SOMMAIRE
Avant-propos
M. Hamady BOCOUM, Directeur du Patrimoine culturel du Sénégal ; M. Christian SAELENS, Délégué
Wallonie-Bruxelles, Sénégal ........................................................................................................................................ 5
Déclaration de Dakar sur Villes et patrimoine ....................................................................................................... 9
Recommandations des ateliers ................................................................................................................................. 12
Programme de la Conférence .................................................................................................................................... 15
Cérémonie d’ouverture
M. Christian SAELENS, Délégué Wallonie-Bruxelles, Sénégal .......................................................................... 18
M. Hamidou KASSE Président du Comité scientifique du XVème Sommet de la Francophonie, Sénégal 22
M. Birane NIANG, Secrétaire général, Ministère de la Culture et de la communication, Sénégal ............... 24
Plénière introductive
Mme. Ann-Thérèse NDONG-JATTA, Directrice du Bureau Régional de l’Afrique de l’Ouest/Sahel,
UNESCO .................................................................................................................................................................... 27
M. Freddy JORIS, Administrateur général de l'Institut du Patrimoine Wallon .............................................. 31
M. Francis METZGER, Vice-Doyen de la Faculté d’Architecture, Université Libre de Bruxelles............... 35
M. Pierre BAILLET, Secrétaire permanent de l’Association Internationale des Maires Francophones
(AIMF) ......................................................................................................................................................................... 38
M. Abdoulaye KANE, Conseiller culturel du Maire de Dakar, Sénégal............................................................. 42
Atelier 1 : Stratégies patrimoniales
M. Habib KAZDAGHLI, Historien et Doyen de la Faculté des Lettres, Arts et des Humanités de
l'Université de Manouba, Tunisie ............................................................................................................................ 47
M. Sylvain TIEGBE, Directeur de la Maison du Patrimoine de Grand Bassam, Côte d’Ivoire ................... 52
M. Felix NYEMBO, Directeur coopération et patrimoine-Ministère de la Culture, RDC. ............................ 58
M. Lassana CISSÉ, Directeur National du Patrimoine culturel du Mali .......................................................... 61
Prof. Abdoul SOW, Enseignant-Chercheur, UFR Civilisations, Religions, Arts et Communication
(CRAC), Université Gaston Berger, Saint-Louis, Sénégal ................................................................................... 64
Atelier 2 : Patrimoine et Développement
M. Yves ROBERT, Chargé de cours. Faculté d'Architecture, Université Libre de Bruxelles, Belgique ...... 71
M. Jellal ABDELKAFI, Président de l'Association des Urbanistes tunisiens, Tunisie ................................... 76
1
Mme Sara TASSI, Chercheuse FNRS, au sein du centre de recherche « Habiter » (Pôle "Architecture,
Patrimoine, Développement"), Université Libre de Bruxelles, Belgique. .......................................................... 82
Prof. IPARA MOTEMA Joel, Directeur de recherche -Institut des musées nationaux du Congo, RDC . 86
M. Gheorghe PATRASCU, Architecte en chef de la ville de Bucarest, Roumanie ......................................... 89
Mme Daniela CALCIU, Enseignante à Université d'Architecture et Urbanisme "Ion Mincu", Bucarest,
Roumanie ..................................................................................................................................................................... 93
Mme Wolette THIAM, Architecte et Urbaniste DPLG-BR, Responsable Sous-commission
Aménagement des sites construction et pavoisement, Délégation Générale de la Francophonie, Sénégal 96
Mme. Marie-Caroline CAMARA, Présidente de l’Association Entre’Vues, Saint Louis, Sénégal ................. 98
M. Monceyf FADILI, Conseiller ONU-Habitat, Rabat, Maroc .......................................................................101
M. Abdoul Aziz DIOP, Architecte, Chargé de projets à la Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture,
Sénégal .........................................................................................................................................................................104
M. Aly SINE, Doctorant en cotutelle, Université Gaston Berger, Université Libre de Bruxelles, Directeur
adjoint des services techniques, Commune de Saint-Louis, Sénégal ...............................................................107
Prof Ibrahim BAO Enseignant-Chercheur, UFR Sociologie des civilisations rurales au Sénégal, Université
Gaston Berger, Sénégal ...........................................................................................................................................110
Mme Selma ZERHOUNI, Directrice générale architecture du Maroc. ...........................................................112
M. Etienne DIENE, Architecte DPLG Paris La Villette ..................................................................................114
Mme Edwige KABORE, Maître assistante d’histoire de l’art – Burkina Faso ...............................................117
Atelier 3. Qualifications et Compétences
Mme Catalina PREDA, Architecte, ICOMOS, Roumanie ...............................................................................122
M. Fodé DIOP, Président de l'Ordre des Architectes au Sénégal ....................................................................124
M. William ANCION, Président des Journées du Patrimoine de Wallonie ....................................................129
M. Daophet BOUAPHA, Directeur général du Comité de Recherche et de Promotion des fonds de
développement de la ville de Vientiane, Laos. ......................................................................................................132
M. Daouda KEÏTA, Archéologue-Préhistorien, Maître-Assistant à la Faculté d'Histoire et Géographie de
l'Université des Sciences Sociales et de Gestion de Bamako, Mali ; M. Mamadi DEMBELE Directeur de
Recherche à Institut des Sciences Humaines de Bamako ; responsable du Programme « étude de
sauvegarde du patrimoine culturel menacé », Mali ............................................................................................133
Mme Arianna ARDESI, Chargée de programme (AIMF), France .................................................................137
Clôture
M. Jean-Charles TALL, Professeur. Collège Universitaire d’Architecture de Dakar ....................................140
Mme Penda MBOW, Représentante du Chef de l’Etat du Sénégal auprès de la Francophonie. .................142
Liste des participants.................................................................................................................................................144
2
Nota Bene :
Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent
n’impliquent de la part de WALLONIE-BRUXELLES INTERNATIONAL ni de ses partenaires une
prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni
quant au tracé de leurs frontières ou limites.
Les idées et les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs ; elles ne reflètent pas
nécessairement les points de vue de WALLONIE-BRUXELLES INTERNATIONAL ni ceux de ses
partenaires
Dans le cadre du partenariat avec WALLONIE-BRUXELLES INTERNATIONAL, les actes « Villes en
développement : politiques de restauration et de valorisation des paysages urbains historiques en Afrique
et dans l’espace francophone. Enjeux d’un réseau francophone du patrimoine, de l’architecture et de
l’urbanisme» ont été préparés par l’unité culture dans le Bureau régional de l’UNESCO de l’Afrique de
l’Ouest/Sahel à Dakar http://www.dakar.unesco.org
Coordination et Suivi :
Christian Saelens, Délégué WALLONIE-BRUXELLES au Sénégal
Guiomar Alonso Cano
Chef unité Culture Bureau régional UNESCO à Dakar
Edition et infographie
Khadiatou L. Almaz Camara
Document téléchargeable en format PDF à :
http://www.wbi.be/dakar
http://www.aimf.asso.fr
www.institutdupatrimoine.be
Tous droits réservés
© WALLONIE-BRUXELLES INTERNATIONAL
3
Perspective ancienne et nouvelle construction, Dakar- Plateau, Sénégal
©WALLONIE-BRUXELLES
4
Avant-propos
Hamady BOCOUM
Directeur du Patrimoine
culturel du Sénégal
Christian SAELENS
Délégué Wallonie-Bruxelles
au Sénégal
L
d’habitants. En 2025, cette barre-plancher
devrait atteindre celle des 3 millions. Certaines
capitales
africaines
seront
devenues
hypertrophiques par rapport aux autres villes de
leur territoire, créant ainsi un déséquilibre
territorial et socio-économique majeur pour leur
pays. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, une
personne sur trois vivra à Dakar et à Abidjan.
Au-delà même de la croissance des grandes
capitales, on se rend compte que ce phénomène
urbain est solidement installé : la croissance
démographique urbaine sera en grande partie
portée par les villes (historiques ou nouvelles) de
taille secondaire.
a Conférence sur les villes en
développement et la valorisation du
patrimoine ainsi que la présente
publication des actes qui en résultent s’inscrivent
dans le cadre global de la préparation
intellectuelle du XVème Sommet des Chefs
d’Etat et de Gouvernement de la Francophonie.
Après Kinshasa en 2012, l’Afrique accueille pour
la deuxième fois consécutive le Sommet de la
Francophonie. C’est aussi pour la deuxième fois
en 25 ans que Dakar accueille ce Sommet.
Dakar et les communes environnantes sont
inscrites dans une géographie péninsulaire
remarquable et constituent un formidable
témoin historique qui remonte bien avant leur
fondation urbaine et la période coloniale.
Cette urbanisation rapide et mal maîtrisée des
capitales
et
autres
villes
historiques
s’accompagne d’une densité de construction
excessive, d’une disparition de l’espace public et
des équipements urbains avec une inadaptation
des infrastructures, et un risque croissant de
catastrophes naturelles liées au climat et aux
conditions d’occupation de l’espace. Ceci
constitue un sérieux défi pour les États et les
autorités locales et, dans cette perspective de
transformation accélérée, une des questions sera
la préservation des qualités historiques et
patrimoniales des centres existants et
l’ »urbanité » qualifiante de certains de leurs
paysages (ensembles urbains) qui participe à la
culture identitaire d’une société.
Mais, si lors de la Conférence il a été question du
patrimoine de la capitale sénégalaise, il s’agissait
aussi et surtout d’échanger parmi une soixantaine
d’experts sénégalais et internationaux autour de
situations et d’expériences de valorisation
patrimoniale dans d’autres grandes villes
francophones historiques à travers tous les
continents.
Plus de la moitié de la population mondiale vit
aujourd’hui en milieu urbain. Dans 30 ans, 70%
de l’humanité vivra dans des villes. Pour leur
part, les territoires urbains du continent africain
subissent une extension exponentielle, avec la
croissance la plus élevée du monde. Les villes de
ce continent recevront, au cours des vingt
prochaines années, 300 millions de nouveaux
habitants. Plus d’un Africain sur deux résidera en
ville à l’horizon 2030… Entre 2010 et 2020, la
croissance moyenne des grandes villes sera de
51%. En 2010, les 21 plus grandes villes
africaines dépassaient toutes 2 millions
Le patrimoine urbain, dans ses éléments
matériels et immatériels, constitue une ressource
essentielle pour renforcer l’habitabilité des zones
urbaines, et favorise le développement
économique ainsi que la cohésion sociale. Le
patrimoine
culturel
est
moteur
de
développement. La conservation du patrimoine
urbain s’impose aujourd’hui comme un volet
important des politiques publiques africaines en
5
réponse à la nécessité de préserver les valeurs
partagées et de tirer parti du legs de l’histoire. Il y
a dès lors nécessité, sinon urgence, de
réinventer, de repenser la ville africaine, à partir
d’elle-même, de ses fondations, de son histoire,
de sa contemporanéité, dans la perspective d’un
véritable développement durable, pour les
générations montantes en particulier.
préoccupations des sociétés contemporaines.
La contribution de la Francophonie
En ce domaine, la Francophonie a très
certainement un rôle accru à jouer en dégageant
de meilleures convergences d’action, au sein de
son espace historique, au regard de ses priorités
en matière de :
-
La reconnaissance et la gestion du paysage
urbain historique
Plus de quarante ans après l’adoption de la
Convention du patrimoine mondial, instrument
normatif phare de l’UNESCO pour la
conservation du patrimoine culturel et naturel de
l’humanité, les villes historiques constituent la
plus importante « catégorie » de biens inscrits sur
la Liste du patrimoine mondial avec, à ce jour,
plus de 240 sites sur un total de 1007. Cette
Convention appelle les États parties « à assigner
une fonction au patrimoine culturel et naturel
dans la vie collective, et à intégrer la protection
de ce patrimoine dans les programmes de
planification générale ».
-
-
développement durable, notamment en
relation avec la réalisation des Objectifs
du Millénaire pour le Développement
(OMD)
de gouvernance et de citoyenneté,
d’éducation et de formation des jeunes
et d’enseignement supérieur afférant
aux nombreuses qualifications et
compétences recherchées,
et de promotion de la diversité culturelle
et patrimoniale.
Le XVème Sommet de la Francophonie à Dakar
offre l’opportunité d’appréhender les réalités
d’un développement urbain exponentiel qui
risque de mettre définitivement en péril une
diversité patrimoniale historique, déjà largement
dégradée. Or celle-ci est d’une importance
capitale car elle a contribué à forger l’identité des
peuples du continent. La Francophonie
aujourd’hui réunit 57 Etats et gouvernements et
20 pays associés ou observateurs à travers le
monde, représentant quelque 220 millions de
francophones et, dans 40 ans, 700 millions de
locuteurs, dont la grande majorité vivra et
travaillera en Afrique.
Cependant, la valorisation du patrimoine dépasse
la catégorie des villes historiques pour embrasser
une cause plus large, en milieu urbain en
particulier. En 2011, l’UNESCO adoptait une
recommandation sur le paysage urbain
historique. Celle-ci met en exergue la diversité et
la créativité culturelles comme des atouts
essentiels pour le développement humain, social
et économique, et offre des outils pour gérer les
transformations physiques et sociales et faire en
sorte que les interventions contemporaines
s’intègrent au patrimoine de façon harmonieuse
dans un cadre historique et territorial local et
régional. L’approche centrée sur le paysage
urbain historique s’inspire des traditions et
conceptions des communautés locales tout en
respectant les valeurs des communautés
nationales et internationales.
Objectifs, organisation et Déclaration de la
Conférence
L’objectif de la Conférence a consisté à
contribuer de manière concrète à la valorisation
du patrimoine, de manière générale, et plus
particulièrement en milieu urbain compte tenu
du développement rapide des villes dans les pays
« sud », en relation avec les compétences et
politiques de la Francophonie et de ses Etats
membres.
La question du patrimoine répond ainsi à une
réalité historique dont l’appréhension peut être
diversement appréciée dans les sociétés
humaines et dans le temps. Un consensus
théorique peut aisément se forger autour du
patrimoine en tant qu’enjeu de la mémoire
collective et de la diversité culturelle des
communautés, au sein de l’espace francophone
en particulier, mais un examen plus attentif de la
question met aussi en exergue d’autres enjeux
qui semblent répondre davantage aux
Plus précisément, la Conférence a formulé des
recommandations opérationnelles en atelier et en
plénière à destination de la Francophonie et de
ses membres. La Conférence a également
examiné l’opportunité de constituer un réseau
francophone de réflexion sur les politiques
patrimoniales urbaines, de renforcement
capacitaire (d’acquisition des méthodes et des
outils de connaissance et de planification), de
6
formation et d’enseignement,
d’expertises et d’expériences.
d’échange
du patrimoine, notamment par la promotion et
le renforcement de filières professionnelles ainsi
que la reconnaissance du rôle de la société civile
en vue d’une appropriation collective et partagée
de la valorisation patrimoniale.
La séance plénière a offert un cadrage des
débats en ateliers qui à leur tour ont alimenté les
réflexions et débats en vue de l’adoption de
recommandations (la Déclaration) pratiques,
lisibles et opérationnelles à terme (le pourquoi,
mais surtout le comment faire). Chacun avait un
rôle à y jouer : les intervenants en plénière, les
animateurs d’ateliers, les communicants et les
participants avec leurs contributions (orales et
écrites, reprises ci-après). Les 3 ateliers ont eu
pour thème :
Il est enfin fait appel à la création d’un réseau
francophone transversal du patrimoine afin de
mutualiser les compétences, de favoriser les
échanges
d’expériences
et
de
veiller
solidairement à la protection du patrimoine au
sein de l’espace francophone.
La présente publication, laquelle reprend une
quarantaine d’interventions en plénière, de
communications et de contributions ainsi que la
Déclaration de la Conférence de Dakar, est
transmise aux autorités de la Francophonie, à ses
opérateurs, aux Etats membres et observateurs
et aux organisations associations internationales
en charge des questions patrimoniales.
1) Les stratégies patrimoniales. Quelles
stratégies patrimoniales face aux
menaces sur les villes africaines et dans
l’espace francophone. Quels défis à
relever ?
2) Patrimoine et développement. Quels
moyens et quelles pratiques mettre en
place pour la valorisation de l’usage
contemporain et fonctionnel du
patrimoine en tant qu’espace public,
privé ou commun ?
3) Qualifications et compétences : quels
échanges et programmes de coopération
académique et professionnelle dans
l’espace francophone ?
Par leur mobilisation commune, les partenaires
ont permis l’organisation de cette Conférence.
Que soit remerciés ici la soixantaine d’experts
sénégalais et internationaux provenant d’une
douzaine de pays. Que soient remerciés la Ville
de Dakar, l’UNESCO - le Bureau régional de
Dakar
en
particulier
-,
l’Association
internationale des Maires francophones (AIMF)
pour son expertise et mobilisation d’experts
internationaux, aux côtés des importants moyens
financiers et humains mobilisés par WallonieBruxelles international, la Direction du
Patrimoine culturel et les autorités sénégalaises
du XVème Sommet.
La question des réseaux de veille, d’échanges
d’expériences,
d’expertises,
d’outils
méthodologiques et de bonnes pratiques y est
abordée de manière transversale. Il y est plus
particulièrement question de la mise en place
d'un réseau francophone du patrimoine, de
l'architecture et de l'urbanisme.
Nous tenons également à remercier l’Ambassade
de Roumanie à Dakar, l’Agence universitaire de
la Francophonie (AUF), l’Institut du Patrimoine
wallon (IPW), la Faculté d’Architecture La
Cambre Horta de l’Université libre de Bruxelles
(ULB) ainsi que les autres missions
diplomatiques et organisations qui y ont pu
apporter leur soutien.
Les travaux de la Conférence et la Déclaration
qui en est issue sont une contribution aux débats
et orientations du XVème Sommet de la
Francophonie. Au-delà de la mise en œuvre des
instruments normatifs et de la valorisation des
politiques patrimoniales dans les stratégies de
développement des États et des collectivités, la
Déclaration préconise le renforcement des
compétences de la grande diversité des acteurs
7
Perspective de la ville de Barcelone, Espagne
©WALLONIE-BRUXELLES
8
Déclaration de Dakar sur les villes en
développement et la valorisation du
patrimoine
Nous, participants à la Conférence internationale sur le thème :
Villes en développement : politiques de restauration et de valorisation des paysages urbains historiques en
Afrique et dans l’espace francophone.
Enjeux d’un réseau francophone du patrimoine, de l’architecture et de l’urbanisme
Evénement préparatoire au XVe Sommet de la Francophonie, tenu à Dakar les 7, 8 et 9 juillet 2014
Préambule
Considérant que la problématique des paysages urbains historiques a été reconnue par l'UNESCO en 2011
comme une composante majeure en matière de protection, de sauvegarde et de valorisation des
établissements humains.
Rappelant le lien étroit entre les patrimoines culturels et le développement dans ses dimensions
économiques, sociales, environnementales et culturelles, et s'inscrivant dans la démarche des
Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Soulignant que la présente déclaration se veut une contribution aux travaux et débats du XVe Sommet de la
Francophonie et une sensibilisation de ses instances à l'enjeu des patrimoines.
Constatant le rôle que devraient jouer les patrimoines dans un contexte d'expansion des villes et des
territoires, et prenant acte du caractère urgent de leur sauvegarde et de la nécessité d'adopter par la
Francophonie des dispositifs adaptés.
Saluant les efforts déjà engagés par l’Association internationale des Maires francophones dans ce domaine.
Nous, partenaires et experts représentant les institutions nationales et internationales, participants à la
conférence "Villes en développement: politiques de restauration et de valorisation des paysages urbains
historiques en Afrique et dans l'espace francophone. Enjeux d'un réseau francophone du patrimoine, de
l'architecture et de l'urbanisme ", qui s'est tenue du 7 au 9 juillet 2014 à Dakar, en vue de la tenue du XVe
Sommet de la Francophonie,
Formulons les recommandations suivantes:
1. Engager les Etats à développer et mettre en œuvre les instruments normatifs et réglementaires et
veiller à leur mise à jour ;
2. Intégrer la sauvegarde et la valorisation des patrimoines dans les politiques de développement ;
3. Encourager les pouvoirs publics à développer des programmes pour inventorier, consigner,
diffuser l’information afin de protéger par le droit le patrimoine de l’espace francophone, aussi
bien matériel qu’immatériel ;
9
4. Développer et renforcer les compétences des opérateurs du patrimoine par la création et la
labellisation d’institutions de référence en matière de formation, recherche et de développement
des savoir-faire ;
5. Etablir des modes opératoires dans un cadre contractuel précisant les relations entre l'Etat, les
collectivités locales et toutes les parties prenantes en matière de protection du patrimoine, pour un
aménagement et un développement intégrés des villes et des territoires ;
6. Promouvoir l’acquisition et la mise en œuvre des compétences par la formation de tous les acteurs
de la préservation du patrimoine urbain, y compris les décideurs politiques. Accorder une
certification aux professionnels afin de garantir et de favoriser l’emploi et les compétences des
personnes aux divers stades d’interventions ;
7. Promouvoir et renforcer les filières professionnelles liées aux métiers du patrimoine, aux services
associés et du tourisme durable, dans le cadre des politiques de création d'accès à l'emploi, en
particulier des femmes et des jeunes, et du développement des activités génératrices de revenus ;
8. Sensibiliser la société civile pour lui permettre de jouer un rôle actif dans la préservation du
patrimoine. A cet égard, le développement de Journées du Patrimoine s’appuyant sur des
bénévoles locaux, la réalisation d’outils pédagogiques adaptés et la sensibilisation des jeunes à
travers les écoles et les instituts de formation, sont autant de moyens à exploiter, notamment avec
l’appui des professionnels des secteurs concernés ;
9. Accorder à la société civile la place et le rôle qui lui reviennent par la mise en place d'outils
appropriés de concertation, et ce, en vue d'une appropriation collective et partagée, condition à la
pérennité des programmes et projets liés au patrimoine, dans le cadre de la participation
citoyenne ;
10. Promouvoir et développer les mécanismes existants au niveau des Institutions de la
Francophonie, pour une meilleure prise en compte de la sauvegarde et mise en œuvre des
patrimoines ;
11. Créer un réseau francophone transversal du patrimoine afin de mutualiser les compétences, de
favoriser les échanges d’expériences et veiller solidairement à la protection du patrimoine dans
l’espace francophone en étroite collaboration avec l’AIMF et toutes autres organisations
internationales et nationales compétentes.
10
Photo de groupe de la conférence Villes et patrimoine Dakar, Sénégal
© WALLONIES-BRUXELLES
11
Recommandations des ateliers
Atelier 1 « Stratégies patrimoniales »
Une stratégie pour la préservation et la mise en
valeur du patrimoine qui s’organise autour des
lignes de cohérence suivantes :
-
-
6/ Promouvoir une gestion participative visant
l’appropriation et la valorisation du patrimoine
notamment en direction des jeunes et des
femmes pour assurer la pérennité des actions à
entreprendre.
Un objet : connaître ce que l’on
protège, l’identifier et l’étudier
Des
moyens :
partage
des
compétences,
savoir-faire
et
ressources
Une
approche :
participative
promue par des acteurs publics et
privés
7/ Créer un réseau francophone du patrimoine
afin de mutualiser les efforts, favoriser les
échanges d’expériences et veiller à leur
protection
Atelier 2 « Patrimoine et développement »
Pour atteindre ces objectifs il est nécessaire de
mettre en place une politique forte qui devra
prendre en compte les recommandations
suivantes :
Eléments de préambule
Considérant que les enjeux de la conservation et
de la mise en valeur du patrimoine représentent
un réel défi à l’échelle nationale et internationale;
Soulignant l'importance de la prise en compte des
politiques du patrimoine dans une démarche de
développement transversale et globale, intégrant
la culture et les savoirs, la cohésion sociale, le
développement économique et l'environnement ;
1/ Engager les Etats à mettre en œuvre les
instruments normatifs de manière cohérente et
durable et ce faisant, d’intégrer la sauvegarde et
la valorisation du patrimoine dans leurs
politiques de développement.
2/Encourager les pouvoirs publics à développer
des programmes pour inventorier, consigner et
diffuser l’information afin de protéger le
patrimoine de l’espace francophone aussi bien
matériel qu’immatériel qui l’accompagne.
1/Nous attirons l'attention des responsables
politiques des Etats sur la nécessité d'un cadre
juridique couvrant la protection des patrimoines
à tous les niveaux, de l'échelle du cadre bâti aux
paysages urbains. Nous recommandons, en
outre, l'élaboration de dispositions claires et
opposables pour permettre une application
efficace de ce cadre.
3/ Développer et renforcer les compétences des
opérateurs du patrimoine avec notamment la
création/ labellisation d’institutions de référence
(Bourse, formation, recherche et développement
des savoir-faire locaux et traditionnels).
2/Nous rappelons le lien étroit et
complémentaire entre l'Etat, les collectivités
territoriales et les pouvoirs locaux dans
l'élaboration des documents de planification et
de leur mise en œuvre, pour une gestion urbaine
maîtrisée et une gouvernance locale durable au
service du patrimoine.
4/Initier et mettre à jour un cadre législatif et
réglementaire ainsi que des dispositifs
d’application qui protègent le patrimoine urbain.
5/ Promouvoir et développer les mécanismes
existants au niveau des institutions de la
francophonie (Bourses, formation, recherche et
développement des savoir-faire locaux et
traditionnels)
3/Nous demandons d'accorder à la société civile
la place et le rôle qui lui reviennent par la mise
en place d'outils appropriés de concertation, et
ce, en vue d'une appropriation collective et
12
Patrimoine s’appuyant sur des bénévoles locaux,
la réalisation d’outils pédagogiques adaptés et la
sensibilisation des jeunes à travers les écoles,
sont autant de moyens à exploiter et ce dernier
devrait l’être avec l’aide des Ordres nationaux
des architectes.
partagée, condition à la pérennité des
programmes et projets liés au patrimoine, dans le
cadre de la participation citoyenne.
4/Nous interpellons les Etats sur la nécessité de
favoriser la mise en place d'un cadre
d'intervention sur la base de l'identification
d'actions prioritaires en faveur du patrimoine
urbain et de sa valorisation, des processus
d'accompagnement, de suivi et d'évaluation y
afférents.
3/La formation et la sensibilisation des
décideurs, des acteurs, des jeunes et des
populations seraient vaine en l’absence de
législations précises sur la gestion du Patrimoine
urbain mais surtout de législations respectées, ce
qui passe par des services administratifs dotés de
moyens humains et financiers appropriés.
5/Nous recommandons l'établissement de
modes opératoires dans un cadre contractuel
précisant les relations entre l'Etat, les
collectivités locales et toutes les parties prenantes
en matière de protection du patrimoine, pour un
aménagement et un développement intégrés du
territoire.
4/Les initiatives locales, nationales ou
internationales existantes et l’inventaire des
savoirs faire doivent trouver place sur une
plateforme d’échanges identifiant aussi toutes les
personnes-relais dans les divers pays et villes de
la Francophonie. Pour ce faire, le réseau déjà
constitué de l’AIMF peut servir de base de
coopération en s’appuyant sur les capacités déjà
développées par certains acteurs impliqués.
6/Nous encourageons les Etats à promouvoir et
renforcer les filières professionnelles liées aux
métiers du patrimoine et du tourisme durable,
dans le cadre des politiques de création
d'emplois et d'accès à l'emploi, notamment des
femmes et des jeunes, et du développement des
activités génératrices de revenus.
7/Nous attirons l'attention des Etats sur la
nécessité de promouvoir des programmes
multidisciplinaires de formation et de recherche
dans le domaine du patrimoine en faveur des
acteurs du développement local, dans le cadre du
renforcement des capacités et de la promotion
des bonnes pratiques aux niveaux national et
international. Ce sujet sera au cœur d'un futur réseau.
Atelier 3 «Qualifications et compétence »
1/L’acquisition et la mise en œuvre des
compétences nécessitent la formation de tous les
acteurs de la préservation du Patrimoine urbain.
En ce compris la sensibilisation accrue des
décideurs locaux et l’éveil des jeunes aux métiers
du Patrimoine. La formation de base de tous les
acteurs de la filière du Patrimoine doit être
renforcée
avant
de
veiller
à
leur
perfectionnement et une certification de ces
acteurs doit être instaurée pour garantir l’emploi
et la compétence du personnel intervenant aux
diverses stades des chantiers.
2/La sensibilisation de la société civile s’impose
également pour permettre à celle-ci de jouer un
rôle actif dans la préservation de son Patrimoine.
A cet égard, le développement de Journées du
13
La préservation du patrimoine passe aussi par la sensibilisation des plus jeunes qui suivent parfois leur scolarité dans des écoles
héritières de la modernité architecturale. École à Kinshasa et sensibilisation des jeunes, RDC.
© WALLONIE- BRUXELLES
14
Programme de la Conférence
Samedi 5 juillet 2014
Arrivée des participants. Installation à l’hôtel Sokhamon
20h00 / Départ du bus de l’hôtel Sokhamon pour le dîner
20h30 / Dîner d'accueil au restaurant La Calebasse
Dimanche 6 juillet 2014
9h00-12h30 / Visite guidée de sites emblématiques à Dakar (Plateau et Médina) en relation avec
les thèmes de la conférence. Départ fixé à l’hôtel Sokhamon
13h / Déjeuner au restaurant Le Ngor. Retour à l’hôtel vers 14H30.
20h / Dîner à l’Hôtel Sokhamon
Lundi 7 Juillet 2014
8h30- 9h / Mise en place et Accueil des participants
9h-10h / Cérémonie d’ouverture
Mot de Bienvenue de M. Christian Saelens, Délégué Wallonie-Bruxelles
M. Khalifa Sall, Maire de la ville de Dakar
M. Hamidou Kassé, Président du comité scientifique du XV0 Sommet de la Francophonie
Ouverture par le SEM Abdoul Aziz Mbaye, Ministre de la Culture et du Patrimoine
Pause-santé
10h15- 13h / Plénière introductive
Mme. Ann-Thérèse Ndong-Jatta, Directrice du Bureau Régional Afrique de l’Ouest/Sahel,
UNESCO
M. Freddy Joris, Administrateur général de l'Institut du Patrimoine Wallon-IPW et M. Francis
Metzger, Architecte, Faculté d'architecture La Cambre-Horta de l'Université Libre de BruxellesULB
M. Pierre Baillet, Secrétaire permanent de l'Association internationale des Maires francophonesAIMF
Pr Abdoulaye Elimane Kane, Conseiller culturel du Maire de Dakar et Ancien Ministre de la
Culture
Débats
13h-14h / Pause-déjeuner /santé
14h-17h30/ Ateliers de travail et Pause-café de 15 minutes
Atelier 1: Stratégies patrimoniales
Animateurs de l’atelier
Mme Guiomar Alonso Cano, Spécialiste du programme Section de la diversité des expressions
culturelles au Bureau Régional Afrique de l’Ouest, UNESCO
M. Hamady Bocoum, Directeur du Patrimoine culturel du Sénégal
15
Communicants
M. Francis Metzger, Vice-Doyen de la Faculté d’Architecture, ULB
M. Habib Kazdaghli, Historien et Doyen de la Faculté des Lettres, Arts et des Humanités de
l'Université de Manouba
Atelier 2: Patrimoine et Développement
Animateurs de l’atelier
M. Yves Dauge, Urbaniste, Ancien Sénateur et Maire de Chinon, Expert AIMF
M. Baba Keïta, Directeur de l'Ecole du Patrimoine Africain-EPA
Communicants
M. Jellal Abdelkafi, Urbaniste et historien, Président/Association tunisienne des urbanistes
M. Yves Robert, Professeur à la Faculté d'Architecture, ULB
Atelier 3: Qualifications et compétences
Animateurs de l’atelier
M.Pierre Baillet, Secrétaire permanent de l'AIMF (+ un substitut pour le mardi 8)
M. Freddy Joris, Administrateur général de l'IPW
Communicants
Mme. Catalina Preda, Architecte, ICOMOS, Roumanie
M. Fodé Diop, Président de l’Ordre des architectes du Sénégal
Dîner libre
Mardi 8 juillet 2014
9h-13h/ Ateliers de travail + pause-santé de 15 minutes
13h-14h / Déjeuner
14h- 17h30 / Ateliers de travail
Atelier 1: Stratégies patrimoniales
Animateurs de l’atelier
Mme Guiomar Alonso Cano, Spécialiste du programme Section de la diversité des expressions
culturelles au Bureau Régional Afrique de l’Ouest, UNESCO
M. Hamady Bocoum, Directeur du Patrimoine culturel du Sénégal
Communicants
M. Francis Metzger, Vice-Doyen de la Faculté d’Architecture, ULB
M. Habib Kazdaghli, Historien et Doyen de la Faculté des Lettres, Arts et des Humanités de
l'Université de Manouba
Atelier 2: Patrimoine et Développement
Animateurs de l’atelier
M. Yves Dauge, Urbaniste, Ancien Sénateur et Maire de Chinon, Expert AIMF
M. Baba Keïta, Directeur de l'Ecole du Patrimoine Africain-EPA
Communicants
M. Jellal Abdelkafi, Urbaniste et historien, Président/Association tunisienne des urbanistes
16
M. Yves Robert, Professeur à la Faculté d'Architecture, ULB
Atelier 3: Qualifications et compétences (après midi J1 - J2)
Animateurs de l’atelier
Pierre Baillet et Arianna Ardesi, AIMF
M. Freddy Joris, Administrateur général de l'IPW
Communicants
Mme. Catalina Preda, Architecte, ICOMOS, Roumanie
M. Fodé Diop, Président de l’Ordre des architectes du Sénégal
20h / Dîner à l’hôtel Sokhamon. Finalisation des textes
Mercredi 9 juillet 2014
9h-12h/ Plénière: Synthèse et recommandations des ateliers. Débats.
Présidence assurée par le Pr. Abdoulaye Elimane Kane, Conseiller culturel du Maire de Dakar et
Ancien Ministre de la Culture
Rapports de synthèse des ateliers et présentation des recommandations
Débats et adoption des recommandations à la Francophonie
Débats et adoption de la Déclaration de Dakar
Grand témoin : M. Jean-Charles Tall, Président du Collège Universitaire d’Architecture de Dakar
Clôture par SE Mme. Penda Mbow, Représentante personnelle du Président de la République
auprès de la Francophonie.
17
Ouverture de la Conférence Villes en
développement et valorisation du
patrimoine
Christian SAELENS
Délégué Wallonie Bruxelles au Sénégal
Le Sénégal a bénéficié d’un certain nombre de
coopérations internationales, multilatérales et
bilatérales, d’Etats ou de coopérations
décentralisées, en matière de sauvegarde et de
développement
patrimonial matériel ou
immatériel, en milieu urbain ou rural, sites
naturels ou historiques. Aux côtés d’autres
acteurs internationaux en ces domaines,
Wallonie-Bruxelles est un acteur présent au
Sénégal depuis plus d’une dizaine d’années en
relation étroite avec la Direction du Patrimoine
culturel.
Il ne s’agit évidemment pas de
prétendre faire un bilan des coopérations en la
matière, ici au Sénégal, en Afrique de l’Ouest, ni
même sur le continent, mais néanmoins d’en
tirer quelques enseignements utiles pour les
développements et échanges à venir, dans des
contextes évolutifs et diversifiés.
M
onsieur
le
Secrétaire
général,
représentant du Ministre de la Culture
et du Patrimoine (et de la
Francophonie),
Monsieur le Président du Comité scientifique du
XVème Sommet de la Francophonie, Mesdames,
Messieurs, chers partenaires,
Quelques minutes pour rappeler la généalogie de
cette rencontre internationale francophone que
nous croyons importante.
La question du patrimoine répond à une réalité
historique dont l’appréhension peut être
diversement appréciée dans les sociétés
humaines et dans le temps. Elle représente un
enjeu de la mémoire collective et de diversité
culturelle des communautés.
Enfin et surtout, le XVème Sommet des chefs
d’Etat et de gouvernement ayant en partage la
langue française se tiendra à Dakar fin novembre
de cette année. Il s’agit du deuxième sommet au
Sénégal après celui de 1989 et le deuxième
consécutif sur le continent africain après celui
de Kinshasa deux années plus tôt. La
Francophonie aujourd’hui réunit 57 Etats et
gouvernements et 20 pays associés ou
observateurs à travers le monde, représentant
quelque 220 millions de francophones et, dans
40 ans, 700 millions de locuteurs, dont la grande
majorité d’entre eux vivront et travailleront en
Afrique. Par conséquent, nous avons une belle
double opportunité à saisir tous ensemble :
l’opportunité d’un grand rendez-vous politique
d’abord, l’opportunité d’une perspective en
construction à laquelle nous pouvons et devons
participer.
Nous sommes une soixantaine de participants
réunis aujourd’hui, représentant à peu près deux
parts égales entre les experts internationaux de
trois continents et les experts sénégalais. Il est
entendu que le terme expert est une désignation
générique qui recouvre une grande multitude de
statuts, d’expériences et de qualifications. Nous
pouvons donc prétendre assurer une certaine
représentativité sectorielle et géographique au
sein de l’espace francophone. C’est sans doute
aussi une des richesses de notre rencontre.
Pourquoi ici à Dakar ?
Pointons au moins trois raisons. Dakar et les
communes environnantes sont inscrites dans une
géographie péninsulaire remarquable
et
constituent un formidable témoin historique
qui remonte bien avant leur fondation urbaine
et la période coloniale. Le regretté Oumar Ndao
nous a invités à parcourir les différents quartiers
et sites historiques qui font la ville dans « Dakar,
l’Ineffable ».
Que faire ?
La rencontre ne consiste pas à travailler en vase
clos, mais bien d’ouvrir des perspectives
d’articulation
intelligente,
transversale,
18
interdisciplinaire avec toutes les compétences et
énergies
internationales,
nationales
et
décentralisées mobilisables. C’est aussi la
question d’une mise sur pied d’un réseau ou
d’une plateforme qui y est posée. Le réseau,
évolutif et structuré à terme, pourrait s’assigner
les objectifs suivants:
Le Sommet de Dakar portera sur « les femmes et
les jeunes, vecteurs de paix,
acteurs de
développement ». Si nous voulons interpeller
les chefs d’Etat et de gouvernement
francophones, il faudra tenir compte des
politiques et programmes de la Francophonie,
de ses opérateurs, rythmes et procédures de
travail. La Déclaration adoptée à l’issue du
XVème Sommet, les cadres pluriannuels, les
Stratégies sur l’économie et la jeunesse sont
autant de balises importantes : elles sont en
cours d’élaboration ou sur le point d’être
validées pour les années à venir.
d’être
un
acteur
reconnu
de
compétences et d’échanges au sein de
l’espace francophone, au regard des
contextes historiques et culturels et des
divers atouts qui lui sont particuliers ;
de favoriser la mobilité des compétences
et des qualifications (notamment
régionales ou sud/sud) en vue du
renforcement capacitaire des Etats
membres ou des collectivités qui
présentent de fortes vulnérabilités en
matière de sauvegarde et de valorisation
patrimoniale ;
d’assurer un système de veille solidaire
et de mise en alerte des autorités et des
populations locales par rapport aux
risques de destruction ou d’altération
patrimoniale ou de la mémoire et de
rompre l’isolement de nombre d’acteurs
locaux sensibilisés mais démunis de
moyens d’action ;
de promouvoir le sens et la
responsabilité de l’espace public ou
commun, de la citoyenneté et de la
convivialité. Le patrimoine constitue un
formidable enjeu de reconnaissance et
d’action collective. La disparition du
patrimoine culturel est souvent le
résultat d’une démission de l’Etat ou de
la collectivité, de son instrumentalisation
et, de ce fait, la source d’une
privatisation/privation au détriment de
la souveraineté publique.
Les moyens de la Francophonie sont mesurés,
mais il importe de provoquer une impulsion
politique et de mobilisation publique en vue
d’une stratégie cohérente qui englobe les enjeux
sur lesquels nous travaillons lors de cette
conférence.
Comment faire, dès à présent, à partir de
cette rencontre ?
Quelques explications sur l’organisation de la
conférence, les ateliers et leur suivi (publication
des recommandations et de la Déclaration de
Dakar à l’issue de la conférence, interpellations
des organisations internationales et des Etats. La
plénière introductive offre déjà un cadrage des
débats en ateliers qui mèneront des réflexions et
débats en vue de déboucher sur des
recommandations
pratiques,
lisibles
et
opérationnelles à terme (le pourquoi, mais
surtout le comment faire) suivant les thèmes
spécifiques des Termes de référence (TDR).
Chacun à un rôle à y jouer : les animateurs, les
communicants et les participants avec leurs
contributions (écrites ou non). Dans la mesure
du possible, chaque atelier comprendra au moins
une quinzaine de participants, avec un certain
équilibre entre internationaux et Sénégalais.
Chaque atelier formulera ses propres
recommandations suivant les thèmes abordés, en
ce compris sur la question de la création/
formation d’un réseau francophone je me réfère
en particulier aux termes de référence de la
Conférence.
La Francophonie pourrait s’engager davantage
sur ces objectifs en dégageant de meilleures
convergences d’action en termes de :
gouvernance et de citoyenneté,
promotion de la diversité culturelle et
patrimoniale,
développement durable
et enfin d’éducation, de formation et
d’enseignement supérieur afférents aux
qualifications
et
compétences
recherchées.
La plénière de clôture présentera les rapports des
travaux de chaque atelier en vue des débats de
clôture et validation par consensus des
recommandations. Celles-ci seront reprises dans
une Déclaration de Dakar pour transmission aux
autorités de la Francophonie, ses opérateurs
(AIMF, AUF, IFDD), les 77EM et observateurs
19
la Ville de Dakar, L’UNESCO - le bureau
régional de Dakar en particulier - et l’AIMF
pour son expertise et moyens mobilisés en
termes de prise en charge d’experts
internationaux et des frais d’organisation, aux
côtés des moyens financiers et humains
mobilisés par Wallonie-Bruxelles international.
et les organisations / associations internationales
en charge des questions patrimoniales. Une
publication sera réalisée, reprenant la synthèse
des débats, les recommandations, la Déclaration
de Dakar adoptée à la clôture, les interventions,
communication et contributions déposées.
Il s’agira ensuite de déterminer concrètement
l’animation du réseau, de son interaction avec les
organisations et associations internationales
compétentes concernées, les Etats, les
collectivités territoriales, les universités et les
instituts de formation spécialisés. Une nouvelle
conférence biennale, en relation avec le prochain
Sommet ou autres événements de la
Francophonie pourrait être envisagée si tel est le
souhait du réseau au regard d’objectifs concrets à
poursuivre.
Les organisateurs de cette
conférence ont travaillé sur un laps de temps
relativement court, mais leur mobilisation
commune a permis l’organisation de notre
rencontre et le succès escompté. Que soient
remerciés ici la Direction du Patrimoine culturel
et les autorités sénégalaises du XVème Sommet,
Nous tenons également à remercier l’Ambassade
de Roumanie à Dakar, l’Agence universitaire de
la Francophonie, l’Institut du Patrimoine wallon,
la Faculté d’Architecture La Cambre Horta de
l’Université libre de Bruxelles ainsi que les
autres missions diplomatiques et organisations
qui ont pu apporter leur contribution.
Que tous ceux qui sont présents, ainsi que ceux
qui souhaitaient se joindre à nous, soient
remerciés pour leurs travaux et engagements
présents et à venir.
20
Cour intérieure Lébou,, Dakar, Sénégal
© WALLONIE-BRUXELLES
21
Le patrimoine, marque de l'en-commun
Hamidou KASSE
Président du Comité scientifique du XVème
Sommet de la Francophonie, Sénégal.
J
e vous salue au nom du Comité scientifique
préparatoire du XVe Sommet de la
Francophonie. Je voudrais adresser mes
remerciements appuyés à la Délégation
Wallonie- Bruxelles, conduite par Christian
Saelens, pour la détermination et l'enthousiasme
à organiser cette rencontre avec des partenaires
aussi prestigieux que l'IFAN et son Directeur le
Pr Hamady Bocoum, l'Unesco, la Mairie de
Dakar ainsi que les autres partenaires.
qui ne saurait se satisfaire de la jungle que
constituent nos villes actuelles où l'illisibilité le
dispute au non-sens.
En effet, c'est la gestion même de notre
patrimoine qui est en cause tant la frénésie de la
construction a fini de rendre nos villes opaques,
indéchiffrables, inhabitables.
La population s'accroît de façon exponentielle,
l'espace est envahi tandis que les sites abritant du
sens, car porteurs de nos trajectoires et de nos
expériences les plus essentielles, les plus
durables, demeurent sous la menace constante
des besoins primaires, pour ne pas dire grégaires.
Telles qu'elles sont et telles qu'elles évoluent, les
villes africaines sont difficilement porteuses de
paix encore moins de développement durable.
Nos villes sont des corps malades, des corpsstress, des corps-angoisse, des corps-manque,
des corps-détresse incapables de répondre à nos
désirs de sens qui est le levier même de
l'équilibre et de la mesure qui structurent notre
part d'humanité.
Je vous exprime toute notre gratitude pour avoir
été associé dans tout le processus de préparation
de ce colloque autour du brûlant sujet "Les
Villes et le patrimoine".
Comme vous le savez, le thème principal du
XVe Sommet de la Francophonie prévu à Dakar
les 29 et 30 novembre 2014 est "Femmes et
jeunes en Francophonie: vecteurs de paix,
acteurs de développement".
Le voisinage entre les deux thématiques est
évident et c'est heureux que notre rencontre
s'inscrive dans le cadre global de la préparation
intellectuelle du prochain Sommet en tant
qu'événement d'accompagnement.
Nous voulons habiter, non pas simplement
loger, entassés dans des espaces sans repères,
sans ponctuation et sans espace de respiration.
Passagers certes, nous voulons cependant
"traverser la vie comme des animaux de luxe". Nous
voulons laisser aux générations futures des
objets- témoins utiles et précieux, des points de
repères pertinents qui les relient à leur histoire et
leur donnent des instruments d'intégration dans
leur société et dans le monde.
L'aspiration commune des peuples de l'espace
francophone à la paix et au développement
signifie aussi et essentiellement l'aspiration à
vivre dans des villes plus proches de nos idéaux
et de notre quête permanente de sens. Il ne
saurait y a voir de paix durable lorsque la ville
n'offre pas les moyens de sa lisibilité à partir de
la valorisation de ce qui nous est commun. Le
patrimoine réduit l'incertitude et l'opacité;
instruit une part de sacré et d'inviolabilité: il
participe ainsi à la construction citoyenne.
Dans la mesure où notre devenir est fatalement
urbain, alors nous devons exiger des espaces
urbains où le patrimoine qui marque l'encommun n'est plus une simple variable, mais un
paramètre dans la construction de solides abris
qui préservent notre commune volonté de vivre
proches et voisins capables, comme le suggère
Nietzsche, d'amour pour le lointain.
Dans quelle ville voulons-nous vivre? Quelle
ville voulons-nous laisser aux générations
futures? Certes, chaque séquence de l'histoire
porte ses propres aspirations et inspirations. Le
passé et le présent indiquent pourtant qu'il y a un
noyau ferme qui transcende les époques: c'est la
recherche de l'humain qui sommeille en nous et
Nous aurons alors l'intime plaisir de renouer
avec des villes jadis bâties avec des repères
22
significatifs, porteuses de valeurs et dont nous
pouvons, aujourd'hui encore, visiter le souvenir
intact sur les pistes de Tombouctou, Koumbi
Saleh, Aoudagost.
Sans préjuger des résultats de notre exercice,
nous pouvons dire, ici et maintenant, que le
prochain Sommet de la Francophonie ne saurait
faire l'économie d'une réflexion pratique sur
l'urbain en tant que marque de notre devenir, en
tant que paramètre, désormais, de tout espace de
paix propice au développement durable et
partage.
Je vous remercie.
23
Birane NIANG
Secrétaire général du
Ministère de la Culture et du Patrimoine, Sénégal
M
établissement humain qui ne soit aujourd’hui
confronté à ce type de problème.
onsieur le Maire de la Ville de Dakar;
Monsieur le, Délégué WallonieBruxelles;
Monsieur le Président du Comité scientifique du XV
Sommet de la Francophonie;
Madame la Directrice du Bureau Régional Afrique
de l’Ouest/Sahel de l’UNESCO;
Monsieur le Secrétaire permanent de l'AIMF;
Mesdames, Messieurs les experts en vos titres et
qualités;
Mesdames, Messieurs, chers participants;
Qu’il me soit permis, à l’entame de mon propos, de
dire toute la satisfaction que j’ai de voir ce projet
arriver à maturité, sous l’impulsion de mon
Département, de la Délégation Wallonie-Bruxelles,
qui a joué un véritable rôle d’opérateur stratégique,
ainsi que des différentes composantes de la
gouvernance de la Francophonie.
Ma satisfaction est d’autant plus grande que les
thèmes abordés sont au cœur du développement car
il ne s’agit pas moins que de l’aménagement de nos
espaces urbains qui subissent aujourd’hui une
extension exponentielle, avec une des croissances les
plus élevées au monde.
D’après les projections les plus couramment
acceptées, les villes africaines recevront au cours des
vingt prochaines années plus de trois cents millions
de nouveaux habitants et plus d’un Africain sur
deux résidera en ville à l’horizon 2030.
Une telle évolution ne sera pas sans conséquences
sur nos paysages urbains ainsi que sur le patrimoine
naturel et culturel avec lequel ils interagissent. C’est
là tout l’intérêt de nos rencontres sur le thème
«Villes en développement: politiques de restauration et de
valorisation des paysages urbains historiques en Afrique et
dans l'espace francophone. Enjeux d'un réseau francophone
du patrimoine, de l'architecture et de l'urbanisme».
Même si l’espace francophone est le prétexte de nos
travaux, il ne fait aucun doute que nos réflexions
interpellent tout le continent africain et
transcendent l’espace francophone car il n’y a aucun
24
Il faut cependant admettre que le cas africain est
des plus complexes parce que c’est sur ce
continent que les évolutions sont les plus fortes.
Entre 2010 et
2020, la croissance moyenne des grandes villes
sera de 51%. En 2010, les 21 plus grandes villes
africaines ont toutes dépassé deux (2) millions
d’habitants. En 2025, cette barre-plancher
devrait atteindre celle des trois (3) millions.
Certaines capitales africaines vont devenir
hypertrophiques par rapport aux autres villes de
leur territoire, créant ainsi un déséquilibre
territorial et socio-économique majeur pour leur
pays.
Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, une personne sur
trois vivra à Dakar et à Abidjan. Au-delà même
de la croissance des grandes capitales, on se rend
compte que ce phénomène urbain est solidement
installé: la croissance démographique urbaine
sera en effet portée à environ 70% pour
certaines catégories de villes.
Cette urbanisation rapide et mal maîtrisée des
capitales
et
autres
villes
historiques
s’accompagne d’une densité de construction
excessive, d’une disparition de l’espace public et
des équipements urbains avec une inadaptation
des infrastructures. A cela, s’ajoute un risque
croissant de catastrophes naturelles liées au
climat et aux conditions d’occupation de
l’espace.
Ceci constitue un sérieux défi pour les Etats et
les autorités locales. Et dans cette perspective de
transformation accélérée, une des questions sera
la préservation des qualités historiques et
patrimoniales des centres existants et qui
participe à la culture identitaire d’une société. Si
les tendances actuelles ne sont pas jugulées, il y a
de forts risques que nos capitales deviennent des
villes quelconques sans aucune ligne de
cohérence.
Or, le patrimoine urbain, dans ses éléments
matériels et immatériels, est une ressource
essentielle pour renforcer l’habitabilité des zones
urbaines,
favoriser
le
développement
économique ainsi que la cohésion sociale. La
conservation du patrimoine urbain s’impose
comme un volet important des politiques
publiques en réponse à la nécessité de préserver
les valeurs partagées et tirer parti du legs de
l’histoire.
Je ne souhaite pas faire un rapprochement hâtif
entre la «Bruxellisation» et la Kermelisation» mais le
paysage urbain historique de notre capitale, qui est
en réalité un patrimoine ouest-africain, est en grande
souffrance à l’image de l’espace Kermel aujourd’hui
menacé.
Il n’est, cependant, peut-être pas trop tard pour nos
pays car des antécédents fâcheux existent et des
instruments normatifs internationaux ainsi que des
déclarations, espaces de promotion de bonnes
pratiques adoptés, devraient pouvoir aider à une
prise de conscience à l’échelle planétaire.
On peut citer les conventions de l’Unesco pour la
protection du patrimoine mondial, naturel et
culturel (1971) et celle relative à la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel, qui connaissent de
grands succès. Il s’y ajoute la déclaration sur les
paysages urbains historiques.
L’approche centrée sur le paysage urbain historique
considère la diversité et la créativité culturelles
comme des atouts essentiels pour le développement
humain, social et économique. Elle offre des outils
pour gérer les transformations physiques et sociales
et faire en sorte que les interventions
contemporaines s’intègrent au patrimoine de façon
harmonieuse dans un cadre historique et territorial
local et régional. Elle s’inspire aussi des traditions et
conceptions des communautés locales tout en
respectant les valeurs des communautés nationales
et internationales.
Dans cette perspective, la Francophonie a, très
certainement, un rôle important à jouer au regard de
ses priorités en matière de développement durable,
de gouvernance, de citoyenneté, d’éducation, de
formation et de promotion de la diversité culturelle.
Le XVème Sommet de la Francophonie, qui se
déroule pour la 2ème fois consécutive en Afrique, est
donc une opportunité pour aborder les réalités d’un
développement urbain exponentiel pouvant mettre
en péril un patrimoine historique qui a contribué à
forger l’identité des peuples du continent.
25
Vos assises seront donc l’occasion de passer en
revue les actions de l’UNESCO, les politiques
nationales et locales en Afrique et dans l’espace
francophone dans le domaine de la conservation
du patrimoine urbain. Il est particulièrement
heureux de constater qu’elles rassemblent des
décideurs publics, des professionnels, des
gestionnaires du patrimoine et de l’urbanisme,
des scientifiques et des représentants de la
société civile, afin de favoriser la compréhension
de l’approche centrée sur le paysage urbain
historique. Les études de cas concernant le
continent africain, le sud-est asiatique et
l’ensemble de l’espace francophone prévues en
ateliers seront, sans aucun doute, d’une grande
utilité pour les décideurs.
Il faut, néanmoins, relever que pour l’Afrique et
la plupart des pays en développement le défi sera
double car autant nous devons faire preuve
d’ingéniosité pour préserver nos paysages
urbains historiques, autant nous devons agir
pour aménager nos terroirs insuffisamment mis
en valeur. Ceci n’est ni un dilemme, ni une
contradiction. C’est simplement le sens de
l’histoire. J’ose espérer que l’auscultation
profonde du binôme sauvegarde du patrimoine
et aménagement du territoire sera aussi au cœur
de vos préoccupations.
En vous remerciant pour votre aimable
attention, je déclare ouvert la Conférence
internationale sur le thème «Villes en développement:
politiques de restauration et de valorisation des paysages
urbains historiques en Afrique et dans l'espace
francophone. Enjeux d'un réseau francophone du
patrimoine, de l'architecture et de l'urbanisme».
PLENIERE INTRODUCTIVE
Vue du marché centenaire de Kermel dans le cœur historique de Dakar, juillet 2014. Sénégal
© Guiomar Alonso Cano, UNESCO
26
Ann Therese NDONG-JATTA
Directrice du Bureau régional de l’UNESCO
pour l’Afrique de l'ouest/Sahel, Sénégal
M
onsieur le Représentant du Ministre de
la culture et du patrimoine,
Monsieur le Délégué Wallonie-
le continent le plus urbanisé en 2050. Enfin, il
est reconnu que le succès des stratégies de
développement clés, tels que la réduction de la
pauvreté, l'égalité des sexes, la justice sociale, la
réduction des risques et de la qualité de vie
dépendra en grande partie de la capacité des
villes à intégrer les changements sociaux et
économiques et à améliorer leur résilience.
