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Joseph-Antoine Poniatowski

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Joseph-Antoine Poniatowski
Joseph-Antoine Poniatowski
Le prince Joseph Poniatowski (tableau peint dans les années 1810 par Josef Grassi).

Surnom « Le Bayard polonais »
Naissance
Vienne, archiduché d'Autriche, Saint-Empire
Décès (à 50 ans)
Leipzig, royaume de Saxe
Mort au combat
Origine Pologne
Allégeance Drapeau de l'Autriche Archiduché d'Autriche
Drapeau de la République des Deux Nations République des Deux Nations
Drapeau de l'Empire français Empire français
Arme Infanterie
Grade Général de division
Années de service 1789 – 1813
Conflits Guerre russo-polonaise de 1792
Guerres de la Révolution
Guerres napoléoniennes
Faits d'armes Bataille de Zieleńce
Bataille de Raszyn
Bataille de la Moskova
Bataille de Winkowo
Bataille de Leipzig
Distinctions Maréchal d'Empire
Grand aigle de la Légion d'honneur
Hommages Nom gravé sous l'arc de triomphe de l'Étoile
Hommes illustres (Louvre)
Famille Famille Poniatowski
Signature de Joseph-Antoine Poniatowski

Joseph Antoine Poniatowski (en polonais : Józef Antoni Poniatowski), né le à Vienne dans l'archiduché d'Autriche et mort noyé le près de Leipzig dans le royaume de Saxe, est un prince, militaire et homme d'État polonais de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle.

Neveu du roi de Pologne Stanislas Auguste Poniatowski et prince du Saint-Empire romain germanique par sa naissance, il intègre l'armée autrichienne où il sert jusqu'au grade de lieutenant-colonel. Rejoignant la Pologne en 1789, il prend le commandement des troupes polonaises en Ukraine lors de la guerre russo-polonaise de 1792. En 1794, il rejoint l'insurrection de Kościuszko puis, après l'échec de cette révolte, se retire sur ses terres.

Au cours du Premier Empire, il se rallie à Napoléon Ier qui le nomme ministre de la Guerre du duché de Varsovie et généralissime des Polonais. Outre une réorganisation profonde de l'armée, Poniatowski participe aux guerres napoléoniennes. Ayant combattu les Autrichiens pendant la campagne de 1809, il s'illustre en Russie à la tête du 5e corps polonais de la Grande Armée, notamment aux batailles de la Moskova et de la Bérézina. Il se bat encore lors de la campagne d'Allemagne de 1813.

En récompense de ses faits d'armes et de sa fidélité, Napoléon l'élève à la dignité de maréchal d'Empire le , au début de la bataille de Leipzig. Il est ainsi le seul général étranger à avoir reçu cet honneur. Trois jours plus tard, lors de la retraite française, il se noie en tentant de traverser l'Elster. Son corps n'est retrouvé que cinq jours après. À Sainte-Hélène, l'Empereur se souvient de son allié polonais : « le vrai roi de Pologne, c'était Poniatowski ; il en réunissait tous les titres et en avait tous les talents ».

Portrait du jeune Joseph Poniatowski par Marcello Bacciarelli, vers 1778, musée national de Cracovie.

Joseph-Antoine Poniatowski naît le 7 mai 1763 au palais Kinsky de Vienne, dans l'archiduché d'Autriche, et est baptisé le jour même à la Schottenkirche, une église voisine[note 1]. Il est le fils d'André Poniatowski (1734-1773), frère du roi de Pologne Stanislas Auguste Poniatowski, et de Thérèse-Hérulie Kinsky, fille du comte Léopold Kinsky, peu fortunée mais fort en honneur à la cour des Habsbourg. Nommé ambassadeur de Pologne auprès du gouvernement autrichien et déjà prince polonais depuis l’accession de son frère à la dignité royale, André Poniatowski est fait prince du Saint-Empire par l'empereur Joseph II[1],[2].

