Hôtel La Louisiane
Hôtel La Louisiane
Hôtel La Louisiane
en 1823 aprs la mort de l'Empereur, survenue alors que ces franais de Louisiane voulaient le librer
l'abordage de l'le de Sainte-Hlne. Emu par ses anciens frres d'arme, hros de cent campagnes et
mille champs de bataille mais souvent sans toit, il fonde l'htel, La Louisiane, en l'honneur de cette
terre d'Amrique de la contre dcouverte en avril 1682 et baptise en l'honneur du roi Louis XIV par
Robert Cavelier de La Salle, que l'Empereur avait cd aux jeunes Etats-Unis en 1803.
Pour visiter le Louvre, un pont des arts est rserv aux pitons
En 1801, le futur empereur Napolon Bonaparte dcide la construction du Pont des Arts. Baptis en
l'honneur du Louvre, ce pont relie la Cour Carre du muse l'Institut. Cette passerelle des arts entre la
rive droite et la rive gauche de la Seine, o sont installs les Bouquinistes, fait le bonheur des
promeneurs, des amateurs de livres et de gravures, c'est l'endroit parfait pour un pique-nique o une
dgustation de vin au bord de l'eau. Grce la Passerelle des Arts, juste au dbut de la rue de Seine,
l'htel La Louisiane est quelques minutes pied de la rive droite, du muse et de la Pyramide du
Louvre. La vue panoramique de Paris offerte depuis le milieu de la passerelle est l'une des plus belles,
de nuit comme de jour.
Albert Camus, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, accompagns de Juliette Grco, leurs repres
sont le caf de Flore, le caf des Deux Magots, la brasserie Lipp... et l'htel La Louisiane o ils
refont le monde toutes les nuits, qu'ils ne quittent que pour les 'caves' o jouent les orchestres de jazz
endiabls de la Nouvelle Orlans. Parfaitement situ, ouvert aux artistes, l'htel La Louisiane est ainsi
devenu naturellement une halte internationale pour les rudits et les amateurs d'art... et pour ceux qui
viennent fter le quartier et y faire la fte !
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Lu dans Libration : " Entre les deux guerre, dans sa chambre d'htel de la Louisiane, Cyril Connoly
lve des furets pour lesquels il se fournit en foie sanguinolent la boucherie chevaline, des furets qui
courent aprs les oranges, les oeufs et les balles de ping-pong, et portent des harnais orns de
clochettes. " Et pourquoi pas ?" dirait Desnos.
Aprs un htel entre l'avenue du Maine et le cimetire du Montparnasse, un htel de la rue Vavin,
l'htel Mistral, et un taudis rue Dauphine, Simone de Beauvoir se fit recommander par les habitus du
Flore l'htel La Louisiane, rue de Seine, et y emmnage en octobre 1943 ... " Jamais aucun de mes
abris ne s'tait tant approch de mes rves ; j'envisageais d'y rester jusqu' la fin de mes jours.
Sartre occupait, l'autre bout du couloir, une chambre exigu dont le dnuement surpris plus d'une
fois ses visiteurs : il ne possdait mme pas de livres ... Au printemps 44, au temps du dbarquement
des Allis en Normandie, certains clients de l'htel montaient " se dorer sur la terrasse "... "Je ne
supportais pas ,cris Beauvoir, ces bains de chaleur contre la duret du ciment mais, le soir, j'aimais
m'asseoir l-haut, au-dessus des toits, pour lire et pour causer."
En 1945, un crivain gyptien arrive Paris, au pays de la langue qu'il sait lire et crire : Albert
Cossery, qui n'a d'autre envie que de possder de jeunes et jolies filles. Il s'installe dans un meubl de
Montparnasse, mais les allers et retours de Saint-Germain sa chambre avec des demoiselles sduites
s'avrent fastidieux et rptitifs. Il s'installe la Louisiane en 1951. Il y crit lorsqu'il s'ennuie vraiment,
lorsqu'il n'y a rellement rien de mieux faire ... Le plaisir de vivre passe avant celui d'crire, qui n'en
est pas un. Il ne possde rien et paresse... "La paresse se mrite... Les autres, s'ils aiment le travail, eh
bien qu'ils continuent ", dit-il cyniquement philosophe... "Pas la paresse dans le sens de ne rien faire,
mais de rflchir, et de lire ... La chose la plus extraordinaire au monde, c'est la lecture... "
En ce sens, Cossery, difficile, lgant, mfiant raison, vit la Louisiane depuis quarante ans. Il n'a
chang qu'une seule fois de chambre et celle qu'il occupe aujourd'hui reste dpouille l'extrme. Il n'a
gard que quelques livres (les meilleurs et les siens) et des vtements (des placards et des valises
remplies), mais pas d'objets (pas mme la petite femme sculpte que lui avait offert Giacometti).
