"Chretiens Sans Eglise" de Kolakowski
"Chretiens Sans Eglise" de Kolakowski
"Chretiens Sans Eglise" de Kolakowski
Autor(en):
Mottu, Henry
Objekttyp:
Article
Zeitschrift:
10.02.2015
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XVIIe
DE KOLAKOWSKI
309
I. L'itinraire de Kolakowski 2
N en 1927, prs de Varsovie, Kolakowski entre au parti commu
niste polonais ds la fin de la guerre (1946). Toute sa philosophie est
ds lors marque par la qute, au sein mme d'une appartenance
dfinie, de cette intgrit et de cette indpendance intellectuelles sans
lesquelles il n'y a pas de recherche authentique. De fait, il commence
sa carrire comme critique marxiste de TEghse catholique et nous
lui devons ainsi une brillante interprtation qui mriterait d'tre
traduite de la philosophie mdivale ; mais, se retournant sur ses
propres prsupposs de dpart, le philosophe en vient rapidement
critiquer l'epistemologie marxiste orthodoxe d'o il tait parti. On
pourrait mme se risquer dire que, de mme que nous autres chr
tiens ne cessons de nous dbattre avec le christianisme comme
insistent juste titre sur l'im
109, et Schwan, p.
chez
de
thmes
certains
sartriens
Kolakowski.
portance
2 Je
m'inspire principalement, pour ce qui est de cette brve prsentation
de l'uvre, de deux excellents articles de Gmri et de Kline (cf. biblio
1
Von Weiss, p.
graphie)
m,
HENRY MOTTU
310
La priode
rvisionniste
La priode
post-rvisionniste
DE KOLAKOWSKI
3II
Spinoza.
Mais il ne s'agit pas simplement, dans cette priode, d'histoire de
la philosophie ; le philosophe y dgage, non seulement une mthode
d'approche marxiste du dveloppement de la philosophie moderne,
mais aussi sa propre problmatique. Celle-ci a d'abord une trs claire
motivation thique d'inspiration kantienne : comment reprendre la
question des principes prsidant la conduite morale, si le progrs
de l'histoire ne saurait l'amliorer mcaniquement ou un quelconque
code moral absolu la fonder C'est toute la question de l'autonomie
des dcisions du sujet par rapport la socit aussi qui se
trouve nouveau pose, au sein mme d'une problmatique marxiste.
Kant contre Marx On note ensuite un approfondissement remar
quable de la critique du rationalisme (comme idologie) et du
positivisme au profit d'un rationalisme radical , au sens o Ton
se refuse toute invasion du mythe dans la science, du rehgieux dans
le sculier et o l'on pousse jusqu' ses extrmes limites une mfiance
totale pour tout systme quel qu'il soit : La souffrance, la mort, les
conflits idologiques, les affrontements sociaux, les valeurs antith
tiques de toutes sortes tout cela est oblitr par les positivistes.
Un positivisme ainsi compris est un acte de fuite hors des engage
ments, une chappatoire masque sous la forme d'une dfinition de
la connaissance a. En mme temps, Kolakowski plaide (nous aUons
y revenir) pour l'autonomie relative de Tart et de la religion, tout en
analysant d'ailleurs ces phnomnes avec tout l'arsenal des sciences
humaines d'aujourd'hui. En epistemologie enfin, il cherche une voie
mdiane, tendant une forme de Wissenssoziologie (plus subtile que
celle de Mannheim) qui ne relverait ni de la thorie simpliste du
reflet (Engels et Lnine), ni du recours des modles transcen
dantaux comme chez Husserl.
Bref, on discerne sans peine l'extrme complexit d'une probl
matique mtathorique qui chappe en dfinitive toute classifi
cation ; c'est plus qu'une simple critique du marxisme ou qu'un
rvisionnisme , puisqu'il s'agit d'un humanisme marxiste qui dpasse
Marx ; ce n'est pas du tout un christianisme dguis, puisqu'il s'agit
d'une analyse essentiellement rationaliste du phnomne religieux ;
c'est plutt une forme d'existentialisme athe modeste et discrte ;
c'est srement enfin une philosophie analytique se situant dans la
grande tradition polonaise. Comme le dit trs justement un critique :
Un autre petit livre, datant de 1966, intitul La prsence du mythe, va
peut-tre tre traduit, ce qu'il parat, en franais et en allemand, selon
1
Kline,
2
p. 13.
Kline,
p. 21).
