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Délit D'initié PDF

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Les personnes coupables :

En droit pénal des affaires, les infractions commises sont souvent liées à une
fonction exercée au sein des entreprises.1 D’où l’importance considérable de la
détermination de la qualité des personnes coupables, qui sont les premières
concernées par les incriminations en cause. Ce principe s’applique également en
matière des infractions boursières. Ainsi, ce sont les initiés qui peuvent commettre
un délit « d’initié ». Il est dès lors, indispensable d’en déterminer le statut.

On distingue généralement deux catégories d’initiés. Les premières sont dites


directes ou primaires. Les seconds sont appelés occasionnels.2 Ainsi il a été prévu
dans la circulaire 01/053 que les initiés sont :

 Les personnes en position « d’initiés permanents » : Ce sont les personnes


qui, de par leur position ou leur fonction, ont accès de façon régulière à des
informations privilégiées. Il s’agit notamment des dirigeants d’une société
cotée ou d’une de ses filiales ou d’une société du même groupe, ou de toute
société ayant des dirigeants et/ou actionnaires communs avec une société
cotée, ainsi que de toutes personnes participant habituellement au processus
d’établissement des comptes de la société cotée.

Ces personnes sont présumées connaitre l’information privilégiée. 4 La question


est de déterminer si cette présomption est simple ou irréfragable ?

Certains auteurs affirment qu’à propos de la présomption d’initié qui pèse sur ces
personnes, il est pratiquement impossible de rapporter la preuve de l’ignorance de

1
Rdiha BEL HADJ AMOR « le délit d’initié », Revue de la jurisprudence et de la législation, 46ème année, Janvier
2004, p.43
2
Ces personnes peuvent être des personnes morales ou physiques.
3
RELATIVE AUX REGLES DEONTOLOGIQUES DEVANT ENCADRER L’INFORMATION AU SEIN DES SOCIETES
COTEES du 18 Mars 2005
4
277.‫ ص‬2009 ‫ فبراير‬6 -‫ القانون الجنائي لألعمال واقع و افاق‬-‫طارق زعير – جريمة االستغالل التعسفي‬
l’information.5 Les autres estiment que la présomption de connaissance qui pèse
sur les dirigeants sociaux est simple. 6

En jurisprudence française, l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de


cassation du 15 mars 1993 considère qu’il existe une présomption simple de
connaissance d’informations privilégiées pour les personnes visées.7

On cite titre d’illustration, une célébré affaire relative à la commission d’un délit
d’initié par le PDG d’une société américaine :

L’affaire ENRON :

Avant que la société Enron fasse faillite celle-ci était une firme très productive
avec un chiffre d’affaire de 100 milliards de dollars. Cependant six mois avant
son déclin (juillet 2001) le groupe annonçait toujours des profits énormes. Pour
autant, et c’est là que le délit commence, car le PDG d’Enron a cédé ses actions
(avant la chute) faisant par la même occasion une plus-value de 30 millions de
dollars. Celui-ci est remplacé par Jeffrey SKILLING qui ne restera qu’un mois et
s’aperçoit que la société est très endettée et qu’elle a caché ses dettes dans des
sociétés (installées dans des paradis fiscaux, ce qui est autorisée aux USA).

En parallèle, la chute du groupe continue et l’action passe de 100 à 3 dollars. Les


employés reçoivent des notes internes afin qu’ils ne vendent pas leurs actions et
ceux-ci qui avaient investi pour leur retraite en actions Enron se trouvent donc
ruinés comme des milliers d’épargnants américains.

Jeffrey SKILLING, fut donc condamné le lundi 23 octobre 2006 à 24 ans et 4


mois de prison pour ce type de fraude. "L'initié" ayant en effet encouragé ses
salariés à acheter des actions Enron (vendant les siennes au même moment), avant
l'annonce quinze jours plus tard d'un bilan catastrophique de son entreprise,

5
DUCOULOUX – FAVARD C., RONTYCHEVSKY N., op. cit. p.32; COSTANTINI P., op. cit. p. 42.
6
RENUCCI ( J.-F.), Le délit d’initié, 1 e éd. juillet 1995, Que sais je ? p.32
7
8 Cass. crim., 15 mars 1993, bull. n° 13
faisant chuter inexorablement le cours de l'action et engendrant d'énormes pertes
pour les petits actionnaires.

Cette affaire entrainera le vote aux Etats-Unis de la loi Sarbannes-Oxley


imposant aux PDG d'entreprises de certifier personnellement la validité des
comptes financiers de leur entreprise et leur concordance avec les résultats
d'exploitation. Cependant cette loi qui a une portée internationale pose un
problème culturel. En effet l’imposition de la loi Sarbannes Oxley le 30/07/2002
à toutes les sociétés cotées à Wall Street (et d’autre bourse comme le Nasdaq...)
provoque une réaction de la part de la Commission Nationale Informationnelle et
sur les Libertés (CNIL) en France.

