870, al. 3 – C. com., art. L. 221-15).

c) Clause d’agrément des héritiers ou légataires de l’associé prémourant,


er
ou de son conjoint (C. civ., art. 1870, al. 1 , pour les sociétés civiles –
C. com., art. L. 221-15, pour les sociétés en nom collectif – C. com., art.
L. 223-13, pour les SARL).

Sauf à préciser qu’en matière de SARL cette clause ne doit pas être un moyen de
faire obstacle à la dévolution si l’héritier était déjà associé (1).

d) Faculté statutaire de rachat, par les associés survivants, de droits


sociaux pour des tiers agréés par eux (2).

e) Clause prévoyant l’opération de reprise intégrale de l’actif social par


l’associé survivant – solution qui résulte essentiellement d’une jurisprudence
antérieure à la réforme du droit des sociétés.

Avant même l’arrêt Gatellier, la Cour de cassation avait en effet validé la clause
par laquelle l’associé survivant peut, à la suite du décès de son associé, reprendre
certains éléments déterminés de l’actif social (par ex. le fonds de commerce), à
charge de fournir à la succession du prémourant une certaine valeur (3). La
solution vise à résoudre l’hypothèse pratique où la société en cause ne compte
que deux associés. Là aussi l’évolution législative a facilité les choses, depuis que
la loi permet le fonctionnement provisoire de la société où toutes les parts
er
sociales se trouvent regroupées en une seule main (C. civ., art. 1844-5, al. 1 ).

Notes
(1) Com. 28 oct. 1975, D. 1975. 209, note Y. Guyon.
o o
(2) Com. 2 avr. 1973, n  72-10.237  , Bull. civ. IV, n  147.

(3) Civ. 26 oct. 1943, D. 1946. 301, note F. Boulanger.

212.33. Date de l’estimation.


Dans tous les cas, il sera tenu compte à la succession de la valeur des droits
sociaux du défunt, valeur qui doit être fixée au décès (C. civ., art. 1870-1 –
C. com., art. L. 221-15 – C. com., art. L. 223-13 et L. 223-14).

On estime parfois (1) que les textes légaux en cause peuvent être mieux
entendus comme visant la date où le bénéficiaire de la clause entend s’en
prévaloir. Quoi qu’il en soit, la loi prévoit des délais tels qu’il s’écoulera peu de
temps entre le décès et l’exercice de cette faculté (v. C. com., art. L. 223-14,
relatif aux SARL et applicable aux sociétés de personnes par interprétation).

Notes
o
(1) M. GRIMALDI, Successions, n  361.

212.34. Nullité des clauses ne garantissant pas à la succession


l’équivalent monétaire des droits sociaux.
La légalisation des clauses qui viennent d’être évoquées reste marquée par
son caractère exceptionnel, eu égard au principe de prohibition des pactes sur
succession future : elles ne peuvent donc être validées que dans la seule mesure
nécessaire à la fin poursuivie, qui est de préserver un certain intuitus personæ
dans les sociétés fondées sur ce caractère. Ainsi, ces clauses ne sauraient
valablement priver la succession de la valeur représentative des droits en cause
(1). Cela explique la jurisprudence qui annule comme pacte sur succession future
les clauses qui, tout en excluant les héritiers de l’associé prémourant de la
société, ne leur garantissent pas un véritable équivalent monétaire.

En ce sens, a été invalidée la clause convenue dans un contrat de société en


participation, par laquelle, au cas de décès de l’un des associés, la totalité de
l’excédent d’actif des biens et intérêts indivis devait être attribuée à l’autre,
moyennant le versement aux héritiers du prémourant d’un prix qui ne
correspondait pas à la valeur des droits du défunt dans la société (2).

Notes
o
(1) M. GRIMALDI, Successions, n  360.
o
(2) Com. 9 janv. 1963, Bull. civ. III, n  30.
212.35. Nullité des conventions extérieures au contrat de société.
Les clauses de continuation entre associés ou d’agrément ne sont valables
qu’autant qu’elles figurent dans les statuts, seule hypothèse que le législateur
ait légitimée. Le principe de prohibition retrouve donc son empire à l’endroit des
conventions qui, hors du pacte social, auraient pour objet d’aménager la
transmission des droits sociaux (1).

Dans cette affaire, avait été conclue une convention par laquelle un fils, qui avait
reçu de son père un bloc d’actions, se reconnaissait débiteur d’un certain capital
et s’engageait à verser au disposant un « intérêt forfaitaire indexé », le
remboursement du capital n’intervenant qu’après la mort du père et en faveur de
son frère pour la moitié seulement, étant par ailleurs prévu qu’en cas de prédécès
du bénéficiaire des actions, celles-ci reviendraient au père. Les actions avaient
été remises dans les mains d’un séquestre pour assurer l’exécution du contrat. À
la demande du père, qui y était partie, les juges ont annulé cette convention, qui
réglait d’avance la dévolution à cause de mort des actions, tant dans la
succession du père que dans celle du fils.

