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ILUNGA2017 Deguerpissement

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1

LA JURIDICTION COMPÉTENTE POUR STATUER SUR LA


DEMANDE EN DÉGUERPISSEMENT

ILUNGA KAKENKE Rado


Assistant à l’Université de Kolwezi et Juge de paix

Pour citer cet article : ILUNGA KAKENKE Rado, (2015), « La juridiction compétente
pour statuer sur la demande en déguerpissement », in Ilunga Kakenke Rado, La
complexité du droit judiciaire congolais, Editions du Centre de Recherche Universitaire
du Kivu, Bukavu, pp. 85-108.

Résumé : Le déguerpissement n’est pas une contestation, mais un objet de la demande


concurrente entre deux juridictions. Les tribunaux de paix connaissent les demandes en
déguerpissement qui se rapportent aux conflits fonciers régis par la coutume et à la validité ou
à la résiliation du bail pour autant que le cumul des loyers pour toute la durée du bail ou à
échoir soit inférieur ou égal à deux millions cinq cent mille francs congolais. Tandis que les
tribunaux de grande instance connaissent, au premier degré, les actions en déguerpissement
liées aux conflits fonciers régis par le droit écrit ainsi qu’aux contestations portant sur la
validité ou la résiliation d’un bail pour autant que le cumul des loyers pour toute la durée du
bail ou à échoir soit supérieur à deux millions cinq cent mille francs congolais.

Introduction
La loi organique1 n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire repartit la compétence matérielle
entre les différentes juridictions tant en matière pénale que civile. En matière pénale,
ce sont les articles 85 à 103 qui la déterminent, tandis qu’en matière civile, les articles
110 à 129 constituent la base légale d’attribution de la compétence matérielle à
chaque juridiction civile.
Dès lors, c’est cette loi (de la compétence matérielle) qui énonce les contestations sur
lesquelles chaque juridiction est compétente pour y statuer, même si les objets de la
demande2 ne sont pas expressément attribués à telle ou telle juridiction.
Notre étude porte sur la compétence matérielle des juridictions de droit commun en
matière civile. En effet, les articles 110 et 112 de la loi organique énumèrent les
contestations que chacune de ces juridictions doit connaître. Selon les prescrits de
l’article 110, les tribunaux de paix connaissent de toute contestation portant sur le
droit de la famille, les successions, les libéralités et les conflits fonciers collectifs ou

1 Tout au long de notre propos, l’usage de la loi organique renvoie à cette loi.

2L’objet de la demande est, selon MUKADI et KATWALA (1999 : 38), le résultat auquel un
plaideur désire aboutir en intentant l’action en justice. Cet objet peut donc varier à l’infini
suivant ce que le plaideur demande au juge d’ordonner, d’accorder, ou de prononcer.
2

individuels régis par la coutume. Ils connaissent aussi de toutes les autres
contestations susceptibles d’évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas
deux millions cinq cent mille francs congolais (article 110 de la loi organique).
A la lecture de cet article, plusieurs objets de demande peuvent découler des
contestations limitativement énumérées par le législateur. C’est le cas de la demande
qui tend à obtenir l’expulsion ou le déguerpissement d’une personne sur un fonds ou
d’une maison.
L’article 112 de la même loi dispose que les tribunaux de grande instance connaissent
de toutes les contestations qui ne sont pas de la compétence des tribunaux de paix.
Ceci veut dire que la contestation qui n’est pas citée à l’article 110 est de la
compétence du tribunal de grande instance.
C’est dans ce cadre que nous nous sommes posé la question de savoir : « quelle est la
juridiction compétente matériellement pour statuer sur une demande tendant à obtenir du
juge le déguerpissement ou l’expulsion de personnes ? » Quelle est la disposition légale qui
détermine la compétence matérielle ?
Dans notre démarche, c’est par les méthodes d’interprétation des différents textes
que cette juridiction sera décelée. Il convient de signaler que cette question de
compétence matérielle se rapportant à l’objet de la demande tendant à obtenir le
déguerpissement n’a pas encore été analysée par la doctrine, d’où l’intérêt de cet
article.
De ce fait, il est important de connaître les juridictions civiles de l’ordre judiciaire (1),
pour ensuite dégager parmi elles celles qui peuvent statuer sur une demande tendant
au déguerpissement (3) après avoir ressorti les contestations donnant lieu au
déguerpissement (2).

1. Les juridictions civiles de l’ordre judiciaire


Au regard de l’article 6 de la loi organique, les juridictions de l’ordre judiciaire sont :
les tribunaux de paix, les tribunaux militaires de police, les tribunaux de grande
instance, les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail, les tribunaux militaires
de garnison, les cours militaires, les cours militaires des opérations, les cours d’appel,
la haute cour militaire et la cour de cassation. Cependant, le législateur a oublié de
citer les tribunaux pour enfants qui sont aussi les juridictions de l’ordre judiciaire.
Parmi ces juridictions, seuls les tribunaux de paix, les tribunaux de grande instance,
les cours d’appel et la cour de cassation auxquels la loi organique a reconnu la
compétence matérielle de statuer sur les matières civiles. C’est-à-dire, en dehors de
leur compétence en matière pénale, ces juridictions sont aussi des cours et tribunaux
civils. Ce sont ces juridictions de l’ordre judiciaire qui font l’objet de ce point.

1.1. Les tribunaux de paix


Le tribunal de paix est une juridiction à la base de l’échelle des juridictions de l’ordre
judiciaire. C’est une juridiction qui vient remplacer les tribunaux coutumiers et les
tribunaux de police (lesquels ont continué à fonctionner de manière transitoire). Le
3

ressort ainsi que le siège de chaque tribunal de paix sont fixés par l’ordonnance n°89-
13 du 3 juin 1989 portant création des tribunaux de paix dans les territoires de la
République. Cependant, pour ceux installés dans les villes, leurs ressorts et leurs
sièges sont fixés par différentes ordonnances du président de la République qui les
créent. Toutefois, la loi organique confie la compétence de fixer le siège ordinaire et le
ressort des tribunaux au premier ministre (article 7) ; contrairement au Code de
l’organisation et de la compétence judiciaires qui confiait cette compétence au
président de la république (article 22 du COCJ).
A côté de la compétence en matière répressive, qui ne nous intéresse pas dans cette
étude, le tribunal de paix connaît de toutes les contestations portant sur le droit de la
famille, les successions, les libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels
régis par la coutume (article 110 alinéa 1er de la loi organique). En outre, le tribunal
de paix connaît de toutes contestations susceptibles d’évaluation pour autant que
leur valeur ne dépasse pas deux millions cinq cents mille francs congolais. Il convient
de relever que ces matières sur lesquelles le tribunal de paix doit fonder sa
compétence matérielle « engendrent » plusieurs objets de demande.
A titre illustratif, pour les contestations portant sur le droit de la famille, nous
pouvons avoir des objets de demande relatifs au divorce, à la restitution des biens
pour cause de rupture abusive des fiançailles, à la garde des enfants, etc.

