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These Marclenglet

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UNIVERSITE PARIS DAUPHINE

EDOGEST
DRM DMSP
N attribu par la bibliothque



Dontologue de march
De la pratique des institutions linstitutionnalisation des pratiques


THSE
pour lobtention du titre de
DOCTEUR EN SCIENCES DE GESTION
(Arrt du 7 aot 2006)

Prsente et soutenue publiquement par
Marc LENGLET


J URY

Directeur de thse : Madame Isabelle HUAULT
Professeur lUniversit Paris Dauphine
Rapporteurs : Monsieur Romain LAUFER
Professeur lcole des Hautes Etudes Commerciales
Madame Hlne RAINELLI-LE MONTAGNER
Professeur lIAE de lUniversit Paris I Panthon Sorbonne
Suffragants : Monsieur Fabian MUNIESA
Charg de Recherche lEcole des Mines de Paris
Madame Anne PEZET
Professeur lUniversit Paris Dauphine


24 juin 2008
1



























Luniversit nentend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions mises dans les thses : ces opinions doivent tre considres
comme propres leurs auteurs.




2
REMERCIEMENTS

Le travail de thse ressemble par trop souvent, en croire les doctorants, celui dune ascse
force. Si le travail de recherche requiert de celui qui sy soumet une certaine rsistance, il
nen reste pas moins quil constitue un vritable choix, exercice bien des gards structurant
en ce quil rvle, comme par la ngative, les ressorts de la volont.

Durant cette priode de cinq annes, je me suis nourri de la disjonction existant entre deux
milieux dont les attendus restent pour le moins diffrents, ainsi que de lincessant aller et
retour accomplir entre des temporalits par nature irrconciliables. J ai eu grand plaisir
mener cette rflexion dans le cadre que javais choisi celui dune recherche sur une fonction
rcente, non pleinement structure, qui fut pour moi le lieu dun commencement,
singulirement celui du travail en entreprise. Au risque de ne proposer quun inventaire
insignifiant, je tiens voquer ici, au seuil de ce travail, celles et ceux qui, dune faon ou
dune autre, ont contribu sa ralisation.

J e remercie chaleureusement Anne Pezet, Hlne Rainelli-Le Montagner, Romain Laufer et
Fabian Muniesa de me faire lhonneur de participer ce jury de thse.

J e tiens remercier tout particulirement Isabelle Huault, tout la fois pour la qualit de sa
direction, son coute attentive et son ouverture desprit lgard de mes travaux. Mes
remerciements vont galement Gregory Bnichou, qui fut un excellent tuteur lEcole, et un
soutien actif sur lequel jai toujours pu compter.

J e remercie les collaborateurs de MB Brokerage qui ont largement, quoique le plus souvent
indirectement, contribu la ralisation de ce travail en macceptant parmi eux, notamment
Dorothe, Andr ( Dd la sardine ), Marc et Elisabeth, lquipe ddie aux contrles
permanents, mais aussi Andrew ( Robbie ), Charles ( Subarix ), Daniel, J ean-Baptiste
( J B ), J os ( J ojo ), Laurent ( Barthez ), Louis ( Ptit Suisse ), Michal, Olivier
( Shaggy ), Sophie ( Soso ).

Daniel Beunza et Yuval Millo ont contribu, par leurs remarques avises lors dun atelier de
recherche consacr la performativit (Universit de Columbia, New York, 28-29 avril
3
2008), fortifier certaines de nos hypothses, et confirmer notre sentiment que les Social
Studies of Finance font dsormais partie intgrante des coles de recherche dterminantes ds
lors quil sagit de penser les activits de march et leurs -cts. Les membres de la Social
Studies of Finance Association (SSFA) ont galement influenc, par leurs initiatives, la
formation de ce texte : leurs conseils et leur coute bienveillante me furent dune grande
utilit. Parmi eux, il me faut citer bien videmment Fabian Muniesa, mais aussi Olivier
Godechot, Emiliano Grossman et Horacio Ortiz, ainsi que Yamina Tadjeddine, Martha Poon
et J eanne Lazarus. Ils ont ouvert une voie encore en friche et, sans eux, les tudes sociales de
la finance ne seraient probablement pas ce quelles sont devenues aujourdhui en France.

Danciens collgues, devenus amis, ont galement largement contribu par leur divers
soutiens llaboration de cette rflexion : Franois Driesch, dont les rveils matinaux mont
longtemps accompagn et dont la volont systmatise fut un exemple, Georges Guitline,
pour mavoir montr avec humour comment prendre du recul par rapport un environnement
hostile et pour son got des ripailles, Linda J eng-Braun pour sa capacit mettre les gens en
relation et offrir le point de vue du tiers dcal, Tha Simons pour son coute dans les
moments difficiles et son intrt non dissimul pour les liquides ferments, et Dorothe
Tagnon pour sa douceur apaisante et sa constante bonne humeur.

Philippe Rozin a t celui qui ma incit suivre cette voie, je lui suis galement redevable de
belles discussions, souvent htroclites dans leurs sujets, quil en soit remerci.

Mes parents, mes proches sont ceux qui ont probablement le plus subi les avatars lis mon
travail. Quils reoivent ici lexpression de ma plus sincre gratitude.

Et puis Katia, comprhensive et endurante pour les nombreux moments que je lui ai vols,
sait ce que je lui dois : elle reste dpositaire du sens qui mane de tout cela.

Enfin, je ddie ce travail la mmoire de mes deux grands-pres, Adolphe Lenglet et Douglas
Winter, pour ce quils ont su me transmettre symboliquement ou directement de leur curiosit
dautodidactes, ainsi que leur capacit questionner les lments purs et brefs dune existence
remplie.


4






[43] Die Bedeutung eines Wortes ist sein Gebrauch in der
Sprache. | La signification dun mot est son emploi dans le langage .

[199] Einer Regel folgen, eine Mitteilung machen, einen Befehl
geben, eine Schachpartie spielen sind Gepflogenheiten (Gebruche,
Institutionen). | Suivre une rgle, transmettre une information, donner
un ordre, faire une partie dchecs, sont des coutumes (des usages, des
institutions) .

[201] Jedes Handeln nach der Regel sei ein Deuten. Deuten aber
sollte man nur nennen : einen Ausdruck der Regel durch einen
anderen ersetzen. | Toute action qui procde selon la rgle est une
interprtation. Mais nous ne devrions appeler interprtation que la
substitution dune expression de la rgle une autre .

Wittgenstein [1953] (2001), Philosophische Untersuchungen
1
.












1. Wittgenstein [1953] (2001) =tr. fr. (2004 : 50 et 126-127).
5
TABLE DES MATIRES

Liste des figures............................................................................................................................. 11



I. INTRODUCTION................................................................................................................................. 12

1.1. Les fondements dune interrogation renouvele................................................................. 18
1.1.1. Une proccupation ancienne.......................................................................................... 18
1.1.2. Vers une nouvelle forme de normativit ?...................................................................... 21
1.1.3. Un contexte favorable..................................................................................................... 24

1.2. Objet de la thse..................................................................................................................... 27
1.2.1. Quest-ce quun dontologue ?....................................................................................... 27
1.2.2. Vers une plus grande institutionnalisation des pratiques financires............................ 31

1.3. Organisation de la thse ........................................................................................................ 33
1.3.1. Dfinition et revue de la littrature ................................................................................ 33
1.3.2. Problmatique ................................................................................................................ 34
1.3.3. Mthodologie.................................................................................................................. 35
1.3.4. Etude de cas.................................................................................................................... 35




II. LA DONTOLOGIE BANCAIRE ET FINANCIERE : UNE APPROCHE PAR LES TEXTES..................... 37

2.1. Remarques liminaires............................................................................................................ 38
2.1.1. Quelle littrature pour la fonction dontologie ?........................................................... 38
2.1.2. Quelle dmarche pour la lecture ?................................................................................. 41

2.2. Dfinir la dontologie financire........................................................................................... 45
2.2.1. Une approche dj ancienne .......................................................................................... 45
2.2.2. Une approche nuance ................................................................................................... 47
2.2.3. Les caractres de la dontologie : une premire approche ........................................... 51

2.3. Dontologie financire et thique des affaires ............................................................... 53
2.3.1. Ce que recouvre l thique des affaires ..................................................................... 53
2.3.2. L thique des affaires : un manque de prcision conceptuelle................................. 57
2.3.3. Quelle dfinition de lthique ? ...................................................................................... 58
2.3.4. Elments fondateurs dune relation entre thique et dontologie .................................. 61

2.4. Dontologie financire et sociologie conomique ................................................................ 66
2.4.1. Inscription de la question dontologique dans lapproche no-institutionnelle ............ 67
2.4.1.1. Dontologie et encastrement : la figure du pli .................................................. 69
2.4.1.2. Dontologie et isomorphisme : la figure du mme........................................... 75
2.4.1.3. Dontologie et mythologie : la figure de la transcendance............................... 80
2.4.1.4. Dontologie et culture : la figure de lautre...................................................... 83
2.4.1.5. Lancrage no-institutionnel de la dontologie................................................. 86


6
2.4.2. La question dontologique : un site explicatif spcifique............................................... 89
2.4.2.1. Une tripartition classique du champ explicatif.................................................. 89
2.4.2.2. Une approche complmentaire.......................................................................... 91
2.4.3. Quels processus luvre au sein de la dontologie financire ?................................. 94
2.4.3.1. Une exposition au risque de rputation............................................................. 96
2.4.3.2. Lhermneutique des normes : des processus spcifiques identifier............ 101
(a) Comprendre pour mieux adapter : une hermneutique de la traduction ?.................. 102
(b) Traduire pour donner du sens : une hermneutique de la smiotique ?...................... 105
(c) Distiller le sens : une hermneutique de la performativit ? ....................................... 109
2.4.3.3. Quatre entre-deux dfinissant laction de la fonction dontologie.................. 112
(a) Performativit de la fonction dontologie.................................................................... 113
(b) Smiotique de la fonction dontologie......................................................................... 114
(c) Traductions opres par la fonction dontologie ........................................................ 115
(d) La fonction dontologie comme lieu de reprsentation............................................... 117




III. INSTITUTIONNALISER LA DONTOLOGIE FINANCIERE : UNE PROPOSITION DE LECTURE...... 120

3.1. Dontologie et performativit : la question du langage et de ses effets ........................... 121
3.1.1. De la performativit des sciences conomiques au sens large..................................... 122
3.1.2. Lautonomisation du concept ....................................................................................... 123
3.1.3. Pour une relecture austinienne de la performativit applique la finance ............... 125
3.1.4. Rinvestir Austin : le rapport au contexte dnonciation, le rapport la norme......... 127
3.1.5. De la performativit de la fonction dontologie........................................................... 129

3.2. Dontologie et smiotique : la question du sens ................................................................ 131
3.2.1. Une ouverture : des mtaphores smiotiques du march............................................. 132
3.2.1.1. Le couple signifiant / signifi.......................................................................... 133
3.2.1.2. Des oprations smiotiques informelles.......................................................... 136
3.2.1.3. Une smiotique orthodoxe ?............................................................................ 137
3.2.2. Une smiotique de la dontologie ................................................................................ 138
3.2.3. Le dploiement du message dontologique entre code et rfrent ............................... 142
3.2.4. De la langue dontologique la parole du dontologue ? .......................................... 144

3.3. Dontologie et traduction : la question des mdiations .................................................... 145
3.3.1. Quel cadre thorique mobiliser ?................................................................................. 147
3.3.1.1. La traduction comme processus discursif ....................................................... 148
3.3.1.2. La traduction comme processus de transcription............................................ 151
3.3.1.3. La traduction comme processus de convergence............................................ 155
3.3.2. Les oprations de traduction effectues par la dontologie......................................... 157

3.4. Dontologie et reprsentation : la question de la rputation ........................................... 161
3.4.1. Reprsentation, rputation et lgitimit ....................................................................... 161
3.4.2. Rputation et dontologie : une articulation thorique................................................ 164
3.4.2.1. Dfinir la rputation en sociologie des organisations...................................... 164
3.4.2.2. Articuler rputation et dontologie : le risque de rputation........................... 166

3.5. Lentre-deux de la lgitimit et de la lgalit : une question de recherche..................... 170




7

IV. ELMENTS DE MTHODE............................................................................................................. 174

4.1. Construire le terrain : remarques sur l observation participante ............................. 175
4.1.1. Un site de recherche privilgi..................................................................................... 175
4.1.2. Slectionner les donnes............................................................................................... 177
4.1.3. Les limites de limmersion pousse .............................................................................. 179

4.2. La matire dispose : le donn dontologique................................................................... 184
4.2.1. Des procdures............................................................................................................. 184
4.2.2. Des codes, une charte................................................................................................... 186
4.2.3. Des outils, des comptes-rendus de runions................................................................. 187
4.2.4. Des publications ........................................................................................................... 188
4.2.5. Des prises de note sur le vif, des e-mails...................................................................... 189

4.3. Quel design de recherche ? ................................................................................................. 190
4.3.1. Comment qualifier la recherche propose ? ................................................................ 190
4.3.1.1. Un mode dapprhension phnomnologique................................................. 190
4.3.1.2. Un mode dapprhension redevable de lobjet tudi..................................... 193
4.3.1.3. Un mode dapprhension constructiviste........................................................ 195
4.3.2. Quelles implications pour le programme de recherche ? ............................................ 199
4.3.2.1. Quelle cohrence dans lapproche constructiviste du rel ?...................... 199
4.3.2.2. Quelle construction sous-jacente ? Assumer le vcu quotidien...................... 201
4.3.3. Une tude de cas........................................................................................................... 204





V. LA PRATIQUE DONTOLOGIQUE : UNE TUDE DE CAS................................................................ 206

5.1. Introduction.......................................................................................................................... 208
5.1.1. Une lecture fonde sur une base no-institutionnelle................................................... 212
5.1.1.1. Figure du pli .................................................................................................... 212
5.1.1.2. Figure du mme............................................................................................... 219
5.1.1.3. Figure de la transcendance.............................................................................. 223
5.1.1.4. Figure de lautre.............................................................................................. 226
5.1.2. Une problmatique en quatre tapes............................................................................ 227

5.2. Dontologue de march : la fonction dontologie dans une salle de courtage actions... 231
5.2.1. Introduction : un dbut de matine ordinaire............................................................... 232
5.2.1.1. Autoriser les changements de recommandations............................................ 233
5.2.1.2. Contrler la diffusion de linformation........................................................... 236
5.2.1.3. Encadrer les publications, annoncer et grer les conflits dintrts................ 239
5.2.2. Le contexte dontologique : lorganisation de la fonction chez MB Brokerage .......... 246
5.2.2.1. Prsentation de la Direction Conformit & Contrles (DCC)......................... 246
5.2.2.2. Les raisons dune situation de la fonction dontologie dans la salle............... 252
5.2.3. Le contexte pratique : les activits de la salle.............................................................. 256
5.2.3.1. La nature des activits encadres : recevoir, transmettre et excuter.............. 256
5.2.3.2. Dautres services proposs par MB Brokerage............................................... 264
5.2.4. Les figures de la dontologie........................................................................................ 271
5.2.4.1. Conseiller les oprateurs................................................................................. 271
5.2.4.2. Contrler les oprateurs.................................................................................. 291
5.2.4.3. Le dontologue et les clients........................................................................... 311
8
5.2.5. La dontologie performe............................................................................................. 320
5.2.5.1. Performer la dontologie : rdiger les textes normatifs................................... 320
5.2.5.2. Performer la dontologie : former le personnel............................................... 326
5.2.5.3. La performance spcifique de la dontologie.................................................. 331





VI. CONCLUSION................................................................................................................................ 336

6.1. Synthse de la dmarche ..................................................................................................... 337

6.2. Apports et limites mthodologiques de letude.................................................................. 340

6.3. Apports et limites conceptuels de letude........................................................................... 341




VII. SOURCES PRIMAIRES.................................................................................................................. 346

7.1. Textes du Groupe Mutual Bank S.A. ................................................................................. 348
7.1.1. Textes normatifs et rglementaires............................................................................... 348
7.1.2. Documents internes (confidentiels) .............................................................................. 348

7.2. Textes externes, brochures, lois et dcrets......................................................................... 349

7.3. Rapports et communications officiels ................................................................................ 349

7.4. Presse quotidienne, magazines et presse professionnelle ................................................. 351




VIII. SOURCES SECONDAIRES ........................................................................................................... 354





IX. ANNEXES ...................................................................................................................................... 383

9.1. Annexe 1 : Sanctions publiees par la FED......................................................................... 384
9.1.1. A lencontre du Groupe Crdit Agricole ...................................................................... 384
9.1.2. A lencontre de Deutsche Bank .................................................................................... 395

9.2. Annexe 2 : Exemples dobservations au fil de leau.......................................................... 407

9.3. Annexe 3 : Identification des fonctions des personnes cites ........................................... 413
9.3.1. Abrviations utilises.................................................................................................... 413
9.3.2. Noms et fonctions des personnes cites........................................................................ 414

9
9.4. Annexe 4 : Research guidelines exemple de disclaimer ................................................. 416
9.4.1. Exemple de disclaimer.................................................................................................. 416
9.4.2. Enonc de la rule 139................................................................................................... 419

9.5. Annexe 5 : Liste des textes rglementaires mentionns.................................................... 423
9.5.1. Rglement Gnral de lAutorit des Marchs Financiers .......................................... 423
9.5.2. Rgles de march harmonises, Euronext .................................................................... 428
9.5.3. Code Montaire et Financier ....................................................................................... 430

9.6. Annexe 6 : Extrait du guide AFEI FBF (2006) sur les abus de march....................... 431

9.7. Annexe 7 : Sanction prononce par lAMF lencontre dETC POLLAK................... 434

9.8. Annexe 8 : Le processus Lamfalussy ............................................................................ 446




X. GLOSSAIRE & INDEX..................................................................................................................... 447

10.1 Glossaire .............................................................................................................................. 448

10.2 Index Nominum................................................................................................................... 453
















10
LISTE DES FIGURES

Fig. 1. La dimension nodale de la fonction dontologie....................................................................... 74

Fig. 2. La fonction dontologie nourrie des thmes no-institutionnels............................................... 88

Fig. 3. La fonction dontologie comme fonction performative........................................................... 114

Fig. 4. La fonction dontologie comme fonction smiotique.............................................................. 115

Fig. 5. La fonction dontologie comme fonction de traduction.......................................................... 116

Fig. 6. La fonction dontologie comme fonction reprsentative......................................................... 117

Fig. 7. Synthse des lments unificateurs de la dontologie............................................................. 119

Fig. 8. Le schma de la communication dontologique...................................................................... 140

Fig. 9. Le triangle smiotique au prisme de la dontologie, en partant de Klinkenberg (1996 : 98) .. 143

Fig. 10. Relations entre discours et action, tir de Phillips, Lawrence & Hardy (2004)..................... 149

Fig. 11. Le processus de Traduction, daprs Callon, Lascoumes & Barthe (2001 :103)................... 153

Fig. 12. Le processus de Traduction opr par la fonction dontologie.............................................. 154

Fig. 13. Quatre postures entre observation et participation, daprs Gold (1958)............................... 180

Fig. 14. Interventions probables du contrat de liquidit sur une valeur .............................................. 268













11















I. INTRODUCTION
















12
Vendredi, 17h26, heure de Paris. La semaine touche sa fin, et les marchs sont en train de
clturer. Le volume sonore dans la salle de march chez MB Brokerage a t crescendo
depuis le morning meeting, louverture 9h, les annonces de mi-journe, puis les chiffres
conomiques en provenance des Etats-Unis ; une forme de fbrilit annonciatrice du week-
end rgne. Sur lIrish Stock Exchange, le march irlandais, cest bientt la priode dauction
(plus communment appele fixing) qui dbute 17h28, la priode de la journe qui va
dterminer le prix de clture des titres. Denis, Responsable du program trading, surgit dune
trave parallle au desk des dontologues :

Denis : Eh la donto jai besoin de vous maintenant jai un ordre sur Dublin qui va arracher le
march : le client ma pass un ordre au fixing sur des valeurs avec des tailles qui font entre 200%
et 500% du volume. Yen a pour 45 valeurs de lindice. Quest-cque jfais ? Vous avez deux
minutes

Le client a pass un ordre dont on peut se demander sil nest pas aberrant, puisquil demande
loprateur de MB Brokerage dexcuter des quantits deux cinq fois suprieures aux
volumes disponibles sur le march. Il est donc peu prs sr que le march ne puisse absorber
ces ordres, et que les cours de toutes les valeurs concernes dcalent fortement, lordre
asschant la liquidit du march ; de surcrot, la surveillance de march suspendra trs
probablement la cotation, et appellera coup sr lquipe de dontologues chez MB
Brokerage pour leur demander des explications.

Une telle situation nest gnralement pas explicite dans la rglementation de march et le
dontologue doit rendre un avis immdiatement. La rponse quil sapprte formuler nen
est que plus importante, en ce quelle va soit mettre fin au problme, dans le cas o il estime
que lordre na pas tre accept, soit donner une indication supplmentaire partir de
laquelle loprateur sera mme de se dterminer, cest--dire mme dexcuter lordre
pass par le client ou de le refuser. Au-del du seul groupe de transactions concern, dautres
aspects viennent se greffer sur la rponse attendue : comment les autres intervenants de
march ragiront-ils en apprenant quun oprateur fait dcaler 45 des 79 titres composant
lISEQOverall Index dans la phase de fixage des cours, celle qui leur sert de rfrence ?
Comment la surveillance de march va-t-elle ragir ? Quelles seront les ventuelles
consquences rglementaires lies la passation dun tel ordre ? Et en terme dimage pour
MB Brokerage ? Dun autre ct, le client attend lgitimement que son instruction soit
13
effectivement excute, et refuser de passer lordre pourrait mettre MB Brokerage en risque
juridique ; ce sans voquer les rpercussions en terme dimage chez ce client prcis. Autant de
questions qui se trouvent suscites par lchange entre loprateur de march et le
dontologue, auxquelles nous aurons loccasion, dans le cours de ce travail, de fournir des
lments de rponse.

De fait, de telles situations se prsentent quotidiennement dans les salles de march, les
demandes tant plus ou moins circonscrites, couvrant des champs thmatiques plus ou moins
larges et variant selon les contextes de march, les mtiers impliqus, selon le degr de
prcision des textes rglementaires applicables galement. Elles constituent une part non
ngligeable du quotidien dun dontologue de march : celui-ci se trouve, en sa fonction,
comme encastr dans les structures rgentant les changes au sein de la salle et partant, y
occupe une place trs particulire, orientant le faire des oprateurs, entre textes, dispositifs et
objets. Et maintenant, quest-cque jfais ? : voici rsum en peu de mots le motif qui nous
servira, dans les pages qui suivent, de fil conducteur. Il recle, dans les possibles quil ouvre,
de nombreuses questions qui clairent lobjet mme de cette tude, la dontologie financire.
Mais avant de plonger plus avant dans le quotidien de ceux qui contribuent la formation des
pratiques mises en uvre par les oprateurs de march, donnons quelques lments de
contexte, afin de situer notre travail de recherche.















14
Cette thse a pour objet la dontologie des pratiques financires, qui se laisse apprhender de
prime abord comme le corps des rgles applicables aux acteurs intervenant sur les marchs
financiers. Une telle notion sincarne aujourdhui travers la personne ou les quipes qui,
depuis 1996 chez les prestataires de services dinvestissement franais, sont en charge de la
dontologie
2
. Pour le dontologue*
3
cela signifie mettre en place et faire vivre des textes
(avis, conseils, notes, procdures, rglements, directives et lois) destins orienter les actes
des personnes travaillant dans la structure dans laquelle il opre ; mais aussi installer des
dispositifs et dployer des outils, afin de contrler que les rgles dictes sont bien suivies, et
de rendre en quelque sorte ces diffrents cadrages irrversibles (Callon, Madel &
Rabeharisoa, 2000). Cette attribution dontologique sest peu peu dveloppe, jusqu tre
pleinement reconnue comme une fonction de lentreprise, sinon une profession part entire,
disposant de son organisation et de moyens ddis. Elle a connu dimportants dveloppements
au cours des dix annes coules, qui lont peu peu vu se transformer en fonction de
conformit *, pour coller davantage aux ralits couvertes par la fonction compliance* en
vigueur dans la culture financire anglo-saxonne depuis plusieurs dizaines dannes dj.
Ltude que nous prsentons constitue ainsi une premire approche de cette fonction, et
propose une construction des modalits de diffusion de la dontologie financire dans les
pratiques en vigueur sur les marchs de capitaux.

La fonction dontologie se donne de faon exemplaire comme la pointe merge dun
ensemble vaste, questionnant les murs observables sur les marchs, dans un contexte socio-
historique donn : les limites du possible et de limpossible, du lgitime et du condamnable y
faisant lobjet de proccupations vridiques, car structurantes bien des gards. De fait, on
assiste aujourdhui, dans la sphre publique, un renouveau des questionnements relatifs aux
murs acceptables, aux fins poursuivies par les idaux contemporains, dans les socits dites
dveloppes : les rapports qui se sont tisss entre la partie civile de la socit et les institutions
conomiques du capitalisme singulirement les marchs, et plus spcifiquement les marchs
financiers sont aujourdhui malmens, en ceci quils subissent le contrecoup de
manquements et autres dysfonctionnements dont lampleur na, en croire diffrents

2. COB (1996 : 6), art. 12.
3. Les termes suivis dun astrisque font lobjet dune dfinition dans le Glossaire, p. 447 sq.
15
observateurs, jamais t gale. Tant et si bien que la question de la rgulation des pratiques
sen trouve pose nouveaux frais.

Un double mouvement anime ce questionnement renouvel. Les rgulateurs produisent
aujourdhui de multiples textes destination des acteurs de la finance contemporaine : ces
lois, rglements et autres instruments normatifs tant diffuss par les professionnels du
contrle que sont les juristes, auditeurs, contrleurs permanents* et dontologues (dsormais
appels Responsables de la conformit ). Le dveloppement des diffrentes composantes
du contrle, et plus particulirement la rorganisation des structures de contrle interne* au
dbut de lanne 2006, porte la trace dun rel regain dintrt pour la rgulation des
pratiques. On assiste alors une segmentation de plus en plus fine des diffrents risques
auxquels les systmes financiers et les institutions qui les soutiennent doivent faire face et,
concomitamment, des fonctions charges de surveiller ces risques nouvellement identifis.

Paralllement, les productions acadmiques se sont dveloppes depuis le milieu des annes
1980, qui ont vu natre de vritables coles au sein mme de ce quil est convenu dappeler
sociologie conomique , en rfrence une approche non purement noclassique des
phnomnes conomiques (Knorr Cetina, 2007). Le paysage thorique franais sarticule
principalement entre Rgulationnistes (Aglietta, 1976 ; Boyer, 1986), Conventionnalistes et
tenants des conomies de la grandeur (Boltanski & Thvenot, 1987 ; Boltanski & Thvenot,
1991 ; Orlan, 1994), du Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales (Caill, 1989 ;
Caill, 1994) et, plus rcemment, partisans de la nouvelle sociologie conomique anglo-
saxonne (Zelizer, 1979 ; DiMaggio & Powell, 1983 ; Granovetter, 1985 ; Fligstein, 1990).
Contre importante de lconomie, la finance constitue un objet dtude part entire, elle qui
faonne la ralit de lconomie franaise et tend sautonomiser face la figure tutlaire de
lEtat. Lvolution historique de lconomie franaise, au gr des drglementations et des
privatisations, a suscit de nouvelles pratiques, de nouveaux usages et, partant, de nouvelles
rgles du jeu. Les territoires traditionnellement dvolus lconomie, la sociologie et aux
mathmatiques sont peu peu complts par des entre-deux, des thories interstitielles venant
se loger entre ces pans clairement identifis. On assiste alors lmergence dinitiatives
diverses visant promouvoir une approche sociale de la finance, le terme devant tre entendu
en un sens non restrictif.

16
Paradigme dune telle approche, la rdaction dun manifeste engageant parler finance
par un groupe de jeunes chercheurs en 2000 rappelant combien il est aujourdhui ncessaire
de combiner les points de vue afin dexpliquer au mieux le monde daffrontements
htrognes et dintrts croiss dploy par la finance daujourdhui (SSFA, 2000). Au-
del, il sagit de prendre au srieux lassertion selon laquelle

les proprits des agents conomiques sont autant de produits de constructions sociales
diverses, scientifiques, scolaires, politiques au vaste sens du terme, tout autant que techniques. Ce
sont ces prolongements croiss des esprits et des institutions que les sciences sociales de la
finance se sont aussi donnes pour tche dtudier (SSFA, 2000 : 4).

Pour preuve de lintrt port par de telles approches, de nombreuses publications ont depuis
quelques annes vu le jour : que ce soit sur les traders* (Godechot, 2001), sur la mise en
place du systme de cotation assiste en continu la bourse de Paris (Muniesa, 2003 et 2005)
ou, plus rcemment, sur la performativit des sciences conomiques (Callon, 1998, 2005 et
2007 ; MacKenzie & Millo, 2003 ; MacKenzie, 2006 ; Muniesa, 2007a ; Fourcade, 2007), les
dispositifs et les technologies de march (Beunza & Stark, 2003 ; Preda, 2003 et 2006), les
mcanismes de clearing (Millo & Alii, 2005), ou encore les bonus dans lindustrie financire
(Godechot, 2007), nous avons l des approches qui nen restent pas au postulat conomique
noclassique de lefficience des marchs, un postulat souvent mal compris
4
.

Cette nouveaut du questionnement peut tre rapproche dune tentative similaire, plus large
par le champ quelle couvre, mais tout aussi emblmatique de la tendance actuelle consistant
interroger les domaines priphriques des thories classiques. Cette ouverture parallle
propose quant elle

dattirer lattention sur linfluence des pressions tatiques et socitales plutt que celles des
seules forces du march et de la raret des ressources, sur les effets de lhistoire, des
rglementations plutt que ceux de la seule autonomie de lacteur (Huault, 2004a : 1).

Ce qui se trouve ici dfendu, cest la croyance fonde en


4. Pour de plus amples dtails sur lorigine des Social Studies of Finance, notamment leur lien avec les Social
Studies of Science, on pourra se reporter en premire approche Muniesa (2003 : 35 sq.).
17
limportance, voire lomniprsence de la dimension institutionnelle dans lunivers conomique et
gestionnaire (Ibid. : 1).

La gense thorique de notre sujet sexprime au croisement de ces deux orientations : dune
part parce que la dontologie financire envisage comme objet dobservation relve bien des
tudes sociales de la finance, dautre part parce que la dimension institutionnelle y est, de par
sa nature mme, extrmement prgnante.


1.1. LES FONDEMENTS DUNE INTERROGATION RENOUVELE
Nous allons prsent donner quelques indications quant aux fondements de notre
questionnement : si la proccupation des murs affrentes aux activits financires est
ancienne, il nen reste pas moins que lon assiste aujourdhui lmergence dune nouvelle
normativit dont la fonction dontologie se fait porteuse.


1.1.1. Une proccupation ancienne
Les questions qui animent les courants de pense ici brivement mentionns, si elles
parviennent dsormais trouver un espace o sexprimer, nen sont pas pour autant
nouvelles : du moins appartiennent-elles cet ensemble dinterrogations immmoriales parce
que fondatrices des relations, des changes entre individus et socits. En tmoignent deux
textes publis la fin du XIX
me
sicle, lun par Weber, lautre par Proudhon : rdigs alors
que les marchs financiers et les bourses des valeurs taient dj des ralits tablies, on y
retrouve lexpression du ncessaire corsetage des pratiques, fondement de la dontologie
financire.

Dans son opuscule consacr la bourse, Max Weber notait ainsi combien les proccupations
dordre thique lui semblaient trangres aux activits financires et combien il tait
important de mettre en place des cadres limitant le dveloppement tout va de pratiques
parfois trangres la morale commune :

Une Bourse puissante ne peut aucunement tre un club promouvant une culture de lthique
(ethische Kultur), et les capitaux des grandes banques sont aussi peu des fonds caritatifs
18
(Wohlfahrtseinrichtungen) que les fusils et les canons (Weber, [1894] 1999 : 67 = tr. fr.
modifie, 1999 : 110).

Conclusion lucide dun ouvrage sans doute trop peu lu, contemporain de LArgent dEmile
Zola [1891], dans laquelle sexprime tout la fois la reconnaissance des dysfonctionnements
latents du march et la ncessit de pallier ces manques defficience propres lactivit
boursire, en loccurrence celle des marchs terme attirant des spculateurs sans
patrimoine et incapables de discernement
5
. Ainsi se trouve souligne la ncessaire mise en
place de garde-fous garantissant une meilleure police cest le terme employ par Weber
des marchs : depuis linstallation des Bourses dans des lieux ponymes clairement
circonscrits, on a, note lauteur, eu

naturellement besoin dun organe charg de faire la police (Marktpolizei) sur le march
6
.

Ce sont alors les sanctions disciplinaires retenues lencontre des spculateurs en bourse qui
sont voques par Weber, qui ont pour but de protger les particuliers : ce rle est aujourdhui
dvolu aux rgulateurs nationaux, dont les dontologues sont en quelque sorte une manation.

Approchant par la ngative ou plutt par inversion le phnomne de rgulation, Pierre-J oseph
Proudhon montre de son ct quel point il est difficile pour lEtat de rguler les
comportements des participants aux changes financiers : la spculation,

par lanarchie qui lui est essentielle, chappe toutes les constitutions gouvernementales et
policires
7
.

Promoteur du paradigme anti-Etatique, le thoricien de lautogestion fdraliste nen relve
pas moins de faon claire :


5. Weber, [1894] (1999 : 65) =tr. fr. modifie (1999 : 108).
6. Ibid. : 20 =tr. fr. : 50. Tous les termes sont importants ; lorgane doit assumer une fonction clairement
identifie et se trouve littralement inclut dans la dfinition du march, ce qui revient souligner
indirectement la ncessit dune structure normative ou un corps de rgles applicables aux acteurs du march.
7. Proudhon (1853 : 36).
19
La Bourse est le pouls que doit palper le pathologiste afin de diagnostiquer ltat moral du
pays
8
.

Nous avons, avec ces deux auteurs, deux vues fondamentalement diffrentes, mais non
opposes, quant au systme dchange boursier : Weber est en effet convaincu du rle
bnfique de cette institution pour la croissance conomique mondiale, lorsque Proudhon y
voit lexemple mme de linstitution fonctionnant partir de mcanismes fdralistes et
mutuellistes consubstantiels sa thorie de lanarchisme libertaire. Quoi quil en soit, tous
deux soulignent lacuit des questions comportementales, dj identifies comme essentielles,
alors que se jouent les premiers dveloppements industriels de la finance dans la seconde
moiti du XIX
me
sicle.

Pour autant, les proccupations connexes aux activits financires ne peuvent tre rduites,
dans leur expression, la forme quelles furent amenes prendre au cours de tel ou tel sicle.
Bien avant le XIX
me
sicle, la question dune police des comportements se fit jour et ce en
dpit dun dveloppement encore embryonnaire de certaines pratiques financires justement
permises par le dploiement des activits conomiques. Lorsque lon cherche toutefois des
traces de primo-dontologies , on se trouve oblig de rinscrire la question dans un corps
doctrinal plus restreint, mais aussi plus facilement identifiable : celui du rapport entre moralit
et argent, entre la finalit poursuivie (lenrichissement) et les moyens de sa mise en uvre
(lintrt). Lmergence de proccupations morales lies aux activits financires nest donc
pas un phnomne nouveau : celles-ci se sont dveloppes dans le sillage de la mise en uvre
de nouvelles pratiques, dans le dploiement de nouveaux territoires financiers et
comportementaux en loccurrence. Pour cette raison, la question de la rgulation des
comportements financiers, quelle soit structurelle ou non, ne peut en aucun cas tre
considre comme ferme (Fourcade & Healy, 2007 : 288).







8. Ibid. : 164.
20
1.1.2. Vers une nouvelle forme de normativit ?
Ds lors, il est intressant de mettre ce constat en parallle avec les propos tenus en fvrier
2005 par Daniel Bouton, alors Prsident de la Fdration Bancaire Franaise (FBF), lors de la
cinquime journe ddie aux Responsables de Contrle des Services dInvestissement*
Dontologues :

la mondialisation des marchs, la concentration des acteurs et la crise de confiance qui a secou
certains marchs ces dernires annes ont gnr une logique nouvelle de la production des
normes [rglementant lactivit bancaire] []. Aujourdhui [], la fabrication des normes
comportementales et de gestion relve de plus en plus dinstitutions internationales (Comit de
Ble, GAFI, OICV, CESR) o les principales autorits de rgulation se rencontrent pour dgager
les principes communs, socle minimal quelles sengagent implicitement respecter
9
.

Dans ces remarques figure, nous semble-t-il, la rvlation dune nouvelle dimension de
lapprhension des risques dans lconomie des banques et, plus gnralement, dans toute
institution faisant prestation de services financiers. Dores et dj structures pour corseter le
risque de contrepartie (le client aura-t-il les moyens de rembourser le crdit octroy ?) ou le
risque oprationnel (que se passe-t-il si la salle des marchs disparat dans un incendie ?
Quadvient-il si lordre pass par le client nest pas excut pour cause de panne
informatique ?), les prestataires de services dinvestissement sont amens prendre
conscience de lmergence dun nouveau risque : le risque dimage galement dnomm
risque de rputation. Risque dont la composante principale figure au rang de la
reprsentation, cest--dire de lide que les membres de la socit, Etats et gouverns, se font
de linstitution. Ce risque protiforme se trouve fortement corrl au risque de non-
conformit, reconnu comme tel depuis 2005, et qui nat du

[] non-respect de dispositions propres aux activits bancaires et financires, quelles soient de
nature lgislatives ou rglementaires, ou quil sagisse de normes professionnelles et
dontologiques [] (CRBF 97-02, art. 4, p =CCLRF, 2005 : 3).


9. AMF (2005c : 41). Voir galement Fort (1995). On pourrait ajouter aux lments explicatifs ici avancs une
composante lie au financement du terrorisme, ainsi que le propose De Goede (2005 : 36) : September 11 can
be said to have forced a sea change in global financial regulation . La signification des acronymes dsormais
lexicaliss, cits par D. Bouton, figure p. 347.
21
Ce risque rcemment institutionnalis trouve sa plus simple expression dans lchange plac
en exergue de notre texte : lorsquil donne un conseil, le dontologue se trouve en quelque
sorte dj commis par le risque de rputation, travers de part en part dans sa fonction par
lapprhension des consquences lies une mauvaise pratique de march sur lun des desks
qui lentourent
10
ou, plus gnralement, par le non-respect par lun de ses oprateurs, dune
disposition rglementaire. Cest ce risque qui, si nous nen relevons pas systmatiquement
lexistence, travaille en sous-main bon nombre des situations qui se trouvent exposes dans la
prsente tude ; lui encore qui justifie laccroissement constant des moyens dploys par les
rgulateurs et des efforts consentis par les intervenants de march lors de la dernire dcennie,
dans la mise en place dune fonction spcifique en charge de la conformit.

Plus de cent annes ont donc pass, mais le risque encouru par les institutions financires na
gure diminu et ne sest gure simplifi, bien au contraire. Rsultat probable dune
conjonction de facteurs, que ceux-ci soient exognes (le dveloppement croissant des
marchs) ou endognes (la complexit accrue des produits proposs), la situation
contemporaine souligne quel point les risques classiques prcdemment numrs
peuvent tre aisment conceptualiss sinon vits aprs tout, chacun sait grosso modo ce
quil en cote dun sinistre, dune panne rvlatrice dune faille dans un systme
informatique, et quel point il est bien plus complexe de se prmunir contre un risque dont
les caractristiques se font tout la fois changeantes, multiples et quasiment impalpables tant
que celui-ci ne sest pas matrialis, cest--dire tant que la possibilit na pas cd place
leffectivit, tant quil nest pas dj trop tard. Que lon songe la chute de lempire
Andersen
11
, paradigme de cette nouvelle ralit du risque : comment une entreprise fonde au
milieu du XIX
me
sicle, de surcrot pilier du secteur de laudit et du commissariat au compte,
employant environ cent-quarante mille personnes de par le monde, peut-elle tre amene
disparatre en six mois partir du moment o sa rputation, cest--dire la probit de son
image, se trouve mise en cause ? Comment expliquer une telle chute, lors mme quun seul
des cabinets daudit (celui de Houston, au Texas) fut explicitement montr du doigt par les
instances de rgulation ? Les rponses de telles questions sont la fois videntes trouver et

10. Nous aurons loccasion de revenir sur les diverses formes que peut prendre ce risque, notamment lorsque
nous voquerons dans ltude de cas les entres en relation avec des clients. Voir par exemple les Situations 6 &
7, p. 283 sq.
11. Voir Piaget & Baumann (2003).
22
difficiles justifier : rejeter la faute sur la complexit relle des structures de mdiation, des
canaux permettant de remonter les informations, sur linsuffisance des systmes dalerte et de
contrle ou toute autre raison que lon voudra se donner la peine de trouver ne suffit plus.

Nous sommes sans aucun doute entrs depuis longtemps dans ce que Ulrich Beck (1986) a
caractris dans son ouvrage ponyme comme une socit du risque , une socit dans
laquelle le mode de fonctionnement des organisations se trouve pour partie tourn vers
lidentification et la mesure du risque constituant comme le ngatif de toute action positive,
que ce risque soit le plus tangible ou le plus labile, le mieux conceptualis ou le plus flou.
Lauteur, vritable pionnier de la question, soulignait ainsi lenjeu sous-jacent au dbat sur le
risque :

il ne sagit pas uniquement des problmes sanitaires induits par la modernisation qui frappent la
nature et lhomme, mais des effets sociaux, conomiques et politiques induits pas ces effets induits
eux-mmes : effondrement des marchs, dvaluation du capital, contrle politique des dcisions
dentreprise, ouverture de nouveaux marchs, frais de mutuelle, procdures judiciaires,
dtrioration de limage (Beck, 1986 =tr. fr., 2002 : 43).

Nos socits industrielles dveloppes connaissent, depuis la fin du XX
me
sicle, une
transformation en profondeur qui les amne non plus faire porter leur effort de rpartition
sur la richesse produite, mais sur les risques induits par cette production : en dautres termes,
le risque dans toutes ses composantes nest plus peru comme un lment transcendant,
mais bien comme un lment immanent constitutif de nos socits.

Le dveloppement pouss dun corps de normes comportementales dans les mtiers de la
finance est aujourdhui avr et sinscrit pleinement dans cette reconnaissance du risque au
sein mme des structures productives. Non que la notion de risque soit proprement parler
nouvelle, bien au contraire, mais cest aujourdhui lomniprsence de cette ralit dun risque
de rputation au sein mme des marchs qui doit tre constate, l-mme o se nouent et se
dnouent les positions et propositions, l-mme o soriginent les transactions. Signe
important de ce dveloppement nouveau, lmergence puis la structuration systmatique
dune fonction de dontologie et de conformit : cette tape constitue cependant moins un
aboutissement quune ouverture vers une institutionnalisation systmatique des
proccupations exprimes par nos socits occidentales contemporaines quant aux
23
transactions financires. Le dontologue, nous le verrons, doit contribuer lassainissement
des relations de march, lhomognisation a minima des pratiques de place et officie en
quelque sorte comme poste avanc de rgulation dans des marchs que les diffrents
rgulateurs prouvent de plus en plus de difficults matriser. La mise en place de cette
fonction, depuis une dizaine dannes en France, saccompagne dun effort soutenu
dinstitutionnalisation des pratiques par ldiction de nouveaux rglements ayant eux-mmes
vocation passer, terme, au crible de lhomognisation europenne.

Le dialogue que nous avons voulu instaurer aux deux extrmits du sicle est-il exemplaire ?
Linstitutionnalisation de la fonction dontologie que nous nous proposons danalyser
marque-t-elle effectivement un tournant dans les pratiques de place ? Ou bien faut-il
considrer que ce dveloppement nest en dfinitive que purement cosmtique, dans la mesure
o la proccupation morale est aussi ancienne que la relation mdiatise par lchange
marchand elle est de fait consubstantielle au consentement mutuel des volonts et o la
Compagnie des Agents de Change assurait son endroit ce rle de police des murs du
march ds le XVI
me
sicle ? Mais en suivant une telle hypothse, comment rendre compte
alors de lavnement de la fonction dontologique, dsormais enracine chez chacun des
membres de la communaut financire agissant au cur mme des marchs ? Il convient donc
douvrir aujourdhui le dossier de la dontologie financire, celui-ci permettant dinterroger
nouveaux frais un certain nombre de pratiques entres pleinement, en ce dbut de vingt-et-
unime sicle, dans nos habitudes sociales.


1.1.3. Un contexte favorable
Les brves indications historiques que nous avons fournies prcdemment le montrent : il
existe une certaine constante structurelle dans les relations quentretiennent les affaires au
sens large et la structure morale sous-jacente. Si cest probablement la fin du XVIII
me

sicle, avec le dveloppement de lAufklrung notamment, que cette relation connut un
premier examen de fond, cest galement cette poque que se trouva thmatis le rle de
lEtat moderne, lui-mme en gestation, dans la rgulation des pratiques financires. Ce nouvel
acteur na cess de crotre en puissance au cours du XIX
me
sicle, jusqu ce que lopinion
elle-mme saccoutume pleinement au sujet, et en vienne attendre de lEtat et du Lgislateur
quils prennent toutes mesures ncessaires pour pallier les consquences des fluctuations
24
conomiques, de ses cycles, et des piphnomnes critiques mettant mal les marchs. Cette
attente vis--vis du rgulateur ne sest gure attnue dans notre pays, dans lequel la forte
tradition dun Etat-providence na fait que renforcer lesprance culturellement ancre dune
action rgulatrice et salvatrice vis--vis des soubresauts du march, que ceux-ci soient causs
par des phnomnes rcurrents (des bulles spculatives) ou acycliques (les attentats du 11
septembre 2001).

Cest loccasion de tels vnements que sont souligns les manques ventuels des structures
de rgulation, que sont pointes les dfaillances et autres pierres dachoppement vite
stigmatises par lopinion comme devant tre aplanis sans conteste. Les structures de
normativit en place subissent alors des glissements successifs, des dplacements par -coups,
rvlateurs des dispositions de la socit lgard des activits financires et du risque qui
leur est consubstantiel. Que lon pense la naissance du Glass-Steagall Act dans lAmrique
daprs 1929, et lon se rendra compte que la dsormais clbre loi Sarbanes-Oxley ne fait
que rpter, dans lacte de sa profration mme, le droulement dune pice dj trop bien
connue
12
.

Cest un fait aujourdhui admis et document : le dbut des annes 2000 a vu se multiplier les
affaires et autres scandales financiers
13
. Lune des causes principales aujourdhui
identifie rside dans la financiarisation de lconomie, un phnomne partag dans la
majorit des pays dvelopps ; cet gard, il constitue probablement lun des paradigmes des
conomies de la fin du XX
me
sicle, thmatis notamment partir de la notion de
transparence, devenue vritable outil de gestion (Grossman, Luque & Muniesa, 2006). De
leur ct, les rgulateurs nationaux nont pas pris conscience de lampleur du phnomne, et
ont laiss se dvelopper des structures (Enron, Vivendi, Worldcom, QWest et dautres encore)
de plus en plus tournes vers des oprations financires complexes, les amenant agir, pour

12. Dans une revue ddie aux nouvelles exigences formules lencontre des banques, Pascal Blanqu note que
cest le propre des priodes post-bulle que douvrir un champ de catharsis et de remises en question. Pratiques,
cadres rglementaires, transparence sont passs au crible. 1929 ou 2000, dans les fractures boursires sengouffre
un vent de rformes. Singulier et constant contraste entre le caractre ternel des crises financires et la pense
du renouveau qui, chaque fois, lui succde . Cf. Blanqu (2004 : 5).
13. Voir par exemple, au sein dune abondante et ingale littrature, Aglietta, Brender & Coudert (1990), Orlan
(1999) ou encore Gauron (2002).
25
certaines dentre elles, en vritables tablissements de crdit lors mme que leurs activits
originelles ne laissaient pas supposer, a priori, une telle volution. Il devient alors de plus en
plus difficile de distinguer ce qui est financier de ce qui ne lest pas dans les entreprises
alimentant les conomies nationales. On est loin ici des faillites classiques de structures de
type LTCM, des fonds dinvestissement dont les modles dvaluation des risques nont pas
fonctionn (De Goede, 2001 ; Millo & Holzer, 2005 ; MacKenzie, 2003a et 2003b)
14
.

Autres temps, autres normes pourrait-on dire
15
. Si lhistoire semble en effet se rpter,
force est de constater la particularit des rponses apportes la crise : ce nest plus ici la
dimension structurelle propre des marchs qui se trouve interroge, comme ce put tre le cas
dans les annes 1930 ou 1980, mais bien la dimension comportementale des personnes
agissant sur ces marchs qui fait question. Ce nest pas tant la structure de rgulation qui se
trouve remise plat, mais plutt les modalits dexercice du contrle des institutions
financires. Telle est probablement la nouvelle logique normative luvre au sein des
marchs contemporains : lintrt sest aujourdhui dplac de la forme vers le contenu, de la
structure des actions vers les intentions sous-jacentes celles-ci, avec pour corollaire
lmergence du risque de non-conformit que nous venons dvoquer. Le dveloppement
dune fonction dontologique de conformit sinscrit pleinement dans ce dplacement : cest
bien la conformit des intentions aux rgles en place qui se trouve ainsi vise, ladhsion
lesprit des lois et ladhrence la norme dans les faits constats. Les institutions financires
doivent aujourdhui, plus que jamais probablement, tre en mesure de se justifier, de rendre
compte, bref de rendre raison de leurs actes. Lorsque loprateur de march interroge : Et
maintenant, quest-cque jfais ? , cest aussi cela qui figure au fond de la question : tant
donn larchitecture rglementaire mise en place dans la salle de march, que faire face la
situation, pour agir en conformit ? J usquo puis-je aller dans ma lecture des limites
imposes par les cadres normatifs et les dispositifs affrents mis en place lintrieur de la
salle de march ? Le dontologue se trouve parfois sollicit par les oprateurs pour dterminer

14. Pour une rflexion originale sur lapprhension des risques, voir Taleb (2001 ; 2007). La crise dite des
subprimes , ouverte alors que nous rdigeons ces lignes, apportera elle aussi selon toute vraisemblance un
clairage complmentaire.
15. La clbre exclamation de Cicron dans les Catilinaires peut lgitimement tre rendue de la sorte : le terme
mos, mores renvoie non seulement aux murs proprement dites, mais galement lide de loi, de rgle ou
de norme.
26
lespace au-del duquel existe un risque de non-conformit, cest--dire le champ au-del
duquel les actes de loprateur ne se trouveraient plus couverts par le halo de normativit
existant en marge des principes normatifs formaliss dans les procdures et autres dispositifs
de contrle.


1.2. OBJET DE LA THSE
Cest dans ce contexte que sinscrit notre recherche : celle-ci porte sur les comportements, les
pratiques, les habitudes sur lesquelles le dontologue tente dexercer sa comprhension, sa
marque organisationnelle, son empire aussi. Lexemple sur lequel souvre ce travail montre
quel point les situations peuvent tre tout la fois simples dans leurs expressions, et
probablement dilemmatiques dans leurs solutions. Lexistence dune institution reconnue,
mme dorienter les oprateurs dans le foisonnement des textes rglementaires aujourdhui
empils, souligne la ncessaire structuration des savoir-faire et des pratiques de march dans
lespace financier. Les exemples voqus dans les pages qui suivent font peine cho la
masse de textes rglementaires ayant aujourdhui force de loi : les activits financires sont de
fait, avec certaines professions mdicales, parmi les plus rglementes dans notre pays ; la
ncessit du respect non seulement de la lettre des normes mais surtout de leur esprit
16
est
sans cesse rappele, cest elle qui oriente en sous-main laction des dontologues.


1.2.1. Quest-ce quun dontologue ?
Si nous nentendons pas, dans le cadre de cette recherche en sciences de gestion, nous livrer
un travail philosophique sur la notion de dontologie, il nous faudra cependant dire quelques
mots des relations usuelles et smantiques quentretiennent les termes dontologie ,
thique et morale . Ces termes ont en effet peu peu colonis le quotidien des
publications conomiques, journalistiques et managriales, tant et si bien quil est parfois
malais de savoir de quoi lon parle, ce que lon questionne, bref ce qui est en jeu lorsquil en
est fait usage. En premire approche, nous retiendrons la dfinition propose par le Service

16. Brac de la Perrire (dir.) (1988 : 13). Voir aussi le rapport Bouton, charg de mesurer ladquation entre
lattente des investisseurs et des marchs, dune part, et lensemble du corps des rgles, normes et
comportements dautre part [] . Cf. AFEP-AGREF / MEDEF (2002 : 2).
27
Central de Prvention de la Corruption (dsormais SCPC), un service interministriel plac
auprs du garde des Sceaux :

La dontologie est lensemble des rgles qui rgissent une profession et la conduite de ceux qui
lexercent. Elle est base sur des droits et obligations dfinis, notamment par la loi, faisant
rfrence une morale professionnelle. Elle comporte un cadre commun mais elle doit tre
adapte chaque entreprise ou administration, chaque mtier et aux conditions dexercice du
mtier. Cest un vritable mode de rgulation de la profession (avocats, mdecins, par exemple)
qui permet de crer un autocontrle collectif. Elle nest pas obligatoirement formalise dans un
code, mais peut aussi figurer dans des textes lgislatifs ou rglementaires, dans des instructions,
dans des rglements internes (SCPC, 2002 : 8).

Laffirmation ramasse en une phrase et de faon claire le rle mdiateur de la dontologie, du
code et son caractre contextuel : ce serait dans cette relation toujours questionne, ce
positionnement des uns par rapport aux autres lacceptation tacite ou explicite de telle ou
telle prise de position , dans cet espace de normativit dploy par la dontologie, que se
jouerait alors lessentiel de la fonction dontologique. Les lments constitutifs de la
dontologie financire se retrouvent dans cette dfinition, notamment la question de la
rgulation des conduites, ainsi que la rfrence une morale professionnelle partage, ancre
dans une pratique socialement contextualise. En rponse cette dfinition gnrique de la
dontologie, que nous mettrons par ailleurs lpreuve de la pratique, il nous faut disposer
dune dfinition spcifique la dontologie financire. Lide mme de nommer un
dontologue rvle en effet une particularit des mtiers financiers, lesquels ne figurent
pas directement parmi le corps des mtiers disposant un cadre dontologique garanti par un
Ordre.

Si les termes dontologie et dontologue apparaissent, en 2005, ds le Livre I du
Rglement Gnral de lAutorit des Marchs Financiers (AMF), ce nest que dans le Livre
III, ddi aux prestataires de services dinvestissement, que la fonction dontologie se trouve
dfinie en tant que telle :

Le responsable de la fonction dontologique, ci-aprs le dontologue, contribue [] assurer le
respect des rgles de bonne conduite applicables lexercice des services dinvestissement []
par le prestataire habilit et ses mandataires []. Il veille au respect de ces mmes rgles par les
28
personnes physiques places sous lautorit ou agissant pour le compte du prestataire dans le cadre
de lexercice des services [dinvestissement]
17
.

Garant du respect des bonnes conduites, promoteur de ces meilleures pratiques (best practices
ou encore sound practices) qui font lobjet de rapports de la part des rgulateurs
18
, le
dontologue se doit de couvrir un champ dont lempan se laisse mesurer laune de sa
relative imprcision. Nous lavons rapidement voqu, il ne sagit pas pour lui de simplement
coller au texte, il lui faut plus que jamais parvenir diffuser lesprit de ce texte, et le
transcrire dans des procdures intelligibles pour les utilisateurs que sont les oprateurs de
march. En dautres termes, il sagit bien plus pour le dontologue de parvenir anticiper les
comportements qui pourraient dvier par rapport une norme qui ne se laisse pas apprhender
de faon binaire au premier abord, par rapport une norme qui se donne comme un halo de
normativit. La question contextuelle est ici vritablement importante : cest souvent en
fonction de la situation que le comportement sera jug comme dviant et proscrire, lors
mme quun contexte diffrent permettra de juger le comportement comme acceptable. Le
travail du dontologue se laisse ainsi apprhender en situation, et lon peut avancer quil nest
de regard dontologique qu laune dune action situe, dans un contexte donn. Cest
partir de ce constat que nous dveloppons notre recherche : il ne sagit pas pour nous de faire
une sociologie de la profession dontologique, puisque celle-ci nexiste pas en tant que
telle (au sens du moins o la catgorie professionnelle affrente ne se trouve pas reconnue
pour elle-mme), et que lunivers dontologique en cours de structuration ne saurait trouver
ses lgitimations de lextrieur
19
. Il sagit en revanche de rendre compte des modalits de
diffusion de la dontologie dans les pratiques, ainsi que de la place et du rle de la fonction
dontologique dans lconomie par lintermdiaire de son encastrement dans des
organisations contribuant la construction des marchs.


17. AMF (2005d), art. 321-26. La dfinition de cette fonction dontologique volue au fil des ans et se trouve
remplace, en 2006, par la fonction conformit. Le terme dontologue reste nanmoins utilis dans certaines
entreprises.
18. A titre dexemple : le Comit de Ble (Basel Committee on Banking Supervision) publie nombre working
papers dont le titre commence par le syntagme Sound practices for [] ; ainsi : BCBS (2000) ou (2003).
19. En ceci, notre travail se distingue de lapproche propose par Abbott (1988), des travaux de Courpasson
(1995), ou de Dubar & Tripier (1998).
29
Lapproche que nous avons retenue tente donc de mettre en lumire ces diffrents lments
propres lactivit dontologique, en rinscrivant la pratique dans son contexte dorigine,
savoir les marchs financiers
20
. Loriginalit que lui confrent ses attributions, au premier
rang desquelles sa vocation hermneutique le dontologue se faisant traducteur des normes
plaide pour une tude axe sur les dimensions sociale, comportementale, culturelle et
organisationnelle de la fonction. La dimension sociale de lactivit dontologique sannonce
dans le rle mdiateur quil tient, entre rgulateurs et rguls, entre organisations publiques et
organisations prives, entre socit et march. Acteur part entire des processus de
rgulation, il agit en quelque sorte comme un poste avanc, quasi antprdicatif de lnonc
normatif
21
. Cette dimension sociale se trouve redouble par la dimension comportementale
indfectiblement lie lactivit du dontologue : ce dernier travaille en quelque sorte ce
que les bonnes pratiques anticipent dune certaine faon les attentes probables des rgulateurs.
Il lui revient ainsi de modeler les comportements des ngociateurs* de la salle de march, des
dirigeants dsireux deffectuer des oprations pour compte propre, dimposer des Murailles de
Chine* restreignant rigoureusement la circulation de linformation. Lactivit se trouve
cependant fortement tributaire dune dimension culturelle : ne serait-ce quhistoriquement, il
existe un dcalage certain entre lavnement du mtier de compliance officer dans les pays
anglo-saxons et lclosion de la pratique dontologique en France. Enfin, la dimension
organisationnelle ne peut tre lude : cest en partie grce sa capacit sinscrire dans une
structure lui prexistant que le dontologue sera ou non capable de faire remonter les
informations lui permettant de sassurer que ses procdures sont suivies
22
.






20. La dfinition de la fonction a volu trs rapidement au cours des dernires annes mais lorigine, le
dontologue tait en charge du contrle des services dinvestissement. Pour un bref expos des fonctions
apparentes, on pourra se reporter Cassou (2005) et Ewald (2006).
21. Le caractre social de la dontologie est galement soulign dans le rapport prcdemment cit : La
dontologie est sociale, pratique et appuye par le disciplinaire collectif . Voir SCPC (2002 : 8).
22. King (1999) montre comment la structure de remonte dinformation conditionne et initie en quelque sorte le
passage lacte, en lespce la dnonciation des manquements.
30
Ces caractres que nous voquons ici, nous les retrouvons exprims sous une autre forme dans
le motif introduisant notre expos : lorsquil est sollicit la clture du march, le
dontologue intervient en amont de la pratique en tant quinstance de rgulation, puisquil sert
de rfrent loprateur de march, assumant un rle mdiateur entre textes et pratiques.
Lorsque loprateur lui soumet sa question, en la concluant par Et maintenant, quest-cque
jfais ? , il sen remet au dontologue dans lespoir que ce dernier lui ouvre une possibilit
daction, bref quil puisse sen retourner vers son desk avec une solution, un comportement
socialement lgitime adopter, qui aura le cas chant un impact sur lorganisation, sur la
gestion de lordre et les consquences affrentes sur le march. Cette manire dintervenir aux
cts des oprateurs se trouve dicte par une situation de proximit organisationnelle,
dacceptation sociale, au sein dun contexte rglementaire donn : tous les dontologues ne
disposent pas ncessairement dune place en salle de march, sont reconnus selon leurs
comptences ou en fonction des liens quils ont pu tisser avec certains par le pass, et chaque
structure de march dispose de ses rgles propres. Autant dlments qui se trouvent
farouchement ancrs dans une culture spcifique, les oprateurs de march dune maison de
courtage ne ragissant pas ncessairement comme le feraient des traders compte propre ou
des gestionnaires de fonds, face aux rgles du march les runissant. Ces premiers lments
justifient notre sens linscription de notre travail dans les tudes sociales de la finance, ainsi
que le recours ses mthodes.


1.2.2. Vers une plus grande institutionnalisation des pratiques financires
Il sagira ainsi de rendre compte, par lintermdiaire dune tude ddie une fonction bien
des gards mdiatrice des pratiques, du passage au crible des activits financires et de la
revendication, de la part de ce quil est de coutume dappeler aujourdhui la socit civile ,
dune plus grande responsabilit de la part des acteurs de la finance. On assiste en effet, avec
le dveloppement de la dontologie comme fonction plnire de lentreprise, au passage du
discours institutionnel au crible de sa performativit : passage des paroles aux actes qui a t
trop longuement prpar par llaboration de discours aux consonances thiques , dans le
meilleur des cas peu convaincants, et le plus souvent peu lgitimes. Les enjeux sont
aujourdhui tels que ces approches illgitimes doivent tre supples par une approche
rigoureuse, empiriquement fonde et documente. Lvolution rapide de la fonction a
paralllement t favorise par la pression conjointe de rgulateurs extra-europens, le
31
rgulateur franais se faisant dans certains cas opportuniste. Cette pousse conjointe et
mutuellement entretenue entre ces deux forces normatives, lune agissant par lintermdiaire
doutils lgislatifs, lautre par lintermdiaire de reprsentations sociales (parlementaires,
journalistiques voire dmonstratives) se trouve explicite par le sous-titre qualifiant notre
travail : on constate bel et bien un passage de la profration de paroles la constatation
dactes, un passage dune situation o les institutions taient en mesure de mettre en place des
structures trs diverses une homognisation des processus de conformit rglementaire, le
passage dune certaine pratique des institutions une institutionnalisation des pratiques. Cest
ce mouvement, cette amplification de tendance que nous avons pour objectif dtudier : il
sagira de la sorte de restituer le basculement qui fait passer dune conformit marque dans
des textes et des dispositifs, une dontologie assume, approprie par les oprateurs de
march.

La figure centrale contribuant la ralisation de ce basculement se trouve selon nous incarne
par le dontologue de march : nous voudrions dmontrer, dans le cours de ce travail, que la
fonction dontologie na de cesse de faire uvre de mdiation et en cela, signifie : la thse
que nous dfendons postule que la dontologie constitue une fonction mdiatrice de
lorganisation, et que cette fonction se fait, dans lexercice de son activit, donatrice de sens.
Elle ne peut ainsi se laisser rduire un simple rle de contrle et de mise en conformit des
pratiques aux normes dictes, elle joue un rle signifiant et oriente laction des personnes sur
lesquelles elle exerce son emprise. Nous soulignerons ainsi limportance des processus de
traduction dans le dveloppement dune approche conforme une certaine morale (se
trouvant elle-mme exprime par la dontologie promue), au sein dune organisation donne.
Faire uvre de mdiation, cest en effet apporter du liant politique, cest galement gnrer
du sens. Nous montrerons que la dontologie sinscrit dans cette dimension politique, et
quelle concourt la politisation du march, cest--dire son bon gouvernement, en en
effectuant la police.

Il nous reviendra alors dtudier la faon dont le dontologue fait uvre de mdiation et ce de
trois faons au moins : une mdiation technique entre la socit qui lemploie et les
rgulateurs de place, quils agissent au plan national ou international, mais galement une
mdiation hermneutique entre la loi et ses applications via des procdures et des
organisations idoines ; enfin, le dontologue ralise une mdiation discursive entre la parole et
les actes, en sassurant de ladquation des engagements pris vis--vis des tiers leffectivit
32
des ralisations constates. Lorsquil sapprte rpondre loprateur de march, le
dontologue doit en effet tenir compte de ces diffrents lments sil veut que sa parole soit
effectivement reue et puisse se dployer comme lentre-deux nourrissant le vide constat
entre contextes pratiques et textes rglementaires : il lui faut connatre les rgles de march,
les avoir assimiles afin de pouvoir argumenter de faon pdagogique lorsquil explicitera les
motivations qui lamnent donner tel ou tel conseil loprateur, et de faon convaincante
dans lhypothse o ce conseil serait remis en cause par un rgulateur ou un auditeur. Au-
del, le dontologue doit sassurer que son avis sera bien suivi par loprateur, assurant ce
dernier une forme de protection le ddouanant, dune certaine manire, des consquences
lies aux actes ainsi rendus possibles (en lespce la passation de lordre). Cette triple
dimension mdiatrice caractrise daprs nous la dontologie, en ceci quelle guide les actes
des participants du march selon des modalits spcifiques, en en exhibant le sens : cest
parce que lacte est conforme ou non la dontologie tablie quil est sens ou insens, quil
est lgitime ou pas.



1.3. ORGANISATION DE LA THSE
Notre travail sarticule en quatre moments qui sont autant dtapes concourant ldification
dune explication des modalits de diffusion de la dontologie financire chez les prestataires
de services dinvestissement. Le plan propos paratra peut-tre trop orthodoxe, il nous a
nanmoins paru lgitime en ce que notre travail se donne comme une premire mise en forme
de la thmatique dontologique au sein des services financiers.


1.3.1. Dfinition et revue de la littrature
La partie II entend fournir, par une revue de la littrature circonstancie, un champ thorique
permettant notre question de recherche dmerger. Nous commenons par dresser un tat
des lieux relatif aux types de publications mme de nous offrir matire rflexion (2.1.),
pour procder ensuite un travail de dfinition de la dontologie financire. Ce travail (2.2.)
nous permet notamment de montrer comment les approches qui ont t suivies jusqu prsent
sont htrognes et manquent parfois de prcision. Nous identifions alors des caractres de la
dontologie : celle-ci tient en effet une place spcifique dans la hirarchie des normes, et se
33
distingue nettement du discours sur lthique, tout en tant investie dune forte connotation
morale ; elle se laisse enfin apprhender dans un contexte qui est toujours spcifique, tant sur
les plans organisationnel que culturel. Partant de l, nous montrons (2.3.) combien la
dontologie se distingue plus particulirement de l thique des affaires et nous prcisons
quelles sont les relations que les deux termes entretiennent lun lautre, ce point ayant une
importance particulire quant la saisie de lobjet poursuivi par la fonction dontologie, une
fois quelle se trouve dploye chez les intervenants du march. Ces prcisions nous
permettent de situer notre travail au sein de la sociologie conomique entendue au sens large
(2.4.) : nous montrons comment le thme spcifique de la dontologie sorigine dans quatre
figures paradigmatiques de la sociologie no-institutionnelle (2.4.1.), pour accder ensuite au
site partir duquel la fonction nous semble pouvoir tre explique (2.4.2.), savoir le centre de
la relation tripartite existant entre banques, marchs et monnaie, et identifie par les auteurs.
Nous recherchons alors les processus luvre au sein de lobjet tudi (2.4.3.) : de la sorte,
les quatre figures identifies se trouvent relies deux deux par quatre thmes structurant la
pratique dontologique. Ainsi apparaissent les quatre lments concourant la diffusion puis
linstitutionnalisation de la dontologie financire : la performativit, la signification, la
traduction et la reprsentation sont les lments que nous articulons dans le cours de notre
problmatique, des lments constituant autant doutils conceptuels contribuant la mise en
forme de lexposition.


1.3.2. Problmatique
Partant des lments identifis dans la revue de la littrature, la partie III approfondit le cadre
conceptuel et articule un ensemble de questions dont lenchanement constitue notre
problmatique et aboutit la formulation dune question de recherche. La premire tape de
ce dveloppement nous permet dtudier la notion de performativit (3.1.) : rinscrivant
ltude de la dontologie financire dans le champ rcemment rouvert par Callon et
MacKenzie, nous montrons comment le concept de performativit sest peu peu affranchi de
ses limites conceptuelles dorigine. Par l, le concept a perdu deux de ses caractres, et nous
verrons que la fonction dontologie nous permet de proposer une lecture qui fasse droit au
concept primitif de performativit. Quest-ce en effet quune fonction qui performe, cest--
dire qui institue dans lacte de lnonciation, une norme transcendant lacte vis par la
pratique ? La question de la signification vient alors (3.2.) saccoler cette modalit du
34
langage dontologique. Comment celui-ci se fait-il parole signifiante ? Comment ce langage
oriente-t-il laction des oprateurs de march ? Parvient-il de la sorte contribuer au respect
des dispositions rglementaires rgentant les activits de march ? Afin de porter cette
signification la performance , cest--dire pour la rendre efficace, comment le
dontologue opre-t-il (3.3.) ? De quelle nature sont les traductions quil effectue, celles-ci
qui sont autant de glissements des textes aux pratiques, et qui sont destines tout la fois
prvenir les msusages des possibilits ouvertes par les marchs, et contribuer la
prservation de limage de lentreprise qui lemploie (3.4.) ? Enfin, si le dontologue
intervient sur les reprsentations et au sein des pratiques, ne concourt-il pas de la sorte
rendre plus nette la distinction existant entre lgalit et lgitimit, en occupant lentre-deux se
dployant entre ces deux ples (3.5.) ? La problmatique se laisse formuler en une articulation
de ces quatre lments, et permet de poser la question de recherche.


1.3.3. Mthodologie
La partie IV revient sur les modalits pratiques de mise en uvre de notre recherche, et relate
notamment comment celle-ci a pu bnficier de trois annes dobservation au sein de
prestataires de services dinvestissement. Lapproche que nous avons choisie se trouve
galement fonde sur le plan pistmologique, travers une brve tude de lobservation
participante (4.1.) justifiant notre positionnement par rapport aux diffrentes postures
tenables. Nous voquons ensuite le donn dontologique (4.2.), puis nous nous attardons sur
le design de recherche : celle-ci se revendique dappartenance constructiviste et fait la part
belle aux phnomnes tels quils se donnent en eux-mmes, refusant par l tout prsuppos
ontologique prexistant la saisie de ce qui se joue dans une situation contextualise (4.3.).


1.3.4. Etude de cas
La partie V constitue laboutissement des trois parties prcdentes : les rsultats issus de la
revue de la littrature et de la problmatisation, ceux issus de la partie mthodologique nous
amnent dans cette partie restituer dans une tude de cas le quotidien dontologique au sein
dune salle de marchs actions. Aprs un bref rappel de la problmatique, ayant notamment
recours une illustration des thmes abords (5.1.), ltude souvre sur la restitution dun
dbut de journe dans une salle de march. Le quotidien du dontologue se trouve ainsi
35
demble expos (5.2.), qui met en scne le morning meeting* et les modalits de gestion des
conflits dintrts* issus de la publication de recherches (5.2.1.). Lorganisation de la fonction
chez MB Brokerage, courtier* actions (broker), est ensuite dcrite et permet de distinguer les
rles tenus par la fonction dontologie par rapport notamment au ple en charge des contrles
permanents (5.2.2.). Le contexte pratique dexercice de la dontologie est alors prcis, qui
dtaille les diffrentes activits quil sagit pour la fonction dontologie dencadrer (5.2.3.).
Vient ensuite lexpos de dix-huit situations dontologiques prcises qui nous permettent de
mettre lpreuve des faits la question pose lissue de la problmatique (5.2.4.). La
dontologie peut alors apparatre comme fonction performative et nous montrons quels sont
les caractres de cette performativit particulire, en mettant en lumire notamment les
modalits par lesquelles la dontologie se ralise en circonscrivant de part en part les
pratiques (5.2.5.).

La conclusion (VI.) reprend en une synthse les principaux points acquis lissue du travail,
et souligne les apports et limites de cette recherche.
















36















II. LA DONTOLOGIE BANCAIRE ET FINANCIERE :
UNE APPROCHE PAR LES TEXTES




























37
2.1. REMARQUES LIMINAIRES
Nous venons de brosser grands traits le paysage dans lequel sorigine notre rflexion, et
commenc par-l saisir certains des enjeux lis lexercice de la fonction dontologie chez
les prestataires de services dinvestissement. Il nous faut prsent fixer plus prcisment le
champ thorique partir duquel ltude se dploie. Dans son ouvrage mthodologique,
Salkind suggre de partir de revues existantes et de multiplier sources et supports :

Toute personne qui fait de la recherche commence quelque part, et la plupart du temps,
cest avec une revue de la littrature qui met en perspective ides et objectifs (1991 : 67).

Cette mise en perspective, nous nous proposons de la mener bien en oprant un double
mouvement de justification et de fondation du paradigme dontologique que nous nous
sommes donn pour objet dtude.


2.1.1. Quelle littrature pour la fonction dontologie ?
Nous proposons donc douvrir notre dossier par une revue de la littrature portant sur la
notion de dontologie, dans le champ des activits financires : lissue de ce dveloppement,
nous disposerons dune dfinition claire de ce que recouvre la dontologie financire,
dfinition qui pourra tre articule la problmatique retenue. Il sagit pour nous de mettre en
perspective lobjet de recherche tudi, et de lui restituer une chair conceptuelle propre en le
rinscrivant dans le champ des sciences de gestion, tout en lui confrant ses dimensions
spcifiques. La dontologie financire constitue cependant une notion difficile
apprhender : le syntagme se donne dans toute sa complexit, de faon abrupte, et il nest pas
ais de saisir ce quil renferme prcisment. Si lon saisit grosso modo de quoi il sagit, une
comprhension claire des rfrents qui lui sont propres constitue nanmoins un prrequis
difficile outrepasser. Afin dclaircir la situation conceptuelle de la notion, et pour tenir
compte du flou qui lentoure, nous proposons dans les pages qui suivent une revue de la
littrature en deux parties : une premire tentative de dfinition seffectuera par la ngative, en
envisageant la dontologie financire par ce quelle nest pas ; une approche complmentaire
sera propose dans un second temps, qui permettra de construire positivement, et
paralllement la revue des textes, une problmatique serre.

38
Il est en effet souvent plus facile dapprocher un concept par la ngative. Une telle position se
justifie notre sens par ltranget constitutive de lexpression
23
et, corrlativement, par sa
situation acadmique qui se caractrise, semble-t-il, par une absence complte dintrt, au
moins en France. Si la notion est apparue rcemment dans les milieux conomiques, si elle
connat depuis quelques annes un dveloppement important au sein de lindustrie bancaire et
des services dinvestissement, elle na pas encore trouv sa place dans le champ des tudes
universitaires. Cet tat de fait ne se limite pas au seul domaine couvert par ce quil est dusage
de nommer, dans notre pays, les sciences de gestion, mais galement dans dautres
disciplines, telles la sociologie. En dautres termes, et si lon met de ct le champ
philosophique strict, il nexiste gure de recensions crdibles sur la question dontologique
dans les organisations financires
24
. Deux exceptions cette situation doivent cependant tre
mentionnes : (a) il existe des textes produits par les professionnels, quils se placent du ct
des rgulateurs, des rguls, ou interviennent comme tiers (cf. par exemple Loader, 2003), et
(b) le champ juridique aborde, sa faon, la question de la relation entre droit et dontologie
ou, pour le dire plus clairement, la relation entre la production des normes et lapplication
empirique de ces normes. Compte tenu des spcificits propres lobjet de cette tude, nous
sommes donc contraints, afin dinitier notre travail, de prendre appui sur des productions non
acadmiques, tout le moins externes au champ des sciences de gestion.

Quatre ensembles de rfrences peuvent aujourdhui tre identifis. Les premires sources
proviennent (i) de la Revue dEconomie Financire, laquelle a abord le sujet dontologique
relativement tt. Cest en effet ds 1988 que lon voit paratre dans cette revue des articles
vritablement consacrs la dontologie des activits financires ; un rel effort de dfinition
sy fait jour, et il est tout fait intressant de constater combien le champ a volu depuis lors,
tant au niveau de sa structuration, que de son apprhension par les professionnels. Il faut par
ailleurs ajouter aux articles publis par cette revue les diffrentes livraisons du Rapport Moral
sur lArgent dans le Monde offrant un clairage complmentaire sur la dontologie des
activits financires, ainsi que plusieurs volumes spcifiquement ddis ce thme : menant

23. Nous avons cess depuis longtemps de relever les remarques amuses du type : la dontologie financire,
a existe ? .
24. En revanche, la question gnrale de la compliance dans les domaine de la sant, de lenvironnement ou
des politiques conomiques supranationales, notamment en Europe et en Australie, a connu quelques
dveloppements : voir Hutter (1997), Parker (1999, 2000 & 2006) ou Parker & Nielsen (2006).
39
une analyse prcise des principes ayant prsid linstauration des normes, rglements et
autres lois consacrs aux mtiers de la finance, ces textes effectuent un recensement patient
des modalits textuelles en place et uvrant linstillation dun comportement conforme,
rpondant en tous points la dontologie promue par les autorits de rgulation. En ceci, ils
constituent un prcieux outil de travail
25
.

Une seconde revue (ii), anglo-saxonne cette fois, propose de faire le point sur les pratiques
dontologiques : il sagit de lancien Journal of Law and Regulation, renomm en 2002
Journal of Financial Regulation and Compliance. Cette publication propose des analyses
rglementaires, et offre une tribune aux rgulateurs (essentiellement britanniques) ou aux
professionnels de la compliance. Chaque volume contient tout la fois des indications
relatives aux nouveaux textes rgissant la fonction, ainsi quaux textes en cours de discussion
au niveau europen, et des articles de fond sur des aspects prcis de lactivit bancaire et
financire lue laune de la compliance
26
.

Nous avons galement accs (iii) des rflexions constructives quant la dontologie dans
des ouvrages destination des praticiens : en dpit dune structure argumentative solide ou
dun rel effort bibliographique, ces textes ne doivent notre sens pas tre ngligs, car ils ont
souvent le mrite de poser des questions pertinentes. Lopuscule rdig par Gizard &
Deschanel (2002) est ce sujet trs intressant, en ce quil met en perspective le point de vue
du rgulateur franais porte du praticien en lui proposant un panorama introductif concis
renvoyant aux grands textes rgissant la fonction.

Reste enfin (iv) la voie juridique, que nous navons pas voulu dlaisser compltement : outre
un rel effort de dfinition du champ couvert par la notion, les productions recenses
sillustrent trs souvent par leur capacit relle approcher lobjet de notre recherche. Une
thse de droit, soutenue par Moret-Bailly (2001 : 5) se propose dtudier les dontologies ,

25. Fin 2007, quatorze Rapports sont disponibles (un numro par an depuis 1994, avec un numro unique pour
les annes 2003-2004). Quant aux deux ouvrages de rfrence mentionns, il sagit de Pzard & Eliet (1996 ;
1997). Deux ouvrages complmentaires ont suivi, portant sur la dontologie des activits financires au
Royaume-Uni (Boisseau & Sayag, 1996), puis en Allemagne (Pzard, 1998).
26. On pourra titre dexemple, se reporter Capps & Linsley (2001), Bland (2004) ou Edwards & Wolfe
(2005) pour le premier point et Bowe & J obome (2001) pour le second.
40
cet objet de curiosit intellectuelle , ainsi que le souligne la prface de cette somme. Plus
loin, la mme prface prcise bien la pluralit ontologique de la question dontologique :

on remarquera que [la thse de Moret-Bailly] ne porte pas sur la dontologie, mais bien
sur les dontologies (2001 : 6).

Cet tat de fait se trouve matrialis par labondance des arrts tudis par lauteur (pas moins
de quatre cent cinquante) :

les types de conflits [apprhends] sont multiples et nont ni la mme porte, ni la mme
signification (Ibid. : 6).

Il nous faudra, de notre ct, porter la plus grande attention ce foisonnement de normes, aux
diffrentes structures productrices de ces normes ainsi quaux organisations auxquelles ces
normes sappliquent.


2.1.2. Quelle dmarche pour la lecture ?
Ces prcisions fournies, nous pouvons ds prsent indiquer quelle sera notre dmarche : une
fois le champ des productions non acadmiques clairement circonscrit, nous nous tournerons
vers des productions plus classiques, qui devraient nous permettre dapprhender
correctement notre objet dtude. Quatre thmes dingale importance structurent notre travail
de lecture.

En premier lieu, nous tenterons, partir de quelques contributions, dapprhender (2.2.)
succinctement la notion de dontologie financire. Nous examinerons ensuite (2.3.) les
rflexions menes sur ce quil y a lieu de nommer, en France, lthique des affaires , afin
de situer les enjeux dontologiques par rapport cet ensemble. Il sagira cette occasion de
brosser un bref panorama de la situation telle que nous la lisons, sans entrer dans le dtail des
productions diverses, souvent assez ingales faute dun travail conceptuel complet. Nous
soulignerons une disjonction forte entre les approches atlantistes et les approches
continentales, les premires tant bien mieux structures, quoique parfois tout fait
41
critiquables quant leurs postulats philosophiques
27
. Ces deux premires tapes constitueront
la face ngative de notre approche, telle quelle a t mentionne prcdemment.

Une approche positive pourra alors se dployer, dans le recours massif un second corpus
clairement dfini, celui de la sociologie conomique (2.4.). Nous entrerons cette occasion
dans le dtail des coles de pense, des tendances et des mouvances diverses, en portant notre
attention sur les approches sociologiques de la notion de march. Ce point de vue se justifie
doublement compte tenu de notre objet dtude : la fonction que nous tudions se trouve loge
dans une grande organisation bancaire et financire, aux prises avec diverses formes de
marchs ; elle prend par ailleurs sa source le plus directement qui soit dans le march
28
. Il
nous faudra galement nous interroger sur les aspects propres lorganisation nous servant
dexemple, savoir une grande socit de bourse franaise. Un ensemble de matriaux
professionnels viendra complter cette base circonscrivant le champ tudi.

Un dernier axe de lecture nous est enfin offert par les questions pistmologiques lies notre
recherche. Nous tenterons en effet de fonder notre approche mthodologique sur une brve
mise en perspective des textes fondateurs partir desquels nous proposerons une approche
que lon qualifiera pour linstant de constructiviste , ce dernier temps justifiant lui seul
une partie propre (voir, infra, notre partie mthodologique)
29
.


27. Le texte dAlexander (2000) est en ceci assez caricatural, qui propose une dontologie par seuils teinte de
positivisme logique sur un thme qui, de notre point de vue, ne sy prte pas.
28. En ceci, et pour ne parler que du paysage franais, la dontologie financire connut la marge ses premiers
dveloppements avec la mise en place des nouvelles prrogatives de la Compagnie des Agents de Change, le 28
vendmiaire an IV (1801), rtablissant une fonction ne en 1572 et supprime par les lois des 2 et 17 mars
1791 (il sagissait en quelque sorte dune premire dsintermdiation financire). Cest cette Compagnie dirige
par un syndic qui se trouve charge de mener les poursuites entames par les agents contre les tiers, et se trouve
amene, par son action, unifier les pratiques et diffuser les premiers linaments de la dontologie financire.
Pour de plus amples lments, on pourra consulter le travail dj cit de Gizard & Deschanel (2002). Des
dveloppements historiques sont en outre proposs par Le Goff (1986) pour lpoque mdivale et Bergeron
(1972) pour lpoque impriale. La sociologie nest plus en reste, depuis les travaux dHassoun (2000) ou de
Paul Lagneau-Ymonet (en cours) sur les agents de change et la bourse de Paris (1801-1992).
29. Nous tiendrons compte notamment des remarques formules par Charreire & Huault (2001) et Latour (2003).
42
Nous lavons soulign, les quatre axes de lecture revtent une importance ingale au sein de
cette revue de la littrature. Le volet le plus imposant restant, de faon assez comprhensible,
celui consacr la sociologie conomique (2.4.) : nous laborderons grce quatre
rfrences :

Tout dabord (i) le texte de Swedberg (1987), dressant un tableau convaincant des coles
de sociologie conomique, offre au lecteur une bonne base de discussion.

Nous ajouterons cette rfrence (ii) louvrage de Smelser & Swedberg (1994), qui met
en perspective les diffrents courants de la sociologie conomique tout en soulignant
combien lempan des recherches se trouve tendu :

le champ de la sociologie conomique, dans ses diffrentes manifestations, a connu une
telle vitalit les dix dernires annes quil tait temps de faire une synthse complte de ce
travail dacclration .

Ensuite, les recensions effectues (iii) par Bradford (1994), Lie (1997) et surtout Keister
(2002), portant sur le champ strictement financier (banques, marchs et monnaie) nous
donnent accs un tat de lart plus rcent, tout en soulignant la pertinence dune
approche non plus strictement conomique des phnomnes financiers, mais galement
tourne vers le corpus sociologique et ses mthodes propres :

alors que la banque et les marchs financiers sont encore largement considrs comme
rservs au domaine conomique, cette revue montre peut-tre quel point les sociologues
contribuent de faon importante la comprhension de la nature des relations financires et
des institutions affrentes. [] Etant donn le nombre des champs dans lesquels la recherche
savre fconde, il est clair que les recherches prcdentes portant sur la monnaie, la banque
et les marchs financiers en sociologie est fondamentale (foundational) (Keister, 2002 :
53).

Enfin, les recueils rcemment publis (iv) par Knorr Cetina & Preda (2005), mais
galement MacKenzie (2006b), MacKenzie, Muniesa & Siu (2007), puis Callon, Millo &
Muniesa (2007a) offrent une mise en perspective originale des dbats contemporains pour
ce qui relve de la sociologie des marchs financiers au sens restreint. Les derniers
43
volumes travaillent notamment la notion de performativit, un thme qui figure au cur
de nos proccupations et de notre dveloppement conceptuel.

Ces textes permettent notamment dancrer le questionnement pratique (mis en forme par le
ngociateur lorsquil sadresse au dontologue) dans sa matrialit contextuelle : cest dans
une telle ligne que nous voudrions inscrire la suite de cette tude, pour mieux souligner,
partir de quelques thmes rcurrents, certains manques que nous pensons avoir identifi la
lumire de notre recherche. Notre contribution thorique cherche en effet souligner combien
les approches contemporaines en sociologie des marchs financiers, pour pertinentes quelles
soient, ont parfois tendance oublier la matrialit des dispositifs, que ceux-ci soient textuels,
institutionnels et discursifs ou relvent des outils ou des agencements utiliss par les
oprateurs de march.













44
2.2. DFINIR LA DONTOLOGIE FINANCIRE
Nous lavons expos plus haut, nous ne pouvons faire limpasse sur la dfinition de la notion
que nous tudions. Une typologie des dfinitions proposes aurait pu nous aider cerner
pleinement lobjet tudi, mais le nombre de contributions sur le sujet manque. La Revue
dconomie financire sest pourtant trs tt faite le vecteur de rflexions originales sur le
thme, partir desquelles nous pouvons poser de premires questions.


2.2.1. Une approche dj ancienne
Citant une tude publie par la Commission des Oprations de Bourse (COB) portant sur la
dontologie des activits financires
30
, Hubert de La Bruslerie (1988) voque, dans un des
premiers textes franais consacrs pleinement la dontologie, la ncessit dune rgulation
des pratiques de march alors mme que la tendance de fond tait la drglementation.
Lauteur en appelle lauto-discipline, la responsabilisation dacteurs davantage
autonomiss :

la dontologie est la fois un complment et un substitut la rglementation [] La capacit
dauto-organisation des marchs doit sappuyer sur un corps de rgles dontologiques admises par
la communaut financire (1988 : 15).

Plus avant, dans un nonc valeur assertorique, lauteur explique que

cest la dontologie doccuper lespace laiss par la ncessaire limitation du recours une
rglementation externe. Il existe sur les marchs financiers une dialectique de fait entre
rglementation et proccupations dontologiques. Ce nest pas un hasard si des scandales rcents,
ou labsence de toutes rfrences des normes de comportement, ont remis en avant lide dune
certaine re-rglementation des marchs financiers, notamment sur les marchs financiers
internationaux (Ibid. : 15).

Les lments fondateurs de la fonction dontologique telle quelle apparatra huit annes plus
tard dans le Rglement Gnral du Conseil des Marchs Financiers figurent dores et dj
dans cet nonc quasi-prophtique : le paradoxe dune drglementation, tendance de fond qui

30. COB (1986).
45
sest trouve arrte nette dans son lan aprs la vague de scandales comptables des annes
2000, se trouve associ la ncessit dtablir des corpus stricts, internes aux professions
financires et ce dans le but de garantir autant que faire se peut lintgrit du march, la
protection des clients et, dans un horizon plus lointain, les bnfices dune activit
conomique pure la socit au sens large. La normalisation des comportements, lment
prgnant sil en est aujourdhui, se trouve galement mentionne. Poursuivant son tour
dhorizon, lauteur souligne combien les questions de rputation sont importantes dans une
conomie de plus en plus ouverte (nous sommes au seuil des annes 1990)
31
. Si lon peut
discuter les aspects dfinitionnels retenus par lauteur, force est de reconnatre la pertinence
des questions souleves, lpoque o la Commission Brac de La Perrire semployait
dicter un ensemble cohrent de rgles dontologiques, anctre partiel de lactuel Rglement
Gnral de lAMF
32
.

Rpondant ce texte important sinon fondateur, Pardon (1993) propose dans les pages de la
mme revue, cinq annes plus tard, une interrogation sur la pertinence du discours
dontologique, par rapport au droit (1993 : 39). La question sous-jacente est celle de
linadquation potentielle de la loi aux pratiques constates, inadquation grandissante
mesure que se dveloppent les activits tombant sous la norme considre, un phnomne que
lauteur juge ancien et constant (Ibid.). Expliquant le renouveau de la question
dontologique comme une consquence du mouvement de drgulation gnralis, renouveau
agrment dun retour sur les questions plus proprement thiques , lauteur nen stigmatise
pas moins la prolifration outrancire de lgislations et de rglementations (Ibid. : 41).

Cest ici la dimension pratique de la dontologie qui se trouve souligne, la suite de Puel, et
dans la ligne de textes relativement anciens, parmi lesquels lavis de Del Marmol :

Toute profession a sa dontologie, code non crit de standards de bonne conduite. Un long et
patient effort dducation et surtout lexemple des chefs de file de la communaut financire

31. Ainsi : La rputation dontologique est un facteur structurel qui se construit dans le long terme et qui
explique la demande de services financiers de la part des investisseurs. [] Les manquements de quelques-uns
contribuent jeter le discrdit sur la rputation des autres (Ibid. : 16).
32. Les conclusions des travaux mens dans le cadre du groupe prsid par M. Brac de La Perrire ont t
rendues publiques en mars 1988.
46
donnent une collectivit professionnelle cette armature morale qui loriente toute entire vers la
satisfaction du bien commun, de lintrt gnral (Ibid. : 43)
33
.

Mais le texte ne sen tient pas l : il met jour un phnomne dmergence de lusage au
travers des dontologies et en opre le rapprochement avec la notion de jurisprudence :

Cest entre la loi et la morale que se situe la dontologie, moins imprative dans son expression
et son interprtation que ne lest la loi, mais socialement plus efficace que la morale car
susceptible de sanctions au niveau professionnel et dans lordre juridique (Ibid. : 49)
34
.

Nous aurons revenir sur ces assertions trs claires dans le cours de cette revue de la
littrature : notons ds prsent que se fait jour une conception sociale de la dontologie,
venant sajouter la question de la rgulation comportementale des auteurs de la finance.
Cest de fait la mise niveau pratique de la dontologie que lon assiste ici, avec le
passage des principes guidant la rgulation leur incarnation empirique dans la discussion
opre entre dontologie et droit. La dontologie se trouve positionne dentre de jeu au
niveau de lducation la norme faisant rfrence un apprentissage de la pratique.



2.2.2. Une approche nuance
Avec Eliet (1995) souvre une nouvelle tape de la rflexion mene dans la Revue
dEconomie Financire. Un des rares auteurs publier sur la question dontologique avec une
constance non dmentie, il propose une dfinition de la dontologie financire en se donnant
pour point de dpart les origines librales au sens des artes liberales de la notion.
Effectuant un rapprochement signifiant avec les professions pourvues dOrdres, Eliet plaide
pour une lecture tymologique de la dontologie, science des devoirs. Les codes de

33. Hugues Puel, dominicain de son tat, dveloppe une rflexion pousse et stimulante sur les rapports que
devraient entretenir thique et conomie. La citation provient dun article publi en 1955 en Belgique, dans la
Revue de la Banque, intitul La Commission Bancaire et le contrle des missions .
34. Un article de Roger Henrion publi dans le Liber Amicorum professor Guillaume Dirckx en 1977 Louvain
est galement mentionn : ce textereprend des lments instruisant la dfinition de la dontologie financire, et
sappuie fort propos sur le texte de J eremy Bentham, le pre du terme dontologie . Nous navons pas
trouv dautre trace, au cours de nos recherches, de cet article.
47
dontologie qui se trouvent ainsi dcrts ont leur place dans le droit positif et dans la
hirarchie des normes (1995 : 329). La discussion propose savre plus nuance que les
prcdentes contributions, avec notamment une attention toute particulire dvelopper une
structure conceptuelle de meilleure facture : cest ainsi la dimension infra-lgislative des
rglements dontologiques qui se trouve mise en avant. On notera par ailleurs que lauteur
sinscrit, sur ce point, en faux par rapport au texte de Pardon (1993) lorsquil refuse
indirectement la distinction entre droit et dontologie telle quelle y tait formule :

La distinction entre droit et dontologie nexiste donc pas sur le plan de la valeur juridique de la
norme. En revanche, elle existe au plan de la sanction (1995 : 331)
35
.

Alors que pour Pardon, la dontologie ne constitue quun avatar des rflexions thiques et
morales, elle acquiert ici avec force arguments un statut lgislatif universel. La seconde partie
du texte dEliet dgage les singularits propres la dontologie financire, laquelle doit
trouver sa place dans un environnement au demeurant fort rglement :

La dontologie financire a ceci de particulier quelle intervient dans des domaines dj trs
rglements. Il nexiste sans doute aucune profession aussi rglemente et contrle que celle de la
banque et de la bourse (Ibid. : 333).

Quels sont alors les enjeux sous-jacents ? Essentiellement, daprs lauteur, dans le rle de
lgitimation que peut jouer le code dict par le corps des praticiens : lauteur emploie
lexpression logique de lgitimit et montre comment la dontologie permet, de faon
structurelle, de nourrir ( alimenter ) le lien de confiance entre liniti et le profane, le
puissant et le faible (Ibid. : 334), cest--dire le prestataire de services dinvestissement et
son client. Nous souscrivons pleinement cet avis, sur lequel nous aurons revenir de faon
dtaille. Retenons pour le moment que la dontologie se laisse apprhender comme la trace
dune volont lgislative au sein dun corps constitu, trace dune responsabilisation des
acteurs accdant par ce geste lautonomie, cest--dire la capacit normative que lacteur
sapplique lui-mme. De la sorte, un glissement sopre entre la prime logique de
rglementation vers une logique drive, une logique de lgitimit. Cest dans ce glissement
que rside lessence mme de la dontologie : dans le passage dune situation ddiction

35. Eliet (1995) nuance cependant son propos quelques pages plus loin, en dclarant combien distinguer la
dontologie financire de lordre juridique nest pas ais (Ibid. : 340).
48
normative une situation dacceptation de la normativit tablie, la sincrit de cette
acceptation constituant un enjeu dfinitif pour la fonction dontologique.

Limportance des fondements linguistiques et culturels de lapproche retenue, lorsquil sagit
de dontologie peut alors tre souligne, ainsi que le propose Blair dans une approche
complmentaire :

Pour les Franais, le concept correspondant est dontologie ; pour les Anglais, cest ethics.
Chacun a une signification essentiellement morale (1997 : 249).

Quoique lon pense de la validit tant linguistique que conceptuelle de cette assertion, il est
intressant de noter que cest paradoxalement un Britannique qui est lorigine de lacception
moderne du terme dontologie. Auteur du clbre Panopticon cher Michel Foucault,
rdacteur dun trait utilitariste Of Ontology, cest J eremy Bentham qui forgea le terme
partir du grec to deon (cela mme qui doit tre) pour dsigner lune des deux branches de
lthique, quil entend, la suite de Hume, clairement distinguer
36
. Le terme nest cependant
gure employ aujourdhui dans la culture anglo-saxonne : le pendant de la fonction
dontologie se trouve nomme compliance, littralement traduit par le terme conformit .

Ce sont en dfinitive les Continentaux qui se sont appropri le terme dontologie, laissant les
Anglo-saxons avec le seul terme ethics . Aprs une discussion sur la faon dont le
rgulateur (britannique) envisage les questions dthiques financire, et une premire
vocation de la compliance (Ibid. : 252), Blair dploie une srie de remarques sur le rle
des structures de direction dans le dveloppement dun climat thique (Ibid. : 251). Cest
l que point une proccupation organisationnelle que nous serons amens retrouver tout au
long de notre travail, savoir la faon dont les organisations parviennent instiller en leur sein
des pratiques homognes et conformes.

36. A noter quune version franaise de louvrage ponyme est parue ds 1834, sous la plume de Benjamin
Laroche, soit deux annes seulement aprs la mort de lauteur. Une version de ce texte est conserve la
Bibliothque Nationale de France. On y trouve des assertions trs fortes : la base de la Dontologie, cest []
le principe de lutilit, cest--dire, en dautres termes, quune action est bonne ou mauvaise, digne ou indigne,
quelle mrite lapprobation ou le blme, en proportion de sa tendance accrotre ou diminuer la somme du
bonheur public (Bentham [1832] (1834) : 32). Pour un complment dinformation, on pourra se reporter dune
part Bentham [1814] (1997) et, pour une mise en perspective, Laval (1994).
49

Une approche complmentaire de la compliance est enfin propose par Ray Vass (1993 et
1994), qui donne un aperu des avances amricaines en la matire et met en perspective les
volutions contemporaines de la fonction, sur le mode prospectif. Le texte de 1993, en
particulier, souligne combien

il est vraisemblable quavant la fin de la prochaine dcennie nous aurons pris conscience que les
attitudes et les principes professionnels sont plus importants que les rgles et les rglementations
particulires : il na jamais t possible de lgifrer moralement [nous soulignons] (Ibid. : 516).

Cest bien la dimension comportementale qui est ici aussi mise en avant, au cur dune
relation entre la compliance et une thique justement dsigne comme comportementale :

En bref, la compliance et lthique professionnelle doivent tre au centre des proccupations de
la direction des socits (Ibid. : 513).

Outre ces rfrences au comportement des agents, lauteur dcrit un systme de rgulation
bancaire par certains aspects trs proche de celui entr en vigueur le 1
er
janvier 2006 en
France, avec la rvision au cours de lanne 2005 du rglement CRBF 97-02, soulignant
involontairement lavance relle des systmes juridiques anglo-saxons sur le systme
continental, et permettant de rinscrire lmergence des systmes de compliance dans
lconomie de systmes juridiques culturellement distincts
37
.

Un exemple apporte une lumire franche sur cet tat de fait : voquant linsistance de la
rglementation amricaine sur la responsabilit des organes excutifs des organisations
financires, lauteur rappelle quune

rvision de la Rgle 342 impose par le NYSE
38
[nous sommes en 1993] exige un rapport annuel
crit de chaque directeur gnral ou associ de direction des socits membres, dcrivant les
efforts de surveillance et de compliance (Ibid. : 505).