Bruxelles
Monsieur le Directeur du patrimoine culturel,
Monsieur le Président du comité scientifique du
XVe Sommet de la Francophonie,
Monsieur le Secrétaire permanent de l'AIMF,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
De tous les espaces, l’environnement urbain est
certainement celui qui présente les enjeux les
plus complexes et les plus importants. Il est,
pour des milliards de personnes, un cadre de vie
en perpétuelle mutation, qui véhicule une part
importante de leur patrimoine, aussi bien
matériel qu’immatériel.
Au nom de la Directrice générale de l’UNESCO,
Mme Irina Bokova, ainsi que du Sous-Directeur
général pour la culture, je remercie tout
particulièrement le Ministre de la culture et de la
communication, ainsi que la Délégation
Wallonie-Bruxelles à Dakar, pour ce chaleureux
accueil. Je vous remercie personnellement, car
c’est un réel plaisir pour moi d’être avec vous
aujourd'hui pour cette importante conférence. Je
suis particulièrement ravie de retrouver ici
plusieurs institutions partenaires, telles que
l'Association
Internationale
des
Maires
Francophones, l'Organisation Internationale de
la Francophonie, l’Institut du Patrimoine wallon
et la Faculté d’Architecture de l’Université libre
de Bruxelles, ainsi que les partenaires bilatéraux,
mais aussi les représentants de villes africaines et
de villes du patrimoine mondial. Je remercie les
organisateurs d'avoir rendu possible cette
rencontre importante autour d'un sujet d'une très
haute importance.
L’UNESCO, en tant qu’agence des Nations
Unies en charge de la culture et du patrimoine, a
pour mandant de porter la réflexion et les
actions visant à protéger le patrimoine urbain de
l’humanité dans le cadre d’un développement
durable, où la culture jouerait un rôle de premier
plan. L’UNESCO est également une des rares
agences qui au travers de plusieurs instruments
normatifs traite de la question du patrimoine, de
l’aménagement du territoire et des villes.
La Convention du patrimoine mondial de 1972,
instrument normatif phare pour la conservation
du patrimoine culturel et naturel de l’humanité,
est un des fers de lance de l’action de
l’UNESCO. Plus de quarante ans après
l’adoption de cette convention, les villes
historiques constituent la plus importante «
catégorie » de biens inscrits sur la Liste du
patrimoine mondial avec, à ce jour, plus de 240
sites sur un total de 1007.
Aujourd'hui, plus de la moitié de la population
mondiale vit en milieu urbain et il est prévu que
dans 30 ans 70% de l’humanité vive dans des
villes. Il y a quelques mois, le septième Forum
urbain mondial, qui s'est tenu à Medellin en
Colombie en avril dernier, a confirmé la
nécessité d'un changement de paradigme quant
aux processus de développement urbain, car les
modèles d'urbanisation utilisés depuis la Seconde
Guerre mondiale ayant atteint leurs limites, d’où
l’urgence de repenser les modèles. Le Forum a
également rappelé qu’au 21e siècle, le défi du
développement durable sera gagné ou perdu
dans les villes et notamment en Afrique, qui sera
Toutefois, comme beaucoup d'entre vous le
savent, les rapports sur l’état de conservation de
ces villes signalent de plus en plus fréquemment
des situations alarmantes ou préjudiciables au
respect des valeurs pour lesquelles ces villes ou
ensembles urbains ont été inscrits sur la Liste du
patrimoine mondial. Et ces rapports soulignent
la difficulté de gérer le changement, d’intégrer les
infrastructures
et
les
développements
27
Enfin, autre signe d’un changement de
paradigme dans la manière d’envisager le
développement, l’Assemblée générale des
Nations Unies, par sa Résolution 66/208 de
2011 relative au thème
« Culture et
développement », a souligné que la culture est un
important facteur d’inclusion sociale et
d’éradication de la pauvreté, ainsi qu’un vecteur
de croissance économique. Placer la culture au
cœur du processus de définition des politiques
de développement est désormais considéré
comme une condition essentielle à la durabilité
des actions engagées en faveur du
développement humain.
contemporains dans des contextes historiques.
Mais n’oublions pas qu’au-delà du succès de la
Liste du patrimoine mondial, un point fort de la
Convention du patrimoine mondial est son
article 5 qui stipule que, et je cite:
« Afin d'assurer une protection et une conservation aussi
efficaces et une mise en valeur aussi active que possible du
patrimoine culturel et naturel situé sur leur territoire et
dans les conditions appropriées à chaque pays, les États
parties à la présente Convention s'efforceront dans la
mesure du possible d'adopter une politique générale visant
à assigner une fonction au patrimoine culturel et naturel
dans la vie collective, et à intégrer la protection de ce
patrimoine dans les programmes de planification
générale ».
Le thème des villes va être également au cœur de
l’actualité dans les prochaines années avec la
réflexion des Nations Unies sur l’agenda post
2015 et puis le rapport présenté à la prochaine
Conférence générale de l’UNESCO sur
l’application de la Recommandation concernant
le paysage urbain historique. Dans cette même
perspective, je salue bien évidemment l'objectif
de cette conférence visant à formuler des
recommandations opérationnelles à destination
des instances de la Francophonie et du XVe
Sommet qui se tiendra à Dakar en fin de cette
année, pour ainsi nourrir les orientations
politiques générales, les stratégies relatives à
l’économie et à la jeunesse, et surtout l’adoption
de la Déclaration finale du sommet. Si un des
points centraux de la réflexion de l’UNESCO
porte sur le rôle de la culture dans cette nouvelle
donne, deux autres points fondamentaux sont
également à évoquer, à savoir la priorité Afrique et
les nouveaux partenariats à développer avec les
collectivités et les communautés. Les villes et les
collectivités sont des acteurs incontournables et
il faut imaginer comment dans les prochaines
décennies valoriser les villes africaines et
s’appuyer sur leur énorme potentiel, leur
créativité, leur dynamisme et leur population
jeune et leur histoire riche et ancienne.
Il ne s'agit pas de promouvoir un « hit-parade »,
mais d'agir dans une approche qui place le
patrimoine et la culture au cœur du
développement. C’est une vision qui ne
considère pas le patrimoine comme un mausolée
dont la seule vocation est d’être un
divertissement pour quelques privilégiés mais
comme un capital de connaissances, de savoirfaire, de valeurs, un lien social vital. Dans cet
esprit, en réponse aux défis de la conservation et
valorisation des villes historiques et de leur
développement, la Conférence générale de
l'UNESCO
a
adopté,
en
2011,
la
Recommandation concernant le paysage urbain
historique. C’est le premier instrument normatif
portant sur une problématique urbaine adopté
par l'UNESCO depuis 35 ans, depuis la
Recommandation de Nairobi de 1976
concernant la sauvegarde des ensembles
historiques ou traditionnels et leur rôle dans la
vie contemporaine.
La Recommandation de 2011 doit être
considérée comme un outil complémentaire, une
approche pour promouvoir l’intégration, la prise
en compte et la valorisation de la culture et du
patrimoine dans les politiques et stratégies de
développement urbain et ouvrir le dialogue entre
tous les niveaux de gouvernance, à l’échelle du
territoire. Il est important de rappeler à cet égard
que le paysage urbain historique n’est pas une
nouvelle catégorie de biens, comme l’est le
paysage culturel, mais plutôt le support d’une
approche, une façon d’appréhender un ensemble
urbain. Nous ne pouvons plus opposer
patrimoine et modernisation, nous ne devons
pas opposer culture et développement, nous ne
devons pas écarter la culture de la réduction de
la pauvreté.
J’espère que la dynamique de coopération
concrète entre sites et villes africaines, villes du
patrimoine mondial se poursuivra et se
développera car il y a un besoin réel en matière
de renforcement des compétences au niveau
national et local pour élaborer une nouvelle
vision de la culture du développement urbain et
changer d’approche via une pratique de la prise
en compte du patrimoine dans l’aménagement
des territoires. Les villes en général et les villes
du patrimoine mondial en particulier sont des
partenaires importants pour relayer les
28
instruments normatifs de l’UNESCO qui posent
un cadre juridique commun dans lequel sont
abordés les problèmes pratiques auxquels font
face les acteurs du développement et de la
préservation du patrimoine. L’UNESCO attend
beaucoup des villes du patrimoine pour valoriser
et partager concrètement la réflexion en cours et
l’expérience de terrain. Cette intelligence
partagée doit pouvoir se mobiliser d’une
nouvelle manière à travers des acteurs locaux et
des réseaux de villes pour faire face aux
nouvelles donnes.
ainsi que les différentes institutions partenaires et
villes représentées ici, à poursuivre la réflexion
sur la valorisation des échanges techniques et le
développement de partenariat. Ceci est crucial
pour que nous puissions ensemble continuer à
relever les défis de la Convention du patrimoine
mondial et la mise en œuvre de la
Recommandation concernant le paysage urbain
historique. L’engagement des États membres et
des gouvernements locaux et de la communauté
patrimoniale est fondamental.
Je vous remercie de votre attention.
Dans cette perspective, quel peut être le rôle de
l'UNESCO? De son côté, notre Organisation
peut apporter son concours à travers les
compétences de tous ses secteurs et de son
réseau de bureaux hors siège en proposant de
conseiller et d’orienter au niveau des doctrines et
définitions,
des
outils
normatifs,
du
renforcement des compétences, via l’expérience
de projets opérationnels centrés sur l’expérience
du terrain. Bien que nous ne soyons pas un
bailleur de fonds, nous pouvons aussi appuyer
l’accès à des fonds de lancement et être un
partenaire dans certaines opérations, notamment
dans des projets de grande ampleur sur le long
terme, en développant des coopérations
bilatérales et multilatérales.
L’UNESCO peut également avoir un rôle de
facilitateur pour apporter soutien et conseil en
matière d’appui à maîtrise d’ouvrage pour
identifier en amont des partenaires ou des
secteurs d’intervention et des projets à
développer afin de permettre une cohérence de
l’action et une mutualisation des ressources. Les
villes et le réseau de villes peuvent, quant à elles,
être un relai pour faciliter l’application, à l’échelle
locale, des outils normatifs de l’UNESCO et de
vulgariser les concepts et outils des Conventions
de l’UNESCO dans le domaine de la culture,
ainsi que des recommandations, notamment
celle concernant le paysage urbain historique.
Nous voyons donc bien que nos travaux pour
ces trois jours ne se limitent ni au seul champ de
la conservation et la sauvegarde du patrimoine
matériel ou immatériel, ni à celui du
développement économique mais bien à des
vraies questions de politique et de vision pour
l’avenir. Pour cette conférence, à laquelle je
souhaite un plein succès avec des débats riches
et fructueux, je voudrais vous inviter, en
coordination avec les représentants des États
Membres, et les membres de la Francophonie,
29
Site du centre de formation de La Paix-Dieu, à Amay, Institut du Patrimoine wallon. Belgique
©WALLONIE-BRUXELLES
30
Freddy JORIS
Administrateur général de l’Institut du
Patrimoine Wallon,
Belgique
vec l’aide de la Délégation WallonieBruxelles à Dakar, l’Institut du
Patrimoine wallon et la Faculté
d’architecture de l’Université libre de Bruxelles
collaborent depuis plusieurs mois avec la
Direction du Patrimoine culturel à un projet de
réaffectation d’un élément du patrimoine de
Gorée, la Maison de l’Amiral. Les interventions
de l’IPW et de l’ULB sur ce terrain sont
complémentaires et ce matin, c’est dans le même
esprit que nous avons partagé notre temps de
parole, Francis Metzger et moi. Le vice-doyen de
la Faculté d’architecture ouvrira des pistes de
réflexion, auxquelles j’adhère bien sûr, pour les
trois ateliers de cette conférence et pour ma part,
je comptais évoquer notre action à Gorée et
ailleurs comme un témoignage à la fois ponctuel
et généralisable pouvant contribuer aux
réflexions à venir sur les qualifications et les
compétences. Mais ceux qui ont participé à la
passionnante promenade patrimoniale dans
Dakar hier matin savent que les débats ont déjà
commencé
informellement
et
parfois
vigoureusement à l’occasion de celle-ci,
lorsqu’on nous présenta des constructions
neuves sur le site de monuments récemment
détruits ou des monuments à l’abandon.
Plusieurs délégués firent état d’exemples
similaires chez eux et la préservation de l’identité
urbaine par la préservation du patrimoine
semblait être partout un combat constant et pas
toujours victorieux, et ce n’est pas Hamady
Bocoum qui me contredira.
A
ans pour pouvoir progresser et à cet égard le
transfert du Patrimoine depuis la Culture vers
l’Aménagement du Territoire a été un tournant
positif en Wallonie.
Je suis depuis quinze ans à la tête d’un organisme
public qui se révèle être assez unique par ses
deux missions complémentaires et il m’a paru
qu’une de celles-ci pourrait peut-être être
méditée durant cette conférence, outre bien sûr
l’exigence de normes précises et respectées.
L’IPW en effet ne gère pas seulement un Centre
de métiers du patrimoine de plus en plus actif
aussi dans la coopération; son autre mission est,
parallèlement à une Administration débordée de
dossiers comme partout, d’agir de manière ciblée
pour sauver et réaffecter des monuments
dégradés ou abandonnés ou des monuments
propriétés de la Région et sous-utilisés par celle-ci.
Avec beaucoup d’autonomie, de souplesse et de
liberté d’actions, nous agissons en accord avec
nos collègues de la Direction du Patrimoine mais
en toute autonomie, comme conseillers, comme
monteurs de projets immobiliers, voire comme
opérateurs et cela exclusivement sur une liste de
monuments en danger définie par le
Gouvernement régional.
Nous mettons au centre de notre démarche, audelà de la sensibilisation des propriétaires et des
décideurs politiques locaux, la réaffectation des
monuments et surtout la recherche de
financements publics pour celle-ci, qu’ils soient
publics ou privés, en cherchant constamment à
attirer l’investisseur privé sur le monument
classé, ou à convaincre une commune, comme
elle en a d’ailleurs théoriquement l’obligation
légale, de réaffecter un monument abandonné
dont elle serait propriétaire plutôt que de se
lancer dans une construction neuve et rarement
d’envergure faute de moyens.
En fait, les problèmes sont partout les mêmes.
Nos collègues de l’ULB savent ce que veut dire
« bruxellisation », l’ancien Maire de Liège
William Ancion ici présent a dû recoudre bien
des plaies laissées par ses prédécesseurs dans le
tissu urbain il y a vingt-cinq ans, et je viens moimême d’une vieille cité industrielle qui fut
souvent montrée du doigt comme un contreexemple en matière de rénovation urbaine. Hier
encore, Yves Robert me rappelait que nous
avions dû faire de sacrés efforts depuis trente
Nos résultats sont tels que je me demandais si
une agence publique de ce genre pourrait être
reproductible pour avoir un outil supplémentaire
31
et complémentaire à l’Administration, afin
d’éviter que ne disparaissent des éléments phares
du paysage urbain historique et avec eux
l’identité de ce paysage urbain, qu’il n’est
évidemment pas question pour autant de figer.
Celui qui fut un des inspirateurs de notre Centre,
le Professeur Jean Barthelemy, disait ceci à Xian
en 2005 : « Tous ces efforts de sensibilisation et
de formation, se situant à des niveaux très divers,
sont tous indispensables et sont essentiellement
complémentaires. La formation des spécialistes
n’a pas de sens si elle n’est pas soutenue par un
climat de compréhension et une participation
vivante de la population adhérant au projet de
revitalisation patrimoniale.
À l’inverse, la
sensibilisation des populations, et en particulier
des jeunes, n’a pas de sens si elle débouche sur
l’incapacité des spécialistes à traduire l’aspiration
collective à un environnement de qualité
ponctué
de
richesses
culturelles
transcendantes. ».
L’Institut du Patrimoine wallon est donc depuis
quinze ans en Wallonie un acteur parmi d’autres
d’un important travail de réhabilitation des
centres anciens urbains au travers du sauvetage
de leurs monuments menacés. Mais l’IPW
intervient aussi, depuis 2003, et via son Centre
des métiers du Patrimoine, sur d’autres
continents dans le cadre de coopérations
bilatérales, dans la Francophonie, à Gorée
l’année dernière, à Saint-Louis du Sénégal, à
Phû-Tich au Vietnam, à Port-au-Prince en Haïti
et peut-être bientôt à Tiébélé au Burkina Faso mais aussi à La Havane, à Santiago de Cuba ainsi
qu’à Birzeit, Bethléem et bientôt Ramallah en
Palestine.
Ceci m’amène à ma dernière réflexion. Ces
« richesses culturelles transcendantes »,
en
l’occurrence le paysage urbain historique,
peuvent-elles être considérées comme une
priorité quand la ville elle-même devient
mégalopole, que son extension prend de vitesse
tous les plans de développement, que les
transports ne peuvent évidemment suivre à ce
rythme, que les conditions climatiques aggravent
tous les défis, que la crise du logement est
partout, que le chômage est effrayant et j’en
passe.
À Saint-Louis, l’IPW a mené à bien plusieurs
formations préparatoires aux techniques de
restauration puis un chantier-école durant la
réhabilitation de l’ancienne Assemblée du
Fleuve, suivant un schéma que nous avions déjà
expérimenté
peu
auparavant
pour
la
réaffectation d’un bâtiment sur la plaza Vieja à
La Havane dans le cadre d’un plan rigoureux et
exemplaire à certains égards, de restauration
systématique et progressive de la Vieille Hanse.
Lors de l’inauguration de l’Assemblée territoriale
du Fleuve après sa restauration, en 2009, le tout
jeune retraité qu’est aujourd’hui Philippe Suinen
avait écrit alors que « l’IPW possède une
fabuleuse expertise, et qui s’exporte à merveille ».
Bien sûr, face à ces réalités, la valeur économique
du patrimoine ne pèse pas lourd tout comme
d’ailleurs elle ne pèse guère dans les modèles des
experts monétaires, mais ce n’est pas ce
paramètre qui doit justifier notre action, même
s’il y a des retombées économiques évidentes.
L’ambassadrice de Palestine en Belgique écrivait
l’an dernier à propos de la sauvegarde des
villages anciens que « la préservation des centres
historiques palestiniens est une lutte politique,
nationale et culturelle…On ne restaure pas
uniquement des bâtiments, on fait revivre leur
âme, on redonne de l’espoir, on préserve la
mémoire ».
Je pense que cela est dû non seulement aux
qualités techniques et pédagogiques de nos
artisans-experts, mais aussi au climat de respect
mutuel qui règne lors de ces chantier-écoles tout
comme au sein de notre Centre des métiers du
patrimoine à Amay, un climat d’égalité et de
respect mutuel entre cols blancs et cols bleus,
experts et apprentis, enseignants et adolescents.
Nous y organisons en effet à peu près tous les
types possibles de sensibilisation, de formation
et de perfectionnement aux métiers du
Patrimoine, depuis l’éveil des enfants jusqu’au
master postuniversitaire en passant par tous les
métiers de la main, sans que l’artisan
expérimenté transmettant son savoir à de jeunes
ouvriers puisse se sentir moins important que le
Professeur d’Université face à ses jeunes
diplômés.
Comment comprendre sinon qu’à Port-auPrince le projet de valorisation des anciens
édifices en bois dits Gingerbread ait été poursuivi
au milieu de l’océan de ruines laissé par le
tremblement de terre de janvier 2010 et malgré
tant d’autres urgences à affronter ? Ici aussi,
comme dans la Palestine en guerre depuis près
d’un demi-siècle, on aurait pu dire qu’il y avait
d’autres priorités. Et c’est d’ailleurs ce que l’on
entend dire parfois même dans nos riches
32
contrées depuis le tsunami financier de 2008, à
divers niveaux de pouvoir où le patrimoine
semble rester un luxe.
C’est donc bien, je le crains en tant qu’opérateur
de terrain, l’ensemble des pays membres de la
Francophonie qui gagnerait à être à nouveau
sensibilisé à la préservation du patrimoine urbain
à l’occasion du prochain sommet de Dakar
malgré les différences de contexte et de moyens
de chacun, et j’espère que cette conférence
pourra y contribuer.
33
La Maison du Peuple, détruite en 1965 au centre de Bruxelles, Belgique
Dessin de Fr Schuiten
34
Francis METZGER
Vice-Doyen de la Faculté d’Architecture ULB,
Belgique
C
omment repenser la ville à partir d’ellemême ? Il y a urgence. Urgence pour vos
villes, pour nos villes qui, les unes après
les autres, perdent ce qui fait leur mémoire. Il
s’agit là d’un problème qui dépasse le cadre de la
francophonie mais tous les pays francophones y
sont confrontés d’une manière plus aiguë qu’il
n’y parait. Que se passe-t-il ? Toutes les grandes
villes du monde, émergentes, développées ou en
développement, s’étendent géographiquement et
rapidement
pour
la
même
raison
démographique. Toutes les statistiques le
démontrent : les populations des grandes
urbanités s’accroissent à vive allure. Ces mêmes
statistiques constatent que le phénomène touche
également des entités plus modestes. La ville
polarise et attire. Il y a urgence pour l’Afrique car
c’est ici, en Afrique, que le phénomène se
déclare avec le plus d’évidence. En 2010 déjà, les
21 plus grandes villes africaines dépassaient
toutes deux millions d’habitants mais en 2030,
plus d’un Africain sur deux résidera en ville.
Autrement dit, en seulement 20 ans, la
croissance moyenne des grandes villes africaines
sera de 51%. Un autre point à prendre en
considération : pour des raisons topographiques,
politiques mais surtout économiques, cette
croissance sera amenée à se contenir en surface.
centre, celui qui contient généralement la
mémoire du lieu, le début de l’histoire.
Economiquement c’est au cœur des villes que le
foncier est le plus cher : le valoriser par une forte
densité est profitable. Les promoteurs l’ont bien
compris. Et là deux possibilités s’offrent à nous :
reconstruire une ville plus dense à la place de la
ville ancienne ou refaire la ville à partir d’ellemême. La première attitude est celle choisie par
les modernistes. Cette façon de faire est encore
présente dans bien des pays où des quartiers
entiers sont effacés pour faire place à des cités
souvent très denses, sans repères et sans identité.
La seconde est plus ambitieuse mais aussi plus
difficile. En 1999, j’avais écrit un livre dont le
titre se nomme : « La ville recyclée ». A une
période où la notion de recyclage est une donnée
de consommation nécessaire, il est légitime de
tenter de recycler les villes, de les repenser à
partir d’elle-même et cela pour des raisons
éthiques qui servent le patrimoine. Trop
souvent, seule l’ambition économique est moteur
des décisions. Je ne dis pas qu’il faut freiner le
développement mais l’encadrer et le situer afin
de reconstruire une ville heureuse et d’en
préserver la mémoire.
Comment faire? Il s’agit d’élaborer des stratégies.
C’est un des thèmes d’atelier : « les stratégies
patrimoniales ». Quelles stratégies patrimoniales
développer face aux menaces sur les villes
africaines et dans l’espace francophone.
Les villes, en effet, ne peuvent s’étendre
indéfiniment. L’accroissement en surface d’une
ville suscite de nombreux problèmes : il faut
construire et entretenir des routes, organiser des
infrastructures sur des dizaines de kilomètres.
Tout cela n’est pas rien, tout cela peut conduire à
la faillite collective, ainsi que de nombreuses
villes américaines l’ont expérimenté à leurs
dépens. De cette expérience malheureuse, on
peut tirer un enseignement de base : habiter plus
nombreux sur un même espace et partager les
mêmes commodités entraine un souci accru de
gestion raisonnable et économe.
Quels défis à relever ? Mais tout d’abord,
posons-nous la question : qu’est-ce que le
patrimoine ? De quoi parle-t-on ? De l’œuvre
d’exception ou pas seulement? Selon l’article 1
de la «convention pour la sauvegarde du
patrimoine architectural de l’Europe » de
Grenade en 1985, on définit le patrimoine bâti
selon trois critères : les monuments, les
ensembles architecturaux, les sites. On voit un
glissement sémantique ces dernières années qui
étend la notion de patrimoine. Si on souhaite
protéger le patrimoine, qu’il soit monument,
ensembles ou site, la question est aussi de savoir
ce qui mérite reconnaissance et protection? En
Que vient faire tout ceci dans un débat de
patrimoine? Cette densification tellement
nécessaire conduit à repenser la ville et son
35
d’autres termes, ce patrimoine, il ne suffit pas de
le reconnaître mais il faut aussi le connaître.
faire, il faut penser la restauration en préservant
ce qui fait l’œuvre sans oublier la question de
l’usage. Redonner des possibilités de
fonctionnalité sans altérer le patrimoine. Le
programme est une variable instable. Il est
changeant et souvent, avant la fin de chantier, les
éléments de programmation sont modifiés. Les
œuvres devant s’inscrire dans la durée, durée qui
dépasse parfois l’usage qu’on en fait, il s’agit
donc de repenser le lieu patrimonial non pas
pour un programme mais pour une capacité à
accueillir des programmes.
Pour beaucoup de pays, notamment en Afrique,
l’absence d’un cadastre patrimonial contribue à
sa disparition. Recenser est une première étape,
elle nécessite une volonté politique. Une fois le
recensement accompli, le patrimoine se doit
d’être étudié. Le tout n’est pas de reconnaître
une architecture, un ensemble ou un site comme
patrimoine protégé mais de l’accompagner d’une
étude scientifique approfondie. Le processus de
restauration est affaire de méthodologie ; toute
restauration repose sur une organisation stricte
du travail, une connaissance parfaite de l’œuvre
et de son environnement. Il s’agit donc de
recenser et d’étudier. Comprendre une œuvre
architecturale ou un ensemble patrimonial, c’est
aussi comprendre les conditions de leur
apparition. Il faut distinguer les architectures
spontanées et les œuvres d’architectes. Dans les
deux cas, les architectures sont pensées pour un
lieu. Elles sont habituellement toutes
contextualisées, en particulier les architectures
spontanées. L’ouvrage se réalise donc à partir
des données locales.
En ce qui concerne l’autre grand thème de cette
rencontre internationale « patrimoine et
développement », je voudrai aborder en deux
mots un sujet qui me parait essentiel : la perte
accélérée de ce qui fait l’identité des villes et
particulièrement les villes qui se développent
rapidement. Dans un monde globalisé hyperconnecté, comment affirmer, préserver les
valeurs locales. Les villes du monde ne risquentelles pas de toutes se ressembler ? Comment
protéger ce qui fait l’identité, la saveur des villes.
Le voyageur ne s’y trompe pas, sa priorité est le
cœur historique des villes, là où la mémoire est
préservée. Ce patrimoine est ainsi et aussi un
acteur économique de première importance.
Chaque architecte a sa définition de
l’architecture. Pour moi, l’architecture est un
rapport entre un lieu et un programme et ce
rapport est construit à un moment donné.
L’architecture est donc un phénomène concret,
contextualisé non seulement dans l’espace mais
aussi dans le temps. Dans l’espace d’abord. Le
projet est pensé pour un lieu, il en définit le
rapport. Il se construit à partir du lieu qui fait
partie intégrante de l’œuvre. C’est vrai pour un
opéra mais aussi pour un habitat traditionnel.
Dans le temps ensuite. L’architecture étant un
art de la durée, l’usage va transformer l’œuvre
qui va perdre de sa lisibilité. Si l’œuvre est
reconnue, malgré les méfaits du temps, elle sera
préservée voire restaurée. Ce qui est plus difficile
à préserver c’est le contexte, le lieu qui a présidé
à sa conception. Une œuvre est en danger quand
les données qui ont constituées le rapport
original modifient sa lecture. Il convient dès lors
de protéger, non pas une œuvre isolément, mais
un rapport constitué par de plusieurs ensembles
d’éléments architecturaux liés. Le tout devant
constituer le domaine de protection. La
protection n’est qu’une étape, importante certes,
mais insuffisante. Il s’agit d’accompagner les
mesures de protection, en vue de l’insertion de
l’œuvre dans un projet durable. Il faut redonner
vie au patrimoine, lui inventer un avenir. Pour ce
Le troisième atelier nous conduit sur le chemin
des qualifications et compétences. De nombreux
échanges existent entre les pays du nord et du
sud mais ces heureuses initiatives ne remplacent
pas la nécessité de généraliser à tous les pays une
formation en architecture et urbanisme, en
particulier au niveau des principales universités.
Par rapport aux besoins du continent, l'Afrique
francophone subsaharienne compte trop peu
d'écoles d’architecture. Celles-ci n'offrent pas
toujours des formations complètes (5 ans) et
envisagent souvent l'architecture selon une
approche avant tout technicienne et pas
suffisamment réflexive. Parmi les écoles les plus
connues, figurent l'Ecole Africaine des métiers
de l’Architecture et de l'Urbanisme (EAMAU) à
Lomé
au
Togo,
l'Institut
Supérieur
d'Architecture et d'Urbanisme de Kinshasa
(ISAU) en RDC et l'Ecole Supérieure
d'Ingénierie, d'Architecture et d'Urbanisme
(ESIAU) à Bamako au Mali. Une formation est
en préparation à la nouvelle université d'Abomey
au Bénin. D'autres pôles de formation existent
encore comme le Collège d'Architecture de
Dakar, mais c’est évidemment bien trop peu
quand on sait que presque toutes les autres
36
matières, tel le droit, l’économie, la philosophie
sont enseignées dans quasi toutes les universités.
Devant l’importance des enjeux que nous
venons d’évoquer, il est nécessaire de former des
étudiants aux matières de l’architecture mais
aussi de l’urbanisme et bien évidemment du
patrimoine. La question du patrimoine africain
ne pourra se faire sans une réflexion globale au
niveau du développement des villes et le
développement des villes ne pourra se faire que
dans le respect des identités urbaines. Des villes
belles, heureuses et équitables sont à notre
portée. Je souhaite que nos travaux y
contribuent.
37
Pierre BAILLET
Secrétaire permanent de l’Association
Internationale des Maires Francophones, France
L
africaine est historiquement inconnue. Les
maires font face à une explosion humaine et une
explosion des attentes…On ne sait plus par où
commencer face au tsunami démographique. Et,
trop souvent, pour faire face à ce tsunami, on
sacrifie l’histoire et le patrimoine qui en est
l’expression.
es grandes affaires qui occupent le monde
en matière de développement durable, la
lutte contre le changement climatique qui,
lui est intrinsèquement lié, ou la défense du
patrimoine passent obligatoirement par la ville et
par une décentralisation opérationnelle. Loin de
moi l’idée de porter un jugement sur la capacité
des Etats à mobiliser les citoyens pour faire
évoluer les mentalités ! Mais les collectivités
locales sont plus aptes, quand elles en ont les
moyens, d’agir au plus près des problèmes de
société.
Laissez-moi
rappeler
François
Mitterrand, qui avait une passion pour
l’architecture. Il y voyait l’un des arts les plus
politiques, de ceux qui changent la vie des gens.
Pour le meilleur, disait-il, ou pour le pire ! «
Longtemps, les civilisations reposèrent sur les
valeurs de la ruralité, le lien avec les rythmes de
la nature, ses dons et ses duretés; le luxe et les
solitudes d’un espace à profusion. Ce temps est
révolu. Ou nous réussirons à bâtir de nouvelles
civilisations, urbaines, ou nos peuples
s’affronteront dans des violences de plus en plus
terribles. » Ceux que le développement durable
interpelle doivent repenser à cette réflexion.
Nouvelle urbanisation, nouvelle société urbaine !
Comment parler de « bonne ville » comme
aime le dire Eric Orsenna ?
Où est la « bonne ville » en Afrique, en Asie, en
Amérique latine ? C’est en Afrique que
l’urbanisation est la plus violente : 165 millions
de citadins vivent déjà dans des bidonvilles. Et
cette révolution est environnée par une pensée
anti urbaine, et en conséquence, par un refus de
donner aux responsables les moyens de mettre
en œuvre une politique de ville. Certains Etats
s’obstinent même à minorer les effectifs réels des
populations urbaines et trop de décideurs
considèrent la ville « héritée », la ville « coloniale
», comme la ville idéale ! Un petit bout de Paris !
Et parfois, la coopération décentralisée ne fait
rien pour arranger cette manière de voir ! Les
villes souffrent aussi d’un mauvais partage des
ressources publiques. Or, là est le « comment »
pour aboutir à cette nouvelle société urbaine,
respectueuse de son histoire et de sa culture. En
Europe, 40 % de la dépense publique est
contrôlée par les collectivités locales. En
Afrique, moins de 5 %. La décentralisation
opérationnelle est donc la condition de la mise
en œuvre d’une politique au service d’un
développement durable.
Nouvelle société bâtie sur quoi ?
Des monuments, des machines, des réseaux, des
flux, des nœuds, de l’échange, de la
confrontation entre quartiers ? Une nouvelle
société fondée sur des fonctions traditionnelles :
la distribution d’eau, d’énergie, l’assainissement,
la libre circulation ? Mais la ville n’est pas une
somme de solutions car la ville c’est l’Homme !
Or, l’Homme n’a pas que des besoins ! Il a aussi
des attentes. Des attentes exigeantes. Je pense à
la facilité. La ville doit faciliter la vie avec offre
de santé et de sécurité. Je pense aussi à la vitalité,
culturelle, formatrice, économique. C’est là une
source de fierté ! Les hommes veulent être fiers
de leur ville ! Je pense aussi à l’équilibre, qu’il soit
social ou spatial. Hélas, le temps, n’est plus pris
en compte. Il faut tout, vite, car les villes
explosent. Cette révolution démographique
D’abord, le premier constat est que la
décentralisation administrative et politique est
une réalité aujourd’hui partagée par tous. L’idée
est très ancrée même dans les contextes où la
décentralisation n’est pas effective, du fait de
certaines contraintes politico-structurelles. Je
dirais qu’elle est si bien ancrée que même les
crises les plus profondes, hier en Côte d’Ivoire,
aujourd’hui au Mali, n’ont pas réussi à la
remettre en cause ! Donc, le premier constat est
qu’il n’est plus nécessaire d’investir dans ce
plaidoyer qui a focalisé toutes les attentions
38
depuis plus de 20 ans ! Mais il y a un second
constat qui met en péril le premier constat que je
viens de faire. Il s’agit de la faiblesse, voire de la
quasi-absence de décentralisation financière. Or,
sans
décentralisation
financière,
la
décentralisation politico-administrative perd
beaucoup de sa pertinence.
développement économique mais que le
développement est aussi une prospérité
culturelle. Nous sommes donc quelque part dans
une dynamique de pacification des relations
entre les groupes cultuels et culturels. Nous
sommes dans une dynamique qui donne corps à
la diplomatie des villes. Prenons l’exemple
d’Angkor et de sa région, celle de Siem Reap,
membre de l’AIMF, de leur rôle dans la sousrégion. En sept ans, on est passé de 42 % de
scolarisés à 97 %. Vous voyez, c’est énorme et
ceci est dû à quoi ? C’est dû au fait que le
gouvernement royal a eu les moyens de cette
politique du développement du tourisme et le
développement du tourisme d’Angkor. Ce
développement du tourisme a permis au pays de
mener une action qui ne se limite pas seulement
à la culture, c’est-à-dire au patrimoine culturel
mais qui, à partir du développement de cette
région, s’étend vers l’éducation, s’étend vers
l’université, vers la santé publique et vers la
cohésion sociale, vers la paix civile.
Comment, dans ces conditions, les maires
peuvent-ils accompagner les États dans leur
volonté de croissance à deux chiffres ?
Comment peuvent-ils soutenir une politique
associant patrimoine et développement ? Il
importe donc de faire la distinction entre la «
problématique de la décentralisation », dont les
progrès sont réels et tangibles, puisque la
décentralisation fait maintenant partie du
paysage constitutionnel et démocratique de tous
les pays et la « pratique de la décentralisation ».
C’est cette dernière qui marque le pas, puisque
l’on n’arrive toujours pas encore à traduire les
grands principes de la décentralisation dans les
modes de gouvernance politique, c’est-à-dire
d’offres de biens et de services publics qui
répondent aux besoins des citoyens. On arrive
rapidement au constat selon lequel la
décentralisation n’a de chance de réussir que si
elle sert à quelque chose. Et pour servir à
quelque chose, il faut que les collectivités
répondent aux attentes des populations. Ce
qu’elles ne peuvent faire au regard des moyens
dont elles disposent actuellement ! Les élus
locaux sont ainsi exposés à l’impuissance dans
l’action.
Dans un tel contexte que fait concrètement
l’Association Internationale des Maires
Francophones, l’AIMF ? Tout d’abord, elle
alerte ses membres sur l’importance de
l’identification et de la mise en valeur du
patrimoine. Monuments, espaces verts, cultures
et traditions populaires, métiers d’arts, archives
municipales, constituent autant de cibles
d’intérêt qu’il est nécessaire de mettre en lien
pour constituer une politique locale globale de
patrimoine.
La décentralisation telle que mise en œuvre
jusque-là a consisté à décentraliser les problèmes
sans décentraliser les moyens de les résoudre. Et
pourtant, les Maires sont détenteurs du
patrimoine urbain, détenteurs des monuments
historiques, des monuments architecturaux, des
paysages urbains historiques. C’est aux Maires
qu’il incombe de conserver ces témoignages du
passé et de faire en sorte que ces témoignages du
passé soient en même temps une leçon pour
tous. À eux de sensibiliser les populations à leur
respect. Pensons à ce qui s’est passé en
Afghanistan, en Irak ! À eux de sensibiliser les
États à leur protection ! À eux de sensibiliser les
organisations internationales à s’investir dans
leur valorisation ! C’est aux Maires de faire en
sorte que le patrimoine ne soit pas seulement
cette richesse culturelle mais que le patrimoine
soit aussi cette leçon du passé contre
l’intolérance, pour la coexistence et de rappeler
que le développement n’est pas seulement un
Comment articuler patrimoine culturel
matériel et patrimoine culturel immatériel ?
Comment identifier les richesses patrimoniales
présentes sur un territoire et comment, à partir
de ce travail d’inventaire, élaborer une politique
locale pour la préservation et la mise en valeur
du patrimoine ? Mais, pour que le patrimoine
matériel puisse devenir le moteur du
développement, il faut aussi s’assurer que les
populations et les touristes puissent l’utiliser. Il
doit être interprété et présenté de manière
correcte et intelligible. L’AIMF agit en ce sens au
sein d’ateliers locaux et régionaux. Parallèlement,
l’AIMF mobilise l’ensemble des acteurs locaux,
nationaux et les partenaires au développement
pour mettre en œuvre des projets de patrimoine.
Comment mettre en place un projet de mise
en valeur de patrimoine ? Quelles répartitions
des compétences entre l’État et la ville ? Quels
partenaires internationaux peut-on mobiliser ?
39
Enfin, l’AIMF finance des programmes de
réhabilitation et de revitalisation de quartiers
historiques en conciliant cohésion sociale,
développement économique et mise en valeur
patrimoine (Meknès, Antananarivo, Phnom
Penh, Hué, Sousse, Sfax, Abomey, Lokossa,
demain je l’espère Port-Saïd). Au total, à l’AIMF
: nous prenons en compte dans nos travaux la
dimension culture et mémoire,
nous
encourageons les citoyens à s’approprier leur
environnement, nous cherchons des partenariats
pour inventorier et mettre en valeur le
patrimoine naturel et culturel de nos villes
membres, nous favorisons des projets
impliquant les jeunes, nous identifions des
compétences au sein du réseau pour les mettre
au service de toutes les villes. Mais, au-delà de
cette action, les facteurs clés des réussites sont
liés à la volonté politique, à l’intégration du
patrimoine à l’ensemble de la ville, à la mixité des
fonctions en créant du lien social tout en
contribuant à améliorer les conditions de vie des
habitants, à l’identité de la ville en favorisant la
créativité et la diversité culturelles.
40
Ancien Palais de justice, Dakar- Plateau, Sénégal
© WALLONIE-BRUXELLES
41
Abdoulaye Elimane KANE
Professeur titulaire des universités à la retraite,
Ancien ministre,
Conseiller culturel du maire de Dakar, Sénégal
vivement - je voudrais m’en tenir à quelques
considérations sur trois questions majeures
qui demeurent en Afrique, en tout cas au
Sénégal, des sujets de préoccupation quant aux
politiques publiques, nationales et municipales,
en matière de sauvegarde et de promotion des
paysages et patrimoines urbains. La première de
ces questions a valeur de préalable absolu et
concerne la notion d’espace public. La prise de
conscience de cette notion et la compréhension
que différents acteurs évoluant dans l’espace
urbain en ont posé problème. Que l’espace
public soit appréhendé dans son acception
physique ou dans celle mentale de ce qui relève
de la loi, il n’a de sens que si, par consensus
explicite ou tacite il est regardé comme lieu
d’égalité et de réciprocité par tous les acteurs.
L
a pertinence et l’urgence d’une action
concertée et rationnelle sur la
problématique qui nous réunit ont été
soulignées, de longue date, par les experts et les
institutions nationales et internationales
compétents en la matière. Le colloque de Dakar
par la nature des thèmes à traiter et au regard du
projet de mise sur pied d’un réseau spécifique
francophone, sera, au pire des cas, un nouveau
maillon
dans la chaine des actes de
conscientisation sur cette problématique ; il
pourrait aussi être un nouveau repère, avec
l’élaboration de mécanismes de suivi tirant les
leçons du passé et encourageant les bonnes
pratiques.
En ma qualité de conseiller culturel du maire
Khalifa Sall, je me réjouis d’avoir pris part aux
différentes étapes de la préparation de cet
important événement. Mais à la Ville de Dakar, il
y a de vrais experts, eux aussi collaborateurs du
maire, connus et, de surcroit, réputés dans leur
domaine : leur apport dans ce débat, j’en suis
sûr, sera à la hauteur de l’attente. La Ville de
Dakar ne peut qu’être sensible à ce projet, en
tant que capitale, et en tant que membre de
différentes associations dont la vocation est de
promouvoir la gouvernance locale. Celle qui
nous réunit sous la bannière de la Francophonie
est certainement l’une des plus porteuses de
perspectives de coopération et d’espoir.
Diverses
expériences
montrent
des
comportements et des pratiques relevant de
stratégies différentes sur ce qui est censé être
l’espace public : à la loi et au consensus on
oppose l’argument de la survie et cet argument
personne ne peut l’ignorer ou ne pas tenter de
lui apporter une réponse ; la plus grande menace
étant ici la disparition ou la destruction de
l’espace public.
Pourtant la notion de « bien commun » fait
partie des valeurs auxquelles tous ces acteurs
restent attachés. A partir d’une typologie des
réalités visées par cette notion , on s’aperçoit qu’
elles sont souvent partagées entre « tradition « et
« « modernité » , vestiges du colonialisme et
innovations postindépendances, vision païenne
et vision des religions monothéistes , espace
d’usage et espace de loisir . Qu’en outre, tous
ces partages relèvent de ce qui est considéré ou
non par les uns et les autres comme participant à
leur culture identitaire. D’où une première
question : à quoi reconnaît –on l’identité ? Les
contradictions inhérentes à ces différentes
stratégies et approches appellent pour être
surmontées et transformées en atouts et
opportunités, une éducation aux réalités et
logiques urbaines, un dialogue entre porteurs de
visions différentes pour la recherche de
La sauvegarde et l’intégration des paysages et
patrimoines historiques dans un projet global et
dynamique de développement durable est une
question complexe et je me réjouis que la
distribution des thèmes en ateliers et en plénière
aborde la question par ses profils les plus
problématiques afin d’en faire
prendre
conscience les véritables enjeux. Les études de
cas apporteront, j’en suis sûr, cette touche de
précision et d’expertise sans laquelle les notions
« de bonnes pratiques » et de défis à relever
resteraient encore vagues. Pour ma part, dans cet
exercice auquel le comité préparatoire m’a
convié – et je l’en remercie encore une fois bien
42
convergences, à partir de cette même notion de
bien commun,
en vue de l’appropriation
collective des valeurs portées par les paysages et
patrimoines historiques. Et cette pédagogie
spécifique ne pourra pas faire l’économie d’une
prise en compte de la question identitaire plus
que jamais inséparable des dynamiques sociales
et historiques.
Deux séries emblématiques de patrimoine,
parmi d’autres,
témoignent du caractère
ambivalent de l’attitude des populations à
l’endroit de legs transmis par des puissances
étrangères : la ligne du chemin de fer et les gares
ferroviaires d’une part ; le patrimoine bâti des
escales et maisons de commerce le long des
voies d’eau ou dans des centres urbains. Les
Sénégalais manifestent un rapport positif à ces
sites, quand, à propos d’autres, ils affichent
indifférence ou ignorance.
Un critère important universellement testé
consistera à déterminer quels espaces
bénéficient d’une forte fréquentation du public,
tous sexes, races, et idéologies confondues : qui
va dans les musées, salles d’exposition, places
publiques historiquement marquées, lieux de
culte ?
Qui connaît ces significations
historiques? Qui n’entretient, avec ces espaces
qu’un rapport d’usage et qui y projette ou y
retrouve des motifs d’émotion liée à une
mémoire collective retrouvée ?
Voyons à présent les enseignements susceptibles
d’être tirés de bonnes initiatives en matière de
CREATIVITE et qui ont tourné court, pour
différentes raisons dont la principale reste la
question de l’opportunité au regard des
urgences :
-
Je voudrais à présent consacrer les deux derniers
points de cette présentation générale au binôme
patrimoine et créativité, en pointant quelques
éléments de l’expérience sénégalaise portant
enseignement sur les niveaux de prise de
conscience et de prise en compte des réalités
historiques concernées. Et d’abord à propos du
patrimoine : des lieux chargés d’histoire, souvent
peu connus du grand public, et sans
investissement susceptible de les faire vivre et
intégrer, ni dans un schéma local de
connaissance/ appropriation /commémoration,
ni dans une dynamique globale d’élévation à la
dignité de « bien commun » , de patrimoine : des
sites ayant été le théâtre
d’événements
mémorables (lieux supposés de bataille, d’
alliances , d’actes fondateurs ,
anciennes
résidences d’homme capitaux, itinéraires chargés
de symboles etc.) Il y en a beaucoup ; quelques
conteurs et mémorialistes traditionnels
les
connaissent et les célèbrent dans des récits. Les
journées du Patrimoine constituent une bonne
opportunité de les répertorier, classer et faire
revivre progressivement, sur l’ensemble du
territoire. Des cas de requalification d’espaces à
forte teneur symbolique. Exemple, la place de
l’indépendance.
Ancienne place Protet, à
l’époque coloniale. De Gaule et Valdiodio
NDIAYE, porteurs d’opinions diamétralement
opposées, y prirent la parole sur le référendum
d’autodétermination que le chef d’Etat français
proposait aux anciennes colonies françaises, en
septembre 1958.
-
-
-
43
Le projet du président Senghor de
création
d’un Musée des
Civilisations noires : abandonné
parce que l’opinion publique, au vu
de son coût à l’époque (trois
milliards de F /CFA), ne le
considérait pas comme une priorité.
–
Le projet du Mémorial de Gorée a
connu le même sort. Recommandé
et voulu par la communauté des
intellectuels, femmes et hommes de
culture d’Afrique et de la diaspora
noire, un site de 2hectares et demi
lui a été affecté par le président
Abdou Diouf, avant qu’un concours
international
d’architecture
ne
désigne l’œuvre gagnante : coût
estimé à l’époque, vingt milliards de
F/CFA.
Le Monument de la Renaissance
africaine : problématique tant pour
la conception, le financement et le
mode de gestion de cette œuvre
voulue et imposée par le président
Wade, contre l’avis réprobateur d’un
très grand nombre de Sénégalais. Ce
monument existe mais les Sénégalais
ne s’identifient pas à la valeur qu’elle
prétend porter.
Les sites conçus et édifiés à partir de
la révolte du « SET SETAL ».
Initiée et menée par un puissant
mouvement populaire dominé par
les Jeunes des grandes villes,
notamment Dakar ; réaction
coléreuse face à la dégradation de
l’environnement
(hygiène
et
assainissement
déficients)
;
expression
d’un
besoin
de
références et de valeurs nouvelles
d’identification d’une génération qui
sait peu de choses sur le passé et
que le présent déçoit. Les traces
laissées
par
ce
mouvement
connaissent des sorts différents :
parties intégrantes de la vie des
quartiers, elles demeurent des
éléments de la mémoire du présent,
mais parfois sans suite de
préservation et de valorisation.
pouvoirs publics de l’Etat central et des villes. Il
est bien évident qu’autant l’implication des
citoyens et usagers est essentielle pour la survie
et la promotion de ces héritages, autant les
politiques publiques y ont un rôle irremplaçable.
Les conseils et l’aide à la décision attendus des
experts doivent avoir pour répondant des
décideurs avertis, convaincus et animés par la
volonté politique de conférer à nos villes un
visage humain et de célébrer la mémoire , lien
indispensable entre le passé et le futur.
L’implication des
créateurs, artistes et
entrepreneurs culturels dans toute initiative
visant à projeter et concevoir de nouvelles
générations de paysages urbains.
Il me semble important pour conclure sur cette
question d’insister sur la nécessité de travailler à
l’émergence d’une nouvelle génération de
paysages et d’infrastructures qui deviendront
demain un patrimoine et corrigeront le
sentiment un peu confus que les seuls héritages
significatifs actuellement en Afrique sont, d’une
part un legs colonial important, plus ou moins
bien conservé et, d’autre part, des vestiges de
patrimoines traditionnels faisant figure de parent
pauvre.
Les Villes africaines doivent accéder au label de «
villes créatives ». Elles le sont déjà à travers la
pratique et la promotion de certaines cultures
urbaines. Elles restent devoir faire leur preuve
dans le domaine des paysages et patrimoines
urbains ou la tendance est au laisser-aller, à la
destruction de l’existant, à l’anarchie, à la
créativité douteuse, alors que ce qui est en jeu,
c’est le cadre de vie et l’épanouissement
physique, intellectuel et spirituel.
De ce point de vue, une ville comme Dakar a
besoin de voir
naitre et s’intégrer
harmonieusement au paysage urbain des œuvres
et sites traduisant l’esprit d’audace, de créativité
et de bonne conciliation entre des patterns
traditionnels et des modèles modernes. L’édifice
conçu et réalisé par le regretté Patrick Dujarric,
architecte franco-sénégalais, l’Alliance franco –
sénégalaise de Kaolack – nominé en 1997 par la
Fondation Aga Khan – est un bel exemple dans
ce domaine.
Enfin, le projet de création d’un réseau répond
effectivement au besoin
d’une interaction
permanente entre acteurs et institutions et d’un
suivi des résolutions issues de la rencontre de
Dakar.
Une réflexion sur les meilleurs moyens de le
rendre opérationnel sans lourdeurs, mais avec
des objectifs d’étapes me semble une des taches
premières à entreprendre dès sa création.
De même, après un travail difficile et courageux
d’assainissement des environs du mythique
marché Sandaga, celui-ci pourrait faire l’objet
d’une requalification et le maire Khalifa Sall
réfléchit déjà à la possibilité, après avis d’experts
à la revalorisation de ce site historique. Par
ailleurs, sur toutes ces questions, deux types de
précautions
me
paraissent
fortement
recommandables et relèvent de la bonne
pratique : la concertation régulière entre
44
Atelier 1
Stratégies patrimoniales
DRAFT
Palais de Justice 1940, Casablanca
© Casamémoire
45
Animateurs:
Guiomar Alonso CANO
Hamady BOCOUM
Communicants
Francis METZGER,
Habib KAZDAGHLI
Les stratégies patrimoniales. Quelles stratégies patrimoniales face aux menaces sur les villes africaines et dans l’espace
francophone ? Quels défis à relever ?
L’atelier co-présidé par Monsieur Hamady Bocoum, Directeur du patrimoine culturel et Madame Guiomar Alonso Chef
CLT UNESCO Dakar, s’est intéressé particulièrement à la caractérisation du patrimoine dans les villes du Sud, à la
typologie des menaces sur le patrimoine des villes, aux éléments déclencheurs pour la valorisation patrimoniale à plusieurs
niveaux mais aussi à la gouvernance urbaine démocratique et participative notamment le rôle joué par la société civile et les
milieux culturels et scientifiques. Les communications et contributions ont été données par des architectes, urbanistes,
archéologues, anthropologues, historiens et philosophes spécialistes du patrimoine urbain qui ont partagé des expériences
différentes dans leurs pays respectifs en formulant des stratégies patrimoniales pour des politiques de restauration et de
valorisation du patrimoine dans l’espace francophone. En effet, le caractère scientifique et la profondeur du contenu de ces
communications ont permis de dégager une stratégie pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine s’organisant
autour des lignes de cohérence suivantes : un objet : connaître ce que l’on protège ; des moyens : partage des compétences, savoirfaire et ressources et enfin, une approche participative promue par des acteurs publics et privés.
DRAFT
46
Les temps de la patrimonialisation de l’espace urbain
(Réflexions à partir du cas de la ville de Tunis)
Habib KAZDAGHLI1
Université de Tunis-Manouba, Tunisie
L
ont occupé son espace. Il se trouve que l’espace
urbain de la ville de Tunis au fil de son histoire
s’est définitivement imprégné par l’existence de
deux ensembles qui se sont juxtaposés l’un à
côté de l’autre, partagé entre coexistence et
rivalité.
a reconstitution des composantes
plurielles de la mémoire des villes des
pays qui ont passé une partie de leur
histoire sous le régime colonial européen, peutelle jouer un rôle dans la compréhension des
processus de patrimonialisation en cours que
connaissent les grandes villes des anciennes
colonies ? Comment se fait la réappropriation de
l’histoire de villes, longtemps cloisonnées et
vivant dans une dualité urbaine qui s’est traduite
par la coexistence de deux ensembles urbains :
d’une part la ville historique ou « Médina » qui
existait déjà avant la colonisation et d’autre part,
la ville neuve « coloniale » ou européenne, bâtie,
après l’arrivée de l’occupant ?
Notre démarche s’inspire largement de la
définition donnée à la mémoire par le sociologue
français Maurice Halbwachs dans son étude,
désormais célèbre, sur la mémoire collective
(Halbwachs, 1997), pour qui la mémoire n’est
pas la somme des expériences individuelles. Pour
lui, chaque groupe se dote d’une mémoire de
groupe spécifique, c’est sa mémoire partagée, qui
définirait le groupe social. Sommes-nous sur la
voie de l’éclosion d’une mémoire partagée,
revendiquée par l’ensemble des groupes : ceux
qui vivent aujourd’hui dans ces villes et ceux qui
les ont quitté après les indépendances et qui
continuent à porter avec eux les souvenirs de
cette période avec sentiments contradictoire de
regrets et de nostalgies ?
DRAFT
Vue d’en haut, ces deux ensembles sont
différents l’un de l’autre tant au niveau de la
forme, du plan et de la taille. A l’Ouest, nous
trouvons la ville historique, formée au centre par
la Médina proprement dite où se trouve la
célèbre Mosquée Zitouna et les souks. Ce noyau
s’est entouré, depuis le Moyen Age, par deux
Faubourgs : Bab Souika et Bab Al Jazira. Cette
ville historique se distingue par ses rues
sinueuses, ses habitations généralement basses, la
centralité des mosquées dans chaque quartier, le
tout est entouré de murailles et des portes qui
avaient plus ou moins résistées aux effets des
mouvements d’extension urbaines qu’avait
connu la ville au cours de la période coloniale
(1881-1956). A L’Est, sur l’espace qui se trouvait
entre la Porte de la Mer et le lac de Tunis, resté
vide, pendant des siècle, a été édifiée la ville
« européenne » durant la période coloniale avec
sa trame orthogonales, ses larges avenues.
Au terme de cette évolution qu’elle a connue, la
ville de Tunis a fini par avoir une structure
bicéphale (Abelkafi, 1989) avec deux principales
composantes urbaines avec des sources
mémorielles différenciées. Une fois le pays
retrouve son indépendance politique, que va-ton, désormais, retenir du long passé de la ville ?
Que va-t-on conserver, préserver voir réhabiliter
de ce patrimoine urbain?
