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Escale à Cancale: Les enquêtes de Bernie Andrew - Tome 9
Escale à Cancale: Les enquêtes de Bernie Andrew - Tome 9
Escale à Cancale: Les enquêtes de Bernie Andrew - Tome 9
Livre électronique286 pages3 heures

Escale à Cancale: Les enquêtes de Bernie Andrew - Tome 9

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À propos de ce livre électronique

Cancale, les quais, le port de la Houle, les parcs à huîtres... et une adolescente en fugue.

Bernie Andrew, auteur de romans policiers, et Jean-Jacques Bordier, professeur en retraite, sont à la recherche de Sandra, une adolescente en fugue. Alors que les deux détectives amateurs commencent à patrouiller dans les rues de la ville, le corps de Kevin, l’amoureux de Sandra, est retrouvé sans vie au beau milieu des parcs à huîtres.
Et c’est le début d’une quête tragique qui ne trouvera son terme qu’au prix d’investigations périlleuses où Bernie paiera chèrement de sa personne.

Plongez-vous dans le 9e tome des enquêtes de Bernie Andrew, avec cette enquête tragique qui ne trouvera son terme qu'au prix d'investigations périlleuses !

EXTRAIT

Cancale de nos jours...

Au pied du monument aux morts, deux hommes, les yeux écarquillés, contemplaient, admiratifs, le port de la Houle et le paysage qui s’offrait à eux.
L’un d’entre eux, auteur de romans policiers, connu sous le nom de plume de Bernie Andrew, se tourna ostensiblement vers son compagnon, Jean-
Jacques Bordier, professeur agrégé de lettres à la retraite, son vieux complice.
—Alors Jean-Jacques, que penses-tu de ce panorama ? Je suis bien certain que tu as potassé avant de venir et que tu vas pouvoir m’expliquer ce qui se
trouve à nos pieds.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Éditions Bargain, le succès du polar breton. - Ouest France

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Lyon, Bernard Enjolras vit depuis de nombreuses années à Trégastel. C’est là qu’il écrit, au cœur de la magnifique Côte de Granit Rose. Pour son dixième roman, il nous entraîne à Cancale, perle de la Côte d’Émeraude.
LangueFrançais
Date de sortie5 janv. 2018
ISBN9782355505560
Escale à Cancale: Les enquêtes de Bernie Andrew - Tome 9

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    Aperçu du livre

    Escale à Cancale - Bernard Enjolras

    PROLOGUE

    Région de Lannion, été 2010

    Deux heures du matin.

    Noir quasi absolu sur la zone commerciale. La lune, dans son premier quartier naissant, ne laisse apparaître qu’une rognure d’ongle argentée sur la voûte sombre du ciel.

    Deux silhouettes fantomatiques se faufilent en rasant les murs et s’approchent sans bruit de la porte d’un entrepôt imposant.

    Leur ballet agile et bien réglé se déroule à pas feutrés, comme si leur chorégraphie silencieuse avait fait l’objet de nombreuses répétitions.

    Très vite, les deux ombres se défont des cadenas verrouillant la porte et se glissent à l’intérieur. Aucune trace de leur passage n’est visible depuis l’extérieur, aucun son n’a troublé la nuit.

    À l’intérieur, une lampe de poche s’allume, un chuchotis naît du néant :

    — C’est par là, suis-moi. Fais attention à ne rien renverser.

    En quelques secondes, les deux complices traversent le bâtiment et se retrouvent face à une nouvelle porte.

    — Voilà, on y est. Le coffre est là-dedans.

    L’expédition a été bien préparée, car la serrure cède en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et les deux malfaiteurs se précipitent dans la pièce.

    Celui qui semble être le chef se dirige sans hésiter vers un bureau et récupère fébrilement une clé dans l’un des tiroirs. Après quoi, il se rue sur un placard mural qu’il ouvre sans difficulté.

