lll
lll
lll
PHILIPPE JAMING
Espaces Lp
1. Définition des espaces Lp
1h
Soit 1 ¤ p 8 un nombre réel et pΩ, B, µq un espace mesuré σ-fini. On défini
" » *
L pΩ, µq f : Ω Ñ C, f µ measurable,
p
|f pxq| dµpxq 8 .
p
Ω
Cette espace est muni de la “norme” donnée par
» 1
}f }p |f pxq| dµpxq
p
p
.
Ω
Pour p 8, on défini
L8 pΩ, µq tf : Ω Ñ C, f µ mesurable, il existe K ¡ 0 telle que |f pxq| ¤ K, µ p.p.u.
On muni cet espace de la “norme”
}f }8 inf tK |f pxq| ¤ K µ p.p.u.
Ceci défini (presque) une norme dans le sens où cette appication vérifie
(i) Pour f P Lp pΩ, µq, on a }f }p ¥ 0 et }f }p 0 si et seulement si f 0 µ-presque
partout.
(ii) Pour f P Lp pΩ, µq et λ P C,o a λf P Lp pΩ, µq et }λf }p |λ}f }p .
(iii) Pour f, g P Lp pΩ, µq, on a f g P Lp pΩ, µq et }f g }p ¤ }f }p }g }p .
Remarque 1.1. Il est important de remarquer que pour le cas particulier p 2, L2 Ω, µq est
un espace de Hilbert et que la norme est associée au produit scalaire
»
xf, gyL pΩ,µq
2 f pxqg pxq dµpxq.
Ω
Exercice 1.2. (1) Soit α P R, pour quels p P r1, 8s a-t-on xα P Lp pr0, 1sq et xα P
L pr1, 8qq.
p
(2) Pour p P r1, 8s, trouver f P Lp pRq telle que f R Lq pRq pour tout q P r1, 8s, q p.
(3) Soit pΩ, B, µq un espace mesuré et 1 ¤ p 8. montrer que f P Lp pΩ, µq, df ptq :
}f }pp
µptx P Ω : |f pxq| ¡ tuq ¤ p .
t
(4) Montrer que
» 8
}f } p tp1 df ptq dt.
p
p
0
Esquisse de démonstration. Notons que (ii) est évident. Pour (i), on utilise le fait que si
une fonction positive a pour intégrale 0, alors elle est nulle presque partout. Le dernier
point (iii) est bien plus subtile (sauf les cas p 1 et p 8 qui sont triviaux et le cas
p 2 quand cela résulte directement de l’inégalité de Cauchy-Schwarz). Nous reportons
la démonstration de ce fait à une section ultérieure. Néanmoins, il est facile de voir que
Lp pΩ, µq est un espace vectoriel puisque
¤ p|f | |g|qp 2p |f | 2 |g| ¤ 2p1 p|f |p |g|p q.
p
|f g |p
espaces sont habituellement dénotés Lp pΩ, µq et nous utiliserons l’abus de langage suivant:
soit f une fonction dans Lp pΩ, µq pour dire soit f˜ P Lp pΩ, µq et soit f P f˜. Ceci est très
confortable (et l’usage en analyse), mais il faut garder en tête que f g signifie f g
µ-presque partout. De plus, si x0 P Ω, alors f px0 q n’a pas de sens puisque µptx0 uq 0.
Bien entendu, si pour une raison ou une autre, f˜ contient une fonction continue (néces-
sairement unique), par défaut, le f P f˜ choisi sera cette fonction continue et f px0 q a son
sens usuel.
Par ailleurs, si µ est la mesure de comptage, i.e. dans `p , ce problème ne se pose pas
puisque µptx0 uq 1.
Remarque 1.5. Insistons sur le fait que f est continue presque partout ne signifie pas que
f˜ contienne une fonction continue. #
1 if x P Q
Par exemple f 1Q i.e. f pxq alors f n’est continue nulle part alors
0 sinon
que f 0 presque partout#i.e. f P 0̃ et bien sûr 0est continues.
if x 0
Prenons aussi f pxq
1
1{x sinon
, alors f est continue presque partout (le seul
point de discontinuité est 0) mais il n’existe pas de fonction g continue sur R telle que
f pxq g pxq pour presque tout x (car alors il existerait xn Ñ 0 tel que f pxn q g pxn q et
on aurait une contradiction en faisant n Ñ 8).
