Ch23 COCotedIvoire MKB
Ch23 COCotedIvoire MKB
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Chapter 23 of volume 2
1. Introduction...............................................................................................................................1
3.1 Investissement......................................................................................................................17
6. Conclusions..............................................................................................................................61
Références bibliographiques........................................................................................................67
Tableaux.........................................................................................................................................73
Cote d’Ivoire Chapter 23
l’origine : 1975-85
1. Introduction
Bien que l’Afrique noire soit « mal partie », la Côte d’Ivoire semble plus brillante que la plupart
des pays de l’Afrique subsaharienne ayant opté pour « la voie du socialisme du développement »
ou « le socialisme africain ». En effet, cité en exemple en Afrique de l’Ouest, le modèle ivoirien
de libéralisme ouvert sur l’extérieur avec une intervention forte de l’Etat a permis à ce pays de
réaliser une croissance économique remarquable durant les deux premières décennies de
l’indépendance. Quelles sont les raisons de cette croissance extraordinaire? Les options de la
succès?
Ces interrogations sont fondées dans la mesure où malgré des options libérales analogues
le Nigeria n’a pas connu de « miracle » ; la stagnation enregistrée par ce pays et par le Ghana a
été l’origine de leur instabilité politique. La forte croissance du PIB (taux de croissance annuel de
7% durant vingt ans) qualifiée de « miracle ivoirien » résulterait d’une utilisation extensive des
terres et d’un apport massif de facteurs de production étrangers (main-d’œuvre immigrée, cadres
des trente dernières années. L’accent mis par l’Etat sur les infrastructures et la formation du
En raison de sa grande vulnérabilité aux chocs extérieurs, aggravée par des erreurs de
politique économique (surendettement consécutif aux boums des cours du café et du cacao), le
modèle ivoirien a engendré de graves déséquilibres économiques et financiers qui ont atteint leur
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 2
paroxysme au cours des années 1980 et au début des années 1990. En effet, après une vingtaine
d’années (de 1960 à 1980) de « miracle ivoirien », la Côte d’Ivoire a connu plusieurs années
dégradés.
Pour faire face à cette situation, le Gouvernement avec l’appui du FMI, de la Banque
d’ajustement dont l’objectif essentiel était de réduire les déséquilibres internes et externes, de
L’application de ces programmes a donné des résultats mitigés puisqu’on a enregistré une
stagnation, voire une crise de 13 années (1980-1993). Agenor et Montiel (1998)1 expliquent en
partie, la médiocrité des résultats enregistrés par des facteurs institutionnels et politiques mal pris
Comme en gros l’ajustement est à refaire2, la dévaluation du franc CFA en 1994 a permis
à la Côte d’Ivoire de retrouver le chemin de la croissance mettant ainsi fin à la morosité des
années précédentes. Le cycle de la croissance retrouvé a été interrompu par le coup d’Etat
militaire de 1999 puisqu’en 2000, le taux de croissance a été à nouveau négatif (-2%).
seconde a été marquée par une crise profonde qui a duré de 1981 à 1993 ; la troisième (1994-
Cette périodisation de l’analyse est nécessaire pour mettre en évidence à la fois les
1
Cités par Philippe Hugon (1999), p. 75.
2
Cf. Azam et Morrison (1994)
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 3
transformation en profondeur de l’économie. Autrement dit, quelle est la part des composantes
Quelle que soit la préoccupation, une réflexion sur la croissance économique ivoirienne
présente un grand intérêt dans la mesure où elle va mettre en évidence les mécanismes du
« miracle ivoirien » ; par ailleurs, elle permettra de comprendre les divergences de croissance
entre la Côte d’Ivoire et certains pays africains d’une part et entre ce pays et d’autres pays
C’est ainsi que les nombreuses publications sur le modèle ivoirien3 s’inscrivent dans cette
perspective. Même qualifiée de « croissance sans développement », Samir Amin (1967) estime
toutefois que « nul, parmi ceux qui s’intéressent à l’avenir du continent, n’a le droit d’ignorer
cette expérience ». Justement pour la comprendre, cette contribution se propose d’une part,
3
Parmi les travaux anciens, on peut citer celui de Samir Amin en 1967 sur « le développement du capitalisme en
l’étude de l’OCDE sur la faisabilité politique de l’ajustement en Côte d’Ivoire de Azam et Morrisson en
1994 ;
l’ouvrage collectif sur « le modèle ivoirien en questions » de Bernard Contamin et de Harris Memel-Fote
ivoirienne » en 1996.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 4
d’autre part, de mettre en évidence le rôle des principaux acteurs de cette croissance ainsi que les
phases contrastées d’évolution : forte croissance, stagnation, régression. Dans cette section et
celle qui suit, nous synthetisons cette phase de la croissance et analysons ses principaux
determinants.
Malgré les difficultés à établir une périodisation du processus de développement d’un pays, il
importe cependant de distinguer les différentes étapes de sa croissance économique afin de mieux
la trajectoire de sa croissance de 1960 à 2000, on peut retenir trois étapes majeures de son
évolution : une première allant de l’indépendance à 1978 ; une seconde couvrant la période se
situant entre 1979 et 1993 et la troisième, de 1994 à 2000. Schématiquement, ces différentes
étapes s’étalant sur quatre décennies correspondent à deux grandes périodes : la période du
préciser que les bases du « miracle ivoirien » observé lors des quinze premières années de
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 5
l’indépendance proviendraient des progrès accomplis à la fin des années quarante et plus
cadre des régions de colonisation française est sans doute la première étape de son évolution
production était destinée aux marchés extérieurs. Dans un tel système productif excluant de fait
une industrialisation tournée vers le marché extérieur, l’agriculture d’exportation a joué un rôle
déterminant grâce aux cultures de café, de cacao, de bananes et d’ananas ; l’exportation du bois a
Ces produits d’exportation ont permis à la Côte d’Ivoire de réaliser une croissance globale
extrêmement rapide à partir des années 1940. Le taux de croissance a été particulièrement élevé
entre 1950 et 1960 : 19.5% selon une étude de la SEDES4, entre 7 et 8% selon Samir Amin.
Les raisons de cette croissance extraordinaire sont multiples. On note tout d’abord, le
étrangère.
En effet, l’extension des superficies des plantations a permis au pays d’accroître ses
grandes productions d’exportation (café, cacao, bananes, ananas) ; combinée à cette agriculture
valeur a bénéficié d’un apport considérable de la main-d’œuvre étrangère fournie par le SIAMO
4
Citée par Samin Amin (1967).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 6
administratif du travail forcé. Cette population immigrée suscitée par l’économie de plantation a
considérablement augmenté dans la mesure où sa proportion est passée de 15% en 1950 à 45% en
1965.
d’investissements effectué par les secteurs public et privé. Les investissements publics estimés à
90 milliards sur la période 1950-1960, ont joué un rôle moteur particulièrement dans la mise en
respectivement reçu 40 et 38% des investissements publics. En revanche, seulement 12% des
plantation.
Quant aux investissements privés, évalués à 85 milliards sur la période 1950-60, ils ont
été essentiellement affectés aux Transports (35.3%) et au Logement (31.7%). Leur rôle dans le
en accroissement puisqu’il est passé de 14.7% du PIB en 1950 à 16.4% en 1960 ; pour cette
des entreprises. Il a résulté de cette contribution locale, une réduction de la part du financement
externe qui a progressivement diminué puisqu’on est passé de 47.3% en 1950 à 23.85% en 1960.5
5
Cf. Samir Amin (1967), p. 310.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 7
Il convient aussi de noter que la Côte d’Ivoire n’a pas connu de difficultés de paiements
extérieurs durant cette période. La croissance de son commerce extérieur qui lui a permis de faire
l’accroissement des exportations dont la proportion était en augmentation dans le PIB : de 24%
en 1950, celle-ci est passée à 28% en 1960. Par contre, la valeur des importations de ce pays était
constante et représentait environ 85% de ses exportations, ce qui traduit l’excédent de sa balance
commerciale dont la proportion dans la production intérieure brute s’est accrue durant cette
La période de la croissance économique allant de 1960 à 1980 a connu deux étapes : la première
durant la seconde étape (1971-1980), l’économie ivoirienne confrontée à des difficultés, s’est
taux de croissance annuel moyen de 8%, engendrant ainsi un accroissement de 4.3% du revenu
développement reposant sur le libéralisme économique et l’ouverture de son économie dans tous
Optant pour une croissance extravertie et rapide, fondée sur l’agriculture d’exportation et
l’industrie d’import-substitution, les autorités ivoiriennes ont misé tout au long de cette période,
sur la liberté de mouvement des biens, des capitaux et des hommes. C’est ainsi qu’on a assisté à
des entrées massives de capitaux privés en provenance des pays industrialisés, notamment de la
France. L’appartenance de la Côte d’Ivoire à la zone franc a facilité cet afflux de capitaux compte
d’une planification libérale de l’Etat qui a défini les grandes orientations et a assuré le
développement des infrastructures économiques et sociales. En effet, grâce aux surplus prélevés
sur l’agriculture d’exportation, l’Etat a fait un effort soutenu d’investissement en capital humain,
Par le biais de ses entreprises publiques, l’Etat s’est également impliqué dans le système
remarquable. Malgré l’accumulation de type extensif réalisée grâce à cette politique agricole, la
participation du secteur primaire dans le produit global est en baisse dans la mesure où elle est
passée de 46.8% en 1960 à 28.9% en 1974. En revanche, le secteur industriel a connu une
croissance spectaculaire, avec un taux de croissance de 14.4% sur la période grâce à un ensemble
de politiques implicites et explicites émanant des organismes étatiques et une intervention directe
6
Cf. Azam et Morrisson (1994), p.27.
