Politique de Produit CAS LEWIS
Politique de Produit CAS LEWIS
Politique de Produit CAS LEWIS
HEC ALGER
ALLAOUAT Farid
Maître de conférences
Novembre 2019.
ETUDE DE CAS
Ce cas s’intéresse au lancement en 2006 par un acteur historique du secteur du denim, le groupe
Levi Strauss & Co, d’un jeans biologique et équitable répondant à des préoccupations
environnementales de plus en plus marquées chez un nombre croissant de consommateurs. Le cas
propose de réfléchir à la façon dont les dimensions biologique et équitable sont déclinées dans la
politique de produit mise en place, pour que le produit existe sur le marché et dans l’esprit du
consommateur.
Le groupe Levi Strauss & Co est un acteur majeur du marché mondial du jeans.
L’introduction de jeans à la fois biologique et éthique dans sa gamme relève d’une
volonté d’agir sur la façon dont les jeans sont fabriqués à l’heure actuelle dans le
monde, en fabriquant ce produit d’une façon moins polluante et plus responsable. Le
fait qu’un groupe de l’importance de Levi Strauss & Co s’intéresse à ces aspects
environnementaux semble indiquer que le marketing vert se généralise. Une des
questions que pose ce lancement, est de savoir s’il s’agit d’un effet d’annonce ou
d’un véritable engagement environnemental.*
1. Le contexte de l’entreprise
La marque Levi’s® se décline en quatre lignes différentes : Levi’s® Red Tab Jeans® ;
Levi’s® Engineered Jeans® ; Levi’s® Blue® ; Levi’s® Vintage Clothing. La ligne Levi’s® Red
Tab Jeans® couvre l’éventail des silhouettes et des coloris, et propose plus d’une
dizaine de
modèles différents (hommes et femmes).
La ligne Levi’s® Engineered Jeans®, élaborée autour du concept des coutures
tournantes, offre un large choix de modèles homme et femme. La ligne Levi’s ® Blue®
combine style urbain et approche artisanale du denim.
Enfin, la ligne Levi’s® Vintage Clothing propose des rééditions de modèles de jeans
Levi’s®,
capitalisant ainsi sur le patrimoine historique de la marque (cf. annexe 1).
Fortes de leur positionnement premium en Europe, l’ensemble des lignes Levi’s®
représentent
une part de marché de 7,25 % en volume, sur le marché des cinq grands pays
européens
(Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Espagne).
La marque Levi’s® a été créée en 1853. Jusqu’au début des années 1990, la marque a
prospéré. Dans les années 1990, la marque affronte la concurrence de nouveaux
venus du
denim (Diesel, Notify, Corleone, etc.), qui revisitent le jeans pour en faire un
vêtement
très tendance. Pour les jeunes générations, le jeans Levi’s® est perçu alors comme «
le jeans
de papa ». En 1999, la marque invente les pantalons à « coutures tournantes », sous
la
marque Levi’s® Engineered Jeans®, mis en scène dans des campagnes télévisées
originales et
les boutiques « Evolution ».
En 2003, le groupe américain Levi Strauss décide de lancer une nouvelle marque
appelée
Levi Strauss Signature®. L’objectif principal consiste à vendre des jeans en grande
distribution
: « Sell jeans where people shop ». Après la signature d’un premier accord avec
Wal-Mart pour le marché américain, l’entreprise introduit la marque Levi Strauss
Signature® au Canada, en Australie et au Japon. En 2004, le groupe décide de
commercialiser
la nouvelle marque sur le marché européen. Conçue spécifiquement pour le circuit
de la grande distribution, dont la marque Levi’s ® était absente jusqu’alors, la marque
Levi
Strauss Signature® constitue une extension de gamme verticale (Aaker, 1996, 1997 ;
Michel et Salha, 2005 ; Mayrhofer et Roederer, 2006). Cependant en 2007, la marque
Strauss Signature® est progressivement retirée du marché européen. L’entreprise se
recentre
sur sa marque historique Levi’s® et sur ses circuits de distribution traditionnels.
« Nous constatons que les consommateurs plébiscitent à nouveau des prix moyens,
entre 75 euros et 80 euros, rien à voir avec la bipolarisation que l’on connaissait ces
derniers
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temps entre modèles de luxe à 200 euros et bon marché à moins de 40 euros,
souligne
Brice Penaranda, le directeur général France de Levi’s®. Nous sommes très attentifs
aux évolutions de la société, c’est pourquoi nous changeons à présent le concept de
nos
boutiques. » (Maliszewski, 2006)
En 2006, Levi’s inaugure son premier magasin amiral (Filser, 2001) parisien à côté de
ses jeunes concurrents, Diesel, G-Star Raw, Gas, Le Temps des Cerises. Cette
boutique rassemble
sur 300 m2 toutes les collections de la marque (homme et femme, rééditions et
nouveautés), sur trois plateaux qui déclinent son nouveau concept baptisé «
Révolution ».