Comment se présentait la situation de la ville de
Tunis, au lendemain de l’indépendance de la
Tunisie en 1956 ? Toute ville est conçue,
façonnée et modelée par les groupes sociaux qui
A vrai dire, au lendemain de l’indépendance, peu
de personnes étaient tournées vers la
préservation et la conservation des traces du
passé. L’heure était à la modernité intégrale, au
dépassement aussi bien du traditionnel que du
colonial. Les médinas en cours de dégradation
rapide ne suscitaient que peu d’intérêt. Les villes
coloniales ou villes neuves, bâties au cours de
l’ère coloniale « étaient considérées comme des
Cette réflexion à propos des processus de
patrimonialisation a muri en deux étapes. La première en
2003, dans le cadre du séminaire sur la ville initié, en 2003,
par le Laboratoire : Régions et ressources patrimoniales,
dans lequel je mène mes activités de recherches en Tunisie.
Elle fut encore développée dans le cadre du séminaire de
Bouguimil Koss et Philippe Joutard : Les lieux de mémoire :
vingt ans plus tard. Ce texte reprend, en partie, mon
intervention orale présentée à Paris au cours de la séance
du séminaire qui a eu lieu le 26 janvier 2005.
1
47
corps étrangers, une représentation d’un pouvoir
colonial révolu ». (Lesage, 2001).
Ce désintérêt va se traduire au niveau urbain par
des destructions de ce qui représentant le
traditionnel tels les mausolées des marabouts,
symboles du sous-développement. On a achevé
la destruction de ce qui restait encore des
murailles de certaines médinas pour améliorer la
circulation.
Ce mouvement de refus du passé, allait
également s’étendre à la ville neuve, considérée
comme un vestige de la colonisation. On
procéda au changement des noms de rues et des
places, au déboulonnage des statues et
monuments, même si d’autres statues prendront
leurs places, quelques années plus tard. Somme
toute, l’Etat national voulait construire une
Tunisie nouvelle qui tournerait le dos aussi bien
aux vestiges de l’archaïsme « arabo-musulman »,
qu’aux traces qui rappelleraient la domination
coloniale. Tous les deux, étaient rendus
responsables de tous les malheurs passés de la
« jeune nation » en pleine effervescence qui
devait se frayer de nouveaux chemins. En
matière d’urbanisme et d’architecture, « l’heure
était à l’international ; les grandes avenues
rectilignes bordées de hauts immeubles » (Denis
Lesage, 2001).
au cours des années vingt du vingtième siècle,
grâce à un projet d’embellissement de la ville
conçu par l’architecte Victor Valensi (Valensi,
1920). C’est cette prise de conscience qui va
favoriser la création de l’Association de la
Sauvegarde la Médina. Une institution qui fera
fonction de bureau d’études auprès de la
municipalité de Tunis. Elle aura pour vocation
de conserver la mémoire de la ville historique et
elle sera un acteur décisif dans la mise en valeur,
la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine
urbain dans cette partie de la ville.
DRAFT
C’est dans cette atmosphère intellectuelle qu’un
concours international d’architectes est lancé en
1967. Le projet proposé vise à continuer (dans
une direction Est-Ouest) l’avenue centrale de
Tunis
(rebaptisée
au
lendemain
de
l’indépendance, avenue Habib Bourguiba, après
avoir porté le nom de Jules Ferry pendant la
majeure partie de l’ère coloniale), jusqu’à la Place
du gouvernement à la Kasbah en traversant la
Médina. Le percement proposé de la Médina,
permettrait selon les concepteurs du projet,
d’ouvrir d’une avenue large de 60 mètres et le
dégagement de la Mosquée Zitouna. Une fois
connu, le projet allait avoir l’effet d’un choc,
provoquant un débat et remous dans certains
milieux intellectuels. Intervenu dans un contexte
où le pays était plongé dans la première grande
maladie du président Bourguiba, le projet sera
vite abandonné. Ce qui est positif, c’est qu’il a
donné lieu à une certaine prise de conscience des
risques de disparition totale qui pèsent sur la ville
historique.
La ville historique a retrouvé de ce fait sa
mémoire ou une partie de sa mémoire collective.
Même si une partie de ses habitants, souvent les
plus aisés, vont continuer à la quitter pour aller
s’installer dans les nouveaux quartiers ou dans
les banlieues, la Médina, est désormais
revendiquée, assumée comme matrice d’identité.
Grâce aux multiples études et travaux de
recherches et de terrain menés par l’Association
de la Sauvegarde, la médina est enfin enregistrée,
en 1979, par l’UNESCO sur la liste du
patrimoine universel à sauvegarder. A l’instar de
l’A.S.M de Tunis, tout un réseau d’associations
de sauvegarde va naitre un peu partout dans le
pays, exprimant ainsi un souci de préservation
des édifices traditionnels, donnant lieu à des
projets de restauration et réhabilitation des
édifices traditionnels qui sont mis en chantier par
les par les municipalités et par les organisme de
gestion du patrimoine. La médina est
revendiquée comme partie intégrante du
patrimoine local et de l’identité nationale. C’est la
victoire symbolique de cette partie de la ville,
grâce à la prise de conscience et la résistance de
ses habitants. Il s’agit de la revanche symbolique
d’un « patrimoine blessé qui était méprisé au
temps de la colonisation, l’indépendance et l’Etat
national vont donner toute la place qu’il se doit à
cet héritage bien sauvé » (Lesage, 2001). Mais ce
mouvement de patrimonialisation ne va tarder à
englober les autres espaces de la ville.
Fragmentation de la mémoire et prise de
conscience à deux vitesses
Ce mouvement de prise de conscience de
l’importance du patrimoine urbain ne s’est pas
étendu à l’autre composante de la ville, la partie
neuve, bâtie durant la période coloniale et qui fut
le centre politique et économique du pouvoir
colonial. Au lendemain de l’indépendance de la
Tunisie, cet espace a vu partir, par petits
groupes, ses habitants, aussi bien d’origine
européenne (Français, Italiens, Maltais, Russes,
On peut situer à cette époque, la relance du
processus de patrimonialisation de la ville
historique qui avait déjà connu, un premier élan,
48
Grecs…), que ceux de confession juive. Avec
cette érosion humaine, cette partie de la ville a
perdu les cadres sociaux qui épaulaient la
mémoire du groupe, la ville européenne est
devenue sans mémoire, car, « les souvenirs ne
exister en dehors des cadres collectifs ».
(Halbwachs, 1997).
Durant de nombreuses années, ces quartiers,
jadis source de fierté du régime colonial, ont été
délaissés pour diverses raisons : problèmes
fonciers, problèmes de gestion et de gérance etc.
Les bâtiments et immeubles réservés à
l’habitation, se sont délabrés à cause du manque
d’entretien et de maintenance, suite au blocage
des loyers par le gouvernement. Désormais, on
attendait que les immeubles menacent ruine pour
les terrasser et construire de nouveaux bâtiments
à leurs places. Des opérations de genre ont
touché plusieurs bâtiments dont l’architecture
était représentative d’une étape de l’histoire de
l’art urbain, tel que le Casino municipal, les
locaux du journal La Dépêche Tunisienne, le
bureau de poste de la Place Bab Souika, ce
détruit a été détruit, au moment du percement
des deux tunnels qui passaient sous le quartier.
Cependant, le choc déclenchant une autre prise
de conscience, allait être suscité par une rumeur
autour d’une éventuelle du théâtre municipal de
la ville de Tunis. Le théâtre qui surplombe la
grande artère de la capitale, s’inscrit dans le type
architectural « Art nouveau », il est construit en
1903, par l’architecte français Jean Resplandy, la
salle de théâtre a été agrandie en 1912 par
l’architecte Woog. Le théâtre faisait partie d’un
grand complexe immobilier qui comprenait,
outre le théâtre, une grande salle de cinéma, le
Palmarium et l’hôtel Tunisia Place qui furent
déjà vendu à un consortium des pays du Golfe
arabe qui avait entrepris leurs démolitions. En
1981, le bruit a couru à propos des démolitions
qui pourraient s’étendre jusqu’au théâtre, qui
n’était pourtant pas concerné par la transaction
immobilière (Journal Attariq Al jadid, 1981). En
effet l’écho de presse publié dans ce journal se
plaignait de la fermeture prolongée de la Salle
du Palmarium avec ses 2000 places. De même
l’article faisait état des rumeurs qui couraient
dans la ville à propos d’un éventuel projet de
complexe touristique qui prendrait la place de la
salle du Palmarium, des magasins de l’Artisanat
incluant également le théâtre municipal. Un
nouveau mouvement d’opinion se concrétisa,
alors, à travers une pétition signée par des
intellectuels de gauche, des architectes, des
enseignants etc…Elle appelait à épargner le
théâtre de la destruction. Il n’était question que
de la sauvegarde du monument en tant qu’espace
culturel et non comme un patrimoine
architecturel marquant une époque et digne
d’être conservé et transmis aux générations
futures. Nous étions encore au début des années
quatre-vingt du siècle dernier, les défenseurs du
théâtre entendaient surtout défendre le théâtre
comme lieu où furent jouées plusieurs nouvelles
créations théâtrales, depuis l’indépendance du
pays. C’est surtout en référence à une histoire
récente qu’on a cherché à protéger le théâtre de
la démolition.
DRAFT
Malgré ses limites, ce premier mouvement
d’opinion, a permis de sauver le théâtre, le reste
de l’îlot a été démoli. Cependant, le nouveau
complexe commercial, même s’il va plus
contenir de salle de cinéma, portera le nom
ancien « Le Palmarium », signe de filiation de la
mémoire. Mais la chose la plus importante, le
nouveau complexe sera reconstruit dans une
architecture
d’accompagnement
externe
s’inspirant des éléments architecturaux du
théâtre. Ainsi, ce débat, a permis en quelques
sortes, une certaine réhabilitation inconsciente et
non assumée de l’architecture coloniale. Il s’agit
des premiers balbutiements d’un long processus
de patrimonialisation. On va commencer à
prendre doucement conscience que dans ce qui a
été bâti durant la période coloniale, il y aurait des
édifices et des styles architecturaux qui sont
dignes d’être conservés. Au terme de ce
processus, le théâtre sera classé monument
historique en 1992. En fait, le classement du
théâtre municipal sera fait dans le sillage d’une
autre opération de sauvetage qui a favorisé le
retour à la pratique du classement des
monuments historiques, pratique juridique
abandonnée depuis l’indépendance du pays en
1956.
En effet, dès 1989, les pouvoirs publics décident
de revenir à la pratique du classement des
monuments historiques, une législation tombée
en désuétude depuis l’indépendance. Outre le
classement du beau palais de style arabo-andalou
du baron d’Erlanger, sis dans la banlieue de Sidi
Bou Saïd qui fut édifié entre 1912 et 1920.
L’Etat, non seulement rachète ce beau palais,
mais lui attribue une vocation publique en
faisant dans abriter dans ces locaux la maison de
la musique arabe et méditerranéenne. Encore
une filiation par rapport à l’histoire coloniale,
puisque le propriétaire des lieux fut un grand
passionné de la musique arabe et c’est lui qui
49
finança de ses propres deniers, 1930,
la
participation d’un groupe d’artistes tunisiens au
congrès de la musique arabe qui s’est tenu au
Caire.
l'amélioration de l'environnement touristique et
suivi par les architectes de l'Association de
sauvegarde de la médina de Tunis (ASM), le
circuit touristique et culturel de la Médina a été
ouvert durant trois jours de fête, les 3, 4 et 5
septembre 2010. Un monde fou était au rendezvous de «Saveurs et Médina», thème choisi pour
ces soirées inaugurales qui se sont poursuivies
jusqu'à la fin des nuits ramadanesques. Une
interrogation toutefois : la ferveur nouvelle pour
la vieille ville de Tunis se poursuivra-t-elle le
reste de l'année? Autre question cruciale: la
Médina s’étend sur 270 hectares. Les quartiers
sud, aussi riches en monuments de tous genres
attendent une action de rénovation. L’opération
de restauration et d’embellissement de la Médina
sera-t-elle étendue à d’autres zones de la vieille
ville ? (Olfa Belhassine, 2010).
A la différence des années soixante, au moment
du projet de percement de la Médina et aux
années quatre-vingt, au moment du sauvetage du
théâtre municipal, où les mouvements d’opinion
étaient dirigés contre des projets envisagés par
les pouvoirs publics, en 1989, c’est à ces mêmes
pouvoirs que les regards se tournent pour leur
demander de racheter le Palais Ennajma Ezzahra
qui était mis en vente par ses propriétaires. Il y
avait une crainte réelle « de voir l’édifice
défiguré en cas d’acquisition par un propriétaire
peu sensible à la valeur des lieux » (Denis Lesage,
2001).
Certes, les deux cas, aussi bien pour le théâtre
que pour le palais, l’objectif est atteint et les
édifices en question sont sauvés et classés
comme monument historique, cependant, force
est de constater que la prise de conscience de
l’importance du patrimoine urbain de la période
coloniale était encore lié à des bâtiments précis
et ne touchait pas l’ensemble. On est encore loin
d’une appropriation globale de l’ensemble de
l’espace de la ville coloniale, mais l’intérêt est
porté à chaque fois qu’à un élément de la
mémoire collective. On était encore dans la
phase de la mémoire fragmentée où
les
protagonistes (les habitants actuels de la ville et
ceux qui l’avaient quittés) agissaient, chacun
d’eux, de son côté, à partir de positions
émotionnelles et affectives, marquées par des
occultations et des nostalgies, n’arrivant pas à
intégrer, le moment colonial, comme une phase
dans le long processus historique de la ville.
Le temps des réconciliations et des synthèses.
Ces deux moments de prise de conscience de
l’importance de chacune des composantes
patrimoniales de la ville de Tunis, ont marqué
des points de repères essentiels dans un
mouvement qui ne cesse de se développer et de
connaître des évolutions significatives.
DRAFT
Pour la ville neuve, plusieurs opérations sont
mises en chantiers pour sauver le patrimoine
monumental de la période coloniale rebaptisé
désormais patrimoine urbain du XX e siècle.
Ainsi, depuis le milieu des années quatre-vingtsix, plusieurs mesures sont prises par les
pouvoirs publics pour sauvegarder la ville neuve
ou moderne. L’ASM : a engagé depuis 1997, un
programme d’inventaire et de préservation de
cette partie de Tunis C’est que le .Journal
officiel, dans sa livraison du 23 janvier 2001,
dresse une liste de monuments classés à
préserver. La dernière action en date, remonte à
l’année 2000, qui a vu la grande avenue de Tunis
subir une grande opération de « lifting » et
d’embellissement sans lui faire perdre ses
apparences et son « âme ». Ainsi, cette partie de
l’espace urbain de Tunis est définitivement
admis et intégré comme une des composantes
fondamentales, une strate de son passé riche et
pluriel.
Ainsi, au terme d’une longue période de
tergiversation et de doute, la ville de Tunis,
commence à s’acheminer vers la prise en compte
des différentes facettes de son passé pour se
présenter aux nombreux touristes et à ses
propres habitant assumant, avec fierté, toutes
les composantes de sa longue histoire. Elle
donne ainsi une image plurielle d’elle-même et se
présente avec une identité riche des tous les
apports humains des groupes qui l’ont habités,
intégrant leurs diverses expériences plurielles
qui ont marqués leurs passages. Assumant son
patrimoine pluriel, mais résolument tournée
vers une modernité universelle.
Ainsi, pour la ville historique, on ne cesse de
d’encourager les projets de sa réhabilitation, le
dernier en date est celui achevé au mois d’août
2010. Il s’agit de la mise en place d’un circuit
touristique au sein même de la Médina,
parcourant ruelles et rues appelées à abriter des
manifestations culturelles et des spectacles
durant toute l’année. Initié par la municipalité de
Tunis sur la base d'un financement du Fonds de
50
Sources :
ABDELKAFI (Jellal), La Médina de Tunis. Espace
historique, Presses du CNRS, 1989.
AMMAR (Leila) et Omrane (Nadia), « A propos
de l’aménagement de l’avenue Habib Bourguiba.
Lettre ouverte aux députés », In Magazine
Réalités, du 23 au 29 décembre 1999.
Ammar (Leila), « Arbres d’hier et d’aujourd’hui,
arbres de demain », In Magazine Réalités, du 21
au 27 décembre 2000.
HABWACHS, (Maurice), La mémoire collective,
édition critique établie par Gérard Namer, Albin
Michel, 1997 (première édition, presses
universitaires de France, 1950)
LESAGE, (Denis), «La protection de
l’architecture du 19°/20° siècle. Une ère
nouvelle pour le patrimoine », in ArchiBat, revue
Maghrébine d’aménagement de l’espace et la
construction, Décembre 2001, pp. 100-103
VALENSI (Victor), Notice sur le projet
d’aménagements, d’embellissements et d’extension de la
ville de Tunis, Municipalité de Tunis, 1920.
Journal Attariq Al Jadid, 21 novembre 1981.
Belhassine (Olfa), « Circuit touristique de la Médina de
Tunis. Que la ferveur dure ! » Journal La Presse, 16
septembre 2010
Journal Officiel de la République Tunisienne, 23
janvier 2001.
DRAFT
51
Sylvain TIEGBE
Secrétariat Exécutif du Programme de gestion de
la Ville historique de Grand-Bassam, Côte
d’Ivoire
E
n tant que lieu de mémoire et d’identité,
les villes africaines n’en sont pas moins
des lieux de vie qui, par l’attraction
qu’elles exercent sur les populations et sur les
activités socioéconomiques connaissent de
profondes mutations qui ont tendance à rentrer
en concurrence avec leur caractère d’intégrité et
d’authenticité. Pourtant les paysages urbains
historiques sont des facteurs de cohésion sociale,
de développement économique et culturel,
source de fierté et de notoriété. Ils constituent
un enjeu pour l’amélioration du cadre de vie,
pour la réduction de la pauvreté et pour
l’épanouissement des populations.
A ce titre, ils doivent constamment faire l’objet
d’une attention de plus en plus soutenue de la
part des décideurs, des aménageurs, des
professionnels du patrimoine et de tout autre
acteur intervenant dans le développement des
villes. La ville historique de Grand-Bassam,
inscrite en juin 2012, sur la Liste du patrimoine
mondial de l’UNESCO, n’échappe pas aux
difficultés que rencontrent les villes africaines.
Notre exposé se propose de les identifier et de
présenter les stratégies mises en œuvre ou
projetées pour essayer de les juguler.
quartiers spécialisés au sein d'un réseau urbain
d'ensemble où la végétation tient une place
importante.
Problématique de conservation des villes
africaines et défis à relever : cas de la Ville
historique de Grand-Bassam.
L’architecture coloniale est caractérisée par un
style sobre et fonctionnel, utilisant les principes
hygiénistes appliqués à une situation tropicale.
L'organisation de la maison vernaculaire au sein
du village N'zima lui fait écho, exprimant la
permanence des valeurs autochtones.
DRAFT
La ville historique de Grand-Bassam est située
au sud-est de la Côte d’Ivoire, dans la région du
sud Comoé, à l’intérieur du département de
Grand-Bassam. Elle occupe un lido de terre
entre l’océan atlantique, au sud ; la lagune
Ouladine et le quartier impérial au nord ;
l’embouchure à l’est. Le cimetière et le village
d’Azurreti constituent la frontière ouest. Elle est
un exemple urbain colonial de la fin du XIXème
siècle et de la première moitié du XXème siècle
et témoigne par son organisation urbaine bien
préservée d’une importante tradition culturelle
liée à son rôle de capitale coloniale, de centre
administratif à l’échelle de l’ancienne AOF
(Afrique Occidentale Française) et de pôle
commercial régional. Des années 1880 aux
années 1950, la ville rassembla et confronta
différentes populations africaines, européennes
et moyen-orientales dans une cohabitation
simultanément harmonieuse et conflictuelle.
La Ville Historique offre, également, un exemple
éminent d'urbanisme colonial rationnel par ses
Le plan d’eau (océan, fleuve, lagune), qui
structure le paysage de la ville et qui participe de
son attrait touristique, occupe une place
importante dans l’activité économique locale. En
vue de préserver les attributs qui fondent la
valeur universelle exceptionnelle (VUE) de la
ville, un système de gouvernance a été mis en
place. il comprend, la Commission chargé de
l’examen et de l’attribution des dossiers de
permis de construire, un Comité local de gestion
et un Secrétariat Exécutif chargé d’assurer la
gestion quotidienne (conservation, valorisation)
du site dans le but de garantir son authenticité et
son intégrité. Si l’ensemble du patrimoine
architectural de la Ville historique est dans un
assez bon état de conservation, il n’en demeure
pas moins que certains bâtiments d’entre eux
accusent le poids de l’usure du temps, ou du
manque d’entretien. Les autres composantes du
site présentent des pathologies ou sont soumis à
des
menaces
d’origine
climatique,
environnementale, ou humaines, qui portent
préjudice à l’intégrité du site et à la qualité de vie
des populations.
Les dysfonctionnements sur le site
Sur le plan architectural.
L’essentiel des bâtiments de la Ville historique a
été construit entre la deuxième moitié du
XIXème siècle et la première moitié du XXème
siècle. Du fait de l’usure du temps, ou de leur
abandon l’intégrité de nombreux bâtiments est
très souvent médiocre. Ceux-ci se retrouvent
dans toutes les zones mais majoritairement dans
la zone commerciale. Ces bâtiments situés dans
la zone commerciale et qui appartenaient aux
52
riches commerçants européens, ou libano-syriens
ont souvent été rachetés par les riches
négociants nationaux et non nationaux (maison
Varlet, maison
Kétouré, CFAO, l’ex
SCOA,...).Certains de ces bâtiments sont laissés à
l’abandon parce que les familles (ex CFAO,
Maison Ganamet) sans ressources n’ont plus les
moyens de s’en occuper. A cela, s’ajoute les
conflits au sein des familles qui démotivent
fortement les potentiels acquéreurs ou locataires.
Du fait de leur abandon, les bâtiments sont
squattés et leur état de dégradation présente un
réel danger pour leurs occupants et même pour
les riverains. L’Etat entreprend des efforts pour
l’entretien et la réhabilitation des bâtiments
publics. C’est le cas de la Sous-préfecture, du
Centre artisanal, de la Bibliothèque Centrale de
prêt, du Centre de Culture Jean Baptiste Mockey,
de la Mairie, Direction Général des impôts,
Musée. Cependant, ces efforts devraient être
poursuivis pour des bâtiments présentant des
dégradations (l’ex-Mess des officiers, l’ex-Hôtel
des postes et douanes, l’ex-Palais de justice et le
collège moderne). La corrosion des structures
métalliques des bâtiments coloniaux, l’absence
du traitement régulier des matériaux par des
enduits (fer, bois, brique), la désaffection des
bâtiments, les mauvaises restaurations (emploi de
matériaux inadaptés), le manque de moyens
financiers sont autant de raisons qui sont à
l’origine de la dégradation accélérée des
bâtiments.
le cadre du plan de préservation de la Ville
historique. Le long du cordon littoral, les
cocotiers et les filao qui assuraient une
protection naturelle contre l’embrun marin et les
tempêtes ont été détruit, par endroits, au profit,
soit d’équipements touristiques en dur ou en
matériaux précaires, soit d’activités économiques
(pêche). Cette situation a pour effet d’accroitre
les phénomènes d’érosion.
DRAFT
Sur le plan environnemental : La fermeture de
l’embouchure
L’embouchure de Grand-Bassam est en fait le
débouché en mer du fleuve Comoé à l’est de la
Côte d’Ivoire. Sa fermeture est due à la
construction du canal de Vridi (plus à l’ouest, à
Abidjan). Toutes les tentatives pour l’ouvrir
(1954, 1987,1992) n’ont pas eu d’impacts
durables. Cette fermeture qui a entraîné a perte
d’accès à la mer a induit des conséquences
socioéconomiques importantes aggravées par la
prolifération de végétaux flottants qui nuisent
fortement à l’exercice de la pêche commerciale
et de subsistance (disparition de la faune
aquatique). Ceux-ci gênent également le
transport lagunaire qui constitue un moyen de
communication avec les autres localités. En plus,
la putréfaction des amas de végétaux rejetés sur
les berges de la lagune est à l’origine de la
pollution de l’eau, des odeurs pestilentielles et de
la prolifération des moustiques.
Les raz-de-marée
En raison de sa situation géographique et des
phénomènes climatiques, la ville historique est
souvent exposée à des raz-de-marée dans la juin
à aout (ceux des années1911, 1965,2011 ont eu
des effets notables sur le site). Ceux-ci sont à
l’origine des inondations et de la destruction des
installations ou équipements touristiques sur le
littoral.
Ces
raz-de-marée
impactent
négativement les activités touristiques et
pourraient sur le long terme porter atteinte à la
vitalité économique de la cité.
Par ailleurs, en matière de réhabilitation, de
restauration ou de constructions nouvelles, un
outil de référence de préservation du patrimoine
bâti existe, notamment le "cahier des prescriptions
architecturales" ; malheureusement, ce cahier est
très technique et souvent aride à l’usage des
opérateurs. Il est question d’en faire une version
plus prosaïque et plus illustrée pour lui permettre
d’être accessible par tous.
Sur le plan urbanistique
Du fait de son caractère balnéaire et de ses
activités touristiques, une pression foncière
s’exerce sur le domaine public maritime et
lagunaire. L’installation de restaurants en
bordure de lagune ne respecte pas les 25m
dévolus au domaine public. Même si les
équipements sont en matériaux précaires, ils
privent les usagers d’un accès public à la lagune
Pour le moment, la berge le long des « manguiers
centenaires » a échappé à cette frénésie urbaine.
Il est question de préserver cet espace pour en
faire un espace public de loisir et de détente dans
L’érosion côtière
A force d’érosion, le stock sédimentaire s’est
affaiblit, réduisant la distance de sécurité entre
l’océan et les infrastructures détruisant ainsi les
équipements touristiques, les spécialistes
estiment que la côte de 1m à 2m par an. Cette
érosion est accentuée par le prélèvement de sable
effectué par les populations pour leur usage
domestique et par la disparition de la couverture
végétale.
53
Gestion des plages
Au sortir des week-ends, la plage souffre de la
présence
d’ordures
laissées
par
les
excursionnistes et autres visiteurs. L’entretien
des plages est assuré par les propriétaires des
restaurants ou des hôtels qui ramassent les
ordures et le enfouissent dans le sable.
Malheureusement, celles-ci ressortent lors des
hautes marées.
Sur le plan de la fréquentation du site et de la gestion des
visiteurs
Les week-ends, des milliers de visiteurs
nationaux venant d’Abidjan la capitale ou de
l’intérieur du pays prennent d’assaut la Ville
historique, attirés par ses atouts culturels et
historiques et par son caractère balnéaire.
Malheureusement, la plupart d’entre eux, les
jeunes notamment, insoucieux et indisciplinés
adoptent
des
attitudes
répréhensibles
(délinquance au volant, nuisance sonore, ivresse,
bagarre,…) qui perturbent la quiétude des
riverains et des autres touristes qui ont tendance
à s’orienter vers d’autres plages. Pour palier cela,
le Préfet du département a pris en novembre
2013, un arrêté portant « suspension temporaire des
excursions et des séjours de masse dans la ville historique
». Cette mesure a pour but de mettre un terme
aux dérives constatées chez les jeunes, le temps
de développer des stratégies visant à réglementer
les sorties et les séjours sur la Ville historique.
DRAFT
Par ailleurs, à part la plage, la Ville historique ne
dispose pas d’autre espace public aménagé pour
la détente et le loisir. Le jardin et la cour de
tennis qui existait à l’époque coloniale a été
attribué à un particulier en 1990.
Les stratégies mises en œuvre pour tenter
d’améliorer la conservation du site
L’action gouvernementale : Sur le plan
environnemental
Les autorités municipales en collaboration avec
le CIAPOL (Centre Ivoirien Anti-Pollution) ont
tenté d’endiguer le phénomène de prolifération
de végétaux aquatiques en utilisant une
faucardeuse pour éradiquer ces végétaux.
Malheureusement, le procédé n’a pas donné les
résultats escomptés, puisque les végétaux ont
refait surface quelques jours plus tard.
se fixent, soit en profondeur dans le fond
lagunaire, soit sur la berge. Les pêcheurs
plongent munis de leur machette à 2m, 3m, 4m
de profondeur souvent même plus, pour couper
les végétaux à leurs racines. Les végétaux, une
fois coupées, sont poussés par les pêcheurs pour
atteindre le grand courant qui va les entraîner
loin de la lagune. Afin d’empêcher que ces
végétaux ne reviennent se fixer, une barrière
artisanale est érigée au niveau du courant, dans
l’eau, le long des berges lagunaires sud et nord.
Ce dispositif est composé de piquets dressés
verticalement dans l’eau et de bambous posés
sur l’eau à l’horizontal attaché les uns aux autres
avec des fils de nylon. Les bambous sont
attachés aux piquets de sorte qu’ils puissent
toujours flotter sur l’eau par temps de marée
haute ou basse. Les végétaux qui apparaissent
désormais, n’atteignent plus la berge pour
pouvoir se fixer, et sont emportés par le courant.
Des rituels se déroulent avant le début des
travaux et ont pour but de conjurer les risques
d’accidents ou la colère des esprits des lieux.
Cette stratégie est transitoire, car l’éradication
durable des macrophythes est liée, selon les
spécialistes, à l’ouverture de l’embouchure qui va
contribuer à restaurer la salinité de la lagune et
ainsi détruire complètement les végétaux
aquatiques et ses effets pervers. Les études
concernant l’ouverture de l’embouchure sont
achevées. Elles ont été effectuées par l’université
IHE-UNESCO de Hollande. Des différentes
options proposées, l’Etat a opté pour la
construction d’épis au niveau de l’embouchure
avec dragage chaque quatre an. Il est question
d’effectuer une étude de faisabilité pour mieux
apprécier l’impact des travaux de construction de
cet ouvrage sur l’environnement.
Sur le plan architectural et urbanistique
Le gouvernement a prévu des études
architecturales, urbanistiques, environnementales
sur la ville historique devant déboucher sur
l’élaboration d’un plan de préservation de toute
la ville. Ce plan sera un outil important de
planification
des
équipements,
des
infrastructures des aménagements de l’espace.
Ces études n’ont pu commencer faute de
financement. Les bâtiments publics bénéficient,
en général, de financements publics pour leur
entretien et leur restauration. L’on peut citer
l’exemple du Centre Artisanal, de la Direction
Générale des Impôts, de l’Orphelinat, de la
Sous-préfecture, et de l’ex-marché aux légumes
et aux poissons. Récemment (juin 2014), le
Conseil des ministres a adopté une mesure visant
Le recours aux techniques endogènes détenues
par les pêcheurs du village N’zima a donné des
résultats plus probants. Cette technique consiste
à plonger dans l’eau pour couper les racines des
végétaux aquatiques afin d’empêcher qu’elles ne
54
le ravalement des façades de tous les bâtiments
publics.
réhabilitation et de gestion des paysages urbains
historiques. Il est prévu par exemple d’illustrer
davantage
le
cahier
de
prescriptions
architecturale et urbanistique afin de le rendre
plus explicite à l’usage des opérateurs. Il est
prévu également d’élaborer un guide de bonne
pratique pour la conservation du site. En
collaboration avec la convention FranceUNESCO, un document de référence
bibliographique des ouvrages et études en lien
avec Grand-Bassam a été élaboré. Les ouvrages
ont été identifiés ainsi que leur localisation.
L’acquisition de ces documents constitue une
autre étape de cette démarche. Un système
d’appui conseil à la Commission de permis de
construire est également prévu en collaboration
avec ce partenaire. L’Association des maires
francophones
(AIMF)
accompagne
financièrement l’Etat de Côte d’Ivoire dans le
projet de restauration de l’ex Palais de justice.
Vue aérienne ville historique
On remarque également des initiatives isolées de
certaines familles qui visent à entretenir et à
restaurer leurs bâtiments. Les bâtiments
connaissent pour la plupart une requalification
de leur usage pour devenir soit des commerces,
soit des équipements administratifs ou culturels,
soit des maisons d’hôtes. Par ailleurs, si un plan
d’urbanisme existe pour toute la commune, il a
besoin d’être complété par un plan
d’aménagement spécifique à la Ville historique
pour planifier la réhabilitation des bâtiments et
leur requalification. En outre, ce plan prendra en
compte la construction des équipements
touristiques et culturels, des ouvrages, des
espaces verts, des espaces publics, etc.
Le recours à la société civile, des communautés locales et
des mécènes
Le Secrétariat Exécutif chargé de la gestion de la
Ville historique a mis en place un réseau
d’informateurs bénévoles issus de la population
locale et riveraine qui l’alertent chaque fois que
des anomalies sont constatées sur le site
(conducteur de taxis, résidents, société civile).
Cette population participe aussi à la surveillance
de la plage pour prévenir les prélèvements de
sable. Celle-ci nous alerte chaque fois qu’un cas
se produit. Mais, faute de véhicules, nos
interventions en temps réel ne se font pas avec la
célérité nécessaire. L’autorité municipale a été
sensible à notre cri de cœur et nous a récemment
offert une moto pour accroitre la mobilité de
nos équipes d’inspection. Des opérations de
salubrité sont souvent organisées par les
organisations de jeunesse pour appuyer les
efforts entrepris par les autorités municipales.
Afin de les aider en moyens logistiques, l’organe
de gestion a pu obtenir d’une société citoyenne
un don en matériel de salubrité qu’ils utilisent
chaque fois que de besoin. Avec les écoles, le
Secrétariat Exécutif organise des « classes du
patrimoine » pour sensibiliser la jeunesse à
l’adoption de bonnes pratiques de conservation
d’un paysage urbain historique.
Opération de plantation d’arbres
Afin de restaurer l’authenticité paysagère du site,
une opération de planting d’arbres est prévue
dans le courant du mois d’octobre, avec la
participation active des élèves.
DRAFT
Opération de salubrité
Les efforts que déploie l’autorité municipale
pour la gestion des ordures ménagères sont à
encourager au regard des poches d’insalubrité
qui ont été résorbées. Des bacs ont été déposés à
divers endroits de la ville et sont régulièrement
enlevés. Ces efforts méritent d’être poursuivis.
Des opérations de salubrité sont souvent
organisées par les acteurs de la société civile. Ces
actions citoyennes viennent en appoint aux
efforts déployés par les autorités municipales.
Organisation des classes du patrimoine
Des séances de formation et de sensibilisation
aux enjeux que représente la conservation et la
valorisation du paysage urbain historique sont
organisées à l’intention des élèves pour
développer en eux des réflexes de protection du
patrimoine par l’appropriation de bonnes
pratiques.
Documentation relative à la cité historique
Une bonne opération de conservation exige de la
documentation sur les plans des bâtiments, les
plans d’urbanisme, sur l’histoire des espaces, des
infrastructures, les études sur l’environnement,
les activités culturelles et touristiques. Souvent
ces documents existent mais leur localisation est
méconnue de la structure de gestion du site.
L’appui des partenaires au développement
A titre d’exemple, l’on pourrait citer le
programme africulture+ (UE-ACP, AIMF,
CRAterre, EPA) dont l’action AfriCAP 2016
sera mise en oeuvre en octobre 2014, à Grand
Bassam. Il sera question au cours de cette
formation d’aborder les questions de
55
Les villes historiques rencontrent d’énormes
difficultés en raison de l’occurrence des
pressions et des dysfonctionnements existants.
L’urbanisation
galopante,
les
activités
économiques incontrôlées, le non-respect des
règles établies, les menaces environnementales
constituent de réels dangers pour l’avenir des
villes historiques. Au regard de ces difficultés,
l’on mesure l’ampleur des défis à relever et des
attentes. Cependant, des solutions intégrées
issues de l’action conjuguée des services
techniques compétents, des savoirs faire locaux,
et des décideurs peuvent être développées à
l’échelon national, ou local. Le recours à la
solidarité régionale et internationale doit
également pouvoir être exploité pour aider à
l’identification et à la mise en œuvre des bonnes
pratiques de conservation et de valorisation.
Toutes ces initiatives doivent être adossées à
l’engagement réel des décideurs politiques et
économiques et à l’implication des communautés
locales.
Alors que ces documents une fois identifiés et
centralisés, pourraient aider à concevoir de façon
plus cohérente et intégrée l’aménagement du site.
En collaboration avec la convention FranceUNESCO, un document de référence
bibliographique des ouvrages et études en lien
avec Grand-Bassam a été élaboré.
Renforcement des capacités et action synergique des acteurs
La formation tient une place très importante
dans les stratégies de conservation et de
valorisation des villes historiques. C’est elle qui
permettra au gestionnaire et au décideur d’être
mieux outillé pour faire face aux défis auxquels
ils sont confrontés. Par ailleurs, les interventions
sur la Ville historique interpellent plusieurs
domaines de compétence (architecte, urbaniste,
sociologue, anthropologue, archéologue, juriste,
paysagiste, ingénieurs, détenteurs de savoirs faire
locaux…) qui doivent œuvrer en synergie et non
pas de façon cloisonnée au risque de voir leurs
efforts s’annuler.
DRAFT
56
DRAFT
Vue du cœur historique de Lubumbashi (République Démocratique du Congo). Cette partie de la ville forme une remarquable
cité-jardin.
© Yves Robert (ULB)
57
Administration publique « culturelle » au service du Patrimoine et
Développement durable
Félix Simaundu NYEMBO
Directeur chef de service de la coopération
culturelle et en charge du patrimoine au
secrétariat général de la culture et des arts, RDC
L’Administration
publique
« culturelle »
accompagne le patrimoine dans tous ses aspects
admirables et virtuels.
Elle est toujours appuyée et travaille en étroite
collaboration avec les services techniques
spécialisés de l’Etat ou privés dans le domaine
du patrimoine et des arts. Elle est le principal
moyen et instrument juridique qui permet les
pratiques favorables pour la valorisation de
l’usage contemporain et fonctionnel du
patrimoine en tant qu’espace public, privé ou
commun.
C
hers Organisateurs de la Conférence
Internationale Villes en développement
et patrimoine ;
Chers participants et Collègues,
Au nom de notre Ministère de la Jeunesse,
Sports, Culture et Arts et de toutes les Autorités
de différents Secteurs de la vie nationale de la
RDC, nous tenons à remercier très sincèrement
les organisateurs de cette Conférence
Internationale Villes en développement et
patrimoine, organisée en prélude de la tenue
prochaine du XVème
Sommet de la
Francophonie, pour avoir invité à ses assises
combien louables pour les pays Francophones,
les experts de la République Démocratique du
Congo que nous sommes dont notre pays est
jusqu’à ce jour le détenteur du bâton de
commandement du XIVème Sommet de la
Francophonie.
DRAFT
L’Administration publique Culturelle
D’une manière managériale, l’administration
publique « culturelle » est un facteur établi par
l’Etat pour gérer, coordonner, contrôler,
superviser, pourvoir, créer, restaurer, conserver,
protéger, promouvoir,
valoriser, organiser,
coopérer et diriger le secteur de la culture et du
patrimoine. Par l’administration publique
« Culturelle », on observe la créativité, la
politique culturelle et la bonne gouvernance des
institutions publiques.
Patrimoine culturel et historique
Le patrimoine est un héritage ou propriété légué
à un peuple par une génération ancienne. Il peut
être l’ensemble des biens culturel, le site
monumental ou historique d’un peuple.
Quand on parle du patrimoine culturel et
historique, on parle ipso facto du
développement humain et de l’économie de la
nation. Le patrimoine a ses avantages et
inconvénients.
Avantages
La préservation des sites et monuments
historiques est l’un des premiers domaines
culturels à être considéré comme ayant un intérêt
économique à travers le monde. Dans les centres
villes, l’aménagement des monuments et sites
historiques permets la rénovation des vieux
quartiers de la ville, devenant ainsi source de
revenus et d’emplois. « La préservation paie et la
conservation est un facteur de développement ».
A ce sujet, les institutions socioculturelles et
politiques du pays sont appelées à travailler en
synergie avec le progrès, non seulement de la
science et la technologie, mais aussi et surtout de
la révolution de la modernité et de la valorisation
des paysages urbains historiques. A ce titre,
l’Administration publique « culturelle » a comme
mission et l’obligation première de préserver le
patrimoine culturel et historique. Car, ce
domaine culturel représente un intérêt
économique considérable et reconnais la
contribution dudit patrimoine à la promotion du
tourisme qui devient aujourd’hui l’une des plus
grosses industries du monde.
Inconvénients
Durant la période qui a suivi l’indépendance, un
modernisme excessif en matière d’architecture et
urbanisme a conduit à la démolition des
monuments et quartiers entiers de villes
précoloniales. A ce moment-là, l’idée de nation
n’était pas associée à celle de patrimoine comme
source d’identité et de revenus, mais au
contraire, l’écart entre identité et valorisation du
passé s’était encore creusée.
58
Il est arrivé que des initiatives sentimentales et
individuelles incontrôlées soient responsables de
la destruction de quartiers résidentiels et
historiques et de leur remplacement par des
constructions à usage commercial, etc.
de ce XXI siècle, le monde sera essentiellement
urbain, si possible, avec quelques poches des
entités rurales. Donc, le passage d’une existence
à prédominance rurale à une existence urbaine
est un phénomène complexe qui fait intervenir
des facteurs technologiques, économiques,
sociaux, politiques et culturels.
Développement durable
A ce point, permettez-moi de paraphraser un
imminent homme d’Etat, en la personne de
Monsieur Boutros Boutros-Ghali ; je cite :
« Alors que le développement devient un
élément indispensable en cette fin de siècle, il
nous incombe de donner un nouveau sens à ce
concept. Réfléchir sur la notion de
développement constitue par conséquent le
principal défi intellectuel des années à venir » ;
point de citation. On ne peut pas réfléchir sur le
développement sans parler de la culture qui est
un instrument intellectuel principal et
incontournable du développement au sens de
progrès matériels et d’épanouissement de la vie
humaine sous ses formes multiples.
Ensemble, nous pouvons retenir dans cette
conférence deux volets de concept de
développement :
Bien qu’aucune batterie d’indicateurs quantitatifs
ne peut épuiser la richesse du concept de
développement humain, notre conférence est
invité à mettre beaucoup l’accent sur la
croissance économique par la contribution du
patrimoine
culturel
et
historique
au
développement humain sur toutes ses formes.
Donc, il faut que coûte que coûte promouvoir le
développement humain et entretenir le progrès
économique. A ce sujet, que les décideurs
considèrent la Culture comme une valeur, un
instrument et un
moyen de croissance
économique d’une grande importance dans la
société et l’utiliser dans toutes les actions de
développement.
A ce titre, notre démarche participative se
résume comme suit :
DRAFT
Tout doit commencer par un inventaire des
patrimoines ou biens culturels des villes et les
classer conformément aux lois et règlements du
pays où se trouvent les patrimoines ;
Après l’inventaire des sites historiques et
monuments, il serait souhaitable de mettre en
place une structure permanente de la
Francophonie qui aura comme mission principal
de conseiller les gouvernements des pays
Francophones en vue de mettre sur pied dans
leurs pays respectifs une législation plus
moderne et des pratiques professionnelles et
administratives nouvelles, à un niveau
passablement élevé de la hiérarchie exécutive. A
cet effet, une nouvelle série de disciplines, depuis
les biosciences en passant par l’économie du
développement et les sciences sociales, l’histoire
de l’art, l’architecture jusqu’à l’urbanisme, les
sciences et l’architecture urbaine contribuerait
efficacement à sensibiliser les décideurs et les
populations à respecter le tissu bâti des quartiers
traditionnels.
Pour y arriver, il faut :
- Que la culture soit considérée par les décideurs
et occupe une place de choix dans la préséance
du Gouvernement ;
- Que le patrimoine soit connu et respecté de
tous ;
- Que des sommes plus conséquentes soient
attribuées au budget de la culture de nos Etats
respectifs pour la gestion du patrimoine et
servies à la diffusion des savoirs traditionnels en
ce domaine ;
- Qu’un code de déontologie professionnelle et
du respect du patrimoine par les populations au
standard international soit élaboré pour une
meilleure protection et conservation du
patrimoine ;
- Que les patrimoines identifiés à caractère
international ou national soient immunisés
conformément à la convention de l’UNESCO,
adoptée à la Haye (Pays-Bas), le 14 mai 1954
Envisager les méthodes de gestion de la société
fondée sur la participation de tous et permettre
la formation et le renforcement de capacité pour
la conservation du patrimoine. Permettre la mise
en place d’une série de stratégie pour que le
patrimoine soit une des sources économiques
permanentes des nations Francophones.
Notre démarche participative à cette
conférence
Le XXème
siècle fut le siècle du
développement et de la multiplication des villes
et mode de vie urbain. Si, pendant des milliers
d’années, l’existence rurale prédominait, à la fin
59
pour la protection des biens culturels en cas de
conflit armé et en temps de paix ;
- Que les architectes se considèrent d’abord dans
leur casquette culturel au lieu de s’oublier dans la
construction confondus dans la maçonnerie ;
- Que la culture soit souvent impliquée dans la
recherche de la paix pour veiller à la protection
permanente des patrimoines en cas de conflits
armés ou pendant la prise des décisions par les
décideurs politiques en ce qui concerne la
destruction sauvage du patrimoine.
DRAFT
60
Lassana CISSE
Gestionnaire du patrimoine
Directeur National du Patrimoine Culturel,
Bamako, Mali
u Mali, l’importance des ressources
culturelles et naturelles n’est plus à
démontrer, aussi leur valorisation dans le
cadre du développement communal s’avère-t-elle
du plus grand intérêt au profit de l’ensemble des
acteurs des collectivités décentralisées.
A
La décentralisation ainsi conçue a fait naître
beaucoup d’espoirs concernant les compétences
des conseils communaux, notamment en matière
d’aménagement du territoire. Le patrimoine est
toujours lié à la notion de territoire comme
entité géographique et culturelle. Il est aussi lié à
des organisations sociales et communautaires
souvent formalisées dans des circonscriptions
administratives territorialisées. Dans nombre de
traditions, les paysages culturels, restent et
demeurent porteuses d’âme(s) et comme tels,
sont à la base de nombreuses pratiques
culturelles (rites, événements festifs, pêches
collectives, savoirs et savoir – faire, etc.) en
liaison avec les cours d’eau, les lacs et mares,
ainsi que les évidences naturelles (bois sacrés,
monts, rocs et grottes).
de développement culturel et touristique depuis
la mise en œuvre de la politique de
décentralisation. Il s’agit de renforcer ces
interventions pour mieux impliquer toutes les
parties prenantes dans la conservation, la gestion
et la mise en valeur efficiente des ressources
patrimoniales qui constituent de nos jours, dans
certaines zones, un remarquable levier de
développement local, par le biais du tourisme
culturel.
DRAFT
Au territoire est associé également un patrimoine
culturel qui, légué de génération en génération,
permet aux communautés de se situer dans un
continuum temporel que lui confèrent sa
territorialité et ses particularités distinctives, base
de constitution des identités collectives liées à
l’espace. Les mythes fondateurs de nos villes et
villages, les tissus anciens et les ensembles
architecturaux de ces mêmes établissements
humains, les lieux sacrés, les aménagements
agricoles, les technologies de forge, de façonnage
d’objets et de sculpture, les activités productives
collectives ou individuelles, les traditions orales,
etc. tiennent toujours du territoire. Dans ces
domaines, l’inventivité des communautés a
produit des résultats ingénieux dans des
domaines aussi variés que la pharmacopée, le
mobilier, les objets usuels et cultuels,
l’habillement y compris l’apparat, les rites
agraires et pastoraux. Contexte décentralisation
et gestion des ressources du patrimoine et
développement local.
Dans le cadre de la décentralisation, l’État malien
accorde à d’autres entités juridiquement
reconnues, l’autonomie financière et de gestion
dans des conditions prévues par la loi ; il a
procédé à la mise en place d’un cadre législatif
déterminant les conditions de la libre
administration des collectivités territoriales, les
ressources des communes, des cercles, des
régions et du District de Bamako, et portant
statut des fonctionnaires des collectivités
territoriales.
Le cadre réglementaire fixe les
détails des compétences transférées de l’État aux
collectivités territoriales en matière d’éducation,
de santé et d’hydraulique rurale et urbaine.
Le transfert ne concerne pas pour le moment, la
culture et le patrimoine culturel. Ceci
expliquerait probablement le fait que les PDSEC
contiennent très peu de programmes relatifs au
patrimoine culturel.
Par ailleurs, l’aménagement du territoire, depuis
quelques décennies, fait l’objet de réformes
institutionnelles soutenues par la définition et la
mise en œuvre de politiques et programmes de
développement économique et social ; on
retiendra ici par exemple la Charte pastorale, les
Schémas directeurs de développement du secteur
rural, de l’industrialisation, du développement
urbain, des ressources en eau et du tourisme.
Les fondements de la politique nationale
d’aménagement du territoire sont définis en cinq
axes : politique, cadre institutionnel et
réglementaire, économie, culture et écologie. Au
plan social et culturel, l’impératif se définit en
termes de satisfaction des besoins de la
population en santé, éducation et culture, sports
et loisirs. Au plan environnemental, les efforts
sont destinés à l’amélioration du cadre de vie et
la gestion rationnelle des ressources naturelles.
Au Mali, les communautés locales et les
responsables n’ont cessé de conduire des actions
61
Cependant, force est de constater que, si la
plupart des projets inscrits dans le cadre de la
décentralisation étaient pertinents, utiles et
porteurs en matière de protection et de
promotion du patrimoine culturel, ils
s'inscrivaient uniquement en complément des
efforts du Gouvernement en
matière de
développement rural et urbain dans le cadre de la
lutte contre la pauvreté. Ainsi, en était-il du volet
« Sites et cités historiques » du PDUD (3ème projet de
Développement Urbain et Décentralisation mis
en œuvre de 1996 à 2006), initié à l’époque par le
Président Alpha Oumar Konaré.
Comment mieux protéger le patrimoine culturel
national (patrimoine culturel matériel et
immatériel),
y
compris
les
données
socioculturelles locales, au niveau des
collectivités décentralisées ?
Quels types d’initiatives une collectivité
décentralisée peut-elle prendre du point de vue
institutionnel et réglementaire pour faire en sorte
que le patrimoine culturel soit davantage perçu
comme un levier du développement local ?
Quels types d’outils financiers et techniques
doit-on mettre en place pour accompagner les
opérations de développement local tenant
compte du patrimoine culturel ?
Il est donc nécessaire de persévérer, dans la
stratégie d’échange et de réflexion engagée avec
les acteurs des collectivités décentralisées, une
politique de gestion de proximité des ressources
du patrimoine culturel en vue d’assurer un
développement harmonieux durable qui intègre
la conservation et la mise en valeur des biens
culturels des terroirs, dont les paysages
historiques et urbains des villes et grandes
agglomérations.
De nos jours, les collectivités décentralisées
disposent d’une portion du territoire national
bien délimitée géographiquement. Elles sont
dotées du statut de personne morale de droit
public apte à prendre des décisions propres dont
la vocation principale est la programmation et la
mise en œuvre d’actions dans les intérêts de leurs
circonscriptions. La gestion des ressources du
patrimoine dans le contexte de la
décentralisation s’articulent autour de questions
essentielles suivantes:
Quelles compétences et quelles ressources faut-il
transférer aux collectivités locales décentralisées
pour leur permettre de faire face aux problèmes
de conservation et de promotion de leur
patrimoine?
Existe-t-il des risques de conflits de compétence
entre les collectivités locales et les services
déconcentrés en matière de protection et de
promotion du patrimoine culturel ?
DRAFT
Comment accroître les possibilités de
développement local en considérant le
patrimoine comme facteur de développement,
notamment par la promotion de l’économie
locale?
Quel peut être l’apport des collectivités
territoriales dans la promotion du tourisme
culturel au Mali en général et dans la promotion
du tourisme local au sein de l’entité territoriale ?
Les collectivités territoriales décentralisées
assurent-elles toutes les prérogatives et tous les
pouvoirs qui leur sont dévolus dans le domaine
de la protection et la promotion du patrimoine
culturel ? Constituent-elles aujourd’hui des lieux
vivants de la recomposition du tissu social où
s’exprimeront les identités locales ? Arriventelles à concevoir et mettre en œuvre des projets
locaux de développement qui intègrent des
aspects de conservation et de valorisation
économique du patrimoine culturel ?
Quel peut être l’apport du patrimoine aux
programmes et séances d’animation pédagogique
en matière d’éducation au niveau des collectivités
territoriales ?
Toutes ces questions ont fait l’objet de débats
fructueux et riches lors des dernières Journées
nationales du patrimoine culturel qui se sont
déroulées le 29 et 30 mai 2014 à Bamako, sous la
présidence du Premier ministre. Ces journées
ont enregistré la participation de plusieurs maires
de villes historiques tels Djenné, Tombouctou,
Gao et Bandiagara.
Comment faire en sorte que l’espace communal,
considéré comme le niveau stratégique de base
pour l’appui au développement local et comme
cadre de référence opérationnel pour les projets
et programmes de développement puissent
garder toutes ses traces : lieux de mémoire, sites
historiques, toponymie, mythes fondateurs, etc. ?
Une autre réponse concrète apportée aux
questions est le cas de la ville de Tombouctou
qui fut occupée de mars 2012 à février 2013 par
62
des groupes armés rebelles et terroristes. Durant
cette période le patrimoine culturel au-delà de la
destruction programmée des mausolées et autres
monuments de la ville, s’est beaucoup dégradé à
cause du manque de moyens d’entretien des
éléments architecturaux réalisés en matériaux
locaux : maisons anciennes et édifices publiques
du tissu.
économique de la ville de Tombouctou à travers
le renforcement des capacités institutionnelles et
opérationnelles de la Mairie, le soutien à la
réhabilitation du patrimoine architectural et à
l’artisanat.
Dans le cadre de ce projet il s’agit de mener entre
autres activités, la réhabilitation d’une vingtaine de
maisons anciennes détériorées du tissu ancien du
fait du manque d’entretien annuel, et la réalisation
d’une carte de l’artisanat d’art pour améliorer et
revitaliser les savoirs et savoir-faire et promouvoir
l’artisanat local.
L’Association Internationale des Maires
Francophones (AIMF) s’est engagée aux côtés
de la commune urbaine de Tombouctou pour
soutenir un projet de «Revitalisation du tissu
socioéconomique de la ville de Tombouctou»,
dans le cadre du Plan d’action de réhabilitation
du patrimoine culturel et la sauvegarde des
manuscrits anciens du Mali adopté en février
2013 par le gouvernement du Mali et
l’UNESCO. Cette proposition de projet vise à
contribuer à la redynamisation du tissu socio-
Ce projet financé par l’AIMF pour le compte de
la mairie de Tombouctou, est en cours
d’exécution depuis mars 2014, en étroite
collaboration avec la Direction Nationale du
Patrimoine Culturel et le Bureau UNESCO du
Mali.
DRAFT
63
Enjeux patrimoniaux au Sénégal : des discours sur les ambiguïtés
du legs colonial au concept d’une ville francophone en partage.
Abdoul SOW
Enseignant-chercheur et Chef de la Section des
Métiers du Patrimoine
UFR des Civilisations, Religions, Arts et
Communication (CRAC), Université Gaston
Berger (UGB), Saint-Louis, Sénégal
Membre fondateur de l’ICOMOS, Sénégal
A
u lendemain de la convention de 1972, la
République du Sénégal a mené toute une
politique de sauvegarde et de mise en
valeur de son patrimoine historique afin de
figurer sur la liste des sites classés « patrimoine
mondial de l’Unesco ». Si les analyses sociales
traduisent les évolutions des structures
architecturales et urbanistiques résultant des
processus économiques2, quelles sont les villes
sénégalaises historiques ? Souvent classées dans
le registre des « comptoirs » et/ou « villes
coloniales »3, le patrimoine architectural et
urbain sénégalais, à l’instar des pays
anciennement colonisés, est traversé par des
discours idéologiques qui fragilisent sa
protection.
peut-elle être concernée par la sauvegarde du
patrimoine, d'autant que seule une infime partie
de ses habitants en revendique fièrement
l’héritage ? Ce patrimoine colonial et partagé
a-t-il pu déclencher une politique de sauvegarde
et de mise en valeur de la ville
sénégalaise actuelle ?
DRAFT
Dans ce cas, à quoi renvoie le terme de
« patrimoine » pour justifier un tel classement ?