7
Cf. Ikonicoff (1983) pour plus de détails sur le rôle de l’Etat dans la politique d’investissement industriel.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 9
été possible grâce à la stratégie de développement axée sur le recours des facteurs de production
par l’Etat aux fins de réaliser des investissements d’infrastructure et dans le système productif des
secteurs agricole et industriel. Au cours de cette période, qualifiée d’« âge de l’ouverture », l’Etat
et le secteur public ont joué un rôle important malgré l’option libérale de l’économie.
De 1975 à 1980: le boom des cours des matières premières et le surinvestissement public
Les chocs externes subis par la Côte d’Ivoire pendant le quinquennat sont à l’origine du
dépassement des directives du plan 1976-1980. En effet, les cours mondiaux du cacao et du café
ont respectivement triplé et quadruplé dans les années 1975-1977 consécutivement à la gelée de
Victime de l’euphorie incontrôlée due à la flambée des cours du café et du cacao qui a
permis à la Côte d’Ivoire d’obtenir des recettes sans précédent, des investissements importants
volume des investissements publics représentait 3.2 fois celui de 1975 ; sa part dans le PIB
s’élevait à 21%. Pendant le choc pétrolier, les investissements publics représentaient plus de 70%
du volume total des investissements. Les données indiquent aussi que, les investissements publics
ont été financés essentiellement par les emprunts extérieurs. Selon le rapport du FMI, en 1979, la
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 10
dette effective pour les prêts déboursés à la Côte d’Ivoire s’élevait à 3 786 millions de dollars et
le service annuel de cette dette représentait 16.6% de ses recettes annuelles d’exportation contre
La brièveté de la période des cours élevés du café et du cacao et leur chute brutale n’a pas
budgétaire extérieur de plus en plus croissant. C’est ainsi que de 1975 à 1979, la dette publique
ivoirienne a triplé puisqu’elle est passée de 326.8 milliards en 1975 à 1064.6 en 1979 ; il en est de
même du service de la dette qui est passé de 7% des exportations au cours de la période 1975-
Cet endettement accru s’est accompagné d’un flux de capitaux privés en sens inverse,
amplifiant les effets de l’augmentation du service de la dette. Les raisons de la sortie des capitaux
sont multiples : selon Ghanem (1990)8, elle s’explique par la répression financière dont souffrent
les banques de Côte d’Ivoire du fait de leur appartenance à la zone franc. Les experts de la
banque mondiale et du FMI estiment que la fuite des capitaux est le fait des expatriés qui
rapatrient leur argent. Selon Duruflé (1988) et Leconte (1989)9, les élites ivoiriennes et les
Quelle que soit l’origine de la fuite des capitaux, la Côte d’ivoire aborde les années 1980
surendettée, avec une balance des paiements et des finances profondément déséquilibrées ; en
8
Cité par D. Cogneau et S. Mesple-Somps (1999).
9
Cité par D. Cogneau et S. Mesple-Somps (1999).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 11
En proie à une crise profonde, l’économie ivoirienne a enregistré deux ajustements majeurs :
l’ajustement réel de 1981 à 1993 qui s’est traduite par la mise en œuvre des programmes
dévaluation du franc CFA décidée en commun accord avec les autres membres de la zone franc le
12 janvier 1994.
paiements et des finances publiques. Pour faire face à cette situation, le Gouvernement avec
œuvre des programmes d’ajustement dont l’objectif essentiel était de réduire les déséquilibres
internes et externes, de créer les conditions de la relance et d’assurer une croissance saine et
durable.
la période 1991-1993 fut lancé ; son objectif était de restructurer le secteur financier (PASFI), de
On peut distinguer trois (3) périodes dans l’ajustement mis en œuvre au cours de la décennie de
1981 à 1990 par la Côte d’Ivoire : l’effort sur les finances publiques de la période 1981-1983, le
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 12
La préoccupation majeure durant ce premier programme d’ajustement structurel est de réduire les
dépenses publiques. Parallèlement à la réduction des dépenses publiques, des mesures sont prises
Selon Azam et Morrisson (1994), les mesures les plus spectaculaires du premier PAS sont
celles qui concernent les entreprises publiques. Pour preuve 25 sur 32 ont été touchées par des
mesures de réorganisation. En outre, dix (10) entreprises publiques ont été dissoutes ou
démantelées ; onze (11) placées sous le contrôle direct de l’Etat et quatre (4) privatisées. Au
cours de cette période, l’Etat a conservé 200 entreprises à l’issue des restructurations ; parmi
celles-ci, on compte 140 sociétés d’économie mixte. Par ailleurs, d’importantes réductions de
Malgré toutes ces mesures prises au cours de la période 1981-1983, la tension sur les
finances publiques a persisté. Le déficit du secteur public consolidé est passé de 12.2% du PIB en
1980 à 11.7% en 1983 ; les intérêts sur la dette sont passés de 3.2% du PIB en 1980 à 8.2% en
1983.
Durant cette seconde étape de l’ajustement structurel, l’objectif est également la réduction des
déficits publics. Les mesures prises lors de ce second programme, sont récessionnistes dans la
antérieurement à 13.5% du PIB est passé à 8% en 1984, pour tomber à 6.2% en 1986. Pour les
deux premières années de cette deuxième phase de l’ajustement, les dépenses publiques qui
L’amélioration impressionnante des comptes du secteur public dès 1984 s’est traduite par
une réduction importante du déficit de ce secteur : 1.7% du PIB en 1984 contre 11.7% en 1983.
cette amélioration s’explique à la fois par la réduction des dépenses publiques, la hausse des
surplus des entreprises publiques et surtout par les prélèvements de la CSSPPA (Caisse de
Stabilisation et de Soutien des Prix des Productions Agricoles) qui passe de 3.7% du PIB en 1983
on a enregistré une remontée non négligeable des cours du café et du cacao sur les marchés
mondiaux.
La chute des cours du café et du cacao à la fin de 1986, a interrompu à la reprise fragile de
l’économie ivoirienne. Le marasme qui s’en est suivi, a fait perdre le bénéfice des mesures prises
pour rééquilibrer les finances publiques. Ce qui a nécessité un nouveau besoin d’ajustement
Durant cette période, il s’est opéré un changement de stratégie correspondant à deux phases. Au
cours de la première (1987-1988), les mesures prises antérieurement ont été renforcées. Durant la
deuxième phase qui couvre la fin de 1988 et le milieu de l’année 1990, il s’est opéré un
des finances publiques et d’engager des réformes de structures avec une vision de la reprise de la
croissance à moyen terme exprimée dans le programme négocié avec le FMI en 1989.
En juin 1990, le programme a été remodelé avec un objectif de finances publiques et des
Cela s’est traduit par une croissance nulle (en 1991) ou négative (1992 et 1993) de l’économie.
Selon le Tableau 2, durant cette période, la part relative des différents secteurs dans le PIB
est demeurée la même : 33% pour le secteur primaire, 20% pour le secteur secondaire et environ
45% pour le secteur tertiaire. En revanche, la contribution des secteurs à la croissance est
contrastée : pendant que l’apport des secteurs primaire et tertiaire est négatif en 1993, la
financière entrepris par le gouvernement qui prévoit une compression des dépenses publiques.
Parallèlement, des réformes structurelles sont mises en œuvre en vue de restructurer le secteur
Après l’essor remarquable des années 1994-1997 consécutif à l’ajustement monétaire, il a été
2000.
Après treize ans de crise, l’économie ivoirienne connaît depuis 1994, une phase d’expansion.