En résumé cette loi prévoit l’établissement de conseils de surveillance pour


mettre un terme à l’autorégulation par des cabinets d’audits, la certification sur
honneur des comptes par le PDG et l’obligation de la mise en place de système
d’alerte éthique. Hors en France cela semble incompatible avec les libertés
individuelles même si cela est contesté par des lois françaises. En France on
n’accepte pas le fait de dénoncer des personnes sur leurs possibles agissements
dans leurs entreprises. Cependant cette loi fut tout de même acceptée par la
législation française.

 Les personnes en position « d’initiés occasionnels » : Ce sont celles qui


bénéficient d’informations privilégiées à l’occasion de l’exercice de leur
profession ou de leur fonction. Ces personnes peuvent appartenir à la
société cotée ou entretenir avec elle uniquement des relations
professionnelles. Il peut s’agir en particulier, des partenaires contractuels,
des avocats ou conseillers intervenant dans une négociation ou une décision
importante sur la situation de la société cotée, ou dans des opérations
financières en préparation.8

Quoi qu’il en soit, cette seconde catégorie d’initié peut être classée en deux
catégories. En premier lieu, les initiés internes qui comprennent le personnel non
dirigeant de la société émettrice. En second lieu, les initiés externes qui sont toutes
les personnes en rapport avec la société.

Cette dernière catégorie est très vaste : la jurisprudence y a inclus un conseiller


technique9, le secrétaire 10 un journaliste financier ayant interrogé un dirigeant de
la société11, un directeur de banque12, un liquidateur amiable de la société13, un
expert d’études d’actuariat14, un chasseur de tête15, un commis d’agent de
change16 ou encore un directeur de cabinet d’un ministre17. Par ailleurs, pourraient
être des initiés externes, un commissaire aux comptes, un avocat18 ou autre conseil
suivant l’évolution de pourparlers entre des sociétés.

Enfin, un traitement spécifique a été réservé par le législateur français aux


journalistes susceptibles de poursuites pour délit d’initié, dans le cadre de leur
profession. La directive 2003/6/CE19, sur les abus de marché, transposée dans le
règlement général de l’AMF, vise à protéger les journalistes financiers dans le
cadre de leur activité, à conditions qu’ils ne tirent aucun avantage ou profit
quelconque de l’information privilégiée, directement ou indirectement20.
Cependant se posera un problème de preuve, dans la mesure où c’est rare qu’un

8
Selon les termes utilisés par la circulaire 05/01.
9
T. Corr. Paris, 15 Oct. 1976: JCP 1977, -II-, n° 18543
10
TGI Paris, 17 mars 1976.
11
T.corr. Paris, 12 mai1976: JCP 1976, -II-, n° 18496,
12
T.corr .Paris, 19 Oct. 1976: JCP 1977 -II-, n° 18543,
13
T.corr .Paris ,30 mars 1979 : JCP 1980 -II-, n° 19306,
14
T.corr .Paris 18 avril 1979 : JCP 1980, -II-, n° 19306
15
T.corr .Paris, 13 mai 1986
16
Cass. Crim., 18 fév. 1991 : Rev. Soc. , 1991, p.787, note JEANDIDIER W..
17
Cass. .Crim. , 24 oct. 1995
18
C.A. Paris 27 décembre 1990
19
DIRECTIVE 2003/6/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 28 janvier 2003 sur les opérations
d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché)
20
Art. 632-1, règlement de l’AMF
prévenu avoue avoir réalisé une opération en raison de l’information privilégiée
qu’il détenait ou que l’on puisse trouver des indices écrits21.

L’information privilégiée :

Avant de déterminer les éléments constitutifs du délit d’initié, il est indispensable


de traiter une condition préalable à la commission de cette infraction. Ainsi, c’est
l’existence d’une information privilégiée, dont la révélation aux tiers est
susceptible de bouleverser les règles du jeu du marché financier, qui constitue
l’origine principale de la répression du délit d’initié. Mais qu’entend-on par
information privilégiée ?

Selon l’alinéa 2 de l’article 42 de la loi 43-12 relative à l’AMC : « On entend par


information privilégiée toute information encore inconnue du public, relative,
directement ou indirectement, à un ou plusieurs émetteurs d’instruments
financiers ou à un ou plusieurs instruments financiers et qui est susceptible une
fois connue du public, d’affecter le cours des instruments financiers concernés ou
y afférents.

Ladite information peut également être relative à la marche technique, commer-


ciale ou financière d'un émetteur ou aux perspectives d’évolution d’un instrument
financier, encore inconnue du public et susceptible d’affecter la décision d’un
investisseur.
Cependant le législateur marocain, à l’instar de son homologue français, n’a pas
déterminé les caractéristiques de cette information privilégiée. Face à ce silence
blâmable, la jurisprudence22 et la doctrine ont exigé que l’information privilégiée
doit être « une information confidentielle (a), précise (b), et de nature à influer sur
le cours de la valeur (c).