312
HENRY MOTTU
Le prtre et le bouffon
en
IL
LA MTHODE DANS
DE KOLAKOWSKI
313
van der Leeuw), il tient que la religion, pour tre interprte, doit tre
explique et qu'elle peut l'tre en tenant compte de l'ensemble plus
riche qu'est la totalit des besoins sociaux de l'poque, dans leurs
interrelations (p. 51) ; il faut ainsi tenir compte, dans l'analyse des
besoins religieux d'une poque, de l'existence simultane, la
mme poque, d'autres besoins dont seule la totalit est une structure
suffisamment autonome pour constituer un systme de rfrence pour
les tudes dtailles des sciences humaines (p. 50). La religion n'est
donc ni un simple instrument, un masque servant d'autres intrts,
ni un mystre impntrable ; elle est comprhensible, gntiquement
et fonctionnellement, en rfrence une structure sociale globale.
Kolakowski veut donc tenir la fois l'irrductibilit des phno
mnes religieux et la possibilit de les expliquer gntiquement ;
c'est la raison pour laquelle il recourt la notion de besoin, dont
l'ambivalence se voit au fait que le besoin tend s'autonomiser pro
gressivement, tout en prenant des expressions diverses dans la cons
cience sociale selon la conjoncture. Voici la phrase clef : L'homme,
en effet, n'est pas une somme de besoins donns une fois pour toutes ;
sa spcificit rside avant tout dans le processus de prolifration et
d'autonomisation progressive de besoins surgis d'abord en tant
qu'instruments ou particularisation d'autres besoins (p. 49). Ainsi,
l'auteur va-t-il moins exphquer tel phnomne rehgieux par les
contradictions du social que l'analyser en tant qu'ensemble de struc
tures idologiques relativement autonomes, de telle sorte qu'on retire
de la lecture de ce livre l'impression que Kolakowski s'intresse
Je donne ici les points les plus intressants qui me paraissent ressortir
l'introduction (p. 9-68).
1
de
Il
HENRY MOTTU
314
modle idal
DE KOLAKOWSKI
315
Skolimowski, p. 276.
3l6
HENRY MOTTU
DE KOLAKOWSKI
317
Structuralisme
gntique
Kline,
p. 14.
se rfre
la p.
51 de Chrtiens sans
Eglise, et p. 482.
3l8
HENRY MOTTU
III.
Le
dcoupage
de
l'objet tudi
DE KOLAKOWSKI
319
HENRY MOTTU
320
livre s'claire
DE KOLAKOWSKI
321
HENRY MOTTU
322
La rification
: Pierre de Brulle
Une force d'inertie opre dans toute entreprise contre-rformatrice
de rcupration , par quoi les lments assimils commencent insen
siblement prdominer sur le processus d'assimilation lui-mme ;
c'est l une des constantes de la dmonstration de Kolakowski. Le
cas de Brulle, le clbre fondateur de l'Oratoire (1611), est cet
gard exemplaire2. Kolakowski montre subtilement comment Brulle
sut trouver une forme de mysticisme suffisamment discipUn la
fois sous l'angle dogmatique et l'angle organisationnel pour qu'il
puisse pleinement jouer le rle rcuprateur signal. L'auteur tudie
cinq thmes majeurs : l'inachvement de l'homme ; la mission ; Tincarnation ; la thologie pratique et la dification. Le cur de la
dmonstration se trouve dans l'analyse du thme de la mission
et dans celui de l'incarnation.
Le concept de mission (p. 394 ss), en premier lieu, permet
Brulle de faire le lien entre la communication directe et la commu
nication institutionnelle de la grce ; la mission , traduction de
T manation , c'est l'image du rapport capital entre Dieu et tout
ce qui n'est pas Dieu ; mais en mme temps, c'est la justification
directe partir de laquelle s'difie Tordre ecclsiastique romain
(p. 394). Il y a donc un rapport d'imitation au sein mme du mode
par lequel Dieu se communique sur le plan des personnes divines
(procession), de la cration (mission) et de l'Eglise (succession). La
fonction de ce concept est donc claire : fonder l'ide de succession
apostolique, contre les calvinistes, et celle de dpendance par rapport
l'autorit, contre les excs du mysticisme. Au gr d'un savant qui
libre maintenu dans l'ide de communicabiht de Dieu grce au
concept de mission , la dialectique de Brulle cherche viter
la fois l'ide d'un rapprochement excessif avec Dieu, qui pourrait
mener une mystique sans Eglise, et celle d'un loignement trop
de la mystique
)>
DE KOLAKOWSKI
323
copernicienne la
mais une Terre est
humanit vivante en
Cognet, etc.
HENRY MOTTU
324
Chap.
Chap.
VIII
VII
(p. 567-639).
DE KOLAKOWSKI
325
qu'on puisse lui donner un nom (p. 585-586). Aussi, sur le plan du
langage, Dieu ne se rvle-t-U que dans sa ngativit : il est ngation
de la ngation dans Tordre de la connaissance comme dans celui de
l'existence.
Moi-mme je suis l'Eternit, quand j'abandonne
le temps et me saisis en Dieu et Dieu en moi (cit. p. 584).