Le concept de « Révolution » correspond à un repositionnement de la marque pour
en
faire une marque plus tendance et plus chic, en cherchant l’équilibre entre modernité
et
héritage. Au cours des trois prochaines années, le groupe prévoit ainsi d’inaugurer
huit à
dix magasins par an (Maliszewski, 2006).
D’une façon générale, la marque cherche à s’adapter continuellement aux évolutions
des styles de vie par exemple en répondant à la tendance de recherche d’autonomie
par
RedWire, le jeans à iPod intégré, et à celle du nomadisme en annonçant le lancement
(sous
licence) d’un téléphone mobile en collaboration avec Modelabs Group. La prise en
compte
de l’environnement est également une tendance forte qui préoccupe le
consommateur
actuel. En lançant sous la marque Levi’s® Eco Jeans, le jeans écologique dont le
processus
de fabrication respecte le plus possible l’environnement, l’entreprise entend innover
et
influencer la manière dont les jeans sont fabriqués dans le monde.
Cinq segments structurent l’offre en matière de jeans sur le marché européen : (1) le
segment « fashion », (2) le segment « premium », (3) la fourchette haute du segment
moyen de gamme « 35-50 euros », (4) la fourchette basse du segment moyen de
gamme « 25-
35 euros» et (5) le segment « premier prix » (cf. annexe 3). Les segments « fashion »
et « premium
» représentent 20 % du marché en volume. Les deux segments « moyen de gamme »
pèsent 40 % du marché en volume, c’est-à-dire autant que le segment « premier prix
».
Le marché est assez éclaté. Si l’on prend l’exemple du marché français, les lignes
Levi’s®
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• les marques de distributeurs, Gap, Zara, H&M, ainsi que les marques propres de la
grande distribution se situent sur les segments premier prix et moyen de gamme,
• de nouvelles marques sportswear branchées, Diesel, G-Star, Replay sont parvenues
à
repositionner le jeans comme un produit tendance, et occupent les segments fashion
et
premium,
• les collections de jeans haut de gamme chez les grands couturiers : Dior, Armani
Jeans
et d’autres, investissent le segment fashion du marché (cf. annexe 4).
Ce dynamisme du marché du jeans a permis d’augmenter le prix moyen du jeans
vendu
sur les segments premium et fashion. Les créateurs ont bouleversé la donne, les
jeunes qui
ne dépensaient en moyenne pas plus de 50euro pour un jeans, sont prêts à consentir
des prix
allant de 100 à 200euros pour un produit tendance (Forestier, 2004).
2.2. Le jeans face aux questions environnementales
Positionner son produit comme étant écologique et respectueux de l’environnement,
suppose le plus souvent une révision complète du processus de fabrication, dans tous
ses
aspects (de la prise en compte des matières premières utilisées, aux distances qui
séparent les
lieux de fabrication des lieux de vente). Il ne s’agit pas seulement de se dire
écologique, il
faut le démontrer. En effet, si les marques (dites marques claim) qui défendent une
cause,
quelle soit sociale, sociétale, écologique ou éthique, semblent correspondre à des
attentes de
plus en plus fortes de la part d’un nombre croissant de consommateurs, elles doivent
être
crédibles dans leurs engagements pour espérer convaincre (Klein, 2001). Les
consommateurs
en achetant des produits éthiques entendent sanctionner les dérives de certains
acteurs
du marché et favoriser les démarches respectueuses des individus et de
l’environnement,
mais ne veulent pas se laisser tromper par de simples effets d’annonce. A titre
d’exemple,
The Body Shop, enseigne britannique de cosmétique, présente dans 51 pays avec
environ
2.000 magasins, rachetée en 2006 par L’Oréal, peut être considérée depuis sa
création
comme une marque claim à part entière. La société impose en effet dès ses débuts
en 1976
une politique sociale et écologique, en s’opposant aux tests produits sur les animaux,
ou en
refusant de recourir à des modèles pour promouvoir ses produits, pour ne pas
enfermer ses
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clientes dans les stéréotypes véhiculés par la publicité... Les marques qui affichent
une politique
de citoyenneté doivent être d’une grande cohérence dans leur démarche.
Le jeans, vêtement banal pour les uns ou seconde peau identitaire pour d’autres,
peut
certainement susciter l’envie d’être mis en accord avec les convictions d’un
consommateur
QUESTIONS :
1. Quel est le concept du nouveau produit lancé sous la marque Levi’s ® Eco ?
3. Que peut faire Levi’s® pour rassurer les consommateurs sur l’authenticité de
sa démarche ?
7. Quels sont les avantages et les risques associés au lancement des jeans Levi’s ®
Eco ?