21
ASST. KENAN EVREN YASAR « La Lutte Contre Les Operations D’inities: Double Protection En France »,
[Annales XLVI, N. 63, 221-283, 2014] , p.245
22
Française notamment, vu que la pratique boursière au Maroc ne donne pas lieu à un grand contentieux
juridique
A/ Une information est dite confidentielle dans la mesure où elle est non encore
rendue à la connaissance du public. Autrement dit, elle est censée restée à la portée
d’un nombre restreint de personnes. En d’autres termes, l’information privilégiée
est une information qui est tenue secrète.
De même caractère privilégié de l’information est déterminé par l’antériorité de
la connaissance et non pas dans le nombre de ceux qui partage cette information.
L’information n’est plus confidentielle dès qu’elle fait l’objet d’une publication
au public. A cet égard on distingue deux tendances :
Certains considèrent que l’information devient générale, si elle a été diffusée suite
à un communiqué officiel par l’intermédiaire des moyens de diffusion publics
comme le site de l’entreprise concerné, ou les médias et si l’entreprise a envoyé
une lettre d’information officielle à tous ses actionnaires. La deuxième tendance
consiste à interpréter la diffusion de l’information d’une manière étroite, c’est -à
dire que l’information reste confidentielle tant qu’elle n’est pas diffusée par les
moyens habituels concernant la diffusion de l’information pour ses actionnaires.

B / L’information doit ensuite être précise. Ainsi, l’information doit porter des
problèmes spécifiques à la société cotée, tel que son développement technique,
commercial et financier. Donc, il faut distinguer l’information privilégiée des
simples rumeurs et autres spéculations. Comme précise que Renucci « le fait de
savoir qu’une société est en pleine expansion ou qu’elle est en difficulté ne saurait
être considéré comme une information précise. »
Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Paris 30 mars 1977 a jugé que certains bruits
alarmants sur les difficultés d’échéance et des échecs commerciaux ne présentent
pas : « un caractère précis, particulier et certain que doit revêtir renseignement
pour constituer l’information au sens de l’ordonnance du 28 septembre. 1967 »
C/ L’affaire EADS ou gros cas avéré de délit d’initié en France.

En 2005 le groupe EADS présente officiellement l’airbus A380 qui effectuera


son premier vol le 27/04/05. Par la suite en mai 2005, l’avionneur européen
annonce un retard ce qui incite Arnaud Lagardère (président du groupe Lagardère)
à sortir du capital d’EADS. Pour finir, à la fin de l’année 2005, A. Lagardère
propose au directeur général de la CDC (Caisse des Dépôts et des Consignations)
de racheter à hauteur de 14% les actions EADS alors détenues par la Sogeade
(société holding regroupant les intérêts français avec l’Etat français). Au début de
2006 (du 09/01 au 22/02) A. Lagardère confirma la réduction de sa participation
dans EADS, celle-ci pouvant atteindre 50% soit une diminution de 15% à 7,5%
dans le capital d’EADS. La CDC sera désignée comme le repreneur potentiel. Au
cour de l’année, les dirigeants d’Airbus annoncent un nouveau retard, ceci
donnant suite à un plan interne diminuant les prévisions de 29 à 24 appareils. Le
conseil d’administration d’EADS évoque la gravité des retards de l’A380. En
réaction à cette annonce, Noël Forgeard vend ses stocks options réalisant une plus-
value de 2,5 milliards d’euros (ce même jour le groupe annonce un bénéfice net
record de 1,68 milliards d’euros soit plus de 39% en 2005). Peu de temps après le
groupe Lagardère et Daimler-Chrysler (actionnaires privés d’EADS) annoncent
qu’ils cèdent à leur tour 7,5% chacun du capital du 18 Remarque ; tout cela aurait
été consigné dans une note sans en-tête transmis au ministère des finances Mr. De
l’époque. Le ministère ni avoir eu ces informations. 18 groupe à la CDC (sans en
informer apparemment l’Etat). Cela leur rapporte à chacun 2 milliards d’euros (le
24/01/2006). La vente fait l’objet d’une enquête judiciaire par l’AMF par rapport
à l’éventualité d’un délit d’initié. Par conséquent les titres plongent pour atteindre
le montant de 18.73 d’euros l’action. La CDC cumule alors une moins-value de
200 millions d’euros. L’avionneur communique un retard allant jusqu'à deux dans
la livraison de l’avion A380.
Enfin en 2007, comme il était prévisible EADS annonce un bénéfice en baisse de
99 millions d’euros en 2006 suite aux pertes subit par la filiale d’Airbus. Les
investigations de l’AMF se poursuivent avec plusieurs auditions de personnes
impliquées dont le co-président français d’EADS A. Lagardère sur la possibilité
d’un délit d’initié. En effet l’AMF dans son rapport accable les dirigeants et les
actionnaires du groupe d’un délit d’initié massif. Cette affaire très médiatisée, a
montrée au grand public l’existence plus ou moins reconnue du délit d’initié et les
enjeux que cela peut avoir sur l’économie boursière.

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