En matière de successions3, il peut y avoir plusieurs objets de demande. C’est par


exemple l’action en droit de reprise (articles 786-789 du Code de la famille), l’action
tendant à obtenir du tribunal la manière définitive d’attribution des parts
successorales (article 792 du Code de la famille), l’action en confirmation du
liquidateur (article 795 du Code de la famille), etc. En matière de libéralités, nous
pouvons citer l’action en nullité de la libéralité (articles 827-830, 848 du Code de la
famille), l’action de l’un des parents contre la disposition des biens d’un mineur par
un représentant (article 833 du Code de la famille), l’action en réduction ou en
retranchement des libéralités excessives (866-872 du Code de la famille), etc. En ce
qui concerne les contestations portant sur les conflits fonciers collectifs ou
individuels régis par la coutume, le tribunal peut être saisi de l’action tendant à la
cessation de trouble de jouissance, à la reconnaissance de la qualité de l’ayant droit
foncier coutumier, etc.
En utilisant l’expression « ils connaissent de toutes les autres contestations
susceptibles d’évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas deux millions
cinq cents mille francs congolais », le législateur a attribué la compétence matérielle
aux tribunaux de paix de connaître d’autres contestations (ou litiges) qui ne se
rapportent pas au droit de la famille, à la succession, aux libéralités et aux conflits

3 En matière de successions, il ne faut pas perdre de vue que le Code de la famille attribue
la compétence tant aux tribunaux de paix qu’aux tribunaux de grande instance. C’est la
valeur du patrimoine à liquider qui détermine la compétence matérielle. Et ceci est l’objet
d’un autre chapitre (II).
4

fonciers régis par la coutume. Il a ainsi, par ce deuxième alinéa de l’article 110 de la
loi organique, étendu la compétence matérielle des tribunaux de paix pourvu que la
contestation ne dépasse pas la valeur maximale prévue à cette disposition. « Toutes
autres contestations », est une expression fourre-tout qui conduit tout plaideur à
formuler devant le juge une demande. C’est ainsi que les contestations peuvent
porter sur la réclamation d’une créance, la validité4 ou la résiliation5 d’un bail (article
127 de la loi organique), les privilèges ou les hypothèques entre créancier et débiteur
(article 128 de la loi organique), l’annulation d’une vente6.
Il peut arriver que les parties soulèvent une contestation « non évaluable » en argent.
Le tribunal de paix n’est compétent que si la contestation doit être tranchée par la
coutume, et par elle seulement. Il ne peut jamais statuer sur une telle matière par
application de la loi écrite (Kengo, 1973 : 4-5). Cette position doit être comprise
comme ne concernant pas la nature des constations prévues à l’alinéa 1er de l’article
110 de la loi organique.
Pour statuer sur ces contestations, qui relèvent de sa compétence, le tribunal de paix
siège à juge unique, c’est-à-dire à un seul juge. Toutefois, il siège au nombre de trois
juges lorsqu’il y a lieu de faire application de la coutume locale. Dans ce cas, deux
des trois juges sont les notables du lieu désignés par le Président de la juridiction.
Le notable ainsi assumé prête, devant le Président, le serment7 suivant : « je jure de
respecter la constitution et les lois de la République démocratique du Congo et de
remplir loyalement et fidèlement, avec honneur et dignité, les fonctions qui me sont
confiées » (article 10 de la loi organique).
Le tribunal de paix siège avec l’assistance d’un greffier et le concours du ministère
public (article 13 de la loi organique). La loi organique a ainsi rendu obligatoire le
concours du ministère public, contrairement au code de l’organisation et de la
compétence judiciaires, abrogé, qui laissait la possibilité au juge de paix d’assumer
lui-même cette fonction ou être assurée par un officier de police judiciaire (article 17
du COCJ).

4 La contestation portant sur la validité du bail, la valeur du litige est déterminée en


cumulant les loyers pour toute la durée du bail (article 127 de la loi organique).
5 Pour la contestation portant sur la résiliation du bail, la valeur du litige est déterminée en

cumulant les loyers à échoir (article 127 de la loi organique).


6 Nous estimons que c’est le montant du prix de la chose vendue qui devra servir de base

pour déterminer la compétence matérielle. D’ailleurs, telle est la position de la CSJ


lorsqu’elle « relève que, suivant l’article 117 [actuellement 110 de la loi organique], les
tribunaux de sous-région ne pouvaient statuer que sur les contestations dont la valeur ne
dépassait pas 500 Z. Or, en l’espèce, la parcelle concernée avait été vendue à 3 700 zaïres »
(CSJ, RC 306, 16 juin 1982, B.A.C.S.J., 2001 : 307).
7 Dans chaque dossier judiciaire où les notables pourront faire partie de la composition, il

faut y verser les ordonnances les assumant ainsi que leurs procès-verbaux de prestation de
serment. La cour d’appel de Bukavu a eu à annuler la décision rendue par le tribunal de
grande instance d’Uvira, siège secondaire de Kavumu, pour composition irrégulière du fait
qu’au dossier il n’y avait pas le procès-verbal du défenseur judiciaire qui était assumé
(Cour d’appel de Bukavu, RPA 2125, 28 février 2009 inédit).
5

1.2. Les tribunaux de grande instance


Les tribunaux de grande instance sont placés à l’échelon immédiatement supérieur
aux tribunaux de paix. Ils ont, depuis longtemps, avant l’installation effective des
tribunaux de paix dans chaque territoire et ville du pays, statué sur les matières qui
relèvent de la compétence matérielle de ces derniers et cela en vertu des dispositions
transitoires. C’était ou c’est donc une compétence matérielle transitoire.
Le ressort et le siège de chaque tribunal de grande instance sont fixés par le décret du
premier ministre. Dans la prévision, il doit exister un ou plusieurs tribunaux de
grande instance dans chaque ville. Et il peut aussi être installé un seul tribunal de
grande instance pour deux ou plusieurs territoires.
Leur compétence s’étend aux matières répressives, fiscales (qui ne nous intéressent
pas) et civiles. Pour ce qui est des matières civiles, leur compétence est résiduaire : ils
statuent sur toutes les contestations qui ne sont pas de la compétence des tribunaux
de paix. Parmi les matières qui entrent dans leur compétence résiduaire, il découle de
l’article 110 de la loi organique que les tribunaux de grande instance connaissent en
premier ressort les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par le droit écrit
ainsi que toutes les contestations portant sur le droit de la famille, de la succession,
des libéralité là où les lois spéciales leur attribuent cette compétence à titre dérogatoire à la
loi générale de compétence. Elles connaissent aussi d’autres contestations susceptibles
d’évaluation dont la valeur dépasse la somme de deux millions cinq cent mille francs
congolais. Toutefois, l’article 112 de la loi organique prévoit qu’une fois saisi d’une
action de la compétence des tribunaux de paix, le tribunal de grande instance statue
au fond et en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord exprès par le
greffier. Il convient de signaler que la compétence est d’ordre public du fait que le
juge peut la soulever d’office ; cependant, la loi laisse la faculté au défendeur de
renoncer à cette compétence. Il faut entendre par-là que le défendeur doit manifester
sa volonté (…) afin qu’aucun doute ne subsiste quant à l’existence et au contenu de
cette volonté (Katwala, 1992 : 40).
Ainsi, les juges de grande instance saisis d’une action (par exemple l’action en
divorce) qui relève de la compétence du tribunal de paix sont dans l’impérative
obligation de demander au défendeur s’il renonce à la compétence de son juge
naturel et lui communiquer la conséquence de cette renonciation, c’est-à-dire qu’ils
statueront en dernier ressort8, ce qui veut dire que la décision ne sera pas susceptible
d’appel.
Si la renonciation de la compétence matérielle n’est pas actée dans le procès-verbal
d’audience, ceci donne la possibilité au défendeur d’aller en appel et de demander
que la décision soit annulée, étant donné que le juge avait statué sur la matière qui
n’était pas de sa compétence.

8
Le défendeur ne pourra se pouvoir qu’en cassation au regard de l’article 116 de la loi
organique
6

Outre leur compétence résiduaire, les tribunaux de grande instance connaissent de


l’appel des jugements rendus par les tribunaux de paix, ainsi que de l’exécution de
toutes décisions de justice, à l’exception de celle des jugements des tribunaux de paix
(articles 114 et 113 de la loi organique). Les juges présidents des tribunaux de grande
instance sont devenus incompétents d’autoriser les saisies arrêts9 et les saisies
conservatoires.
Contrairement au Code de l’organisation et de la compétence judiciaires déjà abrogé,
la loi organique prévoit que le tribunal de grande instance siège au nombre de trois
juges que ce soit au premier degré qu’au degré d’appel.