Si le patrimoine, au sens étymologique du latin
patrimonium signifie « héritage du père », à savoir
des biens que l'on a hérités de ses ascendants4, le
patrimoine colonial est-il un patrimoine comme
un autre ? Quels sont ses acteurs, ses auteurs et
les conditions de sa réalisation ? Que véhiculait-il
auprès des différentes sociétés à l’époque de la
domination coloniale ? Actuellement, s’agit-il
d’un besoin réel de sauvegarde d’un bien rare en
péril ? Comment la population actuelle,
généralement néo-citadine et souvent paupérisée,
Un legs colonial partagé à la fois « assumé »
et « décrié »
Dès septembre 1973, le gouvernement
sénégalais, à travers sa délégation générale au
Tourisme, demande au Bureau Régional de
l'Unesco pour l'Éducation en Afrique (BREDA)
d'effectuer des missions d'évaluation du
patrimoine colonial bâti :
« Étant donné le riche héritage historique et culturel que
représente Saint-Louis et Gorée, le Gouvernement a
décidé de faire appel à l'Unesco, à la Banque Mondiale,
à l'Agence de Coopération Culturelle et Technique, ainsi
qu'à d'autres organismes, pour préparer et réaliser un
programme de restauration des bâtiments publics ainsi
que des maisons privées. [...] le dossier de demande
d'assistance technique et financière [...] s'appuiera, pour
l'essentiel, sur une préétude menée par des architectes
spécialisés dans le domaine de la restauration de
monuments5 ».
Si le patrimoine était il y a peu, au sens
étymologique du terme, l’héritage des biens de
famille6, ce terme a évolué pour suppléer et
englober petit à petit le vocable de
« monument », qui renvoie aux XVIIème et
XVIIIème siècles au sens de souvenir, de
témoin, de document. La loi du 31 décembre
1913 relative à la protection des Monuments en
France, qui a fortement influencé les
conventions internationales relatives aux
SOW Abdoul, L’île de Saint-Louis du Sénégal, formes spatiales
et formes sociales : destinées d’une ville, Thèse de Doctorat en
Aménagement de l’Espace, Urbanisme, Université de Paris
X-Nanterre, 2008.
3 SINOU Alain, Comptoirs et villes coloniales du Sénégal –
Saint-Louis, Gorée et Dakar, Éditions Karthala-Orstom,
Paris, 1993.
4 Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2012, Millésime,
2013.
2
5
6
64
Lettre réf. 0021/DGT/SP du 5 octobre 1973.
Le Nouveau Petit Robert de la langue française, 2013.
monuments
précise :
historiques
et
au
patrimoine,
certains héritiers du colonisateur voient en ce
patrimoine la preuve d'une domination dont
leurs enfants devraient s'inspirer pour la
continuité des œuvres, pour les héritiers des
colonisés, cette matérialité est une preuve
évidente afin que leurs filles et fils n'oublient
jamais la domination et les injustices du système
colonial et ses mobiles visibles et cachés en
Afrique9. Le patrimoine, qu'il soit matériel ou
immatériel, est considéré par les traités
internationaux comme un bien dont la
protection est devenue une priorité pour les
sociétés actuelles à cause des menaces qu'il subit
liées aux guerres, aux évolutions socioéconomiques, aux fléaux naturels10.
« Afin de justifier une protection, les immeubles ou
parties d'immeubles doivent présenter du point de vue de
l'Histoire ou de l'Art, un intérêt public. [...] outre les
critères précédents, les ensembles doivent présenter, au
point de vue scientifique, légendaire ou pittoresque, un
intérêt général ».
Partant de ces critères, Jean-Pierre Babelon et
André Chastel, dans l'éditorial de la Revue de l'art,
1980, consacrée aux origines du patrimoine,
évoquent : « Trésors sacrés et royaux, langues,
souvenirs dévolus à une communauté, ou plutôt reconnus
par elle rétrospectivement comme un facteur commun
d'identification, bien que souvent sacrifiés au gré des
changements de croyance ou de pouvoir ». Les croyances
et les pouvoirs joueraient un rôle déterminant
dans la définition du patrimoine et constituent
ainsi la différence fondamentale avec le
monument historique.
Cette définition du patrimoine peut-elle
s'appliquer à l'héritage colonial ? Le professeur
Hamady Bocoum, actuel Directeur du
Patrimoine Culturel du Sénégal, a d’ailleurs
réaffirmé7 ses positions antérieures sur l’héritage
colonial :
DRAFT
« Si nous acceptons avec les anciens que le patrimoine est
ce que nous avons reçu en héritage, l'architecture coloniale
en est incontestablement une composante importante.
Mais est-ce suffisant pour assurer son avenir ?
Manifestement non ! Et pour cause l'avenir se joue sur
un autre registre, celui de la tradition c'est dire, toujours
selon les anciens, ce qui mérite d'être transmis. Nous
sommes ici sur les terres mouvantes de l'appropriation et
des réflexes identitaires. Autrement dit les Sénégalais se
reconnaissent-ils dans l'architecture coloniale ? Estimentils qu'elle mérite d'être transmise aux générations futures
et sous quelles modalités8 ».
Donc, en dépit des ambiguïtés et des
particularismes de la ville coloniale, cet héritage
entre bien dans les vocables du patrimoine et
devrait être préservé pour différentes raisons. Si
Une politique patrimoniale précoce
Partant de ces considérations, dès 1973 le
Gouvernement du Sénégal, à travers le Bureau
Régional de l'UNESCO pour l'Éducation en
Afrique (BREDA), a réalisé la première mission
de reconnaissance du patrimoine bâti saintlouisien et goréen. Deux architectes délégués ont
accompli cette mission. Elle a consisté pour
Saint-Louis essentiellement en un relevé
photographique des façades des bâtiments de
l'île présentant un intérêt architectural, à
l'exception des monuments publics mieux
connus, soit une soixantaine dans la partie nord
et une trentaine dans la partie sud. Étant donné
le nombre d’unités architecturales plus limitées à
Gorée, l’ensemble des bâtiments a été relevé et
analysé. Les deux architectes de la mission1
avouent d’eux-mêmes ne pas être des spécialistes
de la restauration de monuments mais
comprennent pourtant bien le fonctionnement
et les facteurs propices au développement d'une
ville et ses composantes physiques quand ils
affirment dans leur rapport dès l’introduction :
Voulant certainement mettre l’accent sur la portée
historique de la colonisation, Léopold Sédar Senghor a dit
dans ses travaux de recherche que « la colonisation est un
mal nécessaire, d'une nécessité historique ». Cette posture
historique mais ambiguë a fait l'objet de nombreuses
critiques des chercheurs et intellectuels, dont son fidèle ami
et compagnon de route Aimé Césaire. Il lui rétorquera dans
son ouvrage Discours sur le colonialisme que « colonisation
égale chosification ». Dans les critiques, cf. aussi Cheikh
Anta Diop et ses nombreux travaux de recherche sur
l'Afrique.
10 Cette posture est dérivée de la définition du patrimoine
comme « ensemble des biens immobiliers et mobiliers
relevant de la propriété publique ou privée qui présente un
intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique,
scientifique ou technique ». Cette définition est la synthèse
des conventions internationales relatives aux monuments
historiques et au patrimoine urbain et naturel. Résultat
d'une appréciation de « la valeur intrinsèque d'un bien en toute
indépendance ».
9
Hamady Bocoum, « Conférence internationale. Villes en
développement : politiques de restauration et de
valorisation des paysages urbains historiques en Afrique et
dans l’espace francophone. Enjeux d’un réseau
francophone du patrimoine, de l’architecture et de
l’urbanisme », 7 au 9 juillet 2014, Dakar, Sénégal
8 Hamady Bocoum, « La protection de l’architecture
coloniale au Sénégal: quels enjeux ? » in L’architecture et le
patrimoine colonial, l’état des connaissances sur l’architecture et le
patrimoine colonial français, Institut National du Patrimoine,
septembre 2003.
7
65
« Il en va de même pour la rénovation de villes anciennes
que pour la création de villes nouvelles, l'expérience
montre qu'une simple volonté administrative ne suffit pas
à y insuffler la vie. Au mieux, on ne parviendra qu'à
dresser une façade illusoire de décor artificiel et sans
lendemain : une ville réelle ne peut devoir son existence ou
sa survie qu'à l'ensemble des facteurs sociaux,
économiques et culturels qui justifient sa présence et sa
prospérité 11 ».
classés car les dégradations sont importantes pour
pouvoir classer tout le site de l'île de Saint-Louis.
Du 6 au 17 janvier 1974, l'UNESCO réalise la
mission. Suivant les dispositions du décret n° 73
746 du 8 août 1973 portant application de la loi
n° 71 12 du 25 janvier 1971, fixant le régime des
Monuments Historiques, les édifices et
constructions de Saint-Louis proposés au
classement, tiennent leurs justifications pour
l’essentiel aux faits historiques de leur réalisation.
Ce rapport demande à ce que toute l'île de Gorée
soit classée. Pour Saint-Louis, bien que l'idéal
soit de classer la totalité de l'île, une telle
entreprise aurait des incidences financières pour
les autorités sénégalaises. En effet, au début de la
convention, le classement UNESCO est
traditionnellement une récompense, un label qui
sanctionne une bonne restauration. Le
classement d'un site n'est pas sensé entraîner
l'attribution d'aides financières. Ici dès le départ,
il s'agit d'une politique de mobilisation pour
refaire la ville. De ce fait, seuls 16 édifices,
sélectionnés pour leur haute valeur architecturale
supposée, sont proposés dont deux se trouvent
dans le quartier de Sor14. Leur restauration
devrait être à la charge de l'État. En 1983, un
plan de sauvegarde de ces monuments est
élaboré.
Cette assertion revêt toute son importance car
aujourd'hui encore, pour beaucoup d’acteurs, le
patrimoine colonial est en danger uniquement
parce qu’il n'existe pas de volonté politique.
Peut-on mener une bonne politique de
conservation si tous les facteurs prédéfinis
n'existent pas ou ne sont pas réunis ? Il va s'en
dire que ce rapport avait déjà pointé du doigt les
conditions préalables à une bonne restauration et
abouti à des constats alarmants, donc sans suite à
la constitution d’un éventuel dossier de demande
de classement sur la liste du patrimoine mondial
de Saint-Louis12. Pour Gorée, cette étude a
constitué le dossier préalable pour la demande de
classement sur la liste du patrimoine, couronnée
en 197813.
L'inventaire des bâtiments : vers le
classement comme Monuments Historiques
Suite à ce rapport, les autorités sénégalaises
sollicitent à nouveau les experts de l'Unesco
pour dresser un inventaire des bâtiments
historiques de l'île de Gorée et de l'île de SaintLouis afin de formuler les mesures nécessaires à
leur présentation et à insuffler une animation
durable d'une part et d'autre part de proposer
une évaluation globale du coût des travaux.
L'objectif de ces recommandations est de les
inscrire dans une Liste de Monuments Historiques
DRAFT
La loi de la rénovation urbaine et de la
restauration immobilière
En 1976, Saint-Louis et Gorée sont déclarées
“zones de rénovation urbaine” d’après le décret n°
76-271. Cette loi permet ainsi de protéger le
patrimoine. Le terme « rénovation » signifiant
« destruction et reconstruction » est justifié dans
les motifs de la loi : « la rénovation urbaine suppose
au préalable l'établissement d'un plan d'urbanisme de
détail comme indiqué dans l'exposé des motifs. C'est
d'autant plus important qu'il existe à Saint-Louis
beaucoup de bâtiments irrécupérables pour une quelconque
opération de restauration. La restauration peut faire
l'objet d'opérations sélective et ponctuelle dans la mesure
où tout n'est pas à restaurer à Saint-Louis ». Ce décret
prend donc en compte les constats des missions
antérieures sur l'état des dégradations avancées
de l'île de Saint-Louis.
Bureau Régional de l'UNESCO pour l'Éducation en
Afrique (BREDA), Rapport de mission de reconnaissance pour la
rénovation des bâtiments de l'île de Saint-Louis (Sénégal) : 8-9
novembre 1973, par P. Bussat et S. Nienhuys.
12 Le dossier de classement fut repris en 1997. Le site de
l’île de Saint-Louis du Sénégal fut classé en décembre 2000
sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
13 En plus des Îles de Gorée (1978) et de Saint-Louis (2000),
le Sénégal a inscrit sur la liste du patrimoine mondial de
l’Unesco le Parc national de Niokolo-Koba (1981, actuellement
sur la liste du patrimoine en péril), le Parc National des
Oiseaux du Djoudj (1981), les Cercles mégalithiques de Sénégambie
(2006), le Delta du Saloum (2011) et le Pays Bassari : paysages
culturels Bassari, Peul et Bedik (2012), portant le nombre total
à sept (7) sites. Concernant le patrimoine documentaire, le
Fonds de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.) 1895-1959, a
été inscrit au registre Mémoire du Monde en 1997. Pour le
patrimoine immatériel, le pays a inscrit le Kankurang (2008)
et le Xooy (2013).
11
Le patrimoine matériel des villes de Gorée et
Saint-Louis se révèle très divers et chaque
bâtiment retrace l'histoire de l’esclavage et de la
colonisation, sa société, ses avatars et ses
spécificités dans l’histoire sénégalaise. Les
fonctions antérieures de ces édifices sont
14
66
C’est-à-dire en dehors de l’île de Saint-Louis
administratives, militaires, religieuses et civiles,
ces bâtiments recherchant surtout le confort et
l'hygiène des colons. L'architecture coloniale, de
par son caractère parfois grandiose, était destinée
aussi à impressionner les colonisés. Pourtant, ce
sont souvent ces derniers et leurs impôts qui ont
réalisé ces bâtiments de gré ou de force sous les
menaces et la « chicotte » des colons français et
de leurs collaborateurs15. Que ce soient les
réalisations du génie militaire et ses contingents
de tirailleurs sénégalais, que ce soient les
équipements financés par des emprunts payés
par les contribuables et les taxes douanières
tirées des ports d’Afrique, la paternité de ce
patrimoine ne fait pas de doute : il est aussi et
surtout africain16. Depuis la fin du système
colonial, ces bâtiments ont pratiquement
conservé les mêmes usages mais à des échelles
beaucoup plus réduites en taille et beaucoup plus
modestes dans la hiérarchie. Si ces édifices ont
servi de modèles aux autres villes coloniales,
construites bien après au-delà des frontières du
Sénégal actuel, leur préservation et leur pérennité
dans des villes africaines en pleine mutation et
régénération urbaines se posent. S'il apparaît
souhaitable pour beaucoup d'acteurs et de
chercheurs de garder au moins ces quelques
traces matérielles des périodes de l’esclavage et
de la colonisation pour diverses raisons souvent
contradictoires, il n'en demeure pas moins que le
paysage du patrimoine colonial et partagé ne se
limite pas seulement à ses édifices. La ville aux
brassages multiples a aussi copié, puis produit à
son
tour
un
patrimoine
immatériel
impressionnant et singulier mais peu connu car
peu promu, si ce n'est par quelques acteurs
touristiques17 de la ville. C’est à partir des deux
vocables de « patrimoine partagé » qu’émerge le
concept de « ville francophone18 » sur lequel il
importe à présent de réfléchir plus longuement.
Bibliographie
AUDRERIE Dominique, SOUCHIER Raphaël, VILLAR
Luc, Le patrimoine mondial, coll. « Que-sais-je ? », PUF, Paris,
1998.
BABELON Jean-Pierre, CHASTEL André, « La notion de
patrimoine » in Revue de l’Art, n°49, 1980.
BÂ Amadou Hampâthé, Oui mon commandant ! Mémoires 2,
Éditions Actes Sud, Paris,
1994.
CESAIRE Aimé, Cahier d’un retour au pays natal, Éditions
Présence Africaine, 1939,
Discours sur le colonialisme,
Éditions Présence Africaine, Paris, 1955, Ferrements,
Éditions Seuil, Paris, 1960.
BUREAU REGIONAL DE L'UNESCO POUR
L'ÉDUCATION EN AFRIQUE (BREDA),
Rapport
de mission de reconnaissance pour la rénovation des bâtiments de l'île
de Saint-Louis (Sénégal) : 8-9 novembre 1973, par P. Bussat et S.
Nienhuys.
GRAVARI-BARBAS Maria, Philippe VIOLIER « Ville,
tourisme et compétitivité » in Norois, n° 178, avril-juin, pp.
123-177, 1998.
SINOU Alain, Comptoirs et villes coloniales du Sénégal – SaintLouis, Gorée et Dakar,
Éditions Karthala-Orstom,
Paris, 1993.
SOW Abdoul, L’île de Saint-Louis du Sénégal, formes spatiales et
formes sociales : destinées
d’une ville, Thèse de Doctorat
en Aménagement de l’Espace, Urbanisme, Université de
Paris X-Nanterre, 2008.
DRAFT
BÂ Amadou Hampâthé, Oui mon commandant ! Mémoires
2, Éditions Actes Sud, 1994, CÉSAIRE Aimé, Cahier d’un
retour au pays natal, Éditions Présence Africaine, 1939,
Discours sur le colonialisme, Éditions Présence Africaine, 1955,
Ferrements, Éditions Seuil, 1960.
16 Partant de ce principe, depuis quelques années, les pays
anglophones ne parlent plus de patrimoine colonial comme
c’est encore le cas en France mais plutôt de patrimoine
partagé.
17 GRAVARI-BARBAS Maria, VIOLIER Philippe, « Ville,
tourisme et compétitivité » in Norois, n° 178, avril-juin, pp.
123-177, 1998.
18 Les communications durant l’Atelier 1 sur les Stratégies
patrimoniales ont révélé quelques évidences dans les formes
et les fonctions architecturales et urbaines des villes
coloniales francophones : les médinas et leurs significations
sociales dans l’espace urbain, les équipements culturels la
prise en compte du patrimoine dans les politiques
15
urbaines… En plus de la langue française en partage, la
francophonie dispose aussi du patrimoine, de l’architecture
et de l’urbanisme en commun. C’est cela le concept de la «
ville francophone ». (Théâtres, cinémas, instituts…) et leurs
opérateurs, la prise en compte du patrimoine dans les
politiques urbaines… En plus de la langue française en
partage, la francophonie dispose aussi du patrimoine, de
l’architecture et de l’urbanisme en commun. C’est cela le
concept de la « ville francophone ».
67
Atelier 2
PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT
DRAFT
Le portique des Zangbétos, les gardians de la nuit, à Porto-Novo, Bénin.
©Sara Tassi
68
Animateurs:
Yves DAUGE
Baba KEÏTA
Communicants
Jellal ABDELKAFI
Yves ROBERT
Patrimoine et développement. Quels moyens et quelles pratiques mettre en place pour la valorisation de l’usage contemporain
et fonctionnel du patrimoine en tant qu’espace public, privé ou commun ?
L’atelier animé par Monsieur Yves Dauge, urbaniste, ancien Sénateur et Maire de Chinon, France et Monsieur Baba Keita,
Directeur de l’Ecole du Patrimoine Africain (EPA), a abordé l’apport du patrimoine dans le développement durable, la
dynamique des villes créatives et innovantes, les différents usages du patrimoine, la requalification territoriale des espaces
investis, la mobilisation des populations pour la conservation du patrimoine et enfin le rôle fondamental des femmes et des
jeunes dans la conception et l’appropriation des espaces publics et des paysages urbains historiques. Les experts en patrimoine,
en urbanisme, architectes ont cerné dans leur différentes communications la problématique du patrimoine et du développement
surtout en ce qui concerne les moyens et les pratiques à mettre en œuvre pour la valorisation de l’usage contemporain et
fonctionnel de ce dernier en tant qu’espace public, privé et collectif. Les communications et contributions ont permis de
souligner la nécessité de prendre en compte des politiques du patrimoine dans une approche de développement transversale et
globale qui intègre la culture et les savoirs, la cohésion sociale, l’économie et l’environnement. Un accent particulier a été mis
sur la bonne gouvernance pour garantir entre autres, le respect des normes de construction prenant en compte la préservation
du patrimoine, la gestion, l’implication du pouvoir central et des autorités locales, le renforcement des capacités et le
développement des programmes de recherche patrimoniales.
DRAFT
69
DRAFT
A Libreville (Gabon), le quartier « Baraka » et ses vieilles maisons est l'un des pôles historiques de la ville.
©Yves Robert
70
Interactions entre « patrimoine » et « développement » : Quels enjeux ?
Yves ROBERT
Faculté d’Architecture La Cambre Horta de
l’Université Libre de Bruxelles, Belgique
«P
atrimoine » et « développement »,
voilà deux maîtres-mots autrefois
peu amenés à se confronter l’un à
l’autre, mais désormais de plus en plus souvent
associés au sein d’un même discours. Il est vrai
que ces deux préoccupations, malgré leurs
divergences, convergent vers un même idéal de
transmission de valeurs pour les générations
futures. Mais, quel est le sens d’une réflexion
associant « patrimoine » et « développement »
pour la société à une époque où l’on parle de
plus en plus fréquemment de postdéveloppement ?
Les réflexions théoriques et les actions
concrètes, conduites à propos des interactions
entre « patrimoine urbain» et « développement »,
s’inscrivent dans un questionnement, non
seulement complexe lié à un nombre important
de variables, mais aussi interdisciplinaire et qui
dépend directement des différents contextes
politique, économique, social et culturel dans
lesquels se manifestent ces enjeux. La complexité
s’accroit encore dans le contexte spécifique des
patrimoines urbains. A la différence du
monument isolé, ceux-ci peuvent être qualifiés
de patrimoines « inclusifs », qui incluent quatre
séries d’éléments interdépendants (constituants
économique, social, culturel et environnemental)
et qui en font un système complexe19.
DRAFT
Face à ces questionnements, il apparaît donc,
comme un préalable, de pouvoir identifier et
mesurer les enjeux des grands types d’interaction
entre les concepts de patrimoine et de
développement, afin de dégager des axes
stratégiques d’intervention pour mettre en place
un projet de ville intégrant ces problématiques,
en ayant à l’esprit les contextes spécifiques des
villes des pays en voie de développement.
Développement ou développements ?
Reconnu comme étant porteur de valeurs, le
patrimoine (et spécifiquement la jouissance du
patrimoine dans un cadre approprié permettant
cette relation entre les communautés et les biens
culturels) peut contribuer à un processus de
développement, qui « devrait au moins créer un
environnement favorable » donnant « aux
individus et aux collectivités une chance de
réaliser leurs potentialités et de mener une vie
créative, productive, conformément à leurs
besoins et à leurs intérêts »20 . Néanmoins, les
professionnels du patrimoine se sont jusqu’à
aujourd’hui peu aventurés dans une analyse des
fondements idéologiques du développement. Si
la culture, y compris dans sa dimension
patrimoniale, est « un moyen d’assurer la
croissance économique »21 , il faut toutefois
relever que le lien entre croissance économique
et développement global de la société est loin
d’être une évidence et que le concept de
développement ne se réduit pas à celui de
croissance économique. Par contre, lorsqu’il est
relevé que la culture est un moyen d’assurer «
l’appropriation des processus de développement
»22 , on pose très justement un lien structurel
entre « matrice » culturelle d’une société et
conscience et idéal de développement. Avant
d’être un problème technique, le développement
est d’abord un idéal sociétal. Comme le relève,
Michel Vernières, « il n’y a pas de modèle de
développement qui s’impose. C’est aux
populations de chaque territoire d’inventer le
leur en fonction de ressources disponibles qu’il
s’agit de valoriser à partir de l’histoire et de la
culture propres à chacun »23. Une herméneutique
de la notion de développement s’impose donc
20
D’après le : Programme des Nations-Unies pour le
développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement
humain (titre originel : Human development report), 1990, Paris,
Editions Economica, p. 1
21
Nations-Unies, Assemblée générale, Résolution 65/166
intitulée Culture et Développement, 20 décembre 2010
22 Ibid.
23 Michel Vernières, Avant-propos, Patrimoine et développement,
in : Christine Mengin, Alain Godonou (sous la direction
de), Porto-Novo : patrimoine et développement, Paris/PortoNovo, Editions Publications de la Sorbonne/Editions de
l’Ecole du Patrimoine Africain, 2013, p. 19.
19
Michel Vernières, Valery Patin, Christine Mengin,
Méthodologies d’évaluation économique du patrimoine urbain : une
approche par la soutenabilité (collection : A Savoir, n° 13), Paris,
Editions de l’Agence Française de développement (AFD),
2012, p. 191.
71
pour
mieux
analyser,
mais
surtout
opérationnaliser la relation entre patrimoine et
développement.
historiques, peuvent apporter de la plus-value
(prix de l’immobilier en hausse, recettes de la
billetterie liées au tourisme, etc.) et participer à
cet effort dit de rattrapage économique. Cette
vision est considérée aujourd’hui comme
dépassée. Par ailleurs, la valorisation touristique
du patrimoine perçu comme générateur de
revenus pose la question des retombées
économiques équilibrées auprès de la société
dans son ensemble et sans doute d’abord pour
les habitants et riverains des lieux patrimoniaux
(nécessité d’une patrimonialisation décente et
non source d’exclusion). Mais, en termes de
paysage urbain, cette approche économique
soulève aussi la question de l’impact, peut-être
pas toujours positif pour l’ensemble de la
société, d’une monoculture touristique qui
caractérise certains quartiers « muséalisés »
(impact sur la physionomie urbaine, sur la
restriction des usages, etc.) pour séduire les
visiteurs, mais parfois aux dépens des autres
composantes de la société.
De la nécessité de baliser l’étendue de
l’interface « patrimoine-développement »
Abordant la question du patrimoine et du
développement, il importe de bien couvrir et
baliser le champ des interactions possibles entre
les concepts de patrimoine urbain et
développement. Les interactions entre ces deux
notions requièrent que l’on prenne en compte
des échelles de rencontre différentes et
complémentaires, à la fois, technique,
architecturale/territoriale, économique, sociale et
culturelle.
Le développement comme stratégie de
rattrapage économique est une approche qui fut
essentiellement mise en œuvre dans le monde
issu de la Seconde Guerre mondiale à l’époque
de la décolonisation à un moment où un nouvel
ordre politique, économique et social se mit en
place. Et cette coïncidence entre l’émergence
d’une préoccupation développementaliste et la
fin de la colonisation n’est évidemment pas
neutre. C’est le président américain Harry
Truman (1884-1972), qui, en 1949 dans son
discours sur l'état de l'Union, invite les EtatsUnis à une nouvelle politique sociale plus
équitable, le « fair deal ». Inhérent à cette
perspective, figure l’espoir qu’encourager la
croissance, pour mieux offrir des services et des
biens, est une démarche qui va favoriser le
développement de la société. Derrière cette
approche, se cache l’idéal d’un développement
des pays du Tiers-monde symétrique à celui des
grandes puissances occidentales industrialisées. Il
s’agit pour les pays pauvres de « rattraper » leur
retard via l’industrialisation et la spécialisation
économique des pays dits « en retard ». Cette
stratégie du rattrapage par la croissance évacue
les questions culturelles en ne contextualisant
pas la question du développement en se basant
sur une conception « mécaniste » du progrès
(voir la théorie du développement de l’historien
et économiste Alexander Gerschenkron (19041978).
DRAFT
La décennie des années 1970 permet de
construire un premier bilan critique des
politiques de développement et de constater que
l’augmentation de la croissance économique
n’est pas nécessairement facteur d’éradication de
problèmes concrets comme la pauvreté, la
malnutrition, etc. Basées notamment sur les
réflexions de Josué de Castro24 (1908-1973), les
théories du développement « par le bas » visent à
mettre en place des stratégies locales en
collaboration avec les populations concernées
qui deviennent acteurs du développement plutôt
que de simples bénéficiaires de l’aide
internationale. Les apports méthodologiques
significatifs de cette approche concernent donc
la mobilisation du concept de participation en
obligeant de penser les enjeux à une échelle
locale
contextualisée
socialement
et
économiquement.
Dans leurs relations avec les enjeux du
patrimoine, les théories du développement par le
bas ouvrent la porte à une réflexion sur le
patrimoine comme emploi, autrement dit sur la
capacité du patrimoine à résoudre des
problématiques très concrètes comme la
question de l’accès à l’emploi (favoriser de
nouvelles qualifications professionnelles). La
présence de patrimoine dans un territoire peut
contribuer à mettre une partie de la population
Dans cette perspective, une convergence entre
les notions de patrimoine et de développement
amène à considérer le patrimoine comme un
stock de capitaux susceptibles de produire de la
valeur, soit un ensemble d’actifs physiques
comme les immeubles et autres constructions
patrimoniales qui, par leur statut de monuments
Voir Josué de Castro, Géographie de la faim. Le dilemme
brésilien : pain ou acier, Paris, Editions du Seuil 1964, 327 p.
24
72
au travail (artisan, guide touristique, gardien de
musée, métiers liés à l’hôtellerie, etc.). En ce qui
concerne, par exemple, la lutte contre la
pauvreté, le patrimoine d’un territoire donné
peut représenter, pour qui a la capacité de
l’étudier, un potentiel de ressources techniques
notamment liées aux savoirs et savoir-faire
vernaculaires susceptibles d’être à la base de
technologies peu onéreuses, appropriables et
techniquement satisfaisantes. Les techniques «
traditionnelles » de construction (par exemple, la
terre crue, la pierre sèche, le bambou, etc.)
moyennant quelques optimalisations (par
exemple des adjuvants stabilisateurs pour la terre
crue) peuvent contribuer à la réalisation de
logements au coût maîtrisé et donc in fine à un
prix modéré.
Face à l’augmentation de la dette du tiersmonde, durant les années quatre-vingt, une
approche technicienne du développement, très «
monétaire » (monétarisme) et peu sociale,
devient assez dominante impulsée par les
politiques du Fonds Monétaire International et
dans une moindre mesure par la Banque
Mondiale. La stratégie vise à inciter les états des
pays en développement à entreprendre des
réformes économiques parfois drastiques, entre
autres pour résorber leur endettement, et
fondées sur la mise en place de nouveaux cadres
législatifs plus favorables au développement
économique (libéralisation du marché du travail,
ouverture au commerce international,…), en
favorisant, par des mesures locales, les
investissements étrangers, rassurés par les efforts
à entreprendre au niveau de la gouvernance
locale. Par la création d’un système fiscal
incitatif, il s’agit de promouvoir un tissu
économique plus favorable au développement
du commerce. Cette pensée du développement
sera entre autres critiquée par l’économiste
américain Joseph Stiglitz (1943) qui propose une
nouvelle réflexion visant à démontrer qu’il existe
des alternatives aux prescriptions techniciennes
du Fonds Monétaire International.
Croiser cette approche technicienne du
développement avec les enjeux du patrimoine,
revient à mettre en place un cadre législatif
performant, actualisé, et, le cas échéant, ayant
fait l’objet d’une procédure de simplification et
de clarification. L’objectif est de permettre une
meilleure efficience (allègement des procédures)
dans un souci de bonne gouvernance et aussi
d’appropriation aisée par les acteurs locaux et les
bailleurs de fonds potentiels. Un tel cadre
législatif devrait prévoir des mesures fiscales
(déductibilités, réductions de taxes foncières,
réductions
des
droits
de
succession,
aménagement spécial du régime fiscal des
entreprises et pour promouvoir le mécénat en
faveur du patrimoine, prêts immobiliers à faible
taux d’intérêt, amélioration de la gestion des
titres de propriété, octrois des microcrédits à des
associations de quartier etc.) susceptibles de
favoriser la bonne conservation et valorisation
du patrimoine et ainsi encourager des initiatives
privées en matière d’entretien, de restauration et
de reconversion.
DRAFT
Les années 1990 se caractérisent par une
nouvelle approche : celle du développement
humain et d’une économie du bien-être basés sur
les théories de l’économiste indien Amartya Sen
(1933). A. Sen pense le développement comme
un processus d’élargissement des choix offerts
par la société à sa population. Il propose le
concept de capabilités. Les questions auxquelles
cette notion se confronte sont « Qu’est-ce que
les gens sont réellement capables de faire et
d’être ? Quelles possibilités leur sont réellement
offertes ?»25 . Mesurer les capabilités correspond
donc à un travail d’évaluation et de comparaison
des qualités de vie ayant pour finalité d’établir
une théorie de la justice sociale fondamentale.
Cette approche se concentre sur le choix ou la
liberté, et soutient que le bien essentiel que les
sociétés devraient chercher à promouvoir pour
leurs membres est un ensemble de possibilités,
ou de libertés substantielles, que les individus
peuvent décider d’exercer ou non26 . Selon les
mots Amartya Sen, la capabilité d’un individu se
rapporte aux différentes combinaisons possibles
de fonctionnement qu’il lui est possible
d’atteindre durant son existence27 . Cette
proposition visant à mettre en œuvre un
processus d'élargissement du choix des
personnes donna naissance à l’indice de
développement humain (IDH) proposé par le
programme des Nations-Unies pour le
Développement (PNUD).
La mise en commun des impératifs patrimoniaux
avec les idéaux du développement humain
commande de concevoir des politiques
patrimoniales et de développement qui soient
sociales favorisant l’ensemble de la société en
étant au service des « nationaux » comme des
25 Martha C. Nussbaum, Capabilités. Comment créer les
conditions d’un monde plus juste ?, Paris, Editions Climats /
Flammarion, 2012, (Première édition en 2011), p. 10
26 Martha C. Nussbaum, op.cit., p. 37.
27 Sen cité par : Martha C. Nussbaum, op. cit., p. 39.
73
touristes « étrangers », des habitants, mais aussi
des usagers de passage, des plus favorisés
comme des plus fragilisés, des populations
adultes, comme de la jeunesse, des hommes et
des femmes. Cela signifie qu’il faut croiser ce que
Françoise Choay nomme la jouissance28 du
patrimoine avec le concept de capabilités et
mettre en œuvre des politiques sociales non
exclusives du patrimoine notamment en matière
de politique de logement et de politique
d’emploi, qu’il s’agisse de la lutte contre une
gentrification non désirée d’un quartier ou de la
promotion des métiers de la construction
(femmes architectes, etc.). Aborder la notion de
patrimoine à travers l’approche des capabilités et
de l’économie du bien-être revient à poser la
question du sens du patrimoine : un patrimoine
pour qui et pourquoi ? En Occident, l’intérêt de
plus en plus largement partagé pour le
patrimoine et le sentiment de jouissance que l’on
peut en avoir sont fonction de la hausse du
temps de loisir qui, selon l’approche de
l’économiste Arthur Pigou (1877-1959)29 est un
des facteurs d’accroissement du sentiment de
bien-être. Dans le contexte des pays en voie de
développement la jouissance d’un temps de loisir
à côté de celui dévolu à l’exercice d’une
profession correctement rémunérée ne laisse
guère de place à la possibilité de faire du
tourisme. Ce dernier reste une activité réservée
aux plus nantis et en théorie aux classes
moyennes, mais qui dans nombre de pays
d’Afrique demeurent une catégorie sociale, en
plein essor, mais proportionnellement sousreprésentée par rapport au monde agricole30 .
Pourtant le patrimoine n’est pas sans effet sur le
bien-être des citoyens. Il participe à ce l’on
nomme la valeur d’existence (valeur identitaire,
etc.)31 .
voulue. Dans cette perspective, la rencontre
entre patrimoine et développement participe au
développement humain et suppose que soient
déployées des politiques de gestion urbanistique
et culturelle du territoire prenant en compte le
capital éducationnel que représente la ville. Le
patrimoine urbain est source d’éducation et
stock de connaissances appréhendables depuis
l’espace public (un « livre » à ciel ouvert). Il
favorise une éducation démocratique pour tous
depuis la rue. En ce sens, pour reprendre A. Sen,
le patrimoine participe à l’augmentation des
possibilités de fonctionnement d’un individu au
cours de son existence.
DRAFT
La rencontre entre le patrimoine (comme capital
cognitif) et le développement peut aussi amener
à un débat sur le droit à la ville culturelle, à une
ville de la connaissance pour paraphraser Henri
Lefebvre32 , car la ville patrimoniale est source
d’éducation. Elle est le fruit d’une revendication :
celle du droit à connaître son histoire et à
pouvoir forger son identité avec toute la liberté
C’est en 1987 que la Commission Mondiale sur
l’Environnement et le Développement de
l’Organisation des Nations-Unies publie le
rapport Brundtland dans lequel est formulée la
définition du développement durable qui sera
par après au centre des discussions du Sommet
de la Terre à Rio en 1992. Le rapport définit ce
concept comme « un développement qui répond
aux besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures de répondre aux
leurs »33 . La notion de durabilité sous-entend
l’idée que le monde mondialisé est victime d’un
mal développement. Pour l’éco socioéconomiste Ignacy Sachs (1927), la croissance
économique n’a de sens que si elle est mise au
service du développement social et de
l’écodéveloppement : un concept proposant une
stratégie globale (planétaire), ouverte et créative,
de développement définie par les populations
concernées elles-mêmes (choix des techniques,
choix des localisations d’activités, etc.) en
équilibre avec leur contexte environnemental,
social et culturel (respect des aspirations
culturelles locales). Cette approche refuse la
vision du « tout » au libéralisme économique à
l’occidentale34 et envisage le développement
d’une société comme la maîtrise des conditions
de sa propre reproduction.
L’idéal de durabilité est naturellement proche du
concept du patrimoine. Le patrimoine comme
logique de transmission amène à réfléchir en
termes « de générations imbriquées et solidaires
»35 . Un tel rapport au temps est intéressant dans
28
Françoise Choay, L'Allégorie du Patrimoine, Paris, Éditions
du Seuil, 1992, p. 9.
29 Voir : Arthur Pigou, The economics of welfare, Londres,
Editions Macmillan and co., 1921, 976 p.
30 Voir : http://www.classesmoyennes-afrique.org/fr/
31 Michel Vernières (2012), op. cit., p. 84 et 108.
32 Henri Lefebvre, Le droit la ville, Paris, Editions
Anthropos, 1974, p. 107.
D’après :
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odysseedeveloppement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf
34 D’après : Ignacy Sachs, Stratégies de l’écodéveloppement, Paris,
Les Editions Ouvrières, 1980, 140 p.
35 Françoise Benhamou, Economie du patrimoine culturel, Paris,
Editions La Découverte, 2012, p. 22
33
74
une perspective économique qui perçoit
précisément la notion de capital comme « un
flux de services qui s’écoule au cours du temps
et qui engendre ainsi un revenu »36 . L’impératif
très actuel de la soutenabilité renforce encore le
parallélisme entre les discours économiques et
patrimoniaux qui partagent un même idéal de
bonne « transmission de la richesse actuelle en
direction des générations futures »37 . La
question du patrimoine et du développement
durable amène aussi à travailler sur des enjeux
techniques
sur
la
problématique
du
conditionnement d’air et de son impact sur le
paysage urbain lorsque sont maladroitement
rejetés en façade les boitiers techniques de ces
installations.
Dans
cette
perspective,
l’architecture relevant du courant moderniste
tropical est une source d’inspiration pour
dégager des solutions architecturales, non
énergivores, en matière de ventilation. La
durabilité est aussi rencontrée lorsque des
politiques de reconversion intelligente du
patrimoine permettent d’éviter des interventions
lourdes de déconstruction-reconstruction peu
favorables à une bonne maîtrise de l’empreinte
écologique. Cet enjeu requiert évidemment une
formation adéquate des architectes à « créer dans
le créer » et à optimaliser le patrimoine faisant de
lui un acteur « créatif » de la ville actuelle.
DRAFT
Le dipôle « patrimoine-développement »
confronté à l’évolution des villes du « Sud »
L’idéal d’un développement fondé entre autres
sur le potentiel patrimonial demande une
contextualisation aux spécificités des territoires
concernés. Dans le cadre des villes du « Sud », la
problématique de l’exode rural favorisant des
villes hypertrophiques commande de se poser la
question de la capacité des centres urbains
historiques à pouvoir absorber cette croissance
démographique en ayant à l’esprit les menaces
ou les opportunités qu’elle fait peser sur le
patrimoine culturel de ces villes, tout en
envisageant que l’arrivée de ces nouveaux
urbains peut être perçue comme une opportunité
en termes de capital humain par le brasage
socioculturel qu’elle induit.
Le débat « patrimoine-développement » suppose
aussi d’envisager la question de la centralité au
sein de villes hyper-étalées, consommatrices
d’espace, et qu’il faudra soumettre à des
stratégies de re-densification. Comment cette
recentralisation peut-elle être compatible avec la
préservation des quartiers historiques ? Et, dans
le sillage de ce constat, surgit la question de la
trame urbaine ancienne et du patrimoine
potentiel qu’elle abrite qui peut ou pas avoir la
capacité à accueillir cette centralité nécessaire et
nouvelle. Cette réflexion pose la question du
compromis à trouver entre, d’une part, le respect
du paysage urbain38 et patrimonial historique et,
d’autre part, l’implantation éventuelle de
nouvelles typologies d’équipements regroupés
dans le centre (immeubles, bureaux, hôpitaux,
etc.) qui imposent souvent de remodeler le
noyau ancien (cohérence du paysage urbain,
mobilité, etc.). La question est d’autant plus
importante que l’on assiste au sein des villes du «
Sud » d’origine coloniale ayant environ un gros
siècle d’existence, comme Dakar, Kinshasa,
Brazzaville, Abidjan, etc., à un processus
d’historicisation et à l’émergence d’une lecture
historique du paysage urbain ; même, si comme
le souligne Hamady Bocoum, la protection de
l'architecture coloniale peut apparaître, tout
d'abord, comme une entreprise d'une très grande
ambivalence, tant il est vrai que le fait colonial,
malgré le recul, n'a pas toujours fait l'objet d'une
introspection à la hauteur de son impact réel sur
l'évolution des peuples colonisés39. Une telle
historicisation témoigne de la mondialisation de
la pensée du patrimoine et vient se greffer sur
des débats urbains prometteurs pour l’avenir des
villes du « Sud » souvent tiraillées entre valeurs
locales et valeurs globales.
38 A titre d’exemple parmi d’autres citons l’ouvrage :
Edward Denison et al. , Asmara : Africa's secret modernist city,
Editions Merrell, Londres, 2003, 240 p
39 Hamady Bocoum, La protection de l'architecture coloniale au
Sénégal : quels enjeux pour le patrimoine ?, in : Architecture coloniale
et patrimoine, l'expérience française (Actes de la table ronde
organisée par l'Institut national du patrimoine, Paris,
Institut national du Patrimoine, 17-19 septembre 2003),
Paris, Somogy éditions d'art, Editions de l'Institut national
du patrimoine, 2005, p. 125.
Irving Fisher cité par : Michel Vernières (2012), op. cit.,
p. 35
37 Michel Vernières, op. cit., p. 37.
36
75
Patrimoine et développement durable dans les villes historiques du
Maghreb
Jellal ABDELKAFI
Urbaniste et historien, Président/Association
tunisienne des urbanistes, Tunisie
L
a plupart des villes des continents africain
et asiatique ont connu les pressions
démographiques et les effets régressifs de
l’urbanisation accélérée qui, depuis le milieu du
siècle dernier, ont aggravé le sousdéveloppement colonial. Cette question a
largement été présentée et débattue, ici même à
Dakar par Samir Amin qui en a explicité les
contraintes sociales et économiques, les
ségrégations spatiales et territoriales.
Dans les processus contemporains de la
mondialisation, les villes connaissent désormais
un mal-développement que les gouvernants et
les gouvernés s’efforcent de maîtriser
démocratiquement, autant que faire se peut. Les
recommandations de l’Unesco relatives aux
« ensembles historiques et traditionnels » (1976)
et aux paysages urbains historiques (2011) se
présentaient comme des instruments de
régulation des phénomènes de l’urbanisation, de
développement
et
de
protection
de
l’environnement dans une perspective de
durabilité pour assurer le devenir des
patrimoines historiques et traditionnels matériels
et immatériels.
le Ministère de la Culture se montrait incapable
de protéger le legs historique tandis que la
municipalité ne savait pas contrôler le territoire
communal et faire jouer ses prérogatives de
puissance publique pour enrayer les percées.
DRAFT
Cette double impuissance était le symptôme de
la maladie institutionnelle de la Tunisie post
coloniale : la technostructure de l’Etat Parti
hégémonique imposait ses vues aux collectivités
locales, la municipalité n’étant considérée que
comme relais de la planification économique et
sociale centralement décidée et non comme
pouvoir local autonome. Dans le contexte d’un
projet développementaliste qui ne se discutait
pas, l’habilité politique du maire de Tunis40 a été
de contourner la toute-puissance de l’Etat – Parti
par une simple association à qui incombait la
mission de lancer le plaidoyer de sauvegarde et
d’ouvrir les débats en y associant des partenaires
internationaux41 - L’ICOMOS ET L’UNESCO
- comme garantie intellectuelle et morale.
Le discours a été entendu et, en conséquence,
l’ASM est devenue un acteur autonome en
raison de sa liberté de parole dans le concert
institutionnel ; elle a également été accréditée
comme partenaire obligé des technostructures
municipales et étatiques en raison de sa
connaissance du milieu historique et de ses
capacités professionnelles. Dans cette position à
la fois autonome et obligée, l’ASM a pu conduire
à terme des projets de restauration42 et de
réhabilitation et43 mais n’a pas su, voulu ou pu
faire approuver le plan de sauvegarde et de mise
en valeur44.
Pour évaluer l’apport de ces recommandations,
une analyse comparée des procédures
institutionnelles, juridiques et financières de
sauvegarde et de mise en valeur des médinas de
Tunis, Alger et Fès, pourrait étayer la réflexion
de ce réseau d’expertise francophone réuni en
conférence internationale.
Tunis : l’association de sauvegarde, relais
technique municipal
Si la création de l’Association de Sauvegarde de
la médina de Tunis en 1967 peut être comprise
comme une opposition aux projets de percée,
une réaction devant les attitudes iconoclastes
envers le patrimoine et, d’une façon générale,
comme la désapprobation de la vindicte du
nationalisme triomphant contre l’héritage
culturel et contre la société traditionnelle qui
caractérisait les années soixante, elle est
également le résultat d’une double impuissance :
40
Hassib Ben Ammar, Maire de Tunis (1963-1969)
Icomos : Colloque sur les aspects particuliers de
l’assainissement et de la mise en valeur des villes nord
africaines et asiatiques du bassin méditerranéen, Tunis 1968
42 ASM Restauration de Dar Lasram, 1972
43 ASM Réhabilitation du quartier de la Hafsia, 1973
44 ASM – INAA – Unesco - Pnud, Sauvegarde et mise en
valeur de la médina de Tunis, Tome 1, 1972 - Tome 2,
1974
41
76
Que s’est-il donc passé ? Qu’est ce qui explique
la succes story de la démarche opérationnelle et
l’échec cuisant de la planification réglementaire ?
La
raison
est
à
rechercher
dans
l’instrumentalisation de l’ASM réduite au simple
rôle de bureau d’études d’architecture et
d’urbanisme au service de la municipalité qui
renonce à produire les documents juridiques de
la sauvegarde. En bref, l’ASM qui ne réunit plus
depuis longtemps son comité directeur est
désormais une fiction associative mais un
instrument utile dans un système institutionnel
de planification fragmenté en fonction de
prérogatives sectorielles des technostructures
bureaucratiques.
Pour remédier à la dérive de l’ASM et à
l’impuissance communale, le Maire de Tunis
avait proposé de nouvelles voies pour
l’organisation institutionnelle de la capitale.
Tout d’abord, et pour donner une légitimité
juridique à l’ASM, le Maire souhaitait sa
transformation en établissement public de
sauvegarde ; il n’a pas été suivi. En revanche, le
rôle d’atelier d’architecture et d’urbanisme a été
confirmé et l’ASM a été chargée de missions
d’aménagement allant au-delà du territoire de la
médina. En bref, l’autorité a choisi de ne pas
institutionnaliser la procédure de sauvegarde et a
maintenu l’ASM dans un rôle de bureau d’études
public.
éminemment politiques. L’autorité se proposait
de « rendre toute son importance à ce qui est un
patrimoine national, de le reconquérir comme
nous en avons été dessaisis ». Conscient de la
pauvreté et de la crise du logement, elle se fixait
pour objectif de « permettre aux habitants de la
Casbah, de vivre dans des conditions décentes,
de faire en sorte que ce quartier soit digne d’être
habité, de le réintégrer dans la ville »45.
Reconquête et récupération dans la dignité sont
de fortes paroles qui constituent une prise de
position officielle en faveur de l’héritage culturel,
alors qu’à Tunis, dans le même temps, on
justifiait le vandalisme patrimonial au nom de la
modernisation46. L’intérêt manifesté pour la
Casbah – médina se démarque également de
celui du comité du Vieil Alger, association créée
en 1905, dont les membres – intellectuels,
artistes, mais également hommes politiques - , se
proposaient de « lutter contre le caractère de
banalité donné à la ville dans ses constructions
neuves tant publiques que privées »47.
DRAFT
Ensuite, pour remédier à l’impuissance des
communes de l’agglomération tunisoise, il
suggérait
la
création
d’une
instance
intercommunale dont la mission aurait été de
« coordonner,
planifier
et
contrôler
l’urbanisation de la capitale ». Cette proposition
faisait des collectivités publiques locales de la
capitale une instance politique majeure ; elle a été
également mise en échec. On lui a préféré, sous
l’influence de la Banque Mondiale, une instance
administrative régionale, le District de Tunis,
créé en 1972 et placé sous l’autorité du ministère
de l’intérieur. Le choix politique a donc favorisé
le renforcement des pouvoirs de l’administration
centrale au détriment de l’organisation des
collectivités locales.
Fini le temps de l’hivernage dans le cadre
traditionnel
enchanteur
et
des
joies
esthétiques de l’arabisance architecturale : les
taudis de la Casbah, les bidonvilles d’Alger ont
dénaturé le panorama. C’est dans le contexte
trouble de crise urbaine que naît en 1971 le
Comedor, « Comité Permanent d’Etudes,
d’Organisation et de Développement de
l’Agglomération d’Alger », rattaché à la
Présidence de la République, rattachement qui
signifie l’intérêt stratégique de l’institution,
jusqu’à la création, en 1976, du Ministère de
l’Habitat qui en devient la tutelle.
« Premier bureau d’urbanisme crée à Alger
après l’indépendance », le Comedor est pensé et
vécu par son directeur – animateur comme un
lieu de débats et d’émission d’idées, « un,
bouillon de culture » 48 selon son expression où,
bien évidemment, le thème de la Casbah ville
historique a retenu toute l’attention. Une
45 Comedor : La rénovation et la restructuration des centres
historiques au maghreb. Séminaire International, Alger 4-7
octobre 1972. Actes ronéotés 17 pages, discours du docteur
Amir, Président du Comedor.
46 Jellal Abdelkafi, Ville et territoires de la Tunisie à l’heure
du nationalisme, IEP – IREMAM, Actes du colloque
Bourguiba, la trace et l’héritage, Aix en Provence,
septembre 2001
47 Xavier Malverti : Entre Orientalisme et Mouvement
moderne in Alger 1860-1939 : Le modèle ambigu du
triomphe colonial, Revue Autrement N°55, 1999
48 J.J. Deluz : L’urbanisme et l’architecture d’Alger,
entretien avec Rachid Sidi Boumédiène, Mardaje Editeur,
OPU Alger 1988.
Alger : l’atelier casbah entre plusieurs
tutelles
Au moment de l’indépendance de l’Algérie, la
question patrimoniale se posait en termes
77
rencontre de hasard entre un sociologue algérien
et trois architectes italiens a permis la création,
de toutes pièces, de l’Atelier Casbah49 qui a
trouvé sa place au sein du Comedor. Cette
formulation qui emprunte à la petite histoire et
qui pourrait faire légende est cependant le
moment obligé de l’organisation institutionnelle
qui, faute d’avoir été inscrite dans un cadre
juridique adéquat, connaîtra toutes sortes
d’aléas…
Le quartier de recasement provisoire pour loger
les habitants dont les maisons sont à consolider
ou à reconstruire50.
Les opérations de consolidation/requalification
ont été mises en route par un architecte, Ali
Laffer qui a conduit des projets pilotes dignes
d’intérêt. L’expérience a été interrompue sans
que l’on sache pourquoi …
Mais quoi qu’il en soit des hauts et des bas de
l’Atelier Casbah, les problèmes de la ville
historique et la problématique de son devenir
ont été posés même s’ils n’ont reçu aucune
solution. Il convient d’en prendre acte.
Trois
thèmes
lancinants
reviennent
incessamment dans le discours de l’Atelier :
L’habitat dégradé qu’il convient de consolider et
de requalifier d’urgence,
L’intégration de la médina à l’agglomération
algéroise pour éviter les ségrégations spatiales et
sociales,
La réhabilitation de la ville historique comme
« moment de politique urbaine qui prend en
compte les contradictions héritées ainsi que
celles produites par l’action de développement
menée ». Sur la base de cette thématique,
comment l’Atelier Casbah a-t-il conçu sa
mission ?
DRAFT
En 1976, l’Atelier Casbah est rattaché à la
Willaya d’Alger et perd l’autonomie qu’il avait au
Comedor. Nouvelle tutelle, la Direction de
l’Urbanisme, de la Construction et de l’Habitat
(DUCH) ne fonctionne plus comme un
laboratoire d’idées mais comme une bureaucratie
technique ; en conséquence, la démarche de
sauvegarde s’essouffle, de même que les
opérations de relogement. « Devant la gravité de
la situation », et pour tenter de « maîtriser les
troubles
sociaux
que provoquent
les
51
effondrements de maisons » le Ministère de
l’Urbanisme,
crée
en
1985,
l’Office
d’Intervention et de Régulation des Opérations
d’Aménagement sur la casbah. L’Ofirac succède
donc à l’Atelier Casbah mais, bien qu’il dispose
de davantage de moyens, il ne résout pas les
problèmes et les maisons continuent à
s’effondrer.
Devant la carence de l’institution, la Willaya
d’Alger porte la question de la sauvegarde de la
Casbah devant le public en organisant une
réunion avec la participation des habitants. « Le
Wali d’Alger prit l’engagement public d’apporter
l’aide technique et financière de l’Etat à tous
ceux qui voudraient réhabiliter leurs biens
immobiliers situés dans la Casbah ». Mais cette
initiative politique a été tacitement désavouée par
le Ministre de l’Habitat et le Directeur de la
Caisse Nationale d’Epargne Logement.
Pour
mener
à
bien
la
mission
d’intégration/réhabilitation, l’Atelier, en tant que
partie prenante du Comedor, se posait en
coordinateur de la politique urbaine et monteur
de programmes sectoriels. Son sort était donc lié
à celui du Comedor. Mais dans le même temps,
conscient de l’urgence de la question du
logement, il préconisait le lancement de deux
types d’opérations :
Un
chantier
d’intervention
permanente
permettant l’assistance technico – financière aux
habitants pour consolider et requalifier leurs
maisons,
Dans l’impossibilité effective de tenir leurs
engagements, les autorités ont abouti à l’inverse
du but recherché : « la méfiance des habitants de
la Casbah vis-à-vis des pouvoirs publics s’est
accrue, ce qui a ouvert les portes à tous les abus
en guise de programme ».
D. Pini, Croissance urbaine et sous intégration : La
casbah d’Alger, in Présent et avenir des Médinas,
Urbama, Tours 1982, pp. 121-139
50
D. Pini, M. Balbo, C. Baldi, R. Sidi Boumediène: Etude
pour la rénovation et la restructuration de la Casbah
d’Alger, Comedor, Atelier Casbah 1972
49
51 Djaffar Lesbet, Chronique de réhabilitations avortées, le
cas de la Casbah d’Alger in La Médina de Tunis,
l’intégration de l’héritage, op. cité
78
Djaffar Lesbet tire de « tous les évènements qui
ont marqué les poussées épisodiques des
réhabilitations avortées » une conclusion
navrante : « La rencontre entre pouvoirs publics
et habitants de la Casbah est le symptôme du
dysfonctionnement des services publics ; elle
révèle un état d’esprit qui fait fi de toute rigueur,
comme si l’important était de faire semblant, de
combler un vide, avec la certitude de ne pas
avoir à rendre compte aux administrés par la
suite »52. Comme on a rénové une maison pour
cent démolies ou effondrées, Djaffar Lesbet se
demande si l’on peut inverser cette tendance, ou
bien si elle est inéluctable ». Dans cette dernière
hypothèse, la Casbah médina d’Alger serait
appelée à disparaître.
dû apprendre à réfléchir ensemble et à formuler
conjointement. Cette démarche transversale
d’étude a abouti à la publication conjointe par le
royaume du Maroc et l’Unesco, du schéma
directeur de Fès en 198054.
