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Krishnamurti Et La Synthèse de L'avenir, Par André Niel

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Au del des Sagesses dOrient et dOecident

Krishnamurti et la Synthse de lAvenir


Confrence prononce Paris, pour lAssociation France-Inde, le 26 mars 1955.

par A n d r N IE L .

I. - ORIENT ET OCCIDENT
Le g rand indianiste H einrich Zim m er affirm e, au dbut de son livre su r Les Philosophies de lInde (1), que nous autres O ccidentaux, arrivons au jo u rd h u i seulem ent au carrefo u r spi ritu el que les penseurs de lInde ont attein t quelque sept cents ans av an t notre re. Ce n est quau jo u rd hui, en effet, que se pose pou r nous le problm e de nos rap p o rts concrets avec lIn fini, lAbsolu, lEternel. Nous com m enons de nous apercevoir q ue la question fondam entale de nos rap p o rts concrets avec lInfini conditionne toutes les autres graves questions qui nous proccupent. Problm es intrieurs et sociaux, m oraux et cono m iques, m taphysiques et politiques, se rvlent peu peu com m e les divers aspects dun problm e central unique : le probl m e des rapports concrets de chacun de nous avec la Ralit sans lim ites, la Totalit, lInfini. Les philosophes existentialistes insistent sur le fait que lhom m e est, avant tout, une existencedans-le-m onde . Ils ont raison de ne pas sp arer lhom m e et le m onde. Mais ils oublient de p rciser que le m onde dont nous faisons p artie est lui-m m e un m onde-dans-linfini. De sorte q u essentiellem ent chacun de nous est un tre-au-m onde-danslin fin i. A cette situation, nul ne sau rait chapper. Cest ce qui ex plique que lOccident se soit efforc, lui aussi, rsoudre la
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{i) Paris, Payot 19 5 3; p. 9.

J. Krishnamurti,

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question des rap p o rts de lhom m e avec lInfini. M alheureuse m ent, cette solution, il la toujours cherche su r le p lan des ides a priori, des ides toutes faites m ythes, prjugs, croyan ces au trem en t dit, sans te n ir com pte de la n a tu re relle de cet Infini avec lequel nous avons, en fin de com pte, tab lir su r le plan concret de la vie des rap p o rts norm au x et harm onieux. Nos religions, nos philosophies o n t t en gnral des tentatives souvent brillantes p o u r lancer le p o n t dune intuition com prhensive en tre lhom m e et la R alit, lhom m e et la Vrit. Mais ces tentatives ont chou, parce q u elles avai ent pou r ressort non pas la saine curiosit, ni la saine volont de vivre, m ais seulem ent de vagues m obiles sentim entaux, in tresss, subjectifs. Jam ais nous n avions encore accept de considrer lInfini, lAbsolu, com m e un E tre rel, concret, in dp en dan t de nos dsirs, de nos peurs, de nos requtes. Ctait p o u rtan t p a r l q u il et fallu com m encer : reconnatre, dans son caractre objectif, la ralit de lAbsolu. Mais nous avons p rfr lui donner tout de suite u n nom , une form e, une cou leu r : videm m ent ceux de nos prfrences, de nos intrts, de nos partis-pris ! Aussi n avons-nous jam ais p rt le nom d Absolu, dinfin i, dE ternel, q u une ralit sans consistance : celle de nos rves. Or, q u est-ce qui se passe quand on cherche en tre r en rap p o rts avec un tre im aginaire ? Aucun rap p o rt na lieu, aucun change ne se produit. Quelle sorte de rap p o rts nos religions nous ont-elles perm is dtablir avec lInfini, lE ternel ? Les rap p o rts im aginaires qui unissent linfrieu r son su p rieu r : rap p o rts de fray eu r, chan ges de m enaces et de sacrifices, rap p o rts de b o u rreau victime. Mais com m ent le sentim ent de m on rap p o rt lInfini n in flu e rait-il pas su r la n a tu re de mes rap p o rts avec m on sem blable ? En dfinitive, lindividu n est-il pas, p o u r un au tre individu, le symbole m m e de linsondable, de lillim it ? Il n est pas possible q u un hom m e ait des rap p o rts satisfaisants avec son prochain sil n en a pas dharm onieux avec lAbsolu. Cette d er n ire carence est la cause des guerres. On ne p eu t pas plus p r ten dre que de vrais changes unissent les hom m es dans la guerre, q u on ne peut p a rle r de vrais rap p o rts en tre lhom m e et lInfini au sein de nos religions. Mmes rserves faire lgard de ce que nous appelons am ou r . On vient dassister la publication de deux nor mes volum es : lun su r Le com portem ent sexuel de lH om m e, et lau tre sur Le com portem ent sexuel de la F em m e (2). Ces deux gros ouvrages sont significatifs de lisolem ent m oral des deux sexes. Les rap p o rts sont, ici, ceux qui existent entre lin dividu et une sorte d blouissem ent physique, q u incessam m ent on cherche atteindre, possder, m ais ce ne sont pas des ra p ports librem ent crateurs entre personnes hum aines. Do la
( ) L es Fameux rapports d a D r. Kinsey.

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tension qui dom ine ces changes, les soucis et les reproches d incom prhension, de jalousie et dinfidlit. Q uant n otre a rt m oderne, q u est-ce qui en caractrise les excs, sinon la prtention de lartiste nous re lie r aux p ro fondeurs du m onde sensible p a r le seul truchem ent de signes m ystrieux, dindications p u rem en t subjectives ? Mais p a r la voie de ce langage herm tique ne spanche aucune m otion vritable. L uvre d a rt caractre au th en tiq u e rsulte d une synthse d im ages, ou de paroles, anim e p a r la flam m e de com prhension dont lartiste a clair lui-m m e certains objets ou certains tres rels ap p arten an t au m onde rel. Il n y a rien de valable, en art, en science, com m e dans les sentim ents h u m ains, que ce qui p erm et lactivit positivem ent rform atrice e t organisatrice de lindividu m atrielle ou spirituelle d avancer dans le cham p infini et indfinim ent m ultiple de lexistence concrte. Si ce progrs est possible, cest q u au d p art l individu a t m is sur la route profonde qui dlivre en action, dans le Tout, lintuition hum aine com prhensive de lharm o nie essentielle de ce Tout. Or, on p eu t bien dire quaucune M taphysique, aucune Morale, aucune Politique, n avaient encore jam ais abouti, en Occident, une telle uvre de plnitude. A ujourdh u i cepen dant, nous nous avisons dans ces dom aines de lexistence du Total, ou de lInfini, en ta n t q u objet rel; cest pourquoi une tran sfo rm ation et un progrs vont, sans doute, devenir possibles. * Il est vrai que lInde, au co n traire de lOccident, a enlrevu tr s tt ds le V llm e sicle av an t J.C. le caractre con c re t de lAbsolu, de lInfini. Cest dans les O upanishads que, p our la p rem ire fois d an s lhistoire spirituelle de lh um anit, la notion de sacrifice, en ta n t que m oyen de satisfaire des dieux plus ou moins cruels et gostes, est dpasse. Le sacrifice est une m thode prim itive p a r laquelle lh um anit involue a longtem ps essay d en tre r en rap p o rts avec des dieux im agins sur le m odle de chefs intresss et cruels. A cette ancienne conception, les O upanishads tendent substituer lusage de la connaissance. Seule, po ur eux, la connaissance est capable de nous relier l Absolu, q u ils appellent indiffrem m ent tm an ou brahman. L tm an est lE tre dans son aspect intrieur, ou psychologique. L e brahm an est lE tre dans son aspect extrieur, ou objectif : le m onde, la nature, lunivers. L absolu principe des choses est ici dfini, p o u r la p rem i re fois, com m e une Ralit concrte, indpendante de toute p e r sonnification, de toute sym bolisation, dtache de toute croyan ce a p rio ri concernant sa n atu re, son origine, sa fin. De plus, le problm e des rap p o rts de lhom m e avec cet infini est claire