    Le coffre-fort de l’entreprise est bien là, comme convenu. Tout va bien, l’opération se déroule jusque-là sans anicroche.

    Quelques secondes pour reprendre son souffle et calmer ces battements de cœur excessifs qui font trembler les mains et nuisent à l’efficacité.

    Devant la porte blindée, la silhouette accroupie tend un bras décidé vers la molette et commence à afficher le code qui lui semble parfaitement connu.

    Encore quelques minutes de concentration, et l’affaire sera faite. La tension est palpable. Derrière cet ultime obstacle se trouve un magot conséquent, de quoi se payer du bon temps pendant un bon moment. Plus que quelques tours à donner… Jusque-là, tout va bien.

    — Arrête !

    — Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

    — J’ai entendu un bruit. Éteins la lampe !

    Noir total.

    Les cœurs se mettent à battre un peu plus vite. Ce n’est peut-être rien, une poutrelle métallique qui se contracte dans la nuit…

    Mais le bruit se fait plus distinct. Ce n’est pas la structure de l’entrepôt qui gémit. Une alarme a dû se déclencher quelque part et des agents de sécurité ont été dépêchés sur les lieux.

    — Merde, qu’est-ce qu’on va faire ?

    — T’inquiète pas. On ne va pas se faire prendre.

    Une lueur bleutée éclaire furtivement la nuit.

    — Qu’est-ce que tu as dans la main ?

    — T’occupe pas de ça !

    — Mais c’est un flingue, t’es malade !

    — T’occupe, j’te dis. Laisse-moi faire. Essaie de te tirer discrètement, pendant que je fais diversion.

    La voix est impérative, mais l’autre résiste.

    — Mais Léo, tu es fou ! S’ils te voient avec une arme, ils sont capables de tirer. Il vaut mieux qu’on se sauve tous les deux pendant que c’est encore possible. Ce n’est pas la peine de risquer de se faire descendre comme des lapins…

    — Mais laisse-moi faire ! J’vais pas me laisser choper par ces connards. Tire-toi, je vais détourner leur attention pendant ce temps.

    — Mais Léo…

    — Merde, tu fais chier ! Casse-toi, je te dis ! Casse-toi, bordel, tu as compris !

    I

    Cancale de nos jours…

    Au pied du monument aux morts, deux hommes, les yeux écarquillés, contemplaient, admiratifs, le port de la Houle et le paysage qui s’offrait à eux.

    L’un d’entre eux, auteur de romans policiers, connu sous le nom de plume de Bernie Andrew, se tourna ostensiblement vers son compagnon, Jean-Jacques Bordier, professeur agrégé de lettres à la retraite, son vieux complice.

    — Alors Jean-Jacques, que penses-tu de ce panorama ? Je suis bien certain que tu as potassé avant de venir et que tu vas pouvoir m’expliquer ce qui se trouve à nos pieds.

    — C’est magnifique, n’est-ce pas ? Ce n’est pas sans raison que l’on appelle Cancale la perle de la Côte d’Émeraude. Eh bien, juste en dessous de nous, en contrebas de la falaise, c’est le port de la Houle, la ville basse en quelque sorte. Tu vois là-bas, la jetée de la Fenêtre et un peu plus loin, le môle de l’Épi.

    — Et là où nous sommes, c’est donc, par opposition, la ville haute ?

    — Oui, c’est le centre-ville, le bourg, là où résidaient autrefois les armateurs et les commerçants. Mais regarde comme la vue est exceptionnelle aujourd’hui…

    En effet, bien que l’on fût au tout début du mois de décembre, un soleil généreux dardait ses rayons ardents dans un ciel exempt de tout nuage.

    — Et là-bas, juste en face, ajouta le professeur retraité, on distingue le Mont Saint-Michel.

    Les deux amis restèrent un moment silencieux comme pour mieux s’imprégner de la beauté du site.