2. Hölder et Minkowski
1h20
Commençons par démontrer une inégalité qui joue un rôle central en analyse et étend
l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Elle est également un élément clé dans la démonstration de
l’inégalité triangulaire pour la norme }}p .
De plus,
— on a égalité dans la première inégalité si et seulement s’il existe θ P R tel que
f pxqg pxq eiθ |f pxqg pxq|.
— si f 0 on a égalité dans la seconde inégalité si et seulement s’il existe un réel λ ¥ 0
tel que
(i) pour 1 p 8, |gpxq| λ|f pxq|p1 µ-presque partout;
(ii) pour p 1, |g pxq| ¤ λ µ-presque partout et |g pxq| λ pour µ-presque tout x tel
que f pxq 0;
(iii) pour p 8, |f pxq| ¤ λ µ-presque partout et |f pxq| λ pour µ-presque tout x tel
que g pxq 0;
4 PHILIPPE JAMING
Exercice 2.4.
Dans cet exercice Ω R muni de la mesure de Lebesgue dx. Pour une fonction f sur R et
λ ¡ 0, on défini une nouvelle fonction fλ sur R par fλ pxq f pλxq.
(1) Exprimer }fλ }p en fonction de }f }p .
(2) Supposons qu’il existe une constante C telle que, pour tous f P Lp pRq, g P Lq pRq,
on a f g P Lr pRq avec
(2.1) }f g}r ¤ C }f }p }g}q
Replacer f, g par fλ , gλ dans (2.1) et faites varier λ entre 0 et 8. Quelle relation
entre p, q, r pouvez vous en déduire.
(3) Supposez maintenant que p, q, r vérifient cette relation. Démontrer (2.1) à l’aide
de Hölder.
Démonstration. Commençons par la première inégalité. Celle-ci est facile lorsque f, g sont
à valeurs réelles mais un peu plus subtile lorsque f, g sont à valeurs complexes. Démontrons
donc le cas général. »
Il existe θ P R tel que eiθ f pxqg pxq dµpxq soit un réel positif. Quitte à remplacer f
Ω»
³ ³
ϕ 0 presque partout, ou plus précisément que si ϕ ¤ ψ et ϕ ψ alors ϕ ψ
presque
partout.
On déduit donc de la dernière inégalité (2.3) que pour µ-presque tout x,
< f pxqg pxq |f pxqg pxq| i.e. f g est à valeurs réelles donc ϕ3 0. Ensuite si on a égalité
»
dans (2.2), ϕ2 pxq dµpxq 0 donc ϕ2 0 µ-presque partout et au final f g ϕ1 ¥ 0 soit
|f g|.
Ω
fg
Démontrons maintenant la seconde inégalité. Lorsque f 0 ou g 0, il n’y a rien à
faire.
Les cas p 1 (donc q 8) et p 8 (donc q 1) sont triviaux. Nous supposons
donc que 1 p 8 de sorte que 1 p1 8 et f, g 0. Ceci nous permet de définir deux
nouvelles fonctions
p1
|f| |g|
p
u and v
}f }p }g}p1 .
Comme log est concave, on obtient, pour 0 α 1, uα v 1α ¤ αu p1 αqv. En
particulier, pour α 1{p, on a
1
|f | |g| ¤ 1 |f |p 1 |g |p
1.
}f }p }g}p1 p }f }pp p1 }g }pp1
Ainsi, l’inégalité de Hölder est en fait une inégalité de convexité. Une autre inégalité de
convexité importante est la suivante:
Théorème 2.5 (Inégalité de Jensen ).
Soit pΩ, B, µq un espace mesuré avec µ une mesure finie. Soit J : R Ñ R une fonction C 1
convexe. Pour f P L1 pΩ, µq, on écrit
»
xf y 1
µpΩq
f pxq dµpxq
Ω
En particulier, soit x tel que J f pxq 0 donc J f pxq 0, et
0 ¤ J f p xq ¤ J 1 pxf yqf pxq J 1 pxf yqxf y J pxf yq
¤ |J 1 pxf yq||f pxq| |J 1 pxf yqxf y J pxf yq|.