37. Voir CCLRF (2005).
38. La Rgle 342 du NYSE porte sur la supervision et le contrle des organisations membres du march. Les
rgles sont disponibles sur http://www.nyse.com/regulation/rules/1098571481177.html [Consultation le
11/12/2007].
50

Le texte adhre ici en tous points avec le rglement CRBF 97-02 modifi, relatif au contrle
interne des tablissements de crdit et des entreprises dinvestissement, dfinissant dsormais
le risque de non-conformit et requrant de la part des socits la production dun rapport
sur les conditions dans lesquelles le contrle interne est assur
39
. Ce rapport est
communiqu lorgane dlibrant, le cas chant lorgane central et en tout tat de cause
la Commission Bancaire selon des modalits clairement spcifies
40
. On est frapp de la
proximit existant entre ces deux textes, qui formulent dix annes dcart, des demandes
similaires sinon dans la forme strictement parler, au moins dans lesprit.



2.2.3. Les caractres de la dontologie : une premire approche
Nous disposons, avec ces contributions, de cinq approches paradigmatiques et
complmentaires de la dontologie financire, tributaires notamment de contextes et
dpoques divers. En universalisant le propos, on retiendra que les caractristiques principales
qui se dgagent de ce premier moment sont les suivantes :
(a) Si la dontologie occupe une place part dans la hirarchie des normes, elle ne se
confond aucunement avec le discours sur lthique, tout en tant investie dune forte
connotation morale. Sagissant du champ proprement financier, elle porte essentiellement
sur la question des pratiques acceptes par la communaut financire entendue au sens
large (rgulateurs, rguls, clients, etc.).

39. CCLRF (2005), art. 42. Ce rapport comprend, pour chaque catgorie de risque, une description des
principales actions effectues dans le cadre du contrle, un inventaire des enqutes ralises et des mesures
correctrices prises en consquence, une description des modifications significatives relatives aux contrles
intervenues dans lanne, une description des conditions dapplication des procdures mises en place pour les
nouvelles activits ; un point sur les structures de contrle des succursales ltranger ; la prsentation des
principales actions projetes dans le domaine du contrle interne pour lanne suivante, une annexe recensant les
oprations conclues avec les dirigeants et actionnaires principaux (cf. art. 42-1, pp. 22-23).
40. Ibid., art. 44
51
(b) Elle porte en outre, et ce de faon essentielle, la trace de la responsabilisation des ordres
de praticiens accdant lautonomie. Cest en elle que se nouent les enjeux moraux lis
aux pratiques financires et marchandes, cest--dire aux relations matrialises par des
flux financiers, que celles-ci se dploient entre institutions (sur les marchs) ou au sein
dinstitutions donnes (dans une seule et mme organisation).
(c) Elle se laisse enfin apprhender de faon contextuelle, cest--dire en ayant constamment
lesprit les rfrents organisationnels, sociologiques et normatifs des espaces dans
lesquels elle se dploie. Elle est la fois une puisque codifie par un lgislateur, et
multiple en ce quelle adhre aux lieux de son exercice, tributaire dans les deux cas des
effets conjoncturels propres aux activits quelle contribue mettre en forme. Les
diffrents textes ici mentionns permettent de ce point de vue de mesurer le dcalage
existant entre une fonction connaissant ses premiers dveloppements (en France), et une
fonction dj structure (Outre-Atlantique)
41
.
Maintenant que nous avons clairci ces trois lments, nous pouvons nous questionner quant
aux rapports existant entre la dontologie financire et l thique des affaires .







41. En 1996, alors que la fonction dontologique connat ses premiers dveloppements en France, lanalyse des
modalits de diffusion de la norme par lintermdiaire de la compliance aux Etats-Unis est dj bien avance.
Voir Harvard Law Review (1996).
52
2.3. DONTOLOGIE FINANCIRE ET THIQUE DES AFFAIRES
On le voit, ltude des dontologies bancaires et financires ne peut faire lconomie dun
examen contextuel circonstanci. Cest sur la base dun tel constat que nous proposons
dexaminer rapidement les rflexions portant sur l thique des affaires . Il ne sagit pas ici
dune digression, mais au contraire dun approfondissement nous permettant de circonscrire
davantage lapproche retenue.



2.3.1. Ce que recouvre l thique des affaires
Les tudes consacres lthique des affaires (business ethics) sont multiples et de bien
ingale qualit. Trop souvent, les distinctions conceptuelles de base manquent ou sont peu
convaincantes : cest pourtant l que se joue un moment essentiel, comme propdeutique la
saisie de la notion de dontologie financire. Mieux, il ne sagit pas dun simple problme de
dfinition, mais dune claire sparation de ce qui relve effectivement de la dontologie en
comparaison de ce qui ne peut en aucun cas y tre assimil
42
. Si Pardon (1993) souligne
raison que

sagissant de lthique on se trouve en prsence de nombreuses querelles sur les dfinitions
mme des concepts utiliss (1993 : 41),
nous ne pouvons en revanche souscrire la suite de sa remarque :

peu importe les diffrences de vocabulaire pourvu que, dans un discours dtermin [], on
sentende sur le sens donn aux mots (1993 : 41).
Dans le cas prsent, lattention constante aux carts de vocabulaire constitue un enjeu
primordial : nous souffrons justement, en ce qui concerne la dontologie financire et les
questions dordre thique, dun flou conceptuel prjudiciable une correcte apprhension de
ces matires.


42. Pour un panorama des tendances de recherche dans le champ business ethics , on pourra se reporter
Kahn (1990). Pour une revue un peu plus ancienne, voir Goodpaster (1985).
53
Ceci est dautant plus vrai que les fondements philosophiques animant les dbats sur le
continent soriginent dans des traditions de pense rsolument antagonistes sur certains
points, depuis le dbut du XX
me
sicle au moins
43
. Nous avons eu loccasion de le rappeler,
les Anglo-saxons utilisent le terme business ethics. Nombreuses, parfois anciennes et claires
sont les contributions sur le sujet : Lee (1928) pose dj la question dune franche distinction
entre thique et morale en interrogeant la pertinence des tudes vise thique, en
comparaison de lapproche strictement philosophique de la question. O lon voit que trs tt,
ce problme sest pos pour les universitaires amricains :

on rencontre aujourdhui en Amrique une incertitude en ce qui concerne ltude de lthique, et
cette incertitude semble avoir t favorise en partie par le dbat sur la relation entre thique et la
moralit ambiante [] Beaucoup de manuels dthique font un usage indiffrenci des termes
thique et morale, ou du moins ne les distinguent pas avec lacuit requise [] Une attention
toute particulire doit tre apporte quant la signification de ces termes, quant leur relation
(1928 : 450).

Plus avant, larticle note lmergence du syntagme business ethics et en critique les usages
immodrs :

le terme business ethics est en vogue depuis peu, et sert dsigner de faon large les codes
professionnels de procdures qui sont moralement acceptables (Ibid. : 461).

Lauteur en vient alors souligner quil ne peut, proprement parler, y avoir de codes
thiques tels que les entreprises modernes les conoivent :

lutilisation du terme thique pour dsigner des sortes de procdures professionnelles [] est
philosophiquement dplorable (Ibid. : 461).

Nous souscrivons cette remarque empreinte dun sens qui semble aujourdhui faire dfaut
nos socits. Cest dans la continuit dune telle argumentation que se situent par exemple
Drucker (1981: 18) qui nonce : lthique relve toujours de la personne ; ou encore
Goodpaster & Matthews (1982), lorsquils montrent que les organisations peuvent tre

43. Nous pensons en lespce aux deux branches issues de la philosophie autrichienne de la fin du XIX
me
sicle,
donnant naissance dune part aux courants analytiques de type anglo-saxons, et dautre part une branche plus
spcifiquement mtaphysique, et dont les principaux tenants figurent parmi les phnomnologues.
54
considres comme dotes de consciences , et que lanalogie individualisante associant
lthique un choix personnel peut tre transpose leur niveau. Dans ce cas prcis, cest ce
que lon nomme aujourdhui la culture dentreprise, frquemment affirme dans des chartes et
autres documents rassemblant en quelques pages les valeurs et les principes auxquels
sidentifie lentreprise, et guide en quelque sorte lthique poursuivie. On le voit avec ces
exemples, il est ncessaire daccorder une relle importance au travail de dfinition lorsquil
est fait tat dthique ou de morale et a fortiori de dontologie, sous peine de succomber ce
que Goodpaster (1990 : 217) nomme la rhtorique souvent obscure de la moralit des
affaires .

Plus avant, les relations que peuvent tre amens entretenir thique et droit sont complexes ;
Curtis (1952) le rappelle et opre une distinction des usages reposant sur une apprhension
contextuelle des situations :

la loi doit essayer dtre la plus uniforme et la plus galitaire dans ses ordres et ses applications,
elle qui a affaire lhomme de la rue (average man), lhomme mdian (median man), lhomme
envisag comme moyen sensuel (the man moyen sensuel), et non pas, comme cest le cas pour
lthique, avec chacune de nos individualits (1952 : 480).

Curtis montre dans cette contribution combien le questionnement juridique peut tre amen
faire abstraction du contexte, ce que ne peut en aucune mesure une saine apprhension des
enjeux thiques des situations
44
: en dautres termes, il pose la question de lopposition entre
lgalit et lgitimit, deux ordres avec lesquels la fonction dontologie na de cesse de
composer. On retrouve cette interrogation classique dans lcole sociologique allemande chez
Habermas et, bien avant lui, comme en filigrane chez Weber [1921] (1956), lequel dveloppe
un modle brouillant quelque peu la distinction entre les deux termes. La conception
wbrienne de la lgitimit semble en effet tre comme plaque sur la lgalit, en lespce le
type de domination lgal, ainsi que le souligne Colliot-Thlne (1992) :

44. Lun des exemples choisis pose les questions suivantes : Est-ce quune grande entreprise peut faire ce
quune petite ferait de faon lgitime ? [nous soulignons] Est-ce que la taille, et la puissance en dcoulant,
restreignent delles-mmes la libert dagir dune entreprise ? [...] Est-ce que ce qui est admissible devient
inadmissible du simple fait que lagent se trouve tre plus puissant ? (1952 : 480). Le point est intressant, car
nous retrouvons ici des proccupations ayant trait la lgitimit de laction, alors mme que nous nous trouvons
en terrain utilitariste.
55

Lviction de la question du fondement de la souverainet a pour corollaire lidentification de la
lgitimit avec la lgalit (1992 : 231).

Dans sa reprise de la question, Habermas (1986) critique essentiellement le formalisme de
lnonc wbrien, et parvient montrer que le dveloppement du droit anglo-saxon et donc
par extrapolation de la fonction compliance par opposition au droit canon et
lapprhension toute franaise de la dontologie, pose de faon aigu la question des
conditions de lgitimit de la lgalit, nous y reviendrons.

Un degr minimum dutilitarisme doit-il alors tre concd ? La contribution rdige par
Arthur (1984) propose une approche rsolument empiriste, et procde demble une
distinction entre les attendus thoriques et les attendus pratiques lis la question thique.
Dans cette optique, lauteur est amen souligner combien le questionnement a trait aux
mdiations que les diffrentes parties entendent promouvoir et reconnatre :

Lthique des affaires a trait aux relations (deals with relationships) [] Lthique des affaires
peut souvent tre institutionnalise, avec des procdures systmatiques et des rgles dapplication
et dimplmentation propres (1984 : 321).

En dpit dune moindre attention la prcision langagire que lon trouvait chez Lee (1928)
ou Curtis (1952), on trouve ici une volont de confronter le discours normatif aux ralits
strictement pratiques dans lesquelles cette normativit doit trouver sa place. Dans une annexe
consacre aux codes de conduite (codes of corporate conduct), lune des matires premires
de la fonction dontologie, il est par ailleurs fait mention de laspect parcellaire de ces codes :
un aspect complmentaire de la dontologie se trouve ainsi indirectement soulign, savoir
lnonciation de principes ( la manire de lthique) donnant systmatiquement lesprit de la
norme plutt que sa lettre
45
.



45. Pour une mise en perspective plus rcente des attendus thortiques propres lactivit conomique, on
pourra consulter Berger (1981) et, dune faon gnrale, Sen (1987, 1998 & 1999) ainsi que Thiveaud (1998).
56
2.3.2. L thique des affaires : un manque de prcision conceptuelle
Certaines de ces productions anglo-saxonnes sont rellement convaincantes, en ceci quelles
proposent des modles en adquation avec la culture philosophique dans laquelle elles
trouvent leur origine. Face ces rflexions, la France dispose, en comparaison, de fort peu
douvrages dignes dintrt pour notre question : les textes de Mercier (1999), Ballet & De
Bry (2001), Lordon (2003) ou Ewald (2008) dveloppent des rflexions bien documentes,
souvent intressantes, mais souffrent notre sens de labsence dune architecture
philosophique unifie : non que les rfrences choisies ne soient lgitimes, mais la rflexion
ne peut ici sappuyer sur un vritable travail philosophique faisant le lien entre thique et
gestion, hors justement le recours des rfrences anglo-saxonnes
46
.

O lon voit le rle jou par lapprhension de lobjet entreprise dans une socit : lidal
entrepreneurial ne sexprime pas de la mme faon en France et aux Etats-Unis. Limage
relve peut-tre du clich, mais elle se trouve ici fonde : pour preuve la quasi-inexistence
universitaire de l thique des affaires , une matire qui commence peine tre enseigne
dans certaines coles, de commerce ou dingnieurs
47
. Outre ce problme de cadrage rflexif,
on relve dans ces travaux ce qui nous apparat tout le moins comme des paradoxes, sinon
des incohrences philosophiques : Mercier voque le climat thique (1999 : 33), la prise
de dcision thique (Ibid., 38), Ballet & De Bry mentionnent un agir thique (2001 :
323), lorsque Fron propose des modalits spcifiques mme de prenniser des
partenariats thiques (2004 : 93) dans le cadre dune revue ddie ce thme, entrinant
au passage la notion de comportement thique (Ibid. : 98). Autant de formulations qui
nous semblent philosophiquement inadquates, pour la simple raison que lthique ne peut en
aucune mesure tre adjective : lthique ne vient jamais qualifier des objets, mais se donne
comme une ligne de conduite initiant la mise en uvre de plans dactions.

Lorsquil voque la ncessaire et bnfique instrumentalisation de lthique (2004 : 68),
Yves Mdina fait en dfinitive rfrence un ensemble identifi mais philosophiquement

46. Les auteurs juxtaposent cependant des textes dont le fonds philosophique nous parat bien diffrent : nous ne
souscrivons pas aux noncs du type la morale commande, lthique recommande [Ballet & De Bry (2001) :
31], formulation rhtorique qui nest au mieux quun effet dannonce (erron de surcrot) ?
47. Pour un tat de la question, voir Pesqueux & Ramanantsoa (1995) et Carr (1998).
57
atrophi. Stigmatisant (peut-tre raison) les penseurs des universits quoutrage un tel
dtournement de la vertu (Ibid. : 68), il nen reste pas moins que lthique dont il est
question na que peu de points communs avec une approche philosophique construite : en
ceci, la relation quun tel corpus thique (que lon dsignera dsormais comme sens 2)
entretient avec la notion de philosophie politique homonyme (par opposition un sens 1, cf.
infra, p. 54) fait cho celle quentretient le systme capitaliste avec ce que Callon (2005a :
13) appelle Kapitalisme .

En dfinitive, cest bien linadquation systmatique des rfrents invoqus qui est source de
confusion : cherchant plaquer des rfrences enracines dans une culture philosophique par
trop divergente de celle partir de laquelle ces auteurs crivent, ils ne parviennent emporter
ladhsion du lecteur. Au-del de cette question dfinitionnelle, des amalgames et du
galvaudage impos la notion, se fait jour une disjonction entre lthique comme
proccupation srieuse, un ensemble de rfrents qui na rien en soi d oprationnel mais
qui peut savrer trs opratoire pour peu que lon comprenne ce qui sy joue, et l thique
telle quenvisage dans la sphre publique, pour faire court et ne stigmatiser aucune
profession en particulier. Cette disjonction est importante pour notre sujet : sans distinction
claire des champs couverts par lthique, la dontologie, la morale, cest lensemble de
larchitecture argumentative qui se brouille et perd de sa consistance.



2.3.3. Quelle dfinition de lthique ?
Si la prsente tude na pas pour objet la construction dune histoire conceptuelle de la notion
dthique, qui serait par trop philosophique, elle se doit cependant de tenir compte de ltat de
fait ainsi expos, et dy rpondre par un choix dfinitionnel circonstanci. Cest donc
luvre de Ricur que nous emprunterons notre dfinition de lthique. Une double raison
justifie ce choix : dune part, lauteur a consacr nombre de ses crits des questions se
situant entre morale et thique ; dautre part il a fait sienne un pan non ngligeable de la
tradition anglo-saxonne, il est mme lun des auteurs franais qui dans ce champ a
probablement le mieux russi universaliser les acquis des deux traditions (atlantique et
continentale). Cest dans Soi-mme comme un autre que Ricur propose une convention
dfinitionnelle claire quant lusage des termes thique et morale : la justification
58
tymologique ne suffisant plus aujourdhui expliquer la nuance entre les deux termes,
Ricur propose demployer le terme thique lorsque lon cherche identifier la vise
poursuivie par lintention de lagent, et le terme morale lorsque lon tente de caractriser
un corpus normatif. Il note :

Rien dans ltymologie ou dans lhistoire de lemploi des termes ne limpose. Lun vient du
grec, lautre du latin ; et les deux renvoient lide intuitive de murs, avec la double connotation
[] de ce qui est estim bon et de ce qui simpose comme obligatoire (1990a : 200).

Entre ces deux termes se noue ds lors une relation vrifiant, selon lauteur, trois axiomes :

1) la primaut de lthique sur la morale ; 2) la ncessit pour la vise thique de passer par le
crible de la norme ; 3) la lgitimit dun recours de la norme la vise, lorsque la norme conduit
des impasses pratiques (Ibid. : 200-201).
Se dessine alors une relation double reposant sur la hirarchisation des termes : la primaut
de la vise sur la norme (prop. 1) se justifie dans limplication rciproque de (prop. 2) et
(prop. 3). Autrement formul, laffirmation dune prvalence de lthique sur la morale trouve
son fondement dans lexamen de lintention au crible de la loi (prop. 2), et en retour, celle-ci
est mme de trouver un recours dans lorientation poursuivie lorsquelle fait face une
situation pratique aportique (prop. 3). Une telle organisation du champ dfinitionnel est trs
forte : elle permet non seulement (i) darticuler et de rendre opratoires deux concepts
difficiles caractriser, mais encore (ii) de rappeler lindispensable intrication des deux
champs. Cette partition permet enfin (iii) de donner sa place la dontologie, qui constitue en
quelque sorte le lieu dexpression de la relation ainsi dveloppe, pour lexercice hic et nunc
du respect (Ibid. : 201), cest--dire comme lment tributaire dun contexte toujours
particulier, dfini par la rencontre dune pratique avec un prcepte dordre moral
48
.

O se situe, dans cette relation, la dontologie ? De faon claire, du ct de la norme,
puisquelle se fait expression de lobligation de respect de la norme. Nous irions volontiers
jusqu dire, pour complter le propos de Ricur, que la dontologie constitue la face
opratoire de la norme, laquelle en constitue comme le ngatif, au sens photographique du
terme. La dontologie se place sur le champ de la norme, elle nonce de faon opratoire le

48. Voir galement Ricoeur (1990b).
59
respect de lobligation morale, de la loi, de la norme tablie. Ce qui oriente son action, cest
alors lthique : ce pour quoi il est difficile de parler dun comportement thique , dune
prise de dcision thique ou dun climat thique (sens 2). En formulant de tels
syntagmes, on tend faire de la vise un qualificatif charg dune vague ide de la moralit ;
bien plus justes seraient les expressions (sens 1) : comportement rpondant telle thique ,
prise de dcision conforme telle thique ou climat propice la poursuite dune telle
thique .

Lthique se fait toujours immanente, elle est toujours dj lexpression dun choix, lors
mme que la morale revendique une transcendance laquelle le sujet se doit dadhrer. En ce
sens, Ricur est tout fait fond considrer que

la morale ne constituerait quune effectuation limite, quoique lgitime et mme indispensable,
de la vise thique, et lthique en ce sens envelopperait la morale (Ibid. : 201).

Si lon reprend le modle tripartite quil propose, on retiendra pour la prsente tude que la
dontologie se situe sur le versant normatif de la relation, sur sa face morale : la dontologie
consacre des modes opratoires spcifiques (des procdures), tributaires dune morale en
place (trouvant son expression dans des rglements et des lois) et sexerce selon une vise
propre (la conformit recherche par le dontologue ou lentreprise dans laquelle il exerce).
Consquemment, nous postulons quil ny a pas aujourdhui, contrairement ce quen dit
Mdina une demande sociale pour lthique dentreprise (2004 : 66), tout au plus une
demande pour une plus grande moralit des changes marchands. Plus prosaquement, nous
montrerons que ce nest que le respect de la parole donne qui se trouve en jeu, ladhrence
des paroles aux actes et le respect des prceptes dicts par la morale, le corpus de normes
reconnues par les Ordres, approuves par les pairs, promues par la socit. Ce qui donne, pour
le champ de lentreprise financire, des prceptes tels que : on ne doit pas blanchir
dargent , on ne doit pas favoriser les conflits dintrt , ou on ne doit pas tirer profit
dune information privilgie . Le lien entre thique, morale et dontologie se trouve
directement inscrit dans les textes de loi rglementant les professions financires, nous le
verrons.

60
Lexpression des obligations pratiques reste toujours tributaire dune morale spcifique,
valide et donc valable pour un champ spatial, temporel et socital donn
49
. A lissue de cette
partie, nous avons donc acquis le point suivant : lorsque nous travaillerons la notion de
dontologie, nous ne nous placerons jamais sur le terrain de lthique, rserv la seule
philosophie. En revanche, nous pouvons dsormais reconnatre que la dontologie financire
nous place demble au niveau de la pratique, et requiert de notre part une attention constante
au contexte permettant son dploiement.



2.3.4. Elments fondateurs dune relation entre thique et dontologie
Si lon en revient lintitul de la prsente sous-partie (dontologie et thique des
affaires ), comment peut-on articuler, dans le champ franais, la relation entre thique, ft-
elle des affaires , et dontologie ? Comment caractriser la situation prvalant dans
lconomie de la finance, et non plus dans lconomie dune stricte posture philosophique ?
Partant des rflexions prparatoires esquisses ci-dessus, notre tude sattachera montrer
que la logique articulant Outre-atlantique business ethics et compliance ne peut tre plaque
sur le modle franais. Aujourdhui, les questions lies l thique des affaires sont loin
dtre aussi clairement conceptualises et, consquemment, loin dtre aussi facilement
acceptes et comprises : nous lavons rappel, philosophiquement parlant, les coles de
pense qui modlent nos cadres rflexifs sont foncirement diffrentes de celles luvre
dans la socit amricaine, une socit dans laquelle positivisme, pragmatisme et logicisme
tiennent une place de choix, beaucoup plus dveloppe que ne le sont ces courants chez nous.
Sur notre territoire senracine une ligne mtaphysique, ontologique et anti-positiviste forte
qui trouve de faon cohrente son expression dans les questions souleves par la dontologie.
Le choix du cadre conceptuel organis par Ricur se justifie pleinement dans ce contexte,
alors que le terme thique a t dvoy, galvaud comme tant dautres (cest notamment le
vrai pour la confiance ou du dveloppement durable encore que dans ce cas prcis,
on sait grosso modo de quoi il retourne).


49. A ce titre, le dveloppement rcent de la finance islamique valide ce point de vue. Sur ce dveloppement
rcent, on peut se reporter De Goede (2003), et surtout Maurer (2001, 2002a & b, et 2005).
61
De ces quelques indications dfinitionnelles bien ncessaires compte tenu de lobjet tudi,
trois points peuvent tre retenus :

(a) La prcision linguistique est dimportance, elle permet dviter les confusions
smantiques et linguistiques rvlatrices dinsuffisances conceptuelles graves. Une fois
celles-ci entrines, il est assez difficile voire impossible de rebrousser chemin : cest
dailleurs lavantage de la notion de dontologie, encore cantonne dans son registre
langagier et non expose des usages immodrs et manquant de prcision.

(b) Les distinctions proposes par Ricur dans son ouvrage de 1990 permettent darticuler
les trois concepts dthique, de morale et de dontologie entre individuel et collectif,
immanence et transcendance, et de caractriser rigoureusement le lien reliant les deux
ples de la relation. Ce sont ces distinctions qui nous serviront de fondement dans le
cours de ce travail : cest partir de celles-ci que nous formulons nos critiques des
discours normatifs.

(c) Les textes les plus srieux concernant l thique des affaires sont anglo-saxons, car
lexpression business ethics adhre aux rfrents philosophiques propres cette
culture. De cette situation ressort une premire indication dimportance : larticulation
des noncs renvoyant au champ dlimit par ce que lon nomme business ethics avec
ceux propres la compliance ne fait pas problme dans ces pays ; en revanche, la mise en
place de structures dontologiques la franaise pose de nombreuses questions
50
.

Force est en effet de constater que le dploiement de la dontologie financire se fait en
France (i) dans un champ aux frontires conceptuelles floues (combien de professionnels de la
finance sont aujourdhui capables de faire la diffrence entre thique, morale et dontologie ?)
produisant (ii) comme un halo de normativit autour de la fonction. Le terme lui-mme est
porteur dune telle aura : pour preuve ces propos dun compliance officer britannique
samusant de la situation franaise en matire de dontologie et notant : vous les

50. Pour preuve que le dbat ne va pas de soi, voir par exemple Castelnau (2003) ou Ducouloux-Favard (2003).
62
dontologues franais tes considrs comme des grands prtres
51
. A la diffrence de leurs
homologues anglo-saxons, considrs depuis longtemps comme de simples intervenants dans
la chane de contrle interne, les dontologues franais sont en effet doublement caractriss :
tout la fois gardiens des lois, graal de la rgulation, et tenants dun Ordre imaginaire
similaire ceux rgissant certaines professions librales (avocats, architectes, mdecins, etc.).
Ces deux raisons suffisent amplement justifier limportance revtue par la fonction : nous
verrons cependant que cette situation, qui a prvalu jusque rcemment, volue trs grande
vitesse, sous la pression des rgulateurs acclrant les rformes juridiques ncessaires la
mise en place de services de conformit semblables ceux existant justement dans les pays de
droit anglo-saxon
52
.




















51. You French compliance exec[utives] are always seen as high priests . Propos recueillis lors dun entretien
informel (08/07/2003), au cours dun groupe de travail consacr la traduction de la charte dthique du Groupe
MB.
52. Nous renvoyons sur ce point, la restitution des reprsentations communes, dans ltude de cas (cf. 5.2.4.2.).
63

Typologie des diffrents types de rflexion sur business ethics

Dans le cadre de ce travail en sciences de gestion nous proposons de distinguer trois
significations propres au syntagme thique des affaires :
Le sens primitif (0), employ par les Anglo-saxons, constitue la souche partir de laquelle
sest peu peu dvelopp le corps conceptuel voqu prcdemment ;
Une dfinition philosophique prcise propose par Ricur (1), et qui organise les relations
entre thique, morale et dontologie sur un arrire-fonds normatif ;
Un emploi plus touffu de la notion (2) dans des perspectives htrognes, le plus souvent non
philosophiques, et dont nous proposons une brve typologie ci-aprs.


Vise

Textes types
Ethico conomique

Charreaux (1997) : une approche par la notion de gouvernance

Vranceanu (2005) : une relecture des paradigmes conomiques
classiques laune de la tradition philosophique


Ethico financire


Sen (1998) : une approche par la question du dveloppement


Ethico gestionnaire


Ballet & De Bry (2001) : lthique dans les entreprises, avec entre
autres des complments historiques, et une volont de traiter de
l agir thique .

Mercier (1999) : lthique dans les entreprises, avec notamment un
dveloppement sur la RSE.

Isaac (1996, 2000) : pose notamment la question de la cration dun
ordre des managers .

Pinel (2000) : propose de mettre lthique au service du
dveloppement durable de lentreprise


Ethico juridique


Eliet (1997) : un apport dfinitionnel, illustration des distinctions
constitutives des deux champs.

Moret-Bailly (2001) : une approche large des questions dontologiques
par le versant juridique et les professions.


64

On peut conclure de ce bref aperu des tudes d thique des affaires que le lien entre les
productions anglo-saxonnes et celles plus spcifiquement continentales reste difficile tablir.
Le plus souvent, les rfrences textuelles sont sorties de leurs contextes conceptuels et il
devient fort difficile de se reprer dans la juxtaposition darguments qui nont, lorigine,
que peu de points communs. Il ressort de cet tat de fait un amalgame prjudiciable lobjet
de la recherche, qui ne parvient gure emporter ladhsion du lecteur. Cest sur la
disjonction culturelle (philosophique) que doit se construire largument dontologique, sur ses
spcificits proprement continentales quil faut laborer une structure de rflexion permettant
doffrir aux questions qui soriginent dans cette culture un lieu dpanouissement correct. Ici
se pose la question de la comprhension des phnomnes organisationnels lis la fonction
dontologie : Comment en effet parvenir apprhender correctement les spcificits lies
une telle structure organisationnelle ? Le mtier de dontologue diffre-t-il des fonctions
administratives classiques que lon trouve dans les entreprises ? Si oui, dans quelle mesure et
jusquo va la caractrisation ? Enfin, faut-il considrer certains particularismes propres
lactivit, son exercice et son dploiement ? En dautres termes, comment se laissent saisir
lobjet dontologique et ses dispostifis au cur de lorganisation ?











65
2.4. DONTOLOGIE FINANCIRE ET SOCIOLOGIE CONOMIQUE
Cest pour tenter de rpondre de telles questions quil nous faut prsent adopter une
approche plus sociologique du phnomne dontologique. De par sa nature, la fonction
dontologie ne se suffit pas dune approche par l thique , encore purement conomique :
si elle travaille sur les comportements ( Et maintenant, quest-cque jfais ? ),
lobjectivisme empirique prn par une position de type behavioriste ne permet pas non plus
de prendre pleinement la mesure de sa nature essentielle. Un degr relatif dintrospection,
voire dempathie demeure une composante ncessaire sinon suffisante quant la prise en
compte de ce qui se joue entre le dontologue, les collaborateurs, les marchs et les
rgulateurs. Fonction littralement enchsse (embedded) dans lorganisation et ses rseaux,
au centre denjeux de pouvoir reliant dirigeants et salaris, elle appelle une approche sociale
(quasi-ethnographique), cest--dire une approche tout la fois descriptive et analytique des
modalits permettant son dploiement sur le terrain, portant sur les articulations propres la
fonction avec son milieu, attentive aux conditions dmergence des problmatiques humaines
et organisationnelles qui lui sont lies.

De telles approches sont proposes par la sociologie no-institutionnelle : nous exposerons
donc dans cette avant-dernire tape de notre revue de la littrature les lectures dores et dj
acquises qui permettent une telle apprhension de la fonction. Nous devrions alors tre en
mesure de poursuivre le travail de problmatisation de notre question de recherche. Trois
moments nous permettent de rinscrire ltude de la fonction dontologie dans cette
sociologie no-institutionnelle : nous commenons par justifier lapproche retenue,
loccasion dune lecture de textes fondateurs du courant no-institutionnel (2.4.1.) ; nous
confirmons cette validation par la spcification des enjeux lis la question dontologique,
lorsque ceux-ci sont mis en lumire par des dbats sociologiques contemporains (2.4.2.) ;
nous explicitons ensuite les principaux processus luvre dans laction dontologique et
concluons par une synthse des points acquis (2.4.3.).






66
2.4.1. Inscription de la question dontologique dans lapproche no-institutionnelle
Le champ couvert par les tudes no-institutionnelles permet dapprhender la question
dontologique selon une quadripartition relativement facile tablir : aux tudes proprement
lies (i) la question de lencastrement structural (Granovetter, 1985), et proposant une
critique de lapprhension sur- et sous-socialise des faits conomiques, il convient dajouter
(ii) une dimension plus particulirement axe sur une rinterprtation des problmatiques de
lgitimation, par ltude de la formalisation des structures par les mythes et autres discours
fondateurs (Meyer & Rowan, 1977). Une troisime direction (iii) a t emprunte par
DiMaggio & Powell (1983), lesquels tudient la question de lisomorphisme institutionnel,
faisant de lexamen des structures mimtiques, normatives et coercitives de laction
conomique le sujet principal de leurs recherches. Cest enfin (iv) la question culturelle
(DiMaggio, 1994) qui se trouve aborde par la quatrime lecture, en cho des productions
plus proprement sociologiques (Hamilton & Biggart, 1988) ou financires (Grinblatt &
Keloharju, 2001), ces dernires nen restant pas moins attaches aux dterminants culturels
qui leurs sont propres. Il sagit pour nous de montrer comment certains thmes profonds du
courant no-institutionnel peuvent offrir une base rflexive satisfaisante lorsquil est fait tat
de la dontologie financire.

Les quatre approches identifies ci-dessus constituent autant de sources irriguant la rflexion
sur la dontologie financire : celle-ci sinscrit de droit au sein mme des proccupations
propres chacune de ces quatre branches no-institutionnelles, quelle traverse de part en
part. Quatre thmatiques sont ainsi convoques, qui toutes ramnent la dontologie ces
sources.

La figure du pli : o lon souligne la pertinence dune approche par lencastrement de la
fonction dontologie. Le pli, cest ici le lieu o se dploie la dontologie, le lieu de la
diffrentiation au sein dun contexte social dtermin. Cest parce que la dontologie se
fait diffrence au sein mme du champ financier dans lequel elle se trouve enchsse,
quelle peut se dployer pleinement. Cette diffrence sexprime dans laction quelle
promeut : la dontologie offre un point de vue diffrent sur leffectuation de lacte
financier, elle est galement ce qui in fine rvle en les discriminant lune vis--vis de
lautre, laction conforme et laction non conforme. Cest dans cette dimension que prend
place la possibilit pour le ngociateur de formuler sa question ( Et maintenant, quest-
67
cque jfais ? ), mais aussi pour le dontologue de recueillir par lintermdiaire de ces
plis, de ces rseaux encastrs dans lorganisatioon et le march, les informations
ncessaires lexercice de sa fonction.

La figure du mme : o lon argumente en faveur de lisomorphisme. Les trois modalits
mimtiques, normatives et coercitives, en se superposant, rendent compte de la manire
dont la dontologie se diffuse au sein des organisations et, partant, aux marchs. Cest ici
que se joue un lment important de la rgulation des pratiques : dans une conomie dite
globalise , les institutions sont autant de rouages essentiels aux structures de la
rgulation, car elles permettent une diffusion tendue et relativement homogne de la
norme, par isomorphisme justement. Lorsquil donne le cap en orientant le collaborateur,
lorsquil dfend son point de vue face au rgulateur en discutant linterprtation dun
texte, ou lorsquil sanctionne ses oprateurs, le dontologue joue ce rle isomorphique au
sein de lorganisation.

La figure de la transcendance : o lon aborde la question de la lgitimit de celui qui
donne la norme en lnonant, en lexpliquant, en lappliquant. Nous aurons loccasion de
voir en quoi il subsiste une dimension auratique, quasi-thologique, dans la figure de
celui qui profre la norme. Cette auratisation du passeur de la normativit constitue
un lment important et fondateur de sa lgitimit, et plaide pour une prise en compte
srieuse du rle que la dontologie peut jouer, entre lgalit et lgitimit. Les
reprsentations gnres par la fonction, les appellations ou surnoms accols tel ou tel
reprsentant de la fonction dontologique sont autant de traces de cette figure.

La figure de lautre : o lon manifeste la dimension culturelle propre au dploiement de
la dontologie. Celle-ci ne peut faire lconomie dune pratique institutionnelle
culturellement situe : cest toujours sur un terreau culturel donn que se dploie la
norme, en fonction des contextes qui laccueillent et selon des modalits changeantes.
Devant la norme se dresse toujours un donn culturel quelle ne peut nier, au sein duquel
elle doit parvenir trouver sa place. Sil ne comprend pas les rfrents culturels dans
lesquels soriginent les pratiques de ses collaborateurs, sil ne tient compte du contexte
institutionnel dans lequel il se trouve toujours dj situ, le dontologue aura toutes les
peines du monde exercer sa fonction.

68
Ces quatre figures constituent les quatre sites cardinaux partir desquels notre problmatique
va pouvoir se dployer, chacune sa manire apportant un clairage sur le donn
dontologique en situation. Leur vocation nest donc pas de pure forme, elle vise
reconstruire des fondations conceptuelles applicables la fonction dontologique en milieu
financier.



2.4.1.1. Dontologie et encastrement : la figure du pli
La question de lencastrement structural constitue une premire avance vers la thmatisation
de la fonction dontologie au sein de la thorie no-institutionnelle. Le texte (re)fondateur
propos par Granovetter (1985) met bas un certain nombre dacquis non interrogs par ce
quil est aujourdhui dusage dappeler l ancien institutionnalisme. Il ressort de ce texte
lexpression dune volont dindpendance par rapport diverses traditions tablies,
notamment le courant de la nouvelle conomie institutionnelle
53
. Swedberg, dans son Histoire
de la sociologie conomique (1987) rappelle combien cet article est un des textes les plus
souvent cits dans le domaine : texte contenant une

critique virulente du type danalyses [] faites par les conomistes au sujet des institutions (la
nouvelle conomie institutionnelle) et [qui] dfinit un programme alternatif pour ltude de
lconomie (1987 =tr. fr., 1994 : 329-330).

Cest de fait lutilitarisme noclassique comme thorie par trop dsengage de la concrtude
sociale des pratiques qui se trouve questionn par Granovetter (1985) :

la thse que nous dsignons sous la terminologie de lencastrement affirme que lon ne peut
analyser le comportement et les institutions, sans prendre en compte les relations sociales
courantes qui exercent sur eux de trs fortes contraintes (1985 =tr. fr., 2000 : 75).


53. Pour une prsentation synthtique des origines du no-institutionnalisme, voir Scott (1995). Pour une critique
de cette distinction entre deux institutionnalismes (un vieil institutionnalisme et un
nouvel institutionnalisme ), on pourra consulter larticle de Selznick (1996) qui plaide pour un
rapprochement des deux traditions. Voir galement Caill (1995), qui rinscrit lordonnancement des pratiques
dans la problmatique de lencastrement.
69
Contre latomisme propos par Smith et, avant lui, Hobbes, mais galement contre une
position sur-socialise, Granovetter propose d viter latomisation qui est implicite dans les
deux positions thoriques extrmes, sous- et sursocialises (1985 =tr. fr., 2000 : 84). La
thorie de lencastrement structural se dveloppe donc comme une position mdiane, mso-
sociale, comme entre-deux thorique et critique des conceptions dveloppes par la nouvelle
conomie institutionnelle, dont le parangon sexprime travers luvre de Williamson
(1975).

Les proccupations exprimes par Granovetter (1985) peuvent paratre quelque peu loignes
de notre propre sujet. Pour autant, elles intressent directement notre tude pour au moins
trois raisons. Tout dabord (i), lapproche sociale rticulaire permet dapprhender avec une
bien meilleure acuit la nature mme de la fonction dontologie. Economiquement parlant,
la fonction ne reprsente pas un grand intrt : elle travaille sur le lien, sur lentre-deux, bref
sur la chair du mtier de march. Sa formulation mme plaide pour une approche plus sociale
quconomique. Ensuite, la fonction dontologie soffre (ii) comme une structure nodulaire,
traverse de toutes parts par des enjeux lis la composante humaine de lchange : ancre au
sein de rseaux sociaux diversement hirarchiss, elle se dploie comme mtier et diffuse la
norme par lintermdiaire dune structure transverse, marque par un statut social spcifique,
prsente aux diffrents niveaux de lorganisation. Enfin, Granovetter souligne dans son texte
(iii) la ncessit dune analyse des influences de la structure sociale sur les comportements
de march (1985 =tr. fr., 2000 : 96) loccasion dune critique de la position avance par
Williamson : cest cette structure sociale qui offre un cadre spcifique aux comportements sur
lesquels travaille justement la fonction dontologie. Il sagit pour elle dorienter laction des
acteurs qui constitue son champ dexercice, celle-ci se trouvant toujours dj situe dans un
contexte de renvois, dans un rseau de relations physiques (spatiales, temporelles,
personnelles) ou symboliques (significations, attendus, engagements). Cest lorsque ces
rseaux de relations enchevtrs se trouvent correctement apprhends par la dontologie que
la fonction remplit justement son rle, quelle se trouve valide dans ses actes. La structure
sociale dans laquelle sancre la pratique dontologique ne peut cependant en aucun cas se
rduire aux rseaux dinfluences personnels, et lon peut ici se souvenir de la critique de
Barber (1995) :

lanalyse propose par Granovetter [] rvle une incomprhension de limportance des
systmes sociaux englobants dans lesquels les conomies se situent .
70

Si Granovetter est presque toujours cit pour ses travaux novateurs sur les organisations
rticulaires, sur les questions dencastrement de ces rseaux au sein des structures sociales de
lconomie
54
, il est pourtant un domaine dans lequel sa contribution savre moindre que ses
primes potentialits laissaient esprer : lapproche mso-sociale propose, si elle ouvre de
belles perspectives, nen reste pas moins partiellement utilise. Dans le mme sens, on peut
dire avec Huault (2004b : 65) que

la prise en compte des mcanismes historiques, culturels, cognitifs ou politiques clairerait
probablement le passage dune configuration sociale une autre .

Cette remarque permet de faire droit aux travaux de Fligstein (1996) ou Fligstein & Maria-
Drita (1996), lesquels montrent que lapproche rticulaire structurale ne contient pas de
modle du politique, notion fondamentale lorsquil sagit justement de caractriser lentre-
deux relationnel. De mme, Fligstein & Sweet (2002 : 1208) soulignent quil

existe peu dtudes compltes sur la construction simultane des marchs et des politiques, et
aucune [de celles-ci] ne cherche valuer, de faon systmatique et empirique, les relations
thorises entre les deux ordres .

Cest dans cette relation entre structures politiques et juridiques au sein du march que lon
trouve les causes de phnomnes tels que le dveloppement et la mise en place de la fonction
dontologique. Cest en accordant justement le crdit la thse dun encastrement structural
exhauss que lon parviendra expliquer combien la fonction dontologique sancre
essentiellement dans la relation entre conomie et socit. Il ne sagit pas ici de rpter le
geste de Granovetter mettant en lumire la dimension sociale de tout change conomique,
encore moins deffectuer une redfinition de lconomique (Caill, 2005), mais de partir de ce
postulat et descendre au lieu mme de lentrappartenance, de lentrexpression des structures,
afin den exhiber les articulations. On prendra alors au srieux le programme propos par
Fligstein & Sweet (2002 : 1211), soulignant que


54. Granovetter lui-mme critiquant cette reprsentation que la communaut scientifique se fait de ses travaux :
J e ne suis pas un homme de rseaux (networker) ! (1990 : 13).
71
les encastrements politique et juridique sont [des facteurs explicatifs] importants quant la
manire dont les marchs se sont dvelopps
55
.

Cest le lien entre le champ et larchitecture rticulaire qui nous intresse, le lieu de la pliure
organisationnelle qui permet justement le dploiement dune action structure, rpondant
des codes normatifs et conventionnels. Cette figure mtaphorique du pli matrialise la
situation marginale quoccupe la fonction dontologie dans les organisations, la matrise de
registres propres aux rseaux qui lentourent et dans lesquels elle tente en permanence de
sinscrire. Quant la concrtude des marchs, elle exprime llment contextuel de
lenchssement de la dontologie : il nest de dontologie que situe dans un march
particulier, contrairement ce que le terme march laisse trop souvent supposer. Le
travail men par Viviana Zelizer illustre le propos : que ce soit propos de la morale (1979),
des monnaies (1994) ou de lintime (2005), cest toujours dans ses spcificits caractristiques
(dans son pli propre) que se donne linstitution socialement fonde.

La dontologie financire saisie comme objet dtude se trouve lie cette premire figure de
la sociologie no-institutionnelle, en ceci quelle est toujours enchsse, socialement marque
par les structures conomique, culturelle et sociale qui laccueillent. Plus rcemment,
Granovetter a ainsi soulign le rle que peuvent tre amens jouer les rseaux sociaux dans
lappropriation des normes par les membres dune organisation, la lgitimation des
instructions reus y tant comme pr-corrle (Granovetter, 2005 : 42 sq.). Il y a dans chaque
dveloppement de la dontologie financire une signification sociale quil sagit de saisir, une
spcificit lie lactivit quil sagit de rguler. Granovetter, lorsquil rsume sa
thse (renvoyant ici Berger & Luckmann, 1966) souligne lui-mme limportance de ces
deux points, en lespce essentiels pour ltude de la dontologie financire : il nest de
dontologie que de pratique contextuellement situe, rpondant des reprsentations
collectives et individuelles intriques. Ainsi :


55. Notre approche du march reprend ainsi la formulation propose plus bas dans ce texte : Nous considrons
les domaines marchand, politique et juridique comme des champs ( la suite de Fligstein 1996 & 2001) qui
aident structurer la manire dont les acteurs conomiques, les groupes dintrt public, les avocats et les juges,
et les agents du gouvernement dfinir et poursuivre des intrts, y compris leurs intrts dans lvolution des
rgles encadrant les activits de march (2002 : 1212).
72
1) une action est toujours socialement situe et on ne peut lexpliquer en considrant uniquement
les motifs individuels et 2) les institutions sociales ne se dveloppent pas ncessairement selon une
forme dtermine, mais elles sont plutt socialement construites (1985 =tr. fr., 2000 : 203
sq.).

Plus avant, la fonction dontologie se situe au cur dun faisceau structur, une dimension
liant le tout dontologique comme un lieu dchange entre lintrieur et lextrieur de
lorganisation. Elle prend place (i) au sein dune socit donne intervenant sur des marchs
dfinis, elle marque la pliure organisationnelle entre lentreprise et le rgulateur, dont elle
porte la double identit. Au sein de lorganisation (ii), elle effectue le lien entre dirigeants et
collaborateurs (cest par elle, par exemple, que peuvent remonter auprs du Conseil
dadministration, les dysfonctionnements constats sur le terrain). Elle assume enfin
pleinement (iii) la double distinction entre lgalit et lgitimit, entre discours public et
discours priv. Ces trois domaines sont autant de plis de lorganisation quelle matrialise,
autant de nuds structurant larchitecture rgulatrice et morale des pratiques. Cette dimension
nodale assume lui confre un caractre essentiellement mdiateur : la dontologie doit
parvenir en ceci lier ces lments, les organiser. Elle leur permet de se rpondre et
contribue donner du liant (politique) aux relations tisses entre les extrmes que sont les
diffrents acteurs cits, ce liant sexprimant de faon paradigmatique entre rgulateurs et
entits rgules.

Le schma figurant ci-aprs (Fig. 1) synthtise cette centralit rayonnante de la dmarche
dontologique, tant sur le plan physique que sur le plan symbolique : elle offre un lieu de
passage, de mdiation entre :
le public et le priv : comment laction des individus privs sinscrit-elle dans le public ?
le lgal et le lgitime : comment adapter la loi universelle des contextes dapplication
particuliers et contingents ?
lentreprise et les marchs : selon quelles modalits pratiques les rglementations de
march sont elles abordes par lentreprise ?
les dirigeants et les collaborateurs : quelles organisations mettre en place pour sassurer
du respect des rgles par tous ? Y a-t-il des structures qui favorisent ou linverse
empchent le respect de ces rgles ?


73




























Dirigeants Collaborateurs
Marchs
Entreprise
Lgitimit
Lgalit
Sphre publique
Sphre prive
Fonction
dontologie


Dontologie et Exemples
Collaborateurs Une fonction diffusant les bonnes pratiques (best practices)
Dirigeants Une fonction rattache aux instances dirigeantes (DG, Sec. Gen., CA)
Entreprise Une fonction intgre tous les niveaux de lorganisation
Lgalit Une fonction rglementaire, rglemente, et rglementant
Lgitimit Une fonction mme de juger en cas de litiges ou de vides rglementaires
Marchs Une fonction corsetant laction des intervenants
Sphre prive Une fonction lcoute de tout membre de lorganisation
Sphre publique Une fonction reportant auprs dorganisations externes


Fig. 1. La dimension nodale de la fonction dontologie






74
2.4.1.2. Dontologie et isomorphisme : la figure du mme
Cette premire figure no-institutionnelle applique la dontologie se trouve conforte par
un second schme explicatif : celui de lisomorphisme, labor dans larticle de DiMaggio &
Powell (1983). Le texte souligne le rle structurant que peuvent tre amenes jouer certaines
institutions priphriques aux marchs : les organisations gouvernementales ou affilies
constituent en ceci un paradigme normatif important, que la fonction dontologie permet
dinterroger pleinement, en illustrant la faon dont les pratiques de march atteignent des
formes homognises.

Partant des remarques fondatrices de Max Weber quant la rationalit (notamment son rle
denfermement de lindividu dans la modernit
56
), les auteurs proposent sans vritablement
sortir du cadre dlimit par Weber, une explication des tenants et aboutissants dune telle
homognisation des structures sociales
57
. Cette structure inhrente la construction des
socits modernes, et dont le dploiement se trouve favoris par la reconnaissance dune
rationalit calculatoire, se trouve dplace par DiMaggio & Powell (1983), elle subit comme
une translation conceptuelle en direction de lisomorphisme : la similarit des formes sociales
est ici explique au moyen de trois qualificatifs dployant respectivement une dimension
coercitive, une dimension mimtique et une dimension normative. Les auteurs prcisent que
cette typification est analytique : les types ne sont pas toujours empiriquement distincts
(1983 : 67).

Pour enchevtrs quils soient, ces types nen dveloppent pas moins des conceptions
nuances. Rapports la fonction tudie, ils recouvrent chacun des ralits claires du
quotidien dontologique : on retrouve ici une structure duale dj voque, au sein de laquelle
le dontologue fait figure dentre-deux, de lien fondamental. La coercition est de fait exerce
depuis lextrieur, dans un mouvement exogne partant des instances de rgulation diverses
en direction de lentreprise dans laquelle travaille le dontologue. Cet effort coercitif se trouve

56. Pour un aperu de ces clbres remarques, on pourra se reporter Weber [1905] (1947
4
) =tr. fr. (1964,
1994
2
: 223-224).
57. Dans une veine distincte, Beck ou Giddens se sont galement intresss au modle de la cage que lon
trouve dans luvre de Weber. Pour une rcente mise au point sur ce sujet, on trouvera de bonnes indications
dans larticle de Hoogenboom & Ossewaarde (2005).
75
par la suite relay par le dontologue au sein mme de son organisation, selon diverses
modalits : soit en faisant appel des pairs dissmins dans lorganisation, soit en gardant la
charge de coercition et en la transfrant lorgane excutif. Le dclenchement du processus
de mise en forme de la fonction de conformit dans les organisations, ainsi que son
articulation avec dautres structures de contrle (les fonctions juridique, de scurit financire,
de contrle priodique, de contrle permanent, mais galement avec les comit spcifiques
des conseils dadministration, tels les comits daudit et des risques), se trouve souvent
suscit par une telle impulsion exogne : ce fut par exemple le cas du Crdit Agricole en
2003, lorsque la Rserve Fdrale amricaine et la Commission Bancaire, par une lettre
conjointe dinjonction la conformit, ont amen le groupe dvelopper et structurer
davantage la fonction, pour faire suite notamment laffaire Executive Life. Les diffrents
communiqus publis par la Rserve Fdrale cette occasion ne manquent pas de clart :

Le Conseil des Gouverneurs de la Rserve Fdrale a annonc jeudi lmission, en concertation
avec la Commission Bancaire, le rgulateur des banques franaises, dun ordre mis aprs
consentement contre le Crdit Lyonnais, une grande banque franaise, et Crdit Agricole S.A., sa
maison-mre. [] [Les deux rgulateurs] requirent du Crdit Lyonnais et du Crdit Agricole
quils mettent en place des programmes destins assurer la conformit globale avec les rgles et
les lois bancaires et financires amricaines. Le Crdit Lyonnais et le Crdit Agricole doivent
galement renforcer leurs infrastructures organisationnelles, ainsi que leurs politiques et
procdures au regard des lois et rglementations amricaines, sous la surveillance de la
Commission Bancaire et de la Rserve Fdrale
58
.

Dans ce cas prcis, le rgulateur amricain ne se contente pas de sanctionner et de demander
des modifications organisationnelles aux groupes incrimins, mais souligne galement son
travail conjoint avec le rgulateur franais pour imposer aux tablissements franais de
respecter les rgles en vigueur Outre-Atlantique.

Les second et troisime types disomorphismes permettent, quant eux, de prendre
conscience que le processus luvre au sein du groupe Crdit Agricole nest pas un
piphnomne: assez rapidement, les rgulateurs ont fait savoir aux autres intervenants de la
place quelles taient leurs volonts, dans le prolongement du programme de renforcement de

58. Communiqu de presse mis par la Rserve Fdrale le 8 janvier 2004. Une copie de lordre figure en
Annexe 1. Cf. www.federalreserve.gov/boarddocs/press/enforcement/2004/20040108 (consultation le
13/10/2007).
76
la conformit impos au groupe Crdit Agricole. Le Secrtaire Gnral adjoint de la
Commission Bancaire a ainsi pu, lors dune journe consacre la question de lthique dans
lentreprise, rappeler combien

les autorits de contrle doivent dcliner [les exigences en termes de conformit], qui sont
encore plus fortes que celles relatives aux risques de crdit et de marchs et estime en France, quil
est ncessaire de prciser la porte, limportance et les caractristiques essentielles de la fonction
conformit au sein des tablissements [prestant des services dinvestissement]
59
.

Une telle formulation vient se loger, on le voit, entre mimtisme et normativit : le rgulateur,
en faisant uvre de normativit, tend accrotre lisomorphisme mimtique. Le dploiement
de discours de ce type se trouve par ailleurs ntre quune rduplication des propos tenus par
les rgulateurs europens et internationaux : au-del du cadre strictement franais, le Comit
de Ble a propos des rflexions similaires ddies la fonction compliance ds le mois
doctobre 2003
60
et, sans que cette publication soit directement lie au mouvement initi aux
Etats-Unis aprs les scandales ayant conduit au vote de la loi Sarbanes-Oxley, elle y trouve sa
place de faon lgitime. En France, les rgulateurs ont profit de ces initiatives rglementaires
pour modifier les textes structurant le champ financier, ainsi que le montre le tableau figurant
ci-aprs :

N Date Lieu Institution Textes
1. 2001 Etats-Unis Snat amricain Loi Sarbanes Oxley
2. 2003 Europe Comit de Ble
Texte de consultation sur la fonction
compliance dans les banques (publi
dfinitivement en 2005)
3. 2003 Europe
Commission
Europenne
Directive 2003/6/CE sur les oprations
dinitis et les manipulations de march
4. 2004 Europe
Commission
Europenne
Directive 2004/39/CE sur les marchs
dinstruments financiers (entre en vigueur
le 1
er
nov. 2007)

59. Intervention de M. J acques Fournier, Secrtaire Gnral Adjoint de la Commission Bancaire, lors de la 4me
journe Perspectives Juridiques et Fiscales du Groupe Crdit Agricole, le 19 octobre 2004. Lexpos tait
intitul Ethique et rgulation .
60. Sur ce point, nous renvoyons deux lectures de ce texte structurant : Lenglet (2004) et Singh (2005).
77
N Date Lieu Institution Textes
5. 2005 Europe
Commission
Europenne
Directive 2005/60/CE relative la lutte
contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme (entre en vigueur
le 1
er
jan. 2008)
6. 2005 France Commission Bancaire
Rglement CRBF 97-02 modifi, relatif au
contrle interne des tablissements de
crdit et des entreprises dinvestissement
7. 2006 France
Autorit des Marchs
Financiers
Rglement Gnral rvis

Cette situation de diffusion des textes normatifs par mimtisme semble valider a posteriori
certaines des hypothses de DiMaggio & Powell (1983), que celles-ci aient trait aux
organisations (organizational-level predictors) ou aux champs (field-level predictors). Les
textes mentionns dans le tableau impactent en effet directement lorganisation et le
fonctionnement de la dontologie chez les intermdiaires financiers : soit par la dfinition de
cadres homognes et la mise en uvre de principes communs (texte 2), soit par ldiction
dobligations europennes (textes 3, 4 et 5) ensuite transposes dans les textes nationaux
(textes 6 et 7). La diffusion des textes normatifs, en structurant la fonction dontologie dans
ses modes dorganisation, mais galement dans ses faons dagir, contribue de la sorte
homogniser le champ des pratiques financires.

Reprenant plus spcifiquement les deux niveaux danalyse proposs par les deux auteurs,
nous les avons dtailles ci-dessous afin de fournir, partir de quelques hypothses, des
illustrations au regard de la fonction dontologie.

Hypothses et rfrences
(A = organisation, B = champ)
Illustrations en milieu dontologique
A1 : Plus la dpendance dune organisation
lgard dune autre organisation est grande, plus
elle deviendra semblable cette organisation tant
du point de vue de la structure, du climat interne,
que des comportements (p. 74).
Rle de la fonction dontologie au niveau dune
maison-mre quant la structuration de la
fonction dans ses filiales et succursales.
78
Hypothses (A = organisation, B = champ) et
rfrences
Illustrations en milieu dontologique
A6 : Plus la participation des responsables de
lorganisation dans des associations commerciales
et professionnelles est grande, plus lorganisation
sera similaire, ou tendra le devenir, dautres
organisations de son domaine (p. 76).
Diversit des runions de place, tant au niveau
national quinternational, au sein desquelles
sagrgent et schangent les expriences : rle de
lAFEI, de lAFG, de la FBF, mais aussi du CESR
et de IOSCO
61
.
B2 : Plus les organisations dun secteur ont des
relations avec des structures de lEtat, plus
stendent les mcanismes isomorphiques dans le
secteur dans son entier (p. 76).
Mise en lumire du rle des rgulateurs : les
prestataires de services dinvestissement sont
agrments par la Commission Bancaire et
lAutorit des Marchs Financiers.
B6 : Plus la structuration dun secteur est
grande, plus le degr disomorphisme est grand
(p. 77).
Rvision de la structuration des systmes de
contrles interne (2005), sparation nette des
fonctions de contrle priodique et de contrle
permanent.


On le voit, les conditions semblent runies pour que la fonction dontologie se fasse le
vecteur dun isomorphisme tout la fois coercitif, mimtique et normatif. Cest dans la
superposition de ces tendances que se joue le dploiement de structures isomorphes, et lon a
avec la fonction dontologie une bonne illustration de la remarque formule par Mizruchi &
Fein (1999), qui rappellent combien la question de lisomorphisme prend toute son ampleur
lorsque les trois composantes entrent en rsonance.

Nous aurons loccasion de discuter les deux ensembles dhypothses (A) et (B) dans le cours
ultrieur de ce travail, en tenant compte des remarques formules par dautres auteurs. Il sera
notamment intressant de voir en quoi les relations existant entre dontologues de socits
concurrentes peuvent tre amenes influencer le dploiement de structures similaires
(Galaskiewicz & Wasserman, 1989). Nous nous demanderons galement si lexistence de
processus isomorphiques contribue vritablement lgitimer laction des dontologues sur les

61. Il sagit l dassociations professionnelles et de rgulateurs. Pour le dtail de ces acronymes, voir p. 347.
79
marchs suivant en cela la voie ouverte par Deephouse (1996 et 1999) et Deephouse & Carter
(2005).


2.4.1.3. Dontologie et mythologie : la figure de la transcendance
La problmatique dontologique dveloppe un troisime thme, celui de la transcendance
symbolique de la fonction au sein des organisations. Cette figure, attache aux modalits de
reprsentation gnres par lexercice dontologique, a galement t dveloppe par la
sociologie no-institutionnelle. A certains gards, on peut considrer que la fonction
dontologie se fait, dans son exercice, doublement transcendante : (i) horizontalement en
tant que fonction support ou transverse, car elle irrigue lintgralit de lorganisation de ses
canaux, se dveloppe dans presque toutes les activits ; (ii) verticalement en tant que
fonction normative assume, qui dicte la rgle interne et sassure de son respect. Nous
verrons que cest dans le juste croisement de ces deux dimensions transcendantes que se
dveloppe la dontologie.

En comparaison des deux figures prcdentes, le texte de Meyer & Rowan (1977) permet une
approche complmentaire du phnomne dontologique, en postulant que les organisations
dont les environnements sont trs institutionnaliss ont toutes les chances dacqurir la
lgitimit et les ressources ncessaires leur survie. Ces organisations doivent toutefois
parvenir atteindre un niveau disomorphisme satisfaisant, cest--dire se conformer aux
attendus normatifs propres la structure du champ concern (Ibid. : 53). Les deux auteurs
partent du principe suivant :

les structures organisationnelles sont cres, se construisent de faon plus labore avec le
dveloppement de mythes institutionnaliss et, dans les contextes les plus avancs ce sujet,
laction dploye par ces organisations doit venir crditer ces mythes (1977, 1991
2
: 60).

Ils en viennent accorder un rle non ngligeable aux routines supportant laction des agents :
dans notre cas prcis, le soutien indfectible dune direction gnrale au dpartement
dontologie, le rappel rgulier fait aux oprateurs de march par la mme direction de
limportance du respect des rgles, mais aussi les expressions utilises par les oprateurs pour
dsigner les dontologues, ou que ces derniers utilisent, sont autant dlments structurant les
reprsentations que les collaborateurs se font de la dontologie, et que le march vhicule en
80
retour (Parker, 2006). Ces diffrents lments mis bout bout contribuent la formation
dune figure transcendante de la fonction, ainsi que nous pourrons le voir dans ltude de cas.

Une forme de rituel dontologique se cre de toutes pices par lintermdiaire de la diffusion
des rappels lordre, faisant eux-mmes suite des sries de contrles des pratiques. Chaque
collaborateur se trouve de fait confront ds son entre la fonction : il reoit non seulement
les textes rgentant ses activits (manuel de dontologie, procdures, notifications diverses
relatives son statut et interdictions spcifiques le touchant), mais fait rapidement
lexprience de la dontologie par lintermdiaire des formations ddies aux nouveaux
entrants (cf. infra, notre 5.2.5.2.). Ceci sans voquer son recours ventuel aux services du
dpartement dontologie dans le cadre de son activit. Tous ces lments contribuent ainsi
la construction des reprsentations communes de la fonction.

Autant dlments qui doivent tre mis en rapport avec la troisime thse propose par Meyer
& Rowan, laquelle postule que

les efforts de contrle de lorganisation, et ce tout spcialement dans des contextes fortement
institutionnaliss, sont ddis une conformit rituelle (ritual conformity), en interne et en
externe (Ibid. : 61).

La situation franaise a beaucoup volu depuis la fin des annes 1990, qui ont vu la cration
de la fonction. En 2003, nous lavons vu, les dontologues peuvent encore faire office de
grands prtres
62
gardiens du temple aux yeux de certains dontologues anglo-saxons.
Cette reprsentation commune, qui tend disparatre, sexprime diversement dans les
changes entre collaborateurs et dontologues.


62. Cf. supra notre 2.3.4. Il sera ce sujet trs intressant de voir, dans les annes venir, en quoi le nouveau
rglement CRBF 97-02, tant de la pratique le nom mme de dontologue, influera rtrospectivement ou pas sur
la reprsentation que se font les compliance officers trangers de la fonction envisage dans son champ purement
franais. Voir Fournier (2006).
81
Nanmoins, la prise en compte des relations entre conomie et religiosit a tard tre
pleinement interroge
63
, ainsi que le rappelle Wuthnow (1994). Dans le cas de la dontologie
financire, la question se pose pourtant : fonction rgulatrice, en charge au sens propre de la
police du march, elle uvre corseter les pratiques donc restreindre par divers moyens
au rang desquels la double transcendance qui lui est inhrente lexpansion dsordonne de
lordre marchand. Les dontologues sont aujourdhui encore souvent vus comme des
empcheurs de tourner en rond , comme des freins au dveloppement conomique et
commercial des activits. En ceci, la fonction plaide, dans sa religiosit propre, pour la prise
en compte de la remarque de Wuthnow
64
:

si les engagements conomiques ont une tendance inhrente lexpansion, alors la recherche
pourrait tre utilement applique la question de la faon dont les individus et les groupes
dcident de limiter ces engagements (1994 : 639).

En dautres termes, comment la fonction dontologie, en tant que fonction transcendant
lorganisation, parvient-elle se justifier comme mcanisme rgulateur, cest--dire comme
rouage de la rgulation au sein de lorganisation ? Quelle place accorder aux rcits
socialement construits (Stryker, 1994), produits par lorganisation dans le but de lgitimer ces
restrictions (Edelman, Uggen & Erlanger, 1999, Zorn, 2004) ? Au-del, cest la capacit des
dontologues inclure dans leur discours des lments de religiosit qui se trouve
questionne, dans leur relation des objets donns (les marchs, les interdits personnels vis--
vis des investissements, la diffusion de la parole dontologique, etc.).

Ce nest probablement pas tonnant que la fonction compliance se soit de prime abord
dveloppe dans des pays de culture anglo-saxonne, souvent caractriss comme puritains,
porteurs dune identit religieuse dominante protestante : les fondements de cette religiosit
entrent indniablement en jeu lorsquil sagit de caractriser par sa dimension transcendante la

63. Pour un aperu des relations existant entre religion et comptabilit, on pourra se reporter Aho (2005), qui
travaille partir de la notion de confession.
64. Pour un aperu des relations entre religiosit et comportement dans les organisations, on pourra se reporter
Weaver & Agle (2002), qui proposent une vue densemble sur le sujet.
82
fonction dontologie
65
. La rfrence un corpus textuel dense plaide pour une telle prise en
compte, les Compliance handbooks des anglo-saxons donnant voir ce qui deviendra
probablement sous peu un outil de plus au service de la conformit la franaise : vritables
bibles dontologiques dtaillant non seulement les principes, mais illustrant abondamment
les rgles en recourant des situations prcises et dtailles.


2.4.1.4. Dontologie et culture : la figure de lautre
Cette vocation du fonds religieux sous-jacent la pratique dontologique nous permet
dintroduire une quatrime figure, celle de la culture. Ds lors que laction dontologique se
trouve reconnue comme situe dans un contexte spcifique intervient une problmatique
culturelle : non seulement au niveau des institutions accueillant la fonction, mais galement
au niveau des structures de rgulation. Le dveloppement de la fonction en Europe, en
comparaison de la pratique anglo-saxonne, ne fait pas rponse aux mmes sous-jacents
normatifs. Cest ce point quvoque DiMaggio dans un article de 1994, qui fait merger la
figure de lautre comme altrit culturelle. Le postulat de base est relativement classique : la
culture contribue la mise en forme des pratiques et des institutions conomiques, plus
quelle ne les rflchit. DiMaggio interroge plus spcifiquement les racines des structures de
normativit propres aux conomies de march :

Do viennent donc les institutions normatives et juridiques qui rgulent les pratiques de march,
et pourquoi prennent-elles la forme quon leur connat ? Pourquoi de telles normes, de telles
conventions varient-elles selon les pays ? Pourquoi, par exemple, les rgulateurs amricains se
sont-ils tant inquits des ententes entre entreprises et de leurs consquences quant la libert du
commerce (et lui ont donn une dfinition si gnrale), en comparaison de leurs homologues
europens et asiatiques ? (1994 : 37).

Cest au coeur mme de ces questions que se dploie la problmatique dontologique, et cest
bien dans les diffrences de positions de la part des rgulateurs des diffrents pays dans
lesquels les organisations financires se trouvent implantes que se jouent des tapes
importantes de leur dveloppement.

65. Sur les relations entre protestantisme et finance, on pourra se reporter, outre Weber [1904-1905] (1930),
Djelic (2005), Perquel (2005) et Keister (2008).
83

Derrire le fonds culturel au sein duquel sancrent des pratiques se manifeste, en parallle,
larchitecture normative attache ces pratiques. DiMaggio rappelle ainsi que la moralit des
changes qui se dveloppe dans nos socits contemporaines (occidentales, de march, dites
dveloppes ), trouve dans lindividualisme affrent un mode dexpression privilgi,
sarticulant autour des notions de responsabilit et dautonomie. Les bases thoriques dune
ethnographie de la dontologie financire sont ici poses, si lon se souvient que la profession
dontologique sorigine dans le march, et trouve sa justification dans celui-ci : cest parce
quexistent des objets comme les marchs, des lieux dchange o se rencontrent acheteurs et
vendeurs, rpondant notamment (mais pas exclusivement) des logiques individualistes
dacteurs, que peut se dvelopper une profession mdiatrice des changes, garantissant
indirectement la qualit de ces changes. Le modle culturel propre aux socits capitalistes
dites dveloppes joue ici plein : ce modle constitue en quelque sorte linstitution car celle-
ci en dpend directement.

Poursuivant sa rflexion, DiMaggio montre que la lgalisation des structures de lconomie
dans lesquelles prennent place les changes contribue fortement remettre en cause des
fonctionnements non conformes la norme juridique tablie : il ne sagit pas l dun truisme,
et ce que nous voulons souligner, cest justement le rle structurant de la norme mise en
pratique. Ladhsion aux principes ne signifie pas ncessairement que la situation ant-
juridique ou ant-dontologique constitue une situation a-morale
66
.

Ce que DiMaggio
souligne ici, cest donc bien plus le basculement dune structure de moralit vers une autre
structure de moralit, tout aussi unificatrice. Un tel basculement ne peut tre acquis par les
sciences conomiques pures :


limportance des facteurs culturels sur certains lments centraux des sciences conomiques [...]
suggre que les conomistes, pas moins que les socio-conomistes, ignorent la culture leurs
risques et prils (1994 : 47).

66. Ibid. : 37 : La plupart des lois (par exemple les interdictions de collusion, de npotisme, les abus de bien
sociaux, et bien dautres formes de discriminations) ont pour but la suppression dune moralit antrieure dans la
promotion dune moralit nouvelle . Toute organisation sociale a ses propres structures de rgulation morale,
mme les plus archaques , ainsi que le rappellent de nombreux textes dethno-anthropologie, commencer
par Mauss [1896] (1969 : 672) : ainsi la religion suscite des peines, parce que cest elle qui suscite les
premires rgles morales, les premires normes sanctionnes par une raction publique .
84

Llment culturel doit donc tre abord avec le plus grand srieux, car au-del des rfrents
moraux, des valeurs qui orientent laction des oprateurs de march dpositaires dun savoir
qui semble aller de soi, cest bien la capacit questionner la pratique dans lespace mme de
son mergence qui se trouve ainsi indique. Chaque march se distingue par des pratiques
diffrentes, celles-ci se trouvant fortement tributaires des espaces culturels qui leurs sont
propres : travers elles, cest toujours une structure de normativit qui se trouve donne. Une
telle position a par ailleurs dj t dfendue par Foucault (1966) :

En fait, les concepts de monnaie, de prix, de valeur, de circulation, de march, nont pas t
penss, au XVII
me
et au XVIII
me
sicle, partir dun futur qui les attendait dans lombre, mais
bien sur le sol dune disposition pistmologique rigoureuse et gnrale [] La rflexion sur la
monnaie, le commerce et les changes est lie une pratique et des institutions. Mais si on peut
opposer la pratique la spculation pure, lune et lautre, de toute faon, reposent sur un seul et
mme savoir fondamental [...] savoir obscur qui ne se manifeste pas pour lui-mme, mais dont les
ncessits sont identiquement les mmes pour les thories abstraites ou les spculations sans
rapport apparent la ralit. Dans une culture et un moment donn, il ny a jamais quune
pistm, qui dfinit les conditions de possibilit de tout savoir (1966 : 178-179).

Lpistm dominante dans les socits occidentales de type capitaliste fait aujourdhui la part
belle ces sources de lgitimation que sont la revendication la transparence ,
l thique , ou au dveloppement durable : autant dlments visant assurer une
croissance rcurrente des activits, en prenant pour site lavenir physique de ces socits. Ces
dbats lgitiment a posteriori le dveloppement de marchs spcifiques de cotation de droits
polluer, des drivs mtorologiques, ou bien la mise en place de structures de gouvernance et
de contrle au sein des organisations, mme doprer comme garde-fous vis--vis dune
hybris entropique suppose, et parfois tangible. Une extrme cohrence relie ces lments
rgulateurs qui, de faon tout fait significative, se dploient dans lespace commun de la
contemporanit. Cest au creux de celui-ci que figure la fonction dontologie : elle est, pour
les marchs financiers et au mme titre que dautres institutions, un lment du ciment
agrgeant les revendications croises des socits occidentales. Le fonds culturel des
Lumires, avec son idal dautonomie (dont la face conceptuelle antpose nest autre que la
responsabilit) sexprime plein dans ce dveloppement dontologique. Ce sont les
ncessits fondamentales voques par Foucault quil sagit de dployer selon leurs
85
possibilits propres : cest sous lgide dun tel plaidoyer que nous placerons le cours de nos
rflexions venir
67
.


2.4.1.5. Lancrage no-institutionnel de la dontologie
La question dontologique trouve dans les quatre approches ici abordes un ancrage no-
institutionnel. Ces quatre positions classiques permettent toutes de jeter un clairage sur la
fonction, en linscrivant pleinement dans le champ institutionnel :

La thmatique de lencastrement structural, en renvoyant lencastrement de laction
conomique dans les rseaux sociaux, permet de situer la fonction dontologie dans son
contexte organisationnel, social et humain ; elle nous permettra de montrer en quoi la
russite de la performance dontologique se mesure souvent sa capacit sinclure et
se faire accepter par les rseaux sociaux sous-jacents aux organisations, ainsi qu son
habilet dployer un systme de renvois, de buttes-tmoins dans la gographie de
lorganisation. Cest en tant que fonction encastre dans lorganisation que le
dontologue se trouve sollicit par loprateur de march ( Et maintenant, quest-cque
jfais ? ).

La question de lisomorphisme institutionnel renvoie aux relations tisses entre
rgulateurs internationaux et nationaux, avec un rle prpondrant de la rgulation
amricaine dans la structuration du champ normatif europen en gnral et franais en
particulier. Elle permet de comprendre la manire dont un cadre normatif correctement
diffus tend homogniser les pratiques constates, en rpondant la question pose par
loprateur de march.

Si lon place la focale au niveau de la structure rgule, on notera combien la
formalisation des structures par les mythes joue plein. Chaque organisation dispose de
ses propres mythes fondateurs : cela est galement vrai pour la dontologie, notamment
en ce qui concerne la diffusion dune reprsentation par le recours aux rcits dinstitution
de la pratique dans la salle de march, et par lacceptation de rfrences langagires

67. Louvrage de Foucault ici cit se trouve dailleurs mentionn par DiMaggio (1994 : 46).
86
images ds quil sagit dvoquer la fonction. Cest ici que la fonction trouve une partie
des moyens formels autorisant la rponse ladresse de loprateur.

La question culturelle est essentielle et cardinale pour notre propos ; elle nous permet
dintroduire une interrogation sur la signification de la norme et ses fonctions, mais aussi
sur le rapport pouvant exister entre norme et langage. Une ouverture sur la question du
langage dontologique est alors possible, qui effectue la distinction entre norme et nonc
de la norme. Sans la prise en compte de cet aspect essentiel, la rponse la question Et
maintenant, quest-cque jfais ? risque de ne pas tre comprise, car mal adresse.
Enfin, le parallle entre droit et religion, que lon retrouve point par point dans la
structuration de la fonction dontologique doit tre apprhend, en bouclant le cercle vers
la formalisation mythologique prcdemment propose

Nous proposons donc de formaliser travers un schma (cf. page suivante) la quadripartition
du fondement dontologique, une rpartition partir de laquelle nous allons pouvoir
poursuivre notre travail de lecture et dboucher plus loin sur la formulation dune
problmatique. Cette quadripartition du champ dontologique situe les quatre lments que
nous avons identifis et constitue une premire tape du raisonnement. De la sorte, le
syntagme dontologie financire acquiert une premire paisseur conceptuelle propre :
non-exclusive, celle-ci fera nanmoins office de rfrent, partir duquel nous proposons un
agencement thorique possible, descriptif et explicatif de ce qui se joue lorsquil est fait tat
de dontologie dans une salle de march.












87


















Dontologie et mythologie
La f igure de la transcendance
Dontologie
et encastrement
La f igure du pli
Dontologie
et isomorphisme
La f igure du mme
Dontologie
et culture
La f igure de l'autre
Fonction
Dontologie



Fig. 2. La fonction dontologie nourrie des thmes no-institutionnels














88

2.4.2. La question dontologique : un site explicatif spcifique
Une fois identifis les thmes premiers partir desquels la fonction dontologie semble
pouvoir trouver une explication, il nous faut tudier ce qui peut se tenir entre ces quatre
orientations fondamentales. Autrement dit, il nous faut prsent confirmer limpression que
nous avons du possible dploiement, travers ces quatre figures, de la question
dontologique : il sagira de montrer en quoi des lectures plus spcifiques et contemporaines
instruisent plein notre question de recherche. Si nous avons en effet retrac gros traits la
tradition dans laquelle une tude de la dontologie financire semble pouvoir prendre place, il
reste nanmoins que les courants no-institutionnalistes se dveloppent aujourdhui
rapidement, depuis les premires approches voques ci-dessus, et dans des directions
multiples. Nous nous focaliserons donc sur les tudes ayant trait au champ financier, afin de
recentrer notre propos. Dans un premier temps, il convient de situer la dontologie dans le
champ des tudes sociales de la finance : il nest pas certain que les catgories classiques de
rfrence permettent dapprhender correctement la dontologie telle quelle se dploie
aujourdhui dans les organisations financires.



2.4.2.1. Une tripartition classique du champ explicatif
On note de fait effet un certain classicisme dans ltude des fonctions financires de la
socit : celle-ci se fait souvent tripartite, prenant pour objet des lments spcifiques que lon
retrouve de faon quasi-systmatique dans les interprtations courantes. Monnaie, banques et
marchs financiers constituent ainsi les ples dune triade explicative chez Mizruchi &
Stearns (1994). Ces deux auteurs proposent une revue des textes classiques (notamment
Simmel (1900), Polanyi (1944), Zeitlin (1974), Zelizer (1994), etc.) : ils relvent cette
occasion que la sociologie a traditionnellement spar les tudes ddies la monnaie, dont le
paradigme reste louvrage de Simmel (1900) et celles ddies aux banques et aux marchs.
Les textes ddis la monnaie sont en gnral plus abstraits : la matire elle-mme engage
labstraction : la fois la plus proche nous la manions tous les jours et la plus abstraite
elle dpend du crdit , de la valeur quon lui accorde, cest--dire de la reprsentation que
lon sen fait. A noter que la domination amricaine suppose de la finance mondiale se
trouve remise en cause par Mizruchi & Stearns (1994) :
89

Plusieurs acquis sociologiques relatifs aux banques et aux systmes financiers ont t dvelopps
dans une priode o les Etats-Unis dominaient conomiquement le monde, une priode pendant
laquelle lconomie amricaine tait elle-mme domine par de grandes banques commerciales.
Une telle situation est rvolue. Les Etats-Unis ne sont plus aujourdhui la seule puissance
conomique mondiale, et la prolifration de diffrentes institutions financires, de diffrentes
formes de financement ont diminu la puissance des grandes banques commerciales (1994 :
334).

Cette perspective demande aujourdhui tre nuance, et il apparat bien des gards que la
structure de rgulation des marchs financiers se trouve plus que jamais dpendante de la
position amricaine en la matire, la Federal Reserve jouant dans cette partie son rle plein,
non seulement au niveau des taux directeurs
68
, mais galement en termes de sanctions (nous
renvoyons sur ce point la mention faite au 2.4.1.2.).

Le texte de Mizruchi & Stearns a ceci dintressant quil offre une approche analytique stricte
des lments permettant dexpliquer la ralit inhrente aux marchs. Il nen reste pas moins
que le liant, cela mme qui tient le mdium (la monnaie), le lieu de stockage de ce mdium
(les banques) et le lieu dchange de ce mdium (le march), ne nous apparat pas
suffisamment mis en relief. Les pratiques en tant que telles, envisages en propre, sont dune
certaine faon absentes de ce tableau, aussi nuanc, historiquement convaincant et subtil soit-
il. Remettre en cause la mainmise des conomistes sur les trois objets choisis demande
justement dintgrer lhermneutique propose un surcrot incarn que seule lapproche
socialement situe permet. Cest justement ce lien entre monnaie, banques et marchs que les
tudes sociales de la finance se sont incidemment donn pour objet de questionnement : en
mettant en lumire les dispositifs et artefacts de march (cf. par exemple Preda, 2002 ; Beunza
& Muniesa, 2005 ou Callon, Millo & Muniesa, 2007), les relations qui se nouent sur ces
marchs eux-mmes forms par les pratiques (Knorr Cetina & Bruegger, 2000, 2002a & b ;
Kjellberg & Helgesson, 2007), la construction sociale de la liquidit* (Carruthers &
Stinchcombe, 1999), ou encore les modes dorganisation rendus possibles par le dploiement
et lassimilation de thories dessinant les contours du march (Beunza & Stark, 2004 ;

68. Il nest que de voir les rpercussions sur les cours de bourse des moindres soubresauts de la Fed en la
matire, institution mythifie par les intervenants et incarne il y a peu encore par lun de ses plus charismatiques
gouverneurs, Alan Greenspan.
90
MacKenzie & Millo, 2003 ou MacKenzie, 2006b), ce sont ainsi des pans ininterrogs par les
analyses strictement conomiques qui voient le jour.

La fonction dontologie, dans lconomie de son dveloppement propre, constitue un lment
unificateur liant les diffrents termes de la tripartition habituellement propose : elle offre
ainsi aux analyses voques le supplment explicatif qui semble leur faire dfaut. Dune part
parce quelle se retrouve dans chacun des lments : trouvant son origine dans les marchs,
dicte par les institutions bancaires et financires, elle compte parmi ses multiples centres
dintrts la relation que le sujet entretient la monnaie (le sujet en question se doit de
respecter les rgles du jeu appliques lchange de cette monnaie, couvrant par exemple les
usages de linformation privilgie mme de lui permettre dengranger indment une plus-
value). Dautre part parce quelle implique de la part du dontologue quil adopte un point de
vue transcendant (surplombant), que lon dcrira selon les besoins comme le point de vue du
tiers rgnant, en soulignant par l son ncessaire dtachement, un retrait mesur qui offre un
espace la formulation dun jugement juste et lgitime. La position du dontologue est tout
entire faite de ce recul inhrent son activit : position tout la fois du lgislateur, du juge,
position marginale au sens propre en ce quelle ncessite un retrait pour tre fconde. Ce nest
que dans la distance adquate (ni trop prs, au risque de laveuglement, ni trop loin, au risque
de la ccit) que se dploie avec toute son efficace laction du dontologue. Cest cette
qualit destimation de la focale que lon repre une dontologie convaincante et performante.


2.4.2.2. Une approche complmentaire
Cette premire approche divisant le champ des tudes en trois ensembles manquant de liant
doit nanmoins tre complte par la mention dun travail plus rcent, plus spcifiquement
ddi aux tudes sociales de la finance. Lapproche propose par Mizruchi & Stearns (1994)
doit ainsi tre compare celle propose plus rcemment par Keister (2002). Le texte, ddi
explicitement la finance no-institutionnelle rcente, souligne combien

depuis le dbut des annes quatre-vingt, ltude des marchs sest peu peu impose en
sociologie, et ltude des marchs financiers, en particulier, a merg comme un domaine
extrmement riche pour la recherche sociologique (2002 : 39).

91
Lauteur montre alors que le mouvement de fond sous-jacent aux diffrentes tendances de la
sociologie conomique no-institutionnelle se trouve unifi par la dimension sociale
systmique habituellement oublie par les approches no-classiques :

les relations financires sont des relations sociales [nous soulignons], et le march financier est
une structure dchanges continus et relativement stables, reliant acheteurs et vendeurs de
ressources financires (Ibid. : 40).

Sur la base dune telle conviction se dploie un ensemble foisonnant de textes et de
recherches dont le tableau figurant ci-dessous rend partiellement compte : chacune des trois
postures dominantes non franchement remises en cause par Keister (2002) sy trouve
caractrise, avec en rfrence un article fondateur de cette dissmination du champ tudi.

Champ Auteurs-types (texte)
Monnaie
Zelizer (1993), (1994), (1998) : revisite la notion de medium dchange et
remet en cause la soi-disant neutralit de largent sans odeur .
Carruthers & alii (1991, 1996 & 1998) : dveloppent les relations entre culture
et monnaie, dans le sillage de Zelizer.
Banques et
entreprises
Mintz & Schwartz (1985) : sur lhgmonie financire des banques.
Davis & Mizruchi (1999) : sur les interlocking directorates ou relations entre
banques et entreprises, et la question du pouvoir.
Uzzi (1999) : sur le financement du capital.
Uzzi & Gillespie (1999) : sur les facilits de paiement.
Palmer & alii (1995) : sur le rle des banques dans les oprations de fusions
acquisitions. En conflit avec Fligstein (1995).

Marchs
financiers

Baker & alii (1998) : sur les conditions dacceptation et de remise en cause des
rgles structurant le march.
Abolafia & Kilduff (1988) : sur la constitution des prix sur le march.
Makler (2001) : sur le rle des marchs dans les conomies en dveloppement.
Spilerman (2000) : sur les marchs financiers et les ingalits sociales (sant).


En quoi la mention de ces textes instruit-elle notre lecture ? En ce que lapparent
foisonnement de rfrences htrognes nous engage rechercher le dnominateur commun
ces productions diverses, un dnominateur que Keister (2002) met justement jour plusieurs
reprises, sous la figure de lapprhension sociale des relations. Elle note ainsi :
92

Peut-tre le point de rencontre de ces textes doit-il tre cherch dans le postulat selon lequel les
systmes de relations financires sont des structures sociales [] En plus du recours un postulat
commun, les champs [qui organisent gnralement] ltude de la monnaie, des marchs financiers
et de la banque shybrident (inform each other) de manire importante (Ibid. : 52-53).

Cest cette hybridation quil convient notre sens de favoriser et que ltude de la fonction
dontologie permet de faire entrer en rsonance. La tripartition du champ propose par
Mizruchi & Stearns ouvre et maintient un cart hermneutique quil sagit pour nous de
refermer : cest la totalit des intervenants peuplant le champ financier qui se trouve alors
convoque, une totalit laquelle la dontologie apporte, de par sa place nodale (cf. notre
2.4.1.1.) cohrence et orientation. Cest en dcrivant les modes de dploiement de cette
fonction nodale que nous parviendrons donner chair aux structures sociales ici voques. La
dontologie, en ce quelle travaille sur les pratiques, constitue nos yeux un paradigme
institutionnel qui va nous permettre dapprocher au plus prs les lments organisant les
relations sociales observables sur les marchs.

A ce stade de notre prsentation, nous pouvons dores et dj faire merger quelques grandes
lignes dinterprtation ; celles-ci gouverneront nos dveloppements futurs. En premier lieu, il
est noter que la tripartition structurelle du champ tudi entre la monnaie (le mdium), les
banques (les organisations) et les marchs (lieux dchanges) reste assez artificielle. Elle nen
reste pas moins canonique et dcrit bien la ralit de la recherche : il nest pour sen
convaincre que de reprendre les textes de rfrence, que ce soit avec Abolafia (1996) ou
(1998) sur les marchs, Zelizer (1989) puis (1994) sur la monnaie ou plus rcemment Winroth
(2003b) sur les banques, on reste le plus souvent sur lun des ples de la triade explicative,
sans toujours voir clairement souligne la relation entre ces trois ples. Notre position
consistera ensuite, et dans la mesure du possible, articuler ces trois champs de faon moins
artificielle : la dontologie, tudie comme fonction du systme financier, cest--dire comme
instance propre au march et encastre dans les rseaux sociaux dune organisation donne,
permet en effet dadopter un point de vue central par rapport aux ples prcdemment
caractriss. Dune part parce que la dontologie est avant tout une profession historiquement
et sociologiquement ancre dans le march, dautre part parce quelle se trouve hberge par
les banques, et dsormais incluse tous les niveaux et tous les mtiers bancaires et financiers
(tant dans la banque de dtail, la banque prive, la banque de financement que la gestion
93
dactifs, avec chaque fois des problmatiques propres aux mtiers sur lesquels elle sexerce).
Pour autant, la dontologie reste une profession travaillant sur les termes de lchange :
conseils la clientle, instruments financiers plus ou moins complexes, oprations
transfrontires, etc. La relation directe qui existe entre banques (organisations) et marchs
(lieux dchanges), mdiatise par la dontologie, se retrouve donc de fait de faon indirecte
au niveau de la monnaie. Le point de vue que nous dfenderons ne sera plus celui dune
vision ancre dans lun des trois sommets du triangle relationnel banques monnaie
march, mais une vision centre sur les relations existant entre ces trois domaines, chaque pan
dontologique travaillant les trois domaines spcifis. De la sorte, nous proposons de fonder
lorigine explicative du phnomne tudi non plus dans des catgories supposes le
transcender, mais bien plus dans cel-mme quil incarne : la pratique de march. Celle-ci se
structure tout la fois par le biais de lorganisation qui la rend possible, elle prend place l o
seffectuent les transactions et porte bien sur la valeur financire de lchange, ainsi que les
conditions de son excution.


2.4.3. Quels processus luvre au sein de la dontologie financire ?
Nous venons de souligner que les approches no-institutionnelles communes des phnomnes
financiers rvlent un manque, en ce quelles ne permettent pas dapprhender les relations
tisses entre acteurs de faon satisfaisante. La dontologie financire permet, cest du moins
un de nos postulats, de remdier ce manque, du fait mme de sa nature : cest justement
parce que la dontologie institutionnalise, cest--dire identifie dans les pratiques et
accepte comme telle, tient une place nodale et mdiatrice des changes que nous pouvons
lgitimement en proposer une approche sociale . Outre ce postulat, nous disposons dune
dfinition rglementaire de la dontologie financire : en croisant les deux approches, nous
proposons dans les pages qui suivent des hypothses de travail qui constitueront lassise
conceptuelle de notre rflexion.

On se souvient en effet que la fonction dontologie est apparue, dans sa dfinition
rglementaire (1.2.1.), comme la fonction qui

contribue [] assurer le respect des rgles de bonne conduite applicables lexercice des
services dinvestissement [] par le prestataire habilit et ses mandataires []. Il veille au
94
respect de ces mmes rgles par les personnes physiques places sous lautorit ou agissant pour le
compte du prestataire dans le cadre de lexercice des services [dinvestissement]
69
.

Au-del, il nous faut garder lesprit que le risque de non-conformit, cela-mme sur quoi la
dontologue tente dexercer son empire, se trouve dfini de faon large depuis 2005 comme
un risque de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financire
significative ou datteinte la rputation , et que ce risque nat

du non-respect de dispositions propres aux activits bancaires et financires, quelles soient de
nature lgislatives ou rglementaires, ou quil sagisse de normes professionnelles et
dontologiques, ou dinstructions de lorgane excutif prises notamment en application des
orientations de lorgane dlibrant
70
.

Les lments conceptuels nous permettant dapprhender la dontologie financire, dans
lconomie propre aux tudes sociales de la finance, commencent merger. La dontologie
financire semble en effet, une fois ces dfinitions lues et mises en regard des textes issus des
tudes sociales de la finance, devoir tout la fois rpondre :

des questions rputationnelles, cest--dire des questions portant sur les reprsentations
gnres par les actes de lorganisation ;

des questions de type hermneutique, puisquelle vise assurer le respect de rgles qui
demandent de prime abord et le plus souvent tre explicites, commentes, compltes,
bref tre signifies : non seulement en ce quil faut tout la fois les rendre applicables
aux contextes dans lequel soriginent les pratiques et en donner le sens, mais galement
en ce que ces rgles doivent pouvoir tre reues, acceptes, assimiles par les
intervenants eux-mmes si elles doivent contribuer la mise en forme et au contrle
social des pratiques de march.

Afin de confirmer nos premires impressions, nous allons prsent donner quelques
exemples mettant en lumire ces questions, et ouvrant sur un travail plus approfondi de

69. AMF (2005d), art. 321-26.
70. CRBF 97-02, art. 4, p =CCLRF (2005 : 3).
95
problmatisation dune question de recherche. Pour les besoins de lexposition, nous faisons
rfrence des situations que nous avons pu reconstituer partir de conversations informelles
avec des dontologues, volontairement fictionnalises en situations
71
. Nous avons choisi
comme exemple un cas typique mme de rvler, dans sa simplicit constitutive, comment
lexposition au risque de rputation peut tre rapide. Le thme retenu est spcifiquement
dontologique, puisquil y est question de conflits dintrts.


2.4.3.1. Une exposition au risque de rputation
Au titre de sa mission dencadrement et de gestion des conflits dintrts, le dontologue,
responsable de la conformit, doit notamment organiser la surveillance des transactions
effectues par ses ngociateurs lorsque ceux-ci interviennent sur le march en prenant des
positions pour compte propre. Lorsque lentreprise dinvestissement traite en compte propre
face un client, la transaction fait lobjet dune inscription dans ses comptes : les titres
achets lui appartiennent donc. Si cette entreprise appartient elle-mme un groupe bancaire,
il est probable que certains mtiers soient en possession ou aient la possibilit dentrer en
possession dinformations privilgies* : des informations qui, compte tenu de leur nature,
sont susceptibles davoir une influence sur les cours des titres concerns
72
. Il revient donc au
dontologue de surveiller, voire dinterdire les transactions sur les titres dits sensibles ,
pour lesquels la banque dinvestissement a un intrt particulier.

En dautres termes, il revient au dontologue de mettre en place et de tenir jour une liste de
surveillance*, sur laquelle figurent les titres des metteurs travaillant avec la banque (par
exemple dans le cadre dune offre publique, dune mission obligataire, ou dun mandat de
conseil), jusqu ce que lopration soit rendue publique ou caduque : dans le premier cas, la
publication du mandat fait passer le titre de la liste de surveillance la liste dinterdiction*. La
restriction peut tre partielle, imposant par exemple aux analystes* de consulter
systmatiquement le dontologue avant la publication de leur tude, ou totale : dans ce cas, le
prestataire se voit interdire de publier des analyses sur le titre, et de traiter pour compte

71. Ltude de cas systmatisera ce procd, sur lequel nous nous expliquons p. 207.
72. Pour une dfinition rglementaire complte de linformation privilgie, cf. AMF (2007 : 278-279), reproduit
en Annexe 5, ainsi que le Glossaire.
96
propre. On le comprend, le placement dun titre sur la liste dinterdiction nest pas neutre : il
empche certaines activits, et rduit le champ dintervention du prestataire. En ceci, les
msusages de cette liste ne sont pas sans consquences ; ce que les lignes ci-dessous rvlent.



Nous sommes le 6 juillet 2007, il est 8h35. Les ngociateurs sont en train de prparer leurs
carnets dordres ; bon nombre de clients ont dj appel et donn leurs instructions aux sales
traders* travaillant chez Global Brokerage.

8h37 Adam, le compliance officer chez Global Brokerage reoit de son homologue
travaillant dans la maison-mre, Global Investment Bank, une liste dinterdiction sur laquelle
figure, parmi la quinzaine de titres concerns, un ajout surlign en rouge : laction
ComputerLand UK Plc. Au moment o il sapprte fermer le fichier, Adam note que la
phrase explicitant les interdictions relatives aux oprations sur ce titre est plus longue qu
laccoutume : Full ban on brokerage activities . Etonn de cette mention, il rpond
aussitt par mail son interlocuteur londonien, en soulignant quil a bien not que
linterdiction totale porte sur les seules activits de compte propre, comme cest
habituellement le cas.

8h45 Le compliance officer de Global Investment Bank confirme par mail Adam que
toutes les activits de brokerage, quelles concernent le compte propre ou le compte de tiers,
doivent cesser sur le titre. Adam nen croit pas ses yeux : en dix annes de bourse, il na
jamais t confront pareille situation. Il empoigne son tlphone, appelle son homologue
britannique et lui demande des explications. Celui-ci confirme une nouvelle fois linterdiction
et son tendue.

8h48 Furieux, ne comprenant pas les raisons ayant men cette interdiction globale, Adam
se rsout envoyer tous les collaborateurs de Global Brokerage le mail suivant :

Pour faire suite linscription par Global Investment Bank du titre ComputerLand UK Plc
(GB0001500353 / CPU.LDN) sur la liste dinterdiction, toutes les transactions sur ce titre sont
interdites jusqu nouvel ordre .

97
Quelques minutes avant le fixing douverture, les carnets dordres sont dj partiellement
remplis, et continuent de se remplir. La rception du mail provoque alors, dans les traves, de
multiples ractions : deux sales traders, puis le Responsable de lexcution, apostrophent
Adam :

Eh, Adam, cest quoi ton mail : tu veux quon sorte les ordres des clients des carnets ?
Tu te rends compte quon a pris des ordres et quon dit aux clients daller traiter ailleurs ?
Adam, arrte de dconner, cest pas drle cest louverture

Rpondant ces invectives, Adam souligne quil ne comprend pas lui-mme linterdiction de
traiter les ordres des clients, et quil va essayer de la faire lever partiellement, sur ce segment
de lactivit de Global Brokerage.

8h57 Un sales trader sapproche dAdam :
Quest-cque jfais en attendant ? J ai pris un gros ordre de Buy Global, commercialement
a me met en difficult de le rejeter. J peux pas faire a sinon je perds le client .
Adam : Attend, je vais faire sauter a fais patienter ton client [il se tourne vers un
collgue dontologue de son quipe] Appelle Patrick chez POTAM, on dgage cette
connerie

9h18 Aprs plusieurs changes infructueux avec le compliance officer de Global Investment
Bank, Adam dcide den rfrer au responsable dactivit, quil connat pour avoir travaill
avec lui par le pass. Il obtient de ce dernier que la banque demande confirmation de
linterdiction au rgulateur (Le Takeover Panel ou POTAM*), et ngocie le cas chant une
exemption pour les ordres des clients de Global Brokerage.

10h26 Aprs deux heures dchanges tlphoniques et de mails, ainsi que la prise de contact
avec le rgulateur, Adam obtient du compliance officer de Global Investment Bank quil retire
du champ de linterdiction, les activits de brokerage pour compte de tiers. Celles-ci sont
effectues pour le compte et au nom du client, sur son instruction, elles ne font pas intervenir
le compte propre du broker : il ny a pas de raisons de les interdire.

10h28 Le sales trader informe Adam que son client Buy Global a prfr traiter ailleurs une
grosse partie de son ordre, dans les minutes suivant louverture ; il lui tait absolument
ncessaire de se dfaire de sa position.
98



Cette situation met en lumire une triple exposition au risque de rputation. En lespace de
deux heures, les oprateurs de march et le dontologue se sont de fait trouvs confronts aux
dilemmes suivants :
Leur fallait-il suivre (a) les instructions apparemment aberrantes de Global Investment
Bank et refuser de prendre les ordres des clients ? Dans ce cas, Global Brokerage
sexposait au mcontentement lgitime du client ayant pass un ordre avant louverture
du march.
Mais ne pas suivre linstruction reue, eut galement t (b) prendre le risque de
sexposer inutilement une non-conformit rglementaire : avant obtention de
lexemption, Global Brokerage est tenue de respecter les listes dinterdiction, celles-ci
fussent-elles questionnables.
Enfin, cest Adam qui porte pour lui-mme et son service (c) un risque de rputation ;
celui-ci ne devant certes pas sentendre comme un risque de non-conformit au sens du
CRBF 97-02 (cf. supra), mais bien comme un risque de perdre sa lgitimit aux yeux des
membres de la salle.

Comment une telle situation en vient-elle se prsenter, de quoi est-elle ne ? En premier
lieu, dune disjonction culturelle quant lapprhension des rgles applicables. On peut en
effet se demander si linterdiction doprer na pas t transmise par un dontologue de
banque ne connaissant peut-tre pas assez clairement les mtiers et les modes dintervention
du broker sur le march (pour compte propre ou pour compte de tiers). Ou bien imaginer que
son interprtation et son apprciation des rgles de march diffre sensiblement de celles
dAdam (ce dernier ne pratiquant pas les subtilits du Blue Book
73
tous les jours) ? En second
lieu, les modalits de rsolution de la crise font apparatre un usage des relations
interpersonnelles partages entre le dontologue et ses oprateurs dune part, et les contacts
que ce dernier est mme dactiver pour accder au rgulateur.


73 Appellation usuelle des rgles dictes par le Takeover Panel, distribues aux membres du march sous la
forme dun classeur bleu.
99
Interrog sur la faon dont il a gr cette situation, Adam reconnat lui-mme que lun de ses
principaux soucis, en pareille situation, est de ne pas perdre sa lgitimit aux yeux des
oprateurs de march :

Dans un cas comme celui-l, tu sais que tu as raison. Et pourtant tu es bloqu par linterdiction
qui vient den haut. a peut vraiment tre dvastateur : commercialement bien sr, parce que les
clients ne comprennent pas que tu leur refuses un ordre que tu as dj accept, et pour nous
dontologues, on passe vraiment pour des branques interdire puis permettre de traiter pour les
clients. Dans ce cas, on charge lquipe de Global Investment Bank, aprs tout cest leur faute
on peut pas se permettre de perdre ce que lon a mis du temps construire avec les types de la
salle .

Le rcit dAdam montre, partir dune situation simple une question dinterprtation, de
connaissance dun mtier comment linstitution peut trs rapidement se trouver confronte
au risque de rputation, sans pour autant tomber de faon immdiate dans le scandale
financier
74
. Dans ce cas prcis, le non-respect des rgles dictes par la maison-mre restait
pourtant de mise, tout en lexposant un risque de non-conformit. Au-del, cest la gestion
de limage de Global Brokerage qui est en jeu : celle de ses vendeurs vis--vis des clients
lextrieur, celle de son dontologue en interne. Lapprhension que le dontologue a des
rgles de march, sa connaissance des mtiers quil supervise, sont autant dlments qui lui
ont permis dmettre un jugement distinguant pour lui-mme le non-conforme lgitime (les
transactions pour compte de tiers) du non-conforme illgitime (les transactions pour compte
propre, quil ne sest jamais agi de remettre en cause). Les relations sociales tisses entre le
dontologue et les oprateurs influent sur cette connaissance partage des mtiers de la salle,
sur la manire dont stablissent les comportements de march, et dans une certaine mesure
jusque dans leur interprtation rglementaire. Dune certaine manire, ne peut-on lire dans la
manire dont Adam parvient dnouer la crise, dans cette faon quil a de prendre position en
refusant linterdiction illgitime, ce que Granovetter souligne dans son texte de 1985 ?
Savoir :


74. De fait, le jeu des reprsentations ici voqu ouvre un possible vers des problmes commerciaux, mais aussi
de rgulation, sans pour autant jamais verser dans le scandale financier (chute dAndersen, affaire Kerviel ,
par ailleurs commente par FSA, 2008).
100
la ncessit dune analyse des influences de la structure sociale sur les comportements de
march (1985 =tr. fr., 2000 : 96).

Si nous voulons apprhender correctement ce qui se joue au creux de la dcision
dontologique, nous devons prendre au srieux cette affirmation et travailler sur le contexte
des renvois symboliques et culturels induits par la fonction. La part culturelle, mise en scne
ici par la mconnaissance probable dun mtier, ou un msusage du corps de rgles en place
(en loccurrence, le Blue Book) fait quant elle ressortir la ncessaire prise en compte des
contextes ddiction de la normativit applicable aux activits de march. Autant dlments
conflictuels qui posent la question de la rputation, de la reprsentation sous un angle
compltant laspect rglementaire de non-conformit dj voqu dans le cours de ce travail.
Entre usages culturels et pratiques sociales encastres, la question de la rputation trouve une
forme dexpression quil nous faudra dsormais questionner, en ce que la dontologie
financire en fait son sujet.

Et maintenant, quest-cque jfais ? : la rponse donne par le dontologue cette
interrogation inaugurale est susceptible de jouer sur les reprsentations gnres
conscutivement aux actes quentreprendront les oprateurs de march. En mme temps,
lespace rendant possible sa formulation ne peut souvrir qu partir du moment o le
dontologue est reconnu comme un interlocuteur valable parce que comprenant les mtiers
qui lentourent. Au croisement des thmatiques culturelles et social-rticulaires, se pose donc
la question de la rputation et des reprsentations affrentes, sous au moins deux angles
diffrents. Quelles sont alors les attentes de celui qui pose la question ? Que peut donc
attendre loprateur de march de la part du dontologue lorsquil parvient formuler pareille
interrogation ?


2.4.3.2. Lhermneutique des normes : des processus spcifiques identifier
Nous venons de voir comment lhermneutique rglementaire ou normative permet de
rvler, dans lconomie de la banalit, les sous-jacents culturels et sociaux dterminant les
relations et positionnements des acteurs de la salle, ds lors quil est fait question de
reprsentations. Cest sur cette hermneutique rglementaire que nous allons maintenant nous
arrter.
101

En effet, la fonction dontologie semble se trouver traverse de part en part par la culture dans
laquelle elle sorigine, dans laquelle elle trouve le lieu de son mergence. Au-del, cest
toujours chez lautre que le dontologue intervient, cest--dire dans le sous-jacent culturel et
symbolique de lautre quil doit intgrer ses modes de fonctionnement. Lautre, cest
loprateur de march, celui qui est dans le march en ce quil le fait. Lautre, cest aussi
celui qui dfinit le dontologue comme appartenant aux fonctions dites de support (par
opposition aux fonctions oprationnelles), une dfinition oprant par la ngative, dans une
dimension ventuellement dprciative. Ce qui peut tre reproch au dontologue, cest de ne
pas comprendre, de ne pas saisir ce qui se joue sur le march ; le cloisonnement de certains
mtiers
75
pouvant de fait contribuer crer des incomprhensions.


(a) Comprendre pour mieux adapter : une hermneutique de la traduction ?

Un second exemple nous permet daborder ce point : lors de la 8
me
journe dinformation des
RCCI* et des RCSI organise par lAutorit des Marchs Financiers, le 26 mars 2008, le
Directeur Gnral Dlgu dHSBC France, un groupe bancaire anglo-saxon, a ainsi pu
souligner combien :

La conformit, cest comme la perfection que lon recherche pour soi : cest moins un tat quun
long cheminement [] J entends par l que vous assumiez pleinement le rle qui est le vtre, au
carrefour des mtiers et des directions .

Le rle ici affect au dontologue est bien celui que nous avons identifi plus haut (2.4.1.1.),
un rle situ la croise des fonctions. Quelles en sont ici les implications ? Nous navons pu
prendre en note lintgralit du discours, mais nous pouvons nanmoins en retranscrire des
bribes, qui sont suffisamment signifiantes en elles-mmes :

[Le dontologue doit] tre un acteur central dans la prvention et la matrise des
risques [et jouer] un rle structurant dans cette matrise des risques ;
[Son] enfermement dans une tour divoire le couperait des sources dinformations
ncessaires lexercice de sa fonction ;

75. Ce point apparat nettement dans Godechot (2001) et, dans une moindre mesure, Abolafia (1996).
102
[On attend du dontologue quil participe ] la co-construction dun dialogue avec les
oprationnels ;
[Il lui faut] accompagner dans linstant les oprationnels ;
[Il y a pour lui] une quation trouver entre lhorizon de temps du march et lhorizon de
temps des questions de rputation .

Ces bribes de discours sont extrmement intressantes : prononces par un dirigeant pris dans
la tourmente de la crise dite des subprimes au dbut de lanne 2008, elles rvlent lampleur
de lattente formule par certaines institutions lgard de leurs compliance officers. Le
cheminement voqu, nous proposons de le comprendre comme le dialogue co-construit
avec les oprateurs de march ; un parcours hermneutique de comprhension rciproque,
impliquant une forme dempathie (comprhensive), la reconnaissance de lautre comme tel en
son statut. Cette reconnaissance constitue en quelque sorte un pralable ncessaire
laccompagnement demand par le dirigeant. Mais dans ce cas, que cherche le dontologue ?
Que doit-il co-construire avec les oprateurs de march ? Notre hypothse est que le
dontologue doit tre mme de co-construire avec les oprationnels une lecture des
normes encadrant leurs activits : une lecture volutive (co-construite), qui se faonne par
lintermdiaire de traductions des normes dans les contextes, et qui se nourrit des contextes
pour adapter les normes.

Lexemple de la transposition des directives europennes dans les diffrents pays de lEurope
est cet gard tout fait saisissant : depuis lentre en vigueur du processus dit
Lamfalussy (du nom de son promoteur) en 2001, les textes europens ddis aux activits
financires sont labors en suivant un dveloppement successif quatre niveaux :


- 1
er
niveau : laboration de la lgislation qui dfinit les principes de la rglementation ;
- 2
me
niveau : laboration des mesures dexcution, qui sont autant de dtails techniques
induits par la mise en uvre des principes ;
- 3
me
niveau : dclinaison des textes dans les droits nationaux et coopration des
rgulateurs afin dhomogniser les dispositions transposes en droit national ;

103
- 4
me
niveau : contrle de la conformit des rglementations transposes
76
.


Ce lent processus de maturation, qui prend souvent plusieurs annes, constitue
indniablement un effort de traduction de principes rglementaires homognes dans des
contextes dapplication divers. Ce qui nous intresse ici, ce nest pas tant lventuelle
participation du dontologue en amont du processus, lorsque les principes de rglementation
sont dfinis
77
, mais davantage leffort de transposition que celui-ci doit oprer au sein de son
institution lorsque le texte rglementaire entre en vigueur. En effet, lapparition dun nouveau
corpus de textes normatifs requiert de prime abord et le plus souvent une adaptation des
dispositifs dencadrement des activits : non seulement en ce quil sagit de transposer la
norme nouvellement dicte dans un contexte institutionnel donn, mais aussi en ce que ce
supplment normatif peut contribuer modifier, r-agencer les modalits dencadrement des
activits. Le processus de lecture des dispositifs rglementaires en place doit ainsi tre
constamment renouvel, modifi, amend au gr des publications lgales et rglementaires :
cet tat de fait requiert de la part des fonctions normatives (les fonctions juridique, daudit, de
dontologie et de contrle) quelles parviennent se lover dans les nouveaux cadres imposs
lexercice des activits, se les approprier pour ensuite pourvoir en effectuer la
transposition la plus efficace possible.

Dans le champ normatif, cependant, la fonction dontologie est notre connaissance la seule
se frotter daussi prs la matrialit des contextes : lorsque le dirigeant cit plus haut en
appelle laccompagnement des oprationnels dans linstant , que signifie-t-il par l ?
Quelles sont ses attentes ? Nous proposons de lire cette requte comme lexpression dun
besoin de traduction au lieu mme o se droule laction : ce qui est attendu des quipes
dontologiques, ce serait ainsi une capacit lire laction en situation, dans le contexte, pour
mieux en faire ressortir les enjeux sous-jacents. Cette lecture ne pourrait-elle alors tre celle
de permettant de trouver lquation rconciliant les horizons temporels disjoints (le
temps du march , le long temps de la rputation ) ? A partir du simple exemple de la

76. Un schma reprenant ces tapes et compltant la description figure en Annexe 8.
77. On note toujours en effet la prsence de quelques dontologues perdus chez les rgulateurs dans les
groupes dexperts travaillant la rgulation des pratiques financires.
104
formation des normes europennes dans le champ de lindustrie financire, nous proposons
donc de lire la fonction dontologie comme cette instance mme deffectuer des traductions,
des transpositions, bref dassurer des passages entre cultures, mme dhomogniser les
pratiques de march. Entre isomorphisme et culture se dploierait ainsi une dimension
traductrice, quil nous faudra documenter, puis dmontrer pour en assurer la pertinence.


(b) Traduire pour donner du sens : une hermneutique de la smiotique ?

Leffort dadaptation, la co-construction dun dialogue entre oprationnels et dontologue,
quoi cela sert-il et que cela requiert-il ? Nous avons pu montrer auparavant combien la
fonction se doit dtre lgitime aux yeux des oprateurs de march. Cette lgitimit constitue
pour elle une forme de pr-requis quelle ne peut outrepasser : cette lgitimit, construite dans
le temps (cest bien ce que dit Adam dans notre exemple plus haut), travaille de part en part
par les reprsentations que suscite la fonction, ses rfrents symboliques galement, permet au
dontologue de se faire accepter. Lorsquon lui demande pourquoi il est important quil soit
reconnu, Adam rpond :

Adam : Si tes pas reconnu, tes mal, tu peux pas faire ton job en fait .

Ce quAdam souligne par le tes mal , ce nest rien moins que limpossibilit de se faire
entendre, dtre cout : la traduction des normes dans les contextes ne passe-t-elle pas par
lacquisition dune capacit dcoute auprs des oprateurs de march ? En effet, si le
ngociateur ou lanalyste ne sont pas convaincus de lutilit de poser la question Et
maintenant, quest-cque jfais ? , ils ne viendront pas naturellement senqurir de lavis du
dontologue. A cet gard, lobservation montre que bien souvent rgne une forme de
clientlisme : lorsque des personnes ont recours au dontologue, elles on tendance le
solliciter rgulirement (ce qui ne signifie pas ncessairement souvent) ; dautres en revanche
ne viendront jamais lui poser de questions.

Admettons quun collaborateur vienne soumettre un problme au dontologue parce quil
pense que ce dernier sera mme de lui proposer une solution : quattend prcisment le
collaborateur ? Pour esquisser une rponse cette question, tournons-nous vers quelques
exemples :
105

Ex. 1 : Un oprateur du middle office* sinterroge sur lenregistrement dune position
importante dans un compte de passage ;
Ex. 2 : Un ngociateur se demande sil peut agrger les ordres de ses clients pour un volume
total suprieur 50% des volumes traits sur le march ;
Ex. 3 : Un analyste est convi par la banque dinvestissement une runion avec gros client
de lindustrie pharmaceutique, il se demande sil peut ou non participer la runion, et dans
quelles conditions ;
Ex. 4 : Un sales trader voudrait momentanment enlever les filtres limitant les capacits
dintervention dun client, afin que ce dernier puisse passer un ordre important laide dun
cran dlocalis
78
;
Ex. 5 : Le Responsable de lexcution voudrait proposer un service dexcution automatise
pour certains gros clients : ceux-ci demanderaient un prix, qui leur serait automatiquement
rpondu par une machine appliquant face lordre du client le compte propre du broker : ce
responsable sinterroge sur la dfinition du service au regard des textes rglementaires
existants.

Que rvlent ces situations issues du quotidien dontologique en salle de march ?

Le premier exemple met en scne un oprateur se posant une question quant la
normalit dune opration qui au regard du volume, lui semble anormale. En lespce, il a
lintuition que lopration droge aux critres auxquels il est habitu et, sans savoir
ncessairement formuler les raisons de sa gne, il manifeste un dficit de signification (il
ne parvient pas remplir lintuition qui soffre lui de faon satisfaisante).

Le second exemple fait intervenir un jugement sur la capacit du march absorber un
ordre qui capterait une quantit importante des volumes disponibles, au risque de faire
dcaler le march. Le ngociateur ne vient pas demander au dontologue comment
procder (cest l son mtier), il veut en revanche sassurer que, compte tenu des
paramtres disponibles, il nenfreint pas la rglementation. Il sagit pour lui de trouver
une assurance que lacte quil sapprte accomplir nest pas rprhensible (ce qui tend
souligner sa conscience des probables consquences de son acte).


78. Cf. infra notre 5.2.3.1. pour une brve explication de ce que sont les crans dlocaliss, et des usages qui en
sont faits.
106
La troisime situation pose la question de la circulation de linformation privilgie ;
lanalyste se demande jusquo il peut simpliquer dans la runion : la banque lui
demande deffectuer une prsentation du secteur sur lequel il publie, afin que le client se
fasse une ide des volutions de son environnement. Mais partir de quand lanalyste
doit-il quitter la runion, sil ne veut pas se voir initi par les intervenants (et, partant,
interdire de publier sur cet metteur) ?

La situation quatre nous emmne sur un terrain plus technique : le sales trader voudrait
tout la fois lever les restrictions pesant sur son client et rpondre positivement la
demande de ce dernier ; en acceptant denlever les filtres en place, il se propose
nanmoins de faire porter un risque sur lentreprise. A quoi servent en effet des filtres que
lon enlve pour permettre au client de passer ses ordres ?

Le cinquime exemple pose la question de linterprtation des textes : lorganisation, les
outils et la manire dont ceux-ci sont paramtrs font courir au prestataire le risque que
son activit de facilitation soit requalifie en activit dinternalisation systmatique
79
. Le
collaborateur concern cherche donc valider une interprtation du texte avec le
dontologue, qui lexonrerait de mettre en place des contrles supplmentaires sur son
activit.

Ces cinq situations ne se recoupent pas : elles font intervenir des mtiers diffrents, qui certes
cohabitent dans lespace de la salle de march, mais qui rpondent des logiques dcorrles.
Pour autant, que cherchent ces personnes ? Comment se retrouvent loprateur du middle
office, le ngociateur, le sales trader et lanalyste ? Tous font face des situations dans
lesquelles la connaissance dont ils disposent ne leur suffit pas pour se dterminer :

Loprateur du middle office ne sait pas quel sens donner la position rsiduelle figurant
dans le compte de stockage : il ne sait pas comment linterprter, ni remplir son
intuition par une signification ;


79. Cf. une description de lactivit de facilitation au 5.2.3.2., infra. Le fait de rpondre un cours de faon
automatique fait tomber le service dans la seconde catgorie, si les transactions portent sur des quantits
infrieures la taille standard de march.
107
Le ngociateur se demande quel sens le march sur lequel il sapprte traiter donnera au
dcalage que son ordre est susceptible de gnrer : lintervention sera-t-elle perue
comme lgitime ? Ou sera-t-elle linverse considre comme manipulatoire ?

Lanalyste ne sait pas prcisment comment qualifier sa participation la runion entre la
banque et lindustriel. En encadrant ses possibilits dintervention, en lui proposant par
exemple de ne participer qu la partie publique de la runion, au cours de laquelle
aucune information privilgie nest divulgue, le dontologue donne sens la prsence
de lanalyste, et le prserve de linitiation (donc de linterdiction dcrire sur la valeur) ;

Le sales trader, sans poser explicitement la question, demande que lon droge aux rgles
dencadrement fixes par lentreprise, pour satisfaire son client : cest dans lexamen des
paramtres entrant en jeu (la relation que le sales trader entretient avec ce client, le
montant du courtage peru sur ses ordres, la nature du titre sur lequel le client veut passer
un ordre) que se rvle la signification confre la mise en place de filtres ;

Le Responsable de lexcution cherche un appui interprtatif en la personne du
dontologue. Se plaant sur le terrain de lencadrement et de la rgulation, il entend
valider la pertinence dun raisonnement, cest--dire sassurer du sens (ou de la
qualification) qui pourra tre confr(e) au service propos.

Il ne faut pas pour autant se leurrer sur la simplicit apparente des intentions ainsi exprimes :
dans beaucoup de cas, les collaborateurs viendront certes consulter le dontologue pour
obtenir une assurance quant au sens donner une situation indite, mais galement et peut-
tre mme avant tout pour se couvrir et valider formellement avec lui les actes quils
sapprtent commettre. Lorsquil transpose ses connaissances rglementaires aux contextes
qui lui sont exposs, que fait le dontologue ? Quelles sont les conditions de production du
sens attaches la formulation de ses avis ? En quoi ceux-ci rvlent-ils la lgitimit quil a
acquise aux yeux de la salle de march ? Entre rseaux de sociabilits et figures transcendant
sa parole, le dontologue nest-il pas condamn dployer un discours apportant le surcrot de
signification faisant dfaut, lorsque loprateur identifie de lui-mme le problme qui lui
interdit davancer, dagir, bref dexercer son mtier ? Autant de questions rvlatrices de la
dimension signifiante du travail de mise en conformit : si le dontologue opre des
108
traductions, ne serait-ce pas dans le but de donner consistance au vide des textes et des
dispositifs, afin dempcher dans un contexte donn, la faillite du sens ?


(c) Distiller le sens : une hermneutique de la performativit ?

Les exemples exposs semblent faire de la fonction dontologie une institution oprant des
traductions et produisant du sens lorsque textes (rglementaires) et contextes (situations) ne
parviennent saccorder. Pourtant, cest en soumettant cette ide de faillite du sens quun
dontologue nous a prcis :

a cest de lexpression, mais tu penses quon est capables de donner du sens tout ? Perso, jen
suis pas sr
80
.

Il est en effet des situations dans lesquelles le dontologue ne parvient pas ncessairement
donner du sens, et dautres dans lesquelles il ne parvient pas se faire couter. Mettons de
ct, pour le moment, les situations rpondant au premier cas de figure (les situations
dontologiquement aportiques) et attardons-nous quelques temps sur le second cas de
figure : selon quelles modalits peut-on dcrire le travail par lequel le discours dontologique
parvient simposer en imposant des cadres normatifs ? Nous avons lu dans le Rglement
Gnral de lAMF que la fonction

contribue [] assurer le respect des rgles de bonne conduite applicables lexercice des
services dinvestissement [] par le prestataire habilit et ses mandataires []
81
.

Sassurer du respect des rgles, cela consiste probablement pour le dontologue faire usage
de son pouvoir de sanction (ceci expliquerait la prgnance de la figure policire dans les
reprsentations communes gnres par la fonction, nous y reviendrons), mais au-del, ne
faut-il tenter dexpliquer par quels moyens le discours dontologique parvient se faire
entendre, tre cout, bref assurer lefficace de sa parole ? Si le statut du dontologue lui
confre le droit de sanctionner, un droit quil exerce grce ce que lon pourrait dsigner sous

80. Dialogue avec Nicolas, un dontologue de chez MB Brokerage en date du 02/04/2008.
81. AMF (2005d), art. 321-26.
109
la forme dun monopole lgal de la violence sur les pratiques constates, que peut-on dire
en revanche des situations dans lesquelles il intervient sous les traits du conseiller, qui lon
se rfre pour obtenir une assurance, un avis, un complment de sens ?

Loprateur de march qui dcide de recourir au dontologue se voit en effet le plus souvent
contraint de suivre lavis rendu, dagir selon les indications qui lui sont fournies par le
dontologue : si ce dernier parvient dmler la situation de telle sorte que le contexte prenne
sens, il lui faut alors suivre lindication, lorientation qui lui est propose. Il reviendrait ainsi
au dontologue, de son ct, de sassurer que le discours quil formule peut tre reu, intgr
aux pratiques et par-l correctement distill dans la salle. De la sorte pourrait soprer
lhomognisation des pratiques qui traduirait la capacit du dontologue duser des
mcanismes disomorphisme caractriss prcdemment (2.4.1.2.). La fonction semble en
effet constituer un canal de diffusion dun isomorphisme de place tel quil a pu tre dcrit par
lcole no-institutionnelle pour au moins deux raisons : dune part, le dontologue agit
potentiellement sur toutes les pratiques se dployant au sein de lorganisation, il constitue
donc un point dentre privilgi pour diffuser des formes spcifiques daction ; dautre part il
a galement pour mission de rprimer, de sanctionner les collaborateurs ne respectant pas les
rgles et, partant, imposer une Weltanschauung spcifique, elle-mme situe par rapport aux
attentes des rgulateurs.

La participation du dontologue la structure dencadrement du march, amne somme toute
interroger les spcificits de cette fonction de police , voque par Weber en introduction
(1.1.1.) : agissant dans la proximit des sites dans lesquels spanouissent les pratiques de
march (il doit pouvoir tre l o a se passe ), le dontologue conseille les oprateurs, les
analystes, on a le sentiment quil les oriente dans le ddale organis que constituent les
contextes de march, quil leur indique le chemin suivre. Il arbitre et sanctionne galement,
jouant de la rfrence policire et de la capacit (sinon laura) que lui confre sa constitution
rglementaire pour imposer ses dcisions. Dans certains cas, il est mme symboliquement
asserment, puisque lAutorit des Marchs Financiers dlivre une carte attestant sa
reconnaissance de la fonction au sein de lorganisation
82
.

82. Tout prestataire de services dinvestissement doit disposer, dans son organisation, dau moins un
Responsable de la Conformit des Services dInvestissement. Lexercice de la fonction dontologie nest
110

Entre isomorphismes et figures transcendantes, ne serait-ce en dfinitive la question de la
diffusion de la parole dontologique qui devrait pouvoir tre interroge ? Si le dontologue
opre la traductions des normes dans les contextes, quil parvient ainsi donner aux situations
rencontres un sens qui au premier abord leur faisait dfaut, comment parvient-il confronter
ses vues explicatives, les argumenter, les imposer aux oprateurs ? Agit-il selon la seule
auratisation que lui confre son titre, ou met-il en jeu un ensemble plus spcifique de modes
permettant son autorisation, la diffusion dun discours et son acceptation, bref la distillation
de sa parole chez les oprateurs ? Lexemple de Nicolas, dontologue de march, est
intressant : alors quil sapprte envoyer un rappel crit un analyste ayant particip sans
son autorisation une runion avec la banque dinvestissement, il prcise :

L, cest la troisime fois que a arrive. J e vais mettre en copie le Responsable de lanalyse et le
type de lECM*, a va tre chaud pour lanalyste Je vais quand mme aller les voir pour
dminer le truc, sinon on risque se faire tuer .

De fait, Nicolas va sinterposer entre des mtiers et des fonctions htrognes par nature, et
rappeler quels sont les principes organisant les relations entre ces mtiers. Les responsables
dactivit vont tre inclus dans le dbat, et il est tout fait possible, sinon probable, quils
napprcient pas le recadrage impos par le dontologue, lors mme que cest lanalyste que
le rappel sera envoy. En pareille situation, Nicolas juge bon de prparer le terrain (il faut
dminer le truc , au risque de se faire tuer ), ce qui laisse penser quil use de moyens
complmentaires pour sassurer du succs de son rappel. En lespce, il ne sagit pas
simplement de prvenir les protagonistes, mais bien plutt de travailler sur le mode de
diffusion du rappel :

Cest super important de faire acte de pdagogie, sinon les types hurlent et se rtractent. Ils te
voient comme une cible dgommer. En fait, la moiti du boulot est fait quand tu leur as parl .

Agir sur les pratiques contextualises en modelant, en nonant et en expliquant les cadres
dans lesquels ces pratiques peuvent spanouir reviendrait alors user de divers registres,
assurant des conditions de flicit maximales au discours profr. Ce sont ces diffrents

cependant pas limit lobtention de cette carte, qui constitue essentiellement une validation formelle par
lautorit de tutelle.
111
points quil convient dsormais de problmatiser, aprs en avoir auparavant effectu la
synthse.


2.4.3.3. Quatre entre-deux dfinissant laction de la fonction dontologie : une synthse
Quatre figures complmentaires viennent dtre proposes, qui trouvent leur possibilit dans
les entre-deux mnags par les quatre thmes no-institutionnels fondant notre lecture. Ces
nouvelles figures, qui seront envisages sous un angle plus spcifiquement processuel, vont
nous permettre dinstaller plus avant notre problmatique dans le champ des tudes sociales
de la finance. Reconnaissons-le tout de suite, lexpos que nous faisons de ces quatre
processus essentiels paratra peut-tre forc, voire trop structur ou mme fig face la
diversit des situations, des contextes et des piphnomnes qui ne manquent pas de
caractriser la pratique dontologique. La prsentation que nous proposons se veut pourtant
diffrente dune simple mise en forme rhtorique : nous aurons donc cur de montrer,
lorsque nous formulerons notre problmatique (cf. notre 3.), comment ces quatre processus se
rpondent, sarticulent et sancrent de manire originale et originelle dans les quatre figures
souches prcdemment voques.

Chacune des quatre figures institutionnelles ne vaut dune certaine manire que dans la
rsonance quelle offre aux trois autres. De mme que la question de lisomorphisme ne peut
se rgler sans une constante attention aux ncessaires renvois entre coercition, mimtisme et
normativit (Mizruchi & Fein, 1999 ; cf. 2.4.1.2.), la mise en forme des quatre modalits
processuelles dontologiques ne doit pas laisser entendre la possible autonomisation dune
figure qui accderait une prpondrance indue. Le tableau figurant ci-dessous synthtise et
caractrise ces quatre figures complmentaires, et rappelle chaque fois larticulation qui se
joue avec les quatre figures primitives. Ici aussi, cest larticulation des quatre modalits
explicatives proposes qui va donner son sens au processus dontologique.



Processus Ancrage entre Hypothse sous-jacente
Performativit Isomorphisme et mythologie La dontologie dployant un discours performatif
112
Smiotique Mythologie et encastrement La dontologie initiatrice et porteuse de sens
Reprsentation Encastrement et culture La dontologie comme lieu de rputation
Traduction Culture et isomorphisme La dontologie comme fonction de traduction


Avant dentrer dans le dtail de la littrature correspondant ces quatre nouvelles figures, il
nous faut expliciter rapidement quelles ralits se trouvent ainsi mises en perspective : si nous
avons pu faire merger ces thmes partir dexemples issus de la pratique dontologique,
partir de quels ensembles de textes allons-nous travailler ces notions ?


(a) Performativit de la fonction dontologie

La fonction nonce des rgles, quelle rend tangibles travers le dploiement de procdures,
en assurant des formations, et en agissant de telle sorte que ces textes rgulateurs parviennent
sappliquer, soient pleinement intgrs par les acteurs multiples intervenant au sein de
lorganisation. Nous postulons que la fonction dontologie, pour effectuer les missions qui lui
incombent, doit tre tenue pour performative, et ce deux titres : (i) tout dabord en ce quelle
travaille sur le discours en tant que fonction langagire de lorganisation, et se trouve investie
dune autorit, dune aura qui lui permet, selon les contextes, de raliser ou faire raliser ce
quelle nonce ; (ii) ensuite parce que son dploiement rcent, et lampleur que ce
dploiement rencontre aujourdhui, rpond pleinement aux travaux de Callon (1998) et
MacKenzie (2003, 2004c, 2006a & b) notamment
83
. La figure 3 ci-aprs inclut cette
dimension performative, entre mythologie (la formulation dun discours fondateur et
transcendant, qui en lespce performe la fonction) et isomorphisme (le dploiement de ce
discours influe, dans le moment de sa profration, le cours de lacte quil dsigne).






83. Le dveloppement de la structure dontologique rpond en de nombreux points aux dmonstrations
effectues par MacKenzie au sujet des marchs de drivs, cf. infra notre 3.1.2.
Dontologie et mythologie
La f igure de la transcendance
Performativit
Dif f usion du discours
113
Dontologie
et isomorphisme
La f igure du mme
Fonction
Dontologie















Fig. 3. La fonction dontologie comme fonction performative



(b) Smiotique de la fonction dontologie

La finance se donne comme un langage spcifique (De Goede, 2005a), disposant de sa
discursivit propre, il est donc tout fait possible den effectuer une lecture smiotique, ainsi
que le propose Schinckus (2004). Si lon applique une telle lecture la fonction dontologie,
cest parce quelle travaille la question du sens de deux faons au moins : dune part (i) parce
quelle est charge de donner une signification pratique aux textes juridiques, une
signification organisationnelle traduisant les modalits dexercice et de respect des lois ;
dautre part (ii) parce quelle oriente laction de lentreprise et des marchs, elle est amene
indiquer la marche suivre, le droul de lacte dontologiquement valide, cest--dire
conforme aux attentes des rgulateurs.





114
Dontologie et mythologie
La f igure de la transcendance
Smiotique
Rseaux de signif ications
Performativit
Dif f usion du discours















Fig. 4. La fonction dontologie comme fonction smiotique

Une telle orientation ne peut se faire sans le recours un dispositif crateur de sens, lui-mme
ancr dans de multiples rseaux de significations : rseaux qui sont tout la fois encastrs
dans lorganisation et qui ont recours une dimension transcendante visant prcisment
signifier. La dimension pdagogique de lactivit dontologique rpond pleinement la
question du sens, si lon accepte que le travail hermneutique auquel se livre le dontologue
au cours des formations et conseils quil dispense na dautre finalit que de faire signe en
donnant une direction la lecture des textes
84
, cette signification pouvant diffrer selon
quelle se trouve propose telle ou telle catgorie sociale au sein de lorganisation.

(c) Traductions opres par la fonction dontologie

La fonction dontologie, nous avons eu loccasion de le prciser brivement, nous semble
intrinsquement dfinie par son caractre mdiateur et rayonnant tous les niveaux essentiels

84. Le critique John E. J ackson rappelle ainsi dans un entretien rcent que dans le mot enseigner, il y a,
lorigine, le latin signum. Enseigner, cest faire signe. Ce signe, cest celui quon sefforce de faire, lintention
de ceux qui lon enseigne, vers ce quon essaie de leur faire aimer, et devant quoi il convient de seffacer
[] . Cf. Entretien avec J ohn E. J ackson, in Dardonville (s. d.).

115
de lorganisation, mais galement des marchs : elle agit comme un poste de rgulation
avanc facilitant le travail des rgulateurs, sinon le permettant purement et simplement lre
des marchs globaliss : dune certaine manire, les rgulateurs ont transfr une partie de la
charge de rgulation aux organisations. Fonction discursive, qui se dploie dans les interstices
mnags par larticulation des langages et des dispositifs, la profession dontologique se
trouve marque du signe de lchange, de la rencontre des contraires et ne peut exister dune
certaine manire quen cet entre-deux qui la porte et lincarne, entre le mme et lautre. La
fonction dontologie opre sans cesse des traductions entre univers disjoints en transposant
dans le champ de la pratique les modalits rgulatrices labores par les rgulateurs (cf. notre
Fig. 1. au 2.4.1.1.).

















Dontologie et mythologie
La f igure de la transcendance
Dontologie
et encastrement
La f igure du pli
Dontologie
et isomorphisme
La f igure du mme
Dontologie
et culture
La f igure de l'autre
Fonction
Dontologie
Smiotique
Rseaux de signif ications
Performativit
Dif f usion du discours
Traduction
Rencontre des
langages

Fig. 5. La fonction dontologie comme fonction de traduction

Dans son dploiement propre, la fonction dontologie opre sur les pratiques en performant la
norme, par lintermdiaire dun langage normatif : elle contribue ainsi lmergence dune
verbalisation des pratiques en leur accolant un mode dexpression dtermin par la grammaire
que constituent les corpus normatifs auxquels elle se rattache. Dune certaine manire, elle
traduit le rel de laction dans un faire moralis car dontologiquement correct, en le fixant
116
dans des procdures, puis restitue le rel prlev son contexte en vrifiant lapplication de
ces procdures.


(d) La fonction dontologie comme lieu de reprsentation

La fonction dontologie est un site de reprsentations pour trois raisons. Elle nonce en
premier lieu (i) une reprsentation de ce que lacte doit tre, lorsquelle le qualifie et le met en
forme au sein de ses procdures. Elle matrialise de la sorte (ii) le dcalage qui peut exister
entre lnonc dune forme (lacte permis parce que conforme lide que le dontologue se

















Fig. 6. La fonction dontologie comme fonction reprsentative
Dontologie et mythologie
La f igure de la transcendance
Dontologie
et encastrement
La f igure du pli
Dontologie
et isomorphisme
La f igure du mme
Dontologie
et culture
La f igure de l'autre
Fonction
Dontologie
Smiotique
Rseaux de signif ications
Performativit
Dif f usion du discours
Traduction
Rencontre des
langages
Rprsentation
Rencontre des
reprsentations

fait du texte juridique, celui-ci ayant t interprt) et sa matrialisation travers un contenu
dont on verra quil est signifiant. Elle travaille enfin (iii) sur ce que lon appelle aujourdhui le
risque de rputation, savoir le risque dimage vhicul indirectement par lacte non-conforme,
a-normal, lacte qui sort des frontires dfinies par la norme dontologique. Lacte
117
dontologique prend place au sein de rseaux de reprsentations spcifiques une culture
donne.

Ces quatre figures complmentaires permettent ainsi de faire un tour institutionnel des
problmatiques dontologiques associes la prestation de services dinvestissement. Prises
ensembles, ces dimensions explicatives nen restent pas moins tributaires de la position tenue
par la fonction dontologie, entre lgalit et lgitimit. Quatre modalits pratiques se trouvent
ainsi caractrises, toutes propres lactivit dontologique. Ces modalits, nous allons
bientt les expliciter davantage, et les fonder textuellement. Mais auparavant, nous voudrions
souligner un point important : ces quatre dimensions ne valent que dans leur rapport la
nature mme de la fonction dontologie. En effet, elles ne peuvent tre correctement saisies
que dans leur relation la mission fondamentale du dontologue rsidant, nous nous en
souvenons, dans lassurance du

respect des rgles de bonne conduite applicables lexercice des services dinvestissement et des
autres services [affrents]
85
.

Ce nest donc que dans lchange incessant entre cette mission clairement dfinie et les
modalits mises en perspective, traduisant notre inaugural Et maintenant, quest-cque
jfais ? que se dploie la fonction : cest parce que les textes rglementaires restent presque
toujours inapplicables dans limmdiatet des situations rencontres, mais pleinement
adaptables aux contextes spcifis, que la fonction dontologie intervient en usant des
modalits ici identifies, ce que la figure ci-aprs reprsente sa faon.

La cohrence de la fonction se joue dans le mouvement qui fait se rpondre les lments qui
tout la fois la fondent (culture, encastrement, mythologie et isomorphisme) et la dcrivent
(performativit, smiotique, traduction et reprsentation). Dvidence, la fonction constitue un






85. AMF (2005d), art. 321-26.
Dontologie et mythologie
La f igure de la transcendance
Smiotique
Rseaux de signif ications
Performativit
Dif f usion du discours
118
Dontologie
et encastrement
La f igure du pli
Dontologie
et isomorphisme
La f igure du mme
Fonction
Dontologie













Fig. 7. Synthse des lments unificateurs de la dontologie

puissant vecteur dinstitutionnalisation en ce quelle a pour objectif le corsetage des
comportements, la conceptualisation et la dclinaison au cur mme de lentit concerne,
dune organisation qui soit mme de relever le dfi de la normativit applique. Cette
cohrence, elle se trouve exprime par la possibilit, pour loprateur de march (lanalyste, le
sales trader, loprateur de back office*ou le ngociateur), de poser la question de ce quil lui
faut faire pour ne pas sortir des limites dfinies par des textes parfois flous, tout le moins
non ncessairement adapts aux contextes et situations de march. Les textes normatifs
demandent tre utiliss dans des argumentaires rpondant aux questions poses par les
oprateurs, ils demandent tre incarns dans des dispositifs techniques portant la trace de
leur interprtation par la fonction dontologie. Il nous reste dsormais dvelopper ces
thmes et formuler, en rponse la question pose par loprateur de march, la question de
recherche.







119











III. INSTITUTIONNALISER LA DONTOLOGIE FINANCIERE :
UNE PROPOSITION DE LECTURE



























Nous avons propos quatre thmes partir desquels nous allons pouvoir effectuer une lecture
de la fonction dontologie. Ces quatre thmes, sils peuvent tre perus dans la plupart des
situations faisant intervenir les dontologues, nen demeurent pas moins fortement lis : la
prsente partie a pour objet de dvelopper et problmatiser ces thmes qui nont jusqualors
120
t quesquisss, de les fonder textuellement, et de les articuler dans une chane descriptive
dont nous testerons la pertinence lors de notre tude de cas.


3.1. DONTOLOGIE ET PERFORMATIVIT : LA QUESTION DU LANGAGE ET DE SES EFFETS
86

On a vu que les tudes sociales de la finance proposent une approche rsolument
interdisciplinaire des phnomnes quelles analysent. Elles se donnent en dfinitive pour
objectif de prendre au srieux lide selon laquelle

les proprits des agents conomiques sont autant de produits de constructions sociales
diverses, scientifiques, scolaires, politiques au vaste sens du terme, tout autant que techniques
(SSFA, 2000 : 4).

Au cur de cette approche interstitielle se dployant entre conomie et sociologie,
anthropologie et gestion, disposant de son langage et de ses traditions, a merg depuis
plusieurs annes un dbat consacr lapproche oxonienne des actes de langage. La thse
suscite en effet de nombreuses vocations, ainsi que le souligne De Goede :

la performativit merge comme un thme central des tudes sociales de la finance mme si la
signification prcise et limportance de la performativit sont discutes (2005b : 24).

Un des premiers recueils de textes sur le sujet a t dit par Michel Callon en 1998, ouvrage
dont la parution a suscit beaucoup dattentions, et a fait natre un dbat. Les approches
dveloppes, quelles se situent dans la trace ouverte par Callon (Holm, 2003 ; MacKenzie &
Millo 2003 ; MacKenzie, 2006a & b), quelles prennent ouvertement position contre lui
(Miller, 2002 et 2005 ; Nik-Khah, 2006), ou quelles la nuancent (Huault & Rainelli, 2006 et
2007) interrogent toutes, des degrs divers, la thse de la performativit applique
l conomie et aux sciences conomiques . La dmarche que nous dveloppons dans le

86. Ce dveloppement a dj fait lobjet dune prsentation partielle dans un article : Lenglet (2006). Outre ce
rcent usage de la notion par les tudes sociales de la finance, la question de la performativit a notamment t
travaille, en dehors de la philosophie du langage, par les cultural studies et les gender studies (Butler, 1990 &
1997 ; Markussen, 2005), mais galement en Gographie culturelle (Nash, 2000 ; Turnbull, 2002 ; Thrift 2005 ;
Holt, 2008).
121
prsent travail adhre sur le fond la position dfendue par Callon, savoir que les sciences
conomiques

entendues au sens large, performent, modlent et formatent lconomie relle, plus quelles ne
lobservent dans son fonctionnement (1998 : 2).

Si nous sommes daccord avec Didier (2007) pour souligner certains risques de
msinterprtations vhiculs par la notion de performativit, principalement lis lhistoire
du concept lui-mme, nous sommes en revanche convaincus de la ncessit de conserver le
terme pour dcrire ce qui se joue entre thorie (le discours dploy par les sciences
conomiques, la finance thorique) et pratique (lconomie des marchs financiers construite
par les agents). Il faut notre sens, au-del des critiques souvent lgitimes qui lui ont t
opposes, rendre Austin ce qui lui revient, dans le contexte qui fut le sien, et illustrer le
redploiement possible de la performativit selon ses propres canons dans le champ des
tudes sociales de la finance.


3.1.1. De la performativit des sciences conomiques au sens large
Depuis la publication de louvrage de Callon consacr aux lois des marchs, plusieurs
hypothses ont t avances quant la performativit du discours conomique. Applique aux
objets propres la sphre financire, la notion reste cependant le plus souvent disjointe de la
problmatique linguistique formant son socle conceptuel. Callon postule avec justesse que la
dimension charnelle et matrielle des marchs se trouve souvent dlaisse par les
conomistes : ceux-ci sont en effet peu enclins tudier dans leur concrtude propre les
mcanismes que leur science leur permet de modliser
87
. Contre ce dlaissement des
dispositifs structurant en sous-main lobjet tudi, Callon propose de rendre une paisseur aux
marchs, dont les constituants ne sauraient tre limits aux figures paradigmatiques que sont
le consommateur et le producteur, linvestisseur et lmetteur. La chane de mdiations reliant
ces deux ples ordinairement privilgis doit galement tre prise en compte, dans une
interrogation portant sur laction dploye au cur des marchs, et sur les dispoitifs mis en
uvre. Celle-ci doit elle-mme tre envisage sous diffrents aspects non ncessairement

87. Nous avons dj eu loccasion dvoquer ce point dans ce travail, cf. not. 2.4.1.1.
122
conomiques : de mme que le sens de la phrase se dploie pour ainsi dire entre les mots qui
la constituent, la signification propre aux marchs ne se laisse apprhender quen ses entre-
deux, en ses mdiations constitutives et enchevtres, en ses agencements socio-techniques
(Callon & Muniesa, 2005).

La thse de la performativit peut alors intervenir en ces diverses mdiations. Elle se fait
programme phnomnologique pour au moins trois raisons : tout dabord en ce quelle refuse
lextriorisation de la ralit perue par rapport la ralit dcrite, ensuite parce quelle
accorde le primat la matrialit des objets quelle se donne pour tche dtudier, enfin en ce
quelle fait de la perplexit et de lignorance une vertu morale et politique (Callon, 2005 :
18). Le sol antprdicatif sur lequel elle senracine se veut, autant que faire se peut,
dbarrass de certitudes reprsentatives :

Confront au virtualisme [la thse dfendue par Miller] et sa moralit fonde sur la vrit
scientifique, le programme performatif semble trangement faible. Il montre la complexit des
dispositifs de march, accentue les diffrences entre les marchs, dcrit des relations dagence et
leurs asymtries en dtail, et tudie la technicit de configurations algorithmiques (Callon, 2005 :
18).

Ainsi formul, le programme propos par Callon sattache mettre en lumire les modalits
selon lesquelles le discours sur lconomie contribue construire la ralit quil dcrit dans un
double mouvement de diffusion et dacceptation, dajustement et de rappropriation
88
.



3.1.2. Lautonomisation du concept
Si Callon est sans doute lun des principaux instigateurs du renouveau de la thorie
austinienne au sein des sciences conomiques, MacKenzie est probablement lauteur qui, ces

88. Le programme propos prend acte du fait qu au regard de ses deux spcificits des sciences humaines que
sont la variabilit des lois dans le temps et linfluence des thories sur les pratiques, la finance thorique
entretient un rapport fondamentalement ambigu avec la ralit (Rainelli-Le Montagner, 2003 : 128). Un point
de vue similaire est expos par MacKenzie (2005c : 175) : Quelle est la relation entre cette thorie [la finance
orthodoxe de Black, Scholes, Merton, Cox, Ross, Rubinstein, Harrison, Kreps, et dautres] et les modles qui
laccompagnent la ralit ? .
123
dernires annes, a le plus systmatiquement exploit en sociologie de la finance la notion
ainsi exhume, en lui donnant tout la fois un contenu conceptuel prcis et lillustrant par des
exemples dtaills. Plusieurs textes sont ainsi venus sajouter au dbat, dployant leur
manire une laboration thorique cohrente et fconde, signant une certaine autonomisation
de la performativit par rapport ses deux versions orthodoxes (celle de Callon pour le champ
socio-conomique, celle dAustin pour le champ linguistique). MacKenzie propose au fil de
ses textes une hermneutique de la performativit de plus en plus fine, qui distingue deux
grandes catgories de performatifs : une catgorie gnrique commune (1) et une
catgorie effective (2) plus rare, celle-ci tant elle-mme scinde en une performativit de
type barnsienne (positive, 2.1) et en une performativit inverse ou contre-performativit
(ngative, 2.2)
89
. Ainsi se trouve mise en place une architecture interprtative mme
dexpliquer la diffusion de pratiques spcifiques sur les marchs, contribuant modeler
lenvironnement matriel dans lequel elles prennent place dans le moment mme de leur
effectuation
90
.

Cette double partition du champ performatif sopre, dans le texte de MacKenzie, loccasion
dune mise en perspective du rle jou par la diffusion sur les marchs de la formule de
Black-Scholes
91
permettant de pricer les options* (MacKenzie & Millo, 2003). Lexemple
des marchs doptions se donne en effet comme un paradigme de linfluence performative de
la dissmination de la thorie (la formule mathmatique) sur la pratique (les modalits
dvaluation des options) et ses dispositifs (les feuilles de calcul)
92
. Apportant le crdit de la
scientificit, les sciences conomiques ont agi dans ce cas prcis comme caution morale pour
un produit apparaissant comme illgitime sinon illgal :


89. Le qualificatif est employ en rfrence Barnes (1983 & 1988). MacKenzie (2006b) propose une
perspective globale de la problmatique.
90. Le passage du sens (1) au sens (2) seffectue dans le basculement de la mise en pratique dune thorie en tant
que telle, la matrialit des dispositifs induits par lusage de la pratique.
91. Voir Black & Scholes (1973) et, pour une interprtation sociologico-historique, MacKenzie (2003c).
92. Sur ces points, voir MacKenzie (2006a).

124
les sciences conomiques ont de fait facilit lmergence de marchs de drivs en les
dsencastrant (disembedding) du cadre minemment moral dans lequel ils taient rputs
dangereusement proches des paris (wagers) (MacKenzie & Millo, 2003 : 138-139).

Larsenal thorique, valid a posteriori par lexprience a permis, dans son dploiement
propre, de restaurer une rputation mise mal mais ncessaire au dveloppement des marchs
de drivs (Preda, 2007a : 36). La performativit du modle sest ici exprime par
lintermdiaire du dispositif matriel encadrant la pratique ; lusage de la thorie agit sur la
reprsentation collective, accordant au produit la lgitimit qui lui faisait jusque-l dfaut et
contribuant au mcanisme d arrimage ou de captation des acteurs (Martin, 2004).
Elargissant le concept dvelopp par Austin, et lappliquant la suite de Callon dautres
domaines que ceux purement linguistiques, MacKenzie tudie galement la performativit des
activits de gestion de portefeuille (MacKenzie, 2004a), des pratiques arbitragistes
(MacKenzie, 2004b), ou encore du chartisme (MacKenzie, 2005b ; Preda, 2007b ; Godechot,
2008). Ces multiples exemples permettent tout la fois de mettre en lumire le basculement
de la thorie dans la pratique partir dagencements socio-techniques, et dautonomiser la
performativit par rapport son site conceptuel dorigine
93
. Une relle volont de dgager la
notion du champ purement linguistique se trouve ainsi affirme, que lon retrouve dans le titre
dune communication propose par Callon en 2004 : Comment se dbarrasser dAustin sans
le perdre ?
94
. Cest cette interrogation quil nous faut dsormais questionner.







3.1.3. Pour une relecture austinienne de la performativit applique la finance

93. Sur la notion dagencement socio-technique, on pourra se reporter Callon (2005 : 4) ainsi qu Callon &
Caliskan (2005).
94. Communication propose lors de latelier The Performativities of Economics, Paris, 29-30 aot 2004.
125
Sans remettre en cause les avances permises par les travaux de Callon et MacKenzie, qui
nous paraissent tout fait lgitimes et fcondes, nous voudrions montrer que lorigine
linguistique de la performativit permet elle aussi dapprocher des objets financiers de faon
pertinente. Suivant en ceci De Goede, nous pensons que le champ financier mrite dtre
compris

comme un domaine discursif rendu possible par des pratiques performatives, qui doivent tre
articules et rarticules quotidiennement (2005c : 7).

Une pratique textuelle de la finance se trouve ainsi propose : aprs tout, ne peut-on
reconnatre que la monnaie, le crdit et le capital sont, au sens propre, des systmes
dcriture (Ibid. : 5) ? Lide de discours peut se voir affecter de multiples significations qui
justement permettent de mettre en forme la pratique
95
: ce faisant, nous ne pouvons souscrire
la position dfendue par Aspers selon laquelle le discours ninforme pas la pratique
(2005 : 38). Il faut au contraire, avant de se dbarrasser compltement des problmes
linguistiques, raffirmer que le discours structure la pratique : il en est comme le rvlateur, et
en exhibe la face non apparente. Ce point se rvlera de faon particulirement positive dans
le cas dune dontologie financire devant tre mme deffectuer le passage des textes aux
contextes, des discours aux dispositifs et, in fine, des paroles aux actes. Partant de l, il
subsiste un usage tout fait pertinent de la thorie austinienne lorsque celle-ci se trouve
applique certains composants des marchs : cest lattache linguistique du concept qui
permet de bien le distinguer des prophties auto-ralisatrices (Merton, 1949 ; Krishna, 1971 ;
et pour une discussion, Ferraro & alii, 2005).

Si la thse de la performativit permet probablement daller au-del de la thse prophtique,
qui reste toujours du ct de la reprsentation (et souffre donc de lcart entre celle-ci et cela
mme qui est reprsent, suscitant dventuels dsaccords quant au statut de la ralit), il nen
reste pas moins quelle puise sa force dans son origine linguistique : elle dsigne bien une
action qui se ralise dans le moment de sa profration, au sein mme dune verbalisation qui
gale un agir, sans pour autant prjuger de la ralit de cet agir. Cest dans le moment de
lnonciation que se rvle ltat de fait rtrospectivement pens comme ralis ,

95. Il nest que de penser au travail sur la notion de calcul, men par Callon & Muniesa (2005), ou au texte de
Suddaby & Greenwood (2005) sur la rhtorique comme outil de lgitimation au sein des organisations.
126
indpendamment de toute autre considration
96
. Si lacte de langage ne cre rien proprement
parler, il reste une modalit dvoilante qui met au jour un tat de fait antprdicatif :
conformment lide de fond animant le texte dAustin, le langage ne peut aucunement se
borner une modalit descriptive (constative), rgentant le rapport entre tat de choses et
signification
97
. Ces diverses raisons plaident pour une prise en compte srieuse de la
dimension langagire de lnonciation.



3.1.4. Rinvestir Austin : le rapport au contexte dnonciation, le rapport la norme
Mais alors, que faire des critiques formules notamment par Bourdieu (1982 et 1991) ?
Largument consistant opposer la thse performative son incapacit prendre en compte
des contextes dnonciation nest-elle pas un peu force ? Cet argument postule en effet
quAustin, en ne poussant pas jusqu son terme la question du contexte en tant que telle, rate
la dimension sociologique (et pour cause) de son invention. Autant le dire, cette critique nous
semble partiellement fonde : Austin a bien envisag, en plusieurs endroits, ces modalits
dictiques, sources dun ventuel chec (infelicity, misfire) de lacte perform. Lauteur
souligne lui-mme que cest pour des raisons conventionnelles et donc sociales (non respect
des procdures et autres formalits nonciatives) que les actes de langage sont le plus
souvent amens chouer. Plusieurs pages viennent examiner ces checs de la
performativit : lacte vide (void) est lacte qui ne respecte pas les procdures
conventionnelles (sociales) qui lgitiment et donc rendent possible la performativit du
langage en tant que telle
98
. Cest notamment le cas des deux hypothses A.1. et A.2. avances
par Austin dans la seconde confrence constituant son texte :

96. Lorsque nous apposons notre signature sur un document officiel, la prcdant dun lu et approuv , nous
dsignons par l lexistence dun acte illocutoire de lecture, ainsi que le note Berrendonner (1981 : 105). Il suffit
dans ce cas prcis de signifier la lecture du document pour que cette lecture soit tenue pour effective. Voir
galement Fraenkel (1992).
97. Austin attaque ainsi le fondement reprsentatif soutenant la philosophie du langage de Frege.
98. A titre dexemple : baptiser un pingouin (incohrence entre la nature de lacte et son rcipiendaire), baptiser
un navire sans tre autoris (cest--dire sans tre dpositaire de la reconnaissance sociale de la force juridique
affrente ncessaire), etc.
127

Il doit exister une procdure reconnue par convention, dote par convention dun certain effet, et
comprenant lnonc de certains mots par certaines personnes dans certaines circonstances (A.1.,
1962 : 26)

Il faut que les personnes et circonstances particulires soient dans chaque cas celles qui
conviennent pour quon puisse invoquer la procdure en question (A.2., 1962 : 34).


En somme, lacte illocutoire est toujours conventionnel (Ducrot 1972 : 429), il ne se ralise
que par lexistence dun arrangement tacite ou explicite. Si la dimension contextuelle nest
pas explicitement dsigne comme sociale, et prte le flanc la critique bourdieusienne, il
nen reste pas moins quelle soutient la dmonstration dAustin : on ne peut donc voquer
lampleur de lerreur dAustin et de toute analyse strictement formaliste des systmes
symboliques (Bourdieu, 1982 : 113) sans reconnatre lintention premire de lauteur, savoir
mener un exercice de philosophie du langage, et non une rflexion sociologique. Aprs tout,
lobjet avou des confrences rsidait dans la mise jour du rapport entre actes et langages et
non directement dans lvocation de la lgitimit dun discours donn
99
.

Un second aspect de la performativit a par ailleurs t peu soulign par les exgtes : son
rapport la normativit. Sandra Laugier (2004a) le montre bien, qui rappelle le lien dorigine
rapprochant les deux notions. Linvention des actes de langages advient en effet sur fond de
rflexion juridique, notamment dans un rapport aux textes de Hart sur le concept de loi
100
.

99. Que les sociologues crivant sa suite (notamment Habermas) naient pas tenu compte de cet effort, ne peut
tre srieusement imput Austin. Quelques annes aprs la formulation de sa critique, Bourdieu est dailleurs
revenu sur ce point au court dun entretien : A ce propos, je veux en profiter pour corriger limpression que jai
pu donner de men prendre luvre dAustin dans mes travaux sur le langage. En fait, si on lisait vraiment
Austin, qui est sans doute un des philosophes que jadmire le plus, on sapercevrait que lessentiel de ce que jai
essay de rintroduire dans le dbat sur le performatif sy trouvait dj dit, ou suggr. J e visais en fait les
lectures formalistes qui ont rduit les indications socio-logiques dAustin (il est all, mon sens aussi loin quil
pouvait aller) des analyses de pure logique ; qui, comme souvent dans la tradition linguistique, nont eu de
cesse quelles naient vid le dbat linguistique de tout lexterne, comme Saussure lavait fait, mais lui, tout fait
consciemment . Cf. Bourdieu (1986 : 40). Sur la rappropriation bourdieusienne de la phnomnologie
husserlienne, voir Myles (2004).
100. Hart (1961) est ainsi mentionn par Austin en note (1962 : 7).
128
Lnonc descriptif ne peut tre proprement normatif, et la constatation ne vaut pas de prime
abord engagement ; linverse, le performatif pose, dans son processus mme, quelque chose
comme une norme transcendant lacte. Cest dans celle-ci que se rvle la puissance de la
parole performative, en ce quelle en constitue le passage lacte, sa ralisation dans son
dvoilement. Il y a donc dans le performatif une dimension fondatrice : le verbe pose lacte en
mme temps quil fonde le sujet, un point justement soulign par Benveniste (1958, 1966
2
:
266). Cette dimension fait sourdre nombre questions lies la subjectivit, quil ne sagit pas
de dtailler ici ; tout au plus nous devons-nous de mentionner deux points : en rfrer cette
dimension institutrice du sujet, qui se joue de toute vidence dans le langage, cest en appeler
au champ smantique de la responsabilit, au-del de toute normativit.

Ces deux lments nous ouvrent des perspectives lies la question dontologique, qui
senracine elle-mme au mitan de ces deux notions. Cest en ceci quAustin permet notre
sens une apprhension particulirement pertinente de la fonction dontologie, sans pour autant
ncessiter la mise en place dune nouvelle dfinition de la performativit par trop dtache de
son socle linguistique primitif. Lorsquil biffe la dimension constative du langage au profit
dune dimension prescriptive, Austin ne propose rien moins que de faire merger une thorie
de la signification transcendant la parole dapparence ordinaire
101
. Cette dimension morale,
que lon retrouve dans le champ smantique de la subjectivit, est minemment positive, et
signe la puissance daffirmation du performatif. Nous avons l, ramass en peu de termes,
lobjet mme du travail dontologique : lacte est-il conforme ou non aux engagements qui
ont t pris, aux rgles et normes institues ? Correspond-il en tous points lesprit de ce
corps normatif ? La notion de performativit permet ici de donner une dimension
linguistique lobligation et den dterminer des degrs, modalits et justifications
(Laugier, 2004a: 607). Lorsquil sapprte formuler une rponse la question Et
maintenant, quest-cque jfais ? , le dontologue produit un discours dont il espre quil
pourra performer une forme de ralit normative (con)textualise.



3.1.5. De la performativit de la fonction dontologie

101. Pour Austin, comprendre que le performatif nest pas descriptif, cest finalement une question de morale
(Laugier, 2004a : 620).
129
Forts de ces remarques, venons-en donc la fonction dontologie telle quelle se trouve
dploye chez les prestataires de services dinvestissement. Le dontologue, en charge de la
rgulation comportementale des collaborateurs de lentreprise, acquiert sa lgitimit en
institutionnalisant des pratiques conformes aux multiples rglements rgentant lespace
financier. Les mtiers bancaires et dintermdiation financire se caractrisent par leur rapport
la notion de confiance : la parole donne y engage celui qui lnonce (et son crdit) au
moment o il la profre, le passage des paroles aux actes constituant ainsi un objet dattention
constant pour les dontologues. Nous sommes ici dans le registre de la promesse, de
lengagement, de lobligation (dagir), et tous les termes sont polysmiques. Sagissant de
pratique, lon se place demble sur le terrain dontologique, et non sur celui de lthique, que
nous rservons volontiers au domaine de lidal (cf. 2.3.4.). Lthique, dune manire ou
dune autre, survit mieux lpreuve des faits
102
; la dontologie, elle, est marque par
laction, elle ne survit pas si les faits sont contraires ceux noncs. La dontologie constitue
donc une rfrence oprationnelle et opratoire pour structurer laction, la lgitimer par
rapport lidal thique que lorganisation sest choisie. Ses liens constitutifs la rgle lui
confrent par nature une capacit modeler lenvironnement dans lequel elle sintgre
(Edelman & Suchman, 1997).

Quelles que soient leurs activits, les dontologues se font porteurs de lidentit de
lorganisation. Lactivit de type rglementaire, dans ldiction de codes de dontologie et la
mise en place de procdures ayant pour objectif dassurer le respect des textes lgislatifs et
rglementaires en vigueur en porte la trace, tout autant que linterprtation des textes quils
proposent, puisquil leur faut en permanence rapporter ces textes normatifs des contextes
culturels et techniques spcifiques, non ncessairement pris en compte par la loi, afin de les
rendre opratoires. La part pdagogique constitue un troisime aspect du mtier vecteur de
performativit, puisquil revient au dontologue dexpliquer aux collaborateurs la nature des
rgles dictes, ainsi que leur bien-fond. Quant lactivit de contrle, elle leur permet de
sassurer que les procdures sont suivies des effets attendus, en dautres termes que les rgles
sont correctement appliques, et que la chane darrangements, de calculs successifs allant du

102. Et ce pour deux raisons au moins : une raison conceptuelle, puisquelle relve dune dcision individuelle
(Ricur, 1990), cf. supra 2.3.4. ; une raison factuelle, puisque le terme est aujourdhui largement galvaud,
consquence de msusages langagiers.
130
problme pos par la question de loprateur, la mise en uvre dune solution formule par
le dontologue, a bien permis une performation de la norme.

Nous aurons voir comment ces diffrents moments contribuent influencer les pratiques par
lintermdiaire du discours dontologique qui, dans les rponses quil permet de formuler,
reste caractriser : ce quil sagira de montrer, cest quavec la fonction dontologie, nous
avons bien affaire une fonction proprement discursive dploye au sein de lentreprise. Les
actions promues ont systmatiquement trait la performativit qui leur est sous-jacente, de
lentre en vigueur de la loi au contrle de son effectivit, en passant par son hermneutique.
Cette discursivit affirme il faut pouvoir lire laction dontologique dploye, afin de la
faire accepter par tous laisse une place pour la performativit austinienne, en ce quelle a
pour tche ultime de souligner le passage des paroles aux actes. Comment sopre alors ce
passage, et quels sont les lments mobiliss par le dontologue pour institutionnaliser les
pratiques ? Partant de la notion de performativit, dont nous pensons quelle caractrise bien
la nature du langage dploy par la fonction dontologie, il faudra ensuite sinterroger sur la
nature des rsultats obtenus, cest--dire faire basculer notre attention du statut de lnonc
(une parole performante / performative) celui de lnonciation : quels sont les lments que
la parole dontologique est amene manier ?










3.2. DONTOLOGIE ET SMIOTIQUE : LA QUESTION DU SENS
Une fois mise en lumire la question dune performativit recentre sur le discours dploy
par le dontologue face loprateur de march, cest la question de la signification de la
parole qui doit tre tudie, du point de vue de la construction du sens. Outre limportante
approche performative, les exemples nous ont permis de prendre conscience du rle signifiant
131
qui se trouve assign la parole dontologique. Cette seconde voie langagire a rcemment
t ouverte par des recherches smiotiques appliques aux marchs financiers. Ce qui se
trouve ici mis en jeu, cest le sens de la rponse faite loprateur de march.

Les recherches smiotiques sont anciennes en sciences humaines : dans un article de 1963,
Benvniste soulignait dj limportance, pour dautres champs non ncessairement
linguistiques, de louverture smiotique propose par Saussure [1916] au dbut du sicle :

Mais ce que nous voulons marquer ici est la porte de ce principe du signe instaur comme unit
de la langue. Il en rsulte que la langue devient un systme smiotique : la tche du linguiste, dit
Saussure, est de dfinir ce qui fait de la langue un systme spcial dans lensemble des faits
smiologiques Pour nous le problme linguistique est avant tout smiologique. Or nous voyons
maintenant ce principe se propager hors des disciplines linguistiques et pntrer dans les sciences
de lhomme, qui prennent conscience de leur propre smiotique. Loin que la langue sabolisse
dans la socit, cest la socit qui commence se reconnatre comme langue. Des analystes de
la socit se demandent si certaines structures sociales ou, sur un autre plan, ces discours
complexes que sont les mythes ne seraient pas considrer comme des signifiants dont on aurait
rechercher les signifis. Ces investigations novatrices donnent penser que le caractre foncier de
la langue, dtre compose de signes, pourrait tre commun lensemble des phnomnes sociaux
qui constituent la culture (Benvniste, 1963, 2004
3
: 43-44).

Plus rcemment, et dans le cadre dune rflexion portant explicitement sur les organisations,
la question du sens dans les organisations a t expose par Weick (1993) et (1995a) puis
reprise par Baez & Abolafia (2002). Sans nous interdire un recours ces textes de la veine
psychologique lorsque cela savrera ncessaire, nous dvelopperons une approche plus
spcifiquement linguistique : nous chercherons construire une smiotique de la fonction
dontologie validant les propos de Benvniste.



3.2.1. Une ouverture : des mtaphores smiotiques du march
Aujourdhui encore, les travaux acadmiques portant sur les signes et autres lments
signifiants au sein des marchs financiers sont rares.


132
3.2.1.1. Le couple signifiant / signifi
Parmi les productions disponibles, Schinckus (2004 : 3) propose une premire approche
smiotique des marchs en rponse la thse noclassique, dont il estime quelle ignore la
complexit inhrente son objet :

la thorie financire tend ramener les comportements financiers un ocan de figures et de
formules ,

une tendance qui oblitre les potentialits sociologiques de ces comportements. Cest ce que
rappellent leur manire Frankfurter & alii (1997 : 135), lorsquils estiment que

la finance sest tellement dtache de sa signification culturelle (cultural meaning), quelle a peu
dire sur la socit .

Soulignant les limites mthodologiques de la rification modlisatrice
103
, Schinckus fait donc
appel un argumentaire smiotique mme de caractriser les interactions entre deux types
de structures : les structures sociales dune part, les structures financires dautre part.

Les vnements financiers se trouvent intimement lis aux contextes sociaux qui les rendent
possibles, ils ne peuvent accder la signification sans une interprtation consciente de ses
ancrages contextuels
104
. Cherchant une voie daccs mme de relier les deux ples ainsi mis
en exergue, lauteur propose une mtaphore smiotique du march, dans laquelle le couple
saussurien signifiant / signifi joue plein. Dans cette perspective, et en rfrence
Granovetter (1988), la pratique de la finance se trouve dcrite comme lieu dinteraction
constant entre individus :

Le march financier est une arne sociale dans laquelle se recontrent les investisseurs changeant
des actifs. Derrire chaque cotation rside un grand nombre de transactions relies par les ordres
dachat et de vente. Chacune de ces transactions constitue la rencontre russie dhistoires,

103. Schinckus (2004 : 3) : la discipline financire ne peut viter le problme essentiel des sciences humaines,
savoir le mlange constant (constant intermingling) de linterprtation des faits et du langage thortique .
104. Ibid. : 3 : Refltant la complexit sociale, les vnements financiers ne font pas sens en eux-mmes, ils
ont besoin dtre interprts la lumire dun point de vue spcifique les reliant au monde social les entourant .
133
dindividualits, de rumeurs, dhabitudes, Le cadre noclassique ignore linteraction entre les
individus et nest pas du tout intress par la nature de la relation existant entre les individus au
travers du march (Schinckus, 2004 : 6).

Cette interaction interindividuelle est source de reprsentation, cest partir de celle-ci que se
construit lide dun prix de march rel pour tel ou tel instrument financier (Muniesa,
2000a & b, 2007b). Se pose alors la question des valeurs changes, mettant en question la
valorisation des actifs. Celle-ci est loin dtre dirige par des motifs fondamentaux ainsi
que lon pourrait le croire, tant et si bien que la notion de valeur intrinsque chre la finance
contemporaine se touve srieusement mise en question : essentiellement reprsentative, la
valeur reconnue un actif financier traduit ce que lon pourrait appeler une Weltansschauung
spcifique configurant lespace marchand selon des modalits clairement dfinies (tel secteur
constitue un moteur pour lconomie mondiale, tel autre est dsormais sinistr, etc.) :

Le concept de valeur intrinsque caractrise une vision particulire du monde conomique
(comme quilibre possible). Plus quune rfrence, la valeur fondamentale apparat comme
signifi. La rfrence nest pas vritablement la ralit, elle est limage de la ralit dont nous
disposons. Elle est un signifi dtermin par une intention oriente (Ibid. : 12).

Schinckus ouvre de la sorte une piste de lecture proprement smiotique de la finance, fonde
sur une mtaphore signifiante du march. La valeur de lactif financier se distingue
traditionnellement en valeur fondamentale et en valeur dchange : dans la mtaphore
propose par lauteur, la valeur fondamentale fait office de signifi de lactif reprsent, la
cotation exprimant sa valeur dchange sous les traits du signifiant, une structure abstraite qui
renvoie en dfinitive au signifi. Ainsi se trouve accol au modle bipartite classique une
structure explicative ayant recours au couple smiotique de base :

La vision fondamentaliste suppose que le signifiant de lactif renvoie son signifi et
quensemble ils reprsentent limage parfaite dun fragment de la ralit objective (Ibid. : 12).

Linterprtation classique de la structure des actifs financiers (valeur intrinsque / valeur
dchange) peut alors tre questionne : ramasses autour du signe que constitue lactif en tant
que tel, les deux types de valorisation retrouvent une unit linguistiquement fonde.
Schinckus, sans vritablement sortir des dbats relatifs la valorisation des actifs, aboutit la
conclusion que du point de vue de linterprtation smiotique, la valeur intrinsque ou
134
fondamentale de lactif (le signifi) nexiste pas : cette valeur suppose nest pas plus au-
dehors de lactif que sa valeur dchange ou dusage, car le signifi se trouve rduit son
signifiant .

Partant dune analyse des marchs financiers comme lieux dinteractions et de
communications, Schinckus introduit donc la question smiotique travers une mtaphore
articulant cours et valeur, effectuant par l-mme une lecture smiotique de lchange
organis sous forme de cotation. Celle-ci, traditionnellement considre comme objective
par les investisseurs, puisque rsultant dun calcul mettant en relation offre et demande au
sein dun systme informatique de place
105
, restent plus que jamais des constructions sociales,
en ce quelles rsultent des perceptions des acteurs : la passation dun ordre donn (le signe)
intervient lorsque linvestisseur estime avoir trouv lquilibre entre le cours quil contribue
former (le signifi) et la valeur fondamentale de linstrument financier cot (le signifiant)
106

dont il pourvoit ou dleste son portefeuille. Lactivit boursire, linteraction financire entre
intervenants constitue ici le signe tudi, un lment structurant la ralit quil dcrit
conformment ce quen dit Klinkenberg (1996 : 42) :

Le signe institue une certaine corrlation entre une portion matrielle de lunivers et une portion
conceptuelle de lunivers conceptuel, et, ce faisant, il structure cet univers
107
.

Les cotations structurent, en tant que signes de lchange, les marchs financiers ; ceux-ci
sont autant dunivers symboliques dans lesquels se trouvent manipuls des chiffres, des

105. Nous renvoyons sur ce point la thse de Muniesa (2003).
106. Schinckus le souligne lui-mme (2004 : 11) : Mme si les cotations semblent objectives aux yeux des
investisseurs, elles restent des constructions sociales, rsultant dun consensus de perspectives de la part des
acteurs .
107. Roland Barthes rappelle ce sujet dans un texte de 1964 que ce qui compte, cest de pouvoir soumettre
une masse norme de faits en apparence anarchiques un principe de classement, et cest la signification qui
fournit ce principe : ct des diverses dterminations (conomiques, historiques, psychologiques), il faut
dsormais prvoir une nouvelle qualit du fait : le sens (1964, 2002 : 589). Plus loin, il ajoute : La
signification devient le mode de penser du monde moderne, un peu comme le fait a constitu prcdemment
lunit de rflexion de la science positive (Ibid. : 591).
135
reprsentations qui y jouent des rles considrables, et en dfinitive appellent une lecture axe
sur le signe.


3.2.1.2. Des oprations smiotiques informelles
Cest dune certaine manire ce que rappelle Godechot dans un de ses articles, lorsquil
souligne que la description des formes de raisonnement luvre dans les marchs nest pas
aise :

On ne peut lheure actuelle travailler que sur les signes du raisonnement, en particulier sur les
dclarations dutilisation des raisonnements par les acteurs. Celles-ci sont formates pour le
discours parl ou crit et mobilisent des dsignations dj constitues par le travail de classement
et de codification en vigueur dans le monde social ( commencer par les catgories du langage)
(Godechot, 2000 : 18, n. 2).

Godechot montre ainsi que les modalits dexercice du raisonnement conomique au sein
des salles de march constituent de prime abord et le plus souvent un exercice de smiologie
non formalis, le rsultat dune interprtation systmatise, ayant tendance plaquer une
signification gnrale sur un contexte de march ponctuellement spcifique, sans chercher la
dvelopper en profondeur. De fait, il sagit de pouvoir ragir le plus rapidement possible, afin
darbitrer dventuels dcalages : il est alors crucial que les signes de lactivit conomique
croissance, atonie, reprise, etc. puissent tre interprts le plus facilement, le plus
rapidement possible. De la sorte,

lanalyse conomique des oprateurs ordinaires y est plus un exercice de smiologie quasi
inconscient, de recherche de la connotation des termes de lconomie et de la politique
conomique, quun exercice dtablissement rigoureux des enchanements macroconomiques
(Godechot, 2001 : 217).

Lexemple du morning meeting est ce titre tout fait intressant, qui produit une sorte de
bagage cognitif pemettant au trader pour compte propre dassurer son quotidien partir dune
connaissance syncrtique, celle-ci donnant assez de sens un faisceau dlments htrognes
pour en tirer des principes daction. Le feeling, le fait de sentir le march, est ce qui
permet au trader de prvoir le jeu des autres parties prenantes, et au sales trader de
communiquer ses clients son sentiment sur ltat du march : lanalogie utilise par
136
Godechot est tout fait intressante, car elle montre quel point une partie de la connaissance
vhicule par les marchs relve de la perception au sens le plus littral du terme ;
lattribution du sens un fait peru, leffort de signification implicite joue un rle dterminant
dans ces champs marqus par lexpression verbale autant que corporelle (la gesticulation de
lintervenant dans la salle de march y accompagnant le plus souvent linvective). Que lon
pense aux marchs la crie tudis par Hertz (1998), Hassoun (2000 & 2005), Levin (2001)
ou Zaloom (2006), et lon verra combien ces dimensions demeurent essentielles au
fonctionnement des marchs.


3.2.1.3. Une smiotique orthodoxe ?
Avec ces deux auteurs, nous disposons de deux approches originales de la question
smiotique dans le champ des tudes sociales de la finance. Pour autant, nous avons le
sentiment quun dveloppement plus orthodoxe est rendu possible par la fonction dontologie.
De fait, Schinckus emploie la rfrence smiotique comme mtaphore et applique en
dfinitive un lment de base de la smiotique (la distinction saussurienne entre signifiant et
signifi) la valeur confre par les intervenants des marchs cela mme qui constitue
lenjeu de lchange (lactif considr). De son ct, Godechot ne se donne pas pour objectif
de dployer une thorie smiotique spcifique, et la rfrence lui sert expliciter son propos
ce en quoi elle convient parfaitement.

Avec la fonction dontologie, dont nous postulons quelle est une fonction jouant avec les
diffrents langages de lorganisation, portant sur les mdiations existant entre des champs et
des dispositifs socio-techniques diffrencis, il nous semble que lintrt vritable de la
question smiotique va au-del de la simple mtaphore (Schinckus), et quelle est plus quune
opration quasi-inconsciente (Godechot). Plusieurs raisons justifient ce propos : en premier
lieu, il faut rappeler (i) que le dontologue travaille non seulement sur des textes chiffrs
comme peuvent le constituer le carnet dordres affich sur les crans des traders, plein de
sens pour qui sait le lire, avec ses cours dachat et de vente, sa profondeur du march, etc,
mais plus essentiellement sur des textes au sens littral du terme. Outre cet aspect
purement matriel li un support de lactivit dontologique, on se souviendra que le
dontologue a pour tche (ii) de donner des orientations quant linterprtation des textes : il
est celui qui effectue lhermneutique des textes dans lesquels soriginent les pratiques ; il fait
137
office, pour reprendre une expression souvent employe par les anglo-saxons, de boussole
pour lthique (ethical compass, cf. Schmidt-Bies, 2003)
108
. Enfin, le dontologue ne se
cantonne pas linterprtation des textes, il structure (iii) laction des collaborateurs en leur
prodiguant des conseils, en accompagnant leur travail, cest--dire en partageant avec eux la
responsabilit des actions engages, lorsque les textes font justement dfaut. Comme toute
instance normative, le dontologue se fait garant dune certaine homognit des actions
entreprises, une forme de cohrence dans le cours des actes engags : cette cohrence est
porteuse de sens et cest justement la constitution de ce sens qui fait question. Cest elle qui
lexpose en permanence aux yeux des autres.



3.2.2. Une smiotique de la dontologie
Ces diffrents lments plaident pour une apprhension plus construite de la dimension
smiotique de la fonction dontologie, ses modalits de dploiement tant elles-mmes
productrices de sens : la fonction donne tout la fois du sens (i) en ce quelle contribue
linterprtation standard des textes normatifs rgissant lactivit de lorganisation, offrant de
la sorte une focale spcifique se rfrant la normativit attendue de laction ; elle oriente
alors (ii) lorganisation dans les diffrentes tapes (amont et aval) constitutives dun acte
commercial, celui propre lexercice des services financiers. Traverse de part en part par la
question du sens, la fonction dontologie agit en tant que productrice de signes : elle dploie
des messages selon diverses modalits, en suivant diffrents canaux communicatifs, parmi
lesquels les procdures, les contrles, les discours. Chacun de ces canaux sera examin avec
soin ultrieurement, tentons pour le moment de fonder textuellement cette dimension
signifiante de la fonction.

108. Un des gouverneurs de la Rserve Fdrale Amricaine exposait ainsi en juin 2003 les enjeux lis au
renforcement de la fonction dontologie : Quels sont les dfis que doivent relever les dontologues dans lre
Sarbanes Oxley ? Premirement, les dontologues doivent aider les Responsables des risques renouveler leur
approche des risques, les contrles internes et faire office de boussole pour lthique (ethical compass) pour
lorganisation . Et, revenant sur les scandales comptables des annes 2000 : Pourquoi [] avons-nous vu tant
de gros titres soulignant des problmes de corporate gouvernance et de comptabilit ? Parce que ces entreprises
ont perdu (lost track) les fondements de base dune gouvernance efficace des contrles internes et une forte
orientation de son thique (strong ethical compass) (cest nous qui soulignons). Voir Schmidt-Bies (2003).
138

Suddaby & Greenwood (2005), dans leur description du rle de la rhtorique dans la
lgitimation des changements institutionnels, font rfrence la smiotique, la suite de
Barley (1983). Ils notent quau mme titre que les analyses hermneutiques, discursives et
narratives, les analyses smiotiques ont t introduites comme mthode pour comprendre les
phnomnes organisationnels (2005 : 39). La smiotique constitue en lespce une voie
daccs privilgie, en ce quelle permet de mettre en perspective la production du sens au
sein mme de lorganisation. Lorsque les procdures sont dployes, cest tout un rseau de
significations qui se diffuse tous les chelons de lorganisation : en ce qui concerne la
dontologie, les conventions en place articulent lexpression des ncessits rglementaires et
les inscrivent dans lorganisation en leur donnant justement un sens. Ce rapport entre
ncessit rglementaire et signification organisationnelle, mdiatis par la fonction
dontologie, peut tre rapproch de ce que Eco dit de la fonction smiotique (1975 : 12) :

Le rapport, tabli par une convention quelle quelle soit, entre un lment de la forme de
lexpression et un lment de la forme du contenu est appel fonction smiotique.
Lunivers smiotique nest pas compos de signes mais de fonctions smiotiques .

La fonction dontologie ne constitue pas en tant que telle un signe, mais plutt en tant que
source de significations : productrice de sens, elle participe pleinement de cette fonction
smiotique de la dontologie envisage cette fois comme le corpus de normes applicable
une activit. Nous verrons que dans son exercice quotidien, le dontologue sinterroge sur les
signes induits par certains des actes de lorganisation quil a pour charge de surveiller. Il
produit son tour des signes dans diffrentes directions : communications aux rgulateurs,
lettres envoyes aux dirigeants des filiales qui relvent de son entit, actions de conseil ou de
sanction, autant de signes gnrs et vhiculs par la fonction. De la sorte, la fonction
dontologie se fait pleinement fonction smiotique, si lon sen rfre Eco (1973 : 33) :

le signe nest pas seulement un lment qui entre dans un processus de communication [], il
est aussi une entit qui participe un processus de signification .

La fonction, dans son dploiement, rpond au schma classique de communication propos
par Klinkenberg (voir infra). De la sorte, les signes produits puis vhiculs par le dontologue
participent pleinement linstitutionnalisation des codes partags par la fonction et
139
lorganisation qui laccueille. Il faut en effet quil existe des codes communs pour que soient
entendues les demandes des dontologues : intrts, vocabulaires, connaissances de
lorganisation (contacts, modalits de fonctionnement, problmes relationnels dordre
politique, etc.) sont autant de codes ncessaires lpanouissement de la parole
dontologique. Eco (1973 : 33) le rappelle bien, lorsquil note que

les codes sont la condition ncessaire et suffisante du signe : un symptme pathologique est un
signe dans la mesure o il existe un code (qui est la smiologie mdicale), et ceci indpendamment
de lintention du patient .



(Canal)
Message Emetteur Destinataire
Contexte (ou rfrent)
Code









Un metteur envoie un destinataire, le long dun canal, un message propos de quelque chose,
message confectionn laide dun code donn (Klinkenberg, 1996 : 43).




Soit, du point de vue de la fonction dontologie :

(Procdure, Rapport, Discours,...)
Message Dontologue
Dirigeants,
Collaborateurs,
Rgulateurs
Contexte rglementaire (interne, externe)
Code









Fig. 8. Le schma de la communication dontologique

Il est donc impratif que les codes employs par la fonction dontologie rpondent des
ralits partages par lorganisation, ou quils trouvent les modalits de traduction adquates
partir desquelles un langage et une rception homogne de celui-ci pourront se dvelopper.
Cette codification se trouve redouble par la mise en place littrale de codes et procdures par
140
les dontologues, dtaillant en modes opratoires les attendus lis aux modalits de passation
des ordres, lentre en relation avec de nouveaux clients, ou bien la gestion des conflits
dintrts inhrents aux activits. Ces codes (textes), corsetant les actes des collaborateurs,
sont diffuss au moyen dun code (langage) recevable par tous les membres de lorganisation,
sous peine de voir leffort dontologique sinon entch de nullit du moins rendu plus
difficile :

Le caractre ventuellement imprcis, faible, incomplet, provisoire et contradictoire des codes
ninvalide pas la dfinition du signe : tout au plus en rend-il la signification ambigu, et malaise
sa communication. Communication malaise, non parce que les signes ne seraient pas reconnus
comme tels, mais bien parce que les signes tant reconnus, les codes entrant en jeu ce moment
prsentent les faiblesses numres plus haut (Eco, 1973 : 34).

Cette remarque vaut pour les deux types de codes (textuels et langagiers) ainsi identifis : ils
relvent dun ensemble de conventions qui rendent possibles des rponses limpratif
rglementaire global sur lequel repose lassemblage dontologique.

Au-del du couple saussurien signifiant / signifi exploit par Schinckus, il faut donc faire
appel une triade ajoutant ces deux premiers lments saussuriens la question du rfrent et
son pendant communicationnel, le code : le rfrent se trouve indiqu par le code commun
sans lequel aucun sens nest possible, car la mise en expression des significations ne peut en
aucune manire intervenir correctement
109
. Ce point se trouve particulirement vrifi
lorsquon se souvient que la fonction tient une place nodale dans lorganisation, et quelle doit
sans cesse jouer des rfrents et des registres en fonction des populations qui elle sadresse.
Cette dimension rfrentielle est tout fait importante en lespce : le rfrent marque
lexistence dune communaut autour de la codification reconnue, cest--dire accepte parce
que pouvant tre interprte
110
. Si le code manifeste un


109. La question de la traduction opre en permanence par la fonction dontologie et que nous voquons au 3.3.
du prsent travail, trouve dans cette remarque lune de ses sources.
110. Klinkenberg (1996 : 98) rappelle combien les relations entre les trois termes de la triade smiotique sont
difficiles caractriser, et donne des indications venant utilement complter lhistoire des conceptions attaches
chacun des ples du triangle, esquisse par Eco (1973 : 38 sq.).
141
ensemble de rgles permettant de produire ou de dchiffrer des signes ou des ensembles de
signes (Klinkenberg, 1996 : 36),

il nen reste pas moins une interface entre ce qui est peru et linterprtation donne cette
perception, dans un entre-deux vritablement signifiant, lieu originel de la signification et
dont le signe constitue la manifestation
111
.



3.2.3. Le dploiement du message dontologique entre code et rfrent
Linstauration dune fonction dontologie ddie signe dune certaine faon la reconnaissance
dune communaut rfrentielle et codificatrice. Lexpression du sens rglementaire via des
textes normatifs se fait dans tous les cas convention, ainsi que le propose Eco (1973 : 33) :

Lorsquon dit quun code institue une rgle, on veut dhabitude dire que cette rgle est tablie
par une convention. Mais conventionnalit nest pas synonyme darbitrarit. On peut trouver
dexcellentes raisons pour associer le rouge et lide de danger, ou quelques lignes jetes sur une
feuille de papier la forme du corps humain. Mais, dans tous les cas, les modalits du rapport de
signification ainsi tabli sont conventionnelles .

Le rapport de signification se joue alors entre le signifiant (la procdure qui traduit le texte de
loi) et le rfrent (le texte de loi dont la procdure dcoule), et parvient lexpression par
lintermdiaire du code retenu. La fonction dontologie se fait ici productrice de sens, le signe
dontologique prenant place entre code et rfrent, au sein mme du message dploy.

Sur ces bases, on peut reprendre le triangle smiotique classique et tenter den produire une
version en contexte dontologique (cf. Fig. 9). Les liens existant entre code, rfrent et
signifiant sont souvent difficiles caractriser : les pointills soulignent quel point la
relation entre signifiant et rfrent peut tre arbitraire, et rappellent que nombreux sont les
auteurs avoir chacun propos une dnomination spcifique pour chacun de ces ples.



111. Le code transforme ainsi la portion dexp la portion de monde en rfrent ,
voir Klinkenberg (1996 : 49).
rience sensible en signe et

Signifi : la norme
ontologiquement valide d
142
Signe
dontologique
Signifiant : la diffusion de la
norme dans une procdure
Rfrent : le texte
rglementaire










Fig. 9. Le triangle smiotique au prisme de la dontologie, en partant de Klinkenberg (1996 : 98)

Quelles que soient les appellations retenues, il ressort de cette tripartition que le signe se
trouve

compris comme quelque chose qui est mis la place de quelque chose dautre, ou pour
quelque chose dautre, au cur de ce triangle smiotique (Eco, 1973 : 40).

En lespce : la procdure est mise en place pour matrialiser la dontologie (qui ne se rvle
qu la marge de laction, en lentourant ou pas de son halo), elle prend place au sein dun
ensemble structur comprenant un rfrent (le texte rglementaire), un code (le langage
commun recevable par les membres de lorganisation). Elle manifeste la diffusion de la
dontologie et contribue de la sorte la production du signe dontologique.

Linterprtation triadique classique, telle que reprsente ci-dessus, induit une identification,
pour le ple signifiant, du phnomne physique qui supporte le signe (cest--dire le stimulus)
et du rfrentiel abstrait effectivement induit, dont [le] phnomne sensible est
lactualisation (Klinkenberg, 1996 : 99). Ce point de vue ne pose pas de problme
spcifique, puisque ce que nous voulons souligner en recourant lexplication smiotique,
cest la structure de signification qui permet la dontologie de se faire signe. La nature du
stimulus est quasi-systmatiquement dordre lgislatif ou rglementaire (parution dun texte
au journal officiel, mise jour opre par un rgulateur, injonction dun rgulateur de se
conformer aux normes applicables, etc.) : de la sorte, stimulus et rfrent se confondent le
143
plus souvent dans un lment transcendant de toute faon lorganisation, savoir la ncessit
rglementaire qui est lorigine du dploiement de la dontologie
112
.



3.2.4. De la langue dontologique la parole du dontologue ?
Une fois ces modalits de diffusion du sens mises en lumires, il convient de se demander si
la distinction saussurienne entre langue et parole peut tre valide lorsquil est fait mention de
la fonction dontologie. Si la langue est un rpertoire de rgles sur lesquelles se fonde le
sujet parlant , la parole est un acte individuel par lequel ce sujet fait usage de la langue et
communique avec ses semblables (Eco, 1973 : 100). On a avec cette distinction la mise
jour dune opposition entre deux systmes diffrents concourrant la formation du message
vhiculer :

Comme la paire code-message, le couple langue-parole dfinit une opposition entre systme
thorique (la langue na pas dexistence physique : cest une abstraction, un modle cr par le
linguiste) et phnomne concret (le message que je formule au moment prsent, celui que vous
laborez pour lui rpondre, et ainsi de suite) (Ibid.).

Dans le cas de la dontologie, la langue utilise se trouve constitue par un vocabulaire
spcifique (mis disposition des collaborateurs au travers de glossaires le cas chant). Au fur
et mesure que se dveloppe la fonction, se dploie une langue dontologique, produite par
lemploi puis linstitutionnalisation de certaines expressions qui sont tout la fois porteuses
de sens dans le contexte ( Initi Permanent *, Muraille de Chine , Personne
Sensible *), et des syntagmes part entire qui, hors contexte, perdent leur signification
spcifique. La mise en forme dune langue, la codification des dsignations partages cle
lexhaussement du commun vers un site linguistique propre, dot dun surcrot de sens. On
peut alors sen rfrer la remarque formule par Saussure ([1916], 1994 : 25) :


112. Pour cette raison, nous ne dveloppons pas le modle ttradique parfois propos, en vigueur dans certaines
coles de smiotique continentales ; voir notamment Klinkenberg (1996 : 93).
144
La langue est la fois un produit social de la facult du langage et un ensemble de conventions
ncessaires, adoptes par le corps social pour permettre lexercice de cette facult chez les
individus .

En ceci, la langue dontologique est bien un produit social : les expressions consacres par le
texte rglementaire vivent avec lemploi qui en est fait, rpondant ou non aux conventions en
vigueur dans des espaces organisationnels donns. La notion de corps social employe par
Saussure est ici tout fait intressante, dans la mesure o les limites de ce corps, lorsquil est
question de dontologie, sont fluctuantes : il peut tout aussi bien sagir des dontologues de la
place, que de la fonction dontologie dploye dans une organisation donne
113
. Au sein de ce
corps, une parole se forme laide de la langue ainsi code, une langue au sein de laquelle il
subsiste aujourdhui de vritables interrogations : sur quelles bases prfrer la notion de
conformit celle de dontologie ? Pourquoi parler de procdures et non de normes ?
Pourquoi encore mentionner un dysfonctionnement plutt quun manquement ? Autant de
questions dont les rponses se construisent dans lacte de diffusion de la dontologie, savoir la
profration de la parole dontologique sous toutes ses formes, travers les canaux de
diffusion prcdemment mentionns, qui sont autant de dispositifs spcifiques gnrant
deux-mmes certains de leurs effets.








3.3. DONTOLOGIE ET TRADUCTION : LA QUESTION DES MDIATIONS
La fonction dontologie est apparue soit comme productrice des effets de son discours en
effectuant le passage des paroles aux actes (performativit, 3.1.), soit comme productrice de

113. On notera cette occasion la proximit de ces indications tires dcrits linguistiques avec la remarque de
Weick (1995a : 106) : Le sens se trouve gnr par des mots qui sont articuls (combined) en phrases au sein
dune conversation, pour transmettre (convey) quelque chose sur notre exprience courante (ongoing
experience) .
145
signes en direction de destinataires identifis et confrant du sens aux actions engages
(smiotique, 3.2.). Comment dcrire ce transfert, cette translation entre deux corps explicatifs
diffrents ? Est-il possible de lire les processus de performativiti et de signification comme
des transferts entre deux ordres distincts desquels rsulte une modification (dans le premier
cas, un transfert du discours la pratique, dans lautre un transfert symbolique). En dautres
termes, la fonction dontologie ne peut-elle tre analyse comme une fonction de mdiation
effectuant en permanence des traductions ? Cest ce que nous voudrions dsormais proposer :
une analyse reconnaissant dans les modes de fonctionnement de la dontologie financire de
multiples processus de traduction, qui permettent dadapter des lectures de textes
rglementaires des pratiques contextualises, dont ladaptation aux structures de normativit
est parfois difficile raliser.

Quelques exemples nous ont dj permis dintroduire cette thmatique, que nous compltons
par les indications suviantes : lorsque le dontologue prend connaissance dun nouveau texte,
la suite par exemple de louverture dun nouveau segment dactivit non couvert
auparavant, il lui faut transfrer dans un texte interne son entit (procdure) les normes
applicables cette activit, figurant dans les textes officiels (rglements de place par
exemple). Il sagit pour lui dinclure ces normes dans lconomie de son organisation,
dexprimer littralement lattente du rgulateur dans un texte qui sera comprhensible par des
spcialistes non ncessairement au fait de la rglementation concerne, mais surtout par des
non-spcialistes que sont les collaborateurs extrieurs la fonction dontologie (le front office
traders, sales, analystes, mais aussi les dpartements informatique, comptable et financier,
des ressources humaines, etc.) : il lui faut ainsi effectuer une premire traduction des
principes dactions attendus en modalits pratiques de ralisation, en dcrivant par exemple
dans la procdure quelles sont les tapes propdeutiques la ralisation de lopration. Au
sein de ce transfert liant deux mondes, celui de la rgulation et celui de lorganisation,
intervient une deuxime tape de traduction : celle qui permet de passer de lnonc de la
procdure interne, de sa formulation structure et de sa diffusion aux collaborateurs concerns
sa mise en pratique : quelles sont alors ce moment les tapes de traduction ncessaires
lintgration dans les routines courantes, des nouvelles rgles en vigueur ? Comment se
construisent les mdiations ncessaires la mise en uvre de ces liaisons entre contextes,
dispositifs, cultures et schmes cognitifs disjoints ?


146

3.3.1. Quel cadre thorique mobiliser ?
La fonction dontologie prend place, nous lavons vu, dans les interstices de lorganisation
(2.4.1.1.) et afin de se dvelopper, il lui faut crer les conditions permettant ces transpositions
de systmes systmes : autant doccasions pour dvelopper des mdiations, des entremises
destines accorder des lments initialement disjoints. Lintrt principal de la notion de
traduction entendue dans son contexte sociologique rside dans le fait quelle a t considre
tout la fois comme un processus discursif, et un processus matriel
114
. Trop souvent, il
semble que les auteurs naient travaill qu partir dune de ces deux perspectives occultant
un des termes : les productions de Phillips, Lawrence & Hardy (2004), ou Munir & Phillips
(2005) soulignent ainsi limportance de la dimension discursive, lorsque la thorie de lacteur-
rseau (Callon, 1986 ; Law, 1992 ou Latour, 2003) sattache de son ct souligner le
mcanisme de traduction au sein dagencements socio-techniques donns.

Nous postulons pour notre part que la fonction dontologie sintgre pleinement dans
lapproche propose dans la communication de Leca & alii (2006), en ce quelle relve des
deux modalits explicatives ainsi distingues : fonction proprement discursive, elle nen reste
pas moins lie un rseau dlments htrognes quil lui faut justement parvenir articuler
de faon positive et signifiante. Avant de nous pencher sur ce cadre intgr propos par les
auteurs, nous voudrions formuler quelques remarques relatives aux deux ples explicatifs
(aspect discursif, aspect matriel), lorsquon effectue une lecture de ces possibilits dans un
contexte dontologique. La traduction y apparat sous trois formes que nous proposons
didentifier comme suit : elle se fait tout dabord (i) processus discursif contribuant instruire
les pratiques, elle effectue pour ce faire (ii) des sries de transcriptions signant autant de
passages, dallers-retours entre un contexte thorique normatif (la rdaction dune procdure
sappuyant par exemple sur des hypothses organisationnelles ou de dveloppement) et un
contexte pratique propre lorganisation. Elle est enfin processus de convergence dfinissant
des points de passage obligs (formations, conseils, contrles) qui sont autant dtapes
pdagogiques par lesquelles la dontologie se trouve peu peu intgre par les collaborateurs.


114. On pourra se reporter, ce sujet, la communication faite par Leca & Alii (2006) lors de lAcademy of
Management, Atlanta, 11-16 aot 2006.
147

3.3.1.1. La traduction comme processus discursif
Lorsquils entendent faire de la traduction un processus discursif mme dexpliquer la faon
dont agissent les organisations, les auteurs partent gnralement du constat dress par Berger
& Luckmann (1966) selon lequel la ralit se trouve le plus souvent dfinie au travers de
processus langagiers sinon linguistiques. Ces processus constituent en effet de puissants
vecteurs dobjectivation et dorganisation du rel peru / donn :

Le langage fournit la superposition fondamentale de la logique sur le monde social objectiv.
Ldifice des lgitimations est bas sur le langage et utilise le langage en tant quinstrumentalit
principale (1966 =tr. fr., 2003
2
: 92).

Sur cette base, Sahlin-Anderrson (1996) et Phillips, Lawrence & Hardy (2004) montrent que
lanalyse des discours constitue un cadre explicatif de linstitutionnalisation des
organisations
115
. La mise en relation des textes, des discours, des institutions et des actions
permet de dpasser les analyses communes, qui oblitrent par trop souvent la dimension
langagire au profit des schmes daction :

Ce nest pas laction en tant que telle qui constitue la base de linstitutionnalisation, mais plutt
les textes qui dcrivent et communiquent ces actions (Phillips, Lawrence & Hardy : 635).

Les auteurs proposent alors le schma ci-dessous, explicitant le va-et-vient prenant place entre
discours et actions, dans la temporalit propre lorganisation (voir infra). Le discours
contribue dans ce cas prcis instruire la pratique, et une constitution mutuelle des actes et de
leur formulation intervient en tant que de besoin. Les textes dont il est question ici renvoient
en fait nimporte quelle criture, nimporte quel systme symbolique pouvant tre stock (p.
636). Le schma est intressant en ce quil illustre trs exactement la faon dont le discours
dontologique vient sinscrire dans la ralit des actes soriginant dans lorganisation : partant
dun lment propre au mtier financier (par exemple le conseil dun placement au client), le
dontologue est mme de produire des textes (quelles doivent tre les procdures respecter
lorsque lon propose un tel produit au client ?), et incite le vendeur (sales*) suivre la norme

115. Voir galement Lawrence & Suddaby (2006).
148
ainsi dicte. Dans le temps, le processus dintgration de la norme dans laction vient
sadjoindre aux autres lments la constituant.