1.3. Les cours d’appel


Les cours d’appel sont de juridictions de l’ordre judiciaire situées à l’échelon
immédiatement supérieur des tribunaux de grande instance. Il existe une ou
plusieurs cours d’appel dans chaque province et deux dans la ville de Kinshasa.
Actuellement, la république compte douze cours d’appel.
La loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l’ordre judiciaire n’a pas attribué à cette juridiction une matière civile
qu’elle doit connaître au premier degré (même pour les privilégiés de juridictions en
matière pénale). Au regard de l’article 115 de la loi organique, les cours d’appel
connaissent de l’appel des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de
grande instance, les tribunaux de commerce et les tribunaux du travail. Ainsi, une
décision rendue en appel par le tribunal de grande instance n’est pas susceptible
d’appel, mais seulement du pourvoi en cassation dans le cas prévus par la loi.
La cour d’appel siège en matière civile10 au nombre de trois juges.

1. 4. La cour de cassation
La cour de cassation n’est pas une juridiction de fond en matière civile, mais au
contraire une juridiction de contrôle ; c’est-à-dire, elle ne jugera pas l’affaire dans son
ensemble, elle contrôle si le droit a bien été appliqué par les juridictions « du fond ».
Elle considère comme acquis les faits qui sont énoncés dans les décisions qui lui sont
soumises ; c’est ce qu’on appelle : « le pouvoir souverain des juges du fond » (Hess-
Pallon et Simon, 2007 : 52). Elle n’est pas un troisième degré de juridiction pour
examiner les fonds de la cause.
Après analyse des juridictions civiles de l’ordre judiciaire, il convient d’examiner les
contestations qui donnent lieu au déguerpissement. Il s’agit des éléments suivants :
les conflits fonciers ainsi que ceux portant sur la validité ou la résiliation d’un bail.

9
Cette saisie n’est pas prévue par l’acte uniforme portant organisation de procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (en droit OHADA).
10
En matière pénale, elle siège au nombre de cinq membres pour les infractions prévues au
Statut de Rome de la Cour pénale internationale (article 22 de la loi organique).
7

2. Les contestations donnant lieu au déguerpissement


Le déguerpissement n’est pas une contestation mais un objet de demande qu’un
plaideur peut solliciter devant une juridiction, pendant qu’il veut qu’il soit reconnu
concessionnaire foncier ou ayant droit foncier coutumier. C’est ainsi qu’il est
concevable que cet objet de demande ne porte que sur une contestation se rapportant
sur le conflit foncier (2.1.). En outre, il n’est pas à exclure que cet objet de demande
peut être postulé par un plaideur qui sollicite de la juridiction la résiliation d’un bail.
Par conséquent, la contestation sur la validité ou la résiliation du bail (2.2.) donne au
plaideur, mais pas nécessairement, la possibilité de solliciter du juge le
déguerpissement de l’occupant.

2.1. Les conflits fonciers


Un conflit foncier est une contestation qui repose sur la reconnaissance, à l’une ou
l’autre partie au procès, de la qualité du concessionnaire foncier ou du propriétaire
de l’immeuble ou bien encore d’ayant droit foncier coutumier. Les contestations
portant sur les conflits fonciers peuvent être régis par la coutume ou par le droit écrit.
Il s’agit, bien entendu, de la loi du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés et ses mesures d’exécution.

2.1.1. Les conflits fonciers régis par la coutume


C’est la nature du fonds litigieux qui déterminera que le conflit foncier est régi par la
coutume. D’une manière simple, les conflits fonciers régis par la coutume sont les
conflits portant sur des terres dites rurales ou coutumières. Ainsi les conflits fonciers
(individuels ou collectifs) régis par la coutume impliquent les litiges qui opposent les
membres d’une communauté locale ou les communautés locales sur une terre régie
par la coutume, acquise conformément à la coutume11 et ces litiges sont réglés
conformément à la coutume locale du fonds querellé. C’est dans ce sens que
Malengreau (1947 : 198) écrit : « les conflits de droits ne sont pas rares ; ils peuvent
naître entre deux individus ou entre un individu et un groupement. Beaucoup de ces
conflits sont prévus par la coutume et réglés par elle ».
Il ressort des articles 387 et 388 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime général des
biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, sont terres coutumières
celles occupées par les communautés locales. Et les terres occupées par les
communautés locales12 sont celles que ces communautés habitent, cultivent ou
exploitent d’une manière quelconque-individuelle ou collective- conformément aux
coutumes et usages locaux.

11
L’article 34, alinéa 2, de la Constitution : l’Etat garantit le droit à la propriété individuelle
ou collective acquis conformément à la loi ou à la coutume.
12
Le législateur du Code forestier définit à son article 1er, qu’il faut entendre par
communauté locale « une population traditionnelle organisée sur base de la coutume et unie
par des liens de solidarité clanique ou parentale qui fonde sa cohésion interne. Elle est
caractérisée en outre par son attachement à un terroir déterminé ».
8

Par ailleurs, il a été jugé qu’en vertu de la loi du 20 juillet 1973 portant régime général
des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, les droits des
jouissances sur les terres occupées par les communautés locales sont régis par le droit
coutumier avant leur règlementation par l’ordonnance présidentielle (CSJ., RC 1032,
20 janvier 1988, RJZ., 1988 : 7).
Une terre régie par la coutume est ainsi l’opposée d’une terre régie par le droit écrit.
Partant, toute terre appartenant à l’Etat (article 9 de la Constitution et 53 de la loi
foncière) qui n’est pas lotie ou concédée par lui en vertu de la loi portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés ; mais
dépendante ou attenante à celle habitée, cultivée et/ou exploitée par la communauté
locale reste une terre coutumière. Ainsi un conflit foncier qui surgirait entre les
membres de la communauté locale sera régi en vertu de la coutume locale qui règle
la manière dont on devient ayant droit foncier coutumier.
Il convient toutefois de signaler que les communautés foncières traditionnelles ne
doivent pas être distinguées de l’Etat, ou être opposées à celui-ci. Elles sont
considérées comme des subdivisions de l’Etat de qui elles dépendent et qu’elles
représentent au niveau local (Tunga-Bau, 2010 : 17). C’est ainsi que la résolution de ce
conflit foncier régi par la coutume sera soumise à la juridiction civile compétente qui
en traitera conformément à la coutume locale et ce, conformément à l’article 153
alinéa 3 de la Constitution qui prévoit que « les cours et tribunaux (…) appliquent
(…) la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux
bonnes mœurs ».
Les ayants droits fonciers coutumiers disposent ainsi d’un droit réel tel que son
titulaire peut en réclamer et en revendiquer avec succès dans n’importe quelles
mains où il se trouve. Ce droit foncier individuel en vertu de la coutume et des
usages locaux est constitué par l’occupation effective et exclusive du sol, traduite par
le travail, y exécuté. Tant que le travail y existe effectivement, personne ne peut en
troubler la jouissance par une autre occupation sans autorisation du premier
occupant sous peine aussi bien des sanctions civiles comme l’expulsion et les
dommages et intérêts éventuels, que des sanctions pénales du fait de l’occupation
illégale de terres (article 207 de la loi portant régime général des biens, régime foncier
et immobilier et régime des sûretés et ses mesures d’exécution).
Cependant, Malangu et les autres estiment que pour être régulier et non punissable,
l’accès au sol pour constituer son droit foncier individuel doit se conformer à la
coutume et aux usages locaux. Généralement les coutumes d’accès au sol d’une
communauté locale consiste en une autorisation expresse ou tacite donnée par le chef
de la communauté ou son représentant conformément à la coutume ou aux usages
du lieu. Les autorités coutumières pouvant attribuer les terres sont en principe les
suivantes : le chef de clan, le chef de lignée, de famille, ou leurs représentants sur les
terres de leur attachement traditionnel conformément à la coutume ou à l’usage local.
C’est ainsi que Bours (1936 : 29) considère que, par rapport à la coutume de
Bekalebwe au Lomami, la terre est propriété commune et de ce fait régie par le chef,
assisté de son conseil des notables.
9

Toutefois, Kalambay Lumpungu (1989 : 92) pense même que « pour les terres
occupées en vertu du droit coutumier, les conclusions de l’action possessoire13
peuvent servir de titre pour l’enregistrement du droit foncier et immobilier de
circonscription rurale ».
Il convient toutefois de signaler que le droit foncier coutumier individuel ne peut pas
se constituer sur les terres loties, affectées ou concédées par l’Etat étant donné que
l’occupation de celles-ci échappe à l’application de la coutume ou des usages locaux ;
c’est-à-dire, sur ces terres l’occupation se fait en vertu du droit écrit qui est la loi
foncière.

