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Équations générales

des milieux continus

Jean Garrigues
(version du 4 septembre 2014)
Avant-propos

L’objectif de ce cours est d’établir les équations générales régissant tous les milieux conti-
nus, qu’ils soient solides ou fluides. Les développements qui suivent se placent dans le cadre
de la physique classique (non relativiste et non quantique). Les équations générales des mi-
lieux continus sont donc les conséquences des quatre principes fondamentaux de la physique
classique (1) :
1. le principe de la conservation de la masse ;
2. le principe fondamental de la mécanique ;
3. le premier principe de la thermodynamique ou principe de la conservation de l’énergie ;
4. le second principe de la thermodynamique.
En ce qui concerne le principe fondamental de la mécanique, l’auteur a résolument choisi de se
baser sur le principe fondamental de Newton, c’est-à-dire celui qui est généralement enseigné
dans les cours élémentaires de mécanique générale. Ce choix est un choix pédagogique : plutôt
que de commencer la mécanique des milieux continus par l’énoncé d’un nouveau principe
fondamental de la mécanique (le principe des travaux virtuels ou des puissances virtuelles (2) ), il
semble préférable à l’auteur de se baser sur les connaissances classiques préalablement acquises
par les étudiants en mécanique générale. Les connaissances préalables de mécanique générale
nécessaires et suffisantes à la lecture de ce cours se limitent aux trois théorèmes généraux pour
des ensembles de points matériels (finis ou infinis) :
1. le théorème de la résultante dynamique ;
2. le théorème du moment dynamique ;
3. le théorème de la puissance cinétique (dérivée temporelle de l’énergie cinétique).
En ce qui concerne la thermodynamique, aucune connaissance préalable n’est requise ; le cours
en rappelle les concepts fondamentaux et ne s’appuie que sur l’énoncé primal des deux prin-
cipes.
En première lecture, le lecteur pourra ignorer les remarques ou commentaires qui apparaissent
en retrait et en petits caractères sans nuire à la compréhension de l’ensemble du cours.
La lecture de ce cours suppose une maîtrise suffisante de l’algèbre et de l’analyse tensorielles (3)
ainsi que de la cinématique des milieux continus (4) .
Dans la mesure du possible, on respectera les conventions typographiques suivantes :
– les nombres réels sont en minuscules italiques (exemple : a, µ) ;
(1) On démontre que si le principe de la conservation de l’énergie est universel et si les grandeurs calorifiques

scalaires ou vectorielles sont objectives, les deux premiers principes (masse et mécanique) en sont des conséquences.
Voir l’article http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00600261.
(2) Dans ce cours, ils apparaîtront donc comme des théorèmes.
(3) L’auteur propose un autre cours intitulé Algèbre et analyse tensorielles pour l’étude des milieux continus :

http://cel.archives-ouvertes.fr/cel-00679923 ou bien
http://jgarrigues.perso.centrale-marseille.fr/tenseurs.html
(4) L’auteur propose un autre cours intitulé Cinématique des milieux continus :

http://cel.archives-ouvertes.fr/cel-00681766 ou bien
http://jgarrigues.perso.centrale-marseille.fr/cinematique.html.
4

– les vecteurs sont en minuscules italiques grasses (exemple : v ) ;


– les tenseurs sont en majuscules italiques grasses (exemple : T ) ;
– les termes d’une matrice sont rangés dans un tableau entre crochets, à deux indices, l’indice
de gauche est l’indice de ligne, et l’indice de droite est l’indice de colonne :
 
m11 m12 m13  
m21 m22 m23  = mi j
m31 m32 m33

– la transposition est notée avec un > en exposant (exemple : T > ) ;


– les ensembles d’entités mathématiques sont en majuscules doublées, en particulier :
– R est l’espace des réels,
– V3 est un espace vectoriel de dimension 3,
– V⊗p p
3 est l’espace vectoriel des tenseurs d’ordre p construis sur V3 (de dimension 3 ),
– Q3+ est le groupe des rotations (Q3+ ⊂ V⊗2 3 );
– le produit vectoriel de deux vecteurs de V3 est noté « ∧ » ;
– le tenseur métrique est noté G ;
– le tenseur d’orientation est noté H ;
– la description de Lagrange d’un champ matériel est notée avec un indice L ;
– la description d’Euler d’un champ matériel est notée avec un indice E ;
– la dérivée particulaire d’une grandeur physique Ψ est notée Ψ̇
Ψ.

Remerciement
Je tiens à remercier très vivement Mathias L EGRAND (5) , ce grand magicien de LATEX, sans qui
la mise en page de ce texte ne serait que celle par défaut de la classe book (6) et qui m’a aussi
donné de précieux conseils sur la typographie française.

Bonne lecture.

Information – Ce texte est rédigé en vue d’une lecture dynamique à l’écran : toutes les références internes et
externes sont actives et conduisent à la cible référencée (dans la plupart des visualisateurs de fichiers au format
pdf, on revient à l’état précédent avec la combinaison de touches <alt><page arrière>). Néanmoins, les références
des pages ont été conservées pour la lecture du document imprimé.

(5) De l’université McGill, de Montréal.


(6) Ceux qui écrivent en LATEX me comprendront.
Table des matières

1 Concepts fondamentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1 Les domaines de milieux continus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Domaine matériel, 9 • Domaine géométrique, 10 • Comparaison, 10.
1.2 Grandeurs physiques extensives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Application à un domaine matériel, 11 • Application à un domaine géométrique, 12.
1.3 Dérivées temporelle d’intégrales à bord mobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Cas d’un domaine matériel, 12 • Cas d’un domaine géométrique, 14.
1.4 Lemme fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.5 En bref... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

2 Conservation de la masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.1 Concept de masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2 Principe de la conservation de la masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3 Forme locale du principe de la conservation de la masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.4 Bilan de masse dans un domaine géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.5 Densités massiques de grandeurs extensives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.6 Changements d’observateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.7 En bref... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

3 Principe fondamental de la mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25


3.1 Rappels de mécanique générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Loi de Newton et observateurs galiléens, 25 • Théorèmes généraux, 26.
3.2 Efforts extérieurs sur un domaine matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Actions à distance, 28 • Actions de contact, 29.
3.3 Efforts intérieurs dans un milieu continu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Existence du tenseur des contraintes, 30 • Conditions aux limites en contrainte, 31 • Décomposition
des contraintes, 31.
3.4 Théorèmes généraux pour un domaine matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Théorème de la résultante dynamique, 33 • Théorème du moment dynamique, 34 • Théorème de la
puissance cinétique, 35.
3.5 Conséquences locales des théorèmes généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Équation de mouvement, 36 • Symétrie du tenseur des contraintes, 37 • Puissance des efforts intérieurs,
39 • Synthèse, 39.
6

3.6 Théorèmes généraux pour un domaine géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40


Bilan de quantité de mouvement, 41 • Bilan de moment cinétique, 42 • Bilan d’énergie cinétique, 43.
3.7 Formulation intégrale des équations de mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.8 Changements d’observateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.9 En bref... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

4 Conservation de l’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
4.1 Concepts de base en thermodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Système, 49 • Variables d’état, 50 • Fonction d’état, 53 • Isotropie des fonctions d’état, 54 • Espace
des états, 55 • Évolution thermodynamique, 56.
4.2 Principe de la conservation de l’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Énoncé classique pour une évolution finie entre deux instants , 57 • Énoncé global instantané, 58.
4.3 Conservation de l’énergie pour un domaine matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.4 Forme locale de la conservation de l’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
4.5 Conservation de l’énergie pour un domaine géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
4.6 Changements d’observateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
4.7 En bref... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

5 Second principe de la thermodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67


5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
5.2 Énoncé traditionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
5.3 Second principe pour un domaine matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
5.4 Forme locale du second principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
5.5 Second principe pour un domaine géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
5.6 Changements d’observateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
5.7 Nécessité de l’existence d’une loi de comportement thermique . . . . . . . . . . . . . 76
5.8 Capacités calorifiques locales dans une évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
5.9 En bref... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

6 Le modèle fluide simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79


6.1 Définition d’un fluide simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
6.2 Conséquences du second principe de la thermodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Relation de Helmholtz, 81 • Loi de comportement mécanique, 82 • Loi de comportement thermique,
82 • Synthèse, 83.

6.3 Fluides simples newtoniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83


6.4 Gaz parfaits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
6.5 Liquides idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Table des matières 7

6.6 Fluides simples compressibles et dilatables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87


Compressibilité et dilatabilité, 87 • Fluide simple à compressibilité et dilatabilité constantes, 89.
6.7 En bref ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

7 Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
7.1 Le problème de mécanique des milieux continus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
7.2 La résolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
7.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

A Démonstrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
A.1 Lemme fondamental pour les intégrales de volume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
A.2 Démonstration de l’« hypothèse de Cauchy » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
A.3 Existence du champ tensoriel des contraintes de Cauchy . . . . . . . . . . . . . . . . 100
A.4 Existence du champ vectoriel courant de chaleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
1

Concepts fondamentaux

Avant d’aborder l’écriture des principes fondamentaux et de leurs conséquences pour les milieux
continus, il est nécessaire d’introduire des concepts indispensables à la bonne compréhension
des chapitres suivants.

1.1 Les domaines de milieux continus


En mécanique des milieux continus, on raisonne sur deux types de domaines : les domaines
matériels et les domaines géométriques. Dans cette section on en donne les définitions.

Remarque – Dans la littérature spécialisée, les auteurs ne précisent pas toujours clairement le type
de domaine qu’ils considèrent, et cette imprécision est à l’origine de nombreux malentendus.

1.1.1 Domaine matériel


 Définition 1.1 – Domaine matériel. Un domaine matériel est défini par l’ensemble des parti-
cules (a priori en mouvement) qui le constituent.

Si une particule appartient au domaine matériel à un instant t, elle lui appartient donc à tout instant.
Un domaine matériel se déplace et se déforme en raison du mouvement de ses particules (1) .
Quand on considère un domaine matériel, on dit souvent que « l’on suit le domaine dans son
mouvement ». Il n’y a donc pas de matière qui traverse la frontière en mouvement. Le domaine
matériel étant en mouvement, l’ensemble des positions actuelles de ses particules définit une
région de l’espace qui change à chaque instant.

Remarque – Chaque observateur attribue aux particules du domaine matériel une position et un
mouvement différent. La forme d’un domaine matériel évolue avec le temps, mais sa forme actuelle
est la même pour tous les observateurs (objectivité des distances actuelles entre particules).
 Notation 1.2 – Dans la suite, on utilisera les conventions suivantes :
– un domaine matériel sera noté D m (c’est un ensemble de particules) ;
– le domaine de l’espace occupé par ses particules à l’instant actuel t sera noté Dtm ;
– sa frontière à l’instant actuel t sera notée ∂ Dtm ;
– le domaine de l’espace occupé par ses particules à un instant de référence t0 sera noté D0m ;
– sa frontière à l’instant de référence t0 sera notée ∂ D0m .

Vocabulaire – En thermodynamique, les domaines matériels sont appelés systèmes fermés (2) .
(1) Ce mouvement est différent pour chaque observateur.
(2) Avec parfois une petite nuance : les thermodynamiciens supposent parfois implicitement que la frontière étanche
à la matière est fixe (pour un certain observateur). Nous ne ferons évidemment pas cette restriction.
10 Chapitre 1. Concepts fondamentaux

1.1.2 Domaine géométrique


 Définition 1.3 – Domaine géométrique. Un domaine géométrique est défini par l’ensemble
des points géométriques qui le constituent.

Comme pour tout domaine, la frontière d’un domaine géométrique est une surface fermée.
Quand un milieu continu est en mouvement, les particules qui sont dans le domaine géométrique
à un instant t ne sont pas les mêmes que celles qui s’y trouvent à un autre instant t 0 . On dit
que le domaine géométrique est « traversé par le milieu continu en mouvement ». Il y a donc
des particules qui traversent la frontière (ou une partie de frontière), en entrant ou en sortant
du domaine géométrique. Dans ce cours, les frontières des domaines géométriques seront
considérées a priori comme mobiles pour l’observateur utilisé pour décrire le mouvement, mais
le mouvement des points de la frontière du domaine géométrique est différent du mouvement
des particules qui s’y trouvent.

Remarque – Chaque observateur attribue à la frontière du domaine géométrique une position et un


mouvement différent. La forme du domaine géométrique peut être variable avec le temps, mais sa
forme actuelle est la même pour tous les observateurs (objectivité des distances actuelles entre points).

 Notation 1.4 – Dans la suite, on utilisera les conventions suivantes :


– un domaine géométrique sera noté D g (région de l’espace délimitée par une frontière fermée) ;
– le domaine de l’espace qu’il occupe à l’instant t sera noté Dtg ;
– sa frontière (a priori mobile) à l’instant t sera notée ∂ Dtg .

Vocabulaire – En thermodynamique, les domaines géométriques sont appelés systèmes ouverts. En


mécanique des fluides, ils sont souvent aussi appelés volumes de contrôle (3) .

1.1.3 Comparaison entre les deux types de domaines

Les deux types de domaines ont chacun leur intérêt :


– Les domaines matériels sont les préférés des mécaniciens des solides déformables. En effet,
leur sujet d’étude est le comportement d’un objet déformable toujours constitué des mêmes
particules : les particules de l’objet déformable.
– Les domaines géométriques sont les préférés des mécaniciens des fluides. En effet, en mé-
canique des fluides (liquides ou gaz), on ne se préoccupe que de l’évolution des grandeurs
physiques des particules qui sont actuellement à l’intérieur du domaine géométrique, sans se
préoccuper de leur évolution lorsqu’elles se situent à l’extérieur.

Remarque – Les mécaniciens des fluides qui n’envisagent que des domaines géométriques sup-
posent souvent implicitement (et parfois un peu trop vite) que les domaines géométriques ont des
frontières fixes. Il n’est pas toujours possible de trouver un observateur pour lequel le domaine
géométrique est à frontières fixes. Par exemple, si on considère le domaine géométrique défini comme
l’espace à l’intérieur d’une turbomachine, il existe des parties de frontières qui sont mobiles (les
aubages qui tournent) par rapport à d’autres parties de frontières (les parois et les sections d’entrée et
de sortie) ; dans ce cas, il n’est pas possible de trouver un observateur pour lequel toutes les frontières
du domaine géométrique sont fixes. C’est pourquoi dans la suite, pour ne pas restreindre la généralité
des équations, les frontières d’un domaine géométriques seront a priori considérées comme mobiles.
(3)En thermodynamique comme en mécanique des fluides, il est parfois sous-entendu que les frontières d’un
domaine géométrique sont fixes (pour un certain observateur).
1.2 Grandeurs physiques extensives 11

1.2 Grandeurs physiques extensives


 Définition 1.5 – Grandeur extensive. On dit qu’une grandeur physique Ψ (D) (scalaire, vec-
torielle ou tensorielle) définie pour un domaine D (matériel ou géométrique) est extensive si,
pour toute partition du domaine D, sa valeur est la somme de ses valeurs pour chaque partie Di
de la partition :
n
Ψ grandeur extensive ⇔ Ψ (D) = ∑ Ψ (Di ), ∀ la partition {Di }
i=1

Rappel – Une partition d’un domaine D est un ensemble de n parties {Di } tel que :
D = ∪ni=1 Di et Di ∩ D j = 0,
/ i 6= j
 Théorème 1.6 – Densité volumique. Si une grandeur Ψ (D) est extensive, alors il existe dans
le domaine D un champ, noté Ψ v (M), et appelé densité volumique de Ψ tel que :
Z
Ψ (D) = Ψ v (M) dv (1.1)
D

Démonstration – Cette propriété est l’application du théorème de Radon-Nikodym-Lebesgue à


l’ensemble des parties de D.

Certaines grandeurs physiques sont extensives d’autres ne le sont pas. Pour le déterminer, il suffit
de vérifier si les conditions de la définition 1.5 sont remplies ou non.
Exemple 1.7 – Le volume (scalaire), la masse (scalaire), l’énergie cinétique (scalaire), la quantité
de mouvement (vecteur) sont des grandeurs extensives.
En revanche, la température (scalaire), la pression (scalaire), la déformation (tenseur d’ordre 2) sont
des grandeurs non extensives.

Grandeurs intensives – Les grandeurs physiques non extensives sont souvent dites intensives.

1.2.1 Application à un domaine matériel


Puisque dans un domaine matériel, les particules qu’il contient sont toujours les mêmes, on
peut identifier ses particules indifféremment par la méthode de Lagrange (par leur position de
référence) ou par la méthode d’Euler (par leur position actuelle). Pour désigner les domaines, on
utilise les notations 1.2 [p. 9] et 1.4 [p. 10].
Soit Ψ est une grandeur extensive et soit Ψ v sa densité volumique [th. 1.6], sa valeur actuelle
pour le domaine matériel D m peut s’écrire de deux manières :
Z Z
Ψ (D m ,t) = Ψ vE (xxt ,t) dvt = Ψ vL (xx0 ,t) KvL (xx0 ,t) dv0 (1.2)
Dtm D0m

où Kv est la dilatation volumique actuelle en une particule dans une déformation dont le do-
maine de référence est D0m . Le terme KvL (xx0 ,t) est la description de Lagrange de ce champ
matériel.

Précisions – Dans l’équation (1.2), pour passer de l’intégrale sur le domaine actuel Dtm à l’intégrale
sur le domaine de référence D0m , on effectue le changement de variable xt = f (xx0 ,t), où f est la
description de Lagrange du mouvement. On a donc :
Ψ vE (xxt ,t) = Ψ vE f (xx0 ,t),t = Ψ vL (xx0 ,t) = Ψ v (P,t) et dvt = Kv dv0
 
12 Chapitre 1. Concepts fondamentaux

1.2.2 Application à un domaine géométrique


Contrairement aux domaines matériels, on ne peut identifier les particules qui sont actuellement
à l’intérieur du domaine géométrique que par la méthode d’Euler, car ce sont les valeurs de
la densité volumique Ψ v pour les particules qui sont actuellement à l’intérieur du domaine
géométrique qui sont l’objet de l’intégration (certaines particules ne sont peut-être plus dans le
domaine Dtg0 à un autre instant t 0 car des particules traversent la frontière). Par conséquent, la
valeur actuelle de la grandeur extensive Ψ (D g ,t) ne s’écrit qu’avec une description d’Euler du
champ Ψ v :
Z
Ψ (D g ,t) = Ψ vE (xxt ,t) dvt (1.3)
Dtg

1.3 Rappel : dérivées temporelles d’intégrales à bord mobile


Que les domaines envisagés soient matériels ou géométriques, on aura besoin, dans les chapitres
qui suivent, d’écrire la dérivée temporelle d’intégrales sur des domaines dont les frontières sont
a priori variables avec le temps. La variation temporelle d’une intégrale de volume dont le do-
maine d’intégration varie avec le temps est due à la fois à la variation temporelle de son intégrande
et à la variation temporelle du domaine d’intégration dû au mouvement des frontières.
On rappelle le résultat mathématique suivant (4) :
 Théorème 1.8 – Dérivée d’une intégrale à bords mobiles. Soit Dt la position actuelle d’un
domaine (matériel ou géométrique) et soit Ψ v un champ défini dans Dt . On note nt la normale
unitaire sortante à la frontière actuelle et on note v f la vitesse actuelle d’un point de la frontière.
La dérivée temporelle de l’intégrale du champ Ψ v sur le domaine Dt est :
d ∂Ψ v
Z Z Z
v
Ψ (xx,t) dvt = (xx,t) dvt + Ψ v (xx,t) (vv f ·nnt ) dst (1.4)
dt Dt Dt ∂t ∂ Dt

1.3.1 Dérivée temporelle d’une grandeur extensive sur un domaine matériel


Soit Ψ une grandeur extensive dont la densité volumique est le champ matériel Ψ v (P,t) et
soit D m un domaine matériel. On peut décrire le champ matériel Ψ v (P,t) par la méthode de
Lagrange ou celle d’Euler [éq. (1.2) p. 11].

Si le champ Ψ v est décrit par la méthode d’Euler, la valeur actuelle de la grandeur exten-
sive Ψ pour le domaine matériel D m est :
Z
m
Ψ (D ,t) = Ψ vE (xxt ,t) dvt [éq.(1.2) p. 11]
Dtm

Le domaine d’intégration Dtm est variable avec le temps. Le domaine étant matériel, la vitesse
d’un point de la frontière du domaine d’intégration est la vitesse de la particule qui s’y trouve, on
a donc : v f = v (P,t). En vertu du théorème 1.8, la dérivée temporelle de Ψ (D m ,t) s’écrit :
d ∂ Ψ vE
Z Z
Ψ (D m ,t) = Ψ vE (xxt ,t) v E (xxt ,t) ·nnt dst

(xxt ,t) dvt + (1.5)
dt Dtm ∂t ∂ Dtm

(4)
La démonstration est donnée dans le cours Algèbre et analyse tensorielles pour l’étude des milieux continus, du
même auteur [note 3 p. 3].
1.3 Dérivées temporelle d’intégrales à bord mobile 13

Le champ des vitesses v E (xxt ,t) étant défini dans tout le domaine d’intégration, on peut utiliser le
théorème de la divergence pour transformer l’intégrale de frontière en une intégrale de volume.
En utilisant l’identité tensorielle algébrique :

T (vv ·nn) = (T
T ⊗vv) ·nn, T ∈ V⊗p , ∀vv ∈ V, ∀nn ∈ V
∀T (1.6)

le théorème de la divergence permet d’écrire l’égalité :


Z Z  
Ψ vE (xxt ,t) div Ψ vE (xxt ,t) ⊗vvE (xxt ,t) dv

v E (xxt ,t) ·nn dst =
∂ Dtm Dtm

Remarque – Si la grandeur extensive Ψ est une grandeur scalaire (tenseur d’ordre 0), le produit
tensoriel ⊗ se réduit à un produit simple d’un scalaire par un vecteur.

On obtient ainsi une seconde expression de la dérivée temporelle de Ψ (D m ,t) :

d
Z ∂ 
Ψ (D m ,t) = Ψ vE (xxt ,t) + div Ψ vE (xxt ,t) ⊗vvE (xxt ,t) dvt (1.7)
dt Dtm ∂t

En développant la divergence (5) dans l’équation (1.7), on obtient une troisième expression de la
dérivée temporelle de Ψ (D m ,t) :

d
Z 
∂ v 
Ψ (D m ,t) = Ψ E (xxt ,t) + gradE Ψ v (xxt ,t) ·vvE (xxt ,t) + divE v (xxt ,t)Ψ
Ψ v (xxt ,t) dvt
dt Dtm ∂t
d
Z  
v
Ψ (D m ,t) = Ψ v (xxt ,t) dvt (déf. de la dérivée particulaire) (1.8)
Ψ E (xxt ,t) + dvE (xxt ,t)Ψ
Ψ̇
dt Dtm

où :
v
Ψ est la dérivée particulaire de la densité volumique Ψ v ;
– Ψ̇
– dv = trD D = divE v est le taux de dilatation volumique actuel.
Les trois expressions (1.5) , (1.7) et (1.8) de dtd Ψ (D m ,t) sont complètement équivalentes. Seule
la première expression fait apparaitre une intégrale de frontière qui est le flux sortant du ten-
seur Ψ vE (xxt ,t) ⊗vvE (xxt ,t) à travers la frontière. Les deux autres expressions sont des intégrales de
volume. La dernière fait apparaitre la dérivée particulaire de la densité volumique.

Si le champ Ψ v est décrit par la méthode de Lagrange, la valeur actuelle de la grandeur


extensive Ψ pour le domaine matériel D m est :
Z
Ψ (D m ,t) = Ψ vL (xx0 ,t) KvL (xx0 ,t) dv0 [éq. (1.2) p. 11]
D0m

où KvL est la description de Lagrange du champ de dilatation volumique actuelle dans une
déformation dont le domaine de référence est D0m .

Le domaine d’intégration D0m est, par définition, indépendant du temps. La vitesse des points de
la frontière du domaine d’intégration est donc nulle (vv f = 0 ). En vertu du théorème 1.8 [p. 12],
(5) T ⊗vv) = gradT
On rappelle l’identité tensorielle : div(T T ·vv +T
T divvv.
14 Chapitre 1. Concepts fondamentaux

la dérivée temporelle de Ψ (D m ,t) s’écrit :

d
Z
∂  v 
Ψ (D m ,t) = Ψ L (xx0 ,t) KvL (xx0 ,t) dv0 [éq. (1.4) p. 12] (1.9)
dt D0m ∂t
d v
Z 
= Ψ L (xx0 ,t) KvL (xx0 ,t) dv0 (xx0 ne dépend pas de t)
D0m dt
d
KvL (xx0 ,t) 
Z 
v
= Ψ L (xx0 ,t) +Ψ
Ψ̇ Ψ vL (xx0 ,t) dt KvL (xx0 ,t) dv0
D0m KvL (xx0 ,t)
d
Z  
m v
Ψ (D ,t) = Ψ L (xx0 ,t) +Ψ
Ψ̇ Ψ vL (xx0 ,t) dvL (xx0 ,t) KvL (xx0 ,t) dv0 (1.10)
dt D0m

où :
v
Ψ est la dérivée particulaire de la densité volumique Ψ v ;
– Ψ̇
– Kv est la dilatation volumique actuelle dans une déformation dont le domaine de référence
est D0m ;
– dv = K̇Kvv = trD
D = divE v = gradL v : F −> est le taux de dilatation volumique actuel.
Les trois équations (1.5) [p. 12], (1.7) [p. 13] et (1.8) [p. 13] (avec des descriptions d’Euler),
ainsi que les deux équations (1.9) et (1.10) (avec des descriptions de Lagrange) sont toutes des
expressions équivalentes de la dérivée temporelle de Ψ (D m ,t) sur un domaine matériel où Ψ est
une grandeur extensive. On peut les utiliser indifféremment, selon les termes que l’on a envie de
faire apparaître.

1.3.2 Dérivée temporelle d’une grandeur extensive sur un domaine géométrique


Soit Ψ une grandeur extensive dont la densité volumique est Ψ v (P,t) et soit D g un domaine
géométrique. Dans un domaine géométrique (de frontière a priori variable avec le temps), la
seule manière de décrire les grandeurs associées aux particules qui s’y trouvent est la méthode
d’Euler :
Z
Ψ (D g ,t) = Ψ vE (xxt ,t) dvt [éq. (1.3) p. 12]
Dtg

Le domaine d’intégration Dtg est a priori variable avec le temps, mais contrairement au do-
maines matériels, la vitesse des points de la frontière est différente de la vitesse des parti-
cules qui s’y trouvent (vv f 6= v E (P,t)). En vertu du théorème 1.8 [p. 12], la dérivée temporelle
de Ψ (D g ,t) est :

d
Z Z
∂ v
Ψ (D g ,t) = Ψ (xxt ,t) dvt + Ψ vE (xxt ,t) (vv f ·nnt ) dst [éq.(1.4) p. 12] (1.11)
dt Dtg ∂t E ∂ Dtg

Remarque – Si pour l’observateur utilisé toute la frontière du domaine géométrique est fixe, alors
v f = 0 et l’intégrale de bord disparaît.

En utilisant l’identité tensorielle algébrique rappelée dans l’équation (1.6) [p. 13], le théorème
de la divergence permet d’écrire l’égalité :
Z   Z
v
Ψ vE (xxt ,t) v E (xxt ,t) ·nnt dst

g
div Ψ E tx
(x ,t) ⊗v
v x
(x
E t ,t) dvt = (1.12)
Dt ∂ Dtg
1.3 Dérivées temporelle d’intégrales à bord mobile 15

En ajoutant le terme de gauche et en retranchant le terme de droite de l’égalité (1.12) à l’équa-


tion (1.11), on obtient une seconde expression de dtd Ψ (D g ,t) :
d
Z
∂  
Ψ (D g ,t) = g Ψ vE (xxt ,t) + div Ψ vE (xxt ,t) ⊗vvE (xxt ,t) dvt +
dt Dt |∂t {z }
τ
Z   
v f
Ψ x
E (x t ,t) v −v E (xt ,t) ·nnt dst
v x (1.13)
∂ Dtg
| {z }
Φ
où :
– le terme τ estRappelé taux (6) de production volumique de Ψ (unité : [ΨΨ ].m−3 .s−1 ) ;
– son intégrale Dtg τ dvt est appelé taux de production interne de Ψ (unité : [ΨΨ ].s−1 ) ;
Ψ ].s−1 ).
– le terme Φ est appelé flux convectif entrant de Ψ à travers la frontière (unité : [Ψ
En développant la divergence (7) dans l’expression de τ , on obtient une troisième expression de
la dérivée temporelle de Ψ (D g ,t) :
∂ v
τ= Ψ (xxt ,t) + gradE Ψ v (xxt ,t) ·vvE (xxt ,t) + divE v (xxt ,t)Ψ Ψ vE (xxt ,t)
∂t E
d
Z  
v
Ψ (D g ,t) = g Ψ̇ Ψ E (xxt ,t) + dvE (xxt ,t)ΨΨ vE (xxt ,t) dvt +
dt Dt | {z }
τ
Z   
v f
Ψ E x
(x t ,t) v −v v E (xx t ,t) ·nnt dst (1.14)
∂ Dtg
| {z }
Φ
 Définition 1.9 – Flux convectif. On appelle flux convectif entrant de la grandeur ψ dans un
domaine D, le flux entrant du tenseur Ψ vE ⊗ (vvE −vv f ) à travers la frontière :
Z  
Φψ = − Ψ vE ⊗ (vvE −vv f ) ·nnt dst
D

Vocabulaire – Les équations (1.13) et (1.14) sont souvent appelées équations de bilan de la grandeur
extensive Ψ pour le domaine géométrique
R
D g . On dit que la dérivée temporelle de Ψ (D g ,t) est due
au taux de production interne Dtg τ dvt à l’intérieur du domaine géométrique et au flux convectif
entrant Φ . En utilisant l’identité tensorielle algébrique (1.6) [p. 13] le terme Φ s’écrit :
Z Z
v f
Ψ vE ⊗ (vv f −vvE ) ·nnt dst
 
Φ= g
Ψ E v
(v −vv E ) ·n
n t dst = g
∂ Dt ∂ Dt

Ψ ].m−2 .s−1 .
Certains auteurs appellent « flux » l’intégrande de Φ . Son unité est alors : [Ψ

Les trois équations (1.11), (1.13) et (1.14) sont toutes des expressions équivalentes de la dérivée
temporelle de Ψ (D g ,t) sur un domaine géométrique où Ψ est une grandeur extensive. On peut
les utiliser indifféremment, selon les termes que l’on a envie de faire apparaître.
 Notation 1.10 – Pour alléger les écritures, on convient de ne plus faire figurer dans la suite
du cours les arguments des descriptions d’Euler et de Lagrange : il est sous-entendu que la
description de Lagrange d’un champ matériel pour un certain observateur R a pour arguments
(xx0 ,t) et que sa description d’Euler a pour arguments (xxt ,t).
(6) Attention, ici le mot « taux » signifie ici une dérivée temporelle simple et non une dérivée temporelle lo-

garithmique comme pour les taux de déformation (dl , ds , dv , D ) définis en en cinématique. Ces dénominations,
malheureusement consacrées par l’usage, peuvent induire en erreur.
T ⊗vv) = gradT
(7) On rappelle l’identité tensorielle : div(T T ·vv +T
T divvv.
16 Chapitre 1. Concepts fondamentaux

1.4 Lemme fondamental


 Théorème 1.11 – Lemme fondamental. SoitΨ Ψ v (M) un champ (scalaire, vectoriel ou tensoriel)
défini dans E3 et soit un domaine D ⊂ E3 . On a l’équivalence suivante :
Z
Ψ v (M) dv = 0 , ∀D ⇔ Ψ v (M) = 0 , ∀M (1.15)
D

Ce lemme dont la démonstration est donnée en annexe A.1 [p. 97] sera systématiquement utilisé
dans les chapitres qui suivent pour déduire les expressions locales des principes fondamen-
taux.

Attention – La démonstration de ce théorème montre qu’il n’est applicable que si le champ de


densité volumique Ψ v est défini indépendamment des domaines d’intégration D (8) .

1.5 En bref...
Pour appliquer les principes fondamentaux de la physique classique en mécanique des milieux
continus, on raisonne sur deux sortes de domaines : les domaines matériels et les domaines
géométriques. Ces domaines ont en général des frontières (ou des parties de frontières) variables
avec le temps.

Les grandeurs physiques extensives permettent de définir des champs de densités volumiques de
ces grandeurs, qui peuvent être décrits par la méthode de Lagrange (seulement pour les domaines
matériels) ou par la méthode d’Euler (pour les domaines matériels ou géométriques).

Suivant le type de domaine (matériel ou géométrique) et suivant le mode de description du


champ de densité volumique Ψ v (Lagrange ou Euler), la dérivée temporelle d’une grandeur
extensive Ψ (D,t) définie sur un domaine s’écrit sous différentes formes :
– sur un domaine matériel D m avec la description d’Euler de Ψ v :

d
Z Z Z
∂ v
Ψ vE dvt = Ψ E dvt + Ψ vE (vvE ·nnt ) dst (1.16)
dt Dtm Dtm ∂t ∂ Dtm
Z 
∂ v 
= Ψ E + div(ΨΨ vE ⊗vvE ) dvt (1.17)
Dtm |∂t {z }
τE
Z
v
= Ψ E + dvE Ψ vE ) dvt
(Ψ̇ (1.18)
Dtm | {z }
τE

– sur un domaine matériel D m avec la description de Lagrange de Ψ v :

d
Z Z
v
Ψ vL KvL dv0 = Ψ L + dvL Ψ vL ) KvL dv0
(Ψ̇ (1.19)
dt D0m D0m | {z }
τL

(8) L’auteur reconnais humblement avoir utilisé abusivement ce théorème dans les versions antérieures de ce cours

dans la démonstration de l’équation de mouvement [section 3.5.1 p. 36]. Cette erreur a été signalée à l’auteur par Jean
C OUSTEIX (ONERA, Toulouse, France) et je l’en remercie vivement.
1.5 En bref... 17

– sur un domaine géométrique D g avec la description d’Euler de Ψ v :

d
Z Z Z
∂ v
Ψ vE dvt = Ψ E dvt + Ψ vE (vv f ·nnt ) dst (1.20)
dt Dt g
Dtg ∂t
∂ Dtg
Z  Z
∂ v v

Ψ vE (vv f −vvE ) ·nnt dst (1.21)

= g Ψ E ⊗vvE ) dvt +
Ψ E + div(Ψ g
Dt |∂t ∂D
{z } | t {z }
τE Φψ
Z Z
v
Ψ E + dvE Ψ vE ) dvt + Ψ vE (vv f −vvE ) ·nnt dst

= (Ψ̇ (1.22)
Dtg | {z } ∂ Dtg
τE | {z }
Φψ

où :
– v f est la vitesse d’un point de la frontière ;
– Kv est la dilatation volumique actuelle dans une déformation dont l’état de référence est D0m ;
– dv est le taux de dilatation volumique actuel ;
– τ est le taux de production volumique deΨ Ψ à l’intérieur du domaine (matériel ou géométrique) ;
– Φ ψ est le flux convectif de Ψ [déf. 1.9 p. 15] entrant dans le domaine géométrique à travers la
fontière.
Les équations (1.21) et (1.22) sont souvent appelées équations de bilan de la grandeur Ψ pour
un domaine géométrique.

Remarques – Les équations de bilan (1.21) et (1.22) ont été établies pour les domaines géométriques.
Si les frontières mobiles du domaine géométrique sont étanches à la matière, alors ce domaine
géométrique contient toujours les mêmes particules, il est donc aussi un domaine matériel et on a
l’égalité v f = v E . Le flux convectif Φ ψ est alors nul et on retrouve les équations (1.17) et (1.18)
établies pour un domaine matériel.
Par ailleurs, si des parties de frontière du domaine géométrique sont fixes pour l’observateur utilisé
pour décrire le mouvement, on a v f = 0 sur ces parties de frontière.
2

Conservation de la masse

2.1 Concept de masse en mécanique des milieux continus

La masse est une mesure de la quantité de matière. En physique classique, la masse d’un domaine
est une grandeur scalaire (un tenseur d’ordre 0), extensive (la masse d’un domaine est la somme
des masses d’une de ses partitions) et objective (la masse actuelle d’un domaine est la même
pour tous les observateurs). L’extensivité de la masse permet d’affirmer l’existence dans ce
domaine d’un champ matériel de densité volumique de masse appelé masse volumique actuelle
[th. 1.6 p. 11], traditionnellement notée ρ(P,t) (1) (unité : kg.m−3 ).

La masse d’un domaine matériel D m , de position de référence D0m et de position actuelle Dtm ,
peut s’écrire avec une description de Lagrange ou une description d’Euler de la masse volumique
[éq. (1.2) p. 11, avec Ψ = m et Ψ v = ρ scalaires] :
Z Z
m(D m ,t) = ρE (xxt ,t) dvt = ρE dvt [notations 1.10 p. 15]
Dtm Dtm
Z Z
= ρL (xx0 ,t) KvL (xx0 ,t) dv0 = ρL KvL dv0 [notations 1.10 p. 15]
D0m D0m

où Kv est la dilatation volumique actuelle dans une déformation dont l’état de référence est D0m .