Celle-ci s’est traduite par une hausse de 2% en terme réel du PIB en 1994 contre une baisse
moyenne de 1% entre 1987 et 1993 (-0.4% en 1993). La croissance économique amorcée en 1994
s’est poursuivie et a été supérieure à celle de la population dont le taux de croissance est de 3.8%
par an en moyenne. En conséquence, le PIB par tête s’est accru puisqu’il est passé de 223 400 F
La reprise de la croissance économique durant cette période s’est effectuée dans un cadre
En effet, après la dévaluation, l’inflation a été bien contrôlée, dans la mesure où son
niveau (32.5%) qui est inférieur à ce qui a été prévu par le FMI (35%) a considérablement chuté
sensible des exportations et à un redressement des importations. Le solde des échanges extérieurs
a dégagé un excédent commercial de 949.33 milliards en 1996 contre 211.9 milliards en 1993.
Grâce à la reprise des exportations et reflux massif des capitaux privés et publics, les principaux
L’amélioration des recettes de l’Etat et les efforts de maîtrise des dépenses publiques ont
permis de dégager un solde primaire positif : de –95.1 milliards en 1993, on est passé à un solde
primaire positif de 58.9 milliards en 1994, 158.9 milliards en 1995 et 209 milliards en 1996.
remboursement des dettes intérieures et de faire face aux échéances de sa dette extérieure.
De 1994 à 1997, on note aussi que les investissements privés se sont accru puisque de
Pour poursuivre les résultats satisfaisants obtenus lors des trois premières années de la
dévaluation (1994-1996), un vaste programme pour la période 1998-2000 a été mis en œuvre par
l’Etat de la sphère des activités productives. Par ailleurs, il est envisagé de continuer les réformes
marché du travail.
La théorie économique et les études empiriques ont bien établi que le taux de croissance potentiel
3.1 Investissement
Pour expliquer les divergences de taux de croissance du PIB entre différents pays, les théories de
Au cours de la première décennie (1960-1978), le capital par tête a été très élevé
financées en partie par la rente du cacao et café ; Berthelemy et Soderling (1999)10, l’ont estimé à
8% au cours de cette période. En effet, au cours de la décennie 1970, les investissements publics
considérablement chuté durant la décennie 1980 : 10% du PIB en 1983, 4% en 1987 et 2.8% en
10
Cités par D. Cogneau et S. Mesple-Somps (1999).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 18
1991. Sur la recommandation de la Banque Mondiale, ceux-ci sont réorientés vers les secteurs
Outre la chute des investissements publics, on note une faiblesse chronique des
investissements privés ; ceux-ci ont toujours été faibles même pendant la décennie du « miracle
ivoirien » où ils n’ont pu excéder 18% du PIB. Depuis les années 1970, ils n’ont cessé de
investissements privés et la difficile mobilisation des ressources internes pour le financement des
investissements privés.
A l’opposé des pays émergents où les investissements étrangers représentent plus de 40%
des investissements privés, les flux financiers privés en provenance de l’étranger vers la Côte
d’Ivoire demeurent encore très insuffisants dans la mesure où la part dans le total des
La faiblesse du taux d’épargne s’explique aussi par les difficultés rencontrées dans le
financement des investissements privés. Elle résulte d’une part, du rapatriement des revenus de la
main-d’œuvre immigrée et celui des bénéfices des entreprises et d’autre part, des importants
spectaculaire. Le niveau moyen de l’investissement est passé de 205 à 672 milliards de F CFA de
doublé sur la même période. Ce gain de 7.5 points en l’espace de quatre ans, s’explique
11
Cf. Ministère de l’Economie et des Finances (1998), p. 30.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 19
moyenne de l’Afrique sub-saharienne et se situe très en dessous de la moyenne des pays à revenu
faible ou intermédiaire.12
Plusieurs méthodes ont été utilisées pour déterminer les sources de la croissance économique et
variables dans le temps et dans l’espace ; on note par exemple qu’en 1996, Collins et Bosworth
(1996) ont, à partir des données de panel rassemblées dans 88 pays en développement dont
Douglas pour déterminer la contribution du capital physique par tête, de l’éducation par
12
Cf. D. Cogneau et S. Mesple-Somps (1999), p. 28.
13
Les résultats du modèle de Solow augmenté ne seront pas exposés parce que la variable capital humain, élément
spécifique de ce modèle par rapport au modèle de base de Solow, n’a pas été prise en compte.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 20
Pour la Côte d’Ivoire, les résultats de cette estimation contenus dans le Tableau 3
On note tout d’abord que, sur la période 1960-89, le taux de croissance annuel moyen du
PIB par tête de la Côte d’Ivoire est supérieur à celui de l’ensemble des pays d’Afrique
subsaharienne puisqu’il est de l’ordre de 1.82%. A l’instar des autres pays africains, le taux de
croissance du capital physique par tête est plus élevé que celui de l’accumulation du capital
facteurs est positif. Ces résultats signifient que tous les facteurs primaires de production ont
par un important investissement public réalisé et par un apport massif de capitaux étrangers.
Ces résultats globaux positifs supérieurs à ceux des autres pays africains masquent
croissance économique. C’est ainsi que le taux de croissance annuel moyen du PIB par tête a été
l’économie a connu un ajustement réel qui s’est traduit par la mise en œuvre des programmes
Cette croissance négative du PIB par tête résulte de la chute du capital physique par tête et
productivité globale des facteurs est imputable au capital, facteur utilisé en proportion plus
importante. En effet, alors que la productivité du travail s’est améliorée respectivement de 0.35 et
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 21
0.38% au cours des périodes 1980-1984 et 1985-1989, celle du capital s’est dégradée fortement
Des études indiquent aussi que la contribution des secteurs à la croissance n’est pas la même et
Selon Diop-Boaré (1994), la Côte d’Ivoire est l’un des pays africains qui a bâti sa croissance
économique à partir de son potentiel agricole. En effet, sa production agricole a enregistré durant
la période 1960-1990, une croissance moyenne de 3% avec des pics de 5% en moyenne durant le
boom du café et cacao (1975-1980). Les taux de croissance les plus élevés ont été enregistrés
décennie (1970-1980), les cultures de diversification ont joué un rôle déterminant dans la
30% durant la période 1965-1990.14 Selon les estimations de Kouadio Yao (1993), la contribution
de l’agriculture à la croissance globale a été de 45% sur la période 1966-1990 (cf. Tableau 4).
14
Cf. Diop-Boare (1994), p. 4.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 22
l’intervention massive de l’Etat dans ce secteur. Les axes de cette intervention sont nombreux et
multiformes : l’Etat agit simultanément par le biais de la politique des prix agricoles, de la
paysans.
L’étude de Diop-Boaré (1994) indique que l’intervention de l’Etat par le biais des
politiques de financement et d’investissements publics, n’a pas donné des résultats satisfaisants
dans la mesure où, ayant privilégié essentiellement trois cultures (café, cacao, et coton) qui ont
absorbé plus de 80% du crédit formel, elle a contribué de façon marginale à la croissance
agricole.
croissance du PIB agricole évolue différemment en fonction des interventions de l’Etat sur les
prix agricoles. Il est plus important lorsque ces interventions protègent les producteurs et moins
A partir d’un test non paramétrique et d’un modèle d’estimation par la méthode des
moindres carrés simples, l’auteur analyse la relation entre le taux de croissance économique et les
différentes mesures d’intervention (taux de protection nominal direct, taux de protection nominal
Il ressort de l’application du test non paramétrique que le taux de croissance du PIB réel
est faible pendant les années où les taxations directe et indirecte15 sont extrêmes (au-dessus de la
15
La taxation directe ou indirecte est dite forte lorsque le taux de protection nominale total est supérieur à la taxation
moyenne) ; en revanche, une accélération de la croissance est observée pendant les années où les
taxations directe et indirecte sont faibles (en dessous de la moyenne). Ce test indique aussi que
les taxations directe et indirecte avaient été nuisibles à la croissance économique avec une
L’auteur note toutefois que le test de la méthode des moindres carrés simples n’a pas
donné des résultats satisfaisants dans la mesure où la relation entre la taxation totale et la
Selon Koné Solomane (1994), la politique industrielle de la Côte d’Ivoire a connu quatre phases.
domestique. La seconde décennie (1971-1980) qui coïncide avec la seconde étape du processus
promotion des exportations industrielles avec un rôle très actif de l’Etat. Les réformes
industrielles caractérisent la troisième étape (1981-1986) qui se situe dans la période de mise en
de 30%.16
décennies, avant sa stagnation durant les années 1980, a été suscitée essentiellement par la
demande intérieure qui s’est particulièrement accrue pendant le boom café-cacao (1975-1980). Il
16
Cf. Pegatienan (1994).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 24
souligne en outre que, la croissance industrielle ne s’est pas accompagnée d’un changement
industrielles.