Comme f P L1 , |J 1 pxf yq||f pxq| P L1 et µ étant une mesure finie, les fonctions constantes
sont intégrables, donc |J 1 pxf yqxf yJ pxf yq| P L1 . La première assertion est donc démontrée.
Ensuite, intégrons (2.4) pour obtenir
» » »
J 1 pxf yq
J f pxq dµpxq ¥ J pxf yq dµpxq f pxq xf y dµpxq.
1 1
µpΩq Ω µpΩq Ω µpΩq Ω
Mais »
f pxq xf y dµpxq 0.
1
µpΩq Ω
L’inégalité de Jensen s’en suite.
Ce résultat est valable pour toute fonction convexe J puisqu’une telle fonction vérifie
toujours une inégalité de la forme J ptq ¥ J paq cpt aq. Bien sûr c J 1 paq uniquement
si J est différentiable en a.
Notons que l’inégalité de Hölder résulte aussi de celle de Jensen:
tandis que
» » » »
1 1
f pxqg pxq dµpxq f pxqg pxq dµpxq et g pxqp dµpxq g pxqp dµpxq.
Ω Ω1 Ω Ω1
1
pp p1 p1 1 1. Finallement, l’inégalité de Jensen’s avec J ptq |t|p
1
puisque
p
implique
» »
p
1 1
f pxqg pxq dµpxq f pxqp g pxqp g pxqp dµpxq
Ω»
¤ Ω »
p1 1
g pxq dµpxq g pxqp dµpxq
Ω Ω
qui est bien ce qu’on voulait démontrer.
Exercice 2.6.
(1) Montrer que, si J est strictement convexe, on a une égalité dans l’inégalité de
Jensen uniquement si f est constante.
(2) En déduire le cas d’égalité dans l’inégalité de Hölder.
Exercice 2.7. (Inclusion des espaces Lp )
(1) Soeint 1 ¤ p1 p2 ¤ 8. Montre que, si f P Lp1 X Lp2 alors,
(a) pour tous p1 p p2³, f P Lp ,
(b) l’application p ÞÑ log |f |p est convexe sur rp1 , p2 s.
(2) À quelles conditions sur p, q a-t-on l’inclusion `p `q ?
Théorème 2.8 (Inéqualité de Minkowski).
Soient pΩ, B, µq et pΓ, B̃, γ q deux espaces mesurés σ-finis et soit 1 ¤ p 8. Alors, pour
toute fonction f γ b µ-mesurable,
» » p 1 » » 1
p q pq pq ¤ |f px, yq| dγ pxq dµpy q.
p p
(2.5) f x, y dµ y dγ x p
Γ Ω Ω Γ
Γ Ω
est fini.
D’autre part, le théorème de convergence monotone montre que cette quantité tend vers
» » p 1
.
Γ Ω
Nous pouvons donc supposer que cette quantité est également finie.
D’après Fubini (Tonneli),
» » »
H pxqp dγ pxq f px, y q dµpy q H pxqp1 dγ pxq
Γ
»Γ » Ω
Il en résulte que
» » » {
1 p » {
1 1 p
H pxq dγ pxq ¤
p
f px, y q dγ pxq
p
dµpy q H pxqp dγ pxq .
Γ Ω Γ Γ
»
Comme nous avons supposé que H pxqp dγ pxq 0, 8, nous pouvons diviser les deux
Γ
côtés par
» {
1 1 p
H pxqp dγ pxq
Γ
Hölder ( p1 1
p1 1 soit p1 pp 1 ) implique alors
»
|f pxq g pxq|p1 |f pxq| dµpxq
Ω
» 1 p1 » 1
p
avons introduit la norme de L ).