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m en t pos : il n y a po u r lhom m e ni quilibre ni b o n h eu r en deho rs de son harm onisation cet Absolu. Or, cette h arm o n i satio n ne p eu t tre obtenue que p a r la voie de connaissance : la dcouverte de son vrai rapport lAbsolu libre lhom m e, sim u lta n m en t, du souci de la m ort et de langoisse du bien et d u mal. Nous ne voulons pas dire que, de ce problm e, tel q u il a t pos p a r elle une fois po u r toutes, lInde ait trouv la r ponse dfinitive. Nous reviendrons tout lh eu re cette ques tion. Mais ce qui est certain, cest que le fait davoir pos ainsi tout de suite le vrai problm e a influenc considrablem ent la culture indienne. D une part, il n tait plus possible que ladoration d un ce rta in nom ou sym bole privilgi vnt, pour ainsi dire, bloquer la conscience dans des Religions ou des Philosophies exclusives. L Absolu tan t reconnu dans sa ralit concrte, cest ce carac t re concret qui, av an t tout, m eut, et tend p a r l u n ir les hom m es dans une m m e curiosit, une m m e recherche de connaissance. A la ralit m m e de lInfini est attrib u un in trt sans com m une m esure avec les reprsentations htives q u e lon peu t sen form er. D autre part, une telle conception, p o u r ainsi dire ouverte d e labsolu, o rien tait lhom m e vers une sagesse aussi profonde q u active et dynam ique; vritable sagesse de lin fin i scellant d an s une action souple et vivante le rap p o rt essentiel de fra tern it qui u n it lhom m e lAbsolu. Sagesse sans ge, sans nom, sans dogm atism e. La sagesse la plus raliste qui soit, parce q u elle tend o p rer lintgration p arfaite de lindividu con cret au cad re sans fin de lexistence. E nfin, de cette am biance de ralism e spirituel a rsult p o u r lInde une culture rem arq u ab lem en t hom ogne. L a R eli gion et la Philosophie, ay an t le m m e objectif, unissent leurs recherches. Cette unit caractrise, au jo u rd hui encore, l uvre d un A urobindo. Science, thique, gym nastique et spiritualit in sp iren t p a r ailleurs sim ultanm ent les techniques du yoga. De la m m e m anire, thique et religion ont t de p a ir dans l action dun Gandhi. * * Cest un fait q u en O ccident la recherche spirituelle a t beaucoup moins homogne. T andis que les religions, les p h i losophies, les idologies politiques poursuivent leurs efforts, su r le p la n thorique, dans des directions opposes, la p ro li fration, su r le p lan de laction pratique, des sectes, des m ou vem ents, des partis, ajo u te encore la confusion. Do cela provient-il ? Comme on ne savise pas du caractre concret, rel, indpendant, de lAbsolu, on lui im pose im m diatem ent un nom , une figure, significatifs de telle croyance ancienne ou r

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cente. Comme ces croyances dfendent des intrts, des p as sions, cest lAbsolu quon m obilise p o u r rep rsen ter ces in trts et ces passions. Chaque Nation, chaque Religion, chaque Classe sociale et m m e chaque individu en arriv en t ainsi avoir le u r absolu personnel. Q uand ce dsordre cristallise en positions adverses bien cam pes et dcides la lutte, alors, bientt, une rvolution ou une guerre clatent. LOccident n a jam ais cess dtre un cham p de b ataille dides exclusives et de forces ja louses, en conflit p o u r lim position dune certaine im age arb i traire de lUn. De ce dsordre a m m e rsult une curieuse consqueijce philosophique. D evant cette confusion, devant tan t de m alh eu rs et d erreurs, on en conclut quaucune harm onie n est possible pour lhom m e, n i dans ses rapports avec lui-m m e, n i dans ses rapports avec labsolu. Cest la conclusion des philosophes exis tentialistes. D ans le u r systme, lhom m e est n atu rellem en t en nem i de lui-m m e, et lAbsolu, tan t p o u r eux la T otalit d chire aux ples adverses de lessence et de lexistence, est luiaussi cass en deux. Il est significatif que cette conclusion si nistre soit exactem ent loppos de lintuition u n itaire des O upanishads : lho m m e rendu harm o n ieu x au m onde dans le sein d un tre unique grce la perception-connaissance de cette unit fondam entale. Lhom m e m oderne dO ccident con clut p a r une fo rm ulation terrible, m ais logique, une srie der reu rs innom brables. LO ccidental a, toutefois, invent un espoir qui tend a t tn u er ce pessim ism e radical, lespoir d une sagesse : la sagesse du fini, la sagesse de la m esure , ou m d iterran en n e , com m e lappelle A lbert Camus, la fin de son H om m e R vol t (2b). Lhom m e doit se rsigner la solitude, lim puissance, la chute dans le n an t qui suit la m ort, la m isre m taphy sique. D ans cette rsignation stoque rsid erait sa noblesse. M alheureusem ent, cette sagesse du fin i n est q u une va sion. Elle n apporte aucun rem de aux difficults de plus en plus tragiques o lhu m an it se dbat. Mme ses vertus an al gsiques sont devenues inoprantes. Cest d une sagesse de l'illim it que nous avons besoin, qui rconcilie lhom m e tan t avec son infinit in trieu re quavec lInfini objectif. Cest dun tel besoin que lOccident p ren d au jo u rd hui conscience, en m m e tem ps quil aperoit le danger o len tran e la poursuite des Mythes, ou des Mystiques, qui le divisent. Cette nouvelle conscience est m m e en train d o p rer en lui un profond retour nem ent. En quelque sorte, il perd la foi dans son pessim ism e et dans son nihilism e, il doute du pouvoir bnfique de sa vi sion sparatrice du m onde. Il a vcu ju sq u lextrm e le d got dexister, et ressenti ju sq u au fond le dsespoir de vivre; mais la Vie, en lui, refuse la fin de dsesprer delle-m m e,
(ab) P a ris; Gallimard, 19 5 1.