Selon Mohamed Naciri géographe, l’ambition
affichée par le schéma directeur (SD) était de
rendre à la médina son rôle de « centre principal
par la promotion des activités qui ont fait jadis
toute sa vitalité et par le rééquilibrage de
l’ensemble urbain »55. S’il faut saluer cette
conception qui attribue à la ville historique un
rôle déterminant dans l’organisation de
l’agglomération, il faut également en soupeser les
implications socio politiques : les élites fassi dont
la réputation n’est plus à faire étaient-elles prêtes
à relever le pari d’un projet de reconquête
urbaine exprimant avec confiance l’identité
citadine, alors que l’histoire récente donnait
plutôt l’impression qu’elles se désintéressaient de
leur propre patrimoine en abandonnant leurs
maisons familiales à la dégradation et à la
taudification ?
Fes, un schéma directeur à la recherche
d’une institution de sauvegarde
A Fès, les autorités se sont engagées tardivement
dans le processus de sauvegarde en raison, sans
doute, de la protection dont le patrimoine
bénéficiait déjà : les mesures prises par Lyautey
(1913 – 1922)53, puis le classement du site en
1953 ont probablement permis de mieux résister
aux changements économiques et aux mutations
sociales ayant caractérisé le Maghreb post
colonial.
DRAFT
Malgré ces protections d’ordre juridique,
l’urbanisme traditionnel fassi a, lui aussi, connu
les effets de la crise urbaine qui a éclaté au début
des années soixante. Comment les autorités ont
–elles réagi ? La question patrimoniale et la
problématique du devenir de la ville historique la
plus célèbre du Maroc ont été abordées sous
l’angle de la planification urbaine, ce qui
correspondait parfaitement à la recommandation
de l’UNESCO de 1976. Le schéma directeur de
Fès a été mis à l’étude (1975 – 1978) par le
Ministère de l’Habitat et de l’Aménagement du
territoire qui a créé, à cet effet, une institution ad
hoc : un atelier.
Pensée en termes de planification urbaine
affirmant la centralité sociale, économique et
culturelle de la médina, la sauvegarde est un
véritable défi qui suppose l’adhésion des parties
prenantes et leur solidarité. A la problématique
d’intégration spatiale qui est en soi un piège pour
urbanistes (notamment sur le thème de la
circulation automobile et du stationnement), le
schéma directeur ajoute une perspective de
développement des activités artisanales et la
spécialisation du tissu historique dans l’activité
touristique.
A l’évidence, les auteurs du schéma directeur
aspirent à créer des conditions de vie normale
dans le tissu historique conçu comme un
patrimoine vivant et non comme une ville
musée. Pour assumer cette ambition, les auteurs
du SD ne pensaient pas la sauvegarde en terme
de projet d’architecture ou d’ingénierie, mais en
terme de processus : « la sauvegarde de la
médina est une action quotidienne et continue
intégrant dans une conception unifiée l’ensemble
des interventions publiques et privées »56 ; cet
L’originalité de cette démarche a été de fondre
dans le creuset de l’atelier tous les acteurs
partenaires du schéma directeur, à savoir, les
fonctionnaires de l’administration, les experts de
l’Unesco, les architectes des cabinets d’études et
les enseignants chercheurs de l’université qui ont
Royaume du Maroc PNUD Unesco : Schéma directeur
d’urbanisme de la ville de Fès, Paris 1980
55 Mohamed Naciri, La médina de Fès : trame urbaine en
impasses et impasse de la planification urbaine in Présent et
avenir des médinas, Urbama, Tours 1982, p.237-254.
56 La sauvegarde de la médina de Fès, rapport préliminaire,
Royaume du Maroc 1980.
54
Djaffar Lesbet, op. cité
53 Naïma Lahbil Tagemouati, Dialogue en Médina, Ed Le
Fennec 2001 « Lyautey s’est donné les moyens de conserver
quasiment intacte la médina. Il a produit un dispositif
législatif et institutionnel
adéquat. Il a été
extraordinairement efficace et visionnaire » page 111.
52
79
énoncé de méthode ne réduit pas la sauvegarde à
une somme de projets ponctuels ou sectoriels, il
fait du SD un outil de cohérence, à charge pour
l’institution qui en a la mission d’articuler les
demandes en matière de logements et
d’infrastructures, de monuments historiques et
de tourisme, les unes aux autres.
Mais cette question étant restée en suspens,
Mohamed Naciri souligne la dimension du
blocage institutionnel : « Le thème de la
sauvegarde ne cesse d’être célébré à toutes les
occasions, comme si on voulait donner à
l’inaction et à la paralysie une couverture verbale
destinée à persuader l’opinion de l’imminence de
l’action »60. L’ironie de Mohamed Naciri à
propos de l’inaction pourrait paraître excessive,
mais il n’en demeure pas moins vrai que depuis
le rejet du SD, la situation est embarrassante.
Pour reprendre la main, une nouvelle institution
est créée : l’Agence de dé-densification et de
Réhabilitation ADER, dont l’intitulé reprend un
des éléments du programme du SD, la lutte
contre la surcharge de population.
Tant par son ambition que par sa méthode, le
SD de Fès mérite d’être salué car il marque le
premier jalon du raisonnement de sauvegarde,
même si l’analyste peut s’interroger sur une
démarche qui parie sur la puissance d’attraction
de la ville historique sur l’ensemble de
l’agglomération et qui idéalise sans doute les
effets d’entraînement de la mise en valeur sur la
société contemporaine57.
Dans la perspective de la sauvegarde considérée
dans la longue durée, le SD n’est pas une fin en
soi, mais un protocole qu’il conviendra de
décliner en programmes évolutifs. Il semblerait
que cette méthode de planification n’ait pas été
bien expliquée ou comprise puisque le schéma
directeur n’a pas été approuvé alors que dans le
même temps, le directeur général de l’Unesco
lançait l’appel pour la sauvegarde de « Fès, pur
joyau de l’Islam58… »
DRAFT
A la suite de cet échec, Mohamed Naciri
s’interroge sur la question institutionnelle
puisque la sauvegarde de Fès passe du Ministère
de l’habitat et de l’aménagement du territoire au
Ministère de l’intérieur. Il propose, à contrario
« la création d’institutions permettant d’organiser
les populations dans des structures d’appui et de
participation constituées sur la base du derb
(quartier) qui permettraient la revitalisation
tissulaire de la médina »59. Cette hypothèse a le
mérite de poser la pertinence de la
technostructure étatique en matière de
planification urbaine et donne à penser que si
l’Etat échoue à sauvegarder, peut-être faudrait-il
donner leur chance aux méthodes de
planification participative que recommandent,
actuellement, les organisations internationales.
Pendant ce temps, l’UNESCO, le PNUD, la
banque Mondiale ne cessent d’évaluer et de
préparer des solutions alternatives au SD. Il ne
s’agirait plus de sauvegarder la médina de Fès
comme totalité historique mais de la découper en
zones dans lesquelles seraient conduits des
projets pilotes… L’idée d’ouvrir la médina à la
circulation automobile pour permettre
la
gentrification continue à faire son chemin
puisque la percée du R’Cif, commencée en 1960
et la couverture de l’oued Boukharoub seraient
poursuivies ; les travaux seraient d’ailleurs en
cours… Le conditionnel que nous employons
est nécessaire car il n’a pas été possible de voir
un plan de cette opération.
La sauvegarde en gestation
Un point commun dans les trois cas de figure : la
démarche de sauvegarde a été conduite par un
organisme ad hoc, une association ou un atelier
ou une agence.
A Tunis, l’association qui, à ses débuts a pu
apparaître comme un contre-pouvoir autonome,
a progressivement, été instrumentalisée comme
relais du pouvoir local. Pour la Municipalité,
c’est un bureau d’études utile mais pour les
citadins, une fiction associative.
A Alger, l’Atelier Casbah a déambulé entre
plusieurs tutelles du pouvoir central (Présidence
de la République, Ministère de l’habitat) et
régional (Willaya). Au cours de cet itinéraire
chaotique, il s’est décomposé lentement mais
sûrement, perdant ainsi toute prise réelle sur la
sauvegarde.
Naïma Lahbil Tagemouati, op. cité p.114 relève
également l’idéalisation : « Le SD reprend à son compte
l’approche globale de Lyautey, mais veut aller plus loin
encore : redonner à la médina sa position centrale. Rien de
moins. On bascule d’une vision duelle – celle de Lyautey
qui juxtapose et éloigne deux ordres de ville irréductibles
l’un à l’autre – au désir de fusion entre les deux avec
primauté pour la médina ».
58 Appel de Mokhtar M’Bow, Directeur Général de
l’Unesco le 9 avril 1980.
59 In Présent et avenir des médinas, op. cité p.254.
57
60
80
In Présent et avenir des médinas, op. cité p.253
S’il
fallait
démontrer
l’impuissance
institutionnelle relative à la question patrimoniale
et à la problématique du devenir des villes
historiques, il suffirait de relever qu’aucun plan
de sauvegarde n’a été approuvé.
A Fès, le schéma directeur de sauvegarde est
conduit par un atelier sous la tutelle du pouvoir
central, mais il passe d’un ministère technique en
charge de l’habitat et de l’aménagement du
territoire à un ministère politique en charge de
l’intérieur, c'est-à-dire des collectivités locales. A
l’occasion du changement de tutelle apparaît une
agence qui est, comme à Tunis, un bureau
d’études.
Mais l’originalité de la situation tient au fait,
qu’en
dépit
de
cette
malformation
institutionnelle, la procédure de sauvegarde a été
lancée et qu’elle a produit de façon ponctuelle ou
sectorielle des projets remarquables ; en quelque
sorte la sauvegarde envers et contre tout.
Dans les trois cas de figure donc, l’organisme ad
hoc – association, atelier ou agence – a conduit
la mission de sauvegarde en prenant en
considération
les
acteurs
institutionnels
produisant l’habitat, les équipements, les
infrastructures ; pour ce faire, il a créé les
conditions d’une planification transversale pour
conjuguer
les
démarches
sectorielles.
L’organisme ad hoc a assumé de facto des
missions de coordination (ainsi que le préconisait
la recommandation Unesco 1976) qui lui ont été
refusées de jure.
Cette planification participative avant l’heure qui
ambitionnait l’intégration de la ville historique à
la matrice urbaine afin de lutter contre l’effet
ghetto a été pratiquée hors de toute prérogative
administrative, sur la base d’un consensus
intellectuel et professionnel.
DRAFT
En bref, l’organisme ad hoc créé à l’occasion du
projet politique de sauvegarde pour assumer la
démarche de planification s’avère une curiosité
institutionnelle : il a fait la preuve de son utilité,
mais il peut toutefois être contesté à tout
moment et ses propositions peuvent être remises
en cause car son statut ne lui confère qu’un rôle
consultatif ; agissant comme un simple bureau
d’études, il est appelé à intervenir sur la scène
juridique de l’urbanisme alors qu’il n’a pas les
prérogatives administratives le lui permettant ; il
est sollicité par ailleurs pour impulser le
développement socio-économique bien qu’il
n’en ait pas les moyens.
81
L'espace public comme révélateur politique, social, « cultuel" et
culturel : le cas de la ville de Porto-Novo, Bénin.
Sara TASSI
Chercheuse, Centre de recherche « Habiter »,
Université libre de Bruxelles, Belgique
E
n reprenant le concept de la ville comme
la chose humaine par excellence61, la notion
d'espace public peut être considérée
comme le symbole révélateur de la complexité
urbaine et culturelle d'une ville et de son identité
anthropologique et sociale. L'espace public reflète
donc les stratifications historiques et culturelles au
sein desquelles différentes générations y ont écrit, corrigé,
effacé, ajouté des couches de significations potentiellement
patrimoniales en donnant vie à une immense archive de
signes dans laquelle nous pouvons saisir un large ensemble
d'intentions, de projets et d'actions concrètes62.
Dans le sillage de cette réflexion, l'exemple des
espaces « publics63 » de la remarquable ville
historique de Porto-Novo au Bénin sera présenté,
dans le cadre de ma communication, comme la
« cristallisation » d'une démarche réflexive et
analytique structurée autour de trois notions
fondamentales : le patrimoine (dans sa dimension
de paysage culturel urbain), la modernité et le
développement.
physique et spatial» de la force d'association des
phénomènes religieux, artistiques, culturels et identitaires 67
à la base de la notion même de paysage culturel
associatif68.
Ainsi, la complexité matérielle et immatérielle des
espaces publics de la ville de Porto-Novo,
l’imbrication fluide entre la sphère sociale,
politique, religieuse et spatiale permettent à
l’espace même de se livrer comme un véritable
révélateur de rapports socioreligieux à travers les
manifestations qui s’y déroulent, les interdits et la
symbolique qui les caractérisent69.
DRAFT
L’espace public de la ville de Porto-Novo peut
être donc interprété comme un espace
« communautaire » et « patrimonial» ; comme un
miroir identitaire au sein duquel les appropriations
présentes et passées modifient et enrichissent la
manière dont ces entités spatiales (par nature
imbriquées et stratifiées) sont vécues et utilisées.
Cette réflexion affirme indirectement la mise en
patrimoine des usages, des traditions, des
stratifications politiques et culturelles en
définissant les communautés, leur façon de vivre
l’espace, leurs gestes, leurs habitudes comme des
éléments à la base de la notion vivante de
«patrimoine immatériel». Par conséquent,
la« patrimonialisation »
de
ce
« bagage »
culturel/identitaire oblige à se questionner autour
de la traduction concrète de la relation entre
«conservation/transmission» et «jouissance70» d’un
L’élargissement considérable des horizons du
patrimoine64, les récentes conceptualisations
culturelles de la notion de développement,65 et la
reconnaissance d'une continuité fluide entre
modernité et traditions66, ont inévitablement mené
à considérer l'espace public comme «témoignage
A. Rossi, L'architettura della città, Ed. Marsilio, Padova,
1966 (ed. Française 1981).
62 A. Corboz, Le territoire comme palimpseste, Les Éditions de
L'imprimeur, Genève, 1981.
63 Autour de la question de la pertinence de la définition d'
« espace public » dans le contexte ouest-africain, voir A.
De Biase, M. Coralli, Espaces en commun – Nouvelles formes de
penser et d'habiter la ville, l'Harmattan, Paris, 2009 et J.
Chenal, Y. Pedrazzini, G. Cissé, V. Kaufmann, Quelques
rues dAfrique, EPFL, Editions LASUR, Lausanne, Suisse,
2009.
64 On fait ici référence
surtout à l’élargissement
chronologique et topologique du concept de patrimoine
qui nous mène progressivement, depuis les reflexions
autour du concept de «conservation integree» (1975), a la
notion de « paysage culturel associatif (1992).
65 Voir M. Nussbaum,
Capabilites », Comment creer les
conditions d’un monde plus juste, Paris, Flammarion, coll. «
Climats », 2012.
61
66 Voir
G .Ciarcia, « Il discorso etnologico e le « tradizioni
africane » » in Il mondo dell'archeologia, Enciclopedia
Archeologica, Istituto dell’Enciclopedia Italiana, Roma.
67 Définition du concept de « paysage culturel associatif »,
Convention du patrimoine mondial, UNESCO, 1992 :
http://whc.unesco.org/fr/PaysagesCulturels
68 UNESCO, Report of the Expert Group on Cultural Landscapes,
La Petite Pierre (France), 24-26 Octobre 1992.
69
J. Chenal, Y. Pedrazzini, G. Cissé, V. Kaufmann,
Quelques rues d’Afrique, EPFL, Editions LASUR, Lausanne,
Suisse, 2009.
70 […] il s'agit de reprendre possession de cette compétence en
transformant notre relation passive et névrotique avec le patrimoine
en une relation dynamique et créatrice qui conduise, non plus au
ressassement stérile du passé, mais à sa continuation sous des formes
nouvelles […]. F. Choay, L'Allegorie du Patrimoine, Paris,
82
patrimoine qui, en tant que expression vivante, est
naturellement destine a subir l’ « l’érosion»
matérielle ou immatérielle du temps.
Dans ce cadre spéculatif, les « outils » propres à
la discipline urbanistico-architecturale se
profilent comme des éléments fondamentaux
dans la recherche de cet équilibre éphémère
entre « jouissance » et « conservation ». En effet,
la richesse symbolique et stratifiée de ces espaces
implique nécessairement la remise en cause de la
définition, de la méthodologie et de la démarche
essentiellement technique du projet patrimonial,
urbain et architectural, en mettant en premier
plan la dimension « humaine et culturelle »
intrinsèque à cette même réalité spatiale71.
Fort de cette réflexion, l'analyse et l'étude des
espaces publics de la ville de Porto-Novo
deviennent le « champ potentiel d'application »
d'un processus d'observation, d'identification, de
compréhension et d'opérationnalisation finalisé à la
proposition d'une démarche contextualisée de
projet patrimonial.
En termes strictement méthodologiques, ce modus
operandi nécessitera une « démarche située,
inductive et interventionniste », basée sur la
pratique du « déclarer le terrain »72 afin de remettre
le point de vue perceptif des acteurs locaux
(l'espace et les usagers) au cœur de la réflexion. Les
outils principaux à la base de cette méthode
d'analyse seront donc : l'observation participante et
les entretiens qualitatifs73 en faisant surtout
référence aux théories émotionnelles de
l'anthropologie sociale74. Parallèlement à la
compréhension et à l'analyse de la dimension
immatérielle connectée aux pratiques cultuelles
traditionnelles, cette méthode de réflexion et
d'intervention questionnera la façon dont ces
pratiques sociales, rituelles et culturelles prennent
forme et s'articulent dans l'espace.
Cette « matérialisation physique »75 sera étudiée à
travers la compréhension et l'analyse de la
composition de la structure et du fonctionnement
du réseau des espaces publics de la ville de PortoNovo. Ces espaces seront donc étudiés à la fois
comme :
-espaces immatériels en analysant et en
interrogeant les sociabilités qui y ont cours et qui
font naitre ces espaces ;
-espaces symboliques, en mesurant comment
leurs valeurs de lieu de mémoire les font exister
et leurs confèrent leurs rôles d' « espace public ».
-espaces communautaires en reconnaissant les
limites de ces définitions dichotomiques
inadéquates pour traduire la notion de
« continuum de pratiques des lieux » avec des
situations intermédiaires ou d' « entre-deux » ;
-espaces de pouvoir en soulignant le reflet, dans
l'espace, des pouvoirs coutumiers, de leurs
symboles et de ce qu'ils représentent pour la
population.
DRAFT
Ce travail d'observation participante et de relevé
architectural sera toujours accompagné et intégré
par la pratique d' « entretiens qualitatifs
compréhensifs » (non-directifs ou semi-directifs)
organisés dans le cadre de focus groupes, afin
d’alimenter un dialogue et un échange autour de
ces sujets même au sein des communautés locales.
Les résultats de cette ouverture du champ d'analyse
à la dimension spatiale considérée comme le
« porte-parole » d'un héritage culturel structuré et
structurant76, pourraient à la fois :
- dévoiler le potentiel patrimonial du maillage
urbain considéré comme lieux de cohésion sociale
et de transmission de la mémoire collective;
- souligner la difficulté à considérer ces espaces
comme un véritable patrimoine matériel et
immatériel sans tomber dans le piège d’une
instrumentalisation
patrimoniale77
ou
d’une« muséification/folklorisation ».
Editions du Seuil, 1992.
75
On fait ici référence au concept d' « espace pratiqué »
proposé par M. de Certeau, « Pratiques d' espace » in
L'invention du quotidien. 1. Arts de faire, Gallimard, coll
« folio », Paris, 1990.
72 E.C. Hughes, « Going concerns : the study of american
institutions » in The Sociological Eye, Chicago, 1962. J.-M.
Chapoulie, « Le travail de terrain, l'observation des actions et
des interactions, et la sociologie » in Sociétés Contemporaines
n°40, 2000.
73 C. Schaut, L'entretien qualitatif : une méthode l'interaction, 2007.
71
76
D. Juhé-Beaulaton, « Un patrimoine urbain méconnu.
Arbres mémoires, forêts sacrées et jardins des plantes de
Porto-Novo (Bénin) » in Autrepart, n° 51, 2009.
G. Bassalé, « Enjeux des places vodun dans l'évolution de la
ville de Porto-Novo » in C. Mengin et A. Godonou, Le
patrimoine de Porto-Novo : réhabilitation, développement, perspectives
touristiques. Travaux du résau Patrimoine et développement,
Publication de la Sorbonne/Ecole du patrimoine africain,
Paris/Porto-Novo, 2011.
77 A. Seiderer, « La muséification des objets vodou : un
dispositif de légitimation identitaire », in Revue Tabou,
Musée Ethnographique de Genève, n° 5, Infolio, pp.
387-409, 2008. A. Seiderer, Fetish Modernity, edited by
Voir les ouvrages de Despret et Porcher : Despret, J.
Porcher, Être bête, Actes Sud, Arles 2007.
74
83
En remettant en cause les notions urbanisticoarchitecturales
de
« planification »
et
d’ « aménagement a priori », cette réflexion pourra
donc amener à une « complexification » de la notion
d’« intervention projectuelle » en la décrivant comme
un vrai processus cyclique, entre description, analyse
et projet78.
Le cas de la « patrimonialisation79 » des espaces
publics « portonoviens » peut donc être considéré
comme l’élément qui « agite » cette prise de
conscience : dans une réalité complexe et codifiée
comme celle de la ville de Porto-Novo, où
l'organisation spatiale est totalement imbriquée à
la religion et au droit coutumier, le processus de
projet et la pratique urbanistique et architecturale
que l’on appelle « moderniste » doit sans doute
laisser la place à une démarche « projectuelle 80»
cyclique caractérisée par le rôle central de
l'observation, de la compréhension et de l'analyse.
Les réalisations spatiales, les pratiques habitantes,
l’appropriation et l'adaptation de la dimension
matérielle sont donc analysées comme le résultat
d'un processus culturel/identitaire/ patrimonial
qui doit, par conséquent, être nécessairement à la
base
de
chaque
réflexion/intervention
urbanistico-architecturale81.
La notion de « développement urbain » sera
donc conceptualisée à travers la complexité de la
stratification historique et culturelle de ces
espaces en identifiant leurs dimensions
matérielles et immatérielles comme des « vecteurs
traditionnels
de
développement
et
de
modernité »82. Une telle démarche est de notre
point de vue nécessaire à mettre en œuvre pour
intervenir au sein des paysages urbains fragiles
de nombreuses villes d’Afrique.
DRAFT
Anne-Marie Bouttiaux and Anna Seiderer, RMCA,
Brussels, 2011.
78 F.N. Bouchanine, « Espaces Publics des villes marocaines”,
in Les Annales de la Recherche Urbaine, n°57-58, Paris 1993.
79 N. Heinich, La fabrique du patrimoine,
de la cathedrale a la
petite cuillere », Editions de la Maison des sciences de
l’homme, Paris, 2009.
80
M. Gosse, Le tiers livre de l’architecture, Unibook,
Bruxelles, 2011.
81 B. Secchi, Prima lezione d’urbanistica, Ed. Laterza, Roma,
2000.
82
84
D. E. Schulz, « From a glorious past to the lands of origin :
Media consumption and changing narratives of cultural
belonging in Mali » in F. de Jong et M. Rolands, Reclaming
heritage : Alternative imaginairies of memory in west Africa, Walnut
Creek: Left Coast Press, 2007. G. Ciarcia, « De qui
l'immatériel est-il le patrimoine ? » in Civilisations, n° 59, 2010.
DRAFT
Ouvrage collectif sur Kinshasa, CIVA, 2012
©CIVA
85
Kinshasa et ses lieux de mémoire
Par Joël Ipara MOTEMA
Ph.D Directeur de Recherche
Institut des Musées nationaux du Congo
D
ans le champ de l’urbanisation
africaine, les spécialistes
se sont
accordés sur la « crise de
l’urbanisation » africaine. Ils qualifient les villes
africaines de « villes éparpillées », « villes
anarchiques », « villes rurales », « bidonvillisées
» et « disloquées ». Ces analyses d’une
pertinence certaine pèchent pourtant par leur
vision catastrophiste et globalisante. Une
approche microsociologique et constructiviste
montre qu’on peut aussi bien « apprendre de la
ville africaine ». Le champ de la microsociologie
focalise l’attention sur les menus faits de la vie
quotidienne, il prend le futile, la banalité au
sérieux et analyse les phénomènes à leur échelle
réduite. C’est une approche qui peut être très
prometteuse dans l’étude des villes africaines. En
réalité, de véritables processus urbains sont
aujourd’hui en construction dans les espaces
urbains africains. La ville africaine ne saurait plus
être analysée seulement comme « ville disloquée
», sans avenir, mais il y a lieu de l’observer aussi
comme véritable « laboratoire » de changement
social.
histoire, des chefferies aux villages, puis aux
agglomérations urbaines. Tel est le parcours de
Kin-malebo.
DRAFT
Ce qui se donne à voir aujourd’hui, c’est une
Afrique urbaine dans une période de transition
où l’on doit être attentif face aux lieux
d’initiatives où se construisent les nouveaux
modes de vie, les dynamiques imprévues,
annonciatrices des ruptures politiques, sociohistoriques et économiques. Cette intervention
présente quelques aspects d’histoire et de la
mémoire pris en compte par un projet qui a
bénéficié très modestement le soutien du bureau
de la représentation de l’UNESCO à Kinshasa
en 2005. Le travail consistait d’abord
à
l’inventaire et l’archivage de quelques lieux de
mémoire, d’identité et de tourisme. Il devrait
documenter à titre indicatif les monuments
coloniaux, quelques architectures coloniales, une
aire culturelle notamment l’école d’art de
Mushenge à Mweka, l’école St Luc de Gombe
Matadi dans le Bas Congo. Le choix de ces
espaces a été motivé par les contraintes de
terrain et des moyens y consacrés. Kinshasa,
capitale de la RDC a connu d’importants
changements et une évolution au cours de son
Au moment de l’implantation du premier poste
de Stanley sur l’actuel Mont-Ngaliema, Kinshasa
se confondait avec deux villages notamment
N’SASA et N’TAMO. N’SASA, plus tard,
Kinshasa était constitué d’un alignement de
Hameaux sur la rive du fleuve Congo. N’TAMO
appelé par la suite Kintambo, était un centre
commercial connu pour son insoumission à
l’égard du Roi Teke MAKOKO de MBE. La
ville se développa pendant la guerre de 19141918 jusqu’à occuper une position géographique
importante en Afrique centrale. Mais ce
développement s’est fait sans véritable plan
d’aménagement. Elle s’est installée le long de la
baie de Kintambo à l’instar de toutes les villesrelais implantées sur un rivage. Elle devint une
installation portuaire accompagnée d’un noyau
résidentiel complété rapidement par un petit
centre commercial, en amont de la zone des
Cataractes infranchissables par voie fluviale.
Les sources historiques à ce sujet nous
renseignent que l’ex Léopoldville était un site
préhistorique non négligeable hormis l’activité
commerciale développée par les marchands
Teke. L’implantation des communautés sur cet
espace est très ancienne. On y trouve de
nombreux gisements et un important outillage
préhistorique selon Henry Van Moorsel depuis
1968, Fondateur du Musée de préhistoire de
l’Université de Kinshasa. Le charbon du bois
trouvé sur le site Lupembien partant de la
méthode de datation au carbone 14 donne 26000
ans ; mais, l’occupation de la plaine date d’une
époque antérieure. Les habitations étaient des
huttes carrées en pisé recouvertes de toitures en
chaume. L’ancien village du chef Ngaliema
subsistait toujours, mais avait l’aspect misérable
et groupait à peine quelque dizaine de huttes
autour de la gare. Cette gare était une
construction en bois et de tôles ondulées, mais
elle constituait un pôle d’attraction qui
regroupait autour d’elle quelques « factoreries »
portugaises et des maisons danoises. Au-delà, le
86
village teke de Kingabwa réunissait
communautés de pêcheurs et de potiers.
des
Vers les années 1912, l’aménagement du
nouveau port de Kinshasa a occasionné
l’amélioration de lotissements des européens
dans les quartiers environnants. Déjà, en 1914
l’hôtel ABC autrefois Hôtel Palace était
inauguré, et assemblé à partir d’une structure
métallique qui fut acheminé par bateau depuis
Anvers en Belgique. Kinshasa grandissait, se
développait et se diversifiait au fur et à mesure
que les firmes belges, anglaises, portugaises et
italiennes s’installèrent d’une part, et de l’autre
part, les immeubles surgirent partout entre les
rives et la voie ferrée. Comme l’on peut
constater, chaque étape de sa croissance était
marquée à la fois par l’extension des habitats et
l’accroissement de nouvelles zones industrielles
et d’habitations. Se promener à Kinshasa, c’est
découvrir ses sites pittoresques qui nourrissent le
regard du Visiteur curieux et observateur. On y
trouve concentrés certains lieux de mémoire,
certains aspects peu connus de son histoire. Par
exemple, Kinshasa abrite les tombes des anciens
propriétaires terriens Teke-Humbu (le cimetière
du chef coutumier NGANGWELE et de ses
courtisans, sur la rue MBIMI, Quartier
Kimbangu dans la commune de Masina…) ; sans
oublier le cimetière des pionniers situé au Mont
Ngaliema où furent enterrés des pionniers
fondateurs de la ville de Léopoldville.
Arrivé vers 1881, il serait fait devancer par
d’autres explorateurs de nationalité italienne
deux siècles auparavant.
Ces discussions n’ont pas éteint la pulsion des
administrateurs coloniaux Belges de consacrer ce
lieu à la mémoire de Henri Morton Stanley.
D’où, ils érigeront en son honneur un
monument imposant. La Chapelle SIMS,
première chapelle protestante érigée en 1891
dans la commune de Kintambo, l’ancien Hôpital
général de Léopoldville, l’eglise internationale de
la Gombe, la Cathédrale Notre Dame du Congo
de la commune de Lingwala et la Paroisse
Léopold (voir grand séminaire jean XXIII.
L’université de Kinshasa existe depuis 1954 sous
l’impulsion de l’Université de Louvain.
Lovanium, nom aux consonances latines,
rappelle l’institut dont elle est l’émanation.
DRAFT
Ce sont pour la plupart des compagnons de
Stanley et autres explorateurs européens décédés
durant leur séjour dans cette ville. A côté, se
trouvaient érigés les monuments coloniaux
belges, actuellement entreposés dans l’enceinte
de l’Institut des Musées Nationaux au Mont
Ngaliema. Celui-ci surplombant la baie de
Ngaliema (ex Stanley Pool), site touristique et
culturel mythique, mérite aussi d’être visité pour
y découvrir les riches collections du Patrimoine
culturel national avec ses + 45.000 objets.
L’Université de Kinshasa est construite sur la
colline de Mont Amba, symbole de l’élévation
spirituelle et intellectuelle. Elle bénéficie de la
vitalité intellectuelle de la ville, nourrie par ses
laboratoires, ses musées, ainsi que de la présence
remarquable des sculptures monumentales. Les
plus représentatives de ces œuvres en plein air
sont la mère nourricière de l’Université : « Alma
Mater » (du sculpteur Jean Marie NGINAMAU)
et la liseuse (de WUMA). La présence au centre
du campus, de la belle et importante église
« Notre Dame de la Sagesse », édifice
d’inspiration moderne, donne un charme à
l’Université de Kinshasa.
Sur le plan géographique, l’université de
Kinshasa est établie sur une colline de 270
hectares environ, appelée Mont Amba et située
au sud de Kinshasa, à quelques 12 kilomètres à
vol d’oiseau du centre-ville. On y jouit d’un
magnifique panorama sur la ville, le pool, et
même Brazzaville. Le plateau sur lequel
s’étendent les bâtiments universitaires a environ
500 mètres d’altitude et domine Kinshasa de 200
mètres.
L’on peut aussi aborder à Kinshasa, dans
certains espaces, des sculptures monumentales
publiques, œuvres des créateurs contemporaines
issus de l’académie des Beaux-arts de Kinshasa.
La découverte de cette rive gauche du fleuve
Congo d’où se déploie la ville Kinshasa a suscité
bien de controverse. Certains spécialistes ont
attribué à H. Morton Stanley, la primeur de la
découverte de ce « pool » et d’autres ont estimé
que Stanley ne serait pas le premier explorateur
européen à avoir découvert la baie de Ngaliema.
Balayé par des vents dominants du sud-ouest, il
bénéficie, grâce à son altitude, de condition
climatique favorable. Le plateau se divise en
deux grandes parties : le Nord est réservé aux
édifices académiques, le sud aux résidences des
professeurs et des étudiants. Les musées
universitaires de Kinshasa, fort renommés,
contiennent actuellement plus de 3.000 pièces.
87
Le réacteur atomique, acquis par le
gouvernement et mis à la disposition de la
commission consultative des sciences nucléaires
que préside le Recteur de l’université de
Kinshasa, se situe en contrebas de la faculté des
sciences, en direction de la faculté de médecine.
A l’extrême nord du campus, faisant suite à la
faculté de médecine, s’élèvent les cliniques
universitaires. Ce vaste hôpital constitue un
ensemble très homogène où tout a été prévu
depuis les immenses buanderies et cuisines
jusqu’aux nombreuses salles d’opération et aux
laboratoires d’analyses.
Un autre lieu de curiosité que les visiteurs
pourront découvrir en étant à Kinshasa c’est la
Foire Internationale de Kinshasa, FIKIN en
sigle. Cette Foire, créée en 1969 qui était le
baromètre économique du pays. Elle servait de
support de promotion
aux entreprises
nationales et internationales bien que ne
fonctionnant plus correctement depuis les
pillages des années 1992/93. Dans la liste de
monuments, nous avons répertorié quelques
œuvres d’artistes contemporains ayant marqué
l’histoire de l’art en République Démocratique
du Congo.
Ce patrimoine bâti nous invite au respect de la
mémoire collective qui s’incarne dans des biens
culturels mobiliers et immobiliers dont
l’inventaire s’avère plus qu’urgent.
DRAFT
88
Le plan de développement urbain intégré de la zone centrale de
Bucarest
Gheorghe PATRASCU,
Architecte en chef de Bucarest, Roumanie
L
a ville de Bucarest, capitale de la Roumanie
Avec une superficie de 228 km carrés et
environ 2,2 millions d’habitants, Bucarest est
la troisième capitale de la région, après Athènes et
Istanbul, et la sixième capitale en tant que largeur de
l’Union Européenne. La ville est située dans le SudOuest de la Roumanie, à 64 km distance du Danube, à
100 km des Carpates et 250 km de la Mer Noire.
Bucarest a une position géographique privilégiée, au
carrefour des principaux couloirs Paneuropéen de
transport.
Pourquoi un tel plan pour le Centre-ville de
Bucarest
Bucarest est, à nos jours, une ville qui devient de
plus en plus étouffée par les voitures qui
produisent de gros problèmes sur les artères de
circulation mais aussi en stationnement. Il s’agit
d’une grave pénurie de places de stationnement
au centre-ville, parce que la plupart des voitures
stationnent sur les trottoirs, en occupant l’espace
public, nuisant à l’image urbaine et produisant de
l’inconfort et de l’insécurité pour les piétons.
Le centre-ville manque d’attractivité parce que
les espaces publics ne sont pas développés
comme un réseau cohérent pour faciliter la
promenade et le loisir, parce que beaucoup
d’immeubles ayant une valeur architecturale
n’offrent pas une image attractive pour les
visiteurs et aussi parce que les opérations
urbaines des années 1980 ont fracturé le tissu
urbain traditionnel, en isolant en quelque sorte
les quartiers au Sud de Dâmboviţa du reste de la
ville.
-
-
DRAFT
alternatifs, notamment pour les
piétons et les cyclistes, et aussi des
espaces de stationnement;
Amélioration de l’image urbaine de
Bucarest;
Une
vision
globale
du
développement de la zone centrale
de Bucarest.
Potentiel du centre-ville
- La présence d’une architecture
d’une grande variété qui peut
présenter une marque de ville
éclectique.
- L’existence de grandes réserves de
terres qui peuvent être réutilisées.
- L’existence d’un important réseau
d’espaces verts qui peuvent être
conçus et intégrés dans un système
d’espaces publics de manière
efficace.
- La présence de traits culturels qui
peuvent être restaurés et récupérés.
- La présence de la rivière de
Dâmboviţa.
- L’existence de liens importants dans
la ville qui peuvent soutenir le
développement
de
nœuds
fonctionnels.
Le Plan de développement urbain intégré de
la Zone Centrale de Bucarest (PIDU-ZCB)
Les objectifs spécifiques du Plan de
développement urbain intégré (PIDU) pour le
centre de Bucarest visent à : mettre en évidence
le caractère éclectique du centre de la ville de
Bucarest comme une identité de marque, la
reprise et la restructuration du tissu urbain, la
création d’un système de transport efficace, un
nouvel aménagement des espaces publics, une
rénovation urbaine intégrée des zones ayant des
problèmes socio-économiques ; assurer un
environnement social diversifié et sûr.
Besoins du centre-ville, dans le contexte
actuel:
- La réduction des disparités socioéconomiques entre le Nord et le
Sud du centre-ville de Bucarest;
- La régénération urbaine des zones à
problèmes sociaux et spatiaux;
- Restaurer la connectivité entre ce
qui est utilisé aujourd’hui comme un
centre et les sous-zones isolées de la
zone d’étude; création d’itinéraires
89
La réalisation de ces objectifs se traduira par une
meilleure qualité de vie des résidents locaux et de
toute la ville, par l’augmentation de l’attractivité
pour les investisseurs et les touristes, la création
d’un centre-ville animé, dynamique, attractif
pour Bucarest, comme capitale européenne.
-
Les lignes d’action du plan – -stratégie
-
-
Récupérer l’identité urbaine pour le
centre-ville;
Reconnexion de la zone au sud de
Dâmboviţa au centre-ville;
Un autre modèle de transport,
durable;
Système intégré de parkings dans la
zone centrale;
Rétablissement et valorisation des
espaces publics au centre-ville;
Régénération urbaine des quartiers
traditionnels
qui
ont
été
endommagés;
Fortifier les activités économiques
au centre-ville.
Les actions proposées dans le Plan de
développement urbain intégré reflètent un
certain nombre de priorités:
-
-
-
DRAFT
Créer une nouvelle identité urbaine
pour le centre de Bucarest. Une
identité claire et convaincante de la
ville est susceptible d’attirer les
touristes et les investisseurs à créer
une marque positive, développer un
sentiment de communauté et
d’appartenance pour les habitants de
Bucarest, avec des bénéfices pour le
soutien des activités économiques et
commerciales de la ville. Les actions
proposées dans le Plan de
développement urbain intégré visent
à mettre en valeur et utiliser le
caractere éclectique de la ville,
créant des espaces divers avec des
identités différentes, reliés par des
trajets prioritaires pour les piétons
et les cyclistes.
La
revitalisation
des
zones
diversifiées du point de vue
historique et architectural, qui
constituent le centre de Bucarest et
pas seulement le centre historique
traditionel (Lipscani).
-
90
La déstructuration du cœur de la
ville et les déséquilibres socioéconomiques
provoqués
par
l’insertion du Centre civique dans
les années 1980 est le principal
problème; le Plan de développement
urbain intégré vise à réintégrer ces
zones enclavées, isolées.
La reconstruction de deux ponts sur
la Dâmboviţa, par exemple, va
reconnecter le nord et le sud du
centre historique, ce qui conduira à
l’émergence de flux de visiteurs sur
les routes piétons et les pistes
cyclables, et à la révitalisation des
zones au sud de Dâmboviţa
jusqu’au marché des fleurs RahovaUranus.
Améliorer
l’efficacité
des
circulations dans la zone centrale en
privilégiant des formes durables et
alternatives de déplacement. Un
itinéraire prioritaire pour les piétons
et les cyclistes sera à même de créer
une alternative viable pour le
transport dans la zone centrale. Ce
Plan propose la création d’un réseau
intégré de circulation des piétons et
vélos dans une vaste zone du
centre-ville, qui offrira non
seulement des opportunités pour les
circulations mais aussi des espaces
publics de qualité. En outre, en ce
qui concerne le déplacement à vélo
nous considerons comme important
d’établir un réseau de pistes de velo
concentriques et radiales, continues
et cohérentes. L’introduction de
cette voie alternative pourra se
réaliser en deux étapes. Pour la
première étape, il est question de
construire des parking souterrains
de taille moyenne, en mesure de
répondre à la nécessité du
stationnement
au
centre-ville,
libérant ainsi des espaces publics
pour
d’autres
travaux
de
rénovations.
Un défi très important pour la zone
centrale de Bucarest est le parking.
La présence, dans la zone centrale,
de plusieurs fonctions publiques,
culturelles et de loisirs produit de la
congestion et une utilisation
excessive de l’espace public pour le
stationnement des véhicules y
-
compris sur les trottoirs, qui doivent
être dédiés exclusivement aux
piétons. Cela créé de l’inconfort
pour tous les utilisateurs. Les
experts ont proposé la création d’un
système de parking intégrée, de taille
moyenne (moins de 500 places),
tout au long de la circulaire
principale de la ville qui sera relié
par une infrastructure spécifique
pour les piétons et les cyclistes et
qui sera également branché au
réseau de transports public.
L’ensemble du système sera soutenu
par un affichage et une signalisation
des espaces libres intégrés, qui
rendront possible la gestion efficace
des parkings dans la zone centrale.
Ainsi, ce système de parkings
permettra d’affranchir les rues et les
trottoirs
des voitures en
stationnement en les déplaçant en
sous-sol, laissant cet espace pour
une meilleure utilisation des piétons
et des cyclistes et assurant une
meilleure fluidité pour le transport
public. Ce projet sera développé par
étapes, en évitant de créer des
dysfonctionnements majeurs au
trafic dans la zone centrale. Un tel
système intégré devient très
attrayant pour l’investissement
privé, en apportant une plusvalue
importante pour les citoyens par qui
bénéficieront ainsi de l’espace
supplémentaire et sûr pour marcher
à pied, en, en meme temps, en
créant de l’espace pour planter des
arbres.
Régénération urbaine durable des
sous-zones identifiées ayant des
problèmes, dans le domaine de
l’΄action urbaine. Ils devraient faire
l’objet d’une régénération urbaine
cohérente et intégrée, qui prend en
considération à la fois la
construction et la réhabilitation des
espaces publics, qui renforce l’esprit
de communauté et pour encourager
simultanément l’esprit d’entreprise.
PIDU-ZCB contient des mesures
visant la cohésion sociale, comme la
création de centres culturels
communautaires, avec un rôle social
et de loisir pour tous les habitants.
Grâce à la réhabilitation des infrastructures, à la
création d’espaces piétons qui vont engendrer un
flux régulier de passants, à la création d’une
direction de développement cohérente et des
identités pour chaque sous-zone, ils stimuleront
à la fois l’investissement privé et les activités
commerciales. Pour atteindre les objectifs fixés,
un certain nombre de projets et des sous-projets
connexes seront réalisés et répartis dans tous les
domaine d'intervention. Certains de ces projets
sont soumis à l’acquisition de terrains ou de
partenariats avec des institutions comme le
Parlement. En plus, pour les projets d’une
grande complexité, comme la reconfiguration
des espaces publics de haute importance pour la
ville qui rencontre des défis de design urbain et
de connectivité, des concours de solutions
seront lancés. Les interventions urbaines seront
realisées progressivement afin que le travail ne
provoque pas des difficultés majeures dans la
circulation et pour les activités economiques
dans la zone centrale (par exemple, les zones de
stationnement seront construites avant de
reconfigurer les espaces publics occupés
actuellement par des voitures garées).
19 Projets pour l’infrastructure publique
DRAFT
-
-
-
-
Réhabilitation de 23 rues avec
priorité pour les piétons et les
cyclistes; croisements avec les
grands boulevards.
Réhabilitation du quai de la
Dâmboviţa;
Des places publiques et des espaces
publics de différentes tailles;
Deux ponts piétons sur la rivière;
Construire de petits et moyens
parkings;
De nouveaux espaces verts et la
réhabilitation du Parc Izvor;
Modernisation et création de nœuds
de transport intermodal;
Création d’un nouvel itinéraire de
transport en commun et de
nouveaux arrêts bus :
Réhabilitation de l’ensemble CurteaVeche avec un nouveau système
d’éclairage
des
monuments
historiques dans la zone d’étude.
Développement des affaires et
infrastructure sociale
Dernièrement, ont été mis au point des études
de préfaisabilité et de faisabilité pour les
91
itinéraires des piétons et pour les pistes cyclables.
Des projets individuels, choisis comme
prioritaires, seront réalisés avant fin 2015. En
prenant appuis sur une planification et une
hiérarchisation des investissements, ainsi que sur
un plan stratégique souple et à long terme, nous
avons l’intention d’utiliser de différents types de
financement, comme par exemples les fonds
européens ou les partenariats public-privé, tout
en tenant compte d’une utilisation plus efficace
du budget de la municipalité.
DRAFT
92
3 E pour le patrimoine : Economie, Education, Ensemble
Daniela CALCIU
Université d’Architecture et d’Urbanisme « Ion
Mincu » de Bucarest ; ATU – Association pour
la Transition Urbaine, Bucarest, Roumanie
L
e patrimoine bâti de la Roumanie est
toujours menacé par l’abandon et la
destruction, suite aux capacités réduites
des acteurs publics, à l’immaturité du marché et
à l’indifférence des citoyens. La plupart des
efforts sont dirigés vers les questions législatives
et techniques des processus de mise en
patrimoine, et beaucoup moins vers les
mécanismes de protection et de gestion des sites
et des monuments. La lutte des acteurs de la
société civile pour sauver un certain édifice ou
un autre est regardée comme un acte d’élitisme
culturel, un engouement auquel on ne devrait
céder qu’après avoir assuré la survie, ou le bienêtre économique. Ces attitudes relèvent d’une
approche à la conservation comme un acte qui
fige la ville et empêche son développement, et
non pas comme un processus qui valorise les
lieux historiques pour et dans les dynamiques de
croissance qualitative des modes de vie urbaine.
démarche de promotion des politiques du
patrimoine par la recherche et la collaboration
entre les investisseurs, les acteurs publics, les
chercheurs et les structures de la société civile.
DRAFT
Par conséquent, avant toute démarche
opérationnelle, il faut déstabiliser la pensée qui
prône que la protection du patrimoine n’est
qu’une affaire couteuse, dont le seul
bénéficiaire – et par conséquent, responsable –
serait l’état. On doit amener tous les acteurs à
travailler ensemble pour trouver les moyens de
favoriser les retombées économiques aussi bien
que sociales et culturelles des investissements
dans les structures historiques, pour les
collectivités aussi bien que pour les individus.
Dans ce but, l’Association pour la Transition
Urbaine – ATU83 s’est engagée dans une
83
ATU est un groupe de réflexion (think tank) sur la ville :
développement et politiques urbaines, culture urbaine et
patrimoine, espace public et mobilité, logement collectif et
équité sociale. Etablie comme organisation non
gouvernementale à Bucarest en 2001, ATU favorise une
approche négociée et interdisciplinaire du développement
urbain, ayant une soixantaine membres provenant de
diverses disciplines telles que l’architecture, l’urbanisme, la
sociologie, le droit urbain, l’anthropologie, ou l’économie.
Le groupe travaille pour générer des occasions de débat et
d’interaction entre les milieux académiques, civiques,
politiques et administratifs, autour des thèmes de la ville.
www.atu.org.ro
Le « Dialogue pour le patrimoine »84 a
commencé en 2011 avec une exposition et
quatre courts métrages illustrant des initiatives
privées qui ont sauvé des bâtiments historiques
de Bucarest en les utilisant comme source et
ressource pour des nouveaux modèles
d’entreprise, des idées plus créatives fondées sur
la prémisse de la valorisation du patrimoine.
L’enjeu a été d’identifier des entrepreneurs
créatifs, de les promouvoir en tant que modèles
de bonnes pratiques, mais aussi de mieux
comprendre les défis auxquels ils se sont
confrontés dans leurs démarches. Quel est le
rôle des acteurs privés dans les processus de
conservation et valorisation du patrimoine ?
Quel est la dynamique des marchés du
patrimoine bâti à Bucarest ? Qui s’y intéresse et
qui a la volonté d’investir et d’utiliser une
structure historique ? Y a-t-il un « profil » de ces
gens ? Peuvent-elles inspirer d’autres à concevoir
de tels plans d’affaires ? Dans quelles conditions
légales, fiscales et sociales ? Que faire pour
renforcer les actions bottom-up ou grassroots pour
la mise en valeur des bâtiments historiques ?
Suite aux conversations, entretiens et débats
publics avec des entrepreneurs et des
représentants du marché immobilier de Bucarest,
nous avons identifié trois besoins et
opportunités majeures de définition de méthodes
et techniques participatives, cibles pour valoriser
le patrimoine dans le développement
économique et social : (1) promouvoir une
nouvelle culture entrepreneuriale et des
mécanismes et politiques fiscales pour la
Projet développé par ATU – l’Association pour la
Transition Urbaine, avec l’aide financière de l’Ambassade
de France en Roumanie et soutenu par la Fondation
Cărtureşti et Colliers International Romania ; coordonatrice
du projet, Vera Marin ; équipe : Daniela Calciu, Dorothée
Hasnaş, Irina Zamfirescu, Vlad Ursulean (Maison des
Journalistes /Casa Jurnalistului).
84
93
conservation et la valorisation du patrimoine ;
(2) cultiver le public du patrimoine, celui qui
connaît et apprécie les histoires locales et qui
pourrait s’engager dans le travail de (re)définition
de la mémoire collective ; (3) créer et maintenir
des observatoires de patrimoine à des échelles
qui permettent de multiplier les rencontres entre
les différents acteurs du patrimoine d’une
certaine ville ou région.
entrepreneuriale orientée vers la protection et la
valorisation de structures urbaines historiques.
Deuxième cible : Education
La plus-value que le paysage urbain historique
peut apporter au développement des villes est
également une question de culture et d’éducation
et requiert la création des liens entre les
politiques et les stratégies patrimoniales et celles
de l’éducation générale, à partir de l’école
primaire et allant jusqu’au lycée.
Premier cible : Economique
La durabilité des processus de conservation
requiert la mise en place de nouveaux modèles
de financement à l’appui des initiatives bottom-up,
soit-elles des projets urbains à petite échelle ou
des entreprises fondées sur la réhabilitation et
valorisation du patrimoine.
La Roumanie est un des pays où la culture
entrepreneuriale reste encore à former. En
même temps, la précarité des ressources
publiques allouées à la gestion du patrimoine au
cours des vingt dernières années indique un
degré de priorité du patrimoine assez faible
parmi les thèmes de l’agenda public. Par
conséquent, le marché immobilier se voit
dominé par l’attitude qui soutient le
remplacement du patrimoine bâti par le plus
grand nombre possible de mètres carrés à vendre
ou à louer au profit immédiat et sans aucun
bénéfice pour la communauté. Dans ce climat,
les quelques pionniers de la nouvelle génération
d’entrepreneurs qui ont investi dans la
réhabilitation d’un bâtiment historique se
confrontent avec des charges fiscales
étouffantes, adaptées à la spéculation
immobilière. Face à ces réalités, le « Dialogue
pour le patrimoine » fait promouvoir d’abord
l’idée que le patrimoine peut être regardé comme
une ressource primaire pour le développement
des plans d’entreprise, mais aussi que sa
sauvegarde et mise en valeur méritent de faire
l’objet des modèles de financement et des
normes fiscales spécifiques.
DRAFT
Ces changements pourraient faciliter l’autoemploi des jeunes dans des structures de
l’entrepreneuriat social autour du patrimoine,
chose d’autant plus importante dans un monde
où l’accès des jeunes à l’emploi devient de plus
en plus problématique. A cette fin, nous avons
une double mission : plaider pour la
diversification des acteurs de la conservation par
des politiques fiscales qui favorisent la
multiplication des modes participatifs de
financement ; et stimuler la créativité
Les priorités des politiques éducationnelles de la
Roumanie, en tant que membre de l’Union
Européenne, incluent le développement de
l’esprit entrepreneurial, des compétences
civiques et de l’expression et manifestation
culturelles. Mais on prend encore du temps à
bien les inclure dans les curriculums nationaux et
à former les compétences des enseignants qui
puissent motiver l’esprit civique et la créativité
entrepreneuriale des élèves. Toutefois, les
acteurs de la société civile ont commencé depuis
quelques années à proposer des programmes
scolaires plus adaptés aux dynamiques de
passage à la démocratie et à l’économie du
marché. En 2011, plusieurs initiatives ont
conjugué leurs actions pour développer des
cours d’architecture et d’urbanisme pour tous les
cycles scolaires. ATU est partenaire dans la
définition du cours optionnel pour l’école
primaire À l’architecture (De-a Arhitectura),
développé avec le soutien financier et logistique
de l’Ordre des Architectes de Roumanie et
adopté déjà par plus de deux cents écoles, qui
ont construit des équipes d’enseignement
formées par un professeur des école et un
architecte. En même temps, ATU est en train de
finaliser La ville – un mode d’emploi, support d’un
cours transdisciplinaire qui vise à élargir les
attitudes et les aptitudes des futurs citoyens et
« maitres d’usages » des villes par l’éducation
d’architecture et d’urbanisme au lycée. Le
chapitre sur le patrimoine est organisé autour de
quatre questions qui visent à donner les
instruments pour participer au dialogue sur sa
mise en valeur : Qu’est-ce que le patrimoine
culturel ? Pourquoi le conserver ? Comment estce qu’on protège le patrimoine bâti en
Roumanie ? Quel est le rôle du patrimoine pour
le développement urbain ?
La valorisation des paysages urbains historiques
dépend de la constitution des marchés de
patrimoine, qui à leur tour dépendent d’un
public sensibilisé aux histoires locales, un public
qui s’intéresse à la conservation de leur traces, et
94
Afin d’équilibrer les bénéfices de la mise en
valeur des paysages urbains historiques, notre
mission est d’assurer la communication
permanente entre la nouvelle génération
d’entrepreneurs, les experts sociaux, les
politiciens, les juristes et les professionnels du
patrimoine culturel, dans le cadre des
observatoires du patrimoine, locaux, régionaux
et nationaux.
à la récupération et la promotion de la mémoire
collective. Nous avons donc la mission de
susciter la coopération entre les ministères de la
culture et de l’éducation et les acteurs de la
société civile, pour profiter des moyens de
l’éducation formelle, non-formelle et informelle
afin d’augmenter le rôle des paysages urbains
historiques dans le développement des quartiers
et des villes.
Troisième cible : Ensemble
L’efficacité de la mise en valeur des paysages
historiques est un enjeu au croisement des
intérêts des acteurs urbains, ce qui requiert la
négociation permanente pour arriver à une
vision commune et à des démarches partagées
par toutes les parties concernées.
Les expériences de revitalisation économique et
sociale des zones historiques des villes
roumaines
montrent
que
ses
acteurs
(administrations
publiques,
organisations
professionnelles, associations des amis du
patrimoine, associations de voisinage dans les
vieux quartiers) ont des manières très différentes
de regarder et d’approcher la question du
patrimoine. L’absence du dialogue entre eux a
donné des résultats assez douteux dans plusieurs
cas, où les ressources locales ont été dirigées de
manière exclusivement top-down vers des lieux qui
sont devenus des aimants pour les touristes, mais
aussi des nuisances pour leurs résidents, tandis
que d’autres lieux significatifs pour l’identité
locale ont été oubliés ou détruits. En réalité, ce
gendre d’actions ne fait qu’amplifier l’écart entre
la conservation et le développement, si ces
processus n’arrivent pas à apporter une plusvalue économique et/ou sociale à la vie
quotidienne. Le « Dialogue pour le patrimoine »
plaide pour que les acteurs publics et privés
prennent conscience des rôles complémentaires
qu’ils jouent : le gouvernement devrait établir des
objectifs clairs pour la gestion de ce secteur,
assurer des conditions optimales pour les
investisseurs et développer un cadre normatif
clair, tandis que les investisseurs devraient
orienter leurs investissements de manière à
apporter des avantages à la fois à eux-mêmes et à
la collectivité.
