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Fénelon: Refutation Du Système de Malebranche
Fénelon: Refutation Du Système de Malebranche
Fénelon: Refutation Du Système de Malebranche
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DU SYSTÈME DU P. MALEBRANCHE
SUR
LA NATURE ET LA GRACE.
CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE II.
CHAPITRE III.
CHAPITRE IV.
CHAPITRE V.
IL S'ENSUIVROIT,DESCHOSESDÉJÀÉTABLIES,QUEDIEUNE CONNOIT
QUEL'OUVRAGEQU'IL APRODUIT-, QU'AINSITOUTEAUTRESCIEKCE
QUE CELLEQUI EST NOMMEEDANSL'ÉCOLE SCIENCEDE VISIOU,
NE PEUT ÊTRE EN DIEU.
CHAPITRE VI.
LES CONSÉQUENCES
DE CE SYSTÈMEDÉTRUIROIENT
ENTIÈREMENT
LA LIBERTÉDE DIEU.
CHAPITRE VII.
CHAPITRE VIII.
CHAPITRE IX.
CHAPITRE X,
DE QUELLEMANIEREDIEUAGITTOUJOURSPOUR SA GLOIRE.
CHAPITRE XL
CHAPITRE XII.
CHAPITRE XIII.
CHAPITRE XIV.
CHAPITRE XV.
CHAPITRE XVI.
CHAPITRE XVII.
CHAPITRE XVIII,
CHAPITRE XIX.
CHAPITRE XX.
9.
l32 RÉFUTATION
CHAPITRE XXI.
CE SYSTEMEESTINCOMPATIBLEAVECLE GRANDPRINCIPEPARLEQUEL
SAINT AUGUSTIN, AU NOM DE TOUTE L'ÉGLISE, A RÉFUTÉ LES
MANICHÉENS.
CHAPITRE XXII.
CHAPITRE XXIII.
LE PÉCHÉD'ADAMSEPiOITNÉCESSAIRE
A L'ESSENCEDIVINE, SI CE
SYSTÈME ÉTOITVÉRITABLE.
CHAPITRE XXIV.
10.
l48 RÉFUTATION
CHAPITRE XXV.
CHAPITRE XXVI.
CHAPITRE XXVII.
CHAPITRE XXVIII.
CHAPITRE XXIX.
CHAPITRE XXX.
CHAPITRE XXXI.
IL est étonnant que l' auteur ait joint dans son système
les deux extrémités les plus odieuses : d'un côté, pour
éviter les volontés particulières , il semble dire que Dieu
veut indifféremment le salut de tous; qu'il n a par lui-
même que des volontés générales, dans lesquelles au-
cune prédestination particulière ne peut se trouver ;
qu'ainsi tout choix, toute préférence, toute prédestination
des uns plutôt que des autres, a sa source dans la volonté
humaine de Jésus-Christ, et par conséquent Dieu n'a eu
par lui-même aucune bonne volonté pour l'âme de saint
Paul, plus que pour celle de Judas. Je laisse à juger au
lecteur combien celte doctrine, non-seulement est con-
traire au dogme catholique , mais encore doit faire hor-
reur à la piété chrétienne.
Voici une seconde extrémité également affreuse, dans
laquelle il faut que le système de l'auteur le précipite
malgré lui : c'est que l'ordre a réglé le nombre des élus,
et par conséquent Dieu n'a pu en aucun sens vouloir
sauver un plus grand nombre d'hommes que ceux qui sont
192 REFUTATION
sauvés; car il ne peut en aucun sens vouloir ce que sa sa-
gesse, son ordre immuable et son essence infiniment par-
faite, ne permettent pas. Comment prouvez-vous , me
dira-t-on peut-être, que l'ordre, selon l'auteur, a dé-
terminé le nombre des élus ?