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et ne lui laisse pour dgot que celui des Fables qui lont priv jusqu m aintenant du commerce du Rel. Autrement dit, lhom me moderne dOccident saperoit quil lui va falloir enfin sat teler au vrai problme des rapports du Moi au Non-Moi, au lieu de courir aprs des ombres.
* *

Cette conversion peut soprer dautant plus rapidem ent que lOccident sest dj m ontr capable dune telle libration caractre raliste : quand il a rejet, il y a, lui aussi, quelque vingt-cinq sicles, lenseignement traditionnel des fables cos mologiques pour affirm er lunit du monde phnomnal, prin cipe sur lequel, de nos jours encore, repose la science. Cest, en effet, aux Grecs que nous devons faire rem onter la naissance de lesprit positif, ou scientifique. Avec les philosophes ioniens cest--dire au sixime sicle avant notre re lensemble de la ralit physique, le monde des phnomnes, est reconnu implicitement comme totalit concrte. On ne croit plus que le secret des origines du monde soit enferm dans les rcits mythologiques; on nadmet plus que des esprits, ou des dieux, aient le pouvoir de diriger les vnements naturels. On dcou vre que ceux-ci obissent des lois cosmiques universelles. Les choses sont, enfin, prises pour ce quelles sont : les lments d une Ralit parfaitem ent intgre et harm onieuse ellemme. On ne peut mme nier quun tel acte librateur ait t, sur le plan matriel, exactement analogue celui qui, peu prs au mme moment, tendait librer lInde, sur le plan spi rituel, des images de la Transcendance et du got du sacrifice. Ici, cest lAbsolu dans sa forme psychologique qui est dcou vert en tant quobjet; l, cest le Rel dans son aspect phnom nal qui est reconnu comme fondem ent indivisible de la vrit. On sait comment, dans le cadre de lesprit positif m di terranen , le progrs technique sest peu peu trac une voie triomphale. Cest, pour sa part, sur la base dun tel panouisse m ent que lOccident sest difi une culture et un mode de vie homognes. Sur le plan de l'action pratique, lOccident a ralis lunit que lInde a connue sur le plan spirituel. LOrient ni lOc cident n ont, en consquence, rien envier lun lautre. Ils ont t lun et lautre le champ dexpriences et de russites capitales dans lvolution psycho-biologique de lhumanit. Il n est mme pas possible de considrer aujourdhui sans motion ce phnomne extraordinaire : lesprit hum ain saffranchissant de ses rves, accomplissant un pas dcisif vers la Ralit, peu prs au mme moment, au sein de deux civilisations inconnues lune lautre, dans des domaines quaujourdhui encore nous croyons sans rapports entre eux : le m atriel et le spirituel. Cest comme deux grands fleuves qui auraient jailli presque sim ultanm ent des distances normes lun de lautre. Le pre

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m ier, sorti de la source grecque, va g ard er ju sq u nos jo u rs u n cours torren tu eu x et b rutal. Lautre, sorti de la source indienne* a pris tout de suite laspect dune m er tale, cherchant p o u r ainsi dire absorber en soi lim age de lInfini. Il a donc fallu prs de trente sicles av an t que ces deux voies libratrices o pren t leu r conjonction dans lhom m e, sous la form e d u n e conscience nouvelle et unique passionnm ent prise du Rel. De cette conscience nouvelle, lh u m an it m oderne est au jo u rd hu i dpositaire, Sous les divergences du pass, travers les m alentendus du prsent, peu peu saffirm e dans une in tuition redevenue unique llan raliste qui donna autrefois naissance sparm ent aux librations m taphysique et m a t rielle dO rient et dOccident. Cest finalem ent le niveau de sa connaissance de lUn qui m arq u e le p oint o lhom m e en est arriv de son volution spirituelle. Voici un tableau rap id e de cette volution, la fois rsum e dans son pass et prolonge p o u r lavenir dans ses perspectives probables.

M algr son im puissance fo n d er une h arm onie spirituelle, lOccident a certainem ent contribu indirectem ent au progrs spirituel lui-m m e. Il a, en effet, perm is lespce dallger considrablem ent le poids des charges et des m isres m atriel les qui interdisen t la pense libre de germ er et de grandir. Lhu m an it de dem ain p eu t continuer dans cette voie avec les m m es m thodes de prospection et de vrification. Ses rves cosmologiques ne la rep ren d ro n t plus. Le Rel pur, lAbsolu, lUn fondam ental, lEssence des choses, la T otalit incondition nelle est dcouverte p o u r toujours su r le p lan phnom nal. Des rap p o rts constants avec cette Ralit, se trad u isan t p a r des inventions pratiq u es toujours nouvelles, sont le signe dun contact et dun change crateu rs capables, en principe, de d u re r indfinim ent. M alheureusem ent, en fait, un obstacle se dresse, qui in terd it lhom m e dOccident de voir actuellem ent dans ces perspectives lim age certaine de son avenir. Cest lob stacle des rves idologiques qui lem pchent encore d tab lir des rap p o rts concrets avec lAbsolu sous sa form e m taphysi que : do le dsordre religieux, m o ral et politique. Sur ce m m e obstacle va b u te r au jo u rd hui la force torrentueuse du p ro grs m atriel, qui se reto u rn e alors contre lhom m e tout en tier avec lim ptuosit dun cataclysm e. Cest srem ent parce que nous voudrions tro u v er ce danger une p arad e im m diate quun bilan trop h tif de lap p o rt indien, ou oriental, com m ence p a r nous dcevoir. Il est certain que lclair des O upanishads lAbsolu r e connu com m e prsence concrte sest vite trouv plus ou m oins touff dans la bru m e des mysticismes. T rop vite, hlas !

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c ette prsence concrte sest estom pe en transcendance. Des techniques, m diatives ou asctiques, sont alors apparues, qui o n t prom is la vision de cette Transcendance. On en est revenu lide de sacrifice, aux vertus dobissance et dadoration, o le contact avec la R alit est nouveau perdu. Sans doute, p arm i toutes ces erreurs, des efforts authentiques ont p ro b a b le m en t eu lieu, dans le b u t de relier lindividu au tre chose q u des m ondes im aginaires : notam m ent p arm i les techniques d u yoga. Mais de telles techniques n ont jam ais dpass le stade de lem pirism e, ou bien sont alles nouveau sen ferm er dans lsotrism e. Le yogi est un solitaire dont lexem ple et lensei gnem ent p roduisent dautres solitaires. Pas de principes soli des de connaissance accessibles tous, ren d an t lhum anit ca pable de se h au sser universellem ent la pratiq u e certaine des vrits psychologiques et m taphysiques fondam entales. Mais au lieu de condam ner, il est prfrab le de com pren d re : En p rem ier lieu, si la dterm ination du v rai problm e, du vritable objet de la connaissance spirituelle, n a pas t suivi ici dune volution rap id e du com portem ent adap tatif, c est quon est dans un dom aine o le concret nest plus le sensible, com m e cest le cas sur le p lan m atriel, do la d iffi cult dune vrification instrum entale. Ainsi nous expliquonsnous quait t si longtem ps victorieuse, en ce dom aine, la r sistance des Images, des Mythes, des Croyances a priori. E n second lieu, lAbsolu tan t ici une ralit concrte psy chologique, son caractre objectif reste instable ta n t que la conscience n a pas attein t le point de vue in trieu r dun p arfait dsintressem ent. Toutes les approches intresses sont in terd i tes. Sans doute, la connaissance du caractre concret de lAbsolu dissout-elle im m diatem ent toutes les im ages a prio ri q u on s tait form de cet Absolu. Mais p o u r p arv en ir la certitude collective de ce caractre, une profonde sensibilisation, une relle m atu ratio n , de la conscience est ncessaire. A utre source de d ifficults : les fru its que rap p o rte une telle connaissance sont galem ent, p o u r com m encer, u nique m en t psychologiques : ce sont des fru its intrieurs. La confir m ation des faits ne sera possible q u p a rtir du m om ent o u n nom bre suffisant d hom m es relis, ou intgrs, ou unifis, seront capables de constituer un noyau dhu m an it h arm o n ieu se aussi bien lAbsolu q u elle-mme. P o u r toutes ces raisons, lh u m an it devait srem ent atten d re un stade d j avanc de son volution av an t de pouvoir utiliser efficacem ent lintuition orientale du caractre concret de lInfini. Im aginons q u un peuple ou une race se fussent con sacrs, depuis plusieurs m illnaires, p o u r des raisons m yst rieuses, inform ules eux-mmes, la dcouverte de gisem ents d u ran iu m ; ce n est quau jo u rd hui que les rsultats de ces re cherches p o u rraien t tre mis p ro fit p o u r le bien-tre gnral.