Son fils Joseph n'a que 10 ans lorsque son père meurt à l'âge de 39 ans et est inhumé à Vienne dans les caveaux de la cathédrale Saint-Étienne. L'éducation du jeune prince se déroule alors sous la houlette de sa mère et surtout de son oncle, le roi Stanislas Auguste, qui lui voue une grande affection. Selon l'historien Szymon Askenazy, « le roi le poussait, l'encourageait, exigeait qu'on lui rendît un compte exact et minutieux de ses progrès, de ses bons points ou de ses manquements. Il l'exhortait à lui envoyer des notes sur ses lectures, particulièrement en ce qui concerne l'art militaire ou l'histoire »[3]. Ses maîtres sont Koenigsfeld pour l'équitation et les exercices physiques, Hennequin pour la théorie et Plunkett pour les aspects militaires. Sous l'influence de Stanislas, le jeune Joseph nourrit très vite une conception du dévouement à sa patrie d'origine, la Pologne, et le sentiment d'être un sujet polonais à part entière[4].

Le colonel Königfels apprenant au prince Poniatowski à monter à cheval, huile sur toile de Bernardo Bellotto, 1773, musée national de Varsovie.

En 1777, encore adolescent, il est présenté à l'empereur Joseph II, venu assister à Prague à des manœuvres militaires. Au cours des deux années suivantes, il se mêle aux mondanités de Varsovie et se rend également en Lituanie pour se familiariser avec la gestion des domaines de son défunt père[5]. En , il est affecté avec le grade de sous-lieutenant au 2e régiment de carabiniers cantonné en Bohême, dont le commandant honoraire est l'archiduc François (plus tard l'empereur François Ier, futur beau-père de Napoléon). Quelques mois plus tard, le roi polonais Stanislas désigne son neveu pour le représenter aux obsèques de l'impératrice Marie-Thérèse[6] : pour la première fois, le prince est investi d’une mission officielle à la cour de Vienne[7].

Son ascension militaire, quant à elle, est rapide : chef d'escadron en second en , il est nommé chef d'escadron titulaire en puis major en , grade avec lequel il prend la tête d'une unité de uhlans galiciens à la fin de l'année. Il passe ensuite au régiment de chevau-légers Levenehr dont il devient lieutenant-colonel en second en puis lieutenant-colonel en premier en 1786, avant d'être transféré au prestigieux régiment de chevau-légers de l'empereur Joseph II (automne 1786). Il y fait la connaissance d'un officier à la réputation déjà bien établie, le capitaine Karl Mack, qui devient à la fois son ami et son mentor[8]. En 1787, alors qu'il accompagne Stanislas Auguste à Kaniv en vue d'un entretien avec la tsarine Catherine II, il est envoyé au-devant de cette dernière à Kiev et fait bonne impression auprès de la souveraine ; c'est à cette occasion qu'il se lie d'amitié avec le jeune prince Charles de Ligne, fils du célèbre général et homme de lettres, en compagnie de qui il fréquente à Vienne le cercle des « Indissolubles », composé de jeunes gens de la haute société viennoise[9].

Premiers combats contre les Ottomans et en faveur de l'indépendance polonaise

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Le prince Poniatowski dans les années 1790, par Aleksander Orłowski.

Peu avant l'entrée en guerre de l'Autriche contre l'Empire ottoman en 1788, Poniatowski est affecté à l'état-major de Joseph II en qualité d'aide de camp. Il participe activement aux combats et se distingue le à la prise de Šabac où il est grièvement blessé à la cuisse. C'est au cours de cette campagne qu'il fait la connaissance d'un jeune officier autrichien, le prince Charles Philippe de Schwarzenberg, son futur allié puis adversaire des champs de bataille napoléoniens. En récompense de ses services, il est promu colonel en second des chevau-légers de l'empereur Joseph au mois de novembre[10].

En , il quitte l'armée autrichienne pour rejoindre son oncle à Varsovie et intègre l'armée polonaise avec le grade de général-major, qui lui est décerné le . Il intègre de plus une commission chargée de la mise en place des règlements militaires, ce qui ne l'empêche pas de continuer à mener grand train dans la capitale polonaise. Au printemps 1790, il prend le commandement de la division de Kiev, en Ukraine, et se consacre avec vigueur à la remise en état de son armée en dépit de ses lacunes en matière de commandement ; il a la chance d'être secondé dans sa tâche par Tadeusz Kościuszko, un subordonné de talent avec lequel il entretient de bonnes relations. Il regagne Varsovie à l'automne et assiste au vote de la Constitution du 3 mai 1791, qui consomme la rupture entre les Polonais et la Russie de Catherine II. Il regagne ensuite son poste en juillet suivant et poursuit l'entraînement de ses troupes qui, en partie grâce à Kościuszko, ont effectué de sensibles progrès, avant de revenir dans la capitale en novembre peu après la naissance de son fils, fruit de sa liaison avec une actrice française[11].