On peut en rapprocher la sévérité manifestée par une cour d’appel dans une
affaire où le père et la mère, après une donation de biens à venir intervenue de
celui-là à celle-ci, avaient donné par préciput à l’un de leurs enfants associé dans
une société de famille la majorité des parts, sous la condition de sa survie :
nullité demandée et obtenue par un frère du donataire, également associé et non
gratifié (2).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 11 mars 1981, n  79-16.831  , Bull. civ. I, n  87; RTD
civ. 1982. 448, note J. Patarin.
(2) V. Paris, 17 mai 1990, JCP N 1991. 129, note conf. Salvage; RTD civ.
1991. 375, obs. crit. J. Patarin  .

212.36. Cas des sociétés anonymes.


Enfin, et bien que certains auteurs pensent le contraire (1), il apparaît que les
clauses statutaires du type de celles qui ont été précédemment répertoriées,
sont interdites en matière de société par actions, étant donné l’article
L. 228-23 du Code de commerce, selon lequel la cession d’actions à un non-
associé peut être soumise à l’agrément de la société par une clause des statuts,
avec la précision que « cette clause est écartée en cas de succession, de
liquidation du régime matrimonial, ou de cession, soit à un conjoint, soit à un
ascendant ou à un descendant ».

Notes
(1) J. Patarin, obs., RTD civ. 1982. 448 – POUR la discussion, M. GRIMALDI,
o
Successions, n  362.

§ 4 - Stipulations contraires aux règles légales définissant les modalités


du rapport des donations
212.41. Validité de la modification conventionnelle des modalités du
rapport.
Du temps où la loi prescrivait de manière principale le rapport en nature, on
s’était interrogé sur les clauses de la donation stipulant un rapport en valeur. La
jurisprudence les valida, estimant qu’elles n’avaient pas pour objet un élément
d’une succession future, puisque le donateur s’était dessaisi définitivement du
bien donné. Mais comme il s’en était dessaisi à charge pour le donataire d’en
verser la valeur dans la succession, on pouvait bien y voir une stipulation sur
succession future. Et l’objection serait encore plus forte aujourd’hui, lorsqu’il
s’agit, par dérogation au principe légal du rapport en valeur, de stipuler un
rapport en nature. Il est vrai qu’à partir du moment où le donateur a licence
d’exclure tout rapport, on doit nécessairement lui laisser la faculté d’en définir les
modalités pour le cas où il en maintiendrait le principe. Aussi bien, la loi permet
expressément, depuis 1938, de déroger par l’acte de donation aux règles fixant
er
les modalités du rapport (v. C. civ., art. 858, al. 1  in fine, et art. 860, al. 3).

Une clause très suspecte serait celle définissant un rapport forfaitaire d’une
valeur manifestement supérieure à celle du bien donné. Cependant, tant
que le donataire a la faculté de rapporter le bien en nature (v. C. civ., art. 859),
on peut admettre que la clause n’est pas excessivement contraignante. Elle
n’encourrait donc la nullité que dans l’hypothèse où lui serait adjointe une
renonciation à la faculté de rapporter en nature (1).

Notes
re
(1) COMP., Civ. 1 , 29 juin 1961, D. 1962. 217, note R. Savatier.

212.42. Cas où la modification résulte d’un acte postérieur à la donation.


On sait que si l’acte de donation est silencieux, le don est rapportable, et en
valeur. Peut-on prévoir par un acte ultérieur une substitution de ce rapport en
valeur par un rapport en nature ? On a parfois soutenu qu’une telle modification,
même convenue entre le donateur et le gratifié, correspondait à un pacte sur
succession future, au motif que l’adoption du rapport en nature équivaut à
renoncer par avance à la dispense partielle de rapport qu’un rapport en valeur
contient toujours de manière virtuelle (l’idée étant que l’on n’est jamais assuré
que le rapport en valeur correspond exactement à l’avantage effectivement
reçu…). On ne peut cependant ignorer que le mode légal de calcul de la valeur
rapportable est censé refléter la réalité économique de la donation. C’est pour
cela que le dernier alinéa de l’article 860 du Code civil, lorsqu’il traite de
l’hypothèse d’écart hors part successorale entre le montant du rapport et la
valeur du don, ne mentionne que les stipulations contraires aux règles légales
d’évaluation (v. C. civ., art. 860, al. 4). Le raisonnement selon lequel la
convention a posteriori de rapport en nature serait un pacte prohibé repose donc
sur des prémisses contestables. Aussi les commentateurs de la réforme de 1971
ont-ils admis la possibilité d’une telle convention (1).

Notes

(1) CATALA, no 47 – PONSARD, no 43.

212.43. Laxisme de la jurisprudence.


Au demeurant, et pour ce qui concerne en général les conventions ante mortem
relatives aux modalités du rapport, la Cour de cassation se montre tolérante. Elle
a ainsi validé une convention passée entre des bénéficiaires de dons manuels aux
termes de laquelle ces dons seraient rapportés à la succession future, affectés
d’un indice à déterminer lors du partage (1).

En l’occurrence, il s’agit de donation de sommes d’argent, et si l’on veut


prévoir une réévaluation, il paraît plus naturel de procéder, non à une
indexation, mais à l’application d’un intérêt (ce qui au moins évite les
difficultés propres au choix de l’indice). Cela invite à s’interroger sur la validité
d’une telle stipulation, qui va être examinée maintenant.