Nous avons donc montré que fkl 1 est convergente pour presque tout x et, avec l’inégalité
triangulaire, |fil 1 | ¤ Fl ¤ F ce qui complète la démonstration.
dénombrable et totale dans X i.e. telle que l’espace vectoriel engendré par D soit dense
i.e. telle que, si x P X alors pour tout ε ¡ 0 il existe x1 , . . . , xN P D et λ1 , . . . , λN P C (ou
R si X est un R-espace vectoriel) tels que }x λ1 x1 λN xN } ε.
Rappelons qu’une tribu peut être engendrée par une famille F i.e. σ pF q est la plus petite
tribu qui contient F, ce sont toutes les parties de Ω obtenues par réunion dénombrable
et passage au complémentaire. Lorsque F est dénombrable, on notera σN pF q l’ensemble
des parties de Ω qui sont obtenues par un nombre dénombrable d’opérattion de réunion,
intersections et passage au complémentaire d’éléments de F et cet ensemble est encore
dénombrable.
Exemple 4.1.
— Lorsque Ω N et F est l’ensemble des parties de la forme t0, . . . , nu, n P N, il est facile
de voir que σN pF q P pNq, l’ensemble des parties de Ω. La même chose est évidemment
vraie lorsque F est l’ensemble des parties finies de F. On obtient ainsi la tribu associée à
la mesure de comptage.
— Lorsque Ω R et F tra, bs : a, b P Qu l’ensemble des intervalles à extrémités
rationnelles, alors σN pF q est presque la tribu borélienne au sens suivant:
Si A est une partie borélienne de mesure de Lebesgue |A| finie,* alors pour tout ε ¡ 0,
il existe Aε P σN pF q tel que |pAzAε q Y pAε X Aq| ε.
En d’autres termes, la mesure de la différence symétrique A∆A» ε pAzAε qYpAε X Aq est
arbitrairement petite, on voit facilement que ceci s’écrit aussi |1A pxq 1A pxq| dx
ε ε.
Notez que ra, bs avec a, b irrationnels de fait pas partie de σN pF q.
Ω
4.2. Un peu plus sur l’intégration de Lebesgue. Soit pΩ, B, µq un espace mesurée σ-
fini. Nous allons supposer une propriété supplémentaire: il existe une famille dénombrable
B̃ B telle que, si A P B, pour tout ε ¡ 0, il existe B P B̃ telle que µpA∆B q ε. Nous
avons déjà vu des exemples ci-dessus.
Rappelons qu’une fonction simple sur Ω est une fonction de la forme
¸
(4.7) spxq ak 1Ak
P
k K
avec K fini et 0 µpAk q 8. On peut de plus supposer que les Ak sont disjoints.
L’intégrale de Lebesgue d’une fonction positive f est définie par
» # +
¸
f pxq dµpxq sup ak µpAk q : s de la forme (4.7) et tels que s ¤ f .
Ω P
k K
Notons que cette quantité peut être 8. Notons qu’on peut ajouter comme condition que
» B̃. Ainsi une famille D0 dénombrable de
les ak soient rationnels et que les Ak soient dans
functions simples positives suffit pour définir f pxq dµpxq.
Ω
Comme dans l’introduction, on étend
³ alors la définition de l’intégrale aux fonctions f à
valeurs complexes à condition que Ω |f pxq| dµpxq 8.
De cette discution, il est clair que l’ensemble dénombrable
D tf1 f2 ipf3 f4 q, f1 , f2 , f3 , f4
P D0 avec f1 , f2 et f3 , f4 à supports disjointsu
a la propriété suivante: soit f une fonction intégrable, alors pour tout ε ¡ 0, il existe
fε fε1 fε2 ipfε3 fε4 q P D tel que
»
|f fε | dµpxq ¤ ε.
Ω
fi ¥ 0 et notons que
fi ¤ |f| donc chaque fi P L pΩ, µq. De plus, si pour ε ¡ 0 on troueve
p
piq
fε P S0 tels que fi fεpiq p ¤ ε alors en posant fε fεp1q fεp2q ipfεp3q fεp4q q, on a
}f fε }p ¤ 4ε. Il suffit donc de supposer que f ¥ 0.
Ensuite, soit fn 1f ¤n f et remarquons que fn Ñ f presque partout et que 0 ¤ fn ¤ f
donc fn Ñ f in Lp pΩ, µq. Notons aussi que fn ¤ n donc fn est bornée. Il existe donc
N tel que }f fN }p ¤ ε. Ainsi, quitte à remplacer f par fN on peut supposer que f est
borné par une constante N .