2.1.2. Les conflits fonciers régis par le droit écrit


En disposant que les tribunaux de paix connaissent toutes contestations portant sur
(…) les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume, l’article 110 de
la loi organique laisse entrevoir qu’il doit y avoir aussi les conflits fonciers régis par
le droit écrit. Quel est alors ce conflit foncier régi par le droit écrit ? Nous estimons
que c’est un litige, sur la reconnaissance de la qualité du concessionnaire ou du
propriétaire, qui oppose deux ou plusieurs personnes sur un fonds ou un immeuble
couvert par un titre conformément à la loi portant régime général des biens, régime
foncier et immobilier et régime des sûretés et ses mesures d’exécution ; ou bien sur
un fonds qui se trouve dans une circonscription foncière lotie. Rappelons ainsi que,
c’est la nature juridique du fonds querellé qui permet de connaître qu’il s’agit d’un
conflit foncier régi par le droit écrit ou la coutume. C’est ainsi que les terres
concédées par l’Etat, à travers le service spécialisé, conformément à la loi la loi
portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés
et ses mesures d’exécution sont régies par le droit écrit.
Au regard de l’article 219 de la loi portant régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des sûretés et ses mesures d’exécution, le droit de jouissance
d’un fonds n’est légalement établi que par un certificat d’enregistrement du titre
concédé par l’Etat. Cependant, il n’est pas exclu que cela soit aussi prouvé par un
contrat. Car, il découle de l’article 144 de la loi portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés que la location est en principe
préparatoire à une autre concession. En outre, le titre d’occupation provisoire des
terres dans le cadre des terres rurales (article 203 de la loi portant régime général des
biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés) peut aussi servir de base
pour faire sortir ces terres de la gestion coutumière et peut faire foi du droit de
jouissance sur un fonds.
C’est pourquoi, il a été décidé qu’aux termes de l’article 390 de la loi foncière, le litige
portant sur le droit d’occupation [constaté par un titre] relève de la compétence des
tribunaux de droit écrit (CSJ., RC 212, 21 janvier 1981, Bull. arrêts, 2001 : 170).

13Le même auteur précise que, dès que le possesseur est inquiété dans la jouissance du bien
possédé, la loi lui donne une « action possessoire » dont le but est de sauvegarder sa
situation et de le remettre dans sa situation antérieure s’il en a été évincé.
10

Le concessionnaire peut aussi faire jouir l’immeuble ou le fonds à une autre personne
à travers le bail. Lors de l’exécution de ce contrat, il peut naître une contestation qui
peut conduire à la résiliation du bail.

2.2. La validité ou la résiliation d’un bail


L’article 127 de la loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l’ordre judiciaire prévoit que les contestations sur la validité ou la
résiliation d’un bail, la valeur du litige est déterminée en cumulant, au premier cas
(qui concerne les contestations sur la validité d’un bail) les loyers pour toute la durée
du bail, et le second cas (concernant, la résiliation d’un bail), les loyers à échoir.
Il ressort de cet article 127 croisé avec l’article 110, alinéa 2, de la loi organique que le
tribunal de paix connaît les contestations relatives à la validité ou à la résiliation d’un
bail pour autant que le cumul du loyer pour toute la durée du bail, d’une part, et,
d’autre part, du loyer à échoir ne soit pas supérieur à deux millions cinq cent mille
francs congolais.
Il convient toutefois de savoir sur quoi peut porter un bail pour que les juges
puissent connaître sa validité ou ordonner sa résiliation. Il ressort des articles 370 à
426 du code civil livre trois que le bail dont il est question concerne le contrat de
louage des choses. Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties
s’oblige à faire jouir à l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un
certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer (article 371 du CCLIII). Et le louage des
choses peut porter sur toutes sortes des biens meubles ou immeubles. Il peut être un
bail à loyer ou bail à ferme.
Les contestations sur la validité d’un bail ne peuvent ainsi porter que sur les quatre
conditions essentielles de validité d’un contrat. Il s’agit du consentement de la partie
qui s’oblige, de la capacité de contracter, de l’objet certain qui forme la matière de
l’engagement et de la cause licite dans l’obligation (article 8 du CCLIII).
Si le contrat de bail est invalidé ou annulé du fait que l’une des conditions de validité
n’est pas réunie, il y a les conséquences qui s’en suivent. Le contrat annulé est réputé
n’avoir jamais été conclu ; tout doit être remis dans l’état antérieur au contrat : c’est le
principe de la rétroactivité. Les conséquences entre parties, c’est la restitution. Si le
contrat n’a pas été exécuté, les contractants sont libérés de leurs obligations. Si le
contrat a été exécuté, il y aura lieu à la restitution. Mais dans certains cas, la
restitution est impossible, dans les contrats successifs, comme le contrat de bail, la
nullité ne jouera que pour l’avenir (Hess-Pallon et Simon, 2007 : 247), ce qui veut dire
que dans l’avenir le locataire doit libérer la maison louée étant donné que le bail est
censé n’avoir été conclu.
S’agissant de la résiliation, si l’un des contractants n’exécute pas son obligation,
l’autre contractant est libéré de la sienne par voie judiciaire (Hess-Pallon et Simon,
2007 : 336). La résolution du contrat est due à l’inexécution du contrat qui est
synallagmatique, et cela par la voie judiciaire si les parties ne l’ont pas prévue dans
leur contrat. L’inexécution peut être totale ou partielle. Si l’inexécution n’est que
11

partielle ou simplement tardive, le juge devra apprécier si elle est suffisante pour
justifier la résolution.
La résiliation d’un bail (ou du contrat en général) entraîne certains effets. Entre
parties, le contrat est anéanti non seulement pour l’avenir, mais aussi
rétroactivement. Tout doit se passer comme si le contrat n’a jamais existé et chaque
contractant doit restituer ce qu’il a reçu en vertu du contrat. Envers les tiers, la
résiliation peut entraîner des résolutions en cascade.
Le locataire est ainsi obligé de libérer la maison louée. En vertu du principe
l’accessoire suit le principal, le principal c’est la demande en résiliation du bail dont la
demande accessoire est le déguerpissement, le juge saisi d’une demande en
résiliation d’un bail est compétent d’ordonner le déguerpissement, bien entendu si le
demandeur l’avait postulé dans son exploit introductif d’instance. C’est dans ce sens
qu’il a été judicieusement jugé que pour statuer sur le déguerpissement, le juge du fond
devant, comme il l’a fait en l’espèce, se prononcer au préalable sur la résiliation des baux
sollicités (CSJ., RC 185, 27 février 1980, Bull. Arrêts de la CSJ, 2001 : 15). L’action
principale ne doit pas résider sur la contestation portant sur la qualité du
concessionnaire ou sur la qualité de propriétaire de l’immeuble couvert par un titre.
Le code civil livre trois prévoit certains cas qui peuvent conduire à la résiliation du
bail par le bailleur et même à l’expulsion du preneur (locataire). C’est le cas où le
preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée,
ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur. Celui-ci peut, suivant les
circonstances, faire résilier le bail (article 386 du CCLIII). Il est aussi résilié par le
défaut du preneur de remplir son engagement (article 397 du CCLIII). En outre,
l’article 408 du CCLIII, prévoit l’hypothèse où le locataire qui ne garnit pas la maison
de meubles suffisants peut être expulsé. Ainsi que dans l’hypothèse, s’il a été
convenu, lors du bail, qu’en cas de vente l’acquéreur pourrait expulser le fermier ou
locataire (article 400 du CCLIII). Pour plus d’éléments relatifs aux contestations sur le
bail, lire les articles 370 à 426 du CCLIII.
Après l’analyse des contestations, dont l’objet de demande peut-être le
déguerpissement, il convient de déterminer la juridiction compétente qui peut
l’ordonner.