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 18 mai 1994, n  92-11.829  , Bull. civ. I, n  178; D. 1995. Somm.
48, obs. M. Grimaldi  ; RTD civ. 1994. 649, obs. J. Patarin  ; Defrénois 1995,
35996, note M.-C. Forgeard – Cassant Paris, 17 oct. 1991, JCP N 1994. 201, note
Bonnin et Bonduelle.

212.44. Clause de rapport du capital et des intérêts à compter de la


donation.
Aujourd’hui comme jadis, on peut hésiter sur la légalité de la clause par laquelle
l’enfant donataire, s’il veut prendre part à la succession de ses parents, devra
rapporter le capital et les intérêts des biens donnés à compter du jour de la
donation. La tendance des tribunaux est d’annuler une telle stipulation comme
constitutive d’un pacte sur succession future (1). Au terme d’une recherche
d’intention, les juges peuvent estimer que la stipulation en cause avait pour but
de contraindre le donataire à répudier la succession (2). Il est probable que c’est
en tout cas seulement sous l’angle de la prohibition des pactes sur succession
future que la question mérite d’être réglée, car en elle-même, une dérogation à
l’article 856 du Code civil (qui prévoit le rapport des fruits uniquement à compter
du décès du donateur) devrait être possible. Ce texte ne semble pas constituer
une règle d’ordre public, dès lors que la dispense de rapport qu’il institue pour la
période antérieure au décès repose sur une présomption nécessairement
approximative : l’idée est que le donateur, s’il avait conservé le bien, n’eût pas pu
économiser des fruits consacrés à l’entretien, et qu’on n’aurait donc pas retrouvé
ces fruits dans son patrimoine à son décès.

Un critère de validation de la clause de rapport des fruits à compter de la


donation pourrait consister dans le caractère frugifère ou non du bien en
cause : la clause ne devrait pas encourir de suspicion dans le premier cas.

Mais, de manière plus libérale, on peut admettre la validité en toute hypothèse


d’une telle clause, dès lors du moins qu’elle est stipulée dans la donation. Il y
aurait bien davantage matière à hésitation si la clause était stipulée a posteriori
(mais avant le décès). L’arrêt précité du 18 mai 1994 conduit cependant à dire
que les juges valideraient une telle convention, conclue entre tous les héritiers
présomptifs (3).

Notes
(1) T. civ. Montpellier, 2 déc. 1869, DP 1874. 5. 468 – T. civ. Marseille, 17 janv.
1925, RTD civ. 1925. 398.
s t o
(2) T. civ. Montpellier, 2 déc. 1869, préc. s prés n .
re o o
(3) Civ. 1 , 18 mai 1994, n  92-11.829  , Bull. civ. I, n  178; D. 1995. Somm.
48, obs. M. Grimaldi  ; RTD civ. 1994. 649, note J. Patarin  ; Defrénois 1995,
35996, note M.-C. Forgeard; JCP N 1994. 201, note Bonnin et Bonduelle.

212.45. Clause de rapport à la communauté.


L’hypothèse est celle d’une donation conjointe d’un bien de communauté,
consentie par deux époux à un enfant commun. Si les époux ne déclarent pas la
proportion dans laquelle chacun d’eux y contribue, on présume qu’ils font chacun
la donation pour moitié. Il en résulte que dans la liquidation, chacun des époux
doit une récompense égale à la moitié de la donation, et que le rapport doit se
faire pour moitié à la succession de chacun des époux. Mais on trouve parfois une
clause d’imputation de la donation sur la succession du prémourant des
codonateurs, clause qui est susceptible de faire difficulté au regard de la
prohibition des pactes sur succession future. En effet, elle incite le liquidateur à
appliquer l’entier rapport à la succession du prémourant, ce qui d’une certaine
manière conduit à faire rapporter une valeur par anticipation, alors même qu’on
ne sait pas si le gratifié aura la qualité d’héritier dans la succession du survivant
(qui était aussi bien donateur dans l’acte). Il est cependant possible de tenir la
clause pour valable, dès lors qu’elle stipule ou laisse suffisamment entendre que
l’époux qui décède le premier sera réputé seul donateur. Sur la base de cette
fiction, le rapport pourra être effectué en totalité à la succession (qui devra alors
récompense à la communauté).

Sur les conventions ante mortem relatives, non aux modalités du rapport, mais à
s os
son existence même, v. s n  211.64 et 211.82.

§ 5 - Libéralités graduelles


212.51. Qualification en pacte sur succession future et évolution de
l’interdiction.
On appelait naguère substitution fidéicommissaire la disposition par laquelle
l’auteur d’une libéralité grève le gratifié de l’obligation de conserver sa vie durant
les biens remis, pour les transmettre, à son décès, à une seconde personne, déjà
s os
appelée (v. s n  331.10 s.). Depuis la réforme de 2006, on parle de libéralités
graduelles. Une telle stipulation peut aussi bien se rencontrer dans une
donation que dans un legs. Et même dans ce dernier cas le mécanisme revêt un
aspect conventionnel, en ce sens que celui qui accepte le legs grevé de
l’obligation de transmettre s’oblige à respecter celle-ci. Or cet acte
conventionnel prétend organiser la dévolution d’une succession future. En effet,
l’essence de la libéralité graduelle est de régler par avance, pour les biens visés,
la succession du grevé en supprimant la liberté de tester de celui-ci. Le
mécanisme prétend imposer contractuellement un ordre de succéder distinct du
régime légal, et souvent contraire.