326
HENRY MOTTU
IV. Conclusion :
La conscience utopique comme conscience malheureuse
Malgr ou plutt cause de ses qualits, on referme ce livre avec
un sentiment mlang, ne sachant ce qu'il faut le plus admirer, le
DE KOLAKOWSKI
327
C'est ainsi que ce livre nous parat tre finalement ambigu, car
si Kolakowski ne cesse de rechercher partout, comme il dit, une
structure intelligible, eidtiquement saisissable , dans chaque objet
considr, il n'en reste pas moins qu'il a tendance rduire cette
structure intelligible elle-mme, soit une impasse inteUectueUe (anti
nomie), soit une impossibuit pratique dans Tordre des conflits
rifis des collectivits (p. 634). La rduction eidtique de la
phnomnologie devient en quelque sorte le prtexte d'une rduction
sociologique pure et simple. Il semble donc que, malgr ses affirma
tions sur l'irrductibilit du phnomne religieux, Kolakowski en
critique et en limite considrablement la porte thorique et his
torique. On a ds lors l'impression qu'il utiUse en quelque sorte la
conscience d'chec des htrodoxes pour ramener toute religion,
tout messianisme la catgorie de l'chec. Ainsi, tout est finalement
contradictoire : la mystique gocentrique, parce que, en faisant
de Dieu un moyen pour l'homme, elle finit par anantir Dieu ; la
mystique thocentrique, parce que, en faisant de l'homme un moyen
pour Dieu, elle utilise l'homme tout en l'anantissant (p. 675) ; la
justification par la foi, parce qu'elle hsite, en croire l'auteur, entre
une dpendance absolue par rapport Dieu et une affirmation absolue
du moi (p. 677) ; l'ecclsiologie rforme, parce qu'elle n'est autre
finalement qu'un projet utopique, coinc entre le sacerdoce universel
et les ncessits de l'institution (p. 779) ; l'ide de tolrance vi
demment 2 ; le dogme de la cration, enfin, puisqu'il oscUle entre
l'ide de rvlation de Dieu (l'Eglise tant envisage comme un ins
trument en vue de l'amendement du monde) et celle de ngation de
Dieu (l'Eglise tant alors considre comme la ngation divine du
monde) (p. 780-782) ; etc. Bref, on aboutit une impasse totale,
non seulement quant au radicalisme rat et retardataire par rap
port aux Lumires de nos marginaux fanatiques, mais aussi quant
la religion et, pour finir, l'existence eUe-mme ; l'utopie, malheur
de la conscience en tant qu'elle projette son idal, qu'eUe indique
un dpassement ncessaire et impossible, se boucle sur l'chec. On
Le dualisme exacerb de l'i esprit et de la nature, qui justifie l'opinion
les
Eglises existantes sont intransformables et inamendables (parce que
que
produits d'un effort naturel , humain ), se manifeste dans cette perspec
tive comme la projection cosmique de la conscience de rformateurs qui sentent
que leurs propres projets de rforme sont vous l'chec , p. 694 (c'est par
ticulirement vrai d'A. Bourignon et de Labadie) ; le monde des choses ,
des appareils leur chappe ; d'o une telle projection de la conscience d'chec.
2 A
propos de laquelle l'ironie de Kolakowski se donne libre cours : 1l
n'y a pas de tolrance pour les adversaires de la tolrance illimite ( propos
de Bredenburg) (p. 282 ; cf. tout le passage intitul Le paradoxe de la tol
rance , p. 280 ss) ; diffrencier tolrance authentique et tolrance conjoncturale (p. 170 ss) ; Les infaillibles ne peuvent tre tolrants envers l'erreur
et les saints, envers Satan ! (p. 217).
1
328
HENRY MOTTU
Tout
se passe
s'chappe elle-mme
2.
Une dernire remarque : ce Uvre
L'Etre
et le
Nant, p. 717.
de
l're
DE KOLAKOWSKI
329
Henry Mottu.
Aperu bibliographique
Individu
infinit. La libert
antinomies de la
libert dans la phUosophie de Spinoza. Varsovie, PWN, 1958.
Non traduit en franais.
3. Chrtiens sans Eglise. Varsovie, PWN, 1965. Seule traduction
franaise d'un des grands ouvrages de l'auteur, 1969.
4. La philosophie positiviste : de Hume au cercle de Vienne. Varsovie,
PWN, 1966. Non traduit en franais. Traduction anglaise : The
Alienation of Reason : A History of Positivist Thought. New
2. Sa thse
5.
et
et les
6.
mand.
8.
9.
traduction anglaise in
330
henry mottu
DE KOLAKOWSKI
33I
Henryk Skolimowski
marxisme polonais,
1971, p. 265-279.
29.
in
:
: