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Introduction À Une Poétique Du Texte Offert
Introduction À Une Poétique Du Texte Offert
Introduction À Une Poétique Du Texte Offert
Prface
l'ouvrage "Du
lyrisme", publi
aux ditions Corti
en mars 2000.
Notes liminaires
ouvrant le livre.
Entretien avec
Bertrand Leclair
paru dans La
Quinzaine
littraire
"Pour un lyrisme
critique" : notes
prises en vue
d'une
intervention la
Comdie de
Reims le 14
dcembre 2000.
Notes sur le
lyrisme, extraites
de "La Matine
l'anglaise" (d.
Seghers, 1981)
Paul Celan
La bonne intention
Il semble que l'on puisse entendre la notion de "texte offert" de
deux manires:
- en observant une intention; c'est l le texte offert dclar
comme tel, genre et modalit d'criture potique particulire
(toasts, tombeaux, hommages, madrigaux...).
- en accueillant le texte potique en soi, dtach de toute fonction
d'change, tel qu'il s'offre de lui-mme, et en tant qu'il est le lieu
o quelque chose s'offre : une forme, un sens, un enchantement.
Samuel Beckett
Stphane Mallarm
Anne-Marie Albiach
Charles Baudelaire
Yves Bonnefoy
Marc Chnetier
Benot Conort
Mahmoud Darwich
Michel Deguy
Christian Gardair
Julien Gracq
Roberto Juarroz
JMG Le Clzio
Le Lyrisme
Stphane Mallarm
Le Mercure de
France
Henri Michaux
Pierre Michon
Gaston Miron
Grard Noiret
Valre Novarina
Posie
contemporaine
Pascal Quignard
Rainer-Maria Rilke
Arthur Rimbaud
Nicolas de Stal
Jules Supervielle
Antony Tapis
Michel Tournier
Paul Valry
Verlaine et
Mallarm
Jean-Pierre
Verheggen
Lon Zack
Donnez-moi de l'amour
Si l'on se rfre l'essai classique de Mauss qui a tudi le
fonctionnement du don dans les socits archaques, celui-ci
s'inscrit dans une logique de l'change. Il oblige le donataire un
contre-don, de sorte que s'instaure un va-et-vient de dons offerts
et de dons compensatoires. Or il n'en va pas exactement ainsi
pour le pome ds lors qu'il n'est pas offert aux dieux ou un
Grand dont on sollicite la protection, voire une femme que l'on
entreprend de sduire. Bien sr on dira que le pote donne pour
conqurir la clbrit, la gloire, ou plus simplement pour tre
aim... En vrit, il semble plutt que l'criture ne donne rien de
tangible et se contente plutt de mimer les gestes de l'amour. Elle
est, selon le mot de Ren Char, "travail d'amour". Comme l'crit
Pierre Michon :
"Les vers sont faits pour tre donns, et qu'en change on vous
donne quelque chose qui ressemble de l'amour."
Si l'criture en appelle autrui, c'est de trs loin, et le plus
souvent en faisant valoir son absence. Il y a en elle une gratuit
essentielle dont "A une passante" de Baudelaire, ou "Dvotion"
d'Yves Bonnefoy seraient de frappants exemples.Pourtant, tout
pome constitue comme la signature d'une sorte de contrat figural
avec le monde et avec autrui. Il propose un agencement et une
mise en forme; il dfinit une posture.
La dpense intime
La gratuit du don a pour corollaire sa prciosit. Ds lors que l'on
ne s'inscrit pas dans une logique de l'utile, on se situe dans
l'espace de la gnrosit : on doit donner ce que l'on a de plus
prcieux. "Voici mon coeur" dira Verlaine dans "Green" : don du
plus intime, du plus propre, en fin de compte don mtonymique
de soi.
Etant gnreux, le don par ailleurs est dpense, voire pure
dpense : dpense festive de celui qui offre un banquet et qui
invite une large consommation de nourriture, dpense affective
de celui qui exprime et expose ses sentiments, dpense verbale
de celui qui compose un hymne, une ode, tels ces trs longs
pomes pindariques, claudliens ou persiens. Une criture
d'apparat, de prestige, est aussi dpense de beaut : largesse
potique, prodigalit de la parole...