Fig. 10. Relations entre discours et action, tir de Phillips, Lawrence & Hardy (2004)


Au sein de ce processus adviennent diverses mdiations, qui sont autant de traductions
rapportes aux dimensions textuelles des discours organisationnels : ce qui se trouve mobilis
ici, ce ne sont pas seulement les modalits de lnonciation (Boje, Oswick & Ford, 2004), les
registres pouvant tre employs et qui vhiculent une information quant limportance de la
mesure prise, mais galement la dimension proprement mdiatrice dune parole qui traduit,
opre un transfert entre systmes disjoints partir du langage. Cest la formation de ce
langage qui importe, et son emploi dans un discours structur, rvlateur du contexte
particulier dans lequel il se trouve intriqu (Hardy, Palmer & Phillips, 2000).

Non seulement, le discours est essentiellement mdiateur en ce quil permet de saccorder sur
des arrangements, de trouver des points de convergence et de divergence en rapportant les
ides aux contextes qui les voient natre, et en les amenant lintelligibilit par lusage dun
code (langage) dchiffrable par les autres acteurs. Mais de surcrot, cette traduction qui
quivaut lavnement du pensable dans le dicible rvle la slection puis la matrialisation
des ides (Czarniawska & J oerges, 1996) :

La traduction consiste en un processus comportant des tapes qui mnent de labstrait au
concret (Boxenbaum & Gond, 2006 : 26)

149
Le langage prend alors place entre ides et objets, et permet aux uns et aux autres de
communiquer, partir du moment o il assume cette tche mdiatrice de traduction dun
rgne lautre. Plac sous le signe de lchange, le discours se fait traducteur, et rend possible
une communaut dintrts :

Laction collective est gnre par des changes (conversational activity) et un contenu qui
produit du sens partag (Hardy, Lawrence & Phillips, 1998 : 68)

On retrouve en dfinitive avec cette vue la proccupation premire du traducteur tel
quenvisag par Schleiermacher dans son ouvrage sur les diffrentes manires de traduire. On
sait en effet que pour lrudit allemand, lacte de traduction ne peut tre disjoint de lacte de
comprhension : ce que lon traduit, ce nest de fait jamais que du discours, de la pense.
Mieux, lacte mme de traduction est acte cratif, et dans lconomie du systme faisant de la
traduction un paradigme, celui qui opre la traduction contribue la formation de la langue :

Cest la force vivante de lindividu qui produit de nouvelles formes dans la matire ductile de la
langue, initialement avec pour seul propos momentan de communiquer une conscience
passagre ; mais ces formes demeurent dans la langue, un degr plus ou moins grand, et,
recueillies par des tiers, tendent leur effet formateur ([1831] =tr. fr., 1999
2
: 41).

Ce que le linguiste explique de la sorte, on le retrouve pleinement dans la traduction opre
par la fonction dontologie : celle-ci, lorsquelle traduit une ncessit rglementaire dans un
contexte pratique, y ajoute indniablement une dimension nouvelle, et contribue assez souvent
la formation des langages employs
116
. En ceci, la traduction entendue dans sa dimension
discursive opre une fondation en proposant de nouvelles modalits hermneutiques. Elle
devient, conformment ce quen dit Berman (1984), objet de savoir :

La traduction comme nouvel objet de savoir : cela signifie deux choses. Tout dabord, le fait
quen tant quexprience et opration, elle est porteuse dun savoir sui generis sur les langues, les
littratures, les cultures, les mouvements dchanges et de contacts, etc. Ce savoir sui generis, il
sagirait de le manifester, de larticuler, de le confronter aux autres modes de savoir et
dexprience qui concernent ces domaines. Et en ce sens il faut considrer la traduction plutt
comme sujet de savoir, comme origine et source de savoir (1984, 2002
3
: 289-290).

116. Nous verrons dans le cadre de notre tude de cas combien cette part formatrice de la fonction peut
contribuer au dveloppement de lactivit du prestataire de services dinvestissements.
150

On voit sans difficults la richesse que recle un tel propos pour notre analyse : la fonction
dontologie, si elle est bien cette instance traductrice que nous commenons percevoir,
devient elle-mme porteuse dun savoir spcifique, lui-mme origine et source du savoir li
laction. Berman poursuit :

En second lieu, ce savoir devrait, pour devenir un savoir au sens strict, prendre une forme
dfinie, quasi institutionnelle et tablie, propre permettre son dploiement dans un champ de
recherche et denseignabilit (Ibid. : 290).

Ce qui merge ici, a nest pas une nouvelle discipline rgionale, mais bien un type de
rflexion portant sur des dimensions dj dcoupes (Ibid. : 290).

Les oprations de traduction performes par la fonction dontologie sont autant de processus
discursifs qui viennent infuser les pratiques de son savoir thorique rglementaire et normatif.
La formalisation des discours dontologiques passe par une explicitation des textes, et celle-ci
se fait au moyen de procdures qui matrialisent la discursivit propre la dontologie des
pratiques financires. Le processus se fait cadrage dune pratique par un savoir spcifique
mme de se dployer dans un contexte donn.


3.3.1.2. La traduction comme processus de transcription
Pour autant, cette premire dimension traductrice de la fonction dontologie appelle une
seconde lecture de la notion, dveloppe par Callon, Lascoumes & Barthe (2001). On ne se
situe pas explicitement dans le cadre de la thorie de lacteur-rseau : il sagit en revanche de
voir comment opre la recherche scientifique, et de mettre en lumire le rapport
quentretiennent les recherches au champ quelles observent. La notion de traduction doit ici
tre entendue dans son acception littrale, savoir lexpression dune langue une autre, dun
systme socio-technique donn. Dans le cadre de ses activits, qui nest videmment pas celui
du chercheur en sciences, le dontologue est amen oprer ce genre de traductions : il lui
faut en effet lire et comprendre les textes en tenant compte des spcificits organisationnelles
et technologiques propres lentit dont il a la charge. Lensemble constitu par les
151
prestations de services dinvestissement
117
, sil se trouve structur autour de principes
communs, nen reste pas moins une appellation regroupant une multitude dactivits, dont les
rgles, les habitudes et les modes de fonctionnements sont extrmement divers : les
proccupations des grants dactifs ne sont videmment pas les mmes que celles dun
conseiller commercial ou dun ngociateur. Le dontologue peut tre amen grer plusieurs
de ces activits, mme sil a le plus souvent la charge principale dun seul type dactivits
118
.

La traduction voque par Callon, Lascoumes & Barthe (2001) se ralise par lintermdiaire
dune rduction (1), au cours de laquelle le monde observ se trouve transport vers le
laboratoire, puis dune constitution (2) quivalant un changement dchelle permettant le
travail du chercheur, et aboutit enfin (3) un retour vers le monde, transposant en sens inverse
les rsultats obtenus. Le prlvement dune part du monde extrieur en direction du
laboratoire, puis la restitution de ce prlvement par lintermdiaire de la transposition des
rsultats obtenus constitue le cadre gnrique de cette traduction :

La recherche confine opre une premire traduction qui rduit le macrocosme et le transporte
dans le microcosme du laboratoire. Au lieu dtre aux prises avec des phnomnes foisonnants,
complexes et htrognes, les chercheurs travaillent sur des objets plus simples quils peuvent
manipuler loisir, entours de leurs instruments et de leurs bibliothques. [Cette seconde
traduction] conduit un changement dchelle qui est galement une inversion du rapport des
forces en prsence. Le monde devient manipulable, et il lest dautant plus aisment qua t
constitu un collectif de recherche puissant, intgr et quip. Les comptences distribues dans le
collectif travaillent fabriquer des inscriptions et les dchiffrer pour faire parler les entits qui
les signent. A force dobjections ainsi articules, les entits finissent par acqurir une existence
objective. Mais cette existence, pour relle quelle soit, nen est pas moins locale, hyperlocale,
puisque les faits sont assigns rsidence dans le collectif et ses laboratoires (2001 : 89).

Une troisime traduction vient effectuer le chemin inverse, signant le retour vers le grand
monde des rsultats obtenus dans lenceinte confine du laboratoire. La traduction dont il
est question ici nen reste pas moins une reconfiguration, elle apparat comme un glissement
progressif, une sorte de fondu enchan (2001 : 104). Dune certaine manire, on peut dire

117. Un ensemble cr par la Directive Europenne sur les Services dInvestissement (DSI) de 1993. Voir par
exemple Pzard (2000).
118. Pour le dtail de ces services, voir AMF (2006b : 57), art. 311-1. Nous reviendrons sur lexercice de ces
services dans ltude de cas.
152
que la notion est employe, dans ce cas prcis, comme mtaphore opratoire dcrivant le
mouvement daller et retour entre le champ dobservation en tant que tel, et lchantillon
prlev aux fins dtudes dans le cadre du laboratoire
119
. Le schma ci-dessous montre
comment sarticulent les trois tapes de traductions en un tout ordonn :


macrocosme 1
macrocosme 2
traduction 1
Traduction
traduction 3
traduction 2










La Traduction est compose de trois traductions lmentaires
qui font passer le monde dun tat un autre


Fig. 11. Le processus de Traduction, daprs Callon, Lascoumes & Barthe (2001 :103)

On trouve dans cette proposition lide selon laquelle lexplication du monde ne peut se faire
que par transposition ; le mcanisme de transfert permettant de dfinir lobjet dtude, cest--
dire le circonscrire, pour le rendre accessible en lui fixant des entours clairs. Applique la
fonction dontologie, cette triple traduction sexprime de la faon suivante. Le premier stade
est celui de linsuffisance ou de linexistence des procdures ncessaires. Cet tat de fait peut
se trouver rvl par une simple enqute dune autorit de rgulation, dans le cadre dun audit
interne, ou bien sur auto-saisine du dontologue. Prenant acte de ces manques, le dontologue
va proposer un texte, ventuellement une organisation prenant en compte les spcificits de
son entit en rduisant des lments simples les oprations complexes qui constituent le
cur de son activit (traduction 1). Dans le cas o des textes existent au sein de son
organisation, qui lui semblent pouvoir tre transposs, le dontologue va alors tenter
dadapter la rgle en effectuant les observations ncessaires une intgration correcte des

119. On notera cette occasion que le vocabulaire employ par Callon, Lascoumes & Barthe (2001) fait penser,
par certains usages, au vocabulaire employ dans les dmarches phnomnologiques proposes par Husserl, dans
lesquelles il est bien question de rduction et de constitution.

153
textes dans le contexte dobservation (traduction 2). Le retour dans le contexte dorigine
seffectue lors de la validation, puis de la dclinaison et de la diffusion du texte cr
(traduction 3). Ce qui peut tre figur ainsi :


traduction 1
Traduction
traduction 3
Adaptation des procdures communes
en f onction du contexte
Dploiement de procdures spcif iques
Non-existence ou insuf f isance des
procdures eu gard aux textes applicables
Exercice d'une activit mise en
conf ormit avec les textes applicables
traduction 2








Fig. 12. Le processus de Traduction opr par la fonction dontologie

La Traduction a consist, en lespce, observer une dficience dans le monde pour reprendre
les termes de Callon, Lascoumes & Barthe (2001), transposer, cest--dire traduire ces
dficiences dans le laboratoire dontologique (le bureau du dontologue, les outils dont il
dispose et quil utilise, ventuellement les salles de runions dans lesquelles les procdures
sont discutes), puis effectuer un retour vers le grand monde en y applicant les rsultats de
la recherche, savoir la rsolution de la dficience constate par la proposition dun nouveau
cadre rglementaire interne dexercice des activits dinvestissement.

Ainsi, les oprations de traduction effectues par la fonction dontologie ne se bornent pas
lexpression dune discursivit dcontextualise : les pratiques tant toujours situes, il est le
plus souvent ncessaire au dontologue denvisager le lieu dexercice de son mtier (la salle
de march par exemple) comme un univers propre en qute de cadres explicatifs ( Et
maintenant, quest-cque jfais ? ). Lexemple de llaboration de procdures destines
encadrer de nouvelles activits sinscrit dans cette approche : le dontologue doit dabord
parvenir rduire le contexte commun, le synthtiser dans une description manipulable
partir de laquelle un dialogue va pouvoir sengager : avec les oprateurs concerns, avec
dautres dontologues, avec la direction de lentreprise. Ce nest quaprs avoir fait voluer
les vues communes sur le rel prlev, estim limportance des diffrentes situations gnres
par la nouvelle activit, que le dontologue est mme de rdiger une procdure qui pourra
ensuite tre rinstalle dans le contexte. En tant que telle, elle intervient comme dispositif
154
destin structurer les pratiques et produit des effets qui lui sont propres (Preda, 2002 : 235).
De mme, nous avons vu prcdemment (2.4.2.) que lorsquil dlivre un conseil un
oprateur, le dontologue doit pouvoir sabstraire du contexte et prendre du recul : il opre
une traduction de la situation qui lui est propose, la rduit ses lments de base pour
ensuite formuler un conseil acceptable par loprateur lorigine de la demande, compte tenu
du contexte de march.


3.3.1.3. La traduction comme processus de convergence
Cest ici que nous devons faire appel une troisime explication de la traduction, place sous
le signe de la thorie de lacteur-rseau. La notion de traduction, telle que dcrite
principalement par Callon et Latour, fait rfrence aux processus par lesquels les actants dun
rseau parviennent mobiliser et ordonner de faon non fige diffrents lments
htrognes. Law explique ainsi :

[Le mcanisme de traduction] constitue le noyau de lapproche de lacteur-rseau : une attention
porte sur la faon dont les acteurs et les organisations mobilisent, juxtaposent et font tenir
ensemble les parties dont ils sont composs ; la faon dont ces lments parviennent parfois les
empcher de suivre leurs inclinations naturelles et dcrire comment ils parviennent, en
consquence masquer pour un certain temps le processus de traduction lui-mme, et faire
changer un ensemble de morceaux htrognes disposant dinclinations propres, en un rseau,
quelque chose qui se donne pour un acteur ponctuel (1992 : 6).

Quatre tapes forment ainsi le corps de la traduction envisage par Callon (1986), un
processus prenant place dans un contexte agrgeant diffrents actants, et ce quelle que soit
leur nature (sujet conscient ou non). Lexemple retenu par Callon est saisissant : il illustre la
faon dont la survie de la coquille Saint-J acques, en voie de disparition dans la baie de Saint-
Brieuc, se trouve assure par la rencontre partielle des objectifs poursuivis par les diffrents
actants : chaque partie prenante poursuit en effet un but qui la diffrencie globalement des
autres intervenants, que ces objectifs soient scientifiques, conomiques, politiques ou de
survie. La rencontre sopre via une tape de problmatisation, amenant la dfinition de
points de passage obligs (PPO) : cest ce moment que se dessinent des compromis, bref
que les actants se mettent daccord sur les principes mettre en uvre pour assurer le succs
155
du projet envisag. Une fois les PPO dfinis, les parties doivent pouvoir se lier, il sagit l de
ltape dintressement, au cours de laquelle

une entit (ici les trois chercheurs) tente dimposer et de stabiliser lidentit des autres acteurs
dfinis au cours de la problmatisation (Callon, 1986 : 8)

Troisime tape, lenrlement, qui permet aux traducteurs de dvelopper un discours assurant
le succs de lintressement en distribuant des rles et confirmant les alliances pressenties lors
de la problmatisation. Enfin, une tape de mobilisation vient clore le processus de
traduction : il sagit ici de savoir qui reprsente qui, quels sont les personnes autorises
rendre les conclusions, prendre les dcisions induites par les travaux du rseau et leur
diffusion dautres acteurs. Une relation symbolique a pu tre dploye, qui relie des
lments htrognes et a priori incommensurables : la convergence dune portion dintrts
sest trouve reprsente au travers dun langage intelligible pour tous les actants.

Dans son texte, Callon montre bien que les diffrents actants parviennent trouver des
arrangements, cest--dire faire accepter aux autres participants au processus leurs
spcificits propres, leurs individualits, leurs possibilits dinteraction, et ngocient en
quelque sorte des marges de manuvre acceptables (1986 : 6). De la sorte, la traduction
intervient comme un

mcanisme par lequel les mondes sociaux et naturels prennent progressivement forme. Il en
rsulte une situation dans laquelle certaines entits en contrlent dautres. [] Le rpertoire de la
traduction nest pas seulement dessin pour donner une description symtrique et tolrante dun
processus complexe qui constamment se mlange avec une varit dentits sociales et naturelles.
Il permet aussi dexpliquer comment un petit nombre obtient le droit de sexprimer et de
reprsenter la masse silencieuse dacteurs des mondes social et naturels quils ont mobilis
(1986 : 19).

La traduction intervient bien en tant que processus dont les diffrentes tapes, distingues
pour la commodit de lexposition, sont le plus souvent difficiles distinguer en tant que
telles
120
. Dans le cas de la dontologie financire, il est souvent ncessaire, pour faire prendre

120. Pour un expos critique dtaill des lments noncs par Callon (1986), on pourra se reporter Amblard &
alii (1996).
156
conscience aux actants (collaborateurs, direction gnrale, outils utiliss) de limportance des
enjeux lis la question des pratiques ou au dploiement de plans renforcs de contrle de la
conformit, de ces points de passage obligs, nous y reviendrons.



3.3.2. Les oprations de traduction effectues par la dontologie
Les remarques que nous venons de formuler plaident pour une prise en compte, dans un cadre
intgr, des lments constitutifs des oprations de traduction. Ce cadre que nous adoptons,
nous le drivons de celui propos par la communication de Leca & alii (2006). Etudiant les
raisons conduisant la russite ou lchec des stratgies dentrepreneurs institutionnels
visant traduire une institution (la responsabilit sociale des entreprises, RSE), les auteurs
proposent un cadre en deux parties, intgrant six tapes ne senchanant pas ncessairement de
faon continue :

Plus quun processus strictement linaire, [lopration de traduction ainsi dcrite] est un
processus oprant par glissements (sliding process) (Leca & alii, 2006 : 8).

Ce cadre entend faire la synthse entre lapproche propose par la thorie de lacteur-rseau et
des lectures plus proprement textuelles de la notion de traduction. Le point de dpart du
mouvement traducteur rside dans la dcouverte dun modle initial que lon extrait de son
contexte pour produire une ide translocale (Czarniawska & J oerges, 1996 : 16),
interprte et matrialise. Il sagit ici de dcontextualiser (i) linstitution, en oprant un
transfert formel du concept hors de son lieu dorigine
121
. Cette premire tape constitue elle
seule la premire partie oprant une dcontextualisation (dis-embeddedness).

Une seconde partie, comportant les cinq autres tapes, permet alors deffectuer une
recontextualisation (re-embeddedness) du modle conceptuel dans lenvironnement
rcepteur : une problmatisation (ii) doit intervenir, qui permet de dfinir un problme local et
de formaliser une solution acceptable, prsente comme point de passage oblig (Callon,

121. Ce mouvement de dcontextualisation par universalisation fait penser aux mthodes de knowledge
management en vigueur dans les cabinets de conseil : de retour de mission, il sagit pour les consultants
duniversaliser la connaissance acquise pour pouvoir la faire partager au plus grand nombre.
157
1986). Afin de sassurer la collaboration des acteurs concerns, un systme dintressement
(iii) adaptant un rcit et dveloppant des systmes de rcompenses doit tre mis en place.
Lincarnation (iv) peut alors intervenir, par lintermdiaire de structures matrielles (par
exemples des procdures), qui rduisent la discussion en lencadrant et stabilisent par l la
problmatisation initiale. Une phase de ralliement (v) est alors constate, au cours de laquelle
on obtient le consentement des acteurs vis--vis du projet, ou au contraire le rejet des tapes
(ii), (iii) et / ou (iv). La dernire tape (vi) consiste enfin en une stabilisation du rseau
dacteurs et la cration dune entit reprsentative mme de diffuser une identit commune
et dassurer la prennit des perceptions externes.

En quoi ce cadre peut-il tre appliqu la fonction dontologie ? Nous avons eu loccasion de
le souligner, la fonction se caractrise par diffrentes modalits constitutives : articulant un
langage spcifique, elle fait circuler des discours porteurs de paroles normatives. La fonction
organise les mdiations quelle matrialise par son dploiement propre, en traduisant une
morale se fondant sur des rgles multiples dans une pratique (Comment faire ce que lon peut
faire ? Comment viter ce que lon ne doit pas faire ?). Plusieurs niveaux de mdiations voient
le jour, qui impliquent tout la fois la lgitimit dune reconnaissance institutionnalise et la
production de rsultats tangibles partir desquels communiquer. Ces diffrentes mdiations,
nous voudrions montrer que la fonction les exerce en tant quinstance de traduction : une
instance qui parvient tout la fois transposer des lments de normativit textuelle dans des
lments matriels dorganisation, et diffuser cette transposition sur la base de dplacements
successifs, jouant sur lintressement des parties concernes. La dontologie en tant
quinstance de mdiation travaille partir de modalits langagires partages entre les
lments fondateurs de lactivit (texte et organisation, principes et structures).



Dans le cas de loprateur de march qui vient vers le dontologue pour lui exposer une
situation problmatique ( Et maintenant, quest-cque jfais ? ), on retrouve les diffrentes
tapes de traduction proposes par Leca & alii (2006) :
Le texte est en un premier temps dcontextualis (i), cest--dire recherch, trouv puis
extrait de lensemble plus vaste que constitue le corpus rglementaire applicable
lactivit concerne.
158
Il est ensuite problmatis (ii) travers la construction dun argumentaire mettant en
perspective les tenants et aboutissants de la situation expose.
A cette problmatisation se voit accole une forme dintressement (iii) qui souligne
assez directement le bnfice pour loprateur se conformer au texte (le dontologue
pouvant argumenter sur les consquences lies au non respect du texte).
Une phase dincarnation prend place (iv), dans la proposition de solutions techniques
matrielles (lutilisation de tel outil pour remplir telle obligation) ou textuelles (la
rdaction dune rponse la question pose par un client).
La phase de ralliement (v) peut alors sexprimer par ladoption de la solution ou son rejet
au motif quelle nest pas suffisamment opratoire.
A linverse, son acceptation permet une institutionnalisation stabilisatrice (vi).



Si elle fait constamment uvre de mdiation, la fonction dontologie reste cependant distincte
de la fonction de mdiation que lon peut trouver dans certains tablissements bancaires :
en ceci, elle constitue une mdiation spcialise trouvant ses fondations dans les pratiques,
effectuant des allers-retours traducteurs constants, entre normes et organisations selon des
procdures tablies. Un double mouvement descendant (texte / organisation) / ascendant
(actions / textes), identique celui mis en perspective par Phillips, Lawrence & Hardy (2004 :
639), fait natre une boucle de traductions fonctionnant par paliers (Callon, 1986 et Leca &
alii, 2006), par ajustements successifs en direction de lobjectif atteindre, savoir la
conformit rglementaire par la diffusion de la dontologie. Les associations de praticiens
jouent ici leur rle plein, qui permettent des rencontres autour dobjectifs communs,
exprims par la communaut dontologique auprs du rgulateur national ou europen
(Greenwood, Suddaby & Hinings, 2002).

Ce qui fonde le caractre mdiateur et traducteur de la dontologie financire, cest bien son
caractre rgulateur : elle corste, rgule au sens propre le flux des pratiques contextualises
et canalise les actes vers les guides normatifs que sont les procdures internes. Partant de la
dimension discursive de la fonction, nous montrerons comme la traduction intervient dans le
modelage de la langue et des symboles, paralllement au dveloppement dagencements
socio-techniques matrialiss par les procdures, leurs processus de diffusion, puis le contrle
du correct dploiement de cette dontologie incarne. Nous tudierons comment soprent les
159
traductions dans le quotidien dontologique, en montrant comment ces traductions sont autant
de glissements successifs contribuant au dploiement de la performativit propre la fonction,
une performativit prenant sens dans lincarnation des normes dans les contextes.


















160
3.4. DONTOLOGIE ET REPRSENTATION : LA QUESTION DE LA RPUTATION
Les trois processus (performativit, smiotique, traduction) contribuent placer la fonction
dontologie au sein dun ensemble de reprsentations attenantes lorganisation qui
laccueille. uvrant au cur des rponses proposes aux oprateurs, ces processus
contribuent la mise en forme des pratiques : sils parviennent trouver un agencement
acceptable, cest--dire sils parviennent sentrexprimer, entrer en rsonance avec les
rfrents propres loprateur, il est fort parier que celui-ci agisse selon les modes qui lui
sont proposs. Le Et maintenant, quest-cque jfais ? , une fois rpondu, peut alors
sincarner dans une pratique acceptable, valide, lgitime. Un mouvement reprsentatif se
trouve ainsi initi puis entretenu, tributaire des interactions entre la fonction et lorganisation,
entre le dploiement des discours vocation dontologique et les actions entreprises par
lorganisation.



3.4.1. Reprsentation, rputation et lgitimit
Les tapes se succdent, qui vont de rceptions en productions de reprsentations par
lintermdiaire dun discours articul selon diverses manires, ce discours tant lui-mme ent
sur un contexte organisationnel particulier. Ces reprsentations sont tributaires des cultures
dans lesquelles soriginent les contextes daction : nous lavons voqu avec DiMaggio
(1994), nous le retrouvons chez Abolafia (1998 : 69) :

Lorsque les gens sont en contact (in touch with each other), ils sont socialement intriqus
(socially embedded) dans dimportants rseaux de relations sociales, et culturellement intriqus
(culturally embedded) dans un systme de normes, de rgles et de procdures cognitives
signifiantes .

Cest par lintermdiaire des reprsentations que se construisent les marchs, que sorganisent
les changes, et que se dveloppent les dontologies :

Au travers dinteractions rptes, les acteurs du march dveloppent des attentes quant aux
comportements appropris, et aux faon de jouer leurs rles (about scripts for the performance of
roles). Cest par lintermdiaire de ces rgles et de ces rles que les participants constituent le
march (1998 : 70).
161

Si la dontologie est une fonction performative, disposant dune smiotique propre, effectuant
des traductions, elle gnre au mme titre que les socits faisant lobjet dvaluations
(Schinckus, 2004) ou que des documents comptables, des images, des reprsentations. Celles-
ci sont parfois mme considres comme des images icniques (McGoun & Coyne,
2006) : les lments numriques, organiss selon des normes de prsentations strictes, tout
comme la description dorganisations ou lexplicitation des rgles nen restent pas moins des
reprsentations :

Les nombres sont des dcomptes et mesurent quelque chose dautre, et ne sont rien en tant que
tels. Les reprsentations sont les images de quelque chose dautre, mais sont toujours quelque
chose en tant que telles. Les nombres sont des adjectifs ; les reprsentations sont des noms
(McGoun & Coyne, 2006 : 4).

Ces reprsentations qui nomment, indiquent, sont gnres par des acteurs qui en permanence
estiment, jugent, se font des ides sur les valeurs quils suivent, sur la faon de mener une
opration ou de conseiller un client. Les reprsentations gnres par les acteurs du march
font littralement vivre le march en ce quelles participent la chair mme des changes
possibles : la plupart du temps, ce nest que parce que lacteur se figure que la transaction est
honnte, ou intressante quil la ralise (cf. par exemple Izquierdo, 2001 ou Kalthoff, 2005).

En quoi cette vocation de la dimension reprsentative de laction sur les marchs est-elle
importante ? En ce que dans le cours des pratiques de march admises, il est souvent question
de rputation : une des reprsentations que lacteur se fait de sa contrepartie. Lintervenant
cherche souvent savoir si celle-ci est en effet honorable du point de vue moral
122
, sil
peut sengager dans un change avec lui ou pas, si au-del de cet change dautres changes
seront possibles dans le futur et si sa propre rputation, cest--dire ce que les autres parties
prenantes pensent de lui, se reprsentent son gard, ne souffrira pas de la transaction. Dune
certaine manire, on peut dire que la rputation dun individu ou dune organisation quivaut
la somme des reprsentations existantes leur encontre, un tout qui leur est accol dans les
schmes cognitifs communs. Cet agrgat de reprsentations diverses, ancr dans un contexte
culturel donn, situ par rapport des normes et des usages, constitue une dimension

122. Dfinition du terme rputation , tire du Petit Robert.
162
essentielle de lchange. La rputation, ce qui se trouve vhicul par lopinion publique, cest
cela mme qui intervient comme lment menant lacceptation ou le rejet de llment
concern dans le contexte donn. Et ceci vaut tout autant pour les marchs de capitaux
(Abolafia, 1996 ; Hertz, 1998), que pour la banque de dtail (Courpasson, 1995 ; Moulvrier
2002), ou la gestion dactifs (Tadjeddine, 2006).

Cette question de la rputation ne peut tre envisage sans laide dune seconde notion, qui est
dj apparue dans le cours de notre texte : la notion de lgitimit. Lapprhension de la
lgitimit dune organisation donne sopre systmatiquement par des
reprsentations (Laufer & Burlaud, 1997 ; Baxter & Margavio, 2000 ; Laufer, 2005 ; Preda,
2005 ; Guilhot, 2006) : la simple prsomption de lillgalit ou de lillgitimit dune
opration peut avoir un impact ngatif sur limage renvoye par une organisation ou une
personne
123
. Les reprsentations dont il est question peuvent tre aussi bien individuelles que
collectives, et tre suscites par des lments extrmement divers : on se situe demble avec
cette question sur un plan cognitif, quil devient ds lors trs difficile dcrire aprs tout,
ny a-t-il pas autant de reprsentations disponibles que dindividus ou dentits portant un
regard sur lorganisation ? Ces reprsentations gnres sont autant de jugements ports sur la
pertinence, la qualit des actions menes par lorganisation : en lespce, le caractre attractif
ou rpulsif des modalits doctroi de crdit dans la banque de dtail, la qualit des relations
quentretiennent les sales avec leurs clients institutionnels, ou bien la fiabilit de tel
ngociateur sur le Liffe. Ces jugements issus des personnes et entits en relation avec
lorganisation, sont tous porteurs dau moins deux lments quil est peu ais de disjoindre :
dune part la lgitimit que nous avons dj voqu, dautre part la rputation affrente aux
reprsentations concernes.


123. Abolafia montre de faon tout fait pertinente que ces modes de raisonnement se retrouvent galement
dans les organes externes aux marchs, typiquement les instances de rgulation : La rputation constitue le
principal cadre mobilis par les membres du FOMC (Federal Open Market Committee) pour rationaliser leurs
dcisions de politique conomique. Limportance de cet aspect dans les comptes-rendus souligne sa lgitimit
comme lment narratif exemplaire (guiding narrative) lorsquil sagit de prendre des dcisions. Les
responsables de la Fed sont toujours inquiets de ce que leurs dcisions auront comme consquences pour leur
propre crdibilit. La rputation est un lment important aux yeux des membres du FOMC, parce quon attend
de la Fed quelle tienne le cap sur linflation tout comme elle soutient la croissance (2005 : 223).
163
Les deux lments sont bien des gards structurants dans la pratique dontologique ; nous
essaierons de les caractriser relativement leur contexte. La tche nest certes pas aise : une
fois que lon a dit que le dontologue doit assumer la gestion du risque de rputation, on nest
en dfinitive gure avanc : contrairement aux risque de taux ou de crdit, qui sont des risques
quantifiables, on dispose encore de peu dindicateurs relatifs la rputation, et pour cause : on
se situe ici essentiellement sur le terrain de la lgitimit et non sur celui de la lgalit
124
. La
nuance est dimportance : il ne suffit pas en effet de respecter un texte valeur juridique pour
sassurer lapprobation gnrale, et les ressorts producteurs de la lgitimit sont parfois tnus.
Do limportance, pour les mtiers de la finance, de prendre la mesure de cette notion de
lgitimit dans lexercice quotidien des activits.



3.4.2. Rputation et dontologie : une articulation thorique
La question de la rputation a t assez largement tudie dans des champs extrmement
divers, et selon des perspectives multiples. Proposer une vue paysagre de la
rputation (reputational landscape) comme le font Fombrun & Van Riel (1997) est donc
bien des gards salvateur pour qui cherche travailler la dfinition.


3.4.2.1. Dfinir la rputation en sociologie des organisations
Les auteurs rappellent ainsi dans le premier numro de la Corporate Reputation Review, qui
se donne pour objectif de proposer un lieu de rflexion outrepassant la fragmentation
attenante la segmentation des disciplines acadmiques :

Le manque dattention systmatique concernant la rputation des entreprises tient la diversit
des approches lgitimes, tant acadmiques que pratiques, qui explorent diffrents aspects du
problme (1997 : 6)


124. Le terme napparat dailleurs pas dans le Rglement CRBF 97-02, dfinissant le risque de non-conformit
(voir infra 3.4.2.2., et CCLRF, 2005).

164
Six corpus littraires sont distingus, qui tous ont propos une approche de la question. Le
tableau ci-aprs dtaille ces points de vue tels quexposs dans larticle :

Perspective
Caractristiques reconnues par
Fombrun &Rindova (1996) et Fombrun &Van Riel (1997)
Economique La rputation comme signal et comme trait distinctif.
Stratgique La rputation comme actif et comme barrire la mobilit.
Marketing
La rputation comme reprsentation, entrant dans les processus cognitifs et
affectifs liant consommateurs et produits.
Organisationnelle
La rputation comme lieu de production du sens, agrgeant culture et identit de
lorganisation et influant sur les relations entretenues avec les autres parties
prenantes.
Sociologique
La rputation comme indicateur de lgitimit, permettant de positionner
lorganisation dans un contexte normatif et institutionnel.
Comptable
La rputation comme actif intangible, difficile valoriser au mme titre que la
marque, la formation, la recherche.
Dfinition
retenue
La rputation dentreprise [corporate reputation] est une reprsentation
collective relative aux actions et aux rsultats passs de lentreprise, dcrivant la
capacit de cette dernire produire de la valeur destination de ses parties
prenantes. Elle mesure le positionnement de lentreprise en interne avec ses
employs et en externe avec ses parties prenantes, dans ses environnements
institutionnels et comptitifs (Fombrun & Rindova, 1996).


On le voit, les faons dexpliquer et dexploiter la notion sont multiples. Lapproche que nous
retenons sera essentiellement organisationnelle et sociologique, et se dmarquera de la
dfinition propose par Fombrun & Rindova (1996), qui nous semble trop peu prcise pour
lusage que nous lui rservons. Reconnaissant combien

les processus luvre lorsquil est question de rputation sont complexes et distribus dans le
temps ,

Bromley (2002 : 79) rappelle que la question doit tre rinscrite dans un horizon temporel
particulier. La gestion de la rputation dune organisation stend dans la chronologie, et il
arrive souvent que des actes illgitimes ou illgaux vieux de plusieurs annes ressurgissent
loccasion dun procs, dune plainte, disjointe de son contexte immdiat, gnrant des
165
reprsentations amenes se conjuguer ou sopposer au stock de reprsentations communes
en cours.


3.4.2.2. Articuler rputation et dontologie : le risque de rputation
La fonction dontologie a pour tche dorienter laction des collaborateurs au sein de
lorganisation, mais pas seulement dans le but dinstaurer des modes de fonctionnement
satisfaisants lintrieur mme de cette organisation : le dploiement de la fonction rpond
videmment un impratif rglementaire, mais il est souvent synonyme, pour celui qui
semploie mettre en place une telle fonction, dun effort sur limage renvoye par
lorganisation. On se situe ici lautre extrmit de lacte commercial : une fois le produit
vendu, cest--dire une fois les services marketing travaillant sur la marque ayant mis en
forme le produit, une fois ce produit distribu par les rseaux commerciaux, quelles sont les
consquences potentielles ou avres en terme dimage pour lorganisation ? Aucune
entreprise dinvestissement nest aujourdhui en mesure de refuser ce retour dexprience ,
ce renvoi dimage par les mdias censs reprsenter leur tour lopinion, lavis gnral
partag au sujet de lorganisation, de ses produits, de sa faon de travailler, etc.

Au-del des aspects purement commerciaux le produit va-t-il connatre le succs espr ?
qui ne lui reviennent pas directement, le dontologue a pour charge danticiper les problmes
rglementaires, ventuellement juridiques, les questions dimage et de morale qui pourraient
tre gnrs par une communication inadquate ou inapproprie. Les textes ont toujours t
clairs ce sujet ; le rapport Brac de La Perrire le soulignait dj en 1988 :

La dontologie nest pas une affaire de spcialistes. Expression du comportement dune
collectivit, elle engage tous les membres de celle-ci et participe sa rputation. [] La rputation
des intermdiaires contribue galement au service des clients dans la mesure o elle est un des
lments de la confiance qui stablit entre professionnels et clients, tissant entre eux autant de
liens qui garantissent une meilleure adquation du service rendu aux besoins du client (COB,
1988 : 35-38).

Une vingtaine dannes ont pass et, si la dontologie tend devenir une affaire de
spcialistes produisant des expertises, la question de la rputation na visiblement pas t
compltement rgle en milieu financier, et constitue toujours un sujet de proccupation pour
166
les rgulateurs : les publications rcentes sur la conformit (Basel Committee on Banking
Supervision, 2005 ; Commission Bancaire, 2004 ; CCLRF, 2005) voquent toutes ce point, et
lincluent dsormais dans la dfinition du risque de non-conformit, dont nous rappelons quil
sagit du risque :

de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financire significative ou
datteinte la rputation [nous soulignons], qui nat du non-respect des dispositions propres aux
activits bancaires et financires [] (CCLRF, 1997 : 4, art. 4).

La diffrence entre les deux publications rglementaires rside dans lattribution explicite la
fonction de conformit, appele remplacer la fonction dontologie, de la prise en charge
explicite du risque de rputation. Cette nouvelle formulation dune question antrieurement
pose advient par ailleurs dans un contexte o la notion de risque sest beaucoup dveloppe,
et o la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme constitue un pan important
des activits de contrle bancaire et financier
125
.

Il nest donc pas tonnant dassister lmergence dune littrature sur le sujet, qui traite plus
ou moins directement de cette notion de rputation, en regard des productions consacres aux
risques financiers dans les organisations
126
. Le champ ainsi couvert est particulirement vaste,
et la majorit des crits relatifs la rputation sattachent soit en souligner la ncessit pour
garantir le fonctionnement du march (Gemser & Wijnberg, 2001) ou celui des entreprises
(Neef, 2003), soit envisager la notion comme un lment dterminant pour le marketing
(Bromley, 1993 ; Sheldon Green, 1993 ; Fombrun, 1996), notamment en ce qui concerne la
gestion des marques. Larkin (2003 : 3) souligne ainsi que


125. Pour une premire approche des questions relatives la lutte contre le blanchiment, voir Kopp (2005). Le
financement du terrorisme sopre quant lui par noircissement . Sur ces questions, on pourra galement se
reporter Bierstecker (2002), Favarel-Garrigues (2003), De Goede (2004b & 2007), Amoore & De Goede
(2005), Knorr Cetina (2005), ainsi qu Beck (2002) et Ericson & Doyle (2004).
126. Pour une premire approche des questions lies la rgulation des risques, on pourra se reporter
Braithwaite & Drahos (2000) ou Hutter & Power (2005), ainsi qu Hutter (2005) qui propose une tude centre
sur la rgulation britannique.
167
le risque de rputation peut tre considr en termes de rputation de lentreprise (corporate
reputation), des marques lies lentreprise (corporate brands), des familles de marques (family
brands), et en termes de marques de produits individus (individual product brands) .

Dautres approches consistent modliser le risque de rputation comme un risque contingent
engendrant dimportant frais judiciaires (legal fees) (Kritzer, 2004), ou proposent de linclure
dans une perspective globale de gestion du risque (Bessis, 1997 voquant furtivement la
question). Scott & Walsham (2002 : 1), de leur ct, plaident en faveur dune dmarche
organisationnelle complte :

nous postulons que les organisations ont besoin de comprendre comment les changements
sociaux, politiques et conomiques ont un impact sur leurs efforts pour contrler le risque de
rputation
127
.

Partant de cette hypothse, ils soulignent la disjonction existant entre dune part des
organisations dont le dveloppement tend abolir les frontires gographiques et dautre part
une approche presque exclusivement occidentale de la question. Cest en faveur dune prise
en compte raliste du risque de rputation qui, contrairement aux approches classiques, ne
peut tre correctement apprhend si on lenvisage comme un risque identique aux autres, que
les auteurs plaident pour une reconnaissance de la valeur spcifique de la confiance, qui ne
peut aucunement se rsumer la passation de contrats ; de la sorte, le risque de rputation
ne peut tre rduit au statut de variable isole (Ibid. : 5)
128
. Cette dimension spcifique du
risque de rputation appelant un traitement particulier est galement souligne par Neef
(2003 : 143) :

La gestion du risque de rputation (Reputation management) est une expression aujourdhui
utilise pour dcrire le processus partir duquel une entreprise analyse en permanence son image
du point de vue de ses diffrentes parties prenantes, y inclus ses clients, investisseurs, analystes,
groupes de pression, les syndicats et les mdias .

127. A noter que les auteurs reconnaissent que la majorit des textes publis sur le risque de rputation se
trouve dans les guides professionnels (2002 : 3).
128. Scott & Walsham (2005 : 311) reprennent et dveloppent ce point : While reputation is mentioned by
economic and business literature, it tends to be treated mechanically with an emphasis on its utility in reducing
transaction costs .
168
On le voit, le champ couvert par la notion est extrmement large
129
. Scott & Walsham (2004 :
5), tentent alors de la cerner plus finement, travers notamment une typologie des dfinitions
du risque. Critiquant une tendance naturelle la simplification rductionniste propose par
des approches purement calculatoires, et sinscrivant en cela dans une critique fine de la
notion de risque (Power, 2004, 2005a et 2005b), ils observent une augmentation de
lutilisation dapproches rationnelles scientifiques formelles afin de grer le risque (Scott
& Walsham 2004 : 6). On retrouve ici un point de vue dj dfendu par De Goede ou Beck,
postulant une troite intrication entre mergence du risque et structuration de la socit : nos
dfinitions du risque modlent et formatent la socit (2004 : 6). Pourtant, la dfinition du
risque de rputation ne fait pas lunanimit : sappuyant sur Greif (1989), Perrow (1961 &
1984), Scott & Walsham remettent en cause les acceptions courantes de la notion. Il sagit,
selon eux, de parvenir penser le risque de rputation comme un concept composite

affect par de multiples influences constitutives comprenant lidentit de lorganisation, son
image, sa culture et sa marque (2004 : 11).

Cette multiplicit constitutive du risque de rputation se trouve corrle par llargissement de
son spectre dans les conomies de march contemporaines, une telle tendance se trouvant
favorise par le dploiement prolifique de mdias divers
130
.








129. Pour une vision largie du champ couvert par la notion, on pourra se reporter la Corporate Reputation
Review, qui depuis 1997 propose des recherches acadmiques et des recherches appliques sur le sujet. Fombrun
& Van Riel (1997) y brossent un panorama large des diffrentes approches possibles (cf. supra).
130. Dune certaine faon, la proposition de Scott & Walsham ne touche-t-elle pas ce que Laufer (1993) pointait
dj dans un ouvrage ddi aux risques majeurs , dfinis comme des rupture[s] des systmes de
reprsentation (1993 : 190) en vigueur ?
169
3.5. LENTRE-DEUX DE LA LGITIMIT ET DE LA LGALIT : UNE QUESTION DE RECHERCHE
Nous avons dvelopp les quatre lments constitutifs de la lecture que nous proposons de
faire de la fonction dontologie. Il est dsormais temps de reprendre ces quatre lments, afin
den rappeler les articulations, et de montrer en quoi la dontologie prend place entre
lgitimit et lgalit. Nous formulons la question de recherche, problmatise, laquelle
ltude de cas viendra apporter des lments de rponse.

La prsente recherche sinscrit, on laura compris, dans la continuit des approches sociales
de la finance. De Goede (2005c) souligne, la suite du manifeste propos par Preda (2001), et
pour mieux se situer par rapport celui-ci, que ces approches multiples ne sont pas rserves
aux seuls sociologues :

Il apparatra clairement que les tudes sociales de la finance ne constituent pas la prrogative des
seuls sociologues, mais peuvent tre penses de faon inclure diffrents travaux mens en
gographie, en politique, dans les cultural studies, qui partagent le mme but de penser la monnaie
et les marchs en adoptant un point de vue social (2001 : 19).

Cette multiplicit dapproches souligne le caractre ncessairement discursif de toute tude
srieuse entendant faire le tour de la question. A titre dexemple, mentionnons Leyshon &
Thrift (1997 : 289) :

Plus on analyse lunivers de la monnaie et de la finance, plus on se rend compte que savre
ncessaire de porter attention sa discursivit, si lon entend le comprendre [] Le monde de
largent est un monde de combats interprtatifs, o des textes et des discours entrent en
concurrence et proposent dautres ordonnancement plausibles (plausible orderings) du monde
conomique .

Cest ce constat que nous assumons et allons, dans les parties ultrieures de ce travail, mettre
lpreuve. Dune faon gnrale, il faut reconnatre une certaine spcificit aux tudes
classiques de la finance : le point de vue est trop souvent marqu par une approche
conomique pure, utilitariste et mathmatique, o tout est mesurable, quantifiable et
dsincarn, cela dautant plus que les mtiers de la finance, par dfinition, sont des mtiers du
chiffre et offrent en apparence un rapport au quantifiable abstrait beaucoup plus facile
supposer que dans dautres sphres professionnelles. Trop souvent, comme le rappelle De
Goede,
170

ltude et la prise de dcision financires sont censes exister indpendamment de la culture, de
la socit, de lhistoire, de la sexualit et des motions (2005b : 22).

Nous lavons voqu, la loi et sa norme jouent un rle essentiel dans la constitution des
marchs, leur dveloppement et leur fonctionnement. Ds lors, le vecteur de la loi est lui-
mme amen tenir une place prpondrante dans le dploiement quotidien des pratiques,
dans leur orientation et leur corsetage
131
. De la sorte, on peut adhrer la demande de De
Goede, consistant re-socialiser le champ : quest-ce dire l encore, sinon la ncessit
de trouver de nouvelles mdiations, de nouveaux moyens dapproches. Lon pense ici aux
insuffisances notoires de la finance comportementale, voques par MacKenzie :

pour comprendre la cration, le dveloppement et les effets induits par les marchs financiers,
nous avons besoin dautres perspectives que celles quoffrent des sciences conomiques ou la
finance comportementale, qui sont enracines dans un psychologisme individualiste. Les
marchs sont des cultures (MacKenzie, 2006c).

La fonction dontologie nous a sembl offrir un site intressant partir duquel proposer une
lecture renouvele de la notion de performativit, dans le champ des tudes sociales de la
finance. Cette fonction sinscrit au mitan de la relation existant entre lgalit et lgitimit :
elle exprime elle seule la faon dont lorganisation ngocie lespace de ses pratiques, en
ayant recours une fonction qui na de cesse destimer laune de la rgle norme la
lgitimit des pratiques contextualises. Nous allons voir travers ltude de cas combien les
arrangements, la mise en place de dispositifs sociaux-techniques permettent de nourrir ces
allers-retours constants entre lgalit et lgitimit.




131. Ce que De Goede rappelle sa manire : Cependant, il devient de plus en plus clair que la loi et le march
se constituent lun lautre, rendant une histoire juridique des marchs financiers indispensable la
comprhension de leur pouvoir contemporain (2005b : 21). Et que MacKenzie entrine : lois et rgulations
doivent tre tudies comme une force clef dans la dlimitation (shaping) de ce que les marchs font ou ne font
pas (2005b). Plus largement, le propos sinscrit dans une tendance proche de celle dfendue par Fligstein
(2001).
171
Au terme de cette problmatisation de la question de recherche, nous pensons pouvoir
distinguer trois enjeux pour la dontologie financire. La fonction dontologie a tout dabord
pour tche (i) la dfinition du champ des pratiques acceptables partir dune interprtation
des textes rglementaires, elle dfinit ainsi les lignes jaunes ne pas dpasser, et permet
aux oprateurs de situer leurs pratiques ainsi mises en lumire par rapport aux rgles de
march. Ce rle dfinitionnel de circonscription des pratiques ne peut tre men terme (ii)
que si la personne en charge de la fonction dispose elle-mme dune lgitimit auprs des
collaborateurs quelle conseille, forme, contrle et sanctionne. Plus avant, cest (iii)
linclusion des pratiques conformes dans le march qui signe la lgitimit dune entreprise
dinvestissement travailler avec ses contreparties : alors que se renforce le corpus de textes
encadrant les activits financires, la reconnaissance de la comptence des intermdiaires
financiers passe aussi par leur intgration de pratiques non seulement lgales mais aussi
lgitimes aux yeux des autres intervenants.

Quavons-nous vu jusqu prsent ? Nous avons tout dabord montr que la fonction
dontologie se distingue des dbats relatifs l thique des affaires , tout en y contribuant
indirectement (2.3.). Elle travaille avant tout les pratiques de march et illustre sa manire
les quatre dimensions fondatrices de lcole no-institutionnaliste (2.4.1.) : institution jouant
de rseaux sociaux encastrs dans les structures dintermdiation intervenant sur les marchs
financiers (2.4.1.1.), uvrant lhomognisation des pratiques par la diffusion des normes
cadrant les activits (2.4.1.2.), elle se fait figure transcendant les organisations en dployant
des reprsentations de lautorit de la norme (2.4.1.3.), et senracine sur une pistm
spcifique un contexte culturel (2.4.1.4.). Ces thmatiques institutionnelles nous ont permis
de dployer quatre moments dont lenchanement se laisse percevoir comme suit : cest pour
rpondre un problme de rputation (cest--dire de reprsentation) que la fonction
dontologie a t instaure, puis renforce (3.4.). Elle se dploie en oprant des traductions
successives des textes aux pratiques (3.3.), donnant ainsi du sens aux textes normatifs au
regard des pratiques contextualises (3.2.). Elle dispose dun pouvoir performatif en ce quelle
modle les pratiques par le dploiement dune parole spcifique (3.1.), prenant place entre les
normes et lnonc de ces normes.

Ces diffrents lments constituent un argumentaire sarticulant comme suit : la fonction
dontologie est une fonction mdiatrice de lorganisation qui, agissant au travers de
modalits spcifiques (performativit, donation du sens et traductions) (i) lgitime
172
laction de lorganisation dans laquelle elle sinscrit et (ii) lgitime le march aux yeux de
la socit. Cette double lgitimation seffectue dans le silence dune performativit qui
lui est propre et qui oriente les actes et pratiques des collaborateurs ; leffectuation de
cette performativit joue sur linvestiture de la dontologie comme fonction autorise,
cest--dire une fonction lgitime dans son exercice.



Et maintenant, quest-cque jfais ? : partant dune interrogation simple et nous appuyant
sur de multiples exemples, nous avons pu nous orienter au cur des thmatiques sociales de
la finance et proposer une lecture possible du phnomne dontologique. Lobjet de notre
tude, la dontologie financire, nous permet alors de formuler la question de recherche
suivante : comment sopre le passage des paroles aux actes institutionnalisant les pratiques
acceptes dans une salle de march ? Cette question constitue en quelque sorte le pendant
thorique du questionnement pratique formul par loprateur de march : de la rponse qui y
est donne dpendent en effet plus ou moins directement les reprsentations qui ne
manqueront pas dtre gnres par les pratiques mises en actes par loprateur.

Poser la question de la faon dont sopre le passage des paroles aux actes, cela revient
demander comment le discours rgulateur (singulirement, les textes) en viennent sincarner
dans les actes opratoires des oprateurs (singulirement, les pratiques), mais aussi
caractriser les modes de diffusion des normes au sein des pratiques de march. Le passage du
Et maintenant, quest-cque jfais ? au Compte tenu de la situation, je ferais signe l
un mode dinstitutionnalisation des pratiques de march par le recours une fonction
identifie, en charge des conseils, des sanctions, des interprtations, bref de lorientation
entendue dans un sens non restrictif, des personnes interagissant de prs ou de loin avec les
marchs. La fonction dontologie permet de poser cette question et dinterroger ce qui prend
place entre les normes disponibles dans un contexte gographique, social et institutionnel
donn, exprimes de telle sorte quelles adhrent lpistm dominante, et lnonc de ces
normes dans un sous-contexte prcis. La rponse envoye loprateur, inscrite le plus
souvent dans un mail conservant la trace du conseil ou de la sanction soit la trace de lacte
dontologique, institutionnalise un passage que seule ltude de cas peut dsormais combler.


173















IV. ELMENTS DE MTHODE

















174
4.1. CONSTRUIRE LE TERRAIN : REMARQUES SUR L OBSERVATION PARTICIPANTE
Il est dsormais ncessaire de donner quelques indications quant au statut de notre recherche :
celle-ci constitue le rsultat dun travail dobservation ayant dur un peu plus de trois annes
dans un grand groupe bancaire. Le travail sest droul en deux temps : dabord dans le cadre
dune Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE) doctobre 2004
septembre 2006, une priode au cours de laquelle nous avons pu ctoyer des dontologues de
la maison-mre (Mutual Bank S.A.) ; puis dans un poste de dontologue au sein de la salle de
march du courtier du Groupe (MB Brokerage) entre octobre 2006 et avril 2008. Nous
qualifions dans cette partie la nature de notre observation, en en soulignant notamment les
biais constitutifs, puis nous dvelopperons des considrations sur le donn dontologique
(4.2.), pour enfin dfinir notre position pistmologique et prciser le design de recherche
choisi (4.3.).



4.1.1. Un site de recherche privilgi
Les conventions CIFRE, proposes depuis 1981 par lAssociation Nationale de la Recherche
Technique et gres pour le compte du Ministre charg de la Recherche,

sadressent aux entreprises qui sengagent confier un jeune diplm un travail de recherche
en liaison directe avec un laboratoire extrieur
132
.

Elles associent dans une relation tripartite une entreprise, un doctorant et un laboratoire et
offrent au chercheur un accs privilgi lorganisation, sa structuration et ses modes de
fonctionnement. La constitution dun corpus documentaire, par exemple, sen trouve
grandement simplifie : les sources primaires abondent puisque le chercheur se place trs en
amont des restitutions externes (rapports, discours et autres documents destination de
lextrieur), et opre de lui-mme la slection de linformation qui lui semble pertinente,
limitant de fait certains des biais gnrs par la ligne de communication retenue par
lentreprise.


132. Site Internet de lANRT (www.anrt.asso.fr), consult le 21/08/2006.
175
Outre la mise disposition dun corpus documentaire dune rare compltude, le statut de
chercheur en entreprise offre de nombreux avantages, qui tendent cependant sestomper
avec le temps, ce pour quoi il nous fut parfois ncessaire de rappeler nos interlocuteurs la
nature mme de notre statut. Principal de ces avantages, laccs au vcu quotidien, partag
dans un mme espace temporel et gographique avec les collaborateurs de lentreprise, ainsi
que la participation aux groupes de travail, aux tches accomplies par les diffrents
intervenants. Assumer la charge dun collaborateur une partie non ngligeable du temps, tout
en se prservant un espace de rflexion et dcriture : bien des gards, cette situation
dobservation offrant une prise directe au terrain tudi reste porteuse de risques ;
limplication pouvant en effet amener le chercheur oublier sa situation spcifique, ainsi que
lobjet de sa venue dans une organisation qui, pour le champ des sciences humaines, dispose
dobjectifs parfois trs loigns de ceux impliqus par un travail de recherche (voir par
exemple Chauvier, 2004 et 2008). Le quotidien du chercheur CIFRE tel que nous lavons
vcu au moins deux annes se compose donc de compromis : assumer sa situation marginale
au regard des autres collaborateurs, tout en leur prtant main forte sur les sujets qui les
animent, et parvenir prserver un mode de distanciation souvent salvateur, tout le moins
ncessaire lorsquil sagit de conceptualiser, dlever la thorie en universalisant les instants
vcus de la quotidiennet.

La prsente partie de notre travail se donne pour tche dclairer le statut de la recherche
expose, et de souligner quelques limites consubstantielles aux circonstances dans lesquelles
elle sest justement droule. Les questions pistmologiques traiter se formulent de la
sorte : comment qualifier la nature du regard port par lobservateur sur son sujet, tant
entendu que lobservateur ne tient cette position que par intermittences, et quil est le plus
souvent assimil un excutant au sein de son objet dtude ? Comment qualifier le point de
vue port sur lobjet tudi, partir du moment o le chercheur participe de plein droit son
dveloppement, sa co-construction ? Comment viter le risque hagiographique alors que la
perception du terrain se trouve accrue du simple fait du partage du quotidien des dontologues
posts aux cts des oprateurs de march ? Comment enfin canaliser ce biais constitutif de
lobservation ? Cette situation fonctionnelle appelle un certain nombre de remarques quant
aux modalits de recueil des donnes.



176
4.1.2. Slectionner les donnes
Face labondance de donnes a priori disponibles, lesquelles prlever en effet ? Et comment
sassurer que lon opre une slection sinon pleinement reprsentative du fait du biais
dobservation soulign, du moins signifiante au regard de la dmonstration ? Laccs
privilgi une information protiforme ncessite un certain nombre de choix, que nous
exposons ci-aprs.

Une premire slection sopre dans le feu de laction, partir des situations rencontres ou
lors dchanges informels avec des collgues que lon amne dvelopper des ides en
apparence anodines, mais porteuses de sens. Cette slection, issue de la perception que le
chercheur se fait de son environnement, ne peut advenir que de faon sporadique et permet de
recueillir des lments ncessairement biaiss par la connaissance quil a de la matire
tudie, des lments qui sont souvent porteurs dune importante force dexposition. Immerg
dans le quotidien, llment qui ressort nest pourtant pas ncessairement celui qui dtonne
par rapport son environnement, qui pour le praticien est significatif en ce quil sort des
routines propres lexercice de la profession. La slection ne se veut donc pas unifome, et ne
rvle pas de rgularits : en revanche, elle apporte une lumire sur des thmes affichant une
forme doriginalit constitutive suffisamment forte pour ressortir du flux, du cours de
laction : non pas en tant qulments anormaux, mais bien au contraire en ce quils expriment
un surcrot paradigmatique de normalit.

Une seconde slection sopre lors du choix des lments constitutifs du corpus documentaire
partir duquel lessentiel du travail peut tre men. Celle-ci intervient avant toute censure
ventuelle de la part de lentreprise (qui reste seule dcider ce qui sera ou pas publi de la
recherche), et constitue pour lobservateur un aspect rellement apprciable. En travaillant en
quelque sorte de lintrieur , on bnficie dun accs inapprciable un ensemble de
donnes largement exploitables : cest ici que peut tre limit le biais soulign prcdemment,
en choisissant de ne pas effectuer de rel tri, et en apprhendant les donnes telles quelles se
donnent. Une troisime slection intervient enfin lors de la mise en forme du matriau
recueilli. Une fois les documents choisis, il faut en effet les trier, en rejeter certains et en
trouver dautres, bref construire le corpus de telle sorte quil devienne exploitable et
justifiable eu gard la problmatique retenue. Toute restitution se trouve constitue dun
enchevtrement de donnes brutes, toujours dj biaises par lapprhension qui en est
177
propose. Il sagit alors de prendre conscience de ces biais, de les mettre en lumire et doffrir
de la sorte un complment en ngatif de lobservation effectue. Les donnes recueillies sont,
ainsi que le mentionnent Baumard & Ibert (1999 : 84),

des reprsentations acceptes dune ralit que lon ne peut ni empiriquement (par les
sensations), ni thoriquement (par labstraction), embrasser .

De la sorte, lensemble constitu reste tout la fois une dcouverte et une invention (Ibid. :
85) et cela nest en dfinitive que par approximations successives que se dessine le corpus de
donnes partir desquelles la recherche puisera sa chair empirique. Ce point justifie la
ncessit des allers-retours entre thorie et pratique, des ncessaires complments et autres
recours au terrain : la posture dobservation retenue ne fait plus obstacle au maintien du
terrain (Ibid. : 92), bien au contraire, puisque les interactions y sont pleinement assumes,
acceptes, comme offertes au recueil du chercheur.

La prise de notes vient en appui de ces slections, et contribue la formation dune histoire de
la recherche, dun rcit personnel sur lequel il est toujours intressant de revenir sans trop de
complaisance si possible, afin de noter combien le point de vue que lon portait sur certains
aspects a pu voluer avec le temps. Les carnets de recherche nourris au fil de leau sont ainsi
de prcieux outils de travail, qui permettent de comprendre combien lon se trouve tributaire
des vues exposes par les interlocuteurs du quotidien. Parmi eux, rares sont ceux qui ont eu
conscience dtre ce point scruts, parfois mme tests lors de conversations insignifiantes
sur des sujets attenants au travail commun. Accder ce type dinformation, ou plutt adopter
ce type de dmarche ne peut tre possible qu la condition de ne pas tre en situation de
dfiance par rapport ces interlocuteurs.









178
4.1.3. Les limites de limmersion pousse
Limmersion fut complte : les travaux de mise en forme et de lecture pour notre recherche,
pour sen trouver prservs, ont d se drouler systmatiquement en dehors du cadre offert
par la salle de march. Sans cette matrialisation de la distance entre observation et
formalisation, lessentiel du travail naurait pu tre men correctement : la participation
complte aux travaux communs, particulirement au dbut de notre recherche, une priode
durant laquelle nous avons travaill par moment en quasi exclusivit pour lentreprise (et non
directement pour notre travail de thse) tait ncessaire, et fut bien des gards formatrice.
De ce constat rsulte une situation bancale avec laquelle il sest agit de composer en
permanence : essuyer dune part les rflexions du type tu commences ta deuxime journe
19h ? soulignant linutilit suppose que reprsente pour loprateur de march commun les
heures passes en bibliothque, et servir de lautre un laboratoire et un professeur mme
dattendre une certaine avance des travaux.

Mais quentend-on au juste par composition ? Composer, cela revient le plus souvent
arranger dans des dispositifs dobservation une posture tenable, en quilibre donc entre des
modalits de participation convenables aux yeux des parties concernes (tant lorganisation
que la structure acadmique), et rpondant quelques rgles afin dviter un trop grand
dcalage entre lobservation et sa restitution (Paill & Mucchielli, 2003). Lorsquil sagit de
donner du sens des donnes brutes, le travail dinterprtation est ncessaire, qui permet de
faire merger des catgories partir desquelles une modlisation peut se dployer (Blais &
Martineau, 2003). Ce travail dinterprtation appartient de droit la faon dont nous avons
compos . Il nous faut donc a prsent donner quelques lments sur la nature de
lobservation et les limites portes par les choix que nous avons fait ce sujet.

Gold (1958) est un de premiers auteurs a avoir formalis les diffrentes modalits
dobservation : il propose une quadripartition du terrain qui reprend, en ses diffrents degrs,
les perspectives ou lieux danalyse quil est possible de tenir : quatre figures sont ainsi
dfinies par une matrice deux dimensions ; dune part lobservation, de lautre la
participation. Le croisement de ces deux points de vue adoptables vis--vis de lorganisation
tudie permet de distinguer quatre degrs allant du pur observateur au pur participant :


179
Types Dominantes Intrts Limites
(1) Pur observateur
Observation (++)
Participation (--)
Ecoute indiscrte, pas
dexposition vritable
Pas dinteraction, risque
ethnocentriste
(2) Observateur-comme-
participant
Observation (+)
Participation (-)
Diversit des
situations, confort
(exposition lche)
Superficialit de
lenqute, engendrant un
risque de
mcomprhension
(3) Participant-comme-
observateur
Observation (-)
Participation (+)
Diffrents modes
dobservation (formel /
informel), empathie
partielle
Risque dindignisme,
voire damiti
outrepassant la situation
(4) Pur participant
Observation (--)
Participation (++)
Acuit de
lobservation, grce
une situation perceptive
privilgie
Transgression de la
relation de terrain par
mimtisme

Fig. 13. Quatre postures entre observation et participation, daprs Gold (1958)

Comment, ds lors que ces quatre possibilits sont l pour dfinir le champ dans lequel une
observation donne pourra trouver une qualification adquate, situer lapproche qui fut la
ntre ? Compte tenu de ce que nous avons pu crire plus haut, il apparat demble que le cas
n1 (le pur observateur) ne correspond pas notre situation, puisque

[ce rle] exclut toute interaction sociale de lenquteur de terrain avec des informateurs.
Lenquteur tente ici dobserver des gens sans quils lui prtent attention, du fait quils ne savent
pas quil les observe et quils lui servent dinformateurs (Gold, 1958 : 346-347).

Mes collgues rapprochs taient au courant de ma recherche, ainsi que de mon emploi du
temps segment en couples de priodes aux temporalits diffrentes. Ils ont cependant eu,
pour certains dentre eux, une tendance naturelle oublier cette dmarche, qui sest assez vite
fondue dans leur quotidien.

De toute vidence, le cas n4 (le pur participant) ne correspond pas non plus lexprience
qui fut la mienne, au moins pour des raisons demploi du temps. Cela tant, il y eut des
priodes o les travaux de recherche furent compltement biffs. Cette situation est la fois
extrmement intressante car elle offre un accs privilgi aux mcanismes rgissant les
180
champs sociaux, leurs structurations galement, et dangereuse pour la recherche qui risque
bien des gards de se trouver touffe si un quilibre nest pas maintenu :

Le rle de pur participant, qui offre lenquteur des opportunits dapprendre des aspects du
comportement social qui sinon pourraient lui chapper, rclame de sa part la gestion dquilibres
dlicats entre les exigences du rle et les preuves de soi (Gold, 1958 : 344)

Restent les cas n2 et n3, qui constituent deux variantes dun mme accord entre les deux
ples retenus. Lorganisation de notre travail nous a de fait mis dans la situation du
participant-comme-observateur , et les risques souligns par Gold se sont bien manifests
de temps autre, notamment le risque consistant abolir la frontire ncessaire la prise de
recul, cest--dire la formulation dune thorie par universalisation des situations
rencontres. Le passage de lamiti de surface lamiti plus sincre est parfois tnu, et peut
ventuellement introduire des biais dans les situations observes.

Ce type de rle est le plus utilis sans doute dans les tudes de communaut, o un observateur
dveloppe des relations dans la dure avec ses informateurs, et o il a tendance accorder plus de
temps et dnergie la participation qu lobservation. [] En gnral, les exigences de
simulation dans le rle de participant-comme-observateur sont intenses et continues, car
lenquteur est souvent considr par les informateurs comme un partenaire plus proche quil ne le
croit. [] Quand la simulation devient trop complique, le participant-comme-observateur doit
quitter le terrain pour remettre au clair ses conceptions de soi et ses relations de rle (Gold,
1958 : 345-346).

En mme temps, les situations dobservation participante du type n2 (lobservateur-comme-
participant) risquent souvent de ne rester que des relations de surface. Nous avons donc fait le
choix lorsque la situation demandait un choix, ce qui somme toute fut relativement rare de
nous impliquer davantage au risque de lindignisme et de la perte conjointe de la capacit
danalyse et de critique.

La nature de la fonction dontologie a pourtant jou comme garde-fou, et a en cela contribu
de par ses rquisits propres lpanouissement de notre travail : la fonction est elle-mme une
fonction de la marge, une fonction dont nous avons vu prcdemment quelle rclamait de
prime abord et le plus souvent une forte introspection de la part des dontologues. Celui-ci
doit toujours (cest presque un pr-requis) tre en mesure de se demander ce quil fait, et de
181
jauger la pertinence de ses propres actes avant mme que dexaminer ceux des collaborateurs
sur lesquels il veille. A notre connaissance, le mtier de dontologue est par ailleurs une des
rares activits financires qui requiert de la part des personnes lexerant une telle capacit
sinterroger sur les motifs profonds des actions entreprises au sein de lorganisation : un
mtier dont le rle consiste, dans les textes, interroger la pertinence de laction en dautres
termes que ceux de la performance financire. Cette position nest pas pour autant aise
tenir pour le dontologue lui-mme, ainsi que le court exemple ci-dessous le rvle.


J eudi 10 avril 2008 Runion hebdomadaire du ple compliance de MB Brokerage. Nous
sommes cinq autour dune table : le Responsable de la conformit sige devant son adjoint et
les trois collaborateurs constituant le ple compliance. La discussion sengage sur
lopportunit dengager un stagiaire pour venir en aide au ple, rgulirment dbord par le
volume de travail quotidien, entre tches rcurrentes et travaux apriodique rythms par
lactivit de la salle de march. Des questions dorganisation sont discutes, et chaque
intervenant y va de son point de vue, jusquau moment o lun deux relve combien lquipe
est expose un environnement de travail empchant souvent de sen tenir aux priorits,
extrmement changeantes (parfois mme plusieurs fois dans la journe). Le Responsable de la
conformit relve alors :

J e le vois bien que vous tes stresss et sous leau en ce moment Ce nest pas si grave si vous
narrivez pas tout faire, je me rends bien compte de la situation. J e vous sens extrment rceptifs
ce qui se passe dans la salle, avec la situation un peu pourrie qui prvaut en ce moment .

Le Responsable de la conformit marque une pause puis conclut :

Vous tes devenus permables la salle. Cest trs bien, mais vous ntes pas front. Il faut vous
dfaire de leurs gesticulations, vous ntes pas l pour faire comme eux. Respirez, et apprenez
perdre un peu de temps dans ce que vous faites. Reprenez de la distance .

A sa manire, le Responsable souligne la ncessaire distance voque plus haut, et rappelle
limportance du dtachement qui doit justement permettre aux dontologues de se mettre en
retrait par rapport aux situations constituant leurs vcus.


182
Cette distance du dontologue par rapport son environnement a donc contribu susciter
notre retrait ponctuel des contextes auxquels nous avons fait face. Embarqu sur et par le
terrain, intgr lquipe, nous avons d remdier au problme bien rel de lindignisme :
nous nous sommes attachs autant que possible recourir du donn brut, un donn situ en
amont de toute interprtation, et travailler au plus prs de nos sources. La posture du
participant-comme-observateur (cf. supra, Fig 13) rend de fait possible un vaste recueil de
donnes, ainsi que le notent Adler & Adler, dans leur commentaire de Gold (1958) :

Le rle dobservation est alors vu comme celui qui rend permet la saisie des donnes (seen as the
data-gathering one), le rle de participant ntant quun moyen dobtenir un meilleur site
dobservation (observational vantage point) (Adler & Adler, 1987 : 49).

Pour autant, nous navons pas fait le choix dune dmarche purement inductive (Lincoln &
Guba, 1985 ; Thomas, 2006), pour la raison que lobjet de recherche lui-mme justifiait nos
yeux un minimum de construction, compose avec une implication dans le terrain.

Nous avons soulign quelques-uns des aspects nous enjoignant porter une attention toute
particulire la nature du donn recueilli, tenter de remonter au plus prs des sources
documentaires, cest--dire au lieu mme de leur production. Cest l, nous a-t-il sembl, que
nous avions le plus de chance de glaner des lments tout la fois pertinents et exhaustifs.














183
4.2. LA MATIRE DISPOSE : LE DONN DONTOLOGIQUE
Une fois ces indications fournies quant au lieu dexercice de notre observation, nous devons
dire quelques mots de la nature des sources qui constituent lessentiel de notre corpus
documentaire. Il sagit ici des sources primaires et secondaires qui nous serviront de base de
travail, et qui constituent autant de dispositifs, si lon veut signifier par l une machine qui
produit des subjectivations, [qui] est aussi une machine de gouvernement (Agamben, 2006 :
42). Ces dispositifs renvoient lconomie spcifique de la dontologie financire, cest--
dire

un ensemble de praxis, de savoirs, de mesures, dinstitutions, dont le but et de grer, de
gouverner, de contrler et dorienter en un sens qui se veut utile les comportements, les gestes
et les penses des hommes (Ibid. : 28)

Les dispositifs dontologiques doivent pouvoir saisir loprateur de march au lieu de mme
de sa pratique : en ceci ils contribuent la formation dune identit normative, expression
positive de lexistence des normes applicables. Les dispositifs textuels mis en place par la
fonction dontologie permettent ainsi de cadrer les motifs dactions toujours situes (Harper,
1998 ; Preda, 2002 : 208), et sont autant dobjets intragissant avec les acteurs en place
(Latour, 1994).


4.2.1. Des procdures
A lexamen, les premiers lments tangibles dexercice de la dontologie se manifestent dans
des procdures. Articulant les textes normatifs, quils soient dorigine lgale, rglementaire ou
propres linstitution, applicables tout collaborateur, ils sont le plus souvent publis sur le
site Intranet de lentreprise ou une base de donnes partage et accessible chacun. Les
procdures se matrialisent sous la forme densembles de feuillets comportant gnralement
entre cinq et vingt pages, et respectent systmatiquement, lorsquil sagit de Procdures
Groupe , une typographie, une mise en page, bref un ensemble de rgles permettant au
lecteur de les identifier aisment. Il existe plusieurs types de procdures qui ne se donnent pas
toutes selon les mmes modalits :

184
(i) Les Procdures Groupe que nous venons de mentionner, et qui sont le plus souvent le
rsultat de travaux longs, aboutis. Une fois le texte publi, on ne le modifie pas lenvi.
Ces procdures relvent dun systme de normativit, et sont des textes articulant des
principes dorganisation. Elles rappellent les obligations applicables aux principales
activits de lentreprise. Souvent, elles font lobjet de discussions entre dontologues, de
ngociations avec les oprateurs et de validations avec la Direction Gnrale.

(ii) Les Procdures internes aux Dpartemebts qui sont gnralement, mais pas
ncessairement, des textes beaucoup plus dtaills, qui font office de modes demploi
et dcrivent par exemple les tapes respecter lors de la passation dun ordre, ou les
contrles effectuer lorsque se prsentent certaines situations (lentre en relation avec
un investisseur non encore identifi dans la base de donnes de lorganisation, les
modalits dintervention pour compte propre lorsque la ngociation travaille dj un
ordre pour le compte dun client, etc.).

(iii) Les procdures tacites, qui relvent de larrangement interne, et se construisent au fil de
leau, pour pallier certaines difficults. Ces procdures peuvent tre mises en place avec
un degr de formalisme limit, voire communiques par mail aux seuls collaborateurs
concerns. Bien relles, elles nont gure dexistence publique dans la mesure o elles ne
sont pas publies sur un site spcifique ; elles constituent nanmoins de vritables
arrangements entre ceux qui les dictent et ceux qui les appliquent.

Les modalits de production de la norme dontologique rvlent, nous le verrons,
limportance de ces procdures. Lieu de production de la norme, la Direction Conformit &
Contrles de MB Brokerage est un site propice ces mises en formes ordonnes, qui par
certains aspects font penser ce que Bruno Latour crit dans son ethnographie du Conseil
dEtat :

De mme que lon ne comprend rien la science si lon dresse de loin des mots en face des
choses, de mme on ne comprend rien au droit si lon cherche passer directement, sans cette
modeste accumulation de papiers dorigines diverses, de la norme aux faits de lespce
(Latour, 2002 : 103).

185
Il est alors tout fait intressant de voir quelles sont les volutions subies et portes par les
procdures, depuis leur constitution jusqu leur dploiement, en passant par leur ngociation
et leur validation. Lvolution rglementaire externe lentreprise signe ainsi parfois leur
mort normative, ou contribue linverse leur renforcement et au redploiement de nouvelles
formes de normativit. Cette volution porte la trace de changements, de la perte et de la
cration dhabitudes, de routines: cest dans la gense du corps textuel et dans son
appropriation par les diffrents actants dont la rsonance se trouve ainsi formalise que se
construit aussi la dontologie
133
.



4.2.2. Des codes, une charte
Les codes se prsentent sous la forme de fascicules relis. Le code de dontologie, comme
annex au rglement intrieur, est mis disposition des collaborateurs le jour de leur entre
dans lentreprise. Il contient lensemble des rgles que ce dernier sengage respecter dans le
cadre de ses activits. Plusieurs codes peuvent tre distingus, qui font office de lieux
dnonciation des principes.

(i) Le Manuel de dontologie qui se prsente comme un guide explicitant larticulation des
textes internes et des activits concernes, les modalits de mise en uvre de ces normes
structurantes, et contient de nombreux exemples et synthses des points saillants retenir.

(ii) Des Recueils de dispositions dontologiques rappelant les principes devant rgir la
conduite des collaborateurs dits initis permanents lorsquils oprent sur le titre
Mutual Bank par exemple
134
.


133. Nous avons ainsi dcouvert, le 11 avril 2008, dans les recoins inexplors dune base de donne constitue
au milieu des annes 1990 chez MB Brokerage, un ensemble de procdures dontologiques datant de 1996, et
portant en germe lessentiel des principes devenus aujourdhui monnaie courante sur la place financire :
principes de connaissance du client, lutte contre le blanchiment des capitaux, dontologie des collaborateurs, etc.
134. MBSA (2002, 2003a & b).
186
Le Groupe MB stant en effet dvelopp au cours des cinq dernires annes, il a sembl
ncessaire sa Direction Gnrale de proposer une synthse porteuse de lidentit partage du
groupe dans son entier. Une Charte de dontologie a donc t rdige en 2003 par la maison-
mre, qui ramasse dans des principes les rfrences communes fondatrices de la culture de
lentreprise
135
. Cette charte rappelle au nouveau collaborateur quelles sont les spcificits
propres lorganisation quil vient de rejoindre, la manire dont il doit sengager mettre ses
comptences au service de la clientle, ainsi que ses diffrents devoirs (de discrtion, de
loyaut, dentraide, de qualit dans le travail quil fournit, etc.). Force est de reconnatre
nanmoins les limites de cet exercice : peu de personnes au sein de MB Brokerage sont au
courant de lexistence du document, qui nvoque pour eux rien de particulier.



4.2.3. Des outils, des comptes-rendus de runions
Lexercice quotidien de la dontologie passe essentiellement par le dploiement
dorganisations permettant aux entits concernes de respecter les textes applicables leurs
activits. Le plus souvent, le dontologue a galement recours sa capacit formuler une
jurisprudence ncessaire au comblement des espaces laisss par ces textes : il interprte,
partir de sa connaissance rglementaire, les textes applicables et en dduit la conduite tenir
quil explicite auprs des oprateurs de march. Lorsquil a recours des outils, cest en
revanche le plus souvent dans le cadre de la surveillance des activits. Chez MB Brokerage,
ces outils ont t, dans la majeure partie des cas, constitus par les services de la Direction des
Systmes dInformation et sont des applications bureautiques lgres (feuilles Excel, bases
Lotus Notes, Access ou Business Objects), qui assurent nanmoins leur travail de faon tout
fait satisfaisante.

Les runions prparatoires sont galement des lieux de formation de la dontologie, o lon
discute de la pertinence des dispositifs dployer, des implications diverses qui y sont lies,
et o schangent les points de vue entre gens de mtiers. Plusieurs types de compte-rendus
sont exploits, qui se distinguent souvent par leur niveau de formalisme, par le nombre de
participants la runion et par les sujets traits. Il y a parfois beaucoup plus dinformations

135. MBSA (2003c, f & g).
187
dans les quelques lignes jetes sur un mail que dans une note rdige et distribue plus
formellement. Lorsquune nouvelle activit est dveloppe, lorsquun nouveau produit est
lanc, une procdure interne oblige ainsi les principaux services concerns se runir et
formaliser dans un document interne lentreprise les questions poses par le projet, les
dispositifs mettre en place et les modalits de contrle affrentes. Un corpus contenant les
synthses des points importants issus de ces comits se constitue de la sorte au fil de leau, qui
restitue dune certaine faon lhistoire du dveloppement de lorganisation.



4.2.4. Des publications
Diffrentes publications permettent par ailleurs la Direction de la conformit de se signaler
au sein du Groupe MB : un Bulletin de liaison interne des Responsables de Conformit
propose tous les mois des actualits lies aux activits de la fonction dontologie, et mettent
plus particulirement en perspective certaines ralisations de la fonction dans le Groupe.
Lintervention de certains collaborateurs dans des revues internes permet galement de faire
porter la voix de la dontologie, dans un contexte qui nest plus celui des sanctions, ni celui
de linformation simple. Enfin, les discours prononcs lors des J ournes de la conformit, une
fois par an, ou plus spcifiquement lors de manifestations organises par dautres Directions
du Groupe, permettent galement de communiquer au sujet de la dontologie.

Au-del, les Responsables de la Conformit travaillant chez MB Brokerage ont accs un lieu
dchange en lAssociation Franaise des Entreprises dInvestissement (AFEI), lieu de
rencontre et de lobbying conviant rgulirement les diffrents acteurs de la place partager
leurs points de vue sur les pratiques, les textes europens et nationaux en cours de discussion,
et contribuant au faonnement du paysage financier franais et europen. Sans forcer le trait,
on soulignera lintrt de ces changes ainsi que la dimension toute spcifique qui sy
attache : contrairement dautres professions, la fonction dontologie est une affaire qui offre
des changes possibles, et vis--vis de laquelle la concurrence (qui demeure toujours dune
certaine faon) est moindre. Notre tude de cas reviendra sur lutilit de ces espaces
dchange et de formulation pour la fonction : sans voquer une conscience partage, voire
collective, force est de reconnatre la relative bonne entente entre gens de mtier
dontologique. Cette entente sexprime au travers de publications communes, avis et autres
188
recommandations mises destination des mtiers, mais aussi dans un lobbying rel auprs
des rgulateurs de march, quels quils soient.



4.2.5. Des prises de note sur le vif, des e-mails
Au-del de ces matriaux secondaires, nous avons eu recours de faon massive la prise de
notes : outre de nombreux entretiens informels, nous navons eu de cesse de noter dans des
carnets ou des e-mails ce que nous pouvions observer des phnomnes nous entourant dans le
moment mme de leur apparition
136
. Un change entre personnes, une adresse notre
encontre, un message lectronique annonant un rappel ou donnant un conseil : autant de
traces de la pratique dontologique que nous avons enregistr patiemment, sans rgularit
particulire nanmoins. Ces traces constituent par leur emploi un donn riche, dont lanalyse
que nous menons dans notre tude de cas se trouve porteuse.

Ces traces enregistres sont venues grossir une base de donnes que nous avons rfrences,
puis travailles pour les amener rvler dans la clart dune exposition possible parmi
dautres, les modalits constitutives de la fonction dontologie dans une salle de march
actions. Lanalyse des discours, que ceux-ci soient prniss dans un crit formel ou
prononcs sur le vif par des intervenants, permet ainsi de rendre compte du sens port par
lexercice dontologique. Cest la confrontation de ces notes, ces restes enregistrs qui
sont autant dexpressions de la pratique, avec la thorie dveloppe plus haut (2.) qui nous
permettra dvaluer la pertinence de notre problmatisation (3.)










136. On trouvera en Annexe 2 quelques exemples de ces observations en situation.
189
4.3. QUEL DESIGN DE RECHERCHE ?

Sur la base de ces indications, nous pouvons prsent nous poser la question du design de
recherche, qui a pour objet la mise en uvre de la recherche. Celui-ci savre tributaire, au-
del de la seule question de recherche, de la situation dobservation caractrise
prcdemment (4.1.) et des donnes disponibles sur le terrain (4.2.).



4.3.1. Comment qualifier la recherche propose ?
Larchitecture retenue doit nous permettre

darticuler les diffrents lments dune recherche : problmatique, littrature, donnes, analyse
et rsultat. [] Cest un lment crucial de tout projet de recherche empirique, quels que soient
lobjet de recherche et le point de vue mthodologique choisi (Royer & Zarlowski, 1999 : 139)

Il sagit, au-del des partis pris pouvant animer les choix de mthode, de retenir le mode
danalyse et dexposition des donnes le plus mme de rvler lintrt de la question pose.
Par ailleurs, deux requisits doivent tre vrifis, qui permettent de qualifier le design de
recherche : le cheminement logique dune part, la cohrence des lments qui la constituent
dautre part.


4.3.1.1. Un mode dapprhension phnomnologique
On peut sans trop de difficults partir du postulat que le choix dune posture pistmologique
conditionne ncessairement la recherche, et que toute recherche reflte en retour la position
pistmologique adopte. Denzin & Lincoln (1994) montrent que bien souvent, le design de
la recherche se trouve tout particulirement li la question pose, cette dernire tant elle-
mme assez largement tributaire des donnes disponibles. La notion de donne disponible
devient alors elle-mme cruciale, car ce qui se fait donne , et se donne littralement au
chercheur, dpend essentiellement du regard que celui-ci est mme de porter sur la structure,
le champ ou lobjet quil tudie (Adler & Adler, 1994). La manire dont le chercheur aborde
190
ce que lusage nomme ralit reste donc dterminante bien des gards lorsquil est
question de mettre en place un protocole de recherche.

De fait, le regard port par lobservateur sur le monde, et la manire dont il entend rconcilier
lapprhension de ses intuitions avec le sens ncessaire toute appropriation, soulve des
dbats nombreux et anciens. Toute posture doit pouvoir se justifier, en cohrence avec les
modalits dapprhension du rel retenues : pour ce qui nous concerne, nous adhrons
volontiers la mthode phnomnologique, enracine dans la tradition mtaphysique franco-
allemande, et partant du postulat que lapprhension de la ralit seffectue pleinement dans
linterprtation des phnomnes donns la conscience. Autrement formul, le chercheur doit
tre

le scribe de phnomnes qui se mettent eux-mmes en scne, partir deux-mmes, en tant
queux-mmes (Marion, 1986, 2007
3
: 7).

Les phnomnes napparaissent que dans lacte de leur donation en propre une conscience ;
et ce nest que parce que lobservateur est mme de percevoir une part du rel quil lui est
possible daccder au monde, une fois opres des synthses signifiantes
137
. La signification
vient remplir lintuition issue des sensations reues de lenvironnement : il y a l un
prsuppos hermneutique de la mthode phnomnologique, savoir

la ncessit pour la phnomnologie de concevoir sa mthode comme une Auslegung, une
exgse, une explicitation, une interprtation (Ricur, 1986 : 69).

Interprter, cela revient alors proposer une lecture, un discours construit sur lensemble des
faits perus, ensemble accdant lui-mme au qualificatif de ralit , une fois quil se trouve
dot dune signification propre.

En nonant un tel choix, nous signifions que ce qui merge partir de notre travail
dobservation ne se donne pas de faon autonome : en effet, nous pensons que les

137. Pour autant, il faut souligner avec Simmel (1894 : 499), ici singulirement proche de Husserl, que bien
que tout soit donn, en ralit, sous la condition dune conscience, tout nappartient pas, pour cela, la
psychologie . Pour une approche complmentaire, voir par exemple Brown (1978).
191
constructions proposes se rvlent partir de nos habitudes cognitives, affectives et
comportementales ; bref

il sagit toujours dun travail de mise en relation avec un contexte, ou de construction
dune configuration dlments (une forme) (Mucchielli, 2005 : 25).

Une telle position implique, dans le cas de lobservation cense restituer et expliquer le vcu
dacteurs encastrs dans des logiques qui leurs sont propres, une lecture qui doit parfois
soprer sans ncessairement disposer de la connaissance du mtier. Cette situation est celle
du chercheur telle quexpose par Latour & Woolgar dans le cas de la vie de laboratoire : il
sagit en lespce de

sapprocher des sciences, contourner le discours des savants, devenir familier de la production
des faits, puis sen retourner chez soi et rendre compte de ce que font les chercheurs dans un
mtalangage qui ne doive rien au langage quil sagit danalyser (Latour & Woolgar, 1979 =tr. fr.,
1996
2
: 23).

Cette tentative de contournement, visant terme la distance par rapport la situation
observe, nous a constamment anime. Cela ne signifie pas pour autant que nous fmes
mme dhonorer systmatiquement cette tentative, du fait notamment de limportance de
notre participation au dploiement tudi (cf. 4.1.).

Si la prsence sur une longue dure ne constitue pas une garantie de neutralit du point de vue
restitu, bien au contraire, elle limite en revanche de faon assez efficace limpact et les biais
lis la prsence du chercheur sur le terrain, mis en lumire par Bourdieu (1993) : lintrusion
lie la situation dentretien, ou dobservation participante, est gnratrice de dcalages dont
les questionnements pistmologiques ne peuvent faire lconomie. En lespce, lacceptation
du travail dobservation fut pleine et entire, nous lavons dj soulign. Elle fut mme un
lment intgrateur au sens fort : la rflexion propose sest nourrie dune co-construction
avec le terrain qui se dveloppait simultanment, permettant une restitution beaucoup plus
riche notre sens que ne lauraient pu les allers-retours constants du chercheur avec le terrain.
Une forme de dualit constitutive partage sest peu peu rvle dans le cours de laction
quotidienne, chaque dcision prise en relation avec une modification du champ dontologique
se trouvant toujours dj assume par le regard que nous portions sur elle.

192
Dans ce cas, que penser de lerreur scolastique et des risques de lpistmocentrisme
justement relev par Bourdieu (1997) ? Comment estimer limportance que la ncessaire
distorsion scolastique fait peser sur le champ tudi ? Dans notre cas prcis, cette distorsion se
trouve doublement remise en cause. Dune part par la position de recherche dfendue, mi-
chemin entre pratique et thorie : le fait de sengager aux cts des collaborateurs, de partager
leurs activits, et de produire ensuite un discours explicatif vise thorique permet de
joindre les deux extrmits productrices du champ tudi puis restitu. Dautre part parce que
la profession dontologique tient une situation similaire, entre thorie et pratique : non
contente ddicter les normes, elle propose galement de mettre en place les organisations et
les outils permettant de respecter cette norme. Ce point attnue nos yeux le biais port par la
situation de recherche, dans la mesure o le champ observ se constitue lui-mme dans les
carts entre conceptions et ralisations, et ce de faon originelle.


4.3.1.2. Un mode dapprhension redevable de lobjet tudi
Les aspects quil nous parat important de souligner dans le cas de notre travail sont multiples.
La dmarche suivie tente de restituer un ordre possible partir du dsordre sensible,
apprhend dans lempirie (Latour & Woolgar, 1979 = tr. fr., 1996
2
: 262). Non que
lorganisation laisse en elle-mme transparatre un dsordre constitutif : au contraire, cest
justement lcart entre une situation factuelle, formalise dans des procdures dcrivant les
agencements entre personnes (fiches de poste) et structures (procdures organisationnelles), et
lapprhension que le chercheur peut en faire compte tenu de sa propre situation quil
convient de rordonner. La participation la structuration de lactivit vient ajouter un
surcrot de dsordre qui demande tre sinon liss, du moins soulign. Restituer de la
cohrence, rordonner au cours de lexposition le lieu dexercice de la dontologie
financire en lexplicitant : tel sera donc le versant mthodologique de notre tude de cas
138
.

Quels sont alors les lments importants dans la dmarche de recherche ? Yin (1984, 1989
2
)
en dnombre cinq : la capacit poser les bonnes questions, tre un bon auditeur, tre
adaptable et flexible, avoir une bonne comprhension des enjeux tudis, aborder le terrain

138. Les modalits de recueil des donnes, leur confrontation aux hypothses retenues lissue de la
problmatique, ont nanmoins appel de multiples rvaluations des hypothses de dpart.
193
sans prconceptions thoriques. Nous avons donc beaucoup cout les acteurs du champ
considr, dans des situations diverses : entretiens, conversations formelles et informelles,
confrences et autres exposs internes, au cours desquels nous avons tent de reprer des
constantes, nonobstant les modalits de communication varies. Nous avons par ailleurs
accumul une documentation plurielle (cf. 4.2.), partir de laquelle nous avons pu formuler
des questions successives, puis une problmatique, en laissant advenir autant que faire se
pouvait les matriaux tudis.

Sur ces bases, nous avons tent dassumer ce que (Latour & Woolgar, 1979 =tr. fr., 1996
2
:
23) nomment la dontologie du chercheur , une dontologie qui exige

quil ait enqut peu prs librement, quil ait dout de ses informateurs, et quil se soit
familiaris en toute indpendance avec les choses dont ils parlent .

Ce point fait-il question dans notre cas ? Certainement, mais probablement pas plus que ce ne
serait le cas dun observateur moins prsent dans son terrain : aprs tout, les deux auteurs
reconnaissent eux-mmes que

dans ce mlange subtil de familiarit et de distance que toute mthode en sciences humaines doit
rsoudre, ce nest pas le premier terme qui est difficile mais plutt le second (Ibid. : 24)

A partir du moment o les apories lies la situation de recherche sont reconnues, il devient
plus simple de les assumer. Ce qui importe en dfinitive, cest de savoir si la mthode retenue,
son exposition et sa mise lpreuve des faits assure une forme de cohrence lensemble de
restitution, ainsi que le soulignent leur manire Royer & Zarlowski (1999 : 140), la suite
de MacCall & Bobko (1990) : le choix de la mthode doit pouvoir se justifier au regard de la
relation entre le terrain et ce quelle permet den rvler. La mthode aide structurer la
relation entre la mise en lumire dun problme donn (lexplication) et les modalits
dexcution retenues (lexposition) :

Plus que la mthode en elle-mme, ce sont davantage la manire dont elle est utilise et lobjectif
quelle sert qui marquent linscription de la recherche dans un positionnement pistmologique
donn (Royer & Zarlowski, 1999 : 144).

194
Le design de recherche se trouve par ailleurs quelque peu conditionn par le degr de
connaissance du champ tudi : il ne sagit pas doublier en lespce que la mthode reste
avant tout tributaire de cela mme quelle permet dtudier, autrement dit le terrain. Cest
donc en fonction des connaissances prcdemment accumules son gard que la mthode
pourra se positionner, remplissant loccasion les interstices non encore couverts par les
recherches antrieures. Dans notre cas prcis, nous avons dcid, au vu de labsence
caractrise de productions acadmiques lie la nouveaut relative de la fonction (cf. notre
2.1.1.), de proposer une lecture cadrant la dontologie financire pour la premire fois dans un
champ cognitif prcis, celui de la sociologie conomique. Le rendu pratique se trouve effectu
par lintermdiaire dune tude de cas, puisque ce nest que lorsque de telles tudes auront t
dployes que des approches plus quantitatives, plus exprimentales aussi, seront rendues
possibles et prendront tout leur sens.


4.3.1.3. Un mode dapprhension constructiviste
Aprs examen des premires donnes, il nous est vite apparu que le paradigme constructiviste
semblait convenir le mieux aux objectifs de recherche que nous voulions servir. Il sagissait
ds lors de savoir si le paradigme retenu permettrait ou non datteindre ces objectifs, en
gardant lesprit que ce nest pas tant la mthode choisie que la manire dont elle est utilise
qui fonde sa pertinence. Le souci qui nous a constamment anim fut donc celui de la
cohrence de la construction entre le projet de recherche, savoir la construction des modalits
de diffusion de la dontologie financire dans les pratiques observables chez un prestataire de
services dinvestissements, et la mthode, soit une tude ethnographique de lorganisation,
recourant massivement une forme dobservation participante. Sur ces bases, quelles ont t
les raisons complmentaires nous amenant faire le choix dune posture constructiviste ?

Traditionnellement, on distingue en effet trois grands paradigmes explicatifs de la
ralit tudie : les approches sont dites soit sociales, soit interprtes, soit construites. Cette
triparition du champ du donn est lorigine de multiples lectures (par exemple : Denzin &
Lincoln, 1994 ; Thitart & alii, 1999), sur lesquelles nous ne revenons pas. Quelles-ont donc
t les raisons qui ont prsid, dans notre cas, au choix du constructivisme ? On en dnombre
au moins trois :

195
(a) Dabord pour ladquation entre ce que le paradigme propose et la situation que nous
avons vcue, et qui permettait doprer une forme de mta-construction, refusant le
prsuppos ontologique par la mise en scne du dploiement dun discours spcifique.
Ce dploiement dun savoir dontologique nest aucunement indpendant de la ralit
sociale laquelle il se trouve appliqu et porteur dun biais dobservation constitutif de
la construction de la ralit sociale tudie.

(b) Ensuite parce que lpistmologie constructiviste articule la co-construction des
problmes avec leurs actants, dans un effort continu dapprhension de la ralit
phnomnale : cet effort peut tre dcrit comme une explicitation non disjointe des
contextes, et qui opre au sein mme de la dontologie financire. La recherche
senrichit dans le temps dune observation construite et ne prtend pas lexposition
dune vrit qui serait distincte de son objet.

(c) Enfin en ce que le paradigme constructiviste permet de rendre compte dun ancrage
pratique de la recherche, que lon trouve dans les restitutions proposes dans ltude de
cas. Lobjet tudi est lui-mme porteur dune spcificit qui rejaillit sur lobservation,
en ce quil se situe au milieu dinteractions et dchanges en perptuelle
reconfiguration, et quil contribue grandement aux agencements des pratiques dans le
champ qui lui est ouvert.

Si lon garde lesprit que la mthode na dautre lgitimit que la cohrence quelle permet
de restituer lobjet (Royer & Zarlowski, 1999), il apparat assez clairement que le parti pris
mthodologique doit pouvoir se justifier au regard du terrain tudi. Nous avons donc pass
en revue les trois principaux paradigmes et tent de les accoler non seulement notre champ
dtude, mais galement de structurer la relation que la mthode pouvait entretenir avec ce
terrain. Assez rapidement, le paradigme positiviste a pu tre limin : dune part parce que ses
prsupposs ontologiques ne nous convainquent pas
139
, dautre part parce que lextriorit de
lobjet gnralement postule par lattitude positiviste naurait pu rendre compte en aucune
manire du vcu qui fut le notre. De mme, le paradigme interprtativiste na pu tre retenu,

139. Dun point de vue philosophique, nous ne comprenons pas comment lon peut aujourdhui, aprs les
dveloppements proposs par la phnomnologie husserlienne, puis par la philosophie heideggerienne, soutenir
la possibilit dune disjonction entre sujet et objet.
196
en dpit de sa plus grande proximit structurelle avec lapproche rendue possible par notre
terrain : autant limmersion prsuppose au sein du champ correspondait lexprience
restitue, avec notamment une relle dimension empathique, ce ressort fondamental de la
recherche qualitative (Mucchielli, 2005 : 21) ; autant lapproche ne permettait pas de
restituer un aspect pourtant essentiel de ltude, savoir la proposition dune premire
structuration du champ tudi. Une dimension tlologique structurante et donc
transformatrice (Allard-Poesi & Marchal, 1999 : 45) a anim notre travail. Enfin, il nous
a sembl que le paradigme constructiviste offrait une grande diversit de possibles et
permettait dviter beaucoup des incohrences et autres contradictions souvent gnres par
un placage thorique sur un recueil de donnes empirique.

Si les recherches constructivistes [doivent] se qualifier, en principe, par leurs projets
davantage que par leurs objets (Charreire & Huault, 2001 : 40), ce fut bien notre cas : le
travail propos cherche avant tout dfendre une approche possible de lorganisation qui
exprime tout la fois une forme dexposition cohrente avec des principes dapprhension du
donn et dploie une comprhension possible au travers dune dmonstration des tenants et
aboutissants propres la fonction dontologie, un champ nouvellement cr encore au stade
de sa structuration. Cest aussi parce que les acteurs, pris dans une structure en perptuelle
volution, portaient eux-mmes une vision spcifique que la perspective constructiviste
semble particulirement adapte : un cadre thorique offrant tout la fois une mthode et un
lieu comprhensif, au sens o le mode dexposition retenu ne vient pas obrer la description
de lobjet, au sens aussi o ce mode se dploie dans son originarit propre. Cest en adoptant
une dmarche parallle de description de la construction de la dontologie et de proposition
dune thorie restant justement produire, que les deux sous-ensembles se rpondent et, nous
lesprons, convaincra combien nous avons cherch analyser les logiques daction et les
pratiques sociales en situation (Mucchielli, 2005 : 31).