Au printemps 1792, Poniatowski est promu général de division[12]. Le de la même année, sans déclaration de guerre, plus de 97 000 soldats russes franchissent la frontière polonaise et attaquent les forces de Pologne-Lituanie, fidèles au roi Stanislas Auguste et à la Grande Diète (Sejm Wielki), qui défendent la Constitution du 3 mai 1791[13]. Handicapé par de multiples carences logistiques et disposant d'effectifs bien inférieurs à ceux de ses adversaires — environ 20 000 hommes —, le prince est contraint de battre continuellement en retraite, d'abord en direction de Lubar où il arrive début juin avec une armée réduite à 14 000 hommes. Alors qu'il se trouve dans une situation stratégique délicate, son aile gauche menaçant d'être tournée, il se replie ensuite vers Zasław mais, le , ses troupes font volte-face et infligent une défaite au corps russe du général Morkov lors de la bataille de Zieleńce. Poniatowski s'expose personnellement durant le combat en galvanisant un bataillon malmené par le feu russe. Cette victoire demeure toutefois sans lendemain, le prince n'ayant pas su l'exploiter. Le roi Stanislas Auguste ne l'en qualifie pas moins de « première bataille que les Polonais eussent gagnée, à eux seuls, depuis le roi Jean Sobieski »[14].

Carte de la guerre russo-polonaise de 1792 avec, au sud, le secteur d'opérations de Poniatowski.

Malgré cet échec, les forces russes continuent leur progression. L'armée de Poniatowski se replie en bon ordre sur la rivière Boug où, le , les unités de Kościuszko résistent avec habileté à une armée russe quatre à cinq fois plus puissante au cours de la bataille de Dubienka[15],[16]. Les Polonais ne peuvent cependant se maintenir sur la ligne du Boug et Poniatowski organise la retraite sur Chełm puis Lublin. Il apprend dans cette ville — de la princesse Izabela Czartoryska — la capitulation de Stanislas Auguste qui a décidé de rallier la confédération de Targowica, favorable à Catherine II. Dans une lettre adressée à Poniatowski, le monarque confirme la rumeur et ordonne à son neveu de suspendre immédiatement les hostilités[17]. Le dernier affrontement de la guerre se déroule le à Markuszów et voit une attaque russe repoussée par la cavalerie polonaise sous les ordres directs de Poniatowski[18].

Indigné par la reddition de Stanislas, un groupe d'officiers échafaude un projet d'enlèvement du roi afin de le contraindre à poursuivre la lutte contre les Russes. Poniatowski, en sa qualité de chef de l'armée, soutient initialement cette option, mais il finit par y renoncer après de nombreuses hésitations. Bien décidé malgré tout à marquer avec éclat son opposition à l'attitude de Stanislas, il remet sa démission à ce dernier le , imité en cela par bon nombre de généraux. Le prince séjourne alors quelques semaines à Varsovie pour y superviser la dissolution de ses troupes, suscitant l'enthousiasme lors de ses apparitions en public. Sa popularité irrite fortement le roi qui saisit le prétexte d'une circulaire adressée par Poniatowski à ses soldats, dans laquelle celui-ci laisse transparaître clairement son désir de revanche sur la Russie, pour l'éloigner de la capitale[19].

D'abord réfugié à Lwów, Poniatowski s'installe à Vienne au mois d'octobre et continue d'arborer en public la croix de Virtuti Militari, malgré l'interdiction dont cet insigne fait l'objet[20]. Il refuse également de prêter serment à la confédération de Targowica et provoque en duel Félix Potocki, un des représentants de cette assemblée. Les autorités russes procèdent en rétorsion à la confiscation de ses biens[21]. Le prince mène cependant toujours grand train grâce aux subsides versés plus ou moins de bon cœur par Stanislas[22]. En , cédant aux récriminations de Saint-Pétersbourg qui estime que sa présence à Vienne constitue un danger potentiel, il part rejoindre sa sœur à Bruxelles. Au cours de ce séjour, il s'éprend d'une comtesse française, Henriette de Vauban, plus âgée que lui d'une dizaine d'années[23].