    Bernie fut le premier à rompre le silence :

    — Je suis quand même surpris par toute cette agitation au niveau du port, tous ces tracteurs qui défilent en permanence. Montrant les parcs à huîtres de la main, il ajouta : Je viens d’en compter pas moins de vingt-cinq qui vont et viennent à perte de vue…

    — Noël est dans moins d’un mois. Les ostréiculteurs préparent la saison. N’oublie pas qu’une part essentielle de leur chiffre d’affaires annuel va se jouer dans les prochains jours.

    Jean-Jacques regarda sa montre puis le soleil qui commençait à baisser sur l’horizon en face d’eux.

    — Dans quelques minutes, il fera nuit, dit-il. Il va falloir penser à redescendre. Il est certainement trop tard pour commencer nos recherches dès ce soir, mais nous devrons nous y mettre sans faute dès demain matin.

    — On peut quand même faire un tour en ville, on ne sait jamais. De toute façon, il est trop tôt pour aller dîner. Allez, on y va !

    *

    Sandra se glissa dans la ruelle rendue déjà sinistre par la disparition du soleil et parcourut les quelques mètres qui la séparaient de l’entrée du squat. La nuit n’allait pas tarder à tomber complètement et elle n’aimait pas traîner seule dans les rues, le soir venu.

    La vieille maison décrépite paraissait déserte.

    Cathy et William devaient encore faire la manche dans le centre-ville ou tenter de glaner quelque nourriture dans les poubelles d’un quelconque supermarché.

    Sandra hésita.

    Elle craignait de se retrouver en tête à tête avec Jackson, ce sale type qui la dévisageait sans vergogne de son regard lubrique et concupiscent. Ce garçon lui procurait une angoisse terrible chaque fois qu’elle le croisait.

    C’était pourtant lui, rencontré quelques jours plus tôt, qui leur avait révélé l’existence de ce squat à quelques mètres à peine du bord de mer.

    Elle se faufila à travers la porte à moitié défoncée, emprunta l’escalier branlant et gagna l’étage rapidement, sans heureusement rencontrer âme qui vive.

    Elle prit place près de la fenêtre pour profiter du peu de lumière extérieure qui restait et s’installa sur son sac de couchage déployé sur les lattes disjointes du vieux plancher vermoulu.

    Elle sortit de sa poche la demi-baguette de pain et la tranche de jambon qui allaient composer son repas et les posa près d’elle.

    Elle contempla machinalement le triste décor qui l’entourait et eut soudain envie de pleurer. De grosses larmes brûlantes vinrent encombrer ses yeux et son nez s’obstrua.

    Mon Dieu, mais que faisait-elle là, dans cette bicoque infâme ?

    La vie qui était la sienne maintenant était sans rapport avec ce qu’elle avait imaginé quand elle s’était entichée de ce garçon. Elle qui rêvait de liberté, de grands idéaux, elle comprenait qu’à tout juste dix-sept ans, elle s’était fourvoyée dans une impasse complète.

    Le début de son aventure lui avait pourtant semblé plein de promesses. Faire l’amour avec Kevin quand bon leur semblait, n’importe où, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, passer la nuit dehors, fumer n’importe quoi, boire jusqu’à plus soif sans se soucier du lendemain, de l’école, des devoirs, de la discipline…

    Mais cela n’avait duré qu’un temps.

    Elle eut une pensée pour sa mère. Comment allait-elle ? Avait-elle souffert de son départ ?

    Elle se crispa soudain, se rebellant contre ces sentiments mièvres qui l’envahissaient tout à coup.

    C’était de sa faute à elle si elle avait tout quitté. Si elle s’était montrée un peu plus cool, un peu moins rigide, elle ne serait pas partie comme ça. C’était aussi pour la punir qu’elle s’était enfuie sans un mot, pour lui faire du mal puisqu’elle refusait de la comprendre…

    Elle regarda autour d’elle et se mit à pleurer à chaudes larmes.

    Un sac de couchage en guise de lit, pas de toilettes, pas d’eau, pas d’électricité, aucune hygiène.