De la sorte, nous viterons la contradiction patente qui subsiste souvent entre thorie et
pratique, la seconde venant assez mal appuyer la premire, laquelle en retour apparat plus
dconnecte de la ralit restitue : une utilisation errone de la thorie ne sert en rien la
description, et souligne une manifeste contradiction entre linscription dans un paradigme et
les objectifs et mthodes de recherche adopts (Charreire & Huault, 2001 : 44). De surcrot,
il faut souligner la complexit inhrente la situation observe : la dimension empathique
caractristique de limmersion propre notre observation constitue ainsi une pierre de touche
197
indpassable, qui nous a ncessairement amen participer au faonnement de la dontologie
dans le cours de son dploiement. Mme si la position dun constructivisme mthodologique
nimplique pas, loin sen faut, la ncessaire rfrence un objet constructiviste (disons, pour
faire court, un objet exhibant de lui-mme sa construction typiquement le cas ici expos),
cest aussi par raction aux deux autres paradigmes que nous avons effectu le choix
dexposition que nous justifions dans ces lignes. Par ailleurs, lexprimentation directe, si elle
nest pas ncessaire lexposition dune situation, facilite lapprhension de certaines
nuances, et permet de restituer le rle jou par les diffrents actants, lesquels participent la
co-construction de lexprience restitue : le recul de certains, la position dautorit des
autres, la position dattente de ceux qui il sagit de transfrer la connaissance, sont autant de
positions qui viennent, dans notre cas prcis, jouer un rle non ngligeable et dont il nous a
fallu tenir compte.

Au-del des fondements philosophiques prcdemment voqus, il nous parat par ailleurs
ncessaire de rappeler que le paradigme positiviste tient dune certaine faon pour assure
lexistence dune ralit extrieure exprime au travers de faits universels, donns comme tels
et non rfutables, encore que falsifiables, car garants dun critre de vrit dans leur
indpendance propre, toujours subsistants, que lobservateur existe lui-mme ou nexiste pas
(Le Moigne, 1995). La connaissance produite cherche alors le plus souvent oprer des
vrifications par rapport des hypothses remettant ventuellement en cause certains aspects
du postulat ontologique, sans pour autant jamais abandonner lide dune indpendance
essentielle de la ralit par rapport linstance productrice de connaissance. A supposer que
ces postulats soient acceptables, il faudrait, pour adopter une telle mthode dinvestigation
lgard de la fonction dontologie, supposer lexistence dun corpus tabli, dune
connaissance de la ralit dj apprhende, ce qui est loin dtre le cas, comme en tmoigne
le travail de revue de la littrature.








198
4.3.2. Quelles implications pour le programme de recherche ?
Ces lments poss, nous pouvons nous en retourner vers les sciences de gestion. Linclusion
de notre recherche dans un environnement mouvant, notre participation part entire ce
dveloppement, nous a permis de dvelopper une forte empathie avec les acteurs. Il a
galement fallu prendre du recul, des tentatives duniversaliser ce qui soffrait notre
perception.


4.3.2.1. Quelle cohrence dans lapproche constructiviste du rel ?
Comment parvenir sauver ces apparences dans le cadre dun travail raisonn, requrant
des prises de position visant organiser cette masse dinformations disponibles ? La posture
que nous avons adopte se veut tout la fois descriptive dans son propos, phnomnologique
dans son approche de lobjet dontologie, et constructiviste voire sociale-constructionniste
dans lordonnancement de ses restitutions. Le rle des actants est ici de premier ordre, en ce
quils contribuent pleinement la construction de la connaissance : soit en lorientant (point
de vue du suprieur hirarchique), soit en la nuanant (point de vue du collaborateur faisant
lui-mme acte de distanciation par rapport une situation vcue au sein de la Direction). Les
pages qui suivent justifient un tel parti pris.

Le courant constructiviste sest largement dvelopp en France, tant et si bien quil apparat
bien des gards comme un vritable paradigme (Le Moigne, 1995), mme sil arrive souvent
quil ne cache quun positivisme amnag provenant dune posture pistmique
proprement positiviste, glissant nanmoins vers une praxis constructiviste (Baumard, 1997).
Le point quil convient peut-tre de souligner est celui du rle jou par la phnomnologie
husserlienne dans la mise en place dune vritable mthode constructiviste, un rle qui lui
descend de la philosophie par lintermdiaire des travaux de Schtz (1932, 1940 et 1959), et
plus rcemment, sous ltiquette sociale-constructionniste avec Berger & Luckmann (1966),
lesquels ont pu souligner :

La sociologie de la connaissance envisage la ralit humaine comme une ralit socialement
construite. Comme la construction de la ralit a traditionnellement constitu un problme central
de la philosophie, cette perspective contient des implications philosophiques. [] Le sociologue
peut se dcouvrir lui-mme, peut-tre sa grande surprise, comme lhritier des questions
199
philosophiques que les philosophes professionnels ne sont plus tents dtudier (Berger &
Luckmann, 1966 =tr. fr. 1992, 2003
2
: 256).

Cette indication montre par ailleurs combien le positionnement pistmologique se trouve
tributaire de la tradition sur laquelle sorigine la sensibilit thique du chercheur (cf. toujours
Mucchielli, 2005)
140
.

Le point le plus fort de la critique formule par Baumard (1997) lencontre du
constructivisme la franaise, porte sur la tension existant entre le refus du prsuppos
ontologique (il nexiste pas de ralit en tant que telle), et lappel constant des textes
constructivistes un donn partir duquel la ralit se trouve construite pas les actants. La
remarque est en effet judicieuse, mais elle passe sous silence deux aspects importants : dune
part, elle apparie trop rapidement le donn positiviste, disposant de son indpendance propre
par rapport lobservateur, et le donn phnomnologique toujours dpendant de
lobservateur, ne parvenant qu une existence dgrade sans ce dernier. Dautre part elle
oublie lorigine phnomnologique du constructivisme, une origine qui sest historiquement
construite sur la base dun certain empirisme, en opposition au naturalisme et au
psychologisme flamboyant au tournant du sicle, et revendique comme vritable positivisme,

si par positivisme on entend leffort, absolument libre de prjug, pour fonder toutes les
sciences sur ce qui est positif, cest--dire susceptible dtre saisi de faon originaire (Husserl,
1913 =tr. fr., 1950, 1998
3
: 69).

Husserl ajoutant, dans un mouvement de dfiance : cest nous qui sommes les vritables
positivistes (Ibid. : 69)
141
.

Une certaine proximit entre les deux corps pistmiques doit ainsi tre accepte, en ce quils
sont a priori censs trouver leur origine dans la ralit. A cette diffrence importante que le
positivisme logique a tendance riger le principe ontologique en monisme ne pouvant tre

140. La rfrence explicite Schtz figure, chez Berger & Luckmann (1966), en divers endroits : ainsi, n. 1 p.
264.
141. Cest ceci que Schtz (1940), puis Berger & Luckmann (1966) ont assum, ouvrant notre sens la
possibilit des recherches de thmatiques et de modalits diverses, telles que Barnes (1988), Akrich (1991 &
1992), Latour (1992), Hacking (1999) ou encore Ihde & Selinger (2003).
200
remis en cause, l o la phnomnologie et, partant, le constructivisme, trouveront un terrain
dinterrogation essentiel leur dploiement (Bordeleau, 2005 ; Meyor, 2005). De surcrot, la
ngation du prsuppos ontologique, qui constitue le premier des caractres du
constructivisme, permet dinterroger pleinement le couple sujet / objet (dont on sait quil a t
dpass au moins une fois en philosophie avec Heidegger, cf. galement Ihde, 2003 : 133),
dans un refus de structures phnomnales immanentes.


4.3.2.2. Quelle construction sous-jacente ? Assumer le vcu quotidien
A ce premier principe du refus du prsuppos ontologique sajoutent deux autres lments
caractristiques du constructivisme : la participation llaboration (la construction) des
enjeux de recherche dune part, qui offre au courant sa perspective gntique et fonde la
ncessaire immixtion de lobservateur dans son terrain, une immersion partir de laquelle ce
dernier interagit avec les agencements socio-techniques qui peuvent lui faire encontre ; et la
construction dartefacts vise pdagogique dautre part, linteraction entre le chercheur et
son terrain devant tre pleinement assume par les deux ples rendant possible lobservation
(le chercheur, les actants). La notion de comprhension joue ici un rle indniable, et tient une
place proprement polysmique. Cest autour de ces trois principes constamment refonds que
sarticule le paradigme constructiviste : cest partir de ces fondements que peut merger une
authentique dmarche de recherche,

qui a pour projet de comprendre et dexpliquer comment les objets se structurent, afin de mieux
aider leur conception (Charreire & Huault, 2001 : 37).

Sur cette base, laquelle sajoutent les lments mentionns plus haut, il nous a sembl
lgitime de faire appel au paradigme constructiviste pour tudier le dploiement de la fonction
dontologie dans lorganisation qui nous accueillait.

Un tel choix nest pas sans soulever des questions, dont Latour (2003) sest fait lcho :
cherchant sauver le constructivisme des critiques qui lui sont le plus souvent opposes,
lauteur dploie un argumentaire remettant en perspective

les promesses caches derrire ce concept confus, des promesses qui sont tout la fois
pistmologiques, morales et politiques peut-tre mme religieuses (Latour, 2003 : 28)
201

Poursuivant :

Ce que je veux montrer, cest que le constructivisme est peut-tre notre seule dfense contre le
fondamentalisme, dfini comme la tendance refuser le caractre construit, mdiatis, des entits
dont lexistence publique a tre discute (Ibid.)

Cest dans cette ligne que nous dveloppons notre tude : il sagit bien de montrer comment
le paradigme constructiviste, offre un cadre de rfrence au sens o lentend Kuhn (1962), un
lieu dans lequel parvient se dvelopper la description des processus de ralisation des
artefacts tudis (structures abstraites, outils matriels, procdures organisationnelles, etc.),
qui ordonnancent le quotidien de la dontologie.

Pour autant, lapproche constructiviste ou sociale-constructionniste ne simplifie pas
linstrumentation de la recherche, bien au contraire :

Par nature, le constructivisme ne peut tre mis en uvre quavec beaucoup de difficults dans les
travaux en gestion. Son rle est alors probablement dinflchir la dmarche de recherche dans son
ensemble, ou encore linterprtation des rsultats dans une perspective moins mcaniste
(Charreire & Huault, 2001 : 54).

Conscients de ces difficults inhrentes aux protocoles constructivistes, nous navons pas
pour autant voulu carter cette possible exposition, qui devrait nous permettre de restituer les
logiques luvre dans le dploiement de la fonction dans un contexte fortement volutif,
demandant tre apprhend dans ses mdiations propres, et comme en opposition un
systmatisme, une rcurrence, tant la fonction connat encore ses premiers dveloppements.
Cest dans cette pratique quotidienne du terrain et dans notre cas, la pratique est devenue
vritable mtier que sarticulent et se construisent les bases mmes de llment tudi.

Cest ici que le recours la rfrence schtzenne acquiert sa lgitimit. Si la mthode
expressment phnomnologique trouve son origine dans les travaux thoriques de Schtz
1932 sq.), elle permet aussi de proposer une restitution spcifique. Lecteur de Husserl,
lauteur se donnait pour objectif de prendre place entre une sociologie objectiviste de type
durkheimienne, et lgologisme husserlien, trop philosophiquement radical au regard des
enjeux propres au dveloppement dune sociologie authentique. Loriginalit de Schtz rside
202
ainsi dans son point de dpart non exclusivement philosophique, mais galement juridique et
conomique
142
: il propose alors une sociologie profane soucieuse des dtails de la
quotidiennet de lhomme moyen, impliquant des typifications non ncessairement formules,
bien que rgentant en sous-main lapprhension de la ralit par le sujet pensant. Schtz
(1953) propose, en intgrant dans sa rflexion des lments de phnomnologie pure, une
approche spcifique du quotidien, fonde sur le dploiement dinterprtations
phnomnologiques dbarrasses des aspects figs des idaux-types wbriens. Partant de
lattitude naturelle, celle qui se donne dans le quotidien contextualis, Schtz souligne quil
est ncessaire de faire lpreuve de la typification avant que de la formaliser.

Cette reconnaissance du quotidien comme lieu de production des typifications lui permet de
distinguer deux niveaux dintelligibilit du sens :

la dcouverte du sens dans le cours de la vie quotidienne et linterprtation scientifique du sens.
Lessentiel de ses recherches a consist en une description de la constitution du sens de laction
sociale et de sa comprhension dans lattitude naturelle (Williame, 1973 : 98).

Dans le quotidien, les institutions, les dispositifs, les systmes de reprsentation nous
semblent avoir une vie propre, et leur dimension antprdicative les autonomise quelque peu
des sujets humains, qui peuplent nanmoins les couloirs et les salles des institutions tudies.
Pourtant, ces composantes ne peuvent tre pleinement disjointes des vecteurs sociaux les
produisant. Ce sont alors les liens constitutifs des rapports entre individus et environnements
quil faut parvenir restituer dans le cadre dune observation contextualise, comprise et
vcue comme telle par lobservateur. Et pour y parvenir, il faut reconstruire lenchevtrement
des actions socialement situes, observes dans la perspective dune restitution du vcu des
acteurs, en clairant la logique interne de laction, ainsi que le souligne Williame (1973).
Cest dans le dploiement dune approche foncirement anti-naturaliste que parvient se
construire peu peu le sens dune action dbarrasse de prsupposs biffant par trop souvent
ses ressorts propres : lintelligence du contexte permet de fait une restitution des langages
employs structurant les champs dintervention des acteurs.


142. Schtz tait avocat daffaires, et na abandonn ce mtier que dans la seconde moiti de sa vie pour se
consacrer ses travaux acadmiques.
203
Comprendre le phnomne dontologique en le construisant, en prettant une attention toute
particulire aux contextes socio-techniques rendant possible son mergence, voil ce que nous
proposons. Cette comprhension nous la menons dans lesprit des textes de Schtz et de
Berger & Luckmann, en manipulant

des processus de contextualisation. Ces processus de contextualisation effectuent justement
des travaux de mise en relation dun phnomne avec des lments scientifiquement
slectionns de son environnement global (Mucchielli, 2005 : 25).

Ceci explique notre recours massif des contextualisations, des restitutions mises en scnes
partir de nos prises de notes (4.2.5.), portant la trace de la confrontation de la recherche aux
objets construits partir dune comprhension possible du quotidien dontologique. Ce nest
pas le monde en soi ni le monde pour nous qui est objet de connaissance, mais bien
plus le monde empirique que nous pouvons restituer dans une construction propose au
lecteur, une lecture dun donn construit qui est signifi (Mucchielli, 2005 : 31)



4.3.3. Une tude de cas
Sur ces bases peuvent tre valids les lments constitutifs de ltude de cas tels que dtaills
par Yin, dont on rappellera nanmoins quil reste assez positiviste dans son apprhension de
telles tudes :

Une tude de cas est une recherche empirique qui tudie un phnomne contemporain dans son
contexte, lorsque les liens entre le phnomne et le contexte ne sont pas clairement vidents, et
dans lequel de multiples sources de preuves sont utilises (1984, 1989
2
: 23)

Cest aussi parce que nous faisions face une collecte de donnes non routinise que nous
avons choisi de faire appel ltude de cas restituant des situations saffranchissant des
discours produits par les organisations qui sont par trop travaills, et ne parviennent retracer
la gense des logiques de leur nonciation :

En fait, les documents doivent tre utiliss avec prudence et ne doivent pas tre accepts comme
des enregistrements littraux des vnements qui ont pu advenir. Peu de gens se rendent compte
quel point, par exemple, les transcriptions des auditions officielles faites par le Congrs sont
204
discutes par les membres du Congrs, et les personnes qui ont pu tmoigner avant leur
impression dfinitive (Yin, 1984, 1989
2
: 86)

Cest en corroborant les annonces officielles avec des lments issus de leur gense situe que
se dessinera comme en filigrane la dontologie financire porte par la fonction ponyme.
Cette comprhension, respectueuse du contexte et des modes dapprhensions retenus,
dispose dun poids ontologique propre, transcrivant la spcificit dun travail de terrain rig
comme mthode : ce qui lgitime a posteriori limportance de notre implication sur le site de
lenqute (Cfa, 2001 : 46). Le dploiement dune recherche assumant son versant
sociologico-phnomnologique permet doffrir une intelligence propre la dimension
antprdicative du monde social, qui prcde en toutes circonstances le dploiement de
laction ordonne. Cest en reconstruisant la dimension constitutive des objets tudis, en
lespce la dontologie financire, que pourront se rvler les logiques daction uvrant au
sein des structures de la socit.




















205















V. LA PRATIQUE DONTOLOGIQUE : UNE TUDE DE CAS
















206
Cest lissue dun stage dune dure de six mois que lide dun travail autonome sur la
fonction que nous venions de dcouvrir a peu peu pris forme dans notre esprit. Les
ouvertures offertes par la fonction, non encore tudie par luniversit, laissaient poindre la
possibilit dune tude sur un sujet neuf, situ aux confluents de questionnements proprement
philosophiques, sociologiques, organisationnels et financiers, autant de domaines articuls
autour dune pratique dun langage spcifique en cours de constitution. Lorsquil fallu offrir
une forme aux notes dobservation, ainsi quaux diffrents entretiens, sest pose une question
de dontologie et de mthode : nous nous sommes dj expliqus sur ce second point (4.),
revenons donc brivement sur le premier.

La question porte sur la restitution des vcus : comment rendre compte dun vcu sans que les
personnes observes ne soient mme dtre reconnues par les lecteurs, comment prserver
lanonymat des structures observes, lors mme quelles sont si bien caractrises par les
pratiques qui les animent ? Si Bruno Latour peut dire, dans son tude du Conseil dEtat, que
le droit parle dune voix impersonnelle et sre (2004
2
: 8), cela nest pas aussi net pour ce
qui concerne la fonction dontologie, cest mme lexacte inverse dans beaucoup de cas.

Lexposant doit tre mme de restituer dans leur finesse les processus menant la
production de la dontologie dans le cours de laction, car la dontologie personnifie la norme
juridique en lincarnant dans un contexte ncessaire sa comprhension. Sans situation, point
de dontologie : nous avons donc dcid de procder comme Latour, en restituant des
interactions sinon vritables, du moins vridiques. Les personnes, les organisations, les
situations que nous prsentons ne sont donc que des drivs, des produits de notre criture.
Les changes dcrits sont nanmoins ceux qui prennent place au quotidien dans les structures
observes, et le lecteur qui travaillerait dans lorganisation qui nous a servi de support
dobservation sy retrouverait trs certainement. Ceci pos, nous pouvons nous engager dans
la restitution des journes ordinaires dun dontologue.







207
5.1. INTRODUCTION
Nous avons propos, dans les parties prcdentes, une mise en forme possible explicitant le
rle de la fonction dontologie au sein des entreprises dinvestissement. Partant de cette
formalisation, nous allons prsent passer au crible de lexprience le processus de cration et
de diffusion de la dontologie par la mise en conformit des pratiques, tel que nous avons pu
lobserver, travers une tude de cas. De la sorte, nous entendons vrifier la pertinence de
notre modle explicatif et de notre thse, en les confrontant la pratique dontologique telle
quelle peut tre lue dans une structure dintermdiation financire classique.

La structure retenue, le Groupe MutualBank (MB), est un groupe mutualiste rcemment
introduit en bourse au travers dun holding cot, MutualBank S.A. (MBSA). Comme dautres
organisations bancaires et financires, le Groupe MB a choisi de crer une entit inclue dans
des structures de march, pour rpondre un besoin de financement que le systme mutualiste
ne lui permettait plus dassurer. MBSA se prsente comme une banque universelle, intgrant
en un vaste ensemble tous les mtiers bancaires, depuis une souche retail (la banque dite de
dtail ) jusquaux marchs de capitaux, en passant par la banque prive, le private equity, la
gestion dactifs, lassurance, les services financiers spcialiss (le crdit-bail ou leasing, le
crdit la consommation, laffacturage, etc.). MBSA possde ainsi une banque
dinvestissement, MutualBank Corporate and Investment Bank S.A. (MBCIB) qui offre elle-
mme une palette complte de services financiers, et est notamment prsente dans lindustrie
du courtage actions (equity brokerage). Le broker du groupe, MB Brokerage S.A. (MB
Brokerage), est une entit comprenant environ huit cents employs, rpartis pour moiti
Paris, et pour moiti en Europe et dans le monde, au sein de filiales, de succursales et de
bureaux de reprsentation situs dans les principaux centres financiers.


Une forte variance des terrains
Nous avons postul que la fonction dontologie, rencontrant sa raison dtre au lieu mme du
dploiement de laction des oprateurs de march, se trouve fortement impacte par le
contexte dans laquelle elle sexerce : rgissant les pratiques, elle tend de fait se structurer
208
selon le modle retenu par lactivit quelle supervise et oriente
143
. Partant de ce constat, il
nous a sembl intressant, un moment de notre recherche, de tester notre problmatique sur
deux terrains fortement diffrencis, lesquels nen demeuraient pas moins lis. Cette
distinction ontologique des terrains appelle nanmoins quelques remarques : si la fonction
dontologie se prte particulirement bien la description lorsquelle sexerce au sein dune
salle de march, aux cts des intervenants que sont les ngociateurs, les sales traders, les
sales et les analystes, elle napparat pas dans ses spcificits les plus propres lorsquelle se
dploie au sein dun holding bancaire qui, tant par son organisation que par sa culture, a tout
de ladministration dEtat. Comme la plupart des groupes bancaires franais, MBSA a t une
institution publique jusqu la fin des annes 1980, une priode qui a vu la privatisation de
plusieurs tablissements bancaires. Un vritable choix de prsentation se posait alors : fallait-
il exposer lobservation du dploiement de la fonction au niveau du holding pour ensuite
mentionner la seule pratique dontologique de terrain , ou bien au contraire passer sous
silence la premire pour ntudier que la seconde institution ? Sil nous a longtemps paru
difficile de faire abstraction du contexte organisationnel et des relations existant entre les deux
entits, nous ne pouvions nous rsoudre accorder autant de place, dans notre tude, aux deux
structures.

Il existe de fait une forte variance entre les deux terrains : les sphres dexercice de la fonction
dontologie ne comprennent que de rares similitudes, et les deux univers ne se recoupent qu
la marge du point de vue de la pratique dontologique : et pour cause, lactivit de la salle na
rien de commun avec lactivit du holding, dans lequel on tente de structurer, de rapporter,
bref dorganiser le cadre accueillant les entits de production. Cest au niveau des principes
mmes quil faut chercher un appariement des exercices de la fonction : bien des gards la
pratique de la dontologie chez MBSA diffre de beaucoup de celle que lon peut observer
chez MB Brokerage. Ces dissimilitudes structurelles sexpriment de prime abord travers une
apprhension diffrente de la temporalit propre lexercice de la dontologie : lurgence lie
lactivit issue des marchs actions chez MB Brokerage tend ainsi modifier en profondeur
le statut de la pratique dontologique, lorsque celle-ci peut trouver une expression plus
distancie chez MBSA. En somme, la gestion des dossiers ne rpond pas aux mmes
exigences temporelles dans les deux structures : pour qui vit dans la salle, lpreuve de
lurgence quotidienne aux cts des oprateurs de march ne laisse planer aucun doute quant

143. Voir notamment notre 3.1.5.
209
cette disjonction structurelle des deux activits
144
. Le caractre contextuel de la fonction
joue alors un rle structurant lorsquil sagit dapprhender la ralit dontologique partage
au sein du Groupe MB.

La variance structurelle sexprime galement au regard de ce que lon pourrait appeler la
gographie dontologique, tant les lieux dexercice de la fonction se diffrencient ; ce point
semble aller de soi, mais on a vite tendance oublier quil est dterminant. Au niveau du
holding, les dontologues travaillent le plus souvent dans des bureaux cloisonns, individuels
ou partags par deux ou trois collgues : lapprhension des pratiques sy effectue par
lintermdiaire de conversations tlphoniques, de-mails, de dossiers contenant parfois
plusieurs centaines de feuilles imprimes, et relve dune approche que nous qualifierons
didelle reprsentative. En regard de cette saisie, lapproche offerte par la salle de march
diffre compltement : si les divers moyens daccs linformation restent utiliss, les
problmes dontologiques sincarnent dans des situations vcues au lieu mme de leur
closion. Cest devant la station de ngociation, aux cts du sales trader, que le dontologue
doit oprer : former, effectuer des rappels lordre, rendre des avis, bref accompagner la
naissance de la pratique en situation.

Il rsulte de cette vidence une diffrenciation des types de dossiers et de problmatiques
dontologiques offertes la sagacit du dontologue : lorsquun cas remonte au niveau du
holding, cest le plus souvent dbarrass du bruit de la salle, dans les deux sens du terme : les
cris des oprateurs ne rsonnent pas dans les espaces feutrs du holding, les bruits attenants ne
figurent pas matriellement dans le dossier. Autrement dit, le passage de la salle aux bureaux,
signant un changement de contexte dcisionnel, offre deux apprhensions de laction
financire : dun ct, le dontologue se trouve pris dans laction (et cest justement l quil
doit se trouver afin de lorienter) ; de lautre, il dispose dun recul prcieux pour rendre son
jugement. Les deux situations ont les avantages de leurs inconvnients : le dontologue de
march doit prendre une dcision sur le vif, qui requiert de sa part une capacit sextraire du
contexte de laction alors mme quil sy trouve pleinement intriqu ; le dontologue du

144. Une telle disjonction se retrouve dans dautres fonctions supportant lactivit (par exemple les services
informatiques fournissant un support quotidien aux oprateurs, beaucoup plus ractifs chez MB Brokerage que
chez MBSA).
210
holding doit faire preuve dimagination afin de reconstruire le contexte qui napparat au
mieux quen arrire-plan dans le dossier qui lui est soumis.


Une restitution portant en filigrane la trace de cette variance
Les conditions dexercice de la fonction dontologie, dfinissant en quelque sorte des
systmes dontologiques sont multiples ; il nen reste pas moins que les principes
daction, sils trouvent leur expression dans des pratiques diverses, elles-mmes tributaires de
contextes diffrencis, demeurent en leur essence identiques : quelle que soit la situation dans
laquelle il se trouve, le dontologue doit tre mme dassurer le double credo du rgulateur,
savoir la protection des investisseurs et la stabilit du systme financier
145
. La primaut de
lintrt du client constitue ainsi une pierre de touche de la prestation de services
dinvestissements : celle-ci se trouve par exemple renforce par la mise en place de
procdures de gestion des conflits dintrts, dencadrement des activits de compte propre
chez les brokers ou de sgrgation des avoirs chez les grants de fonds.

Assumant la forte variance existant entre les lieux dobservation, nous avons dcid de faire
porter ltude de cas le poids de cette distinction ontologique, et de ne restituer dans le cadre
de ce travail que le terrain dontologique le plus directement, le plus facilement observable.
Ltude de cas porte donc en filigrane la trace de la variance constate, mais sorganise
nanmoins dans son autonomie propre : de la sorte, nous prsentons un terrain homogne, ce
qui, compte tenu de la nouveaut du sujet, nous a sembl prfrable. Nous nous situons
demble au sein de lorganisation pour observer lexercice de la fonction au plus prs des
marchs financiers, chez MB Brokerage, le courtier du groupe MutualBank. Ltude ainsi
constitue se fait porteuse dune identit forte, et gnre des questions et des rponses dont les
modalits dexpression pourraient diffrer si on cherchait les transposer dautres
structures. Ces questions et ces rponses soriginent nanmoins dans une communaut

145. Les missions de lAutorit des Marchs Financiers sont dfinies par lart. 621-1 du Code Montaire et
Financier : LAutorit des Marchs Financiers, autorit publique indpendante dote de la personnalit morale,
veille la protection de lpargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu
appel public lpargne, linformation des investisseurs et au bon fonctionnement des marchs dinstruments
financiers. Elle apporte son concours la rgulation de ces marchs aux chelons europen et international . Cf.
Loi n2003-706 du 1er aot 2003 de scurit financire.
211
principielle que nous allons tenter dillustrer. Mais auparavant, et en guise dintroduction,
nous voudrions rappeler brivement les principaux points acquis lissue des trois parties
prcdentes (revue de la littrature, problmatique et mthodologie).



5.1.1. Une lecture fonde sur une base no-institutionnelle
La revue de la littrature a permis de montrer que la fonction dontologie peut tre comprise
partir de quatre figures fondatrices de lcole no-institutionnelle. Nous avons en effet
propos de lire cette fonction comme capable de se dvelopper au sein dune organisation
donne, elle-mme incluse dans de plus vastes ensembles (lconomie mondiale notamment,
le modle de socit occidentale et plus spcifiquement ce que lon pourrait caractriser
comme le modle anglo-saxon, fond sur une apprhension jurisprudentielle des
problmatiques rglementaires). Cette fonction dontologie signerait son inclusion dans une
lecture no-institutionnelle en rpondant aux quatre modalits que nous avons caractrises
dans notre revue de la littrature. Les paragraphes qui suivent rappellent quels sont les
lments cl de lexplication, en ayant recours des exemples non encore voqus : si la
revue de la littrature permet de fonder textuellement la problmatique, les illustrations qui
sont fournies ci-dessous rinscrivent la comprhension gnrale de la problmatique et des
figures de la dontologie qui y sont associes et proposent un premier accs spcifique au
terrain retenu.


5.1.1.1. Figure du pli
La fonction dontologie se situe au lieu de lencastrement structural : fonction mdiatrice de
lorganisation, elle parvient exister pleinement par le truchement de rseaux divers encastrs
dans lconomie, ces rseaux tant tout la fois internes et externes aux organisations quelle
habite. Ainsi, lacceptation du dontologue au sein dune organisation ne peut se faire que par
la reconnaissance du terrain : un dontologue isol ne sert rien et les personnes en charge de
la fonction doivent tre mme de constituer des rseaux professionnels dont laction
sexprimera soit au niveau des structures professionnelles de lobbying, soit au sein du groupe
auquel appartient le dontologue. Pour ce qui relve du mtier, une distinction doit tre faite
entre les rseaux interprofessionnels, rceptacles des problmatiques dontologiques au
212
travers de rencontres formelles ou informelles via des structures reconnues, et les rseaux
intraprofessionnels. Si lAssociation Franaise des Entreprises dInvestissement (AFEI), la
Fdration Bancaire Franaise (FBF), ou encore le rseau MiFID Forum (M2F) sont des
structures interprofessionnelles, il existe nanmoins des communauts informelles de
dontologues
146
. Ces communauts, extrmement diverses, sont le plus souvent issues de
sociabilits ancres dans un pass commun :

Tu vois ce midi je mange avec J ean-Christophe, Cest un ancien de Cetelem, il bosse maintenant
la BNP. Et demain, je suis avec Anne, qui travaillait avant chez MB Asset Management. Elle est
maintenant lAMF J e vais rcuprer des nouvelles fraches et des potins
147
.

Les dontologues nhsitent pas recourir aux services danciens collgues travaillant dans
dautres structures, ventuellement concurrentes, pour leur soumettre un point de
rglementation ou de dontologie quils narrivent pas trancher, une question prcise sur une
situation dont on sait que lautre la dj rencontre par le pass. Il est assez remarquable que
cette habitude subsiste non seulement au niveau des holdings bancaires, mais galement dans
les filiales : la proximit des marchs ny fait rien, et la fonction dontologie constitue cet
gard une des rares professions agir de la sorte (de fait, on imagine mal un trader ou un
sales recourir rgulirement aux services de ses collgues dautres institutions pour rsoudre
un problme avec un client ou sur un produit). Ces rseaux de praticiens infusent littralement
le march et, sils ne sont pas en mesure de diffuser directement la norme dontologiquement
recevable, ils y contribuent nanmoins.

Les rgulateurs disposent eux-mmes de rseaux leur niveau, et il nest pas rare quils
produisent des textes destination de la profession pour recueillir tout la fois lavis du
march , tester de nouvelles ides, et ventuellement imposer par la bande de nouvelles
rgles. Un jeu subtil peut alors sinstaurer entre rseaux, que ce soit par la confrontation au

146. Le M2F (MiFID Forum France), n dune initiative de lAFEI dans le cadre des travaux dadaptation des
intervenants la Directive europenne sur les Marchs dInstruments Financiers (vote en 2004 et entre en
vigueur le 1
er
novembre 2007), tend dupliquer avec une anne de retard une structure britannique mise en place
Londres. Il se veut une structure dchange et de coordination regroupant les intermdiaires financiers, les
socits informatiques, les grants, les socits de conseil et les infrastructures de marchs, cre notamment
linitiative de lAFEI (prsentation propose par le site de lAFEI, www.afei.com, consult le 08/08/2007).
147. Conversation avec un dontologue de MB Brokerage, en date du 13/07/2007.
213
cours de discussions formalises, travers notamment la publication dune rponse au texte
propos (celle-ci pouvant tre par exemple porte par lAFEI), ou par change informel,
travers linvitation dun membre issu du camp rglementaire participer une runion de
praticiens par exemple. Ces situations ne sont pas isoles, ainsi que le montre cet exemple
rcent :


Consultation IOSCO sur la gestion des conflits dintrts en priode doffre (2006-2007)

LInternational Organization of Securities Commission (IOSCO) est une organisation internationale
cre en 1983 qui regroupe les rgulateurs des principales bourses du monde. Elle compte plus de 190
membres, rpartis en deux principales catgories : les membres ordinaires (rgulateurs des marchs de
valeurs mobilires) et les membres affilis (bourses, organisations financires, etc.). Lobjectif
poursuivi par IOSCO est dtablir des normes internationales permettant de renforcer lefficacit et la
transparence des marchs de valeurs mobilires, de protger les investisseurs et de faciliter la
coopration entre les rgulateurs afin de lutter contre le crime financier
148
.

Pour faire suite une consultation initie en juillet 2006, IOSCO publie en fvrier 2007 un document
consultatif sur les conflits dintrts en priode doffre publique. Le sujet est dimportance et il sagit
de proposer de nouvelles rgles mme de mieux encadrer les pratiques. Le texte est examin lors de
sances de travail runissant des dontologues issus des socits intervenant sur la march : sont ainsi
reprsents diffrents mtiers, de la banque dinvestissement au courtage en passant par la gestion.
Chaque dontologue formule ses remarques, donne son avis sur le texte, sa facture, ses qualits et ses
dfauts. Des discussions animes par un reprsentant de lAFEI permettent alors de dresser la liste des
modifications apporter au texte. Ce reprsentant propose ensuite un projet de rponse, qui est
comment et discut en sance plnire avant envoi IOSCO. Ce nest quune fois lintgralit des
rponses la consultation reues que IOSCO produit son tour un nouveau document, constituant
lavis proprement dit. Le texte na de valeur que consultative : nanmoins, IOSCO est une manation
des rgulateurs, il est donc assez courant que ces derniers prennent appui sur les productions
normatives qui sont ainsi proposes
149
.




148. Prsentation figurant sur le site de lAMF, www.amf-france.org (consultation le 08/08/2007).
149. Voir IOSCO (2007)
214
En ce qui concerne la consultation de fvrier 2007 relative aux conflits dintrts, lAFEI relve
notamment que le document semble rpondre deux objectifs non clairement distingus : le propos est
la fois gnral, qui voque les conflits dintrts, et spcifique, en ce quil pointe la situation propre
aux priodes doffres. Par ailleurs, lAFEI cest--dire, par son intermdiaire, les professionnels
intervenant sur le march profite de cette rponse pour demander que le texte produit soit compatible
avec les directives europennes, notamment la directive relative aux abus de march vote en 2003.

De la sorte sexprime le conflit culturel que nous avons dj mentionn dans le cours de ce travail :
IOSCO a produit des documents initialement destins des juridictions dont les textes couvraient
mal des points spcifiques. Si les principes (ou rgles) discutes dans le rapport propos sont destins
aux marchs disposant de cadres de rgulation moins dvelopps (ce qui inclurait plus
particulirement les pays mergents), il serait utile que le rapport le mentionne clairement .

Insistant sur ce point, le texte rappelle qu en Europe, nous avons besoin dune approche permettant
aux rgulateurs de chaque pays de mettre en pratique les principes de faon cohrente avec leur
propre philosophie de la rgulation, et avec les cadres lgaux propres chaque pays. Cette question
essentielle doit tre rsolue AFEI (2007 : 2). Comment mieux exprimer la proccupation constante
des dontologues de pouvoir travailler partir de bases rglementaires respectueuses des
soubassements juridiques qui leurs sont propres ?

Un dontologue ayant particip la runion mentionne par ailleurs ce point de faon claire : Vous
avez lu le draft de rponse cest pas mal a permet de rappeler que ce mtier nest pas (encore) un
mtier destination des botes anglo-saxonnes. Cela tant, faut pas se faire dillusions, ce sont
souvent eux qui ont le dernier mot .

Aprs une brve vocation de la place de lAMF et du point de vue franais lors des runions IOSCO,
ce mme dontologue ajoute :
Le plus drle dans laffaire cest que nous avons vu une personne de lAMF, participant elle-mme
aux runions IOSCO. Elle nous a avou que le papier avait t pondu car IOSCO ne pouvait pas
rester sans rien faire aprs Enron et Parmalat. Cest pas tonnant que le papier soit un peu schizo, et
quil essaye de cumuler les deux approches dailleurs si vous regardez bien, il y a un exemple, cest
Parmalat
150
.

Ces lments laissent percevoir la manire dont se construit la norme internationale et la faon dont le
dontologue peut y participer, quoique marginalement. Ce qui importe en lespce, cest de bien saisir

150. Conversation informelle avec un dontologue lors dune runion AFEI sur le texte IOSCO, mai 2007.
215
le rle structurant que peuvent jouer les rseaux de particiens formaliss tant chez les rgulateurs que
chez les dontologues.



Au-del de cette participation des rseaux de praticiens, le dontologue doit tre mme de
tisser des liens avec les interlocuteurs cl des mtiers : il sagit pour lui de disposer de relais
informatifs lorsquil se trouve embarqu dans laction en situation, par lesquels il pourra
collecter ou diffuser sa parole. Ces relais peuvent tre ceux qui parviennent formuler le
leitmotiv Et maintenant, quest-cque jfais ? qui nous a servi de fil conducteur jusqu
prsent. Nous verrons plus loin que la salle de march est un lieu trs structur qui dispose de
ses rfrents, de sa topologie, et dans laquelle il nest pas ncessairement ais de se faire une
place, tout le moins de se mlanger
151
: un analyste sattardera rarement devant les desks du
middle office, un sales trader y passera plus souvent, mais plus facilement lorsquil y sera
contraint par un problme sur une opration.

Nicolas, dontologue de march chez MB Brokerage (D) : Faut pas gnraliser, a tient
beaucoup aux personnalits. Cest vrai que dans la grande majorit, chacun reste chez soi, alors
quon est deux cents dans un open space .
152
.

Nous avons vu avec Granovetter que laction est toujours socialement situe (2.4.1.1.) : le
dontologue, lorsquil se trouve en salle, illustre pleinement cette ide ; il est en constante
interaction avec les oprateurs, et si ceux-ci ont recours ses services, il se dtermine
galement par rapport eux. Fonction nodale de lentreprise, il reoit la visite de personnes
dont lorigine gographique et le statut au sein de lorganisation diffrent radicalement :
direction gnrale, analyse, sales, sales trading, middle, back, etc. Ce statut spcifique est
parfois reconnu par certaines catgories de collaborateurs :

Alexandre, travaillant au middle office sur un desk situ face celui de la dontologie (MO) :
Vous les dontologues cest diffrent, ils vous prennent moins pour de la merde, si jpeux dire .

151. Ce point se trouve bien document par Godechot (2003).
152. Afin de faciliter lillustration des cas, nous avons utilis des personnages fictifs, aux fonctions bien relles :
chaque personne se trouve identifie par sa fonction (D =dontologue, T =trader, etc.). La liste des personnes
convoques dans le cadre de ce travail, ainsi que leur fonction et lieu dexercice, figure en Annexe 3.
216

Tous les services reprsents au sein de la salle sont ainsi amens, dans lexercice de leurs
activits, recourir au dontologue : cest toujours dans un contexte particulier que lon a
besoin de lui, de son interprtation dune rgle, voire de sa capacit lgifrer sur le vif, ou
mettre en place des dispositifs durgence lorsque la rgle nexiste pas. Pour que les oprateurs
viennent lui, il est essentiel quil soit accept, reconnu pour sa capacit trouver des
solutions, dnouer des ambiguts ; cest son habilet dmler des situations le plus
souvent complexes, qui lui confre sa qualit. Les dontologues eux-mmes dcrivent ces
relations avec les mtiers comme une interaction sociale duale, tout la fois attirante et
rpulsive :

Nicolas (D) : tre dontologue, cest vivre en permanence dans une relation de type je taime
moi non plus .

Guillaume, dontologue chez MBCIB Hong Kong (D) : Cest toujours quand ils sont
emmerds quils viennent nous voir .

David, dontologue de march, adjoint au Responsable de la Conformit des Services
dInvestissement de MB Brokerage (D"): Tu vois rarement un trader se pointer sil nest pas
dans une situation inextricable []. En dfinitive, notre rle consiste remettre de lhuile quand
la machine sest grippe .

Caroline, dontologue de march chez MB Brokerage (D) : Nous on est toujours appels les
bufs-carottes, nempche quils sont heureux de recourir nos services lorsquun client leur
pose problme .

Ce ressenti se fait prsent essentiellement chez les dontologues qui travaillent au plus prs du
march : certains dentre eux considrent, au regard de leurs attributions, quils participent
pleinement laction et contribuent faire le march autant que les oprateurs qui
excutent les ordres partir de leurs claviers, derrire les crans affichant les carnets dordres.
L se joue une diffrence assez puissante entre le dontologue en situation, sur le terrain de
lchange marchand, et le dontologue travaillant au niveau dun holding, ce dernier tant par
dfinition plus loign du march que le premier, et structurellement inclus dans une
temporalit diffrente. Sil veut faire les rgles de march, cest--dire les performer en y
contribuant, le dontologue doit se constituer un rseau de clients qui dirigera vers lui les
informations ou les oprateurs qui pourraient tre naturellement rtifs la demande
217
dinformation, au rcit, bref la confession
153
: cest notamment par ce rseau
dinformateurs internes quil parvient exercer son mtier
154
.

De la sorte, ltude de situations-types montrera que lexercice du mtier requiert du
dontologue quil soit une figure de ladaptation, mallable des contextes et des
comportements trs divers : une figure mme dimprimer sa marque via des rseaux dj
constitus (le plus souvent, les oprateurs de march ne se mlangent que sous le coup de la
ncessit), dans le but de donner du liant lorganisation. Fondamentalement, le dontologue
doit tre mme dagrger les volonts, de traduire dans des termes acceptables par tous des
situations souvent complexes, rsultant ventuellement de problmes de communication. De
fait, les oprateurs ne parlent pas tous le mme langage et ne manient pas les mmes registres,
ni non plus les mmes vocabulaires. A couter les dontologues, il apparat que cette ductilit
recherche ne doit pourtant pas leur faire oublier les principes premiers que sont le
dtachement, la capacit se dsencastrer, prendre du recul face aux faits rapports.

A ce sujet, il est intressant de noter quau mme titre que les mtiers de front office, la
fonction dontologique dispose de son vocabulaire et de ses utilisations propres, et il peut
arriver que derrire un mme terme figurent deux significations, tributaires des cultures dans
lesquelles ces termes sont utiliss. Ainsi, la notion dappropriateness renverra-t-elle en
France au caractre appropri dune opration financire au regard de la connaissance que le
client a du produit qui lui est propos, alors quun dontologue de Singapour y fera rfrence
pour exprimer un point de vue quant au risque financier port par lopration
155
. Mais ces
dcalages de comprhension peuvent intervenir entre dontologues franais :

Nicolas (D) : On a eu un cas comme a entre nous, on parlait de clearing / settlement [rglement
et livraison des titres] et pour nos interlocuteurs du back chez MB Titres ctait de la tenue de
compte conservation, alors que ce nest pas la mme chose du tout .


153. Le terme choisi est dlibrment fort, nous verrons plus loin (5.2.4.2.) quelle en est la raison.
154. Les termes placs entre guillemets sont issus dentretiens mens avec des dontologues en poste chez MB
Brokerage et chez HSBC.
155. Nous avons rencontr ce cas lors dune runion internationale de dontologues et compliance officers chez
MB CIB, en juin 2007.
218
Lutilisation dun langage technique est source de ces dcalages de signification, il revient au
dontologue de saisir cette dimension galement lie aux registres dlocution sil veut
parvenir sinclure dans les rseaux qui lui permettront daccder une information de
qualit, condition de lexercice de la fonction.


5.1.1.2. Figure du mme
Incluse dans des rseaux de sociabilits diverses, disposant de ses modes dinclusion propres,
la fonction dontologie exprime en son exercice ce que nous avons caractris comme une
forme disomorphisme, en ce quelle superpose dans le cours de son dploiement les trois
modalits identifies par la littrature (soit un triple isomorphisme tout la fois mimtique,
normatif et coercitif). Ce faisant, le dontologue homognise les pratiques de march et
contribue au dploiement dune dontologie donne sur un march donn. Au-del, la
diffusion mme de la fonction dans une Europe continentale a priori trangre cette pratique
dune forme de common law en situation contribue rien moins que ladoption de pratiques
dont les racines se trouvent dans la sphre juridique anglo-saxonne.

La dontologie a trait au faire, laction et se veut dessence pragmatique. Deux coles
dontologiques peuvent tre caractrises :

J rme, Directeur de la dontologie chez MBSA (D**) : De plus en plus, on assiste une
amricanisation des pratiques. Regardez par exemple la faon dont la FED nous impose ses
rgles avec le whistleblowing qui devient pratique instaure par le 97-02 []. Lorsque nous avons
mis en place, la demande conjointe (mais a ne trompe personne) de la Commission Bancaire et
de la FED, ce dans la droite ligne de ce qui est arriv au Crdit Agricole, Deutsche Bank et
dautres, un Programme de mise en conformit, je me souviens davoir eu en mains notre
document revu par la CB, lui-mme annot par la FED : celle-ci sest permis dannoter leur propre
correction : vous vous rendez compte ?
156
.

Nicolas (D) : Regarde sur les crans Bloomberg, chaque fois quun analyste parle, il y a un
disclaimer dans lequel il dtaille les points de lgitimation de son texte : il ne possde pas

156. Les groupes Crdit Agricole et Deutsche Bank ont tous deux fait lobjet, en 2003 et 2005, de svres
sanctions de la part de la FED, suite la caractrisation de manquements dontologiques. Voir en Annexe 1 les
lettres de la FED.
219
dactions de la socit, ses proches non plus, il a produit son analyse en toute indpendance, mais
il nest responsable de rien, etc. Chez nous a devient comme a aussi : tu nas qu voir la
longueur des disclaimers quon ajoute aux rapports de recherche .

Ces propos illustrent brivement la diffusion dune pratique anglo-saxonne de la dontologie,
selon un triple isomorphisme :
Isomorphisme mimtique dans le cas (i) de la transposition dune rgle typiquement
anglo-saxonne dans un contexte latin, avec notamment un conflit entre deux types de
droit ;
Isomorphisme coercitif dans le cas (ii) de la gestion du passif juridique dun rseau
bancaire, avec la mise en place dune fonction renforce de conformit en France dans les
tablissements, pour faire suite notamment laffaire Executive Life et aux dmls du
groupe Crdit Agricole avec la FED
157
;
Isomorphisme normatif dans le cas (iii) de la diffusion dune pratique (une forme de
dsengagement) lie une profession elle-mme normative, celle danalyste financier
(Beunza & Garud, 2007 : 35).

Ce ne sont l que de simples exemples qui pourraient sembler isols : le lecteur se rendra
compte, au cours de sa lecture, que lisomorphisme constitue une modalit explicative de la
pratique dontologique. Les trois exemples proposs sont ainsi mis en uvre par
lintermdiaire de la fonction dontologie :
que ce soit dans la transposition (i) dune rgle dontologique visant favoriser le
dclenchement dalertes, amener les oprateurs tirer la sonnette dalarme
lorsquils font face une situation dont ils ont le sentiment quelle droge aux
rgles (isomorphisme mimtique) ;
que ce soit dans lutilisation (ii), par le rgulateur amricain, de la fonction dontologie
pour diffuser lensemble de la profession des standards propres la pratique amricaine
du mtier bancaire (isomorphisme coercitif) ;
que ce soit dans la mise en place (iii) de comportements visant assurer la transparence
vis--vis des investisseurs (Nicolas (D) : lanalyste est amen signer avec son sang
quil est honnte, gare lui si on le prend le doigt dans la confiture , isomorphisme
normatif).

157. Pour un rcit analytique des vnements ayant concouru laffaire, voir De Blic (2000).
220

On a donc avec la dontologie affaire une fonction qui constitue un canal de diffusion dun
isomorphisme de place tel quil a pu tre dcrit par lcole no-institutionnelle. Ceci
sexplique pour au moins deux raisons : dune part, le dontologue agit potentiellement sur
toutes les pratiques se dployant au sein de lorganisation, il constitue donc un point dentre
privilgi pour diffuser des formes spcifiques daction ; dautre part il a galement pour
mission de rprimer, de sanctionner les collaborateurs ne respectant pas les rgles.

La coercition sexerce ainsi quotidiennement : elle nest pas ncessairement spectaculaire, elle
nen demeure pas moins un puissant vecteur de normalisation. Citons titre dexemple le
contrle queffectue quotidiennement le dontologue des oprations pour compte propre du
personnel dit sensible au regard de lactivit. Ces personnes, compte tenu de la nature de
leur fonction ou de leur activit, peuvent tre amenes entrer en possession dinformations
privilgies sur un metteur, ou sur la socit qui les emploie : typiquement, les sales traders
peuvent tre amens, au dtour dune conversation, disposer dinformations avant que
celles-ci ne soient rendues publiques, lorsquun informaticien ayant accs aux systmes
connects aux marchs disposera de son ct dune vue plus ou moins large des ordres passs
au fil de leau. Pour cette raison, des procdures encadrent strictement les achats et ventes
dinstruments financiers que ces collaborateurs pourraient effectuer pour leur compte propre :
le plus souvent, les personnes amenes exercer une fonction leur permettant daccder aux
carnets dordres se voient ainsi interdire toute transaction sur instruments financiers. Les
services support, quant eux, peuvent tre autoriss effectuer certaines transactions sur des
OPCVM par exemple, des instruments dans la gestion desquels ils ne peuvent intervenir
directement.

Le dontologue sassure donc que les personnes concernes dclarent bien leurs transactions
avant de les effectuer, ce dans le but de vrifier dune part que les personnes neffectuent pas
des transactions sur les titres placs sous surveillance, et dautre part de sassurer que les
comportements lachat et la vente ne sont pas aberrants (manipulatoires). Il arrive
nanmoins que certaines personnes oublient deffectuer une dclaration, le dontologue
effectuant dans ce cas un rappel lordre
158
:


158. Nous renvoyons sur ce point notre 5.2.4.2., et galement la Situation 17.
221

04/03/2008, 15h03 Mail envoy par Caroline (D) Stphane, informaticien au Support (IT) :
Stphane,
Sauf erreur de notre part, nous constatons que tu as effectu une transaction sur le titre Total sans
la dclarer. J e te rappelle qu'il est obligatoire de dclarer systmatiquement et lavance
lensemble des oprations que tu effectues sur des actions. J e te remercie de bien vouloir te
conformer cette rgle lavenir.
Caroline

04/03/2008, 15h11 Rponse faite par Stphane (IT) Caroline (D) :
J e crois tre, dixit lun dentre vous, lune des personnes tre la plus rigoureuse pour la
dclaration de mes oprations. Pour ce qui est du cas voqu, cest des oprations de REPORT,
donc je nai pas besoin de dclarer.

04/03/2008, 15h11 Rponse faite par Caroline (D) Stphane (IT) :
Stphane,
Les oprations de report sont des oprations qui ncessitent un acte positif de ta part : ce sont donc
de nouvelles ngociations qui doivent tre dclares comme telles.
Caroline



Dans ce rappel, le dontologue donne la norme, et lexplicite pour le collaborateur rticent.
Un contrle est alors effectu a posteriori, partir de loutil de dclaration voqu dans
lchange. Cette centralit de laction dontologique est essentielle lorsquon cherche
caractriser les diffrentes formes disomorphisme rgnant chez les prestataires de services
dinvestissement :

Dominique, dontologue chez HSBC (D) : Moi cest comme si je sautais au milieu de ce quils
font pour en tenir les principes, tu vois cest pour a que je peux dire que je tiens mes quipes. Ce
nest pas toujours vident, surtout quand tu es une femme .

J ean-Franois, trader sur drivs actions chez MBCIB (T) : Dans la bote dans laquelle jtais
avant, le dontologue tait un planqu, il ne venait jamais dans la salle, il avait trop peur de se
faire frapper, et puis il comprenait rien ce quon y faisait. Cest un naze .

222
Cest parce quil tient ses quipes, quil est un rouage ncessaire de lisomorphisme sous
ses diffrentes formes : non reconnu pour ses capacits comprendre lactivit quil doit
superviser, non respect, il ne peut esprer disposer des ressources suffisantes pour se faire le
vecteur de lisomorphisme.


5.1.1.3. Figure de la transcendance
Nous lavons vu, la fonction se doit dtre lgitime aux yeux des oprateurs de march, cest
pour elle un pr-requis :

Adam (D) : Si tes pas reconnu, tes mal, tu peux pas faire ton job en fait
159
.

Cest en sappropriant des figures transcendantes que le dontologue parvient se faire
accepter : non seulement il lui faut tre en mesure de sapproprier les langages circulant dans
son contexte, matriser les registres, mais galement les rfrents culturels et symboliques
utiliss. Dans le discours des dontologues et des oprateurs, deux figures transcendantes
reviennent le plus souvent : lune policire (exprimant la dimension rpressive de la fonction),
lautre religieuse (exprimant la dimension sacramentelle de la fonction). De fait, le
dontologue est celui qui non seulement dicte la norme (il est aid en cela par les juristes),
mais surtout lexplicite, la met en uvre. Lgislateur de terrain , le dontologue inscrit la
norme dans la pratique, il linstaure en lincarnant. Lorsquil performe cette instauration, il
peut lui arriver de rprimer : nous lavons mentionn, le cadrage de laction passe de temps
autre par un rappel ferme, voire une sanction.

David (D") : a dpend vraiment des personnes, gnralement on a des clients, des abonns [],
cest toujours les mmes qui ont les dossiers pourris et qui font des conneries. Au bout dun
moment on est obligs de sanctionner .

Nicolas (D) : Le non respect patent des textes nous impose de sanctionner. Souvent, je vais
prvenir le type et son suprieur avant denvoyer mon mail de rappel, sinon je me grille pour
lavenir et le type se ferme comme une hutre .


159. Cf. notre 2.4.3.2. (b), p. 104 sq.
223
Guillaume (D) : Les types du contrle interne me font chier parfois. Ils sapent mon boulot en
appelant les mecs et en les traitant comme de la merde tas pas fait ci, tas pas fait a, et
pourquoi tu as allou tardivement, et pourquoi tas fait des achets-vendus, et pourquoi etc. en
mme temps cest normal cest leur job nempche que moi derrire je dois grer le retour, les
ego des mecs qui sen sont pris plein la poire, et qui le plus souvent te disent si jai pas suivi la
procdure, cest quelle est merdique .

Le dontologue intervient en parallle du contrle, tout en tant lui-mme assujetti au
contrle. Il sagit l du contrle permanent, qui nest par ailleurs pas reprsent dans la salle,
les personnes y travaillant tant loges dans un bureau annexe, matrialisant de la sorte la
distance ncessaire lexercice de leur activit. Intervenant comme des auditeurs internes,
effectuant un contrle dit de deuxime niveau, ils contrlent en permanence que les
procdures sont respectes, en effectuant des contrles spcifiques. Lorsque le rsultat de ces
contrles laisse apparatre un manquement, une erreur, il revient souvent au dontologue de
prendre contact avec le ou les oprateur(s) concern(s) pour fournir une explication de
lerreur
160
. Dans un second temps, le dontologue peut galement tre amen proposer une
sanction, la discuter mme avec le suprieur de loprateur concern.

Ce rle de cadrage et de recadrage ne constitue pas lessentiel de son activit, mais cest
souvent ce rle qui, dans limaginaire collectif des oprateurs, demeure.

Michel, ngociateur chez MB Brokerage (T), sadressant un de ses collgues ngociateur :
fais gaffe vla les buf-carottes .

Michel (T), cette fois-ci Nicolas (D), passant ses cts : cest lui, eh venez voir cest lui qua
fait plonger Rhodia ce matin, faut lenvoyer en taule. Alors Oliv tu fais pas lfier un, maintnant
quy a lbuf-carottes ct de toi ? .

Benot, Responsable du Corporate Brokerage (CB*), tendant les mains comme si Caroline (D)
allait lui passer les menottes : Quest-ce que jai fait ? J e peux parler mon avocat ? .

Paralllement, le dontologue est vu comme le prtre , gardien du temple de la morale ,
celui qui nonce une forme de vrit de laction :


160. Pour la distinction dattributions entre dontologie et contrles, voir infra le 5.2.2.1.
224
Patrick, ngociateur la facilitation (TF), sadressant un de ses collgues sales en prsence du
dontologue : Tu vois, cest la parole rvle quil faut suivre .

Rachida, analyste financier (R), aprs avoir expliqu comment elle a construit son rapport
danalyse en tenant uniquement compte dinformations publiques alors que la banque MBCIB est
partie prenante laugmentation de capital prvue par la socit suivie : Bon voil, jai t voir
le prtre habituel .

Eric, Responsable de lexcution (T*), sadressant David (D") : J e tai dj dit que tu devrais
mettre un grille-chtaignes disposition des personnes qui viennent te parler [restituant en cela un
confessionnal virtuel] .

Certains dontologues jouent de ces reprsentations : surtout en salle de march, o les
relations peuvent tre tendues, il est important pour le dontologue de savoir user de ces
images de surface censes caractriser ses modes de fonctionnement, qui renvoient par leur
transcendance une lgitimation quasi antprdicative, comme donne par avance, pour
pouvoir faire passer ses messages. Dautres dontologues se prennent au jeu et intgrent cette
dimension dans leur vocabulaire et dans les reprsentations quils se font de leur pratique :

J rme (D**), au sujet du dmnagement de son service dans un autre btiment : J e ne suis pas
trop pour, jai de linformation ici, les gens viennent plus facilement pour se confesser, cest loin
des bureaux .

Cest en ayant explicitement recours ces rfrents iconiques que le dontologue et
loprateur rinscrivent chacun la conversation venir dans des rles partir desquels les
messages pourront tre vhiculs sans trop de heurts, via des mcanismes typiques de sous-
conversation
161
. Etrangement, ce sont ces deux seules figures qui sont les plus patentes, le
prtre qui donne la confession, qui garde les lois, les normes sacres spares de laction (le
texte rglementaire ntant que rarement opratoire), qui rend justice lorsque cela est
ncessaire (par exemple en effectuant une coute de bande pour fonder ou non la rclamation

161. Sarraute (1956, 1987
2
: 120) voque ainsi le jeu serr, subtil, froce, [qui] se joue entre la conversation et
la sous-conversation .
225
dun client) ; mais galement, le flic , linspecteur de la norme et celui qui a
potentiellement le pouvoir de mettre lombre loprateur indlicat
162
.


5.1.1.4. Figure de lautre
Nous avons pu montrer combien la fonction travaille la notion de culture : si cest toujours
chez lautre que le dontologue intervient, et il peut lui tre et il peut tre reproch aux
dontologues de ne pas comprendre ce qui se passe sur le march : cest ici que se rvle la
reprsentation dune dichotomie entre front office et fonctions supports .

Un directeur dactivit chez MBCIB, intervenant lors dune journe ddie la fonction
conformit en juin 2007, sadressant un aropage de dontologues : J attends de vous que vous
fassiez leffort de comprendre nos mtiers, nhsitez pas demander des formations, je vous
enverrais des oprationnels pour vous expliquer nos activits, nos produits, nos clients .

J ean-Franois (T) : Comme je te lai dit, le ntre tait planqu, il comprenait rien. Tu lui parlais
de la MIF [la Directive europenne], un sujet sur lequel il bossait, tu lui parlais de lunbundling [la
distinction des frais de courtage et de recherche] et tout et tout, et visiblement, il ne savait pas ce
que ctait. Cest tragique ; cest un naze .

Guillaume (D) : Il faut reconnatre que jusque rcemment, il y a eu deux types de dontologues :
les anciens patrons dactivit qui ont t placardiss, et gnralement ils font moins defforts que
les jeunes pour comprendre un produit structur et les autres, plus jeunes .

Le dontologue se trouve dfini par ce quil nest pas : au mitan de cultures diverses, avec
lesquelles il doit en permanence composer, ou plus exactement se composer, il doit avant tout
tre mme de se modeler par rapport lautre. Cet autre est multiple : nous avons dj
voqu lautre du point de vue fonctionnel, mais l nest pas le seul autre en regard duquel le
dontologue doit tre mme de se dfinir. Il doit en effet se mettre en retrait tout en
saffirmant, cest--dire parvenir mettre de ct une partie de ce qui le caractrise en propre
pour offrir la surface qui permettra lautre dimprimer au plus nettement sa position, qui

162. Ces points sont tudis en dtail au 5.2.4. A noter que ce rle dinspection, ainsi que le qualificatif de
buf- carottes devrait en toute rigueur revenir aux membres du contrle permanent
226
permettra lautre de se livrer pleinement. Il faut que lautre sache quen permanence, il sera
reu, cest--dire entendu, cout et compris par le dontologue :

Olivier, Responsable de la vente chez MB Brokerage (S*), sadressant David (D") : Il faut que
je te parle. Tu me dis quand tu peux mcouter .

Benot (CB*) : Il faut que lon se voie. J ai besoin de toute ton attention sur un sujet chaud .

Caroline (D) : Au dbut, les trois premiers mois, jtais creve. J allais dormir de temps autre
dans les toilettes tellement jtais puise. Il faut grer le bruit de la salle qui est toujours l, et
surtout tre disponible en permanence. Sinon a sert rien .

En dfinitive, le dontologue est au sens propre une fonction support : cest une fonction qui
supporte lautre, en ce quelle lui offre les fondements de son activit, en ce quelle impose
galement celui qui lexerce de se montrer rceptif et comprhensif ; il doit parvenir faire
sien le point de vue de lautre, sans pourtant jamais oublier la nature de sa fonction, qui tient
dans le retrait de la rflexion.

Pour ces diffrentes raisons, les dontologues en poste ne parviennent pas toujours, loin sen
faut, canaliser les pratiques des oprateurs. Lors des changes que nous avons pu avoir avec
les diffrents dontologues de la salle, tous ont mentionn plusieurs reprises ne pas parvenir
conserver de faon permanente une qualit dcoute, une disponibilit, bref une ouverture
loprateur venant qurir le renseignement. Si les personnes interroges reconnaissent delles-
mmes quil est des cas o a ne passe pas , des cas o a ne prend pas , il nous a
toujours t extrmement difficile dobtenir plus de dtails quant aux raisons de ces checs.
Lune des principales causes que nous identifions nanmoins rside dans le positionnement
pour le moins ambigu du dontologue dans lorganisation : volontairement dtach des
fonctions engageant la socit (les fonctions commerciales par exemple), il nen reste pas
moins quil se doit dintervenir au cur de la prise de dcision ( Et maintenant, quest-cque
jfais ? / Compte tenu de la situation, je ferais ). Par ailleurs, et au-del de son
acceptation par diffrentes populations, il doit tre mme de garder en permanence une
distance avec loprateur, sans pourtant sen loigner (cf. 4.1.3.). Ces lments laissent
percevoir la difficult du positionnement dontologique au cur de lorganisation, une
difficult qui peut apparatre rapidement et mener lchec la performance de la dontologie.
5.1.2. Une problmatique en quatre tapes
227
Afin de clore cette introduction de notre tude de cas, nous allons prsent rappeler
brivement la question de recherche nous ayant servi de fil conducteur, et les principales
articulations de la thse que nous dfendons :


La fonction dontologie prend en charge, dans ses diffrentes dimensions, les interrogations
des oprateurs : Et maintenant, quest-cque jfais ? . Lorsquil formule une rponse
possible ce questionnement, le dontologue fait merger une signification pour une situation
donne, en traduisant les textes dans le contexte. Il performe le texte dans cette adaptation, et
joue sur les reprsentations. La rponse formule matrialise le passage des paroles aux
actes, ce passageinstitutionnalisant les pratiques acceptes dans la salle de march.

De la sorte, la fonction dontologie apparat comme une fonction mdiatrice de
lorganisation qui, agissant au travers de modalits spcifiques (performativit, donation du
sens et traductions) (i) lgitime laction de lorganisation dans laquelle elle sinscrit et (ii)
lgitime le march aux yeux de la socit. Cette double lgitimation seffectue dans le
silence dune performativit qui lui est propre et qui oriente les actes et pratiques des
collaborateurs. Leffectuation de cette performativit joue sur linvestiture de la
dontologie comme fonction autorise, lgitime dans son exercice.

La fonction se fait vecteur dinstitutionnalisation des pratiques par lintermdiaire de ses
conseils, ses sanctions, ses interprtations, qui sont autant de modalits visant orienter et
corseter les pratiques de march.



Le dploiement de la fonction dontologie dans les organisations trouve son fondement dans
un problme de rputation, qui fait suite aux grands scandales comptables et financiers des
annes 2000 (Enron, Parmalat, Worldcom). Ce problme de rputation, dj identifi mais
non vritablement verbalis au milieu des annes 1980, se laisse formuler sous le terme de la
reprsentation
163
. On peut en effet soutenir que la fonction dontologie a t institue pour
agir au plus profond des reprsentations, avant mme que celles-ci ne soriginent, afin de

163. Voir le rapport Brac de la Perrire (1988), mentionn dans notre 2.2.1.
228
retenir en amont (comme par anticipation) lacte qui pourrait tre dsapprouv. Cest en
assurant une meilleure rgulation des pratiques que la place financire sera sinon plus
apprcie, du moins moins critique
164
. Si lon met de ct les malversations volontaires,
force est de constater que dans un environnement de plus en plus complexe, o linnovation
financire donne lieu des changes dont le volume quotidien ne cesse de grossir, un
environnement au sein duquel se rencontrent des forces parfois antagonistes et disposant
chacune de leur apprhension de la ralit des pratiques de marchs, il devient vite impossible
de matriser les interventions des collaborateurs. La dontologie est l pour homogniser les
pratiques et, en retour, contribuer la cration dune pratique et dune image unifie des
services dinvestissement tels quils sont exercs au profit des pargnants et des investisseurs.

Ce problme de reprsentation oblige les organisations et les Etats influer sur les pratiques
de leurs employs. Il y va l de la prennit du systme conomique et financier, fond sur la
confiance des investisseurs (le taux dintrt, le crdit, la gestion des crances expriment
avant tout une confiance en lavenir du systme financier, soit en la capacit des emprunteurs
rembourser les lignes de crdits qui leurs sont alloues). Cette confiance transparat
galement lorsque lon regarde loffre et la demande des instruments drivs (options dachat,
de vente, indexes sur des sous-jacents cash ou indiciels), ou les cours de bourse, dont on
constate de plus en plus quils anticipent en permanence les rsultats des socits
165
. Il faut
donc que les organisations disposent dune fonction qui tout la fois contrle et donne le
cap, cest--dire une fonction qui soit mme dorienter les pratiques en traduisant les
normes dans des conseils et des formations clairant la pratique. Lide sous-jacente tant
celle dune meilleure connaissance de lenvironnement rglementaire et, partant, dune
meilleure incarnation des textes dans les actes des oprateurs. En somme, cest parce que le
trader aura compris et assimil sinon lessence, du moins les principes de la rglementation et
de ses attendus, quil souvre la possibilit de lappliquer conformment la volont exprime

164. Voir en cela AMF (2006b : 5), un document de consultation exposant les principes dune meilleure
rgulation : Cette dmarche doit nous permettre une plus grande efficacit dans lexercice de la mission de
protection de lpargne que nous a confie le lgislateur, et pour le dveloppement de la place, qui exige de
lAMF lisibilit et professionnalisme . Voir galement AMF (2006d).
165. Ainsi, il nest pas rare aujourdhui qu la publication de rsultats de bonne facture, le cours de laction de
lmetteur baisse substantiellement : cette baisse en apparence irrationnelle se trouve justifie par lanticipation
des analystes et des intervenants, qui contribuent lexpression du consensus.
229
par le rgulateur. Lorsque cette rglementation ne fait pas sens, ou que la situation rencontre
ne se trouve pas couverte par le texte, le dontologue a pour tche de dlivrer un conseil qui
manifeste le processus de traduction incarnant le texte dans la pratique. Linterprtation
fournie en retour par le dontologue est une traduction des motivations exprimes par le
rgulateur et vaut pour diffusion dune morale financire partage.

Traduire, cela revient donner du sens, agir sur la signification et expliciter de faon
pdagogique les raisons motivant la mise en place des rgles de march par les rgulateurs
nationaux, europens ou internationaux. Cette donation du sens passe par lhermneutique des
textes, mais galement la pdagogie sans laquelle il nest de vritable dontologie. Le
dontologue est ainsi celui qui signifie en ce quil oriente laction de ses sujets : par ses
conseils, il structure les actes des personnes sur lesquels il veille. Il est aussi une figure en
retrait : une fonction support, qui ne gnre pas de revenu autrement que dun point de vue
conomique, cest--dire qui vite lorganisation de perdre des actifs matriels (en vitant
les sanctions pcuniaires) et immatriels (en vitant que limage de lentreprise ne soit
corne), ce qui dans un univers o prime la visibilit de largent gagn au travers des
commissions verses par les clients nest pas ncessairement vident. La fonction dontologie
est une figure que lon peut donc lire en creux, une figure en un sens invue , comme sous-
jacente et support au sens propre du terme. Ds lors, il nest pas anodin que la mtaphore de la
boussole soit reprise par certaines institutions lorsquelles voquent le rle de la fonction (cf.
notre 3.2.1.3.).

Pour se faire vritablement incarne dans les pratiques, la fonction dontologique na dautre
solution que de se faire performative : cest parce quelle parvient modeler les pratiques en
diffusant un discours que la pratique est mme de recevoir et dintgrer, que la dontologie
performe la rgulation. Plus que dautres professions, la fonction dontologie se rvle dans
son retrait, et parvient sa parfaite ralisation lorsque paradoxalement loprateur nen a plus
besoin : cest quand elle se trouve pleinement intgre dans la pratique au point de ne plus
ncessiter sa verbalisation quelle se trouve incarne dans cela mme quelle est cense
rguler. Avant datteindre cet tat de ralisation qui signe son accomplissement, la
dontologie se diffuse en infusant les pratiques : ce sont les modalits de cette diffusion que
nous allons explorer.

230
La restitution quasi-ethnographique laquelle nous procdons explicite donc les modalits de
la performance dontologique, en mettant en scne les interactions qui se jouent entre les
oprateurs et les dontologues dans une salle de march.




























5.2. DONTOLOGUE DE MARCH : LA FONCTION DONTOLOGIE DANS UNE SALLE DE
COURTAGE ACTIONS
231

Nous allons dsormais prsenter lactivit des dontologues en situation. Si, comme nous
lavons postul, les modalits de lagir dontologique sont spcifiques (ne serait-ce que du fait
de lenvironnement organisationnel et institutionnel), nous allons nanmoins souligner quelles
sont les constantes de cet agir spcifique. La dontologie en appelle toujours la facult de
juger, et le sujet qui sinterroge sur les pratiques est ncessairement amen peser, estimer
les motifs qui vont le pousser agir de telle ou telle sorte en fonction de la perception quil se
fait du contexte : perception des rgles, des pratiques, des autres acteurs, des consquences
lies ses actes, etc. Le terrain retenu est celui des marchs de capitaux : ltude porte ainsi
sur la fonction dontologie chez MB Brokerage, courtier (broker) du groupe MutualBank. Les
dontologues dont nous allons restituer le quotidien travaillent ici dans la salle, aux cts des
oprateurs de march.

Ltude souvre sur la restitution dune matine ordinaire (5.2.1.), qui nous permet
dintroduire directement le contexte socio-technique, certains intervenants, des
problmatiques lies aux conflits dintrt et la diffusion de la recherche produite par les
analystes. Nous dtaillons ensuite (5.2.2.) lorganisation propre MB Brokerage, en
soulignant la bicphalie de la Direction Conformit & Contrles et en montrant quels sont les
rles dvolus aux uns et aux autres. Nous nous tournons alors vers la salle (5.2.3.), afin
dexpliciter les diffrentes activits qui y sont menes, ainsi que les services et produits
proposs aux clients. Cest partir de cette prsentation que nous proposons (5.2.4.) de
dtailler plusieurs figures de la dontologie : tour tour conseiller, contrleur et en relation
avec les clients, le dontologue apparat ici dans son contexte, travers le rcit de dix-huit
situations caractristiques. Les thmatiques sous-tendant larticulation de la problmatique
interviennent dans chaque cas, et sont ainsi passes au crible de lexprience, pour tre soit
rvalues, soit confirmes. Une partie conclusive propose (5.2.5.) une synthse reprenant les
lments de la performativit dontologique : de la formulation des textes normatifs
linstitutionnalisation des pratiques, celle-ci peut alors apparatre dans ses modalits propres.



5.2.1. Introduction : un dbut de matine ordinaire
232
Lundi, sept heures du matin. J e sors mon badge de ma poche, le prsente devant le lecteur
figurant droite du sas dentre. Les deux portes en verre coulissent sans bruit et me livrent
accs un espace semi-circulaire lumineux et encore dsert. J e me dplace entre les traves
dlimites par les desks devant lesquels les ngociateurs (traders), les sales traders, les
vendeurs, les analystes prendront place dici neuf heures, et me dirige vers la place qui ma
t attribue. Celui-ci se diffrencie essentiellement des autres deux titres : je ne possde
quun cran, les oprateurs de march en ayant quant eux le plus souvent trois ou quatre ; il
rgne par ailleurs sur mon espace de travail une anarchie soigne, dfinie par des piles de
dossiers, notes, rapports de toute sorte.


5.2.1.1. Autoriser les changements de recommandations
7h05 Rituellement, je me connecte et vrifie rapidement les mails que jai pu recevoir
depuis la veille. Deux types de messages mintressent tout particulirement : dune part les
demandes de changement de rating* que les analystes auraient pu envoyer, eux qui sont l
parfois depuis une heure dj, dautre part les ventuelles mises jour des listes de
surveillance (Watch lists) ou dinterdiction (Restricted lists) concernant les titres devant faire
lobjet dun contrle attentif de ma part. Ces listes me sont communiques au fil de leau, ds
que la banque dinvestissement du groupe auquel la socit de courtage qui memploie
appartient travaille sur un nouveau deal ou participe lmission de nouveaux instruments
financiers, bref initie une opration avec un des metteurs sur lesquels un de mes analystes est
susceptible de produire une tude. J ustement, une nouvelle Watch list est arrive hier vers
vingt et une heures. J ouvre le fichier, le consulte rapidement afin de prendre connaissance
des nouvelles relations, oprations ou mandats initis et lenregistre sur le rseau informatique
que je partage avec les autres dontologues de lquipe. Nous sommes au nombre de quatre, et
nous dbrouillons pour assurer une permanence durant la journe, entre sept heures et dix-
neuf heures trente. De la sorte, nous sommes mme de venir au mieux en aide aux
collaborateurs du front office, de les conseiller sur des points de rglementation, ou tout
simplement de leur permettre deffectuer les oprations pour lesquelles ils ont besoin de notre
aval pralable.

7h13 Le tlphone retentit. Cest la compliance italienne, qui mavertit quun de ses
analystes sapprte publier dici sept heures trente une analyse sur ItalBanco, une valeur qui
233
a rcemment fait lobjet de rumeurs doffre publique. Constatant par moi-mme que la valeur
figure sur la Watch list, je tlphone immdiatement au dontologue de la banque
dinvestissement. J e ne connais pas la nature de la relation existant entre lmetteur et la
banque, ni la nature exacte de lopration : MBCIB intervient-elle dans le cadre dune offre
sur Italbanco, et si oui, auprs de quelle partie ? La banque conseille-t-elle la cible ou
loffreur ? Il est encore tt, mais je sais pouvoir dranger mon collgue en pareille situation.
J e ne dispose pas dinformation spcifique me permettant de grer moi-mme la demande de
ma collgue italienne ; il faut que je le consulte. J appelle, laisse un message sur son mobile,
et lui envoie un mail par la mme occasion :

Franois, lItalie veut changer de rating et TP [target price*] sur Italbanco, sur la base dune
rvision de son modle. Est-ce ok pour toi ? Merci. ML

Autrement demand, jinforme le compliance de la banque dinvestissement que lanalyste
estime devoir changer sa recommandation sur lmetteur : au vu dune offre probable par
Banca Venetia, son concurrent, le titre prendrait de la valeur. Il estime ainsi que lopration
serait cratrice de richesse et quil pourrait tre intressant pour les investisseurs de disposer
de la valeur en portefeuille. Le changement de notation la hausse signe ainsi le passage
dune situation o lanalyste recommandait de vendre ou sous-performer le march, une
situation o il recommande de passer lachat, ou sur-performer le march. En tant que
dontologue du bureau danalyse, je me situe dun ct de la Muraille de Chine, alors que
mon collgue de la banque dinvestissement se situe de lautre ct de cette muraille. Cest lui
qui dispose de linformation relative lopration ventuelle sur Italbanco. En linformant
pralablement du changement de rating, je me place au-dessus de la Muraille et cherche
anticiper les concidences qui pourraient rsulter du changement de rating : si MBCIB
conseille Banca Venetia et que lanalyste dgrade Italbanco, il est prfrable que nous nous
concertions avant dautoriser la publication. J e pourrais ventuellement tre amen
demander lanalyste de me faire parvenir son tude pour la relire, voire la communiquer
Franois, et nous pourrions faire le choix dinterdire la publication et dinitier lanalyste
concern, ou de la faire modifier sur des points qui paratraient trop prcis au regard de
linformation disponible publiquement.

En pareille situation, il est ncessaire dagir de telle sorte que lanalyste ne puisse savoir si la
banque dinvestissement intervient auprs de lmetteur en question. Lanalyste na en effet
234
pas connatre le niveau dimplication de la banque auprs de lmetteur en question, et ce
quelle que soit la nature de cette potentielle participation. De lautre ct, mon collgue se
situe lui aussi au-dessus de la Muraille, il est seul habilit communiquer avec moi sur les
relations daffaires susceptibles dexister entre la banque et lmetteur. Lanalyste est
employ par le courtier : il produit une analyse indpendante argumente sur la base
dinformations publiques ; ma demande a pour but de massurer que la banque, de son ct,
ne travaille pas sur une offre ou une contre-offre, ou bien nest pas en train dengager une
autre opration aux cts de lmetteur en question. Si le dontologue de la banque
dinvestissement me rpond dans ce sens en minformant que le mandat de MBCIB sera
rendu public avant louverture du march, je pourrais par exemple laisser lanalyste publier
aprs relecture de son tude, en lui demandant de mentionner explicitement que MBCIB
intervient aux cts dItalbanco ou de Banca Venetia, sous rserve que nous ne soyons pas en
priode de blackout*. Si en revanche le mandat nest pas encore public, il me faudra prendre
la dcision de laisser lanalyste publier, au risque de le voir mettre MBCIB en difficult par
rapport son client, au risque galement de critiques quant son impartialit revendique, ou
bien de linitier et lui demander de ne plus publier sur la valeur tant que lopration est en
cours.

7h21 J e reois la rponse attendue : Ok . Selon toute vraisemblance, MBCIB
ninterviendrait pas dans loffre, ou les rumeurs sont infondes. J e mempresse de prvenir la
compliance italienne, afin quelle puisse rpercuter au plus vite le message auprs de
lanalyste, et lui confirmer quil peut procder son changement de rating et sa rvaluation
de target price. J e sais quil sapprte diffuser son analyse dici dix minutes, et parler au
micro vers sept heures quarante-cinq. Lorsque les analystes me demandent la permission de
changer leurs valuations, je mefforce de les amener justifier leur demande mme si je sais
que la valeur en question ne figure sur aucune de mes listes : celle-ci peut faire suite la
publication de rsultats, ou parfois tre la consquence mathmatique dune rvision des
perspectives court, moyen ou long terme de la socit compte tenu dune volution de son
march. De la sorte, jvite dinformer lanalyste par la ngative : lautoriser trop rapidement
changer destimation reviendrait en effet linformer quil ny a pas de relation entre
lmetteur et MBCIB. A linverse, sil me fallait plus de dix minutes pour lui fournir une
rponse, il pourrait en dduire que la banque se trouve implique dune faon ou dune autre
aux cts de lmetteur concern.

235
7h48 Le micro crachote et une voix annonce on va commencer, excusez nous pour le
retard . Cest le dbut du morning meeting, qui autrefois se tenait dans une salle ddie, et
dsormais se fait directement dans la salle de march
166
:

Aujourdhui, on va dvelopper deux sujets. Tout dabord on va vous parler de Suez, et de la
fusion avec Gaz de France, on participe une runion lElyse ; on va vous parler aussi de
Bnteau, un dossier quon a envie de pousser, Sophie vous dira pourquoi. Dans les autres sujets
quon abordera rapidement moins que vous nayez des questions, on va parler dAccor, qui
publie ses trimestriels, ils sont meilleurs que nos attentes, on augmente le target de 35 40, Cap
Gemini, on coupe nos prvisions de 10% suite la runion danalystes dhier, on reste nanmoins
lachat sur ce dossier ; .

Pendant cette runion quotidienne, au cours de laquelle interviennent les analystes franais
puis europens (chaque bureau danalyse se connectant vers huit heures aux micros de la
salle), le dontologue est l pour sassurer dune part que les informations communiques sur
les metteurs auprs desquels la banque sest engage sont bien diffusables cest--dire que
lanalyste se borne voquer une information publique et quil ne commente pas de rumeurs
de march et dautre part que les restrictions de publication sont bien respectes.


5.2.1.2. Contrler la diffusion de linformation
8h02 Alors que je me concentre sur les informations annonces au micro par les analystes
italiens, un analyste TMT vient voir ma collgue Caroline. J ean, lanalyste, a pu parler la
veille Chang, un collgue bas en Asie et ce dernier lui a fait part dune information sur e-
Chips, un metteur travaillant dans le secteur de llectronique. L investor relations de-
Chips, la personne en charge de la communication dinformations aux investisseurs, a inform
Chang, au cours dun entretien tlphonique, que lentreprise ne serait pas en mesure
dhonorer lintgralit de ses engagements, et que nombre de ses clients verraient leurs
commandes partiellement fournies. J ean aimerait voquer ce point dans une analyse quil
sapprte publier le soir mme sur Cubix, une socit cote au second march quil suit et
sur laquelle il crit depuis peu. Cubix est spcialise dans lutilisation des puces e-Chips, et
les intgre des produits grand public. Chang a de son ct choisi de publier cette information
dans une tude sectorielle, sans donner plus de dtails.

166. Voir Godechot (2001 : 204 sq.).
236

J ean argumente alors de la sorte :

J ean (R) : Ben voil, je sais pas quoi faire. J e suis embt, linfo a t publie, ten penses
quoi ?
Caroline (D) : Si Chang a sorti linfo dans son analyse dhier, je nai pas de problme particulier.
Linformation est publique
J ean (R) : Ouais, ouais ok . Il retourne vers son desk.
Quelques minutes passent et Benjamin, le responsable de la recherche vient voir Caroline.
Benjamin (R*) : J ean ma dit que ttais ok sur la publication pour e-Chips
Caroline (D) : Oui ?
Benjamin (R*) : Il ta parl du mail ?
Caroline (D) : Non, de quel mail ?
Benjamin (R*) : On a eu un mail de Chang qui nous dit que linformation nest pas
compltement publique, et quil prfrerait quon ne publie pas
Caroline (D) : Ah ben oui, il faut tout me dire dun coup sinon envoie-moi le mail je regarde
et je te reviens
Benjamin (R*) : Rapidos hein, cest pour les news .

Au bout de quelques minutes, Caroline reoit le mail, gure clair mais suffisamment tout de
mme pour comprendre que Chang fait part de ses tats dme. Il a publi linformation, la
communique J ean et Benjamin, mais leur demande explicitement de ne pas la rpercuter
tant que la socit e-Chips na pas fait de communiqu officiel. En pareille situation, Caroline
dcide de bloquer la publication de linformation. Il pourrait de fait sagir dune rumeur et
MB Brokerage applique une politique trs stricte en la matire : la Directive europenne dite
Abus de march prvoit explicitement que la rumeur ne peut tre diffuse sous peine
damende. Sa transposition au sein du Rglement Gnral de lAMF stipule ainsi que :

Toute personne doit sabstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations,
quel que soit le support utilis, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications
inexactes, imprcises ou trompeuses sur des instruments financiers [], y compris en rpandant
des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne
savait ou aurait d savoir que les informations taient inexactes ou trompeuses
167
.


167. AMF (2007), art. 632-1 et CE (2003).
237
Caroline rappelle donc J ean et Benjamin, les informe de sa dcision, et leur envoie le mail
suivant pour confirmation :

J ean, Benjamin, nous ne pouvons en ltat utiliser cette information. Celle-ci a certes t rendue
publique par Chang, mais nous navons aucune assurance quant sa pertinence. Si jamais il devait
y avoir un souci du fait de lutilisation que vous pourriez vous-mmes faire de cette information
dans votre publication, le bureau asiatique vous reprocherait de ne pas avoir tenu compte de leur
mail. Donc nous nous abstenons .

Cinq minutes scoulent et Olivier, le Responsable de la vente arrive, furieux que Caroline ait
empch la publication :

Olivier (S*) : Putain mais cest pas vrai, vous tes vraiment des fouteurs de merde !on peut
pas bosser avec vous ! Linfo a t publie, je vois pas en quoi on diffuse une rumeur
Caroline (D) : Tu as vu le mail qua envoy Chang, ce nest pas propre, on nest pas couverts si
ya un ppin. Sans le mail, jaurais laiss faire, l cest trop clair. La position du bureau asiatique
est merdique, mais nous avons l trop dinformation pour publier. Dsol .

Sensuivent plusieurs changes entre la dontologue et le Responsable de la vente, ce dernier
tant paul par J ean, frustr de navoir pu utiliser linformation dans son tude. Caroline
campera sur sa position, refusant la publication titre prventif, en soulignant lincohrence
de la situation.

Brivement, apparaissent ici les mcanismes que nous avons suggr au dbut de notre
travail : partant dune situation qui lui est expose par les analystes, Caroline dploie un
discours fond sur sa connaissance des textes, quelle adapte au contexte. Celui-ci, changeant
au moment o une nouvelle information lui est communique (cest la venue de Benjamin, le
Responsable de lanalyse), lamne rviser sa position. Lorsquelle nonce linterdiction,
elle opre une traduction des principes rglementaires dfinissant linformation privilgie :
elle explique aux vendeurs mcontents les raisons de linterdiction nonce, et lui donne de la
sorte du sens. Le discours dontologique intervient ici directement pour encadrer et canaliser
la pratique de lanalyste : le Dsol lch devant les vendeurs met fin au processus
dexplicitation de la norme ainsi impose aux oprateurs.


238
5.2.1.3. Encadrer les publications, annoncer et grer les conflits dintrts
8h12 J e reois un appel de Mathieu, le Responsable de la syndication. Il est en charge de
lquipe qui fait linterface entre les oprations de banque dinvestissement (Equity Capital
Markets) en cours dexcution, les membres du syndicat des banques parties prenantes aux
oprations et les quipes de vente de la salle. La syndication intervient en bout de chane dans
les oprations primaires (introductions, ouvertures de capital, augmentations de capital, offres
secondaires, missions obligataires, etc.). Cest Mathieu que revient destimer lapptence
du march par rapport une offre propose, et je sais que son quipe travaille en ce moment
sur plusieurs oprations. Il mannonce que les ngociations relatives lmission obligataire
dune grosse PME du secteur de lnergie viennent de dboucher, et que lopration va tre
rendue publique dici neuf heures. La banque dinvestissement est sponsor de loffre qui sera
annonce avant louverture du march, et il me faudra dici l envoyer le disclaimer gnral
cadrant le rapport danalyse qui sera publi puis envoy aux clients. Comme souvent, le
disclaimer contient les messages juridiques rappelant aux investisseurs que lanalyse a t
labore de faon indpendante, mais par une socit appartenant la banque sponsor. Au-
del, ces disclaimers visent cadrer la publication et rappellent que les documents ne peuvent
tre diffuss dans certains pays (la plupart du temps aux Etats-Unis, au Canada, en Australie
et au J apon), et prcisent les limitations dont ont convenu les avocats-conseils des parties
prenantes.


Utiliser les Research guidelines
Lorsque la banque dinvestissement intervient aux cts dun metteur dans une opration
financire par exemple lors dune introduction en bourse ou dune mission dobligations
convertibles elle est amene travailler sur des informations privilgies ou des hypothses
se trouvant elles-mmes le plus souvent constituer de telles informations :

Une information privilgie est une information prcise qui na pas t rendue publique, qui
concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs metteurs dinstruments financiers, ou un
ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle tait rendue publique, serait susceptible davoir
239
une influence sensible sur le cours des instruments financiers concerns ou le cours dinstruments
financiers qui leur sont lis
168
.

Le bureau danalyse de MB Brokerage appartient, pour ce qui relve de sa structure
capitalistique, MBCIB : cest afin de prserver lindpendance de la recherche produite, que
les Murailles de Chine prcdemment voques ont t mises en place, et que lquipe de
dontologues veille au respect de ces procdures. Il nen reste pas moins que lmetteur a tout
intrt ce que lanalyste publie, loccasion de lmission, une tude favorable son gard,
incitant de la sorte les investisseurs acheter le papier (les titres mis) offert au
placement. Pour ce type dopration, lmetteur a recours aux services davocats-conseils,
lesquels produisent, titre dencadrement, des notes rglementaires faisant tat des diffrents
points que les parties prenantes devront respecter. Les dontologues ou les juristes de MB
Brokerage reoivent ainsi, quelques semaines ou quelques jours avant lannonce de
lopration, des guidelines dressant la liste des principales procdures suivre dans le cadre
de lopration envisage. Chez MB Brokerage, il revient aux dontologues de produire une
synthse intelligible de ces procdures pour lanalyste et les collaborateurs du marketing
chargs de la diffusion des rapports de recherche.

Les research guidelines commencent gnralement par une introduction reprenant en
quelques lignes lobjet de lopration envisage, ainsi que le nom des membres du syndicat
des banques concerns :

Cette note traite de la prparation et la diffusion des rapports de recherche sur EolForce8 (la
socit) et ses filiales (composant, avec la socit, le Groupe), par Morgan Stanley, Merrill
Lynch et MBCIB (les Managers) et les analystes qui leurs sont lis avant, pendant et aprs la
publication de loffre (loffre) dobligations option de conversion en actions nouvelles et/ou
existantes (les obligations convertibles)
169
.

Demble, le lecteur comprend quil sagit dune mission de convertibles pour Eolforce8,
une socit du secteur de lnergie olienne cote sur Alternext. Les trois tablissements
placeurs figurent dans le syndicat des banques, et leurs bureaux danalyse devront respecter

168. AMF (2007 : 278), art. 621-1.
169. MBB (2007). Il sagit l dun exemple-type dune note dopration (Research guidelines). Voir en Annexe
4 un exemple de disclaimer complet.
240
la lettre les dispositions prvues dans ces research guidelines, sous peine de devoir quitter le
syndicat des banques participant lmission.

En gnral, les analystes appartenant une structure lie lun des membres du syndicat de
placement ne sont pas autoriss publier compter du moment o lannonce de lopration
est officielle. Mme si lmetteur est franais, cot sur un march europen et que ses titres ne
sont pas offerts Outre-Atlantique, les research guidelines prcisent :

Les Managers [ie. les membres du syndicat des banques arrangeant lopration] ont interdiction
de publier ou de distribuer des rapports de recherche, o que ce soit, partir du moment o ces
rapports ne respectent pas la Rule 139, compter de ce jour et jusqu la fin de la priode de
restriction comme indiqu ci-aprs (la Priode de restriction)
170
.

Nous avons l lnonc dune rgle amricaine, la Rule 139 du Securities Act de 1933, qui
couvre notamment la publication et la distribution de rapports de recherche et stipule que les
analystes suivant la valeur dans le cours normal de leur activit peuvent continuer publier.
En accord avec le dontologue de la banque dinvestissement, il est dcid de laisser
lanalyste publier, et de lui permettre de conserver, en pareille situation, un rating et un target
price
171
. Les research guidelines dune vingtaine de pages contiennent nombre
dinformations qui ont toutes trait lopration envisage : calendriers prvisionnels,
modalits pratiques de diffusion (envoi sous format papier ou envoi lectronique), types
dinvestisseurs concerns, pays dans lesquels la distribution des rapports de recherche se
ouve interdite, etc.

tr

Si la rdaction du disclaimer relve avant tout des services juridiques (les textes-souches tant
par ailleurs rdigs par les avocats), les dontologues ont ici un rle jouer. En premier lieu,
le disclaimer est l pour encadrer la pratique, et annoncer ou rvler linvestisseur quels sont
les conflits dintrts potentiels ou effectifs existant entre lanalyste et la banque

170. Ibid.
171. Le broker / dealer publie ou distribue des rapports de recherche dans le cours normal de son activit (in
the regular course of its business) et ces publications ou distributions ne reprsentent pas linitiation dune
publication sur lmetteur ou les titres de lmetteur concern, ni la rinitiation dune telle publication pour faire
suite un arrt de publication . Texte disponible sur http://www.law.uc.edu/CCL/33ActRls/rule139.html,
(consultation le 17/09/2007).
241
dinvestissement. Ensuite, le dontologue propose aux utilisateurs ( lanalyste, mais
galement aux personnes du marketing en charge de la publication), un rappel des principales
rgles applicables, que celles-ci soient dordre rglementaire ou quelles relvent de
dispositions internes la banque. Enfin, les dontologues profitent souvent de la rdaction de
cette synthse pour ajuster le disclaimer lactivit de MB Brokerage. La synthse
entionne se prsente de la sorte :

m














o Possibilit de publier dans le normal course of business ;
Possibilit de garder Rating et TP, mais pas de rating suprieur cel o ui
o par rfrence des informations
o exemplaires distribus ainsi que des
pon.
o Publication possible aux Etats-Unis (cf. Rule 139)
existant par le pass (donc pas de rating A compter du 12/05/2007) ;
Lopration peut tre mentionne
publiques et factuelles ;
o Envoi uniquement des clients personnes morales professionnelles ;
Maintien dun registre du nombre d
noms et adresses des destinataires ;
o Pas de publication au Canada, en Australie ou au J a


Dans lexemple propos, lanalyste comprend premire lecture quil peut continuer publier
partir du moment o sa publication se fait dans le cadre des publications usuelles lies son
activit. Cela revient lautoriser publier moyennant certaines restrictions, gographiques
par exemple partir du moment o il a dj commenc publier sur la valeur. En revanche,
il est souvent demand lanalyste, en pareil cas, soit de suspendre sa recommandation et son
estimation, soit de ne pas laugmenter. Si ces encadrements semblent restreindre
lindpendance de lanalyste (toujours revendique, surtout lorsquil sagit pour lanalyste de
faire sauter les restrictions de publication qui psent sur lui), il nen reste pas moins quelles
constituent un compromis entre la non dclaration des conflits dintrts, une pratique qui
nest plus de mise aujourdhui, et la dclaration outrance, qui ne travaille pas non plus dans
lintrt des investisseurs
172
. Il est galement fait rfrence la factualit des donnes :

172. Pour une approche sociologique de ces questions, voir Swedberg (2005).
242
lanalyste peut commenter les donnes factuelles qui sont publies par la socit, mais ne doit
en aucune mesure avoir recours des donnes qui seraient par trop internes, non publiques.
Lenvoi de lanalyse est destin des investisseurs institutionnels : lorsquune offre rserve
aux particuliers est galement propose, un dpartement danalyse spcifique effectue une
transcription de lanalyse dans un langage accessible aux investisseurs particuliers. Les
rapports distribus sont galement numrots, et la liste des personnes ayant reu lanalyse
onserve.
Traduire, donner du sens aux Research guidelines
les fournis ne correspondent pas point point ce que les
ontologues recherchent :

Ils ne comprennent pas notre business : ils
onfondent banque dinvestissement et brokerage .
erche est indpendante. On na pas renvoyer au site de
la socit, cest dingue quand mme .

c


Lexemple des research guidelines est intressant plus dun titre : lorsquil les reprend et en
propose une synthse, le dontologue met en uvre un double processus de traduction et de
signification. Partant dun document le plus souvent rebutant (vingt pages danglais
juridique), par trop illisible pour des oprateurs presss, et la plupart du temps non lu par eux,
il effectue une synthse reprenant les points dattention devant tre suivis par les diffrents
intervenants de la chane : que ce soient les autres dontologues, les analystes ou les
personnes en charge de la publication et de lenvoi des tudes, chaque maillon parvient
trouver, dans la synthse propose, linformation dont il a besoin. Cette synthse porte
galement la marque propre au dontologue : celui-ci peut prendre la responsabilit dajouter
ou retirer des conditions la publication des analyses. Les guidelines, sils suivent la plupart
du temps des figures imposes, peuvent diffrer sensiblement selon les cabinets davocats ; il
nest pas rare que les mod
d
Caroline (D), notant dans le disclaimer propos un manque de clart quant aux rles respectifs de
la banque dinvestissement et du broker publiant ltude : Tu vois cest encore un boulot de
stagiaire pas relu. Les avocats cest toujours la mme chose : ils nont rien vu, ne sont
responsables de rien, et te demandent juste le chque
c

Nicolas (D), soulignant la mention, dans le texte rdig par le cabinet davocat, du site de la
socit : Quand tu lis leur disclaimer, tas limpression que cest un prospectus officiel. Comme
si on faisait une offre, alors que notre rech
243
Dans ce cas, les deux dontologues soulignent linadquation de lencadrement demand par
les avocats avec le statut effectif de ltude qui sera publie. Partant dun texte illisible , ils
le traduisent en rendant possible lmergence dune signification, cest--dire en adaptant
lencadrement dclaratif au contexte dans lequel ltude trouve son origine la salle de
march. Cest en adaptant le cadre dclaratif (le disclaimer) la pratique (ltude au sens
large les recherches prparatoires, le texte, le dispositif de publication) que le dontologue
opre une donation de sens : jouant sur ces deux aspects, le dontologue modifie le message
qui sera vhicul en direction des investisseurs, il influe sur le langage juridique en le
personnalisant. Une fois sa traduction effectue, le dontologue communique la nouvelle
version du disclaimer aux intresss : il a perform la dontologie en produisant une
personnification de la pratique en fonction des dcisions internes, et de sa perception du texte
et de son rle dans ltude. Le texte est bien adapt au contexte aprs son passage dans les
mains du dontologue (cf. la remarque de Caroline sur la qualit du texte initial).

Il est intressant de noter que la charge de traduction des guidelines repose sur le service
dontologie. Tout dabord en ce quil sagit de guidelines, cest--dire de directives : cest le
dontologue qui traduit la ligne de conduite, la rgle gnrale qui doit tre suivie par
lanalyste, et donne la direction suivre en dfinissant les lments essentiels devant tre
mentionns en pralable la recherche. Ensuite en ce que cette traduction nest pas effectue
dans une optique mcaniste puisque le dontologue opre un choix : il ajoute ou retranche des
lments aux disclaimers proposs par les avocats, prenant la responsabilit des dclarations
nonces et les compltant de son apprhension du contexte dmission de ltude. Enfin en
ce quil sassure que les rgles de publication respectent les restrictions affiches dans la liste
dinterdiction (Restricted List), lorsque les analystes font leurs annonces au micro ou mettent
en ligne une nouvelle tude. De la sorte, le dontologue donne du sens en usant dun langage
partag avec trois autres mtiers (ECM, Analyse, Marketing), et parvient dployer un
message dontologique entre code et rfrent
173
.