Les rédacteurs du Code avaient estimé si inadmissible le système des


substitutions, à cause de l’inaliénabilité qu’il institue, qu’ils l’avaient prohibé de
manière spécifique. Ils en avaient toutefois autorisé limitativement deux types,
mais afin de bien limiter l’inaliénabilité à la fonction qu’ils avaient en vue (la
protection des enfants du prodigue), ils n’avaient autorisé que les
substitutions simples, et non les substitutions graduelles : seule une
génération pouvait être grevée, et seule une génération pouvait être appelée. Le
droit d’instituer une substitution n’appartenait qu’aux père et mère du
grevé, ou à ses frères et sœurs sans enfants, et dans les deux cas
uniquement en faveur des enfants nés ou à naître du grevé et sans
différence entre eux. Au demeurant, la substitution ne pouvait porter que sur
les biens constituant la quotité disponible du grevé.
Cependant les juges sauvaient, par interprétation, un certain nombre de
substitutions prohibées, en affectant de croire que selon la volonté du fondateur,
le grevé restait libre d’aliéner le bien. Dès lors qu’on fait abstraction de
l’inaliénabilité, il est certain que l’effet d’ordo successivus de la disposition se
trouve effacé, ce qui la fait échapper à la qualification de pacte sur succession
future.

En 2006, le législateur a décidé d’admettre assez largement les libéralités


graduelles, spécialement en les ouvrant à toute personne, qu’il existe ou non
un lien de famille entre le disposant, le grevé et l’appelé, et que les
bénéficiaires de la libéralité soient une personne physique ou une
personne morale. Cela suppose toutefois qu’on entre dans un cas de figure
autorisé comme tel par la loi (C. civ., art. 1048 s.), car le principe de prohibition
demeure, formulé à l’article 896 du Code civil selon lequel « la disposition par
laquelle une personne est chargée de conserver et de rendre à un tiers ne produit
d’effet que dans le cas où elle est autorisée par la loi ». Par exemple, une charge
imposée au-delà du premier degré ne serait pas valable (C. civ., art. 1053). De
même, il importe de respecter un certain mode de distribution de la réserve,
même si désormais la substitution n’est plus limitée à la seule quotité disponible
(C. civ., art. 1054). Enfin, l’obligation de conserver les biens doit s’effectuer en
er
nature (C. civ., art. 1049, al. 1 ). Ainsi, une libéralité graduelle qui prévoirait que
le grevé peut disposer des biens sauf à devoir à titre de récompense une certaine
somme d’argent à l’appelé, dépasserait l’autorisation légale et, aujourd’hui
comme hier, tomberait sous le coup de la prohibition des pactes sur succession
future (1).

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 30 oct. 2006, n  04-11.347  , NP.

212.52. Analyse du mécanisme.


La jurisprudence faisait une analyse juridique particulière de la substitution,
lorsqu’elle énonçait que le droit de l’appelé procède directement du disposant, et
non d’une vocation à la succession du grevé, affirmation justifiée selon les arrêts
par le fait que ce n’est pas du chef du grevé que l’appelé reçoit les biens
substitués (1). Cela affaiblissait la vision de pacte sur succession future qu’on
pouvait avoir des substitutions, puisque leur objet semblait dès lors limité au
règlement de la succession du disposant, qui est une succession ouverte. De son
analyse, la jurisprudence avait tiré cette conséquence particulière que les
constitutions d’hypothèque par l’appelé sur les biens grevés, ou les cessions de
créance faisant partie de ces biens, du vivant du grevé, ne devaient pas être
regardées comme un pacte sur succession future (2).

La loi a validé, pour les libéralités graduelles, l’analyse de la jurisprudence


relative aux substitutions, puisque selon l’article 1051 du Code civil « le second
gratifié est réputé tenir ses droits de l’auteur de la libéralité » (pour des
s os
développements complets sur les libéralités graduelles, v. s n  331.70 à
331.175).

Notes
(1) Req. 5 juin 1918, DP 1919. 1. 9 – Civ. 10 juin 1918, DP 1919. 1. 90.

(2) V. AUSSI, Paris, 14 janv. 1926, DP 1928. 2. 9, note Plassard, au sujet d’une
cession globale.

§ 6 - Institutions contractuelles


212.61. Notion et qualification en pacte sur succession future.
L’institution contractuelle est une donation qui a pour objet tout ou partie des
biens que le donateur laissera à son décès. Pour cette raison, on l’appelle
également donation de biens à venir. L’institution contractuelle est un
archétype de pacte sur succession future, puisqu’elle prétend désigner un héritier
par la voie contractuelle. Une telle convention tombe donc sous le coup de la
prohibition des pactes sur succession future.