La masse d’un domaine géométrique D g , de position actuelle Dtg , ne s’écrit qu’avec la des-
cription d’Euler de la masse volumique [éq. (1.3) p. 12, avec Ψ = m et Ψ v = ρ scalaires] :
Z Z
m(D g ,t) = ρ (xxt ,t) dvt =
g E
ρE dvt [notations 1.10 p. 15]
Dt Dtg

2.2 Principe de la conservation de la masse

Une des manières d’exprimer le principe de la conservation de la masse est la suivante (2) :

 Principe 2.1 – Conservation de la masse. La masse de tout domaine matériel est invariante
dans le temps.

(1)On pourrait la noter mv (P,t)


(2)On peut exprimer le principe de la conservation de la masse de différentes manières. Celle choisie ici, exprimée
pour un domaine matériel, semble la plus intuitive à l’auteur. D’autres auteurs préfèrent l’exprimer avec un domaine
géométrique, en disant que le taux de production interne de masse y est nul [éq.(1.21) ou (1.22) p. 17]. Dans ce cours,
l’expression du principe sur un domaine géométrique devient un théorème.
20 Chapitre 2. Conservation de la masse

Si le champ de masse volumique est décrit par la méthode d’Euler, le principe de la conser-
vation de la masse pour un domaine matériel D m s’écrit :
d d
Z
0= m(D m ,t) = ρE dvt [éq. (1.2) p. 11)]
dt dt Dtm
Z 
∂ ρE 
0= + divE (ρ v ) dvt [éq. (1.17) p. 16] (2.1)
Dtm ∂t
Z
0= (ρ̇E + ρE dvE ) dvt [éq. (1.18) p. 16] (2.2)
Dtm

Si le champ des masses volumiques est décrit par la méthode de Lagrange, le principe de
la conservation de la masse pour un domaine matériel D m s’écrit :
d d
Z
0 = m(D m ,t) = ρL KvL dv0 [éq. (1.2) p. 11]
dt dt D0m
Z
0= (ρ̇L + ρL dvL ) KvL dv0 [éq. (1.19) p. 16)] (2.3)
D0m

2.3 Forme locale du principe de la conservation de la masse


 Théorème 2.2 – Conservation locale de la masse. Le principe de la conservation de la masse
sur tout domaine matériel est équivalent à l’équation différentielle suivante :
ρ̇
= −dv en toute particule et à tout instant. (2.4)
ρ

où dv est le taux de dilatation volumique actuel.

Démonstration – La conservation de la masse 2.1 [p. 19] pour un domaine matériel D m s’écrit :
Z
0= (ρ̇E + ρE dvE ) dvt [éq. (2.2) p. 20]
Dtm
Ce principe est vrai quel que soit le domaine matériel considéré. Avec le lemme fondamental 1.11
[p. 16], on déduit le résultat : ρ̇E + ρE dvE = 0. La réciproque est évidente. Dans l’équation (2.4) on a
supprimé les indices E inutiles car par définition ρE (xxt ,t) = ρL (xx0 ,t) = ρ(P,t).
On laisse le soin au lecteur de vérifier, par la même méthode, que l’on aboutit à la même équation (2.4)
à partir de l’expression du principe de conservation de la masse (2.3) où le champ de masse volumique
est décrit par la méthode de Lagrange (la dilatation volumique Kv n’est jamais nulle).

Le principe de la conservation de la masse introduit donc une relation entre la dérivée temporelle
logarithmique de la masse volumique et le taux de dilatation volumique actuel.

Rappels de cinématique – Le taux de dilatation volumique dv peut s’exprimer de différentes ma-


nières selon de point de vue :
d
K̇v vt
dv = D = divE v = lim dt
= tr gradE v = trD (2.5)
Kv vt →0 vt

Les relations entre opérateurs différentiels eulériens et lagrangiens sont :

F −1
gradE ψ = gradL ψ ·F ; divE Ψ = gradL Ψ : F −> (2.6)
2.3 Forme locale du principe de la conservation de la masse 21

Expression eulérienne – Si on exprime la dérivée particulaire ρ̇ par son expression eulérienne :


∂ ρE
ρ̇ = + gradE ρ ·vvE
∂t
l’expression locale du principe de la conservation de la masse (2.4) [p. 20] s’écrit (3) :
1  ∂ ρE  ∂ ρE
+ gradE ρ ·vvE = − divE v ⇔ + divE (ρ v ) = 0 (2.7)
ρE ∂t ∂t

Sous cette forme, l’équation (2.7) est traditionnellement appelée équation de continuité (4) .

Expression lagrangienne – Si on exprime la dérivée particulaire ρ̇ par son expression lagrangienne :


∂ ρL
ρ̇ =
∂t
l’expression locale du principe de la conservation de la masse [éq. (2.4) p. 20] s’écrit :
1 ∂ ρL ∂ ρL
= − divE v = − gradL v : F −> ⇔ + ρL gradL v : F −> = 0
ρL ∂t ∂t

Principe alternatif – Le taux de production volumique de masse en une particule est :

τm = ρ̇ + ρ dv [éq. (1.22) p. 17, avec Ψ = m et Ψ v = ρ]

Le théorème 2.2 [p. 20] affirme donc que le taux de production volumique de masse est nul en chaque
particule. Il est possible de prendre cet énoncé comme principe fondamental de la conservation de
la masse, et d’en déduire les expressions globales du principe de la conservation de la masse sur un
domaine matériel ou géométrique.

L’équation différentielle (2.4) [p. 20] peut s’intégrer temporellement entre les instants t0 et t :

ρ̇ K̇v C C
= −dv = − ⇒ ρ= ⇔ ρL (xx0 ,t) =
ρ Kv Kv KvL (xx0 ,t)
où C est une constante déterminée par les conditions initiales. Pour t = t0 , on a :

KvL (xx0 ,t0 ) = 1 et ρL (xx0 ,t0 ) = ρ0 (xx0 )

où ρ0 (xx0 ) est la masse volumique de la particule x 0 à l’instant de référence t0 (masse volumique


initiale). On en déduit la constante C = ρ0 (xx0 ). On a donc :
ρ0 (xx0 ) ρ0 (P) ρ0
KvL = = ⇔ Kv = (2.8)
ρL (xx0 ,t) ρ(P,t) ρ
Le principe de la conservation de la masse implique l’égalité entre la dilatation volumique
actuelle Kv (concept cinématique) et le rapport des masses volumiques initiale et actuelle.

Remarque – Contrairement à ce qui est parfois affirmé en mécanique des solides, dans une défor-
mation entre les instants t0 et t, la masse volumique n’est donc pas constante en général sauf dans une
déformation isovolume (5) .
(3) On rappelle l’identité tensorielle : div( f v ) = grad f ·vv + f divvv, ∀ f ∈ R ∀vv ∈ V.
(4) La « continuité » évoquée ici n’a aucun rapport avec celle utilisée en mathématiques pour qualifier les fonctions.
(5) Une déformation isovolume (K = 1) se traduit par detU U = detV V = detC C = detBB = 1 ou encore dans le cas des
v
« petites perturbations » par : tr ε = 0. Pour les autres tenseurs de déformation, c’est une relation entre les invariants.
Voir le cours Cinématique des milieux continus, du même auteur [note 4 p. 3].
22 Chapitre 2. Conservation de la masse

2.4 Bilan de masse dans un domaine géométrique


 Théorème 2.3 – Bilan de masse. La dérivée temporelle de la masse contenue dans un domaine
géométrique est égale au débit massique entrant à travers la frontière.

Démonstration – Dans un domaine géométrique D g , la masse du milieu continu contenu dans le


domaine ne se conserve pas au cours du temps. En effet :
d
Z Z
m(D g ,t) = g ρ̇E + dvE ρE dvt + ρ (vv f −vvE ) ·nnt dst [éq. (1.22) p. 17 où Ψ = m]
g E
dt Dt | {z } ∂ Dt
τm | {z }
Φm
d
Z
m(D g ,t) = ρE (vv f −vvE ) ·nnt dst = Φm (th. 2.2 [p. 20] ⇒ τm = 0) (2.9)
dt ∂ Dt
g

où v f est la vitesse des points de la frontière du domaine géométrique et Φm est le débit massique
entrant à travers la frontière du domaine géométrique.

Principe alternatif – Le théorème 2.3 peut aussi bien être pris comme principe de la conservation
de la masse, et on peut en déduire la forme locale et la forme globale pour un domaine matériel
comme étant des théorèmes.

2.5 Densités massiques de grandeurs extensives


La distribution d’une grandeur physique extensive Ψ dans un domaine D (géométrique ou
Ψ ].kg−1 ) plutôt que par
matériel) peut aussi se décrire par des densités massiques Ψ m (unité : [Ψ
Ψ ].m−3 ). La relation entre ces deux densités est :
des densités volumiques Ψ v (unité : [Ψ
Ψ v = ρΨ
Ψm (2.10)
Pour un domaine matériel, la valeur actuelle d’une grandeur extensive Ψ est :
Z Z Z
Ψ (D m ,t) = Ψ vE dvt = ρE Ψ m
E dvt = Ψm
E dm (2.11)
Dtm Dtm Dtm
Z Z Z Z
= Ψ vL KvL dv0 = ρL Ψ m
L KvL dv0 = Ψm
L ρ0 dv0 = Ψm
L dm (2.12)
D0m D0m D0m D0m

Pour un domaine géométrique, la valeur actuelle d’une grandeur extensive Ψ est :


Z Z Z
Ψ (D g ,t) = g
Ψ vE dvt = ρ Ψm
g E E dvt = Ψm
E dm (2.13)
Dt Dt Dtg

On en déduit de nouvelles expressions de la dérivée temporelle d’une grandeur extensive sur un


domaine qui seront utiles dans la suite quand on utilise des densités massiques :

Domaine matériel en description d’Euler


d
Z
v
Ψ (D m ,t) = Ψ E + dvE Ψ vE ) dvt
(Ψ̇ [éq. (1.18) p. 16]
dt Dtm
Z  
= (ρE Ψ m
E )˙+ d vE ρE Ψ m
E dvt [éq. (2.10)]
Dtm
Z
m
= (ρE Ψ̇ Ψm
Ψ E + (ρ̇E + dvE ρE )Ψ E ) dvt
Dtm
d
Z
m
Ψ (D m ,t) = Ψ E dm
Ψ̇ [éq. (2.4) p. 20] (2.14)
dt Dtm
2.6 Changements d’observateur 23

Domaine matériel en description de Lagrange

d
Z
v
Ψ (D m ,t) = Ψ L + dvL Ψ vL ) KvL dv0
(Ψ̇ [éq. (1.19) p. 16]
dt D0m
Z  
= (ρL Ψ m m
L )˙+ dvL ρL Ψ L KvL dv0 [éq. (2.10)]
D0m
Z  
m
= Ψm
Ψ L + (ρ̇L + dvL ρL )Ψ
ρL Ψ̇ L KvL dv0
D0m
d
Z
m
Ψ (D m ,t) = Ψ L dm
Ψ̇ [éq. (2.4) p. 20] (2.15)
dt D0m

Domaine géométrique en description d’Euler

d
Z Z
v
Ψ (D g ,t) = Ψ E + dvE Ψ vE ) dvt +
(Ψ̇ Ψ vE (vv f −vvE ) ·nn dst [éq. (1.22) p. 17]
dt Dtg ∂ Dtg
Z   Z
= g (ρE Ψ m m
ρ Ψm v f −vvE ) ·nn dst

E )˙+ d vE ρE Ψ E dv t + g E E (v
Dt ∂ Dt
d
Z Z
m
Ψ (D g ,t) = m f

Ψ E dm +
Ψ̇ ρE Ψ E v
(v −v
v E ) ·n
n dst (2.16)
dt Dt g
∂ Dtg
| {z }
Φψ

Ψ ].s−1 ) est le flux convectif de Ψ entrant à travers la frontière ;


– Φ ψ (unité : [Ψ
m
Ψ est la dérivée particulaire de la densité massique Ψ m ; c’est aussi le taux de production
– Ψ̇
massique de Ψ à l’intérieur du domaine.

2.6 Changements d’observateur


 Théorème 2.4 – La masse volumique est un champ scalaire objectif.

Démonstration – La masse M et le volume V d’un domaine matériel sont des grandeurs objectives
par principe (physique classique). La masse volumique moyenne M/V est donc objective pour tout
domaine matériel. En passant à la limite on en déduit que le champ des masses volumiques est un
champ scalaire objectif.

 Théorème 2.5 – La dérivée particulaire de la masse volumique est un champ scalaire objectif.

Démonstration – On montre en cinématique que la dérivée particulaire de toute grandeur scalaire


objective est objective.

 Théorème 2.6 – La divergence eulérienne du champ des vitesses est un champ scalaire objectif.

Démonstration – On déduit des deux théorèmes précédents que la dérivée temporelle logarithmique
ρ̇ ρ̇
ρ est une grandeur objective. On déduit immédiatement de l’équation (2.4) [p. 20] : ρ = −dv que
taux de dilatation volumique dv = divE v [éq. (2.5) p. 20] est objectif. Bien que le champ des vitesses
soit un champ vectoriel non objectif, sa divergence eulérienne est un champ scalaire objectif (ce
résultat est établi en cinématique, indépendamment de la conservation de la masse).
24 Chapitre 2. Conservation de la masse

2.7 En bref...
La masse d’un domaine matériel est une grandeur scalaire, extensive, objective et invariante dans
le temps, qui mesure la quantité de matière contenue dans le domaine matériel.
L’expression locale du principe de la conservation de la masse pour un milieu continu est une
équation différentielle que l’on peut intégrer temporellement.
La masse d’un domaine géométrique est variable dans le temps car de la matière traverse les
frontières.
On peut calculer la dérivée temporelle d’une grandeur extensive Ψ sur un domaine matériel
ou géométrique, non seulement avec des intégrales de volume de densités volumiques Ψ v
[section 1.5 p. 16], mais aussi avec des intégrales de masse de densités massiques Ψ m [sec-
tion 2.5 p. 22]. La diversité des formules est due à :
1. l’utilisation de domaines géométriques ou matériels,
2. l’utilisation de densités volumiques ou massiques,
3. l’utilisation de la description de Lagrange ou de celle d’Euler pour décrire les densités,
4. la mise en évidence ou non des flux convectifs à travers la frontière (équations de bilan).
Les expressions les plus simples de la dérivée temporelle d’une grandeur extensive sont celles
écrites avec les densités massiques Ψ m et leur dérivée particulaire.
3

Principe fondamental de la
mécanique

3.1 Rappels de mécanique générale


3.1.1 Loi de Newton et observateurs galiléens
 Définition 3.1 – Observateur galiléen. Un observateur galiléen est un observateur pour lequel
le mouvement des points matériels obéit à la loi de Newton :
f = mγγ (égalité vectorielle)

où m est la masse d’un point matériel, γ est son accélération pour un observateur galiléen et f
est la résultante des forces que l’extérieur exerce sur le point matériel.
 Hypothèse 3.2 – Interactions de Newton. On suppose que l’action d’un point matériel sur un
autre est une force telle que :
P
F Pi /Pj = −F
F Pj /Pi et F Pi /Pj ∧ (xxtPi −xxt j ) = 0 ∀ i 6= j (3.1)
P
où xtPi et xt j sont les positions actuelles des particules Pi et Pj pour l’observateur utilisé pour
observer le mouvement.

Commentaire sur les interactions – L’hypothèse 3.2 est souvent appelée seconde loi de Newton
ou encore loi de l’action et de la réaction. Elle précise que l’action d’un point matériel sur un autre
est une force colinéaire aux deux points matériels. La direction de la force est précisée, mais la valeur
et le sens de la force d’interaction ne sont pas précisées. Ces interactions sont en général dûes à la
gravitation, à l’électrostatique, à la cohésion ou toute autre interaction mécanique se traduisant par une
force sans moment (1) . Toutefois, les propriétés des interactions qui sont postulées dans l’équation (3.1)
sont suffisantes (2) pour démontrer en mécanique générale les trois théorèmes généraux rappelés plus
bas en section 3.1.2 [p. 26].

Pour déterminer si un observateur est galiléen ou non, on doit faire des expériences pour vérifier
si les prédictions de la loi de Newton sont correctes ou non pour cet observateur (3) .

Exemples d’expériences – La loi de Newton prédit qu’un point matériel lâché sans vitesse initiale
et soumis à une force constante se déplace en ligne droite. Elle prédit aussi qu’un pendule lâché sans
vitesse initiale oscille dans un plan fixe.
(1) De ce fait, on élimine la possibilité d’envisager des interactions magnétiques qui sont des moments exercés à
distance sur les points matériels munis d’une direction qui leur est propre (limites de dipôles magnétiques). Certains
effets mécaniques de l’électromagnétisme ne peuvent donc pas être envisagés dans ce cadre.
(2) Il n’est pas nécessaire de préciser la nature physique de ces interactions, c’est-à-dire leur sens et leur valeur.
(3) On rappelle que la valeur de l’accélération d’un point matériel dépend de l’observateur utilisé pour observer le

mouvement.
26 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

Si pour un observateur, les prédictions de la loi de Newton sont considérées comme suffisamment
exactes, on peut déclarer galiléen cet observateur. Déclarer galiléen un observateur, c’est donc
accepter une certaine approximation dans la confrontation avec des expériences.

Exemples – Si on assimile un objet pesant à un point matériel, et si on utilise un observateur lié à la


terre pour analyser son mouvement, cet objet est soumis à une force constante unique (4) : son poids.
Lâché sans vitesse initiale, la loi de Newton prédit que sa trajectoire est une droite colinéaire au poids.
En première approximation, on peut constater que c’est vrai, cependant des mesures fines mettent en
évidence une petite déviation vers l’est. De même, si on observe le mouvement d’un pendule simple,
on constate que, pour un observateur terrestre, son plan d’oscillation est sensiblement fixe. Mais une
observation plus fine (expérience du pendule de Foucault) montre que ce plan tourne à une faible
vitesse. Selon que l’on considère que la déviation vers l’est de la chûte des corps ou que la vitesse
de rotation du plan d’oscillation d’un pendule sont négligeables ou non, on décide si un observateur
terrestre est considéré comme galiléen ou non.

Tous les observateurs dont le mouvement par rapport à un observateur galiléen est une trans-
lation à vitesse constante sont aussi des observateurs galiléens car pour tous ces observateurs
l’accélération d’un point matériel est la même. On ne peut donc pas distinguer un observateur
galiléen particulier qui serait qualifié d’absolu. Tout observateur qui n’est pas en translation à
vitesse constante par rapport à un observateur galiléen n’est pas galiléen.
N’étant pas valable pour tous les observateurs, la loi de Newton f = mγγ n’est pas une loi
universelle (5) . On peut la rendre artificiellement universelle en ajoutant aux forces extérieures f
des forces extérieures fictives appelées forces d’inertie (d’entraînement et de Coriolis). La loi
de Newton est alors vraie pour tous les observateurs, mais les forces extérieures agissant sur un
point matériel sont la somme des forces réelles (6) et de forces fictives qui sont particulières à
chaque observateur non galiléen.

3.1.2 Rappel des théorèmes généraux


L’objet de la mécanique (des milieux continus ou non) est de trouver les relations entre le mou-
vement d’un système matériel, c’est-à-dire d’un ensemble de points matériels liés entre eux ou
non, et les actions mécaniques exercées sur le système matériel par son extérieur. En mécanique
des milieux continus, un système matériel est un domaine matériel [déf. 1.1 p. 9].
 Définition 3.3 – Actions extérieures. On appelle action mécanique extérieure d’un système
matériel l’action mécanique exercée par l’extérieur (le reste de l’univers) sur ce système matériel.

En appliquant à chaque point matériel d’un système matériel les deux lois fondamentales
énoncées par Newton [déf. 3.1 et hyp. 3.2 p. 25] pour les points matériels (l’observateur utilisé
est donc galiléen), et en distinguant dans les efforts extérieurs à chaque point matériel ceux qui
sont d’origine intérieure au système (7) et ceux qui d’origine extérieure au système, on démontre
en mécanique générale les trois théorèmes suivants, valables pour tout système matériel :
 Théorème 3.4 – Résultante dynamique. La résultante dynamique actuelle (somme des quan-
tités d’accélération) est égale à la résultante des actions mécaniques extérieures actuelles.
(4) On néglige l’action des astres et il faut faire l’expérience dans le vide pour éliminer l’action de l’air.
(5) C’est-à-dire qu’elle n’est pas valable pour tous les observateurs. La seule mécanique dont les lois sont universelles
est la théorie de la relativité générale due à Albert E INSTEIN.
(6) C’est-à-dire les forces dont la source est identifiée.
(7) L’action des autres points matériels du système
3.2 Efforts extérieurs sur un domaine matériel 27

 Théorème 3.5 – Moment dynamique. Le moment dynamique actuel en un point (somme des
moments en ce point des quantités d’accélération) est égale au moment en ce point des actions
mécaniques extérieures actuelles.
 Convention 3.6 – Le choix du point pour évaluer les moments est indifférent. Dans toute la
suite, ce point sera l’origine O de l’observateur utilisé pour décrire le mouvement. Le vecteur
moment en O d’un vecteur w (P) s’écrira donc :

w(P)) = xt (P) ∧w
M O (w w(P) où xt (P) est le vecteur position actuelle du point matériel P.

 Corollaire 3.7 – La résultante et le moment résultant en un point O des actions intérieures à un


système de points matériels sont des vecteurs nuls.

Démonstration – Ce corollaire découle directement de la définition des interactions [éq. (3.1) p. 25] :
soit un couple de points matériels Pi et Pj ; la somme des deux forces intérieures est :
F Pj /Pi = 0
F Pi /Pj +F [éq. (3.1) p. 25]
La somme des deux moments en O intérieurs est :
P P
xtPi ∧F F Pj /Pi = (xxtPi −xxt j ) ∧F
F Pi /Pj +xxt j ∧F F Pi /Pj = 0 [éq. (3.1) p. 25]
En faisant la somme (ou l’intégrale) de toutes les interactions de tous les couples de points matériels,
on aboutit au résultat.
 Théorème 3.8 – Puissance cinétique. La puissance cinétique actuelle (dérivée temporelle de
l’énergie cinétique) est égale à la somme de la puissance actuelle des efforts extérieurs et de la
puissance actuelle des efforts intérieurs.

Remarque – Bien que la résultante et le moment résultant des efforts intérieurs soient nuls [co-
rollaire 3.7], la puissance des efforts intérieurs est a priori non nulle. Pour tout couple de points
matériels, la puissance des efforts intérieurs entre ces deux points matériels est :

Pi j = v (Pi ) ·F
F Pj /Pi +vv(Pj ) ·F
F Pi /Pj (6= 0 en général)

et la puissance des efforts intérieurs dans le système matériel est : ∑ Pi j .


i> j
Pour les solides indéformables, la puissance des efforts intérieurs est nulle car le champ des vitesses
d’un solide est équiprojectif, ce qui conduit à Pi j = 0 ∀ i ∀ j.

Les trois théorèmes généraux 3.4, 3.5 et 3.8 ainsi que le corollaire 3.7 constituent les seules
connaissances mécaniques préalables qui sont nécessaires et suffisantes pour comprendre les
développements qui suivent. On peut les considérer comme des axiomes pour la mécanique des
milieux continus.

Remarque – Les trois théorèmes généraux précédents sont encore vrais pour un observateur non
galiléen si l’on ajoute aux forces extérieures des forces d’inertie fictives d’entraînement et de Coriolis
propres à chaque observateur non galiléen.

3.2 Efforts extérieurs sur un domaine matériel


Les actions mécaniques extérieures sur un domaine matériel de milieu continu peuvent se classer
en deux catégories : les actions mécaniques à distance et les actions mécaniques de contact.
Chacune de ces actions extérieures est modélisée par un champ.
28 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

3.2.1 Modélisation des actions mécaniques extérieures à distance

Les actions mécaniques extérieures à distance sont les actions à distance de l’extérieur du
domaine d’étude sur toutes les particules du domaine. On les modélise par un champ matériel
de densité volumique de force (8) , que l’on notera f v (P,t) (unité : N.m−3 ) ou bien par un champ
matériel de densité massique de force que l’on notera f m (P,t) (unité : N.kg−1 = m.s−2 ). Le
vecteur f v (P,t) représente la force volumique à distance (9) actuelle exercée par la totalité de
l’extérieur du domaine matériel sur la particule P.
La valeur de cette densité volumique de force dépend a priori du domaine matériel choisi
pour l’étude, car pour chaque domaine matériel, la définition de son extérieur est a priori
différente (10) .

Remarques – Si l’observateur utilisé pour décrire le mouvement ne peut pas être considéré comme
galiléen, le vecteur f v (ou bien f m = f v ρ −1 ) contient en outre des champs de forces d’inertie
volumiques (ou massiques) fictives d’entraînement et de Coriolis.
Dans la plupart des études, les seules forces à distance notables exercées par l’extérieur sur les
particules du domaine matériel se réduisent à la gravitation terrestre (11) , les autres masses extérieures
ayant une action gravitationnelle négligeable devant celle de la terre, soit parce qu’elles sont trop
éloignées (12) , soit parce que leur masse est trop faible (13) . On peut donc souvent affirmer que le
champ de forces gravitationnelles d’origine extérieure est indépendant du choix du domaine.
Lorsque les dimensions du domaine sont petites devant celles de la terre, on simplifie souvent le
champ de gravitation terrestre (qui est approximativement un champ vectoriel central convergeant
vers le centre de gravité de la terre) en disant que le champ de forces gravitationnel terrestre est un
champ de forces massique uniforme g , orienté vers la terre, appelé accélération de la pesanteur, et
dont la norme au voisinage de la surface de la terre est kggk = g ' 9.81 m.s−2 .
On peut représenter les forces à distance extérieures par un champ de forces volumiques ou un champ
de forces massiques ( f v = ρ f m ). Dans les applications où seule la pesanteur est prise en compte, on
affirme parfois que le champ des forces volumiques est uniforme. Les lois de la gravitation montrent
que c’est le champ des forces massiques f m (l’accélération de la pesanteur) qui est uniforme. Le champ
des forces volumiques f v n’est uniforme que si l’on peut considérer que la masse volumique ρ est aussi
un champ uniforme, ce qui est rarement le cas en mécanique des milieux continus [éq. (2.4) p. 20].
Cette approximation est acceptable pour des liquides (variations de volume négligeables), elle est
assez grossière pour certains solides déformables (14) et elle est difficilement admissible pour les gaz
(8) Noter que l’on n’envisage pas de densité volumique de moment. De ce fait, on élimine la possibilité de prendre

en compte certaines actions mécaniques d’origine magnétique. Le comportement (mécano-)électromagnétique des


milieux continus n’est pas envisagé dans ce cours. Il demanderait une refonte de toute la cinématique des milieux
continus : en électromagnétisme, la position à un instant t d’un milieu continu n’est pas suffisamment décrite par
la seule position actuelle de ses particules, il faut y ajouter leur orientation actuelle (en électromagnétisme, une
particule est la limite d’un dipôle magnétique) ; il demanderait aussi l’introduction d’un principe de conservation
suppémentaire dont l’expression locale est donnée par les équations de Maxwell.
(9) Forces gravitationnelles, électrostatiques, de cohésion. . .
(10) Dans la pratique, on simplifie souvent l’extérieur en le réduisant à quelques sources de champs gravitationnnels

ou électriques. Les champs de forces à distance extérieurs ne changent donc pas pour bon nombre de domaines
matériels, tant qu’ils n’incluent pas l’une de ces sources.
(11) À condition que la terre ne fasse pas partie du domaine étudié, auquel cas la gravitation terrestre ne serait pas un

effort extérieur.
(12) Les astres par exemple. Toutefois, si l’on veut prévoir un phénomène comme la marée, il faut prendre en compte

la gravitation due à la lune et celle due au soleil.


(13) La matière voisine du domaine, par exemple des parois ou l’immeuble d’à coté.
(14) Toutefois, en mécanique des milieux continus solides, il arrive que les effets de la pesanteur soient négligeables

devant les effets des forces de contact ; dans ce cas, on pose f m ' 0 . Le champ des forces volumiques à distance f v
est alors uniforme car il est considéré comme nul.
3.3 Efforts intérieurs dans un milieu continu 29

D = 0 partout).
sauf pour des mouvements de gaz très particuliers (dv = trD
Quoi qu’il en soit, aucune des approximations évoquées dans ces remarques n’est nécessaire pour
établir les équations générales qui suivent.

3.2.2 Modélisation des actions mécaniques extérieures de contact

Pour un domaine matériel de milieu continu, les forces extérieures de contact ne peuvent exister
que sur la frontière du domaine. Elles sont modélisées par une densité surfacique de force
s’appliquant sur la frontière ∂ D m , qui sera notée f s (unité : Pa = N.m−2 ).

Remarque – Si la densité surfacique de force extérieure sur une frontière a bien la dimension d’une
pression (N.m−2 ), l’orientation et le sens du champ vectoriel f s peuvent être quelconques par rapport
à la normale extérieure de la frontière.

3.3 Efforts intérieurs dans un milieu continu


Soit D m un domaine matériel dont la position actuelle est Dtm . On a défini dans la section
précédente les actions de l’extérieur sur ce domaine matériel. On se propose maintenant de
définir des efforts intérieurs à ce domaine matériel.
En mécanique générale élémentaire, on considère des domaines matériels constitués d’un en-
semble dénombrable de points matériels. Dans ce cas, il est aisé de définir les efforts intérieurs en
considérant individuellement les interactions de Newton [hypothèse 3.2 p. 25] de tous les couples
de points matériels. Dans un milieu continu, cette méthode est inapplicable. Afin d’envisager les
efforts intérieurs dans un domaine de milieu continu, on considère les efforts extérieurs à des
sous-domaines du domaine matériel étudié.
Soit un sous-domaine matériel D1m ⊂ D m . L’extérieur du sous-domaine D1m peut être partitionné
de la manière suivante :

ext(D1m ) = (D m − D1m ) ∪ ext(D m )

Les actions du sous-domaine D m − D1m sur le sous-domaine D1m sont des actions extérieures au
sous-domaine D1m mais intérieures au domaine D m . Comme pour tout domaine matériel, les
actions extérieures au sous-domaine D1m sont de deux sortes :
1. Des actions extérieures à distance provenant de (D m − D1m ) et de ext(D m ) :

f vD m = f v(D m −D m )/D m + f vext(D m )/D m


1 1 1 1

L’action à distance f v(D m −D m )/D m est une action à distance extérieure au sous-domaine D1m
1 1
mais c’est une action à distance intérieure au domaine D m .
2. Des actions extérieures de contact sur la frontière ∂ D1m : on note c la densité de force
surfacique actuelle exercée par le sous-domaine D m − D1m sur le sous-domaine D1m , distribuée
sur la frontière ∂ D1m . La densité surfacique de force c est une action de contact extérieure au
sous-domaine D1m mais intérieure au domaine D m .
 Définition 3.9 – Contrainte. On appelle contrainte actuelle, la densité surfacique de force de
contact actuelle qui s’exerce sur la frontière d’un sous-domaine de domaine matériel.
30 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

La valeur du champ vectoriel de contraintes c (unité : Pa = N.m−2 ), défini sur la frontière ∂ D1m
du sous-domaine, dépend a priori à la fois du choix du sous-domaine D1m ⊂ D m et du choix de
la particule P sur sa frontière.
 Théorème 3.10 – Tous les sous-domaines D1 dont la frontière contient la particule P et qui ont
la même normale extérieure, ont la même contrainte en P.

Démonstration – Le résultat de ce théorème est le plus souvent énoncé sous le nom d’« hypothèse
de Cauchy ». La démonstration est donnée en annexe A.2 [p. 98]. Le principe de cette démonstration
a été communiqué à l’auteur par Jean C OUSTEIX (15) qui s’est inspiré d’une démonstration due à
Walter N OLL (16) .

La valeur de la contrainte c ne dépend donc que de la particule P et de la normale extérieure nt ,


c’est-à-dire que la contrainte c est fonction du choix d’une facette matérielle (17) en la particule P.
Il existe donc une fonction à valeur vectorielle f σ telle que :

σ
(P,nnt ,t) −−→ c = f σ (P,nnt ,t) où nt est la direction actuelle d’une facette matérielle. (3.2)

En revanche, pour la même particule P, le vecteur contrainte c (P,nnt0 ,t) est a priori différent pour
une autre normale extérieure nt0 (c’est une autre famille de sous-domaines tangents en P). Compte
tenu du théorème 3.10, on pose une nouvelle définition pour la contrainte :
 Définition 3.11 – Contrainte (redéfinition). On appelle contrainte actuelle en une particule P
sur une facette matérielle de normale actuelle nt , la force surfacique actuelle c (P,nnt ,t) qui s’exerce
en P sur la frontière de tout sous-domaine passant par P et de normale unitaire extérieure nt .

3.3.1 Existence du tenseur des contraintes


 Théorème 3.12 – Tenseur des contraintes de Cauchy. En chaque particule d’un milieu
continu et à chaque instant, il existe un tenseur du second ordre appelé tenseur des contraintes
de Cauchy actuel, noté σ , tel que la contrainte actuelle s’exerçant sur une facette matérielle de
normale actuelle nt est donnée par :

c (P,nnt ,t) = σ (P,t) ·nnt (P,t) (3.3)

Démonstration – En appliquant le théorème de la résultante dynamique à un domaine matériel


tétraédrique que l’on fait tendre d’une certaine manière vers un volume nul, on montre que l’appli-
cation f σ définie dans l’équation (3.2) est nécessairement un opérateur linéaire sur son argument
vectoriel nt . En une particule P et à un instant t, l’opérateur linéaire f σ est donc un endomorphisme
linéaire de V3 : nt → c , c’est-à-dire un tenseur du second ordre (18) . La démonstration détaillée est
donnée en annexe section A.3 [p. 100].

Ce théorème ne prouve que l’existence du champ tensoriel des contraintes de Cauchy σ (P,t)
sans en préciser la valeur en toute particule et à tout instant. Le champ tensoriel σ (P,t) est
solution d’équations différentielles qui seront établies plus loin.
(15) de l’ONERA, Toulouse, France.
(16) Introduction à la mécanique rationnelle des milieux continus, Clifford T RUESDELL, Masson et Cie, Paris, 1974.
(17) Une facette matérielle en une particule P est identifiée par sa normale unitaire. La définition précise d’une facette

matérielle est donnée dans le cours Cinématique des milieux continus, du même auteur [note 4 p. 3].
(18) Les endomorphismes linéaires de V sont isomorphes aux tenseurs du second ordre. Voir le cours Algèbre et
3
analyse tensorielles pour l’étude des milieux continus, du même auteur [note 3 p. 3].
3.3 Efforts intérieurs dans un milieu continu 31

Comme tous les champs matériels, le champ tenseur des contraintes actuel peut aussi bien être
décrit par la méthode de Lagrange que par la méthode d’Euler : σ (P,t) = σ L (xx0 ,t) = σ E (xxt ,t).
Toutefois, quel que soit le mode de description du champ, c’est l’application de la valeur actuelle
du tenseur des contraintes σ (P,t) à la normale actuelle nt (P,t) d’une facette matérielle qui
conduit à la valeur actuelle de la contrainte pour cette facette matérielle.

3.3.2 Conditions aux limites en contrainte


 Théorème 3.13 – Condition aux limites en contraintes. Soit ∂ Dtm la frontière actuelle d’un
domaine matériel, soit P0 une particule générique de cette frontière et soit nt (P0 ,t) la normale
extérieure actuelle à la frontière en P0 . On note f s (P0 ,t) la densité de force surfacique extérieure
de contact actuelle en P0 . Le champ de tenseurs des contraintes σ (P,t) doit satisfaire la condition
à la frontière suivante :
∀P0 ∈ ∂ Dtm , σ (P0 ,t) ·nnt (P0 ,t) = f s (P0 ,t) (3.4)

Démonstration – Considérons la famille de sous-domaines D1m dont la frontière est tangente en P0 à


la frontière ∂ Dtm du domaine matériel. En cette particule frontière, la contrainte extérieure c (P0 ,nnt ,t)
sur un sous-domaine D1m [déf. 3.11 p. 30] est égale à la force surfacique de contact f s (P0 ,t) extérieure
au domaine D m car en P0 , les frontières ∂ D1m et ∂ Dtm ont la même normale extérieure [th. 3.10 p. 30].
On a donc c (P0 ,nnt ,t) = f s (P0 ,t). Le théorème d’existence 3.12 [p. 30] du champ tensoriel σ entraîne
l’égalité (3.4).

Bord libre – On appelle bord libre une partie de frontière sur laquelle il n’y a pas de forces exté-
rieures de contact (rien n’agit sur la frontière). Sur un bord libre, le champ de tenseur des contraintes
doit donc satisfaire la condition aux limites :
P0 sur un bord libre ⇒ σ (P0 ,t) ·nnt (P0 ,t) = 0
En mécanique des solides déformables on considère comme bord libre les frontières sur lesquelles
aucun effort n’est exercé par un milieu continu extérieur en contact. En mécanique des fluides, ce
sont souvent des surfaces libres (limites de jets, surface libre d’un liquide). Dans les deux cas, on n’a
un bord libre que si l’on néglige la pression atmosphérique.