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Or, quelque chose de sem blable est arriv la cu ltu re in dienne dans le dom aine spirituel. A u jo u rd h u i seulem ent, leffo rt de cette culture parv ien t son term e. Le problm e fo ndam ental mis jo u r p a r les O upanishads celui des rap p o rts concrets de lhom m e avec lUn ne pouvait tro u v er sa solution que dans u ne socit la fois plus volue et plus dense. Cette socit est la ntre. C ependant a lieu un curieux phnom ne : en m m e tem ps q u elle suniversalise, lintuition fondam entale du caractre concret de lAbsolu tend p erd re son caractre p ro p rem en t in dien, pou r tre revcue p a r lhom m e tout entier, in d p en d am m ent dune civilisation particulire. Mais n est-ce pas exacte m ent ce qui arrive au jo u rd hui lintuition u n itaire du m onde physique, intensm ent vcue et revcue p a r lOccident depuis vingt-cinq sicles ? Cette intuition dynam ique n est-elle pas a u jo u rd hui retrouve et m ise p ro fit en tous les points de la plante p a r les savants de toutes les races ? En ralit, nous assistons une gigantesque CONJONC TION EVO LU TIVE. Alors que lesprit positif, dorigine occiden tale, est en train de gagner toute la terre la certitude de lunit m atrielle du m onde, la R E V E L A T IO N DE L ABSOLU, d ori gine orientale et indienne, com m ence, sim ultanm ent, d oprer dans les consciences une conversion profonde du sens social et m taphysique. Les deux fleuves, d allures si diverses, dont nous avons p arl tout lheure, sont sur le point de m langer leurs eaux. On peut p rv o ir que celles du to rren t occidental vont donner au cours extatique de la recherche spirituelle in dienne une vigueur toute positive, cependant que lesprit occi dental va tro u v er dans la connaissance directe de lE tre la certitude gnreuse o se dissoudront les anciens p arti-p ris : ceux du Mien et du Tien, de la Race et de la Classe, de la N ation et de la Religion. Ce qui prouve que cette conjonction nest pas du dom aine des simples conjectures, cest que, dans le cadre actuel de lac tivit universelle de lespce a com m enc de so p rer une syn thse de llan m atriel et de llan spirituel qui va stendre de plus en plus tous les dom aines. Un exem ple significatif de cette synthse nous est donn au jo u rd hui p a r lapplication, en Inde mme, des m thodes occidentales d exprim entation et de contrle aux objectifs de la recherche spirituelle spcifique m ent orientale. C ependait que des hom m es de science occiden taux des mdecins, des psychologues sap p liq u en t dfinir exprim entalem ent les rsultats concrets obtenus p a r certains exercices de m ditation, des Instituts scientifiques du yoga sont crs p a r le gouvernem ent in dien; et les dcouvertes les plus rcentes de la linguistique sont utilises dans les U niversits et les A shram s p o u r la critique objective des textes fondam en taux des Vdas et des O upanishads. Une recherche sannonce, dom ine p a r lim prgnation rciproque du scientifique et du

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spirituel. Cet change et cette fusion sont lannonce dune nou velle culture. Nous avons vu com m ent deux principes de ralit avaient fo u rn i le u r caractre hom ogne, respectivem ent, aux deux g ran des cultures d O rient et dO ccident; principe de ralit et du n i t du m onde p h ysiq u e; principe de ralit et dun it de lAbsolu, o u essence de lEtre. Or, une grande culture de synthse est en voie de natre, hom ogne la fois ces deux principes. D ans le cadre de cette culture, on peut prv o ir que lindividu, aid p a r une ducation et un m ilieu favorables, su n ira sponta n m ent la totalit, grce la dcouverte de son p ro p re qui libre fondam ental, identique lharm onie de lEtre. Dans cet quilibre est le vritable art de vivre : la sagesse de linfini, celle dune action constam m ent relie lUniversel, au tout de l Existence.

II. - KRISHNAMURTI
Les reprsen tan ts de cette hu m an it nouvelle, harm onise dfinitivem ent lquilibre et au destin de lU nivers et q u on vient de voir en m arche ds au jo u rd hui, dans une syn thse naissante des cultures dO rient et dOccident vont cer tainem ent se m ultiplier. L eurs messages, d abord, p aratro n t isols; m ais peu peu sera dcele, sous cette diversit, la certitu d e unique qui deviendra alors collectivem ent irrsistible. P arm i les hom m es dau jo u rd hui qui tm oignent de cette ascension dune nouvelle culture, nous devons com pter K rishnam urti. Son m essage confirm e ce que nous venons de dire sur la ncessit actuelle, p our lintuition indienne prim itive dun Absolu concret, de suniversaliser dans un aspect dpouill de toute couleur historique particulire. Sans doute, K rishnam u rti est indien p a r la naissance. Il est fils de p arents b ra h m anes. Mais il a fait ses tudes en Europe. E t il sexprim e au jo u rd hui en anglais. De plus, nous allons voir que, si lin tuition initiale qui gouverne son enseignem ent gard e une al lu re indienne, son expression p rend peu peu lallure dun difice de pense cohrent, dallure occidentale. Ltude des grandes lignes de ce m essage exceptionnel va nous p erm ettre de com prendre en quoi il rpond aux caractres propres ltape spirituelle que nous traversons. Le message de K rishnam urti enferm e certaines affirm a tions essentielles au to u r desquelles viennent cristalliser sans cesse les nouveaux apports de son enseignem ent. La plus im p o rtan te de ces affirm ations est la suivante : LHOMME EST LA REALITE ELLE-MEME.