Ici aussi, on retrouve les diffrentes tapes de la traduction mises en valeur par Leca & alii
(2006) : reu par le dontologue, le disclaimer est dcontextualis (i), cest--dire extrait du
document dtaillant les modalits encadrant lopration envisage ; il est ensuite
recontextualis (ii), cest--dire adapt aux besoins des analystes et modifi pour adhrer aux

173. Voir supra. 3.2.3. Nous renvoyons galement au disclaimer en Annexe 4.
244
pratiques de la salle : il est donc problmatis en une formulation acceptable par les
dontologues de la salle, les analystes, mais aussi les membres de la syndication les avocats-
conseils, etc. Donn lanalyste comme la norme suivre ( cest le disclaimer ajouter ta
publication , iii), il se trouve reproduit en 2
me
de couverture et complt par les mentions
obligatoires en bas de page : cest la phase dincarnation (iv). Son utilisation par lanalyste
vaut consentement (v) de la traduction propose, un consentement qui se trouve stabilis (vi)
par la diffusion de lanalyse. Lorsque le dontologue communique le disclaimer lanalyste,
celui-ci peut toujours en discuter les termes, et tenter de la sorte de restreindre les limitations
qui lui sont imposes, remettant en cause le cas chant les tapes (ii) (iv) de la traduction.

Ces premiers exemples nous permettent dapprhender directement la ralit toute matrielle
de la production de la dontologie dans la salle de march. Mais avant de poursuivre plus
avant dans la restitution de lexprience dontologique, nous proposons de revenir sur
quelques lments de contexte.













245
5.2.2. Le contexte dontologique : lorganisation de la fonction chez MB Brokerage
Celui-ci permet en effet dclairer les modalits dagir de la fonction dontologie. Cette
dernire se forme en situation, et lentourage autant que les membres interagissent pour
insuffler dans les actes des oprateurs des cadres normatifs orientant leur activit. Comment
sorganise alors la fonction dontologie (5.2.2.1.) ? Et quelles sont les raisons ayant prsid
son inclusion dans la salle de march (5.2.2.2.) ?


5.2.2.1. Prsentation de la Direction Conformit & Contrles (DCC)
La Direction Conformit & Contrles est une direction bipolaire, qui regroupe sous lautorit
dune mme personne deux entits : lune charge de ce quil est convenu dappeler, depuis la
rforme du Rglement CRBF 97-02, le contrle permanent, lautre est plus spcifiquement en
charge de la dontologie. Deux niveaux de contrle sont ainsi distingus : lun a posteriori et
qui peut tre assimil une fonction de contrle des oprations au fil de leau ; lautre a
priori, qui intervient en amont de linitiation ou durant le cours des oprations. Si ces deux
faces dune mme direction prennent en charge le contrle quotidien des oprations, il faut
nanmoins rappeler que la partie dontologie de la direction est elle-mme contrle par sa
consur.


Gographie du contrle
Les membres de la DCC occupent deux lieux dans lentreprise : la partie contrle dispose
dune pice ddie en dehors de la salle de march. Cette distance par rapport aux oprations
leur permet de ne pas tre trop exposs la pression des oprateurs de march dautant que
dans la plupart des cas, il sagit pour eux didentifier des anomalies dont les initiateurs sont
rarement fiers, et den demander les justifications : le non-respect des procdures, le
dpassement de limites de risque, lincompltude des dossiers client, bref tout ce que lon
peut sciemment (ou pas) oublier ou mal excuter dans le cours des activits. Cette distance
gographique est double tranchant : si elle protge de faon relative ses membres des sautes
dhumeur des oprateurs, elle les isole galement de la matrialit des oprations en train de
se faire cest de fait ce qui est recherch dans le contrle, savoir la prise de recul par
rapport ce qui est observable, puis le questionnement quant au bien-fond de lobservation,
246
enfin la prise de dcision et le relais de cette dcision aux oprateurs concerns ou aux
dontologues, qui peuvent galement tre amens effectuer eux-mmes les rappels lordre.

De son ct, la dontologie figure dans la salle de march. Elle exprimente au quotidien la
proximit des oprateurs, leur pression lorsquil sagit douvrir le compte du client, leur
dsapprobation des procdures ou leur mauvaise volont rpondre aux enqutes quelle est
amene diligenter pour rpondre aux demandes de rgulateurs. Pour autant, cette place dans
la salle est dimportance, pour au moins trois raisons. La premire rside dans la capacit
percevoir ce qui se passe au lieu mme o lvnement advient : retournements de march,
questions dontologiques poses sur le vif par les oprateurs dans le cours de leurs activits,
rponses aux injonctions des marchs dannuler les ordres, et bien dautres choses encore. La
seconde dans la capacit obtenir une information directe, qui nest pas passe par divers
intermdiaires et qui de la sorte reste frache , non-filtre, au plus prs des ralits qui se
sont effectivement manifestes et que le dontologue a ventuellement pu lui-mme
observer : il peut alors se faire une ide de la situation. La confrontation des perceptions
est ainsi rendue plus directe, plus heurte aussi, mais plus facile grer car moins discutable,
les deux parties ayant dune certaine faon pris part la naissance de linformation. La
troisime rside enfin dans lintgration de la dontologie dans les pratiques : cette
intgration, dont nous verrons quelle est de part en part un lment dcisif de la
performance dontologique, se manifeste travers linclusion dans les rseaux de
sociabilits, dans le contact quotidien des oprateurs que les dontologues ont la charge
dorienter lorsque ces derniers ne parviennent pas dterminer la ligne de conduite suivre ;
non pas en ce que les dontologues leurs fournissent des solutions toutes faites (encore que
cela puisse arriver), mais davantage parce quils offrent un point de vue que loprateur naura
pas forcment adopt de faon naturelle, un point de vue qui sera celui de lobservateur
externe, traduisant dune certaine manire celui du rgulateur.

A la diffrence de la situation illustre par Edouard Trteau dans son ouvrage sur lanalyse
financire, les dontologues de MB Brokerage ne connaissent pas de sparation avec les
activits : lorsquil relate sa premire apprhension de la salle du Crdit Lyonnais Securities,
lauteur passe en revue la gographie de la salle et, aprs avoir voqu les principales
247
fonctions, il note la prsence dans le milieu de la salle, [d]un bocal-bunker rempli de
dontologues, surveillant chaque opration, chaque mouvement la loupe
174
.

Cette gographie du contrle entendu au sens large, incluant contrle permanent et
dontologie, soit les deux faces de la DCC, permet de saisir la diffrence existant entre les
contrles effectus a posteriori ( contrle ) et ceux intervenant a priori ( conformit /
dontologie ). Elle matrialise dune certaine manire, pour les fonctions de conformit et de
contrle, ce que Beunza & Stark (2003, 2004) dcrivent des agencements territoriaux entre
desks de trading. Une telle distinction, si elle ne se trouve pas formule aussi explicitement
dans les textes dfinissant les diffrents niveaux de contrle, se rvle nanmoins trs
opratoire quant lapprhension des deux fonctions.


Assurer la permanence et lindpendance des contrles
Le rglement 97-02, dont nous avons dj fait mention, prvoit en effet que

les entreprises assujetties doivent, selon des modalits adaptes leur taille et la nature de
leurs activits, disposer dagents ralisant les contrles (CRBF 97-02, art. 6 =CCLRF, 2005 : 5).

La dontologie nintervient pas ici proprement parler, la fonction relevant essentiellement
du Rglement Gnral de lAMF. Ce dont il est question dans le rglement CRBF, cest
davantage de la rpartition des rles entre dune part la fonction de contrle permanent, et
dautre part les contrles oprs par laudit interne sur une base priodique. Les mthodes
mises en places, les objectifs des contrles effectus, sans tre compltement trangers les uns
aux autres, doivent nanmoins tre diffrencis. Une distinction se trouve tablie entre dune
part le contrle permanent et dautre part le contrle priodique :

a) Le contrle permanent de la conformit, de la scurit et de la validation des oprations
ralises et du respect des autres diligences lies la surveillance des risques de toute nature
associs aux oprations est assur, avec un ensemble de moyens adquats, par :
certains agents, au niveau des services centraux et locaux, exclusivement ddis
cette fonction ;

174. Trteau (2005 : 27).
248
dautres agents exerant des activits oprationnelles.

b) Le contrle priodique de la conformit des oprations, du niveau de risque effectivement
encouru, du respect des procdures, de lefficacit et du caractre appropri des dispositifs
mentionns au (a) est assur au moyen denqutes par des agents au niveau central et, le cas
chant, local, autres que ceux mentionns au point (a) ci-dessus
175
.

Compte tenu de la taille de MB Brokerage, la Direction a choisi de renforcer la DCC et de la
scinder en deux, comme nous lavons expos plus haut. Le contrle priodique est assur par
lInspection Gnrale de MBCIB, le contrle permanent restant quant lui assur par huit
personnes contrlant au fil de leau, et selon des procdures et des routines quotidiennes,
hebdomadaires, mensuelles ou semestrielles, la conformit des activits aux normes en
vigueur dans lentreprise. Ces huit personnes effectuent les travaux demands par le CRBF
97-02 cit ci-dessus au premier tiret de larticle 6.

En quoi consistent ces contrles ? ils se trouvent dfinis partir des textes rglementaires
applicables aux activits de MB Brokerage. Lentit gre de la sorte une centaine de contrles
rcurrents, effectus selon une priodicit propre chaque contrle. Nous donnons ci-dessous
un aperu de la diversit de ces contrles (les textes cits figurent en Annexe 5) :

Frquence Titre Objet
Alatoire
Ecoute des bandes
enregistres
Sur demande des oprateurs, procder en leur prsence
lcoute des bandes
Annuelle
Contrle de
lallocation des
ordres
Sassurer du respect des rgles relatives lallocation des
ordres, notamment la dfinition au pralable par le client des
comptes daffectation des transactions (RG AMF art. 321-93,
art. 322-51).
Annuelle
Contrle sur les
filtres pour les
clients CFD
Sassurer de la cohrence entre les limites paramtres dans les
systmes Front Office pour les clients CFD et les limites
spcifies dans les contrats signs avec ces clients
176
.

175. CCLRF (2005 : 5).
176. Pour la dfinition de ce quest un CFD, se reporter au 5.3.2.2.
249
Frquence Titre Objet
Annuelle
Suivi de la
procdure de
dtection des
incidents
Sassurer du respect des procdures de dtection, de remonte et
de correction des incidents de conformit aux lois, rglements,
codes de conduite, normes professionnelles et normes internes.
Annuelle
Contrle de
lhorodatage
Sassurer du respect des rgles dhorodatage des ordres : celui-
ci doit intervenir ds leur rception ou leur mission (RG AMF
515-3 ; Euronext, Rgles de march harmonises, art. 8301).
Annuelle
Contrle des
modifications des
taux de
commission
Vrifier que les contrles effectus par lquipe support de la
vente sont correctement effectus pour les changements
ponctuels, et quune demande de changement de taux de
commission est systmatiquement renseigne en cas de
changement permanent.
Mensuelle
Contrle des
dclarations des
transactions OTC*
Sassurer que les transactions sur un instrument financier
ngoci sur le march rglement franais et effectues hors
march (OTC) sont correctement ralises et dclares. (AMF,
Instruction 2005-08, Euronext, Rgles de march harmonises,
art. 4502/3).
Quotidienne
Dclaration des
Achats / Ventes en
priode doffre
publique
Sassurer du respect de la rglementation et dclarer les
oprations ralises par MB Brokerage pour son propre compte
en cas de dpassement de seuil sur une valeur sur laquelle une
OPA/OPE/OPR est en cours (RG AMF, art. 231-15).
Quotidienne
Contrle des
Achets / Vendus
Sassurer du respect des obligations rglementaires de suivi des
manipulations de march dans le cadre de la Directive Abus de
march. Il sagit notamment didentifier les A/V fictifs qui
pourraient tre lis des manipulations de cours
Quotidienne
Suivi des
transactions
effectues par les
clients sensibles
Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme, il sagit de satisfaire aux obligations
de vigilance concernant les transactions effectues avec les
clients dits sensibles , cest--dire ayant fait lobjet dune
dclaration de soupon auprs de TRACFIN ou dont la structure
juridique est opaque.
Quotidienne
Suivi des comptes
erreurs de MB
Brokerage
Se faire justifier par le Middle Office les pertes et gains
suprieurs ou gaux 750 EUR. Un reporting bi-mensuel de ces
pertes et gains est assur auprs de la Direction Gnrale.
Quotidienne
Contrle du suivi
des comptes
erreurs du Back
Office
Vrifier lexistence dune justification des positions importantes
en terme de valorisation, prsentes dans les comptes erreurs
Back Office : ce contrle permet de sassurer que les positions
en comptes erreurs sont rellement issues derreurs ou de
problmes Back et Middle Office, et ne sont en aucun cas des
positions dissimules par le Front Office (pertes notamment).
250
Frquence Titre Objet
Trimestrielle Suivi des pannes
Sassurer de la rgularisation des pannes significatives ainsi que
de leur faible antriorit. En principe, les pannes doivent tre
rgularises J +1. Le risque majeur quil sagit dencadrer est
celui de la gestion dune position en titres qui pourrait tre
excute tort sur le march ou non dnoue (la variation des
cours cots pouvant gnrer un gain ou une perte significatifs).
Ponctuelle
Traitement des
demandes de
lAMF
Rpondre aux demandes dinformation ponctuelles de lAMF
relatives : (a) aux oprations excutes et dpouilles par MB
Brokerage sur une valeur donne pour une priode donne, (b)
lidentit et coordonnes des donneurs dordres et (c) la
conservation des bandes denregistrement tlphonique.

Les contrles ainsi identifis peuvent tre rangs en deux catgories en ce quils manent soit
dune source externe (rglementaire), soit dune source interne (MB Brokerage). Si les textes
rglementaires requirent en effet la mise en place de contrles ddis, la DCC peut tout fait
juger ncessaire de renforcer certains contrles, en sassurant notamment que les procdures
encadrant les activits sont effectivement suivies.

Les autres agents dont il est fait mention dans le CRBF 97-02 cit plus haut sont en fait les
oprateurs qui, quotidiennement, procdent des contrles, notamment au sein des activits
de middle et back office. Les collaborateurs du contrle permanent sont en revanche
entirement ddis la ralisation des contrles, que ceux-ci soient rcurrents, ou effectus de
faon plus ponctuelle (la DCC peut mener des missions daudit pour le compte de la Direction
Gnrale, dans les filiales et succursales par exemple). Le lgislateur a ainsi tenu assurer une
stricte indpendance entre

les units charges de lengagement des oprations et les units charges de leur validation
177
.

Lindpendance demande est ici matrialise par une attribution et une localisation
diffrencies, ainsi quun rattachement hirarchique distinct. Celui-ci se trouve rpercut
jusquau niveau de la Direction Gnrale de MB Brokerage, les oprateurs en charge de la
logistique de march reportant au Directeur Gnral Adjoint, lorsque les oprateurs en charge
du contrle permanent reportent au Directeur Gnral Dlgu :


177. CCLRF (2005), art. 7.1., p. 6.
251
Cette indpendance pourra tre assure par un rattachement hirarchique diffrent de ces units
jusqu un niveau suffisamment lev ou par une organisation qui garantisse une sparation claire
des fonctions ou encore par des procdures []
178
.

Trois dontologues de march viennent complter la cellule, sous la direction dun
dontologue lui-mme adjoint au Responsable de la conformit. Contrairement aux membres
de lquipe ddie aux contrles permanents, nous avons vu quils disposent tous les quatre
dune place dans la salle de march, aux cts des oprateurs. Lensemble ainsi constitu,
dirig par un Responsable de la Conformit des Services dInvestissement (RCSI), prend en
charge le corsetage amont et aval des pratiques.


5.2.2.2. Les raisons dune situation de la fonction dontologie dans la salle
En comparaison des autres brokers actifs sur le march, MB Brokerage se distingue en ce que
ses dontologues travaillent directement dans la salle, nous lavons voqu plus haut.
Souvent, les dontologues travaillant dans des institutions disposant de salles de march ou de
tables de ngociation (brokers, banques, socits de gestion, rcepteurs-transmetteurs
dordres) disposent dun bureau spar, et viennent de temps autre dans la salle, et ny
passent pas lessentiel de leur temps. Ils peuvent ventuellement y disposer dune place quils
occupent ponctuellement, mais il est relativement rare quils travaillent en permanence au sein
mme de la salle.


Le rsultat de lhistoire
MB Brokerage se distingue donc par la volont affiche par sa direction de crer une fonction
dontologie pleinement intgre dans la salle de march. Le point mrite dtre relev, car il
est structurant : nous avons dj pu voir comment lquipe interagit en permanence avec
lensemble des fonctions reprsentes dans la salle. Une telle situation rsulte de lhistoire de
lentreprise : lorsque lentit fut suffisamment grande pour disposer de son dontologue, la
fonction fut confie au Responsable du sales trading, qui souhaitait lpoque changer
dactivit avant de partir en retraite. Ancien trader, celui-ci connaissait le mtier mieux que

178. Ibidem.
252
quiconque aurait pu prendre la fonction, il tait par ailleurs respect de tous. Sa lgitimit
ntant plus tablir, il positionna le dispositif dontologique directement dans la salle. De la
sorte, il lui tait plus ais dintervenir en amont des difficults :

Xavier, lancien dontologue : Pour rien au monde je naurais voulu menfermer dans un bureau.
Ctait un vrai choix que de positionner cette fonction dans la salle. Quand on y est, on sent le
march, on sait quand il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Dailleurs, quand je suis parti,
cest la seule chose que jai demand la Direction : je leur ai dit quil fallait tout prix laisser
cette fonction dans la salle, sans quoi a ne sert rien. Vous savez, vous tes au milieu des
oprateurs, vous pouvez les aider au moment o ils en ont besoin, et comme ils ne viennent pas
naturellement vous parler, cest aussi bien
179
.

Plus de cinq annes aprs le dpart de ce dontologue, le point est encore mentionn par la
direction lors des embauches. Charles, le Directeur Gnral Dlgu ma ainsi fait passer mon
entretien final au poste de dontologue de march : aprs mavoir demand quelle tait ma
conception de la dontologie, il ma expos ce quil attendait de sa nouvelle recrue :

Charles (DGD) : J e suis en charge de cette fonction. Ce que jattends du dontologue, cest quil
soit actif, inventif, quil ne reste pas dans son coin. Dune certaine faon, cest nous qui avons cr
la fonction de dontologue de march, et je suis trs attentif ce que le dontologue participe
lactivit. Cest pour a quon a laiss la fonction en salle .

La Direction Gnrale souligne ainsi, pour preuve de son engagement aux cts du
dontologue, le prix quelle est prte payer, en acceptant de perdre quelques places dans une
salle de march dj surpeuple. Elle prend appui galement sur un mythe fondateur de la
fonction, en ayant recours la figure transcendante de lancien oprationnel pass la
dontologie, sous-entendant par l que les fondements de la direction soriginent dans une
forte dimension opratoire, au cur de lactivit de la salle ; la pratique dontologique se
trouve ainsi elle-mme ritualise au plus haut niveau de lentreprise (2.4.1.3.). Force est de
reconnatre limportance de cette situation gographique : laccs linformation y est
beaucoup plus riche, puisque lon peut de la sorte sentir ce qui se passe sur le march, et
ragir au plus vite lorsque se prsentent les difficults.



179. Entretien en date du 06/12/2006.
253
Rsister lafflux dinformation
Une telle situation requiert cependant de ceux qui exercent la fonction dtre mme de trier,
de hirarchiser en permanence linformation multiple qui leur parvient. Il faut en effet savoir
se dplacer, aller vers les oprateurs, faire taire les bruits informatifs divers et surtout tre
mme de prioriser les tches : la participation lconomie vitale de la salle est de nature
empcher la prise de recul, le dontologue tant pris dans laction au mme titre que les
oprateurs
180
.

Nicolas (D) : La seule rgle jamais dmentie ici, cest celle qui gouverne la priorit des tches.
Tu peux tre sr que ce qui est prioritaire le matin ne le sera plus laprs-midi, a change parfois
mme en cours de demi-journe .

Caroline (D) : Cest simple, a fait deux ans que je suis l, et je nai jamais vcu une semaine
identique lautre, ni non plus jamais russi partir le vendredi soir en ayant boucl mon
programme de la semaine .

Une forme dosmose avec lenvironnement doit pouvoir stablir, et il nest pas pour autant
ais dy parvenir : la salle est en effet un lieu o se dploient des ego, o des logiques
concurrentielles ou de ngociations interpersonnelles socialises sont luvre. Chaque
journe apporte son lot de tensions, de confrontations plus ou moins ouvertes : il nest pas
rare que les oprateurs intervenant sur des segments dactivit diffrents ne communiquent
pas autant quils le devraient, les logiques personnelles venant se superposer avec lactivit.
Ainsi, des conflits naissent rgulirement entre sales traders et traders, les premiers tant en
charge de piloter les ordres des clients, les seconds se bornant placer les ordres sur le
march. De mme, la plupart des vendeurs de lintermdiation rpugne proposer leurs
clients les autres services dexcution (DMA, Program trading, cf. infra). Paralllement ces
logiques de concurrence entre activits, moins fortes toutefois que dans une salle de trading
compte propre, o chaque binme travaille dune certaine manire contre les autres, les
logiques dintrt peuvent converger ou diverger au cours du temps. Dans ce cas, il est
primordial que les situations conflictuelles sur le plan de la pratique (par exemple les risques
rglementaires de non-conformit affrents) soient identifies par le dontologue, et que les

180. Il nest, pour sen convaincre, que de penser la remarque formule plus haut par le Responsable de la
Conformit de MB Brokerage lencontre de ses dontologues de march. Cf. supra, 4.1.3., p. 182.
254
mesures adquates soient mise en place, notamment pour ce qui relve de la gestion des
conflits dintrts, nous y reviendrons.

Pour ce qui est de la fonction dontologie, MB Brokerage offre donc une situation
dobservation privilgie. Ce biais constitutif ne doit nanmoins pas tre oubli, car il apporte
des spcificits qui ne sont pas gnralisables lensemble de la fonction. Pour autant, ce
biais nous semble essentiel : si textuellement parlant, rien noblige les dontologues figurer
dans la salle, aux cts des oprateurs de march, il nen reste pas moins quune telle situation
confre une acuit toute particulire la fonction, qui donne ses conseils au fil de leau, et
participe au corps des activits menes dans la salle. La moindre rumeur, le moindre dcalage
de cours, la moindre suspension de cotation, les litiges et problmes avec les clients lui sont
quasiment soumis dans linstant de leur survenue. A ce titre, il sagit dune position idale
pour exercer la dontologie : elle matrialise elle seule la relation quentretient le
dontologue aux lois, rgles et normes rgissant lactivit, par opposition aux juristes qui
disposent eux dun bureau spar, au mme titre que le contrle permanent. Le dontologue
intervient ici comme tampon entre lactivit et le contrle : il participe au modelage de
laction, puisque dans la plupart des cas qui lui sont soumis cest lui qui in fine explicite le
texte, quitte prendre sur lui la responsabilit des erreurs qui pourraient tre gnres par ses
avis. Dans ce contexte, le dontologue sapproprie divers rles au travers desquels il performe
sa fonction : il conseille, il forme, il contrle. Nous allons dans une prochaine partie tudier
ces figures de la dontologie, et la faon dont elles se matrialisent dans des situations
diverses (5.2.4.). Mais auparavant, il nous faut revenir sur le contexte pratique des activits de
la salle, qui servent de souche lexercice de la dontologie.












255
5.2.3. Le contexte pratique : les activits de la salle
Afin dentrer plus avant dans la pratique dontologique, nous allons prsent tudier plus
systmatiquement les activits de la salle, puisque cest par leur intermdiaire que nous
proposons dobserver la fonction dontologie. Nous articulons notre prsentation des divers
services autour de la passation des ordres qui, avec la vente des analyses produites par le
bureau de recherche, constitue la principale activit des brokers. Lidentification des services
proposs par MB Brokerage ses clients (rception, transmission et excution dordres,
facilitation, services plus spcifiques de corporate brokerage, etc.) nous permettra de mettre
en scne, par la suite, des situations types dans lesquelles le dontologue intervient.


5.2.3.1. La nature des activits encadres : recevoir, transmettre et excuter des ordres
Dans la salle, tout sorganise autour des ordres, ces instructions lachat et la vente qui sont
communiques par les clients. MB Brokerage se rmunre sur chaque ordre en prlevant une
commission exprime en points de base (bp pour basis points). Selon les clients, mais
galement les services ou les marchs proposs, cette commission varie gnralement de 2 bp
40 bp. Les services faible valeur ajoute, tels la fourniture dun accs march en DMA
(Direct Market Access) sont peu margs en comparaison des services dintermdiation
classique. En consquence, plusieurs modalits de passation des ordres coexistent. Pour bien
saisir la nature des activits encadres par la fonction dontologie, nous allons dtailler
brivement ces diffrentes modalits de passation des ordres : cest en effet dans le cadre de
ces changes constitutifs de lactivit que surgissent les questions et problmes
dontologiques et sans une apprhension claire de ce qui se trame dans la salle, il est
impossible de comprendre la nature de lactivit dontologique. A partir de cette prsentation,
nous allons pouvoir dfinir des situations dontologiques, qui seront dveloppes plus loin.


Les ordres la voix
Il sagit l du mode classique de passation des ordres, dans lequel le client appelle un vendeur
ou un sales trader et lui donne lordre dacheter ou de vendre des titres. Lchange se fait via
un tlphone ou par lenvoi dun e-mail. La conversation ci-dessous restitue la squence de
passation :
256

Florent , trader buy-side (T) : Allo ? Salut cest Florent, a va ?
Mathilde, vendeuse (S) : Ouais et toi ?
Florent (T) : Pas mal. Tas deux minutes l ?
Mathilde (S) : Oui
Florent (T) : Bon alors tu peux je suis acheteur.
Mathilde (S) : Ok, de quoi ?
Florent (T) : De 500.000 Alcatel, tu veux le code ISIN ?
Mathilde (S) : Euh ouais, pour la forme.
Florent (T) : FR0000130
Mathilde (S) : Euh attend
Florent (T) : 007, comme J ames Bond ; et le mnmo cest ALU, sans h .
Mathilde (S) : Cest malin Ok, tu les veux quel prix tes 500.000 ALU ?
Florent (T) : Boaa, tu montes jusque 9,40 mais si tu peux les avoir 9,35 cest bien.
Mathilde (S) : Voil. Cest tout ?
Florent (T) : Pour le moment, oui.
Mathilde (S) : Cest parti. J e te tiens au courant si je trouve des blocs.
Florent (T) : Ok, plus.

Dans cet change, le client investisseur exprime un intrt acheteur sur Alcatel, et la vendeuse
lui rpond quelle va essayer de trouver des blocs de titres, soit des contreparties vendeuses
qui pourraient prfrer vendre le volume de titres en une seule fois, hors march. Mme pour
les valeurs liquides, il peut tre plus intressant pour les contreparties de se mettre daccord
sans afficher leurs ordres dans le carnet de bourse : ils sont assurs que leur ordre sera excut
en entier, de limiter le dcalage des cours, et de pouvoir effectuer une transaction sans avoir
la dclarer immdiatement sur le march, les rgles dEuronext permettant de retenir la
dclaration au march en fonction de la taille de lordre
181
.

O intervient la dontologie dans une telle transaction ? Tout dabord, elle contribue la
dfinition les procdures de rception et transmission des ordres : la cinmatique de lordre
rpond une squence dfinie, un dispositif spcifique lactivit dintermdiation cash,
faisant intervenir le client, son ordre, des outils de passation des instructions (tlphones,
application de gestion des ordres), des connexions informatiques, etc. Voici comment se
dcompose grossirement la rception dun ordre :

181. Euronext (2007 : 37 sq.). A noter que ces rgles ont t modifies par la Directive MiF, entre en vigueur le
1
er
novembre 2007. Voir galement infra la Situation 2.
257

1. Rception de lordre. Le sales / sales trader rceptionne les ordres entrants (tlphone,
Bloomberg, etc.), il identifie le client et le nom du donneur dordres. Sil ne connat pas
le client, il revient au sales / sales trader de sassurer que le client est habilit traiter
avec MB Brokerage. Dans le cas contraire, il lui faudra proposer son interlocuteur de
suivre une procdure dentre en relation.

2. Identification de lordre. Une fois le client reconnu, le sales / sales trader porte son
attention sur lordre qui lui est pass : il rpte au client, sur bande enregistre, la teneur
de lordre, cest--dire les caractristiques principales qui permettent didentifier le titre,
la quantit, la typologie de lordre, etc. Si celui-ci ne peut tre trait en ltat, du fait par
exemple de sa confidentialit ou de conditions inhabituelles, il sadresse aux
dontologues de march qui lui indiqueront la marche suivre (poursuite de lordre ou
traitement autre).

3. Saisie de lordre dans lOMS. Une fois ces deux premires tapes accomplies, le sales /
sales trader est habilit saisir lordre dans lOMS (Order Management System, le
logiciel maison utilis par MB Brokerage pour grer ses ordres) et identifie lordre
comme tant en attente de traitement. Cest ce moment que lordre est horodat et
quune rfrence unique lui est attribue. Lintrt exprim par le client est devenu un
ordre part entire, disposant de ses caractristiques originales : date, heure, sens,
quantit, titre, conditions dexcution et rfrences du client.

4. Aiguillage de lordre. En fonction des souhaits exprims par le client, lordre peut tre
rout directement vers les ngociateurs pour que ceux-ci placent lordre dans le carnet
la recherche dune contrepartie, vers la facilitation pour une excution immdiate, ou
encore vers une contrepartie qui aura t trouve dans le carnet de MB Brokerage.

5. Excution de lordre. Un ngociateur prend en charge lordre entrant et lenvoie sur le
march au moyen de sa station de ngociation. De son ct, le sales / sales trader suit au
fil de leau lexcution de lordre et communique le cas chant les modifications ou
mises jour au ngociateur.

258
Lorsque les demandes sont envoyes par mail, elles reprennent de faon synthtique les
lments permettant au sales trader de saisir lordre dans lOMS partir de laquelle les
traders vont chercher les ordres placer sur le march. Ci-dessous figurent les instructions
pour un achat agressif (un achat au tiers du volume disponible sur le march) de titres
Bouygues (code mnmonique : EN) avec un cours cible de 58 EUR ; et une vente de 10.000
titres Michelin (CGE) dans les cours :

Buy EN 1/3 Vol. Target 58.
Sell 10.000 CGE In line.

Des connexions dites fix (Financial Information eXchange) sont galement mises en place
avec certains clients : il sagit dun protocole informatique dchange dinformations entre
entits, et permettant aux clients denvoyer leurs ordres directement dans lOMS utilise par
les sales traders de MB Brokerage.

Lactivit dintermdiation classique nous permet, dans la suite de ce travail (5.2.4.),
dillustrer de nombreuses questions dontologiques : comment sont gres les dclarations au
march (Situation 1) ? A quoi servent les coutes de bandes (Situation 5) ? Quel rle joue la
dontologie lors des entres en relation (Situations 6 et 7) ? Comment encadrer la rception de
cadeaux de la part des clients (Situation 8) ? Comment sont effectus les rappels lorsque les
procdures ne sont pas respectes (Situations 10, 11 et 12) ? Comment sont gres les erreurs
vis--vis des clients (Situation 13) ? Autant de questions qui se posent quotidiennement au
dontologue, et qui matrialisent pour ainsi dire lexercice de sa fonction. Mais la passation
dordres la voix est loin dtre le seul moyen, pour un client, de passer des ordres. Si lon
met de ct les ordres reus par e-mail, fix, voire sur PDA (de type Blackberry), on recense au
moins deux autres modalits de rception transmission des ordres.


Les ordres DMA
Le client peut galement avoir recours un service dit de Direct Market Access (DMA), dans
lequel MB Brokerage place chez le client un cran dlocalis qui permet ce dernier de
passer ses ordres directement sur le march. Le client dispose de la sorte dun accs march
sans avoir sacquitter des frais dabonnement onreux (membership), en utilisant la
connexion informatique de MB Brokerage. Lintrt pour le client rside galement dans la
259
facturation : lorsque les ordres de lintermdiation institutionnelle sont facturs de 15 20 bp
(soit 0,15% 0,20% du montant de lordre), les ordres DMA sont facturs le plus souvent
moins de 5 bp (parfois mme 2 bp). De son ct, le broker exerce une surveillance des flux
passs par le client et met en place des filtres qui retiendront le cas chant les ordres
aberrants ou dpassant les limites de risque autorises. Lorsquune telle situation survient,
MB Brokerage appelle le client, lui notifie lerreur releve et lui propose le cas chant de
prendre la main sur lordre pour lexcuter.

Le client utilise la connexion et le membership de MB Brokerage ; en cas derreur ou de
manipulation de cours, cest donc MB Brokerage qui apparat en premier lieu comme
responsable : que le client envoie un ordre aberrant sur le march, ou un ordre ne respectant
pas les rgles tablies par le march, cest la socit faisant juridiquement face au march
(market facing firm) qui se trouve expose, appele par la surveillance de march et qui doit
en dfinitive donner les explications relatives lincident.

J ames, oprateur en charge de la surveillance des flux DMA (T), sexprimant avec un lger accent
britannique : On a souvent des appels du LSE [le London Stock Exchange]. Comme ils partent du
principe que les filtres sont chez nous, ils nen mettent pas chez eux. Cest un march peu sr : on a un
client qui sest fait plumer comme a, en confondant les pence et les pounds. Le client sest plac dans le
carnet un prix aberrant la vente quelque chose comme 5 pence au lieu de 5 pounds, you see ? Et en
face un type a mis un ordre au mieux... il a tout rafl pour rien .

Caroline (D) : Comme cest Paris qui a le membership et pas le client, cest nous qui sommes appels
pour donner des explications on a un problme avec les filtres FixiTrade [le fournisseur du logiciel
utilis par MB Brokerage pour filtrer les flux], et ils sont incapables de le rsoudre cest trs embtant
pour nous sur des marchs comme Londres.

Au-del, lexercice dune surveillance constante est important pour les dontologues de MB
Brokerage qui peuvent par ce moyen sassurer du respect des listes dinterdiction que nous
avons mentionn plus haut
182
. Ces listes sappliquent aux ordres pour compte propre, et si
MB Brokerage propose principalement une activit dintermdiation pour compte de tiers et
ne devrait donc a priori pas en subir les restrictions, certaines oprations impliquent
nanmoins de la part du broker la prise dune position en compte propre : ce sont ces
oprations quil sagit de restreindre. Ds quune valeur est ajoute la liste dinterdiction, le

182. Cf. supra, not. 5.2.1.1. et 5.2.1.3.
260
dontologue demande la mise ne place de filtres rejetant les ordres passs en compte propre.
Les activits qui gnrent des positions comptables pour compte propre sont au nombre dune
demi-douzaine chez MB Brokerage : la plus importante est une activit qui est exerce par la
filiale britannique, et qui consiste traiter des CFD ou Contract For Differences qui sont
des instruments financiers traits par un bon nombre de clients bnficiant dun accs DMA.

Un CFD est un contrat pass entre deux parties qui conviennent dchanger une date donne
lensemble des gains et cots rpliquant lachat ou la vente dun sous-jacent. Un client
acheteur du contrat reoit, sans dtenir effectivement les titres, les bnfices lis leur
possession (hausse des cours, dividendes) et dbourse les cots affrents (baisse des cours,
commissions). Un client vendeur du contrat, sans raliser une vente dcouvert, encaisse les
revenus lis une telle position (baisse du cours), et rgle son courtier les charges
correspondantes (hausse du cours, dividendes, commissions). Si le CFD ne cre pas en soi de
droits de proprit, il requiert cependant une couverture parfaite et instantane en compte
propre, afin dviter tout risque march : lvolution de cette couverture dpend uniquement
des achats et des ventes de CFD de la clientle et sincrmente automatiquement avec
lexcution de lordre par le client, qui dispose de son accs DMA. Lorsque les titres sous-
jacents figurent sur la liste dinterdiction, il est trs difficile dexpliquer au client que MB
Brokerage, son prestataire souvent exclusif sur ce produit, nest pas en mesure de le laisser
monter ou dnouer une position CFD. Techniquement, le client passe un ordre dachat ou de
vente de titres constituant la couverture pour le compte de MB Brokerage Londres, qui
simultanment met le CFD achet ou vendu par le client, en passant les critures
quivalentes. MB Brokerage Londres prte ou emprunte de son ct les titres auprs du desk
de prt emprunt de MBCIB.

Dontologiquement parlant, loffre de contrats CFD pose un problme li la cinmatique
gnrale de lordre : le client est seul matre de ses excutions, puisquil passe par un DMA,
mais cest MB Brokerage qui se trouve juridiquement face au march. Il est donc essentiel
que le dontologue soit mme dune part de sassurer du correct filtrage des ordres, et quil
soit mme, en cas derreur, de faire dboucler les positions prises dans la journe
(intraday positions), lenjeu sous-jacent rsidant dans le respect des listes dinterdictions
(Situation 3).


261

Le Program Trading et les ordres Algorithmiques
Destin aux clients institutionnels disposant dune importante surface de march, le Program
Trading consiste en la passation dun ensemble dordres identiques sur une liste de valeurs
donnes. Ce service offre aux clients un plus grand anonymat, rduit les cots, mais
galement limpact de march (market impact) tout en augmentant les ratios de productivit.
De la sorte, les grants (investisseurs buy side) peuvent se concentrer davantage sur leurs
ordres complexes en dlgant au broker la gestion des ordres simples
183
. Les sales traders
jouent un rle de conseil auprs des clients quant la faon dont ils peuvent optimiser leurs
stratgies de trading, en tirant parti de tendances de march et des situations probables
rsultant de la passation des ordres. Les stratgies dfinies peuvent tre orientes par les
volumes, les prix, les priodes dexcution, ou un mixte de ces critres. Ainsi, le client peut
demander excuter un type dordre sur un indice. Cela donne la conversation suivante :

Mohammed (ST) : Allo ?
Bob (T) : Salut cest Bob de Star Swiss Investors. J e tenvoie un programme sur le SMI.
Mohammed (ST) : Ok, tu les veux comment ?
Bob (T) : Tu me fais un VWAP sur les 20 valeurs, tu verras cest indiqu.
Mohammed (ST) : Entendu.

Linvestisseur informe le sales trader de MB Brokerage quil va lui faire parvenir un fichier
format contenant la liste des valeurs appartenant lindice de rfrence suisse (le Swiss
Market Index), et quil veut voir appliquer aux quantits demandes un ordre VWAP soit
un ordre Volume Weighted Average Price, qui correspond un ordre dans lequel le cours
dexcution correspond au cours moyen effectu sur le march pour une priode donne (la
journe par exemple).




La cinmatique de lordre inclut ainsi une analyse a priori (pre-trade analysis) permettant aux
sales traders de MB Brokerage de confirmer les instructions auprs du client, puis de passer

183. Cf. Sussman & Simon (2007).
262
en retour les ordres aux traders qui excutent les transactions. Une analyse a posteriori (post-
trade analysis) est ensuite effectue, et les titres allous (cest--dire enregistrs dans le
compte du client).

Loffre de service de trading algorithmique consiste, de la mme manire, appliquer des
algorithmes de trading spcifiquement dvelopps par les sales traders et les informaticiens
de MB Brokerage. Ces algorithmes rpliquent des stratgies de trading cherchant tirer parti
de tendances de march. Le tableau ci-dessous dtaille quelques-uns des algorithmes
communment offerts aux clients de MB Brokerage.

Type Exemple Description
% Volume
Vente de 50.000 GLE
(laction Socit Gnrale),
participation 33% du
volume, arrt 14h30 sil
manque de liquidit, ne pas
payer plus de 118 EUR et
si le prix descend 116
EUR, finir lordre.
Lalgorithme va suivre les volumes excuts sur le
march et envoyer sur une priode donne des
ordres pour essayer datteindre le taux de
participation (ici un tiers des volumes traits,
lordre est donc agressif ). Des limites de prix
ont t ajoutes, qui permettront lalgorithme de
finir lordre ds quune de ces limites aura t
atteinte.
Sliding
Volume
Participation
Vente de 50.000 GLE,
participation 33% du
volume, acclrer 50% du
volume si le prix monte
118 EUR, diminuer jusque
0% si le prix descend sous
116 EUR.
Lalgorithme va suivre les volumes excuts sur le
march et envoyer sur une priode donne des
ordres pour essayer datteindre le taux de
participation en ajustant le pourcentage de
participation au volume en fonction des limites de
prix indiques.
Iceberg
Achat de 50.000 GLE
118 EUR en ne dvoilant
que 2.500 titres chaque
fois.
Lalgorithme ne dvoile au march quune petite
partie de lordre. Lorsque la quantit dvoile est
excute, lalgorithme envoie automatiquement une
autre tranche avec les mmes paramtres, jusqu
excution complte de lordre. Lalgorithme
duplique de la sorte un ordre Iceberg .
Hunt
Achat de 10.000 GLE
jusqu 15h, ne pas agir sil
y a moins de 1.000 titres
loffre, ne pas payer plus de
118 EUR.
Lalgorithme travaille comme un sniper , et
attend quun niveau doffre / demande soit atteint
pour envoyer un ordre EOE (Execut ou Elimin)
lorsque la quantit dfinie apparat dans le carnet.
Cet algorithme est particulirement utile lorsque les
titres sont peu liquides.

De mme que la typologie des ordres accepts varie dun march lautre, il existe
videmment dautres types dautomates, qui sont dvelopps la plupart du temps en interne
par les traders assists des services informatiques. Chaque broker propose donc ses propres
263
algorithmes ses propres clients, en ayant au besoin recours des fournisseurs externes pour
les dveloppements. Les oprateurs travaillant sur le desk du Program Trading peuvent avoir
des problmes de dclaration au march (Situation 2) ou relatifs la rception dun ordre
aberrant (Situation 4).


5.2.3.2. Dautres services proposs par MB Brokerage
Outre ces activits dintermdiation, MB Brokerage propose dautres services dexcution,
plus spcialiss (facilitation, corporate brokerage). A ces services sajoute la publication de
recherche sur environ sept cents valeurs.


La Facilitation
Cette activit consiste se porter contrepartie dun ordre client et den garantir le prix. Le
client appelle, demande une facilitation sur une quantit de titres dont il veut se dbarrasser
rapidement, sans pour autant apparatre dans le march : dans ce cas, MB Brokerage peut lui
accorder une facilitation, ce qui consiste prendre la position en compte propre et couler
les titres sur le march sur une plus longue priode. Afin daccrotre la liquidit apporte par
MB Brokerage ses clients, le desk Facilitation peut soit se positionner face au client, sa
demande et un prix fix, soit constituer des positions pour compte propre pour ensuite les
porter la connaissance des clients. Cette activit consommant des fonds propres, elle nest
propose quaux meilleurs clients de MB Brokerage, mais peut en retour gnrer des flux plus
importants au niveau de lintermdiation cash.

Ci-dessous figurent les principales tapes suivies lorsquun client demande un prix :

1. Rception de la demande de prix. Lorsquun ordre est aiguill vers le desk Facilitation,
celui-ci donne un prix, aprs avoir vrifi que la valeur ne figure pas sur la liste
dinterdiction. En cas de doute, il revient au facilitateur de consulter le dontologue de
march pour interprtation.

2. Estimation du prix proposer. Sil est possible de proposer un prix au client, le
facilitateur estime le potentiel court terme du cours et fixe un prix pour le bloc, en
264
respectant les limites de risques qui lui ont t fixes. Pour ce faire, le trader consulte
les informations fournies par Bloomberg ou Reuters (prix moyens).

3. Pricing. Le ngociateur communique ensuite le prix auquel il est prt proposer une
facilitation.

4. Transmission de lordre. Si le client ou le sales trader est daccord, ce dernier transmet
laccord au desk Facilitation. Il saisit lordre dans lOMS en mentionnant que lordre
doit tre excut par la Facilitation.

5. Excution de lordre. Le desk Facilitation se positionne face au client contrepartie, en
compte propre. Il lui revient de grer par la suite sa position directement sur le march.

Nous verrons par la suite ce qui peut advenir lorsque le trader ne respecte pas la liste
dinterdiction (Situation 3).


Le Corporate Brokerage
Sous cette expression sont rangs trois types de services dintermdiation adapts aux besoins
des grandes entreprises (metteurs et investisseurs institutionnels) et des fonds de private
equity. On distingue ainsi une activit (i) dite de Programmes de rachat, une activit (ii) de
recherche de blocs et dintervention sur des participations existantes, et une activit (iii) de
gestion de contrats de liquidit. Pour tenir compte de la sensibilit de linformation transmise
par les metteurs, lquipe dispose de ses locaux, part : lactivit de Corporate brokerage est
par nature plus expose aux manquements, aux abus de march et entretient en consquence
une relation particulirement rapproche aux dontologues. Deux cellules constituent le
dpartement : la premire a en charge la vente, le sales trading et la ngociation de toute
lactivit hors contrats de liquidit ; la seconde gre les contrats de liquidit et dapport de
liquidit. Cette scission se justifie car le contrat de liquidit doit tre gr en toute
indpendance de lmetteur : celui-ci donne mandat MB Brokerage pour animer son titre,
affecte des moyens la gestion du contrat, mais ne peut en aucun cas intervenir dans la
gestion du contrat. Ce point justifie donc une organisation spcifique, dans laquelle un mme
collaborateur ne peut traiter un programme de rachat et un contrat de liquidit.
265

Quels sont les objectifs du contrat de liquidit ? Comme son nom lindique, il a pour objectif
de corriger les carts de cours trop importants en rduisant les fluctuations excessives de ce
cours un moment donn ; en aucun cas les oprations ralises ne doivent nanmoins aller
lencontre de la tendance de fond du march. Ces contrats sont rgis depuis 2005 par une
dcision de lAMF, publie pour faire suite la transposition dans le Rglement Gnral de la
Directive europenne sur les abus de march
184
. Cette dcision prcise les conditions pour que
le contrat de liquidit soit accept en tant que tel et requiert notamment que le contrat se
conforme aux onze principes tablis par la charte de dontologie rdige par lAFEI
185
:

Principes Signification (daprs la Charte AFEI)
1. Principe de spcialisation
Favoriser la liquidit, la rgularit des cotations et viter
des dcalages de cours non justifis par la tendance du
march. En aucun cas le contrat ne peut entraver le
fonctionnement rgulier ou induire en erreur le march.
2. Principe dindpendance de
lanimateur
Lanimateur juge de lopportunit des interventions ;
lmetteur ne donne aucune instruction en vue dorienter
les interventions de lanimateur ; celui-ci sorganise en
consquence.
3. Principe daction sur un march
rglement
Le Contrat nest valable que pour les marchs rglements
sur lesquels sont ngocis les titres de lmetteur.
4. Principe de continuit des
interventions
Lanimateur peut dcider de ne pas intervenir lorsque cela
lui semble de nature compromettre lobjectif de
continuit.
5. Principe didentification
Lanimateur enregistre ses oprations dans un compte
ddi.
6. Principe dindisponibilit des titres
Les titres affects la gestion du contrat ne peuvent tre
utiliss que dans le cadre du contrat.
7. Principe de proportionnalit
Les moyens affects doivent tre proportionns aux
objectifs assigns au contrat.
8. Principe de sortie en espces
La clture du contrat donne lieu la vente des titres
figurant son crdit et appartenant la socit mettrice.
Principes Signification (daprs la Charte AFEI)

184. Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les oprations dinitis et
les manipulations de march (dite Directive Abus de march ). Voir galement AMF (2005a).
185. Cette Charte de dontologie AFEI concernant les contrats de liquidit, se trouve annexe AMF (2005a).
266
9. Principes relatifs aux modalits
dchange dinformation
Lmetteur sabstient de transmettre lanimateur toute
information caractre privilgi portant sur sa situation ou
ses perspectives.
10. Principe dinformation du march
Lmetteur qui conclut un contrat de liquidit, informe le
march par voie de communiqu pralablement sa mise
en uvre selon des modalits prcises dans la Charte
AFEI.
11. Principe de communication
Tout contrat de liquidit qui souhaite se prvaloir de la
Charte est dclar et communiqu sur demande lAMF.

Ces contrats peuvent tre proposs pour des valeurs peu liquides, mais aussi pour des Blue
chips, les valeurs les plus importantes de la cote. Lquipe est indpendante, elle dispose
dune enveloppe de titres ou de cash, ou dun mixte des deux : elle intervient quand bon lui
semble tout au long de la journe en se plaant dans le carnet dordres. De la sorte, lorsque la
liquidit commence faire dfaut, les ordres placs en chelle dans le carnet, lachat et la
vente, se font taper (cest--dire sont apparis des ordres de contreparties) ; les
ngociateurs peuvent alors moduler leurs interventions en fonction des mouvements du titre
sur le march. Le graphique figurant sur ci-aprs (p. 268) indique les interventions probables
du programme sur le cours dun titre.

Lide principale consiste accompagner la tendance de march : lorsque les cours dcalent
trop, les ngociateurs en charge du contrat interviennent. La pratique pourrait tre assimile
de la manipulation de cours : ce pour quoi ces contrats pour compte de tiers, qui existent
depuis le dbut des annes 1990, ont obtenu une prsomption de lgitimit depuis 2001 et
sont considrs comme une pratique de march admise (AMP) depuis 2005 par lAMF,
aprs transposition de la Directive europenne sur les abus de march
186
. En complment de
ces contrats existe une forme drive, identifie sous le nom de Contrat dapporteur de
liquidit : dans ce cas, le broker prestataire intervient en compte propre (et non partir des
titres ou du cash de lmetteur) pour placer des ordres lachat et la vente en permanence,
dune quantit minimum et dans une fourchette de prix (spread) contractuellement
dtermins. Membre du march (en loccurrence Euronext), il amortit de la sorte les carts de

186. Au titre de lart. 612-1 du Rglement Gnral de lAMF : Sont considres comme des pratiques de
march admises les pratiques susceptibles dtre mises en uvre sur un ou plusieurs marchs financiers et
acceptes par lAMF . Voir AMF (2007 : 277).
267
volatilit sur le march, garantit les transactions tout moment et peut mme tre amen
accrotre les volumes.






















Fig. 14. Interventions probables du contrat de liquidit sur une valeur

Les Programmes de rachat constituent un autre versant du Corporate brokerage et sont aussi
encadrs par une dcision de lAMF : dans ce cas, lmetteur mandate MB Brokerage pour
procder des rachats de titres sur le march pour son compte afin de les conserver et de les
remettre en paiement ou en change dans le cadre dune opration de croissance externe
187
.
Les interventions du broker prestataire du service doivent ici aussi se faire en toute
indpendance, et respecter les rgles de ngociation en vigueur sur le march concern (il

187. AMF (2005b : 1), repris in AMF (2007 : 1249).
268
sagit bien dun mandat, et lmetteur na pas, comme dans le cas des contrats de liquidit,
donner dordres au sales trader qui reste matre de ses interventions). De son ct, lmetteur
doit informer le march du programme, et ne pas tre amen dtenir de la sorte plus de 10%
de son capital. Sagissant dun programme, les objectifs des rachats sont dfinis
contractuellement, ils ne peuvent tre modifis lenvi et doivent tre communiqus au
public. Les interventions du mandataire doivent tre effectues dans des cadres strictement
dfinis par un rglement europen
188
: par exemple, il ne peut acheter ses actions un prix
suprieur celui de la dernire opration indpendante ; il sabstient galement dacheter plus
de 25% du volume quotidien moyen (VQM) des actions ngocies sur le march o lachat
est effectu.

Les activits du Corporate brokerage sont encadres par des procdures complmentaires et
des dispositifs propres chez MB Brokerage, qui mettent notamment des limites aux relations
de la cellule avec les autres activits institutionnelles de lentreprise : disposant de son OMS
propre, dun carnet dordre spcifique, les ngociateurs Corporate sont ainsi indpendants de
la salle et napparaissent pas nommment dans les autres carnets, lidentit de leurs clients
sen trouvant de la sorte prserve. Cette sparation existe galement par rapport aux
analystes : structurellement, la cellule Corporate dtient des informations extrmement
confidentielles, puisque cest par elle quun metteur voulant par exemple lancer une offre
publique sur un concurrent passer pour ramasser du papier sur la march. Les membres du
dpartement vitent donc de se rendre dans la partie de la salle rserve aux analystes.

Nous avons mentionn plus haut quau sein mme du dpartement Corporate existe une
distinction : celle-ci sexprime physiquement, puisque les personnes en charge de la gestion
des contrats de liquidit sont spars de ceux ddis aux autres activits, mais galement dun
point de vue organisationnel. De fait, les rattachements hirarchiques sont diffrents, les
collaborateurs ddis aux contrats tant rattachs au Directeur Gnral Dlgu, afin de
garantir lindpendance du gestionnaire vis--vis de la vente, dont le responsable est quant
lui rattach au Directeur Gnral. Nous verrons plus loin la faon dont la fonction dontologie
intervient aux cts des collaborateurs du Corporate brokerage, travers notamment un cas
de contrle (Situation 14).


188. Rglement 2273/2003/CE du 22 dcembre 2003.
269
La Recherche
Nous avons dj donn un aperu de lactivit de recherche (5.2.1.) : celle-ci consiste, pour
les analystes financiers, produire des rapports et des notes danalyse, qui sont publies sur le
site Internet de MB Brokerage rserv aux clients ; lanalyse est galement vendue par les
sales de lactivit dintermdiation cash. Lactivit danalyse est donc entirement ddie au
courtage pour la clientle institutionnelle et corporate. Du point de vue dontologique,
lactivit des analystes requiert essentiellement une attention particulire la gestion des
conflits dintrts. Lanalyste se trouve de fait au centre de plusieurs conflits : vis--vis des
metteurs quil suit, vis--vis de la banque dinvestissement ou du corporate borkerage par
exemple. Devant travailler en toute indpendance, il doit pouvoir exercer son jugement sans
rendre de comptes lmetteur : il travaille avant tout au service des clients de MB Brokerage
et doit sappuyer sur des arguments justifiables par un raisonnement prcis, en ayant recours
un faisceau dlments qui lui permettent destimer la valeur des entreprises quil tudie. De
son ct, lanalyste ne doit pas chercher obtenir des informations privilgies concernant par
exemple les volumes dordres ou lidentit des clients passant les ordres sur une valeur
donne. Sil lui arrive davoir communication dune information privilgie, il doit
absolument sabstenir de lutiliser, prvenir le dontologue : le cas chant, celui-ci lui
demandera de ne plus sexprimer sur la valeur tant que linformation naura pas t rendue
publique
189
.

Nous disposons dsormais, travers cette brve description des activits menes par MB
Brokerage, dune image densemble des pratiques encadres par la fonction dontologie.
Nous avons mentionn dans le cours de notre expos que nous illustrerions par des situations
la pratique de la dontologie, tel est lobjet de la partie que nous allons prsent dvelopper.






189. Sur les informations privilgies, cf. supra, 5.2.1.3.
270
5.2.4. Les figures de la dontologie
Nous avons eu loccasion de donner un premier aperu du travail dontologique dans le cours
de son dploiement chez MB Brokerage (5.2.1., 5.2.2.). Nous avons galement donn un
aperu des principaux mtiers et pratiques concerns par lencadrement dontologique
(5.2.3.). A cette occasion, nous avons pu voquer un certain nombre de situations-types qui
mettent en scne, aux cts des oprateurs de march, les dontologues. Nous allons voir que
ceux-ci revtent en permanence des rles aux yeux de ses interlocuteurs : afin daccrotre son
intgration, le dontologue doit alors savoir jouer de ces rles, endosser tour tour la
personnalit du contrleur, du conseiller. Les figures se succdent, qui se superposent et se
rpondent dans le cours de lactivit quotidienne : (i) conseiller et (ii) contrleur, le
dontologue peut galement tre amen au sein de ces deux rles, intervenir directement
(iii) auprs du client. Plus gnralement, il fait en sorte daccompagner les oprateurs de
march, les analystes et parfois mme les clients afin que la rgle soit en permanence traduite
dans le contexte prsent, quelle signifie aux yeux des diffrentes parties prenantes une
mme orientation de la pratique.



5.2.4.1. Conseiller les oprateurs
Au mme titre que ceux-ci, le dontologue peut dans le cours de son activit se trouver
expos, en ce quil contribue sa manire au processus de ralisation des transactions. Sil
nest pas l pour prendre la dcision, il doit nanmoins pouvoir en clairer les principaux
enjeux lorsque ceux-ci sont complexes, ou lorsque les consquences de la dcision prendre
ne sont pas clairement tablies aux yeux des intervenants qui y prennent part. Le dontologue
contribue de la sorte la formation du jugement des oprateurs en mettant en perspective la
pratique au regard de la norme. Cest en ceci quil est expos, car il affirme les principes et
fondements de la pratique et en claire les attendus. Ce rle de conseiller est mis en avant par
les dirigeants de MB Brokerage :

Le Directeur Gnral de MBCIB, sadressant aux dontologues du Groupe MBCIB (parmi
lesquels ceux de MB Brokerage) lors dune journe ddie la conformit : Ce que jattends de
vous, cest que vous soyez aux cts des oprateurs, que vous contribuiez au business. J ai besoin
271
de votre engagement leurs cts, jattends de vous que vous compreniez leurs activits, les
produits sur lesquels ils travaillent et la faon dont se ralisent les transactions
190
.

Charles, le DGD de MB Brokerage : Quand je vous dis que ce qui mintresse quand je recrute
un dontologue, cest sa capacit comprendre le business et tre actif, cela revient dire que
jattends du dontologue quil prenne des initiatives lorsquil y a des vrais problmes
dontologiques. Prenez la pratique des IOI par exemple : et bien il nexiste rien l-dessus dans les
textes alors que cest clairement un sujet dontologique majeur. Pas de texte, pas de procdure :
nous y avons remdi et avons mis en place une procdure encadrant cette activit
191
.

Ces deux dirigeants soulignent ainsi leur manire que ce qui constitue leurs yeux lessence
mme de lactivit dontologique, cest lengagement dans lactivit, aux cts des
oprateurs, comme support offrant des pistes de rglement des problmes survenant de faon
invitable dans le quotidien de lactivit. Ce rle constitue lui seul une expression de la
nature mme de la fonction dontologique : agir aux ct des oprateurs, cela revient ici
simmiscer entre la pratique et la rgle, dans le moment de la formation de la pratique, en vue
de lorienter, de la guider et de lamener exprimer lessence du texte rglementaire.

Quelles sont ces situations dans lesquelles le dontologue intervient en tant que conseiller ?
Nous avons slectionn, pour chacune des grandes fonctions intervenant dans lexcution de
lordre des situations illustrant les modalits dintervention du dontologue. On notera
combien ces interventions peuvent tre diverses, et renvoyer des horizons temporels trs
htrognes.






190. Restitution dune allocution tenue en J uin 2007.
191. Les IOI ou Indicators of Interests sont des messages posts sur des sites de type Bloomberg. Les oprateurs
peuvent par ce moyen afficher des intrts acheteurs ou vendeurs, ce dans le but dattirer les clients. Courant
2006, aucun texte ne venait rglementer la pratique, et nimporte qui pouvait annoncer des tailles fictives, afin de
grossir les volumes affichs. La Direction Gnrale de MB Brokerage a donc demand au DCC dencadrer la
pratique en rdigeant une procdure dtaillant les diffrents cas de figure et prcisant les conduites tenir.
272
Situation 1 : Trader Problme de dclaration au march (1)
Lorsque deux clients passent un ordre sur une mme valeur en sens oppos, le broker peut
proposer ces deux contreparties de faire un cross . Cela revient excuter les deux
ordres, ventuellement en dehors du march, cest--dire les rapprocher sans les introduire
dans le carnet dordres
192
. De la sorte, le broker na pas sacquitter des frais dexcution vis-
-vis du march, et le client, de son ct, peut tre amen demander un cross pour limiter
limpact march de son ordre, celui-ci napparaissant pas directement dans le carnet central.
Pour autant, les marchs rglements comme Euronext peuvent requrir de la part des
contreparties qui effectuent des cross, quelles dclarent ces transactions a posteriori, selon
des modalits prcises par lAMF : lorsquun prestataire de services dinvestissement

excute en dehors dun march rglement un ordre portant sur un instrument financier []
admis aux ngociations sur un march rglement franais, le compte rendu est adress
lentreprise de march selon des modalits techniques prvues par une instruction de lAMF ;
lentreprise de march transmet ce compte rendu lAMF
193
.

Un dispositif de confirmation des transactions hors march, dit TCS (Trade Confirmation
System) permet de publier ces comptes-rendus. Lorsque le trader se trompe, ou que les clients
sont daccord pour modifier les conditions dexcution du cross, pour par exemple tenir
compte dune volution des conditions de march, le trader peut vouloir modifier ou annuler
son TCS. Il ne peut, pour des raisons techniques et rglementaires, modifier ses dclarations
au-del dun certain laps de temps. Celui-ci coul, aucun retour en arrire nest possible.

Lorsquune telle situation survient, le trader ne sait pas ncessairement quoi faire, il dcide le
plus souvent de se couvrir en prvenant le dontologue :

Bernard, le ngociateur (T) : Dis Dav, je suis emmerd, jai un TCS modifier et cest bloqu.
David, le dontologue adjoint au RCSI (D"): Cest un trade important ? Sur quelle valeur ?

192. Il est toujours possible de faire un cross dans le march, mais les deux ordres doivent tre entrs en mme
temps : il nest donc pas rare dentendre les traders reprsentant chacune des pattes (acheteuse et vendeuse)
de lapplication compter ( 1, 2, 3, Go ! ) avant dinsrer lordre dans le carnet. Cette pratique offre
videmment moins de garanties quant lexcution de lapplication.
193. AMF (2006a : 6), art. 141-3.
273
Bernard (T) : Ben cest du Renault, jen ai fait 10.000 22.1 et jen ai dclar 10.000 22, je les
mets en compte erreur ?
David (D") : Ok et tu menvoies un mail, je te rpondrais en ce sens.
Bernard (T) : Merci Dav.

Compte tenu de la valeur (liquide), des volumes en jeu, le dontologue estime que la
meilleure solution consiste passer une criture comptable, denregistrer lerreur et surtout de
garder la trace de cet change en le formalisant dans un e-mail, qui pourra toujours tre
retrouv dans lhypothse o le rgulateur viendrait enquter sur la valeur.

Nous avons l une situation relativement classique : loprateur connat les rgles, mais fait
face limpossibilit de les respecter compte tenu du contexte. Il reconnat son erreur et
aimerait y trouver une solution : il a pour cela besoin de lavis du dontologue qui va valider
et co-construire avec lui la pratique (3.2.1.3.). Linscription de lopration dans le compte
ddi aux erreurs constitue de la sorte sa reconnaissance par sa matrialisation, une
reconnaissance qui se trouve valide par lacceptation du dontologue. Celui-ci contribue la
formation dune jurisprudence, affirme galement un comportement rpondant une morale
(on ne cherche pas masquer les erreurs, on les dclare en les reconnaissant non seulement
verbalement, mais comptablement) : il oriente bien laction de loprateur concern en lui
confrant un sens qui produit en retour le signe de la reconnaissance de lerreur.


Situation 2 : Trader Problme de dclaration au march (2)
Lorsque MB Brokerage propose un de ses gros clients de lui accorder une facilitation, MB
Brokerage effectue une transaction hors march en se positionnant face son client. Si ce
dernier souhaite se dbarrasser dune position sur un titre, MB Brokerage prend la position en
tant que contrepartie acheteuse et lenregistre dans ses livres. MB Brokerage porte alors le
risque en compte propre et tentera de dnouer cette position sur le march, auprs dun ou
plusieurs acheteurs. Comme la transaction entre le client demandant la facilitation et le desk
de MB Brokerage est faite hors march, elle napparat pas dans le carnet dordres : elle doit
donc tre dclare par ailleurs, selon les rgles tablies par le march concern. En fonction
de la taille du bloc chang, les contreparties disposent de dlais de dclaration plus ou moins
longs, au cours desquels leur dclaration peut tre envoye au march. On raisonne souvent
en multiples de la taille normale de bloc, taille dfinie par les rgles de march dEuronext :
274

4403/2 A Dfinition Sagissant des Titres de Capital et assimils, une Ngociation de Bloc
sentend comme une Transaction suprieure ou gale lun des seuils suivants, ci-aprs
dnomms pour lapplication du prsent article 4403/2 Montant normal de Bloc ou MNB :
(i) 500.000 euros pour des Titres de Capital appartenant au segment Euronext 100 ;
(ii) 250.000 euros pour des Titres de Capital appartenant au segment Next 150 ;
(iii) 100.000 euros pour les autres Titres de Capital ngocis en mode continu ;
(iv) 50 .000 euros pour les Titres de Capital ngocis en mode fixing ;
(v) 1.500.000 euros pour des Titres appartenant au segment NextTrack.
Euronext rvise annuellement les montants fixs ci-dessus []
194


Outre la dfinition des fourchettes relatives aux quantits, Euronext fixe les carts de prix
acceptables pour chaque cas identifi : plus la taille du bloc est leve, plus le spread peut tre
large. Pour les valeurs appartenant au segment de lEuronext 100 et Next 150 (soit les (i) et
(ii) ci-dessus), les carts autoriss sont donns par le tableau suivant ( noter que les rgles
diffrent selon que le bloc est chang pendant ou en dehors de la sance)
195
:

Type de Bloc En sance Hors sance
Qt * Prix <1 MNB Interdit
Prix min : DC -1%
Prix max : DC +1%
1 MNB Qt * Prix <5 MNB
Prix min : FMPA
Prix max : FMPV
Prix min : Min [FMPA clture ; DC -1%]
Prix max : Min [FMPV clture ; DC +1%]
Qt * Prix 5 MNB
Prix min : DC -5%
Prix max : DC +5%
Prix min : DC -5%
Prix max : DC +5%
Qt * Prix 5% capitalisation
Prix min : DC -10%
Prix max : DC +10%
Prix min : DC -10%
Prix max : DC +10%

La dclaration se fait par un systme appel Trade Confirmation System (TCS), qui se charge
de collecter et apparier les dclarations dchange de titres hors carnet. Le systme est ouvert
de 7h15 19h00 tous les jours de bourse et le systme rejette, pour le segment parisien

194. Euronext (2007 : 46 sq.). Ces rgles ont fortement volu depuis lentre en vigueur de la Directive MiF ;
cf. infra, et CE (2004, 2006a & 2006b). Le cas reste nanmoins intressant, en ce quil fait intervenir des
problmatiques dontologiques toujours valides.
195. Euronext (2002 : 4). Les termes employs sont les suivants : MNB : Montant Normal de Bloc / DC :
Dernier cour cot / FMPA & FMPV : Fourchette Moyenne Pondre Achat & Fourchette Moyenne Pondre
Vente.
275
dEuronext, les dclarations qui ne respectent pas les rgles susmentionnes. Pour ce qui
concerne les dlais de dclaration accords lorsque les tailles changes sont significatives, le
tableau ci-dessous donne les rgles applicables
196
:

Nature dopration En sance
Ngociation hors march Compte client Compte non client
Hors sance
Qt * Prix <MNB N/A N/A J +1 au matin
MNB Qt * Prix <5 MNB Immdiat 60 minutes J +1 au matin
Qt * Prix 5 MNB Immdiat 120 minutes J +1 au matin
Qt * Prix 5% capitalisation Immdiat 120 minutes J +1 au matin

Si le ngociateur ne parvient pas effectuer le TCS temps, notamment lorsque le cours de la
valeur concerne subit des volutions erratiques ou que le cours dcale fortement entre le
moment o lordre est excut sur le march et le moment o il est entr dans le systme, il
est dusage quil vienne voir le dontologue pour lui demander que faire : le plus souvent, et
comme pour la Situation 1, ce dernier demande quun mail lui soit envoy pour conserver une
trace de lerreur.

26/07/2007 Mail envoy par Franck (ngociateur au Program Trading, PT) :
Bonsoir,
J e ne peux pas faire la dclaration de 1.000.000 France Telecom (FTE.PA) au cours de 19.9534
(VWAP hors applications 09 :00 17 :30). Malgr mon appel, Euronext na pas pu trouver de
solution au problme. Merci.
Franck

26/07/2007 Mail envoy par Patrick (ngociateur la facilitation, T) :
J e tiens vous signaler que jai d dclarer en TCS une application de 10.000 ACA 29,1082 au
lieu de 29,3950 EUR ; le cours de clture stant cart de plus de 1% de notre cours de rfrence.
La rfrence de la dclaration est 53077 031401f / market rf. b887240.
Patrick


196. Euronext (2002 : 7). Le systme TCS nest plus ncessairement utilis aujourdhui. La mise en uvre de la
Directive MiF a en effet rendu possible lmergence de nouveaux acteurs permettant la publication des
transactions effectues hors march ; ainsi de BOAT, plateforme de publication propose par Markit. Pour une
tude critique de la Directive MiF, on pourra se reporter Jeng-Braun ( paratre).
276
Des problmes similaires peuvent survenir sur dautres marchs, par exemple sur Virt-x : sur
ce march cotant notamment des titres suisses, ce sont les ordres rpondus au client en VWAP
garantis (le prix est garanti davance au client) qui doivent tre dclars au march. Mais
aucun outil ne permet de grer les dclarations de faon automatise. Le ngociateur demande
donc au dontologue comment traiter le sujet, et celui-ci lui rpond de la faon suivante :

10/07/2007 Mail envoy par David (D") Franck (ngociateur Program Trading, PT)
Franck,
Comme tu le sais, les VWAP garantis sur VIRT-X doivent faire lobjet dune dclaration VIRT-
X. Cependant, compte tenu de labsence de gestion automatique de cette dclaration, il nest pas
matriellement possible dassurer les dclarations. Vous avez eu laccord du client pour que les
ordres quil passe ne soient plus des VWAP garantis mais des target VWAP. Dans ce cadre, il ny
aurait plus de problmatique de dclaration (je fais un rapide check sur le sujet).
David.

La solution qui est propose consiste en la requalification des ordres venir aprs accord du
client, une requalification qui exclut lordre de lobligation impose par le march. De la
sorte, le dontologue propose, face limpossible matrialis par la situation (savoir labsence
dun dispositif dautomatisation des dclarations), de modifier le contexte dexcution pour
sortir le trader et son client dune impasse. Il prend sur lui de proposer une telle
interprtation ; le cas est instructif en ce quil montre quil existe une plage de libert que le
dontologue peut choisir doccuper ou pas, en fonction de son apprhension des rgles.
Lorsque celles-ci nexistent pas ou lorsquelles ne peuvent tre respectes (en loccurrence,
les transactions ont dj t effectues), il lui revient de proposer une alternative pratique,
sinscrivant tout la fois dans un contexte donn non prvu par le texte rglementaire. Il
contribue de la sorte crer la pratique de march par lintermdiaire de la dontologie : en
employant les termes techniques propres lexcution (VWAP garantis, target VWAP) le
dontologue transcrit dans un langage comprhensible par le ngociateur la dmarche qui lui
semble dontologiquement valide. Il ouvre ainsi la possibilit pour le ngociateur de trouver
une solution un problme technique lempchant de respecter une disposition rglementaire.
Il va de soi nanmoins que toutes les situations prsentes au dontologue ne trouvent pas
ncessairement de rponse.


277
Situation 3 : Trader Non respect de la Liste dinterdiction
Pour faire suite au contrle des oprations effectues sur les titres figurant sur la liste
dinterdiction, un contrle men quotidiennement par les quipes du contrle permanent,
lquipe compliance reoit un e-mail linformant que le desk facilitation a vendu la veille une
position de 5.000 titres sur Htels du Monde. La structure est un grand holding htelier
figurant sur la liste dinterdiction, MBCIB intervenant auprs de la socit dans le cadre dun
projet doffre publique sur un de ses concurrents. Parmi les contrles effectus par le DCC
figure ainsi une requte informatique procdant une extraction des positions de compte
propre la fin de chaque journe. Le lendemain matin, la liste des titres est compare dans un
fichier Excel avec la liste des titres figurant sur les listes de surveillance et dinterdiction.
Chaque titre est identifi par un code appel code ISIN unique (du nom de la socit mettrice
de ces codes). Le fichier constitu par le ple contrles se prsente comme suit :

ISIN NOM MOUVEMENT POSITION INDICATEUR AGENCY / PRINCIPAL
AN8068571086 SCHLUMBERGER 5 000 10 000 NA NA
AT0000720008 TELEKOM AUSTRIA 3 000 - 2 000 NA NA
BE0003796134 DEXIA 49 230 544 444 NA NA
BE0003797140 GPE BRUXELLES LAM - 6 200 10 000 NA NA
CA0137161059 ALCAN INC 5 000 - 49 353 !! Restricted !! AGENCY
CH0008742519 SWISSCOM AG 66 098 8 198 NA NA
CH0012032030 UBS AG - 6 425 150 248 NA NA
CH0012138605 ADECCO SA 98 036 - 24 954 NA NA
DE0001848083 COMMERZBANK AG - 20 074 0 NA NA
DE0001937902 HALIFAX - 2 253 68 172 NA NA
DE0006048432 HENKEL KGAA 35 140 - 7 918 !! Restricted !! AGENCY
DE0007614406 E.ON AG 180 823 92 267 NA NA
DE0007664005 VOLKSWAGEN AG - 12 946 42 705 NA NA
DE0007771172 PROSIEBENSAT1 MEDI 30 610 14 586 NA NA
DE0007842023 COMMERZBANK AG - 7 610 27 NA NA
FR0000022202 HOTELS DU MONDE - 5 000 0 !! Restricted !! PRINCIPAL
FR0000034548 UNION FIN DE FRANC - 18 022 2 119 NA NA
FR0000034639 ALTRAN TECHNOLOGIE - 4 055 - 15 259 NA NA
FR0000034662 UNILOG 10 202 1 700 NA NA
FR0000053225 METROPOLE TV-(M6) 125 204 - 17 585 NA NA
FR0000053324 CIE DES ALPES 142 279 837 NA NA
FR0000053381 PENAUILLE POLYSERV - 3 862 - 5 080 !! Restricted !! AGENCY
FR0000054694 NATUREX 8 809 344 NA NA
FR0000054900 TF1 - TV FRANCAISE - 6 114 28 540 NA NA

278
Le tableau permet ainsi didentifier, pour les valeurs sur lesquelles MB Brokerage est
intervenu la veille (col. Mouvement ), celles qui figurent sur la liste dinterdiction et pour
lesquelles une position en stock subsiste (col. Position ) : soit la transaction tait effectue
pour compte de tiers (Agency), et il ny a pas de problme, soit la transaction a t prise en
compte propre (Principal). Ce sont ces cas que la dontologie cherche viter.

Aussitt reu, David (D") imprime un exemplaire du fichier et se dirige vers Eric, le
Responsable de lexcution (T*), pour obtenir une explication auprs du trader concern.
Aprs une rapide investigation, il ressort que le trader a mal lu la liste dinterdiction et quil
na pas compris que le titre Htels du monde tait interdit lachat en compte propre.
Ragissant une rumeur de march selon laquelle lopration nallait pas se faire, et craignant
une baisse des cours, le facilitateur a dcid de se dfaire de sa position, constitue quelques
jours auparavant face un client qui cherchait se dbarrasser des titres. Le problme est
alors port la connaissance de Franois (D), le dontologue de MBCIB qui, furieux,
demande des explications. Pendant que lquipe dontologie lui rpond, le David (D")
contacte lAMF pour faire part de lincident ; le gain gnr par la vente des titres est
enregistr dans un compte erreur. Une note est rdige, qui expose le problme, puis envoye
Franois (D) et la Direction Centrale de la Conformit chez MBSA.

De telles situations sont rares, mais elles peuvent avoir des consquences dramatiques : ainsi,
certains marchs stipulent que lorsque la banque intervient dans une opration pour prendre le
contrle dune socit, et quelle dpose donc une offre un cours donn sur les titres mis
par la socit cible, il lui est interdit dacheter ces titres durant la priode doffre un cours
suprieur celui officiellement offert (tel est le cas sur le march grec). Dans lhypothse o
un ngociateur prend une position pour compte propre, cause dune facilitation ou en traitant
des CFD, et o les transactions se font un cours suprieur, alors loffre dpose doit
immdiatement tre augmente pour atteindre le cours pay par le trader. On comprend ds
lors que les titres figurant sur la liste de surveillance fassent lobjet dun contrle strict.

Dans cette situation, lquipe de dontologues effectuera un rappel lordre au ngociateur
incrimin. Elle restituera galement le droul de laction en mettant en face les textes
internes et externes non respects, traduisant dans un rcit argument la faute constate. Sil
est impossible aux dontologues de prvenir lerreur en pareil cas, ils nen proposeront pas
moins une formation aux ngociateurs, centre sur les listes dinterdiction (cf. infra 5.2.5.2.) :
279
leur raison dtre, la manire dont elles doivent tre lues, et les points les plus sensibles de la
rglementation. Au-del, ils rpteront aux oprateurs quils ne doivent pas hsiter venir les
consulter lorsquils ne parviennent pas saisir la porte de linterdiction, lobjectif sous-jacent
tant de donner du sens ces listes de codes ISIN, que les ngociateurs reoivent tous, mais
quils ont parfois du mal interprter.


Situation 4 : Sales Trader Rception dun ordre aberrant
Reprenons le cas propos en ouverture de ce travail : loprateur est quasiment assur que
lordre pass par le client aura un fort impact sur le march (jai un ordre sur Dublin qui va
arracher le march (voir p. 13). Voil comment se solde le dialogue :

Denis (T) : jai un ordre sur Dublin qui va arracher le march : le client ma pass un ordre au
fixing sur des valeurs avec des tailles qui font entre 200% et 500% du volume. Yen a pour 45
valeurs de lindice. Quest-cque jfais ? Vous avez deux minutes
Nicolas (D) : Tu as bien eu confirmation du client quil est au courant quil est bien au-del des
volumes disponibles ?
Denis (T) : J ai appel le client deux fois, il ma dit quil tait ok. Cest dans la platine
Nicolas (D) : Bon ben de toute faon tu ne peux rien faire. Il est au courant, vas-y

Une telle situation ne figure pas explicitement dans la rglementation, et le dontologue
estime cependant que, le client ayant confirm les instructions sur bande enregistre
197
, il ne
revenait pas MB Brokerage de stopper lordre, sous peine de sexposer des poursuites de
la part du client. Nous avons dj voqu le cas de certains marchs qui ne filtrent pas les
ordres aberrants et peuvent se trouver dans une situation o de tels ordres arrivent directement
sur le march.

Nicolas (D), quelques minutes plus tard : Alors a donn quoi ?
Denis (PT*), souriant : Il avait un copain en face, a na presque pas dcal


197. Denis voque la platine, communment appele bote ou Etrali , du nom de la filiale de France
Telecom commercialisant ces outils. Pour un bref aperu, voir Godechot (2001 : 103-104), Muniesa (2006) ou
encore www.etrali.com.
280
Lorsque le client a confirm son ordre auprs de loprateur de MB Brokerage, il savait donc
quil aurait en face une contrepartie demandant des tailles similaires en sens inverse, de sorte
quen dfinitive, limpact des transactions fut rduit.

La situation est intressante du point de vue dontologique : partir du moment o le client a
t inform des consquences probables de son ordre sur le march, partir du moment o
nanmoins il confirme cet ordre, le dontologue estime que le broker na pas bloquer lordre
de son client. En loccurrence, et compte tenu des dispositions que celui-ci avait probablement
pris pralablement la passation de lordre, MB Brokerage a bien fait de ne pas arrter
lordre : il aurait pu lui tre reproch de ne pas avoir excut lordre qui lui tait pass. Ici
aussi, cest un certain exercice de la dontologie qui se trouve revendiqu : lintrt du client
et le respect de la relation contractuelle primant sur la consquence probable mais non
pleinement assure de lordre. Le risque de rputation intervient ici des deux cts : vis--
vis du client, vis--vis du march. La dcision prise de laisser faire le client exposait
ventuellement MB Brokerage du point de vue du march. Elle se trouve mise en pratique
dans le moment de son nonciation, lacceptation de lordre traduisant la performativit
propre la fonction dontologie, qui lautorise : il faut bien comprendre que le statut de
lordre se trouve ici chang par cette validation qui lui donne une lgitimit qui, premire
vue, faisait question pour le trader.


Situation 5 : Sales Trader Erreur sur un ordre, coute de bande
16h45 J e reois un appel dAndrea, une vendeuse travaillant sur les valeurs allemandes. Elle
mexplique quelle doit couter une bande rapidement , car elle nest pas daccord avec
son client : elle a achet 1.300 titres Deutsche Telekom, mais son client lui indique quil nen
a en fait demand que 700. Ds quAndrea a raccroch, jappelle le support informatique, et
leur communique la plage horaire pendant laquelle sest droule la conversation : entre
16h30 et 16h40.

16h49 Alain, du support informatique, mappelle : la bande est remonte, je peux
accompagner Andrea en salle dcoute. Il sagit dun local aveugle, situ proximit de la
salle, non loin des serveurs informatiques. Alain est prsent, tout comme moi et Andrea ; nous
281
commenons couter la bande : Andrea est visiblement anxieuse, car elle a le sentiment
davoir fait une erreur lors de la prise dordre.

Client : Comment allez-vous ?
Andrea (S) : Trs bien et vous-mme ? Que puis-je pour vous ?
Client : Et bien coutez je vais vous passer plusieurs ordres, tout dabord une vente de 10.000
Deutsche Postbank
Andrea (S) : Oui,
Client : Il faudrait aussi me vendre 40.000 BASF, et 5.000 Commerzbank. De lautre ct, je suis
acheteur de Deutsche Telekom, disons 700 et aussi

Andrea jure : Et merde ; elle arrte la bande de dpit. J e lsavais, fait chier jai
compris treize cent . J e lui fais signer le registre sur lequel nous gardons la trace de son
coute, et en profite pour lui faire remarquer quelle aurait d faire rpter son client
(conformment aux procdures en place). Le montant de la paume nest pas ngligeable :
au cours trait, soit environ 14 EUR, Andrea devra inscrire dans son compte erreur une perte
de 8.400 EUR.

16h57 De retour vers mon desk, je fais part du rsultat de lcoute David (D"), qui me fait
remarquer que ce nest pas la premire fois ce mois-ci que ce genre derreur advient. Il me dit
que nous ferions bien de faire une piqre de rappel et dinsister auprs des nouveaux
venus sur les procdures de passation des ordres.

Dans ce cas prcis, le dontologue intervient aux cts de loprateur pour attester de
lcoute, il la lgitime galement : il ne sagirait pas en effet que le sales ou le sales trader
coute seul sa bande, sans la prsence dun tiers autoris. Loccasion de rappeler la personne
concerne quelle a commis une erreur en ne suivant pas les procdures en place na rien de
pernicieux : au contraire, il sagit pour le dontologue de mettre en lumire un contexte
suffisamment prsent, illustr, vcu par le collaborateur, au texte dcrivant la squence de
rception et transmission de lordre au march. Il sopre ainsi une forme de glissement du
contexte disponible vers le rappel de la norme, un processus que nous avons dcrit comme
relevant de la traduction (3.3.2.). Les principes daction noncs par le texte normatif cadrant
la pratique se trouvent deux-mmes illustrs par la mdiation dun exemple tout matriel
pour le collaborateur concern : un signe est de la sorte produit en direction de la procdure
respecter, un texte dsign comme manquant, en dfaut, dans le contexte. Si le signe produit
282
est suffisamment clair, le dontologue est en droit dattendre que celui-ci se conforme,
lavenir, sa demande. Tel est en dfinitive lenjeu de la diffusion de la norme dans la
pratique : son acceptation et sa performance par la double production dune signification (la
dsignation du texte suivre pour viter lerreur) et dune traduction opre par glissement du
contexte vers le texte ainsi illustr. Lutilisation par le dontologue du rfrent rglementaire
(la rptition par le vendeur des modalits de passation de lordre au client pour confirmation)
lui permet par ailleurs dintresser loprateur en situation, et de lamener prendre la mesure
du ncessaire respect des procdures en place ; les signes ainsi produits nen sont que plus
forts.


Situation 6 : Sales Trader Entre en relation avec un client (1)
Lorsque les sales ou sales trader de MB Brokerage entrent en relation avec un client, ils
suivent une procdure dite KYC (Know Your Customer). Cette procdure requiert du
charg de relation quil obtienne de la part de son prospect un certain nombre de documents
qui doivent, au titre de la rglementation, figurer dans le dossier du client. Les
rglementations couvertes sont de deux types : dune part des rgles visant assurer un
certain standard au titre de la lutte contre le blanchiment des capitaux, dautre part des rgles
relatives la capacit du client comprendre les services et les produits qui lui sont proposs.
Le nombre de pices varie en fonction de la nature du client (professionnel, corporate, retail),
de sa structure juridique (socit cote ou non cote, socit rgule ou non, personne morale,
association, etc.), mais aussi de sa localisation : les diligences accomplir ne sont pas
identiques selon que lon entre en relation avec une entit situe dans lUnion Europenne,
dans un pays membre du GAFI
198
, ou dans un pays non membre de cette organisation (J ersey,
Bermudes, les Cayman, les Vierges, etc.).

Depuis le mois de juin 2006, la lgislation franaise requiert de la part des prestataires de
services dinvestissement quils obtiennent de leurs clients une preuve didentit de la
personne habilite traiter. Il est parfois dlicat de demander cette copie dune pice

198. Le Groupe dAction Financire (GAFI), fond en 1989, est un organisme intergouvernemental travaillant au
dveloppement des politiques en matire de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme.
283
didentit, dautant que les clients situs dans dautres pays europens nont pas sacquitter
de cette formalit strictement franaise
199
: la personne en contact direct avec le client doit
tre correctement forme et bien dispose lgard de ces procdures. En lespce, un sales
trader veut entrer en relation avec une Mutuelle. Du fait de leur nature juridique, ces
structures ne sont pas enregistres au registre du commerce et le sales trader ne sait pas par
quel document remplacer la copie du K-Bis.

Philippe, sales trader (ST) : H Davidoff, je veux ouvrir la Mutuelle des travailleurs, et il me
disent quils nont pas de registre de commerce, comment je fais ?
David (D") : Il doivent bien avoir un registre, je crois quil y a un registre des Mutuelles, il
faudrait demander lACAM
200
. J e vais voir ce que je peux faire je te reviens .
Philippe (ST) : Cool
David (D"), 15 minutes et un coup de fil plus tard : Effectivement ils devraient figurer dans
lannuaire des mutuelles daprs ce que me dit un collgue travaillant lACAM. As-tu
regard ?
Philippe (ST) : Ouais, jai pas trouv. Quest-ce quon fait ?
David (D") : Regarde ce que tu peux obtenir comme document qui sapprocherait dun registre,
une affiliation, etc. As-tu des tats financiers ?
Philippe (ST) : J ai tout mis dans le dossier. J e dois les rappeler dici une heure : tu regardes et
tu me dis dici l ?
David (D") : Daccord .

Aprs examen, il apparat que la mutuelle en question ne dispose effectivement pas de registre
du commerce, ni daffiliation. Pour autant, le dontologue dcide de donner un visa au regard
de la qualit du dossier, de la situation gographique de lentit (en France) et des montants
qui devraient tre traits. Il nest pas rare cependant que le dontologue soit amen donner
un visa provisoire, voire refuser lentre en relation, lorsquil estime que les lments
fournis ne lui permettent pas d ouvrir le client , cest--dire douvrir un dossier dans loutil
de CRM maison qui permet de grer tout la fois les donnes administratives, la liste des

199. Dcret n 2006-736 du 26 juin 2006. Cf. Code Montaire et Financier, art. L563-1.
200. Cre par la loi n2003-706 du 1er aot 2003 de scurit financire, lAutorit de Contrle des Assurances
et des Mutuelles est une autorit indpendante dote de la personnalit morale. Elle contrle essentiellement les
entreprises dassurance et les mutuelles. Voir notamment le site www.ccamip.fr (consultation le 25/09/2007).
284
services et produits proposs au client, ainsi que les limites de risque qui lui sont imparties
201
.
Les dontologues sont libres de demander des pices complmentaires sils ne sont pas
satisfaits des documents qui leurs sont fournis, puisquil leur revient destimer sur pice le
risque encouru par MB Brokerage. Ceux-ci sont de plusieurs natures : risque oprationnel,
risque de contrepartie, mais surtout risque de rputation.

Dans le cas des entres en relation, la fonction dontologie intervient tout la fois comme
institution dhomognisation des dossiers client et comme caution de la lgitimit de lentre
en relation. Lorsque les demandes de complments dinformation peuvent paratre
exorbitantes aux yeux des oprateurs, il est ncessaire dexpliciter les raisons de ces
demandes. Cela implique pour les dontologues dargumenter quant la lgitimit de la
demande, une argumentation qui peut tre vcue par loprateur, autant que par le client,
comme une remise en cause de la qualit du dossier prsent. Au-del du texte, cest le
ressenti de celui qui autorise ou pas lentre en relation qui prime ventuellement (3.4.1.).
Ainsi, les preuves de rgulation (documents lgaux) prsents par les fonds dinvestissement
tablis par exemple aux Bermudes ne sont jamais prises en compte par la DCC : estimant que
ces preuves napportent pas les assurances ncessaires, les dontologues de MB Brokerage
prfrent sappuyer sur dautres documents complmentaires, porteurs leurs yeux dune plus
grande valeur juridique. Mais cette incomprhension tout culturelle est galement vcue au
sein mme de la fonction : ainsi, les dontologues de la filiale britannique ne comprennent pas
toujours les fondements des demandes qui leur sont adresses par le bureau parisien
(notamment celles portant sur le recueil dun preuve didentit). Avec cet exemple, nous
disposons dune trace de llment culturel dans lequel nous avons postul que la dontologie
senracine (2.4.1.4.).







201. Les clients ne disposent pas tous des mmes limites de risque : en fonction de leur profil et de leur assise
financire, certains clients se voient assigner des limites en termes dengagements par ordre et par jour de
trading. Cela permet de la sorte MB Brokerage de limiter son exposition lorsquun client fait dfaut.
285
Situation 7 : Sales Entre en relation avec un client (2)
Il peut arriver galement que ce soit la Direction Gnrale, qui tout dossier dlicat est
soumis pour validation accompagn dune note danalyse rdige par la compliance, qui
dcide de refuser une entre en relation, puis fasse volte-face quelques mois aprs le refus, au
vu des pratiques de march. Il faut en effet sans cesse composer avec la concurrence, et
lorsquun individu se fait renvoyer du march londonien par la FSA aprs conviction de dlit
diniti, quil dcide douvrir un fonds dinvestissement Genve et que ce fonds prsente
toutes les garanties ncessaires louverture, quenfin les autres intervenants choisissent pour
la plupart dentre eux dinitier une relation avec le nouveau vhicule dinvestissement, il peut
tre difficile de rsister la pression commerciale exerce par le vendeur.

Le Comit Excutif agrant les entres en relation peut donc revenir sur sa prime dcision de
ne pas ouvrir le client, au vu de lvolution de la situation. Il revient alors au dontologue
doffrir sa Direction une mise en perspective renouvele. En loccurrence, cest Olivier, le
Responsable de la vente (S*), qui a soumis au mois de fvrier 2006 un dossier douverture de
compte pour un gros client dont le nom a rcemment fait la une des journaux. Impliqu dans
un dlit dinitis, J on Paul Shark a t interdit dexercer son activit en France, et contraint de
payer une amende de 500.000 EUR, il a donc aprs quelques mois ouvert un hedge fund
J ersey, First Hedge Associates (FHA) dans lequel M. Shark a investi une partie de sa fortune.
La structure a fourni tous les documents qui lui ont t demands par le sales, une
documentation qui permet notamment didentifier le bnficiaire final contrlant la structure,
J on Paul Shark. Nicolas expose alors la situation comme suit :

Nicolas (D), le dossier sous les yeux : Bon ben l tu vois, cest pas facile. Au titre de la lutte
contre le blanchiment et le financement du terrorisme, rien nindique dans les lments recueillis
quune entre en relation soit illgitime. Lgalement, cest pareil, cest clean. Le seul hic dans
laffaire, cest limage. Il faut quon rdige une note la Direction en leur expliquant quil y a un
risque de rputation aprs tout le type a t renvoy par le portail britannique, et il revient par la
petite porte suisse .

J oignant le geste la parole, Nicolas (D) se met rdiger une note danalyse de deux pages
mettant en perspective la situation, et donnant le dtail des lments apports au dossier. Il
prend soin de rester neutre, alors mme quil ne sent pas lentre en relation : son
argumentation sappuie sur les pices qui lui sont soumises et les articles de presse quil a pu
286
trouver sur Internet. Quelques jours plus tard, le Comit Excutif dcide dadopter une
dcision prudente, en refusant louverture du compte : le risque dimage et de rputation
semblant trop lev :

Charles (DGD), interrog sur le dossier : Ce type est un cow-boy, moi je nai pas envie de voir
notre nom associ ce type .

La semaine suivante, Olivier (S*) fait parvenir au Comit Excutif un mail informant ses
membres de la parution dun article de presse intitul Laventure anglo-normande de J on
Paul Shark , accompagn dune liste des institutions ayant ouvert un compte et travaillant
dj avec le grant. Parmi ces structures ayant accept dentrer en relation avec M. Shark
figurent des intervenants majeurs sur le march : Merrill Lynch, Morgan Stanley, Cheuvreux,
Exane, et quelques autres ont toutes commenc travailler avec FHA. Au vu de ses lments,
le Comit Excutif dcide de revenir sur sa dcision et dautoriser louverture dun compte, en
demandant par la mme occasion sa mise sous surveillance en interne : charge aux
dontologues de sassurer que FHA respecte les rgles en vigueur dans la passation de ses
ordres.

La fonction dontologie est donc intervenue, a clair la dcision de la Direction (2.4.2.). En
aucun cas il ne lui revient de prendre la dcision finale douvrir ou pas un compte pour FHA :
sil dispose dun droit de veto opposable toute entre en relation, il nest pas lorigine de
son acceptation. Le dontologue, lorsquil rdige sa note danalyse, donne son avis en
argumentant partir de lanalyse du dossier. Mais cet avis ne constitue pas un rfrent impos
la Direction, bien au contraire : dune part parce quil ne revient pas la fonction
dontologie de diriger lentit, simplement den cadrer les pratiques ; dautre part parce que,
comme le rappelle Nicolas (D), les arguments des vendeurs facilement quantifiables psent
souvent dans la balance.

J e me souviens dune discussion assez marrante avec Georges [le Directeur Gnral Adjoint de
MB Brokerage] : il mavait dit : si cest vous qui dites oui et moi qui dit non, cest non ; si vous
dites non et moi oui, alors on ngocie. a donne une bonne ide des processus de dcision

Au-del de la boutade, il est important que les dontologues parviennent tenir compte des
pressions du business , en ce que la plupart du temps, ils donnent chair des principes de
287
rgulation enferms dans des textes dcontextualiss : ils oprent alors des traductions qui
sont autant de rapprochements par glissements. Lcart quils matrialisent, quils incarnent
travers un discours, cest un espace le plus souvent laiss vide par le texte rglementaire : la
norme reste avant tout un principe qui ne peut rduire la complexit des contextes mergeant
dans le cours quotidien des activits. De surcrot, lorsque le contexte est celui dun problme
de rputation, non aisment identifiable, le dontologue ne doit pas se rfugier derrire un
paravent lgaliste de faon systmatique : la lgalit dune transaction nen garantit pas
ncessairement la peine lgitimit, et inversement. Lorsquune telle situation se prsente, le
dontologue doit se rappeler quil na pas vocation travailler contre les oprationnels, mais
bien plutt les accompagner.


Situation 8 : Sales Cadeaux
Parmi les procdures figure un texte encadrant lenvoi ou la rception de cadeaux aux clients
ou de la part des clients. Cette procdure dcoule dun article du Rglement Gnral de
lAMF, prcisant que le prestataire

prend toutes les dispositions ncessaires pour limiter les cadeaux et les avantages, quelle quen
soit la forme, que ses collaborateurs sont susceptibles de recevoir ou doffrir dans lexercice de
leur activit professionnelle
202
.

Il revient au prestataire de fixer un seuil partir duquel le cadeau doit tre refus. Olivier, le
responsable de la vente (S*), vient exposer son problme Caroline (D) :

Bon alors normalement les cadeaux cest 250 EUR je crois je suis emmerd jai reu un
magnum dAnglus, tu sais le grand cru de Saint-Emilion daprs ce que jai pu voir a vaut un
environ 300 EUR, quest-ce que je fais, je loffre la compliance ?

En lespce, le prix figurant dans la procdure est indicatif ; il sagit plus dun ordre de
grandeur quune somme fixe. Caroline (D) laisse donc Olivier (S*) la possibilit de dguster
son magnum en toute tranquillit. Pour faire face aux excs des annes 2000, beaucoup
dentreprises ont mis en place des procdures visant restreindre les cadeaux reus de la part

202. AMF (2006a : 79), art. 321-40.
288
des metteurs (cest le cas des analystes) ou envoys aux socits de gestion par les sales
traders
203
. Au-del dun montant prdfini, les demandes sont donc valides par la
dontologie.

Les demandes peuvent tre trs diverses : des soires au thtre, en passant par les matchs au
Stade de France, les soires bowling, les dgustations de vins, les week-end thmatiques (du
type karting et saut en parachute ou chasse dans le Kent pour les plus gros clients), etc.
Le plus souvent, on note une corrlation entre le demandeur, son statut social au sein de la
salle (les sorties en karting et les week-ends de chasse ntant en gnral pas demandes par
les mmes personnes, ni destines aux mmes publics). Les dontologues sont attentifs au
respect de la procdure : une fois la demande formule par le demandeur au marketing, un
mail est envoy pour recueillir laval de la Direction et de la dontologie ; les budgets sont
soigneusement tenus jour. Il arrive que les dontologues dcident de refuser une demande,
lorsque par exemple les personnes invites ne sont pas toutes identifies, vitant en cela que
les conjoint(es) ne bnficient des sorties organises par MB Brokerage. De la sorte, cest une
ligne de conduite qui sen trouve affirme, et au-del une certaine morale qui se trouve
traduite dans la pratique.


Situation 9 : Informatique Fourniture dun nouveau service
Lentre en vigueur de la Directive sur les marchs dinstruments financiers (MiFID) le 1
er

Novembre 2007 impose aux intermdiaires de nouvelles obligations pour ce qui est des
enregistrements tlphoniques et des e-mails
204
. Travaillant la mise en place dun nouveau
systme de rception et transmission dordres par PDA, les personnes en charge du projet au
sein de la Direction Informatique envoient un mail aux dontologues pour leur demander de
confirmer leur interprtation de la nouvelle obligation rglementaire, et surtout confirmer
quau regard des systmes existants, lobligation pourra tre mise en uvre sans difficults :
05/05/2007 Mail envoy par Sbastien (Direction informatique, IT) :

203. Sur les excs en la matire, le lecteur pourra consulter Trteau (2005 : 155 sq.) qui, sans forcer le trait,
donne une bonne ide de ce quont pu tre et restent parfois les sorties de clientle.
204. Pour une premire approche de cette directive, on pourra se rfrer AMF (2006c).
289
Bonjour,
J ai eu confirmation par J C qui a les accs administrateur sur le site de Londres que tous les
messages Bloomberg et les dialogues du chat sont sauvegards quotidiennement sur des supports
Write once ; ces supports sont conservs sans limite de temps.
Cdlt, Seb.