La condition aux limites (3.4) est très importante : elle contribue à déterminer la solution
particulière du problème parmi l’infinité de solutions des équations différentielles (19) de la
mécanique des milieux continus.

3.3.3 Décomposition des contraintes


Soit P une particule à l’intérieur d’un milieu continu, et soit nt la normale unitaire actuelle d’une
facette matérielle en P. On note c (P,nnt ,t) la contrainte actuelle en P pour cette facette matérielle.
La contrainte c est la force surfacique de contact actuelle exercée par la matière qui se trouve du
côté de nt (l’extérieur d’un sous-domaine matériel D1m ) sur la matière qui se trouve de l’autre
côté de la facette matérielle (l’intérieur d’un sous-domaine matériel D1m ).
 Définition 3.14 – Contrainte normale. On appelle contrainte normale actuelle en la particule P
pour la facette matérielle de normale actuelle nt , le scalaire défini par :
cN = nt ·cc(P,nnt ,t) = nt ·σ
σ (P,t) ·nnt = σ (P,t) : (nnt ⊗nnt ) = σ (P,t) : N t
(19)On rappelle que la solution générale d’un système d’équations différentielles aux dérivées partielles contient des
fonctions et des constantes indéterminées, qui sont résolues par les conditions aux limites et les conditions initiales.
32 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

Si cN > 0 on dit que c’est une traction (l’extérieur de D1m exerce sur ∂ D1m une force vers lui).
Si cN < 0 on dit que c’est une compression.

Remarque – Noter que le signe de la contrainte normale cN ne change pas avec sens de nt .
 Définition 3.15 – Contrainte tangentielle. On appelle contrainte tangentielle actuelle en la
particule P pour la facette matérielle de normale actuelle nt , le vecteur défini par :

c T = c − cN nt = σ (P,t) ·nnt − nt ·σ
σ (P,t) ·nnt nt

La contrainte tangentielle actuelle c T pour la facette matérielle de normale actuelle nt est un


donc vecteur orthogonal à nt (on vérifie aisément que nt ·ccT = 0). Pour une facette matérielle en
une particule P et de normale actuelle nt , on peut donc décomposer le vecteur contrainte actuelle
c(P,nnt ,t) en une partie normale et une partie tangentielle :

c = cN nt +ccT avec kcck2 = c2N + kccT k2

Les trois réels kcck, cN et kccT k sont des scalaires (leur valeur ne dépend pas d’une base).

Remarques – Contrairement au scalaire cN , le vecteur c T est sensible au sens de nt . Par ailleurs, dans
le plan de la facette matérielle, on peut choisir arbitrairement deux directions unitaires orthogonales t 1
et t 2 et poser c T = cT 1 t 1 + cT 2 t 2 . On a alors :

cT 1 = t 1 ·ccT = t 1 ·cc = t 1 ·σ
σ ·nnt ; cT 2 = t 2 ·ccT = t 2 ·cc = t 2 ·σ
σ ·nnt

Les nombres cT 1 et cT 2 sont parfois appelés contraintes tangentielles pour les directions t 1 et t 2 , en P
pour la facette matérielle nt . Ces définitions sont de peu d’intérêt : les nombres cT 1 et cT 2 ne sont pas
des scalaires, car leur valeur dépend du choix arbitraire des directions t 1 et t 2 . Ils sont donc dénués de
signification physique. Seule la norme kccT k est un scalaire (la valeur ne dépend pas d’une base).

3.4 Théorèmes généraux pour un domaine matériel


Par définition, la résultante dynamique, le moment dynamique en un point et l’énergie cinétique
sont des grandeurs extensives. On peut donc définir des densités volumiques de ces grandeurs
[th. 1.6 p. 11] :

v 2E
Z Z Z
R dyn = ρE γ E dvt ; M dyn O = ρE xt ∧γγ E dvt ; Ecin = ρE dvt
Dtm Dtm Dtm 2

Par ailleurs, les efforts extérieurs sur un domaine matériel (forces extérieures à distance et forces
extérieures de contact) sont décrits avec des densités respectivement volumiques et surfaciques.
La résultante, le moment résultant en O et la puissance des efforts extérieurs s’écrivent :
Z Z
R ext = f vE dvt + f sE dst (3.5)
Dtm ∂ Dtm
Z Z
M ext O = xt ∧ f vE dvt + xt ∧ f sE dst [convention 3.6 p. 27] (3.6)
Dtm ∂ Dtm
Z Z
Pext
mec
= v E · f vE dvt + v E · f sE dst (3.7)
Dtm ∂ Dtm
3.4 Théorèmes généraux pour un domaine matériel 33

Les trois théorèmes généraux de la mécanique appliqués à un domaine matériel s’écrivent donc
[section 3.1.2 p. 26] :
d
R dyn = R ext ; M dyn O = M ext O ; Ecin = Pext
mec
+ Pint
mec
dt
Suivant la manière dont on transforme l’écriture de toutes ces intégrales, on obtient différentes
versions des trois théorèmes généraux pour un domaine matériel de milieu continu.

3.4.1 Théorème de la résultante dynamique sur un domaine matériel


Expressions de la résultante des efforts extérieurs sur un domaine matériel :
Si les champs sont décrits par la méthode d’Euler :
Z Z
R ext = f vE dvt + f sE dst [éq. (3.5) p. 32] (3.8)
Dtm ∂ Dtm
Z Z
= f vE dvt + σ E ·nnt dst [éq. (3.4) p. 31]
Dtm ∂ Dtm
Z
R ext = ( f vE + divE σ ) dvt (théorème de la divergence) (3.9)
Dtm
Si les champs sont décrits par la méthode de Lagrange :
Z Z
Rext = f vL KvL dv0 + f sL KsL ds0 (ch. var. de éq. (3.8))
D0m ∂ D0m
F −T ·nn0
Z Z
F −T ·nn0
= f vL KvL dv0 + σL· KsL ds0 (cinématique : nt = F −T ·nn0 k )
kF
D0m ∂ D0m F −T ·nn0 k
kF
Z Z
= f vL KvL dv0 + F −T ·nn0 KvL ds0
σ L ·F F −T ·nn0 k)
(cinématique : Ks = Kv kF
D0m ∂ D0m
Z  
R ext = F −T ) dv0
fLv KvL + divL (KvL σL ·F (théorème de la divergence) (3.10)
D0m

Expressions de la résultante dynamique d’un domaine matériel :


Si les champs sont décrits par la méthode d’Euler :
Z Z
R dyn = γ E dm = v̇vE dm (définition de l’accélération) (3.11)
Dtm Dtm
d
Z
= v E dm [éq. (2.14) p. 22]
dt Dtm
d
Z
= ρE v E dvt (dm = ρE dvt )
dt Dtm
Z Z

R dyn = (ρE v E ) dvt + ρE v E (vvE ·nnt ) dst [éq. (1.4) p. 12] (3.12)
Dtm ∂t ∂ Dtm
Si les champs sont décrits par la méthode de Lagrange :
Z Z Z
R dyn = γ L dm = ρL γ L KvL dv0 = ρ0 γ L dv0 [éq. (2.12) p. 22] (3.13)
D0m D0m D0m

En écrivant l’égalité : R dyn = R ext et en choisissant l’une des expressions précédentes pour chacun
des termes, on écrit le théorème de la résultante dynamique pour un domaine matériel sous les
différentes formes que l’on peut trouver dans la littérature.
34 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

3.4.2 Théorème du moment dynamique sur un domaine matériel


Expressions du moment résultant des efforts extérieurs sur un domaine matériel :
Si les champs sont décrits par la méthode d’Euler :
Z Z
M ext O = xt ∧ f vE dvt + xt ∧ f sE dst [éq. (3.6) p. 32] (3.14)
Dtm ∂ Dtm
Z Z
= xt ∧ f vE dvt + xt ∧ (σ
σ E ·nnt ) dst [éq. (3.4) p. 31]
Dtm ∂ Dtm
Z Z
M ext O = xt ∧ f vE dvt + H : (xxt ⊗σσ E ) · nt dst (produit vectoriel écrit avec H ) (3.15)
Dtm ∂ Dtm
Z  
= xt ∧ fEv + divE H : (xxt ⊗σ σ E ) dvt (théorème de la divergence)
Dm
Z t  
M ext O = xt ∧ ( f vE + divE σ ) +H H : σ E dvt (développement de la divergence) (3.16)
Dtm

Si les champs sont décrits par la méthode de Lagrange (xxt = f (xx0 ,t) où f est la description de
Lagrange du mouvement) :
F −T ·nn0
Z Z
M ext O = f ∧ f vL KvL dv0 + H : ( f ⊗σ
σ L) KsL ds0 (ch. var. de éq. (3.15))
D0m ∂ D0m F −T ·nn0 k
kF
Z Z
= f ∧ f vL KvL dv0 + H : ( f ⊗σ F −T ·nn0 KvL ds0
σ L ) ·F F −T ·nn0 k)
(Ks = Kv kF
D0m ∂ D0m
Z  
= f ∧ f vL KvL + divL KvL H : ( f ⊗σ F −T
σ L ) ·F dv0 (th. de la divergence)
D0m
Z  
F −T ) +H
f ∧ f vL + divL (KvL σ L ·F

M ext O = H : σ L KvL dv0 (3.17)
D0m

Expressions du moment dynamique d’un domaine matériel :


Si les champs sont décrits par la méthode d’Euler :
Z Z  
M dyn O = xt ∧γγ E dm = (xxt ∧vvE )˙−vvE ∧vvE dm (3.18)
Dtm Dtm
d d
Z Z
= xt ∧vvE dm = ρE xt ∧vvE dvt [éq. (2.14) p. 22]
dt Dtm dt Dtm
Z Z

= (ρE xt ∧vvE ) dvt + ρE xt ∧vvE (vvE ·nnt ) dst [éq. (1.16) p. 16]
Dtm ∂t ∂ Dtm
Z Z

M dyn O = xt ∧ (ρE v E ) dvt + ρE xt ∧vvE (vvE ·nnt ) dst ( ∂∂txt = v E ) (3.19)
Dtm ∂t ∂ Dtm

Si les champs sont décrits par la méthode de Lagrange (xxt = f (xx0 ,t) où f est la description de
Lagrange du mouvement) :
Z Z Z
M dyn O = f ∧γγ L dm = ρL f ∧γγ L KvL dv0 = ρ0 f ∧γγ L dv0 [éq. (2.12) p. 22] (3.20)
D0m D0m D0m

En écrivant l’égalité : M dyn O = M ext O et en choisissant l’une des expressions précédentes pour
chacun des termes, on écrit le théorème du moment dynamique pour un domaine matériel sous
les différentes formes que l’on peut trouver dans la littérature.
3.4 Théorèmes généraux pour un domaine matériel 35

3.4.3 Théorème de la puissance cinétique sur un domaine matériel


Expressions de la puissance des efforts extérieurs sur un domaine matériel :
Si les champs sont décrits par la méthode d’Euler :
Z Z
Pext
mec
= vE · f vE dvt + vE · f sE dst [éq. (3.7) p. 32]
Dtm ∂ Dtm
Z Z
Pext
mec
= vE · f vE dvt + vE ·σ
σ E ·nnt dst [éq. (3.4) p. 31] (3.21)
Dtm ∂ Dtm
Z  
= vE · f vE + divE (vvE ·σσ E ) dvt (théorème de la divergence)
Dm
Z t  
Pext
mec
= vE · ( f vE + divE σ ) +σ σ E : gradE v dvt (développement de la divergence) (3.22)
Dtm

Si les champs sont décrits par la méthode de Lagrange :


F −T ·nn0
Z Z
Pext
mec
= v L · f vL KvL dv0 + v L ·σ
σL · KsL ds0 (ch. var. de (3.21))
D0 m ∂ D0m F −T ·nn0 k
kF
Z Z
= v L · f vL KvL dv0 + v L ·σ F −T ·nn0 KvL ds0
σ L ·F F −T ·nn0 k)
(Ks = Kv kF
D0m ∂ D0m
Z  
= v L · f vL KvL + divL (Kv v L ·σ F −T ) dv0
σ L ·F (théorème de la divergence) (3.23)
D0m
Z  
F −T ) + KvL (σ
v L · f vL KvL + divL (KvL σ L ·F F −T ) : gradTL v L dv0

= σ L ·F
D0m
Z  
F −T ) + KvL (σ
v L · f vL KvL + divL (KvL σ L ·F F −T ) : Ḟ

= σ L ·F F dv0
D0m
Z  
Pext
mec
F −T ) + KvL σ L : (Ḟ
v L · f vL KvL + divL (KvL σ L ·F F −1 ) dv0

= F ·F (3.24)
D0m

Expressions de la puissance cinétique d’un domaine matériel :


Si les champs sont décrits par la méthode d’Euler :
dEcin d v 2E d v 2E (vv2E )˙
Z Z Z
Pcin
mec
= = ρE dvt = dm = dm [éq. (2.14) p. 22]
dt dt Dtm 2 dt Dtm 2 Dtm 2
Z Z
Pcin
mec
= v E ·γγ E dm = ρE v E ·γγ E dvt (3.25)
Dtm Dtm

Si les champs sont décrits par la méthode de Lagrange :


Z Z Z
Pcin
mec
= v L ·γγ L dm = ρL v L ·γγ L KvL dv0 = ρ0 v L ·γγ L dv0 (3.26)
D0m D0m D0m

Le théorème de la puissance cinétique permet d’évaluer la puissance mécanique des efforts


intérieurs dans un domaine matériel de milieu continu :

Pint
mec
= Pcin
mec
− Pext
mec
(3.27)

En choisissant l’une des expressions précédentes pour chacun des termes Pcin mec et P mec , on
ext
écrit les différentes expressions de la puissance mécanique des efforts intérieurs Pint
mec pour un

domaine matériel que l’on peut trouver dans la littérature.


36 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

3.5 Conséquences locales des théorèmes généraux


Les résultats qui suivent sont les conséquences locales des trois théorèmes généraux énoncés
pour un domaine matériel dans la section précédente.

3.5.1 Équation de mouvement


 Théorème 3.16 – Équation de mouvement. Le théorème de la résultante dynamique est
équivalent à l’équation différentielle suivante :

ρ γ = divE σ + f v0 = divE σ + ρ f m
0 (3.28)

où f v0 et f m
0 sont respectivement les densités volumiques et massiques d’actions à distance dues
à tout l’univers (20) .

Démonstration – En prenant l’expression (3.9) [p. 33] pour la résultante des efforts extérieurs et
l’expression (3.11) [p. 33] pour la résultante dynamique (on choisit les expressions sans intégrale de
frontière), le théorème de la résultante dynamique s’écrit :
Z Z
ρE γ E dvt = (divE σ + f vE ) dvt (3.29)
Dtm Dtm
où v
f est le champ des forces volumiques à distance exercé sur les particules du domaine par
l’extérieur actuel du domaine matériel Dtm . La valeur de ce champ dépend donc du domaine actuel
car la définition de l’extérieur du domaine dépend évidemment du domaine. Pour rappeler cette
dépendance, on devrait le noter (lourdement) fDv m . Le lemme fondamental 1.11 [p. 16] n’est donc pas
t
utilisable pour obtenir une équation locale à partir de l’équation (3.29).
D’après le corollaire 3.7 [p. 27] on peut écrire que :
Z
f vint E dvt = 0
Dtm
où f vint est la densité volumique des actions à distance actuelles des particules intérieures au domaine
matériel sur la particule P. En additionnant cette intégrale nulle à l’équation (3.29), il vient :
Z Z
ρE γ E dvt = (divE σ + f vE + f vint E ) dvt
Dtm Dtm | {z }
f v0 E

où le terme = f v0 f v + f vint
est la somme des actions volumiques à distance sur une particule dues à
l’extérieur de Dtm et à l’intérieur de Dtm , c’est-à-dire de tout l’univers. Contrairement au champ f v , la
valeur du champ f v0 , est indépendante du domaine d’intégration. Le lemme fondamental 1.11 [p. 16]
est alors applicable et on en déduit le résultat. Dans l’équation (3.28), on a supprimé les indices E
inutiles car, par définition, Ψ E (xxt ,t) = Ψ L (xx0 ,t) = Ψ (P,t).
La démonstration de la réciproque se fait ainsi :
Z Z
ρ γ = divE σ + f v0 ⇒ ρE γ E dvt = (divE σ + f v0 E ) dvt
Dtm Dtm
Z
= (divE σ + f vE + f vint E ) dvt
Dtm
Z
= (divE σ + f vE ) dvt [corollaire 3.7 p. 27]
Dtm

Remarques – Dans bien des cours (21) , on fait la confusion entre la densité volumique de force à
distance due à l’extérieur du domaine f v et la densité volumique de force à distance f v0 due à l’univers
(20) On peut dire que tout l’univers est l’« extérieur de la particule P ».
(21) Y compris dans les versions précédentes, du même auteur, de ce cours !
3.5 Conséquences locales des théorèmes généraux 37

entier (intérieur et extérieur du domaine d’étude). L’argument habituellement avancé est que leur
différence f vint est négligeable. Cependant, si l’on néglige f vint , le lemme fondamental 1.11 [p. 16]
n’est pas applicable car contrairement au champ de forces à distance f v0 , le champ f v est fonction du
domaine d’intégration. Pour établir une équation locale, il est donc indispensable ne pas négliger les
actions à distance intérieures.
Dans la pratique, la confusion f v ' f v0 n’est généralement pas grave car dans la plupart des problèmes
courants, le champ f vint dû à l’autogravitation, aux forces de cohésion et aux éventuelles forces
électrostatiques est généralement négligeable. Cependant il n’est pas interdit de considérer des
domaines qui contiennent la terre (22) dans lesquels négliger la gravitation interne ( f vint = 0) serait une
faute grave.

Écritures lagrangiennes – En prenant l’expression (3.10) [p. 33] pour la résultante des efforts
extérieurs et l’expression (3.13) [p. 33] pour la résultante dynamique, le théorème de la résultante
dynamique s’écrit :
Z Z  
ρL KvL γ L dv0 = F −T ) dv0
f vL KvL + divL (KvL σ L ·F
D0m D0m

En suivant le même raisonnement que précédemment, on en déduit l’équation différentielle (23) :

F −T )
ρ Kv γ = f v0 Kv + divL (Kv σ ·F (3.30)
−T
ρ0 γ = ρ0 f m
0 + divL (Kv σ ·F
F ) (Kv = ρ0
ρ et fv =ρ f m) (3.31)

où Kv = detFF est la dilatation volumique actuelle dans une déformation dont le domaine de référence
est D0m et où ρ0 est la masse volumique initiale (ρ0 (P) = ρ(P,t0 )). Une autre expression, sans « ten-
seurs des contraintes » artificiel [remarque 3.1 ci-après], est déduite directement de l’équation (3.28) :

ρ γ = gradL σ : F −> + ρ f m
0 [éq. (2.6) p. 20] (3.32)

Remarque 3.1 – Autres « tenseurs des contraintes » Pour forcer une ressemblance entre l’équa-
tion (3.31) et l’équation de mouvement (3.28), le groupement de termes Π = Kv σ · F −T qui appa-
raît dans la divergence lagrangienne de l’équation (3.31) est parfois appelé premier « tenseur des
contraintes » de Piola-Kirchhoff (ou encore de Boussinesq). On peut trouver une « interprétation » à
ce tenseur : le vecteur Π ·nn0 est la force de contact actuelle par unité de surface de référence sur une
facette matérielle dont la direction de référence est n 0 . Contrairement au tenseur des contraintes de
Cauchy σ , le tenseur Π n’est pas symétrique [th. 3.17 p. 37].
Dans la littérature scientifique on trouve encore d’autres « tenseurs des contraintes » : le tenseur de
Kirchhoff : τ = Kv σ et le second tenseur de Piola-Kirchhoff : S = F −1 ·Π
Π qui sont symétriques. Ces
groupements de termes ne sont nommés que parce qu’ils apparaissent dans certains calculs. Ils n’ont
pas d’interprétation physique.

3.5.2 Symétrie du tenseur des contraintes de Cauchy

 Théorème 3.17 – Le théorème du moment dynamique implique la symétrie du tenseur des


contraintes de Cauchy.

Démonstration – En prenant l’expression (3.16) [p. 34] pour le moment en O des forces extérieures
et l’expression (3.18) [p. 34] pour le moment dynamique en O (on choisit les expressions sans

(22) et pourquoi pas d’autres astres


(23) On a enlevé les indices L inutiles car par définition Ψ E (xxt ,t) = Ψ L (xx0 ,t) = Ψ (P,t).
38 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

intégrales de frontière), le théorème du moment dynamique s’écrit :


Z Z  
ρE xt ∧γγ E dvt = xt ∧ ( f vE + divE σ ) +H
H : σ E dvt
Dtm Dtm
Z  
= xt ∧ ( f vE + f vint E + divE σ ) +H
H : σ E dvt [corollaire 3.7 p. 27]
Dtm
Z  
= xt ∧ ( f v0 E + divE σ ) +H
H : σ E dvt
Dtm
En tenant compte de l’équation de mouvement (3.28) [p. 36], il reste :
Z
0= H : σ E dvt
Dtm
En utilisant le lemme 1.11 page 16, on en déduit : H : σ = 0 . Le tenseur d’orientation H étant com-
plètement antisymétrique, cette égalité implique la symétrie du tenseur des contraintes de Cauchy σ .

Remarques – Cette conclusion n’est valable que si les actions mécaniques extérieures et intérieures
sont modélisables par des densités de forces sans densités de moments [note 8 p. 28] (milieux continus
dits « non polarisés »). On laisse le soin au lecteur de vérifier que dans le cas contraire, le théorème
du moment dynamique contient des termes supplémentaires qui invalident la symétrie du tenseur des
contraintes σ .
D’autre part, on laisse le soin au lecteur de vérifier que l’on pouvait aussi bien déduire la symétrie du
tenseur des contraintes de Cauchy à partir de l’expression (3.17) [p. 34] pour le moment en O des
forces extérieures et l’expression (3.20) [p. 34] pour le moment dynamique en O (expressions avec
les descriptions de Lagrange des champs).

Le tenseur des contraintes de Cauchy actuel σ étant symétrique, il a donc 3 valeurs propres
réelles σ1 (P,t), σ2 (P,t) et σ3 (P,t) (éventuellement confondues) et des espaces propres associés
à ces valeurs propres.
 Définition 3.18 – Contraintes principales. Les valeurs propres actuelles du tenseur des
contraintes de Cauchy actuel sont appelées contraintes principales actuelles.
 Définition 3.19 – Directions principales des contraintes. Les directions propres du tenseur
des contraintes de Cauchy actuel sont appelées directions principales actuelles des contraintes.
 Propriété 3.20 – En une particule P, les facettes matérielles dont la direction actuelle de
la normale coïncide avec une direction principale des contraintes actuelle ont une contrainte
tangentielle nulle et la contrainte normale est égale à la contrainte principale actuelle.

Démonstration – Si la direction actuelle de la normale à une facette nt coincide avec une direction
propre associée à la valeur propre σi , alors la contrainte pour cette facette matérielle est :
c = σ ·nnt = σi nt
La contrainte normale pour cette facette matérielle [déf. 3.14 p. 31] est donc : cN = c ·nnt = σi et la
contrainte tangentielle [déf. 3.15 p. 32] est c T = c − cN nt = 0 .

Si les trois contraintes principales actuelles sont distinctes, il n’existe en une particule que trois
facettes matérielles, actuellement orthogonales, dont les contraintes sont purement normales,
toutes les autres facettes ont une contraintes normale et une contrainte tangantielle ; si deux
contraintes principales sont confondues, il en existe une infinité : leurs normales actuelles sont
dans un plan propre du tenseur des contraintes de Cauchy actuel ; si les trois contraintes princi-
pales actuelles sont égales, alors toutes les facettes matérielles ont une contrainte tangentielle
nulle.
3.5 Conséquences locales des théorèmes généraux 39

Représentation de Mohr du tenseur des contraintes de Cauchy – Le tenseur des contraintes de


Cauchy étant symétrique, il est susceptible d’être représenté graphiquement avec la représentation de
Mohr (24) . Cette représentation graphique montre que la contrainte normale actuelle et la norme de
la contrainte tangentielle actuelle pour une facette matérielle de normale actuelle nt quelconque ne
peuvent prendre des valeurs quelconques : le point de coordonnées (cN , kccT k) est nécessairement à
l’intérieur du tricercle de Mohr. En particulier, si on ordonne les contraintes principales σ1 > σ2 > σ3 ,
la norme de la contrainte tangentielle et la contrainte normale de toutes les facettes matérielles autour
d’une particule satisfont les inégalités suivantes :

1
0 6 kccT k 6 (σ1 − σ3 ) et σ3 6 cN 6 σ1
2

3.5.3 Puissance volumique des efforts intérieurs


 Théorème 3.21 – Densité volumique de puissance des efforts intérieurs. La puissance des
efforts intérieurs dans un milieu continu est une grandeur extensive. La densité volumique de
puissance des efforts intérieurs (unité : W.m−3 ) est :

P v int
mec
(P,t) = −σ
σ (P,t) : D (P,t) où D est le tenseur des taux de déformation (3.33)

Démonstration – En utilisant l’expression de la puissance cinétique (3.25) [p.35] et l’expression


de la puissance des efforts extérieurs (3.22) [p. 35] (on choisit les expressions sans intégrale de
frontière), la puissance des efforts intérieurs dans un domaine matériel est donnée par le théorème de
la puissance cinétique [éq. (3.27) p. 35] :
Z Z  
Pint
mec
= ρE v E ·γγ E dvt − v E · ( f vE + divE σ ) +σ
σ E : gradE v dvt
Dtm Dtm
Z Z  
= ρE v E ·γγ E dvt − v E · ( f v0 E + divE σ ) +σ
σ E : gradE v dvt [corol. 3.7 p. 27]
Dtm Dtm
Compte tenu de l’équation de mouvement (3.28) [p. 36], il reste :
Z
Pint
mec
=− σ E : gradE v dvt
Dtm
Enfin, compte tenu de la symétrie du tenseur des contraintes de Cauchy :
Z Z
P v int
mec
=− σ E : sym gradE v dvt = σ E : DE ) dvt
(−σ
Dtm Dtm
La puissance des efforts intérieurs dans un milieu continu est donc une grandeur extensive dont la
densité volumique est : Pint
v mec = −σσ E : D E = −σ
σ : D.
On laisse le soin au lecteur de vérifier qu’on aboutit au même résultat en utilisant les expressions
lagrangiennes (3.24) et (3.26) [p. 35].

3.5.4 Synthèse
Les trois théorèmes généraux, énoncés pour un domaine matériel quelconque, ont permis
d’aboutir aux résultats suivants :
1. le théorème de la résultante dynamique est équivalent à l’équation de mouvement ;
2. le théorème du moment dynamique implique la symétrie du tenseur des contraintes ;
3. le théorème de la puissance cinétique conduit à l’évaluation de la puissance des efforts
intérieurs dans un domaine matériel de milieu continu, et à sa densité volumique.
(24)Cette représentation graphique des tenseurs symétriques est présentée dans le cours Algèbre et analyse tensorielle
pour l’étude des milieux continus, du même auteur [note 3 p. 3].
40 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

3.6 Théorèmes généraux pour un domaine géométrique


En mécanique générale, les théorèmes généraux rappelés en section 3.1.2 [p. 26] sont établis
pour des systèmes matériels, c’est-à-dire constitués toujours de la même matière. En mécanique
des milieux continus, ce sont des domaines matériels [déf. 1.1 p. 9]. Dans cette section, on va les
établir pour des domaines géométriques [déf. 1.3 p. 10].
Soit un domaine géométrique D g dont le domaine actuel (25) est Dtg . L’équation de mouve-
ment (3.28) [p. 36] permet d’écrire :
Z Z Z
ρE γ E dvt = divE σ E dvt + f v0 E dvt
Dtg Dtg Dtg
Z Z
= divE σ E dvt + f vE dvt [corollaire 3.7 p. 27] (3.34)
Dtg Dtg
Z Z Z
ρE γ E dvt = σ E ·nn dvt + f vE dvt (théorème de la divergence) (3.35)
Dtg ∂ Dg Dtg
| {z } | t {z }
R dyn R ext

De même, l’équation de mouvement (3.28) [p. 36] permet d’écrire :


Z Z Z
ρ x ∧γγ E dvt =
g E t
x ∧ divE σ E dvt +
g t
xt ∧ f v0 E dvt (3.36)
Dt Dt Dtg
Z Z Z
ρ x ∧γγ E dvt = g xt ∧ divE σ E dvt + g xt ∧ f vE dvt
g E t
[corollaire 3.7 p. 27] (3.37)
D D D
| t {z } | t {z } | t {z }
M dyn O A M dist
ext O

L’intégrande de l’intégrale A peut s’écrire sous la forme d’une divergence :


 
xt ∧ divE σ E = H : (xxt ⊗ divE σ ) = H : divE (xxt ⊗σ σ ) − gradE xt ·σ
σE

= divE H : (xxt ⊗σ σ ) −H G ·σ
H : (G σ E)

xt ∧ divE σ E = divE H : (xxt ⊗σ σ) (symétrie de σ )

L’intégrale A s’écrit donc :


Z  Z  Z
A= divE H : (xxt ⊗σ
σ ) dvt = H : (xxt ⊗σ
σ ) ·nn dst = xt ∧ (σ
σ E ·nn) dst
Dtg ∂ Dtg ∂ Dtg
Z
= xt ∧ f s dst = M cont
ext O
∂ Dtg

L’intégrale A de l’équation (3.37) est donc le moment en O des actions extérieures de contact
actuelles.
Finalement, le théorème de la résultante dynamique [éq. (3.35) ] et le théorème du moment
dynamique [éq. (3.37) ] pour un domaine géométrique traversé par un milieu continu s’expriment
exactement de la même manière que pour un domaine matériel, à la différence près que les
intégrales portent sur le domaine géométrique actuel.
(25)Les frontières sont éventuellement en mouvement, mais ce mouvement est a priori différent des particules qui
s’y trouvent.
3.6 Théorèmes généraux pour un domaine géométrique 41

3.6.1 Bilan de quantité de mouvement sur un domaine géométrique


On peut présenter le théorème de la résultante dynamique appliqué à un domaine géométrique D g
comme une équation de bilan de quantité de mouvement (26) sur ce domaine géométrique, de la
manière suivante :
Z Z
R dyn = γ dm =
g E
v̇vE dm
Dt Dtg
d
Z Z
= v E dm − ρ v (vv f −vvE ) ·nnt dst
g E E
[éq. (2.16) p. 23 avec Ψ m
E = vE ]
dt Dtg ∂ Dt
d
Z Z
= ρE v E dvt + ρE v E (vvE −vv f ) ·nnt dst
dt Dtg ∂ Dtg

Le terme dtd Dtg ρE v E dvt est la dérivée temporelle de la quantité de mouvement dans le domaine
R

géométrique. Le théorème de la résultante dynamique R dyn = R ext s’écrit alors :


d
Z Z Z Z
f v
ρE v E dvt = − ρE v E (vvE −vv ) ·nnt dst + f dvt + f s dst
dt Dtg ∂ Dtg Dtg ∂ Dtg
| {z }
R ext

En notant que fs
= σ E · nt , et en utilisant le théorème de la divergence, le théorème de la
résultante dynamique peut encore s’écrire :
d
Z Z Z
ρE v E dvt = − ρE v E (vvE −vv f ) ·nnt dst + g ( f v + divE σ ) dvt (3.38)
dt Dtg ∂ Dtg D
| {z } | {z } | t {z }
Q mvt Φ Q mvt R ext

où Φ Q mvt est le flux convectif [déf. 1.9 p. 15] de quantité de mouvement entrant à travers la
frontière.
En comparant l’équation (3.38) avec l’équation de bilan d’une grandeur extensive (1.22) [p. 17],
le vecteur ( f v + divE σ ) peut être interprété comme un taux de production volumique de quantité
de mouvement dans le domaine géométrique D g et son intégrale R ext comme le taux de production
interne de quantité de mouvement. Ainsi, le théorème de la résultante dynamique peut être
interprété comme un théorème de « conservation de la quantité de mouvement », si l’on considère
la résultante des forces extérieures Rext (ou la résultante dynamique Rdyn qui lui est égale) comme
une source de quantité de mouvement.

Remarques – Dans certains ouvrages de mécanique, cette interprétation du théorème de la résul-


tante dynamique est érigée en principe. Le théorème de la résultante dynamique devient alors une
interprétation.
L’équation (3.38) est très utile en mécanique des fluides lorque le mouvement est stationnaire. Le
terme de gauche est alors nul et il suffit de connaitre les vitesses seulement à la frontière d’un domaine
géométrique pour en déduire la résultante des efforts extérieurs (à distance et de contact) sur le
domaine géométrique. Les actions à distance se réduisent la plupart du temps à la pesanteur dont
la résultante est facile à évaluer (le poids du fluide dans le domaine géométrique). En revanche, la
résultante des actions extérieures de contact est l’opposé de la résultante de l’action du fluide sur les
frontières du domaine géométrique. On peut donc, en ne connaissant que les vitesses à la frontière du
domaine géométrique, calculer la résultante des actions du fluide sur ses frontières, sans toutefois
connaître sa distribution sur la frontière.
(26) On rappelle que la quantité de mouvement d’un point matériel de masse m se déplaçant à la vitesse v est le produit

mvv. Le vecteur v E peut donc être vu comme une densité massique de quantité de mouvement et le vecteur ρE v E est
une densité volumique de quantité de mouvement. La quantité de mouvement est aussi parfois appelée impulsion.
42 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

3.6.2 Bilan de moment cinétique sur un domaine géométrique


On peut suivre la même démarche que précédemment pour interpréter le théorème du moment
dynamique.
Z Z Z  
M dyn O = g xt ∧γγ E dm = g xt ∧ v̇vE dm = g (xxt ∧vvE )˙− ẋxt ∧vvE dm
Dt Dt Dt | {z }
0
d
Z Z
= xt ∧vvE dm − ρ (xxt ∧vvE ) (vv f −vvE ) ·nnt dst [éq. (2.16) p. 23 ; Ψ mE = xt ∧vvE ]
g E
dt Dtg ∂ Dt
d
Z Z
= ρ E x t ∧v
v E dvt + ρE (xxt ∧vvE ) (vvE −vv f ) ·nnt dst
dt Dtg ∂ Dtg

Le terme dtd Dtg ρE xt ∧vvE dvt est la dérivée temporelle du moment cinétique (27) dans le domaine
R

géométrique. Le théorème du moment dynamique M dyn O = M ext O s’écrit alors :

d
Z Z Z Z
ρ x ∧vvE dvt = −
g E t
ρ (xxt ∧vvE ) (vvE −vv f )·nnt dst +
g E
xt ∧ f v dvt + xt ∧ f s dst
dt Dt ∂ Dt Dtg ∂ Dtg
| {z }
M ext O

où xt ∧ f s = H : (xxt ⊗ f s ) = H : (xxt ⊗σ
σ E ) ·nnt .
En utilisant le théorème de la divergence, il vient :

d
Z Z
ρE xt ∧vvE dvt = − ρE (xxt ∧vvE ) (vvE −vv f ) ·nnt dst +
dt Dtg ∂ Dtg
Z  
v
g
x t ∧ f + div E H : x
(x t ⊗σ
σ E ) dvt
Dt
Z
=− ρE (xxt ∧vvE ) (vvE −vv f ) ·nnt dst +
∂ Dtg
Z  
v
x t ∧ ( f + divE σ ) H
+H : G
(G ·σ
σ ) dvt
Dtg | {z }
0

Finalement,
d
Z Z Z
ρE xt ∧vvE dvt = − ρ (xxt ∧vvE ) (vvE −vv f ) ·nnt dst + g xt ∧ ( f v + divE σ ) dvt
g E
dt Dtg ∂ Dt D
| {z } | {z } | t {z }
M cin O Φ M cin O M ext O
(3.39)

En comparant l’équation (3.39) avec l’équation de bilan d’une grandeur extensive (1.22) [p. 17],
le vecteur xt ∧ ( f v + divE σ ) peut être interprété comme le taux de production volumique de
moment cinétique dans le domaine géométrique et son intégrale M ext O comme le taux de
production interne de moment cinétique. Ainsi, le théorème du moment dynamique peut être
interprété comme un théorème de « conservation du moment cinétique », si l’on considère le
moment résultant en O des forces extérieures M ext O (ou le moment dynamique en O M dyn O qui
lui est égal) comme une source de moment cinétique.
(27)On rappelle que le moment cinétique en un point A d’un point matériel de masse m se déplaçant à la vitesse v est
le produit vectoriel m AP ∧vv(P), c’est-à-dire le moment en A de la quantité de mouvement.
3.6 Théorèmes généraux pour un domaine géométrique 43

Remarques – Dans certains ouvrages de mécanique, cette interprétation du théorème du moment


dynamique est érigée en principe. Le théorème du moment dynamique devient alors une interprétation.
L’équation (3.39) est très utile en mécanique des fluides lorque le mouvement est stationnaire. Le
terme de gauche est alors nul et il suffit de connaitre les vitesses seulement à la frontière d’un domaine
géométrique pour en déduire le moment résultant en O des efforts extérieurs (à distance et de contact)
sur le domaine géométrique. Les actions à distance se réduisent la plupart du temps à la pesanteur,
dont le moment résultant en O est facile à évaluer (c’est le moment en O du poids du fluide dans le
domaine géométrique). En revanche, le moment résultant en O des actions extérieures de contact est
l’opposé du moment résultant en O de l’action du fluide sur les frontières du domaine géométrique.
On peut donc, en ne connaissant que les vitesses à la frontière du domaine géométrique, calculer le
moment résultant en O des actions du fluide sur ses frontières, sans toutefois connaître sa distribution
sur la frontière.