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SYNTHSES

On appelle o rd in airem en t ralit les ralits de la vie, cest--dire la vie telle q u elle est, avec ses b ru talits et ses injustices. Mais le sens donn ce m ot p a r K rishnam urti est tout fa it diffrent. La R alit est ici lU nivers tout entier, la fois dans ses apparences visibles et dans ses profondeurs : la loi ultim e de ltre des choses. P ourquoi cet U nivers a-t-il t cr ? Pourquoi quelque chose existe-t-il ? sont des questions que nous form ulons habituellem ent lgard de cette im m ense R alit. Mais K rishnam urti ne pense pas q u elles puissent tre lgitim em ent poses. En effet, il est im possible et co ntradic toire de penser que la Ralit, le Tout, ait une cause p rem ire puisquen dehors du tout, il ne p eu t rien exister ! La T ota lit existe donc com m e une donne prim ordiale, un tan t sans cause ni fin, dont le devenir na ni origine, ni b u t (3). D ans le cad re de cette Ralit, le plus hum ble des tres n a pas besoin dtre justifi p a r son rattach em en t une cause particulire, tant donn q u il ap p artien t dans son essence lessence du T out injustifiable. A fortiori, lhom m e, lindividu (4). Com m ent lhom m e a-t-il t cr ? Com m ent fu t form le prem ier organism e vivant ? De telles questions ne p eu v en t concerner lessence de ces ralits qui fait que chacune den tre elles p articip e du Tout sans cause m ais seulem ent tre poses dans une intention pratique. Les savants, notamment ont le droit et m m e le devoir de se poser ces questions do ri gine, qui p o u rro n t sans doute un jo u r tre rsolues. Mais la M taphysique devient une im passe quand elle aborde la con naissance du Tout, ou de lEtre, p a r une question de ce gen re (5). Le T out et lE tre sont la n a tu re entire dans son tant et son devenir ternels, et nous jouons au jo u rd hui, en ta n t quhomm es, ce jeu ternel de ltre-devenir, sans quil soit pos sible de rom pre cette infinie R alit afin d a ttrib u er une Cause prem ire quoi ou qui que ce soit. A lide trad itio n n elle de causalit , la science m oderne a substitu celle de fonction , cest--dire ltude des rap p o rts entre les phnom nes. Cest une transform ation analogue que K rishnam urti nous dem ande dac com plir en M taphysique. Ltude de nos rap p o rts avec les tres et avec lE tre dans le cadre des lois universelles de la R alit sans cause doit tre substitue la recherche des Causes (5b).
(3) < L e Rel na pas de cause, et une pense qui a une cause ne peut prendre contact avec lui. Krishnamurti paWs; Paris, d. du Mont-Blanc tQ49 P- *93 (4) Vous tes le centre de toute existence objective et subjective... En vous sont le commen cement et la fin, ia vie tout entire. Krishnamurti (O/ai 1944) Paris, d. J. Vigneau; pp. 46 et 64. (5) C est le dsir de justifier ou de comparer qui empche la pleine comprhension de I tre dans son ensemble. Krishnamurti parle; ouv. cit, p. 115 . (5 b) San s relations, nous ne sommes p a s ; tre , cest tre en rapport avec quelque chose, des possessions, des personnes, des ides... L a vie n est que rapports, et ne pas comprendre la vraie nature de nos rapports, cest transformer nos vies en une lutte perptuelle pour transformer ce qui est en ce que nous dsirons. Paris 1950, pp. 93 et 94; d. L e Cercle du Livre, Paris 195a.

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Ce n est un m ystre p o u r personne que la question su r lexistence, pose relativ em en t nous-m m es, ou tout ce q u i est, veille langoisse dans la conscience. Cette angoisse est le signe dune m auvaise position intrieure. L a difficult dtre qui se dcouvre de plus en plus chez lhom m e m oderne est le sym ptm e d un dfau t rad ical et dangereux d h arm onie de lindividu avec lE tre sans cause (6). Or, aucune rponse aucune question su r le pourquoi essentiel des choses n tablira jam ais cette harm onie. LE tre est dans linstant, et n a n i p o u r quoi ni fin absolus que le dveloppem ent sans cause de ltat universel de Ralit. Si la question sur ltre du Moi : Pourquoi est-ce que j existe ? provoque un ddoublem ent de la personne, cest q u elle im plique lillusion dune sparation rad icale du Moi d avec lE tre sans cause. Mais il n y a de Cause p articulire rien de ce qui existe, parce que tout est, p a r essence, rel de la ralit injustifiable de lE tre total. Lhom m e est cet E tre total exactem ent dans la m esure o il est quelque chose de rel (7). La Matire, la Vie, n o tre Espce, lIndividu sont sortis de lE tre fondam ental sans rien changer la n atu re in ju sti fiable de cet Etre, et rien ne changerait cette n atu re si to u t ce qui existe venait disparatre. Que je subsiste m oi-m m e p o u r lternit, ou que je disparaisse im m diatem ent jam ais, ne change rien au Tout ni m oi-m m e, dans m on essence in justifiab le qui m harm onise ce Tout. N otre naissance ni notre m o rt ne changent rien ce qui Est fo n d am en talem en t en de hors de toute naissance et de toute m ort, cest--dire au Rel, que nous sommes nous-m m es sans le savoir, ta n t que nous ne le vivons pas dans une profonde et n atu relle certitu d e (8). Cest lapp arten an ce de chacun la R alit qui lui donne son p rix inestim able en v aleu r dtre. Lindividu, quel que soit son ran g ou son ou v ertu re la Vrit, est incom parable et irrem plaable : son poids est le poids de la Vie m m e, et sa ch air est faite de la substance essentielle de lInfini. Si la disparition dun tre h u m ain ne change rien au Tout, cela ne veut donc pas dire q u il est ngligeable, au co n traire : cest parce q u il est en quelque sorte ce T out lui-m m e. D ans lam o u r de la vie, dans la srnit devant la m o rt vibre le m m e m essage de lexistence de tout, cet panouissem ent intgral et ternel de lE tre-devenir (9) sans cause. Religions, Philosophies, M taphysiques, se sont vainem ent acharnes ju sq u au(6) Etre, cest avoir des rapports avec lUnivers, mais vous pouvez bloquer, fausser ces rapports et. devenant ainsi toujours plus isol et plus gocentrique, aller vers un dsquilibre mental. O/ot 1944; p. 64. (7) Rechercher la certitude, cest la trouver, mais elle nest pas le R el... L a paix profonde, seule est le Rel. Ojai 1944; pp. 36 et 17. (8) L extase du Rel, cette joie inexprimable, cette dvotion intense, cette comprhension profonde nappartient qu ltre sans effort. Krishnamurti parle, p. 175. (9) C e qui est se meut constamment, subit une constante transformation. Inde 1948-1950; d. Touzot p. 8 ; Paris 1953.