212.62. Validation légale particulière.


Le législateur a toutefois validé l’institution contractuelle pour des raisons
pratiques lorsqu’elle est stipulée dans un contrat de mariage, en faveur d’un
époux ou des deux (soit qu’elle provienne du conjoint – on parle de donation au
dernier vivant – soit qu’elle provienne d’un tiers – v. C. civ., art. 1082 et 1093).
De même la jurisprudence valide la donation de biens à venir entre époux, faite
durant le mariage – c’est-à-dire précisément hors contrat de mariage –, la
s o
révocabilité essentielle de ce type de donation (v. s n  356.42) permettant
d’écarter l’application de la prohibition.

212.63. Nullité des donations de biens à venir non permises par la loi.
Pour le reste, toute institution contractuelle faite hors contrat de mariage et qui
ne serait pas consentie entre deux époux en cours de mariage, doit être annulée
puisqu’il s’agirait d’un pacte sur succession future non couvert par la dérogation
qui vient d’être évoquée.

En outre, l’acte conclu entre les époux ne peut bénéficier de l’exemption légale
que s’il n’outrepasse pas celle-ci. Par exemple, la jurisprudence annule la clause
de l’institution contractuelle par laquelle l’instituant s’interdirait de disposer à titre
onéreux des biens qui sont l’objet de l’institution : la Cour de cassation y voit une
stipulation sur succession future dépassant l’exception prévue par le législateur
(1).
Notes
(1) Civ. 5 juill. 1928, DP 1929. 1. 43.

212.64. Nullité des pactes portant sur les droits de l’institué.


Il convient aussi d’annuler tout contrat qui, du vivant de l’instituant, aurait pour
objet les droits de l’institué au titre de la donation de biens à venir. Et dans la
même logique, toute renonciation anticipée à une telle donation est nulle comme
constitutive d’un pacte sur succession future (1).

Notes
re o o
(1) Civ. 1 , 16 juill. 1981, n  80-11.285  , Bull. civ. I, n  261; D. 1983. 333,
note M. Grimaldi; RTD civ. 1983. 176, note J. Patarin.

212.65. Validité des donations prenant le décès comme terme suspensif.


Par opposition aux pures donations de biens à venir, serait valable la donation
destinée à prendre seulement effet au décès, si on peut analyser sans hésiter son
mécanisme comme celui d’un terme suspensif (ainsi, un arrêt a validé
l’engagement par lequel, du vivant de son père donateur de la nue-propriété d’un
domaine, le gratifié appelé de ce fait à recueillir l’usufruit au décès, promet de
remettre à son frère la moitié du bien (1)).

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 3 févr. 1969, Bull. civ. I, n  54.

§ 7 - Hypothèque de bien à venir


212.71. Validité conditionnelle d’une hypothèque sur des biens qui
pourraient être recueillis par succession.
Aux termes de l’article 2419 du Code civil, « l’hypothèque ne peut, en principe,
être consentie que sur des immeubles présents ». Du temps du texte antérieur,
l’article 2130, qui était il est vrai plus catégorique, on en déduisait la nullité d’une
constitution d’hypothèque par un héritier présomptif, sur un immeuble compris
dans une succession qu’il espérait recueillir. Certains arrêts avaient souligné qu’il
s’agissait en tout état de cause d’un pacte sur succession future (1). Mais
o
l’article 2420, 1 ajoute : « Celui qui ne possède pas d’immeubles présents et
libres ou qui n’en possède pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance
peut consentir que chacun de ceux qu’il acquerra par la suite sera affecté au
paiement de celle-ci au fur et à mesure de leur acquisition ». Même si les règles
de publicité foncière ne facilitent pas en pratique la mise en place d’une telle
hypothèque, celle-ci reste possible, et constitue au passage une exception à la
prohibition des pactes sur succession future.

En dehors même du cas d’insuffisance visé par la loi, la jurisprudence tend à


tourner le principe interdisant l’hypothèque des biens à venir, en requalifiant
l’acte en promesse d’hypothèque (2). Si toutefois la venue dans le patrimoine du
débiteur du bien à hypothéquer correspondait à une dévolution successorale (ce
qui n’était pas le cas dans l’arrêt de 1987), les juges hésiteraient peut-être
davantage à valider : ce ne serait plus seulement le principe de l’article 2419 qui
serait en cause, mais directement la prohibition des pactes sur succession future.
Toutefois il faut bien admettre qu’à cet égard l’application de la prohibition ne
s’impose peut-être pas aussi évidemment que le pensait jadis la cour de Dijon :
les effets de la convention en cause ne contredisent aucun mécanisme
successoral, puisqu’elle ne restreint pas la liberté du de cujus de disposer de ses
biens, et qu’elle ne contraint pas l’héritier présomptif à accepter la succession.

Notes
(1) Dijon 25 avr. 1855, DP 1855. 2. 218.
e o o
(2) Civ. 3 , 7 janv. 1987, n  85-10.608  , Bull. civ. III, n  4; Defrénois
o
1987. 34120, n  112, note crit. Aynès.