8. Où peut-on théoriquement situer le jeans Levi’s® Eco sur son cycle de vie ?
ANNEXES
Annexe 1 : Les collections de la gamme Levi’s ®
Caractéristiques Principales références
Couvre l’éventail des silhouettes : Femmes 470, 471, 472,
slim straight fit, high waist skinny, 480, 481, 551, 570, 571,
slim shoe cut, boyzee slim, flare, 572,627, 686…
straight fit et des délavages et Hommes 750, 503, 504,
couleurs : double dip, blackdipped, 506, 511, 513…
worn once, soft black, cool pool…
Coutures tournantes, confort et allure. Filles : Harem skinny,
Concept : les jeans vintage finissent Slim tracking jeans,
toujours par avoir la « jambe tournée ». Sport pant, Denim shorts.
Le concept révolutionnaire 3D coutures Garçons : Action shaped
tournantes pour un maximum de jeans, Skinny slouch jeans,
confort et d’allure. Utility shaped jeans,
Shoe cut jeans.
Mélange d’artisanat dédié au denim Filles : Skinny fit.
et de style urbain et contemporain. Garçons : Slim jeans,
straight jeans,
highwaist jeans.
La ligne s’inspire des époques les plus Femmes : 1920 201,
représentatives de Levi Strauss & Co et 1966 606
donne une nouvelle vie à ces vêtements Hommes : 1905 (209)
culte. Celebration Overall first
generation
1947 501® jeans
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Lors de cette étape, une partie des fils est lavée, teinte en indigo, séchée puis
encollée
pour rendre les fils plus résistants pour le tissage. Cette étape nécessite la
consommation
de diverses substances chimiques, d’amidon et d’énergie ».
Le traitement du pantalon : « Divers traitements sont appliqués au jean pour lui
donner
un aspect délavé et usé. On utilise pour cela des produits chimiques comme le chlore
».
Le transport jusqu’en France (distributeurs ou magasins) : « Le transport jusqu’en
France s’effectue par bateau puis par camion ».
Les cycles de vie n’ont pas tous la même forme, ni la même durée. Les nouveaux
produits
qui échouent ne connaissent jamais de phase de croissance, et inversement des
plans
marketing adaptés peuvent permettre de prolonger la phase de croissance ou de
maturité
d’un cycle.
La gamme et ses dimensions
Le lancement d’un nouveau produit nécessite impérativement une réflexion plus
globale sur la façon dont le nouveau produit va s’inscrire dans le mix produit existant
en respectant une logique de gamme. Une gamme est un ensemble de produits, liés
entre eux soit parce qu’ils sont vendus sous la même marque ou par le fait qu’ils
satisfont
une même catégorie de besoins, s’adressent au même type de clientèle et sont
distribués
dans les mêmes points de vente (Kotler et al., 2006 ; Lendrevie et al., 2006 ;
Mayrhofer, 2006 ; Armstrong et al., 2007).
Une gamme est en général constituée de plusieurs lignes de produits. La largeur
désigne le nombre de lignes de la gamme. L’augmentation de la largeur de la gamme
implique souvent la fabrication d’une nouvelle catégorie de produits et/ou la
pénétration
d’un nouveau segment de marché et relève donc du marketing
stratégique. Chaque ligne de produits peut être déclinée en plusieurs versions (ou
modèles). On parle alors de profondeur de la ligne. L’augmentation de la profondeur
d’une ligne est généralement destinée à élargir le choix offert à la cible et constitue
une
décision de marketing opérationnel (Mayrhofer, 2006, p. 98).
Une gamme trop courte se traduit souvent par des opportunités de gains manquées.
Une gamme trop longue s’avère coûteuse et tend à diminuer la fidélité des
consommateurs et à accroître les risques de cannibalisation (ventes d’un produit se
réalisant aux dépens de celles d’un autre produit de la gamme, la cannibalisation
peut
être accidentelle ou orchestrée par l’entreprise dans le cas où un nouveau produit est
amené à en remplacer un autre dans la gamme).
Les coûts élevés et les risques d’échec associés aux lancements de nouvelles
marques
expliquent la part croissante des extensions de gamme dans les lancements de
produits
(Michel et Salha, 2005). Parmi les stratégies d’extension de gamme, on distingue
l’extension
horizontale et l’extension verticale. L’extension horizontale consiste à lancer des
produits de qualité et de prix similaires aux produits existants, en agrandissant ainsi
la
gamme mais sans en changer le positionnement. L’extension verticale, qui est une
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option plus risquée, consiste à lancer des produits de qualité et de prix différents.
L’extension verticale peut se réaliser dans deux directions, vers le bas ou vers le haut
(Aaker, 1997). Lorsque Kenzo développe une offre prêt-à-porter sous la marque Kenzo
Jungle ou que Giorgio Armani commercialise les gammes Emporio Armani et Armani
Jeans, inférieures de 40 à 50 % aux prix de vente de la gamme haute couture, on est
en
présence d’extensions de gammes verticales vers le bas (Mayrhofer et Roederer,
2005 ;