DRAFT
95
Wolette THIAM
Architecte & Urbaniste DPLG-B PAYS
Délégation générale pour l'organisation du XVe
Sommet de la Francophonie, Sénégal
L
es principes et les objectifs, les méthodes
et les instruments de mesures appropriés
pour sauvegarder la qualité des villes
historiques, promouvoir l'harmonie de la vie
individuelle et sociale et perpétuer l'ensemble
des biens, qui, même modestes, constituent la
mémoire de l'humanité.
de sauvegarde doit comprendre une analyse de
données historiques, architecturales, techniques,
sociologiques et économiques. Il doit définir les
principales orientations et modalités d’actions
qui doivent être employés sur le plan juridique,
administratif et financier. Il faudrait établir un
programme
d’information
général
qui
commencerait dès l’âge de la scolarisation, pour
inciter la participation et l’implication future des
populations. Il faudrait encourager des
associations de sauvegarde du patrimoine en les
finançant afin de certifier la conservation et la
restauration des édifices existants.
Préambule
« Résultants d’un développement plus ou moins
spontané ou projeté, toutes les villes du monde
sont les expressions matérielles de la diversité
des sociétés à travers l’histoire et sont toutes,
pour cette raison, historiques. » carte de
Washington pour la sauvegarde des villes
historiques, ICOMOS 1986
Justificatif
La sauvegarde des villes historiques doit être une
partie importante de la politique de
développement économique et social. Cette
sauvegarde est aussi prise en compte sur le plan
physique, territorial et urbain. Les valeurs à
préserver sont le caractère historique de la ville
et l’ensemble des éléments matériels et culturels
qui constituent son image, en particulier :
DRAFT
Les populations adhèrent à la conservation du
patrimoine bâti, si elles s’y trouvent un intérêt
économique, culturel voir cultuel.
Généralement, les populations ne savent pas
décoder certains signes inscrits sur les
réalisations architecturales, elles les relient à des
croyances mystiques. Par conséquent, ces
réalisations perdront de l’intérêt auprès des
populations qui s’en détourneront, voire les
détruiront.
Des programmes éducatifs et culturels à court et
à long terme devront être arrêtés afin que les
populations sachent distinguer et apprécier les
biens économiques et les biens culturels. Le
concept de valorisation du patrimoine est très
récent. Les gouvernements ont le devoir d'inciter
les populations à sa préservation. La
promulgation de lois, l’intimidation, les sanctions
sans fondements ne résolvent rien et ne
susciteront pas l’engouement des populations.
La forme urbaine définie par le tracé et le
parcellaire. Les relations entre les divers espaces
urbains, espaces conscrits, espaces ouverts et
espaces verts. La forme et l’aspect des édifices,
leurs volumes, styles, échelles, matériaux,
couleurs. Les relations entre la ville et son
environnement naturel créé par l’homme. Les
différents emprunts de la ville acquis tout au
long de son histoire
L'école d'architecture et d'urbanisme du Sénégal
avait certains objectifs dispensés lors des cours,
selon le rapport du Directeur de conseil
pédagogique (1972 -1991).
«Pour assurer la formation des agents dont le
Sénégal a besoin dans le domaine de la
production et le développement du patrimoine
bâti" il faut relever :
La participation des habitants de la ville est
indispensable pour la sauvegarde du patrimoine
et elle nécessite une formation spécialisée de
tous les professionnels du secteur concerné. Les
interventions dans une ville doivent se réaliser
avec prudence, méthode et rigueur. Il faut éviter
la dogmatisation, mais prendre en considération
les problèmes spécifiques de chaque cas
Méthodes et instruments
Le processus de sauvegarde des villes doivent
être précédé d’études multidisciplinaires. Le plan
96
Le manque de cohérence entre la culture
locale et les nouvelles tendances
Le manque d'initiatives
gouvernementales
Vers le repeuplement et la réutilisation par
les différentes classes sociales.
Les constructions irrégulières
Les constructions inadéquates.
La dégradation des infrastructures
existantes
La prolifération de marginaux
La réhabilitation implique :
Des principes et lignes directrices pour
la réhabilitation urbaine;
L’élaboration d'un plan de réhabilitation;
La mise en place des formes et
instruments d'action de coopération ;
L’installation
d’instruments
de
réhabilitation.
La réhabilitation est un processus de gestion
d’actions intégrées, à la fois publiques et privées,
de récupération et de réutilisation du patrimoine
construit dans des zones déjà consolidées de la
ville comprend :
Les bâtiments inachevés,
Les vides,
Les espaces abandonnés,
Les espaces sous-utilisés
Les espaces insalubres;
De même il faudra prévoir l’amélioration des
espaces à usage collectif, des services publics, des
équipements communautaires et de leur
accessibilité.
DRAFT
97
Exemple d’impact d’une activité culturelle sur l’appropriation et la
mise en valeur d’un patrimoine classé par les habitants.
Retombées économiques et sociales. « Portes Ouvertes » sur les
maisons et bâtiments publics de Saint-Louis du Sénégal : le
Contexte et la naissance de l’initiative
Marie-Caroline CAMARA
Présidente Association Entre’Vues
Saint-Louis-Sénégal
F
ondée en 1659 et ancienne capitale de
l'Afrique Occidentale Française, SaintLouis, occupe aujourd'hui une place
prépondérante dans l'environnement touristique
sénégalais. Située dans le delta du fleuve Sénégal,
entre désert et océan, elle bénéficie d'une
situation géographique unique qui a fait d'elle un
carrefour de découvertes. Célèbre pour la route
des comptoirs puis pour la ligne de l'aéropostale,
elle conserve d'importants témoignages de son
prestigieux passé et est le point d'ancrage pour la
découverte de toute la région du fleuve. Son
patrimoine architectural et culturel est tel qu'elle
fut classée au patrimoine mondial de l'humanité
par l'Unesco en l'an 2000. Un plan patrimoine et
tourisme, projet de l’Etat soutenu par l’AFD, et
dont la mairie est maître d’œuvre, verra d’ailleurs
bientôt le jour.
Au-delà de l'opération annuelle de portes
ouvertes, Entre’vues initie ou s'associe
régulièrement à différents évènements culturels
majeurs comme l'exposition Oumar LY:
promenade photographique dans les rues de
Saint-Louis et Podor réalisée en mai 2011 ou la
mise à disposition gracieuse de lieux d'exposition
pour le OFF du Dak’art, Biennale de l'art
contemporain africain.
DRAFT
Aux confins des cultures, elle est encore
aujourd'hui une ville de métissage unique où
cohabitent les peuples qui ont fait son histoire et
retrouve une dimension internationale à travers
des manifestations culturelles de renom.
Nombreux sont ceux qui se mobilisent à son
chevet. C'est le cas d'Entre'vues, association
créée par des habitants et amoureux de la ville,
qui poursuit sa mission autour d'un objectif
essentiel: contribuer à la sauvegarde de son
patrimoine et le promouvoir, venant ainsi en
appui de certaines filières porteuses de
développement économique local.
Ces événements culturels permettent aux
habitants et aux touristes, de découvrir
ensemble, au-delà du bâti, nombreux trésors
cachés du patrimoine culturel et immatériel. Ils
permettent ainsi d’établir une relation positive
entre culture et tourisme. Si jusqu’en dans les
années 80’, tourisme et culture étaient
appréhendés séparément. Ces deux domaines se
rejoignent aujourd’hui ; les atouts de l’un étant
indispensables à l’attractivité de l’autre.
Les objectifs poursuivis par la création des
« portes ouvertes » se retrouvent sous une seule
et même bannière, faire rimer avec avenir ce
patrimoine vivant que nous avons en partage. Il
s’agit donc, d’animer en mettant en place de
façon pérenne des circuits découvertes de la cité
qui valorisent son patrimoine classé , de
sensibiliser à la sauvegarde en contribuant à
l’appropriation par tous du patrimoine, de
reconnaitre les filières métiers porteuses de
développement économique, de promouvoir le
capital culturel du terroir, en assurant une bonne
visibilité de la destination Saint-Louis auprès des
touristes. La méthodologie de mise en œuvre et
le choix des activités.
La première édition en 2009 a ouvert les maisons
aux artistes plasticiens; la seconde en 2010, aux
écrivains, transformant ainsi la ville en une vaste
librairie. Les suivantes ont vu le jour sur le
thème des « histoires partagées. »
Parmi les facteurs clés de succès relevés:
Un plan à 3 ans, déclinant la montée en
puissance des différentes activités, a été défini.
Le choix d’un rendez-vous fixe, structurant pour
l’activité touristique régionale a été retenu. Au
98
L’impact économique et social
Chaque année, près de 1500 visiteurs participent
aux circuits et une centaine de jeunes s’inscrivent
pour les chasses au trésor. Plus de 80 bénévoles
s’impliquent dans la tenue de l’événement, et
l’association a pu former et employer 25 jeunes
assistants d’exposition, issus de l’UFR
Civilisation, Religion, Art et Culture de
l’Université. Cette implication fait désormais
partie
d’une collaboration formalisée avec
l’UGB. Les visites de chantiers pilotes réalisées
en partenariat avec l’association patrimoine
/métiers/ solidarité
contribuent à susciter
l’intérêt de restauration de biens familiaux.
regard du calendrier existant, a été validée une
date favorable à renforcer l’agenda culturel
annuel, et correspondant à une période de
congés scolaires pour les principaux pays
émetteurs (celle des vacances de la Toussaint).
L’implication de nombreux acteurs de terrain a
été considérée comme un prérequis : La mairie
via l’agence de développement communal, le
représentant régional du ministère du tourisme,
l’université et les écoles, des architectes, artisans
et acteurs privés portés volontaires. Des lignes
directrices de collaboration ont été cooptées,
faisant que chaque acteur impliqué puisse
devenir bénéficiaire du projet à court et moyen
terme.
Le programme et le déroulé de l’événement : 10
jours ou le patrimoine est en fête.
2 circuits promenades autour de 30 lieux ont
été élaborés, permettant de découvrir
l’architecture saint-louisienne. Faire ces circuits
en famille ou entre amis, est ainsi l’occasion
d’apprécier le plan d’urbanisme de l’ile, les détails
architecturaux du bâti et d’avoir accès aux
informations relatives au plan de sauvegarde.
C’est aussi en savoir plus sur l’histoire des
maisons et de leurs habitants, via des
expositions in situ : archives iconographiques,
panneaux informatifs, catalogue d’exposition.
10 conversations à thème, permettent chaque
jour, aux Saint-Louisiens et aux touristes
d’échanger sur l’histoire que nous avons en
commun. Dans le but de préserver la mémoire
orale, plusieurs d’entre elles sont enregistrées par
des élèves du master de cinéma documentaire de
l‘Université Gaston Berger.
DRAFT
D’autres artisans sont appelés chaque année à
œuvrer pour la réalisation du matériel
d’exposition et les installations. Quant à ceux qui
exposent, bijoutiers traditionnels, ferronniers,
tisserands, femmes transformatrices, cette
manifestation leur permet au-delà des ventes sur
site, de se faire connaitre auprès de nouveaux
clients locaux et de se motiver avec fierté à la
préservation des traditions. Les visiteurs, qui
nous l’espérons, seront plus nombreux chaque
année, permettront d’augmenter les recettes
engendrées par l’attrait historique. Ce secteur est
un axe de développement économique majeur,
pourvoyeur de nombreux emplois.
Aujourd’hui le tourisme culturel est celui, qui
s’appuyant sur l’identité et les richesses d’un
terroir, connait la plus forte croissance dans le
monde (40% de l’activité en Europe, 50%
mondialement). Il est aussi celui qui donne une
meilleure image d’un pays, de son identité et de
son actualité. Plusieurs guides de voyage,
relayent
l’information
sur
l’événement,
permettant de renforcer l’image de marque de la
destination.
Des chasses au trésor, récompensées par des
trophées du patrimoine, assurent des moments
ludiques de découverte pour jeunes et moins
jeunes. Certaines sont dédiées aux scolaires ou
aux compétitions entre associations sportives et
culturelles de quartier.
Avant tout, ces portes ouvertes permettent de
stimuler la fierté de chacun vis-à-vis de son
patrimoine, qui est une étape cruciale dans le
processus d’appropriation. Elles ont aussi permis
d’envisager d’autres partenariats avec des villes
ou des associations avec lesquelles nous
partageons une partie de l’histoire.
Des moments culturels éphémères, tels que des
concerts à la cathédrale permettent d’associer
patrimoine matériel et immatériel.
L’ouverture d’un chantier pilote, et la tenue d’un
mini marché des produits du terroir, avec la
coopérative des femmes transformatrices de
Saint-Louis et de petits producteurs
sont
l’occasion de découvrir et reconnaitre les savoirfaire artisanaux.
Les Enseignements et les prochaines étapes. La
sauvegarde du patrimoine, passe par l’implication
du plus grand nombre, et la mise en œuvre
d’actions concrètes et pérennes. Un travail
coopératif et transversal entre les associations
représentant la société civile et les institutions
est donc capital.
Tout comme l’est la
99
communication amont qui demande expertise et
moyens spécifiques ; un point sur lequel nous
devons porter notre attention. «Entre’ Vues»
fêtera en Novembre 2014 sa cinquième édition
avec des projets inédits qui permettront de
célébrer le centenaire de la grande guerre. Elle
joindra aussi ses efforts à ceux d’autres
associations, pour la célébration
de la
francophonie
à travers l’organisation d’un
« regard croisé entre Québec et Saint-Louis ».
«Entre’ Vues» compte prendre part à la
renaissance culturelle de la cité en jetant un pont
entre son passé glorieux et un futur prometteur
porté par les jeunes générations. Elle travaille
aujourd’hui à la mise en place d’outils
touristiques interactifs : comme une application
mobile pour les circuits- découverte, développée
avec de jeunes créateurs d’entreprises des
nouvelles technologies.
DRAFT
100
Monceyf FADILI
Conseiller ONU-Habitat, Maroc
L
’évolution des villes dans le monde a été
marquée par le passage à une population
majoritairement urbaine depuis 2008
(Etat de la population mondiale, « Libérer le potentiel de
la croissance urbaine », FNUAP, 2007) avec 3,3
milliards d’individus sur plus de 6 milliards. En
2030, ce chiffre devrait avoisiner les 5 milliards.
D’ici une vingtaine d'années, les villes du monde
en développement devraient abriter 81 % de la
population urbaine de la planète, et ce, même en
Afrique
qui
deviendra
un
continent
majoritairement urbain. En Afrique du Nord,
des pays tels que le Maroc sont aujourd’hui
urbanisés à plus de 60 %.
Les défis que seront amenées à relever les villes
en développement, particulièrement en Afrique,
sont la réduction de la pauvreté et de l’habitat
insalubre (70 % de la population urbaine en
Afrique subsaharienne), l’accès équitable aux
services de base (eau, électricité, assainissement,
santé, éducation, transport), la réduction de la
fracture urbaine, notamment pour les femmes et
les jeunes, et l’intégration de modes de
production en majorité informels. Autant de
défis sur lesquels les Etats membres se sont
engagés à travers les Objectifs du millénaire pour
le développement (OMD) et qu’aborde la
période post-2015 avec les Objectifs de
développement durable (septembre 2014).
favoriser l’émergence de villes productives
économiquement, inclusives socialement et
durables environnementalement. Un principe
que la Troisième Conférence des Nations Unies
sur le Logement et le Développement Urbain
Durable.
DRAFT
Paysages urbains : de la sauvegarde à la
valorisation
Au-delà des contraintes inhérentes à leurs modes
de fonctionnement et de gouvernance, les villes
du Sud apparaissent comme des espaces
d’opportunités pour tous. Considérée comme le
moteur du développement économique, la ville
concentre les richesses par son taux élevé dans le
PIB national (jusqu’à 80 %). Principale source
des impôts pour l’Etat, elle est également le lieu
d’espoir et d’intégration pour les migrants
ruraux ; c’est aussi l’espace de modernité et de
préparation des citoyens aux défis du
développement.
Ces défis interviennent également à la lumière
des sommets internationaux qui consacrent la
question urbaine comme l’un des enjeux du 21e
siècle :
-
-
-
Habitat III (Istanbul+20, 2016) aura pour objet
de soumettre à la communauté internationale en
vue de l’adoption du Nouvel Agenda urbain
pour le 21e siècle. Parmi les objectifs de cet
agenda figurent notamment : (i) l’accès à un
logement décent et abordable ainsi qu’aux
services de base, comme moyen d’atteindre les
OMD; (ii) le renforcement des processus de
décentralisation et des pouvoirs locaux et
régionaux par l’association des parties prenantes
au développement, pour des approches
territoriales concertées et intégrées ; (iii) le
développement d’une planification urbaine
maîtrisée, comme instrument des politiques
territoriales produit par l’ensemble des acteurs
locaux ; (iv) le défi des changements climatiques
par des politiques d’adaptation aux mutations et
aux risques encourus par les villes, dans un
contexte de catastrophes naturelles croissant, de
baisse
des
ressources
hydriques,
de
désertification, d’impact de la pollution et de
raréfaction du foncier urbain.
Conférence des Nations Unies sur
le
Développement
Durable,
Rio+20, 2012 ;
Sommet Mondial des Dirigeants
Locaux et Régionaux, CGLU,
Rabat, 2013 ;
Conférence Internationale sur la
Population et le Développement, Le
Caire+20, 2014.
Il en est de même des paysages urbains à
caractère historique et patrimonial qui
procèdent, au même titre que les autres
composantes de la cité, d’une relation au
développement durable, à l’articulation du temps
présent des sociétés à leur passé et à leur futur,
selon une logique de solidarité entre les
Villes et développement : l’un des défis
majeurs du 21e siècle
Dans un contexte d’urbanisation accélérée, où
les villes en développement sont confrontées à
une demande sociale croissante, il s’agit, pour les
villes d’Afrique et de l’espace francophone, de
101
aussi l’intégration à un projet de ville collectif,
dans une articulation entre les enjeux du
patrimoine historique et de sa valorisation et les
opportunités économiques liées aux besoins de
la population.
générations. La dimension historique des centres
anciens et leur préservation procèdent également
de méthodes de planification et de gestion
intégrées, en vue de favoriser, à terme, le
développement des villes aux plans économique,
social et environnemental. D’où la nécessité « de
protéger le patrimoine naturel et culturel que
constituent les établissements humains, restaurer
les quartiers historiques et rénover le centre des
villes » (Rio+20, « L’avenir que nous voulons », para.
134). Dans cette logique, « …les municipalités
jouent un rôle important pour ce qui est de
définir un projet d’urbanisme à long terme, du
début de la planification à la rénovation des
vieux quartiers et villes…» (Rio+20, para. 136).
A ce jour, 6 (six) médinas sont inscrites sur la
liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, ce
qui pose, au-delà de la visibilité des sites retenus,
l’adoption de normes et de règles en matière de
préservation et d’accompagnement économique
et social, selon une approche participative.
Rabat : une capitale au défi de la
compétitivité et de la préservation du
patrimoine
Dans le cadre de la nouvelle Charte communale
(2011), la ville de Rabat s’est dotée d’un Plan
communal de développement (PCD) qui a
retenu, parmi ses quatre fonctions principales, la
dimension culturelle articulée autour de son
patrimoine architectural et urbanistique (médina,
monuments et ville coloniale). L’atout culturel,
qui
vient
compléter
les
fonctions
institutionnelles, scientifique et de services, est à
valoriser autour d’un projet de ville compétitive
Patrimoine architectural au Maroc et
valorisation des paysages urbains
Les paysages urbains au Maroc intègrent
essentiellement les médinas (tissus anciens), au
nombre de 31, espaces complémentaires de la
ville moderne, d’où l’adoption de stratégies
globales en matière de développement local.
La ville ancienne a pour spécificités le
classement, la sauvegarde, la rénovation, mais
Sites inscrits sur la
liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO
DRAFT
Site
Fès
Inscription
1981
Superficie
280 ha
Marrakech
1985
570 ha
Ksar Aïr Benhaddou
1987
3 ha
Meknès
Tétouan
Essaouira
1996
1997
2001
40 ha
50 ha
30 ha
Mazagan
Volubilis
2004
2008
42 ha
Rabat
2012
359 ha
Caractéristiques
médina – 160.000 hab. 550 hab./ha –
activité hôtelière et de festival
médina – 170.000 hab. – 300 hab./ha –
150 foundouks * – +500 maisons d’hôtes
(ryads) – activité hôtelière et de festival –
Agenda 21 local (2002)
Habitat en pisé – site vulnérable – usage
cinématographique, national et international
– Agenda 21 local (2003)
médina – Agenda 21 local (2002)
Medina
médina – activité hôtelière et de festival –
Agenda 21 local (1995)
Forteresse portugaise (16e siècle)
Site archéologique romain
IIe siècle av. J.C.
médina (50 ha) + casbah des Oudayas
+ site archéologique du Chellah + centreville (architecture coloniale)
(*) Foundouks : à l’origine entrepôts pour les marchandises et auberges, aujourd’hui occupés par des
familles locataires et des ateliers d’artisans, dans des conditions d’insalubrité – Bâti à valeur patrimoniale.
102
en phase avec les ambitions d’une capitale
appelée à renforcer son rôle à l’échelle nationale
et internationale. Un rôle qu’est venu compléter
l’inscription de la ville, en 2012, sur la liste du
Patrimoine mondial de l’UNESCO.
La médina au centre de nouveaux projets
La récente inscription de la médina au
Patrimoine mondial implique des exigences en
termes de dispositifs normatifs, réglementaires et
opérationnels de sauvegarde, régulièrement
soumis à vérification. Dans ce sens, un vaste
programme de réhabilitation et de requalification
de la médina a été lancé par le Conseil de la
Ville, selon quatre axes : (i) renforcement des
infrastructures; (ii) aménagement des espaces
publics et équipements de proximité ; (iii)
intervention sur le bâti menaçant ruine ; (iv)
promotion de l’emploi et organisation des
activités économiques.
La
médina :
un
espace
entre
dysfonctionnements et mutations
A l’instar des autres médinas, celle de Rabat
connaît un processus de paupérisation lié entre
autres à l’exode rural et à la densification de
l’habitat. Le processus de déqualification et de
mutations se trouve caractérisé par :
Un dépeuplement et un vieillissement de
la population, la médina ayant perdu
plus du tiers de sa population en vingt
ans ;
Une population faiblement active du fait
du nombre élevé de femmes au foyer et
de personnes âgées. Principale catégorie
touchée par le sous-emploi : les jeunes
et les diplômés ;
Une paupérisation accélérée due au
départ des populations d’origine,
remplacées par les migrants ruraux et les
couches urbaines pauvres, la médina
devenant un « espace refuge » ;
Une dégradation du patrimoine et des
disparités
socio-spatiales,
certains
quartiers étant vétustes, d’autres
connaissant un début de réhabilitation
(maisons d’hôtes) ;
Des conditions de logement précaires,
en particulier l’habitat locatif (2/3 des
ménages), désaffection des grandes
demeures, abandon des maisons
menaçant ruine, dégradation par les
locataires,
notamment
dans
les
Foundouks, statut foncier contraignant
pour les interventions ;
Des carences en infrastructures (accès,
voies dégradées, réseaux divers vétustes
et à risques).
Ce programme, qui répond à l’ambitieux projet
de mise à niveau et de requalification de la
médina, s’inscrit dans le cadre du diagnostic
participatif (PCD) élaboré par la Ville de Rabat
et validé par les acteurs locaux, y compris la
société civile. Le passage à l’étape opérationnelle
et à la réalisation des actions concrètes dépendra
de la capacité des acteurs institutionnels – en
premier lieu la Municipalité – à créer la
nécessaire synergie entre les parties prenantes,
selon un processus de concertation associant la
population à travers les associations de quartiers,
de femmes et de jeunes.
DRAFT
A ce sujet, des expériences de stratégies
territoriales telles que l’approche Agenda 21
local, développée à Essaouira, Marrakech,
Meknès et testée au Ksar Aït Benhaddou,
peuvent ouvrir la voie à des processus de
dialogue et de concertation et à des modes
opératoires plus efficients, dont il importe de
diffuser les bonnes pratiques au titre du
renforcement de la gouvernance locale. C’est
certainement à cette condition que la médina de
Rabat et, de manière plus large, les paysages
urbains à valeur patrimoniale et architecturale
pourront répondre aux exigences d’un
développement durable et intégré et s’inscrire
dans des logiques de promotion territoriale, de
compétitivité des villes et d’amélioration des
conditions de vie des citoyens.
103
Quels moyens et quelles pratiques mettre en place pour la
valorisation de l’usage contemporain et fonctionnel du patrimoine
en tant qu’espace public, privé ou commun ?
Dr Abdoul Aziz DIOP,
Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture
Dakar, Sénégal.
L
e patrimoine, matériel ou immatériel, est
un héritage à transmettre et relève de
l’intérêt général. C’est donc un construit
social (investissements réalisés dans le passé
comme dans le présent) dont il faut valoriser les
services qui en sont issus. Cela permettra de
fixer, pour une part, l’image du territoire.
Dès lors, il importe aux acteurs (Etat,
Collectivités, ONG, Bailleurs, etc.) de définir les
moyens et les pratiques à mettre en œuvre pour
valoriser l’usage du patrimoine. Mais de quel
type d’usage faudra-t-il en faire ? Le patrimoine
est-il une affaire d’élite ou doit-il être réfléchi
comme un espace public ? Quels avantages les
acteurs peuvent tirer de sa valorisation ?
difficiles dans un contexte de chômage et de
difficultés de satisfaction des besoins parfois
primaires. Mais il n’en demeure pas moins que le
patrimoine doit jouer un rôle plus important
dans une politique de croissance et de
développement culturel.
DRAFT
Le patrimoine, considéré comme un bien
collectif, est caractérisé à la fois par ses
dimensions
économiques,
sociales,
environnementales et culturelles. A ce titre le
patrimoine mérite d’être valorisé, conservé et
transmis aux futures générations. Pour cela,
l’Etat, dans un contexte de raréfaction des
ressources financières, à un rôle central à jouer.
Il doit en effet permettre de déclencher un
processus de sensibilisation et de mobilisation de
tous les acteurs (surtout locaux) pour la
reconnaissance du patrimoine en vue de sa
véritable appropriation comme facteur de
développement en tenant compte des réalités des
territoires.
La mise en valeur du patrimoine, bien que
difficile n’est pas insurmontable. L’urbanisme a
dans ce cadre un rôle important à jouer. C’est en
effet un secteur qui doit veiller à la protection
réglementaire du patrimoine notamment
architectural. Il peut prendre ainsi des mesures
de sauvegarde des sites recensés comme faisant
partie du patrimoine et encadrer les différents
types de construction dans les alentours. Pour y
arriver il faut d’abord une volonté politique bien
affirmée et des moyens techniques et humains
pour faire respecter les règles édictées. A cela
s’ajoute la nécessaire coordination entre tous les
acteurs pour créer une dynamique de
valorisation du patrimoine et en faire un réel
facteur de développement local.
Néanmoins il y a lieu d’éviter de croire que
mettre en valeur le patrimoine conduit
forcément à un développement local. Des
risques existent comme :
Les sites de patrimoine qui peuvent subir de
graves
dégradations,
en
particulier
environnementales du fait du tourisme de masse.
Des investissements importants destinés à
l’accueil d’un grand nombre de touristes qui se
révèleront non rentables
faute d’une
fréquentation suffisante.
Le patrimoine rural comme urbain doit être
pensé en termes de bénéfices pour les
populations. Dès lors il devient nécessaire que
celles-ci s’en approprient et s’impliquent dans
son indentification comme dans sa gestion. Il est
difficile pour les pays pauvres de prendre en
charge cet aspect du patrimoine alors que les
urgences sont nombreuses.
Un enchérissement du foncier (gentrification).
L’accent mis sur le tourisme alors que les
ressources auraient pu être consacrées à des
besoins essentiels d’éducation et de santé.
L’accroissement des inégalités selon que les
habitants participent ou non à l’activité
Par ailleurs, l’engagement et le bénévolat, qui
accompagnent souvent le secteur restent
104
touristique. La captation de l’apport du tourisme
par des agents extérieurs au territoire.
Il faut par conséquent trouver le juste milieu
entre mise en valeur du patrimoine et sauvegarde
des
intérêts
locaux
humains
et
environnementaux
dans
un
souci
de
développement durable. Les participants sont
donc appelés à trouver les pistes et moyens de
sensibiliser les pouvoirs publics nationaux et
locaux ainsi que les autres acteurs à considérer le
patrimoine comme un outil de développement
économique local.
DRAFT
105
DRAFT
Menuiserie à St Louis, Sénégal, chantier-école de l’Assemblée territoriale du Fleuve, IPW-DPC, 2006-09
© WALONIE BRUXELLES
106
Politique de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine : Entre
lutte contre la pauvreté et gentrification : du fonds d’aide à
l’OPAH-STP (Opération Programmée d’Appui à l’Amélioration de
l’Habitat- Sécurité-Tourisme- Patrimoine) du programme de
développement touristique, Saint-Louis du Sénégal.
Aly SINE,
Directeur Adjoint des Services Techniques
Municipaux de Saint-Louis, Doctorant en
cotutelle Université Gaston Berger de SaintLouis et Université Libre Bruxelles, Sénégal
E
n 1659 Louis Caullier installe sur l’ile
N’Dar, devenue île Saint louis, un
comptoir colonial au sein d’une
habitation fortifié. Au XVII et XVIIIe de part et
d’autre du fort et de la place d’arme, s’établit une
ville au plan régulier et à l’architecture coloniale
particulière qui connait son âge d’or à partir du
XIXe siècle. De nombreux bâtiments civils,
publics, religieux et militaires sont construits par
les différents gouverneurs dont Louis Faidherbe
qui entreprend une série de travaux qui confirme
l'essor de la ville et sa morphologie urbaine
actuelle. Sur le plan administratif, Saint-Louis a
été érigée en Commune de plein exercice à partir
de 1872. Elle a aussi été siège du conseil général
de la colonie, Capitale de l’Afrique Occidentale
Française (AOF) et du Sénégal . Par ses
fonctions, Saint-Louis a pu bénéficier
d’importants équipements et infrastructures
urbains. La perte progressive du pouvoir
économique, administratif et politique de cette
ville jadis florissante l’a entrainé dans un déclin
relatif au cours du 19e siècle finissant.
et aménagement, tourisme) et de différents
niveaux
(Etat, collectivités locales et
populations/ démarche participative comme
nouveau mode de gouvernance. Cette
transversalité du patrimoine et la multiplicité des
acteurs est à l’origine cependant de conflits de
compétences dans la prise en charge du
patrimoine.
DRAFT
Néanmoins, en raison de son legs historique
Saint-Louis a pu bénéficier d’un riche patrimoine
historique, architectural et urbain exceptionnels
qui lui a valu d’être inscrite, en 2000, sur la liste
du Patrimoine de l’Humanité (Au niveau
national, Saint-Louis a été classée au même titre
que Gorée en zone de rénovation urbaine dès
1972). Le renforcement du processus de
décentralisation en 1996 avec l’augmentation des
compétences transférées aux collectivités locales,
la culture dont dépend le patrimoine dévient
désormais une prérogative de la Commune.
Néanmoins, avec ce nouveau système de
gouvernance, la gestion du patrimoine relève de
différentes compétences (culture, urbanisme, et
La Commune de Saint-Louis en inscrivant la
conservation du patrimoine dans ses priorités
adopte en 2000 un Règlement Provisoire
d’Architecture dont la priorité est d’encadrer de
manière souple les constructions sur l’ile dans
l’attente de la mise en place du Plan de
Sauvegarde et de Mise en Valeur de l’ile. Dans la
même lancée, les autorités de Saint-Louis
sollicitent leurs partenaires de la coopération
décentralisée (notamment Lille et Lille
Métropole Communauté Urbaine) pour
l’inscription du volet « patrimoine » dans les
programmes de coopération. A cet effet, une
mobilisation
nationale
et
internationale
s’organise autour de la sauvegarde et la mise en
valeur dont les objectifs sont entre autres :
-
-
107
l’amélioration de la connaissance du
patrimoine
par
l’inventaire,
l’information, la sensibilisation ;
la mise en place d’outils de gestion du
patrimoine : Inventaire Architectural et
Urbain + Base de donnée SIN DAR
Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur
(PSMV),
bureau du patrimoine
préfiguration de la Maison du
Patrimoine ;
la mise en œuvre d’actions de
restauration du patrimoine
-
veille les Weekend et jours fériés. La nomination
d’un architecte-conseil, mis à disposition par
l’UNESCO puis par la coopération décentralisée
a permis d’accompagner la Commune dans le
suivi de la conservation du patrimoine et le
renforcement de capacités des agents, la mise en
œuvre de chantiers pilotes dont les travaux de la
future Maison du Patrimoine. En 2008, le PSMV
est adopté par décret N°2008-694 du 30 juin
2008 portant Plan de Sauvegarde et de Mise en
Valeur du Patrimoine de Saint-Louis.
le renforcement et le développement de
compétences locales par le biais de
formations et d’échanges d’expériences.
Pour l’atteinte de ces objectifs plusieurs actions
et mesures ont été réalisées, notamment,
l’organisation des ateliers internationaux sur le
patrimoine, l’élaboration de l’inventaire,
l’élaboration et l’adoption du PSMV et la mise
en œuvre de chantiers écoles (réhabilitation de
l’Assemblée Territoriale du Fleuve par la
coopération avec la région wallonne, le projet de
réhabilitation de la Maison du Patrimoine, la
réhabilitation du Rognât Sud par la coopération
espagnole, restauration d’édifices travaux sur la
rue Blaise Diagne par l’association Patrimoine
Métiers Solidarité (PMS) et le renforcement des
capacités par des formations de courtes durées
notamment ceux dispensées par l’Institut du
Patrimoine Wallon/ Paix Dieu, Ecole Atelier de
Saint-Louis du Sénégal etc. Ces actions ont pour
but de concilier la sauvegarde du patrimoine et le
développement territorial dans une approche
globale prenant en compte les questions sociales,
environnementales, économiques.
La politique de conservation du patrimoine
La politique de conservation est orientée dans un
premier temps vers la mise en place des outils,
mécanismes et organes de gestion du patrimoine
afin de suivre l’évolution/ l’état de conservation
du patrimoine et de proposer les mesures de
protection et de mise en valeur idoines. C’est
dans ce cadre qu’a été institué le bureau du
patrimoine préfiguration de la Maison du
Patrimoine et l’inventaire architectural et urbain
de l’île qui répertorie l’ensemble des unités
architecturales (1344 UA) et le PSMV qui est à la
fois un outil technique et réglementaire
opposable aux tiers.
La préservation du patrimoine comme outil
de promotion social et économique
Dans le cadre de la politique de conservation et
de mise en valeur du patrimoine et de lutte
contre la pauvreté, l’UNESCO avait financé un
projet pilote dénommé « fonds d’aide : gestion
durable du patrimoine pour la réduction de la
pauvreté ». Ce projet a été initié à la suite de
nombreuses expertises (L. Chadaj et B. Bizet)
qui mettaient en évidence d’une part le niveau de
pauvreté des populations de l’ile et de l’autre la
nécessité d’engager des actions en faveur de la
conservation et de la mise en valeur du
patrimoine (taux de péril important + de 10%).
Il avait comme objectif de :
DRAFT
-
-
Le Bureau du Patrimoine au-delà de rassembler
toutes les informations relatives au patrimoine a
également comme mission d’informer et de
sensibiliser tous les habitants de Saint-Louis, et
en priorité ceux de l’île, au patrimoine par
l’organisation d’émissions radios, la mise en
place d’un bulletin d’information sur le
patrimoine, l’organisation des journées du
patrimoine (septembre généralement) et de
manifestations
culturelles
favorisant
la
connaissance du patrimoine avec l’appui des
conseils de quartiers85 qui assurent un rôle de
-
Permettre aux résidents de l’île de SaintLouis de bénéficier de financements à
taux réduits pour créer, développer ou
consolider
une
micro-activité
économique ;
Améliorer la solvabilité des familles pour
permettre à terme d’envisager une
action sur l’habitat ;
Garantir le maintien des familles dans
leur habitat ;
Mettre en évidence le lien entre
développement
économique
et
préservation du patrimoine ;
Éviter l’auto-construction ;
Sensibiliser les habitants sur la
conservation et la mise en valeur du
patrimoine bâti.
Le mécanisme de financement consistait à
accorder un financement dont le montant ne
pouvait dépasser 1.000.000 f FCA aux
bénéficiaires éligibles. Le financement comporte
Commune et la population. Ils sont composés de
l’ensemble des organisations communautaires de base
(OCB) du quartier, des personnes ressources, des
représentants de l’autorité (les élus du quartier). Ils ont une
mission de développement.
Les Conseils de quartiers sont des organisations
communautaires de base qui assurent le relais entre la
85
108
un volet économique à partir d’une ligne de
crédit pour financer une activité et un volet
d’amélioration de la protection du patrimoine
par une subvention n’excédant pas 30% du
budget et destinée à couvrir les travaux de
protection envisagés. Neufs (9) projets ont été
financés parmi lesquels le renforcement d’une
activité de friperie + réhabilitation façade et dalle
supérieure et le renforcement d’un commerce +
réhabilitation de façade.
Cependant, en dépit d’une réussite mitigée dela
mise en œuvre du projet, l’évaluation a permis de
réorienter les mécanismes d’intervention sur le
patrimoine privé et de proposer des perspectives
dans le cadre du volet patrimoine du Programme
de développement touristique dénommé
« OPAH STP » (Opération programmée
d’Amélioration de l’Habitat/ Sécurité-TourismePatrimoine).
L’OPAH STP, en appui à la protection et la mise
en valeur du patrimoine privé, tout en ayant des
objectifs similaires au fonds d’aide, accorde une
attention toute particulière à la lutte contre la
pauvreté, la gentrification et la muséification de
l’ile de Saint-Louis. L’OPA-STP contribue
également à la préservation du patrimoine par la
réhabilitation des immeubles autour de deux
axes majeurs :
DRAFT
Axe A : réhabilitation complète des immeubles à
intérêt architectural grand ou exceptionnel du
secteur sauvegardé qui sont en état moyen,
mauvais ou en péril (65 Immeubles)
Axe B : Immeubles (intérêt architectural grand,
moyen ou exceptionnel) sur séquences à fort
potentiel touristique établis sur le parcours
touristique de l’ile (116 immeubles).
Le financement des travaux de réhabilitation est
fait selon la même formule que le fonds d’aide,
c'est-à-dire, il comporte une subvention et un
crédit. Le taux de subventionnement varie selon
le niveau de revenus des bénéficiaires et peut
aller jusqu’à 90%. Le niveau de revenus sera
déterminé après enquête foncière et socioéconomique des bénéficiaires. Le projet prend
en charge les aspects sociaux avec un appui au
relogement et à la régularisation foncière
(l’indivision est une réalité sur l’ile où un
immeuble pourrait appartenir à plus de 30 ayantdroits sans que la transcription au nom des
héritiers soit effectuée).
En somme, ce volet s’inscrit dans le cadre du
programme de développement touristique de
Saint-Louis et de sa région et qui vise
globalement le développement durable de la
ville axé sur la valorisation touristique des
patrimoines historique, culturel et naturel de la
ville et de la région.
Le programme comprend des actions dans un
spectre large de domaines, autour d’une porte
d’entrée de valorisation patrimoine et
d’aménagement urbain à finalité touristique
Plus
spécifiquement,
ce
Programme
essentiellement concentré sur la ville de SaintLouis vise à augmenter l’attractivité du territoire,
à travers :
- une diversification et une amélioration
de l’offre et de l’accueil touristiques : au
sens de ce qui est offert « à voir » et « à
visiter » au touriste afin de lui donner
des raisons de « déambuler » dans
l’espace urbain patrimonial et de
séjourner plus longue ;
- la mise en valeur du patrimoine urbain
et la requalification des espaces publics
de l’île et de ses abords immédiats
(périmètre du PSMV), tant pour
améliorer l’attractivité du site que pour
le rendre plus fonctionnel et plus
attractif pour ses habitants et aux
visiteurs ;
- l’amélioration du cadre de vie sur l’île au
travers du renforcement de la collecte
des déchets, allant profiter tant aux
touristes qu’aux Saint-Louisiens ;
- l’amélioration des conditions de
débarquement et de conditionnement
des produits de la pêche au sein d’une
base de pêche correctement aménagée
sur le site du Port polonais et la
valorisation touristique de l’hydrobase
en créant les conditions d’un accès plus
facile.
Par ailleurs, afin de garantir la pérennité des
importants ouvrages qui seront réalisés, le
Programme accorde une attention particulière au
renforcement des capacités institutionnelles et
des moyens logistiques de la Mairie de SaintLouis, ses services et des acteurs locaux. Ainsi, la
mise en œuvre de ce programme dans sa
globalité et la mobilisation de la population
autour du projet urbain de Saint-Louis avec le
patrimoine comme leitmotiv de développement,
confirmera plus que jamais le statut de « ville
universelle » de Saint-Louis. Statut qui
contribuera à son développement durable si
toutefois les conditions minimales du point de
vue social, économique, politiques sont
correctement posées.
109
Pour une revalorisation du fleuve Sénégal par le génie protecteur
de la ville de Saint-Louis : Mame Coumba BANG. Projet de
recherche-action.
Ibrahima BAO,
Socio-anthropologue,
enseignant/chercheur
UGB, Président de la MDFS, Sénégal
L
a ville de Saint-Louis est étroitement liée
à l’existence du fleuve Sénégal potentiel
de développement économique, social,
culturel et symbolique pour les différentes
composantes de la population. Entre les Saintlouisiens et le fleuve, existe un rapport de
complicité ontologique dont l’un des référents
symboliques est le Génie protecteur Mame
Coumba Bang qui assure à la ville protection,
sécurité et promotion. La population a pendant
longtemps vénéré sa mémoire pour captiver ses
faveurs en lui consacrant des cérémonies rituelles
pendant lesquelles des libations étaient
effectuées. Ces pratiques religieuses renforçaient
chez la communauté saint-louisienne les
sentiments d’appartenance, d’unité et de
cohésion sociale. Ce qui fait que la population
est restée très attachée au fleuve et a concouru à
sa promotion par des actes de citoyenneté,
notamment, par l’entretien des rivages, la
sauvegarde de certaines espèces halieutiques et la
politique de la maîtrise de l’eau dans
l’exploitation agricole. Le fleuve a ainsi occupé
une place prépondérante dans la vie des saintlouisiens.
constat, la Maison du Fleuve Sénégal (MDFS)
initie ce projet de revalorisation du génie
protecteur de la ville de Saint-Louis Mame
Coumba BANG par une recherche-action
devant se concrétiser par la confection d’un livre
et d’une bande dessinée dont l’objectif sera de
favoriser la réappropriation par la population du
génie du fleuve.
DRAFT
Cependant, depuis quelques années on assiste à
une perte de vitalité sociale du fleuve due à un
certain nombre de phénomènes : les berges du
fleuve sont devenues des dépotoirs d’ordures
ménagères pour les riverains, le lit majeur du
fleuve devient un espace convoité par les
populations à la recherche de terrains
d’habitation. Tout ceci constitue une dégradation
et un rétrécissement de l’espace fluvial entraînant
un frein au développement du tourisme, de
l’économie et de l’agriculture et favorisant les
inondations, l’insalubrité (source de maladies
comme le choléra et le paludisme).
Contexte de recherche
Ce projet constitue un prolongement et un
approfondissement des réflexions et travaux
conduits par l’association la Maison du Fleuve
Sénégal depuis sa création en juin 2006. En effet,
l’équipe de la MDFS travaille sur la notion de
culture de fleuve à travers des projets comme
« Raconte-moi
ton
fleuve »,
une étude
sociologique de la réhabilitation du pont
Faidherbe, le patrimoine matériel et immatériel
fluvial à Podor, les effets socio-économiques et
culturels du barrage de Diama et l’organisation
d’un colloque international sur les patrimoines
fluviaux et territoires au mois de mars 2011.
Ce projet permettra de mettre en lumière
l’importance et l’intérêt de la divinité comme
support de communication sociale et facteur
d’unité culturelle et de réappropriation du fleuve
pour la communauté saint-louisienne. En ce
sens, il constitue un médium essentiel pour le
développement de la ville.
Objectif
L’objectif de ce projet consiste à contribuer à la
promotion du fleuve par la revalorisation et la
revitalisation des rapports entre le fleuve et ses
riverains via le culte de la divinité Mame
Coumba Bang, Génie protecteur de la ville et
par-delà, montrer à la communauté saintlouisienne la nécessité de protéger et d’entretenir
le fleuve et ses berges.
Cette perte de vitalité sociale du fleuve se
manifeste par l’abandon de sacrifices collectifs
organisés jusqu’à récemment par un petit fils de
Mame Coumba BANG dénommé Seydou et
disparu depuis une dizaine d’années. Face à ce
Ce projet se veut une contribution essentielle et
novatrice à la littérature du fleuve et à la
renaissance du culte de Mame Coumba Bang.
De même, il a pour ambition de participer aux
110
actions de lutte contre la dégradation de
l’environnement fluvial. D’abord, il nous
permettra de comprendre et de faire comprendre
les enjeux économiques, sociaux et culturels que
revêt le fleuve. Il permettra aussi de sensibiliser
les populations à la nécessité de maitriser
l’érosion fluviale par le changement de leurs
comportements qui transforment les berges en
dépotoir d’ordures. Il constituera donc un
document intéressant et important, participant à
trouver des solutions à l’insalubrité fluviale, au
désintéressement vis-à-vis de la divinité de la
ville. Ce projet nous servira de baromètre pour
mesurer l’évolution des rapports entre le fleuve
et ses riverains.
Problématique du projet et hypothèses
Le désintéressement grandissant de la population
à l’endroit du fleuve et la dégradation de
l’environnement
fluvial constituent
une
préoccupation majeure pour les différents
acteurs fluviaux et les autorités locales et
nationales. C’est dans cette perspective que la
Maison du fleuve Sénégal participe à la
résolution des problèmes de dégradation de
l’environnement fluvial en associant la
population à la redéfinition de son rapport au
fleuve.
En effet, le fleuve pose des enjeux énormes et
des intérêts non négligeables. Il constitue un
support pour le tourisme, l’agriculture,
l’industrie, l’élevage, etc., par-delà l’amélioration
des conditions de vie des populations. C’est
pourquoi le désintéressement des riverains à la
gestion du fleuve et la transformation des berges
en dépotoir d’ordures constituent une menace
réelle pour le développement de la ville.
de communication sociale pour lutter contre la
dégradation du fleuve et son environnement.
La réponse à cette question principale nous
conduit à formuler les hypothèses suivantes :
-
-
DRAFT
Le culte de la divinité constitue un
facteur de motivation pour la protection
de l’environnement fluvial.
Le fleuve est facteur de cohésion sociale
et d’unité culturelle.
Le fleuve et le génie du fleuve sont des
facteurs de développement du sentiment
d’appartenance et d’identité saintlouisienne.
Méthodologie.
Une enquête quantitative sera menée avec l’aide
des étudiants de sociologie de l’université
Gaston Berger de Saint-Louis dans le cadre de
l’unité d’enseignement socio-anthropologie de
l’eau. Cette enquête statistique permettra
d’explorer les représentations et le rapport que la
population saint-louisienne entretient avec le
génie Mame Coumba BANG. Conjointement,
des personnes ressources seront identifiées au
cours de l’enquête et des entretiens non directifs
seront réalisés. On procédera aussi à la
réalisation de récits de vie afin de comprendre la
place du génie du fleuve dans leur quotidien et
leurs systèmes de représentations symboliques.
Restitution des résultats.
Pour la diffusion des résultats obtenus, l’équipe
compte organiser un atelier national de diffusion,
des conférences au sein de l’Université Gaston
Berger de Saint-Louis, auprès de la municipalité,
et des séances de débats et d’animation dans les
quartiers de Saint-Louis afin de sensibiliser les
populations sur l’intérêt et la nécessité de
protéger et de promouvoir le fleuve, ses berges
et ses environs.
Ainsi, la protection des rivages et la promotion
du fleuve intéressent donc au plus haut degré la
MDFS qui se veut un partenaire privilégié des
collectivités et institutions pour une redéfinition
des rapports entre le fleuve et ses riverains. Ce
projet s’inscrit donc dans la promotion et la
sauvegarde du patrimoine fluvial.
Avec la publication de l’ouvrage, elle invitera ses
partenaires financiers, les autorités de la ville, les
associations écologiques, les spécialistes du
tourisme, de la culture, la presse locale et
internationale à une grande rencontre médiatisée
pour sa présentation.
La question centrale qui conditionne le projet est
de définir comment la revitalisation du culte de
la divinité Mame Coumba Bang par la
population saint-louisienne constitue un support
111
Plaidoirie pour les salles de cinémas
Selma ZERHOUNI
Architecte, Directrice générale Revue AM
Architecture, Maroc
L
l’abandon de ces espaces par la faiblesse du
nombre d’entrées : 50 millions de tickets vendus
dans les années 80, 4 millions de spectateurs de
nos jours, à travers tout le Maroc. L’amour du
cinéma a-t-il disparu ? Non, car le piratage des
DVD donne accès aux derniers films à très bas
prix, bradés sur le trottoir.
a question du patrimoine construit est
confrontée ici au sentiment de perte
d’identité que provoque le colonialisme.
D’une part nous avons de belles bâtisses qui se
dressent de façon cohérente voire avec qualité,
d’autres part, nous avons une population locale
qui a fait la guerre contre l’occupant et qui
souffre de voir les sites qu’il avait naguère
occupés. C’est comme si aujourd’hui, vous
demandiez aux palestiniens de s’approprier les
nouvelles constructions juives.
Au Maroc les grandes villes modernes sont
toutes des villes récentes datant d’un siècle à
peine. L’urbanisme y est différent des médinas
ancestrales. Les constructions aussi. La vocation
de certaines belles œuvres était aussi liée au
mode de vie d’une population déracinée qui
venait s’implanter avec sa culture propre, son
investissement économique mais aussi ses loisirs.
Les cafés, les restaurants, les salles de spectacles,
les théâtres, les arènes, les courses de lévriers, les
clubs de boules, les cinémas… venaient apporter
leur contribution pour améliorer le quotidien du
colon. L’espace public était alors investit le soir
venu, par une population prête à se laisser
enchanter par les artistes.
DRAFT
Culture contre marchandising
Ces salles ont bercé notre enfance et nourri
notre imaginaire. Repères fastueux de nos villes,
ces magnifiques édifices constituent souvent les
seuls équipements culturels des quartiers
périphériques. Ces salles obscures, occupent en
fait des lieux stratégiques recherchés notamment
par les supermarchés, voire les hyper marchés.
Leur disparition revient à effacer les spectacles
fabuleux et le rêve pour le remplacer par le
marchandising et le commerce. En gommant du
paysage ces lieux mythiques, c’est l’euphorie du
partage culturel qui disparaît. C’est les sorties
avec les parents, la famille ou les amis qu’on
détruit.
Casse-tête de la rentabilité
Dans les centres villes historiques, les anciennes
salles sont un vrai casse-tête ; entre l’exploitant
qui perd de l’argent, le propriétaire des murs qui
ne peut récupérer son bien, le Centre
Cinématographique Marocain qui prône le
multiplexe (Mégarama), les collectivités locales
(Casablanca) et les associations (save cinéma in
Morocco) qui freinent la destruction, le citadin
qui trouve le ticket trop cher, les vieilles salles
courent un danger d’éradication totale.
Pourtant, la production cinématographique
nationale s’améliore.
Mais n’est-ce pas cela notre problème urbain
d’aujourd’hui ? N’est-ce pas justement cet
enfermement dans la production économique et
son corollaire la consommation ? L’espace
urbain peut-il re-devenir le lieu de partage joyeux
de la culture, sans préserver les espaces
mythiques tels les cinémas ?
L’exemple des cinémas
Nous voyons, impuissants, la dégradation ou la
destruction des grandes salles de cinéma au
Maroc, qui était au nombre de 355 au début du
siècle, dont une trentaine à peine perdurent. Ce
patrimoine urbain exceptionnel, est à
sauvegarder absolument puisque les villes
manquent cruellement d’équipements culturels.
Pour les cinéastes, elles sont la représentation
physique de l’échec national de leur métier. Pour
les architectes, c’est la mémoire collective de
toute la cité qui se démolie inéluctablement. Les
exploitants de salles de cinéma justifient
L’amélioration de toute la chaîne de production
cinématographique marocaine est visible et
pourrait impacter positivement le paysage
urbain. En effet, un contrat-programme a été
négocié entre le Ministère de la Communication,
celui des Finances, les producteurs, les
exploitants de salles et le CCM. Il y est prévu la
formation aux métiers du cinéma, des avances
sur recettes substantielles pour la production et
la diffusion, l’incitation à la construction de
multiplexes, en parallèle à la lutte contre le
112
s’adresser aux institutions régionales pour
coordonner avec d’autres réseaux mondiaux.
piratage. La rénovation ou la réhabilitation des
vieilles salles de cinéma, est à peine évoquée et
renvoie à des dates lointaines.
Afin d’unifier les efforts, travailler en parfaite
synergie et pour optimiser les ressources
financières, logistiques et humaines. Dans le
cadre de la nouvelle stratégie de gestion
territoriale basée sur l’approche du travail en
réseau avec les principes de solidarité, de
collaboration et de complémentarité, qui gagne
en ce moment la confiance des institutions
nationales.
Scène de la mort annoncée
La mort annoncée des salles obscures se répète
dans les villes, privant les générations futures
d'un patrimoine unique, rompant avec l'histoire
de la toile qui a façonné bien des créateurs.
L’architecture et le cinéma sont des expressions
artistiques complexes qui s’imprègnent l’une par
l’autre. C'est pourquoi, architectes et cinéastes
devront mettre en commun leurs efforts pour
sauver ces vénérables salles. Une prise de
conscience énergique serait salvatrice. Chacun de
nous ne manquera pas d’avoir un pincement au
cœur de voir fermé, oublié, ou détruit, le cinéma
de son enfance. C’est pourquoi il faut réveiller
les mémoires avant que toutes les salles ne tirent
leur révérence, et ne s'éteignent sans bruit.
Interdire leur destruction est un devoir civique.
Le nôtre, simples citoyens ou engagés dans un
mouvement associatif, celui de nos élus et de nos
gouvernants mais c'est aux architectes à
s’engager à refuser tout projet sur leurs
décombres !
L’espoir : le tissu associatif
Le renforcement du tissu associatif local permet
de mettre en évidence les atouts et les capacités
des friches dont regorgent les villes. Le
patrimoine matériel et immatériel, dont la
richesse est diversifiée, ne peut se limiter aux
monuments anciens et aux traditions. C’est
pourquoi les associations de la société civile
offre de nouvelles opportunités pour créer de
l’animation au sein de friches urbaines de tout
ordre.
La protection, la sauvegarde, la valorisation du
patrimoine culturel (matériel et immatériel)
devraient s’appuyer sur les réseaux existants pour
DRAFT
113
Réservoir de compétence
Le développement durable du patrimoine
culturel passe aussi par la mobilisation des
compétences nationales dans le monde. En effet,
la réalité sociologique des marocains du Monde
est
dans
les
trajectoires
migratoires
contemporaines. Ces dernières ont permis
l’enracinement progressif à l’étranger de
Marocains estimés à 10% de la population totale
du Maroc, c’est-à-dire à quelques 3 millions de
personnes (sources CCME). Une présence active
qui se compte dans de nombreux pays et
principalement en Occident. Ce processus
d’implantations progressives est bien engagé et
impulse des transformations radicales du tissu
marocain et une mutation socioculturelle, dont,
notamment, la montée en puissance et le
développement du niveau culturel.
C’est pourquoi, les recommandations de cette
conférence préparatoire devraient inclure une
offre de soutiens aux associations culturelles
pourvu qu’elles réinventent l’usage des bâtiments
à préserver ainsi que l’appel aux diasporas dans
le monde.