07/05/2007 Rponse de Nicolas (D) vers Frdric (Chief Operating Officer COO de Londres) :
Bonsoir Frdric,
J ai eu confirmation de linformatique quune solution denregistrement de tous les messages
Bloomberg et dialogues chat existait. J e dois maintenant discuter en interne des risques
compliance et de lencadrement ventuel de ce moyen de communication compte tenu de cette
information. Cordialement,
Nicolas

27/06/2007 Conseil dfinitif donn par Nicolas (D) Frdric (COO) :
Bonjour Frdric,
Daprs linformatique, tous les messages Bloomberg (chat compris) sont enregistrs Londres.
Dans la mesure o linformatique peut garantir cet enregistrement et sa conservation dans les
dlais lgaux europens (5 ans selon la MiF) et quen cas de transmission dordres par un client
par ce canal la piste daudit ainsi que lhorodatage se trouvent totalement respectes (transmission
de lordre par le vendeur sur bande enregistre un sales trader pour saisie dans lOMS), alors
je ne vois pas de problme particulier en terme de dontologie (respect de la procdure concernant
les ordres reus en dehors de la salle de march). Il y a peut-tre des risques oprationnels
considrer (scurit des changes, clients qui shabituent passer des ordres par ce canal tout
moment et dfaillance du Blackberry du vendeur ou passage en zone dombre, avion, ).
Cordialement, Nicolas.

27/06/2007 Rponse de Frdric (COO) Nicolas et Sbastien (IT) :
Alors cest ok, on y va.
Merci vous deux. F.

Dans cet change, le dontologue rapproche le contexte de dveloppement des activits
de MB Brokerage la fourniture dun nouveau service de passation des ordres via un
canal PDA, soit un dispositif spcifique des dispositions existantes (la procdure
voque, de passation des ordres en dehors de la salle de march), et des obligations
rglementaires venir (lentre en vigueur de la directive MiF). Le dontologue
rappelle dans un langage simple lobligation nouvelle et conclut sur la possibilit
doffrir le service, en tenant compte des diffrentes parties prenantes : oprateurs,
dispositifs, rglementations. Il souligne au passage que dautres points de vue doivent
290
tre recueillis (celui du dpartement de scurit informatique), et que pour ce qui relve
des problmes oprationnels, lducation des clients reste faire : il faudra leur
expliquer que ce mode de rception nest pas exempt de risques.

Ce type dchange portant sur un sujet technique, non identifi comme tel dans la
rglementation, est assez courant : dapparence anodine, il contient pourtant beaucoup
dlments de lexercice dontologique. Tout dabord (i) en ce quil fait intervenir
plusieurs acteurs diffrencis : un informaticien, qui fait tat des possibilits
technologiques, un COO qui a en charge la gestion oprationnelle de son entit au
quotidien, le dontologue, mais galement la technologie disponible. Nous avons l
quatre actants dont les logiques fonctionnelles ne sont pas identiques ; le dontologue
intervenant comme mdiateur de lchange, en y ajoutant nanmoins son point de vue
(2.4.2.). Ensuite (ii) en ce que le dontologue opre une traduction de la situation en
oprant non seulement une transcription (minimale) de la norme dans le contexte
organisationnel et technique (3.3.1.2.), mais galement en faisant converger les points
de vue (3.3.1.3.). Lorientation est donne, et la dcision prise par Frdric signe le
dploiement dune pratique conforme aux exigences dontologiques.




5.2.4.2. Contrler les oprateurs
Si le dontologue a pour rle de donner des conseils, de mettre en perspective des situations,
bref dclairer la pratique en rinscrivant la norme dans un contexte donn, il lui revient
nanmoins deffectuer des rappels lordre lorsque ses conseils ou les procdures en place ne
sont pas suivis. Ce rle de contrleur est celui qui caractrise le plus souvent, dans lesprit des
oprationnels, le dontologue.


Une fonction qui suscite des reprsentations
En dfinitive, il est assez commun que ces derniers oublient la figure du conseiller que nous
venons dvoquer, et quils y substituent une figure moins avenante, celle de l empcheur
de tourner en rond . Pire, cette figure cristallise parfois les mcontentements de celui qui
291
sest vu refuser une entre en relation, qui a tt fait de critiquer le manque dattention de la
profession dontologique lgard de lactivit des oprationnels :

Vendeur : Cest pas possible, vous entendre, on na plus le droit de travailler Laissez-nous
faire notre job et faites le votre, mais arrtez de nous emmerder avec des rgles idiotes .

Sally (S), souriant : Chez nous, on vous appelle la BPU, tu sais la Business Prevention Unit.
Et vous dployez toutes ces KYC, qui en fait ne veulent pas dire Know Your Customer, mais
bien Kill your client .

Le dontologue est souvent vu, chez MB Brokerage, comme un flic qui na dautre
souhait que de serrer et mettre lombre loprationnel. Do le surnom qui lui est
souvent attribu, celui de buf-carottes , de tueur . Faisant contre mauvaise fortune bon
cur, les oprationnels nont de cesse de souligner la dimension rpressive quils associent
la fonction dontologie, celui-l mme qui les empche de faire du business , qui est le
big brother de la salle . Loprationnel, dans sa figure dassujetti, se plat rappeler au
dontologue la nature de leur relation :

Benot (CB*), renclant devant une demande de complter un dossier KYC, et sadressant au
dontologue : Ne mord pas la main qui te nourrit .

Le mme, voyant le dontologue entrer dans son bureau : jai rien fait, je demande parler
mon avocat .

Deux oprationnels, parlant dlibrment devant le dontologue et dsignant les chaises
accumules prs de ce dernier : Tu vois, il a mis plein de chaises pour que tu viennes avec ton
avocat, cest pas une dlicate attention, a ?

Il est alors intressant de noter que cette reprsentation apparemment partage ne sexprime
pas de la mme manire chez tous les oprateurs. La rcurrence de la rfrence policire
mane avant tout des oprateurs strictement parler (ngociateurs en charge de lexcution,
sales traders), soit la population en contact direct avec le march. Cest cette population qui
se trouve le plus naturellement sollicite lors des enqutes de lAMF, ce sont ceux qui le
dontologue sadresse pour obtenir le dtail des excutions des ordres faisant lobjet de
lenqute. Les vendeurs, mais galement les analystes, emploient la figure policire dans leurs
dialogues de faon moins frquente, et le plus souvent pour participer une conversation dans
292
laquelle on trouverait des membres des autres services. Quoi quil en soit, la figure du
contrleur reste celle qui permet aux intervenants de la salle de march de faire des bons
mots. Nous avons recens ci-dessous quelques-uns de ces traits, qui mritent dtre cits en ce
quils soulignent avec force linclusion des dontologues dans les rseaux sociaux.

N Date Intervenant / Contexte Phrase
1. 22/03/2007
Benot (CB*) et Bernard (T/CB),
sadressant aux dontologues (
noter que les deux intresss sont
plutt corpulents).
Benot, voyant David (D") revenir son
desk : a y est on va finir en prison .
Bernard : Moi je ne veux pas partager
la cellule avec lui, hein David, 9 m
nous deux on respire plus .
2. 03/04/2007
Denis (PT*), que David (D"),
Nicolas (D) et moi-mme croisons
dans un couloir.
Oh l attention y a une descente jai
rien vol cest pas moi .
3. 04/04/2007
Olivier (S*), sur ce mme vide, la
cantonade.
Quest-ce qui sest pass ici ? Vous
avez lanc une bombe ? et, plus tard :
Vous dratisez ?
4. 11/04/2007
Charles (DGD), au sujet du desk
vide devant le desk de la
compliance.
Charles : Vous avez lair un peu
seuls .
Caroline (D) : On a fait une muraille
de Chine .
5. 19/04/2007
Sally (S), au sujet dun client lui
refusant de signer une attestation
requise, et demandant aux donto-
logues dappeler directement le
client.
Youre the compliance, you can be
nasty. I let them to you .
6. 22/05/2007
Olivier (S*), me croisant devant un
DAB dans le hall de la banque.
Oh l, un dontologue devant une
machine cash, cest dangereux .
7. 22/05/2007
Michel (T), sadressant Nicolas
(D), qui lui faisait remarquer en
plaisantant quil allait bientt devoir
le contrler.
Michel : J te casse la tte cont lcran
avant qutu menvoies en cabane
Nicolas : Attention, menace la
compliance dans lexercice de ses
fonctionsa peut te coter cher .
8. 24/05/2007
Rachida (R), aprs une discussion
sur une de ses tudes avec David
(D").
Bon, voil jai t voir le prtre
habituel .
9. 30/05/2007
Benot (CB*), parlant fort dans la
salle aprs une vacuation due une
alerte incendie.
La bonne nouvelle, cest quon a t
dbarrasss de la compliance pendant
20 minutes .
293
N Date Intervenant / Contexte Phrase
10. 08/06/2007
Denis (PT*), devant limprimante
qui sort un imposant pav.
Cest vous qui sortez la Bible ?
11. 08/06/2007
Olivier (S*), sadressant en souriant
Caroline (D)
J ai comme limpression dtre devant
un jury on se sent gn .
12. 29/06/2007 Eric (T*), sadressant David (D")
Tu devrais avoir un grille-chatagnes
avec toi, a permettrait aux gens qui
viennent te voir de se sentir plus
laise, comme au confessionnal .
13. 09/08/2007
Eric (T*), sadressant un sales
trader, accompagn de deux col-
lgues venus poser une question
David (D").
Tu ne viens pas confesse tout seul
mais avec ton avocat et ton garde du
corps tas raison cest risqu, ya
toujours du bl et des plumes perdre
dans laffaire .
14. 23/08/2007
Benot (CB*), lanant la phrase
ladresse du desk de dontologues.
J vais voir les clowns de justice .
15. 23/08/2007
Benot (CB*), passant devant le
desk de dontologues et sadressant
Nicolas (D).
Cest terrible ton boss 9h du mat a
donne envie de rentrer chez soi. Vous
voulez vraiment nous flinguer .
16. 24/08/2007
Un prestataire informatique auquel
je madresse par tlphone.
Moi : On peut se tutoyer tu sais .
Prestataire : Ah ben je sais pas.. la
compliance a le pouvoir de mettre les
gens en prison alors .
17. 05/09/2007
Denis (PT*), sadressant Bernard
(T/CB), en train de passer sa colre
sur limprimante.
Tas fini dtre dsagrable ? Sinon tu
vas aller au coin et le coin du
compliance tu sais ce qui sy passe .
18. 19/09/2007
Benot (CB*), sadressant un de
nos interlocuteurs, remarquant que
nous sommes tous rentrs de
vacances.
David et les autres, ils chassent en
meutemais pour ce qui est de ramener
du bl .
19. 20/09/2007
Michel (T), sadressant Fabrice
(T), un collgue ngociateur.
Putain Fab fait gaffe vla les bufs-
carottes cette fois tes cuit .
20. 21/09/2007
Benot (CB*), sadressant Olivier
(S*).
Mfie-toi de David, lui et ses acolytes
peuvent lire travers toi, tu ne peux rien
leur cacher .
21. 28/09/2007
Denis (PT*), sadressant David
(D").
J tais une runion il y a quelques
temps. Ctait sur la MIF et les
problmes de best exec [meilleure
excution]. Yavait deux donto, yz
avaient dces ttes, vraiment pas drles
quoi .
294

Les phrases ici releves doivent tre rapidement tudies. Elles ne peuvent constituer une base
statistique, puisque leur saisie na rien de systmatique et nest pas quantifiable : il sagit de
fait de paroles que nous avons entendues au cours de notre activit, et que nous avons notes
au fil de leau
205
. Elles contiennent nanmoins dexcellentes indications de ce que peut
percevoir un dontologue de la reprsentation que se font les autres intervenants de la salle
son gard. Le plus souvent, ces injonctions relvent de la boutade et ne dtonnent pas
particulirement de larrire-fond potache qui rgne dans les salles de march. On notera
galement que les intervenants prononant ces phrases sont souvent des responsables
dactivit (corporate brokerage, program trading, excution, vente) : ce point tient la
proximit naturelle que la dontologie entretient avec ces personnes, qui ont davantage
loccasion davoir recours aux dontologues dans le cadre de leurs activits. Deux figures se
dtachent, qui sont mdiatises par une troisime.


La mdiatisation de deux figures de la sanction
En premier lieu, cest la figure du policier qui apparat. Elle peut tre explicitement
mentionne : il sagit de la descente des dontologues (n2), qui viennent mettre
loprateur en prison (n1, n16), en cabane (n7). Pour ce faire, le dontologue
assimil aux bufs-carottes (n19) est cens se dplacer en meute (n18), et lon glisse
assez rapidement vers le champ lexical du danger : ce sont les bombes (n3), la mchancet
suppose (n5) ou les mystres du coin des dontologues (n17) ; un lieu risqu dans lequel
on ne peut se dplacer que protg juridiquement et physiquement (n11, n13, n15), et qui
se fait parodie de justice (n14). Les dontologues de lquipe ne sont nanmoins pas dupes et
ont tendance jouer de cette situation, utilisant un vocabulaire policier (n7), ou une rfrence
illustre aux procdures mises en place (n4). Cette utilisation dun vocabulaire imag,
commun, permet en loccurrence aux dontologues de renforcer les liens existant entre eux et
leurs interlocuteurs : en montrant quils sont capables de comprendre les codes linguistiques
disponibles dans la salle, les dontologues jouent une forme dadaptation de la norme au
contexte ; de la sorte, le message se trouve plus rapidement vhicul, et mieux accept.


205. Voir en Annexe 2 des exemples de ces saisies sur le vif, au fil de leau.
295
Dans le cours des activits quotidiennes, le dontologue est vu comme une instance de pur
contrle par les oprationnels , lesquels se dfinissent en opposition par rapport aux
fonctions dites de support (cest loprationnel qui ramne du bl [n18] et fait vivre la
fonction support qui ne produit apparemment rien dautre que des ennuis). La rfrence aux
bufs-carottes , renvoie en fait aux services de lIGPN, elle est, comme les autres phrases
dcoches lencontre des dontologues, la trace dune forme de sous-conversation qui fixe
chaque fois le cadre des relations entre celui qui est dontologue et celui qui ne lest pas. A
force de pdagogie, de proximit galement aprs tout, le fait que lon sadresse lui avec
humour est la trace que lindividu est accept, quil a dj un peu assur son ancrage social
car il est reconnu comme interlocuteur valide et donc valable le dontologue parvient tre
reconnu comme celui qui certes contrle, mais aussi traduit les ncessits rglementaires en
actes conformes au texte et lesprit de la loi.

La seconde figure de sanction qui apparat au travers de ces propos glans en salle, cest celle
du religieux : celui qui imprime la Bible (n8), qui est un prtre dans la salle (n10) et qui
lorsquil donne des conseils nagit autrement que comme un cur de confessionnal (n12).
Figure de la rdemption pour loprateur de march, le dontologue serait ainsi celui qui
parviendrait lire les intentions de ce dernier comme par transparence (n20), et dont il ne fait
pas bon sapprocher (n9).

La troisime figure sous-jacente qui mdiatise les deux premires, cest celle de largent
explicitement mentionn dans son rapport au dontologue (n6), ou voqu de faon plus
distante sous la forme dune valeur (n2) qui pourrait tre rclame par le dontologue (n13).
Cette mention de largent, qui apparat dans ces paroles, constitue le lien mdiatisant les deux
autres figures. La salle est par excellence le lieu des flux financiers : de l voir dans les
dontologues une instance de contrle charge de canaliser les comportements que ceux-ci
relvent de la smantique du dlit ou de la rdemption il ny a quun pas bien naturellement
franchi.

Dune faon gnrale, cet usage de reprsentations codifies signe bien la spcificit de la
fonction : il y a quelque chose de srieux (n21), voire de sulfureux trop approcher la
compliance (n17). Cest l que se nouent et se dnouent certaines des intrigues du quotidien,
l aussi que se dcident les sanctions ventuelles et que se trouve restitue la parole du
rgulateur, relaye de la sorte chez les intermdiaires financiers. Lutilisation de ces
296
reprsentations signe galement le style relationnel de forte proximit voqu par Hassoun
dans son tude des surnoms sur le MATIF
206
:

Le surnom et ses usages permettent de mettre en lumire les normes relationnelles en vigueur
dans lespace social du march (Hassoun, 2000 : 10).

On retrouve dans la salle de march ultra informatise de MB Brokerage les mmes formes de
proximit que sur le MATIF : une relation sonore, physique et dadresse (la seconde de ces
trois formes se matrialisant probablement de faon diffrente, puisque chacun dispose dune
place dfinie dans la salle). Si le surnom nest pas ici personnalis comme il a pu ltre
autrefois, il nen reste pas moins mme dans son usage collectif un signe de lgitimit
sociale , en tant que trait culturel partag. Rien nempche au demeurant un individu de
sintgrer plus facilement dans les rseaux de sociabilit irrigant la salle.

De temps autre, lusage du surnom sert prparer le terrain de lchange entre le
dontologue et loprateur : obtenir une information, oprer un rappel lordre, sanctionner,
ces actes requis de la part du dontologue peuvent tre grandement facilits si loprateur na
pas limpression davoir affaire un administratif froid appliquant la procdure. La proximit
du quotidien rend parfois les rappels difficiles :

Caroline : Tu vois les autres du contrle, et ben ils font leurs contrles, leurs rapports et aprs
cest nous qui tapons les types. Parfois cest pire : au contrle, ils tapent, et comme on est dans la
salle, cest vers nous que les types viennent se plaindre et comme lerreur est humaine, et bien
parfois l-haut ils se plantent aussi. L cest terrible, a peut ruiner les efforts quon fait pour
mettre les zigs en confiance .

Michel (T), minvectivant alors que je me dirige vers lui pour le prvenir que je vais effectuer un
rappel : Eh, Spirou tu viens pas chercher la merde ? .

Si loprateur se sent plus laise avec la norme quand celle-ci se trouve incarne, cest parce
que lusage dun code commun permet de vhiculer le message via une forme de sous-
conversation : cest dans ladoption modre des postures physiques et langagires de
loprateur que le dontologue parvient faire accepter son rappel. Il ne faut pas se leurrer

206. Hassoun (2000).
297
pour autant : trop de proximit nuit la force de ce rappel des normes, et tous les
collaborateurs ne sont pas prts accepter de passer outre les reprsentations mentionnes ci-
dessus. Lorsquon leur demande ce quils pensent de lvolution des comportements des
oprateurs de march eu gard aux procdures et lacceptation de leur fonction, les
dontologues restent partags :

Nicolas : J e ne sais pas, a dpend vraiment des caractres. Une tte de veau reste une tte de
veau .

Caroline : Moi je trouve que les nouveaux sont quand mme plus faciles, plus ouverts par
rapport la compliance enfin je me trompe peut-tre .

Ces deux avis nuancs traduisent bien la relation ambigu qui peut sinstaurer avec certains
individus : conscient quil est de la ncessaire prsence du dontologue ses cts,
loprationnel nen reste pas moins souvent incapable de reconnatre de bonne foi cette
ncessit. Les moins revendicatifs des oprationnels concdent, au-del du bon mot qui
instaure demble une forme de connivence avec le lgislateur interne, une entente induite par
la nature mme du mtier. Rgulirement, pour ne pas dire quotidiennement, le dontologue
entend des phrases du type : je viens te voir parce que tu sais comment sont les juristes ,
je ten parle pour que tu saches , tiens je te soumets ce point, quen penses-tu ? . Dans le
premier cas, et au-del de la flatterie partiellement fonde, loprationnel souligne quil est
conscient de parler avec une personne partageant son quotidien dans la salle de marchs, une
personne qui est au plus prs du march, qui contribue par ses avis la fabrique de la pratique
de march.

Cest au croisement de ces diffrentes figures transcendant les reprsentations que se forme la
relation de la dontologie loprateur de march : avant dtre un recueil de rgles, la
dontologie se trouve incarne par une personne plus ou moins apprcie selon les affinits
interpersonnelles et le contexte de la rencontre. En lespce, la formalisation des structures
dontologiques par le recours des reprsentations spcifiques, dont certaines relvent de
figures mythologiques (2.4.1.5.), passe par une reconnaissance partage ainsi quune
acceptation des rseaux de sociabilits dans lesquels sont inclus les membres de la salle. Nous
avons bien l la mise en uvre des

298
microprocdures de contrle et de rgulation (ou des micro rites linguistiques dinteraction) dont
une des fonctions est dinstaurer la proximit relationnelle et la fluidit sociale tramant les
interactions de la salle (Hassoun, 2000 : 32).

Nous avons prcdemment mis en scne des situations de conseil (5.2.4.1.), nous allons
prsent restituer des situations de contrle.


Situation 10 : Sales Trading Contrle de lallocation des ordres
Lavis rendu, une fois fix dans un crit, circularis, a valeur de norme. Cet crit peut prendre
diverses formes : e-mail, note, procdure, etc. Lorsque le dontologue effectue un rappel
quil adresse toute une fonction, il contribue la cration dune forme de jurisprudence
interne laquelle les intervenants de la salle devront se conformer. Pour cette raison, les
dontologues peuvent tre amens ngocier ces rappels avec les patrons oprationnels des
activits concernes. Lchange restitu ci-dessous seffectue entre David (D") et Anne, la
responsable du sales trading :

10/04/2006 Mail envoy par David (D") Anne (ST*) :
LAMF a rcemment effectu des contrles et nous oblige vrifier si certains points de sa
rglementation sont respects chez MBB Comme tu le sais, plusieurs intervenants se sont fait
taper sur les doigts par lAMF parce quils nallouent pas assez rapidement les ordres lorsquils
sont termins, voire les allouent aprs la clture du march. Nous avons donc procd un
contrle sur la rapidit des allocations (en comparant lheure du booking et lheure de la dernire
excution) pour les mois de janvier / fvrier. Il ressort de ce contrle que : (a) des ST ont oubli de
rappeler leur client pour le booking (2 cas), (b) ce sont parfois les client qui ont donn des
instructions de booking tardives au ST (3 cas), ou bien encore (c) le ST pensait que lordre serait
updat mais il na pas relanc le client (1 cas). J e peux faire un rappel lensemble du sales
trading pour souligner limportance dune allocation rapide des ordres au lieu dun rappel
individuel. Quelle solution prfres-tu ?

11/04/2006 Rponse envoye par Anne (ST*) David (D") :
Ok pour un rappel global.

Dans la foule, David envoie donc son rappel lensemble du sales trading. Plusieurs traders
viennent voir le dontologue tout au long de la journe, pour lui demander des prcisions sur
le contrle, lui exposer des situations dans lesquelles ils ne savent pas comment se comporter,
299
etc. Au-del de la formalisation du contrle, le rappel se diffuse tout au long des jours qui le
suivent : il ne sagit pas ici de sarrter la sanction des carts par rapport la norme mais de
les mettre en lumire par la mme occasion, de les expliciter, den rappeler le cadre normatif
et de contribuer au questionnement des sales traders. La pratique se trouve illustre dans le
message de rappel, traduite dans un contexte : cest aussi par lassimilation du rappel que la
dontologie va se rpercuter sur la pratique de chaque collaborateur.

En ceci, le message vhicul se trouve porteur des diffrentes tapes que nous avons pu
caractriser dans notre problmatique (5.1.2.) : nous les reprenons dans le tableau ci-dessous.

Message Explicitation
LAMF a rcemment effectu des
contrles et nous oblige vrifier si
certains points de sa rglementation sont
respects chez MBB Comme tu le sais,
plusieurs intervenants se sont fait taper sur
les doigts par lAMF parce quils
nallouent pas assez rapidement les ordres
lorsquils sont termins, voire les allouent
aprs la clture du march. []
Restitution du contexte gnral : le contrle du
rgulateur et les sanctions prononces lencontre
dautres intervenants (lgitimation du contrle par sa
contextualisation). On lit en filigrane la question de
risque rputation (il sagit de ne pas se faire
sanctionner comme les autres prestataires)
Restitution du contexte particulier : le cas porte sur la
phase dallocation des ordres, soit lenregistrement de
lordre excut dans le compte du client.
[] Nous avons donc procd un
contrle sur la rapidit des allocations (en
comparant heure du booking et heure de la
dernire excution) pour les mois de
janvier / fvrier. []
Traduction : sans ncessairement rappeler le sous-
jacent normatif, le dontologue traduit le texte
rglementaire dans les modalits gnrales de contrle,
en explicitant la manire dont celui-ci a t men.
[] Il ressort de ce contrle que : (a) des
ST ont oubli de rappeler leur client pour
le booking (2 cas), (b) ce sont parfois les
client qui ont donn des instructions de
booking tardives au ST (3 cas), ou bien
encore (c) que le ST pensait que lordre
serait updat mais il na pas relanc le
client (1 cas) [] .
Signification : en dtaillant les diffrents cas de figure
relevs, le dontologue donne du sens au contrle. Les
carts la rgle sont eux-mmes mis en perspective,
quantifis, et collent la pratique contrle. Cest
la matrialisation des carts par lexemple qui donne ici
du sens.
[] J e peux faire un rappel lensemble
du sales trading pour souligner
limportance dune allocation rapide des
ordres au lieu dun rappel individuel.
Quelle solution prfres-tu ? .
Vers lexercice dune performativit : le dontologue,
connaissant la sensibilit du sujet, propose deux
modalits de rappel, en sassurant du soutien indirect
de la responsable du sales trading, et recueille de faon
informelle son aval (lgalement inutile, mais
lgitimement ncessaire).

300

Le dontologue doit se montrer particulirement prcautionneux lorsquil se fait le vecteur
dun rappel : celui-ci se fonde sur la base dun contrle effectu par une quipe qui ne partage
pas le quotidien de la salle, et dont le rle est justement de sassurer que lactivit est
correctement encadre, que les failles existant dans les procdures au regard des pratiques
sont colmates au plus vite, et que les risques sont correctement matriss. Dans la salle, cest
donc au dontologue quil revient dassumer le rappel, du fait de sa prsence aux cts des
contrls
207
. La place et le rle tenir ne sont pas ncessairement aiss : un rappel mal amen
peut conduire une diminution de la crdibilit et de la lgitimit du service en entier. Il
sagit pour le dontologue de faire preuve tout la fois de fermet sans mettre mal la qualit
des relations tisses avec les oprateurs : l se dessine le type de performativit requis, ses
dficits ventuels ou ses russites.

La porte de la performativit dploye par le discours dontologique se mesure ainsi laune
du nombre doprations non conformes releves par les contrles, mais aussi par la rception
des rappels ou des conseils formuls par la dontologie. Si le discours structure la pratique
(3.1.3.), cest en tant quil pose dans sa formulation une norme transcendant lacte (3.1.4.) : la
structuration requise et nonce par le dontologue ne peut advenir que dans lacceptation du
discours ainsi form par le contexte dnonciation, un contexte qui ne se rduit pas des
personnes, mais aussi des possibilits technologiques. Cest au milieu des rseaux sociaux et
techniques que doit tre accepte la parole dontologique ; une parole qui ne survit pas si les
faits la dmentent (3.1.5.).


Situation 11 : Sales Trading Contrle de lhorodatage des ordres
Dautres contrles rvlent les modalits de diffusion de la performativit dontologique.
Conformment son plan dactivit, le dpartement des contrles permanents de la DCC
procde en mai 2006 un contrle de lhorodatage des ordres. Pour se faire, la DCC compare
lheure de rception effectivement horodate et lheure de la premire excution : les carts
ressortant matrialisent le dlai ventuellement mis par le sales trader horodater son ordre.

207. Notons que lquipe de dontologues fait elle-mme lobjet dun suivi de ses activits par le contrle, titre
individuel et collectif.
301
Lobligation faite aux oprateurs dhorodater leurs ordres est dcrite de la faon suivante par
les textes rglementaires :

Les membres du march horodatent les ordres ds leur rception, sils manent dun donneur
dordre, ou ds leur mission, sils en sont eux-mmes les metteurs
208
.
Chaque modification de lordre par le client doit galement faire lobjet dun horodatage, ce
afin de garantir la qualit de la piste daudit, toujours utile lorsquun ordre est contest.

Le contrle men par le DCC fait ressortir pour le mois de janvier 2006 et pour certains
oprateurs des carts non ngligeables : il est donc dcid de faire un rappel personnalis pour
obtenir une explication de la part des sales traders. Le collaborateur en charge du contrle
rdige un mail, contenant pour chaque oprateur identifi comme ayant horodat tardivement
son ordre et lenvoie le jeudi soir, vers dix-neuf heures trente. A cette heure, les desks du front
office sont quasiment vides. Il ne reste quune quipe du middle office, occupe dpouiller
les oprations de la journe, quelques analystes travaillant sur leurs rapports pour le
lendemain.

Le lendemain matin, Nicolas (D) et Caroline (D) arrivent pour le morning meeting, vers sept
heures quinze. Il y a encore peu de sales traders, et la plupart des prsents prparent leur
station de ngociation pour la journe, lisent la presse pour dcouvrir de quoi le morning sera
fait, ou consultent les mails quils ont reu depuis leur dpart la veille. Rapidement, une
exclamation se fait entendre, suivie dautres plus nombreuses. Au mme moment, Nicolas (D)
ouvre les mails quil a lui aussi reus, en copie :

Nicolas (D) : a y est, a va tre le cirque
Caroline (D) : Non mais attend, tu as vu ce quil a envoy J ulien ? Il est malade, on va se faire
incendier
Nicolas (D) : Non, cest quoi ?
Caroline (D), lisant le mail de rappel envoy une dizaine de personnes diffrentes : Nous
vous remercions de bien vouloir justifier les lignes surlignes dans le tableau suivant [] Il a
quand mme laiss les carts dune dix secondes .


208. AMF (2006a : 223), art. 515-3.
302
Au milieu des clameurs qui commencent monter ( Non mais y sont fous ! , Cest pire
que la Stasi ! , Y ont rien dautre faire ?), Nicolas (D) peroit du coin de lil un
mouvement : cest Laurent (ST"), le Responsable adjoint du sales trading qui approche
accompagn de Philippe (ST) et Mohammed (ST), deux autres sales traders :

Laurent (ST") : Ok les gars, on va mettre les points sur les i Moi je nai rien contre le fait de
rappeler les rgles, mais l vous dconnez, merde Cest nimporte quoi, cest qui ce J ulien ?
Pour qui il se prend ? Vous le faites descendre pour quil nous danse quelque chose sur un desk ?
Nicolas (D) : Ecoute je comprends, il aurait pas d laisser tomber les lignes dune ou deux
secondes et ne laisser dans ses listes que les plus gros carts
Laurent (ST") : Ouais et si on lui file un coup de pompe au cul faut combien de temps pour que
a monte son cerveau ?
Philippe (ST) : Il a ide de comment a se passe ici ? Tu veux pas lui dire de venir faire un stage
chez nous ?
Mohammed (ST) : Regarde, on a le client en ligne, il nous passe un ordre de 100.000 Valeo, on
les trouve on rpond le prix : je peux te les donner 38. Le client est ok, on saisit lordre dans la
bote et l paf y a un autre client qui en veut 50.000, on fait quoi l ? On lui dit Attend jentre
lordre dun autre zouave avant de moccuper du tien ? L cest au revoir direct. Non
srieusement, on lui dit ok aussi, on rappelle de suite le ngo pour lui dire daugmenter son
volume... Sauf quentre temps lui il a commenc traiter. Il a dj faits des bouts sur le march
alors comment tu veux quon fasse ? .
Philippe (ST) : Et puis comment voulez-vous que je vous dise pourquoi jai allou tardivement il
y a quatre mois, alors que je ne pourrais mme pas le faire pour les ordres de cette semaine Tu
sais combien dordres on traite dans la journe ? .
Laurent (ST") : Moi je veux couter les bandes ; vous le faites descendre et on regarde ensemble
ce qui sest pass

En pareille situation, les dontologues sont pris entre deux feux : dune part, ils ne peuvent
dsapprouver le contrle effectu par J ulien au titre de leur mission dencadrement, de
contrle et de diffusion des bonnes pratiques ; dautre part, il leur est difficile en premire
approche de justifier les modalits de communication relatives au contrle. Le message
envoy par J ulien tait clair, simple, et ntait pas rdig de faon agressive : il nen reste pas
moins que les deux dontologues auraient prfr le relire ou tre prvenus de la teneur du
message pour ladapter au contexte pour le moins pidermique de la salle. Cest donc pris au
dpourvu quils se laissent influencer par la pression exerce par les sales traders, et quils ne
soutiennent pas assez le geste de J ulien.

303
Ici, le rappel a peu de chance douvrir lespace au sein duquel pourrait se dployer la
performativit du discours, en ce quil se trouve demble remis en cause dans sa lgitimit
mme par les oprateurs. Le fait que le message ne soit pas en lui-mme illgitime (le ple
contrles est l pour effectuer ce type de contrles et ce genre de rappel) du point de vue de
lorganisation, ne permet pas nanmoins de le faire accepter. Plusieurs raisons en sont la
cause : le contexte de diffusion et de rception du message (tt le matin lorsque les quipes
prparent leur journe, le rappel portant par ailleurs sur une priode relativement ancienne), sa
mise en forme (un court texte explicatif puis la liste de tous les carts relevs, les plus
importants tant surligns), mais aussi son thme directement li aux modalits dexercice de
lactivit du sales trading, et sa frquence (annuelle), sont autant dlments venant interfrer
dans la mise en place dun discours performatif. Le message vhicul est par trop descriptif et
constatif, il se borne dnoncer un tat de fait : cest aussi en ceci que la dontologie peut se
diffrencier du contrle, elle doit pouvoir poser la pratique norme en effectuant une
refondation par la mise en perspective des textes rglementaires (3.1.4.). Dans ce cas prcis, la
dontologie connat une forme de dfaillance pdagogique qui ne permet en rien de performer
la pratique.


Situation 12 : Sales Trading Contrle des positions en warehouse*
Lorsque lordre dun client nest pas termin la fin de la journe de ngociation, MB
Brokerage peut stocker les quantits excutes dans un compte de warehouse, encore appel
compte de stockage . Il sagit l dun service rendu au client, car lentreprise porte le risque
en compte propre. Celui-ci est triple : de march, de rglement-livraison et de trsorerie.

Le risque de march (i) tient la non reconnaissance par le client des excutions stockes en
warehouse pour le compte du client qui par dfinition de sont pas encore alloues (pas
denvoi de la confirmation). Le risque de rglement-livraison (ii) porte sur le non dnouement
de lopration en temps voulu, exposant MB Brokerage de fortes pnalits. Il survient dans
le cas dune vente, lorsque lopration nest pas booke (comptabilise) dans le compte du
client avant la date de rglement : le dfaut de livraison oblige lintermdiaire procder un
rachat (procdures de buy-in) pour livrer le march, et est factur des taux trs levs (allant
au-del de 20% sur certains marchs), ce sans compter les pnalits. Ainsi, le march turc
oblige lintermdiaire ayant fait dfaut trois fois en deux mois verser un appel de marge
304
avant toute opration pendant une dure de six mois. Quant au risque de trsorerie (iii), il se
matrialise notamment lorsque lordre stock est un ordre dachat : lorsque lopration en
attente dans le compte warehouse nest pas booke dans le compte du client avant la date de
rglement, MB Brokerage achte les titres et les rgle par avance au march, alors que le
client na pas encore vers le prix de ngociation. Il sagit l dun vritable service davance
de trsorerie qui tire sur celle de MBB lorsque le warehouse est lachat.

Tous les jours, le middle office procde donc une extraction des positions en warehouse, et
les dontologues sassurent que les positions en compte sont soldes rgulirement, dans les
limites requises par les procdures, soit cinq jours ouvrs. Charge au dontologue dappeler le
sales trader dont les positions figurent en warehouse depuis trop longtemps pour le rappeler
lordre et lui demander de clturer ses positions.

Caroline (D) : L cest ce quon disait tout lheure, a dpend vraiment des caractres Yen
a certains ils sont clean, jamais de problmes. Tu vas les voir, ils te disent ok, ils bookent tout de
suite ou finissent dans la journe, et parfois mme sexcusent de leur inattention. Et puis y en a
dautres, ils font comme sils te voyaient pas, ou nentendaient pas. Ils poussent des soupirs, etc.
de toute faon cest toujours les mmes qui posent problme .

David (D") : Limportant quand tu vas les voir pour les rappeler lordre, cest de leur expliquer
pourquoi on ne peut garder les poses trop longtemps : cause des risques de dfaut des clients,
mais aussi parce que a mobilise de la trsorerie. a, cest un langage quils comprennent .

Lexercice est quotidien donc trs rptitif, et bien souvent le dontologue est amen
pousser voire forcer loprateur clturer sa pose, la booker. Le contrle est alors remis en
perspective par celui qui se charge deffectuer le rappel auprs des collaborateurs concerns :
le message qui se trouve ainsi dploy produit du sens pour loprateur, qui relie directement
son acte (lenregistrement dune position dans le compte de warehouse) avec les risques sous-
jacents (dfaut du client ou diminution de la trsorerie). Pendant une dure plus o moins
longue, fonction de la rception du message, le collaborateur se pliera la procdure et la
respectera en ayant lesprit la traduction ( cest un langage quils comprennent ) et la
signification porte par la parole du dontologue.



305
Situation 13 : Sales Trading Contrle des comptes erreurs
Les comptes erreurs font galement lobjet dun contrle. Dontologiquement parlant, le cas
le plus intressant rside dans la faon dont le sales trader communique (ou pas) son client
que lordre gnre pour lui une perte ou un gain du fait des conditions dexcution sur le
march, que celles-ci manent de la manire dont lordre a t pass, dune incomprhension
entre le sales trader et le ngociateur ou dune msentente avec le client.

Le jeudi 19 octobre 2006, le client First Finance Capital appelle Sarah (S), son account
manager. Le client a reu lanalyse publie par MB Brokerage le matin sur le secteur de
lalimentation japonaise, et il veut discuter de certains points avec la vendeuse. A lissue de
la conversation, Sarah (S) transfre le client Mohammed (ST) pour que celui-ci enregistre
pour le compte du client un ordre dachat de 25.000 Asahi Breweries pour le lendemain, sans
prciser de conditions particulires quant lexcution ( Tu les fais quand tu peux []
disons louverture ). MB Brokerage ne disposant pas de licence (membership) pour oprer
sur Tokyo, lentreprise route ses ordres vers Daiwa Securities, un broker japonais qui excute
directement lordre sur le march.

Le 20 octobre, Mohammed (ST) appelle le client pour lui expliquer que lordre na pas t
book suite une erreur dans les systmes. Lordre na donc pas t transfr Daiwa en
temps voulu, et ne sera donc excut que le lundi 23 octobre compte tenu du dcalage horaire.
Mohammed (ST) demande donc au client sil maintient nanmoins son instruction et, sur
demande de ce dernier, lui confirme par ailleurs que le prix qui lui sera rpondu sera celui qui
tait affich louverture le matin mme (un cours de 1.750 J PY), MBB prenant en compte
propre lerreur. Le client confirme son accord pour que lordre soit pass. Le 23 octobre,
lordre est excut par Daiwa Securities louverture, alors que le titre est en forte baisse par
rapport la clture de vendredi : Daiwa rpond un prix de 1.735 J PY par action, ce qui
permet MBB denregistrer sur son compte erreur un gain de 375.000 J PY (un peu moins de
2.300 EUR).

Lors du contrle quelle effectue le 24 octobre, lquipe des contrleurs relve lanomalie et
prvient David (D") quelle va adresser un rappel Mohammed (ST), qui aurait d rpercuter
sur le cours rpondu au client le gain enregistr du fait de lexcution retarde de lordre.
306
David (D") rappelle le contrle et leur explique que le sales trader na pas tre rappel
lordre :

David (D") : Non nous navons pas faire une amlioration de cours au client. Pour moi, il ny
avait pas dasymtrie dinformation au moment o lordre a t confirm par le client. Le sales
trader a demand au client sil voulait confirmer son ordre, et le client a acquiesc sans modifier
les conditions de lordre. A partir de l, il savait quil serait excut au fixing douverture et que
son cours pouvait dcaler par rapport celui sur lequel nous nous tions engags .

En tout tat de cause, cest au client de dcider au moment de la confirmation de lordre :
lorsquil enregistre un gain indu ou non prvu, le sales trader se doit dtre transparent vis--
vis de sa contrepartie et lui laisser le choix en lui indiquant ce gain. Ci-dessous figure un
rappel effectu par Nicolas (D) un sales trader ce sujet :

12/04/2007 Mail envoy par Nicolas (D) Philippe (ST), sales trader :
Philippe,
Aprs investigation des quipes de contrle, je te rappelle quil faut tre transparent vis--vis du
client : si ton prix dexcution est meilleur suite notamment une erreur (en loccurrence une
excution de 10.000 Carrefour le 10 avril dernier, pour laquelle tu a engrang un gain de 1.300
EUR environ), tu te dois de lindiquer ton client, quitte ce que ce dernier choisisse quel prix
il veut tre rpondu. Il ne tappartient donc pas, en pareil cas, de choisir le prix. J e tinvite donc
lavenir respecter cette position.
Cordialement, N.

La position tenue par le dontologue montre combien lapplication des textes reste avant tout
tributaire dune contextualisation de la pratique : cest au moment o lordre est pass et
confirm par le client que se joue lapplication de la norme. En montrant que la connaissance
que le client a des conditions dexcution de son ordre doit tre quivalente celle dont
dispose le sales trader, le dontologue nuance le propos du contrleur, et contribue non
seulement diffuser une pratique respectueuse des intrts du client, mais aussi amliorer la
faon dont les contrleurs effectuent leurs contrles. La situation expose par le contrle se
trouve de fait rduite son lment de base : contrairement ce que certains oprateurs
veulent bien croire ( Quand on perd on prend la paume, quand on gagne on file le bl au
client ), la question essentielle qui est ici pose a trait lasymtrie dinformation entre le
client et le sales trader au moment de la confirmation de lordre. Cette question merge
lorsque le dontologue extrait la pratique de son contexte apparent (dans le premier cas,
307
lenregistrement dune position gagnante pour le sales trader au dtriment du client) et la
rintgre dans un contexte lmentaire, se dterminant par rapport un principe daction (ne
pas profiter dune asymtrie dinformation au dtriment du client). Une traduction du contexte
et de laction a t ralise par le dontologue (3.3.1.2.), qui en restitue le principe dans
lchange quil a avec le dpartement du contrle.


Situation 14 : Corporate brokerage Contrle des contrats de liquidit
Nous avons vu prcdemment que les contrats de liquidit signs devaient tre grs de faon
prcautionneuse, dans la mesure o la pratique ne doit en aucun cas amener loprateur en
charge du contrat manipuler le cours de lmetteur. Pour sassurer que les ngociateurs ne
contribuent pas faire coter des cours aberrants, et quils remplissent bien les objectifs du
contrat, lquipe de dontologue procde des contrles rguliers des ordres passs au regard
de la tendance gnrale dvolution des cours des titres concerns.

Pour contrler le respect du contrat, les dontologues comparent les heures dexcution, donc
dintervention de la cellule ddie la gestion des contrats avec la tendance dgage sur la
journe ou une priode de quelques jours. Le principe dintervention en accompagnement de
la tendance est ainsi matrialis ; ci-dessous figure la liste des ordres passs pendant une
journe dintervention sur une valeur peu liquide :

Order Ref. Order Time Side Qty Price
QO23480119 09:00:01 Buy 1000 50.30
QO23480120 09:00:02 Buy 1000 50.25
QO23480121 09:00:02 Buy 500 50.19
QO23480193 11:13:47 Buy 1000 49.83
QO23480220 12:15:22 Sell 800 50.94
QO23480257 14:47:53 Sell 500 51.04
QO23480258 14:48:01 Sell 600 51.11
QO23480277 16:25:09 Buy 300 50.88
QO23480325 17:30:10 Buy 300 50.79

A premire lecture, le titre a a priori ouvert en baisse, les ordres placs 50.30, 50.25 et
50.19 ayant t rapidement taps (excuts). Le titre sest ensuite stabilis aux alentours de 50
EUR, puis a commenc redescendre un peu aprs 11h en dessous de cette limite. Le titre est
alors remont en milieu de journe pour atteindre un pic probable avant 15h, puis a fini en
baisse. A lissue de la journe, le titre a augment de prs de 1%. Les interventions
successives de la cellule ddie aux contrats ont ainsi favoris la liquidit du titre et la
308
rgularit de ses cotations en vitant des dcalages de cours non justifis par la tendance de
march. Les interventions du prestataire agissant dans le cadre du contrat de liquidit doivent
rester modestes, assurer une liquidit non artificielle et surtout ne pas chercher inverser la
tendance de march (on aurait l affaire un cas de manipulation de cours), ni non plus agir
sur ordre de lmetteur, le contrat tant gr indpendamment de ce dernier.

Lorsquils constatent une intervention qui semble en dcalage par rapport la tendance de
march, les dontologues vont demander aux ngociateurs de justifier leurs interventions de
faon factuelle : lapprciation de la tendance de march ne se juge pas sur un dernier cours
cot, mais sur une priode donne, dans un contexte de march spcifique. Lors de son
contrle, cest au dontologue quil revient alors de juger si oui ou non les arguments avancs
par le ngociateur sont dfendables ou pas. Il peut arriver que les ngociateurs interviennent
sur une valeur trs peu liquide, dans le but dassurer la liquidit rgulire du titre ; en pareille
situation il se peut que le cours ncessaire la cotation soit en dehors des fourchettes cotes.
Le dontologue rappellera au ngociateur quil ne doit pas intervenir plus haut que le dernier
cot, sil veut rester protg par le safe harbour dfini dans le pratique de march :
limportance de lintervention ne doit pas amener le ngociateur faire coter des cours qui
pourraient tre assimils de la manipulation. Il participe ainsi indirectement la dfinition
des contours de la pratique partir de la lecture quil effectue des textes rglementaires : au-
del de lapplication de la rgle gnrale dintervention, le dontologue produit le sens
manquant (3.2.3.) notamment lorsque les situations se prsentant aux oprateurs ne sont pas
explicites par le texte normatif (loi, rglement ou procdure interne).


Situation 15 : Tous mtiers Contrle des oprations pour compte propre
Parmi les procdures proprement dontologiques en vigueur chez MB Brokerage figure un
texte relatif aux oprations pour compte propre du personnel. Conformment la
rglementation, lentreprise a distingu plusieurs catgories de collaborateurs en fonction de
laccs que ces derniers pourraient avoir des informations confidentielles ou privilgies, et
qui pourraient de la sorte les amener se trouver en situation de conflits dintrts
209
. Les
collaborateurs situs dans la salle sont tous concerns au premier chef, mais ne sont pas les

209. AMF (2006a : 78-79), art. 321-36.
309
seuls : certains services informatiques disposant dun accs aux carnets dordres, de mme
pour les services marketing apportant un support aux analystes et aux vendeurs.

Il appartient au prestataire habilit de dterminer, en fonction de la nature de ses activits et de
son organisation, les catgories de collaborateurs exerant des fonctions sensibles et les
obligations qui en dcoulent, en vue de respecter les principes dontologiques dfinis [dans le
Rglement Gnral]
210
.

MB Brokerage a donc dfini deux catgories de personnel : lun dit sensible , lautre non
sensible . Lorsquun nouveau collaborateur est embauch, un niveau de sensibilit lui est
affect, qui dterminera sa capacit ou non investir pour compte propre ; attach son poste,
ce niveau non ngociable pourra voluer au gr du changement de ses activits. Les
collaborateurs considrs comme sensibles ont interdiction dinvestir en compte propre sur
des instruments financiers moins que ceux-ci ne leur offrent la possibilit dintervenir
indirectement : tel est le cas des supports dinvestissement de type OPCVM (fonds communs
de placement, SICAV). Dans ce cas, linvestissement est tolr, puisque le collaborateur
nintervient pas dans les choix dinvestissement du vhicule de placement. Un mme
raisonnement permet de laisser les collaborateurs libres de signer un mandat de gestion de
portefeuille avec une socit de gestion ou sa banque habituelle, partir du moment o
lindpendance du grant se trouve reconnue.

De faon alatoire, les dontologues procdent des contrles et demandent aux
collaborateurs concerns de leur fournir une preuve quils nont pas investi, en levant
partiellement le secret bancaire sur leurs comptes :

Le prestataire habilit exige de ses collaborateurs exerant une fonction sensible quils
linforment des comptes dinstruments financiers sur lesquels ils ont la facult dagir, quel que soit
ltablissement teneur de compte.
Le prestataire habilit peut exiger que tout collaborateur occupant une fonction sensible :
1 Lve son profit le secret professionnel sur tout compte dinstruments financiers ;
2 Lui adresse, sa demande, les avis dopr et les relevs rcapitulatifs des oprations
enregistres sur un compte tenu par un autre tablissement
211
.

210. AMF (2006a : 78), art. 321-35.
211. AMF (2006a : 79), art. 321-39.
310

Le contrle est effectu sur une base dclarative : celui qui dcide de ne pas se conformer la
rgle et dcide de ne pas dclarer un de ses comptes se met de lui-mme en infraction, mais il
ne pourra de toute faon tre contrl. L se donne une des limites de la dontologie, qui doit
parfois sappuyer sur la bonne volont des personnes qui elle sadresse. Souvent, lorsquun
nouvel embauch vient rendre les formulaires de dclaration signs, il interroge les
dontologues, pour sassurer quil na vraiment pas le droit dinvestir, cette obligation lui
semblant par trop excessive (ce qui semble tre le cas par rapport ce qui se fait chez dautres
prestataires de la place) ; ou bien quil doit effectivement se sparer des titres dont il dispose
en portefeuille ( tu comprends, a fait cinq ans que je les ai, et puis l cest pas le bon
moment ). Le dontologue doit ici faire preuve de pdagogie et argumenter sur lapplication
homogne des rgles aux personnes considres, et lui proposer des solutions de
remplacement, par exemple le transfert de ses avoirs dans un mandat de gestion.



5.2.4.3. Le dontologue et les clients
Nous avons vu que lactivit dontologique pouvait sillustrer au travers de deux figures
prpondrantes, celle du conseiller et celle du contrleur. Pour autant, lactivit dontologique
ne se rduit pas ces deux rles : dautres rles reviennent aux dontologues, notamment
celui de faire linterface avec les clients dans certaines situations. Nous proposons ci-dessous
de nous intresser trois cas de figure relativement courants chez MB Brokerage :
lexplication des demandes de documents lors de louverture de la relation, la gestion des
erreurs et les investigations relatives aux abus de march.


Situation 16 Expliciter le processus douverture de compte
Contrairement une ide assez rpandue, le dontologue peut tre amen avoir des relations
avec des clients. Nous avons vu plus haut quau moment de lentre en relation, le
dontologue a pour tche daccompagner les vendeurs lorsque ces derniers sacquittent des
diligences KYC propres louverture de la relation (Situations 6 et 7). Au-del des aspects
lis la connaissance du client (avec qui traite-t-on ? le client est-il dment habilit ? est-il
porteur dun risque de rputation particulier ?), le dontologue procde aussi une valuation
311
du caractre appropri des produits qui seront proposs aux clients. Mme si la clientle de
MB Brokerage est dominante professionnelle, ces questions doivent nanmoins tre
adresses, notamment lorsque le client demande accder des produits drivs de type
CFD. Lorsque les vendeurs ont du mal obtenir certaines pices justificatives, le dontologue
peut tre amen faire uvre de pdagogie directement auprs du client, en lui expliquant le
bien-fond de ces demandes :

Daniel (S), appelant David (D") : Dis jai un prospect qui rle, je te le passe et tu lui expliques
pourquoi vous avez besoin de toute votre paperasse ? Merci
David (D") : Vas-y
Le client, transfr sur le poste de David (D") : Allo ?
David (D") : Bonjour Monsieur, que puis-je faire pour vous ?
Client : Bonjour, oui cest pour les papiers l, dites cest beaucoup dhistoires tout de mme, moi
je veux juste traiter de laction, cest du vanille [ plain vanilla , cest--dire des produits
simples] quand mme ; vos demandes sont vraiment exorbitantes
David (D") : J entends bien, mais cela ne dpend pas que de cela, nous devons nous conformer
aux demandes des rgulateurs auxquels tous les intervenants de la place sont soumis
Client : Bon coutez la paperasse quil vous faut cest quoi ?
David (D") : Cest simple, vous tes rgul ?
Client : J en sais rien un instant je mrenseigne oui je crois
David (D") : Bon et bien il vous suffit de nous faire parvenir une preuve de cette rgulation,
ainsi quune liste des personnes autorises traiter et des signatures autorises, et nous pourrons
ouvrir un compte dans nos livres. Nous vous demanderons de nous fournir un complment dans
les trois mois, notamment vos tats financiers et une preuve didentit pour les personnes qui
passeront des ordres .
Client : Ok, mais cest compliqu chez vous, vos concurrents sont plus coulants

Pour les clients qui travaillent sur le march depuis longtemps, il est parfois difficile
daccepter le surcrot de formalisation dsormais demand par les instances de rgulation
nationales et supranationales. Mme en Europe, les rgles restent trs fragmentes, en dpit
dinitiatives visant renforcer lunicit des normes en matire de marchs dinstruments
financiers
212
. Les mtiers de la finance, sils font partie des mtiers les plus rglements au

212. A ce titre, la Directive MiF constitue une tape importante de lunification des pratiques en Europe.
312
mme titre que la mdecine, restent rgis par des conventions sociales fortes, axes sur la
notion cardinale de confiance et le crdit
213
.

Le cas restitu ci-dessus montre que les pratiques sont loin dtre homognes sur le march :
entendre le client, on peut en effet se demander comment les autres prestataires de services
dinvestissement sy prennent pour respecter les textes en vigueur ( moins que le client ne se
serve de largument de la concurrence pour essayer dviter la demande). Il ne sagit plus ici
dinstiller des lments de normativit dans la pratique des oprateurs de MB Brokerage, mais
dexpliciter les raisons des demandes dontologiques aux clients extrieurs lentreprise. Sil
ne sagit plus proprement parler de dployer un discours performatif, il reste cependant
intressant de relever que linclusion de la dontologie peut intervenir jusque dans le march
(ici reprsent par le client). Une ducation de la place se diffuse peu peu (2.2.1.) qui prend
place entre intermdiaires financiers, qui devrait concourir dans le temps lhomognisation
des pratiques (3.2.1.3.).


Situation 17 Dmler et grer les erreurs
Mme dans une salle ddie au courtage sur actions, une activit sur un produit simple et
plus ppre en croire les traders compte propre habitus travailler options, futures,
warrants, convertibles, etc., des erreurs adviennent rgulirement. Ce point se trouve soulign
par Edouard Trteau, dans son rcit du mtier danalyste :

En six annes danalyse financire, je me suis aperu que la plupart des gigantesques erreurs
dapprciation des investisseurs, et des entreprises qui auront trop jou le jeu de ces derniers, ne
provenaient pas de chiffres mal audits, mal calculs ou mal interprts, mais de mots mal
employs, mal formuls, mal compris
214
.

Ces dficits interprtatifs, ces msententes verbales peuvent coter leur place aux oprateurs
fautifs. Et en dpit de lvolution technologique dont les mtiers de march ont bnfici
depuis vingt ans, on trouve au cur mme des ngociations des erreurs identiques celles qui

213. Au Royaume-Uni, la passation dun ordre quivaut ainsi depuis longtemps acceptation tacite du contrat,
avant mme que celui-ci ne soit retourn sign au prestataire. Sur la notion de crdit, cf. notre 3.1.5.
214. Trteau (2005 : 63).
313
pouvaient avoir cours sur les parquets (floors) dans les marchs la crie. Cest en tout cas ce
que montre sans conteste lextrait ci-dessous, tir du rcit fait par Nick Leeson des erreurs
intervenant au cours des ngociations sur le march des drivs Singapour au dbut des
annes 1990 :

Dans tout systme dchange il y a des erreurs : quelquun comprend mal un signal et achte le
mauvais montant, ou achte au mauvais prix, ou pense ne pas avoir dinstruction spcifique alors
que ce nest pas le cas, ou achte le contrat de mars la place du contrat de septembre, ou mme
achte au lieu de vendre
215
.

Pour cette raison, les procdures dintermdiation prvoient explicitement que les oprateurs
recevant des ordres (sales traders, sales) fassent rpter le client, afin de confirmer
linstruction donne
216
. Les traders mettent parfois en uvre des stratgies, des conventions
afin de limiter les erreurs : il nest ainsi pas rare de les entendre compter en base dcimale et
non en base vigsimale pour les quantits allant de 70 99. Pour autant, loprateur nest
jamais labri dune erreur, ainsi que le montrent les deux cas suivants :

J ean-Baptiste (ST) : Allo ?
Client : Hi, this is Ross from Thynne & Co
J ean-Baptiste (ST) : Hi, What can I do for you Ross ?
Client : I wana [crachotement] do sell, fifteen K, mmh... Renault how is it ?
J ean-Baptiste (ST) : Ok sell 15.000 Wanadoo in line, Ill get back to you on Renault
Client, loin et visiblement occup rpondre sur une seconde ligne : Ok hear from you soon

Dans ce cas, J ean-Baptiste (ST) confirme au client quil va vendre Wanadoo alors que le
client voulait en fait que le sales trader vende quinze mille Renault. Apparemment, le client
na pas suffisamment prt attention la confirmation de lordre : le dontologue, en pareille
situation, procde lcoute de bandes et si le dsaccord est par trop important avec la
contrepartie, sadresse directement au client ou son dontologue pour trouver un
arrangement.


215. Leeson (1996 : 52). Pour une tude des modalits selon lesquelles Nick Leeson a pu exploiter les failles des
systmes de contrles et dinformation de la Barings, on pourra se reporter Drummond (2003).
216. Voir plus haut la Situation 5, relative aux coutes de bandes.
314
Dautres cas peuvent se produire, et les erreurs ne rsultent pas seulement dinstructions mal
passes travers le micro. De plus en plus, on constate sur les marchs un dcalage des
moyennes dge chez les grants et les brokers. Les premiers ont eu tendance beaucoup
recruter depuis quelques annes, obligeant les brokers faire de mme, car entre gnrations,
les codes langagiers ne sont pas les mmes. On peut de fait assister des mcomprhensions
qui sont dues non pas la qualit de la communication tlphonique mais au vocabulaire de
rfrence utilis par les deux contreparties.

Ainsi, un grant appelle MB Brokerage et passe une srie dordres pour lun de ses fonds. La
veille, il a t fortement acheteur sur Bioxygne S.A. et a t plusieurs fois en relation avec le
vendeur et le sales trader pour avoir des mises jour (updates) rgulires de ses ordres,
excuts tout au long de la journe. A lissue de la journe de ngociation, le titre a cltur en
hausse de 2% 92,04 EUR, suite la rvision par deux bureaux danalyse de leur rating sur
le titre. Le jour o se produit lerreur, le client appelle le sales trader et passe un ordre avant
louverture du march :

Bonjour, alors pour aujourdhui jai quelques lignes pour vous, notamment du Danone, prenez-
men 25.000 au mieux louverture, Bonduelle vendez 40.000 et puis pour les Biox, jvous en
donne 5.000, vous essayez de me faire tout sur une rponse vers .

Le sales trader, contrairement aux procdures en place, ne fait pas rpter lordre. Il saisit
dans lOMS un ordre dachat validit jour pour 5.000 titres Bioxygne cours limit de 92
EUR. En milieu de journe, le grant appelle : il vient de se rendre compte en lisant le mail
dupdate quil a reu, que le sales trader a achet au lieu de vendre. Aussitt appel, le sales
trader annule son ordre, mais celui-ci a dj t excut pour 4.500 titres environ. Le titre
clture en baisse de 3,5% suite lannonce des chiffres du secteur agroalimentaire amricain,
moins bons que ne le prvoyaient les analystes.

Le sales trader va devoir enregistrer la perte sur son compte erreur, et celle-ci est importante :
non seulement MB Brokerage se retrouve avec une position de 4.500 titres valoriss environ
400.000 EUR compte tenu du cours de clture (88,78 EUR), mais il faut en outre vendre
5.000 titres pour le compte du client, afin dhonorer lordre initialement pass. Dans lattente
quune contrepartie se porte acheteuse des 9.500 titres, lentreprise doit enregistrer en compte
propre une perte de 843.000 EUR. Que sest-il pass ? En lespce, le sales trader, novice
315
dans le mtier, na pas compris ni prt attention au fait que le client employait un vocabulaire
en vigueur depuis longtemps sur les marchs : je prends pour jachte et je donne
pour je vends .

Ce genre derreur nest pas habituel, mais il peut survenir surtout lorsque les marchs sont trs
volatiles et sujets des mouvements erratiques : le dontologue doit alors pouvoir
accompagner les oprateurs en les rappelant la vigilance, mais aussi en tentant de trouver
des solutions acceptables pour les deux contreparties. Les erreurs ne sont pourtant pas
systmatiquement commises par le front office, loin sen faut : nous avons donc fait figurer ci-
dessous titre dexemple une liste des actes donnant lieu lenregistrement dune position
dans le compte erreurs.

Type derreur Services concerns
Erreur de paramtrage dans lOMS Back office, Middle office
Pnalits de retard factures par le march suite un dlai de
rglement livraison trop long
Back office, Middle office
Excution de lordre deux fois Excution
Oubli par le ngociateur dexcuter lordre Excution
Retard pris sur lexcution suite labsence du ngociateur (parti
djeuner par exemple, ses collgues ayant oublier de surveiller lordre
en question)
Excution
Un automate de trading non dbranch continue dexcuter un ordre
annul
Excution
Un automate de trading non dbranch vient taper un ordre qui devait
tre appliqu dans le march
Excution
Facilitation pour finir lordre dun client suite un retard dexcution Excution, Facilitation
Amlioration de cours suite une mauvaise excution sur un ordre
VWAP Target (cours trop loign du VWAP, variation de la valeur
au moment de lexcution)
Excution, Sales trading
Erreur du sales trader lors de la transmission de lordre au
ngociateur
Excution, Sales trading
Excution dun ordre sur le march alors quune application hors
march a t demande par le client
Excution, Sales trading
316
Type derreur Services concerns
Erreur sur les conditions de lordre (valeur, quantit, volume, limite,
etc.)
Excution, Sales trading,
client
Un ordre ne remonte pas dans les systmes et ne peut tre excut au
fixing
Excution, Services
informatiques
Oubli par le sales trader dinclure dans le prix rpondu les frais de
march
Sales trading
Retard sur la mise jour des conditions de lordre qui entrane un
retard sur le volume voulu par le client
Sales trading, Excution

Lorsque des erreurs surviennent et quelles parviennent au dontologue, cest en gnral quil
y a un problme soit avec le client, soit entre services (chaque service disposant de son
compte erreurs). La premire tche du dontologue consiste tenter de dmler les faits, de
reconstituer le contexte doccurrence, ce qui nest pas toujours ais, certains oprateurs tant
peu enclins reconnatre leurs erreurs. Si les rcits des intervenants ne suffisent pas ou se
contredisent sur certains points, le dontologue ou le contrleur procdent aux coutes de
bandes ncessaires
217
.


Situation 18 Demander des justifications sur des oprations
Les quatre dontologues ne se contentent pas de demander des justifications aux seuls
oprateurs de march ou sales traders ; ils exercent galement une vigilance constante sur les
transactions effectues par les clients, quils envisagent sous deux angles diffrents : la
recherche dabus de marchs (oprations dinitis, manipulations de cours) et la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Cest le premier point de vue qui
nous intresse ici et que nous allons dvelopper brivement.


217. Cest une des raisons pour lesquelles les tlphones portables ne sont pas admis en salle de march : outre la
ncessit de conserver une piste daudit intgrale des ordres passs par les clients, cela permet MBB de
protger ses collaborateurs en cas de contestation de la part dun client.
317
La Direction Conformit & Contrles a dvelopp des outils informatiques lui permettant
danalyser les oprations, grce des indicateurs finement paramtrs dont nous donnons ci-
dessous quelques exemples :
La concentration doprations inhabituelles sur un mme titre, en dtectant les oprations
rptitives effectues par des clients intervenant pour plus de 10% du volume ngoci sur
une priode de 5 jours glissants ;
Les variations anormales de cours, en dtectant plus spcifiquement les variations
suprieures 5% sur une priode de 10 minutes glissantes, et pour lesquelles MBB
intervient pour plus de 30% du volume de march ;
Les achets-vendus fictifs, en dtectant des applications ralises par un mme client ;
Les dlits dinitis, en dtectant les transactions ayant eu lieu les jours prcdant la
publication dune recherche par les analystes de MBB
218
.

De faon quotidienne, et chaque fois quune valeur ressort dans lun des indicateurs, le ple
contrle analyse les informations disponibles relatives la valeur : sa liquidit, les raisons
ventuelles amenant une augmentation des volumes constats, les changements de
recommandation des bureaux danalyse, les instructions donnes par le client, etc. Lorsque le
ple contrles ne parvient pas justifier une situation, il sen rfre au ple dontologie :
charge celui-ci de trouver une explication la remonte, dans les indicateurs, des oprations.
La plupart du temps, les dontologues se retournent vers les sales traders pour leur demander
des prcisions.

Nicolas (D) : Salut, dis jai une remonte dans nos indicateurs abus de march pour un achet-
vendu il y a deux jours pour un de tes clients : la Banque Suisse Patrimoniale. Tu te souviens
quelles taient les circonstances ?
J ean-Baptiste (ST) : Euh je sais pas a devait tre fiscal ?
Nicolas (D) : Tu es sr ?
J ean-Baptiste (ST) : Ouais peut-tre
Nicolas (D) : Tu peux vrifier avec ton client ? Tu lappelles et tu lui dis quon voudrait avoir
une justification de lopration ?
J ean-Baptiste (ST) : Oh, eh vous allez pas lui bourrer le mou parce quil a fait un pauvre AV de
10.000 titres quand mme
Nicolas (D) : Cest ressorti dans les indicateurs, il faut justifier

218. Voir en Annexe 6 un extrait du guide FBF AFEI sur les abus de march.
318
J ean-Baptiste (ST) : Merde, vous tes rigides les mecs

Deux heures plus tard, Nicolas (D) croise J ean-Baptiste (ST) dans un couloir
Nicolas (D) : Alors, les Suisses?
J ean-Baptiste (ST) : Ctait juste un transfert entre fonds dinvestissement, ils se sont plants
quand ils ont demand lallocation et ont confondu les deux folders

Le client confirme donc son opration et la justifie (sur bande enregistre) en identifiant une
erreur dallocation : les titres auraient d tre vendus par un fonds A un fonds B, et ont t
par erreur affects au mme fonds. Tous les cas ne sont pourtant pas aussi clairs et il arrive
assez rgulirement que les dontologues, lorsquils ne parviennent pas obtenir une
explication probante de lanomalie, effectuent des dclarations de soupon auprs de
lAutorit des Marchs Financiers.






















319
5.2.5. La dontologie performe
Tout au long de la journe, les dontologues participent laction, ils interviennent au cur
mme des dcisions, en ce quils assurent de leur prsence les oprateurs. Ils sont triplement
prsents : en amont, lorsquils forment les oprateurs, pendant lopration lorsquils les
conseillent, et en aval lorsquils contrlent le droul de lopration. A chaque fois, nous
avons pu voir que les ngociateurs, les sales, les sales traders ou les analystes requirent
laide du dontologue pour interprter les rgles. Au-del du simple rappel, le dontologue
adapte chaque contexte qui lui est prsent, la lecture de la norme. Si celle-ci reste inflexible
dans ses principes, elle peut donner lieu des nuances que les textes ne peuvent esprer
retranscrire : dans le cours de laction, des voies imprvues se rvlent souvent, qui viennent
brouiller la perception que loprateur se fait de ses obligations. Le dontologue est l pour lui
fournir un appui hermneutique, pour orienter le sens que peut lgitimement prendre sa
pratique : il propose une traduction du texte normatif dans le cadre dune exprience, en
employant le registre de langage qui lui semble le plus adapt, et qui sera reu par loprateur.
En ceci, nous affirmons que le dontologue exerce une forme de performativit : cest dans la
diffusion de la norme au lieu mme de sa pratique, une diffusion quil se charge de contrler,
que le dontologue fait jouer son influence et modifie le cours des pratiques, agissant de la
sorte en vritable constructeur de rfrents ( frame maker ). Nous allons donc reprendre
dans cette dernire partie de notre tude de cas le droul de la performance
dontologique.


5.2.5.1. Performer la dontologie : rdiger les textes normatifs qui seront mis en uvre
Au premier chef, le dontologue est celui qui rdige les procdures. Si celles-ci ne sont
apparues quen filigrane dans les situations mentionnes ci-dessus, ce sont elles qui
structurent en premier lieu les pratiques : quelle occasion sont-elles rdiges ? Sous quelles
formes ces procdures se donnent-elles ? Comment sont-elles diffuses aux collaborateurs ?
Autant de questions auxquelles nous allons dsormais rpondre.

Des procdures
Chez MB Brokerage, les procdures mises en place par la compliance rpondent des codes
de prsentation qui permettent une approche visuelle homogne de lensemble des textes
320
rgentant les pratiques. Le logo de la socit y apparat en haut gauche, il se trouve suivi
dune mention de la date et de la version de la procdure, ainsi que dun numro et dun titre.
La police de caractres utilise est galement homogne. Le contenu de la procdure varie,
mais le schma utilis gnralement consiste exposer dans un premier temps le problme
justifiant la rdaction de la procdure, puis proposer une formalisation des questions poses
ainsi quun traitement permettant dy trouver des rponses opratoires, comportant des
instructions dtailles, des rfrences des outils ou dautres procdures, etc.

Les procdures en place chez MB Brokerage sont de diffrentes tailles, et sadressent des
situations spcifiques ; il nen reste pas moins que la ngociation des procdures
seffectue souvent selon le schma suivant :
1. Un service (dontologie, front office, ou autre) identifie un problme vis--vis duquel il
apparat quune approche rationalise est ncessaire ;
2. Plusieurs runions permettent de circonscrire le sujet, les services impacts ;
3. La compliance propose une premire rdaction de la future procdure, en faisant
rfrence aux textes rglementaires concerns lorsque ceux-ci existent, ou lgifre par
elle-mme au besoin ;
4. Celle-ci est discute avec les services impacts ;
5. La compliance procde des modifications, des ajustements, des suppressions ou des
ajouts en fonction de ce que les runions ont permis de ngocier. Elle rflchit
galement aux contrles mettre en place le cas chant ;
6. La procdure est soumise pour validation au Comit Excutif de MB Brokerage ;
7. La procdure est diffuse aux collaborateurs concerns ;
8. La procdure est contrle.

La lecture dune procdure est intressante en ce que lapproche quelle propose dun
problme est tout la fois positive et ngative. Positive, en ce quelle permet au lecteur de
saisir dans sa globalit un problme, une question, et dy trouver normalement tous les
lments de rponse ncessaires la solution recherche. Ngative, en ce que lapprhension
des processus via les procdures se fait toujours sur un mode dficient, ou retard : une
procdure nest vraiment matrise que lorsque lon nen a plus besoin, cest--dire lorsque
lon parvient se passer du support crit tout en ayant lassurance que le texte est bien
respect. De la sorte, loprateur frachement arriv aura beau lire et relire ce qui figure dans
la procdure, il lui faudra un certain nombre dallers-retours entre le texte et la pratique de ce
321
qui y est dcrit pour vritablement saisir le sens de la procdure. Celle-ci a besoin dtre mise
en pratique, arpente, rflchie au travers de lexprience, et il est souvent ncessaire dy
retourner une fois quon a mis les mains dedans . Cest dans la confrontation du texte
normatif aux contextes mis en vidence par la pratique que lutilit et la qualit de la
procdure se rvlent, ce pour quoi une procdure est amene tre remanie, modifie, voire
supprime. De la sorte, la procdure a besoin, pour accder sa pleine dimension, dtre mise
lpreuve des faits : cest en suivant pas pas le mode opratoire dcrit, en lprouvant dans
son effectuation que lon parvient saisir vritablement le fonds de la procdure
219
. Comment
se ngocie alors un tel texte avec ceux qui il sappliquera ? Comment recueillir
lassentiment des oprateurs, qui ont tendance ne voir dans les procdures que de la
papreasse ? Bref, quelles sont les modalits de dissmination de la norme amenant une
acceptation de celle-ci ?

Lorsquils rdigent des procdures, les dontologues de MB Brokerage ont le souci dintgrer
ds les premires phases de rflexion les responsables des activits qui seront concerns au
premier chef par la mise en place du nouveau texte normatif. Cest l une condition
dacceptation minimale, de production dune lgitimit de base, en ce que ladhsion de ces
responsables est essentielle dans la vie de la procdure. Edicter un texte ne suffit pas le faire
vivre : ce nest que dans son appropriation par les personnes assujetties au texte que celui-ci
parvient se dployer correctement, dans la concrtude propre la pratique quil vient
encadrer. Bien souvent, cette appropriation passe par sa comprhension (son intgration) par
le responsable de desk.

Lorsquils estiment que les textes rgissant leurs activits ne conviennent plus, en ce quils
sont par trop dtachs de la ralit dans laquelle se donnent les volutions incessantes dont
font lobjet les mtiers (cration dun nouveau march, avec ses nouveaux types dordres,
mise jour dun algorithme de trading, volution des stations de ngociation, etc.), les
responsables dactivit viennent demander des amnagements, qui peuvent ventuellement
conduire une refonte des processus luvre :


219. Do un danger non ngligeable, celui de la routine : la procdure routinise perd de sa dimension en ce
que lexcutant peut tre amen oublier la finalit ou le bien-fond de la procdure quil applique.
322
Eric (T*), sadressant David (D") : David, il faut que je te voie. Faut quon discute des
agrgations dordres, on ne peut pas respecter la procdure en place .

Anne (ST*) : La procdure que vous avez pondue sur les IOI est ingrable maintenant avec les
volumes quon a .

Il revient alors au dontologue de distinguer entre dune part des demandes lgitimes,
gouvernes par un rel besoin dvolution des textes du fait dun changement devenu trop
difficile faire rentrer dans les cadres imposs par la procdure, et dautre part des demandes
moins lgitimes, fondes sur le dsir de dborder les cadres imposs par la norme. Il nest pas
rare que les membres de la DCC se sentent ainsi ponctuellement instrumentaliss, manipuls
par les patrons dactivit, voire des membres du Comit excutif, pour servir des fins qui leur
sont trangres. Les dontologues et les contrleurs le savent bien, qui rsistent comme ils le
peuvent la pression des oprateurs.

Nicolas (D) : Ce qui est rigolo avec Georges (DGA), cest quil joue toujours trois coups
davance. Mais parfois a lui retombe dessus : il nous force mettre en place des textes quil
retravaille outrance mais cest pas toujours ais de percevoir la part implicite de la procdure,
son application, les contrles que nous on met en place derrire .

Caroline (D) : Cest vrai, mais faut quand mme reconnatre quen contrepartie la Direction nous
soutient drlement, en gnral .

On le voit, la fonction dontologie intervient au sein des rouages de lorganisation, non
seulement parce quelle y occupe une situation nodale (2.4.1.1.), mais galement en ce quelle
diot en permanence procder des rajustements de cette localisation, en fonction des
contextes. La diffusion de lobligation nintervient pas systmatiquement selon un schma
descendant, bien au contraire : elle infuse lorganisation. Cest galement dans les checs de
la performance dontologique que se lisent en creux les apories de lorganisation : tensions
entre services amenant au non respect de procdures, non prise en compte des points de vue
des autres mtiers, etc.





323
Un Manuel de dontologie
Le dispositif de conformit dploy au travers des procdures se trouve complt par un
Manuel de dontologie : si chaque service dispose de ses procdures, le Manuel offre un cadre
unifiant la diffusion des procdures en rappelant les principes essentiels de lactivit. Dans les
textes rglementaires, il est prcis que le dontologue se charge de suivre la mise en place
dun recueil des procdures applicables lensemble des collaborateurs de sa structure,
dirigeants compris. MB Brokerage a donc fait le choix, afin dhomogniser les pratiques
intragroupe, de rdiger un manuel de conformit valable pour toute entit du Groupe, et de
laisser les responsables de la dontologie locaux y ajouter des spcificits locales refltant les
demandes de leurs propres rgulateurs (notamment lorsque ces demandes sont plus strictes
que celles tablies par lAutorit des Marchs Financiers ou la Commission Bancaire).

Le Manuel de conformit est ainsi remis chaque nouvel entrant, qui doit en contrepartie
confirmer sa lecture du document et sengager le respecter dans lexercice de ses fonctions.
Il couvre toutes les activits de lentreprise, il constitue dj en lui-mme une premire
traduction, cest--dire un premier amnagement de la norme rglementaire dans un contexte
organisationnel, qui nest pas seulement celui du courtage, mais galement celui de MB
Brokerage
220
. A ce niveau, le texte reste nanmoins essentiellement principiel : si les
problmes et questions dontologiques de base sy trouvent ramasss, le Manuel ne peut lui
seul prtendre couvrir toutes les situations qui se prsentent loprateur.

Si lon sen rfre aux situations mises en vidence plus haut, on se rend compte quel point
le raisonnement dontologique en appelle une continuelle prise de position toujours plus
dtaille :
La Situation 4, dans laquelle un client passe un ordre aberrant amne le dontologue, une
fois quil sest assur que les exigences rglementaires taient remplies (linformation
documente du client quant aux consquences probables de son ordre), faire un choix
entre le respect de lengagement vis--vis du client (excuter son ordre) et son rejet (mais
alors quel motif, le client ayant confirm son ordre en toute connaissance de cause ?).
La Situation 7, relative lentre en relation avec une personne ayant fait lobjet dune
sanction disciplinaire grave (la conviction de dlit diniti et lviction du march

220. Cf. MBB (2006).
324
londonien), requiert l aussi un choix : dans la prsentation quil fait des lments en sa
possession, le dontologue se doit de rester le plus neutre possible, tout en donnant une
orientation en concluant sur un des aspects de louverture (le risque de rputation).






















Structuration du Manuel de dontologie de MB Brokerage

Introduction

1. Dontologie des collaborateurs
o Intgrit, honorabilit des collaborateurs
o Respect du secret professionnel
o Oprations pour compte propre du personnel
o Cadeaux et avantages

2. La relation avec les clients
o Primaut de lintrt du client
o Connaissance du client, de ses besoins et de ses capacits
o Gestion des conflits dintrts
o Excution des transactions
o Gestion des rclamations

3. Les produits et services vendus aux clients
o Recherche et analyse financire
o Vente wholesale institutionnelle, vente retail
o Accs dlocaliss (DMA)
o Services de Corporate brokerage

4. Lintgrit des marchs financiers (1) : les abus de march
o Information des clients et transparence de la communication
o Abus de march

5. Lintgrit des marchs financiers (2) : la lutte contre le blanchiment
o Dtection des transactions suspectes
o Respect des embargos, gel des avoirs terroristes

Conclusion


Le plus souvent, les textes quil rdige et dont il assure le bon fonctionnement (car une
procdure vit avec son sous-jacent matriel) servent de point dappui au dontologue. Lorsque
le front office exprime ses vellits daffranchissement hors des cadres accepts, le
dontologue peut toujours sen rfrer au texte par ailleurs valid et donc lgitim par la
Direction. Les textes mis en place sont donc autant de repres dontologiques disposition
des oprateurs et des personnes en charge de la diffusion de la norme (dontologues et
contrleurs). Mais ces textes ne peuvent eux seuls garantir une bonne application des
325
prceptes quils contiennent : lintelligibilit propre chaque texte doit tre restitue ; ce qui
nous amne voquer le rle des formations.



5.2.5.2. Performer la dontologie : former le personnel
La reconnaissance et lacceptation des cadres normatifs passe galement par la formation des
oprateurs. Ce devoir de formation la norme, qui incombe essentiellement au dontologue,
seffectue selon une triple modalit : lors de larrive dun nouveau collaborateur, lorsque de
nouveaux textes viennent modifier substantiellement la pratique, et au fil de leau.


Des formations gnriques et spcifiques
Lorsquun collaborateur est embauch, il reoit dans le mois qui suit son arrive une
formation dispense par les dontologues. Cette formation, adapte au profil de poste occup
par la personne, permet au nouvel arrivant de prendre conscience des rgles quil lui faudra
suivre :

David (D") : Pour la formation des nouveaux entrants, on prsente gnralement la fonction, les
principaux dispositifs dontologiques qui leurs sont applicables, et aussi les abus de march, la
lutte contre le blanchiment. On leur explique ce quest une information privilgie, comment
fonctionnent les Murailles de Chine on les vaccine, quoi .

Administre par le dontologue, la formation vaccine et protge loprateur, le plus
souvent contre lui-mme. La mtaphore, si elle nest pas utilise souvent, est intressante, car
elle souligne une fois de plus que les dontologues ne travaillent pas contre les oprateurs (en
dpit parfois des apparences), mais les accompagnent, les protgent, et ont pour charge de les
orienter dans le maquis des rgulations, de plus en plus touffu au fil des ans. Comme tout
vaccin, la protection dontologique peut faire dfaut au bout dun certain temps :

David (D") : Quand on constate un manquement, on fait une piqre de rappel .

Nicolas (D) : Quand ils oublient, on en remet une couche. Les sanctions publies par lAMF sont
assez utiles pour cela : a les met en face de leurs pratiques et de leurs responsabilits .
326

Comme tout vaccin, la protection dontologique peut faire dfaut au bout dun certain temps :
les contrles sont l pour sassurer que les rgles sont bien appliques, et lactivit
correctement contrle. Les grands thmes de la dontologie financire sont donc abords lors
de ces formations dispenses aux nouveaux collaborateurs : organisation de la fonction dans
lentreprise, prsentation des autorits de tutelle, dontologie des collaborateurs, abus de
march (oprations dinitis et manipulations de cours), lutte contre le blanchiment des
capitaux et le financement du terrorisme, etc. Il sagit en dfinitive damliorer le
comportement individuel et collectif des collaborateurs, quel que soit leur niveau de
qualification ou leurs fonctions.

La formation passe non seulement par la prsentation des principes dontologiques et des
principaux textes rgissant les pratiques, mais galement par des points ponctuels faisant suite
la modification dune procdure. Pour faire suite au non-respect des restrictions applicables
aux oprations pour compte propre, illustr par la Situation 3, une formation a ainsi t
dispense par le dontologue aux six ngociateurs de la facilitation.

David (D"), se dirigeant lheure convenue vers le desk de la facilitation : On y va ? .
Eric (T*) : Ok on te suit .
Patrick (TF), sadressant ses cinq autres collgues : Allez les filles, au recyclage, on suit
Davidoff pour le lavage de cerveau .
Michel (T) : Cest pas avec cqui treste que tu vas sentir grand chose .

Les formations sont plutt bien accueillies : sans tre rares, elles interviennent gnralement
tous les trois mois, et les ngociateurs savent quils disposent l dune chance dviter par la
suite des rappels quil ne leur est jamais ais ni de recevoir, ni de justifier. Au cours de la
formation, le dontologue se fait pdagogue : il expose les raisons motivant le passage en
formation, rappelle les principaux points de rglementation et limportance du respect des
restrictions de trading, en illustrant par des cas les situations que les ngociateurs peuvent tre
amens rencontrer. Il recueille ventuellement au cours de lchange les dolances de ses
usagers quant lvolution de telle ou telle partie de procdure.

Le recours aux sanctions publies sur le site de lAMF lui permet de donner chair ses
propos. Ainsi, la commission des sanctions de lAMF publie le 30 juillet 2007 une dcision de
sanction lencontre dETC Pollak, une entreprise dinvestissement, et de deux de ses
327
collaborateurs
221
. La dcision publie est intressante du fait de lnumration des
dfaillances et manquements relevs :
non retrait, par les intresss mis en cause, des lettres recommandes avec accus de
rception envoyes par lAMF ;
insuffisance du contrle interne, notamment insuffisance de rigueur dans le contrle des
comptes erreurs et absence de vrification des carts de cours ;
exercice du service dinvestissement de ngociation pour compte propre non conforme
lagrment dont disposait lentreprise ;
propos des collaborateurs mis en cause : non respect de la primaut de lintrt du
client, non fourniture de la meilleure excution au client, comportement dloyal du
collaborateur lgard du contrle interne, et manquement ses obligations
professionnelles.
Commentant la dcision de lAMF, David (D") envoie un mail aux autres membres de la
DCC et reconnat : Compte tenu de ce florilge de tout ce quil ne faut pas faire, il y a
srement l un peu de matire utiliser pour les sances de formation .



Des formations continues
Au-del des formations gnriques ou ponctuelles que nous venons dvoquer, on peut
galement considrer que les conseils rendus par le dontologue aux collaborateurs de son
entit font uvre de formation continue . Nous lavons vu, le dontologue rend des avis
tout au long de la journe : pour autant, les situations auxquelles il se trouve confront ne
relvent pas toutes, loin sen faut, dun dficit textuel, dune zone grise de rglementation,
bref dune situation non envisage par le texte requrant de sa part une prise de position. Nous
avons relev ci-dessous quelques-unes des questions qui peuvent tre poses par les
oprateurs aux dontologues, et fait figurer en face les rponses qui y sont apportes :





221. Voir en Annexe 7 la dcision publie par lAMF.
328
N Question Rponse
1.
Peut on divulguer un client
Institutionnel que son ordre est face
un client Corporate ? Quelle est la
rglementation en matire de
confidentialit des ordres ?
Non. Article 321-33 du RG AMF (secret
professionnel, information privilgie)
222
et Article
L511-33 du Code Montaire et Financier (secret
professionnel).
2.
Un client demande de faire coter un
cours la baisse en passant de 15 14
EUR car il estime que le cours o se
situent les volumes est 14 EUR.
Peut-on faire coter ce cours ?
Non, MBB ne prtera pas concours cette opration
qui pourrait tre qualifie dabus de march.
3.
Pouvez-vous autoriser la leve des
filtres dun accs DMA pour le trader
ID 57A sur les marchs cash
(Euronext, SAX, Sibe, Xetra, Virt-x,
SWX, Milan, LSE ) ?
Non, la mise en place de filtres est une exigence
rglementaire.
4.
Peut on permettre au Front Office
dcouter ses bandes directement sur
les platines ?
Non, larticle 321-78 du RG AMF ne permet pas
loprateur deffectuer une coute sans la prsence du
dontologue ou dune personne dsigne par ce
dernier.
5.
Peut on faire souscrire des actions
ses enfants et sa femme ?
Non, si le sales trader concern garde
ladministration de leurs comptes et il lui est interdit
de souscrire en direct des actions pour lui-mme.
6.
Quelle est la rglementation en
matire de communication des
brouillons de rapports de recherche
aux metteurs pour relecture ?
Article 321-126 (4) du RG AMF : Le prestataire de
services dinvestissement et lanalyste financier font
leurs meilleurs efforts pour que []toutes les sources
importantes de lanalyse soient indiques, y compris
lmetteur concern, ainsi que, le cas chant, le fait
quelle ait t communique cet metteur et que ses
conclusions aient t modifies la suite de cette
communication [] .
7.
Peut on divulguer des clients des
informations sur des ordres en cours
prsents dans le carnet dordres de
MBB ?
Les informations du carnet sont confidentielles et
doivent donc tre manies avec beaucoup dattention.
En aucun cas la divulgation de linformation ne doit
avoir pour but de favoriser son client par rapport aux
autres clients. En revanche, il est normal dappeler le
client pour lui indiquer dventuels intrts de nos
clients. Dans tous les cas, le nom du client ne doit tre
divulgu.

222. AMF (2006a : 78).
329
N Question Rponse
8.
Peut on faire coter un cours par la
facilitation pour faire une application
?
Non. Lutilisation de la technique consistant faire
coter un cours en vue de faire une application juste
derrire pourrait tre assimilable une manipulation
de cours.
9.
Est il possible quun metteur
reprenne la recherche publie par
MBB le concernant sur son site
internet ?
Nous ne sommes pas favorable cette demande dans
la mesure o la recherche est rserve aux seuls
clients, et o limage dindpendance vis--vis des
metteurs de la recherche pourrait tre altre.
10.
Lactivit de contrat de liquidit
nest-elle pas exclusive de celle
dautres programmes de rachat sur le
mme metteur ?
Non. Rien dans la directive Market Abuse ni dans le
RG AMF ninterdit un PSI de faire la fois un
programme de rachat et un contrat de liquidit sur un
mme metteur (linterdiction porte sur le
collaborateur et non le PSI). Comme les deux activits
sont gres par deux quipes distinctes chez MBB,
rien ne nous interdit de proposer les deux produits
un mme metteur.

Les cas relevs ci-dessus peuvent porter sur le rappel de la rglementation en vigueur (1, 4, 6,
7), ou bien les modalits de mise en uvre dune pratique (2, 3, 5), ou encore sur
linterprtation a minima des textes : cest notamment le cas pour la Directive Abus de
March (8), les dispositions spcifiques lindpendance de la recherche (9) ou aux activits
de Corporate Brokerage (10).

Au-del de ces questions purement rglementaires, dont les rponses sont administres
directement, par rfrence un texte rglementaire ou une norme interne ne prtant pas
vritablement discussion, il y a aussi des questions que se posent les oprateurs mais qui ne
font pas intervenir proprement parler des problmatiques lies la dontologie. Ces
questions sont dordre commercial, mais comme elles mettent en jeu une pratique, le
collaborateur peut se poser la question de la lgitimit de ce quil sapprte faire :

N Question Rponse
11.
Est il possible denvoyer un rcapitulatif des
courtages pays par un client ?
Pas de problme dontologique
330
N Question Rponse
12.
Peut on accepter de prendre sur le compte
erreur de MB Brokerage une erreur commise
par un client ?
Il sagit dun geste commercial qui
dpend du montant concern et doit
recueillir lapprobation du responsable
hirarchique. Si le client devenait familier
de ce genre derreur, MBB pourrait avoir
informer un responsable de la socit
cliente de lerreur commise par un de ses
employs.
13.
Une socit de gestion rgule franaise gre
un fonds peu performant pour lequel elle a
cess de donner des ordres depuis deux ans.
Le grant souhaite reprendre un profil de
gestion agressif et devrait passer beaucoup
plus dordres MBB Y a-t-il des risques
dontologiques lis cet accroissement
dactivit, qui pourrait profiter principalement
MBB ?
Non. Le client est rgul. Le client utilise
le service dautres brokers. MBB noffre
pas de cadeaux ou avantages
disproportionns par rapport au courtage
gnr et la taille du client (un repas par
an). Le grant du fonds nest pas un
proche de notre vendeur


Lorsquils dispensent leurs conseils, les dontologues tentent de lgitimer leur rponse au
regard des contextes, bref de runir un faisceau dlments leur permettant de se prononcer.



5.2.5.3. La performance spcifique de la dontologie
Sil mentionne essentiellement la notion de contrle du respect des textes par les
collaborateurs du prestataire de services dinvestissements, le rgulateur attend de la part des
dontologues, ses relais privilgis sur les marchs, quil mettent en uvre un vritable
systme organis pour la conformit, sarticulant autour de procdures, de formations, et de
conseils. Des missions dinspection rgulires sont par ailleurs menes par les services de
lAutorit des Marchs Financiers ou ceux de la Commission Bancaire pour sassurer du
respect, par les socits et les dontologues eux-mmes, des engagements quils ont pris en
matire de conformit et de contrle permanent. Ces engagements peuvent tre de nature trs
diverse : diminuer le nombre de dclarations au march oublies par les oprateurs, assurer un
systme de remonte des manquements, disposer doutils permettant de dtecter les
manipulations de cours, etc. Les situations que nous avons dcrites nous ont permis de saisir
la nature des relations existant entre les dontologues et les oprateurs au sein de la salle de
331
march. Il est dsormais temps de reprendre ci-dessous les situations exposes pour tenter de
dresser un portrait synthtique de la performativit que parvient (ou pas) dployer la
dontologie.

Dans les dix-huit situations restitues, le langage dontologique intervient toujours comme
actant essentiel de la performativit : que ce soit loccasion dun conseil ou dun rappel
lordre, la performativit du discours dontologique se donne et stablit par un retour au texte
normatif lui-mme mdiatis par le dploiement dun langage spcifique, alliant rfrents
conceptuels et rfrents matriels. Nous avons pu voir galement que le registre employ se
dterminait par rapport un contexte daction prcis cadrant les conditions de lnonciation
dontologique. Comment, ds lors, caractriser la performativit de la dontologie ? En quoi
cette performativit se distingue-t-elle des types linguistiques canoniques (Austin, cf. 3.1.1.)
et des relectures plus rcentes (3.1.2.) ? Trois de ses caractres peuvent ici tre souligns : le
discours dontologique est un discours qui signe bien le passage des paroles aux actes et pose
quelque chose comme une norme transcendant lacte ; pour ce faire, ce discours se fait tout
la fois producteur de sens et intervient en une lgitimation des pratiques. Il se diffuse selon
une modalit particulire, en lger dcalage par rapport au modle austinien.

La performativit de la dontologie financire fait avant tout la part belle (a) au passage
des paroles aux actes : en ceci, elle se situe dans la droite ligne de la performativit dcrite
par Austin. Les Situations 1 et 2 montrent ainsi comment seffectue le passage dune situation
dinfraction rglementaire lie une impossibilit technique lnonc dune solution mise
en uvre directement par loprateur. Lacte initial se trouve alors rintgr dans une
structure de normativit dontologiquement acceptable. Dautres situations savrent
lexamen plus subtiles : la Situation 4, faisant cette fois intervenir un client, montre que le
discours port par la dontologie ne va pas systmatiquement dans le sens dune nonciation
qui irait contre une situation pour y ajouter un surcrot de sens : cest justement parce quil
juge prfrable de ne pas intervenir, que le dontologue signe ici le passage dune non-
parole aux actes. De mme, la Situation 6 permet de saisir comment la parole dontologique
est venue lgitimer une demande face lincomprhension culturelle : la discussion avec le
sales trader est ainsi exemplaire en ce quelle porte la trace dune acceptation de la part de ce
dernier, des modalits de constitution des dossiers client.

332
Ce passage du verbe la pratique se trouve plac sous le signe dune normativit porte
par la figure dontologique : celle lie la morale commune trouvant ses fondements lgaux
dans les textes rglementaires. Le dploiement du discours dontologique signe ainsi la
moralisation des pratiques et vient soutenir les questionnements des oprateurs face aux
situations potentiellement dlicates : ce peut notamment tre le cas lors de la rception de
cadeaux de la part des clients (Situation 8), ou lorsque les oprateurs veulent investir pour leur
compte propre (Situation 15). De mme, lorsquil effectue des contrles, le dontologue
procde en tant que de besoin des rappels au cours desquels il cherche fonder dans des
faits les lments dun discours prescriptif acceptable : nous lavons vu dans la Situation 10
au sujet de lallocation des ordres, ainsi que dans la Situation 11 avec le contrle de
lhorodatage des ordres. Les deux cas illustrent par ailleurs la faon dont les lments de
lgitimation sont ou pas accepts par les oprateurs : la connaissance des visages de ceux
effectuant le rappel, la proximit langagire et celle du quotidien jouent ici plein et sont
souvent les garants ultimes de la performance effective du discours, cest--dire de sa
performativit. La fondation dune pratique rpondant une morale tablie en filigrane par les
textes rglementaires apparat dans les non-dits rglementaires, dans les espaces non couverts
par les normes mises par les rgulateurs : la Situation 13 le montre clairement, qui met en
scne les modalits de formation du jugement dontologique. On y retrouve ainsi exprime au
sein dactes socialement dfinis une absolutisation de la norme dictant en retour des
principes tablis sur une forme de jurisprudence interne, pour laquelle le dontologue tente de
maintenir une forme de cohrence. Il y a l, dans le discours dontologique, un lment
foncirement pragmatique, une orientation fondamentale se dterminant dans lempirisme des
actes, qui vient par ailleurs asseoir la position de type constructiviste que nous avons dfendue
prcdemment. Le dontologue dploie ainsi un discours performatif qui institue la
norme au cur mme dune pragmatique, celle-ci se laissant de prime abord et le plus
souvent rsumer dans la rponse la question pose par loprateur : Et maintenant,
quest-cque jfais ? .

Mais le travail dontologique ne se contente pas de poser ou proposer la norme, il la met
en lumire, lexplicite, bref en fait (b) lhermneutique en lui confrant un sens qui la
lgitime. La norme nonce, par exemple dans le rappel au trader des raisons lorigine de
linterdiction de monter une position en compte propre (Situation 3), ou du bien-fond des
procdures de passation des ordres (Situation 5), ou encore de lobligation de ne pas conserver
trop longtemps des positions dans le compte de warehouse (Situation 12), doit toujours
333
pouvoir se justifier par une rfrence signifiante. Les consquences lies lacte sont ainsi
mobilises au sein dun argumentaire qui permet de dfendre et dassumer la position
dontologique recommande : cest souvent en faisant appel aux risques (de rputation et
dimage, de contrepartie, etc.) encourus par MB Brokerage ou par le contrevenant que le
dontologue procde. L ne sont pas, nanmoins, ses seuls recours : souvent, le sens apparat
de lui-mme par la formalisation dune application point point dun contexte sur un texte.
La signification de la rgle advient ici la lumire du phnomne pratique, qui agit comme
rvlateur et intervient comme lillustration ncessaire la comprhension du schma
normatif en vigueur. Par bien des aspects, le dontologue opre une forme de maeutique
contextuelle qui consiste pour lui faire prendre conscience aux oprateurs de la situation
dans laquelle ils pourraient se trouver, agissant de la sorte sur les reprsentations individuelles
et collectives (le dontologue tant celui qui a le pouvoir de mettre les gens en prison
223
).

La donation du sens qui intervient dans le cours dun change toujours verbalis, par oral ou
par crit, se fait souvent dans lurgence du cas qui arrive : le contexte arraisonne en quelque
sorte loprateur de march, tant et si bien quil ne sy retrouve plus, il est dsorient
(Situation 16). Lorsquil demande que faire, il est avant tout en qute dun sens qui ne se
donne pas lui clairement : pour autant, le dontologue ne dispose pas ncessairement dune
rponse directe, moins quil nait dj rencontr pareille situation ou que la question ne
relve que de linterprtation de base des textes applicables (ainsi des exemples donns au
5.2.5.2.). Le dontologue agit alors comme boussole pragmatique, oriente laction en la
rinscrivant dans le corpus des normes moralement valides par linstitution (le
rgulateur, lorganisation) et lgitime la rgle parfois perue comme purement
arbitraire par loprateur.

Dployant de la sorte un discours dfendant une pragmatique norme, la parole
dontologique contribue enfin (c) linstitutionnalisation des pratiques. Ici se manifeste
plein le caractre performatif de la fonction dontologie : donnant lindex des pratiques, le
faisant depuis le site dune lgitimit quil sest construite au fil des ans, celle-ci pouvant tre
renforce par le soutien de la direction (5.2.2.), le dontologue contribue inscrire le bon
usage au cur de lorganisation. Il y parvient en assurant de ses conseils et de ses rappels
les oprateurs : en mettant en rapport lacte et son cadre dfinitionnel protgeant le

223. Cf. supra, 5.2.4.2., le n16.
334
ngociateur dans le cas des contrats de liquidit (Situation 14), ou en intervenant au sein
dchanges pour offrir le point de vue du tiers sur une pratique nouvelle impliquant
lutilisation de nouveaux systmes (Situation 9). Cette ancrage de la bonne pratique dans
lorganisation se trouve alors affirm par les contrles : le sales trader auquel une justification
est demande (Situation 18) sait quil lui faudra lavenir anticiper la demande du
dontologue ou du contrleur (ce qui ne signifie pas quil y pensera de faon systmatique,
linstitutionnalisation de la pratique stalant structurellement dans le temps). Les erreurs
releves, surtout si elles prtent consquence, sont alors dexcellents vecteurs de diffusion :
une fois les faits dmls (Situation 17), leur rcit se trouve vhicul de desk en desk. Les
normes ne sont pas en elles-mme fixes dans le langage, mais

inhrentes une structure institutionnelle lintreieur de laquelle on entend les noncs comme
dj organiss en rfrence des finalits et des objectifs supposs (Fish, 1980 =tr. fr., 2007 :
31).