Des études ont été faites pour mettre en évidence les déterminants des exportations des
produits industriels en Côte d’Ivoire ; il s’agit notamment de celles de De Vreyer et al. (1990), de
M’Bet A. (1991) et de Koné (1993).17 La principale conclusion de l’étude de Newman et al. est
que les exportations des entreprises manufacturières en Côte d’Ivoire sont affectées positivement
par les prix à l’exportation ; en revanche, les prix à l’importation ont un impact négatif sur les
exportations des produits industriels. Cette étude indique aussi qu’une augmentation du coût du
travail entraîne une réduction du travail dans l’offre des exportations industrielles.
Au cours des premières décennies, la croissance du PIB du secteur tertiaire a été remarquable :
aux cours des plans quinquennaux 65-70, 70-75, et 75-80, les taux de croissance annuelle ont été
respectivement de 7.9%, 7.2% et 7.8%. La part de ce secteur dans le PIB durant ces périodes était
d’environ 45%.18
De 1990 à 1997, la part du secteur tertiaire dans le PIB réel se situe autour de 47%. Ce
secteur qui est dominé par le commerce et le transport, a contribué de plus de 85% à la croissance
17
Ces auteurs ont été cités par Kone (1994), p.43.
18
Ministère du Plan et de l’Industrie (1981).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 25
la forte reprise des services de transport consécutive à l’essor des secteurs de production ont été
En 2000, le secteur tertiaire va connaître un recul de 7.8% qui touche toutes les branches :
-3.8% pour les Transports ; -8.1% pour le Commerce et –7.7% pour les Services.19
rôle des différents acteurs, du fonctionnement des marchés des produits et des facteurs et des
Malgré sa délégitimation au cours des deux dernières décennies, l’Etat (4.1.1) continue
modèle qui a accordé une place de choix aux facteurs étrangers (main-d’œuvre et capitaux)
(4.1.2), repose sur une économie de plantation animée par une « bourgeoisie de planteurs » et des
19
Cf. Ministère de l’Economie et des Finances (2001), p. 3.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 26
Le « miracle ivoirien » des décennies 60 et 70 est en partie, l’œuvre de l’Etat ivoirien dont
l’accession à l’indépendance et d’autre part, par la prise en compte d’une rentabilité sociale qui
effet, par le biais de ses entreprises, il avait la main mise sur l’organisation et le fonctionnement
contradictoire avec son option du libéralisme, a été décisif dans la mise en place d’une agro-
aucune participation dans la production des biens agro-alimentaires ; les entreprises qui
produisaient ces biens étaient sous le contrôle exclusif des capitaux français. Durant la décennie
60, l’Etat a favorisé la croissance des activités agro-alimentaires en suscitant les investissements
la stabilité politique dans un continent régulièrement bouleversé par des changements de régime,
etc.) et des structures de promotion industrielle telles que BDI (Bureau de Développement
20
Depuis le 24 décembre 1999, la Côte d’Ivoire ne fait plus exception à la règle.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 27
Financement).
Pour intervenir directement dans le développement industriel, l’Etat a créé en 1962 le FNI
l’Etat s’est traduite par la création d’autres sociétés d’Etat et des Sociétés d’Economie mixte avec
la participation étrangère ; ce qui lui a permis d’être présent dans tous les secteurs d’activités.
Dans le secteur primaire, il a créé des Sociétés d’Etat liées aux principales cultures
agricoles : SATMACI pour le café/cacao, SODEPALM pour le palmier à huile, SODERIZ pour
le riz, SODESUCRE pour le sucre, etc. Son association avec le capital privé qui s’est traduite par
la création des Sociétés d’Economie Mixte, lui a permis d’être présent dans toutes les branches
industrielles. C’est ainsi qu’en 1974, sa participation couvrait 23% du capital social de
secteur tertiaire, par la présence de plusieurs entreprises publiques dans tous les domaines :
La présence de l’Etat tout azimut lui a permis d’avoir une position dominante dans le
système productif jusqu’en 1979 puisqu’il détenait 50% du capital de l’ensemble des entreprises
du secteur moderne. Sa présence est aussi particulièrement forte dans les services qui
regroupaient plus de 60% des entreprises recensées par le Contrôle de l’Etat en 1977.
L’Etat a aussi joué un rôle déterminant dans la croissance économique en mettant en place
économique des années 1960 n’a pu se faire sans que le système des transports et de
Par ailleurs, l’Etat a accordé la priorité aux infrastructures sanitaires en investissant 12%
de son budget général de 1960 à 1970 ; en ce qui concerne son appareil éducatif, il a englouti
Malgré les progrès réalisés par la Côte d’Ivoire grâce à l’Etat, son interventionnisme est
remis en cause à partir de 1980. En effet, les déséquilibres financiers internes et externes
enregistrés à la fin des années 1970 ont été attribués en partie à la montée en puissance de
minimale en jouant un rôle second dans le processus de production. Selon Contamin et Faure
(1990), la réforme des entreprises publiques de 1980 s’est inscrite dans cette « purge libérale »
Les raisons d’une telle décision sont multiples ; on note toutefois qu’il est reproché aux
entreprises publiques de subir un environnement défavorable à leur rôle moteur dans le processus
leur imposent une multitude d’objectifs et d’obligations parfois contradictoires. Leur système de
« démantèlement » de l’Etat a rencontré de nombreuses difficultés dont les principales sont sans
entrepreneuriale ». Or, bien que la priorité soit donnée aux opérateurs ivoiriens, il semble que les
21
Cf. Kouadio Benie Marcel (1991), pp. 453-454.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 29
partenaires étrangers aient joué un rôle important au cours de la première vague de privatisation.
Ces repreneurs étrangers ont été plus présents dans les entreprises publiques de monopole.22
consolidation de l’Etat puisqu’il a réalisé jusqu’à fin 1992, plus de 65% des investissements
productifs.
Selon Tapinos, Hugon et Vimard (2002), trois facteurs expliquent la présence étrangère en Côte
d’Ivoire : l’histoire de la nation ivoirienne, les options politiques de ses dirigeants et son modèle
de développement. Ces étrangers ont apporté leur force de travail, leur savoir-faire et leurs
capitaux.
L’immigration étrangère en Côte d’Ivoire qui n’est pas un phénomène récent, a joué un rôle
déterminant dans l’économie de plantation. En effet, la mise en valeur extrêmement rapide des
l’implantation d’un ensemble d’industries légères à partir de 1960 vont entraîner une immigration
22
Il s’agit notamment du rachat de la compagnie d’électricité, d’eau, de gaze, de télécommunication par le groupe
Bouygues.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 30
qui s’est réalisé par fronts pionniers successifs. C’est ainsi que la main-d’œuvre étrangère a
et mise en valeur s’est successivement déroulé dans trois grandes régions de la Côte d’Ivoire :
que la migration individuelle de jeunes célibataires s’est muée en migration collective de famille.
L’immigration des travailleurs a en effet entraîné une immigration familiale qui a eu pour
population active. Leur poids démographique qui s’est considérablement accru, s’est traduit par
une augmentation de leur proportion au sein de la population rurale qui est passée de 16% à 25%.
plantation grâce à leur force de travail, ils sont de plus en plus propriétaires fonciers même s’ils
qualifiés a également joué un rôle déterminant dans le secteur moderne. En effet, au cours des
deux premières décennies de la croissance économique, les centres de décision et de direction des
entreprises étaient aux mains des cadres et entrepreneurs étrangers. Originaires pour la plupart de
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 31
France et du Liban, ces travailleurs qualifiés ont apporté leur connaissance et savoir-faire aux
les nationaux sont en concurrence avec les Africains non ivoiriens pour les emplois
d’ouvriers qualifiés ;
les emplois de manœuvres sont assurés en majorité par les Africains non ivoiriens.
Cette structure de l’emploi traduit le fait que la décision au sommet et la pression à la base
échappent aux nationaux. Elle influe par ailleurs, sur la répartition de la masse salariale puisque,
n’occupant que 6.3% de l’ensemble des emplois, les expatriés perçoivent 41.1% de la masse
salariale. Quant aux Ivoiriens, qui en représentent 47.5%, ils reçoivent seulement 32.5% des
salaires.
On note toutefois que pendant les périodes d’ajustement structurel, l’emploi des étrangers
a été réduit même si leur apport demeure considérable. C’est le cas des « Africains Non
Ivoiriens » dont la proportion qui était de 29.3% en 1979, est estimée à 21.7% en 1989. Par
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 32
contre, la réduction de l’effectif des « Non Africains » (« Expatriés »), a été plus importante : de
20.5% en 1979, leur part relative dans l’emploi total s’élevait à 3.3% en 198923.
L’augmentation de la part des Ivoiriens dans l’emploi total (67.3% en 1979 et 74.9% en
Capitaux étrangers
Outre leur force de travail à l’économie de plantation et au secteur moderne dans son ensemble,
les étrangers ont contribué fortement à la croissance économique grâce à leur apport de capitaux.