Le voici : c'est que l'édifice du corps de l'Eglise est
le dessein de la sagesse éternelle ; cet édifice doit avoir
une certaine grandeur et des proportions. S'il étoit im-
mense et sans ordre, il seroit indigne de Dieu. Vous vous
étonnez peut-être que sur un tel raisonnement je con-
clue que l'ordre ne permet pas le salut de tous les hom-
mes. En raisonnant ainsi, je ne fais pourtant que suivre
les paroles expresses de l'auteur. Ecoutez ce qu'il fait
dire à Jésus - Christ 1 : « J'agis ainsi sans cesse pour
» faire entrer dans l'Eglise le plus d'hommes que je puis,
» agissant néanmoins toujours avec ordre, et ne voulant
» pas rendre mon temple difforme à force de le rendre
» grand et ample. » Ces paroles sont sans doute claires
et décisives pour marquer que l'ordre restreint Jésus-
Christ dans certaines bornes précises pour la sanctifica-
tion des hommes. Mais en voici d'autres qui sont encore
plus évidentes. « Ma charité, dit Jésus-Christ dans les
» Méditations de l'auteur 2, est si grande qu'elle s'étend à
» tous les hommes , et que, si l'ordre me le permettoit,
s> tous seroient sauvés. » Il dit encore plus bas, sur les
miracles qui se feront dans les pays où l'Evangile sera
nouvellement 3 : « Ces miracles me fourniront
prêché
» plus de matériaux que je n'en ai besoin. » Il ajoute* :
« Je dois régler mes désirs ou mon action sur l'ouvrage
» que je construis J'agis comme je dois en consultant
» le Verbe en tant que raison, en tant que sagesse éter-
» nelle, consultant l'ordre dont tu n'as qu'une connois-
» sance fort imparfaite. Si je réglois mes dons uniquement
« Médit, XIVn. 15. — 2 Médit. XII, n. 27. — 3 Ibid. n. 28. — 4 Ibid.
n. 29.
DU P. MALEBRANCHE. CHAP. XXXI. ig3
» sur la connoissance des événements libres , l'ordre de
» la grâce ne seroit plus digne de la sagesse infinie de
» Dieu. Il n'est pas nécessaire que je te le prouve, et ton
» attention est déjà trop fatiguée. Ma conduite dans la
» construction de mon ouvrage doit porter le caractère
» d'une cause occasionelle et d'un esprit fini. »
Voilà donc, selon l'auteur, Dieu qui veut indifférem-
ment le salut de tous les hommes; et Jésus-Christ, dont
la charité est si grande qu'elle s'étend à tous. Mais tous
ne sont pourtant pas sauvés, parce que l'ordre arrête
dans certaines bornes, et les volontés générales de Dieu,
et les désirs particuliers de Jésus-Christ.
Mais encore, pourquoi l'ordre marque-t-il des bornes
aux bontés de Dieu et à la prière du médiateur? C'est,
répond Jésus-Christ, que j'agis comme je dois, en con-
sultant le Verbe en tant que raison, en tant que sagesse
éternelle, consultant l'ordre. Mais encore, cet ordre con-
sulté, que dit-il? Il dit que sans ces bornes l' ordre de la
grâce ne seroit plus digne de la sagesse de Dieu. Mais
pourquoi n'en seroit-il plus digne? Le voici enfin : C est
que ma conduite dans la construction de mon ouvrage doit
porter le caractère d'une cause occasionelle et d'un esprit
fini.
Je ne m'arrête point à combattre cette étrange raison,
que l'auteur met en la place des paroles de saint Paul :
O profondeur des richesses de la sagesse et de la science
de Dieu! Je pourrois lui répondre que quand: Jésus-Christ
auroit pensé à tous les hommes, et prié efficacement pour
chacun deux en particulier, leur nombre étant borné,
son action et sa conduite n'auroient pas laissé de porter
encore le caractère d'une cause occasionelle et d'un esprit
fini; mais je me contente de suivre l'auteur pas à pas
sans le contredire. Vous remarquerez qu'il passe tou-
jours par des termes vagues et superficiels sur la difficulté.