§ 8 - Renonciations et ratifications légalement permises aux cohéritiers


d’un réservataire présomptif
212.81. L’exemption instituée à l’article 918 du Code civil, deuxième
phrase.
L’article 918 du Code civil vise les ventes à charge de rente viagère, et les ventes
avec réserve d’usufruit que le défunt aurait consenties à l’un de ses héritiers
réservataires. Par un souci de combattre des fraudes supposées à la réserve, la
loi déclare que ces actes doivent être traités comme des donations, nonobstant
s os
leur caractère onéreux (sur cette règle, v. s n  264.10 s.). Il existe toutefois un
moyen d’éviter l’application de cette présomption : cela consiste à obtenir le
consentement des co-successibles de l’acheteur. En effet, l’article 918 dispose
que « cette imputation et cette réduction ne peuvent être demandées que par
ceux des autres successibles en ligne directe qui n’ont pas consenti à ces
aliénations ». Il y a bien là pacte sur succession future, autorisé par le législateur
(1).

Notes
re er o o
(1) Civ. 1 , 1  juill. 2009, n  08-12.868  , Bull. civ. I, n  155; RLDC 2009,
o
n  64, p. 57, obs. E. Pouliquen; AJ fam. 2009. 407, obs. F. Bicheron  .

212.82. Caractère limité de l’exemption.


On a dit que l’intervention contractuelle d’un héritier présomptif, destinée à
reconnaître le caractère non libéral d’un acte était valable comme n’étant pas
s o
constitutive d’un tel pacte (v. s n  211.67). Encore s’agissait-il d’interventions
purement déclaratives destinées à faciliter la preuve du caractère non libéral de
l’acte passé. Mais on a alors souligné qu’il y aurait bien pacte sur succession
future à dénier contractuellement tout caractère libéral à un acte constitutif d’une
libéralité, car ce serait renoncer au bénéfice de certaines règles liquidatives,
avant que la succession ne fût ouverte. Or l’article 918 du Code civil, pour les
hypothèses qu’il vise, déclare de manière irréfragable qu’il s’agit de libéralités. La
facilité qu’il institue a contrario dans sa dernière phrase ne peut donc être
analysée que comme un pacte sur succession future exceptionnellement permis.
Par conséquent, cette dérogation doit être conçue restrictivement, et les effets de
la renonciation ne peuvent être étendus au-delà des termes précis dans lesquels
cet acte est conçu : les intervenants peuvent donc toujours critiquer l’acte passé
pour un autre motif (1).

De même, dès lors que l’acte litigieux n’entre pas dans les prévisions de
l’article 918 du Code civil, c’est-à-dire s’il ne constitue, ni une vente avec réserve
d’usufruit, ni une vente moyennant constitution d’une rente viagère, il peut
mériter d’être annulé comme pacte sur succession future (2).

Notes
(1) Rennes, 14 févr. 1901, DP 1903. 2. 441.

(2) Civ. 16 sept. 1940, DH 1940. 173 – RAPPR., Req. 28 oct. 1925, DH


1925. 628.

212.83. Renonciation à l’action en réduction permise ante mortem par


l’article 924-4.
Une disposition du même type que celle de l’article 918, troisième phrase, est
prévue à l’article 924-4, dont l’origine remonte à l’article 930 alinéa 2 qui était
lui-même issu de la réforme de 1971. On a dit précédemment que si la
renonciation à une action en réduction ouverte est possible, une telle renonciation
s
qui interviendrait ante mortem serait un pacte sur succession future prohibé (v. s
o
n  211.64). Or cela pose en pratique le problème suivant : si le donataire
souhaite vendre l’immeuble donné, il risque de ne pas trouver d’acheteur car
celui-ci, lorsqu’il prendra connaissance par l’origine de propriété de la nature du
titre d’acquisition de son vendeur, sera fondé à craindre la menace que fait peser
sur son propre droit le caractère possiblement résolutoire d’une action en
réduction. Pour pallier cet inconvénient, la réforme des liquidations successorales
intervenue en 1971 avait permis de fermer définitivement toute action en
réduction contre l’acheteur : il suffit que le donateur intervienne à l’acte de vente
avec tous les réservataires présomptifs vivant au moment de l’aliénation. La règle
a été maintenue, avec certains éclaircissements, à l’article 924-4, qui dispose
dans son alinéa 2 précisément : « Lorsque, au jour de la donation ou
postérieurement, le donateur et tous les héritiers réservataires présomptifs ont
consenti à l’aliénation du bien donné, aucun héritier réservataire, même né après
que le consentement de tous les héritiers intéressés a été recueilli, ne peut
exercer l’action contre les tiers détenteurs. S’agissant des biens légués, cette
action ne peut plus être exercée lorsque les héritiers réservataires ont consenti à
l’aliénation ». Il y a là sans nul doute un pacte sur succession future, puisqu’il
s’agit d’une renonciation à demander la réduction alors même que la succession
n’est pas ouverte, et c’est bien ainsi que le concevait la jurisprudence antérieure
à 1971 (1). Cette dérogation, peu conforme à la logique juridique habituelle
puisqu’elle consacre la renonciation à une action destinée à protéger un droit qui
n’est pas encore né, a été uniquement dictée par un souci de sécurité des
transactions.

Notes
(1) Req. 15 janv. 1908, DP 1909. 1. 153, note de Loynes.