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jo u rd hui rsoudre des problm es inexistants, com m e celui de la cration du m onde et de la survie individuelle. Les rp o n ses q u elles proposent ces vaines questions ne font rien q u ex p rim er notre tendance m alheureuse nous disjoindre du Tout, en tant que systm e hom ogne de relations harm onieuses et en nom bre infini en tre les tres. Q uand lhom m e dcouvre qu'il est la Ralit, et que cette vrit n a de v aleu r q u en ta n t q u expression de la n atu re des choses non en ta n t que r ponse aucune question dordre religieux ou m taphysique alors, il pren d une juste connaissance de la cause du T o u t en ta n t que phnom ne des phnom nes; et labsence de toute pos sibilit d une justification causale relativem ent ce qui touche l essence des tres, du plus hum ble au plus ternel, lui est r vle. Alors, p a r sa libration des fau x problm es, il lui est p e r m is dagir com m e un libre rep rsen tan t de la T otalit : il de vient le Tout sa m anire dhom m e et, p a r l, sharm onise en action et en pense la R alit entire, envisage dans les in nom brables aspects de son tre-devenir (10). L h om m e est la Ralit elle-m m e : cette nonciation vient se substituer toutes les questions poses p a r les Religions et les Philosophies sur la cause spare du T out (11), et non leur rpondre. Et elle sv substitue non la suite d une victoire intentionnellem ent su r elles rem porte, m ais du fait m m e de la dfaillance des m odes de penses dont elles sont solidaires. L h om m e est lAbsolu sans cause : cette constatation m et lin d i vidu lui-m m e en ta n t quAbsolu la place laisse vide depuis toujours p a r la question m taphysique de la Cause P rem i r e . Mais, de quoi est fait cet Absolu, ou cette R alit ? Questce qui peut nous servir la dterm iner, la d fin ir ? A cette nouvelle question, toujours renaissante chez le sceptique et lindcis, une rponse sans fin et indfinim ent ju ste p o u rrait tre apporte : celle de laction continm ent positive de lhom m e m p a r lvidence de son identit sans faille lessence prem ire et dernire des choses. La R alit n est rien dau tre que cet hom m e, que ne d istrait plus de la vrit le souci m ta physique de la cause spare de lE tre (12). La R alit est nous, dans le m om ent prsent et toujours nouveau de n o tre conscience originelle, cest--dire rd u ite sa qualit h u m ain e la plus nue et la plus pure. Elle n est ni le N ant, ni lE tre dans leu r con tradiction, puisquelle n est pas quelque chose quon puisse opposer au tre chose. Elle n a pas de nom qui puisse nous
( 1 o) L a dlivrance complte est un tat de cration constante et consciente. Carlo Suars : Krishruimurti, Adyar 1947, p. 159. ( 11 ) On tablit un autre monde et ce monde-ci... L homme cre une division entre la matire et lesprit... Pour l'Homme libr (de lillusion sparatrice), toutes les cHoses sont relles... Le croyant et lincroyant, lHomme de lesprit et lHomme de la matire sont tous les deux pris par lillusion. Krishnamurti, par Carlo Suars; d. Adyar 1947, PP- 267-268. f 12) C est lorsque lesprit atteint le vide crateur et non orsqu il ordonne par affirmation, qu'il y a ralit, O/at 1944: p. 2 1.

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faire nous accrocher elle com m e un sym bole exclusif de connaissance. E n quelque sorte, m a facult sim ple de co n n atre parv ien t natu rellem en t la connaissance du Rel, si m on dsir de connatre celui-ci n interv ien t pas. Mais je dois tre conscient de cette absence de dsir, afin de m e m a in ten ir en tat de li b ert (13). A utrem ent dit, je com prends lE tre de m on seul tre simple, m ais p arfaitem en t conscient de son non-attache m ent rien qui se puisse com prendre ou rv rer com m e lin car nation dune Cause ou dune R alit suprieures . Q uand j ai la connaissance la plus claire, m ais aussi la plus nue de m a conscience, rien ne m e spare plus de la Ralit. Celle-ci n est donc rien que la condition hum aine rd u ite son plus p u r fonctionnem ent de chose profondm ent connaissante de la connaissance mme. La R alit est ce qui fait que je ne m e pose plus la question m ajeu re su r lEtre, tan t donn que le carac tre im m d ia t du rap p o rt qui m u n it lui suffit m enseigner sa n ature. La R alit entre rellem ent et explicitem ent en exis tence dans le fait p u r de m on tre : q u an d celui-ci ne se r a t tache plus aucune v aleu r dexistence susceptible de le d istrai re, p a r son caractre exclusif, de son rap p o rt essentiel au Tout. Cette R alit n est pas Dieu dans son opposition lhom m e, ni lhom m e dans son opposition Dieu. L hom m e qui est n est ni hom m e ni dieu, il est le Rel : lim m diatet de ltantsans-cause-ni-fin, o il n est aucune place p o u r lopposition dun C rateur et dune crature. Lorgueil, ni lhum ilit ne le haussent ni ne labaissent vers rien ; cet hom m e est de niveau avec toute ralit ren d u e la m ajest originelle et finale du T out injustifiable. Il n y a pas dextase en Dieu ni au tre chose qui donne la cl de lAbsolu. LAbsolu, ou la R alit, est ltat de connaissance lui-m m e libr du dsir contradictoire de connatre lAbsolu (14). Ce p u r tat de connaissance ne donne donc pas pro p rem en t p a rle r la connaissance de lAbsolu. Celui-ci, ou Dieu, ne p eu t pas tre connu p a r un acte de curio sit perceptive ou com parative. Dieu est n otre conscience qu an d nous som m es sans ide prconue su r ce que nous sommes, su r notre dure possible, sur lorigine, la fin et les lim ites de n otre tre, sur la possibilit ou lim possibilit de connatre Dieu. P arce que nous sommes la Ralit, en chacun de nous couve une am iti n atu relle p o u r tous les tres et nous tendons du fond de nous-m m es affirm er cette am iti dans une action o elle saccomplisse et se perfectionne toujours davantage (15).
(13) L e dsir de scurit engendre a pense conditionne... L auto-lucidit et la connaissance de soi qui engendrent le penser dvoilent l'immobilit cratrice de la Ralit. O jai 1944: p. 56. (14) L e moi qui est l'avidit, donc la cause de l'ignorance et des conflits, peut-il connatre l'Illumination ? C e nest que dans la libert et non dans lesclavage de lavidit quil peut y avoir Illumination. KrisJtnamurli parle; p. 106. (15) Pourquoi lindividu devrait-il se mettre en tat dopposition avec le monde? Ce nest que lorsquil ne se considrera plus comme un individu, mais comme une partie du tout, qu il connatra (la libert). O jai 1944; p. 1 1 .

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D euxim e affirm a tio n de K rishnam urti concernant les rapports d e lh o m m e avec le Tout fini-infini, d iffrenci-indiffrenci : LA REALITE NE PEUT ETRE ATTEINTE. Cette affirm atio n est la plus susceptible de nous cen trer a u c ur de ce qui est, cest--dire au centre de nous-m m es, e t de nous faire vivre im m diatem ent la Ralit. Elle vient lap pu i de la prcdente, c a r si lhom m e est la R alit (1re affirm atio n ), quelle au tre ro u te que celle de lid en tit p eu t y conduire, autrem en t dit quel au tre chem in que labsence de chem in ? C om prendre que le Tout, lAbsolu, ne peut tre a t teint a p o u r consquence de nous m ettre dans ltat de nonvouloir, de non-dsir, relativem ent au Rel, aussi bien qu l gard de quelque condition suprm e que ce soit, de n atu re transcen dante. M alheureusem ent, VOULOIR la Ralit, lUnit, le T ra n scendant, lAbsolu, le Bien, est le dfau t m a je u r de n o tre espce. Ce vice psychologique grve laction de lhom m e dun souci inextinguible de russite, qui em pche la com prhension et dchane la violence (16). Tous nos conflits, toutes nos p as sions, nos gosmes, n otre volont de puissance, nos jalousies, n otre dsir de vaincre et le dsir de nous fo n d re en Dieu, la t tra it de la volupt et de la puret, celui de lorgueil et de lh u m ilit, la sduction du vice et de la vertu, les guerres entre classes sociales, entre voisins de palier, ou la gu erre de chacun co n tre lui-m m e ont leu r ressort in itial dans cette volont : le vouloir-tre, le vouloir-du-Suprm e, le dsir du Juste et du P arfait. Mais, hlas ! p our qui VEUT ainsi le Suprm e, le F o n dam ental, le Bien essentiel, ltat de sim plicit est franchi, ltat originel dunion avec le Tout est abandonn, et ltat de spa ration-contradiction se dclare. Comme p o u r lav iateu r qui a fran ch i le m u r du son, un o rd re de conditions nouvelles ap p a rat. D ans cette am biance nouvelle, toute action m orale, toute pense m taphysique est dsorm ais conditionne p a r loppo sition im aginaire dun Rel et dun non-Rel de p u r artifice. Le vrai et le fau x qui sy com battent dveloppent leu r conflit dans le vide, com m e deux fantm es sans substance. Les ter nelles victim es, les ternels dfaits, ce sont les hom m es qui se m prisent ou se tuent po u r lam o u r de ces fantm es. La vrit de la vie n im porte plus. On sagite su r un p lan de catgories fictives o les valeurs bonne et m auvaise n ont plus aucun rap p o rt avec la sant, la force et la beaut des tres rels. Le dsir de faire trio m p h er lUn et le Beau sous la form e dun Mirage ren d absolum ent ignorant des conditions concrtes du beau et de lun.
( t 6 ) (L a cause (Je la guerre est lavidit)... A u nom de notre pays ou de notre idologie nous pouvons assassiner et nous devenons des hros. Krishnamurti jxule; p. 56.