3.6.3 Bilan d’énergie cinétique sur un domaine géométrique


On peut interpréter le théorème de la puissance cinétique comme un bilan d’énergie cinétique
sur le domaine géométrique : la puissance cinétique s’écrit :

d v 2E (vv2E )˙ v 2E f
Z Z Z
2
Pcin = dm = dm + ρ
g E
(vv −vvE ) ·nnt dst [éq. (2.16) p. 23 ; Ψ mE = v2E ]
dt Dtg 2 Dtg 2 ∂ Dt 2
v 2E f
Z Z
= g ρE v E ·γγ E dvt + ρ E (vv −vvE ) ·nnt dst (3.40)
Dt ∂ Dtg 2
La puissance des efforts extérieurs s’écrit :
Z Z Z Z
Pext
mec
= v · f v dvt +
g E
v · f s dst = g v E · f v dvt +
g E
v E ·σ
σ ·nnt dst
Dt ∂ Dt Dt ∂ Dtg
Z   Z  
= g v E · f v + divE (vv ·σ
σ ) dvt = g v E · ( f v + divE σ ) +σ σ E : D E dvt
D Dt
Z t  
= g ρE v E ·γγ E +σσ E : D E dvt [éq. (3.28) p. 36]
Dt
Z
= ρE v E ·γγ E dvt − Pint
mec
[éq. (3.33) p. 39] (3.41)
Dtg

Avec les équations (3.40) et (3.41), il vient :

d v 2E v 2E
Z Z
dm = − ρ
g E
(vvE −vv f ) ·nnt dst +Pext
mec
+ Pint
mec
(3.42)
dt Dtg 2 ∂ Dt 2
| {z } | {z }
Ecin ΦEcin

où ΦEcin est le flux convectif [déf. 1.9 p. 15] d’énergie cinétique entrant à travers la fron-
tière.
En comparant l’équation (3.42) avec l’équation de bilan d’une grandeur extensive [éq. (1.22) p. 17],
la quantité
Z   Z  
Pext
mec
+ Pint
mec
= g ρE v E ·γγ E +σ σ E : D E dvt = g v E · ( f vE + divE σ ) +σ
σ E : D E dvt
Dt Dt

peut être interprétée comme un taux de production interne d’énergie cinétique, et l’intégrande

σ : D = ρ ( f v + divE σ ) +σ
τec = ρ v ·γγ +σ σ :D
44 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

peut être interprété comme un taux de production volumique d’énergie cinétique. Ainsi, le
théorème de la puissance cinétique peut être interprété comme un théorème de « conservation
de l’énergie cinétique », si l’on considère la puissance des efforts extérieurs et l’opposé de
la puissance des efforts intérieurs comme des sources d’énergie cinétique par unité de temps
(sources de puissance cinétique).

3.7 Formulation intégrale des équations de mouvement


En première lecture, on peut ignorer cette section et continuer en section 3.8 [p. 45] sans nuire à
la compréhension de la suite. Dans cette section, on établit une formulation intégrale équivalente
à l’équation différentielle de mouvement locale (3.28) [p. 36]. Cette formulation n’est utile que
pour établir certaines méthodes numériques couramment employées dans la résolution numérique
des systèmes d’équations différentielles.
Soit w (M) un champ vectoriel quelconque défini sur la position actuelle Dt d’un domaine de
milieu continu matériel ou géométrique (28) . L’équation de mouvement (3.28) [p. 36] (équation
vectorielle) est évidemment équivalente à la proposition scalaire suivante :

ρ w ·γγ = w · divE σ + ρ w · f v0 , ∀w
w ∈ V3

En intégrant cette égalité sur le domaine actuel Dt , il vient :


Z Z Z
ρE w ·γγ E dv = w · divE σ dv + ρE w · f m
0 E dv, ∀w
w (3.43)
Dt Dt Dt
Z Z
= w · divE σ dv + ρE w · f m
E dv, ∀w
w [corollaire 3.7 p. 27]
Dt Dt
Z Z Z
= w ·σ
divE (w σ ) dv − σ E : gradE w dv + ρE w · f m
E dv, ∀w
w
Dt Dt Dt
Z Z Z
= w ·σ
σ E ·nn ds + ρE w · f m
E dv − σ E : gradE w dv, ∀w
w
∂ Dt Dt Dt
Z Z Z Z
ρE w ·γγ E dv = w · f sE ds + ρE w · f m
E dv − σ E : sym gradE w dv, ∀w
w (3.44)
Dt ∂ Dt Dt Dt

On démontre en analyse fonctionnelle que si cette égalité scalaire d’intégrales est vraie pour
tout champ w défini sur Dt , alors elle est équivalente à l’équation différentielle vectorielle de
mouvement (3.28) [p. 36].

Aperçu de la démonstration – L’implication est triviale, on n’aborde que la réciproque. Soit H(Dt )
l’espace vectoriel des fonctions définies sur Dt et de carré intégrable sur Dt ; l’espace H(Dt )
est unR espace de Hilbert de dimension infinie. On montre en analyse fonctionnelle que l’inté-
grale Dt g (xx) ·hh(xx) dvt où g ∈ H(Dt ) et h ∈ H(Dt ), est un produit scalaire de cet espace, souvent
noté hgg,hhi. L’équation (3.43) s’écrit donc :
Z
(ρE γ E −divE σ −ρE f m w dvt = 0
0 E )·w ⇔ hρE γ E −divE σ −ρE f m
0 E , w i = 0, ∀w
w ∈ H(Dt )
Dt

Le champ (ρE γ E − divE σ − ρE f m 0 E ) ∈ H(Dt ) étant orthogonal (dans l’espace H(Dt )) à tout champ
arbitraire w ∈ H(Dt ), il est donc nécessairement nul.
(28) Dans le calcul qui suit, on n’utilise pas de dérivées temporelles d’intégrales, les résultats sont donc valables pour
tout type de domaine.
3.8 Changements d’observateur 45

Terminologie
– L’égalité (3.44) est appelée formulation intégrale ou encore formulation variationnelle (29)
ou encore formulation faible (30) des équations de mouvement. Les champs arbitraires w sont
appelés fonctions test ou encore fonctions de pondération.
– Si l’on interprète le champ vectoriel arbitraire w comme un champ de vitesses arbitraire, il est
appelé champ de vitesses virtuelles. Les termes de l’égalité (3.44) sont alors de la dimension
d’une puissance, et le théorème prend le nom de théorème des puissances virtuelles.
– Si l’on interprète le champ vectoriel arbitraire w comme un champ de déplacements arbitraire,
il est appelé champ de déplacements virtuels (31) . Les termes de l’égalité (3.44) sont alors de
la dimension d’un travail, et le théorème prend le nom de théorème des travaux virtuels.

Remarques – Du fait de son équivalence à l’équation de mouvement (3.28) page 36, la formulation
intégrale (3.43) ou (3.44) [p. 44] est présentée dans beaucoup de cours de mécanique des milieux
continus comme le principe fondamental (peu intuitif) de la mécanique.
Cette formulation est à la base d’une méthode numérique de résolution approchée de systèmes
d’équations différentielles : la méthode des éléments finis. L’approximation provient de ce que l’on
cherche des solutions, non pas dans l’espace H(Dt ) de toutes les fonctions définies sur Dt , mais
seulement dans un sous-espace de dimension finie de fonctions définies sur Dt (le plus souvent
polynomiales par morceaux), de carré intégrable sur Dt et dense dans H(Dt ).
Dans le cas de domaines matériels, on peut décrire les champs par la méthode de Lagrange
[éq. (1.2) p. 11]. On laisse le soin au lecteur, en suivant la même démarche que précédemment
mais en partant de l’expression lagrangienne de l’équation de mouvement (3.30) [p. 37], de vérifier
que l’expression lagrangienne de ce théorème est :
Z Z Z Z
ρ0 w ·γγ L dv0 = ρ0 w · f m
L dv0 + w · f sL dv0 − F −T ) : gradL w dv0 ,
σ L ·F
KvL (σ ∀w
w
D0m D0m ∂ D0m D0m

où F = gradL xt est le gradient de la transformation entre les instants t0 et t, où Kv = detF F est la


dilatation volumique actuelle dans une déformation dont l’état de référence est D0m et où ρ0 est la
masse volumique à l’instant de référence t0 . Les auteurs qui interprètent le champ arbitraire w comme
un champ de vitesses virtuelles transforment parfois le dernier terme :

σ L ·F
KvL (σ F −1 ) = τ L : sym gradE w
F −T ) : gradL w = KvL σ L : sym(gradL w ·F
| {z } | {z } | {z }
ΠL τL Dw

où D w serait interprétable comme un « taux de déformation virtuel » par « analogie » avec les vitesses
réelles. Les groupements de termes Π et τ ont déjà été évoqués dans la remarque 3.1 [p. 37].

3.8 Changements d’observateur


 Notation 3.22 – Dans cette section, on considère deux observateurs quelconques R et Re en
mouvement relatif quelconque. A priori ils ne sont donc pas galiléens. On convient de surmonter
d’un «e» les grandeurs relatives à l’observateur R. e Le tenseur (orthogonal) de changement
d’observateur actuel de R à Re sera noté Qt .
(29) Ce nom est utilisé par les auteurs qui utilisent un autre principe fondamental de la mécanique : la solution d’un

problème de mécanique est le champ défini sur Dt qui minimise une certaine intégrale appelée « énergie potentielle ».
Pour chercher ce minimum, on utilise le calcul variationnel.
(30) Ce nom est plutôt utilisé par les numériciens : cette formulation n’est pas plus faible que l’équation de mouvement,

elle lui est équivalente. Elle ne devient « faible » que lorsqu’on limite la recherche du champ solution dans un sous-
espace de H(Dt ) (on obtient alors une solution approchée).
(31) Parfois noté δ u
46 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

On rappelle (32) que les formules de changement d’observateur de la direction actuelle ut d’une
direction matérielle, de la direction actuelle nt de la normale d’une facette matérielle et de toute
grandeur actuelle vectorielle w (t) objective sont :

uet = Qt ·uut ; net = Qt ·nnt ; e (t) = Qt ·w


w w(t) (3.45)

 Principe 3.23 – Objectivité des forces de contact. Les forces extérieures surfaciques actuelles
de contact sur la frontière de tout domaine matériel sont des grandeurs vectorielles objectives.

Commentaire – La signification physique de l’objectivité d’une grandeur vectorielle est que la


valeur vectorielle actuelle de cette grandeur a « la même position par rapport à la position actuelle de
la matière » pour tous les observateurs, ce qui se traduit par l’une de ces deux égalités équivalentes (33) :

ef s (P,t) = Qt · f s (P,t), ∀ R ∀ Re ⇔
s
xt0 −e
f s (P,t)·(xxt0 −xxt00 ) = ef (P,t)·(e xt00 ), ∀ P0 ∀ P00 ∀ R ∀ Re

Ainsi, le principe de l’objectivité des forces de contact affirme que si un observateur constate que
l’extérieur d’un domaine exerce actuellement sur une facette matérielle de la frontière une contrainte
normale à la frontière actuelle, alors tous les observateurs font la même constatation. De même une
contrainte actuelle tangentielle est tangentielle et a la même norme pour tous les observateurs. Le
vecteur f s actuel fait donc le même angle avec la facette matérielle actuelle pour tous les observateurs.
L’orthogonalité du tenseur de changement d’observateur actuel Qt garantit que tous les observateurs
observent aussi la même norme actuelle de la contrainte f s .
En revanche, il n’est pas possible de postuler une objectivité pour les forces massiques ou volumiques
car les observateurs sont a priori en mouvement relatif quelconque. Même si l’observateur R est
galiléen, l’observateur Re ne l’est pas a priori et les forces massiques qu’il doit prendre en compte
contiennent des forces d’inertie d’entraînement et de Coriolis. La suite montre que seule l’objectivité
des forces de contact est nécessaire.

 Théorème 3.24 – Objectivité du tenseur des contraintes de Cauchy. Le champ de tenseur


des contraintes de Cauchy est un champ tensoriel du second ordre objectif.

Démonstration – Les forces extérieures de contact étant objectives [principe 3.23 p. 46], la formule
de changement d’observateur des vecteurs contraintes (34) est :
c = Qt ·cc
e [éq. (3.45)] (3.46)
En appliquant la définition de la contrainte (3.3) [p. 30] pour chaque observateur, l’égalité (3.46) s’écrit :
e ·e
σ nt = Qt · (σ
σ ·nnt ), ∀nnt
σe ·Q
Qt ·nnt = Qt ·σσ ·nnt , ∀nnt [éq. (3.45)]
σe ·Q
Qt = Qt ·σ σ
σe = Qt ·σ Qt>
σ ·Q (3.47)
ce qui est la formule de changement d’observateur d’une grandeur tensorielle du second ordre
objective.

Remarque – On laisse le soin au lecteur d’établir les formules de changement d’observateur des
autres « tenseurs des contraintes » Π , τ et S évoqués dans la remarque 3.1 [p. 37]. Il en déduira (35)
que seul le tenseur τ = Kv σ est objectif.
(32) Voir le cours Cinématique des milieux continus, du même auteur [note 4 p. 3].
(33) Voir le cours Cinématique des milieux continus, du même auteur [note 4 p. 3].
(34) On rappelle que la contrainte est une force de contact extérieure à un sous-domaine D m [déf. 3.11 p. 30].
1
(35) On rappelle que la formule de changement d’observateur du gradient lagrangien des positions actuelles F est :

Fe = Qt ·FF ·QQ>0.
3.9 En bref... 47

On en déduit aisément qu’une contrainte normale actuelle cN (P,nnt ,t) = nt · σ (P,t) · nt est un
scalaire objectif quelle que soit la facette matérielle de normale actuelle nt considérée. De
même, le vecteur contrainte tangentielle actuelle en une particule pour une facette matérielle de
normale actuelle nt , ainsi que sa norme sont des grandeurs respectivement vectorielle et scalaire
objectives car ec T · uet = c T ·uut ∀uut . L’objectivité du tenseur des contraintes de Cauchy implique
l’objectivité de ses valeurs propres actuelles, de ses invariants actuels et de ses directions propres
actuelles.
 Théorème 3.25 – Objectivité de la puissance des efforts intérieurs. La densité volumique
de puissance des efforts intérieurs est une grandeur scalaire objective.

Démonstration – La formule de changement d’observateur du tenseur des contraintes de Cauchy est


donnée dans l’équation (3.47) [p. 46]. On rappelle que le tenseur des taux de déformation actuel D
e = Qt ·D
est objectif. Sa formule de changement d’observateur est donc : D Qt> . Le lecteur montera
D ·Q
sans difficulté que l’on a alors l’égalité :
P
fv mec = −σe : D
int
e = −σ σ : D = P v int
mec

ce qui est la formule de changement d’observateur d’une grandeur scalaire objective.

En revanche, la puissance des efforts extérieurs (à distance et de contact) Pext


mec et la puissance

cinétique Pcin ne sont pas des grandeurs scalaires objectives, car la vitesse et l’accélération ne
sont pas des grandeurs vectorielles objectives. Toutefois, le théorème de la puissance cinétique
mec = P − P mec ) montre que leur différence est objective.
(Pint cin ext

3.9 En bref...
Dans ce chapitre, on a déduit les équations de la mécanique des milieux continus à partir des
théorèmes généraux établis en mécanique générale en application des lois de Newton.
Les résultats essentiels sont :
1. Les efforts extérieurs agissant sur un domaine de milieu continu sont :
– des forces à distance qui agissent sur toutes les particules du domaine de milieu continu,
décrites par un champ de forces volumiques f v ou massiques f m ;
– des forces de contact agissant sur la frontière, décrites par un champ de forces surfa-
ciques f s .
2. Les efforts intérieurs sont décrits par le champ de tenseurs des contraintes de Cauchy σ (P,t) :
en une particule P, la contrainte s’exerçant sur une facette matérielle de normale actuelle nt
est donnée par :

c (P,nnt ,t) = σ (P,t) ·nnt

En particulier, en toute particule P0 de la frontière d’un domaine, de normale extérieure


actuelle nt (P0 ,t), le tenseur des contraintes de Cauchy doit satisfaire la condition aux limites :

σ (P0 ,t) ·nnt (P0 ,t) = f s (P0 ,t)

3. Les lois de la mécanique impliquent que :


– en toute particule et à tout instant, l’équation de mouvement doit être satisfaite :

divE σ = ρ (γγ − f m
0) (équation différentielle vectorielle)
48 Chapitre 3. Principe fondamental de la mécanique

où f m
0 (P,t) est le champ de force à distance massique exercé par tout l’univers (extérieur
et intérieur du domaine d’étude) sur la particule. Le champ des forces à distance sur une
particule f m m
int (P,t), dû à l’intérieur du domaine d’étude, est souvent négligé ( f 0 confondu
avec f m ).
– le tenseur des contraintes de Cauchy est symétrique ;
– la puissance des efforts intérieurs est une grandeur extensive dont la densité volumique est :

P v int
mec
(P,t) = −σ
σ (P,t) : D (P,t)
Il existe une formulation intégrale équivalente à l’équation de mouvement, utile pour sa résolution
numérique.
On a donné différentes manières d’écrire et d’interpréter les théorèmes généraux de la mécanique
pour des domaines matériels ou géométriques.
Le tenseur des contraintes de Cauchy est une grandeur tensorielle du second ordre objective, et
la puissance des efforts intérieurs ainsi que sa densité volumique sont des grandeurs scalaires
objectives.
4

Conservation de l’énergie

Le principe de la conservation de l’énergie est aussi appelé premier principe de la thermodyna-


mique. Avant d’aborder l’expression du principe de la conservation de l’énergie pour un domaine
de milieu continu, il est utile de clarifier un certain nombre de concepts de base utilisés en
thermodynamique.

4.1 Concepts de base en thermodynamique


4.1.1 Système

La thermodynamique a pour ambition d’étudier l’évolution de systèmes matériels dont la consti-


tution interne est a priori quelconque (machines, objets matériels solides ou non, ponctuels ou
non, agencés de manière quelconque) et susceptibles d’échanger de la matière et de l’énergie
avec l’extérieur du système. L’échange d’énergie se fait sous la forme d’énergie mécanique, le
travail, et sous la forme d’autres énergies non mécaniques, principalement la chaleur.
Dans ce cours, les systèmes dont on étudie l’évolution sont soit des domaines matériels (ou sys-
tèmes fermés) [déf. 1.1 p. 9], soit des domaines géométriques (ou systèmes ouverts) [déf. 1.3 p. 10]
remplis d’un milieu presque partout (1) continu.

Remarques – La modélisation d’un dispositif matériel réel au moyen d’un modèle de milieu continu
par morceaux, séparés par des surfaces est très générale. On peut pratiquement modéliser n’importe
quel dispositif macroscopique de cette manière : les objets solides (déformables ou non) sont des
milieux continus séparés des autres constituants du système par leur surface frontière ; les autres
constituants peuvent être des fluides (liquides ou gaz) qui eux aussi sont délimités par des frontières
de solides (parois, aubages) ou des surfaces limites du système. Chaque morceau est un milieu continu
avec son propre comportement, soumis à des conditions aux limites aux interfaces entre les morceaux
ou à ses frontières avec l’extérieur du système. Dans les cours élémentaires de thermodynamique,
les constituants d’un système sont fortement simplifiés (solides indéformables, fluides non visqueux,
gaz parfaits, ressorts sans masse, liaisons sans frottement, pressions et températures uniformes dans
l’espace, contraintes uniquement normales, tenseur des contraintes sphérique, etc.). Ces simplifications
sont sous la responsabilité de l’ingénieur qui fait l’étude. Dans la suite, on n’en fera aucune.

 Définition 4.1 – Système thermodynamique. Un système thermodynamique est un domaine


matériel (système fermé) ou un domaine géométrique (système ouvert) dont le contenu est
modélisé par un milieu (presque partout) continu. Ce système échange de l’énergie avec son
extérieur sous forme de travail et de chaleur.
(1) Le sens de la locution « presque partout » est celui qu’on lui donne dans la théorie de la mesure et des distributions :

l’ensemble des points où le milieu n’est pas continu est de volume nul (points, lignes, surfaces). En particulier, un
milieu continu par morceaux est un milieu presque partout continu.
50 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

4.1.2 Variables d’état

Comme on va le voir dans la suite, le principe de la conservation de l’énergie évoque « l’état


d’un système ». Il convient de préciser ce concept.
Dans les cours de thermodynamique élémentaire, les systèmes envisagés sont des systèmes
suffisamment simplifiés pour que le nombre de paramètres qui évoluent lorsque le système
évolue soit limité à quelques unités. Ces paramètres évolutifs sont appelés « variables d’état ». Il
existe aussi d’autres paramètres non évolutifs qui définissent le système (dimensions, raideurs,
caractéristiques de fluides, etc.) qui ne sont pas des variables d’état. L’état d’un système est défini
par un ensemble de valeurs données aux variables d’état.
Exemple 4.2 – Quelques systèmes simplifiés classiques :
1. le système est un domaine (matériel ou géométrique) de fluide dont les caractéristiques sont
des champs supposés uniformes (toutes les particules sont dans le même état). Dans ce cas, les
grandeurs en une particule du domaine caractérisent l’état du domaine complet.
2. le système est composé d’un nombre fini de constituants simplifiés agencés entre eux (solides
indéformables, ressorts élastiques sans masse, liaisons sans frottement, etc.). Dans ce cas, l’état
du système est défini par un nombre fini de paramètres géométriques définissant la position des
éléments du système.
3. un mélange des deux cas précédents : typiquement un cylindre indéformable et un piston indéfor-
mable avec un glissement étanche et sans frottement, enfermant un gaz en état uniforme ; et plus
généralement une machine thermodynamique idéalisée.
En thermodynamique élémentaire, ces simplifications n’ont pour objectif que de pouvoir décrire
l’évolution du système par l’évolution d’un petit nombre de variables.

Par ailleurs, on qualifie souvent de « variables d’état » des grandeurs physiques évolutives,
sans se soucier si ces variables sont indépendantes ou non (2) . Si les variables d’état ne sont
pas indépendantes, la définition d’un état (ensemble de valeurs données aux variables d’état)
doit être compatible avec les relations d’interdépendance entre les variables. Dans ce cours, la
liste des variables d’état sera un ensemble de paramètres évolutifs nécessaire et suffisant pour
la description de l’état du système modélisé. Les variables d’état seront donc des grandeurs
indépendantes, c’est-à-dire que l’on peut donner à chacune d’elles une valeur arbitraire (dans
son domaine de définition) pour définir un état. L’ensemble de variables d’état indépendantes est
la définition de l’état du système, et toutes les valeurs possibles des variables d’état engendrent
tous les états envisageables par ce modèle du système.
Enfin, en thermodynamique élémentaire, on se soucie rarement de l’universalité de la définition
de l’état du système : un même ensemble de valeurs pour les variables d’état devrait définir
le même état du système pour tous les observateurs. En d’autres termes, les variables d’état
devraient être des grandeurs scalaires objectives, afin que tous les observateurs décrivent un état
du système avec les mêmes valeurs de variables d’état ; les évolutions de l’état d’un système
(c’est-à-dire celle de ses variables d’état) sont alors les mêmes pour tous les observateurs.

Commentaire – Le vecteur position ou le vecteur vitesse d’une particule par rapport à un observateur
sont des vecteurs différents d’un observateur à l’autre. Ces paramètres peuvent effectivement servir à
décrire l’état d’un système pour un certain observateur, mais un autre observateur décrira le même
état du système avec d’autres valeurs. En revanche, des grandeurs telles que des distances actuelles
(2)Il n’est pas rare de lire que pour un gaz parfait en état uniforme, la pression, le volume massique (ou son inverse
la masse volumique) et la température absolue sont des variables d’état alors qu’elles sont liées par la loi de Mariotte.
4.1 Concepts de base en thermodynamique 51

ou des vitesses relatives actuelles entre éléments du système sont des paramètres communs à tous les
observateurs qui peuvent définir un état de système avec les mêmes valeurs pour tous les observateurs.
En particulier, quand les variables d’état contiennent des paramètres géométriques ou cinématiques
relatifs entre éléments du système, ces paramètres permettent de reconstituer la géométrie actuelle
et le mouvement actuel du système à un mouvement de solide près, ce qui est suffisant pour définir
l’état d’un système. Un système et son état ont une signification physique indépendamment de tout
observateur et ils doivent pouvoir être décrits intrinsèquement, c’est-à-dire indépendamment de
l’observateur utilisé pour analyser son évolution. Par exemple, la longueur actuelle d’un ressort est
une variable d’état objective alors que les positions de ses extrémités ne sont pas des variables d’état
objectives.

Compte tenu des considérations précédentes, et afin de développer une thermodynamique


rigoureuse et générale, on pose la définition suivante :
 Définition 4.3 – Variables d’état. Les variables d’état décrivant l’état d’un système thermody-
namique [déf. 4.1 p. 49] sont choisies tel que :
1. Les variables d’état sont des champs matériels objectifs (3) de grandeurs physiques (scalaires
vectorielles ou tensorielles) presque partout (4) différentiables : les milieux continus considérés
ne sont donc pas a priori en état uniforme ; les champs matériels choisis comme variables
d’état décrivent l’état actuel de chaque particule.
2. La liste des variables d’état est la liste nécessaire et suffisante pour définir un état du système,
c’est-à-dire celui de ses particules : on peut donc donner une valeur arbitraire (dans son
domaine de définition) à chacune des variables d’état pour définir un état du système.

Remarque – On verra plus loin [déf. 4.9 p. 55] que toute liste de variables d’état tensorielles
objectives et indépendantes peut se ramener à une liste de variables d’état scalaires objectives
indépendantes.

Le choix d’une liste de variables d’état indépendantes est la première étape de la modélisation du
comportement d’un système thermodynamique. En faisant ce choix, on décide que tous les états
envisageables par ce modèle du système sont obtenus en donnant indépendamment une valeur
arbitraire à chacune des variables d’état (dans leur domaine de valeurs admissibles).

Remarques – Le choix d’un ensemble de variables d’état indépendantes est normalement suggéré
par des constatations expérimentales sur le milieu continu que l’on veut modéliser : on doit pouvoir
donner indépendamment à chacune des variables d’état une valeur arbitraire. Elles ne doivent donc
pas être liées par une relation issue d’une définition, de la cinématique, d’un principe fondamental ou
d’une loi de comportement.
Par exemple, on ne peut pas prendre simultanément la masse volumique actuelle ρ et un tenseur de
déformation actuel X comme variables d’état indépendantes, car la dilatation volumique actuelle Kv
en une particule, déterminée par le tenseur de déformation actuelle X , est liée à la masse volumique
actuelle par le principe de la conservation de la masse : Kv = ρ0 ρ −1 [éq. (2.8) p. 21]. Les deux
grandeurs X et ρ ne sont donc pas indépendantes. Si l’on tient à conserver la variable ρ comme
variable d’état pour un solide déformable, alors il faut l’associer au tenseur de déformation isov X)
isov(X
qui est le tenseur de déformation isovolume issu de la décomposition de la déformation X (5) .
(3) C’est-à-dire des champs Ψ (P,t) définis (éventuellement par morceaux) sur le système (domaine matériel ou
e = RQt (ψ
géométrique) ; leur objectivité implique que la formule de changement dobservateur est : ψ ψ ).
(4) Voir la note 1 [p. 49].
(5) L’expression de la décompositition unique et commutative de toute déformation en déformation sphérique et

déformation isovolume dépend du tenseur de déformation utilisé. Voir le cours Cinématique des milieux continus, du
même auteur [note 4 p. 3].
52 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

Autre exemple : si le milieu continu est modélisé par un gaz parfait, on ne peut pas prendre comme
variables d’état indépendantes à la fois la température actuelle T , la masse volumique actuelle ρ et la
pression actuelle p d’une particule car ces trois grandeurs sont liées par la définition d’un gaz parfait
p = r ρ T où r est une constante caractéristique du gaz parfait. Si on choisit la température et la masse
volumique comme variables d’état d’un gaz parfait, la pression en une particule de gaz parfait est par
définition une fonction d’état [déf. 4.6 p. 53].
En revanche, si on constate expérimentalement qu’il faut distinguer des états qui auraient les mêmes
valeurs de variables d’état, alors il est nécessaire d’ajouter à la liste de ces variables d’état une ou
plusieurs variables d’état qui permettent de distinguer ces états [exemple 4.5 p. 53].
Plus l’ensemble de variables d’état indépendantes est grand, plus le modèle est compliqué, mais il
sera d’autant plus apte à rendre compte correctement du comportement réel du système modélisé.

 Notation 4.4 – Tant que les modèles de milieu continu ne sont pas précisés (fluide, solide
déformable etc.), les variables d’état seront notées {χ
χ 1 (P,t), · · · ,χ
χ n (P,t)}, chacun de ces champs
matériels pouvant être scalaire, vectoriel ou tensoriel.

Exemples de listes de variables d’état indépendantes pour un milieu continu :


On verra dans le chapitre suivant qu’une variable d’état scalaire et objective obligatoire est la
température absolue T . Elle figure donc toujours dans la liste des variables d’état des exemples
qui suivent.
1. La variable d’état masse volumique actuelle (un scalaire) traduit la présence d’une certaine
quantité de matière par unité de volume (6) . Cette description macroscopique locale de la
répartition actuelle de la matière est la plupart du temps jugée suffisante pour les modèles
de fluides. Une liste de variables d’état indépendantes et objectives pour décrire l’état d’une
particule de fluide simple est donc {T, ρ}.
2. Un tenseur de déformation actuelle (un tenseur du second ordre) traduit plus finement la
disposition actuelle de la matière en comparant les distances actuelles entre particules voisines
avec celles d’une forme de référence. Un tenseur de déformation doit donc obligatoirement
figurer dans la liste des variables d’état d’une particule de milieu continu solide déformable.
La forme de référence utilisée pour définir les déformations serait, par exemple, la forme
du solide déformable lorsqu’il n’a encore jamais été sollicité. Une liste de variables d’état
objectives pour décrire l’état d’une particule de solide déformable isotrope est donc {T,X X}
où X est un tenseur de déformation actuelle objectif (7) .
3. Pour les solides déformables anisotropes, un tenseur de déformation actuelle est insuffisant
pour définir un état actuel : il faut compléter la description de l’état actuel d’une particule en
précisant l’orientation du tenseur des déformations actuel par rapport aux directions actuelles
d’anisotropie. En plus de la température, les variables d’état doivent donc comporter à la
fois un tenseur de déformation actuelle et les directions matérielles actuelles d’anisotropie.
Une liste de variables d’état objectives (8) pour décrire l’état d’une particule de solide défor-
mable anisotrope est donc {T,X N 1 , · · · ,N
X ,N N p } où X est un tenseur de déformation actuelle
objectif et où les N i sont des tenseurs uniaxiaux unitaires représentant les directions actuelles
d’anisotropie.
(6) Microscopiquement, c’est un nombre moyen de corpuscules par unité de volume
(7) Il en existe plusieurs, voir le cours Cinématique des milieux continus, du même auteur [note 4 p. 3].
(8) Lorsqu’il y a plusieurs directions d’anisotropie en une particule, la liste de variables d’états tensorielles proposée

ici n’est pas tout à fait indépendante car les angles actuels entre les directions d’anisotropie ne sont pas indépendants
de la déformation actuelle X . Lors de l’étude des milieux continus solides anisotropes, on la ramènera à une liste de
variables d’état scalaires indépendantes.
4.1 Concepts de base en thermodynamique 53

4. Pour certains milieux continus, on peut constater que l’histoire de l’évolution des variables
d’état pour parvenir à un état donné est importante. Dans ce cas, il faut ajouter des variables
d’état (scalaires, vectorielles ou tensorielles) qui sont le résumé actuel de l’histoire de l’évolu-
tion de cette particule (9) . Ces variables d’état sont souvent appelées variables d’état internes.
Ce résumé de l’histoire peut être plus ou moins riche selon les éléments de l’histoire que l’on
a sélectionnés comme importants.
Exemple 4.5 – Allongement isotherme d’une barre : à l’aide d’une machine de traction, on allonge
de 1% une éprouvette par un chargement progressif à la température constante T0 , ou bien on l’allonge
de 10% puis on la ramène à un allongement final de 1%, toujours à la température constante T0 . Si
l’on constate que l’effort exercé par la machine à l’allongement final de 1% diffère dans les deux
expériences, cela signifie que la seule déformation par rapport à l’état initial est une variable d’état
insuffisante pour caractériser l’état final à la température T0 : il faut distinguer les états finaux par le
fait que l’histoire de la déformation n’est pas la même dans les deux expériences.

Terminologie – Le qualificatif d’« interne » pour les variables d’état qui représentent l’histoire de
l’évolution semble plus ou moins consacré par l’usage, bien que toutes les variables d’état puissent
être vues comme « internes » puisqu’elles traduisent l’état local des particules du domaine. Certains
auteurs les appellent « non observables » ou « cachées » ou encore « non mesurables ». Ces variables
d’état sont pourtant observables (donc mesurables) puisque ce sont des observations expérimentales
qui permettent d’en déceler la nécessité. Dans l’exemple 4.5, on observe une différence dans l’effort
final des deux chemins (10) . Dans la suite, on les appellera variables d’état mnésiques pour rappeler
qu’elles sont le résumé (la mémoire partielle) de l’histoire de l’évolution de la particule.

4.1.3 Fonction d’état


L’énoncé du principe de la conservation de l’énergie évoque la notion de « fonction d’état ». Il
convient de préciser ce concept.
 Définition 4.6 – Fonction d’état. On appelle fonction d’état, toute grandeur physique scalaire,
vectorielle ou tensorielle dont la valeur est déterminée par la seule connaissance des valeurs des
variables d’état indépendantes.

Les fonctions d’état sont donc des applications f χ 0 : {χ χ n } → V⊗q


χ 1 , · · · ,χ 3 où q est l’ordre de
tensorialité de la fonction d’état. Une fonction d’état définit une nouvelle grandeur χ 0 en fonction
des valeurs des variables d’état :
 
χ 0 (P,t) = f χ 0 χ 1 (P,t), · · · ,χ
χ n (P,t)

Lors de l’évolution d’un système, l’état {χ χ 1 , · · · ,χ


χ n } des particules évolue avec le temps, la va-
0
leur de la fonction d’état χ j évolue donc aussi avec le temps. Sa dérivée particulaire (11) est :
n
∂ f χ0
χ 0 = ∑ ∂ i f χ 0 ⊗ pi χ̇
χ̇ χi (rappel : ∂ i f χ 0 = est un tenseur d’ordre pi + q)
∂χi
i=1
p
où pi est l’ordre de tensorialité de la variable d’état χ i et où ⊗ i est un produit tensoriel
pi -contracté.
(9) Ces variables d’état traduisent macroscopiquement des phénomènes microscopiques tels que des réarrangements
ou des ruptures de liaisons intercorpusculaires qui se sont produits dans l’évolution qui a abouti à l’état actuel. Les
phénomènes macroscopiques s’appellent : plastification, endommagement, etc.
(10) On observe aussi une différence de déformation permanente après décharge de la barre
(11) C’est-à-dire la dérivée temporelle à particule constante (« on suit la particule dans son mouvement »).
54 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

La plupart des fonctions d’état envisagées dans la suite seront scalaires (q = 0, V3⊗q = R). Dans
ce cas, la dérivée particulaire s’écrit :
n
p ∂ fχ 0
χ̇ 0 = ∑ ∂ i f χ 0 ⊗ i χ̇
χi (rappel : ∂ i f χ 0 = est un tenseur d’ordre pi )
∂χi
i=1

Si la fonction d’état est scalaire et si de plus toutes les variables d’état sont scalaires, la dérivée
particulaire s’écrit :
n
χ̇ 0 = ∑ ∂i f χ 0 χ̇i
i=1

Vocabulaire – Les fonctions d’état scalaires (ou seulement certaines d’entre-elles) sont parfois
appelées potentiels thermodynamiques.