1980 a fortement dépendu du capital étranger. Durant les premières décennies, la croissance de la
production industrielle était presque exclusivement le fait d’entreprises aux mains des non
Comme l’indique le Tableau 6, le contrôle financier des entreprises est assuré par les
étrangers puisque ceux-ci détiennent une grande partie des capitaux. A l’exception de 1976, la
proportion des capitaux ivoiriens privés dans l’ensemble des capitaux, est demeurée faible et n’a
En revanche, on note que la part des capitaux ivoiriens dans l’ensemble des capitaux, est
en augmentation sur toute la période puisqu’elle est passé d’environ 40% en 1975 à près de 62%
23
Cf. Kouadio Benie (1994), page 92.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 33
En effet, trois structures publiques de promotion de l’entreprise ivoirienne ont été mises
Garantie des Crédits aux Ivoiriens (FGCEI) et le Fond Spécial pour les Petites et Moyennes
Entreprises. Par ailleurs, un marché financier et une Bourse des valeurs ont été créés en juillet
1974 pour orienter l’épargne nationale vers l’acquisition progressive des capitaux étrangers.
soutenue pendant des années. Dans cette économie de plantation très largement constitutive de
l’entité Côte d’Ivoire et de son insertion dans l’économie-monde, il existe des stratégies d’acteurs
planteurs » regroupant une catégorie aisée de la population rurale de la Côte d’Ivoire forestière,
plutôt concentrée dans le sud-est du pays. Cette bourgeoisie était, à la différence de celle du
Ghana et du Nigeria, encore embryonnaire vers 1950 ; elle s’est toutefois développée à
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 34
l’indépendance avec l’appui de l’élite politique et administrative qui lui-même est issu de la
C’est ainsi qu’en 1965, environ 20 000 planteurs riches exploitent près du quart des terres,
400 000 francs en moyenne, ce qui lui laisse un surplus important pour la consommation de
Pour S. Amin (1967), cette bourgeoisie rurale n’est pas progressive dans la mesure où
l’accumulation individuelle des grands planteurs, réalisée à partir de leur propre travail et du
surplus de travail extorqué aux manœuvres étrangers, ne participe pas à l’accroissement du détour
Ne procédant pas à une reproduction élargie de leurs exploitations, ces grands planteurs
ne vont pas renforcer leur pouvoir politique et économique. Avec la mainmise de l’Etat sur la
Cette exclusion qui marque le divorce implicite entre paysannerie et classe politique, s’est
sont restés sans syndicats bien que leur organisation syndicale ait été à la pointe de lutte pour
24
Cf. S. Amin (1967), p. 277.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 35
Les difficultés à mettre en place un système coopératif effectif, qui aurait pu remettre en
dirigeante traduisent également le mal que les planteurs ont à s’insérer dans l’économie de
Organisations paysannes
A l’instar des autres acteurs de l’économie de plantation, les organisations paysannes jouent un
rôle important dans la promotion de l’agriculture en Côte d’Ivoire. D’après les données
disponibles, les GVC (Groupement à Vocation Coopérative) ont commercialisé, en 1989, plus de
22% de la production de cacao et de café. En ce qui concerne les « Unions de GVC », leurs
73,455 adhérents issus de 922 GVC de base ont pu collecter 63,297 tonnes de cacao et de café
caféière. Selon A. Yapi (1997), plusieurs raisons expliquent les difficultés du mouvement
coopératif ; les plus importantes ont trait à l’utilisation de l’accumulation réalisée par les GVC et
Sous la contrainte des autorités administratives, la plus grande partie des ristournes
encaissées par les GVC sert à financer les investissements sociaux collectifs. Ce détournement
des ressources prive le secteur productif de l’économie de plantation de moyen nécessaire pour
son expansion et sa modernisation. En orientant l’utilisation des ressources générées par les
25
Cf. A. Yapi (1997), p. 563.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 36
ces groupements qui ne reposent sur aucun dynamisme paysan endogène. Ils sont en fait, des
instruments aux mains des autorités administratives pour accroître la production et capter le
surplus.
le SYNAGCI (Syndicat National des Agriculteurs de Côte d’Ivoire), premier syndicat créé par les
Parallèlement à ces deux organisations agricoles dont la création a été suscitée par le
principal parti d’opposition (le Front Populaire Ivoirien), deux autres structures agricoles à
vocation régionale ont été créées : il s’agit de l’UNACI (Union Nationale des Agriculteurs de
Côte d’Ivoire) et de l’URESCOSCI (Union Régionale des Entreprises Coopératives Agricoles des
savane.
Pour affirmer leur autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics, ces organisations agricoles
intérieure du coton en zone de savane et préconisé le relèvement des prix des matières premières
agricoles.26
26
Cf. A. Yapi (1997), p. 568.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 37
Bien que la plupart de ces revendications aient été satisfaites, il convient toutefois de
souligner que ces organisations paysannes demeurent encore sous l’emprise des pouvoirs
politiques et des groupes d’intérêts occultes. Pour qu’elles jouent efficacement leur rôle
d’un quelconque parti politique car l’histoire récente de la Côte d’Ivoire recommande cette
autonomie. Dotés de telles organisations, les paysans pourront améliorer leurs conditions de
travail et de vie et être des partenaires efficaces des autres acteurs de l’économie de plantation, en
particulier de l’Etat.
Au niveau des différents marchés des produits et des facteurs, on note une intervention massive
de l’Etat au cours de la première période (1960-1980). Celle-ci s’est traduite par la fixation du
prix aux producteurs des produits agricoles (café, cacao, coton, riz), une protection effective des
observée sur le marché financier, est due au contrôle de la masse monétaire (encadrement du
s’est traduite par une libéralisation des filières des principaux produits agricoles d’exportation
(café, cacao, ananas, caoutchouc, coton, etc.), du marché du travail. Sur le marché financier, il y a
Sur le marché des produits agricoles, on a enregistré une diversification des biens et une
stabilisation des cours des matières premières (café, cacao). Au niveau des produits industriels,
après avoir connu une protection effective, ils ont été pour la plupart libéralisés.
Dans la mise en valeur des économies, la politique suivie par l’ancienne puissance coloniale
visait la spécialisation de chaque Territoire dans la fourniture d’un ou trois produits de base bruts.
Dans cette optique, la Côte d’Ivoire était chargée de fournir à la métropole du café, du cacao et
du bois.27
Une fois l’indépendance politique acquise, ces produits agricoles qui dépendent fortement
des aléas climatiques et de l’évolution des cours mondiaux, devinrent les principales ressources
d’exportation qui répondait à la préoccupation d’élargir la base des recettes en devises, a permis
27
Cf. Tuho Valy (1992), p. 63.
28
Cf. Sawadogo, cité par Tuho Valy (1992), p. 63.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 39
1960, ces produits représentaient 8.2% des recettes totales d’exportation en 1975 ; en revanche, la
part des produits traditionnels d’exportation (café, cacao) passait de 74% à 60%.
souci de nourrir une population de plus en plus nombreuse et concentrée dans les centres urbains.
C’est ainsi que pour faire face au croît démographique soutenu et à l’urbanisation intense, une
diversification des produits vivriers de première nécessité (riz et sucre) a été faite. Cette politique
d’Ivoire dans la mesure où des complexes agro-industriels ont été créés autour des nouvelles
palme ;
Etc.
ivoirienne dans la mesure où elle a permis d’assurer pendant les premières années de
l’indépendance, une balance commerciale toujours excédentaire avec un taux de couverture des
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 40
importations variant de 110% à 120%. En augmentant la production des produits agricoles, elle a
servi de base à l’agro-industrie dont le rôle est important dans l’industrie manufacturière.
l’essentiel des revenus monétaires aux paysans et en alimentant les caisses de l’Etat grâce à la
stabilisation des cours du café et du cacao. Par le biais de la CAISTAB (Caisse de Stabilisation
du Cacao et du Café). Elle assure une certaine garantie des prix du café-cacao aux producteurs en
s’interposant entre ceux-ci et les commerçants exportateurs qui achètent le produit à partir du prix
l’exploitation et encaisse la différence entre ces deux prix moins une marge brute accordée aux
intermédiaires.
ses recettes ont été positives pratiquement de 1970 à 1986 et représentaient entre 30 et 44% des
recettes totales de l’etat. Grâce à ses revenus substantiels issus de l’exportation du café-cacao, le
gouvernement a accordé aux producteurs des prix ainsi que des primes suffisamment indicateurs
ainsi que depuis 1991, la CAISTAB n’a plus de compétence que pour la commercialisation du
Commercialisation des produits vivriers (OCPV) qui assurent la commercialisation du riz, celle
En outre, dans le cadre des réformes structurelles, des mesures ont été prises pour réviser
les mécanismes de fixation des prix agricoles en vue de leur donner une plus grande flexibilité.
On note, par exemple, que la gestion de la CAISTAB s’est ouverte aux opérateurs privés dont les
représentants siègent au conseil d’administration qui détermine désormais les équilibres ex-ante
Par ailleurs, un fonds de réserve technique de stabilisation a été mis en place en Octobre
1994 ; les modalités de sa gestion ont fait l’objet d’une convention avec le système bancaire. On
note aussi que des mesures relatives au désengagement de l’etat des opérations de
également accompagnées d’une baisse importante des cours mondiaux : le prix au producteur est
220-260 F CFA en 2000. Les producteurs estiment avoir perdu entre 1998 et 2001 près de la
filière café-cacao a suscité une controverse. Pour certains experts, la libéralisation est assez
récente pour qu’on puisse lui attribuer des conséquences négatives ; en revanche, pour d’autres,
dépit des inefficacités constatées, des divergences entre le prix international et le prix au
producteur au détriment de ce dernier. Ils préfèrent en conséquence avoir une visibilité sur un
Pour garantir le revenu des producteurs, de nouveaux organes ont été créés afin d’éviter
Comme on le voit, les nouveaux organes sont créés en vue de garantir des revenus aux
concerne également les autres filières (coton, ananas, et palmier à huile) qui ont été privatisées.
organisations professionnelles des producteurs nationaux aux fins de garantir leurs revenus. Les
stratégies des OPA qui diffèrent selon les filières, sont axées sur le contrôle des fonds engrangés
mondial.
Le marché des produits industriels est caractérisé par une production orientée plus vers l’intérieur
que vers l’extérieur et ceci en conformité avec la stratégie d’industrialisation de substitution aux
importations. La protection effective des produits industriels s’inscrivant dans la logique de cette
stratégie, s’est accrue dans les années 1970. La mise en place d’un système complexe de
un ensemble de prix des produits industriels a été libéralisé ; par ailleurs, une Commission de
concurrence a été créée en vue de faire jouer le mécanisme du marché dans la fixation des
produits industriels.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 43
A l’instar de la plupart des pays africains, la Côte d’Ivoire a mis en œuvre une politique de
répression financière jusqu’au milieu des années 1980 ; elle a, par la suite, opté pour une
Le marché monétaire joue un rôle déterminant dans le processus de la croissance dans la mesure
crédits et à une mobilisation efficace de l’épargne. Dans une telle perspective, la politique
monétaire des pays membres de l’UMOA, a visé explicitement deux objectifs : d’une part,
d’autre part, favoriser le développement des économies en vue d’un équilibre extérieur à long
terme.
La faiblesse du réseau bancaire et du marché monétaire sur cet espace monétaire a eu pour
effet de transformer le contrôle du crédit en une limitation quantitative, en une action indirecte
sur les taux d’intérêt. En ce qui concerne l’objectif de sélectivité du crédit dans un environnement
d’accès inégal au crédit bancaire, il s’est traduit par une différenciation des taux d’intérêt et par
La mise en œuvre de cette politique monétaire par la Banque Centrale des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (BECEAO) s’est traduite par une répression monétaire au niveau des pays
membres dont la Côte d’Ivoire. En effet, en fixant administrativement les taux d’intérêt à niveau
bas, c’est-à-dire en dessous de leur valeur d’équilibre, la BECEAO n’a pas encouragé la
négative lorsque les taux d’intérêt créditeur sont négatifs. Comme l’indique le Tableau 7, le taux
d’intérêt créditeur de la Côte d’Ivoire, de 1970 à 1980, est négatif ; en revanche, la rémunération
partir de 1970, a incité les épargnants à placer leurs avoirs en France ; selon Tchundjang P.
(1981), l’épargne ivoirienne est aspirée par Paris, à l’aide d’une rémunération plus forte.
l’accumulation du capital. Par exemple, dans les années 1970, l’épargne privée est passée de 11%
Par ailleurs, la politique sélective du crédit de l’UMOA devrait entre autres, favoriser les
PME, notamment celles dirigées par les nationaux, développer l’investissement, l’exportation et
l’habitat social par des dispositions particulières en faveur du crédit à moyen terme et s’efforcer
d’orienter le crédit vers les secteurs productifs délaissés par le crédit institutionnel (agriculture,
artisanat).
Ainsi définis, les objectifs de la politique sélective de crédit ne semblent pas être atteints
dans la mesure où le crédit n’est pas alloué comme prévu entre les différents acteurs et activités
économiques du pays. En effet, selon une étude datant de 1971, les principaux bénéficiaires des
crédits à moyen terme de la BECEAO, étaient les grandes sociétés minières et forestières et les
entreprises de construction. Les dépôts à terme qui sont passés de 6% en 1968 à 25% en 1975,
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 45
ont été alloués de la façon suivante : 45.6% à l’industrie privée étrangère, 6.9% aux sociétés
En ce qui concerne le crédit à court terme, l’essentiel en 1977 a été destiné au commerce
(53%), à l’exportation du café et du cacao (24%) et aux divers services (4%).30 Une telle
affectation du crédit indique clairement que le secteur agricole, moteur de l’économie ivoirienne,
a été négligé par le système financier. La fuite des capitaux des campagnes vers les villes et de la
Du fait de la répression financière, le secteur financier ivoirien s’est peu développé même
si l’intermédiation financière est relativement élevée. En effet, bien que la concurrence soit
1975. Malgré la désintermédiation amorcée à partir de 1990, le ratio M2/PIB de la Côte d’Ivoire
est plus élevé que celui des autres pays africains (Tableau 8).
Peu développé et largement extraverti, le système bancaire a connu une profonde crise au
cours des années 1980, avec une dégradation de la qualité des portefeuilles et le gonflement des
créances irrécouvrables. En effet, les activités des banques commerciales étant étroitement liées à
29
Cf. P. Tchundjang (1981), p. 114.
30
Cf. P. Tchundjang (1981), p.115.
31
Cf. P. Tchundjang (1981), p. 120.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 46
celles de l’etat et des entreprises publiques, elles ont subi les conséquences d’arriérés intérieurs
publics importants.
économiques et plus particulièrement les investissements, ont conduit les pouvoirs publics à le
réformer avec l’aide de la Banque Mondiale et de la France dont les intérêts dans ce système
sont énormes.
monétaire a pour objectif de libéraliser les taux d’intérêt, de restructurer les banques et de
C’est ainsi que dès 1989, les taux créditeurs ont été libéralisés et les coefficients sectoriels
détenue à 49% par la BNP ; SIB dont 51% du capital appartient au Crédit Lyonnais ; SGBCI
La réforme du système bancaire n’a pas modifié en profondeur ce secteur dans la mesure
où les quatre banques, toutes des filiales des banques françaises, détiennent 78% des dépôts.
Cette situation « oligopolistique » est peu favorable au développement économique d’autant plus
que ces banques ont pour principale activité, le financement des campagnes de café et de cacao.
activités de ces banques dans les secteurs industriels et des services sont assez réduites. Pour
leurs investissements de moyen et long terme, les grandes entreprises sont souvent obligées de
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 47
s’adresser à l’étranger. Les PME qui constituent l’essentiel du tissu industriel, ont des difficultés
à accéder au système bancaire moderne dont le coût du crédit demeure encore élevé.
du système financier ivoirien se traduit par le rationnement pour certains secteurs jugés non
prioritaires. Le repli des banques sur des activités qu’elles connaissent (financement des
encadrement, plafonnement et sélectivité du crédit) avant 1989, s’est engagé dans une politique
centrale pratique une politique restrictive de crédits sur le marché monétaire aux fins de la
stabilité du taux de liquidité en faisant évoluer le crédit en sens inverse des avoirs extérieurs.
monétaire PIB (MM)/PIB, (de 0.29% en 1990 à 0.24% en 2000) indique l’effectivité de la
Par ailleurs, les réformes financières ont eu peu d’impact sur la création de nouveaux
instruments financiers. Les services bancaires ne sont pas diversifiés en Côte d’Ivoire : les
établissements recevant les dépôts proposent des prêts (pour 61% à court terme) et une gamme
En outre, la fragmentation du secteur financier se traduit par des liens limités entre le
secteur financier formel et le secteur financier informel. Il en résulte un cloisonnement des taux
32
Cf. Ministère de l’Economie et des Finances (1998), p.58.
33
Cf. Banque Mondiale et FMI (2002), p.12.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 48
d’intérêt sur ces marchés dont le développement récent d’un marché financier semi-formel34 n’a
grandes étapes : lors de la première, on a pu observer un essor relatif de l’emploi salarié grâce à
Au cours des décennies 60 et 70, l’omniprésence de l’Etat ivoirien sur le marché du travail s’est
manifestée par son intervention sur les conditions de production de la main-d’œuvre, les
fonction d’employeur.