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La vraie beaut et le vrai bien n ont aucun rapport avec linimiti dune essence du Beau et dune essence du Laid, dun Dieu-du-Bien et dun Dieu-du-Mal ! Linimiti n a jam ais fait le bien ni le beau. Le bien est la non-inimiti (17). Il est, int rieurem ent, la certitude que la sparation entre les tres nest pas radicale, et quelle nentame pas lunit profonde de lEtre. Plus particulirem ent, le bien moral est la notion fondam entale et vcue en laquelle sopre la fusion des concepts de Ralit et dHumanit. De la mme m anire que chaque individu est tout le Rel, il est lHomme tout entier (18). LHumain est dpos dans lindividu sous sa forme la plus parfaite, comme un ressort profond dharm onie m orale et sociale. Ds lors que celle-ci nest plus dsire, le ressort de lharm onie se dtend dans lindividu, et celui-ci ne sait plus agir que conformment la loi hum aine totale qui est, en mme temps, sur le plan m taphysique, religieux et cosmique, la loi naturelle de laccord indfini de lEtre avec soi-mme. Mais comment faire pour ne plus dsirer rien du dsir essentiel dAbsolu, qui porte faire violence au soi-disant non-Absolu ? Cest afin de nous aider ne plus dsirer sur le mode essentiel, ne plus rechercher aucune transcendance, que Krishnamurti conseille le remde de la connaissance de soi (19).
D o cette troisime affirmation capitale de son enseignement :

LA CONNAISSANCE DE SOI LIBERE. Cette affirm ation a un caractre principalem ent psycholo gique, Elle est destine attirer lattention de notre pure con science sur les sentiments et les habitudes p ar lesquels nous drangeons en nous et autour de nous lpanouissement du Rel; car seule cette attention est capable de nous transform er (20). Les sciences psychologiques se pencheront srement un jour sur le cas extraordinaire de notre espce, la seule qui, une certaine tape de son volution, se soit donn pour but au
(17) Le mal ne peut tre domin par un autre mal, par un autre dsir qui soppose lui, Krishnamurti parle; p. 197. (18) Lorsque je parle de lindividu, je ne I tablis pas en opposition la masse. A u contraire, je veux liminer cet antagonisme,.., qui cre des conflits, de la misre. S i nous pouvons comprendre comment lindividu est une partie du tout... nous nous librons nous-mmes de notre dsir de rivaliser, dopprimer. O jai 1944; p. 7. (19) Lorsque lavide fait un effort en vue de ntre plus avide, cet effort est cens tre vertueux... (mais) n est-on pas toujours avide lorsquon essaie de ne ltre p a s ? On ne peut comprendre le vritable effort que lorsquon peroit clairement le processus du devenir... C est dans I tude de soi que sont les bases sur lesquelles stablit la structure de la ralit. Krishnamurti parle; p. 66. - O/ai 1944; p. 33(20) Soyez conscient de votre conflit, de la faon dont vous niez, justifiez... dont vous essayez de devenir... L se trouve l immobilit de la comprhension qui seule engendre les transfor mations radicales. Krishnamurti parle; p. 37.

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mpris de sa conservation daccder dans un monde irrel. En effet, bien avant que lesprit universel ne devienne sensible ce genre dvidences : lhomme est la Ralit, la Ralit, ne peut tre atteinte, de longues recherches sur la nature et lori gine de lillusion sparatrice-opposilionnelle auront d com m encer par frayer la route libratrice ! Or, au lieu dinciter ce lent travail, Krishnamurti affirm e : la conscience de soi libre . Il espre ainsi pouvoir rendre pour quelques-uns le dnouement plus rapide. Dun pas toute la distance est fran chie. Les paisses tnbres intrieures sont im m diatem ent tra verses dun rayon implacable (21). Pas de connaissances acqurir, dapproches m rir, de forages analytiques : la con naissance de soi est la technique rapide qui met en rapport immdiat lindividu avec la plnitude de ltre en lui (22). Donc, connaissance, et non possession ou identification. Par la perception intgrale de nous-mmes, nous quittons le plan du dsir. Mais comment cela est-il possible ?
+* *

De notre Moi ordinaire navons-nous pas fait un objet de dsir ? II a beau tre Prote : chacune de ses formes nou velles correspond un nouvel aspect du dsir. On le veut toujours plus parfait, satisfait, absolu, illimit; ainsi du Moi politique, conomique ou religieux, du Moi familial, professionnel, n a tional, ou simplement vaniteux et goste. Tous les dsirs ont leur traduction dans un certain appel-du-Moi. Comment le fait de rem onter la source de tous les dsirs dbarrasse le Moi de son aspect illusoire; comment il semplit p ar l de la m atire mme du Rel, et se trouve alors dissous comme germe de Transcendance : cest ce que comprend quiconque a laiss glis ser sous ses pieds le chemin sans effort de la connaissance de soi (23). Que pouvons-nous connatre, sinon ce qui est ? Et comment connatre, sinon p artir dun cur sans prjug ? Ainsi en est-il de la connaissance de soi. Elle va droit au moi rel : lemoi-dans-lEtre, celui qui occupe linstant fini-ternel. Or, ce moi est le frre du non-moi, qui est-en-ralit dans le mme
(ai) V ous devez tre votre propre psychologue. vous percevoir tel que vous tes... L important est de devenir conscient de chaque pense-sentiment, car la connaissance de soi en jaillit. > O jai 1944: PP- 34 et 53. (22) Comprenez ia structure de votre tre et non seulement dune de ses parties... Le calme et la sagesse ne viennent que de la perception de soi. de la connaissance de soi... tant que nous ne percevons pas, par une exprience large et profonde, la valeur temelle, nous ne trouverons aucune solution notre problme: toute autre rponse que celle du Rel ne fera qu'ajouter au fardeau de notre douleur. > Krisknamxirti parle; pp. 25 et 62. (33) T ant que se perptue avidit du Moi, il y a une tension psychologique dangereuse... la tension de la peur, de 1 ambition, de la haine (qui) est destructrice... Pour dpasser cette tension, il faut exercer une lucidit qui n opre pas de choix. Krishnamurti parle; pp. 1 1 3 , t & lat.