Remarques – On peut définir un grand nombre de grandeurs fonctions d’état χ 0j : toute fonction
de fonctions d’état et de variables d’état est une fonction d’état. Parmi un ensemble de grandeurs

χ 1 , · · · ,χ χ 01 , · · · ,χ
χ n ,χ χ 0q }, on peut choisir n grandeurs {χ
χ 001 , · · · ,χ
χ 00n } telles que les q grandeurs restantes
00
s’expriment en fonction des χ i . Il suffit que l’application {χ χ 1 , · · · ,χ
χ n } ↔ {χχ 001 , · · · ,χ
χ 00n } (changement
de variables d’états) soit inversible. Cette possibilité de changer de liste de variables d’états indé-
pendantes explique la profusion de formules (exprimant la même chose) que l’on peut trouver dans
beaucoup de cours de thermodynamique. Dans ce cours, par souci de clarté, on évitera de faire de tels
changements de variables d’état.
Par ailleurs, on verra dans la suite que les seules fonctions d’état réellement fondamentales sont les
deux fonctions d’état scalaires introduites par les deux principes fondamentaux de la thermodyna-
mique : l’énergie interne introduite par le premier principe de la thermodynamique [section 4.2.1 p. 57]
et l’entropie introduite par le second principe de la thermodynamique [chapitre 5 p. 67]. Les autres
fonctions d’état évoquées classiquement en thermodynamique (enthalpie libre ou non, énergies libres
de Helmholtz ou de Gibbs, etc.) ne sont que des combinaisons de ces deux fonctions d’état et de
variables d’état, combinaisons qui apparaissent dans l’étude de certaines évolutions particulières de
certains milieux continus particuliers ; elles n’ont rien de fondamental.

4.1.4 Isotropie des fonctions d’état


 Théorème 4.7 – Toute fonction d’état scalaire et objective, fonction de variables d’état tenso-
rielles objectives, est nécessairement une fonction isotrope de ses arguments.

Démonstration – Les variables d’état étant objectives, leur formule de changement d’observateur
est connue a priori :
χe i (P,t) = RQt (χ
χ i (P,t))
où RQt (χ
χ i ) est la rotation du tenseur χ i par le tenseur de changement d’observateur actuel Qt (12) .
Soit une fonction d’état scalaire définie par χ 0 = f χ 0 (χ χ 1 , · · · ,χ
χ n ). L’universalité de sa définition
signifie que l’application f χ 0 est la même pour tous les observateurs. Son objectivité implique
l’égalité :
χ n = f χ 0 χe 1 , · · · , χe n = f χ 0 RQt (χ
χ 1 ), · · · , RQt (χ
  
f χ 0 χ 1 , · · · ,χ χ n ) , ∀Q Qt
ce qui est la définition d’une fonction scalaire isotrope de ses arguments.
(12)On rappelle que pour une grandeur vectorielle objective v , la formule de changement d’observateur est :
v = RQt (vv) = Qt ·vv, et pour une grandeur tensorielle d’ordre 2 objective T elle s’écrit : Te = RQt (T
e T ) = Qt ·T Qt> .
T ·Q
4.1 Concepts de base en thermodynamique 55

 Théorème 4.8 – Théorème des fonctions isotropes. Si une fonction scalaire f χ 0 est isotrope
pour ses arguments tensoriels (d’ordre 0 ou plus), il existe alors une fonction f χ 0 telle que :

f χ 0 χ 1 , · · · ,χ
χ n = f χ 0 (I1 , · · · Im ) (4.1)

où {I1 , · · · Im } est une liste minimale d’invariants calculés à partir des arguments tensoriels

χ 1 , · · · ,χ
χ n } de la fonction f χ 0 .

Démonstration – La démonstration de ce théorème est donnée en annexe du cours Algèbre et analyse


tensorielle pour l’étude des milieux continus, du même auteur [note 3 p. 3].

Les deux théorèmes 4.7 et 4.8 permettent d’affirmer que : toute fonction d’état scalaire objective
d’arguments tensoriels objectifs peut être ramenée à une fonction scalaire d’arguments scalaires
objectifs.
La longueur m de la liste d’arguments scalaires de la fonction f χ 0 est toujours inférieure ou égale
au nombre de composantes nécessaires pour donner une valeur aux n variables d’état tensorielles

χ 1 , · · · ,χ
χ n }. Puisque les variables d’état tensorielles {χ
χ 1 , · · · ,χ
χ n } sont objectives, les invariants
calculés à partir de ces variables sont des grandeurs scalaires objectives. Les listes minimales
{I1 , · · · Im } de scalaires objectifs dépendent du nombre et de l’ordre de tensorialité des variables
d’état tensorielles χ i ; ces listes ne sont pas uniques, mais pour un certain ensemble de variables
d’état tensorielles elles sont toutes de même longueur.
La description de l’état d’une particule de milieu continu avec des variables d’état tensorielles
objectives {χχ 1 , · · · ,χ
χ n } peut donc toujours se ramener à un ensemble de m variables d’état
scalaires objectives{I1 , · · · Im }. On ne pourra préciser cette liste que lorsque les variables d’état
tensorielles indépendantes {χ χ 1 , · · · ,χ
χ n } auront été choisies.
 Définition 4.9 – Variables d’état réduites. La liste des m champs scalaires objectifs {I1 , · · · Im }
est appelée liste de variables d’état réduites.

Interprétation – La signification physique du théorème mathématique sur les fonctions isotropes est
que les seules valeurs réelles, communes à tous les observateurs, nécessaires et suffisantes pour décrire
un état de particule défini par des variables d’état vectorielles ou tensorielles, sont les invariants de
chacune des variables d’état et des invariants croisés (13) qui définissent les orientations relatives de
ces tenseurs les uns par rapport aux autres (14) , en excluant toute orientation absolue par rapport à un
observateur particulier. Les m variables scalaires {I1 , · · · , Im } ne permettent donc pas de reconstruire
complètement les variables d’état tensorielles pour un observateur donné, elles permettent seulement
de reconstruire l’ensemble des variables d’état tensorielles à une rotation d’ensemble quelconque près,
c’est-à-dire à un changement d’observateur quelconque près. Le théorème des fonctions isotropes
permet donc de trouver systématiquement une description de l’état d’une particule par une suite de
scalaires objectifs.

4.1.5 Espace des états


Chaque état de particule étant défini par un nombre fini m de scalaires objectifs [déf. 4.9], on
peut donc représenter tous les états envisageables d’une particule de ce modèle de milieu continu
avec un point de Rm (ou d’un certain domaine de Rm ).
(13)C’est-à-dire ceux qui sont calculés à partir de plusieurs arguments tensoriels.
(14)Voir la démonstration du théorème sur les fonctions isotropes, en annexe du cours Algèbre et analyse tensorielles
pour l’étude des milieux continus, du même auteur [note 3 p. 3].
56 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

 Définition 4.10 – Espace des états. Soit m le nombre de variables d’état réduites. On appelle
espace des états, la région (15) d’un espace de points de dimension m tel que chaque point
représente un état de particule.

Dans l’espace des états de dimension m, une fonction d’état scalaire peut se représenter par ses
isovaleurs : ce sont des hypersurfaces de dimension m − 1.

Remarque – En thermodynamique des gaz, les variables d’état indépendantes se réduisent à deux
scalaires objectifs (m = 2, on dit que les gaz sont « divalents »). Les isovaleurs des fonctions d’état
d’un gaz sont donc des courbes tracées dans un espace des états de dimension 2. On peut donc les
représenter graphiquement sur des diagrammes plans. Du fait que les thermodynamiciens changent
souvent d’ensemble de variables d’état indépendantes [remarque p. 54], il existe plusieurs versions
de ces diagrammes, qui expriment néanmoins toutes la même chose. On peut tenter de justifier
l’existence de ces différentes versions de diagrammes thermodynamiques par le fait que l’on souhaite
représenter des chemins d’évolutions particulières (isothermes, isobares, isochores, isentropes...) par
des verticales ou des horizontales pour faciliter des calculs graphiques.

4.1.6 Évolution thermodynamique


L’évolution thermodynamique d’un domaine (matériel ou géométrique) est la description des
changements d’état de chaque particule du domaine, c’est-à-dire la donnée des m champs maté-
riels scalaires {I1 (P,t), · · · , Im (P,t)}. Dans l’évolution thermodynamique d’un domaine, chaque
particule suit donc son propre chemin dans l’espace des états, paramétré par le temps.
 Définition 4.11 – Évolution. On appelle évolution thermodynamique d’une particule, la courbe
(le chemin) décrite par le point représentatif de l’état de la particule au cours du temps dans
l’espace des états.
 Définition 4.12 – Vitesse d’évolution. On appelle vitesse d’évolution thermodynamique ac-
tuelle de la particule P, la dérivée temporelle dans l’espace des états du point représentatif de
l’état au cours d’une évolution.

Les m composantes de la vitesse d’évolution thermodynamique d’une particule dans l’espace


des états sont donc les m dérivées particulaires objectives (16) {I˙1 (P,t), · · · , I˙m (P,t)}.
Il faut bien noter que si l’ensemble des variables d’état d’un modèle de milieu continu est bien
un ensemble de valeurs indépendantes (17) , l’ensemble de ses dérivées particulaires dans une
évolution ne l’est pas nécessairement : il se peut que la cinématique, des lois physiques ou des
principes fondamentaux imposent des relations entre les dérivées particulaires des variables d’état.
Toutes les directions de vitesse d’évolution thermodynamique autour d’un point de l’espace des
états ne sont donc pas toujours possibles.
Exemple 4.13 – Pour un milieu continu solide anisotrope à une seule direction d’anisotropie, la
déformation actuelle et la direction d’anisotropie actuelle sont des variables d’état indépendantes :
tout tenseur de déformation actuel associé à toute direction d’anisotropie actuelle est un état possible.
Néanmoins, les directions d’anisotropie étant des directions matérielles, la cinématique implique des
(15) Chaque variable d’état réduite a un domaine de définition qui peut être limité à une partie de R.
(16) On rappelle que la dérivée particulaire d’une grandeur scalaire objective est une grandeur scalaire objective
[note 4 p. 3].
(17) On peut donner une valeur arbitraire à chacune des variables d’état pour définir un état ; tout point de l’espace

des états représente un état possible du modèle.


4.2 Principe de la conservation de l’énergie 57

relations entre la dérivée particulaire des déformations Ẋ X et la dérivée particulaire de la direction


d’anisotropie ṅnt car la direction d’anisotropie est, comme toute direction matérielle, entraînée par le
mouvement.

4.2 Principe de la conservation de l’énergie


La démarche suivie dans ce chapitre est similaire à celle suivie dans les deux chapitres précédents :
on pose le principe pour un domaine matériel, on en déduit une expression locale et on exprime
les conséquences pour un domaine géométrique. Le principe de la conservation de l’énergie
est aussi appelé premier principe de la thermodynamique. Il fait intervenir une nouvelle forme
d’énergie : la chaleur, qui est une forme d’énergie non mécanique, mais qui peut aussi être
échangée avec l’extérieur du système étudié.

4.2.1 Énoncé classique pour une évolution finie entre deux instants
On considère un domaine matériel (18) quelconque en évolution entre deux instants t1 et t2 .
 Principe 4.14 – Premier principe de la thermodynamique. Le premier principe de la ther-
modynamique postule que :
1. L’énergie se conserve : il existe une grandeur scalaire, extensive (19) et objective, appelée
énergie interne du domaine matériel, telle que l’énergie (travail et chaleur) reçue (20) de
l’extérieur du domaine matériel entre deux instants sert à modifier son énergie cinétique
(modification du mouvement), le reste servant à modifier son énergie interne.
Remarque – Il est important de préciser qu’il n’y a pas de spécialisation : on peut modifier
l’énergie cinétique d’un système aussi bien avec du travail qu’avec de la chaleur. Il en est de même
pour l’énergie interne.
2. L’énergie interne du domaine matériel est une fonction d’état : à chaque état du domaine
matériel correspond une valeur de son énergie interne. Des variations de l’énergie interne du
domaine matériel se traduisent donc nécessairement par des variations de variables d’état du
domaine matériel.

L’énergie reçue de l’extérieur est à la fois de l’énergie mécanique (du travail) et de l’énergie non
mécanique (de la chaleur). Le premier principe s’écrit donc classiquement :

Ecin (t2 ) − Ecin (t1 ) + Eint (t2 ) − Eint (t1 ) = Wtt12 + Qtt21
 
(4.2)

où :
– la variation d’énergie interne Eint (t2 )−Eint (t1 ) du domaine matériel implique des modifications
des variables d’état c’est-à-dire des changements d’état dans le domaine matériel ;
– le terme Wtt12 désigne le travail mécanique (éventuellement négatif) reçu de l’extérieur par le
système pendant l’évolution entre les instants t1 et t2 ;
– le terme Qtt21 désigne la chaleur (éventuellement négative) reçue de l’extérieur par le système
pendant l’évolution entre les instants t1 et t2 .
(18) Les thermodynamiciens disent système fermé. Pour l’instant, le domaine matériel n’est pas nécessairement un
domaine de milieu (presque partout) continu, mais il est néanmoins toujours constitué de la même matière.
(19) L’extensivité postulée de l’énergie interne est parfois appelée en thermodynamique : « principe de l’état local ».
(20) Par convention, on parle toujours de l’énergie reçue de l’extérieur par le domaine matériel. Si l’énergie « reçue »

est négative, elle est cédée au milieu extérieur.


58 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

L’expression de la fonction d’état énergie interne en fonction des variables d’état n’est pas
précisée par le principe. Cette fonction d’état est particulière à chaque système étudié. Dans le
cas d’un domaine matériel de milieu continu, elle est particulière à chaque milieu continu (acier,
eau, air etc.).

C’est en précisant d’une part la liste nécessaire et suffisante des variables d’état et d’autre part
l’expression de l’énergie interne en fonction de ces variables d’état, que l’on construit un modèle
de comportement du milieu continu contenu dans le domaine.

Remarque – Dans la plupart des ouvrages de thermodynamique, le premier et le second principes de


la thermodynamique sont énoncés avec des systèmes supposés « à l’équilibre » aux instant t1 et t2 , sans
définition claire de ce que signifie cet « équilibre » : tantôt les vitesses sont supposées nulles (21) (il
n’y a donc pas de variation d’énergie cinétique) ou supposées constantes dans le temps (accélération
nulle, « équilibre mécanique ») et/ou uniformes dans l’espace (mouvement de translation du système),
tantôt les champs de variables d’état dans le domaine sont supposés uniformes (« équilibre thermique »
et autres (22) ), et bien souvent les deux à la fois. Comme on va le voir par la suite, cette condition
floue d’« équilibre » (mécanique ou thermodynamique ou autre (23) ) est inutile, voire néfaste, et ne
sera jamais utilisée dans la suite. Ces conditions soit-disant simplificatrices ne sont évoquées que
parce que c’est dans ces conditions particulières que les vérifications expérimentales sont les plus
faciles à faire. Pendant l’évolution système matériel (continu ou non), les vitesses ou les accélérations
de ses particules se sont en général pas nulles, les champs de variables d’état ne sont en général ni
uniformes ni stationnaires et le principe de la conservation de l’énergie n’en reste pas moins vrai.
Pour appliquer le principe de la conservation de l’énergie exprimé avec avec de telles restrictions, ces
auteurs sont amenés à considérer les évolutions du système étudié comme une « succession d’états
d’équilibre », éventuellement « infiniment lente » qui n’ont aucun sens physique.

4.2.2 Énoncé global instantané

L’énoncé classique (4.2) [p. 57] est affirmé pour toutes les transformations, c’est-à-dire ∀t1 et ∀t2 ,
et donc en particulier pour toute sous-transformation entre deux instants t et t + dt aussi proches
que l’on veut (24) . On va donc en donner une formulation instantanée qui garantit le respect du
principe de la conservation de l’énergie pour toute sous-évolution d’une évolution :

d d
Ecin + Eint = Pext
mec
+ Pext
cal
(4.3)
dt dt

où :
– Pext
mec est la puissance mécanique actuelle des efforts extérieurs (à distance et de contact) ;

– Pext
cal est la puissance calorifique actuelle reçue de l’extérieur (à distance et de contact).

Il faut maintenant traduire cet énoncé global valable pour un système matériel a priori quelconque,
dans le cas où la matière du système matériel est modélisée par un milieu (presque partout)
continu.

(21) Pour quel observateur ?


(22) Par exemple la température ou la pression sont supposés uniformes dans l’espace, ce qui évite de parler de
champs matériels pour les variables d’état.
(23) Certains auteurs définissent un « équilibre » par une stationnarité de certaines variables d’état.
(24) Naturellement, tous les états intermédiaires t ∈ [t ,t ] d’une évolution ne sont pas « à l’équilibre » quel que soit
1 2
le sens qu’on donne à ce mot.
4.3 Conservation de l’énergie pour un domaine matériel 59

4.3 Conservation de l’énergie pour un domaine matériel


Soit D m un domaine matériel, on note Dtm sa position actuelle (si nécessaire on note D0m sa
position de référence à un instant de référence t0 ).
L’énergie interne est, par principe, une grandeur extensive [déf. 1.5 p. 11], on peut donc définir
une densité massique d’énergie interne, notée em et appelée énergie interne massique (25) (J.kg−1 ).
L’énergie interne actuelle d’un domaine matériel s’écrit donc [éq.(2.11) et (2.12) p. 22] :
Z Z  Z Z Z 
m
Eint (D ,t) = em
E dm = ρE em
E dvt = em
L dm = ρL em
L Kv dv0 = ρ0 em
L dv0
Dt m Dtm D0m D0m D0m

L’énergie interne massique est, par principe, une fonction d’état. Il existe donc une application
réelle fe telle que :

em (P,t) = fe χ 1 (P,t), · · · ,χ

χ n (P,t) où {χ
χ 1 , · · · ,χ
χ n } sont les variables d’état.

L’application universelle (26) fe est caractéristique de chaque type de milieu continu, par la liste
des variables d’état χ i et par l’application fe elle-même (expression de l’énergie interne massique
en fonction des variables d’état).
L’énergie interne est, par principe, une grandeur scalaire objective. Puisque les variables
d’état sont objectives, l’application fe est donc une fonction isotrope de ses arguments tensoriels
[th. 4.7 p. 54] et peut donc être ramenée à une fonction f e d’arguments scalaires [th. 4.8 p. 55] :

em (P,t) = f e (I1 (P,t), · · · , Im (P,t))

où les variables d’état réduites scalaires {I1 , · · · , Im } sont connues quand on connaît la liste des
variables d’état tensorielles objectives. La dérivée particulaire s’écrit :
m
ėm (P,t) = ∑ ∂ j f e I˙j (4.4)
j=1

On est maintenant en mesure de détailler les différents termes du principe de la conservation de


l’énergie instantané (4.3) [p. 58].
La dérivée temporelle de l’énergie cinétique est :
d
Z
Ecin = Pcin
mec
= ρE v E ·γγ E dvt [éq. (3.25) p. 35]
dt Dtm

La dérivée temporelle de l’énergie interne est :


d d
Z Z
Eint (D m ,t) = em
E dm = ėm
E dm [éq. (2.14) p. 22 avec Ψ = em ]
dt dt Dtm Dtm

La puissance mécanique des efforts extérieurs est :


Z  
Pext
mec
= v E · ( f vE + divE σ ) +σ σ E : D E dvt [éq. (3.22) p. 35]
Dm
Z t  
= v E · ( f v0 E + divE σ ) +σσ E : D E dvt [corollaire 3.7 p. 27]
Dtm

(25) Voir la note 19 [p. 57]. Les thermodynamiciens disent aussi : énergie interne spécifique.
(26) C’est-à-dire identique pour tous les observateurs.
60 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

La puissance calorifique reçue de l’extérieur est la somme de deux termes :


Z Z
Pext
cal
= Pext
cal cont
+ Pext
cal dist
= qsext E dst + v
rext E dvt
∂ Dtm Dtm

Le terme Pextcal cont est la puissance calorifique reçue de l’extérieur par contact à la frontière

(conduction thermique à la frontière) et le terme Pext cal dist est la puissance calorifique reçue à

distance de l’extérieur.
 Définition 4.15 – Le champ scalaire qsext est appelé puissance calorifique surfacique reçue à la
frontière (unité légale W.m−2 ).

Rappel – On considère ici des domaines matériels. Aucune matière ne traverse la frontière, il n’y a
donc pas d’apport de chaleur à travers la frontière par convection.
 Définition 4.16 – Le champ scalaire rext v est appelé puissance calorifique volumique reçue à

distance de l’extérieur (unité légale : W.m−3 ).

Remarque – On peut utiliser le terme rext v pour modéliser une production de chaleur à l’intérieur

du domaine due à un rayonnement d’origine extérieure qui cède une partie de son énergie sous
forme de chaleur en traversant le domaine matériel par interaction avec la matière (par exemple
un rayonnement micro-ondes agissant sur un milieu continu contenant des molécules d’eau). Dans
beaucoup d’applications, ce terme est nul soit parce que le milieu continu est transparent pour
ce rayonnement (pas d’interaction), soit parce qu’il est opaque et que la chaleur n’est reçue qu’à
l’interface matérielle qui reçoit le rayonnement (si cette interface matérielle fait partie de la frontière
du domaine, la chaleur reçue est alors modélisée dans le terme qsext [déf. 4.15]). Le champ rext v (P,t)

n’existe que dans les milieux continus semi-transparents au rayonnement considéré ; la valeur de
ce champ dépend de l’intensité et de la direction du rayonnement sur l’interface irradiée ainsi que
des caractéristiques de semi-transparence de la matière pour ce rayonnement. Il est décroissant avec
la pénétration du rayonnement dans la matière depuis l’interface irradiée. La valeur actuelle du
champ (27) rext
v (P,t) est donc toujours la même quel que soit le sous-domaine du domaine matériel

actuel considéré. Il est donc possible d’utiliser le lemme fondamental [th. 1.11 p. 16] pour établir des
équations locales [th. 4.20 p. 62 et th. 5.2 p. 71].

Le principe de la conservation de l’énergie (4.3) [p. 58] pour un domaine matériel s’écrit
donc :
Z Z
ρE v E ·γγ E dvt + ėm
E dm =
Dtm Dtm
| {z } | {z }
d m d m
dt Ecin (D ,t) dt Eint (D ,t)
Z   Z Z
v E · ( f v0 E + divE σ ) +σ
σ E : D E dvt + v
rext E dvt + qsext E dst
Dtm Dtm ∂ Dtm
| {z } | {z }
Pext
mec
Pext
cal

Compte tenu de l’équation de mouvement [éq. (3.28) p. 36], il reste :


Z Z Z Z
ρE ėm
E dvt = σ E : D E dvt + v
rext E dvt + qsext E dst (4.5)
Dt m Dtm Dt m ∂ Dtm

(27) v (P,t)
La détermination de la valeur de ce champ sort du cadre de ce cours. On peut considérer le champ rext
comme une donnée issue d’un calcul en théorie du rayonnement.
4.3 Conservation de l’énergie pour un domaine matériel 61

 Théorème 4.17 – Tous les sous-domaines D1 ⊂ Dtm dont la frontière contient la particule P et
qui ont la même normale extérieure nt , reçoivent la même puissance calorifique surfacique en P.

Démonstration – La démonstration de ce théoreme est analogue à celle du théorème 3.10 [p. 30]
pour les contraintes : on applique le principe de la conservation de l’énergie (4.5) à un domaine
compris entre les frontières de sous-domaines D1 , leur plan tangent commun et un cylindre de rayon
r qui tend vers 0. Le détail de la démonstration est donné en annexe [th. A.2 p. 103].

On en déduit l’existence d’une fonction fq telle que qs = fq (P,nnt ).


 Théorème 4.18 – Existence du courant de chaleur. En chaque particule d’un milieu continu
et à chaque instant, il existe un vecteur appelé courant de chaleur actuel, noté q , tel que la
puissance calorifique reçue par conduction sur une facette matérielle de normale actuelle nt est
donnée par :

qs (P,nnt ,t) = −qq(P,t) ·nnt (4.6)

Démonstration – La démonstration de l’existence du champ vectoriel courant de chaleur q est


analogue à celle de l’existence du champ tensoriel des contraintes σ : on applique le principe de la
conservation de l’énergie [éq. (4.5) p. 60] à un sous-domaine tétraédrique que l’on fait tendre vers un
volume nul d’une certaine manière. Le détail de la démonstration est donné en annexe [th. A.3 p. 103].

 Théorème 4.19 – Condition aux limites thermique. Soit ∂ Dtm la frontière actuelle d’un
domaine matériel, soit P0 une particule générique de cette frontière et soit nt (P0 ,t) la normale
extérieure actuelle à la frontière en P0 . On note qsext (P0 ,t) la puissance calorifique surfacique
actuelle reçue de l’extérieur en P0 . Le champ vectoriel courant de chaleur q (P,t) doit satisfaire la
condition à la frontière suivante :

q (P0 ,t) ·nnt (P0 ,t) = −qsext (P0 ,t), ∀P0 ∈ ∂ Dtm (4.7)

Démonstration – Considérons la famille de sous-domaines D1m dont la frontière est tangente en P0 à


la frontière ∂ Dtm du domaine matériel. En cette particule frontière, la puissance calorifique surfacique
qs (P0 ,nnt ,t) sur un sous-domaine D1m est égale à la puisssance calorifique surfacique qsext (P0 ,t) reçue
de l’extérieur du domaine Dtm car en P0 , les frontières ∂ D1m et ∂ Dtm ont la même normale extérieure.
On a donc qs (P0 ,nnt ,t) = qsext (P0 ,t). Le théorème d’existence du champ vectoriel q [th. 4.18 p. 61]
entraîne l’égalité (4.7).

Vocabulaire – Une portion de frontière où on impose la condition qsext = 0 est dite adiabatique.

Une dernière expression de la conservation de l’énergie sur un domaine matériel est donc :
Z Z Z Z
ρE ėm
E dvt = σ E : D E dvt + v
rext E dvt + qsext E dst [éq. (4.5) p. 60]
Dtm Dtm Dtm ∂ Dtm
Z Z Z
v
= σ E : D E dvt + rext E dvt − q E ·nnt dst [éq. (4.7) p. 61]
Dtm Dtm ∂ Dtm
Z Z Z
ρE ėm
E dvt = σ E : D E dvt + v
(rext E − divE q ) dvt (4.8)
Dtm Dtm Dtm

Écriture lagrangienne – On laisse le soin au lecteur de vérifier que si on utilise les descriptions
de Lagrange dans le domaine matériel, le principe de la conservation de l’énergie pour un domaine
62 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

matériel s’écrit :
Z Z Z Z
ρL ėm
L KvL dv0 = σ L : D L KvL dv0 + v
rext L KvL dv0 − F −T ·nn0 KvL ds0
q L ·F
D0m D0m D0m ∂ D0m
Z Z Z Z
ρ0 ėm
L dv0 = σ L : D L KvL dv0 + v
rext L KvL dv0 − divL (Kv F −1 ·qq ) dv0 (4.9)
D0m D0m D0m D0m

où Kv est la dilatation volumique actuelle dans une déformation dont la référence est D0m . On peut
encore transformer cette expression en développant la divergence.
En utilisant l’identité divE Ψ = gradL Ψ : F −> , on obtient une autre expression lagrangienne directe-
ment à partir de l’équation (4.8) :
Z Z Z
−>
ρ0 ėm
L dv0 = σ L : D L KvL dv0 + v
(rext L − gradL q : F ) KvL dv0
D0m D0m D0m

4.4 Forme locale de la conservation de l’énergie


 Théorème 4.20 – Équation de la chaleur. Le principe de la conservation de l’énergie est
équivalent à l’équation différentielle suivante :

ρ ėm = σ : D + rext
v
− divE q (4.10)

Démonstration – On obtient cette équation diffférentielle par le même procédé que pour les deux
principes précédents (conservation de la masse et principe fondamental de la mécanique) : en utilisant
le lemme fondamental [th. 1.11 p. 16] à partir de l’expression globale du principe de la conservation
de l’énergie pour un domaine matériel (4.8) [p. 61], on obtient la forme locale de la conservation de
l’énergie (4.10). On a enlevé les indices E inutiles car par définition Ψ E (xxt ,t) = Ψ L (xx0 ,t) = Ψ (P,t).
La réciproque est évidente.

Rappel : interprétation de la divergence d’un champ vectoriel – Si divE q < 0, la particule est
un puits de chaleur ; si divE q > 0, la particule est une source de chaleur ; si divE q = 0, le champ q
est localement conservatif : la particule reçoit autant de chaleur qu’elle en cède.

Pour un certain milieu continu (la fonction f e et la liste des variables d’état sont connues),
l’équation de la chaleur [éq. (4.10) p. 62] s’écrit donc :
m
v
ρ ∑ ∂ j f e I˙j = σ : D + rext − divE q [éq. (4.4) p. 59] (4.11)
j=1

Écritures lagrangiennes – En appliquant le lemme fondamental à l’équation (4.9) [p. 62], il vient :

Kv ρ ėm = Kv σ : D + Kv rext
v
− divL (Kv F −1 ·qq)
|{z} |{z} | {z }
ρ0 τ q0

où ρ0 = ρ(P,t0 ) (masse volumique initiale) et où τ est le « tenseur des contraintes » de Kirchhoff


évoqué dans la remarque 3.1 [p. 37]. Le groupement de termes Kv F −1 ·qq, parfois noté q0 pour une
ressemblance avec l’équation (4.10), est difficilement interprétable. On peut aussi, si on le souhaite,
développer la divergence. Une autre expression, sans introduction de « tenseur des contraintes »
artificiel ni de « q0 », est déduite directement de l’équation (4.10) :

ρ ėm = σ : D + rext
v
− gradL q : F −> (car divE Ψ = gradL Ψ : F −> , ∀Ψ
Ψ) (4.12)
4.5 Conservation de l’énergie pour un domaine géométrique 63

4.5 Conservation de l’énergie pour un domaine géométrique


Soit un domaine géométrique dont la position actuelle est Dtg . En intégrant les termes de
l’équation locale (4.10) [p. 62] sur la position actuelle Dtg du domaine géométrique, on obtient
l’égalité :
Z Z Z Z
ρ ėm dvt =
g E E g
σ E : D E dvt + r v dvt −
g ext E
divE q dvt
Dt Dt Dt Dtg

Avec la dérivation des intégrales de masse sur un domaine géométrique [éq. (2.16) p. 23], il vient :
d
Z Z Z Z Z
m
e dm = g σ E : D E dvt + rv
g ext E
dvt − divE q dvt + ρE em v f −vvE ) ·nnt dst
E (v
dt Dtg D D Dtg ∂ Dtg
| {z } | t {z } | t {z } | {z }
mec
d g
dt Eint (D ,t)
−Pint Pext
cal Φe

(4.13)

où Φe est le flux convectif [déf. 1.9 p. 15] d’énergie interne entrant à travers la frontière et
où v f est la vitesse de la frontière du domaine géométrique. En comparant l’équation (4.13) avec
l’équation de bilan d’une grandeur extensive [éq. (1.22) p. 17], la quantité
Z
Pext
cal
− Pint
mec
= v
(rext E − divE q +σ
σ E : D E ) dvt
Dtg

peut s’interpréter comme un taux de production interne d’énergie interne, et son intégrande
v − div q +σ
τint = rext σ : D est le taux de production volumique d’énergie interne. Ainsi, on peut
E
interpréter le principe de la conservation de l’énergie, comme un principe de « conservation de
l’énergie interne », à condition de considérer la puissance calorifique extérieure et l’opposé de la
puissance mécanique des efforts intérieurs comme des sources d’énergie interne.

Bilan d’énergie totale – En utilisant le théorème de la puissance cinétique sous forme de bilan
d’énergie cinétique pour un domaine géométrique (3.42) page 37 :
d
Ecin (D g ,t) = Pext
mec
+ Pint
mec
+ ΦEcin
dt
et en additionnant terme à terme avec (4.13) il vient :
d d
Eint (D g ,t) + Ecin (D g ,t) = Pext
mec
+ Pext
cal
+ Φe + ΦEcin
dt dt
Ainsi, si on appelle « énergie totale » le terme Etot = Ecin + Eint , en comparant avec l’équation de
bilan d’une grandeur extensive [éq. (1.22) p. 17], le principe de la conservation de l’énergie peut être
présenté comme un principe de conservation de l’énergie totale, à condition de considérer la puissance
mécanique des efforts extérieurs et la puissance calorifique extérieure comme des sources d’énergie
totale. Le taux de production volumique d’énergie totale est : τEtot = v · (divE σ + f v ) + rext
v − div q .
E

4.6 Changements d’observateur


 Principe 4.21 – Objectivité de la chaleur transmise par conduction. La puissance calori-
fique surfacique actuelle qsext (P0 ,t) reçue en une particule P0 de la frontière actuelle ∂ Dtm d’un
domaine matériel est, par principe, un scalaire objectif :

qesext (P0 ,t) = qsext (P0 ,t), ∀Re ∀R


64 Chapitre 4. Conservation de l’énergie

Commentaire – Quand un domaine matériel reçoit de la chaleur à sa frontière, il est naturel de


poser que cette quantité de chaleur reçue est la même pour tous les observateurs. Ce principe minimal
est suffisant pour déduire les théorèmes d’objectivité qui suivent.

 Théorème 4.22 – La quantité de chaleur reçue par une facette matérielle en une particule P de
normale actuelle nt est une grandeur scalaire objective.

qes (P,nnt ) = qs (P,nnt ), ∀Re ∀R

Démonstration – Il suffit d’appliquer le principe 4.21 à tout sous-domaine du domaine matériel


considéré et d’utiliser le théorème 4.17 [p. 61] pour aboutir au résultat.

 Théorème 4.23 – Le champ vectoriel courant de chaleur actuel q est un champ vectoriel
objectif.

Démonstration – Le théorème 4.22 [p. 64] (objectivité de la chaleur reçue par une facette matérielle)
et le théorème 4.18 [p. 61] (existence du courant de chaleur) impliquent l’égalité :
qe · net = q ·nnt , ∀R ∀Re ∀nnt [principe 4.21 p. 63]
qe ·Q
Qt ·nnt = q ·nnt , ∀R ∀Re ∀nnt [éq. (3.45) p. 46]
qe ·Q
Qt = q , ∀R ∀Re
Qt> = Qt ·qq,
qe = q ·Q ∀R ∀Re (qq est un vecteur) (4.14)
ce qui est la formule de changement d’observateur d’une grandeur vectorielle objective.

 Théorème 4.24 – Le champ actuel divE q est un champ scalaire objectif.

Démonstration – On sait de la cinématique que la divergence eulérienne d’un champ vectoriel


objectif est un champ scalaire objectif. Le courant de chaleur actuel étant un champ vectoriel objectif
[th. 4.23 p. 64], sa divergence eulérienne est donc un scalaire objectif.

 v est une grandeur


Théorème 4.25 – La puissance calorifique volumique extérieure actuelle rext
scalaire objective.

Démonstration – L’équation de la chaleur (4.10) [p. 62] est :


ρ ėm = σ : D + rext
v
− divE q
La masse volumique ρ est une grandeur objective [th. 2.4 p. 23], l’énergie interne massique em est
une grandeur scalaire objective (par principe), sa dérivée particulaire ėm est donc aussi une grandeur
scalaire objective. La puissance volumique des efforts intérieurs −σ σ : D est une grandeur objective
v
[th. 3.25 p. 47] et la divergence eulérienne divE q est objective [th. 4.24 p. 64]. On en déduit que rext
est la somme de grandeurs scalaires objectives.

En revanche, l’énergie cinétique actuelle, sa dérivée temporelle (la puissance cinétique) et la


puissance actuelle des efforts extérieurs ne sont pas des grandeurs objectives, car la vitesse n’est
pas une grandeur objective. Si l’on récrit le principe de la conservation de l’énergie global pour
un domaine matériel sous la forme :
d d
Eint − Pext
cal
= Pext
mec
− Ecin [éq. (4.3) p. 58]
dt dt

Le terme de gauche étant objectif, le terme de droite Pextmec − d E


dt cin l’est aussi. Bien que chacun
des termes de cette différence soit non objectif, leur différence est objective.
4.7 En bref... 65

4.7 En bref...
Lorsqu’un domaine de milieu continu évolue, le point représentatif de l’état de chaque particule
suit son propre chemin dans l’espace des états.
Le premier principe de la thermodynamique postule la conservation de l’énergie d’un domaine
matériel (système fermé) via l’existence d’une énergie interne qui est une fonction d’état scalaire
objective extensive. On en déduit une équation différentielle locale de la conservation de l’énergie
appelée équation de la chaleur.
La fonction d’état objective énergie interne massique est caractéristique de chaque modèle de
milieu continu par la liste des variables d’état objectives et par son expression en fonction de
ces variables. Elle peut être identifiée par des mesures expérimentales (un abaque) ou bien cette
fonction peut être définie a priori par une relation mathématique physiquement raisonnable avec
des coefficients à ajuster aux mesures (procédure d’identification).
Pour un domaine géométrique (système ouvert), l’expression globale du principe s’écrit en tenant
compte du flux convectif d’énergie interne entrant par la frontière.
L’énergie interne actuelle, sa densité massique, le champ vectoriel courant de chaleur actuel et
les puissances calorifiques actuelles reçues sont des grandeurs objectives. En revanche, l’énergie
cinétique actuelle, la puissance cinétique actuelle, la puissance actuelle des forces extérieures ne
le sont pas.
5

Second principe de la
thermodynamique

5.1 Introduction
Le second principe de la thermodynamique n’est pas toujours présenté dans les cours de méca-
nique des milieux continus pour deux raisons :
1. Il est surtout utile lorsque l’on cherche à construire des nouveaux modèles de comportement
de milieux continus thermodynamiquement admissibles (tous devraient l’être !).
2. Contrairement aux trois principes fondamentaux précédents, il ne conduit pas à une équa-
tion différentielle mais à une inéquation dont on n’a pas à se soucier dans la résolution
d’un problème de mécanique des milieux continus dès lors que l’on a choisi un modèle de
comportement du milieu thermodynamiquement admissible.
La lecture de ce chapitre n’est donc indispensable qu’aux lecteurs qui ont en vue la construction
de nouveaux modèles de comportements. Les lois de comportement (mécaniques et thermiques)
classiques des solides et des fluides, proposées sans justification dans les cours élémentaires,
satisfont (approximativement parfois) automatiquement l’inégalité du second principe de la
thermodynamique dans toute évolution.