Poniatowski met à profit sa période d'exil pour rédiger ses souvenirs sur la dernière guerre russo-polonaise. Toutefois, bien que conservant un certain crédit auprès des émigrés polonais, il est tenu dans l'ignorance des préparatifs d'une nouvelle insurrection qui s'organise cette fois sous l'égide de Kościuszko. Lorsque le soulèvement éclate au printemps 1794, le prince est ainsi mis devant le fait accompli[24]. Quoique sceptique sur les chances de succès des insurgés et dérouté par la dimension populaire de la révolte, il rejoint l'insurrection et rencontre Kościuszko à la fin du mois de . Ce dernier l'accueille sans chaleur mais lui offre un commandement que Poniatowski refuse pour se rendre auprès de Stanislas, demeuré à Varsovie[25]. Il se bat ensuite comme simple volontaire au sein de la division du général Mokronowski et prend part au succès remporté par les Polonais sur les Prussiens à Błonie, en juillet, puis au repli sur la capitale[26].

Dans un contexte de diffusion intense des idées jacobines, la présence du prince à l'armée alimente toutefois les critiques envers sa personne et son rang qui le font soupçonner d'être hostile à l'insurrection et à son meneur, Kościuszko, qui lui accorde néanmoins sa confiance[27],[28]. En août, Poniatowski remplace Mokronowski à la tête de sa division et se voit confier la défense du secteur entre Powonski et Młociny[29]. Dans cette position, il repousse dans un premier temps les avant-postes prussiens avant de subir un échec, à la mi-août, lors d'une attaque nocturne de ses adversaires qui s'emparent de huit pièces d'artillerie. Poniatowski, qui a été contusionné et a perdu un cheval tué sous lui au cours de l'affrontement, remet dans la foulée son commandement au général Dombrowski[30]. Il se contente par la suite d'effectuer des missions de reconnaissance pendant le mois de septembre et, en octobre, dirige un corps d'environ 2 500 hommes chargé de maintenir la liaison avec le corps de Dombrowski du côté de la Bzura, sans grand succès[31],[32]. Quelques semaines plus tard, l'insurrection est écrasée par les troupes russes de Souvorov et le contingent de Poniatowski dissous avec le reste des forces polonaises[33].

Après l'échec de l'insurrection, le prince demeure un temps à Varsovie, refusant avec obstination de rejoindre Stanislas à Grodno, mais les récriminations de représentants de l'administration russe qui l'accusent « de se promener dans Varsovie, sans décorations, en vieux manteau de révolutionnaire, de fréquenter et d'entretenir une foule d'officiers de l'armée polonaise supprimée » le forcent à prendre la route de Vienne en [34]. Il vit retiré jusqu'en 1806 où il est nommé gouverneur de Varsovie par Frédéric-Guillaume III de Prusse.

Ralliement à Napoléon

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Le maréchal Joseph Poniatowski à cheval (huile sur toile de Juliusz Kossak, 1897).

À l'arrivée de Napoléon, et avec la formation du gouvernement provisoire du duché de Varsovie, Poniatowski se rallie à l'Empire, pensant que cela est la seule chance pour la Pologne de retrouver son indépendance et son territoire. Il est fait ministre de la Guerre du duché et généralissime[35].

Dans le cadre de ses fonctions, il est chargé de créer de toutes pièces une armée polonaise de 30 000 hommes organisée en trois légions et introduit de nombreuses dispositions militaires héritées des Français ; il conserve néanmoins en partie l'ancien règlement polonais tout en obtenant le maintien des couleurs traditionnelles de sa patrie. La mise en place de ces réformes n'est pas sans susciter des heurts fréquents avec le gouvernement provisoire et pâtit, en outre, des initiatives personnelles des nobles polonais désireux d'équiper à leurs frais leur propre corps de troupes, ce qui entraîne une dispersion hiérarchique ainsi qu'une moindre efficacité du recrutement au sein de l'armée dite « régulière »[36].

Les difficultés rencontrées par le prince n'ont pas échappé à Napoléon qui adresse à Poniatowski de sévères remontrances et n'hésite pas à court-circuiter le ministre en ordonnant unilatéralement la création d'un régiment de cavalerie polonaise au sein de la Garde impériale ou celle d'un corps d'observation confié au général Zajączek et placé sous tutelle française. Vivement contesté en interne, Poniatowski est tout proche de perdre son siège à la commission provisoire au profit de Dombrowski, mais l'Empereur, sur les instances de Murat et de Talleyrand, renouvelle finalement sa confiance au prince en [37].