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in sta n t que lui, le moi. L a connaissance de soi libre le m oi rel dans sa fra te rn it avec le non-moi, le Tout, lInfini. Cest pourquoi il n y a plus de dsir : lassiette du m oi rel est d couverte, sa coexistence en fra te rn it avec le non-m oi et, si m ultanm ent, avec lAbsolu, Comme le refus, la p e u r du nonm oi ont disparu, le dsir-du-M oi sest teint. E t parce q u il n y a plus de dsir-du-M oi, il n y a plus de dsir d aucune sorte tout dsir en ferm an t le dsir im plicite d un tre illusoire, ex clusif, du Moi. Mais la vieille conscience a p eu r de cette coexistence du moi et du non-m oi lA utre, les Autres, le Monde, Dieu c a r la vieille conscience est la conscience insatisfaite dun Moi fini, lim it lim age-illusion de Lui-m m e. P o u r se g u rir de cette insatisfaction, la conscience v o u d rait ren d re infini son Moi born. Cest pourquoi le Moi irrel est aussi, constam m ent, un M oi-en-extension, un Moi qui cherche se satisfaire dune im age de lui toujours plus g rande (24), do cet aspect agres sif du dsir-du-M oi, qui est en m m e tem ps dsir de destruc tion du non-Moi, ou dabsorption en lui. D ans ce d ern ier cas, cest la personne elle-m m e qui dsire son p ro p re anantisse m ent au profit dun Moi transcendant, com m e la P atrie, un Dieu, ou le Soi (25). Mais lE tre p u r n est pas le Moi, ni le non-Moi. Il est le m oi-non-m oi, la dualit fratern elle des tres spars, do n t il ralise constam m ent, en toute spontanit, le jeu des rap p o rts cratifs. LE tre p u r est ltre pensant, lindividu, dans la m esu re o il vit librem ent le jeu h arm onieux des im ages du m oi et du non-m oi : sans choisir dans lun ou lau tre (26) la dfini tion de son essence ou la p rfiguration de son avenir. La connaissance de soi est une attitude de non-choix relative m ent aucune valeur essentielle ou suprm e de vie, attitu d e d au tan t plus ferm e q u elle connat son point d attach e p ro fond : le su jet p u r de pense dtach du su b strat dun p e n s e u r enferm dans le vain p ro jet dtendre son Moi linfini. La pense qui ralise dans une seule im age harm onieuse lobjet du m oi-non-m oi (prouv-reprsent dans une seule gerbe de concepts) ralise aussi la connaissance de soi , c est--dire la connaissance sans ru p tu re du Rel, p a r laquelle lindividu devient capable de vivre sans dsir le fonctionnem ent originel des choses. Dans cette absence de dsir dabsolu, la pen{34) Comment surgit en nous ce douloureux conflit entre le moi et le non-moi ? N est-il pas cr par notre soif de devenir ? Cette soif qui sexprime dans la sensualit ou la recherche de la gloire et de limmortalit?... Avec une impartialit bienveillante, cette soif doit tre comprise dans son essence et ainsi dpasse. O ja 1944, p. 14. ^25) Etant intrieurement pauvres, nous dsirons nous identifier avec ce qui est grand... la Nation, le matre spirituel, une Idologie etc... L a forme de lidentification varie suivant les circonstances. Krishnamurti parle; p. 157. (26) L e monde sveillera grce chaque individu qui pourra saffranchir de ltat desclavage d la division, au dsir de puissance... (Mais) si vous aimez, vous servez. Proclamer quon veut venir en aide est un cri de la vanit. Pour aider votre prochain, vous devez vous connatre ^dabord), car vous tes le prochain. O/ai 1944; pp. 56-57.

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se se connat elle-m m e com m e pense harm onieuse lab solu, la collaboratrice inspire de lE tre lui-m m e (27). Le m oi rel et constitu, identique lindividu se connaissant dans son rap p o rt d unit fratern elle au non-m oi : lA utre, les A utres, la Vie, lInfini, la Mort, Dieu. Q uand le chem in de ro n d e de la connaissance de soi a t parcouru, tout lhorizon de la T erre est dgag; sa ligne prcise n est plus tant, p o u r nous, une fro n tire qui spare des m ondes opposs le Ciel, la T erre que la lim ite ard en te o sengage le plus sincre et le plus cra tif des dialogues entre lH om m e et lInfini. R em arquons labsence de toute p ratiq u e m ditative ou sa crificielle, de toute allusion une voie m ystrieusem ent lib ratrice ou runificatrice. Leffort est tout en tier dexpression lucide, et labord intensm ent direct. Q uant au problm e pos, celui des rapports de lho m m e lAbsolu concret, il est bien celui qu dfini lInde il y a 27 sicles, dans certains textes privilgis des O upanishads. Mais, cette fois, la solution ce problm e nous arriv e com pltem ent purifie de lerreu r de T ranscendance, ju sq u p rsent rajoute, aprs coup, chaque m essage librateur. De toute vidence, leffort de K rishnam urti sinscrit, sous nos yeux, dans le gran d m ouvem ent collectif de recherches m taphysiques dont nous avons parl, o tous les hom m es de to u tes les races ten d en t au jo u rd hui se rejoindre, p a r une con science unique de leu r rap p o rt fo ndam ental lEtre. Mais, su r tout, ce m essage tm oigne avec une p articu lire vigueur du caractre universel que les principes de ce m ouvem ent sont appels p ren d re dans lavenir. Ni p articu lirem en t oriental, ni particulirem en t occidental, K rishnam urti est en avance dun ou deux sicles sur notre poque, o se p rp are seulem ent la fusion hu m ain e et civilisatrice quil ralise q u an t lui p a rfa i tem ent dans son expression, singulirem ent libre de toute li m itation nationale ou raciale. Ce m essage restera com m e un ap p o rt capital aux efforts actuels de n otre espce, envisage com m e entit unique, p o u r trouver son quilibre cosm ique dfinitif. En effet, celui-ci n e p o u rra rsu lter que dune prise collective de conscience, p a r lhom m e, de sa n atu re indfinim ent crative et dynam ique, constructive et volutive, dans le cadre originel de son ra p p o rt d unit lEtre im m uable. Aot 1955.

(27) * Si vous comprenez ce qui fait la limitation, le partiel, et que vous le dpassez, vous serez capable de savoir le tout, lillimit. Commencez par vous comprendre, par l d incommensurables richesses seront dcouvertes... En me comprenant, je comprendrai mas rapports avec mes semblables, avec le monde, car en moi, ainsi quen chacun de nous, se trouve le tout. >

Ojai 19 4 4 ; P.

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SYNTHSES

K R IS H N A M U R T I

L e vol sim ple des yeux a dnou la mort. Chacun sur soi reflue, solitaire, apatride, Mais se plonge en la source o, lav de Veffort, I l com prend lin fin ie lum ire du ciel vide.

N u lle Im age de fer, nul esq u if sur ces bords N a plant le signal d un am our fratricide : L e dsir consum, se d liv re lessor D une race rendue ses forces lucides.

Plus vaste est le silence o monte le soleil... ! L espoir sest tu, livrant le m onde son v e il; E n nos yeux blouis tout F espace frissonne.

Q uelle aurore inconnue a rattrap la nuit ? L univers est le mme, et pourtant inou Un cur plus calme, et cest la naissance de lhomme.

A n d r N IE L

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