3. Le déguerpissement : un objet de la demande concurrent


La compétence matérielle est d’ordre public. Cependant, en matière civile, le
législateur laisse la possibilité au défendeur d’y renoncer avec toutes les
conséquences (article 112 in fine de la loi organique). Que faut-il alors entendre par la
compétence ? La compétence est le pouvoir attribué à un juge ou à un tribunal de
juger une contestation. Elle est comme un cercle dans lequel a été circonscrit le
pouvoir de juger. L’absence du pouvoir de juger constitue l’incompétence. Dans ce
sens, le mot compétence est souvent employé comme synonyme des mots juridiction
ou ressort (Guérard, 1958 : 11). C’est ainsi qu’on dit d’un litige qu’il est de la
compétence de la juridiction, du ressort du tribunal de paix ou du tribunal de grande
instance, c’est-à-dire, de la compétence en raison de la matière à juger ou du ressort.
12

Ici, il s’agit de connaître la compétence en raison de la matière à juger qui est le


déguerpissement.
Ainsi, à la lumière de l’analyse des contestations donnant lieu au déguerpissement et
des différentes juridictions civiles de l’ordre judiciaire, il se révèle que la compétence
matérielle en matière de déguerpissement est concurrente entre les tribunaux de paix
et les tribunaux de grande instance. C’est-à-dire, il y a le déguerpissement qui peut
être ordonné par les tribunaux de paix et celui qui peut être ordonné par les
tribunaux de grande instance.

3.1. Le déguerpissement de la compétence du tribunal de paix


Les contestations donnant lieu au déguerpissement que les tribunaux de paix doivent
connaître sont celles qui se rapportent aux conflits fonciers régis par la coutume et à
la validité ou à la résiliation du bail sous certaines conditions.
Le Tribunal de paix de Butembo avait décidé, qu’en vertu des dispositions de l’article
110 du COCJ, le Tribunal de paix est compétent pour connaître de tout litige foncier
collectif ou individuel régi par la coutume (RC 011/208/NGA, 6 septembre 1999,
note de Kangulumba, 2004 : 152). Et sans plus de commentaire et se référant au
même article 110, Kilomba (2008 : 61) écrit que c’est le tribunal de paix qui est
compétent de statuer sur un conflit foncier régi par la coutume et ce, sous tous ses
aspects y compris celui lié au déguerpissement.
Les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume14 impliquent la
reconnaissance entre l’une des parties au procès de la qualité d’ayant droit foncier
coutumier. C’est ainsi que le juge saisi de la demande d’ordonner le déguerpissement
ou l’expulsion des personnes, ne pourra se déclarer incompétent, étant donné que ces
conflits fonciers impliquent la reconnaissance de la qualité et une fois cette qualité est
reconnue au demandeur, l’occupant sans titre ni droit est dans l’obligation de libérer
le fonds. S’il ne libère pas le fonds par lui occupé, la demande en déguerpissement
est alors concevable. Cependant, le demandeur peut au même moment solliciter du
tribunal de condamner le défendeur à la cessation des troubles de jouissance et au
déguerpissement.
C’est pourquoi Kalambay Lumpungu (1989 : 90), enseigne que les actions
possessoires ne protègent que la possession des immeubles contre les troubles y
apportés. Le but de ces actions est d’obtenir du juge la cessation des troubles. Le juge
saisi doit ordonner la cessation des troubles et faire remettre les choses dans leur
premier état.

14
Ce terme désigne les règles de droit qui n’ont pas été édictées par les pouvoirs publics,
mais qui sont devenues obligatoires à la suite d’usage prolongé. Les termes coutumes et
usages sont souvent considérés comme synonymes, cependant, on peut distinguer deux
catégories d’usages, dont une seule répond aux caractères de la coutume (Hess-Fallon et
Simon, 2007 : 23).
13

Pour statuer sur cette demande, le président de la juridiction devra assumer deux
notables du lieu et ce, en vertu de l’article 10 de la loi organique15. C’est-à-dire, dans
ce cas, deux des trois juges sont des notables du lieu. Au cas où le tribunal de paix
siège à juge unique, le jugement est annulable pour composition irrégulière.
Le juge devra interroger la coutume du lieu. C’est-à-dire, savoir que dit la coutume
lorsqu’une personne ou un groupe de personnes occupent un fonds d’autrui en
violation de la coutume et usage du milieu. Le sort de l’occupant et de tout ce qu’il a
planté dépendent d’une coutume à l’autre. Ainsi, bien qu’on ne puisse utiliser le
terrain défriché par autrui, la coutume veut qu’on respecte les arbres si un autre que
le propriétaire les a plantés. On peut lire dans un jugement du tribunal de Territoire
de Matadi que « les juges déclarent que la coutume indigène ne permet jamais la
destruction de plantations, même si celles-ci ont été établies sur terrain d’autrui. Que
celui qui se croit léser doit s’en référer au chef indigène, qui seul peut trancher le
différend » (Jugement du 6 septembre 1935 in Malengreau, 1947 : 170). Il en est de
même à Sampwe, où « lorsqu’un indigène établit un champ sur la jachère d’un autre
qui ne l’a pas autorisé, celui-ci ne peut exiger son expulsion. Il devra attendre
l’enlèvement de la récolte » pour qu’il quitte le champ (Marchai., Le droit coutumier
des Bazela, des Balomotwa et des Banwenshi cité par Malengreau, 1947 : 170).

Cette position coutumière n’est pas différente de la coutume Shi (dans la province du
Sud-Kivu) qui dispose que toute personne qui occupe une maison ou un champ qui ne
trouve pas son fondement dans la coutume, on doit lui donner une mise en demeure (une
période de temps) juste pour lui permettre de récolter ses cultures. S’il y a résistance on
recourt au Tribunal pour le faire partir de force16. C’est-à-dire, l’expulser du lieu.

Malengreau (1947 : 197) présente plusieurs cas où l’expulsion est prévue en vertu de
la coutume. C’est le cas où le chef se réserve l’emplacement qu’il juge le mieux lui
convenir. Il a bien pour devoir de respecter dans son choix les terres déjà occupées
par ses sujets, mais, s’il se sent suffisamment puissant, si son pouvoir est presque
absolu (…) l’expulsion forcée d’autrui ne le gêna guère, quitte à faire indemniser sa
victime par la collectivité.

Chez les Bahunde, l’expulsion était prononcée par le tribunal de clan ou par le
tribunal de famille, surtout en cas d’insoumission sérieuse envers le Mutambo

15
La cour d’appel de Bukavu avait annulé le jugement pour composition irrégulière en
motivant sa décision en ces termes : « la cour constate que la composition qui a instruit la
cause et prononcé le jugement a été irrégulière, en ce qu’un membre de la composition a été
assumé au titre du juge assesseur, en l’occurrence Maître Kitambala défenseur judiciaire de
son état ; cependant, aucun élément du dossier ne prouve sa désignation ni sa prestation de
serment d’usage entre les mains du président avant de composer le siège » (C.A. Bukavu,
RPA 2125, du 28 février 2009, inédit).
16
Entretien réalisé par KAKULE MUKE, Juge au Tribunal de paix de Kabare (Province du
Sud-Kivu), avec les notables assumés dans la cause inscrite sous RC 84, le 1er août 2015
14

[notable qui a donné le droit d’occupation] (Malengreau, 1947 : 198-199). Il arrivait


aussi que le chef cède une exploitation complète du champ rendue libre pour une
raison d’expulsion de son propriétaire (Malengreau, 1947 : 208). Chez les Wazimba
de Kasongo, il est d’usage que l’étranger autorisé à s’installer dans le village offre sa
première récolte au chef de clan, qui la partagera avec les anciens et les notables.
C’est moins là une redevance pour le droit de résider qu’un gage d’amitié pour se
concilier les bonnes grâces du clan. Cependant, passer outre cette formalité (…)
généralement entraîne l’expulsion (Malengreau, 1947 : 232).