Il bénéficie, le , d'une dotation de 29 500 francs sur le duché[38]. Il défend les frontières contre les Autrichiens en 1809, notamment lors de la bataille de Raszyn, au cours de laquelle il conduit en personne une contre-attaque à la baïonnette[39]. Le succès de cette campagne renforce considérablement sa popularité[40]. À la tête du ministère, il réorganise une nouvelle armée polonaise dont les effectifs passent de 30 000 hommes en 1807 à 56 000 en 1810[41].

La période est également marquée par de vives tensions avec la Russie d'Alexandre Ier qui, dans l'objectif de détourner la Pologne du régime napoléonien, tente de courtiser Poniatowski en vue d'un renversement d'alliance, ce que ce dernier refuse en bloc. Inquiet des préparatifs russes à proximité de la frontière polonaise, le général multiplie les rapports alarmants à l'intention de sa hiérarchie et en particulier de Napoléon. Celui-ci peine tout d'abord à croire en la véracité de ses propos avant de se rallier franchement à ses vues lors d'un entretien accordé au prince — venu spécialement de Varsovie pour l'occasion — à Saint-Cloud le [42].

À la tête du 5e corps en Russie

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En prévision de la campagne de Russie, Poniatowski reçoit le commandement du 5e corps d'armée, fort de trois divisions polonaises pour un effectif total de 36 000 hommes. À la fin du mois de juin, ses troupes atteignent la Lituanie, franchissent le Niémen à Grodno et se heurtent rapidement au corps russe du général Bagration. La conduite des opérations s'avère délicate pour le prince, tant du fait des nombreuses carences logistiques que de la présence, en qualité de supérieur hiérarchique, du roi Jérôme Bonaparte qui se révèle un piètre chef militaire. Napoléon lui-même formule quelques critiques à l'égard de Poniatowski mais lui confie néanmoins provisoirement toute l'aile droite française[43].

Dans les derniers jours de juillet, le corps de Poniatowski fait son entrée dans Mohilev où il s'attarde deux semaines, alors que la situation devient préoccupante : le 5e corps n'aligne plus en effet que 23 000 hommes au mois d'août. Quittant Mohilev, le prince, dont l'autorité se trouve de nouveau réduite au seul 5e corps, traverse le Dniepr et fait sa jonction avec le gros des forces de Napoléon à hauteur de Smolensk, où une entrevue orageuse l'oppose à l'Empereur[44]. Le , ses soldats sont fortement engagés dans l'assaut contre la ville, théâtre de combats acharnés qui coûtent environ 2 000 hommes au 5e corps[45]. Poniatowski montre encore l'ampleur de son talent lors de la bataille de la Moskova. Au cours de la retraite, il est blessé au passage de la Bérézina.

Dernière campagne et mort

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Napoléon et Joseph Poniatowski à la bataille de Leipzig, peinture de Janvier Suchodolski.

Il parvient à préserver un noyau d'armée polonaise lors de la retraite du Niémen à l'Oder et rejoint Napoléon en Saxe en . Il remporte les batailles de Löbau, Altenbourg et Penig. Sa conduite à la bataille de Wachau lui vaut le bâton de maréchal d'Empire, le . C'est la seule et unique fois où cette dignité est attribuée à un général étranger[46]. Il meurt, noyé[47], trois jours plus tard lors de la retraite suivant la bataille de Leipzig[48],[note 2], en essayant de passer l'Elster Blanche[note 3] à cheval pour ne pas être pris par les alliés[note 4].

Le corps de Poniatowski, retrouvé seulement le 24, est embaumé et porté par ses compagnons d'armes à Varsovie, puis, de là, à Cracovie, à la nécropole royale et au panthéon national de Wawel, où il repose à côté de Jean III Sobieski et de Tadeusz Kościuszko. À ses funérailles à Leipzig, les vainqueurs et les vaincus réunis y représentent l'Europe entière.

Mort du prince Poniatowski le , Horace Vernet, 1816
Collection privée, vente 2017[50].

Postérité

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« Le vrai roi de Pologne, disait Napoléon, en entendant passer en revue les rois auxquels on l'avait crue destinée, le vrai roi de Pologne, c'était Poniatowski ; il en réunissait tous les titres et en avait tous les talents. Après avoir prononcé ces mots, Napoléon s'est tu. »

— Emmanuel de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène.

Monument au prince Joseph Poniatowski à Varsovie, œuvre du sculpteur danois Bertel Thorvaldsen.