Remarques – Cependant, il n’est pas inutile de vérifier que les modèles de comportement classi-
quement proposés satisfont bien le principe. Il est aussi pédagogiquement utile de reconstruire les
modèles de comportement classiques à partir du second principe de la thermodynamique, pour les
justifier (1) .
Par ailleurs, en mécanique des fluides compressibles l’utilisation du second principe permet de prouver
l’impossibilité d’existence d’ondes de choc de détente.

Le second principe de la thermodynamique introduit une nouvelle variable d’état : la température


absolue, ainsi qu’une nouvelle fonction d’état : l’entropie. Il sort du cadre de ce cours de
tenter de justifier l’énoncé de ce principe par un exposé de l’évolution historique des idées en
thermodynamique ou par des expériences de pensée sur les machines thermiques idéales de
Carnot, comme il est couramment fait dans les cours de thermodynamique. L’auteur a résolument
choisi de présenter ce principe comme les précédents, c’est-à-dire en l’énonçant comme un
axiome sans le justifier.
(1) Historiquement, les lois de comportement classiques des fluides et des solides déformables ont été proposées
sans le souci de respecter le second principe. On les présente habituellement comme des équations de fermeture.
C’est donc un peu par chance qu’ils se trouvent être thermodynamiquement admissibles (ou presque). L’oubli de
ce principe a notamment pu conduire, à la fin du XXe siècle, à la proposition de certaines lois de comportement
thermodynamiquement inadmissibles comme le comportement dit « hypoélastique », dont on peut encore trouver la
trace dans certains codes de calcul.
68 Chapitre 5. Second principe de la thermodynamique

Dans ce chapitre, on suit la même démarche que dans les chapitres précédents : le principe est
énoncé de manière globale pour un domaine matériel, on en déduit une expression locale et une
expression globale pour les domaines géométriques.

5.2 Énoncé traditionnel


Dans les cours de thermodynamique élémentaire, le second principe de la thermodynamique est
généralement énoncé ainsi :
1. Il existe une variable d’état scalaire, positive, non extensive et objective appelée température
absolue (2) (unité légale : le Kelvin de symbole K).
2. Un échange de chaleur par conduction entre deux corps en contact ne peut se faire que
du corps à la plus haute température vers le corps à la plus basse température (on dit que
« la chaleur va du chaud vers le froid »). Pour quantifier cette dissymétrie dans l’échange
thermique par conduction, on définit la « variation élémentaire » (3) d’entropie d’un corps au
cours d’une « transformation élémentaire », la « quantité de chaleur élémentaire » dQ reçue
par le corps rapportée à sa température T au moment de cet échange :
dQ
dS = (unité : J.K−1 )
T
3. L’entropie est une fonction d’état scalaire extensive et objective.
4. La variation d’entropie dans une « évolution infinitésimale » d’un système est due en partie
aux apports d’entropie extérieure dQText où dQext est la chaleur reçue de l’extérieur entre les
instants t et t + dt à la température T du système :
dQext dQext
dS > ⇔ dS − = dSint > 0
T T
Le reste de la variation d’entropie dSint , non négatif par principe, est une variation d’entropie
due à des processus internes au système non précisés par le principe.

Remarque – Contrairement à l’énoncé traditionnel du premier principe [éq. (4.2) p. 57] qui est
énoncé pour une transformation finie entre deux instants t1 et t2 , l’énoncé traditionnel du second prin-
cipe de la thermodynamique est donné sous forme instantanée, c’est-à-dire pour une transformation
« infinitésimale » entre deux instants t et t + dt.

Exemple 5.1 – Variation d’entropie due à un échange interne de chaleur par conduction. Si un
corps à la température T reçoit de la chaleur (dQext > 0), son entropie augmente ; s’il cède de la
chaleur (dQext < 0), son entropie diminue. Soit un corps A à la température TA en contact avec un
corps B à une température TB < TA , on note dQBext > 0 la quantité de chaleur reçue par le corps B. On
suppose que les corps A et B n’échangent pas d’autres énergies mécaniques ou thermiques avec leur
(2) L’affirmation de l’existence de la variable d’état température absolue est souvent présentée préalablement

(« principe zéro » de la thermodynamique), comme ne faisant pas partie du second principe de la thermodynamique.
L’auteur a choisi de l’intégrer au second principe par commodité, puisque c’est seulement dans ce principe que l’on
fait référence à la température. La seule chose importante est d’affirmer à un moment ou à un autre l’existence de la
température absolue.
(3) En thermodynamique, les variations « élémentaires » ou « infinitésimales » sont traditionnellement notées

comme des différentielles avec des « d » ou des « δ ». Le lecteur verra dans la suite du cours que l’auteur évite
systématiquement ce genre de notation et qu’il n’y aura pas à distinguer entre des « différentielles exactes » et
« inexactes ». À ce propos, l’auteur recommande vivement aux lecteurs qui ont des difficultés avec les « différentielles
thermodynamiques » de lire l’annexe C de l’ouvrage Méthodes mathématiques pour les sciences physiques, Jean-
Michel B ONY, Les éditions de l’École Polytechnique, Paris, 2004, ISBN 2-7302-0841-0.
5.2 Énoncé traditionnel 69

extérieur et que leur température n’évolue pratiquement pas car l’évolution est « infinitésimale ». Dans
ces conditions, le principe de la conservation de l’énergie appliqué au système A ∪ B impose que la
chaleur reçue par le corps A est négative et vaut dQAext = −dQBext < 0. Les variations « infinitésimales »
d’entropie des deux corps sont donc les suivantes :

dQAext dQB dQBext


dSA = = − ext < 0 et dSB = >0
TA TA TB

L’entropie étant une grandeur extensive, la variation d’entropie de l’ensemble A ∪ B est la somme des
variations d’entropie :

dQBext dQBext 1 1
dSA + dSB = − + = dQBext − >0 car TA > TB
TA TB TB TA

On en déduit que s’il se produit un échange de chaleur entre des parties A et B d’un système isolé
mécaniquement et thermiquement, l’entropie du système A ∪ B augmente pendant une évolution
« infinitésimale » en raison de l’échange interne de chaleur qui s’y est produit.

Processus internes dans un système – Les causes et la valeur de l’augmentation d’entropie dSint
due à des processus internes à un système en évolution ne sont pas précisées par le principe. On a
donné dans l’exemple 5.1 [p. 68] un cas d’augmentation de l’entropie d’un système due à des échanges
internes de chaleur, mais il peut exister d’autres causes : par exemple, une partie de système peut
produire de la chaleur par frottement interne. Il peut aussi exister dans le système des productions ou
des absorptions de chaleur dues à des changements de phase ou des réactions chimiques exothermiques
ou endothermiques. Les phénomènes internes exothermiques provoquent une augmentation d’entropie
et les phénomènes internes endothermiques provoquent une diminution d’entropie. Mais quels que
soient les phénomènes internes au système, la variation interne d’entropie dSint dans tout le domaine
matériel, due à la création ou l’absorption de chaleur et aux échanges thermiques internes, reste non
négative. Ces considérations qualitatives sur les processus internes seront exprimées rigoureusement
lors de la définition des dissipations [déf. 5.5 et déf. 5.6 p. 73].

Dans la présentation traditionnelle qui précède, on peut constater un certain nombre de difficultés
et même d’incohérences :
1. Dans la définition de la variation d’entropie d’un système (axiome 4), on évoque la « tempé-
rature d’un système » ce qui signifierait que le système est à température uniforme. On ne
pourrait donc pas définir la variation d’entropie d’un système à température non uniforme.
2. N’envisager que des systèmes à température uniforme (« équilibre thermique » (4) ) pour faire
de la thermodynamique n’est pas physiquement sensé. Lorsqu’un système échange de la
chaleur avec son extérieur, il n’est jamais à l’« équilibre thermique » sauf éventuellement au
bout d’un temps infini.
3. Le principe n’est présenté que pour des évolutions « infinitésimales ». Il faudrait donc admettre
que dans une évolution finie, les températures d’un système évoluent au cours du temps tout en
restant uniformes (physiquement peu vraisemblable), ou bien qu’il faut attendre l’« équilibre
thermique » à chaque instant intermédiaire (évolution « infiniment lente ») pour parler des
entropies intermédiaires ou bien admettre que dans une évolution finie entre deux états à
l’« équilibre thermique », l’entropie des états intermédiaires n’est pas définissable !
(4) Certains auteurs définissent parfois l’« équilibre thermique » par Ṫ = 0 (le champ de températures n’est pas

uniforme mais il n’évolue plus) et non par gradE T = 0 (le champ de températures est uniforme) et parfois les deux à
la fois. Parfois encore il est défini par ∂t T (P,t) = 0 (stationnarité des températures).
70 Chapitre 5. Second principe de la thermodynamique

Sous la forme classique qui vient d’être donnée, le second principe de la thermodynamique est
inexploitable, voire incompréhensible, pour étudier des évolutions réelles (5) . Lors de l’évolution
d’un milieu (presque partout) continu, la température n’est jamais uniforme dans le système et
elle évolue avec le temps. Le second principe de la thermodynamique nécessite d’être reformulé
de manière plus pertinente.

5.3 Second principe de la thermodynamique pour un domaine matériel


Soit D m un domaine matériel (6) dont la position actuelle est Dtm (si nécessaire, on note D0m la
position de référence). Le second principe de la thermodynamique affirme que :
1. Il existe une variable d’état de particule, notée T , scalaire, objective, positive et non extensive
appelée température absolue. L’état thermique actuel du domaine matériel est décrit par un
champ matériel T (P,t) [déf. 4.3 p. 51]. La liste des variables d’état indépendantes et objectives
caractérisant l’état d’une particule s’écrira donc : {T,χ χ 2 , · · · ,χ
χ n } [notation 4.4 p. 52] et sa
liste de variables d’état réduites est {T, I2 , · · · , Im } [déf. 4.9 p. 55].
2. En toute particule, on a l’inégalité suivante (7) :

q (P,t) · gradE T (P,t) 6 0 où q est le vecteur courant de chaleur [th. 4.18 p. 61] (5.1)

3. Il existe une fonction d’état scalaire et extensive S appelée entropie qui qualifie la chaleur
(énergie thermique) d’un système en la rapportant à la température à laquelle cette énergie
est détenue (unité : J.K−1 ). En vertu de l’axiome 2 [éq. (5.1)], cette chaleur ne pourra se
transmettre par conduction que vers des régions à température inférieure.
L’extensivité postulée de l’entropie permet de définir une entropie massique (8) [th. 1.6 p. 11],
notée sm , qui est une quantité massique de chaleur rapportée à la température locale T
(unité : J.kg−1 .K−1 ). L’entropie actuelle S(D m ,t) d’un domaine matériel D m s’écrit donc :
Z Z  Z Z Z 
S(D m ,t) = sm
E dm = ρE sm
E dvt = ρL sm
L KvL dv0 = ρ0 sm
L dv0 = sm
L dm
Dtm Dtm D0m D0m D0m

L’entropie massique en une particule P étant une fonction d’état scalaire objective, et les
variables d’état étant objectives, il existe une fonction fs isotrope [th. 4.7 p. 54] et donc une
fonction f s telles que :

sm = fs (T,χ
χ 2 , · · · ,χ
χ n ) = f s (T, I2 , · · · , Im ) [éq. (4.1) p. 55]

où les fonctions universelles fs ou f s sont caractéristiques de chaque modèle de milieu continu,


par le choix de ses variables (les variables d’état indépendantes) et par l’application elle-même
(valeur de l’entropie massique en fonction des variables d’état). La dérivée particulaire de
l’entropie massique s’écrit donc :
m
ṡm = ∂T f s Ṫ + ∑ ∂ j f s I˙j (5.2)
i=2
(5) Pour donner des valeurs aux entropies intermédiaires d’une évolution, on invente classiquement des évolutions

artificielles dites « polytropiques » de systèmes à température uniforme.


(6) Éventuellement continu par morceaux [remarques p. 49].
(7) Traduction mathématique locale de la phrase « dans une conduction thermique, la chaleur va du chaud vers le

froid »
(8) Les thermodynamiciens disent aussi : entropie spécificique. Le postulat d’extensivité de l’entropie est parfois

appelé « principe de l’état local ».


5.4 Forme locale du second principe 71

4. Pendant une évolution, la dérivée temporelle de l’entropie du domaine matériel, appelée


taux (9) d’entropie du domaine matériel, est supérieure ou égale au taux d’entropie d’origine
extérieure :
v
d rext qsext E
Z Z
S(D m ,t) > E
dvt − dst
dt Dt TE ∂ Dt TE
Le taux d’entropie extérieure est dû à la puissance calorifique reçue à distance de l’extérieur
du domaine, représentée par rext v [déf. 4.16 p. 60] et à la puissance calorifique reçue à la

frontière, représentée par qext (P0 ,t) = −qq(P0 ,t) ·nnt (P0 ,t), ∀ P0 ∈ ∂ Dtm [th. 4.19 p. 61].
s

Rappel – Il n’y a pas d’apport de chaleur par convection car le principe est posé pour un domaine
matériel. Le cas des domaines géométriques est envisagé en section 5.5 [p. 75].
Au cours d’une évolution, il existe donc à l’intérieur du domaine matériel un taux de produc-
tion d’entropie (unité : W.K−1 ), non négatif, dû à des processus internes au domaine matériel,
non précisés par le principe :
v
d d rext q E ·nnt
Z Z
Sint = S(D m ,t) − E
dvt + dst > 0 (5.3)
dt dt Dt TE ∂ Dt TE

Avec cet énoncé du second principe de la thermodynamique, l’entropie actuelle d’un domaine
matériel (ou d’un sous-domaine matériel) en cours d’évolution est définie même quand les
variables d’état sont des champs non uniformes et en évolution temporelle. Cet énoncé est évi-
demment toujours valable dans le cas particulier où les champs des variables d’état (températures
ou autres) seraient « en équilibre » quel que soit le sens que l’on donne à ce mot (10) .

5.4 Forme locale du second principe de la thermodynamique


 Théorème 5.2 – L’axiome 4 du second principe de la thermodynamique appliqué à un domaine
matériel est équivalent à l’inégalité différentielle suivante :
v
rext q
ρ ṡm − + divE > 0 en toute particule et à tout instant. (5.4)
T T
Démonstration – En utilisant la dérivée temporelle d’une intégrale de masse sur un domaine matériel
[éq. (2.14) p. 22] et le théorème de la divergence, le second principe de la thermodynamique pour un
domaine matériel [éq. (5.3) p. 71] s’écrit :
v
rext q
Z Z Z
ρE ṡm
E dvt − E
dvt + divE dvt > 0
Dtm Dtm TE Dtm T
rv
Le terme Text − divE Tq s’interprète comme le taux de production volumique d’entropie d’origine
externe (W.m−3 .K−1 ). En utilisant le lemme fondamental [th. 1.11 p. 16], on obtient le résultat. Dans
l’équation (5.4), on a supprimé les indices E inutiles car Ψ L (xx0 ,t) = Ψ E (xxt ,t) = Ψ (P,t).

Écritures lagrangiennes – Si on préfère utiliser la description de Lagrange des champs dans le


domaine matériel D m , le second principe de la thermodynamique [éq. (5.3) p. 71] s’écrit :
v
rext q L −T
Z Z Z
ρL ṡm
L KvL dv0 −
L
KvL dv0 + KvL ·F
F ·nn0 ds0 > 0
D0m D0m TL ∂ D0m TL
(9) Contrairement aux définitions données en cinématique à propos des vitesses de déformation, le mot « taux »

signifie ici « dérivée temporelle » et non « dérivée temporelle logarithmique ». Cette dénomination malencontreuse
semble néanmoins consacrée par l’usage.
(10) Voir la remarque p. 58
72 Chapitre 5. Second principe de la thermodynamique

Le théorème de la divergence et le lemme fondamental [th. 1.11 p. 16] conduisent à l’équation


différentielle :
rv  q
ρ0 ṡm − Kv ext + divL Kv F −1 · >0
T T
où ρ0 = Kv ρ = ρ(P,t0 ) est la masse volumique initiale.
Une autre écriture lagrangienne locale s’obtient directement à partir de l’équation (5.4) :
v
rext q  −>
ρ ṡm − + gradL :F >0 (car divE Ψ = gradL Ψ : F −> , ∀Ψ
Ψ)
T T

En utilisant l’identité :
q divE q 1 divE q gradE T
divE = +qq · gradE = −qq · (5.5)
T T T T T2
l’expression locale de l’axiome 4 du second principe [éq. (5.4) p. 71] s’écrit encore :
v
rext divE q gradE T
ρ ṡm − + −qq · >0 en toute particule et à tout instant.
T T T2
Puisque T > 0, on peut multiplier chaque membre par T sans changer le sens de l’inégalité.
L’expression locale de l’axiome 4 du second principe de la thermodynamique s’écrit donc
encore :
q · gradE T
ρ T ṡm − rext
v
+ divE q − >0 en toute particule et à tout instant. (5.6)
T
 Définition 5.3 – Dissipation. On appelle dissipation, le champ matériel scalaire, noté Φ, non
négatif par principe, défini par :
q · gradE T
Φ = ρ T ṡm − rext
v
+ divE q − (unité : W.m−3 ) (5.7)
T
Expressions lagrangiennes – On laisse le soin au lecteur de vérifier qu’une expression lagrangienne
de la dissipation est :
q
Φ = ρ0 T ṡm − Kv rext
v
+ T divL (Kv F −1 · )
T
ou encore directement à partir de l’équation (5.7) :

F −1 )
q · (gradL T ·F
Φ = ρ T ṡm − rext
v
+ gradL q : F −> −
T

En utilisant l’équation de la chaleur [éq. (4.10) p.62] dans l’équation (5.7), on obtient une autre
expression de la dissipation :
q
Φ = ρ (T ṡm − ėm ) +σ
σ :D− · gradE T (5.8)
T
Avec la définition 5.3 de la dissipation, on peut reformuler le théorème 5.2 [p. 71] :
 Théorème 5.4 – L’axiome 4 du second principe de la thermodynamique est équivalent à la non
négativité de la dissipation en toute particule et à tout instant :

Φ(P,t) > 0, ∀ P ∀t en toute particule et à tout instant. (5.9)


5.4 Forme locale du second principe 73

Le second principe n’affirme rien a priori sur la nature des processus internes qui produisent
cette dissipation, excepté le fait que le dernier terme de la dissipation − Tq · gradE T , qui traduit
la dissipation produite par les échanges thermiques par conduction à l’intérieur du domaine
matériel, est non négatif par principe [éq. (5.1) p. 70]. Le reste de la dissipation reflète donc
la production ou la perte d’entropie due à des phénomènes exothermiques ou endothermiques
autres que les échanges thermiques internes par conduction. On sépare donc la dissipation en
deux termes :
 Définition 5.5 – Dissipation thermique. On appelle dissipation thermique, la puissance vo-
lumique non négative (axiome 2) due aux échanges thermiques par conduction dans le milieu
continu, définie par :
q
Φth = − · gradE T > 0 [éq. (5.1) p. 70] (5.10)
T
 Définition 5.6 – Dissipation intrinsèque. On appelle dissipation intrinsèque, le reste de la
dissipation. C’est la puissance volumique définie par :

Φint = Φ − Φth = ρ T ṡm − rext


v
+ divE q [éq. (5.7) p. 72] (5.11)
m m
= ρ (T ṡ − ė ) +σ σ :D [éq. (5.8) p. 72] (5.12)

La dissipation intrinsèque est due à des productions/absorbsions de chaleur autres que les
échanges thermiques par conduction (frottement, changement de phase, réaction chimique, etc.).
 Théorème 5.7 – Forme locale du second principe de la thermodynamique. Avec les défini-
tions précédentes, la forme locale du second principe complet s’exprime avec les deux inégalités
suivantes :

Φ = Φint + Φth > 0 et Φth > 0 (5.13)

Comme on peut le constater, le second principe de la thermodynamique n’impose pas que la


dissipation intrinsèque soit non négative. Il impose seulement :

Φint > −Φth

Remarque – Lors de la construction de modèles de milieux continus, on peut satisfaire à l’inégalité


du second principe de la thermodynamique en construisant des modèles à dissipation intrinsèque non
négative. Imposer arbitrairement Φint > 0 n’est qu’une condition suffisante pour satisfaire au second
principe de la thermodynamique. Elle n’est nullement nécessaire. Si on impose Φint > 0, on s’interdit
la possibilité d’existence de processus internes endothermiques. C’est le cas pour la plupart des
modèles de milieux continus monoconstituants (pas de réaction chimique ni changement de phase).
Dans les milieux continus monoconstituants, le seul processus interne générant une dissipation
intrinsèque est le frottement, qui est exothermique.
L’étude de la thermodynamique des milieux continus multiconstituants sort du cadre de ce cours,
mais on peut noter que si la dissipation intrinsèque est négative, sa norme est limitée par la dissipation
thermique :

Φint = −|Φint | > −Φth ⇒ |Φint | 6 Φth

Autrement dit : la chaleur nécessaire à un processus interne endothermique local (par exemple une
fusion ou un changement de phase) ne peut être fournie que par un échange de chaleur de la particule
v ) [éq. 5.11].
avec ses voisines (conduction avec divE q < 0) ou par un éventuel rayonnement (rext
74 Chapitre 5. Second principe de la thermodynamique

L’expression de la dissipation [éq. (5.8) p. 72] montre que, pour un modèle de milieu continu
donné (la liste des variables d’état et les fonctions d’état énergie interne massique et entro-
pie massique sont connues), la dissipation actuelle en une particule dépend des paramètres
suivants :
1. L’état actuel de la particule (au moins par ρ et T , mais aussi par d’autres variables d’état
éventuelles),
2. La vitesse d’évolution thermodynamique actuelle de la particule (par les dérivées particulaires
des variables d’état),
3. La cinématique du mouvement (au moins par le tenseur des taux de déformation actuel D ,
mais aussi éventuellement par les dérivées particulaires de certaines variables d’état),
4. L’environnement thermique actuel de la particule (par grad T ).
Comme on le verra dans la construction de modèles de comportement de milieux continus,
les deux inégalités Φ > 0 et Φth > 0 impliquent l’existence (11) de lois de comportement, sans
toutefois donner leur expression. Il faut évidemment choisir des lois de comportement telles que
ces deux inégalités soient respectées en toute particule et à tout instant, c’est-à-dire que ces lois
de comportement soient thermodynamiquement admissibles. Des exemples de construction de
modèles classiques (fluides simples) sont donnés dans le chapitre 6 [p. 79].

Inégalité de Clausius-Duhem – On définit une nouvelle fonction d’état appelée l’énergie libre de
Helmholtz massique définie par la combinaison de fonctions d’état et de variables d’état suivante :

ψ m = e m − T sm

Sa dérivée particulaire est donc :

ψ̇ m = ėm − sm Ṫ − T ṡm ⇔ ėm = ψ̇ m + sm Ṫ + T ṡm

En remplaçant ėm dans l’expression de la dissipation (5.8) [p. 72], on obtient une autre expression
de la dissipation, faisant intervenir les deux fonctions d’état ψ m et sm . Sous cette forme, l’inégalité
locale du second principe est appelée inégalité de Clausius-Duhem :
q
Φ = − ρ ψ̇ m + sm Ṫ +σ

σ : D − · gradE T > 0
| {z } | T {z }
Φint Φth

En thermomécanique des solides déformables, le couple de fonctions d’état (ψ m , sm ) est souvent


préféré au couple (em , sm ) naturellement introduit par les deux principes de la thermodynamique, car
ce groupement de termes simplifie l’écriture de certaines formules (12) .

Réinterprétation de l’équation de la chaleur – L’expression locale du premier principe de la ther-


modynamique (équation de la chaleur) s’écrit :

ρ ėm = σ : D + rext
v
− divE q [éq. (4.10) p. 62]

Le second principe de la thermodynamique introduit la notion de dissipation intrinsèque :

Φint = ρ (T ṡm − ėm ) +σ


σ :D [éq. (5.12) p. 73] ⇔ σ : D = Φint − ρ (T ṡm − ėm )
(11) Un exemple de loi dont l’existence est impliquée par une inégalité est donné plus loin en section 5.7 [p. 76].
(12) Toutefois, le qualificatif « libre » et l’interprétation physique du groupement de termes e − T s restent obscurs
pour l’auteur, sauf dans certaines évolutions particulières. En revanche, les variations de l’énergie interne et de
l’entropie ont un sens physique bien défini par les deux principes de la thermodynamique quelle que soit l’évolution.
5.5 Second principe pour un domaine géométrique 75

En reportant la valeur de σ : D dans l’équation de la chaleur, il vient :

1 v
ṡm = (r − divE q + Φint ) (5.14)
ρ T ext

Cette équation illustre bien le fait que le taux d’entropie massique en une particule est dû aux apports
de chaleur extérieurs à la particule (rayonnement et conduction) et à la production/absorbtion de
chaleur due aux processus internes (dissipation intrinsèque) tels que le frottement, des changements
de phase, des réactions chimiques, etc.

5.5 Second principe de la thermodynamique pour un domaine géométrique


Soit D g un domaine géométrique de position actuelle Dtg . De l’inégalité (5.4) [p. 71], il vient :
v
rext q
Z Z Z
ρ ṡm
g E E
dvt − E
dvt + divE ( ) dvt > 0
Dt Dtg TE T
Dtg
v
rext q E ·nnt
Z Z Z
ṡm dm −
g E
E
dvt + dvt > 0
Dt Dtg TE ∂ Dtg TE

En utilisant la dérivée d’une intégrale de masse sur un domaine géométrique (2.16) [p. 23],
on obtient :
v
d rext q E ·nnt
Z Z Z Z
m
s
g E
dm − E
dvt + dvt − ρE sm v f −vvE ) ·nnt dst > 0
E (v (5.15)
dt Dt Dtg T
E ∂ Dtg TE ∂ Dtg
| {z } | {z } | {z }
dS dSext φs
dt dt

d
Z Z  rv q
Z
sm dm > g
g E
ext E
− divE dvt + ρ sm (vv f −vvE ) ·nnt dst
g E E
(5.16)
dt Dt D TE T ∂D
| {z } | t {z } | t {z }
dS dSext φs
dt dt

où φs est le flux convectif [déf. 1.9 p. 15] d’entropie entrant à travers la frontière et où v f est la
vitesse de la frontière.
En comparant les équations (5.15) ou (5.16) avec l’équation de bilan d’une grandeur extensive
[éq. (1.22) p. 17], on peut interpréter ces équations comme un bilan d’entropie : la dérivée
temporelle de l’entropie d’un domaine géométrique est supérieure ou égale à la somme de la
production d’entropie d’origine extérieure (conduction et rayonnement dSdtext et convection φs ).
La différence est une production d’entropie due à des processus internes.

Autres écritures – On obtient d’autres équations équivalentes à (5.15) ou (5.16) en transformant la


dérivée d’intégrale dS
dt avec les formules (1.20) à (1.22) page 17 ou encore (2.16) page 23 ; on peut
aussi développer la divergence dans dSdtext avec l’identité (5.5) [p. 72].

5.6 Changements d’observateur


 Théorème 5.8 – Le gradient eulérien du champ des températures actuelles est un champ
vectoriel objectif. Sa formule de changement d’observateur est donc :

(gradE T )e= Qt · gradE T (5.17)


76 Chapitre 5. Second principe de la thermodynamique

Démonstration – Le champ des températures est un champ matériel scalaire objectif par principe.
Or, on montre en cinématique que le gradient eulérien d’un champ scalaire objectif est toujours un
champ vectoriel objectif.

Puisque toutes les grandeurs qui interviennent dans l’expression de la dissipation [éq. (5.8) p. 72],
de la dissipation thermique [éq. (5.10) p. 73] et de la dissipation intrinsèque [éq. (5.12) p. 73] sont
des grandeurs objectives, on en déduit que les dissipations actuelles Φ(P,t), Φth (P,t) et Φint (P,t)
sont des champs matériels de grandeurs scalaires objectives.

5.7 Nécessité de l’existence d’une loi de comportement thermique


L’axiome 2 de l’énoncé du second principe de la thermodynamique pour un domaine matériel de
milieu continu donné en section 5.3 [p 70] impose l’inégalité :

q · gradE T 6 0 (dissipation thermique non négative) (5.18)

Cette inégalité doit être vraie en toutes situations, et notamment quel que soit l’environnement
thermique actuel d’une particule représenté par le vecteur gradE T . On en déduit que le vecteur
courant de chaleur q est nécessairement au moins fonction du vecteur gradE T :

q · gradE T 6 0, ∀ gradE T ⇒ ∃ f q tel que q = f q (gradE T, · · · )

La fonction f q est appelée loi de comportement thermique ou loi de conduction thermique.


L’inégalité (5.18) implique que la fonction f q existe, sans pour autant la préciser. Un large choix
reste possible.
La loi la plus simple que l’on puisse choisir est la très populaire loi de Fourier :

q = −α gradE T avec α >0 (5.19)

Le lecteur vérifiera aisément qu’elle satisfait bien la non négativité de la dissipation thermique et
qu’elle est bien universelle (13) . Cette loi linéaire simple n’est a priori valable que pour des milieux
continus isotropes, car aucune référence n’est faite à des directions matérielles d’anisotropie (la
loi de conduction thermique est la même quelle que soit l’orientation de gradE T par rapport aux
directions matérielles).
On peut construire des lois de comportement thermiques isotropes plus évoluées : le scalaire α
peut être remplacé par toute fonction isotrope (au sens mathématique) à valeur non négative de
la forme α(gradE T, T,χ D, · · · ). On obtient ainsi des lois de conduction thermique isotropes
χ i ,D
plus réalistes.

Remarques – La conductivité thermique α est généralement fonction de la température. Quand on


dit que la loi de conduction thermique est « non linéaire », cela signifie généralement que α est aussi
fonction que de gradE T .
Par ailleurs, il n’est pas déraisonnable de penser que la conductivité thermique d’un solide déformable
puisse dépendre d’une variable d’état comme la déformation.
Enfin, les arguments de la fonction isotrope α étant objectifs, il existe une fonction α d’arguments
scalaires telle que α(· · · ) = α(· · · ) [éq. (4.1) p. 55].
(13) En utilisant la formule de changement d’observateur de q [éq. (4.14) p. 64] et celle de gradE T [éq. (5.17) p. 75],
on vérifie aisément que la loi est la même pour un autre observateur Re : qe = −α (gradE T )e.
5.8 Capacités calorifiques locales dans une évolution 77

On peut aussi construire des lois de conduction thermique pour des milieux continus aniso-
tropes (14) . Par exemple, pour un milieu continu à une seule direction d’anisotropie (15) dont la
direction actuelle d’anisotropie est le vecteur unitaire nt (ou la direction non orientée nt ⊗nnt ), on
peut prendre des lois de conduction thermique de la forme suivante :
 
q E = −α1 (· · · ) (gradE T ·nnt )nnt − α2 (· · · ) gradE T − (gradE T ·nnt )nnt
| {z } | {z }
gradE T · (nnt ⊗nnt ) gradE T · (nnt ⊗nnt )

où α1 est la conductivité thermique dans la direction d’anisotropie, et α2 est la conductivité


thermique transverse (perpendiculairement à la direction d’anisotropie). On laisse le soin au
lecteur de vérifier que :
1. cette loi satisfait le second principe de la thermodynamique si les fonctions α1 et α2 sont à
valeur scalaire non négative ;
2. cette loi de conductivité thermique est universelle si les fonctions α1 et α2 sont des fonctions
non négatives isotropes de leurs arguments tensoriels objectifs.

5.8 Capacités calorifiques locales dans une évolution


La capacité calorifique (J.kg−1 .K−1 ) parfois aussi appelée chaleur massique (16) ou encore
capacité thermique, est traditionnellement définie comme la quantité de chaleur nécessaire pour
élever de 1 Kelvin l’unité de masse de matière dans une certaine transformation finie dont les états
initiaux et finaux sont à température uniforme (gradE T1 = 0 et gradE T2 = 0 ) mais différentes
(T2 − T1 = 1 K). On va en donner ici une définition équivalente mais locale et instantanée.
Dans un milieu continu en évolution, les puissances calorifiques volumiques reçues en une
particule sont issues de deux sources :

P v cal v m
ext = rext − divE q = ρ ė −σ
σ :D [conservation de l’énergie (4.10) p. 62] (5.20)
m m
et Φint = ρ (T ṡ − ė ) +σ σ :D [dissipation intrinsèque (5.8) p. 72] (5.21)

La première représente la puissance calorifique volumique locale d’origine extérieure et la


seconde représente la puissance calorifique volumique locale due aux processus internes de
production/absorbtion de chaleur (17) . La somme des deux (ρ T ṡm ) est la puissance calorifique
volumique totale actuelle reçue par une particule [éq. (5.14) p. 75].
On peut alors définir une capacité calorifique locale actuelle C qui donne la vitesse d’échauffe-
ment Ṫ due à ces puissances calorifiques volumiques locales :

ρ C Ṫ = P v cal
ext + Φint = ρ T ṡ
m
[éq. (5.20) et éq. (5.21)]
T m
I˙j
C = ṡm = T ∂T fs + T ∑ ∂ j f s [éq. (5.2) p. 70] (5.22)
Ṫ j=2 Ṫ

(14) En général ce sont des milieux continus solides déformables. Mais certains fluides peuvent présenter des
anisotropies dans certaines situations (« cristaux liquides » dans un champ électrique).
(15) On les appelle milieux continus « isotropes transverses ». Ce sont, par exemple, des milieux fibreux ou feuilletés

que l’on veut modéliser comme des milieux continus.


(16) Cette dénomination est trompeuse, elle suggère que l’unité est en J.kg−1 .
(17) Pour les milieux continus monoconstituants, il s’agit seulement du frottement (exothermique).
78 Chapitre 5. Second principe de la thermodynamique

 Définition 5.9 – Capacité calorifique. La capacité calorifique en une particule dans une
évolution non isotherme est définie par :
T m
C= ṡ

La valeur de la dérivée particulaire ṡm dépend de la dérivée particulaire des variables d’état
[éq. (5.2) p. 70], et donc de la vitesse d’évolution [déf. 4.12 p. 56] dans l’espace des états. La
capacité calorifique locale C dépend donc a priori à la fois de l’état actuel et de la direction
actuelle de la vitesse d’évolution de la particule dans l’espace des états. On ne peut donc parler de
capacité calorifique que pour une certaine direction d’évolution dans l’espace des états (18) . Pour
des vitesses d’évolution telles que Ṫ = 0 (évolution à température constante dans le temps) elle
n’est évidemment pas définie. La capacité calorifique n’est pas une caractéristique du matériau
sauf si on précise dans quel type d’évolution non isotherme elle est mesurée.

5.9 En bref...
Le second principe de la thermodynamique est une inégalité qui exprime que, lors de l’évolution
d’un domaine, le taux d’entropie du domaine dS dt n’est pas dû qu’à l’entropie reçue de l’exté-
(19) mais aussi à un taux de production interne d’entropie non négatif D Φ T −1 dv > 0.
R
rieur
La forme locale de ce principe est la non négativité de la dissipation : Φ = Φint + Φth > 0 avec
Φth > 0, à respecter en toute particule et à tout instant de l’évolution de tout milieu continu (20) .
La dissipation thermique actuelle Φth > 0 est due aux échanges thermiques provoqués par la non
uniformité actuelle des températures (gradE T 6= 0 ). La dissipation intrinsèque actuelle Φint est
due à l’existence éventuelle de processus internes endothermiques ou exothermiques. Dans les
modèles de milieux continus monoconstituants (donc sans réaction chimique ni changement de
phase), le seul processus interne est le frottement (exothermique) ; dans ce cas, la dissipation
intrinsèque est non négative.
L’inégalité Φth > 0 conduit à la nécessité d’existence d’une loi de comportement thermique. De
même, dans la construction de modèles de comportement de milieux continus monoconstituants,
l’inégalité Φint > 0 conduira à la nécessité d’existence d’une loi de comportement mécanique (21) .
Non seulement ces lois de comportement existent nécessairement, mais elles doivent de plus
satisfaire les inégalités du second principe en toute particule et à tout instant de toute évolution.
Les choix possibles restent néanmoins larges. Les modèles de milieux continus ainsi construits
sont thermodynamiquement admissibles.
Dans la résolution d’un problème de thermomécanique des milieux continus dans lequel le
modèle de milieu continu est donné, le second principe n’apparaît pas dans les équations car
il est normalement automatiquement respecté par le modèle de comportement donné (il est
normalement thermodynamiquement admissible).
(18) En thermodynamique des gaz, on utilise couramment une capacité calorifique à volume massique (ρ −1 )
constant Cv et une capacité calorifique à pression constante C p .
(19) Conduction, convection et rayonnement pour les domaines géométriques ; conduction et rayonnement seulement

pour les domaines matériels.