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de ne pas se demander si la coutume prévoit


ou pas l’expulsion. Il faut seulement que le juge du tribunal de paix saisi puisse
répondre à cette demande conformément à la coutume du lieu du fonds querellé. Le
droit coutumier que les tribunaux de paix doivent ainsi appliquer, c’est le droit
autochtone, tel qu’il existe au moment du jugement. Le droit coutumier, écrit Devaux
(S.d : 21), est tout aussi bien formé des usages ancrés dans les mœurs et ayant pris un
caractère juridique, que des règles éventuellement dictées par une autorité (…). Les
tribunaux appliquent la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à
l’ordre public ou aux bonnes mœurs (article 153 alinéa 4 de la Constitution de la
RDC).

S’agissant du déguerpissement résultant des contestations portant sur la validité ou


la résiliation d’un bail, les tribunaux de paix sont compétents d’y statuer suivant les
conditions ci-après :

En cas de déguerpissement résultant de la validité du bail, le cumule des loyers pour toute la
durée du bail ne peut dépasser deux millions cinq cent mille francs congolais ;
Pour le déguerpissement résultant de la résiliation du bail, le cumule des loyers à échoir doit
être inférieur ou égal à deux millions cinq cent mille francs congolais ;
Il n’est pas important, dans tous les deux cas, de connaître que l’immeuble ou la concession
est couvert(e) d’un titre ou il est acquis en vertu de la coutume.
Les tribunaux de paix ne pourront examiner cette demande que si le demandeur ne
réclame pas qu’il soit reconnu propriétaire de l’immeuble. Une fois que les
contestations se rapportant sur la validité ou la résiliation du bail amènent les
tribunaux de paix à examiner la qualité du propriétaire de l’immeuble ou du
concessionnaire, dans ce cas les tribunaux de paix doivent se déclarer incompétent
du fait qu’il s’agit maintenant d’un conflit foncier régi par le droit écrit. C’est-à-dire,
une action en revendication de la propriété de l’immeuble.
A ce sujet, il a été jugé sous d’autres cieux que « le juge de paix peut prononcer
l’expulsion chaque fois qu’il constate que le défendeur occupe les lieux sans droit, même s’il
n’y a jamais eu de bail entre parties, du moment que l’objet réel de la demande est l’expulsion
d’un occupant sans droit et que l’action n’a pas pour objet la revendication de la propriété
d’un immeuble.
15

Il est notamment compétent pour ordonner l’expulsion d’une personne devenue occupante
sans droit ni titre à la suite de la résiliation de son bail emphytéotique, encore que cette
convention confère un droit réel au preneur » (J.d.P. Lux., 28 juin 1983, 26, 122, cité dans
le nouveau code de procédure civile Luxembourgeoise).
Il ressort de cette position jurisprudentielle que les tribunaux de paix sont
incompétents de statuer sur les actions en revendication de la propriété d’un
immeuble couvert par un titre (conflits fonciers régis par les textes de loi). Et cela
découle même de l’article 110, alinéa 1er, de la loi organique qui laisse la compétence
aux tribunaux de paix de connaître les contestations portant sur les conflits fonciers
régis par la coutume.

Encadré 1 : Cas d’un conflit foncier régi par la coutume


Attendu que le requérant avait, en 1995, acquis le droit de jouissance d’un champ,
situé à Nvuzacuma, groupement de Cirunga, chefferie et territoire de Kabare,
auprès de Mwami après qu’il ait versé à ce dernier la redevance de trois vaches
comme l’atteste l’acte signé à cette occasion.
Attendu qu’à la suite des différentes guerres qui ont touché le pays et qui n’avaient
pas épargné Nvuzacuma, le requérant était obligé de fuir le lieu et est allé
s’installer en ville (à Bukavu).
Attendu que pendant l’absence du requérant, l’assigné est venu s’y installer,
prétextant qu’il a hérité ce champ de son père qui aussi l’avait obtenu chez un
notable délégué par le Mwami de chefferie Kabare.
Attendu qu’à travers le conseil de la chefferie, l’assigné a été invité pour produire
la preuve de son droit de jouissance sur ce champ, cependant il ne l’avait pas
brandie.
Attendu que l’assigné ne justifie donc pas son droit de jouissance sur ce fonds ;
Attendu que le comportement de l’assigné cause un incommensurable préjudice au
requérant qui voit son droit de jouissance paisible de son bien être menacé ;
Attendu qu’il convient de le condamner à la cessation de trouble de jouissance et
d’ordonner par conséquent son déguerpissement et de toutes les personnes qui
occupent de son chef la concession du requérant;
Compétence matérielle : La contestation dans cette affaire, c’est un conflit foncier
individuel régi par la coutume, du fait qu’aucune des parties n’a un titre foncier lui délivré
par le service qui a en charge la gestion foncière. L’une comme l’autre prétend avoir obtenu
le droit de jouissance sur le fonds à travers le Mwami qui est une autorité coutumière.
C’est-à-dire, le droit de jouissance est acquis en vertu de la coutume. Et partant, cette
contestation est régie par la coutume étant donné qu’il a été jugé qu’en vertu de la loi
foncière, les droits de jouissance sur les terres occupées par les communautés locales sont
régis par le droit coutumier avant leur règlementation par l’ordonnance présidentielle
16

Encadré 2. Cas de la résiliation d’un bail de la compétence du


Tribunal de Paix
Attendu que le requérant est propriétaire d’une maison au Centre-ville de
Lubumbashi, sise au n° XX de l’avenue Lomami, quartier Makutano, dans la
Commune de Lubumbashi, à Lubumbashi, couverte par le certificat
d’enregistrement volume AF XY, folio ZY du 28 avril 2001 ;

Attendu qu’à travers un courtier immobilier, il a été informé que l’assigné


cherchait une maison à Lubumbashi pour y loger ;

Attendu que les deux parties se sont mises d’accord sur un bail portant sur
l’occupation de l’immeuble sis au n° XX de l’avenue Lomami, quartier Makutano,
dans la Commune de Lubumbashi, à Lubumbashi et que l’assigné a versé au
requérant, le 05 janvier 2008, la somme de 12.000 $US couvrant la durée de 5 ans
du bail, soit 200 USD par mois.

Attendu qu’à partir du mois de mars 2015, le requérant est surpris de constater
que l’assigné n’a pas versé le loyer de cinq mois équivalent à 1 000 USD soit
920 000 CDF.

Attendu que le comportement de l’assigné constitue une faute, étant une violation
de la clause du contrat de bail ;

Attendu qu’il convient d’ordonner la résiliation du bail et le déguerpissement de


l’assigné.

Compétence matérielle : Il s’agit ici d’une contestation portant sur la résiliation d’un
17

3.2. Le déguerpissement de la compétence du tribunal de grande instance


Le tribunal de grande instance est compétent de connaître les actions en
déguerpissement en matière de conflits fonciers régis par le droit écrit et en matière
de contestation portant sur la validité ou la résiliation d’un bail sous certaines
conditions. Mais à titre dérogatoire et sur renonciation expresse du défendeur actée
par le greffier, le tribunal de grande instance peut statuer sur les actions en
déguerpissement de la compétence du tribunal de paix.
Les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la loi, rappelons-le, sont ceux
qui ne sont pas tranchés par le juge en vertu de la coutume ou des usages locaux. Le
juge se réfère plutôt aux prescrits des règles de droit codifié pour régler le litige. En
outre, il s’agit d’un conflit qui porte sur fonds loti et sur l’immeuble couvert par un
titre ou situé dans une conscription lotie. Ainsi, une action en déguerpissement qui
repose sur un conflit foncier régi par le droit écrit, qui a pour objet la revendication
de la propriété d’un immeuble ou d’un fonds, relève de la compétence du tribunal de
grande instance.
Par contre, « en ce qui concerne les conflits fonciers de l’article 387 de la loi dite
foncière, le tribunal de grande instance n’a pas une compétence principale (…). Le
tribunal de grande instance n’est compétent pour connaître d’un conflit collectif [ou
individuel] des terres coutumières qu’au cas où il n’existerait pas dans le ressort un
tribunal de paix ou si le défendeur se décide de saisir ce tribunal en premier et
dernier ressort » (Kangulumba, 2004 : 152). Et cette position ressort aussi de l’article
112 in fine de la loi organique.
S’agissant du déguerpissement résultant des contestations portant sur la validité ou
la résiliation d’un bail, les tribunaux de grande instance sont compétents d’y statuer
suivant les conditions ci-après :
En cas de la demande en déguerpissement résultant de la validité du bail, le cumul des loyers
pour toute la durée du bail doit dépasser deux millions cinq cent mille francs congolais ;
18