¤ Soit maintenant pΩn q une suite croissante de parties de Ω de meure finie telles que
Ωn Ω. Posons fn 1Ωn fN de sorte fn Ñ f presque partout et 0 ¤ fn ¤ f donc
fn Ñ dans Lp pΩ, µq. On peut donc supposer que
f est positive, bornée par N et à support Ω̃ de mesure finie ν µpΩ̃q.
On a ici montré que, L8 Ω, µ
p q X Lp pΩ, µq est dense dans Lp pΩ, µq.
ANALYSE 1 13
M 1{p
Écrivons alors r0, N s
j 0 Ij avec Ij rpj {ν q1{p ε, pj 1q{ν εr. ce choix est dicté
par la propriété suivante:
1{p
pj 1q{ν ε pj {ν q1{p ε ¤ p1 j q1{p j 1{p ε{ν 1{p
¤ ε{ν 1{p
puisque 1 ¤ p 8 donc 0 1{p ¤ 1. Pour chaque j, choisissons aj P Ij X Q.
Posons
Bj f pIj q et remarquons que les Bj sont disjoints et recouvrent Ω̃. De plus, pour
1
x P Bj
1{p
¤ f pxq aj ¤ pj 1q{ν 1{p ε aj ¤ ε{ν 1{p .
ε{ν 1{p ¤ j {ν ε aj
En d’autres termes, pour x P Bj , |f pxq aj |p ¤ ε{ν 1{p . Comme les Bj ’s cover the support
de f , pour x tel que f pxq 0, il existe j tel que x P Bj et alors
|f pxq aj |p |f pxq1B pxq aj 1B pxq|p ¤ εp {ν1B pxq.
j j j
¸
M
}f fε }p ¤ aj 1Bj zAj p ¤ N M max µpBj zAj q1{p ¤ ε.
j 1
N °N
Qj U telle que |U z j 1 Qj | ¤ ε. Alors, pour f 1U et fε j 1 1Q , on a j
¤
N
}τa f τa fε }p }fε f }p |U z Qj |1{p .
j 1
On en déduit que
}τa f f }p ¤ }τa f τa fε }p }τa fε fε }p }fε f }p ¤ 3ε1{p
pour peut que a soit assez petit. Nous venons donc de démontrer le r’esultat pour ces f .
Finallement, soit E un ensemble de mesure de Lebesgue finie et ε ¡ 0. Il existe un
ouvert U tel que |E∆U | ¤ ε. Soit f 1E et fε 1U , alors |f fε | 1E∆U , donc
}f fε }p |E∆U |1{p ¤ ε1{p et on conclue comme précédemment.
Étape 2. Conclusion.
Tout d’abord, par linéarité, si f est une fonction simple, f °Nj1 cj 1E , alors
j
¸
N
}τa f f }p ¤ |cj |τa 1E 1E p Ñ 0
j j
j 1
ANALYSE 1 15
quand a Ñ 0.
Enfin, si f P Lp et ε ¡ 0, il existe une fonction simple fε telle que }f fε }p ¤ ε. On
conclue comme précédemment.
6. Le théorème de projection
30min
Les projections jouent un rôle essentiel dans les espaces de Hilbert. Il n’y a malheureuse-
ment rien de tel dans un espace de Banach général, mais une version de ce théorème est
valide dans les espaces Lp :
Théorème 6.1. Soit 1 ¤ p 8 et soit E un sous-espace vectoriel fermé de Lp pΩ, µq.
Pour f P Lp pΩ, µq, soit dpf, E q inf gPE }f g}p . Alors il existe g0 tel que dpf, E q
}f g0 }p .
Remarque 6.2. Notons que si }g }p ¡ 2}f }p alors
}f g}p ¥ }g}p }f }p ¡ }f }p }f 0}p ¥ dpf, E q
puisque 0 P E. Ainsi dpf, E q inf t}f g }p : g P E, }g }p ¤ 2}f }p u.