(20) Même sans dissipation intrinsèque (pas de frottement ni de changement de phase ni de réaction chimique), la

nullité de la dissipation totale est rarissime : pour que la dissipation thermique soit aussi nulle, il faudrait que toutes
les particules du domaine partent d’une température uniforme et évoluent toutes à la même vitesse.
(21) On en verra un exemple pour les fluides dans le chapitre suivant, et d’autres exemples dans les cours d’élasticité

(Φint = 0) et d’inélasticité (Φint > 0) des solides déformables monophasiques.


6

Le modèle fluide simple

L’objet de ce chapitre est d’illustrer comment on peut construire des modèles de fluides simples
thermodynamiquement admissibles. On verra comment le second principe de la thermodyna-
mique implique l’existence d’une loi de comportement mécanique et d’une loi de comportement
thermique, que ces lois ne peuvent pas être choisies arbitrairement et qu’enfin le modèle classique
fluide newtonien est le plus simple d’entre eux.
Il est tout à fait possible d’ignorer ce chapitre et de poser de manière autoritaire la loi de
comportement mécanique des fluides newtoniens ainsi que la loi de comportement thermique de
Fourier. Nonobstant, la démarche de construction de ces lois est pédagogiquement intéressante :
elle montre les racines profondes de ce modèle et elle ouvre la voie à la construction de modèles
de comportement thermodynamiquement admissibles de fluides simples non linéaires.

6.1 Définition d’un fluide simple


 Définition 6.1 – Fluide simple. On appelle fluide simple, un milieu continu dont les deux
variables d’état indépendantes sont la température T et la masse volumique ρ.

La présence de la température dans les variables d’état est imposée par le second principe de la
thermodynamique. Le choix de la masse volumique comme seule autre variable d’état traduit
l’intention de ne pas distinguer l’état de deux particules ayant la même température autrement
que par la densité volumique de masse actuelle, sans référence à une déformation par rapport
à une forme particulière ni à une éventuelle direction d’anisotropie. Autrement dit, les fluides
simples n’ont pas de forme propre par rapport à laquelle on pourrait donner un sens physique à
un tenseur de déformation par rapport à une forme de référence. Avec seulement deux variables
d’état scalaires et objectives, un fluide simple est un des modèles de milieux continus les plus
simples que l’on puisse construire.
La fonction d’état énergie interne massique em et la fonction d’état entropie massique sm sont
donc des fonctions des deux variables d’état (T, ρ) :

em (P,t) = fe T (P,t), ρ(P,t) ; sm (P,t) = fs T (P,t), ρ(P,t)


 

Remarque – Les deux variables d’état étant des scalaires, les variables d’état réduites sont les
mêmes.

Leurs dérivées particulaires s’écrivent :

ėm = ∂T f e Ṫ + ∂ρ f e ρ̇ ; ṡm = ∂T f s Ṫ + ∂ρ f s ρ̇
80 Chapitre 6. Le modèle fluide simple

6.2 Conséquences du second principe de la thermodynamique


D’une manière générale, le second principe de la thermodynamique s’écrit [éq. (5.8) p. 72] :

q
Φ = ρ (T ṡm − ėm ) +σ
σ :D− · gradE T > 0
T

En détaillant les dérivées particulaires ṡm et ėm pour un fluide simple, il vient :
    q
ρ T ∂T fs − ∂T fe Ṫ + ρ T ∂ρ fs − ∂ρ fe ρ̇ +σ
σ : D − · gradE T > 0 (6.1)
T
Cette inégalité doit être satisfaite en toutes situations, c’est-à-dire pour toute vitesse d’évolution
(∀ Ṫ ∀ ρ̇), pour tout mouvement (∀D D) à partir de tout état (T, ρ) et pour tout environnement
thermique (∀ gradE T ). Cependant, les grandeurs ρ̇ et D ne peuvent varier indépendamment :
elles sont liées par le principe de la conservation de la masse :

ρ̇ = −ρ trD
D [éq. (2.4) p. 20]

D:
En décomposant le tenseur D en partie sphérique et déviatorique, on isole trD

D
trD D
trD ρ̇
D= D
G + devD ⇒ σ :D = σ : G +σ D=−
σ : devD σ + devσ
trσ D
σ : devD
3 3 3ρ

Le second principe de la thermodynamique pour un fluide simple [éq. (6.1)] s’écrit donc :

trσ
σ q
ρ (T ∂T fs − ∂T fe ) Ṫ − ρ 2 T ∂ρ fs − ∂ρ fe − 2
D + devσ
trD D − · gradE T > 0
σ : devD
3ρ T
(6.2)

L’inégalité (6.2) doit être vraie dans toutes les situations, c’est-à-dire :
– ∀ Ṫ (vitesse actuelle d’évolution de la température de la particule),
– ∀D D (taux de déformation), c’est-à-dire : ∀ trD D (partie shérique) et ∀ devDD (partie déviato-
rique), autrement dit : pour tout mouvement actuel au voisinage de la particule ;
– ∀ gradE T (environnement thermique actuel de la particule),
où chacune des quatre grandeurs {Ṫ , trD D, devD D, gradE T } peut prendre indépendamment une
valeur arbitraire.

En définissant les deux « vecteurs généralisés » (1) ∈ R × R × V⊗s


3
d
× V3 suivants :
n    trσ
σ qo
x = ρ T ∂T fs − ∂T fe , −ρ 2 T ∂ρ fs − ∂ρ fe − 2 , devσ
σ,−
3ρ T
n o
D, devD
y = Ṫ , trD D, gradE T

le second principe de la thermodynamique (6.2) se résume sous la forme :

x •yy > 0 ∀yy où • est un « produit scalaire généralisé ».

(1) L’espace V⊗s


3
d
est l’espace vectoriel des tenseurs du second ordre symétriques et de trace nulle (déviateurs). Il
est de dimension 5. On rappelle que le produit doublement contracté est un produit scalaire de cet espace.
6.2 Conséquences du second principe de la thermodynamique 81

Le vecteur x est donc nécessairement au moins fonction du vecteur y . On en déduit la nécessité


de l’existence des quatre fonctions f1 ∈ R, f2 ∈ R, f 3 ∈ V⊗2s
3
d
et f 4 ∈ V3 suivantes :

x1 = f1 (yy, · · · ) ⇔ ρ (T ∂T fs − ∂T fe ) = f1 (Ṫ , trD


D, devDD, gradE T, · · · ) (6.3)
 trσ
σ 
x2 = f2 (yy, · · · ) ⇔ −ρ 2 T ∂ρ fs − ∂ρ fe − 2 = f2 (Ṫ , trD D, gradE T, · · · )
D, devD (6.4)

x 3 = f 3 (yy, · · · ) ⇔ devσ D, devD
σ = f 3 (Ṫ , trD D, gradE T, · · · ) (6.5)
q
x 4 = f 4 (yy, · · · ) ⇔ − = f 4 (Ṫ , trD D, devDD, gradE T, · · · ) (6.6)
T
où les arguments supplémentaires (· · · ) peuvent être toutes variables autres que les « compo-
santes » du vecteur y (par exemple les variables d’état T ou ρ).
L’inégalité du second principe de la thermodynamique (6.2) [p. 80] s’écrit donc :

D + f 4 · gradE T > 0,
D + f 3 : devD
f1 Ṫ + f2 trD ∀ Ṫ ∀ trD
D ∀ devD
D ∀ gradE T (6.7)

Il reste à choisir les quatre fonctions f1 , f2 , f 3 et f 4 (lois de comportement) dont l’existence


est nécessaire, telles que l’inégalité (6.7) soit respectée ∀ Ṫ , ∀ trDD, ∀ devD
D et ∀ gradE T . Les
quatre sous-sections qui suivent exposent les conséquences de l’existence des quatre fonctions
introduites en (6.3), (6.4), (6.5) et (6.6).

6.2.1 Relation de Helmholtz


Dans l’équation (6.3), le terme de gauche ρ (T ∂T fs − ∂T fe ) est une fonction d’état, c’est-à-dire
fonction des seules variables d’état. On en déduit que la fonction f1 est nécessairement aussi
une fonction d’état donc d’arguments T et ρ. Elle n’est donc pas fonction de ses quatre premiers
arguments. L’équation (6.3) [p. 81] ne peut être que de la forme :

ρ (T ∂T fs − ∂T fe ) = f1 (T, ρ)

Dans l’inégalité (6.7), vraie ∀ Ṫ , la fonction d’état f1 ne pouvant être fonction de Ṫ , elle est
nécessairement nulle. On en déduit le théorème suivant :
 Théorème 6.2 – Relation de Helmholtz. Dans un fluide simple, les fonctions d’état énergie
interne massique et entropie massique sont liées par l’équation différentielle (2) :

T ∂T fs − ∂T fe = 0 (6.8)

Pour définir le comportement thermodynamique d’un fluide simple, il suffit donc de donner une
seule fonction d’état : fe ou fs ; l’autre se déduit de la relation (différentielle) de Helmholtz.

Autre expression de la relation de Helmholtz – Si on utilise le couple de fonctions d’état (ψ m , sm )


à la place du couple (em , sm ) où ψ m = em − T sm , en dérivant par rapport à T il vient :

∂T fe = ∂T fψ + fs + T ∂T fs

La relation de Helmholtz (6.8) s’écrit alors :

fs = −∂T fψ (6.9)
(2)Cette relation est parfois appelée « postulat » de Helmholtz. En fait il est inutile de la postuler : elle est une
conséquence du second principe de la thermodynamique.
82 Chapitre 6. Le modèle fluide simple

6.2.2 Loi de comportement mécanique

Les deux équations (6.4) et (6.5) [p. 81] prouvent la nécessité de l’existence de deux lois de
comportement mécanique reliant le tenseur des contraintes aux autres grandeurs :
trσ
σ  
= ρ 2 T ∂ρ fs − ∂ρ fe + f2 (Ṫ , trD D, gradE T, · · · )
D, devD (6.10)
3 | {z }
−p
σ = f 3 (Ṫ , trD
devσ D, gradE T, · · · )
D, devD (6.11)

L’équation (6.10) définit la partie shérique du tenseur des contraintes de Cauchy, et l’équation
(6.11) définit sa partie de trace nulle (déviatorique).
 Définition 6.3 – Pression thermodynamique. On appelle pression thermodynamique d’un
fluide simple la fonction d’état définie par :

p = −ρ 2 (T ∂ρ fs − ∂ρ fe ) = ρ 2 ∂ρ fψ [éq. (6.10)] (6.12)

 Définition 6.4 – Pression mécanique. On appelle pression mécanique l’opposé du tiers de la


trace du tenseur des contraintes. Pour un fluide simple, elle vaut :
trσ
σ
pm = − = p − f2
3
 Théorème 6.5 – Comportement mécanique d’un fluide simple. La loi de comportement
mécanique d’un fluide simple est de la forme :

σ = sphσ
σ + devσ G + f 3 = −pm G + f 3
σ = (−p + f2 )G

où p est la pression thermodynamique [déf. 6.3] et pm la pression mécanique [déf. 6.4].

Démonstration – La décomposition en partie sphérique et déviatorique étant unique, on peut ras-


sembler les deux lois (6.10) et (6.11) en une seule loi tensorielle.

D, gradE T, · · · ) et f 3 (Ṫ , trD


D, devD
Il reste à choisir les fonctions f2 (Ṫ , trD D, gradE T, · · · )
D, devD
de telle façon que l’inégalité du second principe soit respectée. Quelques choix possibles sont
présentés plus loin en section 6.3 [p. 83].

6.2.3 Loi de comportement thermique

La dernière équation (6.6) [p. 81] affirme la nécessité d’existence d’une loi de comportement
thermique, encore appelée loi de conduction thermique :

q = −T f 4 (Ṫ , trD D, gradE T, · · · )


D, devD

D, gradE T, · · · ) de telle façon que l’inégalité du se-


D, devD
Il reste à choisir la fonction f 4 (Ṫ , trD
cond principe soit respectée. Des choix possibles sont présentés plus loin en section 6.3 [p. 83].

Remarque – La nécessité de l’existence d’une loi de conduction thermique a déjà été déduite de la
condition Φth > 0 imposée par le second principe de la thermodynamique [section 5.7 p. 76].
6.3 Fluides simples newtoniens 83

6.2.4 Synthèse
Compte-tenu de la relation de Helmholtz [éq. (6.8) p. 81], l’inégalité du second principe de la
thermodynamique pour les fluides simples se réduit à :

D + f 4 · gradE T > 0,
D + f 3 : devD
Φ = f2 trD ∀ trD
D ∀ devD
D ∀ gradE T (6.13)
| {z } | {z }
Φint Φth >0

Hormis leur existence, le second principe ne nous apprend rien sur les fonctions f2 , f 3 et f 4 qui
précisent la loi de comportement mécanique et la loi de comportement thermique (3) . Il faut les
choisir telles que l’inégalité (6.13) soit respectée dans toute évolution de particule.

6.3 Fluides simples newtoniens


Pour continuer la modélisation d’un fluide simple, il faut choisir les trois fonctions dissipatives
f2 , f 3 et f 4 de telle manière que le second principe de la thermodynamique pour les fluides
simples (6.13) [p. 83] soit satisfait en toutes situations, c’est-à-dire ∀ Ṫ ∀D
D ∀ gradE T .
 Hypothèse 6.6 – On choisit les fonctions dissipatives f2 , f 3 et f 4 suivantes :
D avec k(T, ρ) > 0
1. f2 = k(T, ρ) trD
Le coefficient k(T, ρ) > 0 est appelé viscosité de volume.
2. f 3 = 2 µ(T, ρ) devDD avec µ(T, ρ) > 0
Le coefficient µ(T, ρ) > 0 est appelé viscosité isovolume ou viscosité de cisaillement (4) ou
encore « viscosité dynamique » (5) .
3. f 4 = α(T,ρ)
T gradE T avec α(T, ρ) > 0
Avec ce choix, on retrouve la loi de Fourier linéaire isotrope [éq. (5.19) p. 76]. Le coefficient
α(T, ρ) est appelé coefficient de conductibilité thermique.

Comme on peut le constater, ces choix simples ne sont pas nécessaires mais ils sont suffisants
pour que l’inégalité du second principe de la thermodynamique soit respectée en toutes situa-
tions. En effet, avec ces choix, la dissipation (6.13) est la somme de trois termes non négatifs
séparément :

Dk2 + α(T, ρ) T −1 k grad T k2 > 0


D)2 + 2 µ(T, ρ) k devD
Φ = k(T, ρ) (trD
| {z } | {z }
Φint Φth

Remarque – Bien souvent, les fonctions non négatives k, µ et α sont choisies constantes, c’est-à-dire
indépendantes de l’état actuel, ou bien seulement fonctions de la température.
 Définition 6.7 – Fluide newtonien. On appelle fluide newtonien un fluide simple dont la loi
de comportement mécanique [th. 6.5 p. 82] est :
 2µ  
σ = (−p + k trD D = − p+ k−
D) G + 2 µ devD D G +2µD
trD (6.14)
| {z } 3
−pm

(3) Ces deux lois de comportement ne sont pas de simples lois de fermeture pour que « le nombre d’équations soit

égal au nombre d’inconnues », le second principe de la thermodynamique prouve la nécessité de leur existence.
(4) Un mouvement de cisaillement est un mouvement isovolume particulier.
(5) Cette dénomination curieuse est très populaire. Le rapport µ/ρ est appelé « viscosité cinématique ».
84 Chapitre 6. Le modèle fluide simple

où la pression thermodynamique p = −ρ 2 (T ∂ρ fs − ∂ρ fe ) est une fonction d’état caractéristique


du fluide étudié.

Remarque – Dans un fluide newtonien, la pression mécanique pm = − trσ σ


D
3 = p + k trD et la pression
thermodynamique p ne sont égales que si la viscosité de volume k est nulle (fluides appelés fluides
de Stokes) ou dans des mouvements particuliers tels que le taux de dilatation volumique est nul (6)
D = 0).
(dv = trD

La loi de comportement thermique généralement choisie pour les fluides newtoniens est celle de
Fourier : q = −α gradE T .
Les choix faits précédemment pour les fonctions f2 , f 3 et f 4 sont les plus simples que l’on puisse
faire pour assurer le respect du second principe de la thermodynamique. Le lecteur vérifiera
aisément avec les formules de changement d’observateur des deux tenseurs objectifs D et σ
[éq.(3.47) p. 46], que la loi de comportement mécanique des fluides newtoniens est bien une loi
universelle, c’est-à-dire : σe = (−p + k tr D G + 2 µ dev D
e )G e.

Remarque – On peut construire des lois de comportement non linéaires de fluides simples si les
fonctions scalaires non négatives k, µ et α ont une liste d’arguments plus complète, comprenant
notamment le tenseur des taux de déformation D . Les fonctions scalaires k, µ et α doivent être des
fonctions isotropes de leurs arguments tensoriels pour assurer l’universalité de la loi de comportement
mécanique. Ces fluides sont dits rhéofluidifiants ou bien rhéoépaississants.

Pour compléter la modélisation du fluide simple, il faut préciser l’expression de l’une des
fonctions d’état introduites (p, fe , fs ou fψ ) en fonction des variables d’état T et ρ. Les autres
fonctions d’état sont déterminées par leur définition et par la relation de Helmholtz. Les sections
qui suivent donnent quelques exemples de fluides simples.

6.4 Gaz parfaits


Les gaz parfaits sont traditionnellement définis en donnant l’expression de la fonction d’état
pression thermodynamique p(T, ρ) en fonction des variables d’état T et ρ. Cette expression est
appelée loi de Mariotte (7) :

p = rρ T

où r est une constante caractéristique du gaz parfait. La définition de la pression thermodyna-


mique p [éq. (6.12) p.82] et la relation de Helmholtz [éq. (6.8) p. 81] conduisent au système
différentiel suivant, qui permet de déterminer les deux fonctions d’état fe et fs :
 
−ρ 2 T ∂ρ fs − ∂ρ fe = r ρ T ; T ∂T fs − ∂T fe = 0

La solution générale de ce système différentiel est :


Z T
fs = −r ln ρ + f1 (T ) ; fe = T f10 (T ) dT +C
T0

(6) C’est notamment le cas en statique des fluides : v (P,t) = 0 ∀ P ∀t ⇒ D = 0 ; ou si le fluide est supposé

parfaitement incompressible : ρ̇ = 0 ⇒ trD D = −ρ̇/ρ = 0 [th. 2.2 p. 20].


(7) Cette loi macroscopique peut aussi bien être considérée comme d’origine expérimentale ou comme suggérée par

un modèle issu de la physique statistique.


6.5 Liquides idéaux 85

Remarque – Noter que l’on retrouve ici un résultat classique, parfois postulé : l’énergie interne
massique d’un gaz parfait n’est fonction que de la température.

Les inconnues f1 (T ) et C peuvent être déterminées par des mesures expérimentales, par exemple
la mesure de la capacité calorifique Cv (T ) à ρ constant (ρ̇ = 0), habituellement appelée à volume
constant. Elle s’écrit [éq. (5.22) p. 77] :
Z T
ρ̇ Cv (T )
Cv (T ) = T ∂T fs + T ∂ρ fs = T f10 (T ) ⇒ f1 (T ) = dT +C0
Ṫ T0 T
Finalement, les deux fonctions d’état fe et fs d’un gaz parfait sont :
Z T Z T
ρ Cv (T ) 0
fs = −r ln + dT +C ; fe = Cv (T ) dT +C
ρ0 T0 T T0

L’énergie interne massique et l’entropie massique d’un gaz parfait sont chacune définies à une
constante près, ce qui est sans importance car seules leurs dérivées interviennent dans les lois de
comportement et dans la dissipation. On peut toujours choisir un état de référence (T0 , ρ0 ) dans
lequel elles sont déclarées nulles ou égales à une valeur de référence sm m
0 et e0 .

Remarque – L’une quelconque de ces fonctions d’état peut être prise comme définition des gaz
parfaits, la relation de Helmholtz et la définition de la pression thermodynamique permettent de
retrouver la loi de Mariotte.

Relation de Mayer – Pour les gaz, il est possible de définir une chaleur massique à pression ther-
modynamique constante, notée C p . Pour un gaz parfait :

p = rρ T ⇒ ṗ = r T ρ̇ + r ρ Ṫ

Dans une évolution à pression thermodynamique constante, on a donc :


ρ̇ ρ
ṗ = 0 ⇒ =−
Ṫ T
À pression thermodynamique constante, la capacité calorifique [éq. (5.22) p. 77] s’écrit :
ρ̇ r ρ
C p = T ∂T f s + ∂ρ f s = Cv + T = Cv + r
Ṫ ρ T
Cette relation est connue sous le nom de relation de Mayer pour les gaz parfaits.

En conclusion, les gaz parfaits sont les fluides simples tels que la pression thermodynamique
satisfait à la loi de Mariotte. Ils sont complètement caractérisés par la mesure de la constante r, la
mesure d’une capacité calorifique (Cp (T ) ou Cv (T )) et la donnée des trois fonctions de dissipation
f2 , f 3 et f 4 (pour les gaz parfaits newtoniens, ce sont la viscosité de volume k, la viscosité de
cisaillement µ et la conductivité thermique α). Il est possible de construire un modèle de gaz
plus proche des gaz réels en suivant la même démarche, mais en remplaçant la loi de Mariotte
par celle de Van der Waals.

6.5 Liquides idéaux


Les liquides idéaux sont des fluides simples parfaitement incompressibles (ρ̇ = 0 ⇒ ρ = ρ0 ). La
variable d’état ρ est donc une constante. On peut construire un modèle de liquide idéal (visqueux
86 Chapitre 6. Le modèle fluide simple

ou non) en posant que la pression thermodynamique de ce fluide est indépendante des variables
d’état T et ρ :

p(T, ρ) = p (6.15)

Remarque – Un tel liquide est à la fois incompressible (∂ρ p = 0) et indilatable (∂T p = 0, pas de va-
riation de pression dans une évolution de température à volume constant). On verra plus loin [remarque
6.1 p. 88] qu’un fluide simple à la fois incompressible et dilatable serait thermodynamiquement
inadmissible.

La définition de la pression thermodynamique p [éq. (6.12) p. 82] et la relation de Helmholtz


[éq. (6.8) p. 81] conduisent au système différentiel :
 
−ρ 2 T ∂ρ fs − ∂ρ fe = p ; T ∂T fs − ∂T fe = 0

dont la solution générale est :


Z T 0
g (T ) p
fs = dT +C1 ; fe = − + g(T )
T0 T ρ0
La fonction g(T ) peut se déterminer par une mesure de capacité calorifique (nécessairement à
volume constant car ρ̇ = 0) :
Z T
d fs
Cv (T ) = T = g0 (T ) [éq. (5.22) p. 77] ⇒ g(T ) = Cv (T ) dT
dT T0

On obtient les deux fonctions d’état fe et fs du liquide idéal :


Z T Z T
Cv (T ) p
fs = dT +C1 ; fe = − + Cv (T ) dT +C2
T0 T ρ0 T0

Remarques – Dans un liquide idéal, la fonction d’état pression thermodynamique p en une particule
n’est pas fonction des variables d’état par définition [éq. (6.15) p. 86]. Néanmoins, dans un milieu
continu, la pression est fonction de la particule et du temps : p(P,t) est un champ matériel.

La conservation de la masse [th. 2.2 p. 20] pour un liquide idéal s’écrit :

D = divE v = 0
dv = trD

La loi de comportement mécanique d’un liquide idéal newtonien se réduit donc à :

σ (P,t) = −p(P,t)G
G + 2 µ(T ) devD
D(P,t) [éq. (6.14) p. 83]

On laisse le soin au lecteur de vérifier, avec un peu de calcul tensoriel, que l’équation de
mouvement (3.28) [p. 36] d’un liquide idéal newtonien devient :

ρ0 γ = ρ0 f m − gradE p + µ(T ) ∆E v + 2 devDD · gradE µ(T (P,t))


m 0
ρ0 v̇v = ρ0 f − gradE p + µ(T ) ∆E v + 2 µ (T ) dev sym gradE v · gradE T

De même, si on choisit la loi de Fourier (5.19) [p. 76] comme loi de comportement thermique,
on laisse le soin au lecteur d’établir que l’équation de la chaleur (4.10) [p. 62] devient :
Z T
− ṗ + Cv0 (T ) Ṫ dT = 2 µ(T ) dev sym gradE v : dev sym gradE v + rext
v
+ α ∆E T
T0
6.6 Fluides simples compressibles et dilatables 87

Remarques – Comme on peut le constater, l’équation de conservation de la masse, l’équation de la


mécanique et l’équation de conservation de l’énergie sont des équations différentielles couplées dont
les inconnues sont les champs de pression, de vitesse et de température. Dans les cours élémentaires
de mécanique des fluides incompressibles, pour espérer obtenir des solutions analytiques, on simplifie
les équations en supposant que la viscosité, la capacité calorifique à volume constant et la conductivité
thermique ne dépendent pas de la température : µ 0 (T ) = 0, Cv0 (T ) = 0, α = α0 et qu’il n’y a pas de
v = 0. Dans ce cas, pour un liquide idéal il reste :
source de chaleur par rayonnement : rext

divE v = 0 (conservation de la masse)


ρ0 v̇v = ρ0 f m − gradE p + µ0 ∆E v (principe fondamental de la mécanique)
− ṗ = 2 µ0 dev sym gradE v : dev sym gradE v + α0 ∆E T (conservation de l’énergie)

Comme on peut le constater, ces hypothèses sont insuffisantes pour découpler l’équation de conser-
vation de l’énergie. On arrive néanmoins à trouver quelques solutions analytiques stationnaires (8)
particulières (9) des deux premières équations dont les champs inconnus sont la pression p(P,t) et
la vitesse v (P,t). On ne résout pratiquement jamais la troisième équation qui donnerait le champ de
températures.
Le but de ces remarques n’est pas de dénigrer les quelques solutions analytiques stationnaires qui
sont présentées dans les cours de mécanique des fluides incompressibles (ces solutions sont d’un
indéniable intérêt pédagogique), mais seulement de souligner leur coût en hypothèses simplificatrices,
coût qui n’est pas toujours mis suffisamment en évidence pour susciter la circonspection idoine.

6.6 Fluides simples compressibles et dilatables


À titre d’illustration, on se propose de construire un modèle de fluide simple (les variables d’état
indépendantes sont uniquement T et ρ) compressible et dilatable assez général.

6.6.1 Compressibilité et dilatabilité


On cherche à construire un fluide simple tel que :

dv = −χT (T, ρ) ṗ + α p (T, ρ) Ṫ (6.16)

– dv est le taux de dilatation volumique (trDD) ;


– p est la pression thermodynamique ;
– χT > 0 est la compressibilité à température constante (10) (unité : Pa−1 ) ;
– α p est la dilatabilité à pression thermodynamique constante (unité : K−1 ).
Dans un tel fluide, le taux de dilatation volumique dv dépend de la variation de pression (com-
pressibilité) et de la variation de température (dilatabilité).

Remarque – Les notions de compressibilité isotherme χT et de dilatabilité isobare α p sont cou-


ramment employées dans les cours de thermodynamique. Avec l’écriture différentielle familière aux
thermodynamiciens, l’équation (6.16) s’écrit :

dv
= −χT dp + α p dT où v = ρ −1 est le volume massique.
v
(8) C’est-à-dire ∂tΨ E (xxt ,t) = 0 . On a donc v̇v = gradE v ·vvE et ṗ = gradE p ·vvE .
(9) On cherche des écoulements particuliers dans lesquels gradE v ·vvE = 0 , ce qui linéarise l’équation de mouvement.
(10) On rappelle qu’il faut en général des échanges thermiques avec l’extérieur pour maintenir la température constante

pendant une compression ou une détente isothermes.


88 Chapitre 6. Le modèle fluide simple

Commentaire – On vérifie aisément que pour χT = T −1 et α p = p−1 , l’équation (6.16) est la dérivée
particulaire de la loi de Mariotte ; de même, pour χT = 0 et α p = 0 (le fluide est incompressible et
indilatable), l’équation (6.16) est la dérivée particulaire de la définition du liquide idéal : dv = 0 ⇔
ρ̇ = 0 [éq. (2.4) p. 20].
Toutefois, l’équation (6.16) n’est pas une définition d’une fonction d’état d’un fluide simple : elle ne
régit que la dérivée particulaire de la fonction d’état pression thermodynamique p [déf. 6.3 p. 82] du
fluide simple, ce qui ne définit pas la pression thermodynamique elle-même :
1  1 ρ̇ 
ṗ(T, ρ) = − dv − α p (T, ρ) Ṫ = + α p (T, ρ) Ṫ [éq. (2.4) p. 20]
χT (T, ρ) χT (T, ρ) ρ

Il n’est pas certain qu’il existe une fonction d’état p(T, ρ) dont la dérivée particulaire satisfasse cette
équation (11) . D’une manière générale, il est imprudent de tenter de définir un comportement de milieu
continu seulement par la dérivée particulaire d’une fonction d’état.

Remarques – La connaissance de la pression thermodynamique n’est pas suffisante pour connaître


le tenseur des contraintes σ [éq. (6.14) p. 83] d’un fluide newtonien : il faut préciser en plus la
viscosité de volume k(T, ρ) et la viscosité isovolume µ(T, ρ). Dans leurs développements, les
thermodynamiciens ont parfois tendance à affirmer que l’on ne peut fournir du travail à un domaine
que par l’intermédiaire de forces de pression (« dW = p dv », contraintes uniquement normales aux
frontières, tenseur des contraintes sphérique) ; en outre la pression mécanique [déf. 6.4 p. 82] est le
plus souvent confondue avec la pression thermodynamique (pas de viscosité de volume). Lorsque les
thermodynamiciens veulent tenir compte de la viscosité isovolume, ce travail est appelé « travail de
transvasement ».

La conservation de la masse [éq. (2.7) p. 21] et la définition de la pression thermodynamique


[éq. (6.12) p.82] s’écrivent :
ρ̇
dv = − ; p = −ρ 2 (T ∂ρ fs − ∂ρ fe ) = ρ 2 ∂ρ fψ
ρ
où pour abréger les écritures on a introduit dans la seconde égalité l’énergie libre massique de
Helmholtz ψ m = em − T sm . L’équation (6.16) [p. 87] s’écrit donc :
ρ̇
− = −χT (ρ 2 ∂ρ fψ )˙+ α p Ṫ
ρ
= −χT (2 ρ ρ̇ ∂ρ fψ + ρ 2 ∂ρρ fψ ρ̇ + ρ 2 ∂ρT fψ Ṫ ) + α p Ṫ
1   
0 = ρ̇ − χT (2 ρ ∂ρ fψ + ρ 2 ∂ρρ fψ ) + Ṫ − χT ρ 2 ∂ρT fψ + α p
ρ

Cette loi devant être vraie pour toute vitesse d’évolution à partir de tout état, c’est-à-dire ∀ Ṫ et
∀ ρ̇, et les termes entre parenthèses étant des fonctions d’état (c’est-à-dire seulement fonction de
T et de ρ), on en déduit les deux équations différentielles :
1
0= − χT (2 ρ ∂ρ fψ + ρ 2 ∂ρρ fψ ) ; 0 = −χT ρ 2 ∂ρT fψ + α p
ρ

Remarque 6.1 – La seconde équation ci-dessus montre que si un fluide est incompressible (χT = 0)
alors il est nécessairement indilatable (α p = 0). Un fluide supposé incompressible et dilatable serait
thermodynamiquement inadmissible car la fonction d’état ψ m , et donc toutes les autres, n’existent pas.
(11)Si la fonction d’état pression thermodynamique p n’existe pas, les autres fonctions d’état fe et fs qui s’en
déduisent n’existent pas non plus. Dans la remarque 6.1 [p. 88], on donne un cas où les fonctions d’état n’existent pas.
6.6 Fluides simples compressibles et dilatables 89

L’énergie libre massique de Helmholtz est donc solution des deux équations différentielles :

1 αp
2 ∂ρ fψ + ρ ∂ρρ fψ = ; ∂ρT fψ = (6.17)
ρ2 χ T ρ 2 χT

où les deux fonctions χT (T, ρ) et α p (T, ρ) peuvent être identifiées par des mesures expé-
rimentales de compression à température constante et de dilatation volumique à pression
constante.

Remarque – En dérivant par rapport à T la première équation (6.17) et en tenant compte la seconde
équation (6.17), on en déduit une équation différentielle que doit satisfaire la fonction d’état fψ :

2 αp 1 ∂T χT 1 ∂ χ
T T

+ ρ ∂ρρT fψ = − 2 ⇔ ∂ρρT fψ = − + 2 αp (6.18)
ρ 2 χT ρ χT2 ρ 3 χT χT

dont la solution doit satisfaire les deux conditions (6.17).

6.6.2 Fluide simple à compressibilité et dilatabilité constantes


 Hypothèse 6.8 – Afin d’obtenir un modèle simple et facile à identifier, on suppose que la
compressibilité à température constante χT et la dilatation thermique à pression constante α p
sont des constantes : χT (T, ρ) = χ0 et α p (T, ρ) = α0 , sous réserve que sous ces hypothèses une
fonction fψ existe.

Remarque – Dans les liquides et les gaz, la compressibilité à température constante χT est toujours
non négative (le volume diminue toujours avec la pression). En revanche, la dilatation thermique à
pression constante α p n’est pas toujours positive. Par exemple, on sait que pour l’eau à la pression
atmosphérique et à des températures entre 273,15 K et 277,15 K, le coefficient de dilatation à pression
constante est négatif, nul à 277,15 K, puis positif pour des températures supérieures. On ne peut donc
pas modéliser le comportement de l’eau avec l’approximation α p = α0 , sauf loin de cette anomalie.

Sous les hypothèses 6.8, la solution générale du système d’équations différentielles (6.17) de
fonction inconnue fψ est :

1 C
fψ = − (ln ρ + α0 T + 1) − + g(T ) (6.19)
ρ χ0 ρ

La pression thermodynamique [éq. (6.12) p. 82] est alors :

1
p= (ln ρ + α0 T ) +C
χ0

Pour un état de référence ρ = ρ0 et T = T0 , on pose p = p0 . La constante C est alors :

1
C = p0 − (ln ρ0 + α0 T0 )
χ0

Finalement, la fonction d’état pression thermodynamique est :

1 ρ 
p= ln + α0 (T − T0 ) + p0
χ0 ρ0
90 Chapitre 6. Le modèle fluide simple

Distinction liquide/gaz – La distinction entre liquide et gaz est souvent exprimée en disant qu’« un
gaz occupe tout le volume dont il dispose », contrairement aux liquides. Cette définition est inexploi-
table mathématiquement. L’auteur propose de faire la distinction, pour les modèles de comportement,
en observant la limite de la masse volumique quand la pression tend vers 0 : pour les gaz, la masse
volumique tend vers 0 (le vide) (12) et pour les liquides elle tend vers une limite finie non nulle. Cette
distinction est évidemment théorique car chacun sait qu’en dessous de la pression de vapeur saturante
tout liquide se vaporise et le modèle du milieu continu change (notamment ses coefficients χT , α p et
Cv ) ; le comportement de la vapeur n’est plus représenté par les mêmes fonctions d’état. La validité
de tout modèle de liquide est donc limitée par p > psat (T ). Néanmoins, l’étude de cette limite en
supposant qu’il n’y a pas vaporisation est instructive.
Dans le cas du modèle simple qui a été développé ici (χT (T, ρ) = χ0 et α p (T, ρ) = α0 ), lorsque la
pression thermodynamique est nulle (p = 0), il vient :

ρ(p=0) = ρ0 e−α0 (T −T0 )−χ0 p0 où p0 est la pression à un état de référence (T0 , ρ0 ).

La valeur ρ(p=0) n’est jamais nulle quelle que soit la température 0 < T < ∞. Du point de vue du
critère proposé dans cette remarque, le modèle construit ici est donc un modèle de liquide.