Durant une cérémonie sacrée, Porto-Novo, Bénin
Les enjeux de la préservation du patrimoine architectural : le cas
de Dakar Plateau, Sénégal
M. Etienne DIENE
Architecte DPLG Paris La Villette
Master 2 Arts et Cultures / Option Patrimoine,
Sénégal
C
ette contribution s’inscrit pleinement
dans le prolongement de l’atelier
Patrimoine et Développement, qui aura
sans doute le mérite de dresser les enjeux de la
préservation du patrimoine, face à l’urbanisation
galopante des villes synonymes de plus de
nuisances visuelles, sonores, de promiscuité, de
précarité…et surtout de risques de destruction
du patrimoine.
L’histoire a souvent montré que la plupart des
nations se construisent généralement suivant le
principe des mythes fondateurs, s’articulant
autour d’une dynamique culturelle identitaire.
C’est pourquoi chaque nation tente de valoriser
davantage son patrimoine allant dans le sens
d’un plus fort encrage historique et d’une
influence grandissante : d’ailleurs ce n’est pas
pour rien que les américains
quand ils
bombardent l’Irak s’attaquent au préalable
violemment au patrimoine culturel, aux vestiges
de la Mésopotamie et au remarquable patrimoine
muséal, symbole d’une civilisation millénaire
brillante….
rapidité des commandes de marchandises et les
livraisons qui passaient obligatoirement par
Dakar. Cette portion de ville du Plateau s’est
construit à l’époque suivant un model
expérimental sous-tendu par l’urbanisme
réglementaire européen, un aménagement
équilibré avec de grandes percées86, l’alignement,
une unité architecturale adaptée au climat,
beaucoup d’espaces publics, une échelle
humaine, une portion de ville harmonieuse et
esthétiquement acceptable…
DRAFT
Une évolution significative du cadre bâti
s’illustre d’une manière remarquable à travers le
schéma directeur fondateur fait par Pinet
Laprade entre 1850 et 1888 avec son
organisation générale en damier suivant de
grands axes autour de la gare, du port, de l’hôtel
de ville et au centre la place de l’Indépendance…
modèle symbolique de la plupart des centres
villes européens. De nos jours le Plateau de
Dakar concentre toujours une partie importante
de l’architecture qui a marqué des territoires
entiers du Sénégal et de l’Afrique.
Aujourd’hui la question foncière à Dakar est
cruciale, cette dernière est davantage accentuée
par le fait qu’une forte proportion de la
population, plus de 30 %, est concentrée sur
seulement 2.8 % du territoire national entrainant
une macrocéphalie progressive87.
Actuellement les terres restantes se raréfient et il
s’y ajoute un exode rural grandissant d’où des
mutations remarquables sur le tissu urbain à
travers les tentatives de construction,
destruction, reconstruction, déconstruction…
Cette situation entraine des effets induits sur
l’architecture, l’urbanisme et l’habitat avec en
toile de fond beaucoup d’interrogations sur la
perception et la représentation de la ville,
l’identité de la ville…
Ainsi pour revenir au cas spécifique de DAKAR,
en se projetant dans une démarche exploratoire
de la ville avec des matériaux d’expressions
utilisés comme des cartes postales, des photos
anciennes ou récentes, plans de villes… nous
parvenons à de faire resurgir toute la splendeur
de certaines portions du Dakar Plateau, connu à
l’époque pour sa qualité architecturale ou
esthétique, et aussi la dimension symbolique et
historique.
Aujourd’hui, Dakar est un espace transculturel
et le « Plateau » incarne la dimension symbolique
de la centralité.
L’histoire de la composition de la ville montre
des étapes décisives dans sa constitution : en
effet, la crise à l’époque faisait de Dakar un
centre d’approvisionnement et aussi de décision
commerciale du pays. Dakar joua réellement son
rôle de ville relais de la politique coloniale,
construit autour du port, en participant à la
86 Transformation de Paris sous le second Empire /
Wikipedia
87 Etude urbaine du Grand Dakar : / colloque organisée par
la communauté urbaine Dakar avec tous les acteurs.
114
L’appel du doyen des architectes sénégalais,
Cheick N’GOM, est révélateur des mutations
importantes que subit la ville : « Dakar a perdu
son lustre d’antan. Le quartier de plateau notre
quartier qui brillait jadis de mille feux sur
l’Océan Atlantique a perdu de sa superbe. Ce site
merveilleux juché sur l’éperon de la presqu’ile
du Cap Vert surplombe les baies lumineuses
accueillantes et protectrices qui le ceinturent et le
caractérisent : gites favorables à la navigation, la
pêche aux loisirs balnéaires et pour tout dire aux
échanges à travers les âges. La pauvreté, l’exode
rural, la spéculation foncière, l’anarchie et
l’accaparement sauvage de l’espace ont étouffé la
légendaire convivialité des dakarois… » 88
Depuis quelques temps certaines figures
symboliques de la ville comme l’artiste Jo
Ouakam faisant partie désormais des couleurs de
la ville, du décor, se positionne en militant
contre cette disparition du charme de la ville
d’antan.
Tout dernièrement le cinéaste Ben Diogaye
Bèye, à travers un document fiction d’une
cinquantaine de minutes, projeté à l’Institut
français (ex-CCF), sonne le cri de cœur d’un
nostalgique révolté par les changements
intervenus à Dakar, devenue, au fil des ans, une
ville ‘’rurale’’, où ‘‘tout le monde fait ce qu’il
veut, où il veut, comme il veut’’. Et avant lui le
cinéaste Mambety dans une démarche avantgardiste annonçait le scénario d’un chaos urbain.
C’est pourquoi la préservation du Patrimoine
architectural, urbanistique et environnemental
en général demeure non seulement un enjeu de
société, mais ceci constitue en même temps un
grand facteur de développement pour nos pays
émergents.
patrimoine architectural remarquable, en effet ce
dernier est en permanence identifié, valorisé et
mis en exergue. D’ailleurs ce n’est pas pour rien
chaque année la plupart des pays avisés
émettent vivement le grand souhait de faire
figurer leur patrimoine culturel et naturel sur la
liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO…
Ainsi la valorisation de ces monuments
historiques met en évidence
leur qualité
architecturale ou esthétique, de même que leur
dimension historique et surtout l’intérêt que
procurent ces édifices souvent méconnus du
jeune public…leur léguant ainsi un héritage !
L’intérêt du patrimoine est fondamental quand
on sait que les villes s’inventent et se réinventent
en permanence, de même elles sont fondatrices
des civilisations et qu’une poésie des villes
s’exprime à travers son architecture.
Ezra Park le fondateur de la plus grande école de
sociologie urbaine de Chicago disait que « Les
villes ne sont rien d’autre que l’expression des
cultures qui les ont produites ». Et de ce point de
vue nous devons valoriser ce qu’il y a de mieux
en faveur de notre patrimoine afin de magnifier
la grandeur de nos sociétés et de nos hommes de
l’art en substance…
DRAFT
Aujourd’hui Dakar montre l’image contrastée
d'une ville qui grandit, dans tous les sens avec
des constructions, destructions, déconstructions,
détournements d’espaces, dans l’ensemble sans
cohérence architecturale, du coup on remarque
l’absence d’une harmonie de hauteur en fonction
des quartiers, on observe également l’absence de
cohérence morphologique. C’est pourquoi elle
plaît aux uns, et déplaît aux autres. Et malgré
cela, elle progresse à son rythme, avec ses
nouveaux bâtiments, ses matériaux « tendance »
(le verre, les composites…), ses couleurs et la
nouveauté, dans cette ambiance où domine le
béton, c'est effectivement l'émergence de
nouvelles tours.
En effet la valorisation des sites historiques va
dans le sens de booster l’économie, à travers un
tourisme beaucoup plus dynamique, des
créations d’emplois et également celle-ci permet
la production de plusieurs produits dérivés. On
peut remarquer que Hollywood à travers le
cinéma reste la première contribution majeure au
PIB américain, et l’essentiel de son contenu
relate le patrimoine culturel américain, reprenant
le fameux « American way of life ».
Aujourd’hui en Europe on peut remarquer le cas
de la France qui reste dans le peloton des pays
les plus visités au monde grâce à son immense
C’est pourquoi, il parait important d’accélérer
une
démarche d’identification de certains
édifices ou monuments ayant un intérêt
particulier pour le Patrimoine. Et par la suite
l’idéal serait de pouvoir aller à la phase de
préservation, de conservation, jusqu’à la phase
de restauration dans certains cas.
La mise en place d’une nouvelle esthétique
urbaine suppose au préalable
un certains
nombres de caractéristiques préétablis auquel
« Les riverains contre la prolifération des cantines » :
quotidien LE SOLEIL / 16/01/ 2002.
88
115
tout le monde (populations, autorités…) devra
se conformer rigoureusement à savoir :
-
Bien entendu sans sombrer dans l’expression
d’une certaine forme de nostalgie pour les
époques révolues, ou pire encore sous une
certaine forme de muséification ou de
fétichisation des monuments au mépris des
habitants ou de l’architecture dite ordinaire.
Cette démarche patrimoniale sauvera sans doute
la ville de ce processus d’autodestruction et
surtout de cette dynamique de spéculation
foncière galopante avec malheureusement ses
effets induits sur le patrimoine comme la
destruction ou l’abandon
des monuments
anciens.
La mise en cohérence d’un certains
nombres d’éléments :
L’utilisation future des sols
L’acquisition des terrains
L’aménagement d’un nouveau quartier
La réhabilitation de certains bâtiments
du plateau
De nouvelles constructions
L’organisation de l’espace public
L’occupation de la voie publique
DRAFT
116
La problématique de gestion et de conservation des noyaux
anciens : le site de Dioulassoba à Sya, Burkina Faso
Dr ZAGRE née KABORE Edwige
Maître-assistante d’Histoire de l’art
Département d'Histoire et Archéologie de l'UFR/LSH
Université de Koudougou
Gestionnaire de patrimoine culturel immobilier, Burkina Faso
a problématique de gestion et de
conservation des noyaux anciens : le site de
Dioulassoba à Sya
Le village de Sya ou Dioulassoba situé au
cœur de Bobo-Dioulasso est le noyau
originel de cette ville, capitale économique du Burkina
Faso. Le vieux quartier Dioulassoba est un site
historique des peuples bobo, qui a su conservé ses us et
coutumes, (la Konsa ou maison mère, la Grande
Mosquée de Dioulassoba et le marigot Houet). Des
stratégies d’assainissement permettront un développement
durable de ces sites culturels.
Anciennement dénommée ville de Sya, en 1904,
le Commandant Caudrelier baptise la ville BoboDioulasso, ce qui, littéralement traduit du dioula,
signifie la « maison des Bobo-Dioula ». Son nom
actuel provient de l’agrégation des ethnies Bobo
et Dioulas et de So qui signifie « maison »,
pluriethnique et multiculturelle.
La ville de Bobo-Dioulasso, située au sud-ouest
du Burkina Faso, est la capitale économique mais
aussi celle de la région des Hauts-Bassins. Elle
couvre une superficie de 13 678 ha et comptait,
au recensement de 1985, 231 162 habitants. Le
taux de croissance est de l’ordre de 7,23 %, ce
qui donne pour 1995, 412 000 habitants. Au
recensement de 2006, la ville comptait 489 967
habitants.
Le vieux quartier Dioulassoba est un site
historique des peuples bobo, qui a su conservé
ses us et coutumes. On note (la Konsa ou
maison mère, la Grande Mosquée de
Dioulassoba et le marigot Houet).
L
Le tourisme au Burkina Faso est un levier de
développement, et constitue une source de
revenus pour de nombreuses personnes dans la
ville de Sya.
DRAFT
De plus en plus de difficultés se posent à la
gestion, à la préservation et à la valorisation des
sites du patrimoine culturel, particulièrement en
milieu urbain et cela est dû notamment au
développement rapide des villes dans les pays
« sud ».
La ville couvre un vaste domaine patrimonial et
l’habitat bobo y est exceptionnel. Le village de
Sya est remarquable par sa situation et son
authenticité en plein cœur de la ville.
Afin de mieux aborder la problématique de sa
gestion, de sa protection et de sa valorisation,
nous présenterons dans un premier temps le site,
puis les difficultés qui minent le site et enfin les
stratégies de luttes.
A ses origines, elle s’est développée à partir d’un
petit village appelé « Kibidoué » fondé par des
agriculteurs Bobo venus du Mandé vers 1050.
Ces agriculteurs Bobo, après s’être installés sous
le « Kibi » qui signifie arbre en Bobo, décidèrent
de baptiser leur village « Kibidoué ». Par la suite,
Kibidoué donnera « Sya », village plus gros avec
l’arrivée progressive des commerçants Dioulas
venus du royaume de Kong et d’autres migrants
venus du sud. Cette arrivée des Dioula a généré
une ethnie métissée appelée Bobo-Dioula
occupant l'actuel quartier de Dioulassoba qui
signifie la grande famille des Dioulas. La légende
consacre plusieurs versions à cette appellation de
Sya et l’une des versions dit que Sya était le nom
d’une jeune vendeuse de dolo à Kibidoué,
réputée pour sa générosité.
Présentation du site
Le village de Sya ou Dioulassoba est le noyau
originel de la ville de Bobo-Dioulasso, capitale
économique du Burkina Faso, située au SudOuest du pays, à 365 kilomètres de
Ouagadougou. Sya est situé au cœur de la ville de
Bobo-Dioulasso, dans l’arrondissement de
Konsa, à l’intérieur de la fourche formée par le
marigot Houet à l’Est et le Sanyo à l’Ouest. Sya
occupe une superficie de quinze (15) hectares,
incluant la place publique Wara-Wara, contigüe
aux habitations.
117
Sya est composé de trois villages, Kibidoué et
Tiguisso qui se disputent l’origine de Sya ainsi
que le village bobo-dioula. Ces trois villages ont
donné naissance à dix-huit (18) foyers, dont
quatre (04) à Konsa, six (06) à Tiguisso et huit
(08) à Kibidoué. Ces villages ont chacune une
maison mère qui est celle du fondateur ou
encore l’aîné du lignage.
Etat des lieux du site (difficultés et menaces
sur le site)
Le village de Dioulassoba ou Sya, situé en plein
ville de Bobo-Dioulasso est un site historique et
culturel, où toutes les activités rituelles ou
socioculturelles se focalisent autour des vestiges
patrimoniaux, associés aux patrimoines naturel
(silures sacrées, arbres sacrés) et infrastructurel
(places publiques, itinéraires des masques).
Essentiellement construit en matériaux locaux
(murs en bauge, toiture-terrasse en argamasse
soutenue par des poteaux et poutres de bois), le
village de Sya formait au départ un amas de
constructions enchevêtrées, permettant de faire
le tour du village par le toit des constructions.
Le quartier des animistes a toujours gardé intacts
les chemins qu’empruntaient le roi, le fétiche du
village, la salle de réunion et la caisse du village.
Le quartier des musulmans quant à lui abrite la
première maison de l’ancêtre Bobo fondateur de
Sya. Cette maison appelée Konsa ou maison
mère serait construite au XIè siècle. Les quartiers
des griots et des forgerons continuent
respectivement la fabrication des instruments de
musique et de culture.
A Dioulassoba les habitants ont toujours gardé
les manières de faire, de vivre et de construire
propres au village. De petites allées traversant
parfois les cours d’habitation avec des maisons
construites en terre.
La particularité de Sya réside dans le fait qu’il
abrite trois villages ; deux ethnies autochtones,
Bobo-dioula et Bobo-mandarє, trois grandes
religions (traditionnelle (culte du Do), chrétienne
et musulmane) qui cohabitent pacifiquement,
dans le respect mutuel de leurs cultures et
traditions respectives. Un exemple exceptionnel
du dialogue des cultures.
Arriver à conserver un véritable village au cœur
d’une grande ville qui fait office de deuxième
capitale du pays, c’est une prouesse ; et il faut le
voir pour comprendre le double sentiment
d’étonnement et d’émerveillement de tout
visiteur du village.
DRAFT
Sya a jusqu’à présent conservé ses us et
coutumes. Les bâtiments sont vivants du
patrimoine immatériel qu’ils renferment. Témoin
de la mémoire collective du village, Sya est le
symbole d’une cohésion sociale réussie. En effet,
deux ethnies, Bobo-dioula et Bobo-mandarє et
trois grandes religions, traditionnelle, chrétienne
et musulmane cohabitent pacifiquement tout en
respectant mutuellement leurs cultures. On
retrouve dans cet environnement la grande
Mosquée de Dioulassoba construite en 1892, la
chapelle de Sya construite pendant la
colonisation et plusieurs lieux de culte de la
religion traditionnelle bobo dont les marigots
Houet et Sanyo d’où on retrouve les silures
sacrés symboles, actuels de la ville de BoboDioulasso.
De nos jours, on assiste à des transformations
extérieures de certaines constructions, à travers
l’introduction de nouveaux matériaux tels que les
parpaings de ciment, les pierres taillées et les
tôles ondulées.
118
Le site a cependant besoin d’être assaini,
aménagé, réhabilité et organisé, car il est en proie
à de nombreuses difficultés, plus ou moins
inhérentes à l’urbanisation.
- En effet, les édifices sont plus ou moins
en ruine et en dégradation. Avec
l’avancée de la ville, de nombreuses
transformations dénaturent les édifices.
Ainsi, la plupart des maisons mères et
premières maisons de lignage sont en
ruine ou en voie de dégradation.
- C’est un quartier où règne l’insalubrité
qui est de plus en plus répugnante. Les
marigots Houet et Sanyon sont devenus
des dépotoirs d’ordures de tout genre
par les habitants du quartier, ce qui
menace la survie des silures sacrés (de
nombreux tas d’immondices sont
déversés dans les marigots Houet et le
Sanyo).
- La dégradation et la pollution de
l’environnement est de plus en
croissant, et atteint un seuil inquiétant.
- Il est aussi important de souligner le
problème de la gestion des différents
sites patrimoniaux du Burkina Faso, où
se pose un manque crucial de personnel
compétent pour planifier les activités et
les gérer.
patrimoniaux de Sya, à l’exemple des travaux de
revêtement que les femmes de Thiébélé
effectuent chaque année pour l’entretien de leurs
habitats.
Les stratégies de lutte contre les menaces du
site (préservation et valorisation)
L’ensemble
architectural
traditionnel
Dioulassoba ou Sya au cœur de la ville de BoboDioulasso, se perd au fil des années ; « le
patrimoine culturel immobilier subit un
inquiétant processus de dégradation et de
transformation » (Guigma P. L, 2003, p 36)
Il est de ce fait impérieux de mener une action
urgente de restauration du site :
-
Sya n’est certainement pas le plus ancien village
mandar, mais il faut reconnaître que toute la ville
de Bobo-Dioulasso s’est bâtie autour de ce
noyau. Exemple exceptionnel du dialogue intercultures, deux ethnies autochtones Bobo-dioula
et Bobo-mandar résident ensemble, trois grandes
religions se côtoient (traditionnelle-culte du Do-,
chrétienne et musulmane) et cohabitent
pacifiquement, dans le respect mutuel de leurs
cultures et traditions respectives.
Un système d’évacuation des eaux usées
et des ordures ménagères ;
Le curage et la consolidation des berges
des deux marigots ;
L’hygiène et l’assainissement ;
La sensibilisation de la population sur la
restauration patrimoniale.
La réhabilitation de Sya se pose avec acuité et la
coopération décentralisée de Lyon était
intéressée à pouvoir soutenir un projet de
sauvegarde et de valorisation du patrimoine
culturel du centre-ville de Bobo-Dioulasso. Mais,
selon Guigma « Malheureusement, force est de
constaté que la population de Sya réputé
conservatrice est plutôt sensible à tout projet
urbain, ce qui refroidit les décideurs locaux et
l’administration en général » (Guigma P. L, 2003,
p 16)
DRAFT
La question de la gestion et de la conservation
des noyaux anciens historiques au Burkina Faso
et ailleurs, mérite que l’on s’y penche ; plus
proche de nous, on a le site de dioulassoba à Sya,
Thiébélé, tout comme à Djénné, Tombouctou,
Ganvié, les Aguégué. De plus, la population
résidente constitue à la fois une force en tant
qu’animatrice de la vie sociale et de la culture
locale, mais aussi une faiblesse, en tant que
source de dégradation, de transformation et de
pollution des vestiges patrimoniaux. C’est un
patrimoine qui risque de disparaitre si rien n’est
fait urgemment.
Berceau et racine de Bobo-Dioulasso, Sya se doit
d’être entretenu et sauvegardé. Sa disparition
emporterait avec lui la mémoire sociale et
culturelle de tout ce peuple bobo. De ce fait, il
constitue un gisement à exploité dans la
perspective d’un développement durable.
Il est aussi important de noter le savoir-faire
authentique transmis au cours des travaux
collectifs de ravalement de façade ou de
reconstruction de partie d’ouvrage, et qui
constitue une valeur à perpétuer à travers la
conservation
périodique
des
bâtiments
119
Atelier 3
Qualifications et compétences
DRAFT
Saint-Louis, Sénégal Couverture de l’Assemblée territoriale du Fleuve, chantier-école IPW-DPC, 2006-09
© Vincent Duvigneaud
120
Animateurs:
Pierre BAILLET
Freddy JORIS
Communicants
Catalina PREDA
Fodé DIOP
Qualifications et compétences : Quels échanges et programmes de coopération académique et professionnelle dans l’espace
francophone ?
L’atelier présidé par Monsieur Freddy Joris, Administrateur de l’Institut du patrimoine wallon, et Pierre Baillet, secrétaire
permanent de l’AIMF, s’est penché sur la problématique de renforcement de capacités dans les métiers techniques de la
restauration, la coopération dans l’enseignement du patrimoine dans divers domaines (architecture, urbanisme, aménagement
du territoire, ingénierie, histoire, sociologie, géographie, etc.), la localisation des opportunités attractives des filières d’emploi
dans les économies de développement et sur le rôle de l’école dans l’éducation à la citoyenneté et à la civilité urbaine ». Les
spécialistes du patrimoine architectes, administrateurs de programmes, ingénieurs et universitaires ont présenté différentes
contributions qui prennent en compte l’efficacité des programmes de coopération, les Journées du patrimoine, le concept de
chantier école, la gouvernance et l’inventaire des savoir-faire autochtones. En effet, la clarté des contributions a permis de
souligner que le patrimoine n’a de sens que si la population se l’approprie. Il est fait état de la nécessité de sa transmission
face à la disparition des savoirs, de renforcer les capacités des élus locaux et de sensibiliser davantage les jeunes aux métiers du
patrimoine. Aussi de permettre à la société civile de jouer un rôle actif dans la préservation du patrimoine en créant des
législations sur le patrimoine et de les faire respecter par des initiatives locales, nationales et internationales d’inventaire des
savoirs locaux. Il s’agit de mettre en place une plateforme d’échange avec des organisations relais des pays et villes de la
Francophonie.
DRAFT
121
Catalina PREDA,
Architecte, Conseil international des monuments
et des sites (ICOMOS), Roumanie
L
e discours actuel en Roumanie ces quinze
dernières années sur les villes historiques
commence à partir du concept de
développement durable lié au patrimoine, du fait
que le renouvellement urbain si souhaité par les
autorités mais aussi par les habitants doit
s’articuler à l’histoire de la ville, de la
communauté locale pour préserver et
transmettre surtout les valeurs qui représentent
l’esprit du lieu.
Même si les monuments historiques ont
bénéficié de lois pour la protection et la
conservation à partir de la fin du XIXème siècle
(la Commission des monuments historiques est
fondée en 1892), les premières mesures timides
concernant la protection des centres historiques
voient le jour après 1990. Une des causes pour
laquelle la Roumanie n’a pas appliqué avec
cohérence des mesures efficaces, conformément
aux conventions internationales signées, même
dans les années 90, c’est la politique durant la
période communiste des années 80 qui a conduit
à la l’abandon et inévitablement à la destruction
d’une partie du patrimoine urbain et
architectural. Cette politique a laissée des traces
dans la mentalité et dans l’attitude envers le
patrimoine.
archéologie) ou applicatifs (connaissance des
matériaux et des techniques de construction du
bâti ancien) il s’est relevé nécessaire de penser
aux valeurs des territoires urbains (naturels et
construits) et aux métiers qui en résultent pour
l’analyse, la gestion et la mise en valeur du
binôme paysage-patrimoine urbain ou pour la
présentation, animation et médiation des valeurs
d’un territoire plus large, incluant le volet social,
les communautés qui y vivent, porteuses de la
mémoire des lieux.
Contexte d’une coopération francophone
Située dans l’Est de l’Europe, à la confluence de
plusieurs empires au long de son histoire
(l’Empire Romain, l’Empire Ottoman ou
l’Empire des Habsbourg), la Roumanie a
bénéficié grâce à ses fondements latins a des
connections privilégies avec la France et à la
culture française pendant les XIXème et XXème
siècles.
DRAFT
Si l’on imagine le processus de conservation et
valorisation du patrimoine comme un dessin à
plusieurs cercles concentriques, le centre c’est le
monument, suivi par les ensembles, pour finir
avec le cercle plus large des quartiers et centres
historiques.
L’architecture et le patrimoine ont été donc pour
une partie importante de notre histoire sous
cette influence culturelle, interrompue pour un
bref moment (par rapport au temps historique),
pendant la période communiste et reprise après
1989.
Le début d’un projet représentatif pour les
métiers associés à la mise en valeur du
patrimoine urbain et architectural est marqué par
le projet de la Citadelle d’Alba Iulia, ou la
coopération franco-roumaine et la formation de
spécialistes roumains en urbanisme historique et
en gestion des zones projetées a fait ses premiers
pas.
Aujourd’hui l’analyse du contexte urbain
historique dépasse les notions « d’ensemble
historique » ou « centre historique » pour inclure
le contexte urbain plus large, car une approche
fondée sur l’environnement naturel et construit
de la ville – le paysage urbain – est essentiel à la
gestion appropriée du patrimoine et au maintien
de l’identité urbaine.
En travaillant ensemble sur la démarche
scientifique aussi bien que sur les éléments
opérationnels nécessaires pour préserver et
valoriser les centres historiques avec ce type de
patrimoine (rarement envisagé et encore plus
rarement pris en charge par les autorités
nationales et locales).
C’est le moment où l’on se pose la question sur
les métiers liés au patrimoine aujourd’hui. A
l’exception des métiers concernant la
restauration du patrimoine bâti : métiers
scientifiques (connaissances d’histoire, d’art ou
Le projet de valorisation du patrimoine urbain
de la Citadelle d’Alba Iulia a mené à un système
de règlementation des zones construites
protégées.
122
Le document qui guide l’élaboration des plans
d’urbanisme en zones urbaines avec des valeurs
historiques est la « Méthodologie pour
l’élaboration et le cadre des documents
d’urbanisme pour les Zones construites
protégées » (O.M. no. 562/2003)
Comme outils innovants, nous pouvons
mentionner des activités de marketing et de
promotion du projet, le développement de
nouvelles fonctions en utilisant les réseaux
sociaux internet comme d’autres technologies
internet (Blogs, Google Earth/Google maps,
etc.), la mise en place et le démarrage d’un centre
de ressources en ligne pour les initiatives
durables dans le domaine de la préservation et de
la mise en valeur du patrimoine culturel au
niveau du pays. Déployés dans des régions
historiques avec de différentes spécificités, les 25
projets valorisant de manière différente le
paysage urbain historique et en même temps
l’intégration sociale par l’emploi dans les métiers
du patrimoine de jeunes provenant de groupes
défavorisés, illustre une nouvelle manière
d’aborder le développement durable pour une
ville.
Elaboré entre 2001-2003 par des équipes
pluridisciplinaires
franco-roumaines,
les
documents préparatoires des opérations urbaines
en milieu historique ont bénéficié aussi des
échanges au niveau des services technique des
mairies d’Alba Iulia et Bayonne, ce qui a conduit
à de nouvelles formations intégrées et de
nouveaux outils pour la revitalisation du
patrimoine fortifié de la Citadelle de Alba Iulia.
Animateurs du patrimoine, la médiation et la
valorisation du patrimoine naturel et construit,
du paysage urbain de la ville – sont des
démarches de succès, lors de dix années qui ont
suivi.
Faire partie d’un réseau national du patrimoine –
« L’Association des localités et zones historiques
et d’art de Roumanie », ALZIAR, fondée en
2004 (toujours suite au projet pilote sur la ville
d’Alba Iulia), faire partager les expériences en
matière d’urbanisme en zones historiques et
échanger des savoirs-faire – tout cela complète le
contexte créé par le cadre de coopération francoroumaine.
DRAFT
Etude de cas : les centres urbains
historiques face au développement socioéconomique actuel
Développé sur la base des bonnes pratiques
exercées lors du déroulement de projets comme
Alba Iulia ou « le Beau Bucarest » (1999-2002) ,
le projet « la Belle Roumanie » a eu comme
objectifs de : soutenir le Gouvernement roumain
et les autorités locales dans le processus de
réhabilitation du patrimoine culturel urbain ;
privilégier le développement durable des centre
urbains par le biais des stratégies viables de
tourisme culturel ; former, conseiller et créer des
opportunités d’emploi dans le domaine de la
restauration et valorisation du patrimoine pour
des jeunes appartenant aux groupes vulnérables
(jeunes post-institutionnalisés ou chômeurs).
Démarré en 2003, il fût finalisé en 2011. Son
succès dans les 12 villes de taille moyenne de
Roumanie s’est appuyé sur la collaboration
interdisciplinaire, interinstitutionnelle et sur la
participation des communautés locales.
Plusieurs métiers ont donné leur concours à
cette réussite :
- les métiers de restaurateurs de brique, de
pierre ou de bois ;
- des documentaristes et des archéologues
pour valoriser l’histoire de territoires
apparemment sans un grand impacte
pour la ville ;
- des urbanistes et des paysagistes pour les
parcs et les itinéraires culturels créés ;
- des animateurs du patrimoine pour
redonner de la vie aux espaces ainsi
restaurés, pour mieux les valoriser et
pour qu’ils redeviennent centres de la
vie communautaire.
Comme chaque projet amène avec lui des leçons,
le projet « la Belle Roumanie » nous a appris la
manière de comprendre le développement
durable d’une ville par la mise en valeur de ses
multiples strates historiques, des espaces publics
comme des bâtiments, des paysages comme des
parcours, mais aussi des communautés et de leur
histoire vivante. La préservation d’une échelle
adéquate des interventions dans la structure
historique nous a empêché de perdre les détails
fragiles en augmentant la qualité de la vie des
habitants, tout en utilisant des savoir-faire
traditionnels et des moyens modernes de
connaissance, de visibilité et d’utilisation
appropriée des paysages urbains historiques.
Métiers anciens et modernes aboutissent
ensemble à faire revivre notre patrimoine
culturel, l’apport des savoir-faire dans chaque
métier ayant une importance égale.
123
M. Fodé DIOP
Président de l’Ordre des architectes du Sénégal
L
e patrimoine ? Tout le monde en parle.
Dans tous les pays, on souhaite
protéger, conserver, restaurer, on
cherche son identité, ses racines dans les
témoignages du passé. On craint que la
civilisation contemporaine, avide de rentabilité,
ne laisse disparaître définitivement les traces des
sociétés qui nous ont précédés.
-
On doit paradoxalement à la révolution
Française les premiers balbutiements théoriques
de la conservation. En pleine terreur, l’Abbé
Grégoire invente le Monument National
Historique et il déclarait : « les Barbares et les
esclaves détestent les sciences et détruisent les
monuments des arts ; les hommes libres les
aiment et les conservent » (Discours du 14
Fructidor an 2 de la Convention).
Le patrimoine, ce ne sont pas seulement de
vieilles photos jaunies. On connaît bien le
patrimoine artistique et le patrimoine industriel.
Mais qui sait vraiment en quoi consiste le
patrimoine architectural ?
Les jeunes de l'An 2000 sont-ils intéressés par
la conservation de ce patrimoine ? Et
pourtant, la société de demain, pas plus que
celle d’hier et d’aujourd’hui ne pourra faire
complètement table rase du passé c'est -à dire du
façonnement de son identité.
Aujourd'hui urbains et ruraux sont de plus en
plus nombreux à vouloir protéger un
patrimoine menacé par l’économie de marché et
par la société contemporaine. Alors, que
garder, comment et pourquoi faire ? Après
plusieurs décennies, les spécialistes ont pris
conscience que le patr imoine r es te un
élément
es s entiel
du
s entiment
national et qu’il ne se limite plus à quelques
objets historiques. Il fait appel à la mémoire et à
l’affectivité et se compose aussi et surtout
d'ensembles plus larges qui touchent les tissus
urbains et les traces créées par l'homme dans le
paysage naturel.
Conservation
Restauration
Reconversion
Réhabilitation.
La conservation, née sous la Révolution a pu
être réutilisée telle quelle par l’Institution des
Monuments Historiques, fondée par la
Monarchie de Juillet.
DRAFT
Pour d’autre, le problème était de compléter la
conservation par une restauration à but
idéologique bien précis : « enraciner dans la
pierre des édifices une certaine forme d’histoire
nationale ». L’idéologie de la conservation –
restauration a pu se perpétuer cahin – cahan
pendant plus d’un siècle (1840 – 1960 environ).
La vulgarisation de la restauration, l’extension du
concept à des zones entières dans les années 60,
a conduit à une crise et une redistribution plus
récente des rôles (Iles de Gorée et Saint-Louis
par exemple).
Ainsi, la « monumentalité », « l’historicité » ou
« l’unicité » sont encore évoquées de nos jours
pour décharger certains propriétaires de leurs
responsabilités financières. La reconversion,
terme d’origine monétaire apparu à la fin du
XIXème siècle sert depuis les années 60 environ
à désigner la réaffectation sociale et technique de
bâtiments anciens. Il est intéressant de noter que
ce terme étendu à des pratiques industrielles très
concrètes après la première guerre mondiale
signifiait la démilitarisation des usines
d’armements, et l’on parlait de « reconversion
d’une usine de tanks en usine d’automobiles »
(dictionnaire Robert). A la différence de la
conservation et de la restauration qui gardent de
leurs origines une forte charge affective
« historique » qui en légitime le coût, la
Aujourd’hui avec l’étude des sociétés et de leur
histoire, la notion de patrimoine s’est beaucoup
élargie. La science du patrimoine bâti doit alors
rendre cohérentes les diverses spécialités qui la
composent,
en
privilégiant
l’approche
pluridisciplinaire qui est la seule qui permette de
concilier une analyse complexe et un
aboutissement synthétique satisfaisant. II fallut
donc définir au préalable quelques règles du jeu
sur la filiation idéologique des termes employés
que chacun doit connaître et pleinement accepter.
Cette filiation idéologique semble avoir été
historiquement la suivante :
124
reconversion
désigne
un
changement
d’affectation « neutre » ou « économiquement
justifié » et procède généralement par rapport
contradictoire. Elle ne peut donc plus se
réclamer de l’unicité de style pour faire endosser
à la collectivité une part de frais de remise aux
normes. Elle a aujourd’hui tendance à se
réclamer d’avantages dits « sociaux », tout
aussi ineffables que les avantages « culturels »
supposés de la restauration.
technique et oubliés par l’histoire sociale. En un
mot d’insuffler du pittoresque. S’il est vrai que
tout
travail
architectural
relève
de
l’universalisation, plus particulièrement de la non
référence au présent ; s’il est vrai qu’il y a
balancement dialectique entre le passé et le
présent avec ses attributs « high tech », alors les
pratiques
actuellement
dominantes
de
reconversion et de réhabilitation s’inscrivent
dans la nostalgie rétro d’un passé.
La réhabilitation, terme qui implique fortement
la rédemption est un emprunt direct au jargon
juridico-politique : il s’agit de « blanchir »,
« innocenter » ou « laver » un bâtiment trop
rapidement condamné. De la restauration à but
politico-idéologique, on serait donc passé à la
reconversion culturale puis à la réhabilitation
socio-économique (cas du Rognat Nord à SaintLouis qui abrite aujourd’hui un hôtel).
Les monuments et édifices, repères historiques
et symboliques de la ville sont les signes d’une
mémoire collective qui rassurent la cité sur sa
pérennité. Ce sont les documents historiques les
plus authentiques, qui révèlent, bien plus
fidèlement que les parchemins et les documents
écrits, ce que qu’étaient nos peuples modernes
aux différentes époques de leur passé. C’est au
sein de cette continuité que la ville se transforme
avec le double risque d’avoir à sauver son passé
en compromettant son avenir, ou en se livrant au
futur, d’avoir à sacrifier son histoire.
Toutes ces pratiques de sauvegarde et de
réaffectation sociale de bâtiments anciens ou
récents empruntent leur théorie de façon plus ou
moins lointaine aux monuments historiques ;
elles ont toutes été regroupées récemment sous
l’appellation gratifiante de « Sauvegarde du
Patrimoine ».
DRAFT
Au terme de cette modeste analyse, nous
avancerons que la « restauration – reconversion »
fait appel à une nostalgie des origines, un regret
de la pureté supposée du bâtiment. Pour
restituer l’histoire (mythique) dans son
aveuglante simplicité, on gratte et on décape ce
que l’histoire (réelle) a déposé de sédimentaire et
de parasite sur le patrimoine.
Nous devrons adopter alors pour le
renforcement des capacités la devise suivante
pour la rénovation d’un monument historique :
Conserver d’abord, réparer, remplacer seulement
lorsqu’il n’y a pas d’autres solutions ;
Restauration,
rénovation,
reconversion,
réhabilitation sont les maîtres mots de ces
opérations dont les effets se lisent après coup à
mesure que les bâtiments se transforment et que
l’image des quartiers se modifie.
Pendant longtemps, la rénovation urbaine n’a été
comprise
que
comme
processus
de
transformation radicale de quartiers ou de zones
préalablement déclarées insalubres. Les habitants
étaient déguerpis et les constructions délabrées
démolies afin que les architectes et les décideurs
puissent projeter sur des terrains vierges (cas de
Fass Paillotes à Dakar).
Forts de ces constats, nous insisterons sur le rôle
que la formation devra jouer pour rendre
efficientes les actions à mener sur le patrimoine.
L’identification sérieuse des compétences nous
interpelle car :
- la « reconversion – réaffectation » fonctionne à
la contradiction. L’usage nouveau est pour ainsi
dire télescopé dans l’ancien, l’hybride
architectural ainsi obtenu étant alors supposé
représenter de notre passé..
La Charte d’Athènes, mal comprise, servait alors
de crédo et des ensembles « hygiéniques » sans
caractère, des espaces verts jamais terminés et
des équipements trop bien programmés pour
être efficaces, remplaçaient des tissus urbains
anciens, apparemment sans intérêt.
Alors que,
- la « réhabilitation » elle, implique le rajout. il
s’agit de compléter et d’enrichir des formes
architecturales « pauvres » et apparemment
privées d’histoire, d’apporter du sédimentaire et
du parasitaire à des types dépassés par l’histoire
Toute une génération d’architectes s’est ainsi
exercée à redessiner des morceaux de ville,
corrigeant en toute quiétude ce que Gropius
qualifiait de « désordre urbain ». L’organisme
125
urbain ne pouvait se laisser impunément attaquer
sans réagir ; son équilibre était en jeu. La trop
commode simplicité du déroulement des
opérations, conduisait alors à une remise en
cause qui suscita des réactions parfois violentes.
d’amélioration à travers les procédures de la
restauration immobilière et des secteurs
sauvegardés, dans un premier temps, puis par le
biais de la réhabilitation, aujourd’hui moyen
d’intervention nettement privilégié.
La rénovation urbaine fut repensée dans sa
démarche et dans ses effets possibles. Des
approches plus élaborées, moins brutales furent
étudiées et appliquées, mettant en relief des
réalités autrefois négligées : celles des tissus
historiques ou des ensembles du XIXème siècle
jadis qualifiés de décadents ; celles des ambiances
de quartiers qui, pour être dégradées n’en étaient
pas moins vivantes ; celles plus complexes des
processus économiques ou sociaux qu’une
apparente
rentabilité
financière
faisait
disparaître à jamais.
Cette politique nouvelle traduit, entre autres, les
difficultés des secteurs de la construction neuve.
En même temps, quelques opérations de
rénovation transforment leurs programmes et au
lieu d’effectuer les démolitions – reconstructions
initialement prévues, les opérations s’essaient à
des interventions mixtes mêlant rénovation et
réhabilitation. L’amélioration du parc existant au
niveau de Saint-Louis doit s’intégrer à la
politique générale du logement au Sénégal.
D’autres alternatives furent ainsi ouvertes et
deux approches précises fort différentes
permettant non seulement la conversion du
patrimoine mais aussi sa réutilisation, ou son
adaptation aux nécessités de l’époque virent le
jour : la réhabilitation ou la restauration.
Certes positives, ces opérations ne sont pourtant
pas sans danger. Le moindre étant le piège du
pastiche, de la reconstruction historique, du
décor ou de la restauration per se.
DRAFT
Un vide est pourtant noté car la réflexion en
profondeur fait parfois défaut, ce qui amène
architectes et décideurs à agir suivant des
concepts préétablis. La réflexion fondamentale
est aujourd’hui nécessaire. Comme d’autres, les
architectes y travaillent mais le problème n’est-il
pas ailleurs, dans le rapport qu’une société
moderne entretient avec son patrimoine ?
Cette méthode devra apporter une réponse aux
besoins sociaux et physiques au fur et à mesure
de leurs développements et de leurs
changements. Celle-ci reposera sur des actions
programmées en liaison étroite avec la
population résidente et des mesures d’initiation.
Après la réussite de la restauration de
l’Assemblée territoriale du Fleuve à Saint Louis
du Sénégal, la Commission mixte entre le
Sénégal et Wallonie Bruxelles a entériné en 2012
un nouveau projet de réhabilitation sur l’Ile de
Gorée. Ainsi, plus de 60 professionnels
sénégalais ont bénéficié du programme des
formations au patrimoine mis en place par la
Direction du Patrimoine Culturel et la
Délégation Wallonie Bruxelles.
Les objectifs généraux visés dans ces ateliers de
formation étaient :
-
La rénovation urbaine est d’abord « sociale » : si
de tout temps le tissu urbain s’est transformé,
renouvelé, rénové, spontanément ou à la suite
d’actions programmées, la rénovation urbaine
conçue comme mode d’intervention global
exhaustif et scientifique est née dans les années
1950. A cette époque, la rénovation urbaine était
un moyen administratif, juridique et financier
d’assurer le renouvellement et l’amélioration du
patrimoine bâti. Obéissant en priorité à des
objectifs d’ordre social, elle est utilisée pour
recréer un cadre bâti dégradé et inconfortable
par amélioration des conditions de vie des
occupants de quartiers en désuétude.
Parallèlement, un regain d’intérêt pour le
patrimoine bâti existant se fait jour. L’accent est
mis de plus en plus nettement sur les actions
-
L’apprentissage
au
relevé
architectural
La connaissance de l’état sanitaire
des bâtiments
La rédaction des cahiers de charges
de la restauration d’un bâtiment
Les formations dans les techniques
concernées à destination des
architectes, artisans, centres de
formation professionnelle, étudiants
et entreprises.
Pour l’Architecte dans l’océan du bâtiment en
crise, l’introduction de ces formations en
restauration et réhabilitation des bâtiments,
figures de parent pauvre dans l’enseignement
dispensé
dans
les
différentes
écoles
d’architecture, est plus qu’un radeau de
126
sauvetage. Elle constituait le « secteur sauvegardé
des professionnels ».
La réhabilitation est une affaire de spécialistes,
elle représente au niveau mondial une bonne
part dans le marché du bâtiment ; c’est dire
l’importance que revêt désormais ce secteur pour
l’ensemble des professionnels.
Au Sénégal, cet aspect a été très vite senti par la
Direction du Patrimoine Culturel et le Bureau
d’Architecture des Monuments Historiques
(BAMH).
Des maîtres d’ouvrages, des architectes, des
entrepreneurs, des ingénieurs se sont ainsi
reconvertis au cours de ces dernières années
pour devenir de véritables spécialistes. Certes, il
ne faudrait pas pour autant considérer qu’il est
facile de se lancer dans ce type de travaux. En
effet, la réhabilitation impose une connaissance
du bâti ancien et elle est bien de ce fait une
affaire de spécialistes. La connaissance des
matériaux tels que la chaux et son mode
d’utilisation revêt un caractère fondamental en
raison de sa compatibilité avec le bâti ancien.
Une grande partie du Patrimoine architectural à
Gorée comme à Saint-Louis a été édifié avec des
mortiers de chaux, mais également rejointoyé,
enduit et badigeonné.
DRAFT
Réhabiliter, c’est aussi accepter de nouvelles
responsabilités : le concepteur est confronté à
des problèmes nouveaux :
-
-
-
-
connaître.
Cette
connaissance
nécessite un travail approfondi au
niveau de son histoire. Comprendre
les successions d’états est nécessaire
pour transformer la philosophie de
restauration
en
un
projet
d’architecture puis en une exécution
rationnelle des travaux.
Cette méthodologie d’approche
permettra à ceux qui le souhaitent
de se forger leur propre outil de
travail et leur pratique. Chaque
opération de réhabilitation est en soi
un cas particulier et nécessite
l’acquisition
de
nouvelles
connaissances. L’étude du bâti
accompagne la recherche historique.
Elle se fait in situ. Elle a pour
objectif
de
comprendre
la
succession des interventions, mais
aussi d’analyser les pathologies et de
prendre
une
empreinte
dimensionnelle sous la forme d’un
relevé.
L’analyse pathologique tout comme le relevé, a
connu un développement technologique
important. Aujourd’hui des technologies de
pointe sont utilisées (relevés stratigraphiques,
essais radar et ultrason, photogrammétrie,
analyse de laboratoires, etc…….).
Une fois le savoir et la compétence acquise, les
architectes pourront commencer à mettre en
place une philosophie, une attitude en rapport
avec l’œuvre et réaliser un projet. « Restaurer un
édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer, le
refaire ; c’est le rétablir dans un état complet qui
peut n’avoir jamais existé à un moment donné ».
(E. E. Violet le Duc, article : restauration du
dictionnaire raisonné).
À quelle démarche architecturale et
à quelle technique recourir pour
réhabiliter un immeuble de caractère
inscrit dans un tissu urbain
historique, alors que les besoins
d’amélioration sont évidents ?
Jusqu’où
aller
dans
la
transformation pour résoudre des
problèmes d’ordre sociologiques
dont l’habitat ne constitue pas
souvent le reflet ?
N’est-ce pas pourtant le bon
moment
de
« faire
de
l’architecture », là où on l’avait
oubliée ? L’architecture étant un
rapport entre un lieu, un
programme et temps.
Pour procéder à une opération de
réhabilitation, des règles s’imposent
et il est nécessaire de travailler avec
méthode. Le lieu, il faut le
Des adjonctions de bâtiments en matériaux
industriels peuvent heurter le regard du
promeneur. Peut-être, dans certains cas,
pourrait-on éviter de telles constructions. Mais
est-il certain qu’il faille toujours chercher à
intégrer un nouveau bâtiment dans un paysage
en lui donnant un cachet ancien ?
Les habitants de l’Ile de Saint-Louis et Gorée
ont pris conscience de posséder un patrimoine,
une identité ; que leur environnement était de
qualité. Des questions très concrètes se sont
alors posées : laisserait-on tomber les bâtiments
non utilisés et construire de nouvelles maisons
127
selon la fantaisie de chacun ? Ou, au contraire,
essaierait-on de fournir aux populations des
compétences et des compléments de ressources
dans un cadre de vie modernisé. C’est par une
politique locale volontariste que les choses
devront être prises en main. Des techniciens
devront être engagés pour conseiller les
populations. Mais voilà ! Le problème est de
trouver des artisans qui sachent travailler les
matériaux traditionnels. Même la simple
réparation d’un bâtiment ancien est exigeante.
-
-
Cette contrainte a été bien comprise par la
Direction du Patrimoine Culturel et la
Délégation Wallonie Bruxelles qui ont
commencé des formations au patrimoine sur les
thèmes suivants :
-
DRAFT
128
« La chaux : principes, pathologies
et applications », J. de Pierpont
« Menuiserie : principes, pathologies
et restauration », D. Gustin
« Les métaux : principes constructifs
et restauration », L. Bouvy
« Couvertures en tuiles : principes
constructifs et restauration », E.
Michels
« Analyses
phytosanitaires :
humidité, termites et sels », A.
Dutrecq
« Architecture et méthodologie de
restauration », F. Metzger
Transformation : réaffectation en région liégeoise, Journée de
Patrimoine et Centre de formation de l’Institut du Patrimoine
Wallon, Belgique
William ANCION
Président des Journées du Patrimoine de
Wallonie, conseiller à l’AIMF, ancien Ministre de
la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région
wallonne, ancien échevin en charge de
l’Urbanisme et du Patrimoine et ancien Maire de
Liège, Belgique
S
i j’ai été sollicité pour témoigner ici et pour
contribuer à nos échanges, c’est, je crois,
pour plusieurs motifs. D’abord, comme
échevin de la Ville de Liège durant deux
décennies, j’ai été confronté à un paysage urbain
lacéré par des projets destructeurs antérieurs et il
m’a fallu panser des plaies béantes et entamer de
grands projets de revitalisation de ce centre
urbain et de valorisation de son patrimoine. En
tant que Président des Journées du Patrimoine
en Wallonie, dont le secrétariat est abrité dans
une ancienne abbaye principalement occupée par
le Centre des métiers du Patrimoine de l’IPW, je
pense avoir pu prolonger cette expérience. Et
avant cela enfin, comme Ministre des Relations
internationales de Wallonie-Bruxelles durant
trois ans mais aussi en tant que maire et ancien
maire d’une ville jumelée avec Saint-Louis du
Sénégal, j’ai pu approcher les défis des villes
africaines, confrontées elles aussi à celui de la
réutilisation de leur Patrimoine historique. C’est
pourquoi j’exposerai, dans cette communication,
d’abord l’expérience liégeoise à cet égard, puis
celle de l’ancienne abbaye de la Paix-Dieu à
quelque kilomètres de Liège en revenant plus en
détails sur les activités du Centre des métiers du
Patrimoine que Freddy Joris n’a pu qu’esquisser
dans sa communication en plénière. J’insisterai
pour terminer cet exposé, sur toute l’importance
des Journées du Patrimoine pour la valorisation
de l’héritage culturel et l’intérêt de leur
développement dans l’espace francophone.
économique et socio-culturel important. Durant
plusieurs siècles seront érigés de nombreux
monuments de prestige, des palais somptueux et
des édifices religieux. Avec la révolution
française en 1789 et sa déclinaison liégeoise
quelques années plus tard, l’Histoire de la région
connaîtra une rupture puisque la plupart des
édifices religieux qui constituaient jusque-là des
référents urbains et sociaux passèrent
soudainement dans le domaine public ou privé et
connurent, lorsqu’ils n’étaient pas démolis
comme la Cathédrale Saint-Lambert, des
réaffectations plus ou moins heureuses et des
sorts très divers.
DRAFT
A Liège, depuis deux décennies, des zones
urbaines qui avaient été jusque-là délaissées ont
donc été revitalisées afin de recomposer un
maillage et un paysage historique fort. Des
édifices classés ont été réaffectés, ce qui
témoigne de la volonté de la Ville et de la Région
de s’inscrire dans une transformation urbaine
respectueuse de l’Histoire mais tournée aussi
vers l’avenir. A ce titre, certains édifices ont fait
l’objet d’une réaffectation remarquée comme en
ville, les Halles aux viandes et le Grand Curtius
en bord de Meuse, l’Hôpital des Anglais, l’Hôtel
de Ville, le Vertbois, le Château de Fayenbois, le
Couvent des Ursulines, l’Hôtel de Solière et en
région, l’ancienne abbaye de la Paix-Dieu
notamment qui est sans aucun doute un cas
d’école.
Le Centre de formation de l’Institut du
Patrimoine wallon
La restauration et la réaffectation de l’ancienne
abbaye de la Paix-Dieu en un Centre de
formation et de perfectionnement aux métiers
du Patrimoine conjugue en un même lieu une
réaffectation réussie sur le territoire de l’ancienne
Principauté de Liège et la mise en place de
formations indispensables à la valorisation de
nos édifices classés en Wallonie. Fondée vers
Liège, un paysage urbain historique
La région liégeoise est riche d’un passé
remarquable. Par strates successives, les
populations ont construit un paysage urbain
historique qui s’est étendu jusque dans les
campagnes de l’ancienne Principauté. A partir du
XIe siècle, la région liégeoise a connu un essor
129
1240, l’abbaye de la Paix-Dieu a abrité une
communauté de cisterciennes jusqu’à la
révolution liégeoise au XVIIIe siècle. A cette
époque, l’abbaye fut vendue et réaffectée en
exploitation agricole. Puis, au XIXe siècle, de
nombreuses destructions furent entreprises et
une distillerie fut même mise en fonctionnement
dans les deux ailes principales, ce qui provoqua
la destruction de nombreux murs intérieurs.
L’inoccupation des lieux ensuite, et les
intempéries provoquèrent la détérioration
progressive de l’édifice, faute de réaffectation
cohérente. C’est en 1995 que la Wallonie décida
d’y créer un Centre de formation et de
perfectionnement aux métiers du Patrimoine.
L’objectif était double. D’une part, de restaurer
l’édifice pour y installer un établissement
pédagogique spécialisé dans le Patrimoine.
D’autre part, que cet ouvrage devienne un
support pédagogique en soi afin d’y réaliser des
formations et des chantiers-écoles notamment.
C’est ainsi que divers stages pratiques sur site
virent le jour comme ceux de la restauration de
la charpenterie du colombier et du clocher de
l’abbatiale ou des maçonneries de la tour d’angle.
Cette démarche de formation vise à permettre
aux étudiants et professionnels d’être en contact
direct avec les gestes du métier et avec les
pathologies souvent complexes des édifices
classés.
Les formations longues ne sont pas en reste
puisque depuis 2008, sous l’impulsion de l’IPW,
les trois académies universitaires francophones
de Belgique se sont associées pour créer un
master complémentaire de deux années en
conservation et restauration du patrimoine
culturel immobilier à destination des
universitaires. D’autres formations à destination
des entrepreneurs sont également mises en place
pour préparer les conducteurs de travaux aux
spécificités des chantiers de restauration. Cette
diversité de l’offre des formations permet de
toucher l’ensemble de la filière et des acteurs du
secteur. La création de nouveaux centres de
formation au sein même des paysages
historiques de la Francophonie est sans aucun
doute une opportunité pour permettre de
conserver et de préserver le Patrimoine tout en
créant des emplois locaux via la certification des
compétences.
DRAFT
Les missions du Centre sont de préserver et de
transmettre les savoirs et les savoir-faire dans les
métiers du Patrimoine. De nombreuses activités
de sensibilisation, de formation et d’information
sont organisées et dispensées à un public large et
diversifié allant des plus jeunes au travers de
classes thématiques auxquelles à titre d’exemple,
plus de 1600 élèves ont participé en 2013,
jusqu’aux professionnels, plus de 650
participants en 2013 répartis dans une
septantaine de stages de perfectionnement de
trois à sept jours. De nombreuses formations
sont également dispensées en dehors du Centre
notamment aux agents communaux pour leur
permettre d’entretenir et de maintenir le
Patrimoine de leur commune.
Les Journées du Patrimoine
Le Centre des métiers du Patrimoine de l’Institut
du Patrimoine wallon abrite également le
secrétariat des Journées du Patrimoine de
Wallonie qui se consacre chaque année à une
thématique particulière pour permettre à un
public le plus large possible de redécouvrir son
Patrimoine, fruit de l’Histoire de ses ancêtres. Si
ces thèmes prennent parfois la forme de cassetête pour les organisateurs, ils permettent
néanmoins de mettre en valeur toutes les facettes
d’un riche Patrimoine et complètent cette
valorisation par des aspects plus humains :
artisans,
écrivains,
artistes,
personnages
célèbres… qui redonnent ainsi vie et conscience
aux pierres et aux sites.