Si E est un espace de dimension finie, alors l’ensemble tg P E, }g }p ¤ 2}f }p u est compact
puisque fermé et borné. Comme g Ñ }f g }p est continue, l’existence de g0 est immédiate.
Si E est de dimension infini, cet argument n’est plus valide puisque les ensembles fermés
bornés ne sont plus forcément compacts. En fait, le fait que toute partie fermée bornée
d’un espace de Banach soit compacte implique que celui-ci soit de dimension finie (voir
cours d’analyse fonctionnelle).
Démonstration lorsque p ¥ 2. Commençons par rappeler que lorsque p 2 ce théorème
résulte de l’identité du parallélogramme
}u v}22 }u v}22 2}u}22 2}v}22 .
Soit alors gn P E une suite telle que }f gn }2 Ñ dpf, E q. L’identité du parallélogramme
appliquée à u f 2g , v f 2g donne
m n
2
gn gm
}gn } 4
2
gm 2
1
2
}f } 2
gm 2
1
2
}f } 2
gn 2
2
f .
2
Comme gn gm
2 P E, g 2g f 2 ¥ dpf, E q donc
n m
On en déduit que
|f pxq gpxq|p |f pxq g pxq|p |f pxq gpxq|2 r |f pxq gpxq|2 r
¤ |f pxq gpxq|2 |f pxq gpxq|2 r
2r pf pxq|2 |gpxq|2 r ¤ 22r1 pf pxq|2r |gpxq|2r
2p1 pf pxq|p |gpxq|p .
En fait, ceci n’est valable que si |f pxq| et |g pxq| sont finis, mais l’hypothèse f, g P Lp
implique que ceci est le cas pour presque tout x.
Intégrons alors cette inégalité par rapport à µ pour obtenir
}f g}pp }f g }p
p
¤ 2p1 pf }pp }g|pp .
On conclue alors comme dans le cas p 2: on considère une suite gn P E telle que
}gn f }p Ñ dpf, E q et on remplace f par f gn , g par f gm dans cette inégalité. Cela
conduit à
}gn gm }pp ¤ 2p1 pf gn }pp }f gm }pp }2f gn gm }pp
¤ 2p1 pf gn }pp }f gm }pp 2dpf, E q .
Ainsi gn est de Cauchy donc converge. Comme E est fermé, sa limite est dans E et est le
projection cherchée.
Démonstration de (6.8). Ré-écrivons ar br ¤ pa bqr sous la forme 1 pb{aqr ¤ p1 b{aqr ,
ou encore, en posant t b{a, 1 tr ¤ p1 tqr pour tout t ¡ 0. Posons f ptq p1 tqr p1 tr q
pour t ¥ 0. Alors f p0q 0 et f 1 ptq rpp1 tqr1 tr1 q ¥ 0 puisque r ¥ 1 (donc sr1
est croissante).
On utilise la convexité de t Ñ tr pour l’autre inégalité:
r r
br
pa bq r
2 r a
2
b
¤ 2r a 2
comme annoncé.
La démonstration du cas p 2 est plus complexe et requière l’inégalité de Hammer
|}f g }p }f g}p |p |}f g }p }f g}p |p ¤ 2p }f }pp }g}pp
qui est délicate à établir. Nous n’allons pas utiliser ce cas et ne donnerons pas la démonstration
ici.
7. Dualité
La dualité est une des propriétés clé de l’analyse. Notre but est de déterminer le dual
des espaces Lp pΩ, µq, c’est-à-dire de déterminer toutes les applications linéaires continues
de Lp pΩ, µq Ñ C.
Notons que, grâce à l’inégalité de Hölde, il est facile de construire des formes linéaires
continues sur Lp pΩ, µq:
p1
Lemme 7.1. Soit 1 ¤ p ¤ 8 et p1 tel que p1 p1 1. À g P L pΩ, µq on associe
1
l’application »
Φg p f q f pxqg pxq dµpxq.
Ω
ANALYSE 1 17
Alors Φg est une forme linéaire continue sur Lp pΩ, µq. De plus
»
}Φg } : sup f pxqg pxq dµpxq }g }p1 .