    Et le froid !

    Ce froid perfide de l’automne qui la réveillait avec ses insidieuses morsures matinales. Quand ce n’était pas Kevin avec ses besoins sexuels qu’elle ne supportait plus. Dans la crasse de ce taudis poussiéreux, avec ce malade de Jackson qui jouait les voyeurs quand son compagnon la forçait et qu’elle gémissait de douleur sous ses coups de boutoir.

    Elle sortit son portable de sa poche, un des rares vestiges de sa vie d’avant. Elle avait envie d’appeler sa vieille copine Mathilde, mais sa batterie était presque déchargée. Kevin avait encore passé plusieurs appels aujourd’hui, sans se soucier qu’un téléphone ça se recharge presque tous les jours et que, pour un routard, ce n’est pas toujours une petite affaire.

    Où était-il d’ailleurs ?

    Il était bien mystérieux depuis leur arrivée à Cancale. Ils ne devaient y passer qu’un jour ou deux et cela faisait plus d’une semaine qu’ils y zonaient partageant leur temps entre le port et le centre-ville.

    C’était là, près de l’église, sous un des kiosques verts de la place qu’il disait avoir reconnu quelqu’un.

    — On va se faire pas mal de blé, avait-il annoncé d’un ton jubilatoire.

    Et il s’était lancé dans une chasse mystérieuse qui avait duré plusieurs jours. Il avait eu ensuite besoin de son téléphone et passé des appels fiévreux en prenant des airs importants de conspirateur sur un gros coup.

    Et ce soir, il était parti en lui disant de ne pas s’inquiéter, que demain, ils auraient du fric et pourraient se payer l’hôtel.

    Tu parles !

    Elle portait désormais sur lui un regard sans complaisance. Ce n’était qu’un paumé et le plus tôt elle pourrait le quitter, le mieux ce serait pour elle.

    Un bruit se fit entendre à l’étage inférieur. Pourvu que ce ne soit pas Jackson ! Elle se recroquevilla machinalement contre le mur.

    — Sandra, Kevin, vous êtes là ?

    Soulagement, c’était la voix de Cathy.

    — Oui, je suis là. Montez, je suis toute seule…

    *

    Le garçon s’approcha de la table d’un air cérémonieux.

    — Messieurs, annonça-t-il, vos entrées.

    Il se pencha et déposa une douzaine d’huîtres devant chacun des convives.

    Jean-Jacques se frotta les mains de contentement tandis qu’un discret sourire prenait naissance sur le visage de Bernie Andrew.

    — Autant joindre l’agréable à l’utile, tu ne crois pas ? affirma sentencieusement le professeur. Profitons de ces quelques jours à Cancale pour goûter les spécialités locales.

    Bernie, grand amateur d’huîtres, acquiesça sans se faire prier. Il remplit le verre de son commensal ainsi que le sien et les deux compères trinquèrent à leur vieille amitié.

    Le silence s’imposait pour apprécier leur entrée à sa juste valeur et, pendant plusieurs minutes, il ne fut pas question de gâcher par des phrases inutiles ce plaisir subtil de la dégustation des huîtres cancalaises.

    Jean-Jacques fut le premier à reprendre la parole :

    — Elles sont vraiment exceptionnelles, tu ne trouves pas ? Ce petit arrière-goût de noisette est fabuleux. C’est un plaisir divin que de se régaler de telles merveilles !

    Bernie, d’un hochement de tête entendu, manifesta son accord à cette pensée philosophique profonde. Il prit tout son temps pour savourer l’huître qu’il tenait en main, reposa la coquille vide sur un coin de son assiette et releva la tête en direction de son ami.

    — N’oublions quand même pas pourquoi nous sommes venus ici ! Même si cet intermède cancalais auquel tu m’as convié tombait fort à propos dans mon agenda, il ne s’agit quand même pas, si j’ai bien compris le peu que tu as bien voulu me révéler, d’un simple séjour de détente. Tu m’as déjà expliqué que nous sommes ici à la recherche d’une jeune fille en fugue, mais pourrais-tu m’en dire un peu plus maintenant que nous sommes à pied d’œuvre ?

    Jean-Jacques se mit à sourire et se recula machinalement dans son siège.

    — Tu as raison, dit-il. Nous ne sommes pas ici uniquement pour prendre du bon temps – il s’accouda sur le rebord de la table et se frotta délicatement les mains l’une contre l’autre – Tu te souviens bien sûr de la fille de ma vieille amie de Perros, Jacqueline Harcourt ?

    — Josée Harcourt ! Il est bien évident que je n’ai pas oublié cette charmante personne¹. Comment va-t-elle ? J’espère qu’elle n’a aucun problème ?

    — Elle va très bien, je te rassure et n’a aucun problème. Il ne s’agit pas d’elle, mais d’une de ses amies de Perros-Guirec.

    — Je t’écoute.

    — Eh bien, cette jeune femme qui, entre parenthèses, est séparée de son mari depuis plusieurs années est maman d’une jeune fille de dix-sept ans qui a fugué il y a peu. Elle a rompu tout contact, se refusant même obstinément à répondre aux appels téléphoniques de sa mère. Bien que son enfant soit mineure et pour des raisons que l’on peut comprendre, elle ne souhaite pas s’adresser à la police. Elle a donc fait appel à moi sur le conseil de Josée Harcourt et je t’ai contacté à mon tour.

    Bernie, d’un signe de tête, encouragea son ami à poursuivre. Ce dernier reprit :

    — La maman, sans aucune nouvelle de sa fille depuis plusieurs semaines, se rongeait les sangs quand une lueur d’espoir s’est manifestée un beau matin. Sa fille qui, au passage, se prénomme Sandra, venait tout juste de contacter téléphoniquement une de ses copines de lycée ; celle-ci, sur les conseils de sa propre mère, a rapporté cet entretien à la maman de Sandra.

    — Et c’est comme ça que nous savons qu’elle se trouve à Cancale, ou qu’elle s’y trouvait il y a peu ?

    — Exactement ! J’ai eu Josée Harcourt au téléphone juste avant ton arrivée et, selon elle, la jeune Sandra y était encore avant-hier et elle semblait devoir y rester quelques jours de plus.

    Bernie s’empara d’une nouvelle huître et jeta à son ami un regard dubitatif.

    — À moins qu’elle ne vive en recluse volontaire ou forcée, il devrait être assez facile de la repérer dans une petite ville comme Cancale, suggéra-t-il. Refais-moi voir la photo que tu m’as déjà montrée…

    Jean-Jacques s’exécuta, sortit un cliché de sa poche et le tendit à l’écrivain.

    Ce dernier contempla avec attention le portait d’une jeune fille plutôt mignonne, aux traits délicats et encore enfantins. Ses cheveux châtains encadraient son petit visage triangulaire éclairé par ses yeux noisette.

    — Tu connais sa taille ?

    — Elle mesure un mètre soixante-cinq et pèse un peu moins de cinquante kilos.

    Bernie, tout en continuant d’étudier la photo, demanda :

    — Tu sais si elle est accompagnée ? Il n’y aurait pas un garçon là-dessous ?

    Jean-Jacques lui répondit en souriant :

    — D’après la petite copine de Perros, il y aurait un Kevin, un beau vagabond que Sandra aurait rencontré près de la gare de Lannion. Elle l’aurait suivi comme ça, sur un vrai coup de tête et, toujours d’après la copine, il semblerait qu’elle émette aujourd’hui désormais quelques regrets.

    — Toujours la même histoire, soupira Bernie. Et ce sont ces regrets qui te laissent à penser que tu pourras la ramener au bercail ?

    Jean-Jacques grimaça.