Cairote marginal devenu parisien marginal. Les personnages de ses romans, Les hommes oublis de
Dieu, Les Mendiants et orgueilleux, les Fainants de la valle fertile, sont des anti-hros, l'inverse
absolu de tout l'arrivisme du monde. Ils ont pour eux le temps, tout le temps de l'ternit des instants
qui se succdent. Ils ne sont pas presss. Dnus d'ambitions, leur vie est simple, lucide. Laisss pour
compte ? Oublis de Dieu ? La rponse est dans la noblesse de la dtresse, le refuge dans les drogues et
la paresse, l'orientale, quand on sait que la misre est ternelle et inutile de la combattre.
L'chappatoire est dans la reconnaissance, cette acceptation de l'irrmdiable qui veille chez celui qui
lit, qui dcouvre, la paresse comme meilleure dfense. La vie d'htel est idale, pour qui veut rester
libre et qui ne veut rien faire. Cossery dort tard, se promne, s'arrte au Flore, revient avec une jeune
fille, lui offre les livres ou les vtements en trop. L'lgance a beaucoup d'importance. " La morale est
esthtique ", dit-il. Il a choisi la Louisiane parce que des modles et des actrices y vivaient alors. La vie
en commun, tente pendant deux ans, est un cauchemar en soi qu'il ne ritrera pas. Il restera libre et
lger, sans bagages, avec pour seul bien prcieux le manuscrit en cours. S'il disparaissait, il n'crirait
plus. " Pourquoi toutes ces questions ? -Parce que j'cris un livre sur les htels et la littrature... -Je
suis le seul vivre l'htel ! Vous ne pouvez quand mme pas en faire le sujet d'un livre, ce n'est pas
suffisant ! Mme Matzneff qui vit en face a quand mme un pied--terre ailleurs et n'utilise l'htel que
pour son plaisir... Oui, je suis peut-tre le seul crivain vivant l'htel ! Qui d'autre ?! "
Extrait de HOTELS LITTERAIRES de Nathalie de Saint Phalle, Edition QUAI VOLTAIRE, 1991 :
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A partir de 1941, c'est avant tout au Flore qu'ils [Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre] prennent
tous deux leurs habitudes, et Simone de Beauvoir la premire, ds le dbut janvier, cause des deux
tables contre le pole. " Jamais les Allemands n'y mettaient les pieds ", crit-elle dans La Force de
l'ge.Au cours d'un entretien avec Deirdre Bair, sa biographe, elle corrige cette affirmation : " J'allais
au Dme, la Rotonde et puis, c'est exact au Flore. " Quel mal y avait-il vouloir tre au chaud pour
travailler ? [...] A l'automne 1943 elle obtient une chambre l'htel de la Louisiane, 60 rue de Seine,
sur la recommandation des habitus du Flore, dont beaucoup demeurent l. Sartre en prends une, lui
aussi, au mme tage. Cette fois les voici installs Saint-Germain-des-Prs. Presque tous les membres
de la " famille " les ont suivis dans leur htel. S'y sont joints Mouloudji et sa compagne Lola. Le
premier tage du Flore prend alors les apparences d'une salle de classe fort studieuse. Tout le monde
crit, chacun sa petite table : Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels ; Sartre, Les Chemins
de la libert ; Jacques-Laurent Bost, Le Dernier des mtiers ; Mouloudji, Enrico ; et Scipion, auquel on
doit ce tmoignage, Prte-moi ta plume, son recueil de pastiches. Lorsque l'issue favorable de la guerre
parat crdible, Simone de Beauvoir et Sartre participent aux soires festives que les exigences du
couvre-feu font durer jusqu'au petit matin. Michel Leiris les a baptises " fiestas ". L'expression
espagnole met l'accent sur une volont dlibre de faire la fte, malgr tout. La premire a justement
lieu dans l'appartement de Michel Leiris, Face la Seine, 53 bis quai des Grands-Augustins : " Le plus
beau paysage de Paris encadr par les chefs d'oeuvre de la peinture moderne, la troue la plus royale
du fleuve cerne par d'admirables Picasso et de sublimes Juan Gris. " Picasso se trouve l en
personne. Il est mme au centre de la fte, puisqu'on procde la lecture publique de sa pice Le Dsir
attrap par la queue. Il s'agit d'une grande farce, la manire des Mamelles de Tirsias d'Apollinaire.
Metteur en scne :Albert Camus ! Parmi les acteurs : Simone de Beauvoir, Dora Maar, Sartre, Leiris,
Queneau ! Dans l'assistance : Bataille, Lacan, Reverdy, Limbour, Barrault, Salacrou, Sylvia Bataille,
Valentine Hugo ! Un ami n'est prsent que par sa photo, bien mise en vidence. C'est Max Jacob. Nous
somme le 19 mars 1944. Il y a juste deux semaines qu'il est mort Drancy.