} f } p ¤1 Ω
Proof. L’inégalité de Hölder montre que Φg pf q est bien définie pour f P Lp pΩ, µq. Il est
alors évident que Φg est linéaire et l”inégalité de Hölder montre que cette forme linéaire
est continue avec }Φg } ¤ }g }p1 . Enfin, en utilisant le cas d’égalité on obtient bien que
}Φg } }g}p1 .
La but de cette section est de démontrer la réciproque de ce lemme (sauf pour p 8
pour lequel l’espace dual est beaucoup plus compliqué).
Théorème 7.2. Soit pΩ, B, µq une mesure σ-finie. Soit 1 ¤ p 8 et p1 tel que p1 p11 1.
1
Soit Φ P pLp q1 i.e. une forme linéaire sur Lp pΩ, µq. Alors il existe un unique g P Lp pΩ, µq
tel que Φ Φg , c’est-à-dire
»
Φpf q f pxqg pxq dµpxq.
Ω
pour tout f P Lp pΩ, µq. En particulier }Φ} }g }p1 .
Remarque 7.3. Insistons sur le fait que pour p 8 ce résultat est faux. Le dual de
L8 pΩ, µq (sauf quand Ω est fini) est un espace bien plus difficile à décrire que L1 pΩ, µq.
Commençons par le plus simple.
1
Démonstration de l’unicité de g. Soient donc g1 , g2 P Lp tels que Φg1 Φg2 . En d’autres
termes, en posant g g1 g2 , pour tout f P#Lp , Φg pf q 0.
p 1 2
Si p ¡ 1, alors p1 8, on pose f pxq 0|gpxq| gpxq ifif ggppxxqq 0 . Comme |f |
0 p
d’après le théorème de Riesz, L2 pΩ, µq est son propre dual. Plus précisément, pour toute
application linéaire Φ, il existe un unique h P L2 pΩ, µq tel que, pour tout f P L2 pΩ, µq
»
Φpf q xf, hy : f pxqhpxq dµpxq Φg pf q
Ω
18 PHILIPPE JAMING
avec g h̄. Nous allons maintenant utiliser ce fait pour démontrer le théorème dans le cas
1 ¤ p 2.
Nous donnerons ensuite une autre démonstration, basée sur le théorème de projection
et qui s’inspire directement de la démonstration classique du théorème de Riesz.
Il résulte de (7.9) que, pour tout f P L2 pΩ, µq, f w P Lp pΩ, µq avec }f w}p ¤ }w}r }f }2 .
Ainsi, l’operateur Tw : L2 Ñ Lp défini par Tw f wf est borné.
Maintenant, soit Φ P pLp q1 , une forme linéaire continue sur Lp pΩ, µq. Alors ΦTw est
une forme linéaire continue sur L2 pΩ, µq. D’après le théorème de Riesz, il existe alors
G P L2 pΩ, µq tel que ΦTw ΦG : pour tout f P L2 pΩ, µq,
»
ΦTw f Φpf wq f pxqGpxq dµpxq.
Ω
Considérons alors l’ensemble S tϕ P Lp pΩ, µq : ϕ{w P L2 pΩ, µqu. Notons que S est
L pΩ, µq. En effet, si f P L pΩ, µq et ε ¡ 0, il existe N tel qu’en écrivant
p p
dense dans
ΦN n¤N Ωn fN f 1ΦN 1|f |¤N , et }f fN }p ¤ ε (notez qie fN Ñ f p.p. et que
|fN | ¤ f donc fN Ñ f dans Lp ). De plus, pour x P ΦN , il existe n ¤ N tel que x P Ωn .
Ainsi wpxq αn ¥ αN puisque les αn ont été choisis décroissants. Par suite
#
|fN pxq| ¤ 0 si x R ΦN
w p xq si x P ΦN
N
.
αN
Ainsi fN {w est borné avec un support de mesure fini donc dans L2 pΩ, µq i.e. fN P S.