    — Je n’en sais rien, mais j’ai pensé qu’il y avait peut-être quelque chose à faire… Si on peut tirer une gamine d’un mauvais pas, pourquoi ne pas essayer ? C’est peut-être l’ancien prof qui sommeille en moi, mais je crois qu’une fille de dix-sept ans serait mieux au lycée qu’à courir les routes avec un SDF, fût-il le plus beau garçon que la terre ait porté. Tu ne crois pas ?

    Bernie lampa une petite gorgée de son muscadet et leva son verre en direction de son vis-à-vis.

    — Jean-Jacques, lui dit-il, tu n’es qu’un sentimental et cela te perdra un de ces jours… mais sur le fond, je suis entièrement d’accord avec toi.


    1 Voir : Jeu d’échecs à Perros-Guirec, chez le même éditeur.

    II

    La journée ne commençait pas sous les meilleurs auspices pour Lionel Evran. Au volant de son tracteur, tous feux allumés, il roulait quasiment à l’aveuglette, dans un brouillard épais, en direction de la pointe des Crolles.

    Il s’agissait de son deuxième voyage de la matinée, il avait dû rentrer chez lui précipitamment, ses deux bottes étant percées.

    Ce contretemps le faisait râler. En pleine saison, il n’avait vraiment pas besoin d’incidents de cette sorte !

    Il traversa le quai Gambetta comme sur un pont suspendu dans la brume, ne distinguant même pas les voitures garées sur les parkings du port. Au rond-point de la place de la Chapelle, il plongea dans la ouate sur le quai Thomas, sans même distinguer la silhouette du petit phare devant lequel il tournait plusieurs fois par jour. Il traversa le marché aux huîtres, devinant sans les voir, les étals bleus et blancs qui, la veille, resplendissaient sous le soleil.

    La mer avait commencé à se retirer et ses parcs à huîtres étaient parmi les premiers à se découvrir.

    Son tracteur ronronnait et, derrière lui, la barque qu’il traînait en remorque tressautait bruyamment sur les irrégularités de la chaussée.

    En s’approchant de l’une de ses parcelles, il aperçut, au milieu du passage, une forme sombre, semblable à un vieux tas de chiffons.

    — Qu’est-ce que c’est que cette merde ? grogna-t-il.

    Il stoppa son lourd attelage et sauta à terre. Ses bottes faisaient en marchant un bruit de succion incongru qui détonnait dans le brouillard.

    Il s’avança vers l’amas informe et se pencha en avant pour le déplacer. Ce qu’il découvrit alors lui arracha un nouveau juron :

    — Bordel de merde ! Qu’est-ce que c’est que ça ?

    Il tira jusqu’à lui ce qui surnageait dans l’eau peu profonde et comprit instantanément de quoi il retournait.

    Une masse chevelue, un corps, deux bras, deux jambes…

    — Merde ! réitéra-t-il. Me voilà bien avec ça !

    *

    Il fallut de longues secondes à Sandra pour comprendre ce qui l’avait tirée du sommeil.

    Elle crut au début qu’il s’agissait du froid et elle se recroquevilla sur elle-même dans une position fœtale certainement lourde de sens et de symbole.

    Cela la réchauffa un peu, mais elle sut aussitôt qu’il y avait autre chose. Elle ouvrit un œil et distingua une forme au fond de la pièce. Effrayée, elle se réveilla complètement et jeta un coup d’œil machinal à ses côtés. Le sac de couchage de Kevin était vide, il n’était pas rentré.

    Elle tourna alors la tête vers la silhouette immobile.

    Jackson, le sale type était là qui l’observait en silence.

    — Qu’est-ce que tu fous là ? Te gêne pas surtout et continue à me mater !

    Elle se redressa pour se mettre en position assise, offrant en se penchant en avant, sa poitrine menue au regard de Jackson. La lueur lubrique qui se mit à briller dans ses yeux ne lui échappa pas et elle remonta aussitôt son sac de couchage contre ses seins.

    En l’absence de Kevin, elle ne se risqua pas à

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