L'historien polonais Szymon Askenazy dresse du prince le portrait suivant : « admirablement bâti, sanguin, vif, carré de manières et souvent d'une exubérante gaieté, il avait, malgré les apparences, un fond de sensitif et de nerveux. Son tempérament impressionnable à l'excès, porté à compliquer les choses et à les voir en noir, ses accès de mélancolie, l'exposaient fréquemment à ces dépressions morales qui anéantissent la pensée et la volonté »[51]. Ce trait de caractère ressort particulièrement à l'occasion de la campagne de 1813 : tiraillé par un environnement politique changeant et par sa volonté de rester fidèle à la cause polonaise ainsi qu'à celle de Napoléon, Poniatowski songe un moment au suicide[52]. Oleg Sokolov voit en lui un « guerrier honnête et loyal » ainsi qu'un « authentique chevalier »[53] ; Napoléon lui-même, d'abord sévère à son égard en le qualifiant d'« homme léger et inconséquent », finit par réviser son jugement sur son allié polonais depuis son exil de Sainte-Hélène : « c'était un noble caractère, rempli d'honneur et de bravoure »[54].

Sur le terrain, Poniatowski fait preuve de réelles qualités militaires. L'historien américain John Elting écrit qu'« en tant que général, il combinait l'enthousiasme et l'expérience »[55], tandis que Nigel de Lee, commentant sa prestation à la bataille de la Moskova, le décrit comme un « chef de corps compétent, vigoureux et obéissant, tout à fait capable de conduire sa formation lors d'une bataille »[56]. Le prince est en outre réputé pour son courage physique et son ardeur au combat[57], ce qui lui vaut le surnom de « Bayard polonais »[58]. Il est d'ailleurs, avec Lannes et Bessières, l'un des trois maréchaux d'Empire à avoir été tués au combat[59]. Le général Savary, homme de confiance de Napoléon Bonaparte, déclare à son sujet : « on n'était pas plus brave que ce prince ; impétueux, magnanime, plein d'aménité, il fut aussi regretté du parti qu'il servait qu'estimé de celui qu'il avait combattu »[60].

C'est également un brillant organisateur, aux aptitudes comparables — selon son biographe Askenazy — à celles de l'archiduc Charles ou du général prussien Scharnhorst. Homme consciencieux et dévoué à sa tâche, il s'implique fortement dans tous les aspects de l'administration du duché et étonne ses collaborateurs par ses capacités de jugement[61] ; cependant, il ne sait pas toujours bien s'entourer et manifeste, à diverses reprises, une confiance excessive envers des personnalités peu recommandables à l'instar de son intendant Louis Kamienecki[62]. En outre, certains généraux polonais comme Dombrowski ou Zajączek lui sont ouvertement hostiles et défient parfois son autorité[63]. Cela n'empêche pas le prince d'être extrêmement populaire parmi ses troupes, avec qui il entretient des rapports chaleureux et familiers[64] : au moment de quitter son commandement à l'issue de la guerre russo-polonaise de 1792, il est ainsi acclamé par ses hommes qui lui remettent une adresse collective témoignant de sa valeur et font frapper une médaille commémorative à son effigie[65].

L'historien britannique Norman Davies dresse de la vie de Poniatowski le bilan suivant :

« Comme bon nombre de ses compatriotes, il avait longtemps hésité avant de se ranger du côté des Français. Pour lui, se mettre au service du régime napoléonien avait exigé un douloureux changement d'orientation et de fidélité. Cela avait impliqué des années de dévotion et d'effusion de sang. Changer une nouvelle fois de loyauté, comme le fit son maître le roi de Saxe, n'était que trop inquiétant pour un homme infiniment las et honnête. Comme le reste de sa génération, il espéra ; se battit ; servit ; et ne trouva le repos que dans une défaite honorable[66]. »

Décorations

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Ordre militaire de Virtuti Militari de Poniatowski.

Hommage, honneurs, mentions

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Règlement d'armoiries

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Image Noms et blasonnement
Blason du Clan Ciołek[68]
Joseph-Antoine Poniatowski :

D'argent, au bœuf de gueules, sur une terrasse de sinople[68]. (Les armes de Ciolek. Manteau de gueules, frangé d'or, doublé d'hermine, sommé d'une couronne princière[68]).

