ette nuit, Clémence s’est encore réveillée en criant. Je pensais que ses cauchemars étaient en régression, mais on dirait qu’ils sont revenus, et plus violents encore. Elle s’est redressée, l’air terrorisé, en tendant les bras dans le vide et en criant. Je l’ai prise dans mes bras pour la calmer. Elle a sangloté en gémissant que ça ne finirait donc jamais.
Clémence est la femme de ma vie. Nous nous sommes rencontrés à l’été 1950. Elle avait 20 ans, moi 22. Cette année-là, pour récompenser le diplôme d’études supérieures de droit que je venais de décrocher, mon grand-père m’avait offert une 2 CV. C’était ma première voiture. Un cadeau royal et j’avais décidé d’en profiter au maximum pendant les vacances d’été.
Avec Jean, mon meilleur ami originaire d’Aubenas, nous avions le projet de descendre en Ardèche avec ma chère deudeuche et une tente qu’on avait achetée dans un surplus militaire. Camper au milieu de nulle part, entourés des seuls bruits inhabituels de la nature, nous excitait. Nous étions jeunes, nous voulions avancer à notre rythme : nous nous sentions comme des aventuriers.
Parfois la nuit, certains craquements, des hululements, des froissements d’ailes ou autres, nous tiraient quelques frissons. Nous échangions des regards interrogatifs, imaginant des loups ou des sangliers prêts à charger le morceau de toile qui nous abritait. Nous finissions par nous endormir et nous nous réveillions le lendemain sans que rien de fâcheux ne nous soit arrivé.
Arrivés à Aubenas, les parents de Jean nous proposèrent de séjourner chez eux. Pendant une semaine ses parents, si fiers de leur région, prirent plaisir à me faire découvrir quelques villages exceptionnels, telles Balazuc, une cité médiévale perchée sur une falaise et dominant les eaux de l’Ardèche, ou Labeaume, aussi ancienne et adossée à d’abruptes falaises percées de grottes.
En quelques jours, je suis tombé amoureux de l’Ardèche. Je décidai alors, avant de repartir avec mon ami, de quitter Aubenas, Jean et ses parents, pour poursuivre seul ma découverte de cette région à l’exceptionnelle beauté.
C’est ainsi que je me suis retrouvé