Mais alors, pour ϕ P S, on peut écrire ϕ f w avec f ϕ{w P L2 . Doonc
» »
Gpxq
Φpϕq Φpf wq f pxqGpxq dµpxq ϕpxq dµpxq Φg pϕq
Ω Ω w p xq
1
avec g : G{w. Il nous reste à démontrer que g P Lp pΩ, µq. En effet, si c’est le cas Φg
est une forme linéaire continue sur Lp . On a Φ Φg sur S qui est dense dans Lp . Par
continuité de Φ et Φg , on aura donc Φ Φg sur tout Lp , qui est exactemetn ce que nous
souhaitons démontrer..
1
Montrons donc que g P Lp pΩ, µq. Pour cela, distinguons deux cas:
ANALYSE 1 19
2p
2. Posons κ et remarquons que κ 2
p1
Commençons par le cas 1 p
D’autre part, Φ est continue sur Lp pΩ, µq donc, pour tout ϕ, |Φpϕq| ¤ }Φ}}ϕ}p , en partic-
ulier
» {
1 p
|ΦpϕN q| ¤ }Φ}}ϕN }p }Φ} |g|pκ pxq1|g|¤N pxq1Φ pxq dµpxq
N
Ω
» {
|g|p1 pxq1|g|¤N pxq1Φ pxq dµpxq
1 p
} Φ} N
.
Ω
Lemme 7.4. Soit pΩ, µq un espace mesuré et 1 p 8. Soient f, g P Lp pΩ, µq. Pour
t P R, définissons
N ptq }f tg}pp .
Alors Φ est dérivable en 0 de dérivée
»
N 1 p0q p |f ptq|p2 Re f ptqgptq dµptq.
Ω
Démonstration du lemme. Le point de départ est le fait suivant sur les nombres complexes,
si a, b P C alors
lim
|a tb|p |a|p p |a|p2 pā b a b̄q.
tÑ0 t 2
Lorsque a 0, le membre de gauche est interpété comme étant 0 (ce qui est naturel par
prolongement par continuité) et cette identité est triviale. Si a 0, on écrit
p{2
ϕptq : |a tb|p p|a tb|2 qp{2 |a|2 2tpā b a b̄q t2 |b|2
lim
|a tb|p |a|p
ϕ1 p0q p2 |a|p2 pā b a b̄q.
tÑ0 t
Ensuite, on remarque que s Ñ |s|p est convexe donc
et
p
|f |p 1 1 t pf tg q
1
t
t
pf gq ¤ 1 1 t |f tg |p
1
t
t
|f g|p
d’où
|f |p |f g|p ¤ |f tg |p |f |p
t
¤ |f g |p |f |p
donc
|
f tg |p |f |p
¤ |f | |f g |p |f g|p P L1
p
t
ANALYSE 1 21
– d’après le lemme précédent, N est dérivable en 0 donc N 1 p0q 0 et, d’après l’expression
de N 1 p0q, »
N 1 p0q p |f pxq|p2 <f pxqgpxq dµpxq 0.
Ω
Nous venons donc de montrer que, pour tout g P Lp , avec Lpg q 0,
»
< |f pxq|p2 f pxqg pxq dµpxq 0.
Ω
Notons que, si g P Lp est tel que Lpg q 0 alors ig P Lp et Lpig q iLpg q 0 donc
»
<i |f pxq|p2 f pxqg pxq dµpxq 0.
Ω
En combinant les deux »
|f pxq|p2 f pxqgpxq dµpxq 0.
Ω
1 1
Finalement, définissons f˜pxq |f pxq|p2 f pxq et remarquons que |f˜|p |f |pp1qp |f |p
p1
1
donc f˜ P Lp avec f˜ 1 }f }p . Nous venons donc de montrer que pour tout g P Lp pΩ, µq
p
0 Φf˜pg q Φf˜ h Lphqf Φf˜phq LphqΦf˜pf q Φf˜phq Lphq}f }pp .
Comme Lpf q 1, f 0 donc }f }pp 0 et on conclue que
Lphq
}f }p Φf˜phq Φf˜{}f } phq
1
p
p
p
qui est le résultat souhaité.
Univ. Bordeaux, IMB, UMR 5251, F-33400 Talence, France. CNRS, IMB, UMR 5251, F-33400
Talence, France.
Email address: Philippe.Jaming@math.u-bordeaux.fr