212.84. Portée de la renonciation permise.


C’est l’occasion de bien circonscrire les limites de cette renonciation : il ne
s’agit pas pour les réservataires intervenants de renoncer à toute réduction. Ils
renoncent certes à agir contre l’acheteur, mais cela ne leur interdira pas
de demander, le cas échéant, la réduction en valeur au donataire. On peut
en déduire qu’une renonciation absolue à l’action en réduction dépasserait les
limites de l’exemption légale, et retomberait sous la prohibition des pactes sur
succession future (sauf à se placer sous les conditions des articles 929 et suivants
du Code civil mais cela vise un autre contexte).

212.85. Possibilité d’une renonciation par acte séparé.


Le pacte sur succession future légalement autorisé par l’article 924-4 pourrait très
bien revêtir une forme isolée : comme la loi ne dit rien du moment exact de cette
renonciation, on peut admettre qu’elle intervienne même après l’aliénation, et
sans forme particulière (1).

Notes
o
(1) A. PONSARD, n  104, p. 139, au sujet de l’ancien art. 930.
212.86. La question de la renonciation anticipée par rapport à
l’aliénation.
L’ancien article 930 alinéa 2 du Code civil prévoyait une renonciation figurant
dans l’acte d’aliénation consenti par le donataire sur le bien donné (ou dans un
s o
acte séparé, mais postérieur – v. s n  212.85). La question s’était posée de
savoir si cette renonciation exceptionnellement autorisée pouvait être
valablement donnée dans un acte antérieur à l’aliénation, c’est-à-dire dans la
donation. On songe en particulier à une clause qui serait incluse dans la donation-
partage, et par laquelle tous les copartagés (en supposant que tous les enfants y
participent) consentiraient par avance aux actes de disposition de chacun sur les
biens compris dans son lot, en précisant que ce consentement vaut renonciation à
poursuivre la réduction contre les ayants cause du disposant. Bien qu’il y eût là
extension d’une exception légale à la prohibition des pactes sur succession future,
un auteur s’était prononcé pour la validation d’une telle clause (1) et il est vrai
que l’admission d’une dérogation anticipée paraissait fidèle à la ratio legis du
texte. La réforme de 2006 dissipe toute équivoque dans le sens de la validation,
puisque l’article 924-4 alinéa 2 évoque un consentement donné « au jour de la
donation ou postérieurement ».

Notes
(1) V. M. Grimaldi, « De la clause stipulée dans une donation-partage pour
protéger les ayants cause des donataires contre les effets de la réduction pour
atteinte à la réserve », Defrénois 1996. 1. 36224.

212.87. La renonciation anticipée des articles 929 et suivants du Code


civil.
Ce nouveau cas – le plus général – de renonciation, a déjà été mentionné au
s o
chapitre 211 (v. s n  211.64). Selon les dispositions de l’article 929 du Code civil,
« tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en
réduction dans une succession non ouverte ». Cette renonciation, établie
uniquement par acte authentique, doit être faite au profit d’une ou de plusieurs
personnes déterminées. Elle peut viser une atteinte portant sur la totalité de la
réserve ou sur une fraction seulement; elle peut également ne viser que la
réduction d’une libéralité portant sur un bien déterminé. Il s’agit
incontestablement d’une atteinte majeure au principe de la prohibition des pactes
sur succession future, dans la mesure où la loi autorise un héritier réservataire,
avant même l’ouverture de la succession, à renoncer partiellement ou
entièrement à l’action en réduction qu’il aurait pu exercer contre les libéralités qui
auraient outrepassé la quotité disponible (rappr. C. civ. art. 1527, al. 3, qui
permet que l’enfant d’un premier lit renonce à l’exercice de l’action en
retranchement). Il convient surtout de renvoyer à l’étude spécifique qui en est
s os
faite ailleurs (v. s n  264.161 à 264.205).

§ 9 - Clause prévue à l’article 1873-13 du Code civil


212.101. Clause d’acquisition ou d’attribution de droits indivis.
Une convention d’indivision peut comprendre une clause ouvrant, au profit des
indivisaires survivants, une faculté d’acquisition à titre onéreux de la part
s os
indivise d’un indivisaire prémourant (sur le mécanisme, v. s n  254.121 s.).
Ce n’est assurément pas une convention de partage, puisque précisément
l’indivision demeure : c’est, en réalité, une véritable promesse de vente
conditionnelle, le prédécès du cédant tenant lieu de condition. Nul doute qu’il y
ait là pacte sur succession future, comme le sont la clause commerciale de
l’article 1390 du Code civil ou les clauses d’attribution aux associés
s o
survivants (v. s n  212.32). À raison de leur utilité, ces clauses d’attribution
aux indivisaires survivants sont autorisées par exception, depuis la réforme de
1976. Le texte de l’article 1873-13 prévoit également la clause d’attribution
privilégiée des droits de l’indivisaire à son conjoint survivant ou à tel de
ses héritiers désigné – toujours moyennant indemnité.

Section 2 - Pactes douteux validés par la jurisprudence


212.110. Subdivisions.
On ne parlera pas ici de la délicate question des promesses post mortem, déjà
s os
examinée (v. s n  211.91 s.). Il reste à évoquer le cas de la clause
d’accroissement ou pacte tontinier (§ 1), et celui de certains actes relatifs à un
règlement successoral futur (§ 2).

§ 1 - Clause d’accroissement


212.111. Description et qualification.
D’une manière générale, la clause d’accroissement se rencontre au cas d’achat
collectif d’un bien, lorsqu’il est stipulé que la propriété se concentrera
sur la tête des survivants au fur et à mesure des décès : le dernier vivant
sera propriétaire pour le tout. Plus fréquemment, c’est à l’occasion de l’achat d’un
logement par deux époux séparés de biens ou deux concubins, pacsés ou non,
que ce type de clause se rencontre aujourd’hui. On lui trouve précisément le
mérite d’assurer les droits du survivant, qui pourra rester dans les lieux à titre de
propriétaire sans rien devoir à la succession du prémourant. Toujours est-il que la
pure clause d’accroissement par laquelle les droits du prémourant viennent,
au jour de son décès, accroître à ceux du survivant, est nulle (1). Sa
qualification en pacte sur succession future ne fait aucun doute, puisque par elle,
on soustrait à la succession du prémourant un droit réel dont il était titulaire de
son vivant, et cela sans la moindre contrepartie.

Notes
(1) Req. 24 janv. 1928, DP 1928. 1. 157; S. 1929. 1. 137, note Vialleton.

212.112. Validité au cas de stipulation de rétroactivité.


Si en revanche, le rédacteur de la clause l’aménage en stipulant une rétroactivité
du droit du survivant, ainsi tenu pour propriétaire de la totalité du bien dès
l’acquisition, il n’y a plus pacte sur succession future (encore qu’on aperçoive
assez mal ce que cela change au fond). C’est ce qu’a décidé la jurisprudence, qui
a ainsi jugé utile de faire échapper à la prohibition la clause d’accroissement –
ou plus exactement la clause de tontine, puisqu’il ne s’agit plus officiellement
d’un mécanisme d’accroissement (1). On a donc mis à profit la fiction de la
rétroactivité pour masquer le fait que le droit en cause a été
conventionnellement soustrait à une succession non ouverte.

Si cependant la clause d’accroissement était stipulée dans un acte postérieur à la


co-acquisition, la stipulation de rétroactivité au jour de ladite acquisition ne
suffirait pas à faire échapper la clause à la nullité des pactes sur succession future
(2) (à l’encontre de cette analyse, des auteurs justifient cependant la validité
d’une telle stipulation a posteriori par une analogie avec celle de la discutable
promesse post mortem (3)).

Notes
o o
(1) Cass., ch. mixte, 27 nov. 1970, n  68-10.452  , Bull. ch. mixte, n  3;
D. 1971. 81, sur concl. contr. Lindon; RTD civ. 1971. 400, obs. R. Savatier; RTD
re
civ. 1971. 620, note Nerson – V. DÉJÀ, Civ. 1 , 3 févr. 1959, JCP 1960.
II. 11823, note Voirin.
(2) Versailles, 4 déc. 1997, RTD civ. 1998. 434, obs. J. Patarin  .
o s
(3) J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker, JCP 003. I. 134, n  11, s  Chambéry,
18 juin 2002.

§ 2 - Actes variés concernant un règlement successoral futur


212.121. Rapport de dette à la première succession ouverte des époux
créanciers communs en biens.
La jurisprudence a validé la clause par laquelle une mère a imposé à son enfant
de rapporter à sa succession les sommes que la communauté lui avait avancées
pour payer ses dettes, bien que la succession du père ne fût pas encore ouverte.
On pouvait soutenir qu’en imposant un rapport total de la dette dès la première
succession, la stipulante avait anticipé sur le règlement de l’hérédité future du
mari. Mais la Cour de cassation a estimé que la créance de la communauté était
un droit actuel contre l’enfant, indépendant du parti successoral qu’il pourrait
prendre au jour du décès de son père (1). Apparemment la solution est juste,
puisqu’il s’agit de rapporter une dette, et que la communauté créancière se
trouvait dissoute au premier décès. Néanmoins, la communauté ne constitue pas
une personne distincte, et le rapport de dette dépend bien de la qualité d’héritier,
qui par définition n’était pas encore acquise à l’égard du père survivant.

Notes
(1) Req. 29 juin 1910, DP 1911. 1. 49, note H. Capitant.

212.122. Stipulation conventionnelle d’attribution prolongeant la


reconnaissance d’un droit de jouissance causé de manière onéreuse.
Les juges ont validé l’acte par lequel une femme, à la suite d’avances consenties
pour la construction d’un immeuble, a abandonné sa vie durant, à sa fille et à son
gendre, tant en son nom qu’en celui de son mari incapable, la jouissance gratuite
de cet immeuble dépendant de la communauté, avec stipulation qu’à sa mort
l’immeuble reviendrait à sa fille. À l’issue d’une recherche de volonté, les juges
ont retenu que l’acte avait seulement pour effet d’accorder aux enfants le droit
d’habiter l’immeuble en contrepartie des avances consenties (1).

Notes
re o
(1) Civ. 1 , 8 oct. 1958, Bull. civ. I, n  416.

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