34
Cf. la loi PARMEC portant Réglementation des Institutions Mutualistes ou Coopératives d’Epargne et de Crédit
en 1994.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 49
Côte d’Ivoire). En outre, il a institué une autorisation préalable à tout licenciement des employés
d’œuvre. L’approche en terme de besoin en main-d’œuvre est la méthode qui a été choisie par les
pouvoirs publics ivoiriens pour faire face d’une part, à la croissance continue du niveau déjà
élevé des dépenses et d’autre part, à la croissance simultanée du nombre de travailleurs étrangers
et des chômeurs nationaux.35 A partir de cette méthode, une prévision des besoins futurs en main
d’œuvre a été faite. C’est ainsi que pour le secteur public, les besoins en cadres et techniciens ont
été estimés à 7,448 pour la période 1976-1980 ; au cours de celle-ci, un besoin de 4,915 cadres et
d’œuvre, l’intervention de l’etat sur le marché du travail a été plus décisive au cours des deux
premières décennies. De par sa fonction d’employeur, il a créé de nombreux emplois pour son
propre compte : les emplois de l’administration ont été multipliés par 3.3 entre 1960 et 1980.36 Sa
participation financière dans les entreprises a également généré de nombreux emplois ; c’est
ainsi que la part des effectifs des entreprises à capital public est passée de 25% à 40% des
Cette stratégie de création directe d’emplois est selon P. Hugon (1993), cohérente avec les
modalités d’économie de rente plus organisées autour des aspects de redistribution que des
35
Cf. Capurro G. (1979) pour plus détails sur l’application de cette méthode au cas ivoirien.
36
Cf. Labazée (2002).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 50
participation financière de l’etat est l’instrument central de cette logique redistributive37 qui
L’application des mesures d’ajustement structurel au début des années 1980 va bloquer
cette dynamique d’emploi impulsée par l’etat. Même si la planification de la main-d’œuvre a été
abandonnée avant la mise en œuvre de ces mesures, celles-ci ont accéléré le processus de remise
L’un des arguments justifiant la déréglementation du travail réside dans le fait que les entreprises
certains pays tels que le Maroc, la Tunisie, le Ghana, l’Ile Maurice, l’Indonésie et la Malaisie, la
main-d’œuvre ivoirienne est peu compétitive en termes de coût et de qualité. Pour améliorer la
l’effectif ;
37
Cf. Rosanvallon (1995), p. 75.
38
Cf. Kouadio Benié Marcel (1995), p. 106.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 51
d’autre part, une réduction du coût de la main-d’œuvre, afin d’amoindrir l’écart entre la
L’application de ces mesures implique une réforme des institutions du marché du travail
dont la préoccupation majeure est d’éliminer le pouvoir étatique qui était à l’origine des rigidités
chère au courant orthodoxe du marché du travail au système de garanties mutuelles. Par ailleurs,
elle se situe dans le courant de pensée qui préconise l’endogénéisation des facteurs institutionnels
en vue de minimiser les coûts de transactions et d’éliminer les comportements du type « passager
clandestin ».
Les principales mesures arrêtées dans le cadre de cette réforme des institutions du marché
La flexibilité des effectifs qui résulte de la volonté des entreprises à satisfaire aux
exigences de la demande, implique l’existence de travailleurs à contrat flexible, tels que le contrat
à durée déterminée et le travail temporaire. La flexibilité des effectifs nécessite par ailleurs, un
Dans une telle optique, les dispositifs législatif et réglementaire ont joué un rôle
privé.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 52
Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des institutions du marché du travail, la législation
sur les licenciements économiques a été modifiée ; c’est ainsi que la loi n° 92-573 raccourcit la
saurait être rejetée par l’Inspecteur du Travail dont la tâche se limite désormais à s’assurer que la
procédure du licenciement telle que prévue par la loi a été respectée. L’application de cette
nouvelle disposition a suscité le licenciement pour des raisons économiques de 11,246 employés
en 1992 et 1993.39
instaurée. Les entreprises peuvent désormais embaucher directement leur personnel ou recourir
salarié du secteur moderne. En effet, au début des années 1980, il s’est opéré une rupture dans la
dynamique de création d’emplois dans le secteur moderne. Concomitante à la mise en œuvre des
premiers PAS (Programme d’Ajustement Structurel), cette rupture s’est traduite par une
destruction massive d’emploi dans le secteur moderne, en particulier dans les entreprises
Les destructions d’emplois qui ont été remarquables dans le secteur public et parapublic,
ont engendré au début des années 1980, un licenciement massif d’agents : 10,679 personnes
licenciées dont 9,209 issues de sociétés d’état. Sur l’ensemble de la décennie 1980, l’emploi a
39
Cf. Kouadio Benie (1992).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 53
diminué de près de 29% dans les entreprises entièrement publiques et de 17% dans les entreprises
L’évolution de l’emploi dans le secteur privé moderne a été affectée par la restriction de la
structurel sur l’économie ; les branches de l’agriculture, des BTP, des transports et
s’est poursuivie puisque au début de 1990 plus de 33,000 emplois ont disparu dont plus de 13,000
Les enquêtes auprès des ménages effectuées en 1992 et 1995 confirment l’ampleur des
réductions d’emplois dans le secteur moderne au cours de ces dernières années. Selon celles-ci,
les emplois estimés à 276,390 en 1992 n’ont été que de 222,700 en 1995, soit une chute de –
public) d’autant plus que les chiffres officiels indiquent une perte de plus de 60,000 emplois dans
ce secteur entre 1982 et 1992. En 1995, les emplois du secteur moderne, estimés à 464,000 n’ont
concerné que 7.3% du total de la population occupée de Côte d’Ivoire. Au total, entre 1990 et
1994, les effectifs du secteur moderne privé ont connu une baisse de 9.16%.
occupée est passée de 6,016,000 en 1994 à 7,491,700 en 1998. Les emplois agricoles et informels
sont ceux qui se sont le plus développés, passant respectivement de 3,150,000 à 4,348,000 et de
1,090,000 à 1,868,000 sur la période. Les emplois du secteur moderne sont également en hausse
Les emplois rémunérés comportent une forte proportion d’emplois précaires. En effet si
33.3% d’employés ont un emploi stable, 39.3% n’ont pas de contrat de travail et 13.2% ont un
contrat verbal. Au total, 52.5% des employés occupent un emploi précaire ; parmi ceux-ci, on
compte de nombreuses femmes puisque 64.4% d’entre elles ont un emploi précaire ; en revanche
accroissement de la pauvreté et une amplification des inégalités de revenu. En effet, les enquêtes
de vie auprès des ménages indiquent que la pauvreté absolue a triplé en Côte d’Ivoire, durant la
période 1981-2000 puisque l’incidence de la pauvreté est passée de 10% en 1985 à 32.3% en
La distribution est en outre, devenue plus inégalitaire puisqu’en 1998, les 10% les plus
riches ont cumulé un niveau de revenu total 12.4 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres.
Les 50% les plus pauvres ont cumulé au cours de cette année, au total moins du quart des revenus
totaux nationaux et les 80% les plus pauvres, 52% des revenus totaux. Les 20% les plus riches
Par ailleurs, l’un des effets attendus de l’ajustement structurel est la réallocation de la
main-d’œuvre des secteurs des biens non échangeables vers les secteurs des biens échangeables.
Or une étude indique que le déplacement de la main-d’œuvre dans la direction souhaitée, c’est-à-
dire du secteur des biens non échangeables vers le secteur des biens échangeables, n’a pas eu
40
Cf. Ministère de la Plan et du Développement/INS (2002).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 55
lieu.41 En outre, on a observé une diminution des salaires réels dans les secteurs des biens
Il vient d’être indiqué que la politique économique conduite de 1960 à 2000, a affecté
l’emploi, les revenus et la pauvreté en Côte d’Ivoire ; la réduction et la précarisation des emplois
croissance économique de la Côte d’Ivoire durant les quatre décennies (de 1960 à 2000).
libéralisme qui, au plan de la vie économique, repose sur les principes de la propriété privée des
41
Cf. Kouadio Benie (1994), p. 105.
42
Cf. Jean Pierre Lachaud (1993).
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 56
a permis à la Côte d’Ivoire de réaliser des performances économiques plus élevées grâce à un
capitalisme d’etat.
Les résultats satisfaisants obtenus par ce modèle extraverti de développement ont résulté
d’une stabilité politique dont a bénéficié le pouvoir politique qui s’est exprimé pendant trente ans
dans le cadre d’un parti unique (le PDCI/RDA). La culture du dirigisme économique issue de la
période coloniale dont les élites de ce parti ont hérité, s’est traduite par le choix du modèle de
l’indépendance.