Quand il s'agissoit du choix des prédestinés, il nous di-
3. 13
194 REFUTATION
soit que Dieu répand la grâce sur les âmes qui sont sem-
blables à Fidéc qui sert à régler les désirs de Jésus-Christ;
et celle idée etoit celle de certaines propriétés dont l'âme
en général étoit capable, desquelles Jésus-Christ.a une
connoissance parfaite. C'étoit l'idée de certaines beautés
dontJésus-Chrisl veut orner son épouse, et qui nous sont
entièrement inconnues. Vous voyez quelle obscurité il
affecte. Maintenant qu'il est question du nombre des
élus, il dit : L'ordre de la grâce ne seroit plus digne de
la sagesse infinie de Dieu; Un est pas nécessaire que je te
le prouve (c'est pourtant de quoi il seroit question) ; ton
attention est déjà trop fatiguée ; ma conduite dans la con-
struction de mon ouvrage doit porter le caractère d'une
cause occasionèlle et d'un esprit fini. Mais enfin, tirera-
t—il de là une conclusion claire et précise jour prouver
que Jésus - Christ ne doit faire entrer dans
pas l'Eglise
par sa prière tous les hommes, dont le nombre est fini ?
Nullement : au contraire, voici la dernière décision qu'il
donne • : « Tu n'es pas en état de comprendre clairement
» pourquoi l'ordre que je suis dans mon action, et la
» proportion que je veux mettre dans mon ouvrage, em-
» pèchent que je ne puisse sauver tous les hommes. » Et
encore» : « Mes désirs sont réglés par l'ordre, qui est la
» loi que je suis inviolablement, et dont tu n'as qu'une
» connoissance fort imparfaite. »
Les raisons pour lesquelles l'ordre ne permet pas le
salut de tous les hommes sont donc, selon l'auteur, très-
difficiles à entendre. Mais il .est pourtant très-certain que
c'est l'ordre qui ne le permet point; d'où je conclus qu'il
ne falloit point faire des livres, ni former un
long système,
plein de termes mystérieux, pour finir par une telle ré-,
ponse. L'auteur n'avoit qu'à dire, pour aplanir en deux
mots tout le mystère de la prédestination : Si tous les
tommes ne sont pas sauvés, c'est que l'ordre s'y oppose.
• Médit, XIV,n. 15. — 2 Médit, XII, n. 20.
DU P. MALEBRANCHE. CHAP. XXXI. 195
Ne me demandez pas pourquoi il s'y oppose, car les rai-
sons en sont impénétrables.
Au reste , qu'on ne s'étonne point si l'auteur a parle
ainsi. Ce n'est point sa faute, c'est celle de la cause qu'il
soutient. Que pouvoit-il dire, s'élant engagé à la soutenir?
S'il avoit dit que Dieu, indifférent pour le nombre des
élus, l'avoit laissé déterminer à Jésus-Christ, l'édifice
de la Jérusalem céleste ne seroit plus l'ouvrage de la Sa-
gesse éternelle, mais seulement celui de la volonté hu-
maine du Sauveur. Cette volonté humaine auroit décide
de toute la perfection de l'ouvrage de Dieu, sans être
assujétic à consulter l'ordre. Rien ne seroit plus mon-
strueux que de voir l'ordre, pour parvenir à sa fin, qui
est la plus grande perfection de l'ouvrage, établir une
cause occasionelle, qui, sans consulter l'ordre, se déter-
mineroit librement pour borner l'ouvrage au degré de
perfection qu'il lui plairoit. Mais , outre cet embarras
pour la philosophie, l'auteur craignoit encore de soulever
tous les théologiens contre lui ; il voyoit bien qu'on seroit
scandalisé d'entendre dire que Dieu a été indifférent pour
le nombre des élus, et que c'est Jésus-Christ comme
homme qui l'a déterminé. Etre indifférent pour le nom-
bre des élus n'est point vouloir sincèrement sauver tous
les hommes; au contraire, c'est ne se soucier d'aucun
d eux. Le général d'une armée n'a point une véritable
volonté pour sauver tous les déserteurs , s'il est indiffé-
rent pour le nombre de ceux à qui on fera grâce, et s'il
le laisse tranquillement décider par un officier inférieur,
sans lui recommander au moins d'en sauver le plus grand
nombre qu'il pourra. L'auteur a bien senti cet inconvé-
nient : pour l'éviter, il a voulu dire que Dieu et Jésus-
Christ vouloient tous deux le salut de tous les hommes,
mais que l'ordre ne le permettoit pas; et il a espéré que
ce mot d'ordre éblouiroit tous les lecteurs ; mais nous
l' avons, dès le commencement de cet ouvrage, examiné
13.