De la sorte, la performativit dploye par la fonction dontologie dispose bien de ses
spcificits : produisant un discours hermneutique institutionnalisant la pratique, la
parole dontologique procde par dcalages ou glissements successifs (Situations 5 et 7) et
instille la norme au creux des actes. La pratique se trouve alors comme infuse de
dontologie ; elle matrialise, lorsque les processus de lgitimation et dinstitutionnalisation
ont fonctionn, la norme. Lefficace du langage se trouve ainsi restitue en ce quil contribue
modeler la ralit ; mais cette efficace de lexcution normative ne se manifeste pas comme
le font les performatifs classiques : contrairement ceux recenss par Austin, les performatifs
dontologiques sont apparus au cours de ltude de cas comme des performatifs diffrs,
comme dilus non dans leurs effets (aprs tout le dontologue fixe la norme et linstitue dans
lacte de son dire), mais dans leurs modalits dapparition. Ce nest pas seulement dans le vif
de lnonciation que la norme se trouve institue, mais plutt par sa rptition selon des
frquences indtermines, fonction des contextes rencontrs : cest dans laccompagnement
dune dure que se rvle la performativit continue de la dontologie financire. Le passage
du discours performatif la rgle institue prend du temps, le respect de lobligation signalant
lui aussi sa force dans la dure.


335















VI. CONCLUSION

















336
Dans cette recherche, nous avons tent de restituer les modalits dexercice de la dontologie
financire, une fonction encore jeune chez les prestataires de services dinvestissement
franais, et connaissant des volutions qui sont autant dajustements venant se frotter aux
situations quotidiennes constituant lactivit dintermdiation financire. Place sous le signe
de la mdiation, la fonction dontologie nous est apparue comme performative en ce quelle
matrialise dans son dploiement le passage des paroles aux actes, par le dploiement dun
discours normatif incarn dans des contextes pratiques toujours renouvels. A lissue de ce
travail dorientation social-constructionniste, que retenir des modalits de diffusion de la
norme dans les pratiques ? Quel crdit accorder aux thmatiques abordes ? En quoi les biais
caractrisant notre posture au sein de la salle de march ont-ils jou sur la restitution
propose ? Sans chercher dvelopper de nouveau les points qui ont t illustrs tout au long
de notre travail, nous proposons de revenir ici-mme sur la validit des questions formules,
ainsi que sur les apports et les limites de notre recherche.



6.1. SYNTHSE DE LA DMARCHE
Notre thse constitue une premire tape dans ltude de la fonction dontologie. Il ne
sagissait pas de fournir une description historique des modalits de constitution dune telle
fonction, ni daligner les textes rglementaires en dfinissant les entours, mais bien de
montrer comment opre le passage des paroles aux actes, dans une institutionnalisation des
pratiques de march. Lapproche socio-ethnographique de notre travail nous a ainsi permis de
resituer dans leur contexte les logiques structurant le quotidien de la fonction dontologique
au sein dune salle de march en interrogeant la nouvelle normativit qui semble prendre
place aujourdhui, dans les mtiers financiers, en France. La question de linstitutionnalisation
des pratiques par lencadrement dontologique au sein dune organisation spcifique a ainsi
constitu le point de dpart de notre interrogation. Nous avons commenc par identifier le
corpus de textes partir duquel une mise en forme de la question de recherche nous semblait
possible. A loccasion dun travail de dfinition, nous avons pu montrer en quoi les questions
lies lactivit dontologique se distinguent de celles relatives lthique, en ce quelles
sancrent essentiellement dans la pratique, et ny survivent pas si elles noncent des principes
et formalisent des actes contraires ceux qui se donnent loprateur de march. De la sorte,
linscription de notre lecture au sein de la sociologie conomique, et plus prcisment dans la
337
trace ouverte par la tradition no-institutionnelle, trouve sa lgitimit. Aprs avoir restitu
quatre figures de cette tradition, lgues par DiMaggio & Powell (1991), nous avons propos
quatre caractres propres la fonction dontologique. Ladquation des rfrents thoriques et
des matriaux tudis nous a permis de restituer un ordonnancement problmatis possible de
ces caractres, et de formuler une question de recherche interrogeant justement ce passage des
paroles aux actes institutionnalisant les pratiques acceptes dans une salle de march.

La posture mthodologique retenue, mettant en uvre une pistmologie de type social-
constructionniste, nous a aid restituer ce quotidien partag aux cts de ceux qui forment la
pratique de march (les dontologues), mais galement aux cts de ceux qui la font
littralement par leurs actes (les oprateurs) ou y participent (les dispositifs techniques et
organisationnels que sont les outils et procdures peuplant la salle). Nous avons alors pu
montrer comment les arguments formuls se laissaient illustrer par lexpos de ces pratiques
au sein de situations contextualises. Ces situations, reconstruites partir dune observation,
mettent en scne les interactions donnant corps lchange dontologique. Celui-ci se trouve
invariablement tributaire du contexte dexposition, que ce contexte relve dune topologie
rglementaire spcifique (les rgles sont diffrentes selon les pays, les marchs, les
intermdiaires), dun mtier particulier (analyse, vente, excution), et des fonctions occupes
par des interlocuteurs incarnant des points de vue diffrencis, communautairement ancrs
dans lactivit dintermdiation.

Des diffrents thmes articuls, on peut dsormais distinguer ceux dentre eux qui se sont
trouvs particulirement tays par ltude de cas, de ceux qui ne lont pas t de faon
suffisamment convaincante. Partant de la question de la rputation, dont on rappelle quelle
constitue un lment de gestion du risque (de contrepartie par exemple), nous proposons de
revenir sur le premier aspect identifi comme caractristique de la fonction dontologique : sa
performativit. Ltude de cas taye correctement cet aspect : nous avons en effet suggr que
la fonction dontologie dployait un discours performatif, et la recherche empirique montre
que ce caractre non proprement formalis dans les textes rglementaires constitue nanmoins
la pierre angulaire de la dontologie, qui existe en tant que fonction pour rguler les pratiques
(les situations soulignent ainsi les diffrentes manires dont la dontologie performe les
textes). Lorsque les oprateurs sadressent au dontologue, cest bien quils acceptent sa
prsence et pensent que celui-ci sera mme de proposer une solution au problme expos :
la non-inscription du dontologue dans les rseaux de sociabilits propres lorganisation
338
restreint considrablement la porte de la performativit de son discours, qui de la sorte se
trouve lui-mme soumis des enjeux rputationnels. Il peut avoir nanmoins besoin de mettre
en uvre un cadre de rfrences symboliques partag avec ses interlocuteurs afin de faciliter
cette inclusion dans les rseaux, ou user de registres langagiers quil sera parvenu matriser.
A ce titre, si nous pensons que notre recherche empirique montre bien que le dontologue doit
savoir jouer avec ces reprsentations, il doit galement tre capable de sen jouer. Si la plupart
des situations exposes contribue dmontrer que la parole efficace est performative, nous
pensons en revanche quil savre exrtmement difficile daller plus avant dans la constatation
de cette performativit, pour la simple raison que le performatif se ralise justement lorsquil
disparat. Pris comme thme dtude, la performativit requiert donc des descriptions prcises
et des analyses patientes qui toutes essayent de souligner, pour le lecteur, cette dimension
labile et nanmoins bien prsente dans le discours structurant le pratiques. En dfinitive, la
principale limite de ce caractre rside dans la difficult de sa saisie : lusage dun discours
performatif apparat dune certaine faon toujours par les effets quil induit, et se trouve
lgitim par son inclusion dans des rseaux de sociabilits auxquels le dontologue peut
accder parce quil parvient justement jouer des reprsentations (mythes) dont il fait lobjet.
De la sorte, les pratiques sen trouvent corsetes, normes, par une canalisation des actes
engags par les oprateurs par le recours un texte qui nonce la norme. Les lments verss
au dossier sont justement l pour soutenir cette premire proposition.

Le second thme porte quant lui sur la question du sens : il se trouve davantage tay par
ltude empirique : chaque fois, le discours restitu sest illustr comme producteur de
signes, comme source dune explication possible face la situation rencontre. De l, il ny a
quun pas postuler lorientation propre ce discours signifiant, vhicul dans un langage qui
doit justement tre reu par loprateur (do la question des rseaux de sociabilits et de la
matrise des registres). Il pourrait lavenir tre intressant de voir en quoi la parole
dontologique se distingue dautres paroles signifiantes, ou encore de mettre en lumire les
modalits selon lesquelles cette parole use de codes diffrencis pour se faire entendre et
recevoir. Une recherche empirique plus large est ainsi rendue possible.

Le troisime caractre, relatif la notion de traduction, reste quant lui partiellement tay :
si la fonction dontologie opre des traductions en formalisant le passage des textes aux actes,
cest--dire des normes nonces et performes par linstitution (le rgulateur, qui nonce par
dcrets et donc sinscrit de bout en bout dans une performativit de type austinienne),
339
linstitutionnalisation de ces normes dans des pratiques conformes (le dontologue proposant
une solution pratique celui qui lui demande et maintenant, je fais quoi ? ), il reste que
cette spcificit des traductions opres par la fonction nest que partiellement mise en
lumire. Les sous-jacents thoriques, relativement htrognes en dpit de leffort men par
Leca & alii (2006), gagneraient notre sens se nourrir davantage dune approche plus
orthodoxe (sinon franchement linguistique) des questions de traduction. Nous avons le
sentiment que limportation du concept dans la sociologie des organisations est reste partielle
lorsquil sagit dtudier des fonctions discursives de lorganisation. Les translations, les
glissements oprs par le dontologue sont en revanche clairement apparus dans la recherche
empirique (que lon pense par exemple lutilisation faite des research guidelines et la
production dun texte normatif non juridique, dont le rfrent principal passe de la lgalit la
lgitimit).


6.2. APPORTS ET LIMITES MTHODOLOGIQUES DE LETUDE
Les contours de notre tude ont t dfinis lors de lintroduction et dans la partie
mthodologique. Sur ce plan, nous avons cherch suivre un mode dapprhension et
dexposition phnomnologique en cohrence avec une approche social-constructionniste plus
classique. De ce point de vue, cette recherche portant sur le mtier dontologique constitue
une premire tape qui na certainement pas prtention lexhaustivit : des travaux ultrieurs
devront tre mens, qui pourraient tout la fois tester la construction ici expose, et
documenter de faon quantitative les modalits formelles dexercice de la fonction. La
ralisation dobservations sur dautres terrains (une salle de march drivs, une table
dexcution chez un grant, ou mme dans une banque de dtail, etc.) permettra de disposer
dapproches tout le moins complmentaires. Lanalyse propose est ainsi trs retreinte : elle
porte sur une double unit de lieu (la salle et ses entours proches) et daction (le mtier
dintermdiaire financier), elle fait intervenir les acteurs dun environnement dont il serait
hasardeux de dduire par universalisation des rgles par trop gnrales : la situation de la
fonction au sein mme de la salle de march constitue en elle seule une marque de cette
spcificit. Notre but ntait pas, ce sujet, de proposer une monographie largie, mais bien
de mener terme une monographie restreinte, point de dpart dans la construction du
phnomne dontologique, ouvrant par l la voie dautres recherches.

340
Quant lutilisation de rfrences tires de la phnomnologie, qui reste avant tout une
mthode plus quune doctrine philosophique, elles ont eu pour but de montrer quil tait
possible dutiliser, pour des raisons mthodologiques, des rfrences historiquement
lgitimes parce que cohrentes : trop souvent, cette mthode se trouve rapproprie et
dtourne de son objectif initial, puis plaque sur un objet sans que lon parvienne saisir
lintrt de ce cadrage forc. Ici, nous avons eu le souci de laisser la dontologie se donner en
tant quelle-mme partir delle-mme, comme son vritable phnomne. Les travaux de
Schtz devraient notre sens faire lobjet dune lecture beaucoup plus attentive que ce nest le
cas aujourdhui, en ce quils offrent un entre-deux rflexif rendant possible la saisie des
phnomnes dans leurs nuances propres.

Le point de vue que nous avons dfendu pourrait prter le flanc la critique : la situation
dobservation telle que nous lavons vcue puis dcrite, est en effet celle dune inclusion trs
pousse dans la structure observe, tant sur le plan lgal (nous sommes sous contrat chez MB
Brokerage) que symbolique (nous exerons le mtier de dontologue dans la salle). Si nous
nous exprimons titre personnel dans cette tude, il va de soi que le statut de notre parole
reste fortement tributaire de ce biais. Il a souvent t trs difficile de gommer des restitutions
ce rle que nous tenons dans la salle, au risque de lhagiographie : nous restons nanmoins
convaincus quil y a l, tant entendu que le biais se trouve reconnu pour ce quil est, un
intrt indniable car lexpression du vcu en ressort tout la fois fortifi et nuanc. Il force
ncessairement le point de vue mais aprs tout, aucune observation nest jamais pleinement
objectivable en ce quelle mane ncessairement dune subjectivit spcifique, dote dune
sensibilit aux phnomnes, dune histoire et dhabitudes dont il est impossible de se dfaire.
Le recours des cadres objectivants produits par lactivit, mais galement aux dispositifs
et outils utiliss (carnets dordres, rglementations, procdures), ainsi qu de nombreux avis
recueillis sur le terrain, constitue un garde-fou souvent utile dans les restitutions.


6.3. APPORTS ET LIMITES CONCEPTUELS DE LETUDE
Sur le plan conceptuel, nous avons propos une rvaluation de la notion de dontologie
lorsque celle-ci apparat dans les organisations. Cette rvaluation se distingue notre sens
par deux aspects. Tout dabord, nous avons (i) prcis la nature de la relation conceptuelle
entre dontologie et thique, non pas sur le plan philosophique, mais plutt sur un plan
341
sociologique et organisationnel. Alors que ces deux notions servent qualifier de nouvelles
professions, issues des modalits dapprhension du risque dans les socits occidentales dites
dveloppes, il nous est apparu que lon ne peut srieusement continuer tudier la
moralisation des pratiques sans recourir un vocabulaire conceptuel prcis, en usant de ce
vocabulaire avec beaucoup plus de rigueur que ce ne semble tre le cas aujourdhui. Ensuite,
nous avons (ii) montr par la ngative que les discours sur la seule thique au sein des
organisations ne permet pas de descendre au niveau des pratiques : de la sorte, on se
condamne au mieux limpuissance pratique (le discours sur lthique ne pouvant par nature
tre directement performatif), lors mme que le dploiement dun discours dontologique
ouvre la possibilit dun encadrement des actes beaucoup plus performant. La parole
dontologique convient mieux au contexte pratique car elle sen trouve tributaire au premier
chef : de son efficace dpend lvolution des contextes auxquels elle sapplique.

Nous avons par ailleurs transpos ces lments conceptuels relatifs la qualification mme du
mtier dontologique au sein du courant no-institutionnel et des tudes sociales de la finance.
Pour ce qui est du premier de ces deux courants de pense, nous nous sommes efforcs
dintgrer dans notre lecture, une rflexion portant sur la notion de dontologie au lieu mme
des dbats qui y sont ouverts. En ancrant de la sorte au sein de ses thmes directeurs la notion
de dontologie, nous avons pu montrer comment cette dernire tait mme dincarner des
figures identifiables dans lorganisation. Certaines de ces figures sont apparues davantage
convaincantes : ce fut notamment le cas de lisomorphisme contribuant canaliser et normer
des aires de pratiques disjointes, et de la mythologie uvrant au sein des organisations. Les
thmatiques propres lisomorphisme jouent plein dans la diffusion des normes
internationales et viennent apporter ici un complment aux tudes dsormais classiques de
Djelic (1998) et Fligstein (2001). Alors que ces tudes tudient le travail de lisormorphisme
grande chelle, notre recherche ajoute une description plus restreinte des modalits de sa
diffusion. Quant la dimension mythologique des rles performs par des mtiers
spcifiques, elle a pu apparatre non plus seulement comme un discours produit par
lorganisation pour lgitimer ses pratiques (Meyer & Rowan, 1977), mais galement comme
la formalisation partage dun discours permettant de reconnatre et dinstituer des rfrents
transcendants. Cest notamment partir de ceux-ci que se trouve mdiatise la diffusion de la
norme, une diffusion qui intervient dans un jeu de langage entre les producteurs de
normativit (les dontologues) et les rcepteurs de normativit (les oprateurs). Les deux
autres figures retenues nont pas particulirement t tayes par limportation de la rfrence
342
dontologique : la question de lencastrement des rseaux sociaux est intervenue de faon
classique pour caractriser le rle jou par les relations entre dontologues dinstitutions
concurrentes, ou bien pour souligner celles existant entre dontologues et instances de
rgulation. Enfin, la question culturelle telle quexpose par DiMaggio (1994) na pas t
vritablement rvalue.

La deuxime cole, toujours en cours de construction, nous a quant elle permis et cest
probablement l la contribution la plus originale de notre travail, de rexaminer la question de
la performativit. Cette tude a en effet t loccasion pour nous dajouter aux rflexions en
cours sur le thme de la performativit (MacKenzie, 2006b ; Callon, Millo & Muniesa, 2007)
une vritable dimension discursive rappelant combien les postulats austiniens ne sauraient tre
par trop vite oublis, au risque de perdre la substance mme de la notion de performativit.
Au-del de cette rinscription, nous avons notamment pu montrer quune explication possible
de linstitutionnalisation des normes dans les organisations, passe par la dilution temporelle
de la performativit. Nous signifions par l que la performativit classique opre
instantanment : cest la profration du discours qui quivaut lacte. Avec la dontologie
financire, on ajoute cette nonciation un surcrot temporel qui dans la plupart des cas
contribue au dpassement de la seule instantanit. Ce point conceptuel apparat
singulirement lissue de ltude de cas (5.2.5.3.), qui a permis de mettre jour le caractre
diffr, driv des performatifs dontologiques : ceux-ci ninterviennent pas seulement dans
linstant de lnonciation, mais galement dans la dure de laction. Cette dure, nous
proposons de la caractriser comme la dure propre linstitutionnalisation des pratiques.

Le point de vue ici formul paratra peut-tre htrodoxe un lecteur austinien (mais il ne
sagit pas ici de philosophie) ou un lecteur des travaux de Callon ou de MacKenzie (mais
nous faisons droit leurs travaux et nous inscrivons clairement dans leur suite). Il reste que ce
point de vue a t rendu possible par une fonction particulire uvrant au sein des
intermdiaires financiers : resterait donc approfondir une telle tude en la dployant sur
dautres terrains, dans dautres contextes. Nous le rptons, nous navons cherch qu offrir
des fondations ltude dune fonction de lgitimation des pratiques. A partir de l, nous
avons pu interroger cet objet de la sphre financire contemporaine en construisant partir de
trois thmatiques (la traduction, la signification et la performativit) une explication des
modalits de lagir dontologique. Nous avons pu voir comment certaines des institutions de
la finance contemporaine apparaissent comme des lieux traverss de part en part par des
343
langages et des textes, lesquels permettent de faire la part belle une rappropriation des
discours organisant ces activits. La finance reste avant tout un systme dcriture et
dchange qui demande aussi tre apprhend dans la matrialit de ses langages, surtout
lorsque ceux-ci sont par essence normatifs.

Ces points tant mentionns, la dontologie reste une forme de connaissance qui na de cesse
de se faire, et sexprime dans une forme de cration processuelle continue. Elle accde sa
ralisation dans le moment mme de leffectuation de laction, dont elle est comme la face
antpose, qualifiant laction conforme en contribuant sa mise en uvre. Pour cette raison,
ltude de la dontologie financire accde rellement une pleine signification lorsque lon
parvient restituer les mcanismes de sa formation, les contextes permettant son dploiement
propre. Ce nest que par ltude des situations rencontres, par le rcit dcrivant les situations
de formation de la dontologie que nous sommes parvenus formuler une apprhension
correcte de la dontologie. De la sorte, le lecteur aura peut-tre eu limpression que nous
avons dvelopp une doctrine de la dontologie et pour cause : le mtier rcent de
dontologue ne dispose pas, ce jour et notre connaissance, de cette doctrine. Il y a, bien
sr, les positions prises par lAMF et les autres rgulateurs qui, en ngatif de leur action
rgulatrice, permettent lobservateur de dduire une forme de reprsentation. Pour autant,
les vritables acteurs de la dontologie ne sont pas les rgulateurs : ceux-ci fournissent au
mieux des cadres dexposition, de dploiement et de rflexion propices aux rflexions
dontologiques, ainsi quau dveloppement davis balancs, mais ces corps administratifs ne
peuvent accder la connaissance fournie par le terrain dontologique : les salles de marchs,
les bureaux cossus de la banque prive, le mobilier prfabriqu des agences de particuliers et
chaque fois la rencontre des dispositifs, des agencements, des outils propres chacun de ces
mtiers. Cest dans ces lieux dexercice des professions financires que se dploie une action
qualifiable du point de vue dontologique : ce nest que dans le face--face de lentretien
commercial, dans les interactions entre analystes et traders ou encore dans les actes essentiels
de la banque que se fait la dontologie, et quelle se donne voir pour qui veut bien faire
leffort dobserver.

La profession dontologique met en dfinitive en scne larticulation de deux termes qui en
sont le fondement ultime : la lgalit et la lgitimit. Nous avons montr que cest dans le
passage de lun lautre, dans la translation dune situation ddiction de la rgle un tat
dacceptation de la rgle une acceptation qui va jusqu disparatre en tant que telle une fois
344
quelle se trouve pleinement ralise, cest--dire performe que la fonction dontologie
apparat comme lment moteur dune mdiation sociale. Cest la cohrence de lchange des
paroles aux actes (et retour) qui constitue le donn dontologique et la matire sur laquelle
sinterroge le dontologue en charge de la conformit. Ainsi, lon peut sans doute considrer
que la qualit de lexercice dontologique se traduit par la performativit muette des actes
dnonciation, la fonction dontologie dployant sa puissance lorsque paradoxalement
quoique minemment, on nen entend pas parler .






























345















VII. SOURCES PRIMAIRES

















346
Acronymes et abrviations utiliss :
AFEI : Association Franaise des Entreprises dInvestissement.
AFEP : Association Franaise des Entreprises Prives.
AMF : Autorit des Marchs Financiers.
ANRT : Association Nationale de la Recherche Technique.
BCBS : Basel Committee on Banking Supervision.
BHCA : Bank Holding Company Act.
CB : Commission Bancaire.
CE : Commission Europenne.
CESR : Committee of European Securities Regulators.
COB : Commission des Oprations de Bourse.
Comit de Ble : voir BCBS.
CCLRF : Comit Consultatif de la Lgislation et de la Rglementation Financires.
CMF : Conseil des Marchs Financiers [aujourdhui AMF].
CNIL : Commission Nationale Informatique et Libert.
CRBF : Comit de la Rglementation de la Banque de France [aujourdhui inclus dans le
CCLRF].
DCC : Direction Conformit & Contrles / MB Brokerage.
FBF : Fdration Bancaire Franaise.
FATF : Financial Action Task Force.
FSA : Financial Services Authority.
GAFI : voir FATF.
IOSCO : International Organization of Securities Commission.
MEDEF : Mouvement des Entreprises de France.
MBSA : Mutual Bank S.A. .
MBCIB : Mutual Bank Corporate & Investment Bank.
MBB : Mutual Bank Brokerage.
OICV : Organisation Internationale des Commissions de Valeurs, voir IOSCO.
RG AMF : Rglement Gnral de lAMF.
SSFA : Social Studies of Finance Association.
UE : Union Europenne.


347

Nous distinguons dune part les textes internes au Groupe MBSA., rendus publics , cest--
dire accessibles aux salaris du groupe, et dautre part les documents internes dont la plupart
sont confidentiels.


7.1. TEXTES DU GROUPE MUTUAL BANK S.A.
7.1.1. Textes normatifs et rglementaires
MBB (2006), Manuel de Conformit Groupe, avr., 31 p.
MBSA (2002), Recueil de dispositions dontologiques relatives aux Certificats Coopratifs
dInvestissement mis par les Caisses Rgionales de Mutual Bank, 15 juil., 12 p.
MBSA (2003a), Recueil de dispositions dontologiques relatives aux Initis Permanents sur
le titre Mutual Bank S.A., 26 juin, 16 p.
MBSA (2003b), Rgles de dontologie (annexe au Rglement Intrieur), juil., 32 p.
MBSA (2003c), Charte de dontologie, oct., 4 p.

7.1.2. Documents internes (confidentiels)
MBB (2007), Research Guidelines, sept., 24 p.
MBSA (2001), Note instituant la fonction de dontologue central, 6 avr. 2001, 1 p.
MBSA (2003d), Entretien avec le Directeur Gnral Dlgu, prsentation du 5 fv. 2003,
2 p.
MBSA (2003e), Lettre 2003.339 du 10 avril 2003, relative la mise en place dune charte de
dontologie, 2 p.
MBSA (2003f), Projet de Charte de dontologie du Groupe MB. Groupe de travail des
cadres de MBSA et de ses filiales, 23 mai, 86 p.
MBSA (2003g), Comit de Pilotage de la Charte du Groupe MB, 17 juin 2003, 27 p.




348
7.2. TEXTES EXTERNES, BROCHURES, LOIS ET DCRETS
AMF (2005a), Dcision du 22 mars 2005 concernant lacceptation des contrats de liquidit
en tant que pratique de march admise par lAMF, Paris, mars, 4 p.
AMF (2005b), Dcision du 22 mars 2005 concernant lacceptation de lacquisition dactions
propres aux fins de conservation et de remise ultrieure en paiement ou en change
dans le cadre doprations de croissance externe en tant que pratique de march
admise par lAMF, Paris, mars, 4 p.
AMF (2005c), Intervention de Daniel Bouton, Prsident de la Socit Gnrale et Prsident
de la Fdration bancaire franaise (FBF) - 3 fvrier 2005 , in Revue mensuelle de
lAutorit des Marchs Financiers, n12, mars, pp. 41- 46.
AMF (2005d), Rglement Gnral de lAutorit des Marchs Financiers, Paris, jan., 231 p.
AMF (2006a), Rglement Gnral de lAutorit des Marchs Financiers (version complte
avec textes et annexes), Paris, nov., 1696 p.
AMF (2007), Rglement Gnral de lAutorit des Marchs Financiers (version complte
avec textes et annexes), Paris, nov., 1312 p.
CCLRF (2005), Rglement CRBF n97-02 du 21 fvrier 1997 relatif au contrle interne des
tablissements de crdit et des entreprises dinvestissement, 20 p.
EURONEXT (2002), Fiche Technique N Trade Confirmation System TCS Version 7, Version
du 02/12/2002, 8 p.
EURONEXT (2007), Rgles de march dEuronext. Livre I : Rgles harmonises, Version du
01/03/2007, 74 p.


7.3. RAPPORTS ET COMMUNICATIONS OFFICIELS
AFEI FBF (2006), Guide AFEI FBF de mise en uvre des procdures de dclaration de
soupon dabus de march, Paris, 20 p.
AFEI (2007), Intermediary Management of Conflicts that Arise in Securities Offerings.
IOSCO Consultation Comments by AFEI, n07-29, 28 mai, 29 p.
AFEP-AGREF / MEDEF (2002), Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotes. Rapport
du groupe de travail prsid par Daniel Bouton, prsident de la Socit Gnrale,
Paris, 28 p.
AMF (2006b), Pour une meilleure rgulation. Document de consultation, mai, 40 p.
AMF (2006c), La Directive sur les Marchs dInstruments Financiers : enjeux et
consquences pour la rgulation franaise, juin, 60 p.
349
AMF (2006d), Pour une meilleure rgulation. Les rsultats de la consultation et les
engagements de lAutorit des marchs financiers, nov., 21 p.
BCBS (2000), Sound Practices for Managing Liquidity in Banking Organizations, Basel,
Feb., 27 p.
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Basel, Feb., 17 p. ; tr. fr. Saines pratiques pour la gestion et la surveillance du risque
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pp. 163-180.
CE (2003), Directive 2003/6/CE du Parlement europen et du Conseil du 28 janvier 2003, sur
les oprations dinitis et les manipulations de march (abus de march), Bruxelles,
10 p.
CE (2004), Directive 2004/39/CE du Parlement europen et du Conseil du 21 avril 2004,
concernant les marchs dinstruments financiers, modifiant les directives 85:611/CEE
et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement europen et du
Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, Bruxelles, 44 p.
CE (2006a), Directive 2006/73/CE de la Commission du 10 aot 2006, portant mesures
dexcution de la directive 2004/39/CE du Parlement europen et du Conseil en ce qui
concerne les exigences organisationnelles et les conditions dexercice applicables aux
entreprises dinvestissement et la dfinition de certains termes aux fins de ladite
directive, Bruxelles, 33 p.
CE (2006b), Rglement (CE) n 1287/2006 de la Commission du 10 aot 2006, portant
mesures dexcution de la directive 2004/39/CE du Parlement europen et du Conseil
en ce qui concerne les obligations des entreprises dinvestissement en matire
denregistrement, le compte rendu des transactions, la transparence du march,
ladmission des instruments financiers la ngociation et la dfinition de termes aux
fins de ladite directive, Bruxelles, 25 p.
COB (1986), Etude sur la dontologie des activits financires , in Bulletin mensuel de la
COB, n198, dc., pp. 36-48.
COB (1988), Rapport Gnral du Groupe de Dontologie des Activits Financires , in
Bulletin mensuel de la COB, n212, mars, 81 p.
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350
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IOSCO (2007), Market Intermediary Management of Conflicts that Arise in Securities
Offerings. Consultation Report, Feb., 31 p.


7.4. PRESSE QUOTIDIENNE, MAGAZINES ET PRESSE PROFESSIONNELLE
Agence France Presse
19/12/2005, Assurance-vie : banquiers et assureurs adoptent un code de bonne
conduite

Revue Banque
11/2002, Les rgulateurs encadrent de plus en plus nos activits , n641.
11/2004, Linformation sur le contrle interne : un outil de contrle externe , n663.
03/2005, Programme de conformit. Alliance de la lgalit, de la responsabilit et de la
scurit , n667.

LAgefi
12/06/2002, Une tude rcente ouvre le dbat sur la place et les effets de la dontologie
dans les entreprises
12/06/2002, Lexistence dune charte thique bouleverse les mcanismes juridiques au
sein de lentreprise
21/10/2004, Citigroup fait le mnage dans son top management
25/01/2005, La mdiation simpose progressivement dans le paysage bancaire
22/02/2005, Les banquiers stigmatisent la drive rglementaire
23/02/2005, La BRI lance une mise en garde contre les drives de lexternalisation
21/04/2005, Faut-il avoir peur de la justice amricaine ?
12/12/2005, Ble II entrane une convergence des fonctions finance et risques

Le Monde
23/11/2004, Pour les Europens, tre cot Wall Street nest plus la panace
01/12/2004, Plusieurs enqutes branlent le monde de lassurance
06/12/2004, Un gentleman gendarme
09/12/2004, Vers un gendarme europen des marchs financiers
15/03/2005, Le Crdit Agricole sanctionn pour manque de vigilance dans la lutte
contre le blanchiment
12/02/2008, Dontologie : pourquoi les garede-fous peuvent sauter , dossier fourni par
Le Monde Economie, pp. I-III.

La Tribune
13/08/2004, La mission du dontologue doit dpasser le respect des rgles
31/08/2004, Vers un renforcement du contrle interne des tablissements bancaires
05/10/2004, Bruxelles veut renforcer le contrle interne
10/11/2004, Le CFA lance un centre pour lintgrit des marchs financiers
16/12/2004, Citigroup vis par une enqute internationale pour manipulation de cours
23/12/2004, LAMF prononce la plus lourde sanction de son histoire
351
28/12/2004, Les dirigeants et leurs proches publieront les oprations sur les titres de
leur socit
04/01/2005, LAMF plus vigilante sur les pratiques des socits de gestion
14/01/2005, LAMF prcise ses orientations pour les rapports sur le contrle interne
20/01/2005, Lutte anti-blanchiment. La Socit Gnrale trace la voie
25/01/2005, Parmalat : le grand dballage judiciaire commence
26/01/2005, Citigroup accus de manipulation de cours par le rgulateur allemand
07/02/2005, Le Crdit Agricole va former 50.000 collaborateurs
24/02/2005, Les banques plus attentives la gestion de leurs risques
01/03/2005, La Conso transmet le dossier Citigroup la justice
02/03/2005, Les auditeurs dsormais sous lil des grands rgulateurs mondiaux
02/03/2005, Les revers judiciaires et rglementaires saccumulent pour Citigroup
25/03/2005, La fonction de dontologue se cherche encore
13/06/2005, Citigroup verse 2 milliards de dollars aux anciens actionnaires dEnron
24/06/2005, LEurope bancaire se rveille
29/06/2005, La FSA inflige une amende de 20,9 millions deuros Citigroup
04/07/2005, La conformit modifie lorganisation des banques
01/10/2005, Charles Prince veut renforcer la dontologie dans Citygroup
16/11/2005, Mutualisme et capitalisme, le nouveau mlange des genres
18/11/2005, Le mdiateur, dernier recours avant la justice
24/11/2005, Merci Sarbanes-Oxley !

Le Nouvel Economiste
22/11/2004, Les lois du march au service du militantisme

The Financial Times
01/10/2005, Citigroup chief seeks new culture
10/01/2005, The importance of being honest

Les Echos
18/11/2000, Profession : dontologue financier
08/04/2002, Le mtier qui monte : le dontologue ou compliance officer
29/09/2004, De la compliance au respect
18/10/2004, Eliot Spitzer bouleverse les rgles de lassurance aux Etats-Unis
19/11/2004, Les banques contraintes de se protger du risque de non-conformit
partir de 2005
04/01/2005, AMF : les prestataires de services dinvestissement respectent mieux les
dispositions rglementaires
14/01/2005, LAMF satisfaite des premiers rapports sur la gouvernance et le contrle
interne
22/02/2005, Les banques chinoises sommes den finir avec les pratiques dlictueuses
08/03/2005, Surrglementation ou trader fou
09/05/2005, Les socits de gestion ont, bon gr mal gr, intgr la compliance
29/06/2005, Le cot trs lev de la compliance
04/08/2005, Le rapport de contrle interne ne simpose plus quaux socits cotes
04/11/2005, LEcureuil se conformera en 2006 aux exigences de la Commission
Bancaire
22/11/2005, Les dontologues, conseils des fonds dinvestissement
19/01/2006, Le Groupe Caisse dEpargne de nouveau sanctionn par lAutorit des
marchs financiers
352
19/01/2006, LAMF veut harmoniser les procdures de contrle interne
19/01/2006, LAMF attend plus defforts syr les rapports de contrle interne
24/03/2006, Du contrle interne la conformit
09/06/2006, Le management, prochain chantier de la gestion des risques

Le Figaro Economie
21/05/2004, Des dontologues pour moraliser la finance
21/10/2004, Citigroup contraint trois hauts responsables la dmission
07/12/2004, LAMF sattelle lducation financire des franais
28/12/2004, Transparence pour les transactions boursires des dirigeants
19/01/2005, La Deutsche Bank pige dans un dlits dinitis
19/05/2005, Dlits boursiers : le casse-tte du gendarme lamricaine
01/03/2006, Les patrons europens cherchent fuir Wall Street
09/06/2006, Sarbanes-Oxley, la loi qui effraie les entreprises

























353















VIII. SOURCES SECONDAIRES

















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382















IX. ANNEXES














383
9.1. ANNEXE 1 : SANCTIONS PUBLIEES PAR LA FED

9.1.1. A lencontre du Groupe Crdit Agricole


384


385

386


387

388


389

390

391

392


393


394

9.1.2. A lencontre de Deutsche Bank





395







396








397






398








399






400






401







402





403






404






405




406
9.2. ANNEXE 2 : EXEMPLES DOBSERVATIONS AU FIL DE LEAU

Ci-aprs figurent quelques exemples de nos prises de note, partir desquels les situations
relates dans ltude de cas ont t labores.



Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 27 mars 2007 11:41:56 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : Maha quest-ce qui se passe sur dmnagement ? corridor Core du N / S (AD)
insiste plusieurs fois, importance renforcement murailles de Chine et zone tampon =>
compliance sulfureux


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 2 avril 2007 07:27:12 HAEC
: <marc.lenglet@free.fr>
Objet : cest sympa dre vos voisins ils ont peur devous ou quoi ? N Cartei


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 3 avril 2007 18:30:21 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : ola y a une descente WNajj


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 3 avril 2007 19:06:12 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : bizarre tuos suls, zone dmilit nuclarire



Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 4 avril 2007 09:20:50 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Resp vente : "Shark on co sa rputation"
"a fait 20 ans qul fait a"
"jms test"

407

Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 4 avril 2007 11:18:01 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : quest-ce qui sest pass ici ? lanc une bombe



Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 4 avril 2007 11:34:37 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : menace la donto dans lex de ses fonction


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 11 avril 2007 14:42:19 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : PJ- vs avez lair un peu seuls; EF = on a fait la muraille de chine


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 19 avril 2007 14:22:03 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : youre the compliance you can be nasty I let them to you (Sport sur clt ne
voualtn aps signer attestation


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 22 mai 2007 11:26:56 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : Damien "jte casse la tte cotnr elmcran"



Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 22 mai 2007 12:35:28 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : oh la un dont devant une machine cash cest dangereux




408

Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 7 mai 2007 15:20:57 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : Raffectation un contrat de liquidit de titres affects lannulation


Laurent,

Suite ta question concernant la possibilit pour un metteur de raffecter un contrat de
liquidit ses propres titres acquis lors dun programme de rachat et affects lorigine
lobjectif dannulation, la lecture du chapitre 5 de la note de lAMF intitul "La mise en
oeuvre du nouveau rgime de rachat dactions propres", une telle raffectation ne me parait
pas permise.

Ci-joint le document en question

Cordialement

MO
Compliance


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 24 mai 2007 08:36:18 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : aprs avior vu ad, une analyste dit. Bon vol jai t voir le prtre habituel"


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 30 mai 2007 12:00:29 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : Suite alerte incendie, CG "la bonne nouvelle cest quon a t dbarasss de la
dontologie pendant 20 Minutes"


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 16 avril 2007 11:16:38 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : La contre tendance dans les contrats de liquidit

Eric,
afin de clarifier la question de la contre -tendance dans les contrats de liquidit, il faut avoir
en mmoire les points suivants :
1 : nous sommes indpendants de lmetteur donc nous nagissons pas sous ses ordres, ce qui
nous permet dintervenir dans le cadre du point 2 ci-aprs en apportant de la liquidit sur le
march,
409

2 : la contre-tendance,
je te transmets ci-dessous la rgle du principe de spcialisation tel que dcrit dans le dcret du
22 mars 2005 acceptant le contrat de liquidit comme une pratique de march admise.
En clair et cest en fonction de cet article que se justifiera en cas de contrle de lAMF toutes
nos interventions lies un contrat de liquidit.
Nous devons donc :
- favoriser la liquidite et la rgularit des cotations en vitant des dcalages de cours non
justifis par la tendance de march ( +interdiction de manipuler les cours).

Ce qui revient dire que la contre-tendance nest pas retenue comme un critre officiel
dintervention.

En revanche, de lexprience que nous avons de notre rgulateur, nous savons que par nature,
ce dernier naura pas dobservation si nous agissons en contre-tendance mais sera plus
pointilleux lors que nous ne le serons pas. Pour ce dernier point, il est vident que si nos
interventions restent :
- modestes,
- assurent une liquidit non artificielle,
- ne visent pas inverser une tendance de march, (la tendance de march ne sapprcie pas
raisonnablement au dernier cot)
- que bien videmment nous agissons pas sous ordre de lmetteur,
- que sur ces points nous avons des lments factuels pouvant tre apports lAMF,
nous sommes tranquilles.

Cest en fait, le contrle que nous faisons ponctuellement lorsque nous venons vous poser des
questions sur vos interventions.

J e te rappelle enfin que cest lAMF de prouver que nos interventions sont manipulatoires.

A ta dispo pour en reparler
Cordialement,
AD

Extrait du dcret

Le Contrat de liquidit doit avoir pour seuls objets de favoriser la liquidit
des transactions et la rgularit des cotations des titres dune socit mettrice
ainsi que dviter des dcalages de cours non justifis par la tendance
du march. En tout tat de cause, les oprations ralises dans le cadre du
Contrat de liquidit ne doivent pas entraver le fonctionnement rgulier du
march ou induire autrui en erreur.



Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 6 juin 2007 10:42:51 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : suite questiion MLeuf / CG pase par l sans rien savoir "Jtais pas au
couratn" / incorrigible / Au moins on pourra pas le prouver Mleuf je vais encore aller
en prison ?


410

Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 29 juin 2007 17:38:44 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : vous devriez mettre un grille chatangene


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 10 juillet 2007 08:48:41 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : dclarations march VIRT-x

Fabien
Comme tu le sais, les VWAP garantis sur VIRT-X doivent faire lobjet dune dclaration
VIRT-X.
Cependant, compte tenu de labsence de gestion automatique de cette dclaration, il nest pas
matriellement possible dassurer les dclarations.
Vous avez eu laccord du client pour que les ordres quils passent ne soient plus des VWAP
garantis mais des target VWAP.
Dans ce cadre, il ny aurait plus de problmatique de dclaration (je fais un rapide check sur
le sujet).

Au del, tu mindiques que les deltas entre les prix rpondus ligne ligne et les prix
dexcution seront cumuls sur une ligne globale dune valeur Euronext. Compte tenu de ce
tu mas expos ci dessus qui conduit dire que ces deltas ne peuvent rsulter que dcarts
darrondis et que le client est daccord sur ce cumulsur une seule ligne , je nai pas de
remarque particulire.
AD


Dbut du message rexpdi :

De : Enquetes AMF
Date : 8 aot 2007 14:06:57 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : Compliance = Business Prevention Unit / Ian Hunt



Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 9 juillet 2007 18:25:29 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : tu ne viens pas confese tout seul mais avec ton avocat et ton garde du corps






411

Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 10 juillet 2007 09:23:51 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : Blocs et concurrence dans la salle


Bloc de 140 K sur X
Corpor =achet depuis 8 jours bloc
Nn prvenus J S ="connard"



Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 14 aot 2007 14:46:25 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : erreur it = b gnration car jeunes grants ne aprlet pas come viux ie je donne
prnds / jachete vends


Dbut du message rexpdi :

De : Marc LENGLET
Date : 24 aot 2007 17:29:19 HAEC
: marc.lenglet@free.fr
Objet : on peut se vouvoyer / tutoyer ;.. tutoyer qd mme.. je sais pas... la compliance a
le pouvoir de mettre les gens en prison...






















412
9.3. ANNEXE 3 : IDENTIFICATION DES FONCTIONS DES PERSONNES CITES
Dans les tableaux ci-dessous figurent les noms, fonctions, statuts et localisations des
personnes cites dans ltude de cas. Afin de permettre au lecteur didentifier rapidement le
statut de lnonciation (qui parle ?), nous avons insr dans le texte les initiales des fonctions
concernes.

9.3.1. Abrviations utilises
Statut Fonction / Dpartement
C
Contrle permanent
CB
Corporate Brokerage
COO
Chief Operating Officer
D
Dontologue
DGA
Directeur Gnral Adjoint
DGD
Directeur Gnral Dlgu
ECM
Equity Capital Market
F
Facilitation
IT
Informatique
MO
Middle Office
PT
Program Trading
R
Analyse financire (Research)
S
Sales
ST
Sales Trader
T
Trader

Les responsables dactivit sont identifis par la mme initiale, laquelle on ajoute une ou
deux (*). Les responsables adjoints sont identifis de mme, avec ("). Ainsi (CB*) se lit
comme Responsable du Corporate Brokerage, et (D") comme Dontologue adjoint au
responsable de la conformit. De mme, T/F identifie un trader travaillant la facilitation.
413
9.3.2. Noms et fonctions des personnes cites
Prnom Fonction Statut Entits
Alain Support informatique IT MB Brokerage
Alexandre Oprateur de Middle Office MO MB Brokerage
Andrea Vendeuse actions allemandes S MB Brokerage
Anne Responsable du Sales Trading ST* MB Brokerage
Benjamin Responsable de la recherche R* MB Brokerage
Benot Responsable du Corporate Brokerage CB* MB Brokerage
Bernard Ngociateur au Corporate Brokerage T/CB MB Brokerage
Bob Ngociateur Buy side T Star Swiss Investors
Chang Analyste financier R MB Asia
Charles Directeur Gnral Dlgu DGD MB Brokerage
Daniel Vendeur S MB Brokerage
David Dontologue de march, Adjoint au RCSI D" MB Brokerage
Denis Responsable du Program Trading PT* MB Brokerage
Dominique Dontologue D HSBC
Eric Responsable de lexcution T* MB Brokerage
Fabrice Ngociateur T MB Brokerage
Florent Trader Buy side T Patrimoine Banque prive
Franck Ngociateur au Program Trading N/PT MB Brokerage
Franois Dontologue de la banque
dinvestissement
D MB CIB
Frdric Chief Operating Officer COO MB Brokerage Londres
Georges Directeur Gnral Adjoint DGA MB Brokerage
Guillaume Dontologue D MB CIB Hong Kong
J ames Trader surveillant les flux DMA T MB Brokerage
J ean Analyste financier R MB Brokerage
J ean-Baptiste Sales trader ST MB Brokerage
J ean-Franois Trader sur drivs actions T MB CIB
J rme Directeur de la dontologie D** MBSA
414
Prnom Fonction Statut Entits
J ulien Contrleur C MB Brokerage
Laurent Responsable adjoint du Sales Trading ST" MB Brokerage
Caroline Dontologue de march D MB Brokerage
Marc Dontologue de march D MB Brokerage
Mathieu Responsable de la syndication (ECM) ECM* MBCIB
Mathilde Vendeuse S MB Brokerage
Michel Ngociateur T MB Brokerage
Mohammed Sales trader ST MB Brokerage
Nicolas Dontologue de march D MB Brokerage
Olivier Responsable de la vente S* MB Brokerage
Patrick Ngociateur la facilitation T/F MB Brokerage
Philippe Sales Trader ST MB Brokerage
Rachida Analyste financier R MB Brokerage
Sally Vendeuse lAES (DMA, Algo, Program) S/AES MB Brokerage Londres
Sarah Vendeuse S MB Brokerage
Sbastien Informaticien IT MB Brokerage
Stphane Informaticien IT MB Brokerage
Xavier Ancien Responsable de la dontologie de
march (en retraite)
D* MB Brokerage





















415

9.4. ANNEXE 4 : RESEARCH GUIDELINES EXEMPLE DE DISCLAIMER

Nous lavons mentionn, les tudes publies par les analystes doivent comporter, dans
certaines situations, des disclaimers explicitant le statut de la recherche : y sont notamment
mentionnes les relations existant entre le broker et la banque dinvestissement. Chez MB
Brokerage, les dontologues laborent ces disclaimers et demandent aux services chargs de
la publication des tudes de les ajouter aux documents envoys aux clients. Le nom figurant
en haut de la page est celui sous lequel lopration se trouve identifie. A titre de rappel, la
rule 139, identifie ci-dessous (et dans le 5.2.1.3. de ltude de cas), est une rgle amricaine
permettant aux analystes de poursuivre leur recherche lorsque la banque dinvestissement est
implique dans une opration sur ou aux cts de lmetteur, pour peu que cette recherche
sinscrive dans le cadre normal des publications (cf. infra).


9.4.1. Exemple de disclaimer

Opration Jupiter


Pour rappel (rule 139) :
o Possibilit de publier dans le normal course of business ;
o Possibilit de garder rating et target price, mais pas de rating suprieur celui
existant par le pass ;
o Lopration peut tre mentionne par rfrence des informations publiques et
factuelles ;
o Envoi uniquement des clients personnes morales professionnelles ;
o Maintien dun registre du nombre dexemplaires distribus ainsi que des noms
et adresses des destinataires ;
o Pas de publication au Canada, en Australie ou au J apon.
o Publication possible aux Etats-Unis (rule 139)



416

Version franaise de lavertissement :

A mettre en bas de chaque page :

CE DOCUMENT NE DOIT PAS TRE DIFFUS AU CANADA, EN AUSTRALIE OU AU
JAPON.

A mettre en premire page ou premire page de couverture intrieure :

LE PRSENT DOCUMENT VOUS A T COMMUNIQU EXCLUSIVEMENT A TITRE
DINFORMATION ET NE PEUT ETRE REPRODUIT, REDISTRIBU OU TRANSMIS, EN
TOTALIT OU EN PARTIE, UNE TIERCE PERSONNE. EN PARTICULIER, AUCUN
EXEMPLAIRE DE CE DOCUMENT NI AUCUNE COPIE NE DOIT TRE REMIS OU
DISTRIBU DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT AU CANADA, EN AUSTRALIE OU AU
J APON.
CE DOCUMENT NEST DISTRIBU QUE PAR UNE PERSONNE AUTORISE (AUTHORISED
PERSON) ET AVEC SON ACCORD OU DESTIN AUX PERSONNES AYANT UNE
EXPRIENCE PROFESSIONNELLE EN MATIRE DINVESTISSEMENTS AU SENS DE
LARTICLE 19(1) DU FINANCIAL SERVICES AND MARKETS ACT 2000 (FINANCIAL
PROMOTION) ORDER 2005 (TEL QUE MODIFI), (LORDRE) OU AUX HIGH NET WORTH
ENTITIES ET AUTRES PERSONNES SUSCEPTIBLES DEN TRE LGALEMENT LE
DESTINATAIRE ENTRANT DANS LE CHAMP DAPPLICATION DE LARTICLE 49(1) DE
LORDRE (CES PERSONNES TANT ENSEMBLE DSIGNES COMMELES PERSONNES
HABILITES). LES TITRES OBJ ETS DU PRSENT DOCUMENT NE SERONT DISPONIBLES
QUAUPRS DE PERSONNES HABILITES. TOUTE INVITATION, OFFRE OU ACCORD
RELATIF LA SOUSCRIPTION OU LACHAT DE TITRES VISS DANS LE PRSENT
DOCUMENT NE DOIT TRE POSSIBLE OU ENGAG QUAUPRS DE PERSONNES
HABILITES. LE PRSENT DOCUMENT NE DOIT PAS TRE UTILIS OU INVOQU PAR
DES PERSONNES NON HABILITES. TOUTE PERSONNE PROCDANT LA
DISTRIBUTION DE CE DOCUMENT DOIT AU PRALABLE SASSURER QUUNE TELLE
DISTRIBUTION NE CONTREVIENT PAS UNE QUELCONQUE DISPOSITION LGALE OU
RGLEMENTAIRE
LE PRSENT DOCUMENT EST EXCLUSIVEMENT DESTIN AUX PERSONNES QUI SONT
DES INVESTISSEURS QUALIFIS AU SENS DE LARTICLE L. 411-2 DU CODE MONTAIRE
ET FINANCIER. UN INVESTISSEUR QUALIFI EST UNE PERSONNE OU UNE ENTIT
DISPOSANT DES COMPTENCES ET DES MOYENS NCESSAIRES POUR APPRHENDER
LES RISQUES INHRENTS AUX OPRATIONS SUR INSTRUMENTS FINANCIERS. LA LISTE
DES CATGORIES DINVESTISSEURS RECONNUS COMME QUALIFIS EST FIXE PAR LE
DCRET N2006-557.
LA DISTRIBUTION DU PRSENT DOCUMENT DANS DAUTRES PAYS PEUT FAIRE
LOBJ ET DE RESTRICTIONS LGALES ET LES PERSONNES QUI VIENDRAIENT LE
DTENIR DOIVENT SINFORMER QUANT LEXISTENCE DE TELLES RESTRICTIONS ET
SY CONFORMER. TOUT MANQUEMENT CES RESTRICTIONS PEUT TRE
417
CONSTITUTIF DUNE VIOLATION DE LA LGISLATION DES PAYS CONCERNS. EN
ACCEPTANT CE RAPPORT, VOUS VOUS ENGAGEZ ACCEPTER DTRE LI PAR SES
LIMITATIONS.
LE PRSENT DOCUMENT NE CONSTITUE NI NE FAIT PARTIE DAUCUNE OFFRE OU
INVITATION DE VENTE OU DE SOUSCRIPTION DE TITRES. NI LE PRSENT DOCUMENT,
NI UNE QUELCONQUE PARTIE DE CE DOCUMENT, NE CONSTITUE LE FONDEMENT
DUN QUELCONQUE CONTRAT OU ENGAGEMENT, ET NE DOIT PAS TRE UTILIS
LAPPUI DUN TEL CONTRAT OU ENGAGEMENT. TOUTE DCISION DACQURIR OU DE
SOUSCRIRE DES TITRES DANS LE CADRE DUNE QUELCONQUE OFFRE DOIT TRE
PRISE UNIQUEMENT SUR LA BASE DE LINFORMATION CONTENUE DANS LE
PROSPECTUS OU DANS TOUT AUTRE DOCUMENT DOFFRE MIS PAR LA SOCIT DANS
LE CADRE DE CETTE OFFRE.
Ce rapport a t prpar MB BROKERAGE pour fournir une information relative EolForce8 (la
Socit). Ce rapport a t prpar indpendamment de la Socit et toutes les prvisions, opinions et
anticipations quil contient sont dans leur intgralit celles de MB BROKERAGE.
Bien que toutes les prcautions ncessaires aient t prises pour sassurer que les faits mentionns
dans le prsent document soient exacts et que les prvisions, opinions et anticipations quil contient
soient sincres et raisonnables, ni MB BROKERAGE, ni la Socit, ni lun quelconque de ses
actionnaires, mandataires sociaux, dirigeants ou employs ne peut tre tenu pour responsable dune
quelconque manire de son contenu. Aucune garantie nest donne quant lexactitude, la sincrit ou
lexhaustivit des informations contenues dans le prsent document. Aucune personne naccepte une
quelconque responsabilit pour une perte de quelque nature que ce soit rsultant de lutilisation du
prsent document ou de son contenu, ou encore lie dune quelconque manire au prsent document.
MB CIB, maison-mre de MB BROKERAGE pourrait, dans le futur, participer une offre de titres de la
Socit. Toute opinion, prvision ou estimation contenue dans le prsent document est effectu la
date du prsent rapport. Il nexiste aucune assurance que les rsultats venir de la Socit ou que les
vnements futurs iront dans le mme sens que ces opinions, prvisions ou estimations. Linformation
contenue dans ce document est susceptible dtre modifie sans notification pralable et son exactitude
nest pas garantie. Linformation contenue dans ce document est susceptible dtre incomplte,
rsume et pourrait ne pas contenir toutes les informations matrielles concernant la Socit.

















418

9.4.2. Enonc de la rule 139
Le texte est issu du Securities Act de 1933, disponible ladresse suivante :
http://www.law.uc.edu/CCL/33ActRls/rule139.html (consultation le 24/12/2007)

Rule 139 -- Publications or Distributions of Research Reports By Brokers or Dealers
Distributing Securities
a. Registered offerings. Under the conditions of paragraph (a)(1) or (a)(2) of this
section, a brokers or dealers publication or distribution of a research report
about an issuer or any of its securities shall be deemed for purposes of sections
2(a)(10) and 5(c) of the Act not to constitute an offer for sale or offer to sell a
security that is the subject of an offering pursuant to a registration statement that
the issuer proposes to file, or has filed, or that is effective, even if the broker or
dealer is participating or will participate in the registered offering of the issuers
securities:
1. Issuer-specific research reports.
i. The issuer either:
A.
1. At the later of the time of filing its most recent
Form S-3 or Form F-3 or the time of its most recent
amendment to such registration statement for
purposes of complying with section 10(a)(3) of the
Act or, if no Form S-3 or Form F-3 has been filed,
at the date of reliance on this section, meets the
registrant requirements of such Form S-3 or Form
F-3 and:
i. At such date, meets the minimum float
provisions of General Instruction I.B.1 of
such Forms; or
ii. At the date of reliance on this section, is, or
if a registration statement has not been filed,
will be, offering securities meeting the
requirements for the offering of investment
grade securities pursuant to General
Instruction I.B.2 of Form S-3 or Form F-3;
or
iii. At the date of reliance on this section is a
well-known seasoned issuer as defined in
Rule 405, other than a majority-owned
419
subsidiary that is a well-known seasoned
issuer by virtue of paragraph (1)(ii) of the
definition of well-known seasoned issuer in
Rule 405; and
2. As of the date of reliance on this section, has filed
all periodic reports required during the preceding 12
months on Forms 10-K, 10- KSB, 10-Q, 10-QSB,
and 20-F pursuant to section 13 or section 15(d) of
the Securities Exchange Act of 1934; or
B. Is a foreign private issuer that as of the date of reliance on
this section:
1. Meets all of the registrant requirements of Form F-3
other than the reporting history provisions of
General Instructions I.A.1. and I.A.2(a) of Form F-
3 ;
2. Either:
i. Satisfies the public float threshold in
General Instruction I.B.1. of Form F-3; or
ii. Is issuing non-convertible investment grade
securities meeting the provisions of General
Instruction I.B.2. of Form F-3; and
3. Either:
i. Has its equity securities trading on a
designated offshore securities market as
defined in Rule 902(b) and has had them so
traded for at least 12 months; or
ii. Has a worldwide market value of its
outstanding common equity held by non-
affiliates of $700 million or more;

ii. The issuer is not and during the past three years neither the issuer
nor any of its predecessors was:
A. A blank check company as defined in Rule 419(a)(2);
B. A shell company, other than a business combination related
shell company, each as defined in Rule 405; or
C. An issuer for an offering of penny stock as defined in Rule
3a51-1 of the Securities Exchange Act of 1934; and
420
iii. The broker or dealer publishes or distributes research reports in the
regular course of its business and such publication or distribution
does not represent the initiation of publication of research reports
about such issuer or its securities or reinitiation of such publication
following discontinuation of publication of such research reports.
2. Industry reports.
i. The issuer is required to file reports pursuant to section 13 or
section 15(d) of the Securities Exchange Act of 1934 or satisfies
the conditions in paragraph (a)(1)(i)(B) of this section;
ii. The condition in paragraph (a)(1)(ii) of this section is satisfied;
iii. The research report includes similar information with respect to a
substantial number of issuers in the issuer?s industry or sub-
industry, or contains a comprehensive list of securities currently
recommended by the broker or dealer;
iv. The analysis regarding the issuer or its securities is given no
materially greater space or prominence in the publication than that
given to other securities or issuers; and
v. The broker or dealer publishes or distributes research reports in the
regular course of its business and, at the time of the publication or
distribution of the research report, is including similar information
about the issuer or its securities in similar reports.
b. Rule 144A offerings. If the conditions in paragraph (a)(1) or (a)(2) of this section
are satisfied, a broker?s or dealer?s publication or distribution of a research report
shall not be considered an offer for sale or an offer to sell a security or general
solicitation or general advertising, in connection with an offering relying on Rule
144A.
c. Regulation S offerings. If the conditions in paragraph (a)(1) or (a)(2) of this
section are satisfied, a broker?s or dealer?s publication or distribution of a
research report shall not:
1. Constitute directed selling efforts as defined in Rule 902(c)for offerings
under Regulation S; or
2. Be inconsistent with the offshore transaction requirement in Rule 902(h)
for offerings under Regulation S.
d. Definition of research report. For purposes of this section, research report means
a written communication, as defined in Rule 405, that includes information,
opinions, or recommendations with respect to securities of an issuer or an analysis
of a security or an issuer, whether or not it provides information reasonably
sufficient upon which to base an investment decision.


421

Instruction to Rule139.

Projections. A projection constitutes an analysis or information falling within the definition
of research report. When a broker or dealer publishes or distributes projections of an issuer?s
sales or earnings in reliance on paragraph (a)(2) of this section, it must:
1. Have previously published or distributed projections on a regular basis in order to
satisfy the ?regular course of its business? condition;
2. At the time of publishing or disseminating a research report, be publishing or
distributing projections with respect to that issuer; and
3. For purposes of paragraph (a)(2)(iii) of this section, include projections covering
the same or similar periods with respect to either a substantial number of issuers
in the issuer?s industry or sub-industry or substantially all issuers represented in
the comprehensive list of securities contained in the research report.






















422
9.5. ANNEXE 5 : LISTE DES TEXTES RGLEMENTAIRES MENTIONNS
Ci-aprs figure lensemble des textes rglementaires mentionns dans le cours de notre
travail.

9.5.1. Rglement Gnral de lAutorit des Marchs Financiers
Rfrence Source AMF Texte
Art. 141-3 (2006a : 6)
I. - Lorsquune personne mentionne au 1 du II de larticle L. 621-9 du
code montaire et financier :
1 Excute un ordre sur un march rglement franais, lentreprise de
march en assure le compte rendu au lieu et place de la personne
mentionne au premier alina ;
2 Excute, sur un march rglement dun tat partie laccord sur
lEspace conomique europen autre quun march rglement franais,
un ordre portant sur un instrument financier mentionn au 1 du I de
larticle L. 211-1 du code montaire et financier admis aux ngociations
sur un march rglement franais, le compte rendu est adress par la
mise en oeuvre de la procdure directe tablie entre le prestataire et
lAMF selon les modalits techniques prvues par une instruction de
lAMF ;
3 Excute en dehors dun march rglement un ordre portant sur un
instrument financier mentionn au 1 du I de larticle L. 211-1 du code
montaire et financier admis aux ngociations sur un march rglement
franais, le compte rendu est adress lentreprise de march selon des
modalits techniques prvues par une instruction de lAMF ; lentreprise
de march transmet ce compte rendu lAMF ;
4 Excute en dehors dun march rglement un ordre portant sur un
instrument financier mentionn au 2 du I de larticle L. 211-1 du code
montaire et financier, admis aux ngociations sur un march rglement,
le compte rendu est adress par la mise en uvre de la procdure directe
tablie entre le prestataire et lAMF selon les modalits techniques
prvues par une instruction de lAMF.
II. - Lorsquune personne mentionne au 1 du II de larticle L. 621-9 du
code montaire et financier doit effectuer un compte rendu lAMF en sa
qualit de rcepteur transmetteur dordres et de teneur de compte ou de
teneur de compte conservateur, elle assure le compte rendu de la
transaction par la mise en uvre de la procdure directe tablie entre le
prestataire et lAMF selon les modalits techniques prvues par une
instruction de lAMF.
Art. 231-15 (2007 : 38)
Ds le dpt du projet doffre, le prsident de lAMF peut demander
lentreprise de march assurant le fonctionnement du march rglement
sur lequel sont admis les titres de la socit vise den suspendre la
ngociation.
Cette demande peut galement porter sur dautres titres concerns par le
projet doffre. La demande est faite auprs de plusieurs entreprises de
march sil y a lieu.
423
Rfrence Source AMF Texte
Art. 311-1 (2006a : 67)
I. - Relvent du prsent livre les conditions dexercice :
1 Des services dinvestissement : a) Rception et transmission dordres
pour le compte de tiers ; b) Excution dordres pour le compte de tiers ;
c) Ngociation pour compte propre ; d) Gestion de portefeuille pour le
compte de tiers ; e) Placement et prise ferme ; lorsque ces services
dinvestissement sont exercs, ensemble ou sparment, titre de
profession habituelle ;
2 Des services suivants : a) Tenue de compte lorsquelle est lie lun
des services mentionns au 1 et aux b, c et d ci-dessous ; b)
Compensation ; c) Conservation ou administration dinstruments
financiers, qualifie de tenue de compte conservation au sens du prsent
rglement ; d) Activit de dpositaire dorganismes de placement
collectif.
II. - Relvent du prsent livre les conditions dexercice des autres
services suivants, lorsquils sont exercs en complment dactivit de
services dinvestissement :
a) Conseil en gestion de patrimoine ; b) Conseil aux entreprises en
matire de structure de capital, de stratgie industrielle et de questions
connexes ainsi que de services concernant les fusions et le rachat
dentreprises ; c) Services lis la prise ferme ; d) Services de change
lorsque ceux-ci sont lis la fourniture de services dinvestissement ; e)
Location de coffres-forts ; f) Ngociation de marchandises sous-jacentes
aux instruments mentionns au 4 du II de larticle L. 211-1 du code
montaire et financier, lorsquelle est lie lexcution de ces contrats.
Art. 321-26 (2005d : 76-77)
Le responsable de la fonction dontologique, ci-aprs le dontologue,
contribue, dans le cadre de larticle 321-21, assurer le respect des rgles
de bonne conduite applicables lexercice des services dinvestissement
et des autres services mentionns larticle 311-1, par le prestataire
habilit et ses mandataires mentionns au 1 de larticle 312-1. Il veille
au respect de ces mmes rgles par les personnes physiques places sous
lautorit ou agissant pour le compte du prestataire dans le cadre de
lexercice des services mentionns larticle 311-1. Ces personnes
physiques sont dnommes ci-aprs collaborateurs .
Le dontologue a notamment pour rle :
1 Lidentification des dispositions dordre dontologique ncessaires au
respect des rgles de bonne conduite ;
2 Ltablissement, en consquence, dun recueil de lensemble des
dispositions dontologiques que doivent observer le prestataire habilit, les
personnes agissant pour son compte ou sous son autorit et ses mandataires,
agissant dans le cadre du service dinvestissement exerc par le prestataire
habilit ;
3 La diffusion de tout ou partie des dispositions du 2 auprs des
collaborateurs et des mandataires du prestataire habilit ;
4 Le contrle du respect par le prestataire habilit, ses collaborateurs et ses
mandataires de lensemble des rgles de bonne conduite et la mise en uvre
des dispositions appropries en cas de manquement ces rgles ;
5 La ralisation, indpendamment des missions de contrle, de missions
dassistance et dorientation ayant pour objet de guider les collaborateurs du
prestataire habilit pour lapplication des rgles de bonne conduite.
Le dontologue peut dlguer certaines de ses fonctions un ou plusieurs
responsables situs un niveau oprationnel.
424
Rfrence Source AMF Texte
Art. 321-33 (2006a : 78)
Le prestataire habilit sassure quil est rappel ses collaborateurs,
agissant pour son compte de manire habituelle ou temporaire, quils
sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines
prvues par la loi.
Il sassure que ceux de ses collaborateurs qui sont susceptibles de
disposer dinformations privilgies dfinies larticle 621-1 sont
informs de la dfinition de ces dernires par les lois et rglements en
vigueur et des sanctions encourues en cas dutilisation abusive ou de
circulation indue de telles informations.
Art. 321-35 (2006a : 78)
Il appartient au prestataire habilit de dterminer, en fonction de la nature
de ses activits et de son organisation, les catgories de collaborateurs
exerant des fonctions sensibles et les obligations qui en dcoulent, en
vue de respecter les principes dontologiques dfinis larticle 321-24.
Art. 321-36 (2006a : 78-79)
Sont considres comme sensibles les fonctions lies lexercice des
services dinvestissement et des autres services mentionns larticle
311-1 qui exposent leurs titulaires se trouver en situation de conflit
dintrts ou dtenir des informations confidentielles ou privilgies.
Sont notamment vises les fonctions qui comportent des responsabilits
dans le montage des oprations financires, les prestations de conseil, les
ngociations sur les marchs, lanalyse financire et le traitement des
informations. Le suprieur hirarchique dune personne exerant une
fonction sensible est rput occuper une fonction sensible.
Art. 321-39 (2006a : 79)
Le prestataire habilit exige de ses collaborateurs exerant une fonction
sensible quils linforment des comptes dinstruments financiers sur
lesquels ils ont la facult dagir, quel que soit ltablissement teneur de
compte. Le prestataire habilit peut exiger que tout collaborateur
occupant une fonction sensible : 1 Lve son profit le secret
professionnel sur tout compte dinstruments financiers ; 2 Lui adresse,
sa demande, les avis dopr et les relevs rcapitulatifs des oprations
enregistres sur un compte tenu par un autre tablissement.
Art. 321-40 (2006a : 79)
Le prestataire habilit prend toutes les dispositions ncessaires pour
limiter les cadeaux et les avantages, quelle quen soit la forme, que ses
collaborateurs sont susceptibles de recevoir ou doffrir dans lexercice de
leur activit professionnelle.
Les cadeaux et les avantages reus par ses collaborateurs donnent lieu
une information du prestataire habilit, au moins au-del dun seuil
raisonnable fix par lui.
Le prestataire habilit tablit une procdure de rfrence la hirarchie,
pour tout collaborateur rencontrant des difficults dans lapplication des
dispositions du prsent article.
Art. 321-78 (2006a : 86)
Le prestataire habilit organise, sous rserve des dispositions de larticle
321-86 et dans des conditions conformes aux lois et rglements en
vigueur, lenregistrement des conversations tlphoniques :
1 Des ngociateurs dinstruments financiers ; 2 Des collaborateurs qui,
sans tre ngociateurs, participent la relation commerciale avec les
donneurs dordres, lorsque le (Arrt du 9 mars 2006, en vigueur
compter du 21 septembre 2006) responsable de la conformit pour les
services dinvestissement lestime ncessaire du fait de limportance
que sont susceptibles de revtir les montants ou les risques des ordres en
cause.
425
Rfrence Source AMF Texte
Art. 321-93 (2006a : 88)
Lorsquil est conduit transmettre un ordre global pour le compte de
plusieurs bnficiaires, le prestataire habilit dfinit pralablement les
rgles daffectation de la ou des transactions.
Art. 321-126 (2006a : 93-94)
Le prestataire de services dinvestissement et lanalyste financier font
leurs meilleurs efforts pour que :
1 Les faits mentionns dans lanalyse soient clairement distingus des
interprtations, estimations, opinions et autres types dinformations non
factuelles ;
2 Toutes les sources soient fiables. Si tel nest pas le cas, lanalyse le
signale clairement ;
3 Lensemble des projections, des prvisions et des objectifs de cours
soient clairement indiqus comme tels et que les principales hypothses
retenues pour les tablir et les utiliser soient mentionnes ;
4 Toutes les sources importantes de lanalyse soient indiques, y
compris lmetteur concern, ainsi que, le cas chant, le fait quelle ait
t communique cet metteur et que ses conclusions aient t
modifies la suite de cette communication ;
5 Toute base ou mthode utilise pour valuer un instrument financier
ou lmetteur dun instrument financier ou pour fixer lobjectif de cours
dun instrument financier soit rsume dune manire approprie ;
6 La signification de toute recommandation mise telle que acheter ,
vendre ou conserver , ventuellement assortie de lchance
laquelle se rapporte la recommandation, soit explique dune manire
adquate et que tout avertissement appropri sur les risques (y compris
une analyse de sensibilit des hypothses retenues) soit indiqu ;
7 La frquence prvue des mises jour de lanalyse ainsi que toute
modification importante de la politique danalyse de la personne morale
soient publies ;
8 La date laquelle lanalyse a t diffuse pour la premire fois aux
fins de distribution soit indique clairement et de faon bien apparente,
ainsi que la date et lheure du cours de tout instrument financier
mentionn ;
9 Lorsquune recommandation contenue dans une analyse diffre dune
recommandation concernant le mme instrument financier ou le mme
metteur mise au cours des douze mois prcdents, ce changement et la
date de cette recommandation antrieure soient indiqus clairement et
dune faon bien apparente.
426
Rfrence Source AMF Texte
Art. 322-51 (2006a : 111)
Pour la passation des ordres, la socit de gestion de portefeuille doit :
1 Mettre en place une procdure formalise de passation des ordres,
permettant la traabilit de ceux-ci. (Arrt du 9 mars 2006, en vigueur
compter du 21 septembre 2006) Cette procdure est soumise au
systme de contrle des oprations et des procdures internes mentionn
larticle 322-22-1 ; 2 Se doter des moyens ncessaires, en particulier
pour le traitement des flux et laccs linformation et aux marchs ; 3
Mettre en place une procdure quivalant un horodatage des ordres et
veiller galement la mise en place dun horodatage chez les
intermdiaires et les dpositaires ; 4 Veiller rduire de manire aussi
brve que possible le dlai total dexcution des ordres depuis leur
enregistrement initial jusqu leur comptabilisation ; 5 Transmettre au
dpositaire de lOPCVM ou au teneur de compte laffectation prcise des
ordres au plus tard ds quelle a connaissance de leur excution ; 6
Dfinir au pralable les rgles daffectation des ordres groups ; 7 Ne
pas raffecter a posteriori les oprations effectues.
Pour les investissements en titres non ngocis sur des marchs
rglements mentionns larticle L. 422-1 du code montaire et
financier ou sur les marchs rglements en fonctionnement rgulier dun
tat ni membre de la Communaut europenne, ni partie laccord sur
lEspace conomique europen pour autant que ces marchs nont pas t
carts par lAMF, la socit de gestion de portefeuille doit se doter de
procdures spcifiques et adaptes aux titres concerns.
Art. 515-3 (2006a : 223)
Les rgles du march dterminent les catgories dordres excutables par
les membres. Les membres du march horodatent les ordres ds leur
rception sils manent dun donneur dordre, ou ds leur mission sils
en sont eux-mmes les metteurs. Sauf exception prvue par les rgles du
march et tenant la nature de lordre, ils produisent les ordres sur le
march dans lordre de leur horodatage. Les rgles du march prcisent
les principes de priorit applicables aux ordres de mme sens et de mme
prix qui sont produits simultanment sur le march.
Art. 612-1 (2007 : 277)
Sont considres comme des pratiques de march admises les
pratiques susceptibles dtre mises en uvre sur un ou plusieurs marchs
financiers et acceptes par lAMF.
Art. 621-1
(2007 : 278-
279)
Une information privilgie est une information prcise qui na pas t
rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou
plusieurs metteurs dinstruments financiers, ou un ou plusieurs
instruments financiers, et qui si elle tait rendue publique, serait
susceptible davoir une influence sensible sur le cours des instruments
financiers concerns ou le cours dinstruments financiers qui leur sont
lis.
Une information est rpute prcise si elle fait mention dun ensemble de
circonstances ou dun vnement qui sest produit ou qui est susceptible
de se produire et sil est possible den tirer une conclusion quant leffet
possible de ces circonstances ou de cet vnement sur le cours des
instruments financiers concerns ou des instruments financiers qui leur
sont lis.
Une information, qui si elle tait rendue publique, serait susceptible
davoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers
concerns ou le cours dinstruments financiers drivs qui leur sont lis
est une information quun investisseur raisonnable serait susceptible
dutiliser comme lun des fondements de ses dcisions dinvestissement.
427
Rfrence Source AMF Texte
Art. 632-1 (2007 : 232)
Toute personne doit sabstenir de communiquer, ou de diffuser
sciemment, des informations, quel que soit le support utilis, qui donnent
ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprcises ou
trompeuses sur des instruments financiers mis par voie dappel public
lpargne au sens de larticle L. 411-1 du code montaire et financier, y
compris en rpandant des rumeurs ou en diffusant des informations
inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait d
savoir que les informations taient inexactes ou trompeuses.
Constitue en particulier la diffusion dune fausse information le fait
dmettre, sur quelque support que ce soit, un avis sur un instrument
financier ou indirectement sur lmetteur de celui-ci, aprs avoir pris des
positions sur cet instrument financier et de tirer profit de la situation qui
en rsulte, sans avoir simultanment rendu public, de manire approprie
et efficace, le conflit dintrts existant.
Le non-respect de linterdiction mentionne au premier alina par des
journalistes agissant dans le cadre de leur profession doit tre apprci en
tenant compte de la rglementation applicable cette profession.
Cependant ce non-respect est susceptible de constituer par lui-mme un
manquement ds lors que les intresss retirent, directement ou
indirectement un avantage ou des profits de la diffusion de telles
informations.


9.5.2. Rgles de march harmonises, Euronext
Rfrence
Source
Euronext
Texte
Art. 4502/3 (2007 : 40)
Transactions hors Carnet dOrdres Central :
Les Membres des Marchs de Titres dEuronext ayant ralis des
Transactions hors carnet doivent immdiatement les dclarer
lentreprise de march dEuronext comptente, en prcisant sils ont agi
pour compte propre ou compte de tiers.
Il est prcis que le compte-rendu des Transactions au VWAP du march
doit tre effectu immdiatement suivant la fin de la priode convenue
mentionne larticle 4405.
Les Transactions effectues en dehors du Carnet dOrdres Central ne sont
considres comme effectues sur le March de Titres gr par
lEntreprise de March dEuronext Comptente qu lissue de leur
dclaration.
428
Rfrence
Source
Euronext
Texte
Art. 8301 (2007 : 69)
8301 ENREGISTREMENT DES ORDRES
8301/1 Les membres sassurent que chaque ordre reu dun Client est
immdiatement enregistr et horodat par le biais dun procd autre que
manuscrit. Lordre doit galement tre horodat lors de son excution
ainsi que, le cas chant, lors de sa modification ou de son annulation par
le Client.
8301/2 Les enregistrements des ordres doivent tre conservs sur des
fiches dordres ou par le biais de Systme de Routage dOrdres
Electroniques ou par tout autre moyen prcis par lEntreprise de March
dEuronext Comptente, ds lors que cette mthode est conforme aux
critres de lArticle 8301.
8301/3 Les enregistrements des ordres doivent contenir linformation
suivante, ainsi que toute information complmentaire telle quexige par
lEntreprise de March dEuronext Comptente :
(i) lidentit de la personne qui soumet lordre dans le Systme central de
Ngociation et le cas chant le Mnmonique de Ngociation Individuel
sous lequel lordre est soumis ;
(ii) lidentit de la personne qui enregistre lordre ;
(iii) lidentification du Client ;
(iv) le sens achat/vente ;
(v) le volume ;
(vi) lInstrument Financier Admis ;
(vii) le type put/call et le prix dexercice ( le cas chant) ;
(viii) le mois de livraison/dchance (le cas chant);
(ix) le prix ou la limite de prix, lintervalle de prix ou le cours de la
stratgie ;
(x) le type dordre et ses conditions dexcution; et
(xi) lindicateur du type de stratgie ( le cas chant).
8301/4 Quelle que soit leur nature, les enregistrements des ordres doivent
tre :
(i) fiables, scuriss et non susceptibles daltration
(ii) tenus disposition ;
(a) immdiatement le jour de la transaction ; et
(b) dans un dlai raisonnable suivant la date de transaction,
sur demande de lEntreprise de March dEuronext Comptente
(iii) prsents sous une forme facilement dchiffrable par lEntreprise de
March dEuronext Comptente.
8301/5 Les Membres qui utilisent des Systme de Routage dOrdres
Electronique doivent disposer de procdures durgence en cas de dfaut
des systmes, lesquelles peuvent inclure des systmes de secours ou le
recours au support papier afin quaucune donne de la piste daudit ne
soit perdue.

429
9.5.3. Code Montaire et Financier
Rfrence Source Texte
Art. L.511-33 Legifrance
Tout membre dun conseil dadministration et, selon le cas, dun conseil
de surveillance et toute personne qui un titre quelconque participe la
direction ou la gestion dun tablissement de crdit ou qui est employe
par celui-ci, est tenu au secret professionnel, dans les conditions et sous
les peines prvues larticle L. 571-4.
Outre les cas o la loi le prvoit, le secret professionnel ne peut tre
oppos ni la commission bancaire, ni la Banque de France, ni
lautorit judiciaire agissant dans le cadre dune procdure pnale.

























430
9.6. ANNEXE 6 : EXTRAIT DU GUIDE AFEI FBF (2006) SUR LES ABUS DE MARCH


431


432





433
9.7. ANNEXE 7 : SANCTION PRONONCE PAR LAMF LENCONTRE DETC POLLAK



434





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443





444




445
9.8. ANNEXE 8 : LE PROCESSUS LAMFALUSSY
Ci-dessous le schma du processus Lamfalussy, propos par le site internet de la FBF.
































446















X. GLOSSAIRE & INDEX

















447
10.1 GLOSSAIRE
Nous donnons ci-dessous les dfinitions des termes identifis dans le texte par un (*).

Analyste financier : lanalyste financier rdige des analyses qui sont ensuite vendues aux
investisseurs, clients du courtier. Voir AMF (2006a), art. 313-30 : Exerce la fonction
danalyste financier toute personne physique ayant pour mission de produire des analyses sur
les metteurs faisant appel public lpargne, comportant la formulation dune opinion sur
lvolution prvisible de leur situation conomique et financire et, le cas chant, du prix des
instruments financiers quils mettent
224
.

Back office : service en charge des oprations administratives intervenant aprs la ngociation
(oprations dites de post-march ) : confirmation des ordres auprs des contreparties,
livraison des titres et rglement des transactions, appels de marge, etc. Le back office effectue
galement des contrles sur les oprations
225
.

Broker : voir Courtier.

Compliance officer : voir Responsable de la Conformit.

Conflit dintrts : on entend par conflit dintrt, une situation dans laquelle le pouvoir
dapprciation dune personne peut tre altr par des considrations autres que celles
relevant de lexercice de sa fonction : ralisation dun gain ou prvention dune perte
financire aux dpens du client, incitation privilgier les intrts dun client ou dun groupe
de clients par rapport aux intrts dun autre client, etc. Voir AMF (2006a), art. 313-18 sq.




224. NB : la mise en uvre de la Directive MiF, en reconnaissant le conseil en investissement comme un service
dinvestissement part entire, a quelque peu modifi cette dfinition. Le principe de production de lanalyse et
et de sa vente aux clients reste nanmoins inchang.
225. Pour de plus amples dtails, on pourra se reporter en premire approche Karlin (1997), Loader (2002) et
Norman (2007).

448
Contrle interne : dispositif de contrle dont les entreprises dinvestissement (notamment)
doivent se doter. Depuis la rforme du rglement CRBF 97-02 (cf. CCLRF, 2005), le contrle
interne stend au contrle des oprations et des procdures internes, la comptabilit, aux
systmes de mesure et de surveillance des risques et des rsultats, aux systmes de
documentation de linformation, ainsi qu la surveillance des flux et des expces.

Contrle permanent : dans le cadre du dispositif de contrle interne, le contrle permanent a
pour charge le contrle de la conformit, de la scurit et de la validation des oprations
ralises ainsi que de la surveillance des risques associs ces activits. Le contrle
permanent est assur au sein du prestataire de services dinvestissement par un dpartement
ddi, dont les collaborateurs se distinguent des oprateurs chargs du contrle priodique
(audit).

Courtier : prestataire de services dinvestissement, dont la principale fonction est de recevoir,
transmettre et excuter sur les marchs financiers les ordres mis par ses clients (tiers).

Dontologue : voir Responsable de la Conformit.

ECM ou Equity Capital Market : dpartement en charge, dans une banque dinvestissement,
des missions primaires, des introductions en bourse, des ouvertures de capital
(privatisations), des augmentations de capital ou missions obligataires. Une sous-division de
lECM, la syndication (cest ce dpartement qui se trouve mentionn dans le prsent travail
sous le nom dECM), anime les quipes de vente dans la phase dexcution des oprations.

Fonction de conformit : voir Responsable de la Conformit.

Information privilgie : linformation privilgie est une information prcise, non publique
et qui serait susecptible, si elle tait rendue publique, davoir une influence sensible sur le
cours des instruments financiers concerns. Voir RG AMF, art. 621-1.

Initi Permanent : personne ou tiers ayant accs de manire rgulire des informations
privilgies sur un titre donn.

449
Liquidit : la liquidit dun actif reprsente la capacit pour les agents conomiques dacheter
ou de vendre rapidement cet actif, sans pour autant que cet achat ou cette vente nait un effet
majeur sur le prix de cet actif. La liquidit dun titre est dautant plus forte que le nombre de
titres et la frquence des transactions sur ce titre sont levs.

Liste dinterdiction : elle recense les instruments financiers sur lesquels, compte tenu de la
nature des informations dtenues par le prestataire de services dinvestissement, ce dernier
sabstient dintervenir pour son compte propre (AMF, 2007 : art. 315-18).

Liste de surveillance : elle recense les instruments financiers sur lesquels le prestataire de
services dinvestissement dispose dune information sensible rendant ncessaire une vigilance
particulire de la part du Responsable de la Conformit (AMF, 2007 : art. 315-17).

Middle office : dpartement intervenant entre le front office et le back office, procdant un
premier suivi de march des oprations inities par les traders et sales traders.

Morning meeting : runion prcdant louverture du march, au cours de laquelle les
analystes financiers diffusent leurs travaux et rpondent aux questions des vendeurs et sales
traders. Dans certaines institutions, cette runion prend place dans une salle ddie ; chez MB
Brokerage, les analystes sadressent la salle par lintermdiaire de micros (speakerbus)
disposs sur leurs desks.

Muraille de Chine : terme dsignant les procdures mises en place par le prestataire de
services dinvestissement, visant prvenir la circulation indue dinformations confidentielles
ou privilgies : sparation matrielle des services, personnes et systmes concerns,
conditions dautorisation par lesquelles le Responsable de la Conformit peut ponctuellement
autoriser un collaborateur transmettre une information confidentielle dun service un autre,
au vu de circonstances particulires. Voir AMF (2007), art. 315-15.

Ngociateur : cest loprateur qui est directement face au march , en ce quil place les
ordres des clients dans le carnet dordres accessible aux autres intervenants depuis sa station
de ngociation. La fonction se trouve dfinie par lart. 313-30 du RG AMF : Exerce la
fonction de ngociateur dinstruments financiers toute personne physique qui est habilite
450
engager la personne sous la responsabilit ou pour le compte de laquelle elle agit dans une
transaction pour compte propre ou pour compte de tiers portant sur un instrument financier .

OTC : Over-the-Counter, dsigne le plus souvent les transactions excutes en dehors des
marchs organiss / rglements. Les termes de la transaction sont fixs de faon bilatrale.

Priode de blackout : priode pendant laquelle les entits lies une opration doivent
sabstenir de publier de la recherche.

Personne Sensible : personne exerant une fonction lamenant dtenir des informations
juges sensibles au regard de lintgrit des traitements ou de la confidentialit des oprations.

POTAM : abrviation de Panel on Takeovers and Mergers ou Takeover Panel, qui est un
rgulateur britannique supervisant principalement les offres publiques et imposant des
restrictions dintervention aux membres prenant part ces offres.

Pricer une option : opration consistant dterminer le prix dune option, qui est un contrat
liant deux parties, par lequel lune accorde lautre le droit dachater ou de vendre un actif
sous-jacent un prix dtermin durant une priode (option amricaine ) ou une date
dtermine (option europenne ), moyennant le paiement dune prime.

Rating : notation attribue par lanalyste un titre (gnralement une action). Quatre niveaux
sont distingus chez MB Brokerage : deux lachat, deux la vente.

RCCI : Responsable de la Conformit et du Contrle Interne. Il assure au sein des socits de
gestion une fonction similaire la fonction de RCSI. Voir AMF (2007), art. 313-70.

RCSI : Responsable de la Conformit pour les Services dInvestissement, voir Responsable
de la conformit.

Responsable de la Conformit : le Responsable de la Conformit est en charge du contrle
et de lvaluation de lefficacit des dispositifs visant dtecter les risques de non-conformit,
ainsi que du conseil et de lassistance des oprateurs chargs des services dinvestissement.
Voir AMF (2007), art. 313-1 sq. A lorigine, le Responsable de la Conformit tait nomm
451
tout la foir RCSI et dontologue (les deux fonctions se recouvrant pour lessentiel) :
certains prestataires prservent cette dernire dnomination en ce quelle indique prcisment
quil sagit dorienter et de contrler les pratiques. Voir AMF (2005d), art. 321-26.

Sales : voir Vendeur.

Sales trader : chez certains prestataires de services dinvestissement, personne en charge du
pilotage et du suivi des ordres. Le sales trader effectue ainsi linterface entre le vendeur
(sales) qui passe le plus clair de son temps vendre lanalyse et chercher de nouveaux
clients, et le ngociateur (trader) qui ne connat pas lidentit des clients pour le compte
desquels il passe lordre. Dans ce type de configuration, le sales trader voit en permanence
ltat davancement de lexcution des ordres de ses clients, et informe ces derniers le cas
chant. La fonction nest cependant pas cloisonne, et le sales trader peut lui-mme disposer
de son propre portefeuille de clients.

Target price : prix cible que lanalyse attribue un actif (gnralement une action) dans son
analyse. Le target price a gnralement un horizon de moyen / long terme (six mois un an).

Trader : voir Ngociateur.

Vendeur : personne qui a en charge un portefeuille de clients, rpondant le plus souvent une
typologie spcifique (vendeur pour les hedge funds, ou vendeur pour la clientle allemande
par exemple). Il vend la recherche produite par les analystes financiers et recueille le cas
chant les ordres des clients, ou oriente ces derniers vers un sales trader.

Warehouse ou compte de warehouse : compte de stockage dans lequel les sales traders
peuvent, moyennant le respect de rgles de gestion strictes, enregistrer les ordres de leurs
clients lorsque ces ordres ne sont que partiellement excuts la fin de la journe de
ngociation.





452
453
10.2 INDEX NOMINUM
Abbott, A. : 29
Abolafia, M. : 92-93, 102, 132, 161, 163
Adler, Pa. : 183, 190
Adler, Pe. : 183, 190
Agamben, G. : 184
Agle, B. : 82
Aglietta, M. : 16, 25
Aho, J . : 82
Akrich, M. : 200
Alexander, L. : 42
Allard-Poesi, F. : 197
Amblard, H. : 156
Amoore, L. : 167
Arthur, H. : 56
Austin, J . : 122-129, 131, 332, 335, 339,
343

Baez, B. : 132
Baker, W. : 92
Ballet, J . : 57, 64
Barber, B. : 70
Barley, S. : 139
Barnes, B. : 124, 200
Barthe, Y. : 151-154
Barthes, R. : 135
Bauman, C. : 22
Baumard, Ph. : 176, 199-200
Baxter, V. :163
Beck, U. : 23, 75, 167, 169
Bentham, J . : 47, 49
Benvniste, E. : 129, 132
Berger, P. : 56, 72, 148, 199, 200, 204
Bergeron, L. : 42
Berman, A. : 150
Berrendonner, A. : 127
Bessis, J . : 168
Beunza, D. : 17, 90-91, 220, 248
Bierstecker, Th. : 167
Biggart, N. : 67
Black, F. : 124
Blair, M. : 49
Blais, M. : 179
Bland, D. : 40
Blanqu P. : 25
Bobko, Ph. : 194
Boisseau, B. : 40
Boje, D. : 149
Boltanski, L. : 16
Bordeleau, L.-P. : 201
Bourdieu, P. : 127-128, 192-193
Bouton, D. : 21
Bowe, M. : 40
Boxenbaum, E. : 150
Boyer, A. : 16, 25
Brac de la Perrire, G. : 27, 46, 166, 229
Bradford : 43
Braithwaite, J . : 167
Brender, A. : 25
Bromley, D. : 165, 167
Brown, R. : 191
Bruegger, U. : 90
Burlaud, A. : 163
Butler, J . : 121


Caill, A. : 16, 69, 71
Callon, M. : 15, 17, 34, 43, 58, 90, 113,
121-126, 147, 151-157, 159, 343
Capps, D. : 40
Carr, E. : 57
Carruthers, B. : 90
Carter, S. : 80
Cassou, P.-H. : 30
Castelnau, Ph. : 62
Cfa, D. : 205
Charreaux, G. : 64
Charreire, S. : 42, 197, 201-202
Chauvier, E. : 176
Cicron, M. T. : 26
Colliot-Thlne, C. : 55
Coudert, V. : 25
Courpasson, D. : 29, 163
Coyne, M. : 162
Curtis, Ch. : 55-56
Czarniawska, B. : 149, 157

Dardonville, L. : 115
Davis, G. : 92
De Blic, D. : 220
De Bry, F. : 57, 57, 64
De Goede, M. : 21, 26, 61, 114, 121, 126,
167, 169-171
De La Bruslerie, H. : 45
Deephouse, D. : 80
Del Marmol, C. : 46
Denzin, N. : 190, 194
Deschanel, J .-P. : 40, 42
Didier, E. : 123
DiMaggio, P. : 16, 67, 75, 78, 83-84, 86,
161, 338, 343
Djelic, M.-L. : 83, 342
Doyle, A. : 167
Drahos, P. : 167
Drucker, P. : 54
Drummond, H. : 314
Dubar, C. : 29
Ducouloux-Favard, C. : 62
Ducrot, O. : 128

Eco, U. : 139-140, 142
Edelman, L. : 82, 130
Edwards, J . : 40
Eliet, G. : 40, 47, 48, 64
Ericson, R. : 167
Erlanger, H. : 82
Ewald, F. : 30, 57

Favarel-Garrigues, G. : 167
Fein, L. : 79, 112
Fron, M. : 57
Ferraro F. : 126
Fligstein, N. : 16, 71-72, 171, 92, 342
Fombrun, C. : 165, 167, 169
Ford, J . : 149
Fort, J .-L. : 21
Foucault, M. : 49, 85-86
Fourcade, M. : 17, 20
Fournier, J . : 77, 81
Fraenkel, B. : 127
Frankfurter G. 132

Galaskiewicz, J . : 79
Gauron, A. : 25
Gemser, G. : 167
Giddens, A. : 75
Gillespie, J . : 92
Gizard, B. : 40, 42
Godechot, O. : 17, 102, 125, 136-137, 216,
236, 280
Gold, R. : 179-181, 183
Gond, J .-P. : 150
Goodpaster, K. : 53-55
Granovetter, M. : 16, 67, 69-72, 101, 134,
216
Greenspan, A. : 90
Greenwood, R. : 126, 139, 159
Greif, A. : 169
Grinblatt, M. : 67
Grossman, E. : 25
Guba, E. : 183
Guilhot, N. : 163

Habermas, J . : 55-56, 128
Hacking, I. : 200
Hamilton, G. : 67
Hardy, C. : 147-150, 159
Harper, R. : 184
Hart, H. : 129
Hassoun, J .-P. : 42, 137, 297, 299
Healy, K. : 20
Heidegger, M. : 196, 201
Helgesson, C.-F. : 90
Henrion, R. : 47
Hertz, E. : 137, 163
Hinings, C. : 159
Hobbes, Th. : 70
Holm, P. : 121
Holt, L. : 121
Holzer, B. : 26
Hoogenboom, M. : 75
Huault, I. : 17, 42, 71, 122, 197, 201-202
Hume, D. : 49
Husserl, E. : 191, 196, 200, 202
Hutter, B. : 39, 167
Ibert, J . : 176
Ihde, D. : 200-201

Isaac, H. : 64
Izquierdo, J . : 162

J ackson, J . : 115
J eng-Braun L. : 276
J obome, G. : 40
J oerges, B. : 149, 157

Kalthoff, H. : 162
Keister, L. : 43, 83, 91-93
Keloharju, M. : 67
Kilduff, M. : 92
King, G. : 30
Kjellberg, H. : 90
Klinkenberg, J .-M. : 135, 140, 142-144
Knorr Cetina, K. : 16, 43, 90, 167
Kopp, P. : 167
Krishna, D. : 126
Kritzer, H. : 168
454
Kuhn, Th. : 202

Lagneau-Ymonet, P. : 42 n.
Larkin, J . : 167
Laroche, B. : 49
Lascoumes, P. : 151-154
Latour, B. : 42, 147, 155, 184-185, 192-
194, 200-201, 207
Laufer, R. : 163, 169
Laugier, S. : 129
Laval, Ch. : 49
Law, J . : 147, 155
Lawrence, Th. : 147-148, 150, 159
Le Goff, J . : 42
Le Moigne, J .-L. : 198-199
Leca, B. : 147-148, 157-159, 340
Lee, H. : 56
Leeson, N. : 314
Lenglet, M. : 77, 121
Levin, P. : 137
Leyshon, A. : 170
Lie, J . : 43
Lincoln, Y; : 183, 190, 194
Linsley, S. : 40
Loader, D. : 39
Lordon, F. : 57
Luckmann, Th. : 72, 148, 199-200, 204
Luque, E. : 25

MacCall, M. : 194
MacKenzie, D. : 17, 26, 34, 43, 91, 113,
121, 123-126, 171, 343
Makler, H. : 92
Marchal, Ch.-G.: 197
Margavio, A. : 163
Maria-Drita, I. : 71
Marion, J .-L. : 191
Markussen, T. : 121
Martin, D. : 124
Martineau, S. : 179
Matthews, J . : 54
Maurer, B. : 61
Mauss, M. : 84
McGoun, E. : 162
Madel, C. : 15
Mdina, Y. : 57, 60
Mercier, S. : 57, 64
Merton, R. : 126
Meyer, J . : 67, 80-81, 342
Meyor, C. : 201
Miller, D. : 122-123
Millo, Y. : 17, 26, 43, 90-91, 121, 124-125,
343
Mintz, B. : 92
Mizruchi, M. : 79, 89-93, 112
Moret-Bailly, J . : 40, 41, 64
Moulvrier, P. : 163
Mucchielli, A. : 179, 192, 197, 200, 204
Muniesa, F. : 17, 25, 43, 90, 123, 126, 134-
135, 280, 343
Munir, K. : 147
Myles, J . : 128

Nash, C. : 121
Neef, D. : 167-168
Nielsen, V.: 39
Nik-Khah, E. : 122

Orlan, A. : 16, 25
Ossewaarde, R. : 75
Oswick, C. : 149

Paill, P. : 179
Palmer, D. : 92, 149
Palmer, I. : 149
Pardon, J . : 46, 48, 53
Parker, Ch. : 39, 81
Perquel, J .-J . : 83
Perrow, Ch. : 169
Pesqueux, Y. : 57
Pzard, A. : 40, 152
Phillips, N. : 147-150, 159
Piaget, M. : 22
Pinel, J .-M. : 64
Polanyi, K. : 89
Powell, W. : 16, 67, 75, 78, 338
Power, M. : 167, 169
Preda, A. : 17, 43, 90, 125, 155, 163, 170,
184
Proudhon, P.-J . : 18, 19., 20
Puel, H. : 46-47

Rabeharisoa, V. : 15
Rainelli-Le Montagner, H. : 122-123
Ramanantsoa, B. : 57
Ray Vass, O. : 50
Ricur, P. : 58-62, 64, 130, 191
Rindova, V. : 165
Rowan, B. : 67, 80-81, 342
Royer, I. : 194, 196
455
456
Sahlin-Anderrson, K. : 148
Salkind, N. : 38
Sarraute, N. : 225
Saussure, F. de : 132, 145
Sayag, C. : 40
Schinckus, Ch. : 114, 133-135, 137, 141,
162
Schmidt-Bies, S. : 138
Scholes, M. : 124
Schtz, A. : 199, 202-204
Schwartz, M. : 92
Scott, R. : 69
Scott, S. : 168-169
Selinger, E. : 200
Selznick, Ph. : 69
Sen, A. : 56, 64
Sheldon Green, P. : 167
Simmel, G. : 89
Singh, D. : 77
Siu, L. : 43
Smelser, N. : 43
Spilerman, S. : 92
Stark, D. : 17, 91, 248
Stearns, L. : 89-93
Stinchcombe, A. : 91
Stryker, R. : 82
Suchman, M. : 130
Suddaby, R. : 126, 139, 148, 159
Swedberg, R. : 43, 69, 242
Sweet, A. : 71

Tadjeddine, Y. : 163
Taleb, N. : 26
Thvenot, L. : 16
Thitart, R.-A. : 195
Thiveaud, J .-M. : 56














Thomas, D. : 183
Thrift, N. : 121, 170
Trteau, E. : 248, 289, 313
Tripier, P. : 29
Turnbull, D. : 121

Uggen, C. : 82
Uzzi, B. : 92

Van Riel, C. : 164, 169
Vranceanu, R. : 64

Walsham, G. : 168-169
Wasserman, S. : 79
Weaver, G. : 82
Weber, M. : 18-20, 55, 75, 83, 110
Weick, K. : 132, 145
Wijnberg, N. : 167
Williame, R. : 203
Williamson, O. : 70
Winroth, K. : 93
Wolfe, S. : 40
Woolgar, S. : 192-194
Wuthnow, R. : 82

Yin, R. : 193, 204-205

Zaloom, C. : 137
Zarlowski, Ph. : 194, 196
Zeitlin, M. : 89
Zelizer, V. : 16, 72, 89, 92-93
Zola, E. : 19
Zorn, D. : 82



























Vu : le Prsident
Vu : les suffragants.



Vu et permis dimprimer : le Vice-Prsident du Conseil Scientifique
Charg de la Recherche de lUniversit Paris Dauphine.

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