Notes et références

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  1. Szymon Askenazy précise que « tous ses biographes [le] font naître faussement à Varsovie » (Askenazy 1921, p. 2).
  2. C'était le 19 octobre 1813, troisième jour de la bataille, la nuit avait terminé l'action, le calme avait enfin succédé à cette terrible mêlée, quelques coups de fusil seulement se faisaient entendre de loin en loin. L'Empereur, assis sur un pliant, près du feu de son bivouac, dictait au major général des ordres pour la nuit, lorsque les commandants de l'artillerie vinrent lui dire que les munitions étaient épuisées. L'armée française avait tiré dans la journée 95 000 coups de canon ; depuis cinq jours, on en avait tiré plus de 220 000 ; les réserves étaient vides : il ne restait pas plus de 16 000 coups, c'est-à-dire de quoi entretenir le feu pendant deux heures à peine. Dans cette position, il ne fallait pas songer à conserver plus longtemps le champ de bataille ; Napoléon se décida à la retraite, et des ordres furent sur-le-champ expédiés. À huit heures, il quitta le bivouac et s'établit dans la ville, à l'auberge des Armes de Prusse. La retraite commença par les corps des maréchaux Victor et Augereau ; le maréchal Marmont devait se maintenir dans le faubourg de Halle ; la défense du faubourg de Rosenthal avait été confiée au général Reynier ; le maréchal Ney fit replier ses troupes sur les faubourgs de l'Est ; les corps de Poniatowski, de Lauriston et Macdonald, formant l'arrière-garde, rentrèrent en ville et s'établirent derrière les barrières du Midi ; le maréchal prince Poniatowski vient prendre les ordres de l'Empereur : « Prince, lui dit Napoléon, vous défendrez les faubourgs du Midi.— Sire, j'ai bien peu de monde. — Eh bien ! vous vous défendrez avec ce que vous avez. — Nous tiendrons, Sire, nous sommes tous prêts à nous faire tuer pour Votre Majesté. »[49] »
  3. Cependant, il devenait important de s'assurer du grand pont de l'Elster. Napoléon Ier recommanda ce point essentiel à l'attention des officiers du génie et de l'artillerie. — « On devra, dit-il, le faire sauter quand le dernier peloton sortira de la ville et qu'il ne restera plus que cet obstacle à opposer à l'ennemi. » — À l'instant, l'armée française commença à miner le pont. Ces ordres donnés, il recommanda au maréchal Macdonald de tenir dans la vieille ville vingt-quatre heures encore, si faire se pouvait, ou, au moins le reste de la journée. Tout à coup on entendit une explosion terrible : c'était le pont de l'Elster. Cependant les troupes de Macdonald, de Lauriston, de Poniatowski, de Reynier étaient encore dans la ville, avec plus de 200 pièces de canon. Tout moyen de retraite était enlevé ; le désastre était à son comble. On apprit le soir, sur la route d'Erfurth, que Macdonald avait traversé l'Elster à la nage ; quant à Poniatowski, ayant voulu, quoique blessé, franchir le fleuve à la nage, il avait trouvé la mort noyé[49].
  4. On apprit bientôt la cause de la catastrophe du pont : les Badois et les Saxons venaient d'abandonner le parti français ; du haut des murs de la vieille ville, ils signalaient leur trahison en tirant contre les Français. Trompé par cette double fusillade, le sapeur posté au pont crut que l'ennemi arrivait et que le moment était venu de mettre le feu à la mine. Ainsi fut consommée la perte de tout ce que Leipzig renfermait de Français et de munitions[49].

Références

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  1. Askenazy 1921, p. 1-6.
  2. Joseph Valynseele (préf. Antoine Bouch), Les maréchaux du Premier Empire : leur famille et leur descendance, Paris, , 334 p., p. 316.
  3. Askenazy 1921, p. 5-6.
  4. Askenazy 1921, p. 7.
  5. Askenazy 1921, p. 9-10.
  6. Askenazy 1921, p. 12.
  7. Pasteur 1976, p. 159.
  8. Askenazy 1921, p. 12-14.
  9. Askenazy 1921, p. 14-18.
  10. Askenazy 1921, p. 16-21.
  11. Askenazy 1921, p. 26-36.
  12. Askenazy 1921, p. 36.
  13. Storozynski 2011, p. 223.
  14. Askenazy 1921, p. 41-47.
  15. Skowroneck 1986, p. 60.
  16. Storozynski 2011, p. 228-229.
  17. Askenazy 1921, p. 53-55.
  18. Skowroneck 1986, p. 60-62.
  19. Askenazy 1921, p. 54-63.
  20. Pasteur 1976, p. 217.
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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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