Pour le déguerpissement résultant de la résiliation du bail, le cumul des loyers à échoir doit
supérieur à deux millions cinq cent mille francs congolais ;
Il n’est pas important, dans tous les deux cas, de connaître que l’immeuble ou la concession
est couverte d’un titre ou il est acquis en vertu de la coutume. Car l’action ne vise pas ici, la
revendication de la propriété de l’immeuble ou la qualité du concessionnaire comme
dans l’hypothèse du conflit foncier.

Encadré 3. Cas de la résiliation d’un bail de la compétence du


Tribunal de Grande Instance

Attendu que le requérant est propriétaire d’une maison au Centre-ville de


Lubumbashi, sise au n° XX de l’avenue Lomami, quartier Makutano, dans la
Commune de Lubumbashi, à Lubumbashi, couverte par le certificat
d’enregistrement volume AF XY, folio ZY du 28 avril 2001 ;

Attendu qu’à travers un courtier immobilier, il a été informé que l’assigné cherchait
une maison à Lubumbashi pour y loger ;

Attendu que les deux parties se sont mis d’accord sur un bail portant sur
l’occupation de l’immeuble sise au n° XX de l’avenue Lomami, quartier Makutano,
dans la Commune de Lubumbashi, à Lubumbashi et que l’assigné a versé au
requérant, le 05 janvier 2007, la somme de 12.000 $US couvrant la durée de 5 ans du
bail, soit 200 USD par mois.

Attendu qu’à partir du mois de janvier 2014, le requérant est surpris de constater
que l’assigné n’a pas versé le loyer de vingt-quatre mois équivalent à 4 800 USD.
Attendu que le comportant de l’assigné constitue une faute, étant une violation de
la clause du contrat de bail ;

Attendu qu’il convient d’ordonner la résiliation du bail et le déguerpissement de


l’assigné et de toutes les personnes qui occupent de son chef.
19
20

Encadré 4. Cas d’un conflit foncier régi par le droit écrit de la


compétence du Tribunal de Grande Instance.
Attendu que le requérant est concessionnaire de la parcelle sise au n° 2283 de
l’avenue de l’Energie, quartier Gambela, dans la Commune de Lubumbashi, à
Lubumbashi, couverte par le certificat d’enregistrement volume AF XY, folio ZY
du 28 avril 2001 ;
Attendu qu’à travers une connaissance commune, il a été informé que l’assigné
cherchait une maison à Lubumbashi pour y loger sa mère ; Attendu que c’est ainsi
que les deux parties se sont mis d’accord sur un bail de 5 ans portant sur
l’occupation de l’annexe attenant à l’immeuble sise au n° 2283 de l’avenue de
l’Energie, quartier Gambela, dans la Commune de Lubumbashi, à Lubumbashi et
que l’assigné a versé au requérant, le 05 janvier 2008, la somme de 8.000 $US
couvrant toute la durée du bail, celui-ci ayant, à partir de Bukavu, chargé son
conseil d’alors de rédiger un contrat de bail pour signature entre parties ;
Attendu que, contre toute attente, à l’occasion de sa venue à Lubumbashi à la suite
du décès de son père en novembre 2014, le requérant a été surpris d’apprendre que
non seulement la mère de l’assigné était décédée depuis longtemps mais aussi,
alors que le contrat de bail qui le liait à l’assigné était déjà arrivé à terme, ce
dernier s’est permis d’installer des tiers dans ladite annexe et continue jusqu’à ce
jour de percevoir des loyers alors qu’il n’a aucun titre ni droit pour ce faire ;
Attendu que bien plus, le requérant vient d’apprendre que l’assigné a
frauduleusement tenté de conduire le tribunal de céans, sous RC 27261, à annuler
son certificat d’enregistrement et à lui allouer des dommages-intérêts sous prétexte
que les deux parties auraient convenu de la vente de la partie de la parcelle du
requérant sur laquelle avait porté le contrat de bail susmentionné ; Qu’il avait déjà
porté les mêmes revendications devant le tribunal de céans sous RC 27.149, selon
ce que renseigne l’assignation sous 27261 ;
Attendu que fort heureusement pour le requérant, il n’a pas obtenu gain de cause ;
Attendu qu’il convient d’ordonner le déguerpissement de l’assigné et de toutes les
personnes qui occupent de son chef impunément la parcelle du requérant; Attendu
que le comportement de l’assigné cause un incommensurable préjudice au
requérant qui voit son droit de jouissance paisible de son bien être menacé.

Compétence matérielle : La source du problème est le contrat de bail. Cependant, la


contestation qu’il a soumise au tribunal porte sur la qualité du propriétaire de la parcelle
(un conflit foncier). Ainsi, cette contestation est de la compétence du Tribunal de grande
instance du fait qu’elle porte sur un fonds lotis et pour se prévaloir de sa qualité du
concessionnaire l’une des parties a produit un certificat d’enregistrement. Par conséquent,
c’est une contestation qui est régie par le droit écrit et non par la coutume.
21

Encadré 5. Cas de la validité d’un bail de la compétence du


Tribunal de Grande Instance

Attendu que le requérant est propriétaire d’une maison au Centre-ville de


Lubumbashi, sise au n° XX de l’avenue Lomami, quartier Makutano, dans la
Commune de Lubumbashi, à Lubumbashi, couverte par le certificat
d’enregistrement volume AF XY, folio ZY du 28 avril 2001 ;

Attendu qu’à travers un courtier immobilier, il a été informé que l’assigné


cherchait une maison à Lubumbashi pour y loger ;

Attendu que l’assigné, pour conclure le contrat, avait fait usage d’une fausse
qualité pour persuader le requérant d’accepter le contrat ;

Attendu que le requérant et l’assigné s’étaient convenus de verser la somme de


12.000 $US couvrant la durée de 5 ans du bail, soit 200 USD par mois.

Attendu qu’à l’entrée en jouissance de la maison par l’assigné, il s’était rendu


compte que son consentement a été vicié et sollicite du tribunal d’annuler le bail
et d’ordonner le déguerpissement de l’assigné et de toutes les personnes qui
occupent de son chef.