De tels moments potiques se retrouvent dans la prose. On les
rencontre, par exemple chez Flaubert : descriptions de tables
garnies : une figure du lyrisme et son lieu d'expression sur le
mode du "morceau de bravoure" Le potique s'illustre alors
comme faim et comme dsir : ce vide appelle soi du plein. Il
rclame, comme l'me mme qui prie ou qui implore. Paul Valry
crit : "Aprs tout, c'est peut-tre un vide que l'me? C'est peuttre ce qui demande sans cesse ce qui n'est pas."
L'offrande est une fte qui rplique un dfaut, une surabondance
qui corrige un manque. La parole possde ici la vertu d'un rachat.
Paul Valry crit encore, ce propos :
"Un pome doit tre une fte de l'Intellect. Il ne peut tre autre
chose.
Fte : c'est un jeu, mais solennel, mais rgl, mais significatif;
image de ce qu'on n'est pas d'ordinaire, de l'tat o les efforts son
rythmes, rachets.
On clbre quelque chose en l'accomplissant ou la reprsentant
dans son plus pur et bel tat.
Ici, la facult du langage, et son phnomne inverse, la
comprhension, l'identit de choses qu'il spare. On carte ses
misres, ses faiblesses, son quotidien. On organise tout le possible
du langage.
La fte finie, rien ne doit rester. Cendres, guirlandes foules."
L'ide s'impose ici du pome comme moment d'exception, sortie
du rel, "image de ce qu'on n'est pas d'ordinaire"...
Le cadeau du pome
Le texte offert est d'abord cadeau. C'est ce que dit le mot anglais
"Gift". Un cadeau, c'est--dire un prsent, un objet offert, mais
aussi une manire de se rendre prsent, de faire acte de prsence
(cf "Green" de Verlaine), voire de rendre l'autre prsent (cf."A
Villequier" de Hugo)
Celan crit Hans Bender : "Les pomes sont aussi des cadeaux
-des cadeaux pour ceux qui sont attentifs. Des cadeaux qui
amnent avec eux le destin". Un pome est donc un prsent qui
ouvre sur la totalit d'une histoire, un prsent qui n'est pas celui
de l'instant (puisque l'instant n'a pas de pass ni d'avenir: il est le
propre de la vie sensible) mais celui de la mise en prsence. Par
exemple, le pome rend prsent ce qui s'en est all. Il dit ce qui
n'est plus, ce qui n'est pas encore, ce qui ne sera jamais, et, le
disant, l'crivant, il le rend prsent. Comme l'crit Hoffmannsthal,
"tandis qu'il parle, l'homme se reconnat comme l'tre incapable
d'oublier."
Plutt qu'un pome, on offre son criture. On offre de son temps,
celui que l'on a pass l'crire. Le pome vaut moins comme
objet que comme acte, surtout pour celui qui il est destin, qui
d'abord en retient le geste, ou l'intention. Offrir un pome, ce
serait peut-tre comme offrir un geste, esquisser un geste.
On offre des vers, des rythmes, des images et des rimes, c'est-dire un univers mesur et harmonieux. On ne donne pas une
chose, on offre des signes, un ensemble de mots o il est question
de choses et d'autres, dans des mots choisis. C'est dire que l'on
offre un certain rapport aux choses, une certaine qualit de
rapport au monde. On offre une configuration, un apparatre. On
fait don d'une distribution. On ne donne pas les choses mmes,
mais une manire nouvelle de les distribuer dans la parole. On
donne une nouvelle "donne".Selon la dfinition qu'en donnait
Platon, le pote est "l'ouvrier d'un simulacre"
La bouteille la mer
Qui sont les vritables destinataires de l'offrande lyrique : est-ce
quelqu'un ou quiconque? un tre rel ou irrel? prsent ou
absent? Ces interrogations nous renvoient la question mme de
l'criture et de son hypothtique destinataire : pour qui crit-on?
Les dieux, les rois, la gloire, les "Hypocrites lecteurs", les
semblables? Si l'on n'crit pour personne, si l'on ne s'adresse qu'
l'absence, pourquoi lui prter un nom et parfois un visage? Quel
Source : http://www.maulpoix.net/textoffert.htm