Durant cette période (1960-1980), l’interventionnisme étatique s’est exprimé dans le cadre
opérationnelles, ont défini un ensemble cohérent et réaliste d’objectifs et de moyens qui ont
grandement mis en œuvre au début des années 1990, a coïncidé avec le processus de la
mauvaise gestion s’est soldée par un coup d’etat militaire en 1999. Ce coup de force a interrompu
économique (1991-1993), les principales réformes institutionnelles visaient à retrouver les « lois
Document Cadre de Politique Economique (DCPE) conclu avec les bailleurs de fonds après
totale de l’économie.
d’ouverture extérieure visent à réaliser des réallocations sectorielles des ressources du secteur
public vers le secteur privé. Une telle perspective est conforme à la vision de la dimension
politique de l’ajustement qui implique des modifications des rapports de pouvoir entre l’Etat et le
En effet, des instruments de la politique économique sont utilisés pour réaliser un rythme
de croissance élevé, créer les conditions d’une relance économique et assurer une croissance
saine et durable. C’est ainsi que sur le plan budgétaire, d’importants investissements publics ont
été réalisés dans les secteurs de l’agro-industrie, minier pendant les années 1970. Il y a eu un
déficit des finances publiques et un surendettement de l’Etat car celui-ci a dû recourir à l’emprunt
1980 n’ayant pas été respecté, les périodes d’ajustement structurel vont se caractériser par une
43
Cf. Philippe Hugon (1989), p. 64.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 58
privatisations, les blocages des salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat, la réduction des
dévaluation, est d’améliorer de manière significative le solde primaire des opérations de l’etat
afin d’éliminer à terme des arriérés intérieurs et de renforcer le programme des investissements
publics sinistrés par la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurels des années
précédentes.
Les mesures prises pour renforcer les recettes budgétaires relèvent de la politique fiscale
dont l’évolution est très contrastée : une période de fiscalisation suivi d’une phase de
défiscalisation.
de développement de la Côte d’Ivoire, les recettes fiscales d’exportation ont joué un rôle
Face à la faiblesse du recouvrement de la fiscalité interne, des mesures ont été prises pour
renforcer les recettes fiscales durant les périodes d’ajustement structurels (1981-1988) ; celles-ci
ont trait à l’augmentation de la taxe sur les carburants, de l’impôt sur les bénéfices industriels et
en 1991, a préconisé une baisse des taux sur les bénéfices industriels et commerciaux, une
certains impôts indirects et des droits d’entrée sur les intrants destinés au secteur agricole, etc.
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 59
structuration profonde de la répartition des charges fiscales entre les différents secteurs
d’activités ; dans une telle perspective, il a été prévu un allègement de la pression fiscale exercée
informel. Cette période se caractérise aussi par une défiscalisation accrue en vue de renforcer le
a entraîné l’afflux des investissements privés vers la Côte d’Ivoire qui demeurent faibles en
comparaison des taux d’investissement des pays émergents d’Asie. Le niveau peu élevé des
privilégie les crédits à court terme et qui pratique des taux d’intérêt peu attractifs pour les
apporteurs de capitaux. La répression monétaire dont souffrent les banques en Côte d’Ivoire du
fait de leur appartenance à la zone franc explique les difficultés rencontrées pour le financement
des investissements privés durant les deux premières décennies (1960-1980) de l’évolution
économique de ce pays.
Les effets combinés des réformes du système bancaire et financier à partir de 1989 grâce
au PASFI et la dévaluation du franc CFA en 1994, ont eu un impact positif réduit. Malgré la
Par ailleurs, la fixité du taux de change au sein de la zone franc a conduit à une
surévaluation du F CFA dont les effets pervers sur la compétitivité externe ont entretenu et
combinée aux réformes structurelles et aux politiques macro-économiques mises en œuvre avant
Pour renforcer la compétitivité externe retrouvée grâce à la dévaluation, des mesures ont
des prix, de la réduction des tarifs douaniers et des exonérations, de l’harmonisation des tarifs au
6. Conclusions
La préoccupation de cette étude fut de savoir pourquoi la Côte d’Ivoire a pu décoller, croître de
façon remarquable au cours de la première décennie de l’indépendance dans une Afrique noire
« mal partie ». Et, pourquoi son expansion a-t-elle été freiné ? Enfin, pourquoi les solutions
préconisées par les Institutions de Bretton Woods, n’ont pas pu régler les questions de fonds
d’autant plus que la libéralisation des marchés des biens et des facteurs ne semble pas améliorer
croissance ?
Quel que soit le questionnement, une réflexion sur la croissance économique ivoirienne
essoufflement ;
Cote d’Ivoire Chapter 23 page 61
comprendre les divergences de croissance entre la Côte d’Ivoire et certains pays africains
d’une part et entre ce pays et d’autres pays émergeant notamment ceux d’Asie et
aux vœux de Samir Amin exprimé en 1967, s’est proposé d’une part, d’analyser la trajectoire de
rôle des principaux acteurs de cette croissance ainsi que les marchés et politiques économiques
deuxième a été marquée par une crise profonde qui a duré de 1981 à 1993 ; la troisième (1994-
2000), caractérisée par une reprise. Cette périodisation de l’analyse a mis en évidence à la fois les
En ce qui concerne les déterminants de cette croissance, les investissements publics dans
l’agro-industrie et dans les grandes infrastructures ont joué un moteur dans le « miracle ivoirien »
au cours des quinze premières années de l’indépendance du pays. En revanche, leur réduction
croissance. Après treize années de crise de l’économie ivoirienne consécutives à ces politiques
Cette étude a également montré que la trajectoire de la croissance ainsi que ses principaux
facteurs explicatifs résultent du jeu des différents acteurs, des mécanismes de fonctionnement des
C’est ainsi que malgré sa délégitimisation au cours des deux dernières décennies, l’etat a
ce modèle qui a accordé une place de choix à la main-d’œuvre et aux capitaux étrangers, a reposé
sur une économie de plantation animée par une « bourgeoisie de planteurs » peu progressive et
exclue du processus institutionnel de décision après avoir été un appui de poids à l’élite politique
Au niveau des différents marchés des produits et des facteurs, on a noté durant la première
période, une interférence étatique à travers une fixation des prix des produits agricoles, une
protection effective des produits industriels fabriqués localement, une réglementation du marché
s’est traduite par une libéralisation des filières des principaux produits agricoles d’exportation
(café, cacao, ananas, caoutchouc, coton, etc.), du marché du travail. Sur le marché financier, il y a
l’économie de marché, la libéralisation des marchés ne semble pas donner les résultats
escomptés : chute de revenus des paysans ; poursuite de la politique sélective de crédit et sortie
massive des capitaux ; déclin et précarisation de l’emploi ; distribution inégalitaire des revenus et
période coloniale dont les élites politiques et administratives ont hérité, s’est traduite par le choix
du modèle de développement dominé par le volontarisme d’etat des deux premières décennies de
l’indépendance. Les résultats satisfaisants obtenus par ce modèle extraverti de développement ont
résulté d’une stabilité politique dont a bénéficié le pouvoir politique qui s’est exprimé pendant
Durant cette période (1960-1980), l’interventionnisme étatique s’est exprimé dans le cadre
opérationnelles, ont défini un ensemble cohérent et réaliste d’objectifs et de moyens qui ont
largement mis en œuvre au début des années 1990, a coïncidé avec le processus de la
mauvaise gestion s’est soldée par un coup d’Etat militaire en 1999. Ce coup de force a
Que retenir de l’examen de ce modèle de développement ? Les leçons à tirer sont sans
doute nombreuses.
Retenons cependant que cette étude a montré que la mobilité des facteurs de production
(travail et capital) a été bénéfique à la Côte d’Ivoire dans la mesure où elle lui a permis de
De cette étude, on peut également retenir que le projet de réduction de l’emprise de l’Etat
principales filières des produits agricoles (café, cacao, coton) n’ont pas encore pu s’affranchir des
pouvoirs publics qui jouent un rôle déterminant dans l’utilisation et la distribution de la rente
Cette étude enseigne aussi que les principaux artisans de la croissance économique dans
les pays africains ne détiennent pas toujours l’essentiel des fruits de cette croissance ; ils peuvent
même être marginalisés dans la société. En effet, bien qu’ayant participé à la prise du pouvoir
gestion dans l’économie de plantation. Pendant des décennies, elle a été absente dans le processus
de décision parce qu’elle n’a pas pu renforcer son pouvoir politique et économique par une
En outre, cette étude de cas ivoirien confirme l’une des hypothèses forte des théories de la
croissance, à savoir le rôle majeur des investissements publics dans le processus de la croissance.
On peut enfin retenir que la libéralisation tout azimut a de nombreux avatars et limites.
Sur le marché du travail par exemple, on note un accroissement du chômage, une précarisation
monétaire qui n’a pourtant pas permis de démanteler la position oligopolistique des banques
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Source : Tableau construit par l’autuer à partier des donneés de la Centrale des bilans.
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