L’énergie libre massique de Helmholtz est donc [éq. (6.19) p. 89] :

1  ρ  p
0
fψ = − 1 + ln + α0 (T − T0 ) − + g(T )
ρ χ0 ρ0 ρ

L’entropie massique se déduit de la relation de Helmholtz [éq. (6.9) p. 81] :


α0
fs = −∂T fψ = − g0 (T )
ρ χ0

L’énergie interne massique se déduit de la définition de l’énergie libre de Helmholtz :

1 ρ p0
fe = fψ + T fs = − (1 + ln − α0 T0 ) − + g(T ) − T g0 (T )
ρ χ0 ρ0 ρ

La fonction g(T ) se détermine avec une mesure de la capacité calorifique [éq. (5.22) p. 77] Cv (T )
à volume constant (ρ̇ = 0) :
Z T Z T
Cv (T ) 
Cv (T ) = T ∂T fs = −T g00 (T ) ⇒ g(T ) = − dT dT +C1 T +C2
T0 T0 T

Remarque – On constate que dans ce modèle simplifié (χT (T, ρ) = χ0 et α p (T, ρ) = α0 ), la capacité
calorifique à volume constant Cv n’est fonction que de la température. Si l’expérience le contredit, il
faut remettre en question les hypothèses 6.8 [p. 89].
 Hypothèse 6.9 – Pour simplifier encore le modèle, on suppose de plus que la capacité calorifique
à volume constant est indépendante de la température :

Cv (T ) = Cv0

Sous cette hypothèse, la fonction g(T ) est solution de l’équation différentielle :

g0 = −Cv0 ln T +C1 dont la solution est : g = −Cv0 (T ln T − T ) +C1 T +C2


(12) Les gaz parfaits satisfont à cette condition.
6.7 En bref ... 91

Finalement, sous les hypothèses χT = χ0 , α p = α0 et Cv = Cv0 , et en posant fs (T0 , ρ0 ) = s0 et


fe (T0 , ρ0 ) = e0 pour déterminer les constantes C1 et C2 , les fonctions d’état de ce modèle de
liquide compressible dilatable sont :

α0  ρ0  T
fs = − 1 +Cv0 ln + s0
ρ0 χ0 ρ T0
1 ρ  ρ0   p0 1 T0 α0 
fe = − ln + 1 − + − +Cv0 (T − T0 ) + e0
ρ χ0 ρ0 ρ ρ0 ρ0 χ0 ρ0 χ0
1 ρ α0
p= ln + (T − T0 ) + p0
χ0 ρ0 χ0
1 ρ  ρ0   p0 1 α0 (T − T0 )   T
fψ = − ln + 1 − + + +Cv0 T − T0 − T ln + e0 − T s 0
ρ χ0 ρ0 ρ ρ0 ρ0 χ0 ρ0 χ0 T0

Ce modèle est complètement identifié par les mesures de χ0 , α0 et Cv0 .

Relation de Mayer pour ce modèle – Dans une évolution à pression constante, le comportement
choisi [éq. (6.16) p. 87] implique :

ρ̇ ρ̇
− = α0 Ṫ ⇒ = −ρ α0
ρ Ṫ

La capacité calorifique à pression constante [(5.22) p. 77] est donc :

ρ̇ ρ̇ α2 T α02 T
C p = T ∂T f s + T ∂ρ f s = Cv + T ∂ρ fs = Cv + 0 ⇒ C p −Cv =
Ṫ Ṫ χ0 ρ χ0 ρ

On peut appeler cette équation « relation de Mayer » pour ce modèle de liquide compressible dilatable.

Remarque – La capacité calorifique à pression constante C p est plus aisée à mesurer expérimenta-
lement que Cv . Sous les hypothèses de ce modèle (notamment Cv (T ) = Cv0 ), la capacité calorifique
à pression constante C p est nécessairement une fonction de la température actuelle et de la masse
volumique actuelle. Si l’expérience le contredit, il faut revoir les hypothèses simplificatrices 6.8 [p. 89]
en donnant des lois χT (T, ρ) et α p (T, ρ) plus réalistes suggérées par des mesures, puis reprendre
l’intégration du système différentiel (6.17) [p. 89].

6.7 En bref ...


Les fluides simples sont les fluides dont les deux variables d’état indépendantes sont la tem-
pérature absolue T (imposée par le second principe de la thermodynamique) et la masse volu-
mique ρ.
Le second principe de la thermodynamique appliqué aux fluides simples implique la relation
de Helmholtz qui est une relation entre les deux fonctions d’état énergie interne massique em et
l’entropie massique sm dont l’existence est postulée par les deux principes de la thermodynamique.
Les fluides simples sont donc thermodynamiquement déterminés par un seule fonction d’état (ou
toute combinaison de ces deux fonctions d’état et de variables d’état, telles que l’énergie libre
de Helmholtz ou la pression thermodynamique). Le second principe de la thermodynamique
implique aussi la nécessité d’existence d’une loi de comportement mécanique et d’une loi de
comportement thermique. Pour définir complètement le comportement mécanique du modèle, il
faut choisir les fonctions dissipatives et l’une des fonction d’état.
92 Chapitre 6. Le modèle fluide simple

Les fluides newtoniens sont des fluides simples dont la loi de comportement mécanique est :
 2µ  
D)G
σ = (−p + k trD D = − p+ k−
G + 2 µ devD D G +2µD
trD
3

– p = −ρ 2 (T ∂ρ fs − ∂ρ fe ) est une fonction d’état caractéristique du fluide simple appelée la
pression thermodynamique ;
– k(T, ρ) est la viscosité de volume, souvent considérée comme une constante ou seulement
fonction de la température ou même parfois nulle (fluides de Stokes) ;
– µ(T, ρ) est la viscosité isovolume ou viscosité de cisaillement ou viscosité dynamique, souvent
considérée comme une constante ou seulement fonction de la température ou même parfois
nulle (fluides non viqueux) ;
– D est le tenseur des taux de déformation défini en cinématique.
La loi de comportement thermique (loi de conduction thermique) choisie pour les fluides
newtoniens est généralement la loi de Fourier.
On a construit quelques modèles de fluides simples thermodynamiquement admissibles en
proposant des fonctions d’état mathématiquement simples et physiquement motivées.
7

Synthèse

Dans les chapitres de ce cours, on a exprimé les conséquences des quatre principes fondamen-
taux de la physique classique sur les milieux continus monoconstituants et non polarisés (pas
d’orientation attachée aux particules). Ces principes ont été exprimés sous forme globale pour
des domaines matériels ou géométriques, ainsi que sous une forme locale. Les formes locales du
principe de la conservation de la masse, du principe fondamental de la mécanique et du principe
de la conservation de l’énergie sont des équations différentielles aux dérivées partielles, qui
doivent être satisfaites en tout point et à tout instant de l’évolution de tout milieu continu.

En revanche, l’inéquation du second principe de la thermodynamique est automatiquement


satisfaite dès lors que l’on utilise un modèle de milieu continu dont les lois de comportement
mécanique et thermique sont thermodynamiquement admissibles. Cette inéquation n’apparaît
donc pas dans la résolution d’un problème de thermomécanique des milieux continus ; elle n’est
utile que lorsque l’on cherche à construire des nouveaux modèles de comportement, pour éviter
qu’ils soient thermodynamiquement absurdes.

7.1 Le problème de mécanique des milieux continus


Les équations différentielles locales des trois premiers principes sont :

ρ̇ = −ρ trD
D (conservation de la masse, équation de continuité)
divE σ + ρ f m = ρ v̇v (principe fondamental de la mécanique, équation de mouvement)
m v
ρ ė = σ : D + rext − divE q (principe de conservation de l’énergie, équation de la chaleur)

où D = sym gradE v est le tenseur des taux de déformation. Ces équations générales, valables
pour tout milieu continu, sont insuffisantes pour déterminer l’évolution d’un domaine (matériel
ou géométrique) donné, rempli d’un milieu continu donné (acier, eau, air...) et sous l’action de
sollicitations extérieures données. Il faut compléter ces équations différentielles par :
1. Un modèle de comportement du milieu continu qui modélise correctement le comportement
réel de la matière, c’est-à-dire :
(a) la liste de variables d’état objectives indépendantes (ou la liste des variables d’état
réduites) ;
(b) l’expression des fonctions d’état en fonction des variables d’état modélisant correctement
le comportement réel de la matière (énergie interne massique, capacités calorifiques,
dilatation, etc.) ;
(c) la loi de comportement mécanique : σ = f (état actuel , vitesse d’évolution) ;
(d) la loi de comportement thermique : q = f (gradE T , état actuel , vitesse d’évolution).
94 Chapitre 7. Synthèse

2. Une description des sollicitations extérieures sur le domaine étudié : ce sont les conditions
aux limites (mécaniques et thermiques), les conditions initiales (mécaniques et thermiques) et
les actions à distance (mécaniques et thermiques) qui apparaissent dans les équations locales
de la mécanique (équation de mouvement) et de l’énergie (équation de la chaleur).
– Les conditions aux limites mécaniques sont :
(a) soit des conditions cinématiques (déplacements ou vitesses imposés sur la frontière) :

u (P0 ,t) = u imp (P0 ,t) ou v (P0 ,t) = v imp (P0 ,t)

(b) soit des conditions sthéniques (contraintes imposées imposées sur la frontière) :

σ (P0 ,t) ·nnt (P0 ) = f simp (P0 ,t)

(c) soit des conditions mécaniques mixtes (relations entre contraintes et déplacements ou
vitesses imposés sur la frontière).
– Les actions mécaniques à distance sont représentées par un champ de force massique
fm v
0 (P,t) ou volumique f 0 (P,t), défini sur tout le domaine (le plus souvent, il se réduit à la
gravitation terrestre).
– Les conditions aux limites thermiques sont :
(a) soit des températures imposées sur la frontière :

T (P0 ,t) = Timp (P0 ,t)

(b) soit des puissances calorifiques surfaciques imposées sur la frontière :

q (P0 ,t) ·nnt = qsimp (P0 ,t)

(c) soit des conditions thermiques mixtes (relation entre température et puissances calori-
fiques surfaciques imposées).
– Les actions thermiques à distance sont représentées un champ de puissance calorifique
v (P,t) défini sur tout le domaine (le plus souvent, il est nul).
volumique rext
Les conditions aux limites et les actions à distance (mécaniques et thermiques) doivent
modéliser de façon aussi réaliste que possible les actions de l’extérieur sur le domaine étudié.
Elles sont essentielles pour la qualité de la solution.
3. Une description des conditions initiales, c’est-à-dire les valeurs initiales des champs à
un instant t0 . Ces conditions initiales ne sont utiles que pour la résolution des problèmes
transitoires (c’est-à-dire que l’on cherche l’évolution temporelle des champs). Lors de la
recherche de solutions stationnaires (∂t ψ E = 0 ∀ψ ψ ), on ne pose pas de conditions initiales.
L’ensemble de ces équations étant posé, la description du problème est complète. Les champs
matériels à déterminer sont : les champs des variables d’état, des fonctions d’état, des vitesses,
des positions (ou des déplacements), des contraintes, des déformations, des taux de déformation,
etc. pour toute particule (et à tout instant pour les problèmes instationnaires). On peut aussi bien
rechercher la description de Lagrange ou la description d’Euler de ces champs matériels.

Rappel – Les relations entre opérateurs différentiels lagrangiens et eulériens de champs matériels
ont été établies en cinématique. On les rappelle ici pour mémoire :

Ψ (P,t), divE Ψ = gradL Ψ : F −> et gradE Ψ = gradL Ψ ·F


∀Ψ F −1
où F = gradL xt = G + gradL u (uu : champ de déplacement)
7.2 La résolution 95

En mécanique des milieux continus (solides ou fluides), il arrive bien souvent que l’on ne
recherche qu’une solution stationnaire (si elle existe). Dans ce cas, le temps disparaît des
équations différentielles et on ne pose pas de conditions initiales. Le problème s’en trouve
quelque peu simplifié.

7.2 La résolution
La résolution analytique d’un système d’équations aussi complexe est rarement possible sauf dans
quelques problèmes académiques extrêmement simplifiés (mais pédagogiquement intéressants).
Les causes des difficultés de résolution sont :
– la complexité du système différentiel (équations couplées, le plus souvent non linéaires) ;
– la non unicité éventuelle des solutions, leur instabilité éventuelle, la présence éventuelle de
bifurcations (en nombre fini voire infini) ;
– la complexité de la forme du domaine étudié ;
– la complexité des conditions aux limites modélisant correctement les actions mécaniques et
thermiques de l’extérieur sur le domaine étudié.
Pour la plupart des problèmes industriels, le recours à une méthode de résolution numérique
est incontournable pour la résolution du problème exposé en section 7.1 [p. 93]. Ces méthodes
numériques sont précieuses mais il ne faut jamais perdre de vue que :
1. Un résultat numérique est toujours approché pour trois raisons :
(a) les calculs sont nécessairement approchés car la représentation des nombres dans les
calculateurs est nécessairement finie, donc tronquée, et les erreurs de troncature se
propagent en croissant dans les calculs successifs (1) ;
(b) la méthode numérique est par elle-même approchée car l’espace des fonctions dans
lequel on cherche une solution approchée est un sous-ensemble de l’ensemble de toutes
les fonctions définies sur le domaine étudié (2) ;
(c) la « convergence numérique » apparente de l’implémentation d’un algorithme sur une
machine n’est jamais une preuve de sa convergence mathématique. Inversement l’implé-
mentation d’un algorithme théoriquement convergent ne converge pas nécessairement
numériquement sur un calculateur en raison de l’imperfection des calculs.
2. Pour étudier l’influence d’un paramètre, on ne peut que refaire le calcul pour différentes
valeurs numériques du paramètre en supposant que cette influence est suffisamment régulière
entre deux valeurs successives pour faire des interpolations.
3. Dans les problèmes non linéaires, dans lesquels on est rarement assuré de l’unicité de la
solution ou de l’absence de bifurcations voire de solutions cahotiques, un résultat numérique
est toujours sujet à caution et doit toujours être considéré avec circonspection car on maîtrise
rarement la (les) branche(s) suivie(s) par l’algorithme en cas de solutions multiples.

Remarque – Dans les problèmes stationnaires, on peut néanmoins obtenir analytiquement des
résultats partiels intéressants en utilisant les trois premiers principes, non pas sous leur forme
locale, mais sous une forme globale (sur un domaine matériel ou géométrique précis) avec quelques
hypothèses simplificatrices sur les frontières. Par exemple, il est souvent possible d’évaluer des
valeurs intégrées sur des parties de frontière (débits, forces résultantes, moments résultants, quantités
de chaleur échangée), mais sans information sur le détail de leur répartition.
(1) On connaît pourtant bien les méthodes d’évaluation des incertitudes dues aux troncatures et à l’incertitude des

données, mais force est de constater que pratiquement aucun logiciel de calcul scientifique ne s’en préoccupe, soit en
raison du coût du calcul supplémentaire, soit par crainte de surprises désagréables.
(2) Contrairement aux erreurs de troncature, on ne sais pas évaluer quantitativement cette erreur.
96 Chapitre 7. Synthèse

7.3 Conclusion
Les applications de la mécanique des milieux continus se divisent traditionnellement en trois
diciplines : la mécanique des fluides, la mécanique des solides déformables et l’acoustique.
La distinction est justifiée par le fait que les préoccupations dans les trois spécialités sont
différentes :
En mécanique des fluides, les variables d’état des fluides simples (T, ρ) sont généralement
suffisantes. Les lois de comportement ne font pas référence à un tenseur de déformation, mais
seulement au tenseur des taux de déformation. La loi de comportement des fluides simples
newtoniens est satisfaisante pour bon nombre de fluides réels.
On cherche le mouvement inconnu dans un domaine géométrique décidé a priori. Ce mouvement
est donc décrit par la méthode d’Euler, c’est-à-dire que l’on cherche la description d’Euler des
vitesses actuelles, des masses volumiques actuelles et des températures actuelles.
Les difficultés de la mécanique des fluides résident essentiellement dans la complexité de l’équa-
tion de la mécanique des fluides newtoniens (3) , dont les solutions sont fréquemment instables
(phénomène de turbulence). Les simplifications courantes sont la recherche de solutions station-
naires, l’incompressiblité, l’isothermie et la linéarité du comportement mécanique (viscosités et
dilatabilité constantes voire nulles).
En mécanique des solides, les variables d’état des solides déformables contiennent toujours
la température et un tenseur de déformation, mais aussi souvent des directions d’anisotropie et
parfois aussi des variables d’état mnésiques qui résument l’histoire de la particule. Les modèles
de comportement des solides déformables sont donc beaucoup plus divers qu’en mécanique des
fluides (élasticité, viscoélasticité, plasticité, endommagement, fatigue, etc.).
On cherche le mouvement inconnu d’un domaine matériel (le solide déformable). Ce mouve-
ment est plus commodément décrit par la méthode de Lagrange (4) car la forme actuelle du
domaine matériel est a priori inconnue (5) . On cherche donc la description de Lagrange du
champ des positions actuelles (ou du champ des déplacements actuels) et des champs actuels des
variables d’état.
Les difficultés de la mécanique des solides résident aussi essentiellement dans la complexité
de l’équation de la mécanique, essentiellement dûe à la complexité de la loi de comportement.
Les instabilités des solutions existent aussi, mais de manière moins cruciale qu’en mécanique
des fluides. Les simplifications courantes sont la recherche de solutions en équilibre mécanique
(pas d’accélérations), l’élasticité (pas de dissipation intrinsèque), l’isothermie (pas de dissipation
thermique) et les petites déformations.
En acoustique, on étudie la propagation des sons dans les milieux matériels. Son champ
d’investigation concerne donc à la fois les fluides et les solides. Les sons étant de petites
perturbations de contraintes autour d’un état moyen, la modélisation du comportement des
fluides et des solides autour de l’état moyen est le plus souvent linéarisée.
Le souhait de l’auteur est que ce cours ainsi que celui de cinématique des milieux continus, au
delà des résulats généraux qui y sont exposés, favorise la communication entre les praticiens de
ces trois applications de la mécanique des milieux continus.
(3) L’equation de mouvement des fluides newtoniens prend le nom d’équation de Navier-Stokes.
(4) On rappelle que les deux descriptions du mouvement sont équivalentes.
(5) Contrairement aux domaines géométriques utilisés en mécanique des fluides dont la forme est connue a priori.
A

Démonstrations

A.1 Lemme fondamental pour les intégrales de volume


Soit g(M) un champ scalaire défini dans E3 et soit un domaine D ⊂ E3 . Il faut montrer que :
Z
∀D g(M) dv = 0 ⇔ ∀ M, g(M) = 0
D

R
L’implication g(M) = 0 ⇒ D g(M) dv = 0 est triviale. Il suffit donc de montrer l’implication
inverse.
On représente les points M ∈ D par un vecteur x . Pour définir des domaines D arbitraires, on
considère un domaine fixe D0 arbitraire dont les points courants sont x 0 et une application f
arbitaire mais différentiable telle que :

x = f (xx0 )

Avec une fonction f arbitraire, on génère tous les domaines D.


Par changement de variable, on ramène l’intégrale sur D à une intégrale sur D0 :
Z Z
g(xx) dv = g( f (xx0 )) K v (xx0 ) dv0
D D0

dv
où K v = dv 0
= det grad f > 0 (analogie avec la cinématique, la fonction arbitraire f étant
comparable à la description de Lagrange f d’un mouvement réel). On a donc :
Z Z
∀ D, g(M) dv = 0 ⇒ ∀ K v (xx0 ) > 0, g( f (xx0 )) K v (xx0 ) dv0 = 0
D D0

On démontre en analyse fonctionnelle que l’ensemble des fonctions définies sur D0 et de carré
intégrable sur D0 , noté L2D0 , est un espace vectoriel de Hilbert, de dimension infinie, sur lequel
on peut définir un produit scalaire :
Z
h f1 , f2 i = f1 (xx0 ) f2 (xx0 ) dv0
D0

R
L’intégrale D0 g( f (xx0 )) K v (xx0 ) dv0 est donc le produit scalaire des deux fonctions h = g ◦ f et
K v appartenant à L2D0 :
Z
g( f (xx0 )) K v (xx0 ) dv0 = hh, K v i où h = g ◦ f
D0 | {z }
h(xx0 )
98 Annexe A. Démonstrations

Si un vecteur h de L2D0 est orthogonal à tout vecteur de cet espace, alors ce vecteur est nul. La
fonction f étant arbitraire, la fonction K v = det grad f l’est aussi. On en déduit :

∀ K v > 0, hh, K v i = 0 ⇔ h=0 ⇒ g ◦ f = 0 ∀f ⇒ g=0

On généralise sans difficulté aux champs vectoriels ou tensoriels : il suffit d’appliquer le résultat
précédent aux composantes du champ dans une base. On a donc :
Z
∀ D, Ψ (M) dv = 0 ⇔ ∀ M, Ψ (M) = 0
D

A.2 Démonstration de l’« hypothèse de Cauchy »


Considérons un sous-domaine D1 inclus dans un domaine de milieu continu tel que ceux qui
sont définis dans la section 3.3 [p. 29] pour définir les contraintes [déf. 3.9 p. 29]. Soit P une
particule de sa frontière ∂ D1 , soit P le plan tangent en P à la frontière ∂ D1 et soit n la normale
extérieure en P au sous-domaine D1 .
 Hypothèse A.1 – Régularité minimale de la frontière. On suppose qu’à la particule P de la
frontière ∂ D1 , la courbure gaussienne de la frontière est finie.

Rappels de géométrie des surfaces – En tout point d’une surface, il existe deux plans normaux
(c’est-à-dire contenant le vecteur normal n ) tels que l’intersection de ces plans avec la surface sont des
courbes de courbure minimale et maximale. On note R11 > R12 ces deux courbures normales principales.
La courbure gaussienne est le produit de ces deux courbures. Quand la courbure gaussienne est positive,
la surface est localement située d’un seul côté du plan tangent (point dit elliptique) ; quand la courbure
gaussienne est négative, la surface est localement située des deux côtés du plan tangent (point dit
hyperbolique (1) ). Lorsque la courbure gaussienne est nulle, l’une ou les deux courbures principales
sont nulles.

Autrement dit, on suppose qu’en P, la frontière n’est pas « anguleuse ».


Dans ces conditions, on peut toujours enfermer localement la surface ∂ D1 entre deux pa-
raboloïdes de révolution P + et P − d’axe n et de courbure au sommet R1 > max( |R11 | , |R12 | )
[fig. A.1 p. 99] dont les équations dans un système de coordonnées cylindriques d’axe n
sont :

r2
z=± où M est un point courant, z = PM ·nn et r = kP
PM − znnk > 0
2R
On considère un cylindre C d’axe n et de rayon r. Ce cylindre détermine un domaine V de
volume V entre le plan P et la frontière ∂ D1 (en gris sur la figure A.1 [p. 99]) et un autre
domaine V 0 de volume V 0 entre les deux paraboloïdes de révolution P + et P − [fig. A.1 p. 99].
Par construction, on a toujours :

r2 π r4
Z r Z r
0 0
V >V où V = 2 2 π r z dr = 2 2π r dr =
0 0 2R 2R
(1) La surface a localement la forme d’une selle de cheval. Les dénominations elliptiques et hyperboliques proviennent
de l’allure de l’intersection de la surface avec un plan parallèle et proche du plan tangent.
A.2 Démonstration de l’« hypothèse de Cauchy » 99

P+ P+

n n
∂ D1

∂ D1 S1
S1 S1 SL
SL SL S0
S0 S0 P SL S0 P
S1
r r

P− P−

Courbure gaussienne positive de ∂ D1 Courbure gaussienne négative de ∂ D1

F IGURE A.1 – Coupes par un plan normal en P de la frontière ∂ D1 et de son plan tangent

On note c le champ de contrainte [déf. 3.9 p. 29] sur la frontière ∂ V et on applique le théorème
de la résultante dynamique [th. 3.4 p. 26] au domaine V :
Z Z Z
ρE γ E dv = f vE dv + c E ds
V
ZV Z∂ V Z Z
= f vE dv + c E ds + c E ds + c E ds (A.1)
V S0 S1 SL

où : S0 ⊂ P, S1 ⊂ ∂ D1 et SL ⊂ C [fig. A.1].
On définit les valeurs moyennes de ces intégrales :
1 1 1 1
Z Z Z
f = (ρE γ E − f vE ) dv ; c0 = c E ds ; c1 = c E ds ; cL = c E ds
V S0 S0 S1 S0 SL S0

L’équation (A.1) s’écrit alors :


π r4 2 π r3
f V = c 0 S0 +cc1 S1 +ccL SL où V < V 0 = ; S0 = πr2 ; SL < 4 π r z =
2R R
On a donc :
S1 V SL
c 0 +cc1 =f − cL ( car S0 = π r2 )
S0 S0 S0
|{z} |{z}
2
< 2r R < 2Rr

Lorsque r → 0, les facteurs positifs SV0 et SSL0 des vecteurs f et c L tendent vers 0 car ils sont
inférieurs à des quantités qui tendent vers 0, la contrainte moyenne c 0 sur S 0 tend vers la
contrainte en P c 0 (P), la contrainte moyenne c 1 sur S1 ⊂ ∂ D1 tend vers la contrainte en P c 1 (P)
et le rapport SS01 tend vers 1. On a donc :
 S  S1
1
0 = lim c 0 + lim c 1 = c 0 +cc1 lim = c 0 +cc1
r→0 r→0 S0 r→0 S0
100 Annexe A. Démonstrations

Ainsi, la contrainte c 1 en P s’exerçant sur la frontière ∂ D1 est opposée à la contrainte c 0


s’exerçant en P sur la frontière S0 du domaine V . Tous les sous-domaines D1 dont la frontière
∂ D1 contient P et qui ont le même plan tangent P ont donc la même contrainte c 1 = −cc0 .

Remarques – La démonstration précédente ne fournit pas la valeur de la contrainte c 1 .


Par ailleurs, le résultat précédent est valable quelle que soit la plus grande courbure max( |R1 | , |R1 | ) < ∞,
1 2
c’est-à-dire aussi grande que l’on veut. On pourrait conjecturer qu’il est possible de prolonger le
résultat pour une courbure gaussienne infinie (le point P est sur une arête ou un sommet de la
frontière ∂ D1 ).

A.3 Existence du champ tensoriel des contraintes de Cauchy


Considérons un sous-domaine matériel dont la position actuelle est le tétraédre T ⊂ Dtm , défini
par les particules sommets P0 , P1 , P2 et P3 , et dont les faces planes P0 P2 P3 , P0 P3 P1 et P0 P1 P2 sont
orthogonales. Les normales unitaires sont notées respectivement n 1 , n 2 et n 3 , elles forment un
trièdre orthonormé. On note n la normale unitaire à la face inclinée P1 P2 P3 (non dessinée sur la
figure).

P1
n3
n2 Pk1

P0
Pk2
Pk3 P2

P3
n1

F IGURE A.2 – Un sous-domaine matériel actuellement tétraédrique T ⊂ Dtm

On note Si les aires des faces. La géométrie de ce tétraèdre permet d’écrire :

Si
= −nn ·nni ∀ i ∈ [1, 2, 3] (A.2)
S0
Comme pour tout domaine matériel, les efforts extérieurs [section 3.2 p. 27] qui s’appliquent sur
le sous-domaine matériel tétraédrique T sont :
1. un champ de forces massiques à distance f m T (gravitation, forces d’inertie, cohésion, etc.)
agissant sur les particules du sous domaine tétraédrique,
2. un champ de contraintes sur chaque face de la frontière : c i sur la face Si .
Le théorème de la résultante dynamique [éq. (3.1.2) p. 26] appliqué au domaine matériel T s’écrit :
Z 3 Z
fm

γE − T E ρE dv = ∑ c iE ds
T i=0 Si

On définit les valeurs moyennes de chacune de ces intégrales :

1 1
Z Z
f = ρE (γγ E − f m
T E ) dv ; ci = c i E ds, ∀ i ∈ [0, 1, 2, 3]
VT T Si Si
A.3 Existence du champ tensoriel des contraintes de Cauchy 101

Le théorème de la résultante dynamique sur le domaine matériel T s’écrit donc encore :


3
f VT = c 0 S0 + ∑ c i Si
i=1

On définit maintenant d’autres sous-domaines matériels actuels Tk par homothéthie de centre P0


et de rapport k appliquée au tétraèdre T . Les tétraèdres Tk obtenus ont le même sommet P0 , les
autres étant P1k , P2k et P3k [fig. A.2 p. 100]. Dans cette homothétie, les aires sont multipliées par
k2 et les volumes par k3 . Les faces de Tk sont parallèles à celles de T et leurs normales unitaires
n i sont donc invariantes dans l’homothétie. Le théorème de la résultante dynamique appliqué aux
sous-domaines Tk s’écrit comme précédemment :
3
f k VTk = c 0k S0k + ∑ c ik Sik
i=1

où, comme précédemment,


1 1
Z Z
fk = ρE (γγ E − fm
T E) dv ; c ik = c ik E ds
VTk Tk Sik Sik

Compte tenu de l’homothéthie, VTk = k3 VT et Si k = k2 Si . Il vient :


3 3
f k k3 VT = c 0k k2 S0 + ∑ c ik k2 Si ⇒ f k kVT = c 0k S0 + ∑ c ik Si
i=1 i=1

En faisant tendre le rapport d’homothétie k vers 0, on obtient (2) :


3
0 = S0 lim c 0k + ∑ Si lim c ik
k→0 i=1 k→0

Dans cette limite, les valeurs des contraintes moyennes sur chacune des faces tendent (par
définition de la contrainte) respectivement vers les contraintes en P0 pour les directions de ces
faces dont les normales sont de direction constante :

lim cik = c(P0 ,nni ,t), ∀ i ∈ [0, 1, 2, 3]


k→0

Le passage à la limite conduit donc à :


3
0 = S0 c (P0 ,nn,t) + ∑ Si c (P0 ,nni ,t)
i=1

La contrainte en la particule P0 pour la facette de normale n est donc :


3 3
Si
c (P0 ,nn,t) = − ∑ c (P0 ,nni ,t) = ∑ c (P0 ,nni ,t) (nni ·nn) [éq. (A.2) p. 100]
i=1 S0 i=1
 3 
= ∑ c (P0 ,nni ,t) ⊗nni · n (algèbre tensorielle)
i=1
| {z }
σ (P0 ,nn1 ,nn2 ,nn3 ,t)
(2) Il est remarquable de constater que dans le passage à la limite, les intégrales de volume (les forces à distance et
les accélérations) disparaissent.
102 Annexe A. Démonstrations

Pour toute direction n , la contrainte actuelle c (P0 ,nn,t) est une fonction linéaire de n , car le
tenseur du second ordre σ (P0 ,nn1 ,nn2 ,nn3 ,t) est indépendant de n .
Cependant, le tenseur du second ordre σ est encore a priori une fonction des trois directions
unitaires n1 , n2 et n3 . Pour montrer qu’elle en est indépendante, on fait le même raisonnement avec
un autre domaine tétraèdrique T 0 , de même sommet P0 dont les normales unitaires aux faces sont
n (identique au précédent), n 01 , n 02 et n 03 (les trois autres directions orthogonales sont différentes).
Par passage à la limite, on trouve une autre expression de la contrainte actuelle c (P0 ,nn,t) :
 3 
c (P0 ,nn,t) = ∑ c (P0 ,nn0i ,t) ⊗nn0i ·n
i=1
| {z }
σ (P0 ,nn01 ,nn02 n 03 ,t)

On a donc : c (P0 ,nn,t) = σ (P0 ,nn1 ,nn2 ,nn3 ,t) · n = σ (P0 ,nn01 ,nn02 ,nn03 ,t) · n . Cette égalité étant vraie
pour toute direction n, les deux tenseurs sont égaux :

σ (P0 ,nn1 ,nn2 ,nn3 ,t) = σ (P0 ,nn01 ,nn02 ,nn03 ,t)

Cette dernière égalité est vraie pour tout ensemble de directions orthonormées {nn01 ,nn02 ,nn03 }.
L’opérateur σ n’est donc pas fonction du choix des orientations des faces (nn1 ,nn2 ,nn3 ), et on peut
écrire :

σ (P0 ,nn1 ,nn2 ,nn3 ,t) = σ (P0 ,t)

Il existe donc bien en chaque particule P0 d’un milieu continu un tenseur du second ordre σ (P0 ,t)
tel que la contrainte actuelle sur une facette matérielle de normale n est donnée par :

c(P0 ,nn,t) = σ (P0 ,t) ·nn

La démonstration précédente ne prouve que l’existence du champ matériel tensoriel du second


ordre appelé tenseur des contraintes de Cauchy sans préciser sa distribution dans l’espace ni son
évolution dans le temps.

Remarque – Contrairement à ce qui est parfois affirmé, pour prouver l’existence du champ de
tenseurs des contraintes dans un milieu continu, il n’est pas nécessaire de négliger les accélérations
et les forces de volume extérieures à distance agissant sur les tétraèdres (autogravitation, inerties,
cohésion, etc.) qui sont intérieures au domaine D contenant le tétraèdre) : elles disparaissent dans le
passage à la limite.

A.4 Existence du champ vectoriel courant de chaleur


Pour analyser la conduction de la chaleur à l’intérieur d’un milieu continu, on procède de la
même manière que pour l’analyse des efforts intérieurs.
On considère un domaine matériel D m dont la position actuelle est Dtm . La puissance calorifique
surfacique extérieure actuelle reçue à sa frontière est un champ scalaire noté qs (P,t) (W.m−2 )
défini sur la frontière ∂ Dtm . Pour étudier les échanges de chaleur à l’intérieur du domaine,
on procède comme pour la définition des efforts intérieurs à un milieu continu [section 3.3
p. 29] : on considère des sous-domaines D1 et leurs échanges thermiques avec leur extérieur
(D − D1 ) ∪ ext(D), dont une partie sont des échanges thermiques intérieurs à Dtm .
A.4 Existence du champ vectoriel courant de chaleur 103

 Théorème A.2 – Tous les sous-domaines D1 dont la frontière contient la particule P et dont la
normale extérieure nt est commune reçoivent la même puissance calorifique surfacique qs .

Démonstration – La démonstration est analogue à celle de l’hypothèse de Cauchy [section A.2 p. 98].
Soit un sous-domaine D1 et soit une particule P de sa frontière ; le plan P est le plan tangent en la
particule P et n est la normale unitaire extérieure en P à la frontière ∂ D1 . On note P + et P − deux
paraboloïdes de révolution de courbure au sommet suffisante pour encadrer localement la frontière
∂ D1 et on note C un cylindre d’axe n et de rayon r [fig. A.1 p. 99]. On applique le principe de la
conservation de l’énergie [éq. (4.8) p. 61] au domaine délimité par la frontière ∂ D1 , le plan tangent
P et le cylindre C (domaine grisé sur la figure A.1 [p. 99]). En étudiant la limite r → 0, on trouve (3)
que tous les sous-domaines dont la frontière contient la particule P et dont P est le plan tangent
reçoivent la même puissance calorifique surfacique qs .

Il existe donc une fonction fq telle que qs = fq (P,nn,t) où P est une particule et n est la normale
actuelle à une facette matérielle.
 Théorème A.3 – Existence du courant de chaleur. Dans tout milieu continu, il existe un
champ vectoriel q (P,t) tel que la puissance calorifique surfacique reçue par une facette matérielle
en une particule P et de normale actuelle nt est donnée par :

qs (P,nnt ,t) = q (P,t) ·nnt

Démonstration – Pour démontrer ce théorème, on applique le principe de la conservation de l’énergie


[éq. (4.8) p. 61] au sous-domaine matériel tétraédrique utilisé dans la démonstration d’existence du
tenseur des contraintes de Cauchy [fig. A.2 p. 100] :
Z Z Z 3 Z
ėm
E dm = σ E : D E dvt + v
rext E dvt − ∑ qsE dst
T T T i=0 Si
On définit ensuite les valeurs moyennes des intégrales suivantes :
1 1
Z Z
ρE ėm v

Iv = E −σ
σ E : D E − r ext E dvt ; I i = qsE dst
VT T Si Si
où VT est le volume du tétraèdre T et Si l’aire des faces. Le principe de la conservation de l’énergie
s’écrit alors :
3
VT I v + ∑ Si I i = 0
i=0
Ce même principe de la conservation de l’énergie appliqué à des tétraèdres Tk homothétiques de T
de centre P0 et de rapport k s’écrit :
3 3
k3 VT I vk + k2 ∑ Si I ik = 0 ⇒ kVT I vk + ∑ Si I ik = 0
i=0 i=0
où I vk et I ik sont les valeurs moyennes des intégrales de volume et de surface sur le tétraèdre Tk .
Lorsqu’on fait tendre k vers 0, les normales ni sont de direction constante et il reste :
3
S0 qs0 = − ∑ Si qsi
i=1
3 3
Si
qs0 = − ∑ qsi = ∑ qsi n i ·nn = q (P0 , n 1 , n 2 , n 3 ) ·nn [éq. (A.2) p. 100]
i=1 S0 i=1
où :
1
Z
qsi = lim I ik = lim qsi (t) dst
k→0 k→0 Sik Sk

(3) Les intégrales de volume et l’intégrale sur la surface latérale SL disparaissent dans le passage à la limite.
104 Annexe A. Démonstrations

ce qui est la définition de la puissance calorifique surfacique traversant la facette matérielle en P0 de


normale actuelle n i . On en déduit que pour toute facette matérielle de normale actuelle n , la puissance
calorifique surfacique actuelle entrant par cette facette est une fonction linéaire de la direction n :
qs0 (t) = q (P0 , n 1 , n 2 , n 3 ,t) ·nn
On termine la démonstration de la même manière que dans la section précédente : on considère les
autres tétraèdres, de même sommet P0 , de même normale n mais dont les autres normales orthogonales
sont différentes : n 01 , n 02 et n 03 . En refaisant le calcul précédent, on en déduit que :
qs0 (t) = q (P0 , n 01 , n 02 , n 03 ,t) ·nn = q (P0 , n 1 , n 2 , n 3 ,t) ·nn ∀nn01 ∀nn02 ∀nn03 orthogonales.
Le champ q ne dépend donc pas des directions n1 , n2 et n3 :
qs0 (t) = q(P0 ,t) ·nn

Cette démonstration ne prouve que l’existence du champ matériel vectoriel courant de chaleur
sans préciser sa distribution dans l’espace ni son évolution dans le temps.

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