" Saint-Germain-des-prs n'existe plus - si jamais Saint-Germain-des-Prs a exist "
" J'ai dbarqu Saint-Germain-des-Prs, un jour, parce que j'avais une grande envie de connatre
Sartre et Simone de Beauvoir. " Isole, sans nom d'auteur, cette phrase prte confusion. On la
croirait le fait d'une victime du snobisme ayant parasit le nouveau quartier la mode. Or elle est
extraite des Mmoires d'Anne-Marie Cazalis, celle que Simone de Beauvoir, dans La Force des choses,
accuse d'tre l'origine de la collusion entre le style de vie adopt par la jeunesse de Saint-Germaindes-Prs et l'intrt, enthousiaste aussi bien que haineux, suscit par l'existentialisme. Potesse,
laurate du Prix Paul-Valry, Anne-Marie Cazalis participe de prs, avec Juliette Grco, la cration
de l'une des " caves " restes les plus clbres de Saint-Germain-des-Prs : le Tabou, rue Dauphine.
Pour en assurer la publicit, toutes deux se dclarent " existentialistes " dans un article publi par
Samedi-Soir et supervis par la premire. Le retentissement dpasse les prvisions mais se retourne
contre Sartre et Simone de Beauvoir, vite accuss de pervertir la jeunesse. La presse populaire s'en
donne coeur joie, et elle n'est pas la seule. S'apprtant prendre la direction de France-Soir, Pierre
Lazareff dclare : " J'aurais la peau de l'existentialisme !" Un sacr programme. Les ragots les plus vils
circulent leur sujet et la frquentation des lieux publics leur devient bientt pnible. Simone de
Beauvoir a donc raison de regretter que les jeunes " existentialistes " jettent le discrdit sur Sartre et
sur elle.
Mais, s'il y a manipulation, on ne peut parler d'imposture. Lorsque Anne-Marie Cazalis " dbarque "
Saint-Germain-des-Prs, c'est aprs avoir lu L'invite. Elle en a t si marque qu'elle s'installe l'htel
de la Louisiane, partageant " quelque temps avec Grco la chambre qu'avait lou Sartre sous
l'Occupation. C'tait une chambre ronde qui faisait l'angle de la rue de Seine et de la rue de Buci. Il y
avait, tout cot, un apprentis o Sartre rangeait sa bicyclette, mais qui avait t transform en salle
de bains. Aux fentres taient accrochs de grands rideaux de peluche rouge . C'tait un dcor de
thtre ".[...]
Si courte qu'ait t son existence, le vritable Saint-Germain-des-Prs est rest dans les mmoires
comme un lieu de grande tolrance, o les divers courants artistiques, intellectuels et politiques se
ctoyaient, se frottaient les uns aux autres, tandis que la jeunesse guettait le rsultat du coin de l'oeil
dans l'attente d'un monde nouveau. Le journal Combat, dont l'quipe de journalistes, Camus en tte, se
retrouvait souvent dans le sous-sol du Mphisto, ne portait-il pas comme sous-titre " De la Rsistance
la Rvolution " ?
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Autres temps, autres moeurs. Aprs le Mistral, c'est au Louisiane que Sartre se rfugie de 1943 1946
pour crire au chaud. On raconte qu'il aime le bruit de la rue et se fait livrer le journal directement par
la fentre de sa chambre situe au premier tage. En plein Saint-Germain-des-Prs, au carrefour Buci,
l'htel, fond en 1886, par un colonel de Napolon passe relativement inaperu. Mais les admirateurs
de l'crivain ou les passionns de jazz en connaissent les coordonnes. Aprs le sjour de Sartre et de
Beauvoir, ce sera, ds la fin de la guerre, le rende-vous des jazzmen amricains, autour de Miles Davis.
Une poque qui inspirera Bertrand Tavernier pour le film Autour de minuit tourn sur place.
Frquent aujourd'hui par nombre d'acteurs et ralisateurs, dont Quentin Tarentino, ou d'crivains,
qui en apprcient l'ambiance dsute et la discrtion, il n'hberge plus l'anne qu'un seul client
clbre. C'est l'Egyptien Albert Cossery, auteur de Mendiants et orgueilleux, qui y sjourne depuis
1951.
Un rendez-vous d'artistes. Au carrefour Buci, l'tablissement est au coeur de l'agitation germanopratine. Juliette Grco, Annabel Buffet et Miles Davis en font leur quartier gnral et, dans la chambre
10, Sartre crit " La Nause ".
Extait de l'article du magazine VSD, crit par Isabelle Spaak, Ces htels cultes du Paris bohme,
semaine du 6 au 12mars 2003.