Depuis vingt-cinq ans, par sa législation, ses
règlementations, ses subventions, la Wallonie a
puissamment encouragé le respect, la
valorisation et la restauration de ce Patrimoine
commun. Mais plus encore que les pouvoirs
publics, ce sont les citoyens qui se sont pris
d’engouement pour la préservation du
patrimoine. Le succès annuel des Journées en
témoigne. Vingt millions de visiteurs en Europe,
400.000 en Wallonie… Aucune autre
manifestation ne peut se vanter d’un tel succès
sur un week-end. Des milliers de bénévoles
chaque année s’évertuent à présenter au grand
public les lieux et les monuments qu’ils
chérissent et protègent comme leurs biens
propres. En témoignent aussi les protestations et
manifestations populaires que suscite toute
menace détectée sur un monument ou sur un
A l’international, le Centre collabore à des
projets à Port-au-Prince en Haïti, à Gorée au
Sénégal, à Santiago de Cuba, à Bethléem et
Ramallah en Palestine et en a mené
précédemment à la Vieille Havane à Cuba, à
Phuoc Tich au Vietnam et à Birzeit en Palestine
et à Saint-Louis du Sénégal.
130
site considéré comme élément constitutif d’une
succession à préserver.
À force d’encourager la valorisation de cet
héritage culturel, les États réalisent une œuvre
pédagogique majeure : nos concitoyens se sont
approprié pleinement ces témoignages inscrits
dans la pierre ou dans le paysage historique. Les
monuments, les sites, les vestiges, les fouilles…
sont un moyen d’appréhender les valeurs et la
culture tissée au fil des siècles.
En définitive, il s’agit là d’une véritable fierté
pour les associations, bénévoles, pouvoirs
publics, équipe coordinatrice des Journées de
participer avec enthousiasme à une action qui est
menée de front dans cinquante pays européens
actuellement. L’objectif est de rapprocher les
citoyens pour qu’ils vivent en harmonie même
s’ils sont différents par la langue et la culture.
Les restaurations entreprises ces deux dernières
décennies en région liégeoise s’inscrivent à la fois
dans le continuum matériel du paysage urbain
historique qui s’adapte aux exigences
contemporaines et aux changements socioculturels mais aussi dans le continuum immatériel de
la conservation et de la transmission des savoirs
et savoir-faire. Les réaffectations de certains
édifices classés et particulièrement, celle de
l’ancienne abbaye de la Paix-Dieu pour y créer
un Centre des métiers du Patrimoine en sont
peut-être une synthèse. La création de nouveaux
centres de formation au sein même des paysages
historiques de la Francophonie est sans aucun
doute une opportunité de faire converger
conservation du Patrimoine matériel et
immatériel. Les Journées du Patrimoine
constituent quant à elles, un moyen de
sensibilisation puissant porté conjointement par
la Société civile et les Pouvoirs publics et qui
mériteraient indéniablement un développement
plus grand encore dans l’ensemble de l’espace
francophone.
DRAFT
131
Daophet BOUAPHA
Directeur général du Comité de Recherche et de
Promotion des Fonds de Développement de la
Ville de Vientiane. , Laos
M
sensibilisation à la formation d’élu et
technicien.
onsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis, Je souhaite tout d’abord
vous dire à quel point, je suis heureux, avec mon
collègue de me trouver ici, ville de Dakar. Je
veux
adresser
nos
remerciements
et
reconnaissances
sincères
au
comité
d’organisation de la conférence » Villes en
développement et Patrimoine ».
Je veux partager quelques informations sur
Vientiane Capitale (LaoPDR), ville se situe
géographiquement très important à l’Asie du Sud
d’Est spécialement de l’ASAEAN. Vientiane
Capitale est situer et étalement lié à l’existence
du Mékong, potentiel de développement
économique, social, culturel, touristique et
symbolique pour les différents composants de la
population. Vientiane a été hôte en 2013 «
colloque scientifique sur le thème : Le
patrimoine urbain, sa protection et sa mise en
valeur ».
Ces deux directives nous reflètent bien des
résultats concrets sur les études des cas
« valorisation du patrimoine historique de
LuangPrabang ».
LuangPrabang est ainsi devenue, au fil des
années,
par
sa
richesse
patrimoniale
exceptionnelle, passant de 35.000 visiteurs en
1995 à 600.000 en 2013.
DRAFT
Vientiane est aujourd’hui confronté aussi bien à
son passé qu’à son avenir. Cette confrontation,
visible dans les mutations et de son usage, est
également mise en relief dans les politiques, les
stratégies de développement de gestions
urbaines. Donc en résumé : nous devrons
considérer 3 points inputs tel que :
A partir de ces événements importants, les
différents colloques qui ont organisé dans le
continent d’Asie tel que : 2007- à Hué (Vietnam)
sur « les villes, patrimoine et développement
local. 2014- Vientiane capitale a signé «
Déclaration de l’intention de l’AIMF et nous
convaincus et solidaires sur un axe
d’intervention majeur pour l’AIMF sur les deux
axes d’intervention du réseau international des
maires francophones tels que :
Maintenant sur l’étude du cas de Vientiane
Capital : « Vientiane, d’une ville complètement
anéantic pendant les trois quarts du 19eme siècle à
une ville qui serait de ses cendres avec les faits
coloniaux en passant par les grandes expansions
des années 1960, le statuquo des années 19751986, la reprise des années 1995 et la
transformation accélérée à partir des années
2000 ».
La mise en place d’une réflexion sur le
rôle, les responsabilités et les moyens
d’interventions des élus dans ce
domaine, qui est lié directement aux
questions de développement social,
culturel et économique local.
La réalisation de projets concrets de
sauvegarde, préservation et gestion du
patrimoine, qui vont de l’intervention
ponctuelle sur les bâtiments historiques
symboliques, à l’appui à la production
de documents d’urbanisme intègrent la
dimension patrimoniale à la production
d’outils de connaissance et de
La prise en compte du patrimoine
comme outil économique (élimination
de la pauvreté en 2015- sortie de la liste
des pays du sous- développement en
2020 selon l’objectif de MDG).
Intensifie sur l’élaboration de la
programmation et du cahier des charges
du Vientiane Capitale.
Renforcer le rôle « d’accompagnateur »,
« Public-Privé »
et
d’assistance
internationale de l’AIMF et ses
partenaires.
Au nom de la délégation lao, j’aimerais souhaiter
beaucoup de succès pour notre conférence.
Merci de votre attention.
132
Paysages urbains et sites culturels : étude du patrimoine culturel
menacé de Bamako et environs
Daouda KEITA
Professeur à la Faculté d’Histoire et de
Géographie de l’Université des Sciences Sociales
de Gestion de Bamako, membre de l’équipe de
recherche « étude de sauvegarde du patrimoine
culturel menacé de Bamako et environs», Mali
Mamadi DEMBELE
Directeur de Recherche à Institut des Sciences
Humaines de Bamako ; responsable du
Programme « étude de sauvegarde du patrimoine
culturel menacé », Mali
S
itué au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le
Mali est une terre de vieilles civilisations de
la préhistoire à l’époque contemporaine en
passant naturellement par la protohistoire et
surtout les grands empires soudanais. Les
vestiges issus de ces différentes civilisations (sites
archéologiques, monuments, lieux de culte et de
mémoire, rites, fêtes traditionnelles) rythment
encore de nos jours la vie des différentes
communautés. Le petit village de Bamako à
l’origine, devenu en 1908 la capitale de la colonie
française du Haut-Sénégal-Niger, ne fait pas
exception.
préjudice à l’intégrité physique de nombreux
sites relevant du patrimoine historique.
DRAFT
L’occupation coloniale de Bamako, avec ses
commerces et services favorisera l’arrivée
massive de populations venant de divers
horizons. La migration massive des populations
rurales en direction des villes, en particulier
Bamako s’est accrue à la fin des années 1970
suite à un cycle de sécheresses endémiques dans
la bande soudano-sahélienne. Cette période a
coïncidé avec le démarrage d’un vaste projet de
lotissement concernant Bamako et certains
quartiers périphériques, consécutif à une forte
pression démographique. Dans le District de
Bamako, les nouvelles municipalités mises en
place à la faveur de la politique de
la
décentralisation (1996) ont poursuivi la même
politique. Les nombreux villages périphériques
ne relevant pas territorialement du District de
Bamako, sont devenus en quelques années des
quartiers résidentiels. Les attributions des
parcelles sous forme de concessions rurales ou
de lots à usage d’habitation ont rarement tenu
compte de la dimension culturelle. Ces travaux,
effectués sans la prise en compte de mesures de
protection du patrimoine culturel ont porté
Objectifs de l’étude
Face à l’urbanisation rapide et spectaculaire de la
ville de Bamako, et les menaces qui pèsent sur
l’environnement en général et les sites culturels
en particulier, et alerté par les populations
soucieuses de protéger le patrimoine culturel et
naturel de leurs localités, l’Institut des Sciences
Humaines de Bamako a initié en 2005 le projet
« étude de sauvegarde du patrimoine culturel
menacé de Bamako et environs ». L’objectif de
cette étude est d’inventorier les sites culturels de
Bamako et de ses environs immédiats, faire l’état
des lieux afin de proposer aux différents acteurs,
les municipalités essentiellement des mesures de
conservation, de valorisation, et le cas échéant de
sauvetage là où cela s’avère nécessaire.
Méthodologie
L’étude a été réalisée en deux phases :
La première phase, celle de terrain s’est déroulée
essentiellement dans les anciens villages, devenus
des quartiers. Elle a consisté à organiser des
entretiens avec les populations des localités afin
de mieux reconstituer l’histoire du peuplement.
Ces entretiens étaient libres et se sont déroulés
individuellement ou en groupes avec les
personnes ressources du quartier. Au cours des
entretiens, des questions ont été posées sur
l’histoire de l’occupation du sol, les toponymes,
les patronymes, les lieux de culte, la présence ou
non de monuments historiques, de sites
archéologiques et d’infrastructures culturelles
dans le périmètre concerné et ses environs.
133
L’inventaire des sites culturels constitue la
seconde étape de la phase de terrain. Il s’agit de
se rendre sur chacun des sites signalés en
compagnie des représentants de la communauté
pour procéder d’abord à leur identification et
ensuite à leur enregistrement. A ce niveau,
l’accent est mis sur l’état de conservation des
sites, afin de mesurer leur état de dégradation ou
de protection, Il s’agit de voir également s’ils
occupent toujours une place dans la vie
quotidienne des populations, si ces éléments du
patrimoine culturel sont fonctionnels et surtout
de savoir si les populations y sont encore
rattachées. Naturellement les coordonnées
géographiques des sites recensés ont été
enregistrées à l’aide d’un GPS. De même une
documentation photographique a été réalisée.
La seconde phase a consisté à établir un tableau
récapitulatif des informations recueillies sur le
terrain (cf. tableau). Il s’agit fondamentalement
de faire la typologie des sites culturels
inventoriés en insistant sur leur fonction et leur
état de conservation en précisant l’impact de
l’urbanisation sur les sites. En réalisant ce
tableau, on peut également savoir si le site est
vivant, abandonné ou s’il reste encore présent
dans la mémoire collective. Tous les sites
enregistrés sont placés sur une carte, ce qui
donnera une vision d’ensemble de leur
distribution dans l’espace.
populations actuelles et ces sites, ce qui explique
qu’ils soient les plus mal conservés. L’exemple
type ici concerne les ateliers préhistoriques de
Mangnambougou, dans la périphérie Est de la
capitale. Les populations actuelles ne connaissent
rien de ces ateliers de production d’outils
préhistoriques en dolorite, remontant à près de
6000 ans avant notre ère (Fig. 2). Il en est de
même pour les autorités qui ont procédé au
lotissement du secteur dans les années 1970.
C’est ainsi que de nos jours, la problématique de
la protection de ces vestiges multiséculaires
d’envergure internationale, se trouve au cœur des
préoccupations des autorités politiques et
administratives du pays.
DRAFT
Résultats
L’inventaire des sites culturels a permis de
recenser 119 sites répartis en quatre (4)
catégories.
Les sites archéologiques : Ils regroupent
l’ensemble des vestiges liés à l’occupation et à
l’activité humaine. Ce sont les sites d’habitat, les
structures de réduction du fer (bas fourneaux et
amoncellements de scories), les monuments
funéraires (hypogées) et les sites préhistoriques
(ateliers préhistoriques de Magambougou).
Notons que ces sites ont été peu ou pas du tout
étudiés. Rappelons qu’en l’absence de sources
écrites, la tradition orale fournit très peu
d’information sur les sites archéologiques,
témoins matériels de la présence humaine. On a
fait le constat que les populations restent peu
rattachées à ces sites malgré leur importance
dans la reconstitution de l’histoire de la localité.
Ceci s’explique par le fait que l’abandon des sites
archéologiques est, semble-t-il, antérieur à
l’occupation humaine relativement récente de
ces localités. Il n’existe pas de liens entre les
Les lieux historiques : Ils sont matérialisés par les
édifices, les monuments, les ouvrages coloniaux
ainsi que les lieux rappelant la résistance à la
pénétration coloniale. Ce sont les bâtiments et
ouvrages tels que les ponts et barrages coloniaux
(Fig. : 3), la place du woyowayanko (champ de la
bataille entre les troupes de l’Almamy Samory
Touré, Empereur du Wassoulou et celles des
français pour la conquête de Bamako à la fin du
XIX ème siècle), les vestibules, places publiques,
etc. Une bonne partie de la population
singulièrement celle du troisième âge et
curieusement une proportion importante des
jeunes restent rattachées à cet héritage colonial.
A titre d’illustration, dans les années 1990
lorsque la Présidence de la République avait
souhaité rapatrier à Bamako, la statue dédié à
Archinard89 alors entreposée à Ségou, les jeunes
de la localité se sont opposés à cette déportation.
Ils ont estimé que le monument appartient à la
ville de Ségou, et d’ailleurs il est érigé dans cette
ville. Quelques bâtiments ou places se rapportant
à cette catégorie ont été classés par le Ministère
de la Culture sur la liste du patrimoine national à
cause de leur valeur historique. Cet acte traduit la
volonté des autorités de protéger et de valoriser
ces monuments.
Les lieux de mémoire : Ce sont des édifices,
ouvrages, espaces ou lieux à forte charge
historique ou symbolique. Parmi ces lieux de
mémoire, on peut citer des points d’eau,
vestibules, cimetières, places publiques, etc. Les
populations restent encore intimement liées à ces
sites, qui rappellent des évènements importants
de la vie dans leur localité.
89 Louis Archinard : Général français vainqueur d’Amadou
de Ségou (Royaume toucouleur (1893) et de Samory Touré
(Empereur du Wassoulou) (1891), Ce qui ouvrit la voie à la
pénétration coloniale.
134
Les lieux de culte : Ce sont des espaces dédiés
aux religions traditionnelles et aux sociétés
secrètes. Ils sont représentés par des bois sacrés,
des arbres et des pierres sacrés, des
sanctuaires. Ces espaces s’intègrent parfaitement
dans l’environnement naturel et se distinguent
par leur caractère sacré, qui leur confère une
protection systématique. Ils sont toujours
préservés et même les travaux d’urbanisation
respectent en général leur inviolabilité.
Cependant le développement des religions
monothéistes en particulier l’islam a de plus en
plus une incidence négative sur ce patrimoine.
Toutefois une certaine proportion de la
population reste encore rattachée à ces espaces
dont certains demeurent fonctionnels même de
nos jours. C’est par exemple le cas du culte du
« komo90 » à Gouana dans la banlieue sud de la
capitale. Chaque année, en début d’hivernage,
une grande fête dédiée au « komo » est organisée
par la confrérie des chasseurs dont la plupart des
membres sont aussi sociétaires de ce culte, qui
demeure. Cette fête est l’une des fêtes
traditionnelles du genre à avoir survécu aux
soubresauts liés aux mutations du XXI ème
siècle. Mais pour combien de temps encore. En
tout cas, les signes annonciateurs ne manquent
pas. Le bois sacré, abri du sanctuaire du fétiche
protecteur, fait l’objet d’une forte pression de la
part des populations voisines.
-
-
Finalité
- impliquer les populations dans toutes les
activités se rapportant au patrimoine
culturel ;
- impliquer d’avantage les médias, en
particulier les radios et surtout les
-
-
DRAFT
Malheureusement ce riche patrimoine dans bien
des cas multiséculaire est soumis de nos jours à
une forte pression, qui menace dangereusement
son existence. Parmi ces pressions on peut
citer l’explosion démographique, l’occupation
anarchique de l’espace, le non-respect des
mesures
législatives
et
règlementaires
notamment le décret relatif à l’étude d’impact
environnemental et social, la méconnaissance
des sites culturels à travers leurs dimensions
historique et culturelle. Il devient par conséquent
urgent de prendre des mesures de sauvegarde de
ces sites avant qu’ils ne disparaissent
définitivement. Il s’agira essentiellement de :
-
-
des sites sur la notion du patrimoine
culturel en milieu urbain ainsi que la
nécessité de le protéger ;
tenir compte dans l’élaboration des
plans d’urbanisation de l’inviolabilité des
sites culturels ;
insérer dans les programmes scolaires,
l’éducation au patrimoine culturel ;
procéder à l’inventaire des sites culturels
et vulgariser les informations recueillies
(dépliants, brochures, affiches, spots
publicitaires, magasines) ;
sensibiliser, informer et éduquer les
autorités municipales et les populations
« komo » : redoutable fétiche d’origine mandingue
entretenu par une société secrète ayant comme vocation la
protection de la communauté contre les esprits malveillant.
90
135
chaines télé dans les reportages et même
des activités de sponsoring concernant
le patrimoine culturel ;
prendre des mesures de protection et de
revalorisation des sites culturels en vue
de leur « rentabilisation » sur le plan
touristique et leur appropriation par les
populations.
L’inventaire a révélé la richesse et la diversité du
patrimoine culturel de Bamako et ses environs.
Les sites culturels recensés, tout en reconstituant
un pan de l’histoire de la ville ainsi que des
aspects de la vie spirituelle, restent indissociables
du paysage urbain. Ils en constituent d’ailleurs
les premiers éléments et demeurent les seuls
indices visibles d’une occupation humaine très
ancienne. Ils reflètent les différentes faces de la
société pour laquelle ils ont été confectionnés.
L’inventaire a également révélé le peu d’intérêt
des autorités municipales par rapport à la gestion
des sites culturels, dont la plupart n’ont pas fait
l’objet d’un bornage. Les sites culturels ne sont
toujours pas pris en compte dans le Programme
de développement social économique et culturel
(Pdsec) des communes du District, maillon
essentiel du grand chantier de la sensibilisation
en vigueur dans notre pays.
Tableau : Inventaire des sites Archéologiques, lieux de culte et de mémoire de deux villages des environs
de Bamako
Villages/qu
artier
Nom du site
Nature
site
Komotou
Bosquet sacré
Muso yiri
Arbre sacré
des femmes
Arbre
(figuier) sacré
Site
refuge
(galerie
souterraine)
Site
archéologique
2007
Puits creusé
dans
le
rocher
Monolithe
(pierre
sacrée)
Bosquet sacré
2007
Pierre sacrée
2008
Puits sacré
2008
Chambre
funéraire
Site
archéologique
2008
Gouana
N’zèrè yiri
Souroukoutou
(bosquet aux
hyènes)
Sites
de
réductions du
fer
Fara kolon
Sirakoro – méguétanna
Farani
Komotu
Pierre levée
de Kodjou
Kolomba
(grand puits)
Hypogée
Site d’habitat
de Tomoni
du
Année
de
recon.
2007
2007
2007
2007
Coord.GPS
Typologie
X 608137Y 1382925
X 608046Y 1383789
X 608932Y 1383404
X 608028Y 1379624
Lieu de
culte
Lieu de
culte
Lieu de
culte
Lieu de
mémoire
X 608754Y 1379914
Lieu
historique
Etat de
conserv.
Observations
Bien
Fonctionnel
Bien
Mauvais
Menacé par
l’urbanisation
Abandonné
H : 4km
Bien
Abandonné
D : 5 à 6m
mauvais
Détruit
mauvais
Abandonné
Très
bien
Fonctionnel
Assez
bien
mauvais
Abandonné
Mauvais
Abandonné
Mauvais
Abandonné
Mauvais
Abandonné
Lieu de
mémoire
2008
X 618111
Y 1389171
Lieu
culte
2008
X 617832
Y 1389220
X 619634
Y 1388956
X 617964
Y 1388949
X 618730
Y1388236
X 618899
Y 1388914
Lieu de
culte
Lieu de
culte
Lieu de
mémoire
Lieu
historique
Lieu
historique
2008
Dimensions
DRAFT
Bibliographie sommaire
Bamako (Mali) Guide, 2010 : Afrikonmex
Editions, :220 p.
Dembélé M.et al., 2005-2013 : Etude des sites
culturels menacés In. Rapports pluriannuels ISH,
documents non publiés.
Gouvernorat du District de Bamako, Mission
française de coopération, 1994 : Monographie du
District de Bamako, 185 p.
Ministère de la culture du Mali .2005 : Carte
Culturelle du Mali : esquisse d’un inventaire du
patrimoine culturel national. Imprimcolor-Bamako,
135 p.
Raimbault M., Dembélé M. 1983 : Les ateliers
préhistoriques de Magnambougou (Bamako- Mali) ;
Bulletin de l’Institut Fondamentale d’Afrique
Noire, Tome 45, Série B, n° 3-4 pp.219-276.
Villien R. 1966 : Bamako, capitale du Mali ;
Bulletin de l’Institut Fondamental d’Afrique
Noire ; Série B, Sciences Humaines ; Tome 28,
N° 1-2, pp : 249-380.
136
de
L : 120cm
l : 26cm, E :
18cm
d : 3,40
Abandonné
L'expérience du réseau international des maires francophones
dans le domaine du patrimoine culturel
Arianna ARDESI
Conseillère projets urbains, Association
Internationale des Maires Francophone, France
L
la période 2010 / 2012 - ce qui représente plus
de 2 millions d’euros - contre 3.5% pour le
triennium précédent. Dans la mesure où le
réseau intervient toujours à la demande de ses
membres, cette évolution témoigne clairement
de l’intérêt accru des villes francophones pour la
mise en œuvre des projets de patrimoine
culturel.
a problématique du patrimoine urbain,
témoignage du passé et élément
identitaire, doit être appréhendée dans le
cadre d’une approche globale et politique, avec
une prise en compte des spécificités techniques
qui lui sont propres.
Longtemps considéré comme facteur de coût, le
patrimoine apparaît de plus en plus comme une
ressource
permettant
de
favoriser
le
développement économique et la cohésion
sociale.
Réfléchir et intervenir sur les zones historiques,
sur les espaces de mémoire, sur l’articulation
entre ancien et moderne, permet de se
positionner au cœur des questions de
développement urbain, territorial, économique et
social.
La collectivité locale constitue le niveau de
responsabilité politique légitime pour porter une
vision stratégique et un projet de territoire
partagé. Et dans le cadre du mouvement
généralisé de décentralisation, la réflexion sur le
patrimoine culturel et la diversité qu’il véhicule
est de plus en plus prise en compte par les
décideurs locaux. Il s’agit en effet d’une
thématique particulièrement pertinente à
l’échelle décisionnelle la plus proche des citoyens
et strictement liée aux questions de gouvernance
démocratique.
DRAFT
Le réseau international des maires francophones
s’inscrit dans cette optique et promeut cette
approche pour accompagner ses membres dans
l’exercice de leurs responsabilités. Dans cette
perspective, l'AIMF a engagé depuis plusieurs
années des initiatives sur le thème du patrimoine
urbain, traduites concrètement par deux axes
d’intervention :
La mise en place d’une réflexion sur le rôle,
responsabilités et outils d’intervention des
élus dans ce domaine.
La valorisation du patrimoine des villes, avec ses
répercussions en termes de développement
socio-économique et culturel durable, a été
abordée dès 1995 par l’AIMF dans son colloque
«La ville acteur du développement culturel».
Plusieurs projets et réunions autour de ce thème
ont mobilisé le réseau au cours des années
suivantes, le point marquant de ce programme
étant le colloque tenu en 2007 à Hué (Vietnam)
sur «Villes, patrimoine et développement local».
L’objectif de cette rencontre était de déterminer
une démarche reproductible, permettant de faire
du patrimoine un moteur du développement
urbain, mais également d’identifier quel peut être
le rôle des maires dans sa mise en valeur en lien
avec l’État, les professionnels, la société civile et
la société traditionnelle. Ce colloque a marqué le
début de la collaboration avec l’UNESCO et
celui de projets de patrimoine intégrés et
multinationaux.
Ainsi, entre 2010 et 2013, un important
programme de sensibilisation et de formation, à
l’attention d’élus et techniciens municipaux, a pu
être mené dans 6 pays d’Afrique francophone,
grâce, notamment, au soutien de l’Union
européenne.
Plus de 200 décideurs et techniciens municipaux
ont été sensibilisés et formés; Plus de 50 villes
d’Afrique francophone ont été mises en réseau;
Des outils de connaissance et pédagogiques ont
été produits et diffusés. Et les impacts au niveau
des collectivités locales impliquées ont été
probants :
Le co-financement et la réalisation, en
partenariat avec les villes membres, de
projets concrets de sauvegarde, préservation
et gestion du patrimoine.
Ces projets ont été particulièrement développés
dans les dernières années, pour atteindre près de
10% du budget d’investissement de l’AIMF sur
137
-
-
-
-
dans d'autres zones géographiques.
75% des collectivités locales (CL) ont,
pendant ou suite au programme,
réorganisé les services communaux
63% des élus participants ont, pendant
ou suite au programme, publié des
arrêtés municipaux en faveur du
patrimoine culturel
62% des CL ont prévu dans l’enveloppe
municipale des fonds spécifiquement
dédiés au patrimoine, 83% des autres
collectivités intègrent des financements
pour le patrimoine sur des lignes
budgétaires sectorielles
84% des CL ont initié, pendant ou suite
au programme, des projets dans le
domaine du patrimoine
Depuis cette rencontre, les efforts vers les villes
d'Afrique ont continués, notamment avec le
soutien de projets patrimoniaux à travers le
Fonds de Coopération et le lancement d'un
nouveau programme de sensibilisation /
formation, avec le soutien de l'Union
européenne : AfriCap2016. Parallèlement et dans
la même optique une initiative similaire, a été
lancée en 2014, en faveur des villes
francophones d'Asie du sud-est : Hanoi, Ho Chi
Ming, Hué, Phnom Penh, Kampot, Siem Reap,
Vientiane. A travers ces actions, l’AIMF souhaite
accompagner les villes de l’espace francophone à
s’emparer de la question patrimoniale et à
l’ancrer dans leur politique de développement
locale, en mettant particulièrement l'accent sur
les aspects de formation.
La méthode et l'approche développés en
concertation avec des professionnels du
patrimoine, des universitaires, des experts
ministériels, des élus et décideurs locaux, sont
une des richesses du réseau.
Un effort important doit dans ce sens être porté
à la sensibilisation des décideurs et à la
formation des cadres territoriaux, pour que le
binôme élus / technicien puisse être le plus
efficace possible sur le terrain et dans sa relation
avec les professionnels.
Les recommandations formulées par les maires
lors de l'atelier d'échanges organisé à l'occasion
de l'AG de l'AIMF à Abidjan, en novembre 2012
ont indiqué que cette richesse est à approfondir
et diffuser à l'intérieur du réseau, en Afrique et
DRAFT
138
CLOTURE
DRAFT
Dakar, Sénégal
©WALLONIE-BRUXELLES
139
Le grand témoin de la Conférence
Mamadou Jean-Charles TALL
Architecte D.P.L.G, Observateur, Sénégal
L
’intitulé du séminaire « Villes et
Patrimoines » est intéressant, mais peut
paraître réducteur. En effet, l’intérêt pour
le patrimoine en zone urbaine reflète, dans la
plupart des cas, un intérêt pour le seul
patrimoine colonial. Lors d’une enquête menée
par Annie JOUGA et moi-même à l’occasion du
centenaire de la Commune, il est apparu que
beaucoup de nos compatriotes ont parfois des
difficultés à considérer le patrimoine colonial
comme reflétant notre histoire. Il apparaît à
certains comme un témoignage de la période de
domination de notre peuple par un peuple
étranger – période, par excellence, de négation
de notre culture.
Or le Patrimoine doit être une instance dans
laquelle les populations se reconnaissent, en
particulier dans des situations où il est menacé
par des attaques de toute sorte. Un des enjeux
principaux de ce séminaire est de s’assurer de la
mobilisation d’une masse critique minimale pour
la défense du patrimoine. Il faut donc trouver
une stratégie pour ne pas « isoler » le patrimoine
urbain – essentiellement d’essence coloniale, du
reste du patrimoine national. Cela est
particulièrement vrai quand le patrimoine
colonial bénéficie de l’attention des anciennes
puissances coloniales, alors que très peu est fait
sur le patrimoine authentiquement autochtone.
DRAFT
passer du passé, comme socle de refondation
d’une identité commune. Malheureusement,
dans la plupart de nos pays, il n’existe pas de
véritable politique patrimoniale. Même si dans
certains cas, on publie de temps en temps, une
liste indicative du patrimoine national, l’Etat ne
protège pas, informe très peu, ne réhabilite pas.
La quasi-totalité des actions de défense du
patrimoine sont impulsées par la coopération
internationale. Or les pays amis qui interviennent
sur notre patrimoine ne devraient pas être les
socles de notre politique patrimoniale. Tout au
plus peuvent-ils nous assister. Encore faudrait-il
que nous ayons dit ce que nous voulons faire et
que nous ayons défini l’assistance dont nous
avons besoin. Aujourd’hui, la politique
patrimoniale, dans nos pays, se résume à la
sommation des différents « actions » menées, en
grande partie, grâce à l’aide internationale. Les
wolofs disent : « Celui qui te prête des yeux,
t’indique où tu dois regarder ».
La réappropriation de cette politique passe par la
mise en place de budgets pour la sauvegarde,
mais ce n’est pas l’action la plus importante. La
protection elle-même ne nécessite pas toujours
des budgets importants. Parfois, il s’agit
simplement d’un acte administratif. Il n’y a rien
d’onéreux et de compliqué à refuser une
autorisation de construire à quelqu’un qui veut
agresser le patrimoine- c’est à dire la mémoire
collective- sous prétexte d’investissement. Il est
important que nos autorités prennent conscience
que chaque attaque contre le patrimoine est une
attaque contre les bases mêmes de la
constitution de notre collectivité, de notre
conscience nationale. Toute complicité d’une
autorité quelconque avec les prédateurs qui
spéculent contre notre patrimoine est une
trahison de la collectivité. C’est un crime contre
la Nation. Au Sénégal, aujourd’hui, le corpus de
textes de protection ne suffit plus à décourager
des hauts fonctionnaires qui s’allient avec les
prédateurs contre le Patrimoine. C’est un
paradoxe dont les conséquences sont énormes.
Sans repère, impossible de construire une
Nation.
Le Peuple doit se reconnaître dans ces témoins
de son histoire quel que soit la charge émotive
qu’ils pourraient véhiculer. Tout comme
l’histoire, le Patrimoine ne doit donc pas être
fragmenté. Au contraire, il nous faut trouver des
liens qui reconstituent l’histoire comme un tout
traversé de ses contradictions, de ses
bégaiements.
Dans cette démarche, le rôle de l’Etat est
essentiel. Garant de l’unité nationale, l’Etat, à
travers ses structures se doit d’impulser une
véritable conscience nationale qui ne peut se
140
Nous sommes, cependant, obligés de reconnaître
que le Patrimoine, par lui-même, mobilise peu de
gens. La notion de masse critique minimale que
nous utilisons, signifie qu’il n’y a pas
suffisamment de Sénégalais qui soient
aujourd’hui indignés par une agression contre un
bâtiment classé, contre notre patrimoine naturel,
contre notre mémoire collective. Une de nos
priorités devrait être donc d’étudier les voies et
moyens de développer et renforcer cette
conscience collective.
culture, au même titre que la musique, les rites
religieux ou l’expression artistique. Cette
démarche est un point d’entrée pour la
mobilisation des populations.
Un autre aspect essentiel est de mettre en valeur
le potentiel économique attaché au patrimoine.
L’un des arguments des spéculateurs qui
agressent le patrimoine est souvent leur volonté
de « mise en valeur » d’un territoire, cette mise
en valeur étant, selon eux, indissociable de la
destruction de l’ancien « pour faire du neuf ».
Les autorités de nos pays ne voient pas dans le
patrimoine une richesse potentielle. Pourtant,
nombreux sont les exemples qui montrent
l’importance économique du patrimoine. Paris
est la capitale du tourisme également grâce à la
mise en valeur de son exceptionnel patrimoine
architectural. Chez nous, le patrimoine de SaintLouis est agressé par ceux-là même qui auraient
dû le protéger. Ministres, fonctionnaires,
décideurs. Ceux-là ne comprennent pas le
potentiel de création d’emplois et de richesses du
Patrimoine architectural.
L’enseignement et l’information sont une
dimension essentielle. Au Collège Universitaire
d’Architecture de Dakar, l’atelier de Patrimoine
Architectural est l’une des matières obligatoires
et pré-requises pour le passage en classe
supérieure. Les différents exercices menées par
Annie JOUGA et ses étudiants, nous ont permis
de comprendre qu’il est relativement facile de
mobiliser l’opinion publique, pour peu que l’on
arrive à montrer la relation entre la société
actuelle et ses fondements parmi lesquels le
patrimoine, comme témoin de notre histoire.
Cependant, l’enseignement du/au Patrimoine
doit également intégrer l’étude des savoir-faire et
techniques. Aujourd’hui la perte de savoir-faire
est incommensurable. Très peu d’études
approfondies ont été menées, notamment sur les
techniques traditionnelles de construction et
nous ne savons plus comment poser des enduits,
rejointoyer des pierres de latérite comme les
Bassari ou construire en adobe comme les Diola.
Nous n’avons plus la moindre conscience du
contenu scientifique de la construction des
palissades en paille que nous voyons dans nos
villages. C’est aussi l’un des enjeux de la
réappropriation du discours sur notre patrimoine
(sur nous-mêmes). Beaucoup d’études ont été
menées
à
partir
d’une
approche
anthropologique. Devons-nous nous en
contenter ?
DRAFT
A Kermel, à Rufisque, à Saint-Louis, Matam,
nous avons pu mesurer l’intérêt des populations
dès qu’on leur montre certaines clés permettant
de relier leur présent au passé de leur société.
Nos étudiants ont animé des séances d’initiation
dans des classes d’école primaire, ont mobilisé
les guérisseuses traditionnelles de Rufisque, des
artistes contemporains… autour du patrimoine
architectural. L’idée est de montrer que l’espace
est un témoin du développement de notre
141
Le dernier aspect concerne notre responsabilité
en tant que professionnels de l’architecture.
Nous sommes les premiers à enfermer le
patrimoine architectural dans ce que j’appellerai
le « ghetto de ceux qui savent » et qui
naturellement ne sont pas nombreux. Le
patrimoine ne doit pas être enfermé dans le
cercle stérile des spécialistes. Il est de la
responsabilité des spécialistes de sortir le
patrimoine de leur propre cercle s’ils veulent lui
assurer quelque chance de survie. C’est pourquoi
le séminaire « Villes et Patrimoine » ne doit pas
rester une rencontre de plus durant laquelle nous
nous sommes fait plaisir, nous avons rencontré
des grands spécialistes très engagés, nous avons
vu des expériences, mais dont l’énergie va se
diluer dès que nous serons sur le chemin du
retour. Ce séminaire, comme toutes les
rencontres sur le patrimoine, doit être un
moment d’action le long d’un très long chemin
vers la reconnaissance, la protection et
l’enrichissement du patrimoine architectural,
comme élément essentiel de l’ancrage et du
développement de nos sociétés.
Villes en développement : politiques de restauration et de
valorisation des paysages urbains historiques en Afrique et dans
l'espace francophone
Mme Penda MBOW
Représentante personnelle du Chef de l’Etat du
Sénégal auprès de l’Organisation internationale
de la Francophonie
M
enseignements à l’Université de Dakar sur
« l’architecture musulmane ».
esdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord féliciter les
autorités du Royaume de Belgique et
spécifiquement celles de Wallonie-Bruxelles,
l'UNESCO et l'AIMF qui ont permis de se
pencher sur la problématique de l'urbanisation
exponentielle des villes africaines, source
d'importants problèmes mais aussi d'un
changement de la structure sociale dans nos
pays.
La question du patrimoine m’intéresse à plus
d’un titre. Dans les années 80, j’eus comme
premier poste dans l’administration sénégalaise,
celui de conseillère culturelle à la Direction du
Patrimoine historique et ethnographique au sein
du Ministère de la Culture. Avec ma maîtrise en
Histoire, le Président Senghor ainsi que son
Ministre de la Culture de l’époque, le Professeur
Assane Seck me confièrent deux tâches :
Je profite de l’occasion pour déplorer le fait que
dans les plus grandes villes du monde
musulman, le patrimoine rare n’est pas bien
préservé en raison des conflits (Bagdad, Damas,
Tombouctou, Gao…) ou de travaux
destructeurs de Patrimoine (à la Mecque et
Médine)… avec la démolition des Bouddha de
Bamiyan, c’est le monde de la culture et du
patrimoine qui s’appauvrit.
DRAFT
Faire une étude sur la conservation des
objets en bois. Ce qui me donna
l’occasion de collaborer étroitement
avec le conservateur du musée de
l’IFAN de la Place Tascher (aujourd’hui
musée Théodore Monod de la place
Soweto) de l’époque, feu Bodiel Thiam.
Préparer la carte d’identité des sites et
monuments historiques du Sénégal. Les
fiches sont encore disponibles, à la
Direction du patrimoine. C’est cette
position qui conféra la possibilité de
préparer toute la campagne de
lancement de l’inscription de l’Ile de
Gorée au patrimoine mondial de
l’Humanité, en 1980.
Dans tous les Continents la ville est un puissant
facteur de transformation des mœurs, en général,
la ville dissocie les solidarités villageoises
traditionnelles, rend les liens familiaux plus
lâches, mais on remarque qu'en Afrique, le fil
n'est jamais complètement rompu entre le jeune
citadin et son lieu de naissance, non plus avec les
ainés qui l'ont précédé en ville. De nouveaux
liens se créent car l'entraide est nécessaire dans
ce milieu difficile. L'exemple des jeunes de la
Région de Diourbel qui montent à Dakar, et
trouvent sur place un système de relative prise en
charge, illustre ce fait.
D'après des études récentes, trois milliards de
personnes vivent en ville, soit un être humain sur
deux. L'exode rural en est la principale cause du
fait que la ville est considérée comme un lieu de
pouvoir, de production, une vitrine de richesses
multiples. La ville africaine génère une économie
informelle faisant vivre plus de 60% des actifs. Il
faudrait trouver le moyen d'organiser ce secteur
de l'économie pour qu'il soit profitable aussi bien
aux acteurs, en initiant des formations adéquates
selon les filières, et à l'Etat.
Mes autres centres d’intérêt pour le patrimoine,
en dehors de mes études d’historienne du Moyen
âge, sont liés à l’école d’architecture et
d’urbanisme de Dakar où je donnais des cours
avant sa suppression dans les années 90 et ma
collaboration avec l’architecte feu Decuper qui
intervenait de façon fort appropriée dans mes
Cet apport conséquent de populations venant de
l'intérieur du pays pose aussi le problème de
l'espace souvent occupé de façon illégale et créé
des dysfonctionnements tels que : l'insécurité
foncière, crise du logement, atteintes à
l'environnement, pollutions diverses. En effet,
l'urbanisation massive tend à placer l'individu au
142
centre du changement social en transformant ses
attitudes, ses pratiques et sa place dans la vie
sociale. La forte croissance de la population
citadine induit une exacerbation des problèmes
de la
cité : difficultés de transport,
assainissement,
évacuation
des
déchets,
occupation anarchique de l'espace, etc.
Tout ceci constitue un véritable défi pour les
dirigeants d'Afrique qui doivent définir des
schémas directeurs d'aménagement et des plans
de développement qui prennent en compte les
besoins des citadins en matière de services
essentiels de base : eau, assainissement,
électricité, accès aux soins, éducation, formation,
etc. Il leur faudrait aussi arriver à "réguler" et
"maîtriser" la croissance urbaine à la source, celle
de l'exode rural, par des politiques
d'aménagement du territoire renforçant les villes
moyennes afin de répartir l'expansion urbaine en
plusieurs points attractifs et ainsi, éviter le
développement macrocéphale des capitales.
En conclusion, les villes africaines sont espace
de vie et de survie qui apportent, actuellement
sans aucun doute, plus de bien-être que les
campagnes. Une politique hardie et forte
favorisant le maintien et le retour des jeunes
dans l'économie familiale des terroirs, pourrait
juguler l'attractivité exercée par les capitales.
Je vous remercie de votre aimable attention et
déclare close la conférence sur les villes et le
patrimoine.
DRAFT
143
Liste des participants
AIMF
Pierre BAILLET, Secrétaire
permanent
sp@aimf.asso.fr
www.aimf.asso.fr
Arianna ARDESI
Chargée de programme
a.ardesi@aimf.asso.fr
M. Yves DAUGE, Expert
AIMF,
Ancien sénateur et ancien
maire de Chinon
a.ardesi@aimf.asso.fr
ALGERIE
M. Ali BOUKEHA
Conseiller
diplomatiqueAmbassade
d’Algé rie
5, Rue Mermoz Plateau B.P.
3233 Dakar
mail@ambalgdakar.org
BENIN
M. Baba KEITA,
Directeur
Ecole
du
Patrimoine Africain
EPA, 01 BP 2205 PortoNovo, Bénin
bk@epa-prema.net
www.epa-prema.net
BURKINA FASO
M. Jean-Claude DIOMA
Directeur
général
du
Patrimoine Culturel
03 BP 7007 0UAGA 03
jeanclaudedioma@yahoo.fr
M. Stanislas Goungounga
Direction générale des études
et des statistiques sectorielles
goungoungastanislas@yahoo.
fr
CAMBODGE
Penh Trac Thaï SIENG
Vice-gouverneur de Phnom
Penh
a.ardesi@aimf.asso.fr
DRAFT
AUF
M. Jemaïel BEN BRAHIM,
Directeur régional
AUF Bureau régional de
Dakar
jemaiel.benbrahim@auf.org
Mme. Brigitte PARODI,
Administratrice générale
brigitte.parodi@auf.org
Belgique
SEM Johan Verkammen,
Ambassadeur de Belgique
Ambassade de Belgique
Route de la petite corniche
Est BP524 Dakar
Mme Sarah GASCARD
Conseiller
politique
et
économique
Ambassade de Belgique
sarah.gasquard@diplobel.fed.
be
CANADA
Ambassade du Canada
M.
Guy
Alexandre
BANVILLE
Rue Galliéni X Amadou
Cissé Dia B.P. 3373 Dakar
guy.banville@international.gc
.ca
CABO VERDE
Ambassade du Cabo Verde
SEM.
Francisco Peira DA VEIGA
Ambassadeur 33,
Boulevard Djily MbayeImmeuble Fahd
13ème étage BP 11269 Dakar
CONFEMEN
M. Ndiaga Diop
Représentant de M. Boureïma
KI
confemen@confemen.org
144
COTE D’IVOIRE
Maison du Patrimoine de
Grand Bassam en Côte
d’Ivoire
M. Sylvain TIEGBE
Directeur de la Maison du
Patrimoine de Grand Bassam
Côte d’Ivoire
tiegbesylvain@gmail.com
EGYPTE
M. Yannick BINYOU-BiHOMB
Université
Senghor
d’Alexandrie
1, Place Ahmed Orabi El
Mancheya
Egypte
bibihmy@yahoo.fr
Ambassade d’Egypte
M. Haitham ELASHMAWY
Conseiller
Chancellerie 22, Rue Brière
de l'Isle BP 474
amegydk@orange.sn
FRANCE
Jean-Claude THORET
Anthroprologue
Ancien Directeur de l’Ecole
d’Architecture
Paris
La
Villette
jcthoret@yahoo.fr
LAOS
M.
Aphisayadeth
INSISIENGMAY
Direction
Générale
de
l’Habitat et de l’Urbanisme
Directeur de division,
Conseiller du Ministre de
l’Urbanisme / AIMF Laos
Ministère
des
Travaux
Publics et des Transports
aphisayadeth@gmail.com
M. Daophet BOUAPHA
Directeur général du Comité
de
Recherche
et
de
Promotion
des fonds de développement
de la ville de Vientiane
daophet_b@yahoo.com
16, Léo Frobenuis Fann
Résidence
fatakilungele@yahoo.fr
Building Administratif
étage
sg.mculture@yahoo.fr
MALI
M. Lassana CISSE
Direction du patrimoine
culturel
Directeur
National
du
Patrimoine Culturel
BP: 91, Bamako Mali
lcissed@yahoo.fr
M. Joël IPARA MOTEMA
Professeur Associé,
Département
d'Anthropologie
Université de Kinshasa
joelipara27@gmail.com
M. Hamady Bocoum
Directeur du Patrimoine
culturel
Direction
du
Patrimoine culturel,
Ministère de la Culture et du
Patrimoine
3, rue Ngalandou Diouf
Dakar-Sénégal
hawab@hotmail.com
M. Daouda KEÏTA,
Archéologue-Préhistorien,
Maître-Assistant
Faculté
d’Histoire
et
Géographie de
L’Université des Sciences
Sociales et de Gestion de
Bamako
keitadaou@gmail.com
MAROC
M. Moncef FADILI
UN Habitat Maroc
Expert - Conseiller
monceyf.fadili@yahoo.fr
M. Félix NYEMBO
Directeur Coopération et
Patrimoine Ministère de la
Culture
felixnyembo@gmail.com
ROUMANIE
SEM
Ciprian MIHALI,
Ambassadeur de Roumanie
Point E, Rue A x 9A Dakar
B.P. 3171 ou 3212 Dakar
Mme.Catalina
PREDA,
Architecte
ICOMOS, Roumanie
preda.catalinadana@gmail.co
m
DRAFT
Mme Selma ZERHOUNI
Directrice
générale
AM
Architecture du Maroc
29 Bd Lalla Yacout
Casablanca
zerhouniselma@gmail.com
Mme Soumya JALAL
Architecte,
Trésorière
Association Casamémoire
zerhouniselma@gmail.com
M. Mohamed KHADOUR,
Conseiller culturel
Ambassade du Maroc
Avenue Cheikh Anta Diop
x Bourguiba - BP: 490 Dakar
med.khaddour@hotmail.com
RDC
SEM Nicolas Lungele
FATAKI
Ministre
plénipotentiaire,
Chargé d’affaires
Ambassade de la République
Démocratique du Congo
M. Gheorghe PATRASCU
Architecte en chef
Ville de Bucarest
gheorghe.Patrascu@pmb.ro
Mme Daniela CALCIU
Enseignante
Université d'Architecture et
Urbanisme "Ion Mincu"
Bucarest
danielacalciu@yahoo.com
SENEGAL
Ministère de la Culture et du
Patrimoine
SEM Abdoul Aziz Mbaye
Ministre de la Culture,
du Patrimoine et de la
Francophonie
Building Administratif 3e
étage pièce 338
www.culture.gouv.sn
M. Birane NIANG
Secrétaire général
Ministère de la Culture et du
Patrimoine
145
3e
M. Aziz GUISSE
Direction du patrimoine
culturel
3, rue Ngalandou Diouf
Dakar-Sénégal
abdaziz3155@gmail.com
M. Malick TIAW
Direction du patrimoine
culturel
3, rue Ngalandou Diouf
Dakar-Sénégal
thiaw_malick@yahoo.fr
M. Alfousseyni SOW
Direction du patrimoine
culturel
3, rue Ngalandou Diouf
Dakar-Sénégal
afsow@yahoo.fr
M. Abdoul Aziz DIOP,
Architecte chargé de projets
Direction de l’Urbanisme et
de l’Architecture
adiopsn@yahoo.fr
Mme Penda MBOW
Représentante personnelle du
chef de l’Etat à la
Francophonie
Présidence de la République
penda.mbow5@gmail.com
M. El Hadj Hamidou KASSE
Président Comité scientifique
XV°
Sommet
de
la
Francophonie
Présidence de la République
cskasse@gmail.com
hamidou.kasse@presidence.s
n
Mme Adja Wolette THIAM
Délégation générale pour
l'organisation
du
XVe
Sommet de la Francophonie
Complexe Sicap Point-E
Av. Cheikh Anta Diop x
Canal IV Bat C,
5ème
étage
Dakar
SENEGAL
adjavolette@gmail.com
M. Mamadou MANE
Comité scientifique XV°
Sommet de la Francophonie
Présidence de la République
manekundaze@yahoo.fr
Mme Henriette KANDE
Assistante du président
Comité scientifique XV°
Sommet de la Francophonie
Présidence de la République
comitescientifiquefrancophon
ie@gmail.com
M. Khalifa SALL
Maire Ville de Dakar
Hôtel de Ville, Bld Djily
Mbaye x Allées Robert
Delmas
khalifa.sall@villededakar.org
M. Yoro BA
Adjoint Maire de Dakar
Hôtel de Ville, Bld Djily
Mbaye x Allées Robert
Delmas
vydia.tamby@villededakar.or
g
M.
Abdoulaye
Elimane
KANE
Conseiller culturel du Maire
de Dakar
Ancien Ministre de la Culture
elkane31@hotmail.fr
M. Meïssa BEYE
Adjoint maire de Rufisque
Hôtel de Ville BD Maurice
Guèye BP 30
meissa.beye@gmail.com
M. Aly SINE
Doctorant en cotutelle
UGB, ULB
Directeur adjoint des services
techniques
Commune de Saint-Louis
sinealy@yahoo.fr
M.
Mansour
SOW
Commune de Gorée
Conseiller special du Maire de
Gorée
BP 18 Gorée
sowdeuxm@gmail.com
M. Fodé DIOP
Président
Ordre
des
Architectes
17 bld de la République BP
6375 Dakar-Sénégal
odas@orange.sn
M. Pathé GAYE
Directeur
du
Cabinet
d’Architecture
Ordre
des
Architectes
capathegaye@gmail.com
M. Etienne DIENE
Architecte DPLG Paris La
Villette
Ordre des Architectes
etiennediene@yahoo.fr
Mme Annie Jouga
Maire adjoint de Gorée
Chargée de cours
Collège d’architecture
Dakar
ajouga@orange.sn
de
M. Omar GUEYE
Professeur titulaire
Recteur deuxième université/
Dakar
Liberté 6 extension lot 10 –
3è étage
omar1gueye@hotmail.com
omargueye1@yahoo.fr
M. Alioune KANE
Université Cheikh Anta Diop
alioune.kane@ucad.edu.sn
M. Abdoul Sow
Enseignant-Chercheur
Civilisations, Religions, Arts
et Communication (CRAC)
Université Gaston Berger
Saint-Louis, Sénégal
sow_abdoul@hotmail.com
DRAFT
Mme Aïssatou DIAGNE
GUILLOT
Chargée des relations avec
l’UIA
l’UAA et les organismes
odas@orange.sn
M. Papa Dame THIAW
Architecte
M. Dominique PETOT
Architecte designer
Indépendant
petot@arc.sn
M. Jalal KASSIR
Architecte
Bureau
d’architecture
Emergence
jalalkassir@hotmail.fr
M. Jean-Charles Tall
Président
du
Collège
d’Architecture de Dakar
jctall@orange.sn
146
M. Ibrahim Bao
Enseignant-Chercheur
Sociologie des civilisations
rurales au Sénégal
Université Gaston Berger
Saint-Louis Sénégal
bao_ibrahima@yahoo.fr
bao_ibrahima@yahoo.frr
M. Xavier RICOU
Administrateur
Zone économique intégrée de
Dakar
APIX S.A.
xricou@apix.sn
M. Erwan Le Vigoureux
Association
Les
Petites
Pierres
Ouakam, Dakar, Sénégal
elevigoureux@afri-cart.com
mayavarichon@hotmail.com
Mme
Marie-Caroline
CAMARA
Présidente Association Entre
Vue, Saint-Louis, Sénégal
camara.mariec@yahoo.fr
Mme Sandrine CONTINI
Ingénieur et Urbaniste à
Thiès
scontini39@gmail.com
SUISSE
M. Philippe BEGUIN
Chargé d’affaires
Rue René Ndiaye x Seydou
Nourou Tall –
BP 1772 Dakar
philippe.beguin@eda.admin.c
h
TUNISIE
SEM Skander DENGUEZLI
Ambassadeur de Tunisie
Rue Alpha Hachemiyou
Nourou Tall BP: 3127 Dakar
at.dakar@orange.sn
M. Nizar FITOURI
1er Secrétaire
Ambassade de Tunisie
Rue Alpha Hachemiyou
Nourou Tall
BP: 3127 Dakar
nizarfitouri@gmail.com
M. Habib KAZDAGHLI,
Historien et Doyen
Faculté des Lettres, des Arts
et des Humanités
Université de Manouba
habib.kazdaghli@yahoo.fr
bk@epa-prema.net
M. Jellal ABDELKAFI
Association tunisienne des
urbanistes
Association de sauvegarde de
la Médina de Tunis
j.abdelkafi@planet.tn
www.asmtunis.com
UE
Mme Nawal MERABE
Merabet.nawal@yahoo.fr
UNESCO/BREDA
Mme Ann-Therese NdongJatta
Directrice
Route de Ngor
Enceinte
Hotel
Diarama
BP 3311
Dakar, Sénégal
Mme
Guiomar
CANO
Responsable du
Culture
alonso@unesco.org
Ngor
Alonso
secteur
M. David STEHL
Spécialiste de Programme
d.stehl@unesco.org
M. Amadou NDOYE
a.ndoye@unesco.org
Mme Khadiatou L. Almaz
CAMARA
Consultante/Culture
khadijalmaz@gmail.com
Mme Lucille GAUDIN
Culture
lucillegaudin@hotmail.com
WALLONIEBRUXELLES
M. Christian SAELENS
Délégué
Délégation
WallonieBruxelles à Dakar
14, Avenue des Jambaar
Dakar, Sénégal
c.saelens@walbru.sn
DRAFT
Rue Paix-Dieu, 1b 4540
Amay,
Belgique
v.duvigneaud@idpw.be
www.institutdupatrimoine.be
M. Freddy JORIS
Administrateur
général
Centre des métiers du
patrimoine « la Paix-Dieu »
Institut du Patrimoine wallon
Belgique
f.joris@idpw.be
M. William ANCION
Expert IPW
Ancien Ministre
Institut du Patrimoine Wallon
Centre des métiers du
patrimoine « la Paix-Dieu »
williamancion@hotmail.com
M. Georges PIRSON
Doyen
de
la
Faculté
d’Architecture, ULB
georges.pirson@ulb.ac.be
M. Francis METZGER
Vice-Doyen de la Faculté
d’Architecture, ULB,
Bureau d’Architecture
Place Flagey 19, 1050
Bruxelles
francis.metzger@ulb.ac.be
M. Mamadou KANE
Conseiller
Délégation
Wallonie-Bruxelles à Dakar
mamadou@walbru.sn
M. Yves ROBERT
Professeur d’histoire de l’art,
archéologie
Université Libre de Bruxelles
Place Eugène Flagey 19, B1050 Bruxelles
yrobert@ulb.ac.be
M. Sébastien RECLARU
Délégation
WallonieBruxelles à Dakar
sebastien.reclaru@gmail.com
M. Oswald DELLICOUR
Professeur d’architecture
Université Libre de Bruxelles
odellicour.archi@skynet.be
M. Vincent DUVIGNEAUD
Ingénieur
Architecte
et
Coordonnateur de projet
IPW
Institut du Patrimoine wallon
Centre des métiers du
patrimoine « la Paix-Dieu »
Mme Sarah Tassi
Faculté
d’Architecture
ULBtss.sara@gmail.com
147
Pierre HAZETTE
Ancien délégué
Wallonie-Bruxelles à Dakar
DRAFT
Arbre dans un quartier Lébou, Dakar-Plateau, 2014. Sénégal
©Wallonie-Bruxelles
148