196 RÉFUTATION
de trop près pour nous y laisser surprendre. Si l'ordre ne
permettoit pas le salut de tous les hommes , l'ordre étant
la Sagesse éternelle, que Dieu, comme dit l'auteur, aime
d'un amour substantiel et nécessaire, Dieu ne pouvoit
vouloir en aucun sens le salut de tous les hommes. Dieu
ne peut jamais vouloir, en quelque sens qu'on le prenne,
ce qu'il ne pourroit faire sans cesser d'être simple dans
ses voies, sans cesser d'être sage, sans cesser d'être infi-
niment parfait, sans cesser d'être Dieu. L'ordre et l'es-
sence divine sont la même chose ; la volonté de Dieu est
son essence même : si donc l'ordre rejette le salut de
tous, la volonté de Dieu, bien loin de désirer le salut de
tous , le rejette invinciblement.
Je laisse au lecteur-à juger combien cette doctrine doit
offenser toutes les oreilles chrétiennes. L'ordre, qui est
Dieu même, rejette invinciblement le salut de tous,
parce qu'il aime mieux en sacrifier la plus grande partie
à une damnation éternelle, que de prendre, pour les
sauver tous, une méthode un peu moins simple. Mais
encore, prenez garde que ce qui l'empêche de les sauver
tous , c'est qu'il est incapable d'avoir une bonne volonté
particulière pour chacun d'eux. Ainsi, non-seulement il
n'a pas voulu le salut de tous , mais il ne pouvoit le vou-
loir : il étoit incompatible avec son essence ; et cette es-
sence, qui est l'infinie bonté, ne sauroit souffrir plus
d'élus qu'il n'y en a; un seul au-delà du nombre marqué
eût détruit cette essence en violant l'ordre.
L'auteur réunit par-là dans sa doctrine les plus affreuses
conséquences des deux opinions extrêmes. D'un côté, il
ôte la consolation de penser que Dieu aime particulière-
ment certains hommes, et il le représente entièrement
INDIFFÉRENT en lui-même pour le choix de ceux qui ré-
gneront avec Jésus-Christ. De l'autre, il représente la
volonté divine essentiellement déterminée à restreindre
dans certaines bornes le nombre des élus. En cela, il
DU P. MALEBRANCHE.CHAP. XXXII. I97
prend le contre-pied de la foi atholique , qui enseigne
que Dieu a véritablement, et une volonté générale pour
le salut de tous les hommes sans exception, et des vo-
lontés particulières de préférence, pour la distribution
des grâces en faveur de certains homnes qu'il veut attirer
à Jésus-Christ son Fils.
CHAPITRE XXXII.
CHAPITRE XXXIII.
CHAPITRE XXXIV.
ONPOURROITCONCLURE QUEL'AUTEURFAIT DE
, DE L'EXPLICATION
LAGRACEMÉDICINALE,UNEDESERREURSQUELESSEMI-PELAGIENS
ONTSOUTENUES.
CHAPITRE XXXV.
DE TOUTESLES PREUVESEMPLOYEESDANSCET
RÉCAPITULATION
OUVRAGE.
CHAPITRE XXXVI.
AU P. LAMI, BÉNÉDICTIN,
SUR LA GRACE
ET LA PRÉDESTINATION.
LETTRE PREMIÈRE.
PREMIÈRE QUESTION.
DE LA DÉLECTATIONINDÉLIBÉRÉE.