Compétence matérielle : Il s’agit ici d’une contestation portant sur la validité d’un bail.
Et pour ces genres de contestation, l’article 127 de la loi organique détermine la
compétence matérielle en cumulant les loyers pour toute la durée du bail. Dans le cas
d’espèce, le loyer est de 12. 000 USD soit 11 040 000 CDF (onze millions quarante mille
francs congolais). Cependant, l’article 110, alinéa 2, de la loi organique attribue la
compétence matérielle aux tribunaux de paix sur les contestations susceptibles
d’évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas deux millions cinq cent mille
francs congolais. Le montant du cumul de loyer, dans le cas sous examen, est supérieur à
celui prévu à l’article sus évoqué. Partant, cette contestation est de la compétence du
tribunal de grande instance.
22

4. La position prétorienne au regard de la compétence en matière de


déguerpissement et ses limites
En matière de déguerpissement, seule la décision du tribunal de paix de Kinshasa-
Gombe sert aujourd’hui de référence car ce dernier s’était prononcé sur la
compétence matérielle. En effet, dans sa décision judiciaire sous RC 1/145/I, le juge
s’était déclaré incompétent de statuer sur le déguerpissement estimant que : « les
tribunaux de paix ne connaissent entre autres contestations que celles susceptibles
d’évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas 5000 Zaïres. Ils sont
incompétents pour connaître des expulsions ou des déguerpissements des
personnes » (Tribunal de paix Kin-Gombe, RC 1/1451/I, 13 décembre 1985, in
Katwala, 1995 : 46).
Cette position du juge peut ou ne pas répondre aux exigences d’un raisonnement
juridique. Le raisonnement juridique s’effectue sous forme un syllogisme judiciaire. Il
est très généralement admis que, pour dire le droit, le juge structure son
raisonnement de la façon suivante :
Il doit montrer la norme juridique, bien entendu, la règle de droit applicable et celle-
ci constitue la majeure. Ensuite, il présente les faits de l’espèce, c’est la mineure. Et, il
confronte les faits de l’espèce à la règle de droit pour afin prendre une décision qui
est une conclusion.
Cependant, le juge de paix n’a pas explicité les faits sur lesquels reposait la demande
en déguerpissement. Cette position n’est pas à considérer comme absolue, elle est à
relativiser ou à assouplir. C’est-à-dire, les tribunaux de paix sont compétents, dans
certains cas, d’ordonner le déguerpissement et dans d’autres cas incompétents. Sa
position laisse entrevoir que la contestation portait sur la résiliation du bail. Et son
incompétence matérielle ne pouvait se justifier que si le loyer à échoir était supérieur
à 5000 Zaïres. Mais, il a fondé son incompétence matérielle par rapport à l’objet de la
demande et non au regard du montant, oubliant que l’article 124 du COCJ
[aujourd’hui article 127 de la loi organique] détermine la compétence par rapport au
montant du loyer à échoir.
Il doit alors y avoir un revirement de la jurisprudence, car celui-ci permet l’évolution
du droit et sa meilleure adaptation aux problèmes de la société (Hess-Pallon et
Simon, 2007 : 27).
D’ailleurs, sur la compétence matérielle du tribunal de paix, il a été jugé que le conflit
qui oppose les parties à savoir le trouble de jouissance d’une terre régie par la
coutume (…), est un conflit foncier collectif qui, aux termes de la loi, aurait dû être
porté devant le tribunal de paix dans le ressort duquel se trouve ladite terre ; en se
prononçant au premier degré sur le litige, le tribunal de grande instance de
Cataractes et de la Lukaya a violé la disposition légale [article 110] et la Cour d’appel
de Matadi, en statuant quant au fond de la cause, s’est appropriée de la même
violation, dès lors l’arrêt déféré sera cassé avec renvoi (CSJ., RC 1615, 14 avril 1994
cité Kifwabala Tekilazaya, 2004 : 370).
23

Par ailleurs, il peut arriver qu’en cours d’instance, le locataire assigné en


déguerpissement quitte le lieu loué. Dans cette hypothèse, il a été jugé que si en cours
d’instance, le locataire quitte les lieux loués, la demande en déguerpissement devient
sans objet et, en cas d’appel, la cour n’est plus saisie (Léo, 21 décembre 1965, RJC, n°
3, 1966, p. 216 note de Katwala, 1992 : 28).

Conclusion
La compétence matérielle entre les cours et tribunaux n’est pas repartie par la loi
organique en vertu des objets de la demande, mais suivant les contestations. Et le
déguerpissement n’est cependant pas une contestation ; il est par contre un objet de
la demande qui résulte d’une contestation. Si on aborde la question de la compétence
matérielle en considérant le déguerpissement comme une contestation, on aboutira à
une conclusion erronée en se fondant sur l’article 112 de la loi organique qui dispose
que les tribunaux de grande instance connaissent de toutes les contestations qui ne sont pas
de la compétence des tribunaux de paix. Il résulte alors de l’approche qu’on mobilise
pour aborder la thématique « déguerpissement » qui déterminera la compétence
matérielle. Mais, il faut retenir que le déguerpissement est un objet de la demande.
L’analyse de la question de savoir, quelle est la juridiction compétente pour statuer
sur la demande en déguerpissement, nous a conduit à passer en revue les différentes
juridictions civiles de l’ordre judiciaire ainsi que leur compétence matérielle. En
outre, l’examen des différentes contestations, qui peuvent conduire au
déguerpissement ou à l’expulsion des personnes, a permis de retenir les conflits
fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume ou le droit écrit ainsi que les
contestations sur la validité ou la résiliation d’un bail.
Ces contestations donnant lieu au déguerpissement ne sont pas de la compétence
exclusive d’une seule juridiction. La demande en déguerpissement est un objet de la
demande concurrente. C’est-à-dire, les tribunaux de paix et les tribunaux de grande
instance sont compétents pour connaître chacun dans les limites de sa compétence la
demande en déguerpissement.
Les tribunaux de paix connaissent les actions en déguerpissement qui se rapportent
aux conflits fonciers régis par la coutume et à la validité ou à la résiliation du bail
pour autant que le cumul des loyers pour toute la durée du bail (cas de validité) ou à
échoir (en cas de résiliation) soit inférieur ou égal à deux millions cinq cent mille
francs congolais.
Tandis que les tribunaux de grande instance connaissent, au premier degré, les
actions en déguerpissement liées aux conflits fonciers régis par le droit écrit ainsi
qu’aux contestations portant sur la validité ou la résiliation d’un bail pour autant que
le cumul des loyers pour toute la durée du bail ou à échoir soit supérieur à deux
millions cinq cent mille francs congolais.
C’est donc, la nature du fonds sur lequel porte la contestation d’une part et, le
montant du cumul des loyers pour toute la durée du bail ou à échoir, d’autre part,
qui déterminent la compétence matérielle.
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Bibliographie
Textes légaux et règlementaires
1. Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006 telle que
modifiée à ce jour.
2. Décret du 30 juillet 1888 portant des contrats ou des obligations conventionnelles,
in Code Larcier, Tome I, Larcier 2003, pp. 149-179.
3. Loi n°011/2002 du 29 août 2002 portant code forestier en République
démocratique du Congo.
4. Loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des sûretés telle que modifiée à ce jour.
5. Loi n°87-010 du 1er août 1987 portant code de la famille.
6. Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences de juridictions de l’ordre judiciaire.
7. Nouveau code de procédure civile Luxembourgeoise.
8. Ordonnance n°89-13 du 23 juin 1989 portant création des tribunaux de paix dans
les territoires de la république.

Jurisprudence
9. Cour d’appel de Bukavu, RPA 2125, 28 février 2009, inédit.
10. CSJ, (2001), Bulletin des arrêts de la cour suprême de justice des années 1980 à 1984,
Editions du service de documentation et d’études du Ministère de la Justice et
affaires parlementaires, Kinshasa.
Ouvrages et articles
11. BOURS, L., (1936), La propriété foncière chez les Bekalebwe, Editions de la Revue
juridique du Congo Belge, Élisabethville.
12. DEVAUX, V., (S.d), L’évolution du droit pénal au Congo, Editions Institut Politique
Congolais/Continent, Série : Etudes historiques.
13. GUERARD, H., (1958), Manuel technique de la justice de paix, Librairies techniques,
Paris.
14. HESS-PALLON, B. et Simon, A., (2007), Droit civil, 9ème Ed. Dalloz, Paris.
15. KALAMBAY LUMPUNGU, (1989), Droit civil. Régime général des biens, Vol. I., 2ème
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16. KANGULUMBA MBAMBI, V., (2004), La loi du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime foncier et régime immobilier et régime de sûretés au Congo. Trente
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ans après : quel bilan ? Essai d’évaluation, Academia Bruylant, Louvain-la-Neuve, Ed.
Kazi, Kinshasa.
17. KATWALA KABA KASHALA, (1992), Jurisprudences des cours et tribunaux 1965-
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18. KATWALA KABA KASHALA, (1995), Code judiciaire zaïrois annoté, Ed. Asyst
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20. KIFWABALA TEKILAZAYA, J.-P., (2004), Droit civil les biens. Les droits réels
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